Karima Messaoudi
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la 357 Janvier-février-mars 2009 pensée SOMMAIRE 3 Marché(s), société(s), histoire et devenir de l’humanité Antoine Casanova L’éCOLE 11 Penser et faire l’école Laurent Frajerman 13 L’école et la raison du marché Christian Laval 25 Critique du travail scolaire Anne Barrère 37 Les tensions de la pensée progressiste sur l’école Laurent Frajerman 51 Repenser l’institution et la culture scolaires Guy Coq 65 Injuste orientation et juste sélection Pierre Roche LE COURS DES IDÉES 75 Picasso et cie Jean-Pierre Jouffroy 81 Femmes d’Algérie entre décence et errance Karima Messaoudi CONFRONTATIONS 97 Capitalisme et esclavage à Cuba Rémy Herrera 109 La gauche et la pédagogie républicaine (1880-1950) Antoine Prost VIE DE LA RECHERCHE 125 Les professeurs et l’explosion scolaire Jérôme Deauvieau 135 Nouvelle analyse de l’échec scolaire Stéphane Bonnéry DOCUMENTS 147 Culture et humanités selon Paul Langevin 151 Face à l’échec scolaire en Val-de-Marne Alain Desmarest LIVRES 159 Comptes rendus par Yves Vargas, Jacques Couland, Françoise Hurstel, Jocelyne George, Jean George, Jean Broussal, Salim Mokkadem, Fabien Maury, Jean Magniadas, Arnaud Spire 175 Résumés, abstracts 179 Index alphabétique des auteurs 2008 Les Amis de la Pensée L’association Les Amis de la Pensée a été créée en 2003. Son objet, précisent ses statuts, est « le soutien multiforme » de notre revue. Les abonnés à la Pensée dont la fidélité en assure le maintien et le rayonnement peuvent y participer : – en faisant connaître la revue et en trouvant de nouveaux abonnés ; – en prenant contact avec les bibliothèques universitaires, les centres de documentation et d’information (CDI) des lycées et collèges, les bibliothèques municipales pour leur demander de s’abonner à la revue ; – en mettant en place un dépôt de la Pensée dans une librairie ; – en indiquant au secrétariat de la revue les noms et adresses de personnes, de bibliothécaires, de documentalistes, de libraires qui peuvent être sollicités. Il n’est certes pas indispensable d’adhérer aux Amis de la Pensée pour aider à sa promotion et à sa diffusion mais ce peut être un bon moyen. La cotisation annuelle est de 10 euros pour les abonnés, de 5 euros pour les étudiants et les chômeurs. Le siège social de l’association est : Les Amis de la Pensée, chez : M. Jean George, 48 rue Caulaincourt, 75018 Paris. Par téléphone : 01 60 04 43 31. Mme Michèle Gaberel, secrétaire générale. MARCHÉ(S), SOCIÉTÉ(S), HISTOIRE ET DEVENIR DE L’HUMANITÉ Antoine Casanova Nous publions l’allocution prononcée par le directeur de notre revue à l’ouverture du colloque international « Marché(s) société(s) histoire et devenir de l’humanité » qui s’est tenu les 13 et 14 novembre 2008 au Palais de l’UNESCO à Paris. Organisé par la Fondation Gabriel Péri, la Fondation Rosa Luxemburg et La Pensée, celui-ci était placé sous le patronage de l’UNESCO et le soutien du secteur des sciences sociales et humaines de l’UNESCO 1. e projet du présent colloque international « Marché(s), société(s), histoire et devenirL de l’humanité » s’est formé il y a un peu plus de deux ans, avec la préparation et la publication en juillet-septembre 2006 d’un dossier de La Pensée puis, surtout, dans le cadre du partenariat entre la Fondation Gabriel Péri, la Fondation Rosa Luxemburg et notre revue. Nous avons envisagé ce colloque dans une perspective d’approche transversale des processus, des problèmes, des élaborations qui ont trait aux rapports entre marché(s) et société(s) dans l’histoire passée et présente. Cela autour de chantiers de réalités et de questions tout à la fois différents mais, croyons-nous, inséparables, en raison des apports mutuellement éclairants qui peuvent en résulter pour une meilleure approche d’ensemble. Permettez-moi de les rappeler un moment : Premier chantier : contribuer à mieux éclairer et mieux connaître les caractéristiques historiques spécifiques des échanges marchands. Cela dans leurs rapports avec les différents 1. Les actes en seront disponibles à la Fondation Gabriel Péri à partir du mois de mai 2009. la pensée 357 5 Marché(s), société(s), histoire et devenir de l’humanité types de systèmes économiques, sociaux, politiques qui ont existé dans le mouvement historique des sociétés humaines. Deuxième chantier : s’attacher à mieux cerner des aspects majeurs des caractéristiques, des contradictions, des risques qui sont ceux des échanges marchands et du fonctionnement des marchés dans le cadre du capitalisme contemporain et de l’actuelle dominance (économique, sociale, politique) des milieux et des forces du capital financier. Troisième chantier : développer le partage des connaissances, des expériences, des problèmes qui, en leur complexe diversité, concernent des terrains, des espaces où se développent des luttes mais aussi des élaborations, et des expériences en actes. Cela dans la perspective d’une transformation qualitative profonde (économique, sociale, politique) des rapports sociaux, des échanges entre les peuples, y compris des rapports marchands, une perspective s’attaquant aux règles fondamentales du capitalisme actuel. caractÉRISTIQUES HISTORIQUES DES ÉCHANGES MARCHANDS Le premier chantier se situe dans une dimension de connaissance historique raisonnée et comparative, ainsi que je l’ai évoqué tout à l’heure. Nous rencontrons ici des questions en partie anciennes. Elles constituent cependant aussi, dans les dernières décennies, un champ en mouvement d’enjeux, de débats, de combats. Les intervenants les aborderont chacun sur son terrain et son mode précis et spécifique. Nous sommes confrontés à une thématique d’ensemble (dont les terrains et les champs ont des référents multiples) et qui s’est amplifiée de façon dominante depuis la fin du xxe siècle. Dans la perspective de cette thématique, les rapports marchands et les grands marchés seraient à la fois indépassables et consubstantiels à l’économie de toute société rationnellement et efficacement organisée. Soit « l’économie de marché » elle-même conçue, hors de l’étude et de la connaissance précise des contextes historiques (techniques, sociaux, économiques) où elle prend racine et consistance spécifique ; « l’économie de marché » fonctionne alors comme une matrice structurante, d’essence transcendantale mais dont le capitalisme contemporain avec la « concurrence libre et non faussée » serait l’image plénière. LA BRUME INDISTINCTE DE « L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ » Dans le cadre d’une telle approche, ce sont des réalités historiques immenses qui, avec leurs traits propres essentiels, s’évanouissent dans la brume indistincte de « l’économie de marché ». Il en va ainsi des processus, des contextes et des caractéristiques sociales, économiques, politiques, de l’émergence d’échanges marchands (avec monnaie, argent, prix, valeur marchande) tels qu’ils sont apparus d’abord dans le Proche-Orient ancien, il y a environ 5000 ans. Des échanges marchands diversifiés et élargis ont existé par la suite, selon des modes divers et, ultérieurement, dans les autres époques de l’Antiquité. 6 Antoine Casanova Autre donnée massive qui perd consistance dans cette brume, celles des conditions et des caractéristiques des réels et amples rapports marchands qui sont apparus et se sont développés au long des siècles (et y compris en des temps relativement proches), avec des contenus très variés dans le monde. Et cela dans le cadre de rapports sociaux de production et de systèmes sociaux et politiques qui n’étaient pas ceux du capitalisme. Il en va ainsi de fortes réalités, très amples, qui existaient du xvie au xixe siècle en Europe : celles des ventes sur des marchés élargis de denrées produites dans les domaines seigneuriaux, non pas sur la base du salariat, mais sur celle de structures sociales, économiques, et politiques tout autres, celles des transformations du servage en liaison avec l’extension zonale, européenne, globale (pour l’époque) des marchés. Cela était le cas par exemple de la vente des produits agricoles sur les marchés (y compris internationaux) en Europe centrale et orientale (et notamment par les seigneurs polonais) au xviiie siècle. Les recherches (notamment celle de Witold Kula) montrent que la production sur les domaines ne s’y effectuait pas, pour l’essentiel, sur la base du salariat, mais sur celle d’un type transformé de servage et de corvées des paysans. Les profits en monnaie y étaient élevés. Je pourrais aussi évoquer le cas (en partie différent du précédent) du développement, avant la Révolution, des profits en monnaie sur les marchés que réalisaient bien des seigneurs français à partir de la vente de produits en huile ou en farine, prélevés sur les paysans sur la base des privilèges économiques et politiques de contrôle (par les banalités) des engins de mouture et de pressurage. En France (mais aussi dans d’autres pays de Méditerranée) ces processus s’accompagnent du développement de contradictions, de plus en plus aiguës et inséparables, à la fois techniques, économiques et sociales. Cela est vrai au niveau de la conception des contenus de la rentabilité, entendus et envisagés de manière opposée, d’un côté par la noblesse et ses partenaires d’affaires, et de l’autre côté par les propriétaires paysans et par une large partie des entrepreneurs de la bourgeoisie ; cela est vrai aussi, et plus globalement, au niveau des intérêts des usagers, sur un terrain vital et sensible, celui de la qualité, de la quantité et des prix de subsistances en huile et en farine pour la population. En juillet 1787, dans un rapport au comité d’agriculture du Contrôle général des finances après la crise de 1785, Lavoisier souligne combien les privilèges aristocratiques des banalités seigneuriales « s’opposent à la perfection de la mouture » dont la nation a besoin. Une dizaine d’années avant, Pierre Boncerf, dans son célèbre livre Les inconvénients des droits féodaux, avait examiné les coûts et les effets nocifs, pour les peuples du royaume, de ces réalités. Ces processus sont par ailleurs marqués de crises économiques et sociales spécifiques, répétées et, à bien des égards, majeurs, fort différentes de celles du capitalisme industriel développé, les « crises d’ancien type » étudiées par Ernest Labrousse et d’autres chercheurs.