Le Moyen-Orient à l’heure nucléaire Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ?

Jeudi 28 janvier 2010 Ouverture ...... 3 Monsieur Gérard LARCHER, Président du Sénat...... 3 Josselin de ROHAN, Président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ...... 6

Panorama d’ensemble le croissant et la bombe...... 12 Robert MALLEY, Directeur du programme pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group de Washington et ancien assistant spécial du Président Bill Clinton pour les affaires arabes et israéliennes...... 12

Quelles sont les chances de réussir un dialogue avec l’Iran ? Table-ronde ...... 24 Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen- Orient ...... 24 Ladan BOROUMAND, Directrice de recherche, Fondation Abdorrahman Boroumand pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie en Iran...... 24 Anthony H. CORDESMAN, Conseiller au Center for Strategic and International Studies...... 28 Dr Mustafa ALANI, Directeur de recherche au Gulf Research Center, Dubaï...... 34 Bernard HOURCADE, Directeur de recherche au CNRS ...... 38

Quel avenir pour le peuple palestinien ? Table ronde ...... 46 Monique CERISIER-ben GUIGA, Sénatrice et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient...... 46 Muzna SHIHABI, Conseillère à l’unité de support des négociations de l’Autorité palestinienne, représentant Saeb Erekat – Chef de l’équipe ...... 48 Mike SINGH, Ira Weiner Fellow, The Washington Institute for Near East Policy ...... 53 Henry SIEGMAN, Directeur du US/Middle East Project et ancien directeur de recherche au Council on Foreign Relations...... 57 Yves AUBIN de LA MESSUZIERE, ancien Ambassadeur, ancien Directeur de la division Afrique et Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères et Président de la Mission laïque française ...... 60

Vendredi 29 janvier 2010 La renaissance de l’Irak ? Table ronde...... 67 Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen- Orient ...... 67 Boris BOILLON, ambassadeur de en Irak ...... 67 Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak...... 75 Masroor BARZANI, chef des services de renseignement du Parti démocratique kurde (KDP)...... 79

Où en est Al-Qaïda ? Table ronde ...... 89 Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient...... 89 Alain CHOUET, ancien chef du service renseignement de sécurité de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure...... 89 Jean-Pierre FILIU, Professeur, Chaire Moyen-Orient à l’Institut d’Études politiques de Paris ; professeur invité à Georgetown University ...... 95 François HEISBOURG, universitaire, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique ...... 100 2

Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ? Table ronde...... 110 Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen- Orient ...... 110 Jean-Dominique GIULIANI, Président de la Fondation Robert Schuman ...... 110 Dr Muriel ASSEBURG, Responsable du Département de recherche « Moyen-Orient et Afrique » à l’Institut allemand pour les Affaires internationales et de sécurité (SWP) ...... 116 Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House ...... 119

Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ? Clôture...... 132 Javier SOLANA MADAGARIA, Ancien Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et secrétaire général du Conseil de l’Union Européenne (UE) et de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO)...... 132 Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen- Orient ...... 137

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Jeudi 28 janvier 2010

Ouverture

Monsieur Gérard LARCHER, Président du Sénat – Monsieur le Président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cher Josselin de Rohan, Monsieur le Président de la Fondation Robert Schuman, cher Jean-Dominique Giuliani, Madame et Messieurs les Ministres, Madame et Messieurs les Ambassadeurs, mes chers collègues Sénateurs, Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d’ouvrir, cet après-midi, ces journées au Sénat qui vont être consacrées au Moyen-Orient.

Le Moyen-Orient, il faut bien le dire, est aujourd'hui le brasier du monde. Il est un enjeu majeur des relations internationales sur lequel, à l’initiative du Président Josselin de Rohan – je m’en réjouis – le Sénat a effectué ces derniers mois un travail tout à fait considérable.

Il m’importe bien évidemment de féliciter ceux qui sont à l’origine de ce colloque : notre Commission des affaires étrangères et la Fondation Robert Schuman.

Je veux également remercier et signifier mon admiration à nos deux collègues auteurs, au nom de la Commission des affaires étrangères, du rapport d’information qui est à l’origine de ces rencontres : le Président Jean François- Poncet et notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga. Après près d’une année de travail au cours de laquelle ils se sont rendus dans dix-sept pays, lors de voyages souvent éprouvants – je pense à Gaza en janvier 2009, dix jours après la fin de l’opération « Plomb durci » ou à Bagdad.

Ils ont publié en septembre dernier un rapport d’une qualité tout à fait exceptionnelle. Je tiens à leur rendre un hommage particulier ici car ils sont la démonstration de la qualité des travaux du Sénat et de la qualité des travaux de votre commission, M. le Président. Comme dans la parabole des talents, cet enrichissement va fructifier après ces deux journées.

Je voudrais – cela n’est pas l’usage – saluer également et associer à ces félicitations un conseiller des services du Sénat qui les a assistés dans cette tâche : Monsieur Frédéric Mauro.

J’ai souri, chers collègues, en lisant la phrase de votre rapport mise en exergue : « si vous avez compris quelque chose au Moyen-Orient, c’est sans doute qu’on vous a mal expliqué. »

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Vous refusez l’excuse de la complexité certes réelle de la situation au Moyen-Orient, qui conduit certains à ne proposer que des explications alambiquées à force de nuances ou de fausses subtilités. Votre rapport, précis et fouillé, éclaire bien des aspects de la situation politique au Moyen-Orient, remet les situations en perspective, précise leurs liens et leurs interactions et parvient à dire de façon simple des choses qui sont malgré tout complexes.

La complexité ne masque pas les questions majeures.

Enfin, votre rapport s’interroge sur la relation que cette région entretient avec l’Occident, avec l’Europe, avec la France. Il s’agit d’une question éminemment sensible, pour nous essentielle.

Dans cette région que l’un et l’autre connaissent de longue date, dont ils connaissaient déjà de nombreux acteurs politiques, le Président Jean François- Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga ont mené une réflexion de fond, n’hésitant pas à remettre en cause certaines idées reçues ou certaines vérités tenues définitivement pour acquises. Leur mission a été menée avec une très grande liberté intellectuelle, avec hauteur de vue. Je suis certain que vous écouterez leurs principales conclusions avec beaucoup d’attention.

Ensuite, vos tables-rondes, aujourd'hui et demain, croiseront les regards de spécialistes venus de différents horizons sur ces horizons passionnants, sur ces questions parfois passionnelles, qui déterminent plus qu’on ne le croit notre propre avenir. Je ne pense pas uniquement aux risques terroristes en disant cela, mais bien plus largement au nécessaire équilibre entre les régions du monde.

Je ne vais pas aborder directement les sujets dont vous allez débattre et dont vous êtes tous, ici, des spécialistes reconnus. Je veux brièvement vous dire pourquoi ce sujet retient autant mon attention et pourquoi je considère que le Sénat est pleinement dans son rôle en organisant un tel colloque.

Qu’est-ce qu’un rapport parlementaire ? C’est une aide à la décision. En aucun cas, il ne prétend s’y substituer. C’est d’ailleurs à l’exécutif qu’il appartient, sous l’autorité du Président de la République, de déterminer et de conduire la politique extérieure de notre pays. En tous les cas, avec mes racines gaullistes, je suis profondément attaché au respect des missions régaliennes de l’Etat et à la place respective de l’exécutif et du législatif.

Le Président du Sénat que je suis est tout aussi attaché aux trois missions de notre assemblée : faire la loi, contrôler l’action du gouvernement et tracer des prospectives. Ce rapport s’inscrit pleinement dans deux de ces missions : le contrôle du gouvernement et la prospective.

Le Sénat est la chambre de la prospective. L’un de ses rôles est de tracer des pistes pour l’avenir. Cela est vrai pour les sujets nationaux, cela est vrai aussi pour des questions internationales.

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Votre commission, Monsieur le Président, a consacré une part importante de l’ensemble de ses travaux au Moyen-Orient. Le Sénat, à travers son action et sa réflexion, contribue à la définition de notre politique étrangère. Il apporte un éclairage et une sensibilité parlementaires qui viennent enrichir la réflexion collective. Le débat en séance publique, à l’initiative du Sénat il y a quinze jours, l’a bien montré. Le colloque de ce jour le confirme.

Le Sénat est à l’écoute de nos partenaires. Nous poursuivrons ce dialogue le mois prochain avec l’ensemble des Ambassadeurs des Etats membres de la Ligue arabe, que nous recevrons à la présidence, avec les Présidents Sénateurs des groupes d’amitié de la région.

Le Sénat est ouvert sur l’international. N’oublions pas – je le dis devant Jean-Dominique Giuliani – que c’est à René Monory que nous devons cette grande ouverture sur l’international. Le Sénat est à l’écoute du monde et participe à la recherche des solutions. En cela, il me paraît que notre assemblée remplit la mission institutionnelle qui est la sienne.

Je dois vous dire aussi que cette région éveille en moi plus qu’un intérêt, presque une passion, et ce depuis longtemps. Il y a la fascination pour ces terres qui sont le berceau de tant de grandes civilisations et des religions du Livre. Il y a aussi la conscience des enjeux politiques qu’elle recèle. Au Moyen-Orient se joue en partie la stabilité du monde.

Les défis à relever sont considérables et nous concernent tous.

J’ai choisi de concentrer une partie importante de mon activité internationale à cette région. J’ai voulu que ce soit une priorité de notre coopération, en soutien à l’importante coopération décentralisée que conduisent de nombreuses collectivités territoriales. L’an dernier, mon premier déplacement officiel – en janvier, juste au moment de la crise de Gaza – était en Egypte. Dans quinze jours – j’ai une pensée particulière pour l’Ambassadeur de France au Liban à cet instant – je serai en visite officielle au Liban.

Au cours des douze derniers mois, j’ai reçu de nombreux responsables politiques de cette région : la Présidente de la Knesset ; le Vice-Premier Ministre israélien ; le Président puis le Premier Ministre du Liban, la semaine dernière ; le Président irakien et le Président du Parlement irakien ; l’Emir du Qatar ; le Président de la République arabe syrienne il y a quelques semaines. J’ai aussi eu le plaisir d’accueillir le Président Gül, de Turquie, dont le pays mène une diplomatie très active au Moyen-Orient. D’ailleurs, je me suis rendu à Ankara et à Istanbul à un moment où il me semblait important, à la suite de la mission conduite par le Président Josselin de Rohan, que nous puissions avoir avec ce pays un dialogue dans la vérité et la dignité, qui m’apparaissait tout à fait important.

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Avec tous ces interlocuteurs, j’ai abordé les sujets dont vous allez débattre : la situation en Iran et le programme nucléaire iranien ; le processus de paix, si long et si lent ; la situation en Irak et sa renaissance après une décennie de cauchemars. Nous nous sommes rendus en Afghanistan. J’ai également reçu la Présidente du Parlement du Pakistan il y a moins d’un mois, car je pense qu’une grande partie de la stabilité du monde se joue au cœur de ce pays. Nous avons parlé de l’évolution des sociétés, de la jeunesse si nombreuse de ces pays, de ses aspirations mais aussi de ses frustrations. Nous avons parlé de dialogue des civilisations, de cohabitation entre les différentes religions. Nous avons parlé de laïcité. Je me souviens de deux rencontres avec des personnalités qui n’étaient pas politiques : l’archevêque de Constantinople, Bartholomée Ier, et le Cheikh Tantaoui, recteur de l’Université d’Al-Azhar, que j’ai rencontrés à Istanbul et au Caire. Je me souviens de leur appel à la tolérance et à la compréhension. Je garde un souvenir précis de chacun de ces entretiens. J’ai senti une envie de dialoguer et un intérêt pour notre message. Notre implication est connue, attendue. Elle n’est pas le parallélisme de la diplomatie de l’exécutif, elle est autre chose.

En effet, bien des questions qui se posent au Moyen-Orient sont des questions universelles. Ce sont parfois aussi des questions qui se posent dans notre propre espace public, national. N’oublions pas qu’une partie de la cohésion sociale de nos nations dépend aussi de ces questions et de leur résolution. Nous avons bien vu quelques phénomènes d’importation au moment de tensions. Je dois dire que l’on ne peut pas parler de cohésion sociale si l’on n’a pas un regard sur le monde car dans ce monde ouvert, globalisé, mondialisé, la pire des tentations est le repli sur nous-mêmes, sur des certitudes communautaires, alors que nous devons porter un certain nombre de valeurs universelles.

Je souhaite par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Présidents, qu’après l’écoute du Président François-Poncet et de la contribution de Madame Cerisier-ben Guiga, vous puissiez durant ces deux journées faire progresser un certain nombre d’idées qui aideront à ce que le brasier se transforme en flamme. La flamme porte en quelque sorte ce qui réchauffe les cœurs et permet d’espérer.

Josselin de ROHAN, Président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat – Monsieur le Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, chers collègues, Mesdames et Messieurs,

La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que j’ai l’honneur de présider a missionné en septembre 2008 deux de ses membres, Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga, afin de produire un rapport sur la situation au Moyen-Orient. Les deux rapporteurs se sont déplacés dans tous les Etats du Moyen-Orient, à l’exception de l’Iran, dont les autorités politiques ne leur ont pas donné le visa d’entrée avant les élections de juin 2009. Ils n’ont pas non plus été reçus par les leaders politiques israéliens, du fait de leur rencontre avec le leader politique du Hamas, Khaled Mechaal, à Damas. Ils ont néanmoins pu entrer en Israël et se rendre à Gaza dix jours après

7 la fin de l’opération « Plomb durci ». Ils se sont également rendus pendant quatre jours en Irak et ont pu y rencontrer d’importantes personnalités. Les deux rapporteurs ont eu plus de 350 entretiens et auditions à l’étranger. Ils ont également consulté la plupart des spécialistes français du Moyen-Orient et ont effectué toutes les visites nécessaires pour comprendre les différentes étapes de fabrication de l’arme nucléaire. Les deux rapporteurs se sont également rendus à Washington et à New-York où ils ont pu rencontrer les principaux acteurs institutionnels américains, ainsi que les représentants de ce qu’il est convenu d’appeler le lobby pro-israélien. Enfin, ils se sont évidemment rendus à Bruxelles, où ils ont pu rencontrer Monsieur Javier Solana, alors représentant de l’Union Européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune. Il nous rejoindra demain.

Les rapporteurs ont remis leur rapport à la commission en septembre dernier. Je me félicite des propos très justement élogieux tenus par Monsieur le Président du Sénat à l’égard de ce rapport. Il a été naturellement adopté par la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

Les analyses qu’il contient sont parfaitement d’actualité. Il a été largement diffusé, que ce soit dans sa version française ou dans sa version en langue anglaise. Il a servi de base à un débat en séance publique qui s’est tenue ici, au Sénat, le 12 janvier 2010.

Les débats que nous aurons aujourd'hui et demain vont prolonger la réflexion et lui donner une dimension internationale grâce aux intervenants étrangers, que je remercie d’avoir accepté notre invitation. Ils sont parfois venus de très loin : de Dubaï, de Palestine, de Washington, de Berlin et de Londres. Ils comptent parmi les meilleurs spécialistes de la région.

Je remercie Monsieur le Président du Sénat, Monsieur Gérard Larcher, pour avoir permis cet événement, ainsi que le Président de la Fondation Robert Schuman, Jean-Dominique Giuliani, pour son précieux concours.

Avant de passer la parole à mon collègue et ami Jean François-Poncet, qui va vous livrer la substance de ses conclusions, je voudrais rapidement vous faire part de trois réflexions personnelles sur ce sujet, en particulier sur la nécessité de définir une politique européenne pour le Moyen-Orient.

Ces réflexions prendront la forme de deux constats et d’une interrogation.

Le premier constat est simple : le Moyen-Orient compte beaucoup pour l’Europe. Cet intérêt trouve sa source dans la géographie, l’histoire et l’économie, mais aussi dans le fait que notre sécurité et celle de l’Europe dans son ensemble dépendent du Moyen-Orient. Le meilleur moyen de lutter contre ce que nous appelons, dans un amalgame approximatif, le « terrorisme islamique », passe par une paix juste et durable au Moyen-Orient. En outre, les communautés d’origine moyen-orientale sont particulièrement importantes dans notre pays. Entre 15 et 20 millions de Musulmans vivent en Europe. En France, la

8 communauté musulmane comporte plus de 5 millions de personnes : c’est la plus importante d’Europe. C’est aussi le cas de la communauté juive, estimé à 500 000 personnes.

Mon deuxième constat est, à l’inverse du précédent : l’Europe compte peu au Moyen-Orient. Ceux d’entre nous qui voyagent en Orient ont peut-être eu le sentiment d’une véritable attente d’Europe. On y loue son Soft Power, par contraste avec le hard Power américain. On nous rappelle nos liens historiques, on marque de l’intérêt pour nos entreprises, nos produits ou notre culture. Mais soyons lucides : dès que les choses se compliquent, on se tourne vers les Etats- Unis. Cela n’a jamais été aussi vrai depuis l’élection du Président Obama, qui a su tendre la main au monde musulman dans son discours du Caire. Pourtant, l’Europe a été la première à reconnaître la solution des deux Etats avec la déclaration de Venise en juin 1980. Elle a joué un rôle important avec la conférence de Madrid et les accords d’Oslo en 1991. Or depuis, l’Europe s’est effacée. Elle n’a pesé pour rien pendant les années Bush. La création du Quartet a entériné une distribution des rôles dans laquelle les Etats-Unis coordonnent les efforts diplomatiques qui sont garants de la sécurité, tandis que l’Europe paye. La contribution des pays européens pour compenser les conséquences de l’occupation israélienne en Cisjordanie s’est élevée à plus d’1 milliard d’euros en 2009. L’importance de cet engagement financier contraste avec l’effacement politique de l’Union Européenne.

Fort de ces deux constats, ma question est simple : pourquoi ? J’ai le sentiment que si l’Europe est impuissante, c’est bien sûr parce qu’elle est divisée, incapable de parler d’une même voix de la question centrale sur laquelle se focalise le Moyen-Orient : le conflit israélo-palestinien. Définir une politique n’est pas facile. Est-ce seulement possible ? Ce sera à vous de le dire, puisque le sous-titre de ce colloque est précisément : « quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ? ».

Je vous souhaite de fructueux débats et vous remercie pour votre participation.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Monsieur le Président de la Fondation Robert Schuman,

Je voudrais commencer par remercier le Président du Sénat des appréciations louangeuses, exagérément louangeuses, qu’il a bien voulu émettre dans son intervention. Qu’il sache que Madame Cerisier-ben Guiga et moi y avons été extrêmement sensibles.

Je vous rappelle que le colloque qui débute est organisé par le Sénat, mais en liaison étroite avec la Fondation Robert Schuman, dont le Président prendra la parole quand il s’agira de parler de la politique européenne au Moyen-Orient. Je

9 voudrais le remercier et remercier la Fondation Robert Schuman de s’être associée à l’organisation de ce colloque.

Comme le Président de la Commission des affaires étrangères vous l’a dit, ce colloque met en quelque sorte le point final à la mission que la Commission des affaires étrangères du Sénat nous avait confié, à Madame Cerisier-ben Guiga qui connaissait déjà bien cette région et à moi, sur le Moyen-Orient. Le travail de synthèse qui nous a été demandé nous a amené à effectuer une bonne demi- douzaine de déplacements dans cette région, de parler non seulement avec les autorités des différents pays, mais aussi – nous y avons tenus – avec des interlocuteurs indépendants, des journalistes – dans la mesure où l’on peut en trouver dans ces pays, mais on en trouve en se donnant du mal –, de sorte que le rapport que nous avons établi est un rapport qui puise dans plusieurs sources. Il s’est voulu aussi objectif que possible.

Vous avez bien à l’esprit, au moment où ce colloque débute, que le Moyen-Orient est probablement la région du monde dont l’Europe est la plus proche. Elle en importe une bonne partie de son énergie, elle en importe aussi des terroristes – ce n’est pas l’importation à laquelle elle tient le plus – et enfin elle entretient avec le Moyen-Orient des liens humains relativement étroits, à travers les importantes minorités musulmanes installées en Europe, notamment en France.

C’est pourquoi l’évolution de cette région nous intéresse au premier chef. Cette évolution comprend beaucoup d’ombres mais elle est aussi faite de quelques lumières, que l’on a souvent tendance à sous-estimer.

Deux problèmes suscitent de vives préoccupations, tant en Europe qu’aux Etats-Unis : le programme nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien. Au cours de ce colloque, deux tables-rondes seront consacrées à ces deux problèmes.

D’après l’évaluation que nous en avons faite – en interrogeant tous les spécialistes, notamment le Commissariat à l’Energie Atomique, qui sont en état d’en juger –, le programme nucléaire iranien devrait permettre à Téhéran de disposer d’une force de frappe nucléaire faible, modeste, mais opérationnelle, aux alentours de 2015. La nucléarisation de l’Iran ne constitue pas en soi une menace pour l’Europe mais elle a toutes les chances d’inciter l’Arabie Saoudite et l’Egypte à suivre l’exemple de l’Iran, soit par leurs propres moyens, soit en liaison avec le Pakistan, dont il est difficile de penser qu’il résisterait longtemps aux subsides que l’Arabie Saoudite est capable de lui proposer. Il existe un triple danger. D’abord, il y a le danger de voir une région aussi instable que le Moyen- Orient dotée d’armes aussi redoutables. Deuxièmement, le fait que l’Iran se dote d’un arsenal nucléaire, même très modeste, et du savoir faire pour le constituer, accroîtrait sûrement son influence au Moyen-Orient, ce qui ne contribuerait pas à la stabilité de la région. Troisièmement, Israël a fait savoir qu’un tel arsenal entre les mains de l’Iran, dont le Président demande tous les trois mois la disparition d’Israël, constituerait pour Israël un danger existentiel. Il ne semble pas que Tel Aviv envisage dans le proche avenir une intervention aérienne contre les sites

10 nucléaires iraniens, mais une telle éventualité ne peut pas être exclue pour l’avenir.

Le second problème qui préoccupe depuis toujours les chancelleries, c’est évidemment le conflit israélo-palestinien. Ce que l’on peut en dire brièvement, c’est que la solution de ce conflit n’a jamais semblé plus éloignée qu’aujourd'hui, ceci pour deux raisons. D’une part, Israël n’accepte pas, malgré la pression américaine, de mettre un terme à l’extension de ses colonies de peuplement. Il faut bien savoir – il suffit de regarder une carte pour s’en convaincre – que leur développement rend la création d’un futur Etat palestinien territorialement cohérent et viable extrêmement problématique. D’autre part, la division du mouvement palestinien, entre le Hamas qui contrôle la bande de Gaza et l’Autorité palestinienne installée en Cisjordanie, n’a pas permis jusqu’à présent – et l’on n’en voit pas la possibilité dans un proche avenir – de désigner un négociateur unique pour l’ensemble des mouvements palestiniens. Or l’avenir du peuple palestinien est une préoccupation que partagent tous les pays arabes. Ces pays font de la solution de ce problème un test de l’attitude de l’Occident à leur égard. Je peux vous dire qu’au cours de nos déplacements, il n’y a pas de pays où ce problème n’ait été évoqué, d’une manière ou d’une autre.

Le troisième pays auquel nous consacrons une table-ronde est l’Irak. Le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien ne sont heureusement pas les seuls éléments à retenir dans une évaluation globale du Moyen-Orient. D’autres problèmes, comme l’Irak, connaissent une évolution plus encourageante. Vous savez que l’Irak est aussi riche en pétrole que l’Iran, un peu moins que l’Arabie Saoudite. C’est un grand pays pétrolier, ou peut le devenir. L’Irak a été malencontreusement envahi par l’Amérique du Président Bush. Jusqu’en 2007, l’Irak paraissait voué à une permanente et sanglante insécurité. Mais les Etats- Unis, dont on médit souvent et pas toujours à raison, dont les forces stationnées en Irak ont atteint 150 000 hommes – une armée considérable – ont réussi contre toute attente à mettre l’Irak sur une voie qui permet désormais de croire en son avenir. Les Etats-Unis sont en effet parvenus à convaincre les tribus sunnites qui étaient à l’origine de la plupart des attentats de s’allier à eux - moyennant rémunération - contre Al-Qaïda, qui faisait de l’Irak son principal centre d’activités. Les attentats aveugles contre la population civile avaient fini par le rendre haïssable. En fait, Al-Qaïda a été en bonne partie expulsée d’Irak. Elle a retrouvé au Yémen un terrain d’atterrissage. C’est une des raisons pour lesquelles le Yémen, qui n’a jamais été un Etat très stable, connaît des difficultés croissantes. Ceci dit, l’Irak est un pays profondément divisé en communautés religieuses rivales : les chiites, largement majoritaires ; les sunnites, minoritaires ; auxquels il faut ajouter les Kurdes qui constituent 20 % de la population et qui ont érigé le nord du pays en une zone qui fait certes juridiquement partie de l’Irak, mais qui est autonome et s’est dotée d’une force militaire indépendante, les « Peshmergas », qui sont des combattants solides et disciplinés. L’avenir de l’Irak reste donc incertain. Des attentats meurtriers ensanglantent périodiquement Bagdad, et certains problèmes tels que l’avenir de Kirkouk, qui est la grande capitale du nord, demeurent difficiles à résoudre. Mais le Premier Ministre irakien, Monsieur Al-Maliki, est un homme fort qui fait

11 appel au patriotisme de l’ensemble des Irakiens et qui pourrait jouer un rôle important et bienfaisant dans l’avenir, à condition que les élections législatives qui vont avoir lieu en février ou mars lui permettent de maintenir ou même de renforcer sa position.

Un mot, enfin, de deux pays : l’Arabie Saoudite et l’Egypte, qui n’ont pas pu faire l’objet d’un débat dans le cours de ce colloque.

Le destin de la monarchie saoudienne paraît désormais assez bien assuré. Une loi réglant le délicat problème de la succession à l’intérieur de cette vaste famille paraît – du moins on peut l’espérer – avoir réglé le problème de la succession et du passage d’une génération à l’autre. Quant au Roi Abdallah, qui a 82 ans, il impose avec prudence mais détermination des réformes qui peu à peu modernisent le pays et font évoluer sa société, restée profondément conservatrice.

Quant à l’Egypte, son avenir est dominé par l’inconnu de la succession du Président Moubarak, qui a passé 80 ans et a fait connaître son intention de rester aux commandes jusqu’à sa mort. Sa succession n’est donc pas réglée. Ce que l’on peut penser, c’est que l’appareil de sécurité très lourd qui encadre l’ensemble du pays et l’armée, dont la puissance domine le pays, sauront imposer une transition ordonnée.

Ce rapide survol n’avait d’autre ambition que de vous proposer une vue d’ensemble, que nos tables-rondes vont naturellement préciser.

Je vous remercie de votre attention. Je vais immédiatement donner la parole à Monsieur Robert Malley, qui dirige le programme pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’International Crisis Group, qui est représenté dans tous ces pays. Un de vos délégués, à Damas en Syrie, nous a permis de rencontrer Monsieur Mechaal, qui est le patron du Hamas, à la suite de quoi nous avons été « blacklistés » par les Israéliens. Cela n’a d’ailleurs pas grande importance car il y a en Israël des Think Tanks et des journalistes indépendants : on peut donc parfaitement s’informer sans rencontrer les officiels, qui de toute façon, ne vous disent que la vérité qu’ils sont autorisés à vous exposer.

Monsieur Robert Malley va présenter un exposé général de la situation au Moyen-Orient, après quoi nous entamerons la première table-ronde consacrée au programme nucléaire iranien.

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Panorama d’ensemble

le croissant et la bombe

Robert MALLEY, Directeur du programme pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group de Washington et ancien assistant spécial du Président Bill Clinton pour les affaires arabes et israéliennes – C’est un grand honneur et un réel plaisir d’être là, en France, à Paris, invité en ce lieu.

Pourtant, je vais vous surprendre car je vais commencer par un petit reproche. Je me permets de le formuler malgré le fait d’être invité. Il touche au titre même de mon intervention, « le croissant et la bombe » et au titre de ce colloque, « le Moyen-Orient à l’heure nucléaire ». Je connais bien l’attrait des titres « chocs ». Sans cela, il se peut que vous ne soyez pas venus en aussi grand nombre pour nous écouter aujourd'hui. J’en comprends la logique, mais j’en redoute les origines intellectuelles, et encore plus les implications politiques. Nul n’oserait à l’évidence parler d’une bombe chrétienne, de « la croix et la bombe » ou « l’étoile de David et la bombe ». Bien sûr il n’y a pas plus de bombe musulmane que de bombe juive ou chrétienne, nonobstant la fascination que le monde et l’Occident en particulier ont pour l’Islam. Je formule cette remarque non pour provoquer une polémique, mais plutôt parce que cet exemple d’un titre accrocheur, illustre parfaitement le propos que je veux tenir aujourd'hui.

Nous sommes tous ici présents – analystes et politiques, témoins et décideurs confondus – dépendants des façons de penser qui sont propres à nos pays. Lorsque nous réfléchissons au Moyen-Orient, comme nous allons le faire aujourd'hui et demain, nous avons le choix de privilégier tel ou tel sujet, tel ou tel angle d’analyse, telle ou telle grille de lecture. Ces choix ne sont pas sans conséquence.

C’est ce thème que j’aimerais aborder dans ce panorama, en portant un regard critique sur la ou plutôt les manières, dont la France, les Etats-Unis, l’Occident en général, abordent et appréhendent le Moyen-Orient.

Le titre de cette conférence n’est qu’un exemple innocent. Mais il est révélateur du fait que l’Occident – cela est vrai aussi bien dans vôtre pays que dans le mien – a désormais l’œil rivé sur l’Iran comme certains l’avaient, hier, rivé sur l’Irak. Ce passage d’une obsession à l’autre n’a rien d’une coïncidence. Il faut bien le reconnaître. C’est la tragique guerre en Irak qui a renforcé la position de l’Iran dans la région. Et c’est ce regain d’influence qui est aujourd’hui à la source de notre anxiété à propos de l’Iran.

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L’obsession irakienne a donc conduit à l’obsession iranienne. Les monomanies sont porteuses de dangers. Nous en connaissons les conséquences : le risque de négliger d’autres crises, en particulier le problème israélo-arabe ; la tentation de s’imaginer que tous les acteurs de la région perçoivent le danger iranien de la même manière que nous et, bien sûr, le piège de prendre des mesures disproportionnées par rapport à l’amplitude réelle de la menace.

Evidemment, il ne saurait être question de se détourner de l’Iran, ni de sous-estimer les risques que recèle la crise nucléaire. Le Sénateur Jean François- Poncet vient de très bien les exposer. Il faut s’en préoccuper, mais pas trop et autrement. De cela je reparlerai dans un instant.

Pour l’instant, mon propos est plus général. Ce dont je voudrais parler, c’est de la nécessité d’écarter les idées reçues, de briser les tabous et, comme le rapport de cette commission l’a fait, de regarder en face les réalités et de poser les questions les plus difficiles. Confronter nos certitudes, remettre en cause nos dogmes est impératif compte tenu de la situation actuelle de la région et des dynamiques qui y sont à l’œuvre.

Dans son traditionnel discours annuel sur l’état de l’Union, le Président des Etats-Unis a pour coutume de décrire la situation qu’elle soit bonne ou mauvaise. Or le Moyen-Orient va mal. On pourrait – en forçant à peine le trait – décrire la situation comme suit : • des régimes qui, presque tous, souffrent d’un déficit de légitimité ; • des successions, que ce soit en système monarchique ou républicain, qui s’apparentent de plus en plus à des passages de témoin héréditaires ; • l’essoufflement des alliés traditionnels de l’Occident dans la région, en particulier l’Egypte et la Jordanie ; • des fractures sectaires, lesquelles, que ce soit en Irak, au Liban ou au Yémen aujourd'hui, s’approfondissent et se diffusent à travers la région ; • un Etat qui s’écroule au Yémen et un autre qui peine à se remettre en Irak ; • une guerre contre le terrorisme qui semble amplifier le terrorisme plutôt que l’affaiblir ; • un enracinement de l’Islamisme militant ; • une croyance répandue et forte en l’efficacité de la violence et des actions militaires, que ce soit en Israël, chez les Palestiniens ou dans d’autres pays arabes ; • une désaffection croissante vis-à-vis de l’Occident ; • une perte d’influence et de capacité dissuasive des Etats-Unis, surtout après la guerre en Irak, mais également avec les effets induits de la guerre en Afghanistan ; • l’effondrement et le discrédit du processus de paix israélo-arabe ;

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• l’émiettement géographique, politique et social du Mouvement national palestinien ; • l’ancrage à droite d’une opinion publique israélienne qui a perdu foi dans la paix ; • le risque croissant de prolifération nucléaire et de conflit autour du programme nucléaire iranien ; • des menaces toujours présentes de nouvelles guerres meurtrières, coûteuses et totalement inefficaces, que ce soit entre Israël et le Hamas à Gaza, ou entre Israël et le Hezbollah au Liban.

La liste, je m’en excuse et m’en désole à la fois, n’est évidemment pas exhaustive.

Réexaminer certains piliers d’une politique occidentale qui, manifestement, est bien loin d’accomplir ses objectifs, que cela signifie-t-il concrètement ? J’aimerais aujourd'hui en offrir quelques exemples.

Le premier exemple, le plus fondamental, concerne le point de vue et le regard d’ensemble qui sont souvent portés sur la région, aux Etats-Unis comme en Europe. Ce regard distingue « nos ennemis » de « nos alliés ». C’est une vision – surtout aux Etats-Unis, mais j’en entends souvent des échos en Europe – qui privilégie une métaphore clé : la métaphore des axes.

D’un côté il y aurait « l’axe » pro-iranien, constitué bien sûr de l’Iran, mais également de la Syrie et de leurs mouvements supplétifs, ou soi-disant supplétifs, le Hamas et le Hezbollah.

En face, il y aurait un autre « axe » ou un camp dit modéré, pro- occidental, mené par l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie et dont ferait partie – selon ce diagnostic – l’Autorité palestinienne et le Fatah.

Cette représentation a du vrai. Mais son caractère statique, caricatural, figé et en décalage avec les perceptions locales, fait qu’elle peine à rendre compte de la réalité et que la part de faux l’emporte sur la part de vrai.

De cette perception binaire de la région, comme divisée entre modérés et militants, pragmatiques et extrémistes, dérivent bon nombre d’axiomes politiques.

Il en va par exemple de la certitude qu’il faille isoler le Hamas, car engager avec lui un dialogue reviendrait à le légitimer, et donc à trahir le Fatah et porter un coup mortel au processus de paix. On peut encore citer l’idée, présente chez certains, que Gaza n’est devenue qu’une avant-garde iranienne et que si la population de ce territoire parvenait à vivre et à respirer normalement cela renforcerait dangereusement le mouvement islamique qui le contrôle et l’allié iranien qui le soutient.

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Un de vos grands diplomates ici présent, Yves Aubin de la Messuzière, et moi-même avons, il n’y a pas si longtemps, été vertement critiqués pour avoir enfreint le boycott et discuté avec le Hamas. Je crois que c’est tout à l’honneur de cette commission d’avoir fait la même chose et d’avoir engagé, sans compromission ni complaisance, un dialogue critique et honnête avec les dirigeants du Hamas.

A ceux qui nous critiquent et nous ont critiqués, je dirais : n’a-t-on rien appris des années d’ostracisme stérile et contre-productif à l’égard de l’OLP, pour ne pas savoir qu’ignorer un mouvement enraciné dans l’opinion publique ne le fera pas pour autant disparaître ?

Un autre produit dérivé de cette conception un peu manichéenne de la région, est l’espoir illusoire de voir la Syrie soudainement changer de camp ou changer d’axe, comme si elle appartenait aujourd'hui pleinement à un de ces axes ou comme si elle pouvait, dans les circonstances actuelles, concevoir un avantage quelconque à rejoindre l’un d’entre eux.

Une autre déduction nuisible de cette vision des choses est l’illusion de l’existence d’un front uni, auquel beaucoup de gens aspirent, alliant Israël et les pays sunnites arabes contre l’Iran, comme si les pays arabes pouvaient faire fi de leurs opinions publiques, qui elles voient la réalité d’une manière bien différente.

Il y a encore d’autres risques à vouloir définir le monde arabe et la région de cette façon. D’abord, cette perception binaire tend à produire les effets qu’elle souhaite enrayer et à renforcer ceux-là mêmes que l’Occident cherche à affaiblir. Offrez à un jeune Arabe aujourd'hui, que ce soit en Afrique du Nord ou au cœur du Levant, le choix entre un militantisme dynamique et une modération molle : sur quoi parieriez-vous qu’il choisisse ? Donnez le choix à Damas, comme on le faisait naguère et comme certains continuent à le faire aujourd'hui, entre un tête- à-tête avec Téhéran et un reniement de ses alliances et de ses idées. Que croyez vous que le régime syrien fera ? Donnez le choix au Hamas entre renoncer en ce qu’il croit, en acceptant les conditions du Quartet, en endossant les habits de ceux-là mêmes qu’il a combattu et vaincu lors des élections de 2006 – et être condamné à l’isolement. Vous serez certain d’obtenir la mauvaise réponse.

Dans tous ces cas, adopter une attitude rigide, c’est rendre plus difficiles encore les évolutions vers le réalisme et le pragmatisme de la part des citoyens arabes, de la Syrie, du Hamas ou du Hezbollah, qu’ils pourraient, sait-on jamais, assumer dans des conditions plus idéales.

De la même façon, l’idée de jouer de la division entre Chiites et Sunnites ou entre Arabes et Persans, n’est-ce pas faire le jeu des extrémistes des deux bords, qui manipulent la polarisation sectaire et ethnique, et dont les plus extrêmes, des deux côtés, l’emporteraient certainement si la bataille se déroulait sur ce terrain-là ?

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Bien sûr, l’exemple le plus frappant, et assurément le plus tragique, nous vient d’Irak où, armée de ses préjugés et de son ignorance, l’administration Bush a projeté sa propre vision ethno-sectaire du pays : en le voyant divisé rigoureusement en trois – entre Sunnites, Chiites et Kurdes – elle a contribué à l’éveil, à l’exploitation, à la politisation et à l’institutionnalisation de rivalités confessionnelles et ethniques dont l’Irak souffre encore de nos jours.

Faire de tous les Sunnites des Baassistes et de tous les Baassistes des ennemis jurés voilà bien un des péchés originel des Etats-Unis dans cette mésaventure irakienne, dont on voit et on entend des échos – encore tout récemment avec l’affaire des purges des listes électorales.

Aujourd'hui, après avoir éveillé les démons sectaires en Irak, on se félicite de ce que de plus en plus de politiciens irakiens empruntent désormais un langage et un discours nationalistes. Mais ce discours, aussi bienvenu soit-il, n’est qu’un piètre substitut à l’émergence de véritables institutions nationales, d’un contrat social et politique entre différents groupes irakiens, d’un Etat de droit ou d’une authentique réconciliation nationale. Rhétorique à part, le fond de commerce politique en Irak demeure, malheureusement, trop souvent le sectarisme et l’intolérance ethnique. Ceux qui prétendent aujourd'hui renoncer au sectarisme passent bien souvent sans hésiter à l’intolérance ethnique, comme en témoigne l’usage de plus répandu, de plus en plus abusif chez certains, d’un discours anti Kurdes, opportuniste et périlleux.

Oui, l’Irak va mieux, cela est vrai. Mais il ne va pas bien. Aujourd'hui, il doit se défaire de trois héritages dévastateurs : le régime de Saddam Hussein, l’occupation américaine, mais aussi un modèle, une façon de se représenter le pays, qui est sectaire. Des trois héritages, ce n’est pas nécessairement le dernier qui est le moins grave.

Le second danger de cette façon de voir la région – en plus de produire les effets que l’on essaye de juguler – c’est que l’Europe et les Etats-Unis, en s’y arcboutant, s’interdisent de comprendre certaines des évolutions en cours qui ne correspondent pas à leurs schémas et donc se condamnent d’office à être hors- jeu, à être des spectateurs de transformations réelles qu’ils sont incapables d’influencer. Là encore, je vais offrir quelques illustrations. Regardons ce qui s’est passé ces derniers mois.

L’Arabie Saoudite a repris le dialogue avec la Syrie après une longue période d’ostracisme. Ensemble, les deux nations sont convenues de s’opposer à toute ingérence iranienne au Yémen, et plus discrètement de faire cause commune en Irak.

Riyad a renoué le contact avec le Hamas, qui avait été rompu après l’échec des accords de la Mecque et le dirigeant du Hamas a fait un périple remarqué en Arabie Saoudite, au Koweït et aux Emirats Arabes Unis au cours duquel il a réaffirmé le caractère arabe de son mouvement.

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Au Liban, les lignes, longtemps figées entre le camp du 14 Mars et celui du 8 Mars, commencent à se brouiller.

En Irak, les alliés syriens et iraniens, outre leur désaccord yéménite, se livrent une guerre d’influence par partis interposés, une guerre feutrée mais qui rappelle à bien des égards – et étrangement – celle qu’ils ont menée au Liban il y a quelques années, à ceci près qu’au pays du cèdre ils avaient de nombreux intérêts communs qu’ils ne semblent pas avoir en Irak.

Enfin, la Turquie accentue sa présence dans la région. Elle s’efforce de jouer un rôle de médiation entre Israël et la Syrie, approfondit ses liens politiques et économiques avec Damas, prend des contacts avec toutes les parties – que ce soit l’Autorité palestinienne, Israël ou le Hamas – et fournit des efforts accrus en Irak.

On pourrait presque, à la rigueur, conclure que la véritable rivalité dans la région n’est pas entre les membres d’un axe pro-iranien et ceux d’un axe pro- occidental, mais plutôt entre ceux qui relaient une vision iranienne et les tenants d’une autre vision, forgée par la Turquie.

La première, la vision iranienne, met l’accent sur la résistance aux projets occidentaux et à Israël. Elle répond à une demande, à une soif un peu tiers- mondiste, de dignité et d’auto-détermination du monde arabe et du monde musulman et elle se conjugue principalement sur le mode militant.

A l’opposé, la vision turque met l’accent sur la diplomatie tous azimuts. Elle récuse les boycotts ou les interdits de dialogue et elle privilégie l’intégration économique et l’interdépendance régionale.

Bien qu’aucune de ces deux visions ne soit arabe, les deux sont pertinentes, les deux ont de l’écho dans la région, s’accordent avec l’humeur des citoyens de la région et jouissent d’un soutien légitime et authentique.

Et la vision américaine me demanderez-vous ? Elle est tout simplement absente pour le moment, car même sous la présidence de Barak Obama, cette vision est exagérément tributaire d’une grille de lecture dans laquelle ces évolutions – le rapprochement syro-saoudien, le dialogue entre l’Arabie Saoudite et le Hamas, la diplomatie multipartite d’Ankara, les repositionnements inter libanais et les tensions entre l’Iran et la Syrie n’ont ni sens, ni lisibilité, ni intérêt.

En effet, si c’est l’isolement complet du Hezbollah ou du Hamas que les Etats-Unis recherchent, si c’est la réconciliation inter-palestinienne qu’ils redoutent, si c’est un choix clair et sans équivoque qu’ils exigent de la part de Damas, alors toutes ces subtilités, ces nuances, ces petits mouvements qui ne sont pas des mouvements fondamentaux mais n’en représentent pas moins des évolutions, perdent leur sens et leur intelligibilité. Et les opportunités d’encourager ces évolutions, modestes mais non sans signification – que ce soit de la part du Hamas, de Damas ou d’autres encore – s’en trouvent gâchées.

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Après avoir vu ce premier problème de concevoir le monde sur un modèle binaire, je vais aborder la question de l’Iran et les façons de voir l’Iran. Je le disais précédemment : l’important est d’y réfléchir, bien sûr, mais de ne pas trop y réfléchir, et surtout d’y réfléchir autrement.

Il faut évidemment y réfléchir. Quoi que l’on puisse penser du programme nucléaire iranien et de sa légitimité, nul ne peut aujourd'hui sous-estimer les risques qu’on vient d’entendre de prolifération ou encore d’une attaque provenant – beaucoup le croient ou le craignent – d’Israël contre les centrales nucléaires iraniennes.

Il ne faut pas trop y réfléchir, parce que nous voici en effet passés d’une manie à une autre. Comme toute fixation, celle-ci a ses vices. C’est d’elle qu’est née l’idée, ô combien vaine, d’un front israélo-arabe contre la puissance perse, ou bien encore la tentation, ô combien dangereuse, d’inciter à l’antagonisme Sunnites contre Chiites ou Arabes contre Perses. De l’obsession excessive sur l’Iran découlent d’autres excès. La main de l’Iran serait partout, à Gaza ou au Yémen. Son programme nucléaire menacerait le monde entier et la guerre serait justifiée pour juguler cette puissance montante.

Il faut enfin y réfléchir autrement. C’est cela qu’avec mon collègue Frédéric Tellier, qui travaille avec moi sur le problème iranien, ce que nous essayons de faire à l’International Crisis Group. Pour ma part, je n’ai pas de conclusion définitive sur la question de savoir si l’Iran a pris la décision irrévocable de développer une bombe. Certainement. Il a beaucoup fait pour attiser les soupçons, ou du moins faire croire qu’il cherche à s’en donner les moyens, quitte à en rester là. Il est capable de se doter de l’arme atomique, mais est conscient des périls qu’il encourrait s’il venait à franchir ce pas. Je ne sais pas non plus l’incidence exacte des événements dramatiques qui ont secoué l’Iran depuis les élections contestées du mois de juin sur la volonté ou la capacité du régime à dialoguer avec Washington.

Je sais encore moins où mèneront ces événements, bien qu’ils soient sans précédent, qu’ils représentent une rupture forte dans l’histoire de la République islamique. La légitimité du régime et les ressorts de son pouvoir s’en trouveront pour longtemps affectés.

Quant à la question de savoir si le régime chutera, comme l’affirment avec beaucoup d’empressement certains de mes concitoyens, je dirais ceci : après avoir passé trente ans à ignorer l’Iran et à se couper de lui, on ne se fait pas brusquement expert en la matière et surtout on ne fonde pas une politique sur la possibilité abstraite d’un avenir et d’un régime différents en Iran, lorsque le présent interpelle et lorsque, pour les Etats-Unis au moins, des intérêts fondamentaux sont en jeu, en Afghanistan et en Irak en particulier.

En revanche, ce dont je suis convaincu, c’est de l’inefficacité totale et sans ambigüité de la politique qui a été suivie jusqu’à présent. On a réclamé de

19 l’Iran une concession qu’il n’offrira jamais : l’arrêt total de son programme d’enrichissement domestique d’uranium. On a fait usage, pour l’y inciter, d’un instrument qui illustre notre incompétence et notre incapacité à comprendre les ressorts de ce régime : des sanctions économiques plus punitives que persuasives, qui ne produiront jamais, vu le caractère de ce régime, les concessions politiques escomptées. Et on brandit régulièrement et avec désinvolture la menace d’une attaque militaire qui pourrait coûter autant à ceux qui la conduiraient qu’à ceux qui en seraient la cible. Tout cela permet à certains Iraniens, qui le croient déjà, de se convaincre davantage et d’en convaincre d’autres, que le but ultime de l’Occident demeure d’affaiblir et à terme d’abattre leur régime.

Objectif illusoire, moyens inefficaces et chantage imprudent : l’addition est lourde et désolante.

Alors oui, il faut réfléchir autrement, ensemble. Cela voudrait dire penser à une solution sur le problème du programme nucléaire iranien autre qu’un arrêt pur et simple de l’enrichissement d’uranium. Une solution qui pourrait redonner confiance à l’Occident sur les intentions de Téhéran, tout en prenant en compte les intérêts et les droits iraniens en matière nucléaire. Cela voudrait dire également réfléchir aux réponses à apporter aux préoccupations légitimes de Téhéran en matière de sécurité régionale. Cela voudrait dire, pour les Etats-Unis, essayer d’engager un dialogue, non pas uniquement sur la question nucléaire, mais sur des sujets d’intérêt mutuel tels que l’Afghanistan, l’Irak et le trafic de drogue. Cela voudrait dire enfin – tabou extrême – examiner sans complaisance mais sans a priori ce que signifierait réellement un Iran nucléaire.

Je le répète : je n’ai aucune certitude qu’une solution acceptable aux uns et aux autres puisse être trouvée, encore moins qu’elle puisse l’être dans les conditions actuelles. L’impasse des discussions qui ont eu lieu aujourd'hui sur le transfert de l’uranium enrichi iranien incite pour le moins à la prudence sur ce sujet. Mais persister dans une voie qui n’a mené à rien et qui n’empêchera en rien l’Iran de continuer son programme nucléaire ne me semble ni logique, ni défendable.

Le troisième et ultime exemple est le processus de paix, processus qui nous nargue depuis longtemps et paix qui nous échappe depuis toujours. A ce sujet, que de tabous à briser et que d’idées reçues à repousser ou du moins à revoir !

En premier lieu, il y a l’idée selon laquelle les négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens peuvent produire un accord de paix final. Les Etats-Unis aujourd'hui se sont justement fixé comme objectif la reprise de ces pourparlers, rejoints en cela par beaucoup de pays européens. Comme si c’était d’un manque de négociations que le processus aurait souffert depuis seize ans ! C’est plutôt d’un manque de créativité, d’imagination et de courage qu’il a souffert. Mais certainement pas de négociations…

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Regardons la réalité en face. Le Mouvement national palestinien est fragmenté, scindé entre la Cisjordanie et Gaza, le Fatah et le Hamas ; l’OLP est en panne de légitimité. La diaspora se sent plus que jamais hors du coup. Les Palestiniens de Jérusalem sont chaque jour davantage coupés de leurs frères. De tout cela découle une crise grave de la représentation politique palestinienne. Israël n’y est certainement pas pour rien. Il n’y est pas non plus pour tout. Reste que la situation aujourd'hui exige qu’on s’interroge sincèrement et sérieusement sur la capacité des dirigeants palestiniens actuels à signer un accord de paix, à le faire avaliser par leur peuple, à le mettre en œuvre et à le faire durer.

Du côté israélien, le constat est différent mais pas les conclusions. Aucun gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, qu’il soit du Likoud ou travailliste, n’a pu mener à bien des négociations globales avec les Palestiniens. Aucun n’a pu survivre, après avoir fait une concession, même minime, à leur égard. Aucun, à une seule exception, n’a osé défaire ne serait-ce qu’une seule colonie de peuplement dans les territoires palestiniens occupés. Il faut noter que l’exception – le gouvernement d’Ariel Sharon – l’a fait non pas dans le cadre d’une négociation, mais à l’issue d’une décision unilatérale.

En effet, pour la grande majorité des dirigeants politiques israéliens, tout revient à un calcul de coûts/bénéfices. Or dans l’esprit de ceux qui gouvernent à Jérusalem, aujourd'hui comme hier, entre, d’une part, le coût d’un face-à-face pénible, difficile, avec des dizaines de milliers de colons, la certitude d’une déchirure sociale et politique profonde qu’entrainerait le démantèlement des colonies et le retrait des territoires occupés et, d’autre part, les bénéfices incertains d’un accord, il n’y a pas « photo ».

Plus grave : seize ans après la signature des Accords d’Oslo, quasiment plus personne en Israël ou en Palestine ne croit réellement au processus que ces accords ont lancé ; plus personne ne s’y intéresse sérieusement. Ce n’est pas seulement qu’ils aient perdu l’espoir qu’un accord de paix soit signé, c’est qu’ils doutent qu’un accord, même s’il était signé, puisse répondre à leurs besoins les plus intenses ou à leurs désirs les plus profonds.

Les Palestiniens pressentent que la création de l’Etat que leur offrirait Israël ne leur procurera ni dignité, ni honneur, ni souveraineté, ni reconnaissance de l’injustice historique qui a été commise envers les réfugiés. Or plus que tout autre chose, c’est cela qu’ils veulent, l’Etat n’en étant qu’une expression.

Pareillement, la majorité des Israéliens pressentent qu’un traité de paix signé avec l’entité palestinienne actuelle ne leur procurera pas la sécurité telle qu’ils l’entendent, c'est-à-dire l’acceptation sincère par les Palestiniens en particulier et les Arabes en général, non que l’Etat juif existe, mais que cette existence est légitime. L’autre sécurité, celle d’ordre militaire et pratique que peuvent procurer les armes, ils l’ont déjà, telle qu’ils la voient, ou du moins autant qu’ils estiment pouvoir l’avoir. Ils préfèrent ne compter sur nul autre qu’eux-mêmes pour la conserver. La sécurité d’ordre moral, psychologique, plus

21 profonde, c’est à cela qu’ils aspirent et c’est cela qu’ils doutent de plus en plus de pouvoir obtenir à travers un accord.

Alors, à quoi bon reprendre les négociations bilatérales aujourd'hui ? Cela serait faire peu de prix de la crédibilité du Président palestinien qui a juré de ne pas le faire sans gel complet des colonies de peuplement. Cela ne servirait à rien si on n’a pas répondu par avance à cette question capitale : quelle raison a-t-on de penser que ces négociations puissent être menées à bien, puissent résoudre le conflit israélo-palestinien, alors qu’elles ont toujours échoué jusqu’à maintenant, alors qu’elles ont été menées dans des circonstances autrement plus favorables ?

L’heure n’est pas à la reprise de ce qui a déjà été tenté, mais n’a jamais pu réussir, ni à l’heure de Clinton, ni à celle de Bush, ni sous l’égide de Yasser Arafat et de Ehud Barak, ni sous celle de Mahmoud Abbas et de Ehud Olmert. L’heure est aux idées neuves, même s’il faudra un peu de temps pour y parvenir.

Mon collègue Henry Siegman, que vous entendrez tout à l’heure, et qui selon moi n’a pas d’alter ego pour sa témérité, sa créativité et sa probité intellectuelle a proposé une alternative. Il vous en parlera plus en détail mais on peut schématiquement parler d’une paix imposée. Cette idée a le mérite de rompre avec le passé et de ne pas s’en remettre uniquement à des parties qui ont démontré mille et une fois leur incapacité à résoudre seules leur conflit. Cette idée m’intrigue mais en même temps me pose problème et j’en ai souvent discuté avec lui.

D’abord, je doute qu’une administration américaine puisse aller aussi loin dans sa capacité à imposer une solution et à assumer la crise avec Israël qui en résultera inévitablement.

Ensuite, car je ne sais pas si l’on peut clore ainsi un conflit historique. Le réduire, en faire disparaître certains de ses aspects les plus nocifs, oui. Mais le résoudre définitivement, je m’interroge. C’est en tout cas l’une des pistes à explorer.

Pour ma part, ce qui me semble essentiel, au minimum, c’est de trouver un moyen d’élargir l’arène, de faire en sorte que le processus, quel qu’il soit, ne demeure pas entre les mains d’un groupe étroit d’Israéliens ou d’un groupe étriqué de Palestiniens. Il faut que ce processus recouvre ou trouve pour la première fois une véritable crédibilité. Comment faire la paix – je parle d’une paix qui tienne, qui dure, qui persiste – si on en exclut les forces les plus dynamiques, les plus mobilisées, celles qui sont capables de lui faire barrage ou de lui accorder de la légitimité – diaspora réfugiée islamiste du côté palestinien, colons et religieux du côté israélien ?

C’est une question de méthode : qui parlera, qui négociera au nom des Palestiniens et des Israéliens ? C’est aussi une question de contenu. Là encore, je crois qu’il faut des idées neuves pour faire en sorte que l’accord final, quand bien même il ressemblerait énormément aux idées de Clinton, aux idées de Taba ou à

22 celles de Genève, puisse être enrichi et inclure des éléments de solution qui résonnent avec davantage de gens des deux côtés du conflit, avec tous ceux qui ont été jusqu’à maintenant les laissés-pour-compte du processus de paix.

Je terminerais par un mot sur les Etats-Unis car j’en viens et un mot sur la France, puisque j’y suis.

De Barack Obama, j’écrivais à l’heure de son élection qu’autant sa candidature avait été révolutionnaire, autant sa présidence ne le serait pas. Cela ne se voulait pas être une critique, mais un constat et je crois qu’on en voit aujourd'hui la réalité, en particulier au Moyen-Orient. Le nouveau locataire de la Maison Blanche, chantre du changement, n’en est pas moins l’héritier du passé. Dans un sens, il en est l’otage. Cela est vrai dans le sens pratique et concret du terme. Il a hérité d’une situation dont il a les plus grandes difficultés à se défaire : une guerre en Irak dont il ne voulait pas, qu’il ne peut pas terminer dans la précipitation et dont il ne peut pas éliminer les conséquences négatives quant à la crédibilité des Etats-Unis, la polarisation régionale et le sectarisme que le pays exporte. Un autre legs est ce processus de paix en banqueroute, qui même dans le meilleur des cas eût été extrêmement difficile à réparer.

L’héritage n’est pas seulement dans les faits, il est également dans les esprits. Certaines habitudes de pensée, certaines visions des choses se sont, au fil des ans, incrustées dans les esprits. Ainsi, il y a l’idée qu’on puisse faire d’abord un exemple de la Cisjordanie, et oublier Gaza. Il y a également l’idée qu’on puisse renforcer les soi-disant modérés et isoler les prétendus extrémistes et l’idée qu’il faille toujours brandir la menace de sanctions contre l’Iran et garder sur la table, pour faire preuve de sérieux et de force, l’option militaire. Enfin, il y a l’idée qu’il faille simplement reprendre le processus tel qu’il a été et de faire mieux que ce qui a été mal fait par le passé. Dans ce sens, le legs de Bush aura été doublement nocif : il a mal fait ce qu’il ne devait pas faire, ce qui a convaincu ses successeurs qu’ils pouvaient faire mieux. Un homme comme Obama que tout, de par son passé et de par son parcours intellectuel, devait pousser aux zones d’ombre, à la nuance et aux subtilités, a dû se soumettre à la clarté aveuglante des fausses certitudes. Cela était à prévoir. Comme je l’avais écrit à l’époque, cela était inévitable. C’est ce qui est advenu. Mais c’est maintenant, à l’heure où sa politique moyen-orientale butte sur un mur – comme il l’était également prévisible – que commencent le véritable défi et la véritable question de savoir quelle sera la politique d’Obama.

De tous ses péchés – ils n’étaient pas peu nombreux – le plus grave qu’aura commis le Président Bush aura peut-être été son obstination, ce refus borné d’adapter ses croyances à l’impitoyable test de la réalité. Obama, lui, semble être équipé d’une toute autre souplesse intellectuelle. Maintenant que les efforts qui ont été entrepris par lui et son équipe ont pour la plupart échoué, c’est à lui de démontrer, en dépit des revers politiques et des échéances électorales qui approchent, qu’il peut néanmoins s’ajuster, prendre des risques et réussir.

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Quant à la France, que vous connaissez mieux que moi, je m’avancerais tout de même en disant qu’il me semble qu’elle oscille un peu entre les deux univers que j’ai décrits, entre cette conception binaire du monde et cette conception plus souple et plus fluide. Elle adopte une ligne dure, très dure, lorsqu’il s’agit de l’Iran et en même temps une politique novatrice, plus ou moins réussie, de dialogue avec la Syrie. Elle refuse d’engager le dialogue avec le Hamas mais veut aider peut-être un échange de prisonniers qui aboutirait à la libération d’un citoyen français et qui impliquerait, par définition, des contacts avec le mouvement islamiste. Le tout est agrémenté d’un évident désir de peser, d’être actif, contrebalancé par une acceptation réaliste de ses limites. Vu de l’extérieur, cela donne un peu le tournis, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’au vu du vide qui règne dans la région, principalement du vide occidental, du vide européen et du vide américain que je regrette, la France a en main une opportunité de faire bouger les lignes si elle le veut, d’élargir encore davantage le champ du débat si elle le désire et d’être en quelque sorte un pont si elle ose l’essayer. Elle pourrait faire plus, elle pourrait faire autrement et elle pourrait, dans la mesure réaliste de ses moyens – on peut toujours rêver – faire la différence. Merci.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je remercie beaucoup Monsieur Malley. Comme vous avez pu le constater, il est un analyste très fin de la réalité du Moyen-Orient. De ce qu’il a dit, je ne sais pas si nous pourrons tirer rapidement des conclusions sur ce qu’il faut faire, mais nous aurons l’occasion de le questionner au cours des débats.

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Quelles sont les chances de réussir un dialogue avec l’Iran ?

Table-ronde

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous allons commencer par la première table-ronde. Elle porte sur l’Iran et regroupe des interlocuteurs particulièrement compétents.

Madame Ladan Boroumand est une historienne iranienne spécialiste des problèmes de droits de l’homme. Elle a effectué ses études à Washington et a obtenu un doctorat d’histoire en France. Elle se tient constamment informée de l’évolution de la situation en Iran, que nous avons un certain mal à suivre…

Monsieur Anthony H. Cordesman est un collaborateur du Center for Strategic and International Studies (CSIS), qui est un des Think Tanks les plus importants de Washington. Il a réalisé un grand nombre d’études sur la stratégie américaine, à la fois en matière de défense et de pilotage politique, mais aussi sur la puissance militaire de la Chine et sur la guerre moderne. Il a été un des directeurs du renseignement au Ministère de la Défense nationale américain. Je m’excuse auprès de lui de ne pas aller plus loin dans le détail de ses différentes fonctions. Je voulais simplement vous donner une idée de l’éventail très large de ses compétences.

Le Professeur Bernard Hourcade est un agrégé de l’Université, Docteur en géographie, chercheur et Senior Research Fellow au CNRS. Il connaît admirablement la région, à la fois sur le plan politique et sur le plan civilisationnel.

Le Docteur Mustafa Alani est le Directeur du Gulf Research Center à Dubaï. Il a fait des études dans plusieurs pays et a été attaché au Royal United Services Institute for Defense and Security Studies à Whitehall à Londres.

Je vais demander à chacun d’intervenir, après quoi nous organiserons un débat, durant lequel la salle pourra bien entendu poser des questions, comme à l’issue de toute table-ronde.

Ladan BOROUMAND, Directrice de recherche, Fondation Abdorrahman Boroumand pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie en Iran – Je suis honorée et vous remercie de votre invitation et de l’opportunité de m’exprimer dans cette assemblée. En m’invitant toutefois, vous vous exposez à un risque car les défenseurs des droits de l’homme ne connaissent point le langage diplomatique et leur franc-parler n’est pas nécessairement politiquement correct !

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Un diplomate américain retraité, qui œuvre depuis des années pour le rapprochement de son gouvernement à celui de la République islamique m’a dit, quelques semaines après les grandes manifestations contre les résultats des élections présidentielles, qu’il allait rencontrer des Iraniens à New-York. Un peu par malice, je lui ai demandé s’il s’agissait de dissidents récemment arrivés d’Iran. Il m’a regardé d’un air navré et a rétorqué : « mais non, je vais voir Javad Zarif, l’Ambassadeur de la République islamique à l’ONU ». Il a ajouté : « I will meet the real people » - je vais rencontrer les vrais gens. Certes, une telle candeur, pour un diplomate qui s’adresse à un défenseur des droits de l’homme, est peu commune. Il n’en reste pas moins que considérer les détenteurs du pouvoir ou ceux qui leur sont proches comme étant les seuls qui comptent est une opinion très répandue, d’où l’incongruité de ma présence aujourd'hui à cette table-ronde, puisqu’il s’agit de réfléchir sur des affaires d’armes nucléaires et de négociations avec « the real people ».

Que peut donc apporter à ce débat une historienne du politique, qui s’est intéressée à la Révolution française pour mieux comprendre la Révolution iranienne, et dont le travail consiste à suivre avec attention la situation des droits de l'homme en Iran ? Les interlocuteurs du dialogue dont on essaye aujourd'hui d’explorer les chances de réussite sont les responsables d’un Etat répressif. Les victimes de cet Etat sont les interlocuteurs des défenseurs des droits de l'homme. Il s’agit de savoir si ce que le dialogue avec les victimes nous apporte en intelligibilité peut contribuer à améliorer l’efficacité du dialogue des diplomates avec l’Etat qui les opprime.

Dans la sphère des relations interétatiques, tout dialogue fructueux nécessite une connaissance approfondie de l’entité politique représentée par les négociateurs. Il s’agit avant tout d’évaluer si dans sa nature, cette entité est compatible avec les démocraties libérales. Autrement dit, il s’agit de savoir si nos interlocuteurs sont des partenaires ou des adversaires. C’est dans le cadre de cette évaluation que le dialogue doit se concevoir. Dialoguer avec des diplomates suisses au sujet de la sécurité de la Confédération helvétique en Europe n’a pas le même sens qu’évoquer avec Staline en 1945 la sécurité de l’Union soviétique, qui requérait l’imposition de l’idéologie et du modèle politique soviétique à la moitié de l’Europe. Il en va de même pour la sécurité de la République islamique d’Iran, un régime qui, tenant sa légitimité de Dieu, déclare ouvertement dans le préambule de sa Constitution sa vocation internationaliste et son objectif d’imposer le gouvernement islamique au monde. C’est également un régime qui déclare officiellement que les droits de l'homme et les principes de la démocratie libérale occidentale constituent le grand danger auquel il fait face ou encore un régime qui torture ses citoyens afin qu’ils avouent que leur esprit a été corrompu par les théories de la démocratie libérale. Enfin, il s’agit d’un régime qui dit avoir besoin de l’arme nucléaire pour sa sécurité, c'est-à-dire pour vaincre la démocratie libérale et les droits de l'homme.

On ne peut prédire ou anticiper les réactions et les démarches des interlocuteurs iraniens si on s’acharne à voir dans la République islamique un

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Etat-nation comme les autres. On pourra se réjouir avec les plénipotentiaires iraniens des convergences d’intérêts en Irak et en Afghanistan. Les Iraniens répéteront à qui veut l’entendre que la stabilité et la sécurité de ces deux pays leur importent autant qu’aux alliés occidentaux. Mais il ne faudra pas ensuite les accuser de duplicité parce que des bombes fabriquées en Iran ou offertes par l’Iran exploseront sur les marchés des villes irakiennes. Ce qui constitue la stabilité et la sécurité pour les démocraties occidentales représente le plus grand chaos et un danger menaçant pour le régime iranien. L’ordre pour les uns n’est que chaos pour les autres. Par conséquent, la référence commune à la sécurité n’a pas le sens qu’elle paraît avoir et la convergence des intérêts n’est qu’illusion d’optique.

Cette duperie sémantique – si j’ose dire – est savamment entretenue par les porte-paroles du régime islamique parce qu’elle sème la confusion dans les chancelleries occidentales. Le rapport de la commission fait allusion à l’élection d’Ahmadinejad en 2005 et les chiffres produits par le Ministère de l’Intérieur iranien y sont repris sans réserve. De même, il suggère que le droit à la maîtrise de la technologie nucléaire fait l’objet d’un consensus national qui réunit les factions de l’oligarchie régnante et bénéficie du soutien du peuple.

Selon le rapport, l’Iran se sent en droit de se doter de l’arme nucléaire, comme le garant de son indépendance nationale, parce qu’entre autres, en 1953, il a été victime d’un coup d’Etat fomenté par les puissances étrangères. Il s’agit du fameux coup d’Etat organisé par la collaboration des services secrets américains et britanniques, qui a entraîné la chute du gouvernement de Mohammad Mossadegh, qui avait nationalisé l’industrie pétrolière en Iran.

Sur ces points et compte tenu de la distorsion des concepts dont font usage les diplomates iraniens, l’historienne et le défenseur des droits de l'homme pourrait apporter quelques clarifications.

Permettez-moi, d’abord, de dire un mot sur le coup d’Etat de 1953, dont la diplomatie iranienne sait faire un si bon usage pour indisposer les Occidentaux qui souffrent encore de leur mauvaise conscience de colonisateurs. Il serait bon de demander aux diplomates iraniens ce que faisait en ce mois d’août 1953 l’ayatollah Khomeiny et de voir leur embarras face à une telle question parce que leur ayatollah, qui avait plus de 50 ans à l’époque, n’a strictement rien fait pour empêcher ce coup d’état. Ses futurs partisans étaient même impliqués dans le coup d’Etat aux côtés de la CIA et de Sa Majesté. C’est que la mouvance idéologique à laquelle appartenait Khomeiny, étant opposée à la démocratie libérale, a toujours considéré Mossadegh et ses partisans comme des ennemis. Pour indisposer encore un peu plus les détracteurs islamistes du coup d’Etat de 1953, on pourrait leur demander ce qu’il est advenu de la formation politique fondée par Mossadegh et de ses militants depuis l’avènement de la République islamique. Car la formation de Mossadegh a été interdite et nombre de ses militants ont été arrêtés, certains exécutés. Des trois personnalités l’ayant dirigée en 1978, l’un mourut en exil, un autre, Shapour Bakhtiar, fut assassiné à Paris en 1991 et le troisième, Dariush Forouhar, fut poignardé avec sa femme dans sa

27 demeure à Téhéran en 1998 par les agents du Ministère de l’Information. Si le Shah a tenu les partisans de Mossadegh à l’écart de la vie publique, le régime islamique les a anéantis.

Nous sommes ici dans un univers orwellien, créé par une machine totalitaire. Dans cet univers, tout est à prendre avec un grain de sel, qu’il s’agisse de l’affirmation du soutien du peuple à quelque projet que ce soit ou des résultats des élections. Les élections en Iran n’ont pas la même fonction, ni le même sens que dans les démocraties libérales. La Constitution iranienne transforme en son contraire la fonction même des élections dans les démocraties libérales. Les élections, dans les démocraties libérales, permettent la manifestation de la volonté souveraine du peuple. En Iran, la souveraineté émane de Dieu qui désigne le Guide suprême, qui n’est point élu mais reconnu par une oligarchie d’experts. Seul souverain dans le corps politique, le Guide suprême délègue l’autorité politique à une oligarchie qui se renouvelle par cooptation. C’est pourquoi les candidats aux postes électifs sont tous triés sur le volet et désignés, au choix du peuple, par l’oligarchie. L’électeur qui vote choisit, certes, mais il choisit un candidat qui n’est pas le sien. Ce faisant, il approuve aussi la légitimité d’un système où les élus de Dieu choisissent ses candidats pour lui. Si bien qu’en votant, il approuve la négation de sa propre souveraineté. D’une modalité d’exercice de la souveraineté du peuple, les élections se transforment en une modalité d’approbation de la souveraineté divine des dirigeants. Ainsi, le régime adopte un mécanisme démocratique, c'est-à-dire les élections, pour le pervertir et en faire un mécanisme anti-démocratique. Il s’agit d’un excellent stratagème, qui a permis pendant trente ans au régime de faire d’une pierre deux coups, de contraindre l’électorat à se faire complice de la violation de sa propre souveraineté et de faire croire à la communauté internationale qu’il jouissait d’une légitimité populaire.

Certes, la colère spontanée de l’électorat contre la fraude massive qui a faussé les résultats des élections en juin 2009 montre les limites de la capacité de l’Etat totalitaire à travestir les institutions démocratiques, du moins dans l’esprit des électeurs et dans un monde où l’information circule librement. La crise actuelle a le mérite de montrer qu’il existe deux peuples en Iran : celui qui est le fruit de l’imagination totalitaire des dirigeants iraniens – que j’appelle le « peuple orthodoxie » – et celui que nous avons vu descendre dans la rue à la recherche de son vote. Lequel de ces deux peuples est favorable à l’acquisition de l’arme nucléaire par le régime ? Qu’en pense le peuple réel ? Personne, à ce jour, n’a été mandaté par le peuple réel pour exprimer son vœu à ce sujet et celui qui le fait à sa place, qu’il soit journaliste, expert ou politicien, commet une imprudence.

On peut néanmoins dire que parmi les dissidents et les défenseurs des droits de l'homme, un grand nombre s’inquiète d’une telle éventualité pour deux raisons. L’une est écologique, due au manque total de confiance dans la capacité du régime à gérer les centrales nucléaires de manière responsable. L’autre est politique, parce qu’une fois doté de l’arme nucléaire et se croyant invulnérable, le régime risque fort d’intensifier la répression.

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Shirin Ebadi, la lauréate iranienne du Prix Nobel de la Paix, a toujours demandé au gouvernement iranien de trouver un terrain d’entente avec l’AIEA. Akbar Ganji, un autre dissident iranien, ancien gardien la Révolution, prône la dénucléarisation de tout le Moyen-Orient, y compris l’Iran. Finalement, les associations estudiantines islamiques, favorables à la démocratie, soutiennent en Iran même les propositions de l’Union Européenne pour le règlement de la question nucléaire. C’est dire qu’il n’existe pas de consensus, dans l’opinion iranienne, sur la question nucléaire.

La fiction totalitaire est le creuset dans lequel les tyrannies puisent leur force. En cherchant à faire accepter cette fiction comme étant la vérité, autant par ses citoyens que par la communauté internationale, le régime totalitaire veut en faire des complices. Refuser de devenir complices en acceptant comme vérité la propagande totalitaire est la condition sine qua non d’un dialogue réussi avec l’Iran. Pour pouvoir le faire, il convient de prêter une oreille plus attentive aux voix d’une société civile iranienne qui ne cesse de manifester avec courage et persévérance ses penchants démocratiques et qui, ce faisant, s’impose comme un allié de taille dans le dialogue difficile qui doit se poursuivre sur la question nucléaire. Ce n’est pas un hasard si, à l’heure où je vous parle, le gouvernement s’engage dans une répression sanglante de la société civile. Ce matin même, Ali Zamani et Aresh Rahmanipour, des jeunes gens arrêtés avant les élections et forcés sous la torture de s’accuser d’avoir fomenté les protestations contre la fraude électorale pour le compte d’organisations politiques basées à l’étranger, ont été exécutés en Iran. Ces meurtres ont pour objectif d’intimider la population qui a pris rendez-vous pour une nouvelle manifestation le 11 février prochain.

Les défenseurs des droits de l'homme ont toujours craint que la question nucléaire ne soit utilisée par le régime pour détourner l’attention de la communauté internationale de la situation désastreuse des droits de l'homme. Comme le hasard du calendrier m’offre aujourd'hui le privilège d’être entendue par « the real people », j’en profite pour m’adresser en tant que citoyenne française à mes représentants pour leur demander de réagir fermement contre ces exécutions.

Je vous remercie.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Madame, c’était une intervention que je qualifierais d’engagée mais qui n’en était pas moins extrêmement intéressante, par les aperçus que vous nous avez livrés sur le fonctionnement du régime et la signification des élections.

Anthony H. CORDESMAN, Conseiller au Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – Bonjour Mesdames et Messieurs, Le titre de notre table-ronde est : « Quelles sont les chances de réussir un dialogue avec l’Iran ? » Encore faut-il savoir de quel dialogue nous parlons, sur quel sujet et comment définir une réussite. Je vais donc m’attarder sur les

29 aspects militaires et pas seulement sur la bombe nucléaire, dont on parle souvent sans tenir compte du contexte.

D’abord, très brièvement, il faut se souvenir que ces programmes avaient déjà débuté à l’heure du Shah. Il ne s’agit pas d’initiatives nouvelles qui soient particulières au régime actuel et il n’y a par ailleurs rien de nouveau dans les intentions de l’Iran dans le Golfe. C’est le Shah qui s’est emparé d’Abou Moussa et des deux îles Tomb, qui a fait des revendications territoriales sur Bahreïn. Le processus de démenti de l’effort nucléaire est donc une tendance qui dure déjà depuis une trentaine d’années. Quand j’ai été l’assistant de l’Ambassadeur Helms en Iran, je me souviens d’avoir rencontré des officiels iraniens qui niaient complètement avoir illégalement importé des techniques liées au nucléaire, alors que nous détenions des photographies et que nous avions des connaissances très précises de la localisation de ces matériels. On l’a vite oublié, jusqu’à ce qu’au milieu des années 70 la CIA publie un livre blanc, non classé, décrivant ces mêmes équipements nucléaires.

Depuis plus de vingt ans, je rencontre des représentants iraniens, qu’ils soient de l’opposition ou du gouvernement, pour parler de ces programmes. Certains dialogues dits « de la deuxième voie » ont pu être utiles mais la plupart du temps, il s’agit de rencontres avec des apologistes professionnels. Parfois, en dehors des réunions, j’ai pu apprendre des informations intéressantes. Souvent, les réunions tournent en rond, on n’y apprend rien. Pourquoi ? Parce que beaucoup de ressortissants iraniens eux-mêmes ne savent rien quant aux programmes militaires ou nucléaires de leur propre pays. Les personnes de l’administration, du gouvernement, ne savent que ce qu’on leur dit.

Après avoir rencontré des diplomates iraniens à de nombreuses occasions, j’avais souvent d’importantes preuves techniques de savoir qu’ils ne seraient pas francs. Sous le régime Khatami, j’ai été invité à revenir en Iran ; j’ai également été invité par des membres du Majlis (Parlement), à l’extérieur de l’Iran qui m’ont reproché d’avoir travaillé au service de ce pays sous le régime du Shah. Dans d’autres circonstances, j’ai passé des heures à écouter des mensonges ou à entendre que les progrès étaient impossibles sans des concessions unilatérales qui ne sont tout simplement pas concevables. Il y a plusieurs niveaux de dialogue.

Je crois que l’on a évoqué la possibilité d’un changement de régime en Iran. J’espère qu’un tel changement interviendra. J’espère que les Iraniens en seront les acteurs. Mais laissez-moi vous dire que tous ceux qui n’ont jamais participé à un changement de régime sont souvent les premiers à donner des leçons sur ce qu’il conviendrait de faire soit de façon pacifique, soit par l’intermédiaire d’actions secrètes. La plupart du temps, c’est beaucoup plus difficile qu’on ne le pense et cela marche rarement de la façon que l’on voudrait.

On parle souvent des options militaires en Iran. Mais il y a quelque chose de très important à ne pas oublier : cela va bien au-delà du programme nucléaire iranien. L’Iran n’est pas au milieu de nulle part. Il est dans un environnement qui interagit avec lui. Nous savons que des programmes liés aux sous-marins

30 israéliens incluent des programmes de lancement de missiles longue portée. Ces programmes sont très certainement destinés à accroître les capacités de frappes nucléaires israéliennes en Iran. Cela fait longtemps qu’Israël a accru la portée de ses porteurs de missiles qui peuvent très certainement atteindre l’Iran. Il s’agit donc de deux pays qui se ciblent, l’un l’autre, et potentiellement avec des moyens nucléaires. Vous avez des pays dans le Golfe qui sont en train d’acheter des défenses anti-missiles balistiques pour se protéger de ces menaces. Les Etats- Unis envisagent non seulement des options de frappe conventionnelle, mais aussi des options de dissuasion étendue contre l’Iran.

L’Iran n’est pas aveugle et le voit bien. Nous devons prendre conscience qu’il s’agit d’un acteur doué et bien informé. Il n’est pas passif. Il en tire des conséquences dans sa planification stratégique et dans sa surveillance de la littérature stratégique étrangère. D’après ce que je peux voir en Iran, les Iraniens ont une bonne connaissance de la stratégie et des études en cours des autres pays, qui se reflètent à la fois dans leurs documents ouverts et classifiés. N’oublions pas qu’il ne s’agit pas seulement d’un exercice de contrôle des armements, mais d’un exercice de puissance militaire et que nous avons déjà des éléments d’une course aux armements nucléaires en place.

S’agissant du dialogue officiel, il ne faut pas oublier que ce dialogue ne se situe pas seulement entre diplomates et ONG et universitaires. La planification militaire initiale a lieu en Iran sous l’égide du Conseil national de sécurité iranien et n’est pas l’œuvre de diplomates, qui sont majoritairement tenus à l’écart. Ils ne sont pas pleinement informés des programmes nucléaires. Il y a beaucoup d’experts iraniens qui sont envoyés en représentation qui ne savent même pas placer sur la carte les équipements nucléaires, lorsqu’ils participent à ces réunions.

Les vrais décideurs, dans tous ces dialogues, sont les gardiens de la Révolution, les personnes qui entourent le Guide suprême et le Président. Ces gens sont souvent impliqués dans ces programmes depuis le milieu des années 1990 et parfois même depuis l’achat de ces programmes nucléaires par l’Iran après les attaques chimiques de la part de l’Irak. Ce sont ces personnes qui façonnent largement le programme militaire iranien et associent les efforts nucléaires à ceux sur les missiles, sur les évolutions de la force conventionnelle en Iran et sur ses capacités croissantes en armes de guerre asymétriques.

Puisque je ne dispose que de quelques minutes pour m’exprimer, j’ai mis en ligne, sur le site Internet de cette conférence, une analyse des tendances régionales en termes de forces de l’Iran et d’équilibre régional. Elle montre que les efforts nucléaires de l’Iran doivent être abordés dans le cadre d’un débat portant sur ses programmes de missiles. À l’heure actuelle, ce programme iranien de missiles de longue portée n’a aucun sens si l’ogive n’est pas un moyen de destruction massive. Ces missiles ne sont pas suffisamment meurtriers ou précis car ils agissent à longue portée. Sans ogive nucléaire, ils ne serviraient à rien. Toutefois, ces missiles constituent l’un des principaux domaines d’investissement dans les forces iraniennes.

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Le programme nucléaire iranien affecte tous les aspects de l’équilibre militaire. Acquérir des moyens nucléaires peut permettre de compenser vos faiblesses en matière de forces conventionnelles, faiblesses qui sont nombreuses concernant l’Iran. Ces équipements conventionnels remontent, pour la plupart, à l’époque du Shah. L’Iran se situe désormais loin derrière ses voisins et les Etats- Unis.

Au cours de la dernière décennie, le Conseil de coopération des pays du Golfe, en faisant fi des conseils des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, a dépensé treize fois pour ses importations d’armes et huit fois plus en matière de défense par rapport à l’Iran. L’Iran a été poussé dans cette guerre asymétrique et dans différents types de combats. La seule manière de se protéger de façon crédible, c’est d’avoir la bombe, ou en tout cas menacer que l’on dispose d’une bombe cachée. C’est l’effet dissuasif contre une frappe conventionnelle en Iran.

Il en résulte des implications claires pour le dialogue. Je pense qu’il serait très souhaitable pour chacun d’entre nous que ceux qui s’intéressent au programme nucléaire iranien en parlent vraiment et le mettent en perspective par rapport à l’ensemble des programmes militaires et des objectifs stratégiques de l’Iran. Le dialogue est essentiellement ponctué de commentaires politiques, assez superficiels.

Par ailleurs, on accorde trop peu d’attention aux détails techniques de ce que l’Iran est supposée en train de faire. Si les journalistes lisaient vraiment les comptes rendus de l’AIEA plutôt que d’en lire les résumés, ils seraient beaucoup plus informés. Cela aiderait aussi que les rédacteurs vérifient les faits. Selon le London Times et le Telegraph, les Etats-Unis ont « envahi » ou « attaqué » l’Iran, au moins trois fois alors que les faits n’avaient pas été vérifiés et les informations étaient erronées à de nombreux égards.

Nous devons par ailleurs prendre conscience que nous négocions avec un pays qui sait que l’on ne discute plus de l’enrichissement pacifique à des fins nucléaires. Premièrement, ils ne l’ont pas nié. Deuxièmement, il y a eu des incitations fortes pour réduire le coût de l’enrichissement du programme nucléaire. Troisièmement, les équipements existent. Si l’Iran avait réellement souhaité négocier à des fins pacifiques, les opportunités ne manquaient pas.

Par ailleurs, si vous regardez les nombreux rapports de l’AIEA sur les programmes nucléaires iraniens, on sait que l’Iran est impliqué dans tous les domaines de la recherche liés à la production d’une arme nucléaire.

L’Iran donne beaucoup d’explications, à savoir que c’est un programme de recherche pacifique. Mais ils ont développé des matériels interdits alors qu’ils n’étaient pas supposés le faire et ils l’ont caché. Ils ont développé du polononium, ce qui est le début de la chaîne de la prolifération nucléaire. Ils sont expérimenté la technologie des lentilles explosives et acquièrent des détonateurs

32 rapides. Il n’y a pas d’élément essentiel à la conception des armes pour lesquels nous n’avons pas de preuves ou que les Nation Unies n’aient pas trouvés.

Pourtant, le débat porte toujours sur le fait de savoir si, oui ou non, l’Iran a bien un programme nucléaire. C’est là que nous devons avoir conscience des limites de ce que le dialogue et les négociations peuvent permettre d’accomplir. Si nous avions vraiment un vrai Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et l’inspection qui en découle, si le protocole avancé se concrétisait vraiment, nous ne pourrions rien faire, au titre de ces accords, pour empêcher l’Iran de mettre en place des systèmes nucléaires plus avancés qui pourraient être dispersés ou cachés plus facilement.

Il n’y a pas de liste classifiée concernant les équipements nucléaires iraniens. La plupart des études se concentrent sur 3 ou 4 d’entre eux. Mais il y a assez d’études pour nous indiquer qu’il existe plus de 80 installations liées au nucléaire. Certaines installations de production pour la centrifugeuse sont à Mashhad, c'est-à-dire dans l’extrême nord-ouest du pays, dans la région la plus éloignée par rapport à Israël. Nous savons qu’il y a aussi deux autres types de centrifugeuses plus développées qui sont actuellement en cours d’expérimentation. Le Président s’est fait photographier devant deux autres types d’installations. Il n’y a donc aucun doute. Comment peut-on le nier ?

Une fois que l’Iran aura acquis des centrifugeuses aux capacités réellement plus performantes, qui soient dix à quinze fois plus puissantes que les installations actuelles, la création et la mise en place d’installations plus petites et plus atomisées sur le territoire deviennent radicalement différentes. Cela pourrait nécessiter beaucoup moins de matériaux fissiles que ce qu’indiquent de nombreuses études. Il est important de prendre conscience que de nombreux observateurs sur la prolifération nucléaire calculent les quantités de matériau fissile nécessaires pour la fabrication d’armes à partir de valeurs qui datent de 35 ans et qui n’étaient même pas correctes lorsqu’elles ont été publiées. Les chercheurs français ont démontré que l’on peut aujourd'hui créer des armes nucléaires à partir d’une quantité de matériaux bien moins importante que le seuil fixé par les observateurs.

La difficulté dans la production d’une arme nécessitant toute cette technologie consiste en réalité à savoir si l’on peut l’intégrer facilement et rapidement. Cette technologie est-elle fiable ? Que peut-on en faire ? Peut-on créer des armes « boostées » ou thermonucléaires ? La réponse change au fur et à mesure de l’évolution de l’amélioration de la technologie par l’Iran. Quoi qu’ils fassent, ils ont la capacité d’utiliser ce que l’on appelle les méthodes de test passives qui ne requièrent aucun vrai test d’arme pour faire ces mêmes simulations, cette modélisation. Il y a aussi des tests physiques, des tests d’ogive, qui peuvent se faire sans explosion du dispositif.

Par conséquent, pour ceux qui s’intéressent à la prolifération, si l’on ne rentre pas dans ces détails techniques dans le cadre de l’analyse politique, on ne peut pas revendiquer le fait de vraiment savoir de quoi l’on parle. Il est

33 surprenant de voir les soi-disant chercheurs politiques tirer des conclusions techniquement absurdes sur les armes nucléaires.

Nous devons par ailleurs être conscients que dans tout dialogue, toute négociation, on ne peut pas stopper le flux technologique et la recherche et développement de l’Iran. On ne peut opposer la tendance, on peut peut-être la ralentir, on peut détecter des actions de développement d’armes manifestes, on peut éviter un développement caché par le biais de négociations mais l’Iran peut alors utiliser le potentiel nucléaire dont elle dispose pour lancer des menaces et soutenir ses options militaires, notamment l’intimidation nucléaire ou pour réaliser ses efforts de contrôle des armes.

En dix minutes, je ne peux pas courir toutes les options de dialogue possibles, même dans le cas où l’Iran accepterait les termes actuels de l’offre et si l’AIEA était autorisée à reprendre pleinement ses inspections. Je le ferais si je disposais de plus de temps. Ce dont je peux vous assurer, c’est qu’une seule négociation sur les programmes nucléaires iraniens ne permettra pas à en venir à bout. Même si l’Iran acceptait le protocole avancé ou le traité de non- prolifération, cela ne résoudrait pas la question. Il y aurait toujours une longue période de course au nucléaire potentielle et d’incertitudes.

Mais ce n’est pas le seul problème à résoudre. D’ici cinq à dix ans, la plupart des pays du monde seront en mesure de produire des armes biologiques très développées à l’aide des techniques de modification génétique. Donc, l’Iran aura probablement des ogives qui feront mieux que les ogives classiques. Lorsque l’on parle d’une arme classique de mille kilos, ce n’est rien, mais si on la lance sur une installation de désalinisation, ça peut faire des dégâts. Il n’y a pas que la taille de la bombe qui compte, c’est la nature stratégique de la cible, donc les usines de désalinisation ou les centrales de production de l’électricité.

Pour conclure, je dirais qu’il y a plusieurs siècles, l’Europe et l’Eglise catholique unifiée ont essayé de bannir l’arquebuse. Elle a finalement été pratiquement bannie, quand le mousquet et le fusil l’ont remplacée, comme des mécanismes beaucoup plus précis pour tuer.

Et je pense que nous devons être beaucoup plus francs sur les perspectives d’avenir et mettre des limites raisonnables aux armes de destruction massive. Aussi longtemps que vous aurez des régimes qui souhaiteront poursuivre cette course à l’armement, il n’y aura pas de simple réponse manichéenne au contrôle de l’armement. C’est un duel technologique et énergétique qui continuera indéfiniment dans le futur, sous des formes qui peuvent changer continûment et muer, et qui peut-être peuvent être limitées et aménagées mais jamais stoppées.

Je vous remercie de votre attention.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Merci, c’était particulièrement intéressant. En effet, vous êtes entré dans une analyse concrète des moyens dont

34 dispose l’Iran. Il est vrai qu’il s’agit d’un des points sur lequel il est nécessaire de s’interroger.

Dr Mustafa ALANI, Directeur de recherche au Gulf Research Center, Dubaï – Bonjour Mesdames et Messieurs. Vous avez eu le point de vue des Etats-Unis et des points de vue français. Je crois qu’il faut aussi que vous entendiez le point de vue des voisins immédiats de l’Iran et de ceux qui seront les premières victimes d’une éventuelle attaque ou, du moins, d’une éventuelle intimidation de la part de l’Iran.

Je suis donc là pour vous présenter le point de vue des Etats du Golfe, en particulier notre analyse de la possibilité du dialogue avec l’Iran de parvenir à une résolution pacifique du conflit. Le problème que nous rencontrons dans la région, c’est que nous ne connaissons pas vraiment l’état du programme nucléaire iranien, sa nature et ses objectifs réels.

Nous, dans la région du Golfe, considérons que nous sommes un partenaire dans la recherche d’une résolution de ce problème. Nos points de vue et nos intérêts nationaux doivent être pris en compte dans tout ce processus et dans toute résolution future du problème. Monsieur Barack Obama avait demandé que toutes les options soient mises sur la table pour discuter avec l’Iran. Un an plus tard, nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait aucune option sur la table. A partir de nos contacts avec les Américains, en particulier au Centre de recherche sur les pays du Golfe – qui représente globalement les intérêts des Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – où des délégations américaines viennent nous voir très souvent, on s’aperçoit que jusqu’ici il n’y a absolument aucune politique et que le gouvernement américain continue de chercher ce que pourrait être sa politique.

C’est une erreur de dire que la perception du monde arabe vis-à-vis de l’Iran pourrait être un élément de réflexion car elle n’existe pas. Nous vivons de l’autre côté de la frontière, mais la perception de l’Iran par les Emirats Arabes Unis n’a rien à voir avec celle des Arabes qui vivent au Maroc ou en Mauritanie. Nous avons des visions totalement différentes. J’ai très souvent entendu des Algériens et des Marocains dire que nous devions laisser l’Iran devenir une puissance nucléaire. Pour les Etats du Golfe, c’est tout autre chose. Pour nous, il s’agit d’un cauchemar, pour de nombreuses raisons. Dans la région du Golfe, nous avons une longue pratique des relations avec l’Iran et nous avons connu beaucoup d’expériences négatives. L’idée que nous nous faisons d’un Iran nucléarisé n’a rien à voir avec l’idée que peuvent s’en faire l’Egypte ou le Maroc. Si le point de vue du monde arabe vis-à-vis de la problématique palestinienne est assez unifié, les vues divergent en revanche énormément au sujet de l’Iran.

Que voulons-nous dans cette région ? Les Iraniens disent que puisque l’Etat hébreu possède l’arme nucléaire, ils ont le droit de développer l’arme nucléaire. Ce n’est pas un bon départ pour nous et ce pour une simple raison. L’Iran a signé de plein gré le TNP et s’est donc placé sous l’obligation juridique, par un contrat entre l’Iran et la communauté internationale, de ne pas développer

35 l’arme nucléaire. Ni l’Etat hébreu, ni l’Inde, ni le Pakistan n’entrent dans la même catégorie puisqu’ils ne l’ont pas signé. Ces pays ont décidé dès le départ de développer l’arme nucléaire et de ne pas entrer dans le processus du TNP. L’Iran a signé le TNP et a signé le protocole additionnel en 2003. Il n’a pas encore été ratifié mais le gouvernement de la République islamique d’Iran l’a tout de même signé, ce qui veut dire qu’il accepte a minima les principes du Traité de non-prolifération.

Pour nous, dans la région, la politique ne doit donc pas consister à développer de nouveaux armements pour faire face à la menace éventuelle d’Israël. Nous devons nous concentrer sur le désarmement des puissances nucléaires existantes et non pas encourager d’autres puissances à se nucléariser.

Avant d’essayer de répondre à la principale question soulevée par ce colloque, je voudrais vous décrire brièvement les fondements qui façonnent et influencent la position des pays de la région du Golfe sur l question du nucléaire iranien.

Nous, Etats du Golfe, espérons sincèrement que cette crise du nucléaire iranien puisse être résolue par le dialogue et la négociation. Non parce que nous aimons l’Iran, mais parce que nous nous aimons nous-mêmes. Cette région a suffisamment souffert à travers des guerres et l’instabilité régnante depuis la guerre Iran-Irak. Nous ne voulons pas voir de nouveaux conflits militaires dans la région saper notre stabilité ou notre développement économique, voire détruire aussi le niveau minimal d’harmonie qui existe dans la région entre nous et l’Iran.

Traiter des ambitions nucléaires illégales supposées de l’Iran exige un travail de l’ensemble de la communauté internationale. Cela relève de la responsabilité de la communauté internationale, non de notre seule responsabilité : le Traité de non-prolifération est un traité qui n’est pas régional mais international. Il est tout à fait certain que nous pouvons jouer notre rôle dans le cadre de ce TNP. Pour nous, le facteur décisif est l’issue de cette crise et non la question de savoir quel doit être l’équilibre des pouvoirs qui va s’établir dans la région.

Actuellement, la discussion majeure, dans la région, porte sur le fait que si la communauté internationale ne parvient pas à empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire, nous n’aurons pas l’obligation légale ou morale de respecter le TNP. Ce serait la fin du TNP. Il faut que les choses soient très claires à ce sujet.

Nous nous demandons aujourd'hui quelle peut être la valeur du TNP, pour nous, si l’Iran, signataire dès le départ du TNP et signataire du protocole additionnel, devient une puissance nucléaire. A ce moment-là, nous pourrions tous devenir des puissances nucléaires.

Par conséquent, la question n’est pas de savoir si l’Iran va devenir une puissance nucléaire ou si le TNP va survivre, mais si le régime nucléaire va

36 survivre. Je crois que c’est comme cela que nous voyons les choses dans la région. C’est la raison pour laquelle nous commençons à accepter le principe de nucléarisation de la région.

Les programmes doivent être civils, mais nous savons qu’aucun programme ne commence par être militaire. Nous avons besoin du savoir faire et nous avons besoin de nous préparer pour le jour où nous serons laissés de côté, quand la communauté internationale ne fera plus son travail. Nous devons envisager l’option nucléaire si cela se produit.

Les Etats du Golfe sont convaincus que l’Iran continue à travailler à l’acquisition d’une bombe atomique ou au moins d’une capacité nucléaire. Qu’il s’agisse de la bombe atomique ou de la capacité de la produire ne fait pas une grande différence pour nous. Cette évolution va nécessiter que nous agissions sérieusement pour ajuster le délicat équilibre des puissances dans la région. L’équilibre assuré par l’Irak, comme contrepied et zone-tampon entre le Conseil de coopération des Etats du Golfe (CCG) et l’Iran, a constitué un développement majeur pour le CCG. Les Etats du Golfe ne sont pas prêts à accepter une nouvelle réalité avec l’Iran émergeant comme une puissance nucléaire. Nous avons déjà souffert de cela et nous n’avons pas eu de réponse pour rétablir l’équilibre, suite à la disparition de l’Irak comme facteur d’équilibre dans la région. La question est de savoir ce que nous allons faire.

Nous, Etats du Golfe, reconnaissons et acceptons le droit de l’Iran à développer un programme civil nucléaire pacifique. Cela ne nous pose absolument aucun problème. Adoptant nous-mêmes cette stratégie, nous ne pouvons la refuser à l’Iran et lui refuser l’accès à cette technologie. Ceci étant dit, nos relations avec l’Iran sont dictées par l’histoire et la géographie, la religion, la culture et beaucoup d’autres liens. Il faut bien se rappeler que nous ne pouvons pas faire sans notre voisin : c’est la réalité géographique, qu’elle nous plaise ou non. Nous avons le choix de traiter l’Iran comme un ennemi ou comme un ami mais nous ne pouvons pas changer la réalité géographique.

C’est la raison pour laquelle il nous faut être très prudents et ne pas être au premier rang lors de la confrontation avec l’Iran tant que nous n’avons pas une véritable confiance dans la politique des Etats-Unis ou de l’Union européenne. Sinon, nous pourrions nous retrouver seuls en première ligne face à l’Iran, abandonnés au milieu du gué, et être seuls à être taillés en pièces. Par conséquent, nous sommes très prudents et tous les dirigeants des pays du Golfe veillent à ce que le problème ne soit pas régionalisé. C’est un problème international dans lequel nous pouvons jouer notre rôle, mais nous ne voulons pas que quelqu’un nous reproche de ne pas faire pression sur l’Iran. Nous ferons pression sur l’Iran dans le cadre de la communauté internationale.

Les négociations avec l’Iran peuvent-elles être fructueuses ? Je peux parler de notre expérience, puisque nous sommes voisins et que nous avons depuis longtemps négocié avec l’Iran. Pour illustrer très simplement nos négociations ou nos tentatives de négociation avec l’Iran, je peux citer l’exemple

37 de l’occupation des trois îles des Emirats Arabes Unis en 1971. Cela s’est produit il y a quarante ans, mais nous espérons toujours, en vain, mettre l’Iran à la table des négociations.

Officiellement, les Iraniens ne parlent pas d’une occupation mais d’un malentendu. Même sur la base de ce malentendu, ils refusent de négocier. Par ailleurs, pendant la guerre sanglante et meurtrière entre l’Iran et l’Irak qui a duré huit ans, les Iraniens ont refusé de négocier durant sept ans. Finalement, ils ont accepté en 1988 les termes qui leur avaient été proposés en 1981. Nous parlons donc d’un pays avec lequel il est très difficile de négocier. Tel est notre vécu, en tant que voisins de l’Iran.

Je voudrais brièvement répondre à la question sur les perspectives de succès du dialogue.

Premièrement, les Iraniens vont montrer un intérêt envers toute invitation au dialogue car ils souhaitent montrer leur intérêt pour un règlement diplomatique, cela ne fait aucun doute. Ils estiment qu’ils ne doivent pas rejeter le dialogue car cela affecterait négativement leur image. L’Iran veut en effet se présenter comme un pays qui cherche une solution diplomatique au problème nucléaire.

Deuxièmement, les Iraniens sont prêts à parler à l’Union européenne ou à d’autres nations ou organisations internationales mais leur véritable intérêt consiste à établir un dialogue direct avec les Etats-Unis. Ils pensent que ce serait la clé pour faire changer l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis de l’Iran. Les Iraniens considèrent que toute négociation sans engagement direct des Etats-Unis n’apportera pas le résultat requis.

Dans toute négociation avec l’Iran, l’Iran essaye de s’en sortir en mettant plusieurs points sur la table des négociations. Le pays n’acceptera pas de discuter la question du nucléaire sans traiter d’autres problématiques. Il va demander que toutes les cartes soient mises sur la table. Nous avons le sentiment que l’Iran veut devenir une superpuissance régionale. Tel est l’objectif iranien et c’est dans cette vision des choses qu’il faut inscrire la problématique du nucléaire iranien. Les Iraniens n’ont pas besoin d’arme nucléaire pour se défendre. En revanche, ils ont besoin d’une capacité nucléaire pour apparaître comme une puissance régionale. Ils attendent de l’Union européenne et des Etats-Unis d’être reconnus comme une puissance régionale de premier rang. Pour nous, cela est totalement inacceptable. Nous avons connu cela avec l’administration Nixon qui a fait du Shah d’Iran le policier de la région. Il fallait frapper à la porte de Téhéran chaque fois que des décisions stratégiques devaient être prises concernant les Etats du Golfe. Aujourd'hui, nous sommes des Etats matures. Je ne pense pas que nous accepterons que cela se reproduise.

Troisièmement, les Iraniens sont connus pour leur tactique très efficace consistant à faire perdurer des négociations qui n’aboutissent pas ou aboutissent à des résultats limités. Je ne révèle pas ici un secret : il s’agit de la réalité. Cette

38 tactique implique la présentation, au cours des négociations, de multiples sujets, au lieu d’une seule problématique en modifiant les priorités, en établissant des liens entre les différents dossiers. D’une manière générale, cela conduit à une approche très vague des négociations.

Quatrièmement, le style de négociation iranien s’appuie sur la stratégie des concessions offertes par étapes. Ainsi, une véritable percée dans les négociations n’est pas envisageable en une session unique de négociations. Cinquièmement, la stratégie iranienne d’approbation du dialogue pourrait en outre avoir d’autres objectifs que le désir réel de parvenir à un règlement négocié sur la question du nucléaire.

Les tactiques de négociation pourraient être utilisées pour plusieurs raisons. Une première raison est la volonté de gagner du temps, permettant au programme nucléaire national d’avancer suffisamment pour établir une nouvelle réalité sur le terrain. Dans tout programme nucléaire militaire, le temps est un facteur essentiel. Les ingénieurs ont besoin de temps pour travailler sur les projets et le rôle des politiques est de leur donner le temps de faire avancer les projets techniques jusqu’à ce qu’ils atteignent le seuil à partir duquel la nature des négociations change complètement. Toute avancée technique du programme aura un impact sur la manière de conduire les négociations et sur leur issue.

Une seconde raison est de montrer au public iranien que le gouvernement fait tout son possible pour refuser le conflit et éviter la confrontation. Ainsi, la responsabilité de l’échec des solutions diplomatiques sera attribuée aux pays occidentaux ou aux ennemis de l’Iran.

Troisième raison : ces tactiques de négociations pourraient être utilisées pour tester et explorer les options des autres parties, principalement la crédibilité d’une action militaire. Par conséquent, si la négociation avec l’Iran est possible, sa réussite est en revanche beaucoup plus incertaine. Je vous remercie.

Bernard HOURCADE, Directeur de recherche au CNRS – Je voudrais d’abord dire que nous avons tous très bien entendu ce qu’a dit Madame Boroumand sur la situation de l’Iran. Cela fait trente ans que cette situation dure et s’empire chaque jour. En tant qu’universitaires, nous sommes très touchés directement par le fait que Clotilde Reiss, une étudiante allée en Iran pour apprendre le persan se trouve toujours en résidence surveillée depuis six mois. Le problème n’est pas la réalité iranienne mais d’envisager les moyens de s’en sortir et de prendre enfin l’Iran au sérieux.

Je reprendrais ce qu’a dit précédemment Robert Malley, en considérant que le problème du nucléaire – et le titre de cette conférence peut-être – est déjà dépassé. Même si elle est essentielle, la question nucléaire n’est plus une question d’actualité après ce qui vient de se passer au mois de juin dernier. L’émergence d’un nouveau phénomène démocratique, c'est-à-dire la manifestation des gens dans la rue, change selon moi complètement la donne quand on veut parler à l’Iran.

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Il faut également considérer que d’une part, la politique internationale concernant le nucléaire a été un échec puisque – comme cela vient d’être souligné – l’Iran a une capacité nucléaire évidente. Si un jour le gouvernement iranien veut l’arme nucléaire, il l’aura, quel que soit son gouvernement. D’autre part, il n’y a jamais eu un régime aussi dur en Iran qu’aujourd'hui. Autrement dit, la politique de sanction et d’embargo qui a dominé la politique internationale sous diverses formes depuis trente ans a lamentablement échoué.

A plusieurs reprises, Français, Européens et Américains ont cherché à coordonner leur action, mais il faut se souvenir qu’en 2003, les Iraniens avaient accepté pour la première fois de rentrer dans le rang et que la politique nucléaire iranienne soit aussi claire que possible. Mais cette proposition, qui visait à éviter la prolifération nucléaire, n’a pas plu à nos amis américains, car leur but n’était pas le même. En Europe, nous voulions lutter contre la prolifération et l’arme atomique. Nous voulions éviter une prolifération qui, après l’Iran, aurait concerné la Turquie, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, le Brésil, l’Argentine, et combien d’autres pays au monde… Aux États-Unis, le problème était le regime change, le changement de régime. Mettre cela en préalable signifie que l’on ne souhaite pas de solution à la crise. Effectivement, aux États-Unis, on comptait de nombreux partisans d’une confrontation avec l’Iran et qu’il fallait d’abord éradiquer le régime islamique. Le dernier gouvernement Bush l’a montré. Le résultat est que le régime islamique est fort aujourd'hui, qu’il réprime comme jamais et que la bombe atomique, si elle est en projet, n’a jamais été aussi proche.

L’Iran pose mal le problème du nucléaire, mais il le pose. Cette très grave question est focalisée sur l’Iran, mais on a tort d’ignorer le fait qu’aujourd'hui, le problème du nucléaire n’est pas uniquement celui de l’Iran mais aussi du Brésil, de l’Argentine, de l’Algérie et de combien d’autres pays émergents. L’Iran n’est qu’un exemple : à force de se focaliser sur lui, on est aveuglés.

La question iranienne aujourd'hui est posée par les Iraniens eux-mêmes. Cela fait quarante ans que je fréquente l’Iran et que je regarde de pays par la base, non pas par le haut. Comme tous les chercheurs en sciences sociales, j’ai constaté que depuis trente ou quarante ans, la société iranienne avait évolué en profondeur, indépendamment du gouvernement. Ce changement ne s’est pas produit grâce à la République islamique ni contre elle.

Nous savons tous combien les femmes iraniennes ont un rôle essentiel et qu’elles sont majoritaires à l’université. Nous savons aussi comment l’évolution de la société, ouverte vers le XXIème a connu des succès en Iran, comme elle n’en a pas eus dans les pays voisins. Le problème est le passage du sociologique au politique. Le fait que les Iraniens ne soient pas d’accord avec leur gouvernement est une évidence. Il est certain que 80 % des gens qui ont voté pour Ahmadinejad critiquent sa politique, mais n’ont pas pu ou voulu faire un choix de rupture lors des élections de juin 2010 car la répression était déjà effective et les élections étaient – comme l’a dit Madame Boroumand – une

40 cérémonie particulière. Depuis lors, les choses ont changé car la société iranienne a eu le courage de passer au politique. Dans certains lieux d’Iran, notamment à Téhéran, les gens ont été assez forts et courageux pour aller dire leur protestation dans la rue.

Le deuxième élément important est le discours du président Obama au peuple iranien. Certes tout le monde est un peu déçu et la mode est à dire : « Yes, we can, mais vous n’avez pas pu grand-chose depuis un an ». Mais, concernant ce discours de Nowrouz – du nouvel an iranien– : quel pays dans le monde a eu droit à un discours du Président des États-Unis d’Amérique ? Seul l’Iran. C’est un événement majeur. A deux reprises, il a reconnu la « République islamique d’Iran ». C’est la fin de l’embargo, la fin de la volonté de regime change, de changer le régime pour faire revenir le fils du Shah ou je ne sais quel avatar politique. Pour la première fois, l’Iran a été pris au sérieux par les États-Unis et cela a changé considérablement les choses. Autrement dit, pour la première fois, les élections iraniennes du mois de juin avaient un enjeu.

D’habitude, on l’a dit, une élection en Iran ne fait que légitimer le vainqueur : mais cette fois-ci, il y avait un enjeu, pour la première fois. Barack Obama a détruit un des piliers de la République islamique : il a détruit le dogme de l’opposition aux États-Unis, qui est le pilier fondateur de la république islamique. Il a détruit, lui-même, pacifiquement, ce pilier. Cela a semé la panique dans la classe politique iranienne. Le fonds de commerce basé sur des slogans tels que « A bas l’Amérique ! » ne rimait plus à rien. De ce fait, les élections ont eu un enjeu pour la première fois parce qu’on savait que le vainqueur de l’élection allait pouvoir serrer la main du président américain, de façon au moins virtuelle et obtenir ainsi la reconnaissance durable de la République islamique. D’où les rivalités internes entre un Rezai – ancien commandant des Pasdars –, un Moussavi – ancien Premier Ministre de Khomeini –, de Karoubi, qui a été de tous les gouvernements, et Ahmadinejad, qui se sont disputé le gâteau électoral parce qu’enfin il y avait, pour la première fois, un gâteau à partager : l’ouverture internationale du pays. De cela a découlé le coup-d’État d’Ahmadinejad et le contre coup-d’État de la société iranienne. Nous en sommes là aujourd'hui. Nous pourrions discuter longuement des tenants et des aboutissants, mais la question est de savoir que faire aujourd'hui et quels sont les rapports de force.

D’un côté les plus conservateurs disent que la République islamique est en danger. En effet, aujourd'hui, les pays occidentaux sont absents d’Iran. Environ de 2 000 à 3 000 étrangers occidentaux résident en Iran. Si l’on ouvre les frontières, si l’on serre symboliquement la main des États-Unis – donc par le même coup celle des Européens, des Australiens et de tous les autres – cela signifierait pour les conservateurs que 200 000 à 300 000 étrangers viendraient travailler en Iran dans deux ans. Cette perspective pacifique et banale est considérée par les plus conservateurs comme une invasion économique et culturelle étrangère à laquelle la République islamique ne résistera pas. Donc ils sont contre toute discussion avec les États-Unis.

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La deuxième solution est celle d’Ahmadinejad, qui constate qu’il faut trouver un modus vivendi. Une solution à la chinoise : on réprime à l’intérieur, on montre que le régime islamique sera éternel, on verrouille, on tue, on sanctionne et on réprime massivement, tout en gardant quelques portes de sorties. Simultanément, on ouvre la porte de façon très tactique, grâce quelques accords avec les États-Unis, notamment sur le nucléaire, qui n’est plus un enjeu majeur. Le nucléaire n’est pas un enjeu stratégique pour l’Iran car l’armée iranienne est importante et forte, que le pays a 75 millions d’habitants et que la force de l’Iran – comme cela l’a été dit précédemment – est géographique. Même si l’Iran n’a pas de bombe atomique, pour les Émirats Arabes Unis, Bahreïn ou le Qatar, l’Iran reste un monstre politique, économique et culturel. Le nucléaire n’est donc pas un enjeu prioritaire. Ahmadinejad a donc proposé, à Vienne le 7 octobre dernier, un accord technique sur le réacteur de recherche de Téhéran. Il s’agissait d’un petit deal amical qui permettait de faire tomber la pression et d’ouvrir les négociations avec les États-Unis de façon limitée. Le modèle chinois consiste à fermer à l’intérieur et à ouvrir de façon contrôlée à l’extérieur, pour assurer la survie du régime islamique. Dans le camp occidental, certains disent que cela n’est pas acceptable, parce que les Iraniens n’acceptent plus ce système politique après trente ans de République islamique. Par ailleurs, aux États-Unis et en Europe, on ne se satisfera pas d’une solution en demi-teintes.

Ces nouveaux rapports de force ont favorisé la montée d’un troisième pouvoir, d’une opposition. Il ne s’agit pas de la vague verte – qui est très courageuse et qu’il faut soutenir, mais qui est durement réprimée faute d’organisation et de stratégie – mais de l’opposition des gens de l’intérieur, celle des Gardiens de la révolution. Je vais vous choquer – mais il faut choquer pour penser différemment, comme le disait Robert Malley – : le vaste réseau des Gardiens de la révolution n’est pas sans rapport, comme structure et non sur le plan des valeurs, avec celui des Résistants en France en 1945. Dire aujourd'hui que quelqu'un, un Préfet, un sous-préfet, un Ministre, est issu des Pasdars, c’est exactement comme dire en 1945 en France que tel Préfet, sous-préfet ou directeur dans un ministère, sortait de la Résistance. C’est un fait historique banal. Tous les Gardiens de la révolution ont combattu pour défendre leur patrie et une révolution tiers-mondiste qu’ils avaient faite, mais l’hétérogénéité des vétérans des Gardiens de la révolution est extrêmement grande, même si tous ont été liés peu ou prou à des actions terroristes. Ils ont placé des bombes rue de Rennes, ils ont assassiné Ghassemlou à Vienne, Charafkandi à Berlin, et d’autres, mais parmi cette masse de gens, certains veulent un Iran que je qualifierais de « normal », ouvert au XXIème siècle, tout en restant fidèles à la République islamique. Ces anciens vétérans de la guerre Irak-Iran restent pour le moment discrets, en réserve de la république. Malgré leur unité, certains anciens Pasdars sont en exil, d’autres soutiennent les Réformateurs, le mouvement vert, d’autres enfin sont prêts à défendre le régime islamique en usant de tous les moyens.

Dans la situation de blocage actuelle, il ne faut donc pas s’inquiéter de l’arrivée au pouvoir, des Gardiens de la révolution, mais se poser la question de savoir qui sont ces vétérans Pasdars et constater qu’aujourd'hui, le régime

42 islamique est divisé comme jamais. Comme dans tous les pays du monde, après trente ans de gouvernement ensemble et de cohabitation, les rivalités et les haines sont à leur paroxysme : le noyau de la République islamique est divisé et au bord de l’éclatement. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Ahmadinejad est confronté à l’opposition de la rue iranienne soumis à la pression américaine et surtout à son propre camp où des gens ne veulent pas qu’il conforte son pouvoir et en serrant, même virtuellement, la main de Barack Obama.

On assiste donc à la mise en place d’un système de rapports de forces radicalement nouveau. Comment donc aider le peuple iranien tout en défendant nos intérêts et la sécurité internationale mise en cause par les incertitudes du programme nucléaire iranien? Comment sortir de cette impasse ? Les analyses et stratégies du camp occidental ne semblent pas avoir pris conscience des changements survenus en Iran quand on constate la simple poursuite de la politique des sanctions que des diplomates de haut rang des six grandes puissances du monde se réunissent et mobilisent leurs équipes pour voir quelles sanctions nouvelles pourraient être appliquées à l’Iran, il semble qu’ils n’aient pas pris en compte le fait que les sanctions aident Ahmadinejad et encouragent la course à la bombe nucléaire – si elle doit exister – alors que les États-Unis ont changé de stratégie, gardent malgré tout la main tendue même s’ils n’obtiennent pas de réponse, parce que l’Iran ne veut pas et ne sait pas répondre.

Qu’est-ce qui terrorise l’Iran aujourd'hui ? Ce ne sont pas les sanctions, qui renforcent le régime, affectent le niveau de vie des iraniens. Ce n’est pas un bombardement israélien, qui raviverait le nationalisme autour du président Ahmadinejad et, montrerait que la vague verte est soutenue par le « sionisme international ». Quelle est la vraie crainte des factions les plus radicales du régime ? Il s’agit de la pire sanction contre l’Iran : la levée des sanctions.

L’Iran ne restera pas éternellement sous un régime de sanctions, et dans toutes hypothèses, il n’est pas inutile d’envisager les effets et l’agenda d’une sortie de crise. Il faut envisager le jour où les compagnies pétrolières mondiales auront le droit, contrairement à la loi d’Amato de1996, d’investir en Iran. Il faut cinq ans pour qu’un nouveau puits de pétrole rapporte de l’argent, le gouvernement Ahmadinejad n’en sera pas bénéficiaire. Si l’embargo sur les avions civils, sur les ouvrages scientifiques – sachez que les universités iraniennes ne peuvent pas acheter librement des revues et livres scientifiques étrangers depuis 30 ans – était levé, autrement dit si l’on ouvrait l’Iran, si l’on prenait au mot les demandes de relations économiques du gouvernement iranien et si l’on répondait à la demande du peuple iranien qui veut vivre au XXIème siècle, au lieu d’aller au devant des souhaits Monsieur Ahmadinejad et de ses amis, en isolant le pays comme ils le souhaitent, les choses changeraient. Le rapport de force changerait. Cette « sanction » par l’ouverture est sans doute une naïveté d’universitaire.

La différence, par rapport à il y a trente ans, est que, le 15 juin dernier, une grande partie de la population iranienne a franchi un seuil politique. Ce mouvement sera sans avenir si la communauté internationale continue d’apporter

43 un soutien à la volonté d’isolement du gouvernement de Téhéran. Si au contraire les diplomates et les hommes politiques européens et américains pensent enfin différemment et « envahissent » l’Iran de façon pacifique, dans un souci de coopération durable, les choses vont changer en Iran. La forme du gouvernement iranien, c’est le problème des Iraniens, et pas le nôtre. Dans cette stratégie qui n’est pas nouvelle, L’Europe qui a longtemps tenté un « Dialogue critique », aurait pu jouer un rôle d’intermédiaire. Mais hélas elle n’est pas là, on en reparlera.

Il faut prendre l’Iran au sérieux et ne pas lui donner des intentions, une force, ou un rôle qu’il n’a pas. L’Iran, actuellement, n’est pas une puissance régionale capable de promouvoir un consensus régional et elle ne le sera jamais, car les Persans sont isolés dans une région peuplée d’Arabes et de Turcs. Avec sa population, sa surface et sa société et ses richesses, l’Iran sait très bien qu’il sera craint mais qu’il ne sera jamais un pays assez fort pour commander seul et se faire respecter de ses voisins. Malgré son renouveau, le chiisme est minoritaire dans le monde musulman L’Iran n’est pas une puissance islamique. L’Iran a échoué à être leader du monde islamique. Le succès du Hezbollah parti politique libanais et du radicalisme sunnite en est la preuve. L’Iran est par contre une puissance émergente, comme le Brésil, l’Indonésie, l’Afrique du sud, comme tant de pays qui ont aujourd'hui entre 50 et 100 millions d’habitants, qui ont une bourgeoisie moyenne active et une culture politique nouvelle.

Alors regardons l’Iran différemment, regardons les Iraniens différemment, ayons une perspective différente pour dire que, si l’on veut que ce pays soit un pays des droits de l'homme et des règles internationales, tout en conservant son identité, il y a une façon de faire différente et de soutenir le peuple iranien en respectant sa diversité non pas en envoyant un message de soutien naïf par Internet, mais en étant présents en Iran de façon durable, concrètement, par la présence des entreprises.

Merci.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous avons, grâce aux différentes interventions, les bases d’un dialogue sérieux avec la salle. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de temps à y consacrer car nous aurions dû finir il y a un quart d’heure.

Je vais poser une question à Monsieur Cordesman : est-ce qu’Israël a les moyens de détruire, par une attaque aérienne ou par une attaque à partir de sous- marins lance missiles dont vous parliez, les sites nucléaires iraniens ?

Deuxièmement, cette hypothèse, qui est souvent agitée, vous paraît-elle plausible ?

Anthony H. CORDESMAN, Conseiller au Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – Je crois que personne en Israël

44 ne croit vraiment qu’ils peuvent détruire la base technologique iranienne permettant peut-être de créer des systèmes nucléaires. Il s’agit plutôt de ralentir les efforts de l’Iran pour plusieurs années. Une des raisons animant le débat israélien est de savoir si vous croyez que ralentir les efforts des iraniens pour de nombreuses années marchera ou si cela les provoquera et les incitera à un déploiement beaucoup plus important et à des efforts beaucoup plus larges en ce sens.

D’après ce que j’ai pu voir concernant les matériels et bases technologiques et les cibles iraniennes, les informations les plus fiables se trouvent sur le web, sur un site qui s’appelle Nuclear Threat Initiative (NTI). Je dis cela parce qu’aucun des services d’Etat s’occupant de cette question n’a jamais pu eux-mêmes recueillir des informations fiables ou utiles concernant la force technologique iranienne et les cibles possibles. Je pense que Nuclear Threat Initiative est sûrement exact quand il recense plus d’une cinquantaine de sites. Nous savons que nombre d’entre eux sont confirmés. NTI souligne également qu’il est impossible de caractériser ces sites de façon fiable. Ni Israël, ni les Etats-Unis, ni personne d’autres, ne parviennent à localiser les sites ou à savoir exactement ce qui est contenu dans chaque site. La capacité à dissimuler des technologies clés qui sont majoritairement mobiles et faciles à disperser est absolument cruciale. C’est un jeu.

La différence fondamentale entre Israël et une puissance comme les Etats- Unis est qu’Israël ne pourrait probablement organiser qu’une seule frappe, majeure, contre un nombre limité de cibles en Iran. Les Etats-Unis pourraient attaquer, frapper une seule fois, détruire les défenses aériennes et conduire plusieurs attaques sérieuses. Ceci n’est qu’une théorie, parce que cela exigerait un soutien politique de la part du Golfe. Les porte-avions ne seront pas utilisés, contrairement à ce que j’ai pu lire et que je trouve particulièrement irritant. Je trouve cela assez farfelu car ce n’est pas la bonne plateforme pour ce genre d’attaques.

A nouveau, puis-je vous rappeler avec quelle rapidité ces types de pays peuvent se rétablir ? A l’heure actuelle, l’Iran a toujours des problèmes avec la centrifugeuse P1. Nous savons qu’il a une installation P1 améliorée, une P2, une P3 et nous avons aussi vu des images qui semblent indiquer qu’il détient également une centrifugeuse P4. Si Israël faisait une frappe aujourd'hui contre ces installations et que l’Iran continuait à les fabriquer et à les disperser, on parlerait là de capacité nucléaire très sérieuse mais nous ne savons pas quand, et combien de matières il utiliserait.

Quand on parle de capacité à éliminer (knock out capability), il ne s’agit pas simplement de disposer d’une bombe de quelques millier de kilogrammes. Il est nécessaire d’avoir un missile nucléaire ou une bombe dont le dispositif pèse bien moins que mille kilos. C’est de cela qu’il s’agit au fond. Ces questions ne pourront pas être résolues à la fin de la semaine, mais au cours d’un un cycle de négociations qui prendra 10, 15 voire 20 ans.

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Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Y a-t-il une question dans la salle ? Nous ne pourrons pas en prendre plus d’une, mais il faut que le principe soit sauf !

De la salle – Ma question s’adresse à Monsieur Cordesman : compte tenu de la difficulté d’avoir une politique américaine lisible et instantanée sur l’Iran, comment voit-il, entre ces différents mouvements, s’infléchir cette politique américaine ? Dans le sens de la fermeté ou au contraire dans le sens de la souplesse ? Merci beaucoup.

Anthony H. CORDESMAN, Conseiller au Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – La réponse est très simple. La politique américaine répond au fait qu’il n’y a pas de réponse du côté iranien. Il y a eu, bien sûr, la crise des élections mais l’administration américaine a produit un certain nombre d’efforts officiels et officieux, à titre individuel mais aussi avec l’Europe et dans le cadre d’autres initiatives.

Jusqu’à présent – je crois que Monsieur Alani l’a souligné – nous n’avons simplement pas obtenu le type de réponse nous permettant de continuer le dialogue ou de poursuivre facilement quelque nouvelle option. La Secrétaire d’Etat Madame Clinton l’a montré très clairement. A travers ses propos, vous comprenez que le problème est que les initiatives que la Présidence américaine a essayé d’engager, à des niveaux moins élevés et de façon informelle, ont simplement suivi le même chemin que les efforts qui avaient été entrepris par l’ancienne secrétaire Madame Albright. Nous n’avons pas été capables de les poursuivre. Donc c’est toujours la même politique, c'est-à-dire celle des six ou du Quartet. Je ne sais jamais combien nous sommes de nos jours, mais apparemment en France quatre, c’est la même chose que six, et aux Etats-Unis six, c’est la même chose que quatre. Voilà les politiques qui existent. Pourront-elles progresser dans le cadre de l’administration présente ? Je ne le sais pas, mais il n’y en a pas encore de signes en tout cas.

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Quel avenir pour le peuple palestinien ?

Table ronde

Monique CERISIER-ben GUIGA, Sénatrice et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – La première table-ronde était passionnante. Nous allons maintenant nous interroger sur l’avenir du peuple palestinien.

A voir la situation actuelle, au début de l’année 2010, on se demande s’il reste aux Palestiniens d’autres choix que l’exil ou l’enfermement. L’enfermement se traduit sous la forme du blocus de Gaza ou sous la forme des enclaves de plus en plus rétrécies et isolées les unes des autres de la Cisjordanie. Depuis l’opération punitive de l’Etat d’Israël contre Gaza, la situation dans les territoires occupés s’est aggravée et est dramatique à tous points de vue. Je vais rappeler quelques chiffres. En 2009, on décompte l’arrestation de 3 459 Palestiniens, la destruction de 300 maisons, la détention de 12 000 prisonniers – dont Salah Hamouri, un compatriote – et la perte du statut de résident pour 4 577 Palestiniens de Jérusalem-Est, soit autant qu’au cours de toute la période de l’occupation précédente. Tout cela signifie que les choses se dégradent pour les Palestiniens.

Avant de donner la parole aux intervenants, je précise qu’en Cisjordanie, une répression très lourde répond à la contestation. Je citerai les récentes exécutions extrajudiciaires en zones de souveraineté palestinienne à Naplouse, à la suite de l’assassinat d’un colon. Je citerais les arrestations d’Abdallah Abu Rahmah – le coordinateur du mouvement non-violent de Bil’in –, de Jamal Juma –le coordinateur de la campagne Stop the Wall – et de bien d’autres militants pacifistes. Ces arrestations sont dénoncées par l’ONG Hamoked dans un rapport récent. Je citerais aussi la détention administrative de plusieurs centaines de Palestiniens, dont les deux tiers depuis plus d’un an.

Plus grave encore, si tant est que nous puissions attribuer des degrés de gravité, il est évident que toute la politique du gouvernement israélien est orientée vers l’Israélisation de Jérusalem-Est. Les habitants arabes sont expulsés, les maisons détruites et la colonisation se poursuit en deux lignes continues pour couper complètement Jérusalem de son environnement arabe. Cela est particulièrement net en ce qui concerne Bethléem, ville chrétienne où Israël mène une politique qui provoque l’exode des cerveaux. Ce n’est pas un hasard si Bethléem est à ce point encerclée de colonies et privée de toute possibilité de communication avec son environnement. Enfin, une loi se prépare pour priver de leur statut de résident à Jérusalem un grand nombre de Palestiniens qui ont la chance d’avoir une nationalité autre que la nationalité « palestinienne », qui n’existe pas faute d’Etat palestinien.

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A Gaza, c’est l’organisation du « dé-développement », la fin de toute économie productive du fait des bombardements, que ce soit dans l’industrie ou dans l’agriculture. Le blocus qui ne cesse de se durcir conduit au fait qu’aucune reconstruction n’est possible, au point que l’UNRWA en est à construire des maisons de terre, puisqu’il n’y a pas de ciment, pour essayer d’abriter les réfugiés.

Que vont nous dire nos intervenants sur ce thème ?

Je vais d’abord laisser Madame Muzna Shihabi, conseillère à l’unité de support des négociations de l’Autorité palestinienne, nous dire comment elle voit les choses, en tant que Palestinienne et spécialiste de la négociation. Initialement, Madame Shihabi est une spécialiste de la communication – c’est dans ce domaine qu’elle a effectué ses études – mais elle a acquis de nombreuses expériences internationales en travaillant d’une part au PNUD, d’autre part à l’OMC.

Dans un second temps, pour lui répondre, je donnerai la parole à Monsieur Mike Singh, qui est chercheur à l’Institut de Washington pour le Moyen-Orient, après avoir été haut-fonctionnaire au NSC. Il nous donnera le point de vue d’un Américain qui connaît la négociation et il nous dira comment il envisage la possibilité d’une reprise d’une négociation qui déboucherait sur des résultats, et non pas d’un processus de négociation destiné à ne déboucher sur rien – ce que nous connaissons depuis quinze ans.

Enfin, je demanderai à Monsieur Henry Siegman de nous livrer son point de vue. Il a des idées très originales sur la façon de sortir de cette affaire et il a publié depuis trente ans, dans la presse et les revues américaines, une centaine d’articles décoiffant sur le sujet. Il est reconnu comme un spécialiste des relations israélo-arabes, du processus de paix et de la communauté juive américaine.

En conclusion, Yves Aubin de la Messuzière présentera la façon dont il voit les choses, dont il appréhende cette idée, de plus en plus souvent évoquée, de la proclamation d’un Etat palestinien. Diplomate, arabisant, il a été Ambassadeur au Tchad, en Tunisie et en Italie. Je dirais qu’il a surtout été représentant de la France en Irak dans les années noires, de 1997 à 1999. Il est un retraité très actif puisqu’il préside la Mission laïque française et la mission de préfiguration pour le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. En lui donnant la parole en dernier, je crois que les débats seront conclus par quelqu’un qui connaît la région depuis toujours, de l’intérieur, qui pourra ouvrir des perspectives intéressantes et originales.

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Muzna SHIHABI, Conseillère à l’unité de support des négociations de l’Autorité palestinienne, représentant Saeb Erekat – Chef de l’équipe

Lors du précédent débat, j'ai pu relever de nombreuses similarités entre le régime iranien et le régime israélien. Cela est un peu bizarre. Il y a surtout deux choses : comment les Iraniens fuient les négociations - ça c'est très israélien - et comment les Israéliens arrêtent les gens dans la rue, les manifestants pacifistes, tout comme en Iran. Le remède est sûrement différent. On a dit que les sanctions ne marchaient pas avec l'Iran, mais on n'a pas encore essayé avec Israël.

Pour parler de l'avenir du peuple palestinien, il faut comprendre la lutte palestinienne. La lutte palestinienne pour l'Etat, les droits de l'homme et la dignité est une cause simplement juste. Cette lutte est très proche de celle contre l'Apartheid en Afrique du Sud ou de toutes les luttes du siècle dernier contre la colonisation étrangère.

Il est important aussi de comprendre l'essence du conflit. L'essence du conflit concerne les droits, plus spécifiquement les droits refusés aux Palestiniens vivant sous l'occupation et aussi les droits refusés aux 7 millions de réfugiés palestiniens. Selon nos comptes, ils sont en effet 7 millions aujourd'hui. L'UNRWA en recense 4,5 millions mais c'est parce qu'il s'agit uniquement de Palestiniens qui sont enregistrés à l'UNRWA, qui est l'agence de l'ONU gérant le problème des réfugiés.

Le seul obstacle à la paix est le refus d'Israël de se conformer au droit international et aux résolutions de l'ONU passées depuis des décennies. Jusqu'à aujourd'hui, l'OLP demeure toujours fidèle aux objectifs nationaux visant à mettre fin à plus de quarante ans d'occupation et soixante-deux ans de dépossession et d'exil pour les réfugiés palestiniens, ainsi qu'à établir un Etat palestinien souverain, viable et indépendant, sur seulement 22 % de la Palestine historique, c'est-à-dire les territoires occupés de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Nous pensons toujours que les négociations sont le seul moyen pour atteindre ce but. Lorsque nous avons commencé le chemin des négociations à Madrid en 1991 et ensuite signé les accords d'Oslo en 1993, personne n'était dans l'illusion que le processus serait facile. Oui, nous n'avons guère avancé sur ce chemin. On pourrait même dire que nous avons reculé. Néanmoins, nous avons beaucoup appris.

Aujourd'hui, quels sont les défis et les choix stratégiques auxquels nous faisons face pour la poursuite de nos objectifs nationaux ? Quelles sont les perspectives pour une paix juste et durable ? Comment la lutte palestinienne doit- elle se développer et évoluer ?

Le futur de la lutte palestinienne dépend en grande partie des résultats des négociations. Les négociations peuvent-elles aboutir à une paix juste et durable ?

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Je le pense. En dépit du fait que les défis sont importants, je ne crois pas qu'ils soient insurmontables.

C'est un moment très important. Le processus de paix ne survivra pas à un nouvel échec des négociations et la plupart des Palestiniens pensent aujourd'hui que la priorité n'est pas tant de relancer encore un processus de négociation mais de restaurer la crédibilité d'un processus de négociation. Ceci est la position de la Direction palestinienne et cela explique pourquoi un gel intégral de la colonisation est essentiel avant de reprendre les négociations.

S'il y a une leçon que nous avons apprise durant les seize années précédentes, c'est que les mots ne remplacent pas les actions. Durant la négociation, Israël a multiplié les faits accomplis en violation du droit international et des obligations qui lui incombent dans les accords existants. Madame Cerisier-ben Guiga vous en a donné quelques détails et quelques statistiques. Ces faits consolident l'occupation, aggravent la punition collective des Palestiniens et érodent la solution à deux Etats. En particulier, cette érosion a été alimentée par le refus d'Israël de geler la colonisation. Les restrictions sur les mouvements, des marchandises mais aussi des personnes, ont également miné la crédibilité du processus de paix. Un autre facteur qui a aggravé la situation est le maintien du siège de la Bande de Gaza, au mépris des demandes répétées, même émanant du Quartet.

Un processus de paix crédible est dans l'intérêt des deux peuples, palestinien et israélien. Ce processus placerait chaque partie devant ses engagements et l'empêcherait de fuir ses obligations. Le véritable test de l'engagement de chaque partie en faveur de la paix ne se fonde pas sur ce qui est dit avant, pendant ou après les négociations, mais sur ce qui se passe réellement sur le terrain. C'est pour cette raison que la Direction palestinienne reste toujours ferme sur sa demande d'un gel de la colonisation, y compris à Jérusalem-Est.

Cette demande n'est pas une condition préalable, comme plusieurs le disent. Ce n'est pas une condition imposée par les Palestiniens. Ce n'est pas non plus une concession de la part des Israéliens. C'est une obligation qui figure dans la feuille de route qui a été signée en 2003 par le gouvernement d'Ariel Sharon. Ce document ne parle pas de gel partiel ou temporaire. Si Israël est véritablement attaché à la vision de deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, Israël doit cesser complètement la colonisation et donc être sérieux dans les négociations.

Pourquoi est-ce important d'arrêter la colonisation ? Les colonies israéliennes constituent le plus grand risque pour la solution à deux Etats, tout simplement parce qu'elles s'accaparent les terres et les ressources naturelles qui sont essentielles à un Etat palestinien futur.

Je vais vous présenter quelques statistiques pour vous montrer comment la colonisation s'est développée pendant les négociations, avant et pendant Annapolis.

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Voici des appels d'offre pour les unités d'habitation dans les colonies israéliennes, qui sont bien sûr toutes illégales puisqu'elles sont sur le territoire occupé. Avant Annapolis, de décembre 2006 à novembre 2007, il y avait 137 appels d'offre pour les unités d'habitation. Pendant le processus même d'Annapolis, pendant que les Palestiniens négociaient avec les Israéliens, il y a eu 2 300 appels d'offre, dont environ 1 700 à Jérusalem-Est.

Nous pouvons également étudier les permis de construire que l'Etat d'Israël donne aux colons. De janvier 2007 à novembre 2007, 704 permis ont été délivrés dans les colonies - c'est seulement en Cisjordanie, ce n'est pas Jérusalem-Est. Pendant les négociations, ce nombre a atteint 1 926.

C'est pour cela que nous considérons que ce n'était pas un processus de paix crédible pour les Palestiniens : pendant qu'ils négociaient sur le terrain, des colonies supplémentaires se développaient. Il y a eu également la fermeture de la Cisjordanie. Comme vous le voyez affiché ici, jusqu'à Annapolis, il y a eu 563 obstacles physiques au mouvement et au passage des gens en Cisjordanie. Ce nombre a augmenté depuis Annapolis. Contrairement au fait que vous entendiez très souvent dans les médias qu'Israël a allégé les souffrances des Palestiniens et a enlevé quelques checkpoints, je peux vous dire que si plusieurs checkpoints ont effectivement été enlevés, juste après qu'il ait été diffusé dans les médias qu'Israël avait fait un effort et des concessions, ces points de barrages étaient de nouveau là.

Ce n'est pas un secret que les Etats-Unis et l'Union Européenne sont en mesure d'influencer Israël. Tout le monde sait que l'attitude de l'administration Obama, selon qu'elle agisse en tant qu'intermédiaire honnête ou pas, selon qu'elle créé un environnement respectueux du droit international ou pas, selon qu'elle reconnaisse les droits fondamentaux des Palestiniens ainsi que les injustices créées par l'occupation ou pas, déterminera le succès ou l'échec de toute négociation future.

Israël a démontré à maintes reprises qu'il n'a pas vraiment l'intention de mettre fin à l'occupation, ni de se conformer au droit international de son propre gré. Là, j'ai beaucoup d'histoires à vous raconter. D'abord, il y a quelques jours seulement, voici une déclaration du Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu : il dit clairement qu'il va préserver sa présence militaire dans la Vallée du Jourdain - qui est cette partie-là de la Cisjordanie, qui représente 28,5% de la Cisjordanie, qui est située à la frontière, qui est bien sûr une région dont les ressources naturelles sont très importantes et qui est un territoire occupé. On se demande donc qui veut la paix et qui veut vraiment négocier. En plus de ce que Madame Cerisier-ben Guiga vous a dit, je rappellerai les massacres de trois Palestiniens à Naplouse, des pères de famille qui dormaient et ont été tués devant leur femme et leurs enfants. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Cela s'est passé le 26 décembre 2009. En outre, 28 familles palestiniennes à Sheikh Jarrah (à Jérusalem Est) seront expulsées. Il y en a déjà 4 qui ont été expulsées de chez elles. Ces familles seraient bientôt expulsées de Jérusalem-Est et

51 remplacées par des colons juifs. Ils les ont fait sortir de chez elles et ont amené des colons juifs pour les remplacer. En plus, on dénombre de nombreuses arrestations des pacifistes - même Israéliens, s'ils viennent soutenir les Palestiniens - qui organisent simplement des manifestations contre le mur, contre le vol des terres, comme Mme Cerisier-ben Guiga l'a indiqué.

Comment la direction palestinienne peut-elle reprendre les négociations dans des conditions et un environnement pareils, quand les gens se font expulser de chez eux ou se font assassiner chez eux ?

En plus de cela, la semaine dernière, les membres de la garde présidentielle palestinienne qui étaient en civil et circulaient entre Bethléem et Ramallah ont été obligés de subir une fouille sur un checkpoint israélien et ont même été complètement déshabillés devant les gens qui passaient.

Ce ne sont que quelques histoires, je pourrais vous en raconter d'autres.

C'est pourquoi la Direction palestinienne insiste sur la nécessité de définir un cadre précis pour les négociations sur le statut permanent. On ne peut plus négocier juste pour négocier. Les négociations ne sont pas une fin en soi mais un moyen pour atteindre une fin. Qu'entendons-nous par cela ? Nous disons que nous voulons des négociations productives, qui sont définies par cinq facteurs. Premièrement, il faut redémarrer les négociations là où Annapolis s'est arrêté. Deuxièmement, il faut aborder toutes les questions de fond, sans exception, c'est- à-dire Jérusalem, les réfugiés, les frontières, l'eau, le démantèlement des colonies et la sécurité. Troisièmement, il faut définir à l'avance ce que l'on appelle le « end game », l'objectif final, à savoir un Etat palestinien indépendant et souverain sur le territoire de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, conformément au droit international et aux résolutions 242 et 338. Quatrièmement, il faut établir un calendrier précis pour les négociations et pour la création d'un Etat palestinien. Enfin, il faut établir un système de supervision des progrès afin de comprendre ce qui n'a pas fait, ce qu'il fallait faire et quel est le mécanisme de vérification des actions de chacun, comme dans la feuille de route.

Quel est le rôle de la communauté internationale dans tout cela ?

La non résolution du conflit israélo-palestinien n'est pas due au fait de ne pas savoir ce qu'est une paix juste et durable, ni les mesures qui doivent être prises pour y parvenir. Le droit international et les résolutions de l'ONU sont clairs. Le chemin tracé par la feuille de route l'est également, tout comme l'initiative de paix arabe. Ce qui manque, c'est la volonté politique de mettre fin à l'occupation israélienne et de permettre à la Palestine de prendre sa place parmi les Nations.

C'est dans ce contexte que la communauté internationale, principalement l'Europe, a un rôle crucial à jouer. Il est temps de traduire ce consensus international en faveur d'un Etat palestinien viable, indépendant et souverain, en progrès tangible susceptible de rendre l'espoir aux Palestiniens. Il est aussi du

52 devoir de la communauté internationale d'élaborer le mécanisme de vérification dont je parlais précédemment, pour se comporter en juge impartial. Incitations, pressions, sanctions : l'éventail des mesures qu'elle peut prendre est très vaste. D'ailleurs, les recommandations sur les actions israéliennes à Jérusalem-Est sont bien notées dans le rapport des représentants européens à Jérusalem. Le rapport du 23 novembre 2009 est très clair et nous le recommandons.

Je peux vous donner quelques exemples de ce que la communauté internationale peut faire. On peut par exemple établir un lien plus étroit entre le respect par Israël de ses obligations internationales - en particulier le gel de la colonisation - et l'aide financière qui lui est versée, ou l'accord d'association qu'il a signé avec l'Union Européenne. On peut aussi interdire les produits des colonies des marchés nationaux, ou bien faire au moins en sorte que ces produits ne bénéficient pas d'avantages commerciaux. Troisièmement, on peut aussi refuser aux entités qui donnent de l'argent aux colonies le statut d'association caritative, ou bien cesser tout investissement public, notamment via les fonds de pension, en faveur des sociétés impliquées dans l'entreprise coloniale israélienne. En outre, les consulats européens à Jérusalem-Est devraient cesser de reconnaître les adresses de domiciles dans les colonies comme des adresses en Israël, pour les visas par exemple.

Les organisations internationales ont aussi un rôle à jouer. Cela peut être aussi une des stratégies des Palestiniens, lorsque nous parlons du futur des Palestiniens. Ma conviction est que nous devons utiliser les organes comme la Cour Pénale Internationale, l'ONU et la Cour Internationale de Justice beaucoup plus souvent que nous ne le faisons actuellement. Le droit international n'est pas seulement la meilleure solution pour aboutir à une issue au conflit, c'est aussi l'alternative à la violence. Comme il l'est mentionné dans le rapport de la commission du Sénat, la Palestine figure en tête de l'agenda du monde arabe. Evitons donc de donner aux extrémistes l'opportunité d'utiliser cette cause à des fins politiques.

Certains d'entre vous se souviennent bien de l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice en 2004 qui a considéré que le mur construit par Israël et les colonies israéliennes étaient illégales. Malheureusement, cet avis n'a pas empêché Israël de continuer à construire ce mur et ces colonies. La communauté internationale par contre n'a pas suivi les recommandations de la Cour. Le problème, ce n'est pas la Cour mais le climat d'impunité qui encourage Israël à violer le droit international. Nous devons nous efforcer de changer ce climat, plutôt que de réfléchir, comme certains le voudraient, à une modification du droit international.

Le rapport Goldstone est également très important. Il accuse Israël de crimes de guerre et de crime contre l'humanité au cours de son agression contre Gaza. Le rapport se résume en trois mots : rendre des comptes. Il faut rendre des comptes au regard du droit international et face à la communauté internationale. Les crimes commis par Israël à Gaza ne doivent pas rester impunis et ces crimes englobent le siège imposé par Israël, qui continue toujours jusqu'à aujourd'hui.

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Une option pour les Palestiniens serait de chercher un deuxième avis consultatif de la Cour Internationale de Justice contestant les politiques systématiques d'Israël dans les territoires occupés, surtout ce qui se passe aujourd'hui à Jérusalem-Est ainsi que le siège dans la Bande de Gaza, tout ceci en violation du droit international. Une telle option pourrait conduire à une déclaration de la Cour sur l'illégalité de toutes les politiques israéliennes et de son occupation. Les conséquences juridiques résultant d'une telle déclaration pourraient être considérables.

Pour conclure, est-il temps d'abandonner les négociations ? Je ne le crois pas. Cela ne doit pas nous empêcher d'étudier des tactiques alternatives en dehors de la sphère des négociations, si celles-ci peuvent aider à renforcer notre position dans les négociations. La Cour Internationale de Justice n'est qu'un seul exemple. Nous avons d'autres options. L'option que nous n'avons pas, et qui je crois serait directement contre les intérêts des Palestiniens, est la violence. Nous attendons toujours le Premier Ministre israélien, qui serait disposé à répondre aux exigences minimales d'une paix juste et durable. Cette paix est toujours possible. Comme je l'ai dit précédemment, elle doit être fondée sur le droit international. Mais tout comme les Palestiniens, les Israéliens aussi ont au moins deux options : Israël peut négocier une paix juste et durable basée sur la solution de deux Etats ou bien Israël peut gérer le statu quo, créant un Etat de facto d'Apartheid, dans lequel les Palestiniens exigeront les mêmes droits et libertés que les Israéliens. En fin de compte, la décision revient à Israël. Merci.

Mike SINGH, Ira Weiner Fellow, The Washington Institute for Near East Policy – Merci à vous tous d’être présents aujourd’hui. Je vais d’abord vous proposer un commentaire préliminaire sur ce sujet, en général. Pendant dix ans, j’ai été diplomate américain. Récemment, j’étais directeur à la Maison Blanche pour le Moyen-Orient et j’étais chargé de tous les pays, du Maroc jusqu’à l’Iran, à l’exception de l’Irak qui était géré séparément.

Je crois qu’il faut faire très attention aux caricatures de la politique américaine sous les différentes présidences. Je sais que l’on a des sentiments très marqués sur les divergences entre les politiques de Bush et d’Obama. Mon sentiment est qu’avec Obama, finalement, on a une grande continuité par rapport au gouvernement précédent, l’administration Bush étant déjà en continuité par rapport à ses prédécesseurs. Mr Malley y faisait d’ailleurs allusion. Cela s’explique tout simplement par le fait qu’il existe un relatif consensus sur les intérêts américains qui ne fluctue pas tellement d’une administration à une autre. Evidemment, le discours et le ton du discours changent énormément.

Je crois qu’il faut également veiller, sur les sujets tels que le processus de paix et le conflit israélo-palestinien à ne pas surestimer notre propre rôle. Souvent, quand on parle de ces questions, on a peut-être tendance à surestimer notre influence. Il faut être plus modeste quant aux objectifs que l’on peut atteindre, d’autant que l’histoire des Etats-Unis et de la France n’est pas marquée par de grandes réussites au Proche-Orient. Il faut donc être très modeste et nous

54 concentrer sur l’aide à apporter aux autres parties, dans ce processus de paix, pour arriver à la paix que nous souhaitons tous.

Je voudrais simplement vous faire part de mes observations, pour avoir participé aux négociations de 2006 à 2008, à la conférence d’Annapolis, à ce qui a précédé et à ce qui a suivi. J’ai en outre vécu en Israël pendant deux ans, durant lesquels j’ai aussi travaillé sur ces questions.

Ce panel s’intéresse à l’avenir du peuple palestinien, qui est finalement indissociable du processus de paix. C’est sur ce point que je veux me consacrer. Je dirais que l’année 2009 a été une année perdue pour le processus de paix, ce qui ne veut pas dire que rien ne se soit passé sur le terrain ou que rien ne se soit produit entre les parties. Au contraire, beaucoup de choses se sont produites : beaucoup de choses négatives et aussi quelques taches de lumières. Il s’agit toutefois une année d’opportunités manquées. Cela était peut-être inévitable. Mahmoud Abbas, le Président de l’Autorité palestinienne, souhaitait, et continue à souhaiter reprendre les négociations là où elles ont été abandonnées avec Ehud Olmert après la conférence d’Annapolis.

Pourtant, le successeur d’Ehud Olmert, Benjamin Netanyahu, n’a pas du tout l’intention de reprendre sur ses bases, puisqu’il est totalement opposé aux concessions faites lors du processus engagé par le gouvernement israélien précédent. Dans ces circonstances, il aurait été difficile d’éviter une confrontation frontale entre ces deux personnalités.

Les événements de l’année écoulée ont simplement aggravé les divergences de vues importantes des deux hommes et de leurs deux peuples. Les retombées du conflit à Gaza et les querelles sur le gel des colonies israéliennes ont tendu les relations entre les deux entités et avec la communauté internationale.

D’importants efforts diplomatiques sont désormais nécessaires pour parvenir à surmonter ces obstacles et guérir les blessures subies au cours de cette année 2009. Même si les efforts diplomatiques réussissent, la probabilité est faible qu’une reprise des négociations puisse à elle seule conduire à la résolution du conflit.

Les différentes négociations ont connu peu de progrès au cours des dernières décennies. Il y a eu des concessions faites par une partie mais qui n’ont pas conduit à beaucoup de mouvement dans l’autre partie. Finalement, on semble ne pas se rapprocher de la solution. Israël, s’il semble voir peu d’alternatives viables à la solution à deux Etats, est cynique sur la valeur d’un accord de paix, compte tenu de la violence ayant suivi les retraits de Gaza et du Sud-Liban. Le rapport de la commission du Sénat présente bien, à la page 50, l’attitude israélienne vis-à-vis de la solution à deux Etats.

Côté palestinien, je crois qu’une grande partie de la population palestinienne n’est pas non plus convaincue et pense que la solution alternative à

55 une solution à deux Etats serait un Etat multiethnique ou la continuation d’une sorte de résistance armée à Israël. Cette idée est de plus en plus attrayante pour le peuple palestinien. Cela est dû, en partie, à l’échec des négociations précédentes.

L’un des principaux objectifs de la communauté internationale consiste créer une ambiance qui amène les deux parties à considérer que la solution à deux Etats est la plus viable pour les deux parties. Même si l’on parvenait à un tel accord, ce ne serait finalement qu’une étape sur la route de la paix, et non la fin de la violence. On ne peut pas décréter un Etat palestinien, qui sortirait de terre ex nihilo. Il doit être créé pierre à pierre, comme essaient de le faire les Palestiniens. Ces derniers jours, le Bureau du Premier Ministre de l’Autorité palestinienne a publié une liste des priorités de l’Autorité palestinienne. Il s’agit d’une liste raisonnable de projets qui qu’ils souhaiteraient engager pour construire leur Etat. Les efforts de construction d’un Etat doivent être redoublés. Il s’agit d’un véritable défi pour la communauté internationale si l’on veut assurer le futur du peuple palestinien.

Face à ce défi, je dirais que l’approche traditionnelle du conflit qu’ont les Etats-Unis et les Européens, consistant à se concentrer sur de nouvelles propositions pour résoudre les questions clés ou à faire pression sur l’une ou l’autre partie en fonction des circonstances, ne marche pas. Pour réussir, cette approche doit se pencher sur les causes fondamentales de la persistance du conflit et sur l’aide à accorder aux Palestiniens pour construire un Etat viable.

Que faut-il faire ? Les Etats-Unis, l’Europe et leurs alliés doivent coupler leurs efforts pour viser deux types d’actions. La première est de s’opposer à ceux qui sont contre la paix, essentiellement l’Iran et ses alliés au sein du Hamas, du Jihad islamique, du Hezbollah et d’autres groupes. Il y a trois objectifs. D’abord, il faut interrompre les flux d’armement, de financement et de soutien de l’Iran à ces groupes paramilitaires. Ces armes, telles que les roquettes qui ont précipité la guerre de Gaza l’année dernière, ont fourni aux militants la capacité de faire dérailler les négociations de paix. Si, et quand les négociations reprendront, on risque d’assister à l’augmentation des tensions et des violences plutôt qu’à leur diminution parce que ceux qui sont opposés à ce processus de paix vont tenter d’y mettre fin. Les efforts internationaux visant à l’interdiction de ces flux sont donc essentiels. Ces groupes disposent de moyens techniques qui s’améliorent, notamment en termes de portée et de précision des roquettes légères, et il est donc de plus en plus important de démanteler ces réseaux.

Le deuxième objectif doit être de renforcer l’isolement diplomatique des groupes tels que le Hamas et de demander des comptes aux Etats finançant le Hamas. Tant que ces groupes rejetteront la légitimité d’Israël, éviteront une solution pacifique du conflit et essayeront de saper les responsables arabes, l’engagement international et régional avec eux ne pourra que se faire au détriment du processus de paix.

Ce n’est pas l’idéologie, c’est le pragmatisme qui doit prévaloir. Si on a le choix entre, d’une part, reculer de vingt ans et revenir à la question du droit à

56 l’existence d’Israël et à la reconnaissance par Israël du groupe qui est en face, quel qu’il soit, ce que souhaite le Hamas et, d’autre part, engager les négociations avec ceux qui veulent la paix, je crois que le choix est très simple : il faut aller vers les négociations avec ceux qui veulent la paix.

Enfin, Israël, les Palestiniens et les Etats arabes doivent être encouragés à envisager des accords de sécurité commune pour un bénéfice mutuel. L’environnement sécuritaire au Moyen-Orient ayant changé au cours des dernières décennies, il y a une convergence des menaces perçues par les différentes parties en présence. Le jeu a longtemps été à somme nulle entre la sécurité israélienne et la souveraineté palestinienne. La réalité actuelle offre la possibilité d’une solution sécuritaire gagnant/gagnant.

Si les trois efforts que je viens décrire sont nécessaires pour soulager la pression tant sur les Israéliens que sur les Palestiniens, ils ne permettent pas de créer les conditions nécessaires pour avancer dans les négociations.

Il y a donc une deuxième série d’actions à mener. Il s’agit d’encourager les circonscriptions pour la paix en Israël en Palestine et dans toute la région. Nous devrions commencer par trois actions. D’abord, la communauté internationale doit réaffirmer la vision à deux Etats comme étant la seule qu’elle soutienne. Israël et les Palestiniens doivent confirmer leur engagement dans ce cadre, non seulement dans leurs discours mais aussi dans leurs actions : Israël doit le faire à travers la cessation de l’implantation des colonies, les Palestiniens à travers la cessation des atteintes à la légitimité d’Israël.

Deuxièmement, les autres Etats de la région doivent développer davantage leur soutien au processus de paix car jusqu’ici, si les propos sont là, le soutien matériel ne suit pas. Le soutien financier à l’Autorité palestinienne doit être augmenté tandis que les efforts qui sont mis en œuvre pour imposer la position des Palestiniens dans la négociation doivent être interrompus. En outre, les Etats arabes doivent tendre la main à Israël et l’antisémitisme qui empoisonne les échanges israélo-palestiniens doit être banni. Il est notamment impératif de revoir la position de l’Egypte dans les médias officiels.

Enfin, il faut soutenir davantage la Palestine dans ses efforts pour construire ses institutions et développer la croissance économique. Sur ce point, nous avons fait des progrès l’an dernier : il y a des forces de sécurité professionnelles palestiniennes, bien formées, qui établissent la paix et l’ordre en Cisjordanie. Salam Fayas développe également des plans de croissance et de développement qui méritent notre support. Et le Premier Ministre Netanyahu a dans une large mesure répondu aux demandes de suppression de certains barrages routiers, même si Mme Shihabi conteste leur ampleur, et d’amélioration de la circulation et de l’accès à la Cisjordanie. Puisque certaines de ces évolutions ont été possibles, le FMI estime que l’on pourrait s’attendre à une croissance de 7 % du PINB en Cisjordanie en 2009. Je ne sais pas ce qu’il en sera réellement mais il s’agirait de la première augmentation du niveau de vie en Cisjordanie depuis 2005.

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Toutefois, ces efforts ne doivent pas être considérés comme un succès. Il faut voir ce qui s’est passé sur le terrain en Cisjordanie au cours des dernières années et qui servira de base aux progrès futurs. En dépit des efforts observés en matière de réforme de la sécurité, les institutions complémentaires telles que les tribunaux et les prisons sont sous-développées. Si vous regardez le nouveau document publié par l’Autorité palestinienne, vous constatez qu’elles ne sont pas subventionnées par la communauté internationale. Les systèmes de santé et d’éducation sont insuffisants. La réforme des partis politiques n’a connu que quelques avancées. L’assouplissement des blocus, des points de contrôle peut être salué mais il est insuffisant. Des barrières importantes demeurent pour les exportations palestiniennes et les investissements directs étrangers en Cisjordanie, comme on le voit dans le cas Wataniya Telecom.

Si l’on veut s’appuyer sur les succès économiques de l’année dernière, il faut demander aux Israéliens et aux Palestiniens de s’engager à prendre des actions en commun pour reconstruire la confiance et relancer ensuite des négociations politiques qui ne me semblent pas possibles actuellement.

Je crois que c’est dans ce type de domaines où l’on observe une convergence des intérêts israéliens et palestiniens qu’il faut concentrer les mesures de restauration de la confiance, qui pourraient être positives. Il faut toutefois bien garder à l’esprit que faire ce qu’ils considèrent comme des concessions prématurées sur les questions clés a de fortes chances de conduire à l’échec et renforcer les frustrations et les tensions.

Il est tentant, mais à tort, pour les Etats-Unis et l’Europe de se concentrer exclusivement sur ces questions clés, qui ont jusqu’à présent capté l’attention diplomatique. Si au lieu de cela, nous nous concentrions sur les raisons fondamentales du conflit dont je viens de parler, les parties pourraient sans doute traiter ces questions fondamentales avec un minimum d’assistance étrangère. Les idées israéliennes et palestiniennes en ce sens ne manquent pas !

En revanche, si nous négligeons ces questions fondamentales et ces obstacles à une paix durable, le gouffre entre les deux parties pourrait se creuser et les tensions et frustrations croissantes pourraient à nouveau se transformer en violence. Merci.

Henry SIEGMAN, Directeur du US/Middle East Project et ancien directeur de recherche au Council on Foreign Relations – Je dois dire d’abord que je regrette de devoir me limiter à mon texte, pour pouvoir rester dans les dix minutes qui nous sont imposées. J’aurais, de loin, préféré engager un dialogue avec Monsieur Singh pour lui poser des questions quant au contenu de sa présentation. J’espère que nous aurons tout de même la possibilité de discuter de nos divergences tout à l’heure.

Ses propositions relatives aux mesures de renforcement de la confiance et au gel des colonies israéliennes tombaient sous le sens il y a quinze ans. Entendre

58 cela quinze ans plus tard donne à penser que rien n’a changé sur le terrain et que le renforcement de la confiance concerne un Etat palestinien qui n’est peut-être plus du domaine du possible. Je trouve cette conclusion étonnante.

La première chose que j’aimerais dire est que les efforts incessants que poursuit Israël pour changer la réalité en Cisjordanie occupée ont fini par être couronnés de succès et à rendre la situation irréversible. Si vous allez en Cisjordanie, je vous engage à voir ce qui s’est fait sur le terrain.

Si c’est au gouvernement israélien de modifier de manière significative ou d’annuler ses projets de colonisation en Cisjordanie, il faut quand même savoir qu’aucun gouvernement ne pourra défaire ce qui est maintenant enraciné. Pourtant, nous avons entendu maintes promesses de démantèlement de petites colonies isolées, au sommet de certaines petites collines. Même celles-là n’ont pas pu être démantelées. Nous voyons qu’il est impossible de faire machine arrière. Ces colonies sont désormais des villes. Il est donc déraisonnable de penser que le démantèlement puisse être du domaine du possible. Je dirais qu’il s’agit là d’une des grandes réalités sur le terrain dont il faut se rendre compte. Or je pense que beaucoup de diplomates n’en tiennent pas compte.

Ce que l’on observe aujourd'hui, c’est que puisque cette tendance est maintenant irréversible, alors qu’Israël était la seule démocratie au Moyen- Orient, le pays est désormais le seul régime d’apartheid au Moyen-Orient.

Certains sont irrités par cette idée mais il s’agit en fait d’une affirmation qui a été faite par les premiers ministres israéliens, y compris Sharon. Olmert a lui-même constamment averti que si Israël ne parvenait pas créer un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël, ce serait un régime d’Apartheid. Quand Carter a utilisé ce terme, il s’est fait malmener, mais quand le Premier Ministre israélien l’a employé, personne n’a réagi ou n’a répondu à cela. Désormais, ce terme est accepté dans la majorité des cercles israéliens mais il est refusé par le gouvernement israélien. Ces colonies sont maintenant si étendues et profondément implantées en Cisjordanie que leur démantèlement semble impossible. Comme je l’ai dit, aucun gouvernement israélien ne le fera, sauf dans le cas d’une intervention extérieure, qui jusqu’à maintenant était considérée comme très improbable, pour des raisons évidentes.

Il nous faut garder à l’esprit que les colonies juives et les infrastructures qui vont avec ne suivent pas une croissance sauvage. Au contraire, elles font l’objet d’une planification, d’une budgétisation et d’une protection par les gouvernements israéliens successifs et par l’armée israélienne. Leur objectif est de contrôler le territoire palestinien du Jourdain jusqu’à la mer. Cela exclut bien sûr toute possibilité de création d’un Etat palestinien viable et souverain à l’est de la frontière antérieure à 1967, qui est considérée comme l’objectif de la feuille de route signée par tous les Etats et sur laquelle ils se sont engagés.

Juste après la guerre de 1967, on avait demandé à Moshe Dayan quel serait l’avenir des territoires occupés. Il avait répondu que son avenir était le

59 présent : « la Palestine doit demeurer telle qu’est aujourd'hui ». C’était sa réponse et cela prouve bien que ce n’est pas un phénomène récent. Ce point de vue était également celui adopté par le cabinet de l’époque et par le général Yigal Allon, qui a été à l’origine de la doctrine de sécurité qui prévoyait cette présence permanente des Israéliens dans les territoires. C’est ce qui est devenu le principe sécuritaire central qui a guidé tous les gouvernements qui se sont succédé et qui explique la situation actuelle.

Les conditions posées par Netanyahu à la création d’un Etat palestinien impliquent que les colons resteraient en place et le territoire demeurerait fragmenté. Selon ses conditions, les Palestiniens n’auraient plus accès à Jérusalem-Est, ces territoires qu’Israël a annexés juste après la guerre de 1967, c'est-à-dire la zone historique de Jérusalem qui faisait partie de la Cisjordanie et n’a jamais vraiment fait partie de Jérusalem.

En bref, les conditions de Netanyahu pour un Etat palestinien poursuivraient l’objectif de Moshe Dayan, c'est-à-dire l’occupation permanente de facto des territoires palestiniens.

Par conséquent, si l’on accepte cette réalité, le problème pas n’est pas de savoir comment on peut améliorer les efforts diplomatiques ou bricoler le mécanisme de la négociation. Il s’agit de savoir comment faire pour qu’une des deux parties, qui détient le pouvoir, qui est beaucoup plus forte que l’autre et qui peut imposer sa politique et parvenir à ses objectifs, fasse quelque chose qu’elle n’accepte pas. Comment peut-on pousser Israël à faire ce qu’il ne veut pas ?

Lorsque le nouveau Président Obama s’est exprimé au Caire, il a proposé une nouvelle approche de la diplomatie américaine, un nouveau langage et il a promis de traiter la question du conflit israélo-palestinien de manière impartiale. Cela a suscité énormément d’espoir dans le monde. Cette attente était que les Etats-Unis disent à un moment ou un autre à Israël : « C’en est assez ». Ils devaient miser sur le capital accumulé la longue amitié des États-Unis à l’égard d’Israël, et son soutien, pour obliger Israël à respecter la feuille de route et les autres accords internationaux. Nous attendons désormais du président américain qu’il aussi exigeant envers Israël s’il ne respecte pas ses engagements et viole les accords, qu’il ne l’a fait envers les Palestiniens.

Malheureusement, selon les récentes déclarations du président dans Times Magazine, ces attentes sont déçues. L’idée que nous avons tout le temps de revenir aux mesures de renforcement de la confiance est à mon avis illusoire. La solution à deux Etats, si elle n’a pas disparue complètement, est réduite à peau de chagrin et est très peu probable. Cette déception pourrait conduire de nombreux pays de la communauté internationale, avec l’Europe comme chef de file, à ramener cette question sur l’agenda des Nations Unies. Les efforts du Premier ministre Salam Fayyad pour établir les institutions de l’Etat, s’ils sont fructueux, pourraient améliorer le contexte et permettre aux Palestiniens faire une déclaration d’indépendance et de prononcer la création de leur Etat, que les Nations Unies accepteraient. Alors que les États-Unis n’apporteraient pas leur

60 soutien à cette initiative, ils pourraient difficilement l’empêcher. En cas d’échec, la solution à un Etat demeure la seule alternative. Je vous remercie.

Yves AUBIN de LA MESSUZIERE, ancien Ambassadeur, ancien Directeur de la division Afrique et Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères et Président de la Mission laïque française – Pour compléter les propos des intervenants, je ferai d’abord une brève analyse du contexte politique palestinien. Le mouvement palestinien est confronté à une crise profonde de son système politique. Je dirais qu’il s’agit à la fois d’une crise de confiance et d’une crise de légitimité.

La crise de confiance est révélée par les récentes initiatives qui ont été prises par différentes autorités de l’Autorité palestinienne qui parfois, malheureusement, s’apparentent à des fuites en avant. On a vu par exemple que le recours à l’ONU, auquel Henry Siegman faisait allusion, pour avoir par anticipation la reconnaissance du futur Etat palestinien a été une initiative aussitôt retirée. Il y a aussi les déclarations qui sont faites sur l’auto-dissolution de l’Autorité palestinienne et la confusion autour de la saisine de l’Assemblée générale sur le rapport Goldstone. Il y a également les menaces de démission de Mahmoud Abbas. On voit bien que l’Autorité palestinienne est désemparée dans cette crise de confiance et est soumise à des pressions très fortes pour reprendre les négociations. Je vois mal comment dans un avenir proche l’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas pourront résister aux pressions, notamment américaines. On sait que Monsieur Mitchell, dans la tournée qu’il a faite en Europe et un peu partout, demande à ses partenaires que l’on fasse pression sur l’Autorité palestinienne sans qu’il y ait véritablement derrière une vision.

La crise de légitimité de l’Autorité s’est exacerbée après la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006. En janvier 2009, le mouvement islamiste qui déjà récusait la légalité du gouvernement Fayyad, Ismail Haniyeh se considérant comme le Premier Ministre légal, a déclaré illégitime Mahmoud Abbas, arrivé à la fin de son mandat. On peut aussi observer que l’image de l’Autorité palestinienne s’est dégradée au sein de l’opinion, parfois perçue comme une institution qui gérerait les territoires palestiniens pour le compte des autorités israéliennes - Madame Shihabi, il s’agit d’une analyse et non d’une critique. Progressivement l’OLP et sa composante principale, le Fatah, apparaissent fonctionner, à l’image de certains régimes arabes, comme un parti de gouvernement avant tout soucieux de la préservation du pouvoir, plutôt que de la réforme du système.

On peut parler aussi de crise des objectifs, dans les négociations interminables depuis les accords d’Oslo, comme si l’on oubliait que l’objectif final était la création d’un Etat palestinien sur 22 % de la Palestine historique.

Prenons le cas d’Annapolis, puisque Monsieur Singh l’a noté. Ce que j’ai observé, et que j’ai écrit, est qu’il s’agit un exercice que je considérais comme abstrait, déconnecté de la réalité sur le terrain –on l’a vu, à la fois en Cisjordanie et à Gaza – et qui faisait abstraction de Jérusalem et des réfugiés. On a négocié

61 ici ou là quelques résultats de pourcentages sur les frontières. Je n’ai pas vu de progrès au-delà et je crains que l’on soit dans cette même disposition puisque l’on parle d’une nouvelle stratégie américaine.

Au total, on peut donc parler de régression. Je ne sais pas pourquoi on utilise toujours le terme de processus de paix car en latin, le processus signifie le progrès. Peut-être faudrait-il inventer un néologisme comme « récessus » ou « rétrocessus », car il s’agit bien d’une régression et je crains que ce qui se prépare, c’est de nouveau une gestion de la crise, voire de la micro-gestion, plutôt que la perspective de la résolution du conflit.

Je ne souhaite pas dresser un tableau complètement noir. De mon point de vue, l’action de Salam Fayyad a permis des progrès dans l’assainissement des finances, l’ordre public, la sécurité et la lutte contre la corruption. Cet été, le Premier Ministre a présenté un plan bien structuré de réformes et de mises en place progressives d’institutions dans l’objectif de créer les bases du futur Etat palestinien, qui serait proclamé à l’horizon 2011. C’est ce que j’appelle une stratégie de responsabilité, mais j’observe qu’il n’y a probablement pas consensus au sein de l’Autorité palestinienne et qu’elle n’est pas évoquée, notamment par Mahmoud Abbas, comme s’il y avait effectivement une déconnexion entre l’équipe chargée des négociations et l’Autorité qui gère les territoires.

Au total, ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater une autorité politiquement affaiblie et dans le même temps réformée, en tout cas dans un processus de réformes. Il y a bien entendu un problème de leadership palestinien, ce que ne manquent pas de relever les autorités israéliennes, qui sont largement responsables de cette situation. Ces autorités ont beau jeu de déclarer qu’elles n’ont pas ou qu’elles n’ont plus de partenaires pour la paix. Donc le problème essentiel auquel est confronté le mouvement national palestinien, maintenant, est sa profonde et durable division. Depuis le coup de force du Hamas à Gaza en 2007 s’est constituée progressivement une entité autonome sanctuarisée, même si dans les conversations que j’ai pu avoir à Gaza avec les responsables du Hamas, leur intention n’est pas de créer ce que l’on appelle un « Hamastan ».

Par conséquent, les négociations pour la réconciliation interpalestinienne sont dans l’impasse et je constate actuellement, dans les différentes déclarations, que cette réconciliation n’est plus considérée comme une étape préalable pour la stabilisation dans les territoires palestiniens et la création d’un climat favorable à la reprise des négociations.

Qui parle de Gaza ? Gaza est désormais sortie des écrans radars de la communauté internationale. On n’évoque plus non plus le dialogue nécessaire avec le mouvement islamiste, pourtant reconnu après la tragédie de Gaza par une bonne partie de la communauté internationale comme un acteur, voire un interlocuteur. On est depuis revenu à une position de réserve, estimant qu’un dialogue avec le mouvement islamiste affaiblirait l’Autorité palestinienne. J’ai vu

62 hier le grand titre du Monde : les perspectives de dialogue avec les Talibans. Il faudra peut-être attendre quelques années mais ce titre viendra bien un jour puisque cette réalité qu’est le Hamas, que l’on aime ou que l’on n’aime pas, fait partie du paysage palestinien. Les analyses et les sondages – qui sont performants au sein des territoires palestiniens – montrent toutefois qu’ils n’ont pas la majorité.

Je ferais un petit commentaire sur la stratégie du Hamas, telle que je l’ai perçue lorsque j’ai eu des contacts avec le mouvement islamiste à Gaza. J’estime que le Hamas a fait sa mutation idéologique en 2006 lorsqu’il a décidé de participer aux élections, ce qui était une manière indirecte de reconnaître les accords d’Oslo. Al Qaeda l’a bien perçu puisque le mouvement Hamas a été l’objet de critiques extrêmement sévères dans plusieurs communiqués. Nous en avons encore vu des exemples récemment. Il y a eu plusieurs déclarations encore récentes venues du bureau politique du mouvement à Damas qui font référence à un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et à l’acceptation d’un accord de paix négocié par l’Autorité palestinienne, à la condition qu’il soit accepté par referendum. C’était suite à la visite de Carter à Damas. Il a pu obtenir qu’il y ait un papier publié à la presse, passé relativement inaperçu. A Gaza, en revanche, il n’y a pas ce type de déclarations mais dans les conversations et dans les contacts, ils expriment leur accord avec la déclaration du bureau politique de Damas.

J’ai vu aussi récemment cette déclaration du Président du CNP Hamas, Aziz Douik, faisant état d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et allant au-delà en disant que la charte du Hamas devrait être annulée, même si elle n’a pas le statut qu’avait la charte de l’OLP. Ces propos ont été démentis mais ceci représente, à mon avis, un courant de pensée.

La direction pragmatique est toujours en place à Gaza, comme à Damas, et je pense que le Hamas n’a pas fondamentalement changé de stratégie. Il est observateur des mouvements diplomatiques actuels et est convaincu de leur échec. Il n’a donc pas besoin d’y faire obstacle. Mais pendant ce temps, ses positions se consolident et l’on voit qu’une pression extrêmement forte est exercée sur la société gazaouie. On se demande si progressivement, s’il ne devait pas y avoir de réconciliation, le Hamas ne revient pas à ses fondamentaux proprement religieux. Ce que j’ai retenu des entretiens très longs que j’ai pu avoir notamment avec Mahmoud Zahar, c’est toujours l’idée que les mouvements islamistes se situent dans le temps long, ne sont pas pressés dans la région et, le moment venu – c’est sans doute une lubie – prendront le pouvoir. A ma connaissance, ils ne sont donc pas pour le moment dans une stratégie de conquête de l’OLP mais ils souhaitent y entrer en disant qu’ils représentent entre 30 et 40 %.

Je voudrais proposer quelques considérations sur l’Etat palestinien parce que la problématique de l’Etat palestinien est dorénavant au cœur des débats. Avant de la développer, il faut tout d’abord écarter l’option de l’Etat binational évoqué par certains responsables palestiniens, qui avait la faveur de l’OLP dans les années 70. Elle relève de l’utopie, aussi bien que de la désespérance, plus

63 particulièrement de la jeune génération voire de la rhétorique. J’ai vu une déclaration – je ne sais pas si vous la confirmez – de Saeb Erekat qui évoque cette option. Comment l’imaginer alors même qu’Israël exige des Palestiniens la reconnaissance du caractère juif de leur Etat ?

Il y aussi l’autre option de la dévolution de la Cisjordanie à la Jordanie et de Gaza à l’Egypte, qui est évoquée, même dans les chancelleries diplomatiques. C’est ce que j’appelle de la diplomatie virtuelle.

On entend souvent le lamento sur le caractère irréversible de la carte des colonies et de l’annexion de Jérusalem et en conséquence sur l’impossibilité d’établir un Etat viable. Ce qui était envisageable si les négociations de Camp David avaient abouti ne le serait plus en raison de la fragmentation du territoire, du mur de séparation, de l’encerclement de Jérusalem et de la dissidence durable de Gaza. De mon point de vue, les situations susmentionnées, bien entendu, sont réversibles, pour peu qu’il y ait une volonté politique, nécessairement internationale. Je rejoins ce qu’écrivait récemment Henry Siegman dans un article : peut-être la communauté internationale doit-elle se substituer aux parties. Mais il y a plusieurs manières de se substituer aux parties. Pourquoi les situations décrites sont-elles réversibles ? D’abord, il y a un très large consensus en faveur d’un Etat palestinien viable, avec Jérusalem comme capitale, et on ne peut que se féliciter – même si je crois qu’il y a eu certaines réserves de l’Autorité palestinienne – de la récente déclaration européenne. A mon avis, elle va rentrer dans cet ensemble de déclarations de l’Union Européenne constitué par la déclaration de Venise en 1980 où on reconnaissait et on parlait de l’autodétermination, la déclaration de Berlin de 1999 sur l’Etat palestinien viable – elle était d’ailleurs de conception française, comme la déclaration de Venise, et Monsieur François-Poncet en a été un des artisans. En outre, l’opinion publique bouge en Israël. Un récent sondage montre qu’une assez large majorité d’Israéliens est favorable à un Etat palestinien.

Concernant le plan Fayyad, qui était extrêmement structuré, je ne sais pas s’il est réellement mis en œuvre. J’ai observé, au travers d’analyse de la presse israélienne, américaine ou française, qu’il y avait un plan américain sur deux ans. Là, on trouve une convergence, et je me demande d’ailleurs s’il n’y pas eu des consultations américano-palestiniennes à ce sujet et sur le calendrier.

Le principal obstacle est bien entendu le gouvernement Netanyahu, le plus à droite de l’histoire d’Israël. Il faut souligner la formidable habileté tactique d’un Premier Ministre devenu plus populaire qu’il ne l’a jamais été et qui a réussi en peu de temps à faire baisser la pression américaine, qui s’est totalement transposée sur l’Autorité palestinienne et sur Abou Mazen.

En raison même de son système politique, Israël est aussi confronté – d’une autre manière – à un problème récurrent de leadership qui empêche tout gouvernement de dégager une vraie vision de la paix et qui privilégie le statu quo.

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Un mot sur la reconnaissance de l’Etat palestinien. De mon point de vue, il ne faut pas aller directement aux Nations Unies parce qu’il y a un processus assez complexe : il faut d’abord qu’il y ait une demande dudit Etat auprès du Secrétaire général de l’ONU, qui transmet au Conseil de Sécurité – il faut l’aval du Conseil de sécurité –, qui transmet ensuite à l’Assemblée générale, qui vote. A ce stade, il y a toujours la possibilité d’un veto américain. S’il y a proclamation unilatérale de l’Etat palestinien, si les négociations sont bloquées, c’est peut-être l’une des perspectives. Je pense que s’agissant de beaucoup de pays européens et de la France, puisque la reconnaissance d’un Etat est un acte discrétionnaire de nature politique, sur le plan juridique il n’y a pas d’obstacle à une telle reconnaissance, ce qui n’était pas le cas en 1988 lorsque le Conseil national palestinien a proclamé l’Etat palestinien. Il y a une jurisprudence, sur laquelle la France notamment s’appuie. Il s’agit du principe d’effectivité selon lequel un territoire, même s’il n’est pas complètement constitué, peut rentrer dans les négociations et discuter des frontières en s’appuyant sur les résolutions des Nations Unies. Il y a une autorité palestinienne, même si elle est limitée. Il y a les trois éléments constitutifs d’un Etat palestinien. La pratique internationale montre qu’il n’est pas nécessaire, pour que l’effectivité soit établie, que les frontières du territoire soient définitivement fixées.

En conclusion, la proclamation unilatérale de l’Etat palestinien à l’échéance de 2011, si les négociations n’aboutissent pas – ce qui est malheureusement le plus probable – permettra peut-être de déclencher un mouvement de nature politique plutôt qu’un mouvement de violence et peut-être un réel processus d’une nouvelle nature, qui se séparerait de la méthode d’Oslo en inversant la perspective, les négociations devant suivre la création de l’Etat. Dans ce scénario, il serait souhaitable préalablement que des élections puissent se dérouler. Je pense que s’il devait y avoir une proclamation unilatérale, 140 à 150 pays reconnaîtraient l’Etat palestinien. 130 Etats membres de l’Assemblée générale des Nations Unies avaient déjà reconnu l’Etat palestinien de 1988, alors que sa configuration intégrait un seul élément et non les trois. Ce scénario est d’autant plus pertinent que l’année 2010, comme 2011, ne verra probablement pas de progrès significatif dans la reprise des négociations. On se contentera au mieux d’un processus que j’appellerais « Annapolis + » afin d’assurer la gestion d’un conflit considéré de basse intensité. Si ni l’un ou l’autre de ces scénarios ne se développe, on peut d’ores et déjà dire que dans les deux années qui viennent, ce sera de nouveau l’explosion de violence à Gaza, plutôt encore une guerre, et ce sera peut-être aussi l’émergence d’une troisième Intifada. Je suis désolé d’être aussi pessimiste mais ceci rejoint le pessimisme de la plupart des analyses que l’on peut rencontrer autour de ce conflit israélo-palestinien.

Pour finir, on peut regretter que le Président Obama, à mon avis, n’ait certainement pas changé de point de vue parce qu’il a affirmé la centralité du conflit israélo-palestinien dans l’arc de crise qui va de la Méditerranée à l’Afghanistan. Je ne pense pas qu’il ait changé cette perspective. On a bien vu dans le discours sur l’état de l’Union qu’il y a eu peu de politique étrangère, rien sur le Proche-Orient. Cela veut dire peut-être, et je l’espère, qu’il y a une réflexion, une nouvelle stratégie. Les Américains seraient bien inspirés de se

65 rapprocher des Européens parce qu’il y a de plus en plus de convergence entre les Européens et les Américains, mais on peut observer que chacun travaille de son côté. Merci.

Monique CERISIER-ben GUIGA, Sénatrice et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Etant donné l’heure, je propose de donner la parole à une personne de l’assemblée.

Un participant – Je voudrais poser une question sur les échanges isolés. Il devait y avoir une négociation. Où en est-on ?

Par ailleurs, qui commande au Hamas ? Est-ce Ismail Haniyeh ou Khaled Mechaal ?

Yves AUBIN de LA MESSUZIERE, ancien Ambassadeur, ancien Directeur de la division Afrique et Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères et Président de la Mission laïque française – Ce qui me frappe, par rapport à ce que je lis dans la presse, c’est que ça n’a pas changé. La négociation, l’échange de Shalit contre un millier de prisonniers qui se ferait en deux temps, avec la garantie de l’Egypte, a traîné. On retrouve les mêmes contingents. Le problème, ce sont les personnes qui ont du sang sur les mains. Le Hamas a fait un choix. D’après ce que je sais – mais je n’en ai pas la conviction – il a aussi fait le choix de Barghouti, lequel, en prison, est en contact avec les prisonniers du Hamas puisqu’ils ont sorti un document commun il y a un an et demi, que certains peuvent considérer comme une référence. Je n’en sais pas plus. On parle d’une médiation allemande. Je crois que si cela a du mal à déboucher, c’est surtout du côté d’Israël. Même s’il y a l’idée que nombre des prisonniers soient accueillis ailleurs qu’à Gaza, comme en Egypte, cela apparaîtrait comme une formidable victoire du Hamas. Souvenez-vous aussi des images que l’on a vues il y a deux ans lorsqu’il y a eu l’échange de corps israéliens contre quelques centaines de prisonniers du Hezbollah. Le Hamas a surtout un problème d’image, principalement à Gaza parce qu’il n’a pas pu gérer la situation, donc sa popularité est certainement beaucoup moindre. La pression formidable qu’il exerce sur la société pour l’islamiser davantage pose un problème.

Qui commande ? Je n’ai pas vu de profondes divergences entre la direction qui est à Gaza – qui est quand même celle qui compte, parce qu’elle est sur le terrain, qui est confrontée aux radicaux –et celle de Damas. Ils se voient très régulièrement, contrairement à ce que l’on peut imaginer, parce que les responsables du Hamas qui sont à Gaza sortent par l’Egypte et les rencontrent assez souvent. Même s’il peut y avoir des approches différentes, il y a plutôt convergence. Simplement, les déclarations ouvertes sont faites à Damas. Elles ne sont pas faites à Gaza. Ils le disent dans les discussions parce qu’ils ne veulent pas le proclamer, alors qu’ils sont effectivement confrontés aux mouvements radicaux, au courant radical au sein du Hamas et il y a pire – si je puis dire – puisqu’il y a même eu des confrontations avec des Jihadistes qui sont à l’écoute des messages qaïdistes. Même s’ils ne sont pas aussi importants qu’on le dit,

66 ceux-ci comptent. Globalement, je ne pense pas qu’il y ait eu de grands changements dans les positions du Hamas.

Monique CERISIER-ben GUIGA, Sénatrice et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je remercie nos orateurs, qui ont apporté des éclairages différents, souvent contradictoires. A nous de continuer à réfléchir.

Je vous remercie pour votre présence.

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Vendredi 29 janvier 2010

La renaissance de l’Irak ?

Table ronde

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Ce matin, nous démarrons avec une évaluation de la situation en Irak où, avec Madame Cerisier-ben Guiga, nous avons été – à Bagdad mais aussi à Erbil, au nord, capitale non de l’Etat kurde mais de la province autonome kurde. Nous nous sommes entretenus avec des responsables et avec quelques observateurs de la société civile.

Nous avons la chance d’avoir à côté de nous, pour cette table ronde, Monsieur Barzani, qui nous parlera évidemment des Kurdes. Il dirige les services de renseignement de la Province Kurde. Nous sommes ravis d’avoir l’ambassadeur de France à Bagdad et Monsieur Fareed Yasseen, qui est un très haut fonctionnaire, ambassadeur d’Irak, qui suit l’évolution de son pays depuis le tout début. Il nous dira comment il se fait qu’il parle un français aussi parfait.

Monsieur l’ambassadeur de France, je vais commencer par vous. Dites- nous où en est l’Irak.

Boris BOILLON, ambassadeur de France en Irak – En propos liminaire, pour ne pas créer de frustration, je dirai qu’en vingt minutes, je ne vais pas développer un exposé sur l’Irak ou pousser l’analyse politique, en cette veille d’élection législative. Mon propos va se focaliser sur un thème : comment la France, concrètement, contribue à la renaissance de l’Irak.

De manière humoristique, les Irakiens se décrivent parfois comme « les dormants d’Éphèse ». Coupés du monde durant trente ans avec l’embargo et les guerres successives, ils doivent aujourd’hui se reconnecter au monde extérieur, ils doivent rattraper le temps perdu. C’est exactement le sens de l’action de la France en Irak : contribuer à la reconstruction, à la normalisation rapide de ce pays qui sort de trois crises, post-dictature, post-conflit et embargo et post-guerre interconfessionnelle. C’est évidemment un enjeu majeur pour les Irakiens eux- mêmes, on s’en doute. Ils sont les premiers concernés. C’est un peuple martyr.

C’est aussi un enjeu majeur pour la communauté internationale qui a intérêt à retrouver en Irak un pôle de stabilité, un pôle fort, dans une région stratégique qui se caractérise par des équilibres fragiles. N’oublions pas que l’Irak, avec trente trois millions d’habitants, est le géant démographique de la région après l’Iran et la Turquie. C’est un pays riche, qui possède au minimum les troisièmes réserves mondiales de pétrole, peut-être plus encore. C’est enfin un

68 marché de la reconstruction colossal, puisqu’il est estimé à 600 milliards de dollars. Nous voyons donc bien tout son enjeu pour la communauté internationale.

Le soutien français à la reconstruction et à la renaissance de l’Irak est tous azimuts. Il se décline en trois volets, qui seront les trois parties de mon intervention : le soutien politique au nouvel Irak, aux nouvelles institutions irakiennes et le soutien à la normalisation sécuritaire et internationale de l’Irak ; le soutien économique et financier à la reconstruction ; le soutien de la France au renforcement de l’Etat de droit en Irak à travers une coopération culturelle, scientifique et technique très volontariste.

Commençons par le soutien politique à l’Irak. La France est aux côtés du nouvel Irak. Elle est aux côtés de ses nouvelles institutions, de manière très claire. Elle défend l’unité de l’Irak, sa souveraineté, le caractère fédéral de cette République. Elle soutient sans ingérence aucune la réconciliation nationale et l’ancrage démocratique du pays.

Ce soutien politique se manifeste de manière très claire par un dialogue politique d’une intensité exceptionnelle. Souvenez vous des visites en 2007 et 2008 de Bernard Kouchner, qui marquent le retour de la France, et surtout de l’année 2009, l’année des retrouvailles, avec un rythme d’échanges croisés, dans les deux sens, de responsables, comme il n’y a pas d’équivalent dans toute la région Moyen-Orient. Le Président de la République est venu au mois de février, lors d’une visite-surprise. Ensuite, tous les mois, il y a eu des visites dans les deux sens, à de très hauts niveaux : Madame Idrac au mois de février, le vice- président Abd al-Mahdi au mois d’avril, le premier ministre Nouri al-Maliki au mois de mai. Le premier ministre François Fillon est venu au mois de juillet avec Madame Lagarde. Tout cela s’est terminé par l’apothéose de la visite d’Etat du mois de novembre. Je pourrais encore prolonger la liste. Le président du Parlement est venu, sans parler de toutes les délégations qui reprennent, pour la France, le chemin de Bagdad, et pour les Irakiens, le chemin de Paris. C’est tout à fait impressionnant et je peux vous assurer que le flux est loin de tarir. Au contraire, il est en pleine expansion, parce que cette année 2010 est clairement l’année de l’approfondissement et de la mise en œuvre sur le terrain des engagements qui ont été pris.

Ces engagements, très importants, ont notamment été formalisés lors de la visite d’Etat. Je vous en fais très brièvement le résumé. D’abord, les deux pays ont fait le choix réciproque d’une « coopération sans limites » – ce sont les termes utilisés par le président Sarkozy comme par le président Talabani – dans le cadre d’une alliance stratégique exemplaire. Deuxièmement on a fixé une très ambitieuse feuille de route, que je suis chargé de mettre en œuvre le plus vite et le mieux possible. Des accords ont été signés, qui refondent notre coopération dans tous les domaines : scientifique, culturel, militaire, économique. L’agenda bilatéral est vraiment très important, avec de très nombreuses visites, à commencer, dans quelques semaines, par une visite du ministre français de l’industrie. Je vais y revenir. Surtout, et c’est le plus important, l’on a mis en

69 place des outils extrêmement originaux et adaptés à la spécificité de la situation irakienne. Je vais revenir sur ces outils.

Ce soutien politique se manifeste par un véritable engagement sur le terrain. Je suis personnellement en contact quotidien avec l’ensemble des forces irakiennes qui refusent la violence. Nous avons rouvert récemment une mission militaire et une mission économique. Une nouvelle Ambassade de France est en construction. La Résidence de France, après presque huit ans de fermeture, vient de rouvrir ses portes. Nous avons un consulat général à Erbil, un nouveau consulat est en préparation à Bassora et nous avons deux centres culturels français qui fonctionnent maintenant à plein régime.

Toujours dans cette dimension politique, la France soutient de manière très claire la transition sécuritaire en Irak. Nous sommes en train de reprendre une vraie coopération entre les services. Nous allons aussi bientôt rouvrir un poste d’attaché de sécurité intérieure en Irak.

Je profite de cette occasion pour faire un très bref point, car je sais que cela vous intéresse et que nombreux clichés circulent à ce sujet, sur la sécurité en Irak et sur la manière dont je la vois, moi qui me déplace tous les jours dans Bagdad et ses environs. Certes, des attentats spectaculaires visent l’Etat irakien, tous les mois et demi. Le dernier a eu lieu le 25 janvier. Avant, il y a eu ceux du 19 août, du 25 octobre et du 8 décembre. Ce sont des attentats spectaculaires, certes, mais ils ne doivent pas faire oublier la tendance de fond, qui est la très, très nette amélioration sécuritaire. Restons dans les statistiques, qui sont certes morbides mais qui sont éclairantes. Dans l’année 2009, nous avons eu en moyenne, en Irak, huit morts par jour. De 2004 à 2008, la moyenne était de 60 morts par jour. Vous voyez donc que la différence est extrêmement notable. Je suis désolé de parler de manière aussi statistique de choses tragiques, mais c’est aussi une manière d’appréhender la réalité.

Il faut hélas s’attendre à d’autres attentats, dans les prochaines semaines, surtout avant les élections du 7 mars, mais globalement, la tendance est extrêmement encourageante. Les gens qui se cachent derrière ces attentats sont trois principaux groupes : Al-Qaïda, des milices chiites extrémistes et les milices nationalistes baasistes, qui recourent parfois à une forme d’alliance conjoncturelle. Les causes de cette amélioration sécuritaire sont très simples. Elles sont au nombre de trois. Paradoxalement, le retrait américain a privé les groupes armés de toute légitimité. En se retirant, les Américains contribuent donc à renforcer la sécurité. Deuxième cause, les forces de sécurité irakiennes sont performantes. Elles sont nombreuses, sur le terrain, elles connaissent leur métier, elles travaillent bien et elles enregistrent tous les jours des succès. Troisième cause, la population irakienne est lasse de ses trente années de guerres et de problèmes et veut maintenant passer à autre chose.

Géographiquement, la violence se concentre maintenant sur deux zones : les zones mixtes kurdes-arabes dans le nord, Mossoul et Kirkouk ; Bagdad et sa banlieue. La violence se rétrécit donc géographiquement. Elle change aussi de

70 nature. A l’heure actuelle, les groupes armés, au lieu de chercher à rallumer la guerre confessionnelle, comme c’était le cas par le passé, cherchent plutôt à viser les symboles de l’Etat. Je note aussi que la violence de type mafieux qui concurrence de plus en plus la violence terroriste avec un nombre de kidnappings élevé.

J’ai voulu faire cette parenthèse, car il est important que les acteurs de terrain viennent témoigner de ce qu’ils voient – je ne dis pas que je détiens la vérité, je vous ai présenté ma vérité–. En conclusion de cette parenthèse, pour les Français qui veulent revenir en Irak, et je les encourage, en utilisant évidemment les précautions nécessaires – consultez pour cela le site de l’Ambassade de France sur diplomatie.fr –, deux principaux risques existent en termes de sécurité. Premièrement, il s’agit de la faute à pas-de-bol. Vous êtes à un carrefour où une bombe explose et il y en a encore tous les jours à Bagdad. Le deuxième risque est un risque d’enlèvement de type mafieux. Face à ces deux risques, c’est très simple. Quand vous venez en Irak, vous devez travailler avec des sociétés de sécurité – il y a des sociétés françaises – qui vous fournissent un véhicule sécurisé avec un ou plusieurs accompagnateurs. Voilà une manière de pallier les principaux dangers. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de danger, mais que l’on peut travailler à les aplanir ou à les alléger.

Je termine ma première partie sur le soutien politique de la France en vous disant que la France soutient évidemment l’Irak sur le plan international. L’Irak peut compter sur l’appui de la France dans toutes les instances multilatérales, au Conseil de Sécurité mais aussi au Club de Paris. L’Irak aspire à retrouver pleinement ses droits et ses obligations sur la scène internationale, à sortir du chapitre VII de la Charte des Nations-Unies. La France est aux côtés de l’Irak dans ce domaine. Nous, Français, ne craignons pas un Irak fort, car nous savons que l’Irak d’aujourd’hui est un Irak démocratique et que la démocratie est le respect de ses voisins et des populations civiles. Avec cet ancrage démocratique, le temps des aventures militaires est définitivement terminé, selon notre analyse. C’est pourquoi la France soutient sans réserve la modernisation et la formation de l’armée irakienne avec qui nous avons repris une très importante coopération, pour aider cette armée à exercer pleinement ses fonctions, qui consistent à défendre le territoire national et à protéger les citoyens. Voilà pour ma première partie sur le soutien politique de la France à l’Irak.

J’en viens à un deuxième axe : comment la France contribue à la renaissance économique et financière de l’Irak. Nous sommes aussi extrêmement clairs et extrêmement volontaristes. D’abord, nous avons donné l’exemple à partir de 2004 en annulant la plupart de notre dette dans le cadre du Club de Paris. Les différentes vagues de dettes viennent de s’achever, pour presque cinq milliards d’euros.

Les entreprises françaises sont évidemment intéressées par le marché irakien. Il faut savoir que l’on part de très loin. En 2008, la France ne pesait que 0,5 % du marché irakien, c’est-à-dire rien, seulement 173 millions d’euros d’exportations françaises vers l’Irak alors que dans le même temps, nous

71 importions pour 1,5 milliard d’hydrocarbures. Vous voyez donc ce déséquilibre énorme et surtout le niveau très bas auquel nous sommes arrivés.

Pour l’année 2009, je n’ai pas encore de chiffres, mais je peux vous dire que nous allons exploser les compteurs et c’est une très bonne chose. Nous avons eu de très bons résultats cette année et ce sera encore mieux en 2010. L’on a signé un certain nombre de grands contrats, que je signale pour que vous voyiez que la relation bilatérale est vivante et que des gens viennent tous les jours. La semaine prochaine, je reçois Air France et Technip Total. Cela va continuer. Les grands contrats signés cette année l’ont été avec General Electric France pour un milliard d’euros pour des turbines électriques construites à Belfort, avec Degrémont pour 150 millions d’euros, pour une usine de potabilisation d’eau que j’irai visiter la semaine prochaine avec le maire de Bagdad, avec Saint-Gobain et avec ADPI, qui a signé un contrat d’exclusivité pour la construction d’aéroports.

Des entreprises françaises investissent. Je tiens à les saluer, parce qu’elles sont courageuses et visionnaires. Je pense à Lafarge, qui a investi l’an dernier au Kurdistan irakien 650 millions d’euros pour une cimenterie, qui est la plus grande et la plus moderne cimenterie du Moyen-Orient. Il s’apprête à faire le même investissement dans le sud, à Karbala. Je dois dire que Lafarge est exemplaire, car il prend des risques, qui sont payés de retour. Actuellement, Lafarge représente 60 % de la production irakienne de ciment. Quand on sait à quel point le pays se reconstruit, c’est dire que Lafarge à bien visé. Il n’y a pas que Lafarge. Il y a aussi CMA-CGM, qui a investi beaucoup et qui a actuellement 30 % du trafic maritime dans le port d’Umm-Qasr.

Par ailleurs, et j’en termine avec les questions purement économiques concernant nos entreprises, des négociations sont en cours avec de nombreuses boîtes françaises : Technip, Alstom, Peugeot, Thalès, Veolia, Renault, EADS, France Télécom et Air France, inch’allah. Vous voyez donc que les choses avancent, plutôt bien.

Il faut dire que les entreprises françaises ont trois atouts. Le premier atout est leur passé, la bonne réputation qu’elles ont laissée dans les années 70 et 80 en Irak. Le deuxième atout est que les Irakiens manifestent eux-mêmes un besoin de diversification. Ils ne veulent pas rester dans un huis clos anglo-saxon. Les entreprises françaises sont donc les bienvenues. Le troisième point, contrairement à toute attente et là aussi je veux casser un cliché, est que les Américains eux-mêmes sont très volontaristes. Ils savent qu’ils quittent l’Irak et ils veulent quitter l’Irak dans les délais. Mi-août, toutes les troupes combattantes seront parties, et à la fin de l’année prochaine, tous les militaires américains seront partis. Ils tiennent absolument à respecter voire à avancer ces délais. Pour cela, ils ont besoin de rendre les clés d’une maison en bon état. Les entreprises françaises, qui participent à la reconstruction, sont donc globalement très bienvenues.

Enfin, le point qui est selon moi le plus important de cette deuxième partie est de vous montrer comment l’Etat français et l’ambassade accompagnent

72 concrètement sur le terrain le retour des entreprises françaises. Je dois dire que nous faisons un travail très important. Premièrement, nous allons créer le Centre Français des Affaires, qui sera inauguré par le ministre Christian Estrosi fin février. C’est quelque chose de totalement innovant. Je ne veux pas rentrer dans les détails. C’est un partenariat public-privé qui, concrètement, permet à toute entreprise française qui veut revenir en Irak d’être accueillie à l’aéroport, d’être sécurisée, d’être hébergée dans la sécurité, de recevoir un programme personnalisé et de pouvoir rencontrer, grâce à ce centre, tous les nouveaux acteurs qui ont émergé en Irak. C’est donc quelque chose d’extrêmement novateur, d’extrêmement original, qui ne coûte rien au contribuable français, puisqu’il s’agit d’autofinancement. C’est quelque chose sur quoi nous avons beaucoup travaillé et nous sommes très contents de pouvoir inaugurer ce Centre des Affaires à la fin du mois de février.

Le deuxième outil très innovant que l’on met en place est la Maison Française de l’Agriculture, que l’on va inaugurer au mois de mars, également, j’espère, avec un ministre français. Pourquoi ? Souvenez-vous, l’on dit de l’Irak que c’est « le pays d’entre les deux fleuves », la Mésopotamie. Il ne faut pas oublier cette grande tradition irakienne d’agriculture. L’Irak fut le grenier à blé et à fruits de l’ensemble de la région. Aujourd’hui, l’Irak importe 80 % de ses besoins alimentaires. La France a une grande tradition agricole. Pourquoi ne pas réunir les deux ? C’est ce que nous sommes en train de faire avec cette Maison de l’Agriculture, qui va englober plusieurs pôles : des pôles semence, des pôles commerciaux, des pôles de recherche, des pôles formation, des pôles eau. Nous sommes en train de créer cela à Erbil, dans le Kurdistan d’Irak. Nous avons déjà la maison, que nous sommes en train de faire retaper et qui sera opérationnelle au mois de mars. Nous avons déjà des partenariats avec des entreprises françaises d’agro-alimentaire. Je crois beaucoup en ce projet, qui est également un projet totalement innovant et qui correspond à la particularité irakienne.

Le troisième outil que l’on met en place pour les entreprises françaises est l’ensemble des instruments financiers que l’on est en train de redéployer : un fond d’amorçage de 10 millions d’euros pour les entreprises qui, par exemple, veulent financer des formations en France pour des ingénieurs irakiens ; une couverture COFACE, à nouveau opérationnelle sur le court terme et bientôt, j’espère, sur le moyen terme ; l’installation de l’AFD, pour la première fois dans l’Histoire bilatérale, en 2010 à Bagdad – ce sera donc très important – avec son ingénierie financière et avec les prêts qu’elle peut fournir ; enfin, nous venons de signer un accord de protection des investissements. Voilà pour les instruments financiers sur lesquels l’on travaille. Il y a aussi des instruments institutionnels, les foires de Bagdad, les foires d’Erbil et les foires agricoles, sur lesquels nous sommes très présents. Par exemple, au mois de novembre dernier, la France était le seul pays occidental représenté, avec une centaine d’entreprises, à Bagdad. Cela a été un grand succès.

Ma conclusion de cette seconde partie sur l’appui économique de la France à la renaissance de l’Irak est la suivante : c’est parce que le marché irakien est compliqué qu’il est rentable. L’on ne peut pas avoir le beurre et

73 l’argent du beurre. Je pense que les risques, à revenir en Irak, sont maintenant limités. Il y a des risques, nous n’allons pas nous les cacher, mais ces risques sont limités et en tout cas mesurables et maîtrisables. C’est très important. Le problème n’est plus tant, quand vous parlez avec les Irakiens, la sécurité. Le problème est la gouvernance.

Cela tombe bien, car c’est la troisième partie de mon exposé : comment la France aide la gouvernance. Je n’aime pas trop ce mot mais je vais essayer de vous expliquer ce qu’il veut dire : comment nous aidons l’Etat de droit en Irak. Pour ce troisième axe de notre action, nous avons quatre priorités : la gouvernance ; la société civile ; la formation des élites ; la coopération culturelle.

Je commence par la gouvernance. Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous voyez bien que l’Irak sort d’un conflit interconfessionnel. La priorité, aujourd’hui, est donc de dépasser ces clivages confessionnels, ethniques, tribaux, pour établir véritablement la confiance des citoyens en un Etat impartial, qui a le monopole de la force, comme disait Weber, et qui est également un Etat qui peut donner de la solidarité. Les citoyens doivent retrouver la confiance dans leur Etat.

La France, comme d’autres, y aide, de quatre façons. La première manière est notre soutien de la réforme du système judiciaire, par une coopération très active. Nous sommes en train de développer une coopération avec la Cour suprême irakienne, qui est l’équivalent de notre Conseil constitutionnel, de notre Cour de cassation et de notre CSM. Le président de la Cour suprême vient donc au mois de février à Paris. Nous avons reçu au mois de décembre une délégation du Conseil d’Etat irakien et nous sommes vraiment en train d’établir des partenariats très étroits avec les institutions essentielles pour la réforme du système judiciaire irakien.

Deuxièmement, nous travaillons aussi – et je suis heureux, Monsieur le ministre, de m’exprimer dans cette enceinte du Sénat – avec le Parlement irakien. Vous avez vous-même très gentiment reçu, au cours des derniers mois, le président de la République irakienne, qui était très content de se trouver ici. Vous avez reçu le président du Parlement irakien, Monsieur Al-Samarraï, en septembre. Vous venez aussi de recevoir le secrétaire général du Parlement irakien pour une coopération concrète entre les parlements. C’est donc vraiment très bien. Il y a eu récemment la signature d’un mémorandum avec l’Assemblée Nationale. Je pense aussi qu’il existe une piste d’action, pour vous autres, Messieurs et Mesdames les sénateurs. Comme vous le savez, la constitution irakienne prévoit un Sénat, qui n’existe pas encore. Ce serait une bonne voie de coopération d’y travailler ensemble, parce que dans un pays qui a été en proie à de forts clivages ethniques et religieux, la présence d’une seconde chambre est très utile. Elle permet d’assurer une meilleure représentativité de l’ensemble des acteurs. C’est donc une voie de coopération toute trouvée.

Notre troisième action dans le domaine de la gouvernance est de professionnaliser la chaîne pénale. Là aussi, nous travaillons énormément. Dans

74 le cadre européen, vous avez tous entendu parler du programme EU-Just Lex, qui forme des magistrats et des policiers. La France est le premier contributeur à ce programme européen. Nous avons déjà reçu plus de 400 magistrats et policiers, en France, pour les former à diverses actions. De manière bilatérale, nous avons aussi décidé de commencer dès cette année une action, avec le retour d’un attaché de sécurité intérieure, comme je vous le disais, et une coopération avec les magistrats.

Notre quatrième action, toujours pour la gouvernance, est la professionnalisation des forces de sécurité. Là aussi, cette année, nous commençons un programme de formations avec la police irakienne. Nous allons notamment aider cette année la création d’une gendarmerie, qu’ils souhaitent.

Le dernier aspect de la gouvernance est l’observation des prochaines élections. Là aussi, je suis heureux de parler ici au Sénat, parce que la France, outre les observateurs qui vont être envoyés au niveau européen, a décidé d’envoyer des parlementaires. Un ou des sénateurs, un ou des députés et des députés européens français viendront donc sans doute le 7 mars pour faire de l’observation électorale.

J’en ai terminé. Je vais très rapidement vous dire, puisque je vous l’avais annoncé, que nous travaillons aussi avec la société civile. Nous avons tout un programme, que je ne vais pas détailler. Nous avons également tout un programme pour la formation des élites. Retenez juste que l’on envoie 200 boursiers par an en France. C’est donc un vrai effort que l’on fait pour aider l’Université irakienne à se relever. Nous travaillons également dans le domaine de la recherche, avec le dernier outil innovant que nous sommes en train de mettre en place, un Centre français de recherche en archéologie et en sciences sociales, que nous allons ouvrir dans la citadelle d’Erbil au mois de septembre, en liaison avec d’autres institutions françaises. C’est aussi très innovant.

En conclusion, la reconstruction et la renaissance de l’Irak, comme le disait Kant, est un impératif moral mais aussi politique, géopolitique, économique et culturel. J’espère vous avoir convaincu que la ligne qui a été fixée par le Président de la République et qui est mise en œuvre par Bernard Kouchner est extrêmement claire, extrêmement volontariste. Nous sommes aux côtés de l’Irak, du nouvel Irak. Cette phase de transition est évidemment porteuse d’incertitudes mais elle est aussi porteuse de fortes opportunités et c’est maintenant que la France doit se positionner, c’est maintenant que la France doit être aux côtés de l’Irak. Pas demain.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Merci, Monsieur l’ambassadeur. Votre exposé était fort intéressant. Ceci dit, vous n’avez pas décrit l’évolution de la situation dans le temps.

Boris BOILLON, ambassadeur de France en Irak – Il faudrait une heure pour le faire.

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Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Vous aurez tout à l’heure cinq minutes. Nous devons y revenir, parce que nous avons dans l’esprit que jusqu’au milieu de 2007, l’Irak paraissait perdu, enfoncé dans une insécurité sanglante et plus ou moins omniprésente. Les choses se sont arrangées et c’est l’un des pays où les Etats-Unis ont agi avec pas mal de doigté et de succès. Ils ont été aidés, il faut le dire, par les excès d’Al-Qaïda, qui s’est rendu haïssable, mais l’Irak est aussi un pays affecté de problèmes confessionnels difficiles. Notre appétit n’est donc pas complètement éteint. Merci, encore une fois, Monsieur l’ambassadeur, par votre très intéressante contribution.

Je vais donner la parole à Monsieur Fareed Yasseen, qui va nous dire comment il se fait qu’il parle si parfaitement français. Ce n’est pas si évident pour quelqu’un qui est ambassadeur dans son pays et qui en est l’un des plus hauts fonctionnaires. Je lui ai demandé hier s’il n’avait pas l’intention de faire de la politique. Il m’a répondu « surtout pas ». Il est vrai que c’est le choix de la sagesse. Monsieur Yasseen, faites-nous, si c’est possible, un panorama de la situation : d’où vient-on, où va-t-on et comment s’est effectuée la transition vers un état de choses beaucoup plus prometteur qu’on ne pouvait le penser ?

Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak – Merci. Je m’étais promis de parler en anglais si l’on me disait que mon français était bon… Je parle français parce que je suis comme vous, Monsieur le ministre, fils de diplomate. Je vous remercie de m’avoir invité à parler de l’Irak actuel.

Je trouve que le titre de la session est très approprié, très pertinent. Ce choix décrit bien ce qui se passe en Irak. Nous vivons maintenant en Irak, après une longue absence, qu’a notée mon voisin, un renouveau, une renaissance. Mais c’est un titre qui n’est pas sans ironie, puisque parler de « renaissance » comprend implicitement l’idée de destruction. L’Irak a été détruit par une dictature basée sur une idéologie totalitaire, le Baas, qui en arabe signifie « renaissance ».

Cependant, l’Irak est en train de renaître, sous une forme différente, selon un processus politique compliqué, qui n’est pas encore terminé. Ce processus a commencé avec une intervention américaine, qui a mis à bas le régime ancien. Il se caractérise par deux choses. D’abord, il est mû dès les premiers jours par une volonté irakienne, qui a dû quelquefois faire face à des réticences américaines pour faire avancer ce processus. Ensuite, ce processus porte en lui-même les sources de sa légitimité, d’abord internationale, en impliquant autant que faire se pouvait les Nations-Unies et son Conseil de Sécurité, et ensuite populaire, en se basant sur des élections, dont les prochaines auront lieu le 7 mars. Cependant, ce processus rencontre des résistances, dont je parlerai plus tard.

Pourquoi renaître sous une autre forme ? Simplement parce que nous voulons tirer les leçons de notre passé et des erreurs commises. Il y a eu, depuis

76 la création de l’Irak, une véritable contradiction et aucune correspondance entre la sur-centralisation des superstructures du gouvernement irakien et la nature riche et diverse de sa population, qui compte de nombreuses communautés, en particulier les Kurdes. Ceci explique l’apparition de la répression et du militarisme, qui ont conduit à la succession de coups d’Etat, le premier dès les années 1930. Ceci explique aussi les nombreuses guerres menées par le gouvernement contre plusieurs communautés irakiennes, au sud et au nord. Certaines ont duré des décennies.

C’est pourquoi les directions des principaux courants politiques irakiens ont négocié, avec l’accord des autorités d’occupation américaines, un programme d’action, obtenu le 15 novembre 2003, pour engager l’Irak dans un processus qui a mis en place un gouvernement constitutionnel en 2006. Ce processus, approuvé par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1 546, est passé par plusieurs étapes. La première était la restitution de l’autorité à un gouvernement intérimaire approuvé par les Nations-Unies. Ce fut fait en juin 2004. La seconde étape fut la tenue d’élections pour une assemblée constituante, qui formerait un gouvernement transitoire et qui serait chargée de rédiger une constitution, ce qui fut fait en janvier 2005. La troisième étape fut l’approbation du texte de la constitution, en octobre 2005. Finalement, l’élection d’un gouvernement constitutionnel fut faite en décembre 2005.

Cependant, ce processus n’est pas encore terminé. D’abord, il est prévu, et Boris Boillon en a parlé, une révision constitutionnelle, dont les éléments incluraient la mise en place d’une seconde chambre, d’un Sénat. Ensuite, nous avons hérité de problèmes qu’il faudrait résoudre. Qu’allons-nous faire de Kirkouk ? Nous avons des frontières internes à redessiner, et cetera. Ces choses vont demander beaucoup d’attention, de doigté et de bonne volonté.

J’aimerais d’abord noter que les autorités d’occupation américaines voulaient un processus tout à fait différent. Ils voulaient un processus qui s’étendrait sur deux ans et qui aboutirait à des élections non pas début 2005 mais fin 2007. Les raisons pour lesquelles les forces politiques irakiennes ont poussé, fort, pour obtenir des élections plus tôt, étaient d’abord la volonté d’assurer la légitimité du gouvernement. Jusqu’aux élections, des gens disaient qu’ils parlaient au nom du peuple irakien. Il fallait que ce soit un gouvernement représentatif et légitime qui puisse le faire, sans conteste. Deuxièmement, il fallait que des représentants du peuple, élus par le peuple, rédigent la constitution. L’idée principale des Américains, à l’époque, était que la constitution serait écrite par des experts. C’est un point sur lequel l’Ayatollah Sistani l’autorité religieuse la plus influente en Irak, a vraiment fortement insisté, et je pense qu’il a eu raison. Je mentionne ce point parce que l’on rencontre toujours des gens qui disent que la constitution irakienne a été écrite par des experts américains. C’est une chose que j’ai lue récemment dans Le Monde, un journal qui se trompe quelquefois.

Quelles sont les conséquences de ce processus politique ? Elles sont majeures, elles sont vraiment d’ordre historique en Irak. D’abord, nous avons un

77 gouvernement qui est plus représentatif de la diversité irakienne. Cela veut dire principalement que la communauté chiite, majoritaire en Irak, n’est plus sans voix. Cela suscite quelquefois des réactions. On a parlé du « croissant chiite ». C’est une conséquence démocratique.

Le deuxième point est la reconnaissance des acquis de la communauté kurde, qui gère maintenant directement les affaires qui ne sont pas constitutionnellement sous la responsabilité du gouvernement de Bagdad.

Le troisième élément est une décentralisation du pouvoir, comme le montre le budget fédéral qui vient d’être voté et qui donne des ressources considérables aux provinces. Ce point est important pour les entreprises françaises voulant investir en Irak. Vous aurez des interlocuteurs non seulement à Bagdad mais aussi dans les gouvernorats.

Le quatrième élément est le réajustement de la présence et de l’influence américaine qui vont vers une normalisation. D’occupants, les Américains sont devenus en quelques années et aussi par leur propre volonté, il faut le dire, des partenaires. Nos relations sont maintenant gérées par des accords stratégiques. Un accord-cadre englobe toutes sortes de relations, économiques, sociales, politiques et culturelles. Cet accord gère aussi la présence des forces armées américaines en Irak qui, comme l’a dit Boris Boillon quitteront définitivement l’Irak fin 2011.

Cela n’a pas été sans mal. Nous avons dû faire face à une insurrection, à une activité terroriste sans pareil, à ce que je n’appellerai pas une guerre civile mais, vraiment, une guerre contre les civils. Boris Boillon parlait d’une moyenne de 60 morts par jour. En 2006 et 2007, il y avait une centaine de morts par jour dans l’agglomération de Bagdad. C’est énorme. Des régions et des villes entières sont devenues des zones interdites, sans aucune présence de l’Etat.

Cependant, tout cela a changé, comme l’a dit Monsieur le ministre. Une nouvelle stratégie dont on a parlé, le « surge » américain, qui était tant une stratégie militaire qu’une stratégie politique, a permis de renverser toutes ces tendances. Cette stratégie, qui a réussi, a fait que les insurgés et les terroristes ne présentent plus de menace stratégique pour l’Etat irakien. Ils présentent toujours une menace, comme l’ont montré les exemples récents qu’a dénombrés Boris Boillon, et j’ai échappé de peu à l’un d’eux, mais ils ne vont pas changer la marche des choses.

Il y a maintenant, un peu partout dans le monde, une acceptation de l’Irak. La France a été l’un des premiers pays à le faire, grâce aux visites qu’a mentionnées Boris Boillon, mais la France n’est pas seule. Des développements régionaux très importants ont eu lieu. L’Egypte, en particulier, a fait le choix stratégique de se placer aux côtés de l’Irak. Elle a nommé un ambassadeur, elle a reçu récemment notre premier ministre et nous avons signé avec elle plus de quarante accords économiques. Nos voisins turcs et iraniens sont en compétition en Irak dans tous les domaines, économiques, politiques et autres. Tout

78 récemment, les compagnies internationales pétrolières se sont engagées à investir en Irak des sommes considérables, qui feront que l’Irak, d’ici une dizaine d’années, occupera la position qu’il occupait auparavant au sein de l’OPEP. Il sera peut-être le second producteur de l’OPEP.

En résumé, c’est une véritable restauration que nous avons. L’Irak était dans les années 1950 sur une pente ascendante. Elle a été entrecoupée par un coup d’Etat en 1958. Durant les années 1960, nous avons continué sur une certaine pente ascendante, mais grâce à l’inertie. Ensuite, le Baas et le régime de Saddam Hussein nous ont mis hors-course. Vraiment, nous sommes sur une trajectoire ascendante, qui va être assise par les prochaines élections, qui sont très importantes, car tout ce qui a précédé était transitoire. Même le gouvernement constitutionnel, qui a duré quatre ans, avait des allures de gouvernement transitoire.

La force des élections que nous allons avoir tient à notre loi électorale, qui donne une voix particulièrement importante aux électeurs irakiens par rapport aux partis. Les élections précédentes étaient régies par une loi électorale qui favorisait les partis. Les élections de mars 2010 vont permettre aux électeurs irakiens de voter pour une personne. Tous les politiciens prennent cela très au sérieux. Certains ont même franchement peur. Cela fait que je sois ici plutôt que le vice-président, qui est en train de mener campagne et se trouve maintenant, je pense, à Nassiriya, sa circonscription. Ce qui est vraiment intéressant dans ces élections, ce ne sont pas les élections elles-mêmes, ce sera le processus politique qui les suivra. Les premières élections, en Irak, ont amené à des coalitions identitaires. Je crois que les élections qui auront lieu dans six semaines amèneront à une compétition entre les communautés et vont peut-être mener à la formation de coalitions qui dépasseront le cadre identitaire, avec l’émergence d’une politique nationale comme vous en faites ici, en France. Nous verrons.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je vais maintenant donner la parole à Monsieur Masroor Barzani. Les Barzani sont une véritable dynastie au Kurdistan. Quand nous avons été à Erbil, Avec Madame Cerisier-ben Guiga - Erbil est la capitale de l’entité kurde -, nous avons rencontré le président, qui est un Barzani. Je crois bien que votre représentant à Paris est aussi un Barzani. Si l’on n’est pas un Barzani, au Kurdistan, il est difficile de faire surface !

Nous attendons de vous, Monsieur Barzani, qui êtes responsable de la sécurité et du renseignement dans votre pays, de nous dire où en est le Kurdistan. Je ne sais pas si l’on peut parler d’un Etat kurde, car le Kurdistan fait évidemment partie de l’Irak, mais il est très largement autonome, avec une force de défense, les Peshmergas, qui forment une véritable armée, disciplinée et motivée. Les Kurdes font partie de l’Irak et en même temps ils ont beaucoup progressé sur la voie de l’autonomie. Ils attirent les investissements étrangers. Ils ont construit un grand aéroport moderne au Kurdistan. Quand nous avons été à Erbil, nous ne sommes pas passés par Bagdad, mais sommes allés directement à Erbil.

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Dites-nous où en est l’autonomie kurde et quelles perspectives vous voyez pour l’avenir. Parlez-nous aussi des points qui font encore contentieux avec l’Etat central, notamment Kirkouk, la capitale du nord. Où va-t-on, à Kirkouk ? Quelles solutions envisagez-vous ?

Masroor BARZANI, chef des services de renseignement du Parti démocratique kurde (KDP) – Je serai très heureux de vous donner la perspective kurde et un bilan général de la situation en Irak. Pour ce faire, je me concentrerai sur ce qui, à nos yeux, constitue le problème principal, sur les solutions possibles et sur la manière d’aller de l’avant. J’espère que vous aurez ainsi des réponses à un certain nombre des questions que vous avez posées.

Mesdames et messieurs, c’est un grand honneur pour moi de parler devant vous aujourd’hui, dans le pays où sont nés un grand nombre des idéaux démocratiques pour lesquels nous luttons encore aujourd’hui. Alors que je m’exprime devant vous, je me rappelle les grandes traditions françaises d’engagement pour la liberté, le respect de la propriété, la sécurité individuelle et la lutte contre l’oppression. Toutes ces valeurs, intégrées il y a deux cents ans à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et fondées sur la fraternité et l’égalité, restent des valeurs-guides pour tous ceux, dans le monde, qui souhaitent un monde plus juste, qui souhaitent être réellement représentés par leurs institutions politiques, qui souhaitent vivre sans faire l’objet d’injustice de la part de ceux chargés de protéger, préserver et promouvoir le bien commun.

Les avertissements du Baron de Montesquieu selon qui l’expérience montre que tout homme investi d’un pouvoir est prêt à en abuser et à exercer son autorité aussi loin que possible sont inhérents à la lutte pour réaliser ces objectifs et à la Déclaration elle-même. Il a sagement reconnu, et l’Histoire l’a prouvé, qu’aucun gouvernement ne peut aspirer aux idéaux démocratiques les plus basiques et qu’aucun homme et aucune femme ne peuvent respecter les plus fondamentaux des droits de l’homme sans qu’il n’y ait séparation des pouvoirs, sans que le gouvernement ne soit organisé de manière à ce que personne ne puisse craindre autrui.

Peu d’endroits symbolisent aussi clairement que l’Irak les dangers inhérents à l’ignorance de cet édit. Depuis son indépendance, les Kurdes, les Arabes et les autres communautés ont souffert de l’incapacité ou de l’absence de volonté des leaders irakiens d’accepter ces principes de base. Des minorités ethniques et religieuses ont fait l’objet de génocides perpétrés par des leaders souhaitant créer un Etat centralisé et fort, idéalisé à partir de la fabrication post- guerre qu’est l’Irak actuel. Dans leur quête incessante pour l’uniformité, ils n’ont n’a pas trouvé l’unité mais la division et la ruine. Les résultats sont terribles pour tout le monde : des centaines de milliers de personnes ont été massacrées et la grande richesse issue du pétrole a été dilapidée. Les Kurdes, qui constituent l’une des principales composantes de l’Irak, ont été victimes d’un génocide, d’attaques chimiques et d’opérations infâmes et épouvantables au cours desquelles plus de 182 000 personnes, surtout des femmes et des enfants, ont péri tandis que 90 %

80 de nos villages étaient détruits et rasés. Ce passé bien connu a causé une méfiance et une crainte entre les individus, les communautés, le peuple et le gouvernement. Les personnes désavantagées, faibles ou vulnérables attendent des plus forts qu’ils s’adonnent au pillage tandis que domine une culture de la revanche et des représailles.

Nous espérions que ce cycle tragique serait brisé grâce à l’adoption de principes démocratiques fédéraux et à la ratification de la constitution de 2005, par plus de 80% de l’électorat irakien ayant voté. Nous espérions qu’une nouvelle ère allait commencer, dans laquelle nos différences ne seraient plus perçues comme notre grande faiblesse mais deviendraient au contraire notre plus grande force, chaque composante de la société participant pacifiquement au progrès de tous. C’était un futur où le pouvoir devait être partagé et limité, comme le préconisait Montesquieu, et où personne ne devait avoir peur de l’autre. Toutefois, ces dernières années nous ont montré que de nombreux défis restaient à relever. Un vide sécuritaire existait dans de nombreuses régions du pays ce qui a permis à des terroristes locaux et internationaux de s’imposer auprès de certains segments de la population en jouant sur la question de la méfiance. Par d’horribles attaques, ils ont fait renaître le sentiment d’insécurité entre les communautés irakiennes, surtout entre sunnites et chiites, ce qui sape tout sentiment de fraternité.

Des leaders faibles sont arrivés, autorisant des entités internationales aux intentions douteuses à jouer un rôle dans l’orientation de notre développement. L’incompétence a nourri une corruption rampante qui existe maintenant à tous les niveaux de notre administration. Ce ne sont plus des fonctionnaires qui travaillent pour l’Etat, mais des personnes intéressées par le profit. Dans ces circonstances, l’on voit sans surprise que la loyauté ethnique l’emporte toujours sur le sentiment national. C’est la réalité de l’Irak ; des vœux pieux et des solutions imposées ne peuvent changer cet héritage. Il faut l’accepter et le comprendre si nous voulons un jour le dépasser et changer le cours de l’histoire. Aucun Irakien ne peut prospérer tandis que certains vivent dans la crainte. Aucun progrès ne peut être réalisé sans une confiance dans les règles fondamentales de ce système.

Le Kurdistan, malgré tous ces défis, a pu largement contribuer à l’unité du pays. Il s’agit aujourd’hui de la région la plus sûre et la plus pacifique d’Irak, ce qui a permis son développement économique. Cela a été essentiellement possible en raison de la prédominance de la culture de la tolérance et de la coexistence religieuse. L’expérience du Kurdistan et la réconciliation nationale qui y a est pratiquée pourraient montrer l’exemple au reste de l’Irak. C’est donc vraiment le cœur de notre lutte, qui vise à établir la séparation des pouvoirs et l’état de droit qui caractérisent les démocraties modernes. Ces valeurs sont inscrites dans notre Constitution mais ce n’est que par leur application pleine et entière que nous trouverons la paix et le progrès. Si nous n’adoptons pas ces valeurs, nous nous retrouverons sous le joug de despotes, quels qu’ils soient. En effet, la constitution va au-delà de tout conflit, de toute question ou de toute loi. Elle va bien au-delà de la concurrence pour le pétrole et le gaz, pour l’allocation des sièges

81 parlementaires ou du budget. La question porte sur le type d’Etat, de population et de communauté de l’Irak. La constitution est la source de notre capacité à être confiants et en sécurité, pour être conscients que le nouvel Irak sera en rupture avec son passe répressif. Elle nous unit du fait de nos objectifs communs de progrès et de justice, tandis que les différentes communautés garantissent nos différences. J’apparais ici engagé en faveur des principes fédéraux et démocratiques inscrits dans la constitution irakienne non en tant que Kurde, mais parce que, comme tous les Irakiens, je suis victime d’un passé despotique.

En reconnaissant l’importance d’un gouvernement local et régional fort, la constitution réaffirme au peuple irakien ayant tant souffert que le nouvel Irak évitera toute centralisation excessive du pouvoir, qui avait conduit à ce désastre. Dans l’intérêt de tous les Irakiens, elle réduit la férocité de la concurrence dans tout service en déléguant davantage l’autorité et les responsabilités. Cette délégation des pouvoirs est essentielle pour faire face à la corruption et créer un cercle vertueux de concurrence pacifique qui fera progressivement disparaître l’incompétence.

Aujourd’hui, mon message est un message d’optimisme et non de pessimisme. A plusieurs égards, nous avons des chances. Nous avons des réponses à nos principaux problèmes. Nous avons élu un gouvernement et nous croyons en ses promesses. Nous savons ce que nous devons faire. Il nous reste à avoir assez de courage et de sagesse pour vraiment appliquer les règles d’un système démocratique fédéral qui ont fait leurs preuves et permettent de diriger un pays et de protéger son peuple. C’est la seule manière dont l’Irak et le peuple irakien pourront atteindre l’unité et enregistrer les progrès que l’on a vus ailleurs.

Nous, en tant que Kurdes et plus largement en tant qu’Irakiens, vous, en tant que Français et Européens, et de manière plus large la communauté internationale, nous ne pouvons hésiter et tergiverser vis-à-vis de ces valeurs. Pour surmonter le principal obstacle de la désunion, l’Irak doit pouvoir protéger son peuple, lui insuffler de la confiance dans sa bienveillance et lui garantir que les responsables ne seront plus des oppresseurs. Quelle que soit son appartenance religieuse, quelle que soit sa région de l’Irak, de Bassorah à Zakho, de Erbil à Bagdad, les Irakiens devront avoir leur mot à dire sur leur destin et auront des droits garantis par la constitution. C’est la base de notre fraternité. C’est le seul espoir pour l’avenir de l’Irak.

Je vous remercie.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous avons le temps de débattre. Je voudrais commencer en faisant l’observation suivante : nos intervenants, surtout l’ambassadeur de France et Monsieur Barzani, ont évité de traiter des sujets délicats. En choisissant de parler de l’action de la France en Irak, qui nous intéresse naturellement beaucoup, l’ambassadeur a évité, en parfait diplomate, de nous dire où en était l’Irak. Il a parlé de la sécurité, mais pas du reste.

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Monsieur Barzani a exposé des sentiments qui nous ont touchés, mais il ne nous a pas dit un mot de Kirkouk.

Je vais donc aller les chercher dans leurs « repaires » et demander à l’ambassadeur de France de nous rappeler comment et pourquoi l’Irak, qui en 2007 paraissait perdu, a évolué. L’on ne savait que critiquer les Etats-Unis : pourquoi l’Amérique avait-elle eu la malencontreuse idée d’envahir l’Irak ? Puis la situation a évolué. Comment ? Pourquoi ? Monsieur l’ambassadeur, pouvez- vous nous rappeler cela, et aborder ce sujet difficile et délicat ?

Boris BOILLON, ambassadeur de France en Irak – Vous avez raison de signaler que l’Irak a effectué en quelques années un renversement à 180 degrés et que l’on est passé d’une situation absolument chaotique à la situation actuelle, qui incite à l’optimisme pour l’avenir. Des éléments de réponse ont été donnés à votre question. Fareed Yasseen a mentionné le « surge » américain, qui marque en fait le début d’un renversement. Ensuite, d’autres signaux sont apparus, notamment les élections régionales de janvier 2009. Pour la première fois, l’on a vu apparaître clairement un sentiment national irakien, avec la victoire de partis qui avaient pour programme la volonté d’unité nationale. L’on sent clairement depuis cette époque, dans toutes les parties de l’Irak, cette volonté de dépasser les clivages.

La raison est aussi physique. Comme le disait l’humoriste algérien Fellag, « Quand on est au fond du trou, on remonte. » Il se trouve que l’Irak est allé très loin. Fareed Yasseen signalait justement que durant les années 2007 et 2008, l’on comptait 150 ou 200 morts par jour à Bagdad. L’on ne peut pas continuer de la sorte à l’infini. Vient donc forcément le moment d’une reprise en main, où les hommes politiques se font mieux entendre. A partir de 2008, l’on a senti ce renversement, qui va en s’accentuant.

C’est la raison pour laquelle les élections qui viennent seront vraiment décisives. Ce seront vraiment des élections qui marqueront une nouvelle étape, qui permettront d’avancer. Je note, de manière intéressante, que les cinq principales coalitions qui se présentent à ces élections – la coalition de l’actuel premier ministre, la coalition menée par le parti religieux chiite ANI, la coalition kurde et deux coalitions dites laïques, l’une emmenée par l’ancien premier ministre Alaoui et l’autre par l’actuel ministre de la défense – ont toutes un programme dépassant les clivages confessionnels, religieux et tribaux. Certains vous diront que ce ne sont que des mots. Peut-être, mais en attendant, ces mots sont là et dans le processus actuel irakien de sortie de crise et de sortie de conflit, les mots sont importants.

Vous me demandez quelles sont les causes de cette évolution en Irak. Sans faire de psychologie à deux euros, il y a aussi le fait que l’on parle plus. Quand on dit qu’il y a un ancrage démocratique en Irak, je vous prie de croire que ce ne sont pas des mots. C’est une réalité. Je peux vous dire qu’à mon sens, actuellement, l’Irak est sans doute le pays du monde arabo-musulman où la liberté de la presse est la plus nette et la plus claire. Evidemment, chaque organe

83 de presse appartient à un parti ou à une tendance. En attendant, il y a une vraie liberté de la presse, des vrais débats s’organisent et c’est très impressionnant. Dans la presse irakienne, l’on a tous les jours des débats extrêmement vivants et des prises à parti. C’est aussi ce processus de mise en mots qui permet de guérir les maux. C’est ce processus lent que l’Irak a commencé et qu’à titre personnel, je trouve très dynamique.

Evidemment, l’on peut toujours voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. L’on peut toujours dire que rien n’est parfait, que certaines choses ne vont pas. La loi électorale a été extrêmement dure à accoucher. Il y a des difficultés en Irak. L’intéressant, cependant, dans l’actuel creuset démocratique irakien, est que l’on arrive toujours à trouver du consensus. Songez que la triple présidence irakienne n’est pas inscrite dans la constitution. Elle est née des conditions de la guerre civile, tellement atroce qu’ils ont senti l’obligation d’avoir trois présidents, chacun représentant une confession. L’on est en train de dépasser cela, puisque normalement, après les prochaines élections, il n’y aura plus qu’un seul président.

Ces institutions, créées sur une base ad hoc, ont donc créé du consensus. Le trio présidentiel est remarquable. Quand il y a un problème ou un débat, le président et les deux vice-présidents discutent, produisent du consensus et les choses avancent. Elles avancent parfois lentement, c’est vrai. Vous évoquiez tout à l’heure Kirkouk, mais je pourrais aussi vous parler de la loi sur les hydrocarbures. Il y en quatre, d’ailleurs, des lois sur les hydrocarbures. Je pourrais aussi vous parler du problème de la répartition du budget entre le Kurdistan et le reste du pays. Evidemment, il y a des problèmes, mais dans quel pays n’y a-t-il pas de problèmes ? Il y a bien sûr des apories.

Cependant, mon avis personnel sur ces règlements n’a pas d’intérêt. J’ai un avis très précis sur Kirkouk, mais je tiens à rester ambassadeur. Le problème de Kirkouk se réglera dans la durée. Il s’agit d’un problème humain énorme, de souffrances inédites, de dizaines de familles déportées, du sang, de la mort, des souvenirs terribles. Il ne se règle pas sur un coin de table au Parlement. Il va prendre du temps. Il faut faire confiance aux Irakiens, car ils sont les premiers concernés, en sachant qu’ils ont déjà réglé de nombreux problèmes et que les élections de mars sont un miracle. Je ne connais pas beaucoup de pays dans le monde qui, dans la situation de l’Irak il y a encore deux ans, auraient pu trouver les ressources pour organiser des élections dans de bonnes conditions, comme les élections régionales de l’an dernier et les élections de mars prochain. C’est exceptionnel, l’on ne peut que le reconnaître.

Ne mettons donc pas la charrue avant les bœufs. Enormément de problèmes ont déjà été réglés par les Irakiens, aidés parfois par les Etats-Unis, dont j’ai souligné le rôle positif. Les Américains ont fait des dégâts mais ils ont aussi contribué à aider et ils continuent, en mettant en place beaucoup de moyens et d’énergie. Sur les grandes questions comme Kirkouk, qui sont centrales car elles concernent l’identité, il va falloir un peu de temps.

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J’insiste encore sur le caractère vivant du jeu démocratique en Irak. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Bien sûr, il y a des choses à redire sur les élections qui se déroulent actuellement. Des candidats ont été exclus selon des critères que l’on n’identifie pas toujours très clairement. Cependant, globalement, le travail est fait. Les choses avancent et avancent bien.

Je voulais également, puisque vous parliez du Kurdistan, vous dire que la constitution irakienne prévoit la constitution de régions, puisque c’est une République fédérale. Il n’existe actuellement qu’une seule région, que l’on appelle le GRK, le Gouvernement Régional du Kurdistan, constitué de trois provinces, Sulaymaniya, Erbil et Dahuk, qui représentent environ 15 % du territoire national. Des débats existent actuellement entre le gouvernement régional et les autorités centrales. Masroor Barzani a justement insisté sur la longue histoire de la méfiance, qui ne va pas s’évaporer en quelques mois. Cependant, du travail a été fait. Une commission a été mise en place, avec le gouvernement central et le gouvernement régional, notamment pour traiter la question de ce que l’on appelle « les territoires disputés ». Cette commission a déjà le mérite d’exister. Les Nations-Unies travaillent, sont constamment sur le terrain et essaient les uns et les autres à avancer. Evidemment, des débats existent. Une question concerne le pourcentage du budget national que l’on alloue au Kurdistan.

Pour moi, enfin, le Kurdistan d’Irak est une porte fantastique sur l’Irak, parce qu’une sécurité totale y règne et parce que les spécificités locales, les réglementations locales sont extrêmement accueillantes pour les étrangers, pour les investissements. Nous autres Français, de plus en plus, nous souhaitons utiliser le nord du pays, le GRK, qui reste irakien, pour pouvoir organiser des séminaires et des réunions. Pour vous autres, Français, qui souhaitez vous rendre en Irak, cela peut être une porte d’entrée très utile. A partir d’Erbil ou de Sulaymaniya, vous pouvez rayonner dans le reste de l’Irak.

N’oublions toutefois pas que l’Irak est un. En tant qu’ambassadeur, je ne peux être que d’une extrême fermeté sur ce point. Je n’imagine pas, pour les cent prochaines années, autre chose qu’un Irak uni. Je crois que les Kurdes comme les Arabes ont clairement conscience de leur intérêt commun à être unis. Une identité irakienne existe. On la voit dans le dialecte local, dans les références. Il existe un passé et un passif très lourds de haine, mais il existe en même temps un vrai pays qui s’appelle l’Irak et qui va perdurer, c’est plus que mon intime conviction, indépendamment des conflits qui peuvent exister et qui sont bien naturels. Nous aussi, nous avons connu des conflits, sur notre territoire centralisé. Souvenez-vous des romans du début du XXème siècle avec des Bretons qui expliquaient avoir appris le français à coups de schlague dans les écoles de la République, avec les hussards noirs de la République. Nous ne sommes donc pas tellement éloignés les uns des autres.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Merci pour ces indications précieuses. A la salle maintenant de poser des questions.

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Patrycja SASNAL, analyste du Moyen-Orient, Institut polonais des affaires internationales – J’ai beaucoup apprécié les trois intervenants mais je suis assez surprise de constater que tous les trois, vous avez dressé le même tableau positif et optimiste de l’Irak. Je voudrais vous donner un chiffre, qui me semble nettement plus angoissant. Selon la perception générale, le Pakistan et l’Afghanistan seraient aujourd’hui les régions les plus dangereuses du monde, où nous serions face aux conflits les plus meurtriers. Les derniers rapports évoquent 2 500 morts en Afghanistan et 3 000 morts au Pakistan, tandis que le nombre officiel de morts en Irak s’élève à 4 500 en 2009. Je me demande donc si l’Irak est vraiment le lieu sûr de la région, tandis que l’Afghanistan ne serait pas ce lieu sûr.

Vos exposés oublient notamment le problème baasiste, car les baasistes ont encore beaucoup de soutiens au sein de la communauté sunnite. Les chiites et les Kurdes font entendre leurs voix, mais les sunnites ont l’impression de ne pas se faire entendre. C’est très bien d’avoir un gouvernement tripartite avec un représentant sunnite, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de violences de la part des membres du Baas, qui ont encore leurs bureaux en Jordanie ou en Syrie. Comment voyez-vous l’intégration de ces personnes en Irak ? Sera-t-elle possible ? Essaie-t-on d’avoir des relations avec ces personnes ? Quelle est selon vous la solution à ce problème ?

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je demanderai à Monsieur Barzani et peut-être à Monsieur Yasseen de répondre.

Masroor BARZANI, chef des services de renseignement kurdes du Parti démocratique kurde (KDP) – Quand je parlais de la sécurité et de la paix qui règne au Kurdistan, je voulais dire que le Kurdistan est relativement sûr et pacifié par rapport au reste du pays. Personne ne niera qu’il y a encore de la violence, des bombes et des problèmes dans le reste du pays. Notre espoir est que le modèle suivi dans la région du Kurdistan puisse être étendu au reste de l’Irak, de façon à ce que nous puissions surmonter, au fil des ans, les difficultés. Nous croyons que le principal problème est politique, avant d’être un problème de sécurité. Si les gens n’ont pas de raison de rejoindre des insurrections ou d’aider des organisations terroristes à rentrer dans le pays, ils ne le feront probablement pas. Il faut donc parvenir à des compromis entre toutes les parties en présence.

Vous avez évoqué la situation des sunnites, qui se sentent peut-être exclus du processus en cours en Irak. La communauté sunnite est une composante importante du pays et l’Irak ne sera jamais au complet sans toutes ses composantes. La composante sunnite doit donc faire partie du processus politique pour pouvoir réussir à l’échelle irakienne et notamment lors des élections de mars. Le problème est que lors des dernières élections, les sunnites ont eux-mêmes décidé de boycotter le scrutin. Nous espérons que cela ne se reproduira pas lors des élections de mars. C’est aux sunnites de décider de participer au processus politique.

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Vous avez évoqué les baasistes. Je pense qu’il faut vraiment faire une distinction entre ceux qui ont commis des crimes pendant le régime de Saddam Hussein et ceux qui ont été baasistes de force, qui ont été contraints de rejoindre le parti Baas pour garder leur emploi, pour ne pas être expulsés. Si l’on fait cette distinction, le droit irakien donne les moyens d’amener devant la justice ceux qui ont commis des crimes. Ceux qui n’ont fait que suivre le parti parce que cela leur a permis de vivre, il faut les réintégrer dans le processus politique et dans la communauté.

Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak – Vous mentionnez les sunnites. Il y a des sunnites au gouvernement et il y aura de nombreux candidats sunnites aux élections qui auront lieu dans quelques semaines. Les sunnites auront une voix dans la gestion des affaires. S’agira-t-il d’une voix qui exclut les autres ? Non. Ce n’est plus possible. Leur inclusion dans le processus politique est une décision de tous les acteurs politiques irakiens.

Je vous donnerai un exemple. Masroor Barzani vient de dire que les sunnites arabes ont boycotté les élections à l’assemblée constitutionnelle, en janvier 2005. C’est vrai. Il y a eu un nombre très peu élevé de candidats pour les représenter. Pourquoi ? A cause du système électoral, dont nous avons hérité des Nations-Unies. Cependant, c’est une autre affaire. Qu’avons-nous fait ? Nous avons fait en sorte d’inclure des gens qui n’ont pas été élus, qui représentaient cette communauté, pour la rédaction de la constitution. Je vous en mentionnerai deux : Adnan Pachachi, éminent diplomate, ancien ministre des affaires étrangères ; Saleh el-Motlaq, dont l’on parle ces jours-ci. Ils ont participé à la rédaction de la constitution. Il y a donc un effort d’inclusion. Le prochain gouvernement sera-t-il un gouvernement d’inclusion ? Je l’espère et je le crois. C’est cela, notre critère.

Je voudrais ajouter quelque chose. Vous avez demandé à Boris Boillon pourquoi l’Irak, qui était un enfer en 2007, s’est transformé en quelque chose de différent en 2008. Plusieurs éléments l’expliquent. Le « surge » américain a évidemment rendu possible cette évolution, ainsi qu’une évolution interne de la communauté sunnite irakienne, qui s’est retournée contre Al-Qaïda. C’est un élément très important. En outre, la décision politique du premier ministre de s’opposer aux milices chiites, à Bassora puis à Bagdad, a vraiment changé la donne.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – C’est d’autant plus important que le premier ministre est lui-même un chiite. Par cette action contre la sécession chiite au sud de l’Irak, il a démontré qu’il était, dans une appréciable mesure, au- dessus des appartenances confessionnelles. Cela lui a conféré une autorité nationale. Il a d’ailleurs fait campagne sur des thèmes nationaux. Ceci dit, je ne sais pas si les élections qui vont venir lui permettront de poursuivre son action. Je vous ai posé la question hier et vous m’avez dit que l’on ne pouvait pas le savoir.

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Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak – Je ferai un commentaire sur ces élections de mars prochain. Personne ne peut dire avec certitude qui sera le premier ministre irakien. Cela veut dire quelque chose : ce sont les élections qui décideront.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – C’est un très bon signe, à condition que le meilleur sorte gagnant ! Je suis acquis aux élections, mais il arrive que leurs résultats nous déçoivent. C’est arrivé avec le Hamas, qui, lors des dernières élections en Cisjordanie et à Gaza, a été très largement en tête, ce qui n’a pas empêché les Occidentaux, sous la direction des Etats-Unis, eux- mêmes actionnés par Israël, de considérer que les électeurs avaient mal voté ! L’on a décidé d’ignorer le Hamas et donc les élections ! Des urnes sortent donc parfois ce que l’on ne voudrait pas voir. Sur ces paroles un peu sceptiques, écoutons deux autres questions.

De la salle – J’ai travaillé en Irak pendant les années 1980, l’époque honnie de Saddam Hussein. A l’époque, les femmes avaient des responsabilités importantes. J’étais dans les télécommunications, où les femmes étaient ingénieurs, chefs de services, directeurs, et cetera. Je voudrais donc savoir si la nouvelle société irakienne, qui se crée, est une société laïque où les femmes pourront avoir ce genre de responsabilités. J’ai une deuxième question : quel est le sort des chrétiens, actuellement, en Irak ?

Philippe de SUREMAIN, ancien ambassadeur en Iran – Vous avez décrit la réémergence de l’Etat irakien. Comment voyez-vous l’évolution de ses rapports avec deux de ses voisins importants, la Turquie d’abord et l’Iran ensuite ? En effet, il n’y a pas que l’Egypte.

Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak – Il y a 25 % de femmes au Parlement irakien.

Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous ne pouvons pas en dire autant.

Fareed YASSEEN, ambassadeur, gouvernement de la République d’Irak – les femmes jouent réellement leur rôle. Récemment, j’ai été très fier de la nomination de nouveaux ambassadeurs, dont trois femmes. C’est une très bonne évolution. Je suis moi-même très sensible à ce problème. Ma mère était professeur d’Université. Maintenant, elle est à la retraite. Mes tantes étaient médecins, et cela continue. Si vous allez dans les universités irakiennes, vous verrez que la majorité des étudiants sont des femmes et qu’en général les majors de promotions sont des femmes. Nous allons donc être gouvernés par elles.

Les chrétiens sont un problème très important. Leur présence est essentielle à l’Irak. Je vous parle comme quelqu’un qui a fait ses études dans une

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école fondée par les jésuites américains et où j’avais de nombreux collègues chrétiens. L’Irak ne sera pas le même sans eux. Il faut qu’ils restent, il faut les protéger. Malheureusement, c’est une population faible, que l’on a ciblée de manière vicieuse. Cependant, l’Etat fait tout son possible pour les protéger et faire en sorte qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle.

S’agissant de l’Iran et de la Turquie, ce sont nos deux voisins les plus importants, et pas seulement pour des questions d’eau. L’Irak est l’un des rares pays qui soit forcé, par ses intérêts nationaux, à avoir de très bonnes relations avec l’Iran et avec les Etats-Unis. Je crois que nous parvenons à le faire. Nous sommes même quelquefois parvenus à les asseoir à la même table. Notre problème est de traiter d’égal à égal avec eux. Pour cela, il faut que nous puissions construire notre pays. C’est ce que nous sommes en train de faire. L’Iran a été à notre côté pour la construction de l’Irak. Je me souviens d’une visite de la première délégation du conseil de gouvernement aux Nations-Unies, en juillet 2003. Nous avions été presque ignorés par les représentants des pays arabes mais nous avons été invités à dîner par le représentant du gouvernement iranien. Beaucoup de nos dirigeants ont passé des années d’exil en Iran et ils entretiennent des amitiés personnelles avec des dirigeants iraniens, ainsi qu’avec des dirigeants syriens. Nous avons donc de bonnes relations avec l’Iran.

La Turquie est maintenant notre premier interlocuteur économique. Il sera difficile de le déloger. Les Turcs sont en train de cueillir les fruits de leur courage, car durant les six dernières années, ils étaient présents partout en Irak. L’on parle en anglais du « first mover advantage ». Ils étaient les « first movers », en ce qui concerne le développement économique en Irak. Il faut voir ce qu’ils sont en train de construire et d’investir au Kurdistan. J’ajouterai que nous sommes en train de construire une sorte de maison d’accueil pour le gouvernement irakien, au sein de la zone ouverte. Or c’est une entreprise turque qui assure cette construction.

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Où en est Al-Qaïda ?

Table ronde

Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Où en est Al-Qaïda ? Pendant tout le périple que nous avons accompli, Jean François-Poncet et moi-même, grâce à la commission des affaires étrangères du Sénat, entre le dernier trimestre 2008 et le premier semestre 2009, c’est la question que nous n’avons cessé de nous poser, avec une ouverture presque prémonitoire au Yémen, puisque nous concluions principalement de notre voyage au Yémen qu’il était la prochaine base d’Al-Qaïda. Cela paraissait évident. Cependant, un peu partout, se posaient des questions un peu byzantines : s’agit-il d’Al-Qaïda ? Les attentats sont-ils commis par des gens qui se donnent de l’importance en les attribuant à Al- Qaïda ? S’agit-il de gens qui seraient en quelque sorte sous-traités par Al-Qaïda, qui obtiendraient leurs lettres de noblesse en s’y affiliant et qui commettraient des actes pour qu’Al-Qaïda les accepte en son sein ? Pendant huit mois de voyage, cette question fut présente.

Aujourd’hui, trois spécialistes nous donneront l’occasion ou de répondre à cette question ou de la poser de façon encore plus raffinée. Le premier sera Monsieur Alain Chouet. Homme de terrain, il ne fera pas de philosophie. Il nous parlera de la réalité. Il vient d’écrire un article dans la revue Marine, intitulé « Afghanistan, le désert des Tartares ? » Cet article est à lire. Ensuite, nous écouterons Monsieur Jean-Pierre Filiu, diplomate, actuellement professeur de sciences politiques, invité à l’université de Georgetown, aux Etats-Unis, et qui a publié plusieurs livres sur Al-Qaïda. Le dernier, Les neuf vies d’Al-Qaïda, se lit presque comme un roman. Enfin, Monsieur François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique, a publié il y a un an Après Al-Qaïda, chez Stock. Alliez-vous trop vite ? Je ne le sais pas. Nous lui demanderons, après les explications fouillées de Jean-Pierre Filiu, de conclure sur ce que l’on peut attendre du proche avenir.

Alain CHOUET, ancien chef du service renseignement de sécurité de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure – Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas encore familiers de l’organisation interne des services spéciaux français, le service des renseignements de sécurité est chargé du recueil des renseignements et de la mise en œuvre des mesures actives, à l’extérieur du territoire national, en matière de contre-criminalité, de contre-espionnage, de contre-prolifération et de contre-terrorisme. Ce sont des activités tout à fait ludiques qui se déroulent à l’étranger, donc évidemment dans l’illégalité la plus absolue et dans le plus grand secret. Cela donne du monde une vision un peu spécialisée. Je n’ai donc pas l’intention et la prétention de dire mal ce que Jean-

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Pierre Filiu et François Heisbourg vous diront très bien. J’essaierai de me borner à une approche « service du renseignement » du phénomène.

Compte tenu du thème retenu pour cette table ronde, j’avoue que j’ai hésité à participer à un exercice qui m’est d’abord apparu comme une espèce de séance de nécromancie, parce que les questions que vous avez qualifiées de byzantines, Madame Cerisier-ben Guiga, me paraissent moins byzantines qu’il n’y paraît au premier abord. Comme bon nombre de mes collègues professionnels à travers le monde, j’estime, sur la base d’informations sérieuses, recoupées, qu’Al-Qaïda est morte, sur le plan opérationnel, dans les trous à rats de Bora-Bora, en 2002. Les services pakistanais se sont ensuite contentés, de 2003 à 2008, à nous en revendre les restes par appartements, contre quelques générosités et indulgences diverses.

Sur les quelque 400 membres actifs de l’organisation qui existait en 2001 et dont l’on trouvera une assez bonne description dans l’excellent ouvrage de Marc Sageman, Understanding Terror Networks, moins d’une cinquantaine, essentiellement des seconds couteaux – à l’exception de Ben Laden lui-même et d’Ayman al-Zawahiri, qui n’ont aucune aptitude sur le plan opérationnel –, ont pu s’échapper, dans des zones reculées, dans des conditions de vie précaires et avec des moyens de communication rustiques ou incertains. Ce n’est pas avec un tel dispositif que l’on peut animer à l’échelle planétaire un réseau coordonné de violences politiques. Il apparaît d’ailleurs clairement qu’aucun des terroristes postérieurs au 11 septembre, qui ont agi à Londres, Madrid, Casablanca, Djerba, Charm-el-Cheikh, Bali, Bombay ou ailleurs, n’a eu de contacts avec l’organisation. Quant aux revendications plus ou moins décalées qui sont formulées de temps en temps par Ben Laden ou Ayman al-Zawahiri, à supposer d’ailleurs que l’on puisse réellement les authentifier, elles n’impliquent aucune liaison opérationnelle ou fonctionnelle entre ces terroristes et les vestiges de l’organisation.

Toutefois, comme tout le monde, je suis bien obligé de constater qu’on l’invoque à tout propos et souvent hors de propos dès qu’un acte de violence est commis par un musulman ou quand un musulman se trouve au mauvais endroit et au mauvais moment, comme dans l’histoire de l’usine AZF de Toulouse, ou même quand il n’y a pas du tout de musulman, comme dans les attaques à l’anthrax aux Etats-Unis. Or, à force de l’invoquer ainsi, un certain nombre de médias réducteurs et quelques soi-disant experts, de part et d’autre de l’Atlantique, ont fini non pas par la ressusciter mais par la transformer en une espèce d’Amédée d’Eugène Ionesco, ce mort dont le cadavre ne cesse de grandir et d’occulter la réalité et dont on ne sait pas comment se débarrasser.

L’obstination incantatoire des Occidentaux à invoquer l’organisation mythique, que l’on a qualifiée d’hyper-terroriste non par ce qu’elle a fait mais parce qu’elle s’est attaquée à l’hyper-puissance, a eu très rapidement deux effets tout à fait pervers. Premièrement, tout contestataire violent, dans le monde musulman, qu’il soit politique ou de droit commun et quelles que soient ses motivations, a vite compris qu’il devait se réclamer d’Al-Qaïda s’il voulait être

91 pris au sérieux, s’il voulait entourer son action d’une légitimité reconnue par les autres et s’il voulait donner à son action un retentissement international.

Parallèlement, tous les régimes du monde musulman, qui ne sont pas tous vertueux, nous le savons, ont bien compris qu’ils avaient tout intérêt à faire passer leurs opposants et leurs contestataires, quels qu’ils soient, pour des membres de l’organisation de Ben Laden, s’ils voulaient pouvoir les réprimer tranquillement, si possible avec l’assistance des Occidentaux. D’où une prolifération d’« Al-Qaïda » plus ou moins désignés ou autoproclamés au Pakistan, en Irak, au Yémen, en Somalie, au Maghreb et ailleurs dans la péninsule arabique.

Le principal résultat de cette dialectique imbécile a évidemment été de renforcer le mythe d’une Al-Qaïda omniprésente, tapie derrière chaque musulman, prête à l’instrumentaliser pour frapper l’Occident en général et les Etats-Unis en particulier, au nom d’on ne sait trop quelle perversité.

Cette vision procède de plusieurs erreurs d’appréciation et de perspective. Surtout, elle génère des ripostes totalement inadaptées, parce que si Al-Qaïda n’existe pas, la violence politique islamique existe bel et bien, et l’Occident n’en est qu’une victime indirecte et collatérale. Les idéologues de la violence islamique ne sont pas des « fous de Dieu ». Ce sont des gens qui ont des objectifs précis. Leur objectif n’est pas d’islamiser le monde, c’est de prendre le pouvoir et les richesses qui y sont liées dans le monde musulman sans que l’Occident intervienne, un peu selon la même démarche que celle suivie à son époque par le frère Hassan Tourabi au Soudan. Même si l’amour-propre des Occidentaux doit en souffrir, il faut répéter sans cesse que les principales, les plus nombreuses et les premières victimes de la violence islamique sont les musulmans.

L’épicentre de cette violence islamiste n’est ni en Afghanistan ni en Irak. Il se trouve en Arabie Saoudite. C’est d’ailleurs ce pays que visait d’abord le Manifeste contre les juifs et les croisés, qui était un peu, à la fin des années 1990, le texte fondateur de l’organisation de Ben Laden. Ce manifeste visait la famille royale saoudienne bien avant les juifs et les croisés. C’est aussi ce pays qui, comme l’a dit à juste titre notre ami Antoine Sfeir, est le seul au monde à porter un nom de famille.

Toute proportion gardée, l’Arabie Saoudite se trouve à mes yeux dans une situation comparable à celle de la France du premier semestre 1789. Une famille s’est installée au pouvoir en 1926 en établissant sa légitimité sur une base religieuse et en usurpant la garde des lieux saints de l’Islam à ses titulaires historiques qui étaient la famille des Hachémites. Cette famille, les Saoud, composée aujourd’hui d’environ 3 000 princes, exerce sans partage la totalité du pouvoir et accapare une rente astronomique provenant de l’exploitation du plus riche sous-sol du monde en hydrocarbures. Afin de conserver sa légitimité face à toute forme de contestation, la famille Saoud a fermé la voie à toute forme d’expression démocratique ou pluraliste. Elle pratique et répand l’interprétation de l’Islam la plus fondamentaliste possible pour se mettre à l’abri de toute forme

92 de surenchère dans ce domaine. La famille saoudienne est un peu comme l’Union Soviétique, qui ne voulait pas d’ennemi, donc de surenchère à gauche. Elle ne veut pas de surenchère en Islam.

Cependant, avec le temps, les retombées de la rente d’hydrocarbures ont tout de même donné naissance à diverses formes de commerces et d’industries auxquels les princes, comme tous les princes, ne sauraient évidemment toucher sans déroger et qu’ils ont concédées, moyennant des participations aux bénéfices, à des entrepreneurs roturiers majoritairement issus de pays voisins, évidemment musulmans, principalement des Yéménites et aussi, dans une large mesure, des Levantins, Syriens, Libanais et Palestiniens, plus quelques autres. Alors que l’avenir du pétrole s’annonce incertain, ces entrepreneurs font observer – à juste titre, on peut le penser, comme les bourgeois du Tiers-Etat en 1789 – que ce sont eux qui font tourner la boutique et qui préparent l’avenir du pays. Dans ces conditions, ce serait justice de les associer, sous une forme ou une autre, à l’exercice du pouvoir ou à la gestion d’une rente que la famille régnante, jusqu’à une date récente, le plus légalement du monde, assimilait à sa cassette personnelle.

Comment faire passer ce type de revendication dans un pays où toute forme d’expression pluraliste est exclue par définition ? Quelle légitimité peut-on opposer à un pouvoir qui se réclame de l’adoubement divin ? Quelle pression exercer sur un régime familial qui bénéficie à titre personnel, depuis 1945, suite au pacte de Quincy conclu à titre personnel entre le vieux Ibn Saoud et le président Roosevelt, de la protection politique et militaire de l’hyper-puissance américaine en échange du monopole sur l’exploitation des hydrocarbures ?

A l’évidence, les contestataires de cette théocratie n’ont comme recours qu’un mélange plus ou moins dosé de violence révolutionnaire et de surenchère fondamentaliste – l’on ne peut pas aller à gauche, l’on est obligé d’aller à droite – exercée à l’encontre du pouvoir et, bien sûr, de ses protecteurs extérieurs, car sans eux, le pouvoir s’écroule. Ce n’est donc pas un hasard si l’on trouve parmi les activistes islamistes les plus violents un nombre significatif d’enfants de cette bourgeoisie, privés de tout droit politique mais sûrement pas ni de moyens ni d’idées. Oussama Ben Laden en fait partie. Il s’est trouvé propulsé dans le champ de la violence et de l’intégrisme par les nobles saoudiens qui ont trouvé l’expédient de faire défendre les intérêts extérieurs du royaume par les enfants de leurs valets plutôt que par les leurs. C’est l’erreur classique des parvenus.

Au gré de leurs picaresques aventures, nos beaux jeunes gens, nos fils de bourgeois ont fait de mauvaises rencontres, ont subi de mauvaises influences et sont revenus sur le terrain pour mordre la main de leur maître. C’est ainsi que s’est engagée dès le milieu des années 1980 une surenchère permanente, pour les fondamentalistes religieux et pour le contrôle de l’Islam mondial, entre la famille Saoud et ses rivaux ou ses opposants, de l’intérieur comme de l’extérieur, la rivalité Iran-Arabie ayant été pour beaucoup dans l’élévation du niveau du fondamentalisme musulman.

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Cette surenchère s’est essentiellement traduite, faute de ressources humaines et de savoir-faire en matière d’actions extérieures, par le seul moyen qui ne manque pas en Arabie, l’argent. Des fonds sont souvent distribués de façon inconsidérée dans l’ensemble du monde musulman et des communautés immigrées. Ils ont évidemment fini dans l’escarcelle de ceux qui pouvaient s’en servir, c’est-à-dire de la seule organisation islamiste internationale à-peu-près structurée, l’Association des Frères Musulmans et surtout sa branche transgressive, sa branche violente que sont les Jamaâ Islamiya, les groupes islamiques dont Al-Qaïda de Ben Laden n’était à mon sens que l’une des nombreuses manifestations.

De fait, partout où la violence jihadiste s’exprime, donc évidement dans les zones les plus fragilisées du monde musulman et de ses communautés immigrées, sa genèse repose toujours sur la même logique ternaire. Le premier élément est une surenchère idéologique et financière du régime saoudien et de ses opposants locaux ou de ses rivaux. Le deuxième élément est une forte implantation locale de l’Association des Frères Musulmans ou de son émanation, les Jamaâ Islamiya, qui profitent des surenchères et qui surfent habilement sur toutes les contradictions politiques, économiques et sociales pour dresser les masses contre les pouvoirs locaux et pour dissuader l’Occident de se porter à leur secours ou d’intervenir. Pour être tranquille chez soi, il faut rendre le monde musulman haineux et haïssable. Le troisième élément de cette logique ternaire, parce qu’il faut battre un peu notre coulpe, est le regrettable penchant de la diplomatie et des services occidentaux, américains en tête, ainsi que de leurs alliés locaux, à soutenir dans le monde entier, souvent militairement, les mouvements politiques les plus réactionnaires et les plus intégristes sur le plan religieux, comme des remparts contre l’Union Soviétique jusque dans les années 1990 et dans le cadre de la politique de containment de l’Iran depuis les années 1980.

Ce même cocktail de trois éléments produit, pour des raisons très différentes liées à des contentieux locaux non résolus ou à des interventions extérieures mal maîtrisées, les mêmes effets en Afghanistan, au Pakistan, en Indonésie, en Irak, au Yémen, en Somalie, au Maghreb, dans les pays de la zone sahélienne et jusque dans les zones de non-droit des communautés musulmanes immigrées en Occident. Je n’entrerai pas, pour des raisons de temps, dans le détail de ces différentes situations de violences politiques, mais il faut constater que si elles se développent toutes selon à peu près le même cheminement, elles correspondent à des problématiques locales totalement hétéroclites et mettent en jeu des acteurs qui communiquent très peu entre eux. S’ils se réclament tous du même drapeau mythique, c’est qu’ils savent bien que ce drapeau a valeur de croquemitaine pour les pays de l’Occident en général et pour l’Amérique en particulier, qui sont tous supposés pouvoir apporter leur soutien aux régimes les plus contestés.

L’on pourrait m’objecter que puisque la violence jihadiste existe bien et qu’elle se développe à-peu-près partout selon les mêmes schémas, peu importe qu’on l’appelle ou non Al-Qaïda, qui ne serait alors que l’appellation générique

94 d’une certaine forme de violence intégriste mondialisée. Un certain nombre de journalistes sont maintenant devenus plus prudents et, au lieu de nous parler d’Al-Qaïda, nous parlent de « la nébuleuse Al-Qaïda ». « Nébuleuse », c’est nébuleux… Le problème est qu’une telle confusion sémantique est à l’origine de toutes les mauvaises réponses et exclut de facto toute solution adaptée au problème.

Il existe en effet deux façons de passer à la violence terroriste politique. Premièrement, l’on peut constituer un groupe politico-militaire organisé et hiérarchisé, avec un chef, une mission, des moyens, une tactique coordonnée, un agenda précis et des objectifs définis. Cela revient à constituer une armée, avec des professionnels de la violence, et à s’engager dans un processus d’affrontement de type militaire. C’est ou cela a été le cas de la plupart des mouvements terroristes révolutionnaires ou indépendantistes en Europe, en Amérique du Sud et au Proche-Orient, jusqu’à la fin du XXème siècle.

Deuxièmement, l’on peut recourir à la technique dite du lone wolf, du loup solitaire. Elle consiste, en gardant un pied dans la légalité et en posant l’autre dans la transgression, à jouer idéologiquement sur une population sensible pour inciter les éléments les plus fragiles et les plus motivés à passer à l’acte de façon individuelle ou groupusculaire en frappant où, quand et comme ils peuvent. Peu importe, pourvu que cela porte la signature de la mouvance et s’inscrive dans sa stratégie générale. Cette technique n’est pas nouvelle. On l’appelle lone wolf parce qu’elle est bien connue aux Etats-Unis. Elle a été théorisée par Monsieur William Pierce dans ses Turner Diaries, qui sont restées au top ten des ventes aux Etats-Unis pendant quasiment toute la décennie 1990 et qui inspirent la plupart des militants violents de la suprématie blanche et des ultra-fondamentalistes chrétiens. C’est la technique qui a prévalu dans les attentats d’Atlanta et d’Oklahoma City et dans nombre d’actions individuelles, dont le total approche et même dépasse celui des morts du 11 septembre.

Cette même technique est mise en œuvre par un certain nombre de groupes, dans le tiers-monde, comme les Loups Gris en Turquie ou les Frères Musulmans dans le monde arabe et musulman. Si, dans le monde arabe, certaines formes de violences locales empruntent au premier modèle, c’est à l’évidence selon le second modèle que fonctionne la violence jihadiste exercée en direction de l’Occident et d’un certain nombre de régimes arabes.

Tous les services de sécurité et de renseignement savent pertinemment que l’on ne s’oppose pas à la technique du lone wolf par des moyens militaires, des divisions blindées, ou par l’inflation de mesures sécuritaires indifférenciées. L’on s’oppose à la technique du lone wolf par des mesures sécuritaires ciblées, appuyées sur des initiatives politiques, sociales, économiques, éducatives et culturelles, qui visent à assécher le vivier des volontaires potentiels en les coupant de leurs sponsors idéologiques et financiers.

Non seulement – je vous renvoie ici à différents rapports du Trésor américain – rien de sérieux n’a été entrepris pour tenter d’enrayer le substrat

95 financier et encore moins le substrat idéologique de la violence jihadiste, mais en désignant Al-Qaïda comme l’ennemi permanent contre lequel il faut mener une croisade par des voies militaires et sécuritaires totalement inadaptées à sa forme réelle, l’on a pris une mitrailleuse pour tuer un moustique. Evidemment, on a raté le moustique et les dégâts collatéraux sont patents, comme l’on peut le constater au quotidien en Irak, en Afghanistan, en Somalie et au Yémen.

Le premier effet de cette croisade ratée a été d’alimenter le vivier des volontaires, de légitimer cette forme de violence et d’en faire le seul référentiel d’affirmation possible dans un monde musulman dont l’imaginaire collectif est traumatisé par la loi universelle des suspects qui pèse sur lui et par des interventions et des occupations militaires massives, interminables et aveugles. Depuis neuf ans, l’Occident frappe sans grand discernement en Irak, en Afghanistan, dans les zones tribales du Pakistan, en Somalie et en Palestine bien sûr. L’on se propose maintenant d’intervenir au Yémen et pourquoi pas, pendant qu’on y est, en Iran. Mais, aux yeux des musulmans, Ben Laden court toujours, au nez et à la barbe de la plus puissante armée du monde, et le régime islamiste d’Arabie Saoudite reste sous la protection absolue de l’Amérique.

Pour conclure et essayer d’apporter mon élément de réponse à cette table ronde, où en est Al-Qaïda ? Al-Qaïda est morte entre 2002 et 2003. Mais avant de mourir, elle a été engrossée par les erreurs stratégiques de l’Occident et les calculs peu avisés d’un certain nombre de régimes de pays musulmans, et elle a fait des petits. Maintenant, le problème pour nous est de savoir si nous referons, avec ces rejetons malvenus, les mêmes erreurs, en alimentant un cycle indéfini de violence, ou si, pour garder la référence à Ionesco, nous saurons, avec nos partenaires arabes et musulmans, enrayer la prolifération des rhinocéros.

Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Voilà qui prouve que l’expérience du terrain et dans des conditions difficiles – il faut voir le nombre de décorations que Monsieur Chouet a accumulées durant son existence – nourrit une réflexion vraiment originale, décoiffante et réellement très intéressante. Jean- Pierre Filiu, vous pouvez à présent passer aux différentes vies d’Al-Qaïda, dont vous nous avez parlé dans votre dernier livre, et à tous les sujets qui vous permettront de répondre à la question posée : où en est Al-Qaïda ?

Jean-Pierre FILIU, Professeur, Chaire Moyen-Orient à l’Institut d’Études politiques de Paris ; professeur invité à Georgetown University – Je vous remercie beaucoup, Madame la sénatrice, ainsi que le ministre François- Poncet et la commission du sénat, qui nous avez offert un rapport aussi éclairant. Vous souligniez l’aspect prémonitoire des conclusions que vous avanciez sur le Yémen. C’est là où l’on voit les femmes et les hommes d’Etat, qui ont une vraie vision prospective. Un soir de Noël, au-dessus de Détroit, différentes manipulations dans la partie inférieure d’un siège de passager ont fait que soudain, le Yémen est arrivé à la une de l’actualité internationale, donc bien longtemps après le temps où il aurait dû déjà s’y trouver. Depuis un mois, et jusqu’à Londres il y a quelques jours, nous voyons une tempête médiatique, une

96 mobilisation internationale et un réveil de toutes les angoisses sécuritaires qui donnent à notre table ronde un impératif : ne jamais céder ni à la fascination ni à la sidération pour Al-Qaïda.

A la différence d’Alain Chouet, dont je n’ai évidemment pas l’expérience de terrain – mais nous jouerons peut-être à front renversé, je serai plus au ras des pâquerettes alors qu’il avait une vision théorisante à laquelle je ne prétendrai pas –, je dirai qu’Al-Qaïda n’est pas morte entre 2002 et 2004. Tout simplement, Al- Qaïda est l’organisation fondée en août 1988 par un homme, Oussama Ben Laden, qui en est l’émir, c’est-à-dire le commandant, le chef auquel tous les membres doivent prêter allégeance personnelle et absolue. Or ce chef est toujours actif. Il l’a encore rappelé dimanche en revendiquant, faute de mieux, le fiasco de Détroit.

Néanmoins, je trouve extrêmement frappant et éclairant qu’Alain Chouet parle de la mort d’Al-Qaïda, parce que c’est au fond tout le récit que j’essaie de proposer dans ces Neuf vies d’Al-Qaïda : Al-Qaïda ne cesse de renaître, sous des formes différentes. Le grand défi intellectuel – et par conséquent opérationnel, politique, et cetera – est de se demander comment cette organisation somme toute très limitée – Alain Chouet parlait de 400 membres au moment du 11 septembre, l’on sait en tout cas qu’ils sont alors moins d’un millier et qu’ils sont aujourd’hui entre 1 000 et 2 000, c’est-à-dire un musulman sur un million, une proportion tout à fait négligeable – a trouvé une capacité incroyable à se régénérer, à se métamorphoser, et à compter avec constance sur les erreurs de ses adversaires proclamés ou sur le surinvestissement qui, en en faisant d’elle l’ennemi public numéro un et de Ben Laden le chef d’une supposée internationale alors que cette structure n’en a que les apparences virtuelles, sur Internet, un pôle de ralliement dans lequel beaucoup de personnes, qui n’auraient rien eu à voir avec cette organisation, se sont retrouvés.

Al-Qaïda est tout à fait particulière, non pas dans ses méthodes, qui ont changé de dimension, de degré, mais surtout dans sa vision du Jihad. C’est par cela qu’elle tranche et qu’elle sera, je pense, la première et la dernière organisation du genre, une extraordinaire aberration dans l’histoire de l’Islam, longue déjà de plus de quatorze siècles. C’est en effet la première organisation à prôner le Jihad global. C’est tout à fait nouveau. L’on déconnecte le Jihad d’un peuple et d’un territoire. Le front est donc planétaire. De plus, le Jihad global s’adresse à des individus et non plus à des groupes, à des collectivités, contrairement à la tradition et à la jurisprudence de l’Islam. Cela permet de faire le lien avec les lone wolfs, les loups solitaires, qui pourraient tomber dans ses rets.

Ce Jihad global est fondé sur une dialectique redoutable. Alain Chouet soulignait combien l’extraordinaire majorité des victimes sont des musulmans. Il a qualifié de « collatérales » les victimes occidentales. Je lui laisse la responsabilité de cet adjectif. C’est une dialectique entre l’ennemi lointain et l’ennemi proche. L’ennemi lointain, c’est l’Amérique et ses alliés, donc la France entre autres. Je tiens à signaler que nous sommes montés depuis peu dans le hit-

97 parade des cibles potentielles d’Al-Qaïda et que l’occurrence du nom de notre pays dans ses communiqués devient assez inquiétante.

L’ennemi proche est l’ennemi stratégique. C’est l’ennemi musulman, qui est faussement musulman aux yeux d’Al-Qaïda. C’est lui que cette organisation totalitaire veut asservir, soumettre et placer sous son contrôle. Il s’agit donc d’une organisation révolutionnaire, mais comme l’Armée Rouge Japonaise ou la Fraction Armée Rouge étaient des organisations révolutionnaires il y a une trentaine d’années. Comme celles-ci, elle sait qu’elle n’a aucun moyen d’établir un rapport de forces avec cet ennemi proche. Il faut donc attirer l’ennemi lointain, ce qui permettra à la fois de déstabiliser l’ennemi proche et de générer un tel chaos que l’on pourra surfer sur cette vague de ressentiment nationaliste pour récupérer de-ci de-là de nouvelles recrues, que le programme de Jihad global proprement dit attire de moins en moins.

J’étais très frappé que l’ambassadeur Boris Boillon dise que « les Américains s’en vont donc la sécurité s’améliore ». C’est une constatation objective qu’il convient de méditer profondément et durablement. En effet, l’irruption de l’ennemi lointain déstabilise l’ennemi proche et fait le lit d’Al- Qaïda, entre autres. En Irak, avant le surge – le général Petraeus a eu le génie de prendre acte d’une réalité qu’il n’avait pas créée –, le Jihad national et anti- américain, la guérilla nationaliste avait identifié Al-Qaïda, après deux ou trois années d’alliances tactiques, comme son ennemi stratégique, car ce Jihad global était en contradiction, dans ses objectifs et ses pratiques, avec les visées, limitées au territoire de l’Irak, du Jihad national.

Cette contradiction entre Jihad national et Jihad global sera toujours fatale au Jihad global. Elle l’a été en Irak, où Al-Qaïda a été réduite à ce qu’elle est aujourd’hui. Elle n’a pas complètement disparu d’Irak, où elle continue d’agir sous le label d’« Etat islamique ». C’est une triste ironie. Il faut savoir qu’en octobre 2006, elle avait même proclamé un califat sur Internet. C’est sa huitième vie, que j’appelle « califat des ombres ». Cela n’a évidemment pas marché, mais que voulez-vous, lorsque l’on est une organisation totalitaire, l’on a du mal à accepter le retour du réel. En fait, on peut être assez reconnaissant, stratégiquement parlant, à la guérilla irakienne d’avoir fait l’essentiel du travail contre Al-Qaïda, que les Américains n’ont eu au fond qu’à prendre en compte et à terminer, sous la conduite éclairée du général Petraeus. Il y a certainement là des leçons à méditer pour l’avenir.

Où en est Al-Qaïda ? Al-Qaïda est à la fin d’une vie, peut-être à la fin d’un cycle – beaucoup d’arguments penchent en tout cas en ce sens – ou bien elle prépare une renaissance, une dixième vie. Dans ce cas, nous avons énormément de soucis à nous faire, sans essayer de crier au loup, qu’il soit solitaire ou pas. Les tendances lourdes que j’essaie de décrire, pour les 21 ans d’existence d’Al- Qaïda, pèsent en faveur de son déclin irréversible. D’abord, elle est incapable de s’ancrer dans une base territoriale, où elle rencontre chaque fois des forces qui ne sont ni démocratiques ni modérées ni bonnes – quand j’entends parler des « bons talibans », je ne sais pas ce que je sors – mais qui sont tout simplement actives

98 dans un cadre national et qui vont donc s’efforcer d’éliminer ce missile qui vient sur leur théâtre d’opérations et qui ne peut que perturber leurs propres plans, liés à un territoire.

Il y a donc à la fois une absence de base territoriale et une incapacité à peser sur le monde musulman. Sur quelle crise Al-Qaïda a-t-elle pesé depuis qu’elle existe ? Elle a, à bien des égards, pesé sur les sociétés dans lesquelles nous vivons, mais dans le monde musulman, le bilan est nul. Elle n’a pesé sur rien sauf, comme Alain Chouet l’a rappelé, à servir de repoussoir, d’argument et de croquemitaine pour les différents régimes qu’elle voulait affaiblir.

La tendance est aussi à l’affaiblissement parce qu’il y a un décalage de plus en plus grand entre le réel et le virtuel, avec un surinvestissement d’Al- Qaïda sur Internet. Surtout, Al-Qaïda me paraît condamnée, mais pas terminée, du fait de son rapport vicié et vicieux à l’Islam. Le Jihad global que j’ai évoqué est en fait la dérive de plus en plus sectaire de cette organisation, qui a tous les attributs de la secte : un gourou charismatique qui s’exprime avec onction et parcimonie ; un maître d’œuvre, son adjoint égyptien Ayman al-Zawahiri ; une vulgate du Jihad pour le Jihad, qui est totalement hérétique du point de vue musulman, vu que sa conclusion est que celui qui fait le Jihad rentre en relation directe avec son créateur et n’a donc plus besoin de la médiation du clergé. Cette vulgate a un vecteur Internet, qui se porte bien et sur lequel je reviendrai.

En même temps que ces tendances lourdes qui mènent à l’affaiblissement, Al-Qaïda a cette capacité à s’adapter, du fait même que ce soit une organisation légère et sans ancrage. Cette dixième vie, qui pourrait s’annoncer dans un horizon proche, me paraît assez simple. Elle n’en est pas moins terrifiante. D’abord, elle serait liée à une agression occidentale directe. L’on voit bien que les provocations qui s’accumulent visent à attirer les Américains soit au Yémen, soit sur le territoire pakistanais, et toujours au sol, soit, comme l’affirmait à plusieurs reprises Zawahiri, en Iran. Ce conflit entre l’Amérique et l’Iran, qu’ils bénissent par avance, serait probablement leur rêve, parce qu’il affaiblirait les Etats arabes du Golfe, il creuserait la sédition confessionnelle et il créerait un tel chaos dans la région qu’Al-Qaïda arriverait à repêcher en eaux troubles. Cette idée d’agression existe donc, qu’il faut susciter par des provocations. Il faut donc l’analyser avec beaucoup de sang-froid.

Pour Al-Qaïda, la pakistanisation serait la dixième vie idéale. Celle-ci est déjà assez avancée dans les références d’Al-Qaïda, qui n’a pratiquement plus de cheikhs à citer, même salafistes ou jihadistes, et qui met donc met en avant des cheiks pakistanais ou afghans complètement inconnus dans les rues arabes, ce qui contribue d’ailleurs à l’effet d’exotisme de plus en plus prononcé d’Al-Qaïda. De plus, les talibans pakistanais, sur lesquels j’insiste, ont grandi après le 11 septembre avec comme prêt-à-porter idéologique la vulgate d’Al-Qaïda. Ce sont des cadres assez jeunes, des anti-tribaux qui ont grandi en éliminant des centaines de chefs tribaux et de personnalités tribales dans les zones situées à la frontière de l’Afghanistan. L’on voit donc bien, même si Alain Chouet continue d’affirmer la centralité saoudienne, qu’il existe un autre panislamisme, de repli,

99 le panislamisme d’une république ayant été historiquement créée pour accueillir les musulmans du sous-continent indien. Dans cette bataille pour le destin du Pakistan et pour son identité, le rapport de force est écrasant en défaveur d’Al- Qaïda.

En revanche, l’on peut rappeler qu’Ahmed Shah Massoud, ennemi déterminé de Ben Laden, disait en 2001, quand il était venu à Paris, que « Ben Laden et Al-Qaïda sont la colle qui tient les talibans afghans ». J’aurais tendance à croire qu’aujourd’hui, la colle qui tient la coalition tout à fait hétéroclite des talibans pakistanais et des différents groupes jihadistes du Pendjab et du Cachemire pakistanais, c’est Al-Qaïda, avec les vagues d’attentats terribles que nous avons vues ces derniers mois dans les villes du Pakistan.

Al-Qaïda, aujourd’hui, en fin de neuvième vie, chercherait donc à gagner du temps, par les diverses provocations que nous avons tous suivies sur nos écrans, dans l’espoir d’une percée sur le territoire pakistanais de son Jihad révolutionnaire et de ses alliés. Cela lui permettrait, dans sa dixième vie, de trouver un nouvel ancrage, et quel ancrage ! A mon avis, s’il devait y avoir une provocation, elle aura donc plutôt lieu du côté de l’Inde. On parle beaucoup, ces derniers temps, d’attentats contre Indian Airlines et de récidives de la provocation majeure de novembre 2008 à Bombay. C’est plutôt dans ce sens qu’Al-Qaïda pourrait aller.

Je rejoins Chouet sur ce point : l’on est dans la revanche ou la seconde manche de l’hiver 2001-2002, quand Al-Qaïda était proche de la disparition, mais à mon avis ne l’a pas été. En effet, ce qui se déroule actuellement sera déterminant pour la suite de ce terrorisme global.

Je donnerai enfin quelques conseils concernant la façon de faire face à cette menace, que je continue à traiter avec raison mais en l’estimant angoissante. J’ai mis en avant, dans la conclusion de mon livre, trois « d », et d’abord la déglobalisation. Je crois qu’il y a consensus. Il faut arrêter de verser en permanence de l’eau au moulin d’Al-Qaïda en faisant comme s’il y avait des chefs d’orchestre globaux derrière telle ou telle crise locale. Cela ne veut pas dire que la crise n’est pas grave ou que l’on se trouve avec des lecteurs assidus des œuvres de Montesquieu, mais que l’on doit faire face à des conflits locaux, qui appellent généralement des solutions locales, qu’elles soient territoriales, politiques, de partage du pouvoir ou autres. Généralement, lorsque l’on arrive à les exprimer, comme Petraeus en 2007 avec la guérilla sunnite, l’on vide de l’essentiel de son sens la démarche d’Al-Qaïda.

Le deuxième « d » est la désintoxication. Il s’agit évidemment d’arrêter tous les amalgames – je ne ferai pas l’injure à un public aussi distingué de le dire – entre islam, islamisme, Jihad, jihadiste, terrorisme et islamo-fascisme… Il faut arrêter les frais. Tout cela fait évidemment le jeu des plus extrémistes et donc d’Al-Qaïda. Il y a un autre volet de la désintoxication sur lequel, à mon sens, il faut agir. C’est Internet. Aujourd’hui, Al-Qaïda a toute liberté de déverser sur Internet ses messages de haine et ses appels au meurtre. Le risque n’est peut-être

100 que d’un sur un million, mais si un lone wolf est déclenché par ces appels, le risque ne me paraît pas bon. En tout cas, s’il y a un rapport entre les informations que l’on peut tirer de la surveillance de ces sites et les risques que l’on prend en laissant ces sites opérationnels, je crois que la cause est entendue : il ne faut pas hésiter à mener contre ces sites une guerre qui, techniquement, ne pose pas de problèmes majeurs, qui ne pourra pas être, pour différentes raisons, assumée publiquement, mais qui doit être absolument impitoyable.

Le troisième point, contradictoire avec la guerre virtuelle que je viens d’évoquer, est la démilitarisation. En effet, l’on a eu beaucoup trop recours au vocabulaire martial, qui a grandi en retour le prestige des martyrs, des moudjahiddines d’Al-Qaïda. C’est une organisation criminelle. Ce sont des délinquants de droit commun. L’on a eu en Espagne des jugements au civil de membres d’Al-Qaïda et je peux vous assurer, pour passer une partie de mes jours et malheureusement de mes nuits à suivre leurs sites jihadistes, que jamais une photographie d’un jihadiste dans un tribunal civil n’a figuré sur leurs sites, alors que Guantanamo et les tribunaux militaires leur rendent le plus grand service en termes d’image. Comme je sais que je suis là-dessus plus qu’en phase avec mon voisin, je lui passe volontiers la parole.

François HEISBOURG, universitaire, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique – Comme Jean-Pierre Filiu, je voudrais saluer les travaux remarquables de la commission, qui nous valent d’être ici.

La bonne nouvelle est qu’Al-Qaïda, en tant qu’organisation terroriste transnationale à vocation globale, va mal. J’ajoute que les organisations, comme les êtres humains, ont une durée de vie limitée. De même qu’Al-Qaïda n’existait pas il y a vingt ans, il y aura un moment où Al-Qaïda n’existera plus. Je dirai quelques mots de cette bonne nouvelle, mais je m’attarderai davantage sur ce point : le fait qu’Al-Qaïda aille mal n’est pas forcément très important. L’important, ce sont d’autres choses, qui ne sont pas forcément de bonnes nouvelles et qui sont souvent de mauvaises nouvelles.

Qu’Al-Qaïda aille mal, nous en avons déjà beaucoup parlé. En la matière, je voudrais simplement évoquer quelques mesures. Je sais qu’il faut se méfier des quantifications s’agissant de domaines complexes où l’essentiel n’est pas quantifiable, mais les indicateurs quantitatifs sont aussi utiles. Le bilan opérationnel d’Al-Qaïda est un bilan en décroissance constante, en tant qu’organisation mondiale. Il n’y a pas eu d’attentat réussi d’Al-Qaïda ou des différentes déclinaisons que peut avoir ce terme, dans le monde industrialisé, depuis le 7 juillet 2005 à Londres, à l’exception potentielle du psychiatre tireur de Fort Hood, aux Etats-Unis.

Deuxièmement, en dehors des théâtres d’opération comme l’Irak, l’Afghanistan et le sous-continent indien, le bilan humain des attentats, qui est une mesure relativement importante, ne peut pas être jugé bon pour Al-Qaïda. Le dernier attentat centenaire en nombre de tués est celui de Madrid en 2004 et le

101 dernier attentat millénaire est celui du 11 septembre. Je sais bien que cette métrique n’est pas l’alpha et l’oméga d’Al-Qaïda, mais c’est une mesure.

Les succès opérationnels d’Al-Qaïda, ceux qui peuvent à ses yeux apparaître comme des succès, sont dorénavant fortement concentrés dans sa terre d’origine. Pour employer une expression que Jean-Pierre Filiu utilise dans un article récent, Al-Qaïda réussit désormais de « bons » bilans près de « sa case départ ».

Le bilan idéologique et politique n’est pas meilleur. En Irak, l’échec est complet, du point de vue d’Al-Qaïda. Dans le Maghreb, l’on ne peut pas dire que politiquement ou idéologiquement, ce soit un succès flamboyant. Dans la péninsule arabique, il existe peut-être des perspectives au Yémen mais ce n’est pas, d'une façon générale, très évident. Je rejoins ici tout à fait ce qu’a dit Jean- Pierre Filiu relativement à la capacité d’Al-Qaïda de modifier le cours des choses dans le monde musulman.

Les raisons en sont connues. Je vais néanmoins les lister, car si cette conférence concerne le Moyen-Orient, l’on risque d’oublier de parler de certains autres aspects. Pourquoi le bilan d’Al-Qaïda ne peut être que décevant à leurs propres yeux ? La première raison est profondément idéologique. Al-Qaïda a une vocation mondiale mais véhicule une idéologie de la pureté tellement exclusive qu’elle en finit par se retourner contre tous et toutes. Le « monde de l’incroyance est un », pour reprendre une formule en cours à Al-Qaïda il y a quelques années. Or l’incroyance, c’est presque tout le monde. Al-Qaïda s’est retournée contre les musulmans. Elle a fait des victimes par dizaines de milliers, si l’on regarde ce qui s’est passé en Irak et qui ne rend pas Al-Qaïda particulièrement populaire dans le monde musulman. Surtout, Al-Qaïda a introduit la fitna, le grand désordre, pour reprendre le titre d’un livre de Gilles Kepel.

La deuxième cause du déclin d’Al-Qaïda est l’erreur stratégique peut-être inévitable mais très réelle qu’a été l’investissement d’Al-Qaïda en Irak. C’était probablement irrésistible. Les conditions étaient parfaitement réunies pour faire ce qu’évoquait Jean-Pierre Filiu : l’ennemi lointain s’invite chez l’ennemi proche et se trouve à portée de main, de bombes et de grenades… C’est formidable, et cela a démarré très fort, en Irak, de 2003 jusqu’en 2007. Cependant, comme l’a dit Jean-Pierre Filiu, les contre-insurgés irakiens ont grandement contribué à l’affaiblissement d’Al-Qaïda, qui a échoué dans sa tentative de recréer une base territoriale après la chute des talibans en Afghanistan.

Troisième cause du déclin d’Al-Qaïda – je comprends qu’Alain Chouet n’ait pas voulu faire un plaidoyer pro domo –, l’action de tous les services qui concourent à la répression, non seulement de renseignement mais aussi policiers et judiciaires, a fonctionné raisonnablement bien. Les attentats jihadistes prévenus en France au cours des treize dernières années, y compris ceux figurant au Livre Blanc de 2005, sont une douzaine. Si les services n’avaient pas fait leur travail, certains de ces attentats auraient « réussi », du point de vue de leurs auteurs. Ils n’ont pas réussi parce que des gens ont travaillé. Je tiens à les saluer.

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Ils sont certes payés pour cela, pas forcément bien, mais ils ont fait leur travail. Si en Allemagne, en France et dans beaucoup d’autres pays, le bilan d’Al-Qaïda est totalement nul, et ce n’est pas faute d’avoir essayé, c’est aussi grâce au contre-terrorisme.

Pourquoi ce déclin, que je viens de rappeler, n’est-il pas forcément important ? Pourquoi n’a-t-il pas forcément le sens que l’on aimerait pouvoir lui donner ? L’on pourrait dire que c’est formidable, que l’on est en train de réussir, que le chat a seulement neuf vies, Jean-Pierre Filiu, et qu’il va arriver à Al-Qaïda ce qui est arrivé à l’anarchisme violent d’il y a un siècle ou au terrorisme rouge des années 1970 en Europe occidentale. Malheureusement, nous ne pouvons pas considérer le déclin d’Al-Qaïda comme étant purement et simplement une bonne nouvelle.

Tout d’abord, certains échecs d’Al-Qaïda valent malheureusement des victoires, non pas du fait d’Al-Qaïda mais du nôtre, car nous avons tendance – ce « nous » étant politico-médiatico-analytique, tout le monde y contribue un petit peu des deux côtés de l’Atlantique – à présenter des échecs comme des réussites. L’échec de Noël a été présenté comme si l’attentat avait réussi. L’on a présenté ce qui ne s’est pas passé au mois d’août 2006 à Heathrow comme s’il y avait eu un attentat, au liquide explosif, qui, s’il avait eu lieu, aurait effectivement été épouvantable. L’on fait comme si l’attentat avait réussi. C’est assez curieux.

Deuxième élément, en grande partie de ce fait, nous prenons des mesures qui correspondent à celles qui eussent été prises si l’attentat avait réussi. Autrement dit, nous faisons des choses qui ont un coût qui, par définition, est infiniment supérieur au non-coût d’une non-action. Depuis la non-action du type qui avait essayé de faire sauter ses baskets, il y a neuf ans, l’on vous fait enlever vos chaussures dans les aéroports américains. C’est intelligent… Vous me direz que ce n’est pas très grave d’enlever ses chaussures. Est-ce que cela contribue en quoi que ce soit à l’efficacité de la lutte contre le terrorisme ? Bien sûr que non. Un monsieur d’origine nigériane se promène avec des sous-vêtements explosifs, donc nous allons installer des scanners dans tous les aéroports, au moins pour les vols transatlantiques, parce que l’Amérique l’exige. Cela va coûter extrêmement cher, tout cela pour faire face à un attentat qui n’a pas réussi et alors même que d’éventuels terroristes, lone wolf ou pas, savent désormais ce qu’il leur faut faire pour réussir le prochain attentat. Ils peuvent faire comme les trafiquants de drogue, avaler des préservatifs remplis d’explosifs. Que fait-on, à ce moment-là ? On fait passer tous les passagers sur le billard… Nous nous livrons à des actes de réaction qui sont sans grand rapport avec ce qui s’est réellement passé.

Enfin, en liaison avec ce que je viens de dire, nous privilégions le registre réactif par rapport au registre proactif. J’y reviendrai. Cela a aussi une conséquence de fond relativement grave par rapport à la lutte contre Al-Qaïda et ses avatars futurs. Nous donnons l’impression de laisser l’initiative stratégique à nos adversaires. C’est le Nigérian explosif, si j’ose dire, qui dicte la nature de notre réaction. Ce n’est pas nous qui imprimons le rythme de la lutte contre le terrorisme. C’est le terroriste qui nous dit ce qu’il faut faire. En stratégie, l’on

103 sait que ce n’est pas comme cela que l’on gagne, que l’on joue aux cartes, que l’on joue aux échecs ou que l’on joue à la lutte contre le terrorisme.

C’est un niveau d’analyse. Un autre niveau d’analyse existe, dont Monsieur Chouet a parlé et sur lequel je ne m’appesantirai pas : après le Jihad, le jihadisme continue. Al-Qaïda n’est pas l’alpha et l’oméga du terrorisme jihadiste, il y en a d’autres.

Troisièmement, Al-Qaïda et le terrorisme jihadiste sous ses différentes formes ne sont pas non plus l’alpha et l’oméga du terrorisme. Je vous rappelle que sur les quelque 400 Français tués dans des actes de terrorisme pendant les quarante dernières années, ce chiffre apparaissant dans la base de données que nous avons faite avec le ministère de l’Intérieur, seule une petite minorité a été victime d’organisations que l’on peut qualifier, sur le plan idéologique, d’organisations jihadistes. Je ne donne pas de chiffre précis, car il y a certains actes, et je pense notamment à l’attentat de Karachi, dont l’origine n’est pas d’une limpidité totale, c’est un euphémisme. J’ajoute que dans notre pays comme dans d’autres, le terrorisme a pu venir de très nombreuses autres origines, et parfois d’origines à la fois très dissimilaires et simultanées. Pendant les années 1980, nous avions Action Directe, l’ASALA, les FARL, le Hezbollah et, contre l’avion d’UTA, Kadhafi.

Partir du principe que la lutte anti-terroriste se résume à la lutte anti- jihadiste, cela peut être vrai à un moment précis mais ce n’est pas vrai dans la durée. On n’aurait garde de l’oublier. J’ai eu le privilège de participer au Livre Blanc sur le terrorisme, il y a quelques années. J’avais suscité un arbitrage, parce qu’il y avait eu un gros débat sur la manière de qualifier la menace terroriste, certains voulant mettre au pinacle les mots Jihad et jihadisme. L’arbitrage, tranché au plus haut niveau, a été le refus de cette dernière option, pas seulement pour des raisons de correction politique, -expression que j’emploie de façon absolument positive-, les organisations musulmanes ayant alors fait savoir, à juste titre, que ce n’était peut-être pas très malin de rentrer dans le jeu des jihadistes, qui veulent précisément qu’on les appelle « jihadistes », parce que conduire le Jihad c’est une cause noble. Il y a aussi eu la réaction d’une personne directement liée à cet arbitrage, et qui occupe d’éminentes fonctions aujourd’hui, qui disait : « de quoi aurais-je l’air si demain, on sort un Livre Blanc sur le jihadisme et qu’une secte du genre d’Aum fait sauter une bombe chimique dans le métro ? » Cette réaction de responsable politique était parfaitement bien venue. Encore une fois, l’on n’aurait garde d’oublier cela, d’autant plus que nous sommes dans un monde de lone wolves – j’y reviendrai dans quelques instants – qui ne sont pas, dans la plupart des cas, pilotés par des organisations jihadistes.

Par ailleurs, Jean-Pierre Filiu en parlait, Al-Qaïda peut muter. Je ne m’attarde pas.

Un dernier point concerne les conséquences limitées de ce déclin d’Al- Qaïda. Malgré tout ce qui peut arriver à Al-Qaïda, y compris le cas échéant sa disparition complète qui n’est pas à l’ordre du jour, il existe ce que j’ai appelé

104 dans divers écrits « le principe d’aggravation » en matière de terrorisme. Qu’est- ce que ce principe d’aggravation ? La capacité d’appropriation d’une violence toujours plus grande par des individus ou de touts petits groupes pour un coût plus faible s’accroît relativement rapidement, pour des raisons liées au développement des technologies de l’information et d’autres techniques. Cela veut dire que les lone woves peuvent dorénavant commettre des attentats extraordinairement violents et qui le seront davantage à l’avenir.

L’on peut parler du lone wolf qui a fait les attaques à l’anthrax aux Etats- Unis en septembre et octobre 2001. Il n’avait de l’avis général rien à voir ni de près ni de loin avec le Jihad et il n’avait pas l’intention de tuer. Il a tué cinq personnes au passage mais ce n’était pas son objectif. S’il avait voulu tuer, avec les mêmes moyens, il aurait pu tuer 10 000, 20 000, 30 000 personnes. Cela veut dire en clair que nos sociétés ne vont pas pouvoir partir du principe que si l’on tempère la menace d’Al-Qaïda ou du jihadisme d’une façon générale, l’on va pouvoir baisser la garde en matière de lutte contre le terrorisme.

En conclusion, quelques bullet points, comme diraient les Anglo-Saxons. En ce qui concerne la concentration de nos efforts et de nos ressources, je rejoins tout à fait ce qu’a dit Alain Chouet. Les évolutions que je viens d’évoquer suggèrent qu’il faut vraiment se focaliser sur les terroristes et les milieux qui peuvent favoriser la socialisation du futur terroriste, et ne pas focaliser ses ressources sur les moyens qui visent à s’occuper des innocents. Les milliards de dollars dépensés chaque année dans le cadre du système Echelon pour écouter toutes les conversations numérisées dans le monde entier servent peut-être à quelque chose mais je ne suis pas sûr que le rendement soit phénoménal. Les milliards dépensés dans chacun de nos pays, pour la sécurité aéroportuaire entre autres, sont des milliards qui en partie ne sont pas disponibles pour faire des choses plus intelligentes. Je comprends la colère d’Obama quand il a eu à suivre l’affaire de Monsieur Mutallab au mois de décembre dernier. La disproportion entre les moyens limités consacrés à la recherche intelligente, de suivi intelligent, de terroristes potentiels et les moyens lourds consacrés à tout ce qui sert à cribler les innocents doit être évidemment modifiée.

Deuxièmement, je rejoins ce qu’a dit Jean-Pierre Filiu. J’emploierai une formule peut-être un petit peu mystérieuse : il faut choisir Eikenberry plutôt que Mc Christal. Je parle de l’Afghanistan mais cela a une implication beaucoup plus large. Que disait en substance l’ambassadeur américain à Kaboul, ancien commandant des forces américaines en Afghanistan ? « Il ne faut pas plus de soldats en Afghanistan. » Il n’a pas été suivi. La démilitarisation, en ce qui concerne les militaires étrangers en Afghanistan, est une chose que nous devons regarder de la manière la plus sceptique.

Troisièmement, bien sûr, le vocabulaire est toujours le vocabulaire. Le terrorisme et le contre-terrorisme sont des mondes de messages et de symboles. La façon dont nous gérons les messages, quand nous parlons de jihadisme ou non mais aussi quand nous parlons des non-attentats et des échecs successifs des jihadistes au cours des dernières années, devrait être une priorité.

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Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nos trois intervenants ont suscité des quantités d’interrogations et de réflexions. Je vais donc donner la parole à la salle.

M. Nazih EL-NAGGARY, conseiller politique de l’ambassade d’Egypte à Paris – Ma question porte plutôt sur l’aspect politique que sur l’aspect sécuritaire de la question. Quelles sont les relations entre la non-résolution des conflits politiques régionaux, notamment dans le couple israélo-palestinien, et la possibilité d’une relance d’Al-Qaïda ou d’une autre mouvance islamiste extrémiste ? Quelle est la relation entre la non-résolution de ces conflits et l’affaiblissement des tendances réformatrices, incarnées notamment en Arabie Saoudite par le roi Abdallah ou en Iran par les tendances modérées que nous avons vu manifester dans les rues ?

Jean-Pierre FILIU, universitaire, professeur à la Fondation Nationale des sciences politiques – Sur la question palestinienne, le dernier message de Ben Laden est tout à fait révélateur. Il s’agit d’une minute « de la part d’Oussama, pour Obama ». Il parle des avions puis de la Palestine et il utilise les mêmes expressions pour parler de celle-ci que le 7 octobre 2001 dans la fameuse interview d’Al Jazeera dans la grotte : « l’Amérique ne connaîtra la sécurité que quand la Palestine la connaîtra. » Tout cela, c’est du vent. En réalité, il n’y a pas de Palestiniens engagés dans Al-Qaïda et il n’y a pas de jonction entre ce théâtre et l’action du Jihad global, malgré tous les efforts démesurés et répétés d’Al- Qaïda pour essayer de s’y infiltrer et de faire pression.

Tout au contraire, il y a un affrontement impitoyable entre Hamas et Al- Qaïda, avec encore en août dernier l’élimination physique non seulement des partisans mais aussi des sympathisants d’Al-Qaïda dans la bande de Gaza. Un an plus tôt, un appel similaire de Ben Laden, au moment de l’offensive israélienne sur Gaza, appelait à venger les martyrs de Gaza en frappant les Américains et leurs alliés en tout temps et en tout lieu. Cet appel avait été immédiatement contré par le Hamas, qui avait dit que « toute personne qui écoutera cet appel sera le plus grand traître à la cause palestinienne. » Je constate qu’heureusement, cet appel de Ben Laden n’a pas été entendu.

Je crois donc qu’il faut faire attention. Il faut régler la question palestinienne pour les Palestiniens et pour la paix régionale, et non pour assécher le fameux terreau du terrorisme. Il y a des bibliothèques de justifications pour aller vers le règlement de cette question. Je ne pense pas qu’il y ait besoin de rajouter la question d’Al-Qaïda. Je crois en revanche qu’il y a une déconnexion de plus en plus forte et qui est un signe supplémentaire du déclin de l’organisation – je ne parle que d’Al-Qaïda.

François HEISBOURG, universitaire, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique – Je suis tout à fait d’abord avec ce que vient de dire Jean- Pierre Filiu. J’ajouterai simplement deux points. Le premier concerne le conflit

106 israélo-palestinien. Pendant les années 1990, années de montée en puissance d’Al-Qaïda, nous étions dans un processus de paix, pour autant que je m’en souvienne, pendant l’essentiel de la période. Cela n’a pas empêché Al-Qaïda de croître et éventuellement de prospérer. Cela doit nous amener à une certaine prudence relativement à l’évaluation des conséquences d’une éventuelle résolution des problèmes israélo-palestiniens. Je ne suis pas du tout sûr que cela signerait l’arrêt de mort d’Al-Qaïda.

Deuxième point, nous sommes néanmoins forcés de constater que le conflit israélo-palestinien est un élément parmi d’autres de motivation des qaïdistes potentiels, notamment dans le cadre de la nébuleuse Internet et de l’Ouma virtuelle que tente de susciter Al-Qaïda. Bien entendu, il vaudrait donc mieux qu’il y ait la paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Cela supprimerait un élément de motivation substantiel, mais probablement davantage substantiel dans l’Ouma virtuelle que dans l’Ouma réelle, si j’ose dire.

M. Mohammed BEN MADANI, Maghreb Review – Je voudrais connaître votre avis. Faut-il vraiment ignorer la propagande d’Al-Qaïda ? Si oui, comment ? L’an dernier, j’ai été en Mauritanie pour mon travail, et quelqu’un a déposé un dossier dans ma boîte aux lettres de l’hôtel sur les conférences qu’ils donnent dans des écoles. C’est incroyable de voir comment ils recrutent. Dans une brochure, ils disent que quand quelqu’un d’Al-Qaïda tue un Américain en Afghanistan, c’est un grand homme.

Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous pouvons écouter Jean- Pierre Filiu, qui dit au contraire qu’il faut lutter contre la propagande d’Al-Qaïda, surtout celle sur Internet.

Jean-Pierre FILIU, Professeur, Chaire Moyen-Orient à l’Institut d’Études politiques de Paris ; professeur invité à Georgetown University – C’est justement parce que je crois que cette propagande est très pernicieuse que je crois qu’il faut lutter contre elle. Je ne crois donc pas du tout qu’il faut l’ignorer. Il faut la prendre très au sérieux et il faut prendre les menaces au pied de la lettre. En même temps, et c’était la philosophie de cette table ronde, il faut raison garder. Il faut arrêter de tomber dans toutes les emphases plus ou moins inélégantes, comme celle que vous évoquiez. Ce sont un peu toujours les mêmes figures de style, mais elles sont accessibles en trois clics à des internautes qui n’ont pas forcément la culture religieuse. J’insiste beaucoup sur la culture religieuse. Le message d’Al-Qaïda s’adresse à des gens qui sont au moins dé- islamisés, s’ils l’ont jamais été, et qui leur fournit une vulgate de substitution, du type de celle que vous évoquiez en deux phrases et qui a l’avantage d’être percutante, sans signifier grand-chose quand on la met dans une perspective islamique.

Alain CHOUET, ancien chef du service renseignement de sécurité de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure – Je voudrais juste ajouter un mot. La propagande d’Al-Qaïda, comme vous l’avez dit, il faut la suivre. Il faut aussi

107 développer un certain nombre de contre-argumentaires. Mais cette propagande d’Al-Qaïda que l’on trouve sur le Net et qui y est très exploitée, en particulier à destination de populations qui n’ont pas tellement d’esprit critique, n’est que le fer de lance d’une certaine forme de propagande intégriste islamiste sunnite.

J’ai ici quelque chose que l’on trouver facilement et gratuitement dans tous les centres culturels et dans les mosquées, à Paris. C’est un joli petit bouquin qui s’appelle Ce que tout musulman doit savoir sur les chiites. Evidemment, c’est le Protocole des sages de Sion. Ils mangent les petits enfants, ils font des sacrifices humains, et cetera. Or cela est bien sûr financé à compte d’auteur par des institutions saoudiennes présentes en Europe et que je ne nommerai pas, parce que je ne veux pas avoir de procès en diffamation. Tout cela fait partie de cette espèce de substrat sur lequel, comme le disait François Heisbourg, l’on peut développer les techniques de lone wolf. Il faut aussi être attentif à cette forme de propagande, qui n’est pas celle d’Al-Qaïda mais qui prépare à celle d’Al-Qaïda.

Mme Myra DARIDAN, ancien membre du Conseil Economique et Social – Le petit livre que nous venons de voir se trompe même dans son titre, puisque les musulmans incluent les chiites.

J’ai plusieurs commentaires à faire sur la dimension sociétale de la question que nous examinons. Je remercie Monsieur Chouet d’avoir fait une distinction en disant que les principaux ennemis d’Al-Qaïda ne sont pas les Occidentaux mais les musulmans modérés. Je remercie Monsieur Filiu d’avoir continué sur cette lancée en disant qu’il y a un effort de désintoxication à faire. C’est certain.

Ma question est la suivante : dans le débat sociétal ou dans certains débats que nous voyons fleurir ces jours-ci en France, faisons-nous justement, ou non, de la désintoxication ? Certains sujets mériteraient peut-être de l’action plus qu’une mise en avant et des discussions longues et inutiles.

Deuxième chose, bien que n’étant pas expert, je connais la région. Je me permets de faire un distinguo sur l’influence des conflits locaux, et je rejoins ici la question de Monsieur El-Naggary. Le développement de l’islamisme dans les pays musulmans, en particulier dans les pays arabes, date grosso modo des années 1970. Je voudrais quand même faire le lien entre ces années 1970 et l’année 1967, où le Moyen-Orient a grandement perdu la face. Il n’est pas inutile de rappeler que les deux choses sont peut-être liées. Une grande débandade peut mener à des lone wolves.

Une troisième chose est Internet. N’est-il pas déjà trop tard pour limiter Internet ou l’accès à Internet, étant entendu que les lone wolves existent ? Quand vous vous promenez dans les rues du Caire, vous voyez beaucoup trop de femmes en burqa et d’hommes en djellabas avec minijupe blanche. Ceux qui connaissent la région comprennent ce que je veux dire. Ces gens-là ont une influence directe. Il n’est plus besoin de passer par Internet.

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Alain CHOUET, ancien chef du service renseignement de sécurité de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure – Il est clair que tout conflit, tout contentieux non résolu, toute humiliation ne peut que conduire à un certain nombre d’actes de violence. Evidemment, la débandade de 1967 a provoqué du ressentiment. Mais en ce qui concerne le développement de l’islamisme politique, j’estime qu’il démarre plutôt en 1978, au moment où s’engage une lutte de légitimité entre deux mondes islamiques, entre l’Iran et le monde sunnite, et où l’on va de surenchère en surenchère. J’avais écrit dans les années 1990 un article qui s’appelle « L’Islam confisqué », où j’essayais de montrer comment chacune des parties avait essayé d’instrumentaliser l’Islam au profit de sa propre légitimité.

Réguler Internet ? Je n’en sais rien. D’abord, je ne sais pas si c’est possible. Vous dites aussi que les lone wolves existent déjà. Oui, mais on peut en alimenter de nouveaux. Ce n’est pas forcément une bonne expérience. Mais techniquement, je ne sais pas comment on fait.

Quant à la burqa et aux autres choses de ce genre, je ne me prononce pas. Je n’ai pas de légitimité politique et je ne souhaite pas en avoir, parce qu’un pays où les responsables ou anciens responsables des services spéciaux ont une légitimité politique, cela s’appelle une dictature. Je ne souhaite donc pas m’exprimer.

Jean-Pierre FILIU, universitaire, professeur à la Fondation Nationale des sciences politiques – Ce n’est pas très gentil pour George Bush père, ancien patron de la CIA.

Général Christian QUESNOT, président de QZ International – Un problème que nous n’avons pas évoqué me semble très important pour le terrorisme. C’est la destruction de la société occidentale, en particulier par la drogue, qui vient d’Afghanistan, nourrit la société pachtoune et passe par Dubaï. Je ne vais pas entrer dans les détails. Ce trafic représente un milliard de dollars en production intérieure, quatre milliards aux frontières, 200 milliards quand elle arrive à Anvers et 200 milliards quand elle arrive à Saint-Pétersbourg. On parle de la filière turque et de la filière tchétchène, mais il n’y a pas que des Turcs et des Tchétchènes. Il y a la complicité d’un certain nombre de banques qui ont pignon sur rue. Depuis que l’on intervient en Afghanistan, la production de la drogue a été multipliée de façon énorme. Est-ce que ce n’est pas le premier danger auquel nous sommes confrontés ? Que faisons-nous contre lui ?

François HEISBOURG, universitaire, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique – Je répondrai en deux points très différents. Le premier ne vous surprendra pas, mon Général. Je vous donne raison. C’est évidemment un facteur majeur à tous égards. Une des carences les moins acceptables de la stratégie de l’OTAN, depuis qu’il a pris en main l’affaire afghane, à partir de 2003, a été l’incapacité de ses Etats-membres à se mettre d’accord sur ce que devrait être la stratégie vis-à-vis de la drogue en Afghanistan. On a hésité entre trois stratégies de base : laisser faire afin d’éviter de s’aliéner les seigneurs de la

109 drogue et de les pousser entre les mains des talibans ; éradiquer la drogue ; acheter de la drogue ou développer, par un mécanisme de subventions, des cultures de substitution. L’on a hésité entre ces solutions. On n’a pas pris de décision. Les effets sont évidemment ceux que vous décrivez. Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine. Par contre, je sais que si l’on ne se fixe pas une stratégie claire, l’on continuera d’échouer.

Mes principes premiers me conduisent plutôt à regarder d’un œil favorable une politique qui privilégierait le développement de cultures de substitution très fortement subventionnées – une PAC afghane, si j’ose dire, avec des moyens à la clé. En effet, le paysan afghan, qui est au mauvais bout de la chaîne, touche en fait relativement peu de la culture de la drogue. L’on estime à 500 ou 600 millions de dollars par an l’argent qu’il faudrait mettre pour défrayer le cultivateur afghan. 500 ou 600 millions de dollars correspondent à cinq jours d’opérations de l’armée américaine en Afghanistan. Cela donne une petite idée du niveau « incroyable » d’efforts qu’il faudrait faire.

Mon deuxième et dernier point m’inquiète, en tant qu’analyste. L’on voit des convergences de fait – je ne sais pas ce qu’en disent les spécialistes des services compétents – entre ce qui peut se passer pour la drogue et ce qui peut se passer du côté de la menace biologique. Vous avez peut-être entrevu des entrefilets dans la presse : au Royaume-Uni, plusieurs utilisateurs d’héroïne sont morts ces dernières semaines pour s’être injectés de l’héroïne contaminée avec de l’anthrax et plusieurs dizaines de personnes sont en soins. Je ne sais pas si cette convergence est le fait du hasard ou si c’est une action délibérée. Comment l’anthrax se retrouve-t-il dans l’héroïne ? Il faudrait peut-être demander à l’Institut Pasteur ce qu’il en pense. Cela donne un éclairage assez sinistre et un peu nouveau à la dimension « narco » du sujet dont nous sommes en train de parler.

Monique CERISIER-ben GUIGA, sénatrice, co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je remercie nos intervenants et toute la salle.

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Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ?

Table ronde

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Nous avons la chance d’avoir, pour débattre de ce sujet, Monsieur Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman, dont je vous rappelle qu’elle est coorganisatrice, à égalité avec le Sénat, dans la mise en place et le déroulement de notre forum. Après quoi, nous donnerons la parole à Madame Asseburg, qui parlera au nom de l’Allemagne, et à Madame Spencer, qui développera le point de vue britannique. Je me contenterai de les écouter attentivement. La parole est à Jean-Dominique Giuliani.

Jean-Dominique GIULIANI, Président de la Fondation Robert Schuman – Permettez-moi de vous remercier chaleureusement Monsieur le Ministre, de remercier le Président de Rohan et la Commission des Affaires étrangères du Sénat, Madame Cerisier-ben Guiga ainsi que le Président Gérard Larcher d’avoir bien voulu associer la Fondation Robert Schuman à cet important événement. Nous en sommes extrêmement honorés. Nous ne sommes pas des experts du Moyen-Orient, mais des questions européennes, et je mesure la difficulté que vous fixez à notre modeste panel, d’intervenir devant des experts aussi éminents comme vous-même, Monsieur le Ministre, qui avez mis vos talents et votre esprit au service de la rédaction du Traité de Rome, et comme Monsieur Javier Solana qui incarne à nos yeux tous les efforts européens en faveur d’une politique étrangère et de sécurité commune au cours de ces dernières années. J’étais à Bruxelles il y a deux jours et on vous regrette déjà, Monsieur le Secrétaire général, car vous avez eu un travail extrêmement difficile, dans une Europe dont les institutions se transformaient avec notamment le Traité de Lisbonne désormais en vigueur. Enfin, dernière difficulté de notre tâche : la concurrence puisque la Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, prend la parole à l’Ecole militaire, à Paris, pour un discours sur la sécurité en Europe. Une fois de plus, le Sénat a le sens de l’opportunité et est en avance puisque c’est ici qu’on s’occupe du Moyen-Orient et à l’Ecole militaire qu’on parle de sécurité européenne.

Malgré cela, nous avons décidé de ne pas pratiquer la langue de bois et d’avoir un vrai débat. En effet, la question qui se pose est la suivante : une politique européenne au Moyen-Orient, commune, unique, est-elle possible ? Existe-t-elle déjà ? Peut-elle exister ? Quelles en sont les conditions et que pourrait-elle être ? En disant cela devant Monsieur Solana, je ne voudrais pas

111 passer sous silence tout ce qui a déjà été fait et qui est déjà tout à fait considérable.

Jusqu’à présent, le poids de l’Europe dans le règlement des conflits pour la stabilité régionale au Moyen-Orient est demeuré assez limité. Pourtant, l’Union européenne est de plus en plus impliquée au Moyen-Orient. L’Union dépense de plus en plus de moyens financiers dans la région. On a dit qu’elle couvrait l’essentiel des besoins financiers de l’Autorité palestinienne. Le chiffre d’un milliard d’euros rassemble l’ensemble des contributions des Etats-membres et des institutions de l’Union, en faveur de l’Autorité palestinienne. D’ailleurs, on a pu redire que, plutôt qu’un « global player » dont on a besoin, l’Europe demeurait un « global payer » et avait tendance à payer plutôt qu’à agir et à peser sur l’issue politique de la difficile question israélo-palestinienne.

Voisine du Moyen-Orient, l’Europe peut-elle définir ses intérêts d’une manière autonome, en tirer les conséquences dans l’élaboration, la conduite et l’accomplissement d’une politique qui, vraisemblablement, devrait être un peu différente de ce qu’elle a été jusqu’à présent ? Dire que l’Union européenne est partie prenante au Moyen-Orient, dont elle est le voisin le plus immédiat, cela mérite peut-être quelques précisions. Ce qui saute aux yeux des observateurs, c’est cette proximité géographique et culturelle, les liens humains, les échanges économiques qui ne cessent de se renforcer ces dernières années et qui ne sont pas sans effets politiques. L’Europe est de plus en plus interpellée pour être plus présente politiquement. Vous rappeliez, dans votre rapport, que 50 % des approvisionnements pétroliers de l’Union européenne viennent du Moyen-Orient, 27 % des importations des pays du Moyen-Orient viennent de l’Union européenne, 35 % des échanges commerciaux (importations et exportations) d’Israël se font avec l’Union européenne ; l’Iran est le sixième fournisseur de produits énergétiques de l’Union européenne. Les exportations de l’Union européenne vers le Moyen-Orient s’élèvent à 188 milliards de dollars et nos importations européennes à 125 milliards de dollars. Par exemple - peut-être est- ce purement conjoncturel et dû à quelques contrats – j’ai noté, dans les statistiques, que les Emirats Arabes Unis étaient devenus, en 2008, le huitième client de l’Union européenne, à égalité avec l’Inde, devant le Brésil, le Canada et la Corée du Sud. Il y a donc des liens qui ne cessent de se renforcer et qui ont des effets tangibles ayant entraîné l’Union à s’impliquer toujours davantage dans la situation au Moyen-Orient.

En faisant des additions dans le sens où on ne les fait pas toujours, nous avons par exemple noté, à la Fondation, que près de 6 000 soldats européens sont présents à des titres divers dans des opérations de maintien de la paix, d’interposition ou de police au Moyen-Orient : deux opérations en Israël, une opération en Irak. Des accords commerciaux et de partenariat entre l’Union européenne et pratiquement tous les pays de la région ont été signés ou sont en discussion, y compris d’ailleurs avec l’Iran avec lequel un dialogue était engagé. Les questions démographiques comptent beaucoup pour l’Union européenne puisque lorsqu’on met en parallèle la croissance démographique des pays du Moyen-Orient et les problèmes d’immigration de l’Europe, on trouve immédiatement des connexions évidentes. La question de l’islam radical

112 interpelle aussi l’Union européenne. Les relations des 27 Etats membres de l’Union, avec les différents pays de la région sont évidemment tributaires de la résolution des conflits ou des crises. Enfin, la question iranienne, touchant à l’important dossier de non-prolifération est une question spécifique qui n’est pas sans influence sur les réflexions stratégiques de l’Union européenne, notamment en matière nucléaire.

Au Moyen-Orient comme ailleurs, et peut-être plus encore qu’ailleurs, l’Union européenne est face à elle-même. Elle a voulu modifier ses institutions avec le Traité de Lisbonne, en vigueur depuis le 1er décembre, pour accroître sa capacité d’intervention dans le monde, renforcer sa présence sur la scène internationale et les premières applications concrètes du Traité de Lisbonne, à l’aune duquel on pourra juger de l’efficacité de ses dispositions, vont vraisemblablement concerner, de près ou de loin, des sujets en rapport avec la situation au Proche et au Moyen-Orient. Evidemment, les insuffisances d’une politique étrangère commune n’ont cessé, au cours de ces dernières années, d’affaiblir la position de l’Europe au Moyen-Orient. Incontestablement, il n’y a pas toujours unité de vue des diplomaties des Etats membres de l’Union européenne et des divisions fortes apparaissent entre les diplomaties des pays neutres, des pays qui ont des choix plus partisans avec certains acteurs au Moyen-Orient, des pays pour qui le commerce ou les liens économiques sont importants, des visions mondiales de la stabilité dans la région qui ne sont pas partagées unanimement au sein de l’Union européenne. Tout cela n’a pas aidé Monsieur Solana dans sa tâche et n’aidera pas ceux qui seront en charge de la politique étrangère commune au cours des mois qui viennent.

En tant qu’observateur j’ajoute que l’alliance transatlantique - et la manière dont elle a été conçue - n’ont pas facilité l’élaboration d’une politique étrangère européenne véritable, où c’est quelque chose que nous retrouvons sur d’autres théâtres –Russie, Chine. L’Europe peine à définir ses propres intérêts spécifiques. Lorsqu’on a le premier PIB de la planète – c’est aujourd'hui le cas de l’Union européenne avec 22% de la richesse mondiale- on a des intérêts spécifiques. Jean-Claude Casanova a écrit dans Le Monde un article très intéressant affirmant que : « la vulgate du discours transatlantique ressemblait jusqu’ici davantage à un robinet d’eau tiède et cachait la nécessité, pour l’Europe, de définir ses intérêts spécifiques ». Ce jugement s’applique particulièrement à la politique au Moyen-Orient.

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Troisième élément, l’Union européenne est la championne du soft power. Lorsqu’on a l’histoire de l’Europe et lorsqu’on a su la surmonter comme nous l’avons fait ces soixante dernières années, on comprend que les rêves impériaux appartiennent désormais au passé et que nous n’ayons plus envie d’y revenir. Néanmoins, le soft power européen fait souvent office de politique étrangère de remplacement et il est peu de dire que l’opinion publique européenne a souvent l’impression qu’au Moyen-Orient, il vaut mieux payer qu’être présent, qu’on se donne ainsi une bonne conscience, celle de répondre à un certain nombre de situations humanitaires. Cela ne fait ni une diplomatie, ni une politique étrangère et ce n’est pas toujours conforme aux stricts intérêts à long terme de l’Union européenne. L’Union est le premier dispensateur de crédits, de subsides et d’aides en tous genres dans la région. Cela fait l’objet d’ailleurs d’un consensus parmi les diplomaties et les populations et elle a développé toute une série de programmes. Mais elle souffre d’une absence de crédibilité de sa politique étrangère, vraisemblablement par absence de crédibilité militaire, faute d’une véritable politique de défense commune.

Nous avons vu, avec l’opération Atalante - une initiative européenne - au large de la Somalie, combien ceci n’est pas une fatalité et combien l’Europe pouvait aussi se mobiliser et répondre à des besoins précis. L’Union européenne est le moteur de cette opération internationale. La Chine a décidé de prendre contact avec la force maritime internationale qui est essentiellement composée de forces européennes, sous commandement d’un amiral britannique, ce qui prouve aussi que les choses évoluent. Même si cette opération est très difficile, elle a obtenu et engrangé des succès. Je rappelle qu’il y a actuellement douze opérations extérieures de la politique étrangère et de sécurité commune. L’Europe est de plus en plus interpellée par le monde.

L’Union est donc en quête d’influence pour compter et peser au Moyen- Orient. Je n’oserais pas parler de la question iranienne avec des lunettes européennes en présence de Monsieur Solana, puisqu’il en est l’un des acteurs, mais juste pour rappeler combien les missions du trio Royaume-Uni, France, Allemagne ont été utiles dans le dispositif diplomatique global. L’Union européenne a prouvé qu’elle était capable de peser, compter, agir dans une question extrêmement délicate, stratégique, globale, qui ne concerne pas seulement la région, mais l’ensemble de la planète.

Vous connaissez les positions de l’Union européenne depuis la déclaration de Venise et la reconnaissance du droit à l’autodétermination des Palestiniens, depuis 1999, le droit à un Etat pour les Palestiniens et les différentes prises de positions récentes : en 2008, condamnation des attentats dans la question israélo-palestinienne, en janvier 2009, condamnation de l’opération à Gaza et en février 2009, condamnation de la colonisation israélienne.

Tout ceci m’inspire une réflexion : l’Union européenne paie plus qu’elle n’agit et lorsqu’elle agit, elle agit davantage aux côtés des victimes ; elle n’agit pas comme un Etat qu’elle n’est pas, qui doit, lui, traiter d’une manière différente. Et c’est là la différence fondamentale entre la position américaine et la position européenne.

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A l’aune de tout cela, quelles pourraient être les perspectives ? Y a-t-il un message spécifique européen au Moyen-Orient ? Sur le terrorisme, les Européens laissent entendre qu’il y a une position spécifique et qu’ils n’acceptent pas d’être déshabillés par un scanner au seul motif qu’il y a un risque terroriste dans les aéroports. Cela éclaire la controverse sur la question de « la guerre à la terreur », qui n’est pas un concept accepté par les Européens, et semble d’ailleurs mis de côté par l’administration Obama. Y a-t-il une posture européenne spécifique au Moyen-Orient ? Laquelle ? Et quels sont les moyens qu’elle est prête à y mettre ?

Avant de poser la question du contenu, il faut poser la question des moyens. Dans le conflit israélo-palestinien, l’Europe souhaite manifestement être présente et s’impliquer dans son règlement. Elle apporte des moyens financiers mais est-elle politiquement crédible ? On sent qu’elle est plus appréciée du côté palestinien, et qu’elle semble rejetée en Israël, comme l’a été votre mission où après avoir rencontré les responsables du Hamas, on vous a dit que vous n’auriez pas les contacts souhaités en Israël. Le premier problème pour l’Union européenne est d’être crédible et respectée par les deux parties. Pour l’Union européenne, c’est essentiel. Est-ce que l’Union européenne se pense comme une puissance en constitution ou est-ce qu’elle se pense seulement en grand Zollverein autour de l’euro ? Je crois que l’Europe n’a pas le choix : elle ne peut se penser qu’en puissance, elle doit être crédible et respectée, à la fois des Palestiniens mais aussi des Israéliens.

Je pense ainsi que doivent être apportées quelques révisions dans la politique européenne au Moyen-Orient. Je suis très frappé par l’exemple allemand qui, pour les raisons que l’on sait, s’interdit un certain nombre d’actions au Moyen-Orient. Mais l’Allemagne est désormais présente –dans la force maritime en face du Liban, et dans la résolution de tous les problèmes d’otages. Les services allemands ont la confiance d’Israël et la confiance des Palestiniens et il convient de s’interroger sur cet exemple. Après tout, la Shoah et le génocide contre le peuple juif ont été commis en Europe. Cela donne à l’Union européenne un devoir particulier envers le peuple juif.

L’Union européenne est-elle prête à s’engager militairement, à apporter des garanties dans ce conflit ? On peut en douter et la question est pourtant sur la table, parce qu’elle est indispensable pour la crédibilité de toutes nos prises de position diplomatiques.

L’accession de l’Iran à l’arme nucléaire est un défi pour l’Union parce qu’elle renforcerait l’instabilité régionale, augmenterait les nouveaux conflits potentiels et susciterait la prolifération régionale. J’ajoute un élément purement européen : le traité de non-prolifération nucléaire revient sur le devant de la scène et l’année 2010 doit être l’occasion d’engager une réflexion sur son avenir. Il y a, en Europe, deux puissances nucléaires : le Royaume-Uni et la France. La prolifération nucléaire au Moyen-Orient aurait pour effet d’affaiblir la crédibilité de la dissuasion nucléaire française et de la dissuasion nucléaire britannique qui sont les deux seules qui, jusqu’ici, ont fait des efforts de réduction de leurs forces, anticipant en cela ce que les Russes et les Américains sont en train de conclure : une diminution des arsenaux.

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Je ne ferai pas de lien entre présence militaire et dissuasion de deux puissances européennes qui entendent garder leur autonomie. Mais je n’oublie pas que deux présidents de la République française, Messieurs Chirac et Sarkozy, ont prononcé le même discours en disant que les intérêts vitaux de la France étaient liés aux intérêts vitaux de leurs partenaires européens. Cela veut dire que la France garde son autonomie nucléaire mais considère que ses intérêts vitaux sont désormais partagés aussi avec ses partenaires de l’Union européenne. La France vient d’ouvrir une base à Abu Dhabi en face de l’Iran, ses intérêts sont donc revendiqués, non seulement au nom de la France mais aussi au nom d’une posture européenne qui pourrait être partagée.

Enfin, un mot du Yémen. S’il y a un soft power européen efficace, c’est vraiment au Yémen qu’il peut trouver un terrain d’expérimentation avec succès. Le Yémen est un des pays les plus pauvres de la planète, qui n’est pas encore un Etat failli. Il y a un important programme financier au sein de l’Union européenne, qui s’appelle l’instrument de stabilité, doté de moyens conséquents. Les questions migratoires entre la Somalie et le Yémen prennent une ampleur considérable. Nous sommes présents dans la région, nos navires le sont. Il existe des liens éventuels entre la situation au Yémen et le terrorisme international. Cela devrait être une priorité de l’Union européenne et elle devrait s’impliquer davantage au Yémen.

La nouvelle configuration de la politique intérieure américaine ouvre, pour l’Union européenne, des capacités d’initiative. Pour leur mise en œuvre il faut qu’un groupe d’Etats pionniers se constitue et que ces initiatives puissent être ouvertes à ceux des Etats membres qui souhaitent s’y joindre sans attendre l’application des procédures traditionnelles de l’Union européenne. Le Traité de Lisbonne permet la prise de décisions un peu audacieuses.

En conclusion, et conformément aux travaux menés sur ces sujets à la Fondation Robert Schuman, je crois que l’Union européenne doit apprendre à s’assumer en puissance globale, avec ses forces et ses faiblesses, au Moyen- Orient comme ailleurs, que sa crédibilité est vraiment en cause et qu’elle a les moyens avec un petit peu de courage et, peut-être, un peu en-dehors du cadre habituel des comportements européens, de peser davantage et positivement pour contribuer à la résolution des problèmes évoqués.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je remercie le Président Giuliani, qui est un orfèvre en matière européenne et qui nous a très franchement décrit les choses. Il m’arrive de me demander, cher Monsieur Giuliani, si l’unité européenne a beaucoup progressé depuis la déclaration de Venise. Je n’en suis pas persuadé. A l’époque, sans trop de difficultés, nous avions réussi à définir une position commune européenne, il y a eu ensuite la déclaration de Berlin. Je ne sais pas si, par rapport à cette époque, on a fait de grands progrès. Il y a des moments où l’Europe fait du surplace, où elle a beaucoup de mal à dépasser certaines frontières qui permettraient, si on pouvait les dépasser, de faire que l’Europe pèserait plus qu’elle ne pèse aujourd'hui dans le monde.

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Je donne la parole à Madame Muriel Asseburg, qui est responsable du département de recherche Moyen-Orient – Afrique, à l’institut allemand des affaires internationales et de sécurité. Madame, vous avez la parole.

Dr Muriel ASSEBURG, Responsable du Département de recherche « Moyen-Orient et Afrique » à l’Institut allemand pour les Affaires internationales et de sécurité (SWP) – Merci beaucoup. Je voudrais souligner que je ne parle pas ici au nom de l’Allemagne – c’est peut-être effectivement une perspective allemande, que je vais vous présenter, mais une perspective universitaire, pas un point de vue officiel que je représente. Je voudrais également dire que j’apprécie beaucoup cette manifestation d’hier et d’aujourd'hui, et j’apprécie que nous allions à ce point dans un grand nombre de détails qui caractérisent la région à ce stade et qui caractérisent aussi les rapports entre l’Europe et la région. J’ai aussi beaucoup apprécié la lecture du rapport et je partage une bonne partie des grands traits de ce rapport. Je voudrais prendre certaines des recommandations proposées par le rapport et dire sur quels points je pourrais éventuellement ne pas être totalement d’accord sur les détails, tout en étant d’accord sur la vision d’ensemble du rapport. Je voudrais commencer en suivant l’une des recommandations du rapport, à savoir qu’il faut regarder la région à travers les liens entre les différents conflits au sein de cette région et des sous-régions qui la composent. Mais, dans le même temps, quand on essaie de traiter les conflits, il faut essayer de les séparer les uns des autres et d’avoir une approche par étape. Je voudrais maintenant me concentrer sur le conflit israélo- arabe plutôt que de prendre l’ensemble des conflits dont nous avons parlé pendant cette conférence.

J’aurai cinq observations principales à faire sur ce point. La première porte sur l’Union européenne : comment peut-elle traiter le problème de manière institutionnel, ce que vous avez qualifié de « cadre » dans vos recommandations. Les quatre autres points concerneront les contenus de cette approche qui, à mon sens, pourraient être modifiés pour que l’action de l’Union européenne soit plus efficace pour le développement de la région et pour permettre aux Européens de passer de la gestion des conflits – ce que nous faisons depuis plus de quinze ans - à la résolution des conflits.

Je commencerai par ce premier point qui concerne le cadre de l’action européenne. Je partage votre pessimisme quant aux évolutions positives devant découler du traité de Lisbonne et du nouveau cadre institutionnel qui a été mis en place. Va-t-il accroître automatiquement l’unité des Européens et leur permettre d’avancer sur certains dossiers de politique étrangère ? Je crois que l’on peut en douter, car les intérêts des Etats membres restent forts et divergents, notamment concernant le Moyen-Orient. Il y a des différences d’intérêts qui persistent et c’est la raison pour laquelle je serais assez favorable à l’idée présentée par le rapport selon laquelle il faut un petit groupe d’Etats membres qui essaie de dégager une politique pour le Moyen-Orient, non seulement en définissant des intérêts communs, mais en élaborant une stratégie pour la mise en œuvre pratique de ces intérêts. Ce n’est toutefois pas une idée totalement neuve parce qu’on a vu le quintet européen travaillant sur ce type d’approche. On a vu aussi que, jusqu’ici, ça n’avait pas résolu les problèmes. L’architecture mise en place ne

117 surmonte pas les divergences de vues entre les Etats membres et ne contribue pas à susciter la volonté de ces derniers d’aboutir réellement à une position commune, non seulement pour compléter la politique américaine mais aussi pour voir les points de divergence entre les politiques européenne américaines et adopter d’autres types d’action, plutôt que d’essayer de persuader les Américains, comme on l’a vu dans le processus d’Annapolis ou durant la première année de l’administration Obama.

Ma deuxième remarque concerne le contenu de cette approche. Nous avons parlé de l’urgence qu’il y a à renouveler l’engagement international au Moyen-Orient et à parvenir à une résolution du conflit israélo-arabe. Inutile d’y revenir, tout le monde sait pourquoi c’est urgent. Il me semble pour autant que les Européens ont, jusqu’ici, accepté l’idée qu’ils n’avaient pas le pouvoir d’influencer les événements au Moyen-Orient et qu’ils devaient finalement réduire leur rôle à celui de complément de la politique américaine. De même, créer la paix n’a pas été la priorité de leur politique vis-à-vis de la région et je crois que le déroulement de la réunion commune des cabinets allemand et israélien en est l’illustration très claire. L’Allemagne a clairement défini une priorité qui consiste à améliorer les relations avec Israël, sans utiliser cette relation privilégiée avec Israël pour faire avancer le processus de paix. Au contraire, on a peut-être un peu mis de côté le processus de paix pour améliorer les relations de l’Allemagne avec Israël et plus particulièrement avec le gouvernement israélien actuel qui, lui, ne pousse pas à faire avancer le processus de paix.

Donc, il y a cette urgence et il y a cette nécessité, pour les Européens, de voir qu’effectivement, ils peuvent être plus influents dans la zone. Il ne s’agit pas pour moi de dire que les Européens pourraient remplacer les Américains. Cela n’est pas le cas. Les Européens ont leurs propres intérêts à faire avancer le processus de paix et à éviter ce que l’on peut voir poindre à l’horizon actuellement, à savoir que la solution à deux Etats va très vite se retrouver irréalisable et que, finalement, on va déboucher sur la prochaine vague de violence. Quand je parle d’urgence, je ne dis pas pour autant qu’il faut, aujourd'hui, démarrer un processus qui soit une fin en soi. Je suis favorable à toute négociation mais les négociations n’ont aucun sens si elles ne sont pas conduites par un médiateur crédible. Autrement dit, la communauté internationale et, par-dessus tout, les Américains, doivent passer d’une position de facilitateurs de dialogue à un rôle de médiateur du dialogue. Et cela passe par un certain nombre de choses, notamment le fait qu’il faut avoir un projet de ce que doit être le statut final de la région. On connaît les principaux éléments de ce projet, il n’y a aucune raison de perdre du temps à ce stade pour rediscuter ces éléments et ces principes. Mais il faut que ce soient des termes de référence auxquels on peut renvoyer les parties rapidement de façon à pouvoir avancer. Il faut également un mécanisme très clair de suivi des progrès avec des étapes intermédiaires pour les deux parties, dans l’objectif d’aboutir à ce statut finale. Il faut par ailleurs que les démarches entreprises par les Européens en accord avec les Américains définissent des incitations claires à avancer davantage vers la paix et qu’elles soient très dissuasives vis-à-vis de toute tentative de conforter

118 l’occupation des territoires palestiniens ou de toute tentative pouvant conduire à davantage de violence. Je crois que nous, Européens, n’avons pas été suffisants cohérents à l’égard des deux parties, dans notre approche sur ce point. Comme vous l’avez dit, nous avons évolué d’une position très déclaratoire et avons dégagé une ligne assez claire mais nous n’avons pas encore réellement fait suivre nos propos d’actions claires.

Troisième point, parallèlement, et de manière tout aussi urgente, il faut nous attaquer au problème de Gaza et du Hamas. C’est un véritable scandale de voir à quel point les Européens ont négligé le problème gazaoui, comment nous avons mobilisé des sommes énormes pour la reconstruction de Gaza mais qui n’ont pas pu être dépensées en raison du blocus. Cette politique a renforcé le Hamas au lieu de l’affaiblir. Le Hamas a profité du blocus, en taxant le commerce transitant par les tunnels et par l’isolement imposé à la population palestinienne dans la bande de Gaza. On ne pourra pas trouver une solution au blocus et reconstruire Gaza sans faire intervenir le Hamas, qu’on les aime ou pas, ça n’a aucune importance. Nous avons besoin d’eux, nous devons les inclure dans le processus de façon à avancer vers une fin du blocus et à permettre à la vie de renaître à Gaza selon les normes humainement acceptables.

Ce n’est pas que nous ne parlions pas avec le Hamas ; évidemment, nous parlons au Hamas. Et Israël aussi a intérêt à ce que nous parlions au Hamas pour résoudre un certain nombre de problèmes mutuels. Au cours des deux dernières années, de plus en plus de personnalités européennes ont rencontré des représentants du Hamas. Je crois qu’il serait plus utile d’éviter un tel « éparpillement » des rencontres qui conduit à un assouplissement de fait de l’isolement du Hamas. Les rencontres doivent être coordonnées, dans le cadre d’une politique officielle et avec l’objectif de contribuer à la fin du blocus, en disant clairement ce que le Hamas doit faire, selon nous, pour y aboutir. Cela veut aussi dire qu’il faut parler de ce qu’il faut faire pour permettre aux institutions palestiniennes de retrouver leur légitimité politique.

Ceci m’amène à mon quatrième point : la mise en place d’institutions. C’est là une des fiertés des Européens qui, depuis qu’existe l’Autorité palestinienne à Gaza et en Cisjordanie, ont toujours dit qu’ils participaient à l’instauration de l’Etat et des institutions. Or en 2010, aucune des institutions palestiniennes n’a plus la moindre légitimité constitutionnelle, ce qui fait qu’il nous est aujourd'hui très difficile de continuer à faire semblant de mettre en place un Etat démocratique dans les territoires palestiniens. Vous avez entendu parler, hier, du Plan Fayyad et de l’idée consistant à reconstruire peu à peu l’Etat palestinien par la base, établissant ainsi, de facto, une entité qui serait ensuite reconnue par la communauté internationale. Ce Plan Fayyad comporte beaucoup d’idées formidables sur la manière de mettre en place des institutions plus efficaces et la manière d’améliorer les capacités de la gouvernance palestinienne. Mais il manque les réponses à deux questions essentielles, auxquelles il va pourtant falloir s’attaquer si on veut réussir sur ce plan : tout d’abord, comment mettre en place ces institutions sur un territoire où l’Autorité palestinienne n’a pas d’autorité ou de contrôle de facto, c’est-à-dire à Jérusalem-Est, dans la bande de Gaza et dans la zone C de la Cisjordanie ? Nous avons constaté un intérêt du

119 gouvernement israélien à soutenir cette démarche tant que cela n’a pas d’impact sur ses propres intérêts. Ce soutien a aussi déjà été utilisé comme un levier de pression. Ce qui n’a toujours pas été réglé, c’est la façon de traiter le Hamas et là encore, je le répète, on ne peut pas établir des institutions légitimes, démocratiques tant qu’il n’y a pas un processus politique basé sur le droit élémentaire. Le deuxième défi qui n’est pas évoqué dans le plan Fayyad porte sur la manière de traiter avec le Hamas et de faire face à l’absence d’unité palestinienne. Il ne faut pas oublier que le gouvernement Fayyad ne pourra pas construire d’institutions légitimes et démocratiques tant que les institutions politiques n’auront pas de légitimité constitutionnelle.

Ma dernière remarque concerne ce que vous écrivez dans le rapport à propos de la priorité de ces discussions entre Palestiniens et Israéliens. Cela va être la priorité, d’accord, mais on ne peut régler cette question si on ne prend pas en compte la dimension régionale. On a besoin de la dimension régionale pour certains aspects du statut final : la question des réfugiés, la gestion de l’eau ou les garanties de sécurité dans la région. Par ailleurs, si des processus parallèles se mettent en place, par exemple entre Israël et la Syrie, et aboutissent à des solutions, cela aura un impact positif sur la dimension purement israélo- palestinienne du conflit, mais aussi sur les rapports entre Israël et le Liban. Et cela pourrait aussi avoir un impact positif sur les relations entre la Syrie et l’Iran dans le sens où nous voudrions les voir évoluer.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Vous entendant, je me prenais à regretter que le gouvernement allemand ne suive pas vos conseils, qui me paraissaient fort éclairés. La parole est à la représentante de Chatham House, Mrs Dr Spencer.

Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House – Avant de démarrer la séance, il me semble que nous avions bien dit clairement que nous souhaitons solliciter vos avis, votre avis également, étant donné que nous sommes tous impliqués dans la politique européenne mais aussi, vu votre présence à cette conférence, dans la région du Moyen-Orient. Nous avons tous un rôle à jouer. Aussi, je serai assez brève et comme ma collègue, je vous présenterai mes excuses car je parlerai anglais. Je veux être très sincère, et si je m’exprime en français, je risque de ne pas pouvoir nuancer mon propos mais je répondrai aux questions en français. Je suis l’une des rares britanniques à maîtriser l’espagnol et le français. C’est en tant qu’analyste et non comme quelqu’un pouvant vaguement expliquer la politique britannique actuelle, et à venir si, comme je le crains, nous avons prochainement un changement de gouvernement. Ainsi, on ne parlera peut-être bientôt plus du rôle de la Grande-Bretagne en Europe mais j’espère que Chatham House peut aller à l’encontre de cela en étant de véritables Européens engagés.

C’est également un privilège d’être ici. Il est indiqué dans mon CV que, par deux fois, j’ai agi en capacité de conseillère spéciale à la Chambre des Lords pour des enquêtes de ce type. Je vous félicite de ce qui est fait dans ce rapport. Je sais que dans ce genre d’enquête, lorsque l’on se déplace sur le terrain et que l’on

120 rencontre des gens, les échanges sont souvent plus francs et plus ouverts. On peut ainsi mieux se rendre compte des grandes transformations sur le terrain que si on ne se déplace pas et on ne rencontre pas les gens.

La dernière commission d’enquête de la Chambre des Lords dans ce domaine portait la politique de l’Union européenne et le rôle de cette dernière dans le processus de paix au Moyen-Orient. Ma première recommandation est qu’il faut trouver des liens directs sur le terrain. Vos conclusions sont très similaires, et celles d’un rapport de la commission des affaires étrangères espagnole le seraient également. Il me semble qu’un forum bilatéral, puis multilatéral, pour renforcer la réflexion du Parlement européen sur les raisons pour lesquelles il faudra changer la politique européenne à l’égard de cette région.

Avant de me rendre ici, je venais de terminer la rédaction d’un chapitre à la demande du directeur de Chatham House. Il s’agissait d’une évaluation de la première année de la présidence de Monsieur Obama, en tant que Président des Etats-Unis, et plus spécifiquement pour ce qui a trait au Moyen-Orient. Il existe six domaines importants qui doivent nous donner matière à réfléchir. Hier, Robert Malley, Mike Singh et d’autres Américains nous ont informés sur le changement du rôle des Etats-Unis. Nous ne devrions pas isoler le rôle de l’Europe au Moyen-Orient ; nous devons le comparer au rôle des Etats-Unis, qui a beaucoup changé, mais au rôle croissant de la Chine, de l’Inde et d’autres États comme la Malaisie. La politique liée à l’énergie a beaucoup changé l’engagement politique des acteurs régionaux, comme en témoigne l’évolution de la politique turque au cours des derniers mois. Les alliances régionales se transforment subtilement mais aussi parfois très brutalement. Et je pense que cela tient beaucoup à ces brèves conclusions. Obama a dû faire face aux conséquences de l’intervention en Irak de 2003, menée par les États-Unis, pour le dire de manière neutre. Cette intervention a radicalement changé la situation des États-Unis au Moyen-Orient. Les Etats-Unis n’en ont peut-être pas bien conscience, même s’ils sont conscients de leurs limites. D’une certaine manière, je ne pense pas qu’ils soient pleinement reconnus dans la politique européenne.

Le premier point porte sur l’expression de « Pax Americana ». Elle s’inscrivait dans une dimension internationale de la première guerre du Golfe jusqu’en 2003, mais dans une dimension régionale lors de l’invasion du Koweït par l’Irak et du retrait forces irakiennes hors du Koweït par la coalition. Les Etats-Unis ont été immédiatement considérés comme un arbitre externe face aux à ceux qui ne respectaient pas les règles au Moyen-Orient. Personne ne pourrait franchir les frontières internationales sans payer un lourd tribut. Toutefois, lorsque cette menace a été mise à exécution, contre l’Irak, les tabous du changement de régime, du franchissement des frontières internationales ou du réalignement des acteurs ont alors disparu. On a vu la dernière réaction des forces saoudiennes qui agissaient certes de manière défensive : ces forces sont désormais actives au Yémen et c’est un précédent dont il faut être conscient et qui, à mon avis, n’aurait pas pu advenir il y a dix ans.

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Deuxièmement, les Etats-Unis sont maintenant considérés comme un acteur central dans la région. On l’oublie souvent. On parle toujours du retrait des forces américaines, comme si ce dernier avait déjà eu lieu. Or il n’en n’est rien. Les Etats-Unis sont toujours présents en Irak et ils continueront à l’être, d’une manière ou d’une autre jusqu’en 2011. Si l’on pense à la stabilité future de l’Irak, l’équilibre ne pourra être trouvé qu’après le départ des Etats-Unis. Les Etats-Unis sont donc encore une sorte d’arbitre et d’acteur local. C’est là un point essentiel. Ils sont considérés, au Moyen-Orient, comme un acteur qui limite l’éventail de ce que peuvent faire les États-Unis mais aussi les forces américaines en Irak, mais aussi dans la région. En effet, ils sont un peu embourbés dans cette situation et il faut au moins qu’ils tiennent compte de ce qu’ont vécu leurs forces en Irak avant d’engager toute autre action.

Monsieur Malley, hier soir, s’est concentré je crois sur la manière de diviser la région entre « nous et eux », entre « vous êtes avec nous ou contre nous ». Cela n’a pas été sans conséquence dans la région, ce qui fausse le débat. C’est une division qui a été imposée par l’extérieur mais qui a ensuite coloré toutes les prises de décision et toutes les actions. Au cours des sept dernières années, toute action engagée par un individu a été soit considérée comme un renforcement de sa position vis-à-vis des États-Unis ou comme un renforcement de son ressentiment populaire à l’égard des actions des États-Unis ou d’autres pays dans la région.

Ceci est lié au quatrième point, à savoir que le renforcement de la présence militaire américaine, ou d’autres pays, dans la région, qui nous rappelle la session précédente sur Al-Qaïda, a renforcé le ressentiment anticolonialiste qui affleurait dans la région. Ce sentiment repose sur l’idée que les forces extérieures n’interviennent dans la région que lorsqu’elles veulent obtenir quelque chose, lorsqu’elles souhaitent contrôler les ressources, les personnes. Elles souhaitent en fait empêcher les locaux d’avancer à leur propre rythme et de contrôler leur propre destin. Ce sentiment a été exploité par le djihadisme d’Al-Qaïda mais aussi par l’Iran et par les Syriens, dans une certaine mesure, lorsqu’ils se sont opposés aux Etats-Unis par le biais du Hamas et du Hezbollah. Comme Robert Malley, je crois que c’est un piège : il ne faut plus voir la région de manière manichéenne. On ne peut pas séparer les Syriens de l’Iran. Les Syriens, à juste titre, souhaitent élargir les partenariats possibles dans la région. Bien sûr, on peut les rapprocher de nous mais cela ne les empêchera pas de nouer des relations avec l’Iran, pas plus que les Turcs, peut-être plus discrets actuellement sur leurs relations avec Israël, ne franchiront le pas pour s’allier à l’Iran, aux Russes ou à toute autre alternative. La Turquie maximise ses options de manière très intelligente et cherche à étendre ses intérêts dans la région ; nous devons en tenir compte.

Tout ceci a des conséquences sur l’engagement futur de l’Europe dans la région. Cette situation est aussi la conséquence de ce qui s’est passé en Irak en 2003, ce qui a forcé les acteurs régionaux à résoudre eux-mêmes les divergences régionales. Je parle notamment des pays du Golfe, et notamment de ceux que l’on appelle généralement les Etats modérés : l’Arabie Saoudite, le Qatar - ce qui plaît à certains et en énerve d’autres, l’Egypte qui essaie toujours d’être le

122 médiateur de paix entre le Hamas et le Fatah ainsi que la Turquie. C’est en quelque sorte une réaction à l’effort qui est fait pour limiter les dégâts de l’intervention américaine, mais aussi pour apaiser leurs opinions publiques. En effet, une alliance avec les États-Unis au niveau national n’est pas toujours immédiatement accompagnée du soutien de l’opinion publique. Malheureusement, il n’y a pas de suivi institutionnel : la plupart de ces pays dits modérés ne disposent pas d’administration assez autonome qui permette de pérenniser ces initiatives sur le long terme. Je pense que l’un des succès a toutefois été le lancement de l’Initiative arabe de paix qui n’a malheureusement pas été pleinement utilisée et dont la pérennité pourrait être compromise.

Conséquence finale - je crois que d’autres y ont fait allusion : toutes les questions régionales sont reliées entre elles. On ne peut plus tout cloisonner, comme la question israélo-palestinienne. On ne peut plus l’isoler de nos relations avec l’Iran par exemple en raison de l’importance des acteurs régionaux, étatiques ou non, si l’on en croit Robert Fisk de The Independent qui souligne le regain d’activisme du Hezbollah au Sud-Liban. En effet, les acteurs régionaux participent à la reconstruction des routes au Sud-Liban. Pourquoi ? Parce que ces Etats sont prêts à attaquer Israël si cette dernière décidait d’une frappe contre l’Iran, comme cela a été largement évoqué ces derniers temps. On ne peut donc pas isoler Israël et ses voisins immédiats de la question Israël/Iran et de la manière dont les Iraniens, mais aussi de nombreux acteurs régionaux étatiques ou non, réagiraient.

Ces derniers temps, l’Union européenne n’a pas vraiment été à la hauteur. Je ne dis pas cela à destination de représentants de l’Union européenne ; je pense que ce sont les Etats membres de l’Union européenne qui n’ont pas réussi à faire front uni. Le traité de Lisbonne et le Service européen d’action extérieure le permettront peut-être mais jusque là, nous avons pu constater une recrudescence du bilatéralisme. Il y a des Etats individuels, le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne par exemple, qui ont davantage la capacité à entamer un dialogue bilatéral avec les pays du Moyen-Orient, qui peuvent parfois être soutenus par une coalition de bonnes volontés, notamment par rapport à la politique de la Troïka européenne à l’égard de l’Iran ou encore aux efforts en matière de forces de maintien de la paix, qui sont autant d’initiatives bien venues. Toutefois, ne serait-il pas plus réaliser d’envisager une véritable politique européenne qui serait mise en œuvre au niveau des 27 Etats membres, notamment si l’on poursuit l’élargissement de l’Union européenne ? La position de l’UE sur une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien a résisté à l’épreuve du temps, malgré l’aberration de certains chefs d’Etat au sein de l’Union européenne, et nous nous y tenons. Mais comment traduire ceci au niveau des 27 Etats membres en une politique pouvant être réellement mise en œuvre ? Je pense qu’il faut faire une différence entre les positions communes et les actions communes que l’on peut mener.

J’ai déjà mentionné que la région change. Je pense qu’il nous faut une étude stratégique au niveau de l’Union européenne. C’est à la mode en ce moment au Royaume-Uni de faire des rapports stratégiques sur la défense, sur tout, à l’approche des élections. Je pense que l’Union européenne fasse un

123 examen stratégique de la situation du Moyen-Orient pour vérifier que la division de la région selon les termes de l’UE continue à servir les intérêts européens. Il existe en effet plusieurs initiatives : l’Union pour la Méditerranée, le Conseil des pays du Golfe et les divers dialogues qui fonctionnent en parallèle mais sans interaction forte ; on peut citer également les politiques ad hoc à l’égard de l’Iran et de l’Irak. Je reprends ici les idées de Muriel Asseburg et de l’Institut hispanique, notamment Richard Young et ses collègues qui ont écrit des articles enflammés. L’article est publié sur internet et a été présenté lors d’une conférence à Rome en décembre. Il estime qu’il est grand temps que l’Union européenne ait une stratégie conjointe et qu’il n’y ait plus, d’un côté des dialogues du Conseil des pays du Golfe et de l’autre ceux de l’Union de la Méditerranée. Il faut une cohésion de ces initiatives.

J’ai passé une bonne partie des deux dernières années à étudier l’Union pour la Méditerranée. Il est frappant de voir qu’il y a des politiques parallèles qui ne se rejoignent jamais. D’un côté, ces dernières années ont été marquées par une obsession sur la sécurité au niveau de la politique de l’Union européenne. En Afrique du Nord, par exemple, le plus important est d’arrêter le terrorisme et l’immigration, ce qui se reflète dans l’externalisation des chapitres sur la justice et les affaires intérieures dans la région méditerranéenne. C’est précisément dans les domaines publics de la sécurité, du partage de renseignements, et espérons-le aussi de la prévention de l’immigration que la coopération interétatique fonctionne le mieux en Afrique du Nord. En revanche, le projet d’Union pour la Méditerranée, qui ne devait pas obtenir de nouveau financement par le biais du processus de Barcelone qui était le précédent partenariat euro-méditerranée, repose sur le recours au secteur privé pour mettre en œuvre des projets visant à dépolluer l’ensemble du bassin méditerranéen et à faire des recherches et investir dans l’énergie solaire. Or une entreprise du secteur privé aura-t-elle vraiment envie d’investir dans ce genre de projet, qui concerne après tout environ 54 pays, c’est-à-dire l’ensemble du bassin méditerranéen : les 27 Etats membres de l’Union européenne, les Balkans, l’Autorité palestinienne qui n’est encore qu’un Etat en devenir ? Si j’étais dans le secteur privé, je pense que je serais plus intéressée par un accord bilatéral avec le Maroc. Je ne m’intéresserais pas à la dimension régionale ou aux institutions de Bruxelles. Il est donc urgent de repenser certains de ces modèles.

Je vais désormais mentionner le fond des choses car j’ai déjà beaucoup parlé du processus. Je pense que nous devrions commencer à penser davantage à long terme. Nos politiques ont davantage été des politiques de réaction afin de respecter le court-termisme des cycles électoraux. Je me suis déjà entretenue avec des interlocuteurs israéliens sur le soutien inconditionnel à Israël de la part des gouvernements européens peu soutenus par la gêne de l’opinion publique européenne. Il me semble que ce n’est pas dans l’intérêt à long terme des Etats européens et des leaders menant cette politique, ni dans celui d’Israël. Ce n’est pas non plus dans l’intérêt d’Israël. Je suis fatiguée des débats qui suggèrent que si vous critiquez l’un des camps, qu’il soit israélien ou palestinien, alors vous vous placez forcément d’un côté ou de l’autre. Je soutiens Israël mais en tant qu’analyste qui souhaite promouvoir la paix, le dialogue et le débat, j’aimerais voir les deux Etats s’épanouir. Nous nous faisons des illusions si nous ne tirons

124 pas parti de notre expérience. Les Britanniques et les Français sont d’ailleurs particulièrement coupables. Au cours des 50 dernières années, les Allemands n’étaient pas les seuls impliqués. Nous sommes responsables d’avoir occupé des territoires (je parle de notre passé colonial), d’avoir imposé notre puissance sur des individus, sur des pays qui n’avaient rien demandé. Nous avons résolu ces questions différemment et la France et le Royaume-Uni en portent encore les stigmates. Nous avons dû laisser partir des bouts de colonies, à des moments différents et selon des modalités diverses. Il nous faut expliquer cela aux responsables israélien et engager un dialogue avec l’opinion publique israélienne sur cette expérience historique ; quant aux Palestiniens, nous savons déjà très bien comment ils ont été affectés. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la manière dont les Israéliens, leurs valeurs, leur système moral sont affectés. Au début des années quatre-vingts, j’ai travaillé dans un kibboutz et j’ai vu des changements profonds, notamment concernant les divisions internes, en Israël. Il nous revient donc, en tant qu’Européens, d’aider ces pays. Nous avons connu des expériences parallèles, nous avons commis de terribles erreurs ; nous pouvons donc faire preuve d’empathie et la meilleure manière d’aider Israël, c’est de partager beaucoup plus ouvertement notre expérience. Ce n’est pas un point de vue qui fait plaisir à entendre et qui est apprécié de tous, mais il faut s’interroger sur les conséquences à long terme d’une autre solution. Si nous ne sommes pas intimement convaincus que les Israéliens font de véritables efforts, mettre la pression sur les divers gouvernements successifs en Israël pour qu’ils arrêtent la colonisation revient alors à peu près au même que faire pression sur l’Iran pour obtenir l’abandon de l’enrichissement nucléaire. Les deux gouvernements ont en commun de ne pas vouloir se conformer à ce qui leur est demandé, et de ne pas disposer du soutien interne pour faire ce qui leur est demandé au nom de la communauté internationale, à savoir arrêter publiquement cette activité. Ce serait du suicide politique pour eux.

Il nous faut agir plus en coulisses, en entamant un dialogue avec Israël, au risque de ne pas inclure les Palestiniens, les choses ne sont pas très claires de ce côté-là. Nous devons demander aux Israéliens de se poser la question de s’imaginer dans 10 ou 15 ans si le statu quo perdure. Je suis volontairement provocante car je n’ai pas vraiment d’opinion bien définie là-dessus, mais je crains que notre politique actuelle ne fait de bien ni à Israël ni à nous-mêmes.

J’ai déjà parlé de l’Irak. Je ne crois pas que nous verrons une stabilisation en Irak avant 2011, c'est-à-dire le retrait définitif des Américains. Je me demande d’ailleurs si les Américains ne retarderont pas ce retrait en cas de détérioration de la situation en Irak ou si les Européens envisageaient d’accroître leur rôle, qu’il soit militaire ou autre. Il nous faudrait prévoir aussi la situation où les Etats-Unis se retiraient et où la situation en Irak se détériorait.

Je pense qu’il faut considérer le Yémen comme une épreuve, un test. Doit-on intervenir simplement pour des raisons sécuritaires ? Je suis d’accord avec Madame Clinton : cela déterminera également les besoins, économiques notamment, du Yémen. C’est la seule manière dont nous pourrons le stabiliser. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de bombardement, d’envoi de forces militaires supplémentaires. Je pense que nous sommes à un croisement. C’est

125 vraiment là, où le soft power peut s’exercer. N’oublions pas qu’il s’agit là de graves questions de hard power, y compris le trafic d’armes entre le Yémen et la Somalie, sans oublier qu’il n’y a pas que les routes navigables qui seront la cible des pirates si la situation au Yémen s’envenime.

La grande question est donc de savoir comment l’Union européenne envisage de faire face à toute une série, non pas de crises, mais de problèmes de succession. Depuis des années, on fait beaucoup de cas des relations personnelles avec les leaders dans ces pays, notamment dans le monde arabe. Mais ces leaders, un jour ou l’autre, ne seront plus là, d’ici cinq à dix ans. Que se passera- t-il alors, étant donné le manque de relations institutionnalisées avec un grand nombre de pays du Moyen-Orient ? Quelle est donc la future stratégie européenne ? Quels seront nos interlocuteurs ? Serons-nous tentés par l’approche adoptée à l’égard de l’Europe de l’Est au moment de l’effondrement du communisme, quand l’Europe de l’Ouest avait préparé le terrain en s’impliquant, en entrant en contact avec les mouvements d’opposition, c’est-à-dire les mouvements démocratiques de ces Etats ? Lorsque les pouvoirs communistes avaient fini par tomber, nous étions déjà prêts à aider les forces d’opposition à arriver au gouvernement et à instaurer la transition démocratique. Nous ne pourrons pas instaurer la démocratie au Moyen-Orient ou dans le monde arabe dans la situation actuelle, s’il n’existe pas de cadre institutionnel permettant de soutenir la transition et si nous continuons à compter sur les relations personnelles. Ce n’est pas dans l’intérêt des pays du Moyen-Orient et ce n’est pas non ce qu’ils souhaitent. Merci.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Merci. C’était une intervention très intéressante. Je me tourne vers la salle. Y a-t-il des questions ?

Un participant - Le thème exact de l’intervention de cette table ronde était : « quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ? » Pensez-vous réellement que l’on puisse avoir une politique européenne sans changer notre mentalité européenne ? Nous l’avons vu exactement dans le cadre de l’intervention des Américains en Irak. Excusez-moi, Madame Spencer, mais les Anglais sont beaucoup plus pro Américains, les Espagnols et les Polonais ont suivi, la France a adopté une autre attitude, l’Allemagne, par son histoire doit être extrêmement prudente et est suivie, dans ce cas, par la Suède et il y a tous les autres nouveaux pays qui pourraient faire quelque chose mais qui n’osent pas. Cela fait donc quatre opinions différentes. Est-ce que vous pensez réellement que nous avons un espoir d’avoir une politique commune, européenne, dans ces pays du Moyen-Orient ? Nous avons actuellement, en Allemagne, un débat au Parlement allemand pour l’envoi de 1 400 soldats supplémentaires en Afghanistan. Chacun d’entre nous n’a pas les mêmes possibilités.

Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House – Je suis comme vous, je suis assez sceptique. Je ne suis pas convaincue mais nous avons quand même la chance d’avoir, tous les quatre ou cinq ans, des changements de leaders et de leaderships en Europe. Et cela peut facilement évoluer. C’est pour cela que j’ai insisté sur

126 une revue stratégique de là où on en est au Moyen-Orient, pour voir à quel prix. En effet, c’est seulement si on suit la logique des incitations. Je suis très pragmatique. Ceci signifie que nous avons basé notre politique récente sur la peur : on a peur de l’autre, on a peur du terrorisme, on a peur des immigrés illégaux. Alors ça ne suffit pas. Il faut changer la logique en disant qu’on a besoin de l’énergie de cette région, on a besoin d’une main-d’œuvre, d’une politique beaucoup plus utile qui est menée dans l’intérêt de tout le monde. Si les circuits d’affaires dans tous nos pays changent un peu le discours… Personnellement, j’ai assisté à une conférence très intéressante sur la politique de l’énergie dans cette région la semaine dernière. Les discours sont complètement différents entre les représentants des sociétés d’énergie comme BP, ENI d’Italie etc. et les spécialistes du terrorisme etc. Nous avons des priorités complètement différentes. Je ne dis pas qu’il faut donner la priorité aux milieux d’affaires mais en même temps, on a vraiment des intérêts stratégiques dans tout ce qui est lié au changement de climat, à l’énergie solaire etc. La question est de calibrer les intérêts et d’aller au-delà des idées reçues sur ces problèmes-là.

La région a tellement changé et en Europe, nous n’en sommes pas conscients. Nous pensons qu’il suffit de s’appuyer sur d’anciens amis pour tout changer. Or ça ne change rien.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Monsieur Giuliani, comment répondez-vous à cette question ?

Jean-Dominique GIULIANI, Président de la Fondation Robert Schuman – C’est pour ça que je me suis permis de répondre à la question de manière préventive au niveau des principes. Je crois que les pays membres de l’Union européenne ont des intérêts communs évidents dans la région mais que les personnes aux affaires, contraintes, forcées par la politique intérieure, des intérêts économiques, immédiats, n’ont pas le courage de franchir le saut entre les intérêts de court terme et les intérêts de long terme. C’est d’ailleurs toute l’histoire de l’Europe de quelque bord qu’on la prenne, l’Europe a progressé parce que, de temps en temps, il y a eu des hommes qui ont enclenché des mécanismes qui ont produit des effets, contre des oppositions farouches des diplomaties nationales, des intérêts nationaux immédiats – l’intérêt des sidérurgistes en 1950 jusqu’à aujourd'hui à certains de nos intérêts industriels. Il faut avoir la rencontre entre des circonstances et des besoins et des hommes ou des femmes de très haute volée, capables de tirer les autres en avant. Je le dis comme je le pense, je crois que c’est tout le problème de l’Union européenne. C’est pour ça que nous sommes plutôt en période de « basses eaux » européennes. Nous gérons l’Europe comme si c’était une action diplomatique, avec tout le respect que j’ai pour les diplomates, alors que cela reste une construction politique, et de la politique au plus haut niveau et au sens le plus élevé. Toute l’histoire de l’Europe – mais le Président François-Poncet est plus compétent que moi pour le dire – s’inscrit comme ça entre la rencontre entre les hommes et les circonstances, y compris le Général De Gaulle qui n’était pas favorable au départ à la méthode communautaire, qui l’a fait changer de direction et puis qui, finalement, l’a intégrée. J’ai lu récemment qu’il se réjouissait du

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Marché commun, après avoir repris les affaires, parce que cela apprendrait le libéralisme aux patrons français. Ce n’est pas du tout ce qu’on lit dans la presse, ni ce qu’on entend. On entend la voix des responsables politiques. Je pense que, pour une politique étrangère commune, c’est ça, malheureusement, les premiers signes donnés après l’adoption du Traité de Lisbonne ne sont pas les bons, non pas parce que les personnes ne me conviennent pas – je ne me permettrais pas de le dire certainement publiquement, même si parfois, je peux penser et avoir mon avis personnel – mais parce que la motivation des décideurs qui les ont désignés, c’est qu’ils veulent continuer à garder les manettes et que chacun joue son rôle dans son coin. Et ça, je crois que c’est critiquable.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Ne croyez-vous pas que Monsieur Van Rompuy sera capable de changer tout cela et de façonner, avec le fouet, une politique européenne unie ?

Jean-Dominique GIULIANI, Président de la Fondation Robert Schuman – Il faut lui faire crédit. Il peut très bien se révéler. C’est une tâche éminemment difficile. En revanche, sur Madame Ashton, je serais plus catégorique et négatif.

Georges SACIN, journaliste libanais – J’ai une question bien précise qui concerne la politique européenne vis-à-vis de la région mais pas d’un point de vue théorique. Il y a quelques semaines, les Consuls européens à Jérusalem ont écrit un rapport remarquable, qui est désormais dans le tiroir. Que suggérez-vous pour activer ces propositions des Consuls européens, pour qu’elles soient réalisées sur le terrain ? Ils ont suggéré douze idées, douze propositions qui sont facilement réalisables lorsqu’il y a une volonté politique derrière. Que suggérez- vous, Messieurs, Mesdames ?

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Je vous signale que le destin normal de ce genre de document est précisément de terminer dans un tiroir. Toute personne qui pense autrement est un optimiste invétéré !

Dr Muriel ASSEBURG, Responsable du Département de recherche « Moyen-Orient et Afrique » à l’Institut allemand pour les Affaires internationales et de sécurité (SWP) – Le rapport dont vous parlez fait le bilan des activités de colonisation à Jérusalem-Est, de destructions de maisons dans la partie Est de la ville et de l’absence de progrès des institutions palestiniennes. En fait, ce rapport fait des positions européennes et des politiques internationales la feuille de route. D’une certaine manière, il s’agit d’un retour à la première phase de la feuille de route. Donc, si on veut des institutions palestiniennes à Jérusalem-Est et si on considère que Jérusalem-Est devrait être la capitale de l’Etat palestinien, comme c’était le cas dans les conclusions du Conseil de décembre 2009,alors il faut agir en conséquence et avoir une politique active, ce qui implique de rencontrer, autant que possible, les officiels palestiniens à Jérusalem-Est. Ce serait logique d’insister pour que l’on puisse rencontrer les Palestiniens à Jérusalem-Est. Cela aurait une force de symbole importante.

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De la même manière, il faudrait être beaucoup plus cohérent sur la question des implantations. On en a discuté hier un peu plus longuement pour voir comment on pourrait gérer ce dossier-là. Jusqu’ici, la question des implantations a été considérée en Europe comme un problème administratif alors qu’il s’agit d’un problème éminemment politique et c’est en tant que tel qu’il faut le gérer. Pour autant, je dirais que la priorité doit être de faire la paix, et, en revenant à la paix, d’insister sur les termes de référence, à savoir les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur cette question.

Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House – Je pense qu’une façon de discuter ce document peut consister à demander aux sénateurs, aux parlementaires, dont le Parlement européen – à Bruxelles, Strasbourg, mais aussi à l’échelle européenne - de poser les questions là-dessus, d’entamer une discussion sur ce sujet. Chez nous, nous avons le système de Prime minister question time. A mon niveau, je vais essayer de téléphoner au bureau de mon député pour demander qu’il pose une question : where is this report ? Où en est ce rapport ? Et entamer un débat là-dessus parce que c’est urgent. Tous ceux qui sont allés à Jérusalem récemment voient comme les tensions montent. Ce n’est pas une histoire que l’on peut laisser de côté pour six mois, un an. C’est très explosif. Ce sont deux mythes de l’histoire qui se confrontent. C’est ça : the front line du conflit se trouve en plein centre de la vieille ville, dans les lieux religieux de la vieille ville de Jérusalem. C’est très sérieux et c’est pour ça qu’il faut pousser la classe politique – et je suis tout à fait d’accord avec Muriel, c’est une question politique, ce n’est pas une question de bureaucratie, de gestion de colonies individuelles. C’est dangereux pour Israël, aussi bien pour les Palestiniens que pour nous.

La dernière fois, je suis allée à Tel-Aviv. A Tel-Aviv, ils ne veulent strictement rien savoir de ce qui se passe à Jérusalem. Ils en ont marre. J’ai presque l’impression qu’ils sont deux sociétés complètement différentes. Ce qui se passe à Tel-Aviv n’a rien à voir avec ce qui se passe à Jérusalem. C’est important parce que quand on parle d’Israël de qui parle-t-on ? C’est une société très divisée.

Général Christian QUESNOT – Ma question s’adressera à Madame Spencer. Elle concerne justement Israël. J’ai assisté à la dernière guerre avec le Hezbollah – ça, c’est un épiphénomène, cela ne me semblait pas important – mais ce qui m’a beaucoup frappé, à l’époque, c’est la débandade israélienne d’Haïfa où toutes les autorités politiques, militaires, civiles se sont repliées, on aurait dit la retraite de 39-45. Il m’a semblé que la nature profonde de l’Etat israélien changeait. Les dernières immigrations russes changent complètement la nature de l’Etat israélien. C’était quand même l’époque où les fils du premier Ministre avaient échappé au service militaire. Vous parlez de Tel-Aviv et vous parlez de Jérusalem. Tel-Aviv, c’est l’hédonisme, c’est chacun pour soi. Il m’a semblé que le fighting spirit qui était derrière l’Etat israélien était devenu déliquescent. Or – je vais peut-être choquer quelqu’un – mais les Israéliens qui n’avaient jamais voulu faire la paix avec les Arabes, parce que, depuis le temps, ça se saurait, ils avaient comme politique de taper tous les quatre, cinq ans sur les Arabes et cela allait continuer dans le temps. C’était des bons tacticiens, c’était des mauvais stratèges. Mais maintenant, compte tenu de ces évolutions, comment

129 pensez-vous que peut évoluer l’état d’esprit des responsables politiques israéliens, quels qu’ils soient ?

Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House – C’est une question très compliquée. J’insiste sur le fait que je ne suis pas là pour critiquer Israël en tant que tel quel. Je constate les divisions internes et de là, je déduis que le rôle européen doit se responsabiliser un peu plus pour expliquer et aider les Israéliens de bonne volonté, ceux qui cherchent la paix – et ils sont toujours majoritaires selon tous les sondages. Il y en a certains qui préfèrent un Etat qui soit complètement israélien, Juif, de la Cisjordanie jusqu’à la mer. Il faut expliquer que ce n’est pas réaliste. Mais je crois que c’est l’engagement avec la société israélienne. Au lieu d’imposer des pré-conditions, d’imposer des limites, parce que ça n’a jamais marché avec les Israéliens. Il faut leur parler dans les termes de leur intérêt à long terme. Ces intérêts, c’est le débat. « Nous, nous sommes là dans l’esprit de servir vos intérêts en tant qu’Etat sur le long terme. » Mais si on critique toujours ceux qui font etc. Je ne suis pas israélienne, mais je suis très contente de voir que ce sont des Israéliens qui sont arrivés les premiers à Haïti. Ils ont fait un travail fabuleux. Ils savaient s’organiser, ils étaient sur place très vite. Il faut encourager cela, car cela montre le côté humanitaire des Israéliens que, malheureusement, et je crois que cela vient de la situation, que nous, en tant que Britanniques… parce que ma mère a passé son enfance en Inde, et j’ai beaucoup discuté avec elle : que faisiez-vous en Inde à l’époque coloniale ? Elle m’a dit en anglais : « it wasn’t all bad » tout n’était pas mauvais, et on est partis en 1947, on a bien compris la situation avec Gandhi. Elle était jeune à l’époque et c’est son père qui a décidé. De même, c’était un peu plus difficile, mais côté France – Algérie, finalement, on est partis, on a compris. Alors, c’est dans cet esprit-là qu’on doit parler aux Israéliens de l’évolution historique de l’Etat israélien. C’est un Etat très jeune. Alors, je ne suis pas prête à critiquer les dimensions internes que l’immigration accélérerait etc. Cela a changé, c’est vrai, cela a changé la nature d’Israël, mais c’est là qu’il faut s’engager. Ceci n’est pas réservé seulement aux leaders politiques.

Je constate que tous les leaders politiques israéliens ont continué la politique de l’occupation et de la colonisation de la Cisjordanie. Les politiques ne changeront pas cela. C’est la société israélienne qui dira que ceci n’est pas dans son intérêt. C’est la société civile, avec laquelle il faut s’engager.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Vous m’avez fait plaisir en comparant la politique anglaise en Inde à la politique française en Algérie.

Dr Claire SPENCER, Responsable du Département « Afrique du Nord et Moyen-Orient », Chatham House – Seulement la politique de principe. C’était la même.

Philippe MIGNAVAL – L’Europe est un géant économique et un nain politique. Elle n’existe pas. Monsieur Giuliani a emprunté les mots très exacts et très probants pour dire que c’était une question de volonté et de courage. Le mot

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« courage », vous l’avez utilisé à plusieurs reprises. Je crois qu’il est très intéressant et très important. Mais en fait, nous avons bien voulu cette situation, puisque nous avons transformé l’Europe en une vaste zone de libre-échange élargie. La question est la suivante : pouvons-nous, dans une Europe à 27, qui fonctionne sur la base du consensus, c'est-à-dire dans laquelle les décisions politiques sont automatiquement bloquées, avoir une réelle possibilité d’avancer ? Est-ce réaliste ? Est-ce courageux ? Ou existe-t-il des solutions alternatives et, en particulier, ne pourrait-on envisager d’avancer avec un groupe plus restreint de pays, sur des objectifs véritablement politiques pour avoir une Europe puissante ?

Jean-Dominique GIULIANI, Président de la Fondation Robert Schuman – « Quand je m’examine, je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure », disait Platon. Je crois que j’ai été sans concession ; il ne faut pas être trop sévère : l’Union européenne n’est pas un nain politique. Elle n’a pas le poids politique de son économie. Cela, c’est vrai. Mais, il y a 70 000 soldats européens sur des terrains d’opérations extérieures aujourd'hui, donc deuxième force dans le monde après les Etats-Unis. Ce que nous avons réalisé avec les désormais 501 millions d'habitants européens, c’est le premier marché du monde ; il fallait passer par là parce que si on avait posé, d’emblée, après la seconde guerre mondiale, la question des souverainetés, on a vu combien c’était difficile, controversé, la réponse était non. Mais il faudrait peut-être demander au Président François-Poncet qui est plus au fait que moi de la manière dont cela s’est produit. Le résultat obtenu en cinquante ans est inespéré : il était inespéré de rompre avec 600 ans de conflits –une période de 600 ans pendant lesquels la France a été en conflit au moins une fois tous les trente ans avec un de ses voisins ou une puissance européenne. C’est fini pour très, très longtemps et pratiquement pour toujours. C’est quand même une réussite unique dans l’histoire de l’humanité et une réussite économique. Quand on voit les photos de l’après-guerre et quand on regarde les statistiques, jamais on n’aurait pu imaginer que l’Europe se rétablisse. Evidemment, je partage totalement votre impatience, mais il faut être conscient que nous avons deux mille ans d’histoire sous les pieds, avec des histoires et des identités, des mémoires collectives qui ne sont pas toujours l’histoire mais qui sont l’interprétation collective de l’histoire et des mémoires individuelles qui sont encore marquées par les conflits – il y a encore des survivants des grands conflits européens.

Cette impatience, je la partage avec la Fondation Schuman comme un moteur de l’idéal européen. Je disais que nous sommes plutôt dans une période de « basses eaux » parce que l’Europe a grandi, l’Europe est en crise, il y a une crise économique mondiale et il y a peut-être un manque de grands leaders passionnés par la chose européenne. Mais c’était un rêve et c’est devenu une réalité, c’est une réalité. Et dans le monde aujourd'hui, il n’y a pas un conflit, une catastrophe naturelle, sans que l’Europe soit sollicitée, que ce soit en Indonésie, en Afrique, en Amérique du Sud, à Haïti, nous sommes désormais partie prenante, pas comme nous sommes habitués à l’être, nous, Français, Britanniques, c'est-à-dire avec une vision mondiale, parfois un peu nostalgique de notre empire mais en tout cas la deuxième diplomatie du monde en ce qui concerne la France, donc efficace. Donc, l’Europe ne ressemble pas à ce à quoi

131 nous sommes habitués. Il faut tout mettre en œuvre pour le devenir. Ce qui est sûr, c’est que les institutions de Lisbonne – et pas seulement de Lisbonne – permettent, de plus en plus, de décider, non pas à l’unanimité, mais avec des procédures de majorité. Et la démarche reste la même depuis 1950 : c’est en partageant nos intérêts, comme il faut le faire sur le terrain pour résoudre les problèmes, que nous convaincrons, que nous arriverons à avoir, non pas un consensus, mais un accord, pour que certains aillent plus vite que d’autres. Faut- il des groupes pionniers ? Oui, personnellement, je le dis, sur des sujets aussi stratégiques et globaux que le nucléaire ou le Moyen-Orient, je pense que les pays qui ont une diplomatie mondiale au sein de l’Union ont une responsabilité particulière et qu’ils peuvent à trois ou quatre, faire un certain nombre de choses, ce qu’ils font. Il faut toujours laisser la porte ouverte aux autres Etats membres, y compris les plus petits, qui veulent se joindre à une initiative. Mais il est clair que pour parler de nucléaire au Conseil de Sécurité ou avec l’Iran, on ne peut pas le faire à 27.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – Quand vous regardez l’histoire de l’intégration européenne depuis le 9 mai 1950, vous identifiez des plages de temps où l’Europe n’a pas progressé. Vous n’en n’identifiez pas où elle a reculé. Pourquoi ? Parce que l’intégration européenne n’a jamais reculé. Elle a stagné ou progressé, souvent timidement, trop timidement et les Européens, tels que moi ou Monsieur Giuliani, nous déplorons le rythme bien trop lent à notre gré. Le Traité de Lisbonne est un grand pas en avant. Quels en seront les résultats ? Nous n’en savons rien. Une politique étrangère européenne finira-t-elle par émerger ? Les Etats n’ont pas renoncé à leurs droits souverains en matière de politique étrangère. On pourrait assister à une cacophonie. Mais enfin, on a quand même beaucoup progressé.

C’est l’heure de la conclusion, du feu d’artifice final ! Avec le docteur Javier Solana, le grand artificier de l’Europe, qui a piloté la politique étrangère européenne avec autant de diplomatie que d’autorité. C’est à lui qu’il revient de mettre le point final à notre colloque dont je me félicite de constater qu’il a été attractif et que tant d’entre vous y ont assisté du début jusqu’à la fin.

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Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ?

Clôture

Javier SOLANA MADAGARIA, Ancien Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et secrétaire général du Conseil de l’Union Européenne (UE) et de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) – Merci Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, Monsieur le Président de la Fondation Schuman et à vous tous pour avoir organisé ce colloque intéressant sur un dossier fondamental pour l’Europe mais surtout pour le Moyen-Orient et les citoyens de cette région assez proche de notre cœur, assez proche de nous.

Permettez-moi tout d’abord de dire deux mots sur l’évolution de l’Europe. Il y a eu des questions sur le rôle de l’Europe, sur l’histoire de l’Europe. Après le Traité de Rome, il y a eu trois phases dans l’histoire de l’Europe, pour simplifier : tout d’abord, la phase de la réconciliation, une phase de volonté politique, une phase qui, je crois, s’est bien déroulée et qui a réussi avec le marché unique. Je crois qu’après, il y a eu une deuxième phase, c’est la phase de stabilisation du continent – nous appellerons cela l’élargissement de l’Union – mais quel que soit son nom, c’est la phase de stabilisation du continent. Nous avons stabilisé le continent en ouvrant la porte à différents pays, comme la Pologne. C’est une phase de nature volontariste et de nature politique. Mais, mes chers amis, aujourd’hui, nous sommes au début de la troisième phase, celle de la nécessité de l’Europe. Nous ne pouvons pas jouer dans un monde dans lequel le pouvoir va beaucoup changer dans notre partie du monde - les puissances émergentes, le G20, tout ceci va changer complètement la situation du monde. Après la crise, pour exister, l’Europe devrait agir ensemble. Je viens de lire un rapport du Royaume-Uni, très significatif : il nous dit que c’est une fantasy de penser qu’un pays d’Europe peut agir seul dans le monde d’aujourd'hui. Et je suis tout à fait d’accord avec ça. Maintenant, nous avons la nécessité d’agir ensemble et de profiter – si je peux dire, du Traité de Lisbonne, pour faire tous les efforts pour bien le faire appliquer et développer, de la manière la plus rapide possible, dans le texte mais aussi l’esprit. Le Traité de Lisbonne a un esprit et j’aimerais également voir l’esprit appliqué, pas uniquement la lettre.

Je me sens libre aujourd'hui, je représente l’Europe, je suis un citoyen qui aime l’Europe, qui vient d’un pays qui a beaucoup souffert, qui a toujours aimé faire partie de l’Europe. Je viens d’une famille de Salvador de Madariaga, dont les membres étaient réellement des Européens responsables pendant des générations. J’aimerais vous dire clairement, à vous, Européens, et à vous,

133 citoyens du monde qui êtes dans la salle, que nous sommes prêts à donner l’impulsion nécessaire pour construire l’Europe, pas seulement économique mais aussi politique.

J’aimerais dire deux mots, premièrement sur le rapport extraordinaire que vous avez présenté. J’ai eu l’occasion de rencontrer deux ou trois fois le Président de la Commission du Moyen-Orient, dans différents pays et je connais le bon travail qui a été réalisé. Je reprends votre dernière conclusion sur le processus de paix israélo-palestinien. Lors de la Conférence de Madrid, j’étais déjà au gouvernement espagnol. Je participais donc déjà à la Conférence de Madrid qui était le premier pas et qui a ouvert la porte à la Conférence d’Oslo. Je viens donc de loin. Je connais les frustrations des Palestiniens, des Israéliens, des habitants de la région, cela fait donc longtemps que je connais le problème, le manque de solution définitive au processus de paix. Pour moi, l’année 2009 a été une grande frustration car elle avait commencé avec l’espoir que la situation dans le monde, notamment les relations que nous avons créées entre les Etats-Unis et l’Europe permettraient de mettre sur pied un processus conduisant à la paix. Vous savez bien que ça a été un échec. Nous sommes aujourd'hui dans la frustration parce que les efforts réalisés par le Président, par le Sénateur Mitchell avec lequel j’avais travaillé sur ce dossier, après la deuxième intifada, il faut le dire, il faut le rappeler, et pour moi, c’est une frustration de n’avoir pas pu faire bouger les choses pendant la première partie de l’année 2009. Rappelez-vous les trois questions qui étaient posées pour la négociation au début de l’année 2009. D’abord, la question de la négociation sur tous les dossiers, sur tous les paramètres, c'est-à-dire la négociation sur les frontières etc., avec une première demande aux Israéliens, de geler les colonies, demande qui a été faite par nous et par les Palestiniens ou par le monde arabe mais qui a non seulement été acceptée par les Etats-Unis, mais défendue au début. Une deuxième demande, aux pays arabes, de flexibiliser l’application de l’initiative des pays arabes – l’initiative des pays arabes est binaire si je peux dire : de la paix, de la reconnaissance, mais de la reconnaissance pour de la paix. Il fallait voir si nous pouvions trouver une manière de flexibiliser ça. Nous voulions faire accepter des deux côtés que chaque pas, d’un côté ou de l’autre, serait suivi d’un pas de l’autre camp. Cela signifiait ne pas attendre la finalisation de la paix totale pour avoir la reconnaissance totale, mais qui pouvait amener des changements entre les Israéliens et les Arabes, pas par pas. Comme vous le savez, ça a été un échec. Le gel des colonies a été un échec et la réponse des pays arabes, probablement consécutivement à cela, a également été un échec.

Je tire la leçon que je viens de tirer avec les administrations des Etats- Unis, à savoir que l’acceptation des positions israéliennes, c’est la position finale des Etats-Unis. Nous avons entendu le Président Obama dire : « Nous n’accepterons pas la continuation des colonies ». Nous avons entendu Madame Clinton dire « Nous n’accepterons jamais la continuation des colonies » puis, finalement : « Nous acceptons la continuation des colonies ». Finalement, ils n’ont pas eu le courage politique de dire – excusez-moi – « non » et de maintenir la position. Je crois qu’il sera tout à fait fondamental de le faire, le plus tôt possible, dans l’intérêt des Israéliens, des Palestiniens et pour la paix.

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Hier, Monsieur Mitchell a présenté des initiatives allant dans le sens de la reprise des contacts bilatéraux entre Israéliens et Palestiniens. Comme vous le savez, les Israéliens sont désormais autant prêts à s’engager que les Palestiniens. Pour les Palestiniens, il est très difficile d’accepter de se réunir alors que les colonies se poursuivent. Il y a une chose que vous n’avez pas mentionnée, à savoir le rapport Goldstone. C’est très important. Parce que, pour les Palestiniens, il a été très difficile de se retrouver seuls, seuls parmi les pays arabes, d’une certaine manière, seuls sans nous. Le pessimisme du Président Abbas est réellement fort. Il sera très difficile des les amener à se réunir à nouveau. Mais il sera peut-être possible de se réunir à un niveau plus bas, à un niveau plus technique, en commençant à organiser des réunions avec les deux parties, moyennant l’engagement du Quartet, c'est-à-dire avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Or nous avons des hommes sur le terrain, ce que les Américains n’ont pas en ce moment : il n’y a pas un seul Américain présent sur le terrain, au-delà des ambassades. Nous avons, en-dehors de nos ambassades, des personnes présentes sur le terrain et je crois que nous devons suivre de très près l’évolution sur le terrain à Rafah, en Cisjordanie. Je pense que ce sera possible. Je parle désormais de façon optimiste. Je crois que ce n’est pas impossible.

Laissez-moi dire ce que je pense honnêtement : je crois que si le premier point de la discussion n’est pas la définition des frontières, nous n’aboutirons pas. La discussion et l’accord sur les frontières, c’est tout à fait fondamental, même si l’Etat palestinien n’occupe pas tous les territoires définis par les frontières le lendemain de leur définition. Mais il est tout à fait fondamental d’arriver à un accord sur la frontière, sachant que la base de la frontière est celle de 1967. Nous ne parlons donc que de changements de territoires de 2,5 ou 6 %. Il n’est donc pas impossible d’aboutir à un accord. C’est difficile, mais ce n’est pas impossible. Or si nous réglons ce problème, nous règlerons la question des colonies. Parce que les maisons seront d’un côté de la ligne ou de l’autre côté de la ligne. Il n’y aura pas de colonies. Le premier objectif est de faire l’effort pour parvenir à un accord sur ce point. Ce n’est pas impossible, il faut en avoir la volonté politique ; il faut que les Européens soient d’accord sur ce point – je crois qu’ils le sont - et maintiennent la position pendant toute la durée de la négociation sans reculer. Cela nous permettait d’avancer encore pendant l’année 2009.

Difficultés, parce qu’après le discours de mercredi sur l’état de la nation, la politique étrangère des Etats-Unis va se réduire, l’énergie va se concentrer sur la politique économique. Mais je crois qu’il existe encore une possibilité de faire cela. Je demande à nous tous, responsables politiques et société civile d’Europe, d’essayer de mobiliser nos esprits et nos décisions politiques autour de cette ligne consistant à avancer sur la définition des frontières finales. Comme je viens de le dire, nous avons de l’expérience dans ce domaine. A la fin de la période de paix entre Israël et l’Egypte, je rappelle que la réoccupation par l’Egypte du Sinaï s’est faite pas-à-pas. Nous pouvons faire de même, à la différence que nous n’avons pas l’Etat. Mais si les frontières sont bien définies, je crois que ce sera un grand pas dans la bonne direction et en termes de crédibilité pour les Palestiniens et pour le monde arabe, si nous agissons sérieusement.

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D’autres choses ont été soulignées. La question du Hamas. Rappelez-vous que pendant toute l’année 2009, trois choses sont à relever. D’abord, Gaza : sur Gaza, rien n’a été fait. Je me rappelle très bien la première conférence internationale, à Sharm-el-Cheik en janvier 2009, en présence de Madame Clinton. Le Président Sarkozy a présidé la réunion et a fait une déclaration très importante que je voudrais souligner encore une fois aujourd'hui. Il a dit : « Nous essaierons encore une fois mais le moment arrivera où s’il n’y a pas de paix agréée par les parties, il faut que la communauté internationale fasse une proposition de paramètres pour trouver la paix. » C’est la première fois qu’une déclaration de cette nature a été faite en public et je crois que nous ne devons pas oublier cela parce qu’il sera probablement nécessaire de la répéter. Mais suite à la conférence de Sharm-el-Cheik, où une grande quantité d’argent a été promise, rien ne s’est passé. Et Gaza est toujours dans la même situation. C’est tragique. Mais en même temps, il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de roquette. Toute la période qui s’étend depuis début 2009 à aujourd'hui n’a pas connu de violence du côté de Gaza. C’est intéressant parce que nous en aurons profité et nous ignorons combien de temps cela durera. Il est important de maintenir cette situation de non violence sur le terrain. La troisième chose importante à mentionner, est le plan Fayyad. C’est vrai que ce dernier ne répond pas à toutes les questions. Mais c’est le premier plan sérieux de construction d’institutions par les Palestiniens seuls, par un groupe de Palestiniens aidés par nous et d’autres pays qui ne font pas partie de l’Union européenne. C’est très intéressant. Je suis un bon ami de Salam Fayyad, je crois que c’est quelqu’un d’extraordinaire qui a fait des choses remarquables et qui, à mon avis, continuera à faire des choses remarquables. Mais, en même temps, la communauté internationale, y compris les pays arabes, ont délégué, d’une certaine manière, à l’Egypte, au Général Souleiman, le soin de mener la négociation intra-palestinienne. Malheureusement, cela s’est traduit par un échec, mais les efforts se poursuivent. La situation a donc été objectivement très positive mais, malheureusement, aucune solution n’a été trouvée. Je vous dirais que je crois que la question du Hamas, que vous avez soulevée, est très importante : il ne pourra pas y avoir de paix tant que la question du Hamas n’aura pas été réglée. Mais la question est : comment et quand régler la question du Hamas ? Je ne crois pas qu’il sera possible d’organiser une négociation de paix avec le Hamas. Jamais Israël ne le fera. Donc je crois que nous devons mener la négociation avec l’Autorité palestinienne d’aujourd'hui, essayer de faire la paix, de gagner du temps et ensuite, de régler la question intra-palestinienne. Je ne crois pas qu’il s’agisse de processus commutatifs. La possibilité de le faire dans l’autre sens sera très réduite, d’une part parce qu’Israël ne le fera pas et d’autre part, parce que le Hamas ne veut pas le faire non plus. Ils ne veulent pas d’un accord final. Ils veulent un accord non définitif et ouvert. Je crois qu’il est important d’avoir cela en tête. Avec le Hamas, on parle, mais la reconnaissance du Hamas représente un prix très important à payer. Je crois qu’on le fera le moment venu. J’espère que mon successeur le fera, que vous le ferez, mais le moment venu. Je crois qu’il s’agit d’une décision très importante qu’il faut prendre au moment approprié.

Sur l’Iran. Vous savez que j’étais responsable de la négociation, non seulement au nom de l’Europe, mais pour représenter les Etats-Unis, la Chine et

136 la Russie. C’est incroyable de penser qu’un Européen pouvant représenter tous les membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Union européenne. Malheureusement, encore une fois, il n’y a pas eu de progrès. D’abord, parce que les Américains étaient toujours en-dehors. Ils se sont joints à nous lors de la dernière réunion à Genève, en octobre 2009, avec trois dossiers très importants : premièrement les dossiers nucléaires (Freeze for freeze : geler pour geler ; geler les sanctions et geler le nombre de centrifugeuses) ; deuxièmement, la présence immédiate de Mohamed El-Baradeï pour analyser réellement l’installation découverte en septembre ; troisièmement, très important : le petit réacteur de Téhéran. Plusieurs d’entre vous connaissent très bien le dossier du petit réacteur parce que la France était très engagée dans ce dossier. Nous avons accordé les trois points lors de la réunion de Genève en octobre ; deux jours de référendum et, comme vous le savez, le référendum à Téhéran a été négatif. L’accord qui avait été conclu a été détruit pour des raisons de politique intérieure après les élections.

Nous nous trouvons donc dans cette situation où le mécanisme des prises de décisions à Téhéran est maintenant plus difficile qu’hier. Je crois qu’il faut sérieusement nous interroger sur ce que nous allons faire en 2010. Je ne crois pas que nous pouvons continuer à ne rien faire avec Téhéran. Ce sera très difficile mais je crois que nous devons faire quelque chose et opter pour la voie de la double piste s’il n’y a pas de négociation. New York continue à être le lieu où il faut travailler. Et comment maintenir la Chine ? Comment maintenir la Russie ? Ce sera difficile. Mais il faut faire tous les efforts pour les maintenir. Nous, Européens, devons faire un effort pour arriver à une position européenne commune. Vous savez qu’il n’est pas facile de choisir les types de sanctions. Certains pays pensent clairement que quelques sanctions sur le commerce, notamment sur les exportations, permettraient à la Chine de récupérer les marchés. Téhéran continuerait ainsi à avoir les moyens pour mobiliser l’économie. Donc il faudra une discussion sérieuse sur ce sujet et je crois que 2010 sera le bon moment pour faire cela.

Il y aurait beaucoup à dire sur la Turquie, sur la Syrie, sur la négociation entre Israël et la Syrie, sur le rôle de la Turquie etc. Je crois que, sur ces dossiers- là, des petits pas ont été faits dans la bonne direction : la situation au Liban, le gouvernement sur place au Liban etc. Mais la question fondamentale, à mon avis, c’est le processus israélo-palestinien. Je crois que la seule manière de faire avancer les choses serait que la communauté internationale décide de faire tous les efforts pour définir les frontières de l’Etat palestinien. Ensuite, il faudra négocier comment les appliquer, voir comment le gouvernement palestinien prend la responsabilité de tous les territoires, ce qui devra être défini de manière très claire. Quelles sont les frontières définitives de l’Etat ? Si nous ne définissons pas cela, il sera très difficile de parvenir à un accord et d’être soutenus par le monde arabe.

Merci beaucoup pour m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer. Je conclus en disant que je suis frustré – comme plusieurs d’entre vous probablement - mais très optimiste sur l’avenir de l’Europe. En effet, comme je l’ai dit au début, ce n’est désormais pas seulement une question de

137 sentimentalisme, c’est une question de nécessité. Je crois que les leaders de l’Europe auront les idées claires pour faire avancer l’Europe. Je crois qu’en répondant à une question, le Président a dit que, quand nous serons dans des réunions de nature internationale avec huit ou dix représentants de l’Europe, ce sera soit la cacophonie, soit la répétition. S’il y a répétition, les autres se demanderont à quoi sert de répéter la même chose. S’il y a la cacophonie, c’est une tragédie. Il faut donc avoir une seule voix, sans cacophonie, ni répétition. Et s’il faut répéter quelque chose, il s’agira de répéter notre politique tous les jours et de ne pas la changer. Merci beaucoup.

Jean FRANCOIS-PONCET, Sénateur et co-auteur du rapport sur l’évaluation de la situation au Moyen-Orient – L’intervention de Monsieur Solana met un terme à notre colloque. Je voudrais le remercier encore une fois d’avoir bien voulu nous rendre visite. Il n’y aura pas de question. Monsieur Solana a parlé ex-cathedra et donc, il n’est pas possible de le questionner et personne n’aura le cœur de répondre à sa place. Que les questions restent en instance pour un prochain colloque ! Je vous souhaite une bonne soirée et une fructueuse méditation sur ce qui a été dit. Vous y trouverez, j’en suis persuadé, matière à réflexion.

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Going Nuclear in the Middle East

In search of an European Middle East policy

THURSDAY 28th JANUARY Opening Session ...... 3 Gérard LARCHER, President of the French Senate ...... 3 Josselin de ROHAN, Chairman of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee of the French Senate...... 6 Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East ...... 8

General overview Nuclear Islam in the Middle East ...... 12 Robert MALLEY, Director of Middle East and North Africa Program at the International Crisis Group (Washington DC, USA) and Former Special Assistant to President Clinton for Arab-Israeli Affairs ...... 12

How likely is a successful dialogue with Iran? Panel...... 23 Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - ...... 23 Ladan BOROUMAND - Research Director, Abdorrahman Boroumand Foundation for the Human Rights and Democracy in Iran...... 24 Anthony H. CORDESMAN, Arleigh A. Burke Chair in Strategy, Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC...... 27 Mustafa ALANI, Senior Advisor Director, Gulf Research Center, Dubai – Good afternoon, Ladies and Gentlemen...... 32 Bernard HOURCADE, Senior Research Fellow at CNRS (Paris)...... 36

What Future for the Palestinian People? Panel ...... 44 Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East...... 44 Muzna SHIHABI - Member of the Palestinian Negotiation Team, Representing Saeb Erekat, Chief Palestinian Negotiator ...... 45 Mike SINGH, Ira Weiner Fellow, The Washington Institute for Near East Policy – ...... 50 Henry SIEGMAN, Director of the U.S./Middle East Project and Former Senior Fellow at the Council on Foreign Relations...... 55 Yves AUBIN de la MESSUZIÈRE, Former Director, North Africa/Middle East at the French Foreign Office, Former French Ambassador, President of La Mission laïque française (the French Lay Mission) ...... 57

Friday 29 January 2010 A Renaissance for ? Panel ...... 63 Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – ...... 63 Boris BOILLON, French Ambassador to Iraq ...... 63 Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq ...... 70 Masroor BARZANI, Head of the Kurdistan Democratic Party's (KDP) security and intelligence agencies ...... 73

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The Latest on Al Qaeda? Panel...... 83 Monique CERISIER-ben GUIGA, Senator, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East...... 83 Alain CHOUET, Former Chief of the Security Intelligence Service, French Foreign Intelligence Service...... 83 Jean-Pierre FILIU, Professor, Middle East Chair at Sciences Po Paris, Visiting Professor at Georgetown University ...... 88 François HEISBOURG - Special Advisor at the Fondation pour la Recherche Stratégique in Paris...... 93

In search of a European Union Policy for the Middle East Panel ...... 102 Jean François-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East...... 102 Jean-Dominique GIULIANI, Chairman of the Robert Schuman Foundation...... 102 Dr Muriel ASSEBURG, Head of the Middle East and Africa Research Division at the German Institute for International and Security Affairs ...... 107 Dr Claire SPENCER, Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House... 110

In search of a European policy for the Middle-East Closing ...... 123 Javier SOLANA, Former High Representative for the Common Foreign and Security Policy, Secretary-General of the Council of the European Union...... 123 Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East ...... 127

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THURSDAY 28th JANUARY

Opening Session

Gérard LARCHER, President of the French Senate – Mr Chairman of the Foreign Affairs and Defence and Armed Forces Committee, dear Josselin de Rohan, Mr President of the Robert Schuman Foundation, dear Jean-Dominique Giuliani, ladies and gentlemen Ministers, ladies and gentlemen Ambassadors, dear colleagues Senators, Ladies and Gentleman,

I am delighted to be here this afternoon to open these two days of discussion where we will be looking at the Middle East here in the French Senate.

The Middle East today is quite clearly one of the global hotspots of the world. It is also a big challenge for the international community. I am delighted that the Senate has led a major initiative in this sense over the last few months, initiated by Mr de Rohan.

I would also like to congratulate those who are behind this seminar: our Foreign Affairs and Defence Committee and the Robert Schuman Foundation.

I would also like to express my undivided admiration for our two colleagues who have produced the Committee’s report that is the origin of this meeting: Mr Jean François-Poncet and Mrs Monique Cerisier-ben Guiga. They spent a year working on this, which involved visiting 17 countries. Often very tiring and difficult trips were made. They went to Gaza in January 2009, 10 days after the end of Israel’s Operation “Cast Lead”. They also went to Baghdad.

The result of those visits and studies produced an outstanding report last September. I would like to pay a special tribute to the authors because they reflect the quality of the Senate reports and the work done by your Committee, Mr Chairman. Just like the parable of the talents, I am sure we will be able to multiply that input during these two days.

I would also like to congratulate a Senate professional staffer who assisted the two Senators along their mission : Mr Frederic Mauro.

I smiled when I read the first sentence of your report, which was « If you have understood something about the Middle East, it is probably because you have had the wrong explanations. »

You refuse the excuse of the complexity of the Middle East situation – on which there is no doubt – which leads some people to stage unnecessarily

4 complex explanations, due to nuances and false subtleties. Yours is not such a case. Your report is clear and precise about many aspects of the political situation. It puts everything in perspective, explains the links and connections, and explains, in simple terms, things that are fundamentally complex.

Complexity does not hide the major issues, though.

Finally, you have looked at the links between this region and the Western world – Europe and France, in particular. This is a very sensitive issue of vital importance for us.

The two authors of the report had intimate knowledge of the region, where they knew many political actors. They looked in-depth at the underlying facts and did not hesitate to challenge some accepted beliefs. Their assignment was carried out with full intellectual freedom and vision. I am sure that you will listen to their conclusions with great interest and attention.

The round tables today and tomorrow will give us input from a wide range of different specialists. They are dedicated experts on these sensitive subjects that are of vital importance to our common future; I am not thinking only of the terrorist threat but also of the necessary balance between different parts of the world.

I am not going to anticipate the subject of those debates because you are all specialists in that area, but I just want to share the reason why I pay so much attention to this topic and why I think it is very much at the heart of the Senate’s role to organise this kind of conference.

What is a Parliamentary Committee report? It is a decision-making tool, not a substitute to it. In our country, it is the role of the Executive, under the authority of the President, to shape and conduct the foreign policy. As a long- standing Gaullist, I am very much attached to the role of the State and I respect the balance of powers between the Executive and the Legislative.

As President of the Senate, I pay attention to the fact that the three missions of our Assembly are thoroughly fulfilled: legislation, control and prospective. This report is at the core of two of them: law enacting and control of the government.

The Senate is there to lay down the path of the future, whether it be in domestic or international affairs.

Mr Chairman, your Committee has spent a lot of time and work on the Middle East. The Senate is a major contributor to the definition of our foreign policy and provides a useful parliamentary viewpoint. The public debates organised by the Senate two weeks ago showed this quite clearly. So does today’s meeting.

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The Senate is open to partners’ points of view. We will pursue this dialogue next month with the Ambassadors from the member states of the Arab League, whom we will host at the Senate’s Presidency with my fellow Senators, as well as Chairmen of parliamentary groups of friendship.

It is due to René Monory, former President of the Senate, that we have this Senate’s open-mindedness on the world, on international affairs. The Senate listens to the world and contributes to looking for solutions. Therefore, I believe that our assembly fulfils its institutional mission.

I must tell you that I have not just an interest in this region, but almost a passion. This part of the world has been the cradle of so many great civilisations and religions. We are all aware of the political challenges embedded in the Middle East, which to a certain extent determines the stability of the world.

The challenges are great and the stakes are high for all of us.

I decided to focus a substantial part of my international work in this area, and to concentrate there our cooperation, in addition to the strong, decentralized cooperation of many other institutional bodies. My first official trip, last January, during the Gaza crisis, was to Egypt. Two weeks from now, I will undertake an official visit to Lebanon.

Over the past 12 months, I have met a number of politicians from the region: the President of the Knesset, the Vice-Prime Minister of Israel, the President and the Prime Minister of Lebanon last week, and the Iraqi President, the President of the Iraqi Parliament, the Emir of Qatar and the Syrian President a few weeks ago. I also had the pleasure of meeting President Gül of Turkey, whose country is diplomatically active in the Middle East. In fact, I have also visited Ankara and Istanbul because it seemed important to me, following the work of Josselin de Rohan, that we establish with this country an open and dignified dialogue.

With all these different interlocutors, I covered the ground that you will be talking about – the situation in Iran and the Iranian nuclear programme, and the Israeli-Palestinian peace process, which is such a long, slow process. There is also the situation in Iraq and its renaissance after a nightmarish decade. Then we went to Afghanistan. I met the President of the Pakistani Parliament less than a month ago because I think that international stability is very much at stake in this country. We talked about the social evolution; the large youth in these countries, and their problems and frustrations. We also talked about the dialogue between civilisations and about cohabitation between different religions. We talked also about a secular society. I remember two meetings with people who were not politicians: Mr Bartholomew I, Archbishop of Constantinople, and Sheikh Tantawy, of Al-Azhar University, whom I met in Istanbul and Cairo, respectively, and I remember their calls for understanding and tolerance. I have a specific recollection of each one of those meetings. I saw that there was a desire for dialogue. Our involvement is well known and expected. Parliamentary

6 actions are not a carbon copy of Presidential diplomacy. They are something different.

There are a large number of universal questions raised in the Middle East. These issues can also be raised on our own domestic scenes. I think our own social cohesion depends on them being resolved. We have seen that some of these problems, due to tensions in the Middle East, have spilled over into our own societies. I must say that we cannot speak of social cohesion if we do not take a look at this open and global world. In this global world, the worst temptation would be to draw back within ourselves and within our certainties, whereas we should be talking about universal values.

Therefore, I hope, Chairmen, that after you have heard from Mr François- Poncet and Mrs Cerisier-ben Guiga, you will be able to contribute to the progress of these important ideas so that this brazier in the Middle East can transform into flames that carry warmth up to our hearts and let us hope.

Josselin de ROHAN, Chairman of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee of the French Senate – Mr President of the Senate, ladies and gentlemen Ambassadors, dear Colleagues, Ladies and Gentlemen.

It is my honour to chair the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee of the French Senate. In September 2008, two of its members, Jean François-Poncet and Monique Cerisier-ben Guiga, were asked to report on the situation in the Middle East. The two rapporteurs went to all Middle Eastern countries except for Iran, as the authorities did not give them entry visas before the elections of June 2009. Neither were they received by the leaders of Israel because they had met with Hamas political leader Khaled Meshal in Damascus. Nevertheless, they were able to enter Israel and go to Gaza 10 days after the end of Operation Cast Lead. They also spent four days in Iraq and met with high- ranking officials there. The two rapporteurs had over 250 meetings and hearings abroad. They also consulted with most of the Middle East experts in France. They undertook all of the necessary visits in order to fully understand the stages involved in making nuclear weapons. The two rapporteurs also went to Washington and New York, where they met with the main institutional players in the United States. They also met with the so-called “Pro-Israel Lobby.” Finally, they went to Brussels where they met with Mr Javier Solana, the Representative of the EU for the Common Foreign and Security Policy, who will be meeting with us tomorrow.

The rapporteurs submitted their report to the Committee last September. I am pleased to have heard the words of praise voiced by the President of the Senate regarding this report. Of course, the report was adopted by the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee of the Senate.

Its analysis is very topical, and was widely disseminated in both the French and English language versions. It was the basis of public debate held here in the Senate on January 12, 2010.

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Today’s and tomorrow’s discussions are an extension of this overall reflection which will be given an international dimension as we bring in foreign speakers. I thank them for coming, in many cases from very far away – Dubai, Palestine, Washington, Berlin and London – to speak to us here. They are some of the top specialists on matters of this region.

I would like to thank Mr Gérard Larcher, President of the French Senate, for making this event possible, and thank the President of the Robert Schuman Foundation, Mr Giuliani, for his very important contribution.

Before giving the floor to my colleague and friend Jean François-Poncet, who will be giving the thrust of the conclusions, I would quickly like to make three points of personal thought on the subject of a European policy for the Middle East.

Rather, I will make two observations and ask one question.

The first observation is fairly straightforward. The Middle East is very important for Europe. The interests are due to geography, history, economics and also to the fact that the Middle East is important for the security of all Europe. The best way to counter what we often vaguely call “Islamic terrorism” is lasting and fair peace in the Middle East. We must also recognize the presence of large Middle-Eastern communities in our countries. There are between 15 and 20 million Muslims living in Europe. In France, the Muslim community numbers over five million people, the largest such community in Europe. It is also the case with the Jewish community, which is estimated at 500,000 people.

Next, to invert my previous observation, Europe is not that important to the Middle East. When we travel there, we see that they have expectations for Europe, where “soft power,” as opposed to the “hard power” of the United States, is prized. We are reminded of our historical relationship. The people say that they are interested in our businesses, our products and our culture, but we have to realise that as soon as things get complicated, they turn to the United States. It has never been truer than since President Obama’s election. He held out his hand to the Muslim world through his Cairo speech. Yet, Europe was the first to recognize the two-state solution with the Venice Declaration of June 1980. It also played an important role in the Madrid Conference and the Oslo agreements of 1991. However, since then, Europe had stepped back. It did not bring its weight to bear during the Bush years. The Quartet was established, whereby the US coordinates diplomatic efforts and acts as a guarantor of security, while Europe pays the bill. The contribution of European states to compensate for the consequences of the Israeli occupation in the West Bank totalled more than 1 billion euros in 2009. The financial commitment is large in spite of the fact that the EU’s political commitment is marginal.

After these two observations, my question is simple: why ? If Europe is powerless, it is because it is divided. It is unable to speak with one voice on the central issue in the Middle East: the Israeli-Palestinian conflict. To define a

8 policy is not an easy thing to do, but it is possible. It is up to you to say this. The subtitle of this symposium specifically alludes to this by asking, “What European policy for the Middle East?”

I hope you have an interesting debate and thank you for your attention.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Mr President of the Senate, Mr Chairman of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee of the Senate, Mr President of the Robert Schuman Foundation,

I would like to start by expressing thanks quite obviously to the President of the Senate for the exaggeratedly flattering nature of his statement. He should know that Ms Cerisier-ben Guiga and I are highly appreciative of it.

I would like to remind you that this symposium is organised by the Senate with, of course, the close cooperation of the Robert Schuman Foundation. We will hear about European policy from the Foundation’s President a little later on. I would like to thank him and the Robert Schuman Foundation for participating in and co-organising this symposium.

As the Chairman from the Foreign Affairs Committee said, this symposium is, to a certain extent, the culmination of the mission entrusted to us by the Committee. That is to say entrusted to Ms Cerisier-ben Guiga, who knows the subject very well, and myself. We were actually asked to produce a synthesis at the end of the mission. As has been said, this meant that we made half a dozen trips to the Middle East and talked not only to authorities in the different countries, but also to independent interlocutors and to journalists, to the extent that you can find them there – with a bit of effort you can. The result is that the report that we have drafted draws on a number of different sources. It is a report that has tried to be as objective as possible.

Now, as we embark upon this symposium, you have to remember that the Middle East is probably the part of the world to which Europe is closest. It imports a substantial chunk of its energy from there. It also imports terrorists. Obviously, this is not its preferred form of imports. In addition, Europe has with the Middle East a fairly close human link because of the significant Muslim minorities in Europe, especially in France.

That is why events in this region are of enormous interest to us. It is true that what is happening is often more on the negative side but we should not forget about the positive side that does exist and is often underestimated.

Two issues create serious concerns in both Europe and the United States: the Iranian nuclear programme and the Israeli-Palestinian conflict. We will have one roundtable on each of these two subjects.

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Let me briefly say something about each. The uranium nuclear programme, if we have understood correctly through our dialogue with experts capable of assessing it – the French Atomic Energy Commission, for example – should make it possible for Tehran to have a low-level, modest, but operational nuclear weapon around 2015. The fact that Iran will acquire a nuclear weapon is not necessarily a threat to Europe in and of itself, but it will have a ripple effect. Saudi Arabia and Egypt will be tempted to follow the Iranian example, either under their own steam or together with the Pakistanis. It is hard to imagine that Pakistan would be able to resist for long the attraction of the financial incentives that the Saudi regime is able to offer. There are three dangers involved: firstly, the fact that such an unstable region as the Middle East would become nuclear. Secondly, a nuclear Iran – and the accompanying technological expertise – would undoubtedly bolster its influence in the Middle East, thereby increasing the instability of that region. Thirdly, Israel has made it clear that should Iran – whose President seems to be calling for the end of Israel every three months – acquire such an arsenal, it would obviously constitute an existential threat for Israel. At the moment it does not appear that Tel Aviv is thinking of undertaking airborne action against Iranian nuclear plants, but one cannot rule out such an eventuality in the future.

The second problem that has worried us for such a long time is the Israeli-Palestinian conflict. What one can say in a nutshell is that this is a conflict whose resolution has never seemed more remote than today for two reasons. Firstly, despite US pressure, Israel has not agreed to put an end to its settlement programme. All you need to do is take a map and see that their expansion means that the creation of a territorially coherent future Palestinian state becomes extremely difficult. Also, divisions within the Palestinian movement between Hamas, controlling the Gaza Strip, and the Palestinian Authority, controlling the West Bank, mean that to date – and for the moment one cannot see much likely change – it is not possible to appoint a sole negotiator for the whole of the Palestinian people. The future of the Palestinian people is a concern shared by all Arab countries, and for these countries a solution to this problem is the litmus test for Western governments. I can tell you that as I travelled around with Ms Cerisier-ben Guiga, every single country raised this particular issue.

The third country that we will have a roundtable on is Iraq. Iran’s nuclear programme and the Israeli-Palestinian conflict are fortunately not the only issues existing in the Middle East. They are not the only developments one can see in a general survey of that region. Others are more positive. Iraq is a country with as much oil as Iran and only slightly less than Saudi Arabia, and certainly has the potential of being a huge oil-producing country. Unfortunately, because of certain decisions taken by President Bush, it seemed doomed to permanent and bloody insecurity – until 2007. The United States, who are often unfairly criticised, have 150,000 men on the ground and have achieved considerable successes that enable us to believe in Iraq’s future. They have managed to convince many of the Sunni tribes who were behind the insurgency to join with them in exchange for funding and to turn against al-Qaeda, for whom Iraq was becoming a major base of activity, but whose blind attacks on the civilian

10 population had led to their growing unpopularity. Now I think it is fair to say that al-Qaeda for the most part has been thrown-out of Iraq. Unfortunately, they seem to have landed in Yemen. Yemen has never been a very stable state and the result is that it is now facing growing problems. Iraq is, of course, a fundamentally divided country, divided along religious lines with the Shiites in a large majority and the Sunnis in the minority. There are also the Kurds who account for 20 % of the population and who in the north of the country have created an autonomous region with its own independent armed force, the Peshmerga, who I can assure you are very worthy and well-disciplined fighters. The future of Iraq remains unsure. There are regular series of murderous attacks in Baghdad. There are problems that are difficult to resolve, like the future of Kirkuk, which is a large city in the north of the country. It is problematic but the Iraqi Prime Minister Mr Al-Maliki is a strong man who has appealed to the patriotism of all Iraqis and who could well have a positive influence on the future of the country as long as the parliamentary elections scheduled for February or March enable him to maintain or reinforce his position.

Perhaps lastly I will give a couple of words on other countries – Saudi Arabia and Egypt – that have not been given specific roundtables in this symposium.

At the moment, the Saudi monarchy seems fairly well established. A law concerning succession within this enormous family seems, at least for the moment, to have settled the problem of the succession and transition from generation to generation. The 82 year-old King Abdullah prudently but firmly is pushing through reforms that are gradually modernizing the country and transforming a society that has remained very conservative.

As for Egypt, its future really depends on what happens after Mr Mubarak, who is now in his eighties. It is said that he will stay on until the bitter end. The question of his succession is still open. What one can legitimately assume is that the security apparatus, which is very extensive throughout the country, and the army, which is the dominant force there, will organize some kind of ordered transition.

Now I will stop this brief overview there. All I wanted to do was paint the general picture and it is now up to the roundtables to go into the greater details. Thank you for your attention and I will now give the floor to Mr Robert Malley who is the Director of the Middle East and North Africa Program of the International Crisis Group that maintains a presence in all of these countries. One of your delegates in Damascus, Syria, enabled us to meet Mr Khaled Mashal, who is the political leader of Hamas. The result of which was our blacklisting by the Israeli authorities. That is not very important because there are independent think tanks and independent journalists in Israel. There is no problem finding information without having to speak to officials, who in any case can only tell you what they are allowed to tell you.

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Mr Robert Malley will now give us a general rundown on the situation in the Middle East, and then we will move into the first roundtable on the Iranian nuclear programme.

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General overview

Nuclear Islam in the Middle East

Robert MALLEY, Director of Middle East and North Africa Program at the International Crisis Group (Washington DC, USA) and Former Special Assistant to President Clinton for Arab-Israeli Affairs – Thank you very much. It is an honour and pleasure to be invited here to Paris, France.

However, I will surprise you because I am going to begin with some criticism and I will do this in spite of the fact that I am a guest here. It has to do with the French title of my presentation, “Le croissant et la bombe (The Crescent and the Bomb),” and the title of this symposium, “Going Nuclear in the Middle East”. I know people like strong titles that get people interested to come so they try to use things that are provocative. But I wonder about the intellectual reasons for this and even more about the political implications. Nobody would dare talk about a Christian bomb or “the cross and the bomb” or “the Star of David and the bomb”. Of course, there is no Muslim bomb. There is not a Jewish or Christian bomb. Even though the world, and especially the Western world, are particularly interested in Islam. Now I am just making the comment not to be provocative but most importantly I think this example of an innocent title that catches your attention is a good illustration to the points I am making today.

Indeed, all of us here are analysts, politicians, decision-makers or witnesses. We all very much depend on the ways of thinking in our own countries. When we are considering the Middle East as we are doing today and tomorrow, we can prefer either a particular subject matter or a particular vantage point for analyzing or a particular way of interpreting things. These are choices and these choices have consequences.

This is a topic I want to talk about during my overview right now : to take a critical view of the ways in which France, the United States, and the West more generally, look at the Middle East and understand it.

The title of our talk, as I said, is just an example of some of these points. I think it is true today that this example is symptomatic. It is true of my country and I think it is also true of your country; we in the West have our eyes riveted on Iran as previously some had their eyes riveted on Iraq. There has been a sort of shift from one obsession to another. We have to realise that there is no coincidence here. It is precisely because of the tragic war in Iraq that we saw a strengthening of Iran’s position in the region so that today we are worried about Iran.

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The Iraqi obsession therefore has led to the “Irani” obsession. Having one obsession is very risky; we fully understand what the consequences might be. You may then neglect other crises, for instance the Israeli-Arab crisis, or might imagine that all players in the region view the danger in the same way as we do. Another pitfall is that you may take disproportionate measures in terms of the real size of the threat.

Now of course we cannot ignore Iran and we must not underestimate the risks of a nuclear crisis. Senator François-Poncet has just explained this to us very well. We must look at this, but not too much, and we must do it differently. I will come back to this in a moment.

Now, though, I would like to make some more general points. I wanted to say the following: we must not just work with preconceived notions. On the contrary, we have to push them aside. We have to break taboos and, as the report by the Committee has done, we have to really look at reality clearly and ask the difficult questions. We have to confront our certainties and call into question our dogmas, considering the current situation and the overall process underway.

In President Obama’s State of the Union address, he describes the health of the union – whether it is in a good or bad state. We can say that the Middle East is in a bad state. We could describe it as follows, which may be an exaggeration:

- Almost all of the regimes have a serious lack of legitimacy. - Whether talking about the monarch system or even a republican system, succession is more and more like a hereditary type of succession. - Traditional allies of Western policy in the region are struggling, especially Egypt and Jordan. - We see sectarian ruptures taking place in Iraq, Lebanon and Yemen, worsening and spreading throughout the region. - In Yemen, the State is falling apart, and in Iraq it is difficult to get the State back on its feet. - In fighting terrorism, the terrorist ideology seems to be growing rather than weakening. - Militant Islamism is taking root. - We are seeing more and more belief in violence and military action, both in Israel and among Palestinians, as well as among other Arab countries. - We are seeing some disaffection with the West. - There is a loss of influence and deterrent capacity of the United States, especially after the Iraq War and also due to the effects of the Afghanistan War.

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- We are seeing the collapse and the disrepute of the Israeli-Arab peace process. - We are seeing a geographical, political and social scattering of the national Palestinian movement. - We see populations and public opinions in Israel moving to the right. They no longer believe in peace. - There is increased risk of nuclear proliferation and conflicts due to the Iranian nuclear programme. - There are increased threats of deadly, costly and inefficient wars between Israel and Hamas in the Gaza Strip and Israel and Hezbollah in Lebanon.

It is very unfortunate but my list is not an exhaustive one.

We must therefore re-examine some of the pillars of Western policy, which clearly is not reaching the objectives. What do we mean by re-examination ? There are a few ideas here today.

The first example of this is the most fundamental one, having to do with the way we in Europe and the US often view the region. We look at the major fault lines, the cleavages and the definitions of who are enemies and allies are. This type of vision, especially in the US but I also think it is often the case in Europe, works on the basis of the axis metaphor.

On one side, you have the pro-Iranian axis including of course Iran, Syria and their alleged allies or auxiliary, or so called auxiliary Hamas and Hezbollah.

Then on the other side, you have an axis for a “moderate camp” that is pro-Western with Saudi Arabia, Egypt and Jordan. According to this diagnosis, it also includes the Palestinian Authority and the Fatah.

This view of things does contain some truth but due to the fact that it is a static, frozen caricature and out of sync with local perception, we can say it is not really true.

This is a binary view of the region divided between moderates and militants, pragmatics and extremists. It gives rise to many political actions and certainties, i.e. that you have to isolate Hamas and not enter into dialogue. A dialogue would mean lending it legitimacy, betraying Fatah and would be fatal to the peace process. Some people have another idea that Gaza has become the Iranian vanguard and that if the population of this territory managed to live normally, it would dangerously strengthen the Islamic movement that controls it, along with their Iranian ally.

A French high-ranking diplomat who has agreed to speak here, Yves Aubin de la Messuzière, and I were recently criticized for not taking part in a boycott and meeting with Hamas. It is an honour that the Committee has also

15 done the same thing and has begun critical, honest dialogue with no compromise and no complacency with Hamas leaders.

I would say that anyone who criticizes and criticized us has learned nothing of the years of ostracism that were counterproductive with the PLO. You cannot ignore a movement that is rooted in public opinion. By ignoring it, you do not make it disappear.

Another result of this black and white view of the region is the illusory hope that Syria will suddenly change camp or change axis as though today it was fully a member of one side of the axis and, as if in the current circumstances, it would see an advantage in shifting allegiances.

Another possible negative consequence is the idea of a single unified front. It is not true but people hope for this and think that Arab Sunni countries would work with Israel to move together, as if Arab countries do not have to take into account their own public, who see the reality in an entirely different light.

Now there are other risks if you try to define the world in black and white fashion. This binary view tends to backfire; producing unintended effects and strengthening those that the West is trying to weaken. Today, when a young Arab in North Africa or elsewhere in the Middle East is given the choice between dynamic activism and soft non-movement, what is he going to opt for? If you give the choice in Damascus, as it was and still is done today, between discussions with Iran or denial of their alliance and ideas, what is it going to opt for? If you think that Hamas has a choice, they gave up what they believe in and accepted the conditions of the Quartet, that is accepted things done by the adversaries. As a result, they participated in and won the 2006 elections. Alternatively, they can be condemned to isolation. Saying that is guaranteeing that you will get them to make the wrong choice.

In all of these cases, having an inflexible attitude means it is even less likely that there will be change towards greater realism or greater pragmatism with either Arab citizens, Syria, Hamas or Hezbollah – change that they might accept under better conditions.

There are divisions – Sunni/Shia, Persian/Arab. By making use of them, we play the game of extremists from both sides who are manipulating sectarian and ethnic polarisations. We know that the extremists on both sides would win out if we let this happen.

The most striking and tragic example comes from Iraq. The Bush administration had prejudices and ignorance and they projected their own ethno- sectarian view of that country, seeing it as being clearly divided in three: Sunni, Shia and Kurd. They treated it that way and actually awakened and exploited this. They politicized the situation and institutionalized the ethnic and religious rivalries that Iraq is still suffering from today.

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They said that all the Sunnis were Baathists and were, therefore, enemies. That is one of the original sins of the US in its Iraqi endeavours. We see this again with the purges on the electoral lists.

After awakening these sectarian demons in Iraq, we congratulate ourselves for what Iraqi politicians are now saying: that they have a nationalist discourse. It is a welcome discourse but it is a bad substitution for the emergence of real national institutions, an actual political and social contract between the various Iraqi groups, the rule of law, and an actual national reconciliation. Now I would say in Iraq there is still too much sectarianism and ethnic intolerance. People today who claim that they are not acting in a sectarian manner are often intolerant in terms of ethnicity. We see this in many opportunistic and perilous speeches against the Kurds.

Iraq is doing better. We have heard this and it is true, but still it is not doing that well. It must rid itself of three things from the past: Saddam Hussein’s regime, the US occupation, and its accompanying sectarian political model. This last legacy is not necessarily the least of the problems.

A second danger of seeing the region in this black and white fashion that we are trying to contend with is that Europe and the United States, based on this attitude, do not see some of the changes afoot that are not in line with their imposed model. This means they are spectators to the real transformations that are taking place. I just want to give you a few examples. Let us take a look at what has happened in recent months.

Saudi Arabia has got back together with Syria after a long period of being estranged. Together the two countries have agreed to oppose any Iranian interference in Yemen and, more quietly, have found common ground in Iraq.

Contact has also been re-established between Riyadh and Hamas after the failure of the Mecca Agreements. The leader of Hamas has also visited Kuwait, Saudi Arabia and the United Arab Emirates, where there was a reaffirmation of the Arab nature of his Islamic movement.

In Lebanon, the line between the long-standing “March 14” and “March 8” camps is starting to become blurred.

Then, in Iraq, there are the Syrian/Israeli allies who, in addition to the Yemeni disagreements, are now vying for influence by interposed parties. Strangely, this is a little bit like what happened in Lebanon a few years ago with the difference being that in Lebanon, they shared a number of common interests that they do not seem to share in Iraq.

Then Turkey is stepping up its presence in the region. It is mediating left, right and centre with Israel and Syria, while deepening political and economic links with Damascus. It is contacting all stakeholders, whether it is the Palestine Authority, Israel or Hamas, and putting extra effort into Iraq.

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One could almost conclude that the real rivalry in the region is not between those that are pro-Iranian and those that are pro-Western, but more between a vision forged by Iran and another forged by Turkey.

The first is about resisting Western influence and Israel, which is the Iranian view. It is a response to a kind of Third World desire for dignity and self- determination among the Arab and Muslim worlds. It is mainly activist driven.

At the other end, you have the Turkish vision. It is more about diplomacy, refusing, boycotting or non-dialogue. It favours economic integration and regional interdependence.

Neither vision is Arab, but both are pertinent, are well known in the region, are popular among the citizens of the region, and benefit from legitimate support.

Unfortunately, we cannot say the same about the American vision. For the moment it is absent even despite Obama and his administration. It depends too much on a conception according to which these developments (i.e. the bridge- building between Syria and Saudi Arabia, dialogue between Saudi Arabia and Hamas, the multi-party diplomacy in Turkey, the repositioning in Lebanon, and tension between Iran and Syria) do not have any sense, readability and interest.

All of this is ignored or overlooked by Washington because they are trying to isolate Hamas and Hezbollah completely. They are worried about inter- Palestinian reconciliation and they are demanding of Damascus a clear choice. All these nuances and subtleties and all the not fundamental but minor shifts are “off the radar” for Washington. The opportunities that these represent for fostering those modest but important shifts – either by Hamas, Damascus or other actors – are all missed and spoilt.

Now, after a quick look at this first problem of a binary approach to the world, let us move onto another issue: Iran and how one should view Iran. I was saying just now that it is important to think about this, but not too much and, above all, differently.

Obviously, one should think about the issue. Whatever you might think of the Iranian nuclear programme and whether it is legitimate or not, today nobody can underestimate the risks of proliferation or even pre-emptive attacks. Some believe and some fear that Israel might carry out attacks on uranium plants.

We should worry about it too much because I was talking about the dangers of fixations and obsessions. There are downsides to all of those. That is what drove the vain idea of an Arab-Israeli front against the Persians, and the dangerous temptation of inciting tensions between Shiites and Sunnis or Arabs and Persians. Other excesses are due to the obsession on Iran. Iran is suspected of having a hand in everything – Gaza and Yemen. Its nuclear programme would be

18 a threat to the whole world and even war would be justified to hold down this growing power.

You have to think of it differently, and that is what my colleague Frederic Tellier and I have worked towards on Iran in the International Crisis Group. I do not really have a conclusion to give you as to whether Iran will go ahead and construct a bomb or not, but it has done a lot to raise suspicions. However, maybe after giving itself the potential of a nuclear weapon, aware of the dangers that represents to society, it has decided not to go through with it. It is capable of developing a nuclear weapon, but it is aware of the dangers its acquisition would bring. Now I do not know exactly what the consequences are of the tumultuous events since the controversial elections last June in that country, or whether the regime is willing or able to talk to Washington.

I know even less where this will lead, though I think one can be fairly certain that this is an unprecedented breakdown in the history of the Islamic Republic. The legitimacy of the regime and its authority will be affected for a long time.

As to whether the regime will fall, as quite a number of people in my country are saying, I would say that having spent 30 years cut-off from and ignoring Iran, you cannot suddenly overnight become an expert. You certainly cannot base your policy on the abstract possibility of a different regime in Iran when you look at the pressing needs of the present and when there are, in the US at least, fundamental interests at stake in Iraq and Afghanistan, in particular.

However, I am absolutely sure that the policy to date has been totally ineffective. Iran has been called upon to make an impossible sacrifice, giving up its domestic uranium enrichment programme. To do so, an instrument has been used that illustrates our ability to understand the drivers of this regime, which are more punitive than persuasive economic sanctions and given the type of regime will never bring the hopeful concessions. Then there is a waiving of the threat of military attack, which would be as costly for the countries that would lead the attack as for those who would be the target. All of this enables the Iranians to believe and to convince others that the ultimate aim of the West is to bring down and destroy their regime.

It is an elusive objective with ineffective tools and unwise blackmail, and the result is expensive and very disappointing.

We need to think about this differently to do this means coming up with a solution to the problem of the Iranian nuclear programme, other than simply stopping their enrichment programme. It would be a solution that boosts Western confidence about the Iranian objective and reinforces the Iranian right to enrichment. It would also mean that we have to look at to what extent Tehran’s legitimate regional security issue can be addressed. For the United States, it would mean that a dialogue must be entered into, not only about the nuclear question but also on matters of mutual interest, such as Afghanistan, Iraq, drug

19 trafficking, and the ultimate taboo of entering into a discussion – with an open mind – of what the consequences of a nuclear Iran would be.

Now I am not at all sure that any solution can be found in the current state of affairs. We have to be very prudent when looking at what has happened with the enrichment programme, but persisting in an approach that leads only to a dead end and that will not prevent Iran from continuing its nuclear programme, seems to me neither logical nor defensible.

The third and last example that I will end with is the peace process that has been a thorn in our side for so long and with nothing looking like peace in sight. How many taboos have to be broken and preconceived ideas turned down, or at least revised?

Firstly, the idea that bilateral negotiations between Israel and Palestine can lead to a final peace is surely an illusion. The Americans, together with many European countries, have set as an objective the resumption of such talks as if it was the lack of negotiation that has been blighting the process for the past 16 years. It is rather the lack of creativity, courage and imaginations. There has been no lack of negotiations, by any means.

So let us clearly look at reality. The National Palestinian Movement is split between Fatah and Hamas, Gaza and the West Bank. The PLO lacks legitimacy. The Diaspora feels left out more than ever. Palestinians from Jerusalem have been cut off from their brothers and all of this means that there is a serious crisis of Palestinian political representation. Israel has played its part in that, but it is not solely responsible either. We need to seriously and sincerely look at the ability of current political leaders to sign an agreement and have it supported by their people and keep it long-standing in force.

On the Israeli side, it is a different process but conclusions are similar. Whether it is Labour or Likud, left or right, no government has been able to carry out comprehensive negotiations with the Palestinians. None of them managed to survive after making a concession, even a minor one, apart from one exception. No government has done away with any of the settlements in occupied territories, but Ariel Sharon’s government was the exception and they did not do it as part of negotiations but as a unilateral decision.

For most Israeli politicians, it is all about cost-benefit calculations. For those that govern in Jerusalem, whether it is today or in the past, on one side you have the cost of a difficult confrontation with tens of thousands of settlers, and the deep social and political strife it would produce by removing those settlements and by withdrawing from the occupied territories. On the other side, you have the uncertain benefits of an agreement. Obviously, the choice is clear.

Even worse than that, 16 years after the Oslo Accords were signed, virtually no Israeli or Palestinian seriously believes in the process started by those agreements and nobody takes any interest whatsoever. It is not that they

20 have lost the hope that an agreement could be signed, it is that they doubt that even if it was signed, the agreement would meet their most pressing needs or desires.

Palestinians feel that the creation of a state offered by Israel will not give them the dignity, honour, sovereignty or recognition of the historic injustice against the refugees. More than anything else, that is what they want, the state being just an expression of that.

Most Israelis feel that a peace agreement signed with the current Palestinian entity would not give them meaningful security and safety. That is to say, the sincere acceptance by Palestinians, in particular, and Arabs, in general, not simply of the existence of the Jewish state, but of its legitimacy. The other security, that is to say the practical and military security that weapons can provide, is something they already have, at least to the extent that they believe possible. They prefer to rely only on themselves to maintain it. Moral and psychological security, this deeper form of safety, is what they aspire to and is what they fear more and more will not be achieved through an agreement.

Any bilateral agreement would be at the cost of the credibility of Palestinian president, who promised not to start negotiations again without any complete stopping of the settlements. There is also no need to start bilateral negotiations again if the following fundamental issue is not addressed: why should one believe that any such negotiations would reach a successful conclusion and settle the Israeli-Palestinian conflict, given that they have always faltered in the past when the circumstances were better?

There is no point resuming a failed process in the past. It worked neither under Clinton nor Bush, nor under Yasser Arafat and Ehud Barak, nor under Mahmoud Abbas and Ehud Olmert. So we need a new start, even if it takes some time to get there.

Henry Siegman, my colleague from whom you will hear later and whom I think is unrivalled in his temerity, intellectual honesty and creativity, has come up with an alternative and he will give you the details of that. Very briefly, I think we can say it is about imposing peace. Its merit is that it is a break with the past and it does not solely rely on parties that have shown 100 times that they are unable to solve the problem alone. I find it intriguing, but it is also a problem.

I have mentioned this on many occasions because I doubt that the US administration would be able to go so far in imposing a solution and weather the inevitable crisis with Israel.

I do not know if, in this way, one can put an end to this historic conflict. Reducing it or alleviating some of its most harmful aspects, I say yes, but actually ending it forever, I have doubts. It is certainly an avenue to explore.

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But I think what is vital is to find a way of broadening the scope so that whatever the process is, it does not remain solely in the control of a small Israeli or Palestinian group. For the first time, the process has to be credible. How can you achieve a lasting peace if one excludes the most dynamic and mobilised forces? Those forces could either stand in the way or make it legitimate. That is to say, the islamist refugee Diaspora on the Palestinian side, and the Israeli settlers and religion on the other side.

It is about the method. Who will talk and speak on behalf of the Israelis and Palestinians? It is also about content. Here, too, we need new ideas to make sure that the final agreements, even if they were like the Taba or Geneva or Clinton ideas, can be enhanced and include factors that emanate from those who have been left out of the peace process.

I will just end with a word on my home country and one word on my host country.

I said of Barack Obama that his was a revolutionary candidacy, but that his presidency would not be revolutionary. This was not a criticism but an observation. I think we can see this as far as the Middle East is concerned. Obama is the beacon for change, but he is also the heir to the past. In a sense, he is a kind of hostage, in the practical and concrete meaning of the word. He received a situation that he is finding very hard to come to terms with. This is a war in Iraq that he did not want and that he cannot suddenly end. He cannot stop the negative effects on US credibility, regional polarization, and sectarianism that are exported. There is also the inheritance of a bankrupt peace process that even under ideal circumstances would be hard to repair.

There is mental and psychological – not just practical – inheritance in that habits have become deeply rooted. There is the idea that you could make the West Bank exemplary and forget Gaza, or the idea that you could reinforce the moderates and isolate the so-called extremists. There is the idea that you all just have to threaten sanctions against Iran and keep the military option in order to be taken seriously. There is the idea that you just have to resume the process and correct the mistakes of the past. Bush’s legacy, in this case, was doubly bad. What he did badly meant that his successors thought they could do it right by doing it better. Because of his intellectual background, Obama needed to delve into subtleties and nuances, but he has had to stand in the full glare of fake certainties. As I said at the time, it is inevitable and this is what has happened. Now when his Middle Eastern policy is hitting a wall as could be expected, the real challenge and real question begins: What will Obama’s policy be?

The worst flaw of President Bush, and there were many, was his obstinate nature and his refusal to test his beliefs against reality. Obama seems to be much more intellectually flexible. Now that he and his team have failed in most of his attempts, it is up to him to show that, although weakened by the political defeats and under the threat of upcoming elections, he can adjust, take risks and succeed.

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As for France, and you know better than I do, I would venture a bit to say that it lies between the two extremes: the binary view of the world and the more subtle, fluid view. It has a very hard line against Iran but has an innovative policy, which is more or less successful, when it comes to dialogue with Syria. It refuses to engage in talks with Hamas but has a willingness to consider an exchange of prisoners which would free a French citizen and which, by definition, would mean contacts with the Islamic movement. All of that is spiced- up with a clear desire to be active, and offset by a realisation of actual limits. It is viewed as dizzying from the outside, but I cannot help believing that given the Western European and American vacuum in the region, about which I am sorry, France actually can change things if it wants to. It can further broaden the scope of discussion if it wants to, and be both a bridgehead and a bridge if it wants to be. It could do more. It could do things differently. Within the limits of its resources, one might dream that it could actually make a difference. Thank you.

Jean FRANCOIS-PONCET, senator and co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East – Many thanks to Mr Malley. We see he is a true analyst for the real situation in the Middle East. I do not know from what he said if we can draw conclusions as to what we need to be doing but certainly, we can look into these various points and look at what we should be doing during our debate.

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How likely is a successful dialogue with Iran?

Panel

Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - Let us now move along and start with the first roundtable session, which has to do with Iran. At our table, this so-called roundtable, we have people who are very knowledgeable in these various areas.

Ms Ladan Boroumand is a historian from Iran, Specialist in Human Rights Matters who studied in Washington and also did a doctoral dissertation in History in France. She keeps abreast of changes in the situation in Iran. It is often difficult for us to keep track of these changes in Iran.

Next we have Mr Anthony H. Cordesman who works at the Center for Strategic and International Studies (CSIS), which is probably one of the most important think tanks in Washington. He has done a great deal of studies on US strategy, both in their defence and more general policy. He has also looked into China’s military power and modern warfare. He was one of the Directors of Intelligence at the US National Defence Ministry. I apologise to him for not being able to go through his entire resume in detail. I just wanted to give you an idea of his background and the breadth of his knowledge.

Then we have Professor Bernard Hourcade who has a Doctorate in Geography. He is Professor of Geography and a Senior Research Fellow at the CNRS. He has marvellous knowledge of this region, both in terms of politics and of civilisation issues.

Next we have Dr Mustafa Alani. He is Director of the Gulf Research Centre in Dubai. He has studied in many different places. He was at the Royal United Service Institute for Defence and Security Studies in Whitehall, London.

That is all so we are going to begin. I will be giving the speakers the floor. After the round table session, we will organise a debate among them and then of course, we will open up to Q&A from the room.

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Ladan BOROUMAND - Research Director, Abdorrahman Boroumand Foundation for the Human Rights and Democracy in Iran – Thank you for the honour of this invitation and the opportunity to speak. By inviting me, you do not know what risk you are taking. Human rights defenders are not accustomed to talking in a diplomatic and politically correct fashion.

A retired US Diplomat who has been working for years for rapprochement between his government and the Islamic Republic said to me a few weeks after the major demonstrations against the presidential election results that he was going to be meeting with Iranians in New York. Somewhat maliciously, I asked him if these were dissidents who had recently arrived from Iran. He looked at me apologetically and said, “No, I will been meeting with Jaferi Sarif, Ambassador for the Islamic Republic to the UN” He added “I will meet the real people.” That type of frankness for a diplomat speaking to a human rights defender is unusual. Nevertheless considering the people in power or near power as being the only people who count is a widely held view. My presence is odd today at this round table session since we are talking about discussing nuclear weapons and negotiations with “the real people.”

What kind of contribution can I make to the debate? I am a political historian who has been interested in the French Revolution to better understand the Iranian Revolution. My work has been to carefully monitor and track the human rights situation in Iran. Today we are trying to explore the likelihood of success for dialogue. But the interlocutors are the leaders of a repressive state whose victims have been the people trying to defend human rights. The question is if we can make this dialogue with the victims more intelligible and if that can help improve the effectiveness of diplomatic dialogue with the state that is oppressing these people.

When we are talking about international relations, any fruitful dialogue requires in-depth knowledge of the political entity represented by the negotiators. We are talking about, first and foremost, evaluating whether this entity is compatible with liberal democracies. In other words, we have to find out if our interlocutors are partner countries or adversaries. We have to do this appraisal and then design the dialogue accordingly. Having a dialogue with Swiss diplomats about the safety of the Swiss Confederation in Europe is not the same as evoking the safety of the Soviet Union with Stalin in 1945, as it required imposition of the Soviet political model and ideology on half of Europe. By the same token, we must make the point regarding the safety of the Islamic Republic of Iran. The regime says that its legitimacy comes from God and it declares openly in its Constitution its international calling and its objective of imposing an Islamic government on the world. This is a regime that officially states that human rights and the principles of Western liberal democracy constitute a major threat that they now have to cope with. This is a regime that tortures its citizens so that they might confess that their minds were corrupted by the theories of liberal democracy. Lastly, it is a regime that says it needs a nuclear weapon for its security - in other words, to win out over human rights and liberal democracy.

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We cannot predict or know what the reactions will be or what the Iranian partners will say if we continue to see the Islamic Republic as a nation-state like any other nation-state. Like the Iranians, we could be pleased when we see a convergence of interest in Iraq and Afghanistan. Iranians will tell anyone that the stability and security of the two countries are as important to them as to the Western countries. However, we must not then accuse them of duplicity because Iranian manufactured bombs, or bombs paid for by Iran, explode in Iraqi cities. What constitutes security and stability for Western democracies represents chaos and a threat to the Iranian regime. The idea of order for some people is the same thing as chaos for others. In other words, they will not have the same definition of security or the same meaning and there is no real convergence of interest. It is just an optical illusion.

It is semantic trickery and this is something that is carefully cultivated by the spokespeople of the Islamic regime. This causes confusion in Western foreign affairs offices. The Committee’s report alludes to the election of Ahmadinejad in 2005 and the figures produced by the Interior Ministry of Iran are taken without reserve. This also suggests that the right to nuclear technology is the subject of national consensus that brings together all the factions of the oligarchy that is in power, as well as the people.

According to this report, Iran feels entitled to have a nuclear weapon as a guarantee of national independence because, among other reasons, in 1953 they were victims of a coup, which had been caused by foreign powers. This was the coup organised by the secret services of the United States and the UK, which led to the fall of the government of Mohammad Mossadegh, who had nationalised the oil industry in Iran.

On these points and due to these distorted concepts used by Iranian diplomats, as a historian and human rights defender I can try to make some clarifications.

I might first of all say something about the 1953 coup. Iranian diplomacy uses this often to its end to bring up the bad conscience of Westerners as colonizers. It would be appropriate to ask the Iranian diplomats what Ayatollah Khomeini was doing in August of 1953, and see how embarrassed they would be to answer that question. The Ayatollah was over 50 years old at the time and he did nothing whatsoever. His future partisans were involved in the coup alongside the CIA and the British government. The ideological movement of Khomeini was opposed to liberal democracy and has always felt Mossadegh and his supporters were an enemy. To make further problems for the Islamic detractors of the 1953 coup, we could ask them what has become of the political formation founded by Mossadegh and his activists since the arrival of the Islamic Republic. His formation was banned. Many of his militants were arrested and some of them were executed. Of the three people who were leaders in 1978, one of them ended up dying in exile, another one, Shapour Bakhtiar, was assassinated in Paris in 1991 and the third one, Dariush Forouhar, was stabbed along with his wife at his

26 home in Tehran in 1998 by agents from the Information Ministry. The Islamic regime did not just keep them out, but actually annihilated them.

We are talking about an Orwellian universe created by a totalitarian machine. In this context, we have to take everything with a grain of salt, whether we are talking about claims of support for people or the results of elections. Elections in Iran do not serve the same function or have the same meaning as in a liberal democracies. The Iranian Constitution actually turns around the function of elections from the way they are in liberal democracies. It is the opposite actually. Elections in liberal democracies make it possible to manifest the sovereign will of the people, whereas in Iran sovereignty comes from God who designates the supreme leader who is not elected but recognised by an oligarchy of experts. The only sovereign in the political body, the supreme leader delegates political power to an oligarchy that is renewed through cooptation. This is why candidates for election are all carefully selected and appointed by the oligarchy for choice by the people. The voters do choose but they choose a candidate that is not their candidate, so they are approving the legitimacy of this system where God’s elected officials select the candidates. By casting your vote, you are approving the negation of your own sovereignty. It is not an exercise of people’s sovereignty. These elections are turned into a type of approval of the divine sovereignty of leaders. This regime is using a democratic mechanism, i.e. elections to then pervert this mechanism and turn it into an anti-democratic mechanism. It is an excellent strategy, which has made it possible for 30 years for the regime to do two things at the same time, i.e. force the voters to act as an accomplice to the violation of their own sovereignty and make the international community believe that they enjoy popular legitimacy.

It is true that the spontaneous anger we saw from the voters due to the massive fraud during the elections of June 2009 shows the limits in the totalitarian State’s ability to make a travesty of democratic institution at least in the mind of voters and in a world where information flows freely. The current crisis shows us that there are two peoples in Iran. There are the imagined people by the totalitarian leaders, which I would call the “people-orthodoxy”. Then there are the people that we saw would go out into the street to try to cast their vote. Which of these two peoples is in favour of acquiring the nuclear weapon? What do the “real people” think about this? For the time being, no one has been asked by the real people to give their real view of this. Anyone who tries to do so does something foolish, whether it is a journalist or politician or expert. That would be a lack of caution on their part.

Nevertheless, we can say that among the dissidents and human rights defenders, many of them are concerned at this possibility for two reasons. The first is ecological due to a total lack of faith in the regime’s ability to manage nuclear power plants in a responsible fashion. Another reason is political because once they have a nuclear weapon and felt they were no longer vulnerable, the regime may well increase repression.

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Shirin Ebadi, the Iranian Nobel Peace Prize winner, has always asked the Iranian government to find a way of agreement with the International Atomic Energy Agency. Another Iranian dissident and former guardian of the revolution, Akbar Ganji, calls for the denuclearization of the entire Middle East including Iran. Lastly, the Islamic student associations are in favour of democracy in Iran and support proposals by the European Union on settling the nuclear issue. This is to say that there is not consensus in Iranian public opinion regarding the nuclear question.

The totalitarian fiction is strength for tyranny. They try to make this fiction accepted as truth by the citizens and the international community. The totalitarian regime is trying to make everyone their accomplice. Refusing to become an accomplice by accepting totalitarian propaganda is the only way you can have successful dialogue with Iran. To do this, we need to be more attentive to the voices of Iranian civil society that are manifesting the democratic beliefs courageously and with perseverance, and are showing themselves to be an important part in this difficult dialogue that must continue on the nuclear question. Currently, the government is beginning bloody repression of civil society. This morning two young people who were arrested before the elections and were, under torture, forced to say that they implemented protests against electoral fraud on behalf of political organisations located abroad, Ali Zamani and Aresh Rahmanipour, were executed in Iran. These murders were designed to intimidate the population that will be demonstrating again on 11 February.

Human rights defenders have always feared that the nuclear question would be used by the regime to hijack international attention and stop it from focusing on human rights. It is my opportunity today to be heard here by the “real people” and to use this opportunity to speak as a French citizen to my representatives. I look at officials and ask them to clearly react to these executions. Thank you.

Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - Thank you very much. That was very much a committed presentation but no less interesting for that. You told us very interested things about the regime and how the elections work.

Anthony H. CORDESMAN, Arleigh A. Burke Chair in Strategy, Center for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – Good afternoon, Ladies and Gentlemen. The title of this panel is «What are the Chances of a Successful Dialogue with Iran? » The question, as always, is which dialogue about what subject, and what the definition of success is. Let me focus on the military side, and more broadly than on the prospects of a nuclear bomb, which are often discussed out of context.

First, we need to remember that Iran’s programmes began under the Shah. Iran’s nuclear efforts are not new, they are not regimes specific efforts, and there is nothing new about Iran’s ambitions in the Gulf. It was the Shah who seized

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Aba Musa and the Tumb Islands. The Shah made claims to Bahrain, and Iran’s process of lying about the nature of its nuclear efforts has more than a 30-year history. When I was an Assistant to Ambassador Helms in Iran, I remember meeting with Iranian officials who flatly denied that they had illegally imported weapons related technologies, even though we had photographs and actual, physical knowledge of where the equipment was. While people have forgotten this, the US went to the point in the mid-70s of having the CIA put out an unclassified white paper describing some of these nuclear programmes.

I have now been meeting with people from Iran – with both from the opposition and the government -- and talking about these programmes for more than 20 years. Some of this second track dialogue has been useful. Much of it has just consisted of listening to almost professional apologists. Sometimes, outside the meetings, I have actually learnt something. On many occasions, I have been at the meetings, and learnt nothing. The reason is many of these Iranian’s who come to talk at such dialogues know little or nothing about their country’s military programmes, and nothing about nuclear weapons. They are policy people and policy people in a very broad meaning sense.

When I have met Iranian diplomats on a number of occasions, I have often had considerable technical evidence to show they were not being frank. It also has not always been a pleasant experience. When I was invited back to Iran under the Khatami regime, I was also invited out of Iran by members of the Majlis who attacked me for having served in the country under the Shah. In other cases, I have spent several hours or days either being lied to or hearing that progress is impossible without one-sided concessions that simply are not practical. Dialogue is a very mixed bag on occasion.

Mention has already been made of regime change. I hope it happens. I hope the Iranians accomplish it. Let me say, however, that this is one of those areas where people who have never done it, or have never been involved in it, are often very quick to make very positive proposals about doing it, either peacefully or covertly. Most of the time, meaningful efforts at regime change are far harder to even begin than you would think and then do not work.

To focus of the military side of dialogue, it is important to remember that far more is involved than Iran’s nuclear programs. Iran’s nuclear programs do not operate in a vacuum, and they have already triggered the beginning of a nuclear arms race in the region. It is obvious that some of Israel’s submarine- related programmes include now include long-range cruise missile programmes. They are almost certainly related to extending nuclear strike capabilities against Iran. Israel was able to improve the range of its missile boosters long ago, and they can almost certainly reach Iran. The two countries are already focusing on targeting each other, potentially with nuclear weapons. At the same time, you have countries in the Gulf already buying missile defences to deal with this duel. You have the United States considering not simply conventional strike options but the option of extended deterrents.

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Iran understands this, and we need to understand in any dialog that it is a skilful and well-informed player. Iran is not passive in strategic planning and in surveying outside strategic literature. From what I saw in Iran, their knowledge of strategy and study of what other countries are doing is actually quite good. This knowledge is also reflected in both their classified and unclassified literature. Let us remember that any meaningful form of dialogue on this issue is not an exercise in arms control alone. It is an exercise in military power. We already have elements of a nuclear arms race in place.

When we talk about official dialogue, we also need to remember that the key dialogue is not dialogue between diplomats and NGOs and scholars alone. The primary military planning in Iran is done under the Iranian National Security Council and not done by diplomats. Most of them are totally excluded from it. Most diplomats are not fully briefed on the nuclear programmes, and indeed Iran has sent people around claiming to be Iranian experts who cannot even locate the Iranian facilities properly when they talk in open dialogues or meetings.

The key decision makers in any dialogues in this area will be people in the Iranian Revolutionary Guards, people around the Supreme Leader, and people around the President. They will often be people who have been involved in these programmes since the mid-90s and some will have been involved since Iran brought its nuclear programs back after being under chemical attack by Iraq. Moreover, these people shape Iran’s military forces broadly, and integrate the nuclear efforts with the missile efforts, with Iran’s conventional force developments, and with its steadily growing capabilities for asymmetric warfare.

Since I have ten minutes, let me note that I have put an analysis of the overall trends in Iran’s forces and the regional balance on the Internet site for the conference. It shows that Iran’s nuclear efforts have to be discussed in terms related to their missile programmes. At this point in time Iran’s longer-range missile programmes make no sense unless their warhead is a weapon of mass destruction. The missiles are not lethal or accurate enough to serve a purpose at long ranges without those capabilities. Yet, these missiles are one of the highest investment areas in Iranian forces.

Iran’s nuclear programs also affect all aspects of the military balance. Once you acquire some kind of nuclear capability, it can compensate for weaknesses in conventional forces. And Iran’s forces do have serious weaknesses. A lot of Iran’s conventional equipment dates back to the time of the Shah and Iran has fallen far behind its neighbours and the US.

Over the last decade, the Gulf Cooperation Council alone, ignoring the United States, France and Britain in the Gulf, spent 13 times as much on arms imports and more than eight times as much on defence as Iran did. Iran has been pushed into asymmetric warfare and into different types of combat. One way to give these types of capability credence is to either have a bomb or the threat of having a bomb hidden away. This deters conventional options and conventional strikes on Iran.

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This has clear implications for dialogue. It would be very, very much better for all of us if the people who talked about the Iranian nuclear program talked about it in terms of how it relates to all of Iran’s military programs and strategic objectives. Most of what I read about dialogue now is all politics. It is all policy. It has nothing to do with the details.

Moreover, there is far too little attention to the technical details of what Iran is known to be doing. If editors would actually insist that reports read the entire IAEA Report rather than the summary, it would also help journalism a great deal. It would help if editors occasionally did fact checking. Remember the United States “invaded” or “attacked” Iran at least three times according to the London Times and Telegraph, but each story proved to be wrong in almost every respect.

We also need to realize we are dealing with a country that knows we are no longer debating peaceful enrichment for nuclear power purposes. First that is not being denied to them. Second if anything there have been strong incentives that would cut the cost of enrichment to a power programme. Third they already have the centrifuge capabilities they need. If they really wanted to bargain seriously for peaceful purposes, they have ample opportunity to do so.

Moreover, if you look at the long series of IAEA Reports on Iran’s nuclear programs, we know physically that they have been involved in research in every area related to the production of a nuclear weapon.

Now they have found various explanations for this. They can always claim that every new IAEA discovery is a peaceful research programme. Yet, they were machining fissile material, which they were not supposed to do, and they hid this. They were developing polonium, which is one key element of the nuclear initiator in a nuclear bomb, and they may have developed another. They have experimented with highly explosive lens technology, and are acquiring high-speed trigger devices. There is simply no key element of a weapons design that we cannot physically document and which the UN has not found.

The debate, the extent it exists, is whether they have an overt nuclear weapons programme. Here we need to understand the limits of what dialog and negotiations can accomplish. Even if we had a full Nuclear Non-Proliferation Treaty (NNPT) inspection and we had the advanced protocol, we could not stop Iran under either of them from going ahead into far more advanced centrifuges, which would be far easier to disperse and conceal.

There are no unclassified lists of Iranian nuclear facilities. Most of the literature that you read focuses on only three or four. There is enough other literature however to indicate that they have over 80 nuclear related buildings. Some of their production facilities for the centrifuge, for example, are in Mashhad, the far north-west part of the country, which is the area furthest away from Israel. We know they have two types of more advanced centrifuges actively

31 being tested. We have seen two additional types, and the President of Iran has posed in front of them. These are not areas of controversy or uncertainty.

Once Iran gets truly advanced centrifuge capabilities, which can have anywhere from 10 to 15 times the output of the current centrifuge, creating small dispersed facilities becomes radically different. It also may require much less fissile material than many studies indicate. It is important to understand that many arms controllers use nominal data for how much fissile material that is needed for weapons that is now 35 years old and was never accurate when it was issued. Countries like France have demonstrated quite conclusively that you can produce nuclear weapons with far less material than the arms control thresholds that are often used for the calculations per weapon.

The difficulty in actually producing a weapon that requires all of this technology is how well you can integrate it. How quickly can you integrate it? How reliable is it? What yield do you get? Can you go on to boosted or thermonuclear weapons? The answers keep changing as Iran improves its technology. Iran also has the ability to use passive testing methods. Iran does not require an actual weapons test to do much of this simulation and modelling. It can do a great deal of actual physical testing, including missile warhead testing without actually exploding a device.

Now to be blunt, anyone who discusses proliferation and does not make this kind technical discussion as part of their policy analysis, does not know what they are talking about. If you have read the literature, you may have an unfortunate familiarity with the degree to which people who are political scientists attempt to make conclusions about nuclear weapons that are technically absurd.

We also need to understand in any dialogue or negotiation that we cannot stop the flow of technology and Iran’s research and development. We can certainly slow them down somewhat. We can detect overt deployment of a weapon, and we may limit covert deployment through negotiations but Iran can then use its ongoing nuclear potential to make threats and to support its military options with nuclear intimidation as well as carry out arms control efforts, frankly in ten minutes.

I could go through a great many more options that Iran will have even if it accepts the current terms it is offered, and the IAEA was allowed to fully resume inspections, if I had the time. However, the key message is that Iran’s nuclear programs cannot end or be safely limited with one negotiation. It will not end even if Iran ever fully accepts the advanced protocol or the NNPT. If Iran does accept our terms, we still face an indefinite period of potential nuclear competition and uncertainty.

Let me also note that nuclear weapons are not the only such problem we face. We are headed towards a future five to ten years from now where most of the countries in the world will be capable of producing advanced genetically

32 engineered biological weapons. We are talking about futures where countries like Iran can in five to ten years probably have warheads that are terminally homing conventional warheads. Now that does not sound too much when it is a 2 000 pound conventional weapon but if it hits something like a desalination plant, you have to remember that it is not just the size of the bomb; it is the critical nature of the target such as desalination plants, energy facilities and so on.

Let me close with the point that several hundred years ago, Europe and a Unified Catholic Church attempted to ban the crossbow. The crossbow was eventually virtually eliminated. It was only eliminated, however, when the musket and the rifle replaced it as far more accurate killing mechanisms.

I think we have to be much more frank about the prospects for the future, and putting real world limits on weapons of mass destruction. As long as you have regimes that wish to pursue this course, there will not be some simple, black and white arms control answer to either dialog or arms control negotiations. This is an enduring technological and a powered duel, which will goes on indefinitely into the future in ways which will constantly change and mutate. It is a duel which we may be able to limit and accommodate but that can never be totally halt. Thank you.

Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - Thank you very much. That was especially interesting because really gave a practical analysis of the means and resources that Iran has. It is quite clearly one of the areas where analyses are somewhat lacking.

Mustafa ALANI, Senior Advisor Director, Gulf Research Center, Dubai – Good afternoon, Ladies and Gentlemen. You heard the view from the United States and some views from France. I think you need to hear from the people who live next to Iran and the people who are going to be the first victims of not necessarily the Iranian bomb but Iranian intimidation of a nuclear era.

I am here hoping to reflect the views from the Gulf region and in particular our assessment on whether or not dialogue with Iran could produce any result for a peaceful settlement of the dispute. The problem we face in the region is that we do not know the reality about Iran’s nuclear programme, the objectives or the nature of the programme.

We in the Gulf region consider ourselves as a partner in the process of solving the problem. We feel that our views and our national interests must be taken into consideration in any future settlement of this issue. When Mr Obama asked for all options on the table to deal with Iran, we discovered after a year that that means there is no option on the table. I am sorry to say this but from our contact with America, especially in the Gulf Research Center where we represent the interests of the six GCC states we have a number of American delegations coming to us and we have discovered so far that there is absolutely no policy. The administration is still searching for a policy.

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It is wrong to talk about the Arab perception towards Iran; there is no “Arab” perception towards Iran. We are living just across the water from Iran and the UAE has different perceptions from an Arab who lives in Morocco or Mauritania. We have completely different perceptions. I heard so many times from Algerians or Moroccans that we should let Iran become a nuclear power. For the Gulf States, it is completely different. For us, it is a nightmare scenario for a number of reasons. In the Gulf region, we have had long engagement in Iran. Most of it has been negative engagement. For us, Iran emerging as a nuclear power is completely different from the Egyptian or Moroccan perception. In the Arab world, we have a common view regarding the Palestinian issue. Yes, every Arab has a more or less unified view towards the Palestinian issue. However, when it comes to Iran, we have completely different views.

Then there is the question about what we want in the region. The Iranians claim to have a right for a nuclear program because the Israelis have nuclear arms, this is a non-starter for us and for a very simple reason. Iran signed the NPT willingly and voluntarily. Iran placed itself under legal obligation. It was a contract between Iran and the international community not to develop nuclear military power. Neither Israel nor India nor Pakistan can be compared with Iran. These countries from the beginning decided to go nuclear and they decided not to be part of this deal. Iran signed this deal. Iran signed the additional protocol in 2003. It has not yet been ratified, but the fact that the Islamic Republic’s government signed the additional protocol has been an act of recognizing the principle.

For us in the region, the policy must not be more armament to solve the Israeli problem. Disarmament must be our focus. We must focus on disarming the existing power and basically not encouraging other powers to go nuclear.

Before trying to answer the main question of this meeting, I wish to give you a quick outline of the basic component, which shape and influence our position on the issue under discussion in the Gulf region.

The first one is that the Gulf region seriously, wishes and hopes that discussions over the Iranian nuclear programme could be settled by dialogue and negotiation. This is not because we love Iran but because we love ourselves. This region has suffered enough with wars and instability since the Iraq/Iran War. We do not really wish to see another military conflict, which would undermine our stability, our economic development and could even destroy the minimum level of regional harmony which exists today between us and Iran.

However, dealing with Iran’s assumed nuclear ambition must be the international community’s responsibility. It is not our responsibility. NPT is not a regional contract; it is international. There is no doubt we could play our part within this framework. For us the outcome of this issue will be a decisive factor, not the question of how the balance of power is going to be developed in the region.

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I can tell you here about the discussion now in the region. The discussion in the region now is very simple. If the international community is not successful in stopping Iran from emerging as a nuclear power, we have no obligation – legal or moral – towards NPT. This is the end of NPT and this must be very clear. This must be very clear.

The talk now is of what the value of NPT is for us. Iran is a signatory of the NPT from day one and a signatory of additional protocols. All of us can suddenly emerge as a nuclear power.

The discussion here is not whether Iran is going to emerge as nuclear power or whether the NPT is going to survive or not, but whether the nuclear regime is going to survive. I think this is the way we look at it in the region. This is one of the reasons why we have started to accept the principle or introduce the principle of nuclear power in the region.

We understand all our programmes now are civilian but you have to remember that no programme starts as military. We need the know how. We need to prepare for the day when we are going to be left behind and the international community is not going to do its job. We have to consider the nuclear option if this happens.

The Gulf States are convinced beyond any reasonable doubt that Iran was and probably still is working and aiming to acquire a nuclear bomb or possibly not a nuclear bomb but a nuclear capability. For us, whether a nuclear bomb or a nuclear capability, there is not much difference between the two concepts. A development like this requires serious action on our part to redress the delicate balance of power in the region. The loss of Iraq as a counterbalance and buffer zone between Iran and the GCC was a major, major development for the GCC states. They are not ready to accept a new reality again with Iran emerging as a nuclear power. We have already suffered from this. We already have no answer to redress the balance which we lost by the loss of Iraq but again there is a question now. What are we going to do?

The Gulf States recognise and accept Iran’s right to develop a civilian, peaceful nuclear programme. We have absolutely no problem with that. We ourselves are now adopting this strategy so we cannot deny the right of Iran for this sort of technology. Having said that, our relationship with Iran is dictated by the facts of geography and history, religion and culture and other links. You have to remember that we cannot de-select Iran as a neighbour. This is a reality of geography and a reality imposed on us whether we like it or not. We can deal with Iran as an enemy or as a friend. This is our option. We cannot change geography here.

For this reason, we have to be very careful in the frontline of confronting Iran when we have no trust in United States policy or even EU policy. We might come in the first line to confront Iran but we are going to be abandoned halfway and left alone to be cut to pieces. We are very careful. All the leaders in the Gulf

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States are very careful not to regionalise the problem. It is an international problem. We can play our part but we do not like anyone asking us why we do not pressurise Iran. We will pressurise Iran within the framework of the international community.

The question is whether negotiation with Iran is going to be fruitful or not. I can give you our experience with Iran. Because we are neighbours, we have long experience of negotiations with Iran. I can give you a very simple example of our negotiation or attempt to negotiate over the occupation by Iran of the three UAE islands in 1971. Now after nearly 40 years, we are still knocking on the door of Iran for negotiations without any success.

If you go by the Iranian official statements, they do not call it occupation. They call it misunderstanding. Even over misunderstanding, they refuse to negotiate. Take the Iran/Iraq War. There were eight years of bloody war. The Iranians refused to negotiate for seven years. Eventually they accepted the terms offered to them in 1981; they accepted them in 1988. We are talking about a country that is very difficult to negotiate with. This is our experience.

I will just try to answer the question of how likely successful dialogue with Iran is.

First, the Iranians will show interest in any invitation for talks as they will be keen to display their interest in a diplomatic settlement. There is no doubt about it. They believe that no invitation for talks should be rejected as this could negatively reflect on their image. Iran wishes to appear as a party that seeks a diplomatic solution to the nuclear programme.

Secondly, the Iranians will be ready to talk to the EU and other nations or international organisations but their real interest rests with the United States, not with the EU, and establishing direct talks with the United States. They believe that talks with the US will be the key for changing the international community's attitude towards Iran. They believe that any negotiations without direct involvement of the United States will not bring any necessary outcome.

In any negotiation with Iran, Iran will aim at securing a grand bargain. They will not accept a discussion on the Iranian nuclear issue separate from other issues. They demand all the cards on the table. The aim of this policy for us is that our feeling is that Iran wants to emerge as a super regional power. This is the Iranian objective and the nuclear problem must fit within this jigsaw. Iran has no need for a nuclear arm to defend itself if it needs the nuclear capability to emerge as a superpower. This is what they want from the United States and the EU. They want to be recognised as a super regional power. For us, this is absolutely not acceptable. We lived through this problem with the Nixon administration and with the appointment of the Shah of Iran as a policeman of the region. They asked us to knock on the door of Tehran whenever we make a strategic decision. We are a mature state now. I do not think we will accept this again.

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Thirdly, the Iranians are well known for tactics of involving their opponents in prolonged and endless negotiations with limited outcome. This is not a secret. I am not revealing secrets. This is the reality. These tactics include the bringing up of multiple issues and not just one issue, shifting of priorities, making linkages between issues and, in general, having an unfocused approach to the negotiations.

Fourthly, the Iranian negotiation style is based on the strategy of offering concessions in instalments. A major breakthrough in the negotiations cannot be obtained in one session. Fifthly, the Iranian strategy of agreeing to a dialogue might have other objectives apart from a genuine desire to seek a negotiated settlement for the nuclear issue.

Negotiation tactics here could be used for one of the following reasons. First, it could win time to allow their national nuclear programme to progress towards establishing a new reality on the ground. In any military nuclear programme, time is a major factor here. We are talking about time as a major factor. My engineers need time to work on their projects. As a politician, it is my policy to give them time as much as possible to progress and to reach the threshold where the nature of the negotiation is going to be changed completely. Any technical advance will have an impact on the manner of the negotiation and the objective of the negotiation.

Secondly, negotiation tactics could be used to show the Iranian public that the government is doing everything possible to defuse the conflict and avoid confrontation. The responsibility of the failure to achieve a diplomatic solution will be placed at the door of the Western countries or the enemies of Iran.

Thirdly, negotiation tactics could be used to test and explore the other parties' options, especially the credibility and seriousness of the threat of a military action. Yes, negotiation with Iran is possible but we have doubts about successful negotiations. I will stop here. Thank you very much.

Bernard HOURCADE, Senior Research Fellow at CNRS (Paris) – I will start by saying that we all heard very clearly what Ms Boroumand said about the situation in Iran. It has lasted over 30 years and it is getting worse every day. As an academic, we are very affected by the fact that Clotilde Weiss, a student who went to Iran to learn Farsi, finds herself still under house arrest after six months. The problem is not what is happening but how we can change it and finally take Iran seriously. I also listened to what Robert Malley said. He talked about nuclear capabilities, and the title of the conference, not really being the relevant issue. Of course it is very important, but it is no more topical given what happened last June. I think the emergence of a new democratic phenomenon, this is to say street demonstrations, has completely changed the situation when you are talking about Iran.

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We must also realise that, on the one hand, international nuclear policy has failed because it has been said Iran has an obvious nuclear capability. If one day the Iranian government wants a nuclear weapon whatever her government might be, it will have it. On the other hand, there has also never been a tougher Iranian regime than today. The international sanctions and embargos that we have had for the last 30 years have failed miserably.

On a number of occasions, the French, the Europeans and the Americans looked to coordinated their actions, but we must remember that in 2003 the Iranians accepted for the first time to step back and that they would clarify their nuclear policy. That was about avoiding nuclear proliferation and the US did not like that because they did not have the same aim.

Europe wanted to fight against nuclear weapons and proliferation of them. We wanted to avoid a proliferation that would apply to Iran and then to Turkey, Saudi Arabia, Algeria, Brazil, Argentina and many other countries in the world.

However, for the US government, it was about regime change. If that is the precondition, it means of course there was no attempt to solve the crisis. The Bush government showed their support for a confrontation with Iran that first required getting rid of the Islamic government. The result is that we have today a stronger Islamic regime, which is more repressive than before, and a nuclear weapon, if it is planned, is closer than ever.

Iran does not really epitomize the nuclear problem, but is connected to it. This very serious issue is focused on Iran, but we are wrong to ignore the fact that today the nuclear problem is not only that of Iran, but also of Brazil, Argentina, Algeria and many other emerging countries. Iran is just one example. If we focus on it, we are blind to the rest.

The Iranian issue today is raised by the Iranians themselves. I have been analysing Iran for the last 40 years from the bottom up and not from the top down. As with all researchers in social sciences I have found that over the last 30 to 40 years, there has been a profound change in Iranian society, quite apart from the government. This change is neither because of the Islamic Republic nor is it against it.

We all know the essential role of Iranian women. There are in a majority at universities. Iranian society, open to the 21st century, has had successes where other neighbouring countries have not. The problem is moving between the sociological and the political. It is quite clear that Iranians do not agree with their government. Eighty percent of the people who voted for Ahmadinejad are critical of his policies but they could not, or would not, make a vote of change in the June 2009 elections because the repression was already in effect and, as Ms Boroumand said, the elections served only as pretext. Since then, things have changed because Iranian society had the courage to become political. In some areas of Iran, notably in Tehran, people were strong enough and brave enough to take to the streets in protest.

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The second important thing is the speech of President Obama to the Iranian people. Certainly, people are a little disappointed: “You said ‘yes we can’ but you have not actually done much in a year”. But, concerning his Norouz (the Iranian New Year) speech, what other country in the world merited a speech from the President of the United States? Only Iran. This is a major event. He recognized the “Islamic Republic” twice. It implies the end of the embargo and of the desire for regime change in order to bring back the Shah’s son or some other political officer. For the first time, Iran was taken seriously by the United States and it changed things considerably. In other words for the first time, Iranian elections last June actually had something at stake.

Usually, it is said, elections in Iran serve nothing but to legitimize the winner. But this time, for the first time, there was something at stake. Barack Obama destroyed one of the pillars of the Islamic Republic: he destroyed the dogma of opposition to the United States, which is the founding pillar of the Islamic Republic. He peacefully destroyed it. This led to panic in the Iranian political class. Slogans such as “down with the US” did not mean anything anymore. Thus, the elections were really about something this time because the winner was going to be able to virtually shake the hand of the American president and therein to obtain the lasting recognition of the Islamic Republic. It explained internal rivalries between Rezai, a former commander of the Pasdars, Mousavi, a former Prime Minister of Khomeini, Karoubi, who belonged to all governments, and Ahmadinejad. They were all fighting for the electoral pie because there was, for the first time, a real pie to be shared: the international opening of the country. This is why there was a coup by Ahmadinejad and a countercoup from the Iranian society. The question is not really what happened but what we do today. What is the balance of power now ?

On the one hand, you have the more conservative elements saying that the Islamic Republic is in danger. Today the western countries are absent from Iran. Perhaps 2,000 or 3,000 westerners reside there. If you open the frontiers and symbolically shake the Americans – and, to that extent, the Europeans, the Australians and all others’ – hands, in a few years you would have 200,000 or 300,000 foreigners coming to work in Iran. The most conservative Iranians consider this peaceful and insignificant potentiality as a foreign economic and cultural invasion to which the Islamic Republic could not withstand. Therefore, they are against all talks with the US.

Ahmadinejad came up with a second solution, which notes that a compromise must be found. It is a China-esque solution: internal repression showing that the Islamic Republic will be eternal. You lock up, kill, and massively repress, all while maintaining a few exit doors. Then, very tactically, you open one of the doors thanks to a few agreements with the United States, perhaps on the nuclear question, which is no longer a major issue. Nuclear weapons are not really a strategic issue for Iran: their army is numerous and strong, there are 75 million inhabitants, and the strength of Iran – as was previously noted – is a geographical one. Even if it does not have the nuclear

39 bomb, for the United Arab Emirates, Bahrain or Qatar, Iran remains a political, economic and cultural monster. Nuclear capability is, therefore, not a priority. Ahmadinejad thus proposed, in Vienna last October 7th, a technical agreement on the research reactor in Tehran. It was all about a friendly deal to reduce the pressure and open limited negotiation with the US. Like the Chinese model, they are closed on the inside and open themselves, in a controlled fashion, to the outside, in order to assure the survival of the Islamic regime.

In the Western camp, some people say that is not acceptable because Iranians no longer accept this political system after 30 years of the Islamic Republic. Furthermore, in the United States and in Europe, we will not be satisfied with any halfway house solution.

This new balance of power led to the rise of a third power: an opposition. It is not the green wave – that is very brave and needs to be supported, but who is harshly repressed because of organisation and strategy – but it is the opposition of the inside men, that of the Revolutionary Guards. Now this might shock you but it is perhaps necessary. As Robert Malley said, the vast network of Revolutionary Guards is not without similarity, structurally and not in terms of values, to the French Resistance in 1945. You have many Iranians coming to the revolutionary movement just like in 1945 you had French people who came out of the resistance. It is a simple historical fact. All the Revolutionary Guards fought to defend their homeland and the third-world revolution they made, but the heterogeneity of Guard veterans is extremely large, even if all are more or less tied to terrorist acts. They planted bombs on rue de Rennes here in Paris, they assassinated Ghassemlou in Vienna and Charaf Kandi in Berlin among others. But among these people there are some who want a “normal” Iran, open to the 20th century while staying loyal to the Islamic Republic. These veterans of the Iran-Iraq War are staying, for the moment, discreet. Despite their unity, some former Pasdars are in exile, others support the Reformists, the green movement, while others still are ready to defend the Islamic regime using any means necessary.

In the current deadlock, we should not worry about the rise to power of the Revolutionary Guards. However, we have to ask who these men are and we have to realize that today the Islamic regime has never been so divided because the power is in their hands. As in all the countries of the world, after 30 years in government together, rivalries and feuds are at their height. The core of the Islamic Republic is divided and ready to explode. Ahmadinejad is confronted by the opposition in the street and subjected to pressure from America and especially within his own camp, where some do not want him to shake, even figuratively, the hand of Barack Obama.

We assist, then, with the implementation of a radically new system of power relations. How can we help the Iranians while defending out interests and international security threatened by the incertitude of the Iranian nuclear programme? How can we help them get out of this deadlock? The analyses and strategies of the Western camp do not seem to have taken into account the

40 changes occurring in Iran when we consider the continuation of sanction policies. When we see high-level diplomats and ministers of the six world powers get together to see what new sanctions can be dreamt up against Iran, it seems that they have not considered that sanctions are helping Ahmadinejad and making the nuclear bomb come closer, if it is to exist. Although the United States has changed its strategy, keeping an outstretched hand despite everything, even if they do not receive a response because does not want, nor know how, to respond.

What is the fear of the regime? It is not sanctions, which reinforce the regime and affect only the living standards of Iranians. It is not an Israeli bombing that would only revive nationalist sentiment around President Ahmadinejad and show that international Zionism supports the “green wave”. What is the real fear of the regime’s most radical factions? The worst sanction against Iran would be to lift the sanctions.

Iran will not stay for eternity under a regime of sanctions, and in all hypotheses, it is not useless to imagine the effects of a post-crisis agenda. We have to think of the day when oil companies can invest in Iran, contrary to the D’Amato bill of 1996. It takes five years before a new oil well is profitable, so the Ahmadinejad government would not benefit from it. If the embargo on civilian planes and scientific works – know that Iranian universities have not been able to freely purchase foreign scientific publications for the last 30 years – were lifted, in other words if we were to open Iran, if we were to take at their word the government’s request for economic relations and if we were to respond to the demand of the Iranian people who want to live normally in the 21st century rather than follow what Ahmadinejad and his fellows are doing: things would change. The balance of power would change. This sanctioning through opening is, without doubt, academic naiveté.

The difference, compared with 30 years ago, is that on June 15 last year a large part of the Iranian population crossed a political threshold. This movement will be without a future if the international community continues to support the isolation of Tehran. If, however, diplomats and European and American politicians can change their mindset and peacefully “invade” Iran, for the sake of lasting cooperation, things will change. The type of regime in Tehran is an Iranian problem; it is not our role to choose. In this strategy, which is not anything new, Europe – who has long attempted a “critical dialogue” – could have played a go-between role. But alas, she is not there, we’ll talk about that later.

We must take Iran seriously and not give it intentions, a force, or a role that it does not have. Iran is not a regional power, capable of promoting a regional consensus, and she never will be because the Persians are isolated in a region populated by Arabs and Turks. With its population, its size, its society and its riches, Iran knows that it will be feared, but it will never be a strong enough country to lead and be respected by its neighbours. Despite its renewal, Shi’ism is a minority in the Muslim world. Iran is not an Islamic power. Iran failed clearly at being the leader of the Islamic world. What has happened with

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Hezbollah, Lebanese political party and a radical Shi’ite group, is the proof. Iran is, rather, an emerging power like Brazil or Indonesia or so many others that today have between 50 and 100 million inhabitants, have a new middle class and a new political culture.

Let us look at Iran and its people differently. Just take a different perspective. If we want this to be a country of human rights and international rules, all while conserving its identity, there is a way to act differently and to support the Iranians in respecting their diversity not by sending naive messages via the Internet but by creating a lasting businesses presence on the ground in Iran. Thank you.

Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - We have heard from the various speakers. We certainly have got elements for dialogue with the audience. However, we do not have much time for that dialogue now since we were supposed to have finished 15 minutes ago.

I would like to ask a question to Mr Cordesman. Does Israel have the capacity to destroy the Iranian nuclear sites, through an air attack or submarines launched missiles?

Secondly, do you think this hypothesis is plausible or not as it is often bantered about?

Anthony H. CORDESMAN, Arleigh A. Burke Chair in Strategy, for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – I do not think anyone in Israel believes that they can destroy Iran’s technology base for nuclear systems. What Israel is talking about is slowing Iran down by several years. Part of the reason for the Israeli debate is whether you believe that slowing them down for several years a) works and b) does not end in actually provoking them to a much more open deployment on a much larger scale of effort.

The closest to any unclassified discussion that I have seen of Iran’s technology base in targets is on the Web from something called the Nuclear Threat Initiative. I say that because none of the governments that have discussed this issue have ever provided any useful information whatsoever on the technology base or targeting. I think that the Nuclear Threat Initiative is probably correct in point out well over 50 sites. We know that quite a number of these are confirmed. What it also points out is we have no way to characterise those sites precisely. How well Israel or the United States or anyone else can locate what is in an individual site here is critical because to conceal key technology and manufacturing quality, much of which is mobile and easy to disperse, is absolutely critical. It is a game.

The fundamental difference from Israel and a power like the United States is that Israel could probably only launch one strike as a major strike against a limited number of targets. The United States could go in, hit once, destroy the air

42 defences and conduct a series of strikes. Now that is a theory because it would require political support from the Gulf and it would not use carriers. Something that I find extraordinarily irritating is when you see a journalist referring to carriers being used as the primary weapon for these strikes you know the article is ridiculous. It is simply not the proper platform.

Again can I tell you how quickly any of these countries would recover? At this point in time, Iran still has problems with the P1 centrifuge. We know it has a P1 improved. We know it has a P2 and a P3. We have seen images that indicate it has a P4. If Israel hit today’s facilities and it went ahead and successfully built those centrifuges and dispersed them, we would be talking about very significant nuclear weapons production capability. However, we do not know when and we do not know how much material they would use.

Let me just say when you say knockout capability, it is not just having one bomb that weighs a couple of thousand pounds. You need a nuclear missile warhead or a bomb in a device that weighs well under 1,000 kilograms. These are the real issues here. Again it is a 10/15/20 year time horizon and not next week’s negotiations.

Jean FRANCOIS-PONCET, Senator and Co-author of the Foreign Relations and Defence Committee’s report on the situation in the Middle East - Thank you. Shall we have one question from the floor? We will not be able to field more than one question but we have accepted the principle of the Q&A session.

From the Floor – I have a question for Mr Cordesman. Considering the difficulty in having a clear, readable US policy at any given time regarding Iran, what is his view when we look at the different movements? Does he see a change in the US policy towards greater firmness or change towards greater flexibility? Thank you very much.

Anthony H. CORDESMAN, Arleigh A. Burke Chair in Strategy, for Strategic and International Studies (CSIS), Washington DC – I think the answer is really very simple. United States’ policy is responding in many ways for the lack of an Iranian response. Part of that may have been dictated by the election crisis but the administration has made a number of overt and covert efforts. It has done it not simply individually but has worked through Europe and other initiatives to try to do this.

I think Mr Alani raised the issue that so far we simply have not had the response where we have been easily able to pursue any new option. Secretary Clinton has made that quite clear. I think if you look through what she has said, the problem has been the initiatives the administration tried to begin with, which were low level informal contacts, have simply gone the same path as those that occurred when Secretary Albright made similar attempts. We have not been able to pursue it. Do we have a policy that is still essentially the one which is the Six or, if you will, the Quartet. I always have trouble with how we are defining

43 numbers nowadays. Evidently in France, four equals six where in the US, six equals four. Those are the policies but will they move forward under this government? If they will, we have no indication.

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What Future for the Palestinian People?

Panel

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – The first round table discussion was very interesting. The question for us to ask now is : what is the future for the Palestinian people ?

Let me say just briefly that if you look at the current situation in 2010, we wonder if there is any other choice for the Palestinians than being either enclosed or exiled. By enclosed, I mean the blockade of Gaza or the enclaves that are getting ever smaller and ever more isolated in the West Bank. Since the punitive operation by Israel against Gaza, the situation in the occupied territories has worsened and become dramatic in every sense. I will give some figures. 2009 saw the arrest of 3,459 Palestinians, the destruction of 300 houses, the detention of 12,000 prisoners including compatriot Salah Hamouri, the loss of their statute as residents by 4,577 Palestinians from East Jerusalem. That is just as many as the entire period of previous occupation. All of this is to say that things are deteriorating for Palestinians.

Before giving the floor to our speakers, I would further specify that in the West Bank when there is protest, there is heavy repression. I would mention recent extrajudicial executions in areas of Palestinian sovereignty in Nablus after the assassination of a settler. I would also mention arrests of Abdallah Abu Rahmah, coordinator of the non-violent Bil’in movement, Jamal Juma, coordinator for Stop the Wall campaign as well as many other peaceful pacifists. The arrests have been denounced by an NGO in a recent report, Hamoked. I will also mention the administrative detention of several hundred Palestinians, two- thirds of whom have been in detention for over a year.

Probably even more serious, if we can talk about degrees of seriousness, it is very clear that the Israeli government’s policy is targeting an “Israelization” of East Jerusalem. Arab inhabitants are being pushed out and their houses are being destroyed. Settlements continue in two continuous lines to completely cut off Jerusalem from surrounding Arab areas. This is particularly clear regarding Bethlehem. Bethlehem is a Christian city, which is seeing a real brain drain caused by Israeli politics. It is not by chance that Bethlehem has been encircled by settlements and cannot communicate with the surrounding environment. Lastly, a bill is being drafted to deprive the residency in Jerusalem of a large number of Palestinians who are fortunate to hold a nationality other than, so to speak, the “Palestinian” nationality, which does not exist because there is not a Palestinian state.

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In Gaza, we are seeing the organisation of “halting in development”. We are seing problems in agriculture and industry due to the bombings. The blockade continues to be made tougher. No rebuilding or reconstruction is possible to such an extent that the UNRWA has had to build clay houses as there is no cement to shelter refugees.

The question is what are our speakers going to say regarding this topic.

First of all, I would like to give the floor to Ms Muzna Shihabi. She is from the negotiation team of the Palestinian Authority. She will tell us how she views these issues as a Palestinian and a specialist in negotiations. Initially Ms Shihabi was a specialist in communications. That is what she studied. She has acquired a great deal of international experience, working at the UNDP and the WTO.

Secondly, and to some extent to answer her, I will be giving the floor to Mr Mike Singh, Researcher at the Washington Institute for Near East Policy after being top official at the NSC. He will be giving us the view of an American who is very familiar with negotiations. He will tell us how he sees the possibility for resumption in negotiations that would lead to some results and not to a negotiating process that would lead to nothing, which has been the case in the past 15 years.

Lastly, I will be asking Mr Henry Siegman, who has very original ideas as to how to overcome the problems. For 30 years, he has published over 100 articles in American journals and newspapers. His articles are always very striking. He is recognised as a specialist in Israeli-Arab relations, a specialist on the peace process and the US Jewish community. He will be able to give us his view.

Then Yves Aubin de la Messuzière will, to some extent, conclude by telling us how he sees things and how he considers this idea that we are hearing more and more about - this proclamation of a Palestinian state. Yves Aubin de la Messuzière is an Arab-speaking diplomat. He has been an Ambassador to Chad, and Italy. He was the French representative to Iraq in the dark, bleak years of 1997 to 1999. He is a very active retiree, chairing the French Lay Mission and the Mission for the Museum of Civilisations in Europe and in the Mediterranean. By giving him the floor last, I think we will be closing our debate by hearing from someone who is very familiar with this region from the inside and he will be able to open us up to some interesting and original ideas as well.

Muzna SHIHABI - Member of the Palestinian Negotiation Team, Representing Saeb Erekat, Chief Palestinian Negotiator – Actually listening to the discussion about the Iranian regime just now, I found a lot of similarities with the Israeli regime. That seems strange but two things struck me: how the Iranians seem to elude negotiations just like the Israelis do, and how peaceful demonstrators are being arrested in the two countries. You might say the remedy

46 is different and sanctions have not worked with Iran but maybe we should try as we have not tried yet with Israel.

To talk about the future of a Palestinian state you need to understand the Palestinian struggle. This struggle for a state, human rights and dignity is simply a just cause. It is a fight that is very similar to the combat against apartheid in South Africa or the anti-colonial movement in the previous century.

It is also important to understand the essence of this conflict. It is about rights and more specifically the rights that are refused to Palestinians living under occupation and also the rights refused to the seven million Palestinian refugees. According to our calculations, there are seven million. But the UN Agency for Refugees (UNRWA) registered only 4.5 million refugees.

The only obstacle to peace is Israel’s refusal to comply with international law and the UN resolutions over past decades. To date the PLO has remained faithful to its national objectives aimed at putting an end to more than 40 years of occupation and 62 years of dispossession and exile. The objective is to create a sovereign, viable and independent Palestinian state on only 22 % of historical Palestine, that is to say the occupied territories from 1967, with East Jerusalem as the capital.

We still believe that negotiations are the only way to reach that objective. Now when we started negotiations in Madrid in 1991 and then signed the Oslo Accords in 1993, no one believed that it would be an easy process. It is true that we have not made any progress there and you could even say that we have moved back. However, we have learned a lot.

What are the challenges and the strategic choices facing us today in order to move forward with our national objectives ? What is the outlook for a fair and lasting peace? How should the Palestinian struggle develop and change?

The future of the Palestinian struggle, to a large extent, depends on the outcome of negotiations. Can these lead to fair and lasting peace? I think that, despite the extent of the challenge, it is not insurmountable.

It is important to understand that the peace process will not survive a further failure in negotiations. Palestinians today agree that the priority is not about restarting a negotiation process but restoring the credibility of that process. This is the position taken by Palestinian leadership. It is why a total settlement freeze is necessary before negotiations can resume.

If there is one lesson that we have learned over the last 16 years, it is that words do not replace actions. During negotiation, Israel produced one fait accompli after another and ignored international law and the related commitments in existing agreements. We heard the details and statistics from Ms Cerisier-ben Guiga, but worse again is that they have strengthened occupation, increased collective punishment against Palestinian people, and

47 eroded the two-state solution. The erosion has been fuelled by the fact that the Israelis have refused to freeze settlements. The restrictions on the movement of goods and people have undermined the credibility of the peace process. There is another factor that has made the situation worse, which is keeping up the Gaza siege despite international pleas – even by the Quartet.

A credible peace process is in the interest of both peoples – Israeli and Palestinian. This process would mean that they would both have to face up to their commitments. The real litmus test of each party’s commitment to peace is not what is said before, during, or after negotiations, but what actually happens on the ground. It is for this reason that the Palestinian leadership has, to date, remained firm in respect to its demand for a settlement freeze, including East Jerusalem.

This is not a precondition, as has been said. It is not a condition imposed by Palestinians. Neither is it a concession by the Israelis. It is an obligation on the “road map” signed in 2003 by Ariel Sharon’s government. This paper does not talk about temporary or partial freezes. Israel must totally stop settlements and show that it is serious about negotiations if it it really wants a two-state solution both living side by side in peace.

Why is it vital to stop the settlements ? It is because they are the most serious threat to the two-state solution. These settlements use the lands and resources that would be necessary for a future Palestinian state.

I am going to discuss just a few statistics. During negotiations, before and during Annapolis, I will show you what happened with the settlements.

These are the calls for tender for housing units in the Israeli settlements. They are all illegal because they are on occupied territories. Before Annapolis, from December 2006 to November 2007, there were 137 calls for tender for housing units. During Annapolis itself, while there were negotiations between the Israelis and Palestinians, there were 2,300 calls for tender. There were about 1,700 in East Jerusalem alone.

There were also building permits granted by the Israeli state to the settlers. Between January 2007 to November 2007, 704 permits were granted to the settlements. This is just in the West Bank, not East Jerusalem. During negotiations, it went up to 1,926.

If this is supposed to be a credible peace process, it was not for the Palestinians. While they were negotiating, settlements were being added. It is not just settlements; there were also closures. Before Annapolis, there were 563 physical obstacles in the way of people circulating in the West Bank. The number of physical barriers or obstacles increased after Annapolis. Unlike what you often hear in the media - namely that Israel has alleviated the suffering of the Palestinians and removed some checkpoints - I can assure you that while a few

48 were removed immediately after being reported in the media that Israel had made efforts and so on, just a few days after that those checkpoints reappeared.

Everyone knows that the United States and the EU are able to influence Israel. Everyone knows that the attitude of the Obama administration will determine whether or not negotiations in the future fail or succeed, whether they act as an honest broker or not, and whether they create an environment that respects international law or not. It also depends on whether they recognise Palestinian fundamental rights and the injustice created by the occupation or not.

Israel has shown many times that it does not really intend to put an end to the occupation or to comply with international law of its own accord. Here I could tell you lots of stories. Firstly, recently, only a few days ago, we had a statement from Netanyahu, the Israeli Prime Minister. He clearly stated that he is going to increase Israeli military presence in the Jordan Valley, which represents 28.5% of the West Bank territory. It is an occupied territory lying at the frontier with Jordan and it is obviously very important for national resources. One wonders who wants peace and who really wants negotiation. In addition to what Ms Cerisier-ben Guiga said, there was the massacre of three Palestinians in Nablus: they were fathers who were sleeping and were killed in front of their wife and children. That was 26 December 2009. Moreover, 28 Palestinian families in Sheikh Jarrah in East Jerusalem will be evicted and be replaced by Jewish settlers. Four of them have already been evicted. There were many arrests of pacifists, even Israeli pacifists who came to support Palestinians, who simply organised demonstrations against the wall and the theft of land, as Ms Cerisier- ben Guiga said.

How can the Palestinian leadership come back to the negotiating table against such a background of people being evicted from their homes and murdered in their homes?

Only last week there were Palestinian Presidential Guards that were not in uniform but in plain clothes. They were going from Bethlehem to Ramallah. They were stopped and searched – and even stripped naked – at an Israeli checkpoint in view of all the passers-by.

These are just a few stories but I could tell you others.

It is why the Palestinian leadership says that it is necessary to define a specific framework for negotiations on the permanent status. We can no longer negotiate for the sake of it because negotiations are not an aim in themselves but a means of achieving a goal. What does this mean? We say we want productive negotiations that involve five factors. Firstly, negotiations must be restarted at the point where they stopped in Annapolis. Secondly, we must look at all of the underlying issues with no exception: Jerusalem, refugees, borders, water, removal of settlements and security. Thirdly, we must define in advance what is meant by the end game. That is to say an independent and sovereign Palestinian state with East Jerusalem as the capital of the 1967 territory in accordance with

49 international law and Resolutions 242 and 238. Fourthly, we need a specific timeline for negotiations and the creation of a Palestinian state. We also need a method for tracking progress just to see who has or has not complied with their obligations. There has to be a verification mechanism to check and verify all actions as in the roadmap.

What is the role of the international community in all that ?

A failure to resolve the Israeli-Palestinian conflict is not because nobody knows what a fair and lasting peace is or what measures are needed to get there. International law and the UN resolutions are clear. The roadmap and the Arab Peace Initiative are also clear. What is lacking is political will to end Israeli occupation and make it possible for Palestine to take its place among a community of nations.

Against this background the international community, particularly Europe, have a crucial role to play. Time has come to translate international consensus in favour of a viable independent sovereign Palestinian state into specific tangible progress that can give hope to the Palestinians. It is also the duty of the international community to produce the aforementioned verification mechanism so that it can be an impartial judge. There is a very wide range of measures possible: incentives, pressure and sanctions. The recommendations concerning Israeli action in East Jerusalem are well documented in the reports of the EU representative in Jerusalem dated November 23, 2009. It is very clear. I recommend you read it.

I could pick out a few examples of what the international community could do. An example is the closer linkage between Israel’s compliance with international obligations, particularly the settlement freeze and the financial aid that it receives or the association agreement with the EU. Another example is prohibiting settlement products on national EU markets or at least making sure that those products do not get preferential commercial treatment. Also, those entities giving settlements the money could be refused charitable association status. Public investment, notably through pension funds, in favour of those companies involved in Israeli’s colonial actions could also be stopped. European consulates in East Jerusalem should stop recognizing settlement addresses as being in Israel, for example, for visas.

International organizations can also play a role and it could be a Palestinian strategy when talking about their future. I believe that we should use bodies such as the International Criminal Court, the UN or the International Court of Justice much more often than we do at the moment. International law is not just the best solution in order to reach an end to conflict, it is also an alternative to violence. As stated in the Committee’s report, Palestine is at the top of the Arab world’s agenda so let us avoid giving extremists a pretext for using that to political ends.

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Some of you probably remember the advisory opinion given in 2004 by the International Court of Justice saying that the wall built by Israel and the settlements are illegal. Unfortunately, this opinion did not prevent Israel from continuing to build the wall and its settlements. The international community, however, has not followed the court’s recommendations. The problem is not the court but the impunity that encourages Israel to flout international law. We should try to change that climate rather than, as some of suggested, to think about a change to international law.

The Goldstone Report is very important as well. It accuses Israel of war crimes and crimes against humanity during its aggression against Gaza. The report comes down to one word: accountability. Israel must account for international law and international community. Crimes committed by Israel in Gaza must not remain unpunished. That includes the siege imposed by Israel, which is continuing today.

One option for Palestinians would be to request a second advisory opinion from the International Court of Justice disputing Israeli policies in occupied territories, especially with what is happening in East Jerusalem today and the Gaza siege. This is all a violation of international law. Such an option would mean a statement by the court on the illegality of all Israeli policies and their occupation. The legal consequences relating to such a statement could be considerable.

In conclusion then, maybe the time has come to forget negotiations. I do not think so, but they should not prevent us looking at alternative tactics away from negotiations if these can strengthen our negotiating position. The International Court of Justice is just one example. There are other options. The option that we do not have and that I think would go directly against Palestinian interest is violence. We are still waiting for the Israeli Prime minister who was said to agree with the minimal commitments of a fair and lasting peace. As I said, peace is possible. It must be based on international law. Israel has several options too, at least two. It can negotiate a fair and lasting peace based on a two-state solution or they can try to manage the status quo with a de facto apartheid state where Palestinians would demand the same rights and obligations as Israelis. It is up to Israel to decide. Thank you.

Mike SINGH, Ira Weiner Fellow, The Washington Institute for Near East Policy – Thank you very much Senator and thanks to all of you for being here today. I want to make an initial comment about the subject in general. I served for ten years as a US diplomat. Recently I was a Senior Director at the White House for the Middle East. My portfolio included all the countries from Morocco on one side to Iran on the other with the exception of Iraq, which was a separate bureaucracy under our administration.

I will say that I think we should be aware of caricatures of US policy under different presidents. I know there are strong feelings about both President Bush and President Obama here in Europe. However, my experience is that US

51 policy under President Obama towards the Middle East is largely one of continuity with previous administrations and not just the previous administration but also the ones that came before. I think that Mr Malley alluded to this as well. That is because US policies largely reflect a consensus judgment of US interests, which do not fluctuate greatly from one administration to another. Of course, the tone, the atmosphere and the rhetoric all change considerably.

I think that we should also be careful when we are talking about an issue like the peace process and the Palestinian conflict to avoid solipsism and to avoid elevating our own role to an exaggerated degree. I think that frequently when we talk about this issue, we can overstate our own influence over events. We need to be a little bit more modest perhaps about what we can achieve. Especially since the US and France do not have an unqualified history of success in the Middle East, we should be modest and put our focus on the parties and what we can do to assist them in their efforts to achieve the peace that they both want.

I want to offer my observations from having participated in the negotiations from 2006 to 2008, including the Annapolis Conference and what preceded it and what followed. I also lived in Israel for two years and worked on the issue there as well.

The topic of our panel is: What is the future of the Palestinian people ? Obviously that is inseparable from the peace process, and that is what I am going to focus on. I would say that 2009, this past year, was a lost year for the peace process. That is not to say that nothing occurred on the ground or nothing occurred between the parties. By all means, many things did occur; quite a few negative and some positive. However generally this was a year of missed opportunities, I think. Perhaps this was inevitable. The President of the Palestinian Authority Mahmoud Abbas desired and still desires to resume negotiations where he left off with Ehud Olmert at the Annapolis Conference.

However, Olmert’s successor Benjamin Netanyahu had no intention of doing that. He was deeply opposed to the types of concessions in the process which Olmert made and did not want to continue down that path. Given these circumstances, a head-on collision between the two men probably would have been difficult to avert under any circumstances.

Nevertheless, the events of the past year served to exacerbate the already significant divisions between these two leaders and their peoples. The fallout from the conflict in Gaza and the fracas over an Israeli settlement freeze particularly strained their relationships with each other and with the international community, to which previous speakers have already alluded.

I think that significant diplomatic efforts are now required to overcome these obstacles and heal the wounds that were sustained in 2009. However I would also say that even if these diplomatic efforts prove successful, the chances are small that the resumption of negotiations itself will lead to the resolution of the conflict.

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As my colleagues have already mentioned, successive rounds of talks and focusing on core issues over the decades yielded little progress, with concessions offered by either side not doing much to move the other. Indeed with the passage of time, agreement has come to seem less rather than more likely. Israelis, while still seeing few viable alternatives to a two-state solution, are cynical about the value of a peace agreement, given the violence that followed the withdrawals from Gaza and Southern Lebanon. I think there is actually a chart in your report, which covers this quite nicely on page 50. It describes Israeli attitudes about, let us say, a two-state peace agreement.

On the Palestinian side, I think there is a large segment of the population that is also unconvinced and sees the alternatives to a two-state agreement - whether that would be a single multi-ethnic state or continuing in some form of armed resistance to Israel - as attractive and perhaps increasingly attractive. This is due in part to the failure of negotiations over the years.

One of the chief aims of the international community has to be to create an atmosphere in which both parties see an agreement leading to a two-state solution as the best most feasible option. However even if such an agreement was reached, this would merely be a milestone on the road to peace, rather than an end to the conflict. A Palestinian State cannot simply be declared with the stroke of a pen. It has to be built from the ground up, indeed as the Palestinians are trying to do. There is a document which I think was published in the last couple of days by the Office of the PA Prime Minister about priority interventions which the PA is seeking. It is a very sensible list of projects that they want to engage in to build a state. This work of building a state needs to be redoubled. It is a challenge for the international community to do this if we hope to secure the future of the Palestinian people.

Given these challenges, I would say that our traditional – that is the traditional US and European – approach to the conflict cannot succeed, whether it is novel proposals to resolve the core issues, or pressure on one party or another that fluctuates from time to time. A successful approach must focus on the fundamental causes of the conflict’s persistence as well as on helping Palestinians to build a state that will survive past its Independence Day.

What should be done ? In my view, the US, Europe and our allies should organise our efforts along two broad lines of action. The first of these is countering those who oppose peace, chiefly Iran and its allies in Hamas, Islamic Jihad, Hezbollah and other groups. I would recommend three goals. First disrupt the flow of arms, finance and other support from Tehran to these proxies or militant groups. These arms, such as the rockets which precipitated last year’s Gaza war, provide militants with the capability to derail peace negotiations. If and when peace talks resume, tensions and violence are likely to increase rather than diminish because those who oppose them will want to put an end to them. This makes international interdiction efforts vital. As the technology available to

53 these groups improves, especially with respect to the range and accuracy of light rockets, disrupting these networks will only increase in importance.

Our second goal, with apologies to my colleagues who hold a different view, should be to sharpen the diplomatic isolation of groups such as Hamas and to hold to account the states that sponsor Hamas. As long as these groups reject the legitimacy of Israel, eschew a peaceful resolution of the conflict and aim to undermine responsible Arab leaders, international and regional engagement with them can only harm the peace process.

This is not ideology. In my view, this is pragmatism. If given the choice between regressing twenty years by returning to the question of Israel’s right to exist and Israel’s recognition of whatever the group is on the other side, which is what Hamas wishes to do, or moving ahead with talks with those who are already committed to peace, I think we should choose the latter.

Finally, on this first prong, Israel, the Palestinian and Arab states should be encouraged to consider joint security arrangements for their mutual benefit. As the security landscape has changed in the Middle East over the last several decades, there has been a convergence in the threats that are perceived by these parties. Israel and the Arabs have long been mired in an apparent zero-sum game with an unmanageable trade-off between Israeli security and Palestinian sovereignty. Today’s realities offer an opportunity for win-win security solutions.

While these three efforts that I have just described are necessary to ease the pressure on both Israel and the Palestinians, they are not sufficient for creating the right conditions under which progress can be made.

That leads me to the second prong of action, which I want to describe. That is to foster constituencies for peace in Israel, Palestine and the broader region. To this end I think we also should start with three actions. First the two-state vision should be reaffirmed by the international community as the only one which we will support. Israel and the Palestinians should be asked to reaffirm their commitment to this framework not merely in word but also in deed: for Israel, by ceasing the expansion of settlements; and for the Palestinians, by ending any incitement and challenges to Israel’s legitimacy.

Second, other states in the region must step up their support for the peace process. To date those expressions of support and interest have not been matched by a commensurate level of material support. Budget support to the Palestinian authority must be increased. However efforts to dictate or constrain Palestinian negotiating positions should be ceased. Furthermore Arab states should reach out to Israel and eradicate the anti-Semitism which poisons the future of Arab-Israeli relations and is rife even in states like Egypt in the official media.

Finally greater attention and support must be given to Palestinian efforts to build institutions and spur economic growth. I think there has been progress in

54 this in the last year. We have newly trained professional Palestinian security forces which are establishing some law and order in the West Bank. Salam Fayyad has put in place sensible plans for growth and development which deserve our support. Israeli Prime Minister Netanyahu has to a great extent followed through on pledges to remove roadblocks – although Ms Shihabi disagrees with how extensive that has been – and improving movement and access in the West Bank. The IMF for its part has said that because of some of these changes, they predict 7 % growth in real GDP in the West Bank for 2009. It remains to be seen what the actual number will be, but this would be the first increase in living standards in the West Bank since 2005.

However, I do not think this should be seen as success. What has happened on the ground in the West Bank over the past year is merely a foundation for future success. Despite these advances in security reform, for example, complementary institutions such as courts and prisons remain underdeveloped. In fact, if you look at this new document that came out from the PA, they remain unfunded by the international community. Health and education systems are inadequate. Political party reform has only seen halting steps forward. The easing of closures of checkpoints is welcome, but it is not by any means sufficient. Significant barriers to Palestinian exports and foreign direct investment in the West Bank remain, as we saw from the Wataniya Telecom case, for those of you who are familiar with that.

To build upon some of the economic successes of the past year, both Israel and the Palestinians should be asked to commit to steps they can take together which may serve to rebuild trust and some momentum that could lead to future political negotiations, which I do not think are possible right now.

I think it is in areas such as this where Israeli and Palestinian interests converge or dovetail that confidence-building measures should be focused and could be effective. I think asking any party to make what they perceive, whether we agree or not, as premature concessions on the core issues is likely to fail and result in greater frustration and tension.

It is tempting but ultimately mistaken for we in the United States and Europe to focus exclusively on the core issues that have captivated diplomatic attention for so long. If we instead focus our efforts on the fundamental issues I have just talked about, it is likely the parties themselves can tackle those core issues with minimal outside assistance. There has been no shortage of creative ideas coming from both Israelis and Palestinians.

If, on the other hand, we neglect these fundamental issues and these obstacles to a sustainable peace, the chasm between the parties is likely to deepen and the mounting tensions and frustrations may once again erupt in violence. Thanks.

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Henry SIEGMAN, Director of the U.S./Middle East Project and Former Senior Fellow at the Council on Foreign Relations – I must say at the outset that I regret that I am constrained by a text that I have prepared here and that I must stay reasonably within the ten minute limitations imposed on us. I would have much more enjoyed engaging with Mr Singh and discussing the content of his presentation.

I hope we will have a chance to discuss our differences afterwards. His proposals for confidence-building measures and for telling the Israelis that they should not be building settlements and should be freezing them all made good sense fifteen years ago. To hear them fifteen years later with the implication, that nothing has changed on the ground and that the confidence building is for a Palestinian State that, in fact, may no longer be possible, I find astonishing.

The first point I would like to make is that Israel’s relentless drive to establish facts on the ground in the occupied West Bank has finally succeeded in establishing an irreversible situation. I think that is something that anyone who takes the trouble to go to the West Bank and see what has happened on the ground must realize.

If it is up to an Israeli government to modify significantly or undo this settlement or colonial project that it has in the West Bank, no Israeli government can ever again, in my view, do that. Indeed, it is impossible even for those who have pledged to take down minor hilltop outposts. They have not even been able to take down one of those. The expectation that they are going to be able to undo what have become cities all over the West Bank is utterly unrealistic. That is one of the transformed realities on the ground that I think most diplomats simply have not taken into account.

Of course, what also happens is that once this becomes irreversible, Israel crosses the threshold from being the only democracy in the Middle East to the only apartheid regime in the Middle East.

Some people get terribly upset when this is suggested. In fact, this point was made most forcefully by Israeli prime ministers, including Sharon. Olmert himself repeatedly warned that if Israel did not succeed in establishing a Palestinian State next to itself, then it would turn into an apartheid regime. Of course, when President Carter used that term, the roof fell in on him. When the Israeli Prime Minister used it, it was okay. Now it is widely recognised in most Israeli circles, but is denied by Israel’s government. Settlements are so widespread and so deeply implanted in the West Bank as to rule out the possibility of their removal, as I indicated, by this or any other Israeli government except through outside intervention. Until now, for very good reasons, this was considered highly unlikely.

We need to bear in mind that the Jewish settlements and their supporting infrastructure are not a wild growth that just happened when people were not looking. They have been carefully planned, financed and protected by successive

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Israeli governments and Israel’s military. Their purpose has been to retain Israeli control of Palestine from the river to the sea. This objective precludes, by definition, the existence of a viable and sovereign Palestinian State east of the pre-1967 border, which is presumably the objective of the Roadmap that all parties signed and obligated themselves to.

Already following the 1967 war, Moshe Dayan was asked: What will be the future of the occupied territories ? The answer he gave was that the future is maintaining the present. What is now must stay the way it is. Of course, it was a point of view that for those of you familiar with history was also endorsed by Israel’s cabinet and by General Yigal Allon. He developed the security doctrine that mandated this kind of Israeli permanent presence in the territories. It became the central guiding security principle of Israeli governments, and shaped the current reality.

Prime Minister Netanyahu’s conditions for Palestinian Statehood would leave most of the settlers in place and fragment the contiguity of the territory remaining for such a state. His conditions would also deny Palestinians even those parts of East Jerusalem that Israel unilaterally annexed immediately following the 1967 war. It is territory that is several times the historic area of Jerusalem. It was never previously part of Jerusalem.

In summary, Netanyahu’s conditions for Palestinian Statehood would meet Dayan’s goal of leaving Israel’s de facto occupation permanently in place.

Given these realities, the problem is not how to improve diplomacy or to tinker with the mechanics of negotiations. It is how do you confront the fact that one of the parties has the overwhelming power and the ability to sustain its policy and to achieve its policy objectives while the other party is powerless? In other words, the question is how do you get Israel to do what it absolutely does not want to do?

Because of the presentation, that President Obama made in Cairo - the new language that he used, the new approach he had to American diplomacy, his promise to deal with the Israel-Palestine conflict in an even-handed way - all of this generated a worldwide expectation that he understands this is the real problem. The expectation was that the United States would say “enough” to Israel and draw on the vast credit accumulated by previous U.S. friendship and support for Israel to obtain compliance with the Roadmap and other international agreements. The expectation was that we now have an American president who will be as demanding of Israelis when they violate agreements as we have been of Palestinians.

Unfortunately, as we see from the recent statements by the President as reported in Time magazine, those expectations are being disappointed. This notion that we have endless time to go back to confidence building is an illusion. If the two-state solution has not already become impossible, one would have to move quickly to save it. Widespread anger over this disappointment may lead

57 various parts of the international community, hopefully with Europe in the lead, to bring this issue back to the United Nations. Prime Minister Salam Fayyad’s efforts to establish the institutions of statehood, if successful, should provide context for a Palestinian declaration of self-determination and statehood that the UN would accept. While the U.S. would not support such an initiative, it would find it difficult to prevent it. If such an initiative fails, then a one-state solution becomes inevitable.

Yves AUBIN de la MESSUZIÈRE, Former Director, North Africa/Middle East at the French Foreign Office, Former French Ambassador, President of La Mission laïque française (the French Lay Mission) – To add some further points to those already made, let me briefly analyze the Palestinian political context. The Palestinian movement is having to cope with an in-depth crisis of its political system. I would say that it is a crisis of confidence and a crisis of legitimacy at the same time.

The crisis of confidence is shown through recent initiatives taken by the various authorities of the Palestinian Authority. Unfortunately, sometimes this seems like just pushing ahead to no success. For example, the resort to UN, as mentioned earlier by Henry Siegman, to proactively get recognition of the future Palestinian state. This was immediately withdrawn. Also, you have statements that have been made on the Palestinian Authority dissolving itself. There is also some confusion regarding bringing things to the UN General Assembly on the Goldstone Report. Of course, there are also threats of resignation by Mr Abbas. We see the Palestinian Authority is at a loss during this crisis of confidence. They are subject to strong pressure to resume negotiations. I do not see very well how in the near future the Palestinian Authority and Mr Abbas would be able to resist pressure, particularly US pressure. We know that during his tour in Europe and elsewhere, Mr Mitchell has been asking partners to exert pressure on the Palestinian Authority without any real underlying vision.

We are familiar with crisis of legitimacy. For the Authority, this was worsened after Hamas’ wins of elections in 2006. In January 2009, the Islamist Movement, which already rejected the legality of the Fayyad government as Ismail Haniyed felt he was the legal Prime Minister, declared illegal Mahmoud Abbas whose term came to an end. If we look at the image of the Palestinian Authority, we can also observe that is has deteriorated in public opinion. Sometimes it is perceived as an institution that is managing Palestinian territories on behalf of Israeli authorities. This is not criticism but analysis. Gradually the PLO and its main component, Fatah, seem to operate like some Arab regimes, as a government party which first and foremost wants to maintain power as opposed to actually reform the system.

We can also say it is a crisis of objectives in these constant negotiations since the Oslo Accords as though we have forgotten that the final objective was to create a Palestinian state on 22% of historical Palestine.

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Now let us talk about Annapolis since Mr Singh alluded to this. I have written down what I observed. I feel this was an exercise that was abstract and disconnected from field reality. We saw this in the West Bank and in Gaza in the field. I would also say the process does not mention Jerusalem and refugees. There were negotiations and a couple of percentages were obtained regarding borders. Beyond that, I have not seen much progress made. We are talking about a new US strategy and I am afraid it will be the same situation again.

All in all, I think we can talk about backtracking. I do not know why people talk about the peace process. In Latin, the origin of process means progress or forward. Maybe we should reinvent this as “recess” or “retrocessive” process of peace. At any rate, it is backtracking. I am afraid what we are going to see once again is management of crisis or perhaps almost micromanagement of crisis as opposed to actually moving towards a resolution of the conflict.

I am not trying to paint a bleak, black picture. Let me say that I think Salam Fayyad’s action has made it possible to make progress in cleaning up finances, public order, security and fighting corruption. This summer the Prime Minister presented a well-structured reform plan for gradually establishing institutions. The objective is to create the foundations for a future Palestinian state that would be proclaimed around 2011. I see this as a strategy of responsibility but I would also observe that there is probably no consensus within the Palestinian Authority. Among other things Abbas has not said this; this is a type of disconnect between the team in charge of negotiations and the Authority itself, which is managing the territories.

All in all, this is also paradoxical. We see a weakened authority from a political point of view and at the same time it is reformed or at least in the process of reform. There is clearly a problem of Palestinian leadership, which Israeli authorities do realise. They are very much responsible for the situation. The Israeli authorities can declare that they do not have or no longer have any partners for the peace process. The main problem that the National Palestinian Movement has to confront is its strong and lasting division. Since the breakthrough of the Hamas in Gaza 2007, a sanctioned autonomous entity has gradually been created. In spite of statements and conversations I have had in Gaza with Hamas officials, it is not their intention to create what is called “Hamastan”.

Negotiations for inter-Palestinian reconciliation are in a deadlock. I see now through the various declarations that reconciliation of Palestinians is no more considered a prerequisite for the stabilization of the Palestinian territories and establishment of a favourable climate for resumption of negotiations.

Who is talking about Gaza? Gaza is no longer on the international community’s radar screen. People are no longer talking about the necessary dialogue with the Islamist Movement that was recognised after the Gaza tragedy by a large proportion of the international community as a player or even an interlocutor. In the interim, people have become more reserved and fear that

59 dialogue with the Islamist Movement would weaken the Palestinian Authority. Yesterday I saw a headline in «Le Monde » talking about prospects for dialogue with the Taliban. Maybe we need a few more years to see that type of headline regarding Hamas because whether you like it or not, it is a lasting reality. It is part of the Palestinian landscape. However, analysis and polls, which are efficient in the Palestinian territories, have shown that they do not have the majority in these territories.

Now let me mention Hamas strategy as I have seen it when I had contacts with the Islamist Movement in Gaza. The ideological change in Hamas took place in 2006 when they decided to take part in the elections process. This was an indirect way of recognising the Oslo Accords. Al-Qaeda realised this full well because the Hamas was severely criticised in several press releases of Al-Qaeda, including recently. There were several statements made recently by the political bureau of the movement in Damascus that refer to a Palestinian state within the borders of 1967, and to acceptance of a peace agreement negotiated by the Palestinian Authority provided it is approved by referendum. This was after Jimmy Carter’s visit to Damascus. He obtained a paper that was published in the press. It was not widely seen. In Gaza, you do not have this type of statement I have mentioned. But from conversations and contacts we can deduce that they very much agree with the declaration made by the political bureau in Damascus.

Recently I saw the declaration by the Palestinian National Council (PNC) President Aziz Douik also talking about a Palestinian state within the borders of 1967 and going further as he said that the Hamas charter should be rescinded even if it does not have a status as the PLO charter had. This statement was refuted but, in my opinion, there is a recurrent trend here.

The pragmatic view is still in place in Gaza and I think Hamas has not really changed its strategy fundamentally. They are observing current diplomatic movements, convinced that they will fail so they do not need to try to act as an obstacle or impede them. In the same time, the positions are consolidating though. We see there is strong pressure exerted on Gaza society. We are wondering if there might not be reconciliation, if gradually Hamas may come back to its religious basics. Through the very lengthy talks I have had, for instance, with Mahmoud Zahar, the idea is that Islamist movements think in the long term. They are not in a hurry in the region. When the time comes, Islamist movements will take power. I do not think their strategy is one of trying to win over the PLO. Nevertheless, they say they want to belong to it as they represent 30 to 40%.

Let me make a few points regarding the Palestinian state as the issue is really the focus of the debate. Before going onto this, we have to push aside the idea of a two-nation state that some people allude to, which the PLO had been in favour of in the 1970s. That is utopian and also despairing from mostly the young generation. It is also a question of rhetoric. I do not know if you could confirm the Saeb Erekat talking about that option. How could you imagine this? Israel demands the Palestinian’s recognition of the Jewish nature of their State.

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There is another option, that is the devolution of the West Bank to Jordan and of Gaza to Egypt. It is mentioned even in foreign ministries. This is what I will call virtual diplomacy.

Often we hear people talking about the irreversible nature of the settlements and annexation of Jerusalem and, therefore, the impossibility of establishing a viable state. People say that what would have been possible if the Camp David negotiations had been successful is no longer possible due to the fragmentation of territories, the separation wall, Jerusalem encircled and the lasting dissidents in Gaza. I think that if we look at these situations, this is all reversible if there is a political will to do so. That is an international political will. This is one of the options alluded to in an article by Henry Siegman recently. Maybe the international community should stand in for parties. There are several ways of standing in for parties. The described situations are reversible because first of all there is broad consensus internationally in favour of a Palestinian state if it is a viable state with Jerusalem as its capital. We can only be glad though there were some reservations by the Palestinian Authority on the recent European declaration. I think that this will be part of the set of statements by the European Union, which comprises the Venice Declaration in 1980 about recognition and self-determination, the Berlin Declaration in 1999 about a viable Palestinian state. There were both French initiatives and Jean François-Poncet was one of the craftsmen of the declarations. Opinion is changing in Israel. A recent poll shows us that there is a broad Israeli majority in favour of a Palestinian state.

Furthermore, regarding the Fayyad plan, which was very well structured, I do not know if there is actual implementation. I saw via press analysis – Israeli, US and French press – that there was an American plan for two years. There is some convergence here. I wonder whether there might not have been some Palestinian-American consultations on this and regarding the timetable.

The main obstacle is obviously the Netanyahu government, which is the most right-winged government in Israel’s history. We must underscore that the Prime Minister is a great tactician and he has become more popular than ever before. In little time, he has managed to reduce US pressure, which has now been placed on the Palestinian Authority and Abu Mazen.

Now Israel’s political system also has a recurring leadership problem which prevents any government from really having a vision of peace and so prefering the status quo.

Briefly I will talk about recognition of a Palestinian state. As I see it, we should not go directly to the UN. There is a complex process involved. First of all, there has to be a request from the state to the UN Secretary General, which is handed onto the Security Council to get their approval. Then it is sent onto the General Assembly who will vote. At this juncture, there is always the possibility there of a US veto. There could be unilateral proclamation of a state if there was a deadlock. I think that is a possibility. It is a political act whether you recognise

61 a state. For many European states and France there is no legal obstacle to this type of recognition, which was not the case in 1988 when the Palestinian National Council had proclaimed the Palestinian state. According to case law, there is a doctrine, which is the French position. According to the effectiveness principle even if a territory is not completely constituted, it can enter negotiations and discuss of borders based on the UN resolutions. There is the Palestinian Authority though it is limited. You have the three elements that constitute a Palestinian state. International practice tells us that for effectiveness to be established, you do not need to have the borders of the territory to be fixed once and for all.

In conclusion, unilateral proclamation of a Palestinian state by 2011 if negotiations do not succeed, which is, unfortunately, most likely may make it possible to trigger a movement – a political movement, not a violent movement. There may be a real new type of process, which would not be like the Oslo method. It would turn around perspective. Negotiations would follow the creation of the state. In this scenario, hopefully in advance, elections would take place. I am trying to put together a scenario for if there was unilateral proclamation. Maybe 140 or 150 countries would recognise the Palestinian State. I think 130 States that were part of the UN General Assembly had already recognised the Palestinian State although the pre-configuration of 1988 did not yet have all three elements. The scenario is all the more relevant since, in 2010 and 2011, there will probably not be any significant progress in terms of resumption of negotiations. If they do resume at best, there would be a process that I would call “Annapolis Plus”, designed to manage a conflict that is considered to be a low intensity conflict. If none of these scenarios were to develop, we can say that as of now in the next two years, once again we will see an explosion of violence in Gaza, almost a war, and maybe we will see the emergence of a third Intifada. I apologise this seems so pessimistic but this is the same as the pessimism held by most analysts that we encounter regarding the Palestinian-Israeli conflict

Lastly we can regret that President Obama, in my opinion, has probably not changed his view as he has reaffirmed the centrality of the Israeli-Palestinian conflict in the arc of crisis from the Mediterranean to Afghanistan. I do not think he has changed his view but as we have seen very well, for instance, from the State of the Union address, there was not much mention of foreign policy and nothing about the Middle East. I hope this means that thought is underway and his strategy is being worked out. He would be well inspired to get in touch with Europeans on this since there is more and more convergence among Europeans and Americans. Nonetheless, we observe that they are all working on things separately. Thank you

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – Given that we are running late, I am not sure if maybe I can take just one question.

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Participant – I want to talk about isolated negotiations. Where do we actually stand in that respect? Who is in charge in Hamas? Is it Ismail Haniyeh or Khaled Mashal?

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – Who can answer that one? The first part of the question may be for Ms Shihabi.

Yves AUBIN de la MESSUZIÈRE, Former Director, North Africa/Middle East at the French Foreign Office, Former French Ambassador, President of La Mission laïque française (the French Lay Mission) –What I have learnt is through the press alone but what strikes me is that there has not been any change. Negotiations concerning the exchange in two steps between Sharit and 1,000 prisoners under the allegiance of Egypt dragged on. The problem is that they are people with blood on their hands. Hamas made a choice. I am not absolutely sure but I believe Hamas are talking about the possibility of Barghouti. He is in prison and in contact with other prisoners. I know they have produced a common document one and a half years ago that some people consider as a reference. But I do not really know. It is said that the Germans could be mediators but if there are problems, it is probably on the Israeli side. There is the idea that many prisoners would go not to Gaza but elsewhere. It could be Egypt but it would obviously be seen as a huge Hamas victory. Remember the pictures we saw a couple of years ago when there was the exchange of corpses of Israeli soldiers against hundreds of Hezbollah prisoners. The main problem of Hamas is an image problem, especially in Gaza because they were not able to deal with the situation there so it is less popular. The strong pressure on the society to strengthen Islamism is a problem.

Who is actually in charge? I did not see any major divisions between the leadership in Gaza, who are the important ones as they are on the ground and up against the radicals, and the leadership in Damascus. They are in regular contact because the Hamas leaders in Gaza exit via Egypt and they meet often. Even if they have different approaches, I would say there is a certain amount of agreement. But open statements are made in Damascus and not in Gaza. They say it during discussions but they do not want to state it although they are dealing with the radical movements, the radical current in Hamas and even worse because there have been confrontations with Jihadists who are listening to what al-Qaeda is saying. Maybe they are not as important as some have suggested but they are still there so I do not really think there have been any major differences in the positions taken by Hamas.

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – We have to thank our speakers. Each provided very interesting, different input. We need to continue working and thinking. Thank you for being here this afternoon.

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Friday 29 January 2010

A Renaissance for Iraq?

Panel

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – This morning, we will be starting with an assessment of the situation in Iraq, where along with Madame Cerisier-ben Guiga, we were able to visit Baghdad, and Irbil in the north. It is not exactly the capital of the state but of the Kurdish autonomous region. We met some officials and observers of civil society.

Now, it is our good fortune to have with us for the roundtable Mr Barzani, who will obviously be talking to us about the Kurds. He is the head of the intelligence service in the Kurdish autonomous region. We also have the French Ambassador to Iraq, and we are delighted to see him. Also joining us is Mr Yasseen who is a senior official in his country, and Ambassador of Iraq. He has been monitoring developments in his country, and he will doubtless explain how he speaks such outstanding French.

Ambassador, maybe we could start with you, tell us how Iraq is doing.

Boris BOILLON, French Ambassador to Iraq – I have 20 minutes to speak and so I obviously cannot give you a very detailed analysis of Iraq. I will be looking at one issue, how specifically France is contributing to the renaissance of Iraq.

On a more humorous note, we know that Iraqis sometimes describe themselves as the Seven Sleepers (Ahl al-Kahf). They have been cut off from the world during thirty years because of the embargo and successive wars and now they have to reconnect to the outside world and make up for lost time. This is exactly what France is trying to do in Iraq, contribute to the rebuilding and rapid normalization of this country after three crises: post-dictatorship, post-embargo and post-interconfessional war. Obviously, for the Iraqis, a martyred people, it is very important

But also for the international communities, it is vital that Iraq be restored to a pole of stability. It is necessary Iraq becomes again a strong and stable country in a strategic part of the world where balances are fragile. Let us not forget that with a population of 33 million Iraq is, after Iran and Turkey, the largest country in the region. It is a rich country that has the third largest oil

64 reserves and maybe even more, and the market for reconstruction is huge and estimated at $600 billion, so we can see the stakes are high for the international community.

French support to Iraqi reconstruction and renaissance is very wide ranging but it focuses on three main areas, which will structure my discussion. Firstly, I will speak about political support for the new Iraq, the new Iraqi institutions, and support to international and security normalisation. Secondly, I will be talking about economic and financial support, and thirdly, the French support for reinforcing rule of law in Iraq through a strong cultural, scientific and technical cooperation.

Let us start with political support for Iraq. France is very clearly working alongside Iraq and its new institutions. France defends Iraq’s unity, sovereignty, and the federal nature of this republic, and without formal interference, it supports national reconciliation and the democratic evolution of the country.

This political support is clearly manifested in excellent in-depth dialogue. Think back to 2007/2008, and visits by Bernard Kouchner which marked the French comeback. In 2009, we had returned to an unprecedented pace of interaction between officials in this region. There was a surprise visit by the President recently, and at the very highest level, there have been visits in both countries each month: Mrs Idrac in February, the Vice President Abd al-Mahdi in April, and Prime Minister Nouri al-Maliki in May. Prime Minister François Fillon came in July with Minister Lagarde, and all of this culminated in the state visit in November. I could also list others, such as the Head of the Parliament. Many others have been from Paris to Baghdad, and vice versa, and that is a flow that is continuing to expand because 2010 will be a year of the deepening of these relations and implementation of the commitments on the ground.

These are very substantial commitments that were formalised during the State visit, very briefly I can sum that up. Firstly, the two countries decided to enter into “unlimited reciprocal cooperation”, this is what Presidents Sarkozy and Talabani said, in the framework of an exemplary, strategic partnership. Secondly, we set a very ambitious roadmap that it is my responsibility to implement as fast and efficiently as possible. Agreements were signed, and they underpin our scientific, cultural, military and economic cooperation. The bilateral agenda is really very extensive involving lots of visits, and a few weeks from now the French Minister of Industry will be going to Iraq. Above all, we have set up really original tools tailored to the specifics of the Iraqi situation. I will come back to these later.

In the area of political support, there is a strong commitment on the ground. I am in daily contact with Iraqi forces that refuse the violence. There has been a military and economic mission reopened, a new French Embassy is under construction, the French residency, after almost eight years of being closed, is now open. There is a new consulate general in Irbil, a new one is being prepared in Basra, and two French cultural centres are running flat out.

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Also, in the political sphere, France is very clearly supporting improvement of the security situation in Iraq, with supporting cooperation between services. Also we will have an internal security officer there soon.

Maybe I can briefly tell you something that I think will be interesting, because I know there are a lot of clichés about this. It is about security in Iraq and the way that I see it, and the way it affects me in Baghdad moving around. It is true, there are spectacular attacks targeting the Iraqi state every month and a half. The last one took place on January 25th. There was one on August 19th, October 25th and December 8th going backwards. They are very spectacular, but the overall trend is a major improvement. Statistics are morbid, it is true, but very illustrative. In 2009, on average there were eight fatalities a day. In the previous five years, 2004 to 2008, the average was 60 per day. You can see that the difference is remarkable. I do not want to talk about statistics when it comes to such tragedies but this is the reality.

One can unfortunately expect further attacks in the next few weeks especially before the March 7 elections, but the trend is extremely encouraging. The people behind these attacks are in three groups, al-Qaeda, extremist Shi'ite Militias, and the Ba'athist Nationalist Militias, who sometimes enter into temporary alliances. There are three causes of the improving security. The first is that, paradoxically, the American withdrawal means that there is no legitimacy for the armed groups, and this is contributing to security. Secondly, the Iraqi security forces are efficient, extensive, out on the field, they know their job. They work well and everyday they book successes. The third cause is that the Iraqi population is now tired of 30 years of violence and civil war, and wants to move on.

Geographically speaking, violence is in two areas, the mixed Kurd-Arab areas in the north, Kirkuk and Mosul. The second main violent area is Baghdad, and its suburbs. You can see that geographically there is shrinkage, and also a change in nature. At the moment the armed groups rather than trying to reignite the confessional war as in the past, are targeting state symbols. I also note that Mafia-type violence is competing more and more with terrorist violence through kidnappings, for example.

That was just a digression, but I think it is important for people from the field to come talk about their reality. I am not saying that I know the only reality but it was my reality. I can say that French people who want to return to Iraq, and I would encourage them to do so with the necessary precautions, that is to check out the French Embassy website. There are two main security risks for the French people generally. Firstly, you can just get unlucky if you are in the wrong place and the wrong time when a bomb goes off, and it happens every day in Baghdad. The second is kidnapping by Mafia-type bands. To deal with that, if you come to Iraq, you have to work with security companies. There are French ones, who will provide you with a secure vehicle and some people to accompany

66 you. Those are the ways of dealing with the main dangers. I am not saying they do not exist but there are ways of working with them.

I will end the first part concerning political support from France by saying that, obviously, France offers Iraq international support. Iraq can count on French support in all multilateral bodies, the Security Council and also in the Paris Club. Iraq wanted to get its rights on the international scene back and move on from Chapter 7 of the UN Charter, and France will do what it can. We in France are not scared of a strong Iraq, because it is a democratic country now, and democracy means respecting neighbours and civil society. Military adventures are now over in Iraq, as we see it. This is why France offers unreserved support to modernisation and training of the Iraqi Army. We have undertaken major cooperation with them so that the Army can fulfil its functions defending its country and its people.

The second area that I will look at is France contributing to economic and financial recovery in Iraq. Here again we are very clear and very determined. We set an example, as of 2004, writing off most of the Paris Club debt, and the various debt slices of almost EUR 5 billion have now almost been completed. *

Obviously, French companies are interested in the Iraqi market. In 2008, French businesses had 0.5% of that market, which is virtually nothing, EUR 173 million of French exports, whereas we imported EUR 1.5 billion worth of hydrocarbons. You can see the huge imbalance, and the very low level that we had reached.

I do not have the figures for 2009, but I can tell you that things are really going to be taking off and this is a good thing. We achieved excellent results this year, and we will be doing even better in 2010. I know some contracts have been signed, so you can see that this is a living business relationship. Technip, Total, Air France will be coming to see me next week. A contract signed this year is General Electric France, it is a contract worth EUR 1 billion for electric turbines, built in Belfort. Another one was a EUR 150 million contract with Degrémont for a drinking water plant that I will visit next week with the Baghdad’s mayor. Saint-Gobain also signed a contract and ADPI an exclusive one for airport construction.

There are French businesses investing, and I pay tribute to them because they are courageous and visionary. Lafarge, for example, in Kurdistan, invested EUR 650 million in a cement plant, which is the largest and most modern in the Middle East. They are going to do the same investment in the South, at Karbala. I can tell you that Lafarge is an exemplary company because they are taking risks. At the moment Lafarge accounts for 60% of Iraqi cement construction, that is obviously a good choice if you see how extensive the construction is in the country. CMA-CGM also invested a lot and it controls currently 30% of the maritime traffic in the harbour of Umm Qasr.

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Lastly, I can say there are ongoing negotiations with quite a number of companies, Technip, Alstom, Peugeot, Thalès, Veolia, Renault, EADS, France Telecom and Air France. I hope these work out. You can see that things are moving forward.

French companies have three advantages. The first is past reputation as they operated in Iraq in the 1970s and 1980s. The second strength is that the Iraqis are clear that they want diversification, they do not only want to work with Anglo-Saxon companies, so the French are welcome. Thirdly, perhaps unexpectedly, the Americans themselves are very much in favour of this. They know they are pulling out of Iraq, they want to do this on schedule. By mid- August there will be a major pull out, and then next year all troops will have gone. To meet these deadlines they need to be able to handover under good conditions. The French companies involved in reconstruction are all very welcome.

The most important part of this second section is to show how France and its Ambassador actually support day-in day-out the return of French businesses, so we are working very hard there. We are going to open the French Business Centre which will be inaugurated by Minister Estrosy at the end of February. It is very much an innovation. It is a public-private partnership (PPP), that will mean that any French company that wants to go back to Iraq will be met at the airport, will be secured, will be hosted under safe conditions, will get a customised programme and through the Centre will be able to meet all the major business stakeholders in Iraq. It is innovative, it is original and it cost the French taxpayer nothing, because it is all self-funded. It is something we have worked very hard on. We are very pleased that we will be opening this Business Centre at the end of February.

The second innovative tool that we have set up is the French Agricultural Centre, to be opened in March, we hope with the presence of a French Minister. The reason for this, as you probably remember, is that Iraq is ‘Mesopotamia’, the country between the two rivers, and there is a major agricultural tradition that we should remember. It is the orchard and wheat granary of the region and at the moment it has to import 80% of its food. France is a great farming country, so why not work together, this is what we are trying to do with the Agricultural Centre. There will be various areas of research, such as seeds, trade, research, training, water. All this is being done in Iraqi Kurdistan, in Erbil. A building is being restored and will be opened in March in partnership with French agri-food companies, and I think this is a wonderful innovative project, and meets real Iraqi needs.

The third tool that we are setting up for French businesses is the set of financial instruments, for example a seed fund of EUR 10 million for those businesses that want to train Iraqi engineers in France. Coface is once again operational there in the short term and hopefully in the medium term. AFD will be in Baghdad for the first time with its financial engineering tools and credit systems, and we just signed an agreement to protect our investments. There are

68 also institutional instruments, fairs in Baghdad and Irbil, and also farming fairs where we will be present. In November, France was the only Western country represented with about 100 businesses in Baghdad, and it was a huge success.

My conclusion in relation to economic support by France to the restoration of Iraq, is to say that because the Iraqi market is complicated, it is profitable. You cannot have your cake and eat it too. Obviously, there are risks in returning to Iraq, but they are limited, and they are certainly measurable and controllable, and this is very important. The problem, when you talk to Iraqis, is not really security, it is governance.

This is a good transition to the third section, how France is helping in governance. I do not like the word too much, but it is about how we strengthen and support the rule of law in Iraq. This is the third area where we are working, there are four priorities: governance, civil society, training the elite, and cultural cooperation.

I will start with governance. Iraq is moving on from its professional conflict now, so we need to close those religious, ethnic and tribal gaps, so as to restore confidence of citizens in an impartial state which has the legitimate use of power. It is also a State that can generate solidarity, and citizens must have confidence in their state.

And France is helping in every way possible. Firstly we support the reform of the judiciary, and we have very strong cooperation there. We are working on cooperation with the Iraqi Supreme Court, the equivalent of the French Constitutional Court, Court of Cassation and Higher Council of Magistrature. We are going to receive the President of the Supreme Court in February in Paris. In December, there was a delegation from the Iraqi Council of State, and we are working very hard to establish strong partnerships with the main institutions to reform the judiciary system.

Secondly, and I am delighted, Minister, to be able to say here that we are working with Iraqi Parliament, as you know full well. You very kindly met the President of the Iraqi Republic who was delighted to be here too. You also met the Speaker of the Iraqi Parliament in September, Mr. Al-Samarraï, and you have just met the Secretary General of the Iraqi Parliament to look at possibilities for specific cooperation between parliaments. There was, in fact, a memorandum of understanding signed with the lower chamber of the French Parliament. This means that you in the Senate can also make a major contribution. According to the Iraqi constitution, there should be a Senate in Iraqi, which does not yet exist, so that is an area of cooperation for you, because there was strong ethnic and religious cleavages in the country, so doubtless a Senate will help to enhance representatives of society.

Now, the third action in governance is in the area of criminal law and making all the stakeholders there professional. You know that there is a European programme, EU-Just lex that is training program for magistrates and

69 police officers. France is the major contributor to that. We have been able in that framework to provide training for over 400 people in France. Bilaterally we have decided that there will be an internal security attaché returning to Iraq, and we will be working with magistrates.

The fourth area of action in governance is making sure the security force is professional. That involves a whole programme of training with the Iraqi Police Force, and we will also help them to set up a gendarme force.

Last but not least, we will observe the next elections. In addition to the observers that will be sent from Europe, there will also be French Parliamentarians there, including some Senators at least, MPs, and some French MEPs.

Very briefly, I just want to say that we work very closely with the civil society and there is a programme for elite training, however, I cannot go into details. We have 200 trainees that came to France. It is a real effort to help the Iraqi University to recover. There is also a research development, and here I want to talk about the last innovative scheme we have set up. There is a French archaeological and social science research centre to be opened at Irbil in September with support of other French institutions, and this is very innovative.

In conclusion, reconstruction and renaissance of Iraq, as Kant would say, is a moral imperative whether it be political, geopolitical, economic or cultural. I hope I have convinced you that the decisions taken by President Sarkozy, and implemented by Minister Kouchner are very clear and determined. We are working alongside this new Iraq in this transition phase. Obviously, it is surrounded by some uncertainty, but also huge opportunities. It is now that France has to take up position and work alongside Iraq, not tomorrow. Thank you.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Thank you, Ambassador, that was a very interesting presentation. However, you did not describe changes in the domestic situation in Iraq but we will come back to that point. We all feel that up until mid-2007 Iraq seemed lost, there was bloody insecurity, which was basically everywhere. Things have improved, it is one of the countries where the US has acted fairly and jointly with some success, we have to say. They were helped to some extent by some excesses of al-Qaeda, which made them hated and that helped. Iraq is a country with religious problems and these are difficult ones to tackle. You have not really given us all the information we had hoped to get, Ambassador, through your very interesting contribution.

I would like to give the floor to Mr Yasseen, who is going to tell us first of all how it is that he speaks such perfect French. That is not an easy thing to do for someone who is an Ambassador in his country and senior official at the very

70 highest level. Yesterday, over dinner, I was asking him if he did not intend to get involved in politics. He said, ‘absolutely not’. I think that is probably a wise choice, Mr Yasseen. Please, sir, if possible give us an overview of the situation, where we come from, where we are headed, and how this transition - which has looked much more promising that we might have originally thought - is taking place.

Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq - Thank you, Minister. I had thought I would speak English if people told me my French was good, but the only reason I speak French like this is because I, as you sir, am the son of a diplomat. I would like to thank you for inviting me to speak to you about the Iraq of today.

I think the title of our session is very appropriate and highly relevant. I think it is a good description of what is going on in Iraq right now. In Iraq, after a period, or a long absence, observed by my neighbour, we are seeing renewal, a renaissance. However, there is some irony in the title of this session. When you talk about renaissance, implicitly there is an idea of destruction. Iraq was destroyed through dictatorship based on the totalitarian Ba'ath ideology, which in Arabic means “renaissance.”

Now, Iraq is being born again in a different form through a complicated political process which is not over with yet. It is a process that began through US intervention which pushed out the past regime. However, there are two features in this process, first of all, as in the first day, there was Iraqi will, that sometimes had to cope with some US reluctance to bring the process forward. Next, we can say the process contains within it the sources of its legitimacy, first of all internationally by involving, to the extent possible, the UN and the UN Security Council. There is also popular support through elections; the next ones will take place on March 7. However, the process has encountered resistance and I will talk about that later.

Why am I talking about a rebirth or renaissance in a different form? I am talking about it because we want to draw the lessons from our past and mistakes made in the past. Since the creation of Iraq, there has been a real contradiction. You see great centralisation of the super-structures of the Iraqi government and yet a very diverse population with many different communities, notably the Kurds. We have seen repression and militarism, which led to various coups, the first taking place back in the 1930s. This also explains the many wars conducted by the governments against several Iraqi communities in the south and the north; some of these wars lasted decades.

This is why the leaders of the main political parties in Iraq have negotiated with the agreement of the US occupation authorities on an action programme, on November 15, 2003, to engage Iraq in a process establishing a constitutional government in 2006. This process, approved by the UN Security Council in Resolution 1546, led to several stages. The first stage, the restitution of authority to an interim government approved by the United Nations, was done

71 in June 2004. The second stage, elections for a constitutional assembly, forming a transitional government entrusted with drafting a constitution was done in January 2005. The third stage, approval of the text of the constitution was undertaken in October 2005. After which election of a constitutional government took place in December 2005.

However, for us, that is not completed yet. First of all this has been scheduled, and we heard that there will be constitutional revision and the establishment of second house or Senate. Next, we have problems which we have inherited that need to be solved. What will we do with Kirkuk? There are internal borders that need to be redrawn, etc. These are matters that are going to require a great deal of attention, a great deal of goodwill and careful thought.

First of all, I would like to observe that the US occupation authorities wanted a completely different process. They wanted a process that would spread out over two years, leading to elections, not in 2005 but in the end of 2007. The reason why the Iraqi political forces exerted great pressure to obtain elections earlier was firstly to ensure legitimacy for the government up until the elections. There were people who said they were speaking on behalf of the Iraqi people, but we needed for that to be elections, a government that was legitimate and representative that could speak on their behalf and not be contested. Secondly, there had to be peoples' representatives, elected by the people to draft the constitution. The main idea the Americans had in mind at the time was the constitution would be written by experts. This was a point that Ayatollah Sistani, the religious authority most influential in Iraq, emphasised. I think he was right in lending great emphasis to that point. I mention this point because we often meet people who say the Iraqi constitution was written by American experts, I read this recently in Le Monde, and sometimes that newspaper does make mistakes.

What are the consequences of the political process? They are major consequences of historical order in Iraq. First of all, our Government is more representative of Iraqi diversity. This mainly means that the Shi'ite majority community in Iraq is no longer without a voice, sometimes this leads to reactions. People talked about Shi'ite dominance and this is a consequence of democracy.

A second point is the recognition of the Kurdish communities’ accomplishments, which manages matters that are not constitutionally under the responsibility of the Baghdad government.

The third point is the decentralisation of power as shown through the Federal budget just passed, giving substantial resources to Governors. This is an important point for French businesses that wish to invest in Iraq. You will have to speak to people not only in Baghdad but in various Governors’ offices.

The fourth point is readjustment of US presence and influence in Iraq leading to normalization. In the space of a few years the Americans have turned

72 from occupiers to partners. This is largely through their own will. Our relations are now governed by strategic agreements. One such agreement is a framework agreement, which includes many different economic, social, political and cultural relations. Also, we have an agreement which manages the presence of US forces in Iraq, who will be leaving Iraq once and for all at the end of 2011.

This did not all happen easily. We had to cope with insurrection, unprecedented terrorist activity, and with what I would not call civil war, but a war against civilians. Boris Boillon talked about an average of 60 deaths a day. In 2006/2007 but there were about 100 people killed a day in Baghdad alone. It is a huge figure. Regions and whole cities were forbidden areas with no state presence.

All of this has changed, as the Minister said earlier, and a new strategy has been enacted. We talked about the American surge, which was not just a military strategy but a political strategy also. Thanks to which it was possible to really turn things around completely. That strategy which was successful has meant that the insurgents and the terrorists are no longer a strategic threat for Iraq. They are still a threat as has been shown in recent examples alluded to by Boris Boillon - I almost was involved in one of those recent examples - but they are not going to be changing the forward-moving process.

Now there is worldwide acceptance of Iraq. France was one of the first countries to accept Iraq, thanks to the visits alluded to by Boris Boillon, but France is not the only country. There have also been very important regional developments. Egypt specifically, among others, made a strategic choice to come to Iraq's side, appointing an Ambassador. Recently they received our Prime Minister and we signed over 40 economic agreements with Egypt. Our neighbours from Turkey and Iran are competing with each other in Iraq in every field, the economy, politics and elsewhere. Very recently, international oil companies have committed to invest substantial amounts in Iraq which will mean that within about 10 years time, Iraq will hold the same position it held previously in OPEC, it might be the second oil producer in OPEC.

In a nutshell, I would say we are witnessing a true restoration. In the 1950s, Iraq was moving forward, this was all halted through a coup in 1958, then in the 1960s we continued moving forward to some extent, but that was really inertia more than anything. Then the Ba'aths arrived, Saddam's regime, which threw us to the sidelines. Now I believe we are very much in an upswing. I think this is all going to be consolidated through the upcoming elections that I have been mentioning. These elections are very important. Everything that has happened so far has been temporary or interim. Even the constitutional government we had, which lasted four years, seemed in many respects like a transitional government.

The strength of these elections is that we have an electoral legislation that gives special importance to the Iraqi voters compared to the parties. The previous elections were governed by a different electoral law, which favoured parties. The

73 elections to take place in March of 2010 will make it possible for Iraqi voters to vote for individuals. All Iraqi politicians are taking this very seriously now. Some of them are actually afraid at this point. I am here instead of the Vice President for that very reason. The Vice President is currently in election campaigns, I think he is campaigning in his home constituency right now. There is something very interesting in terms of these elections. It is not so much the elections themselves but rather the political process that will take place after the elections. In Iraq, initial elections gave rise to identity-based coalitions. I think in the March elections we are going to see some competition between the communities, and this may lead to the formation of coalitions that go beyond identity-based coalitions. We will see the emergence of politics like you are accustomed to here in France. Only time will tell.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – I would now like to give the floor to Mr Masroor Barzani. You know, Barzani is a true dynasty in Kurdistan. When we were in Irbil with Ms Cerisier-ben Guiga, capital of the Kurdish entity, we met with the President who was a Barzani, and I think the representative in Paris is also Barzani. I think if you are not a Barzani in Kurdistan, you have a hard time of it.

Mr Barzani, we have expectations of you. You are in charge of security and intelligence in your country, and we are hoping you will tell us where things stand for the Kurds. Can we talk about a Kurdish state? I do not know. What is the appropriate term for the situation because of course Kurdistan is part of Iraq but it is very autonomous. It has its Peshmerga, the defence force, a true army: they are highly disciplined and highly motivated. Kurds are part of Iraq, and at the same time they have made so much progress toward autonomy, have attracted foreign investments and have built a major modern airport in Kurdistan. When we were in Irbil we did not have to transit through Baghdad, we went directly to Irbil.

Tell us about Kurd autonomy. What are the prospects? Also, talk to us about the points that are still a source of disagreement with Baghdad, the central government, and particularly Kirkuk, the capital in the north. Where are things headed in Kirkuk? What solution do you envisage?

Masroor BARZANI, Head of the Kurdistan Democratic Party's (KDP) security and intelligence agencies - Thank you very much. I would be more than happy to give you a Kurdish perspective, a general overview of the situation in Iraq, and I would like to focus on what we believe may be the main problem, what the solution is and the best way forward. In that I hope that you find the answers to some of the questions that you raised.

Ladies and gentlemen, it is truly an honour to address you today. I have prepared a paper, so I am just going to read it out to you. In the birthplace of many of the democratic ideals towards which we now strive, as I stand before

74 you, I am reminded of the great traditions of the French people, the commitment to liberty, property, security, and resistance to oppression. Those principles have been laid out over two hundred years ago in the Declaration of the Rights of Man and of the Citizen. These values based on fraternity and equality, remain the foundation for all those seeking a more just world, a world where all men are presented fairly by their political institutions and where no man suffers brutal injustice by those entrusted to protect, preserve and promote the common good.

Inherent in the struggle to realise these goals, and the Declaration itself, are the warnings of the Baron de Montesquieu, that constant experience shows us that every man invested with power is apt to abuse it and to carry his authority as far as it will go. He wisely recognised, and history has since proven, that no government can aspire to the most basic of democratic ideals and no people can realise the most fundamental of human rights without adhering to separation of power, without the knowledge that the government should be set up so that no man need be afraid of another.

Few places so clearly symbolise the inherent danger of ignoring this edict than Iraq. Since Iraq's independence, Kurds, Arabs and other communities, have suffered from the unwillingness of some of Iraq's leaders to accept these basic principles. Religious and ethnic minorities have faced genocide at the hands of leaders intent on creating an idealised, strong central State out of the post-war fabrication that is Iraq. In their never-ending quest for uniformity, they have not found unity but division and ruin. The results have been devastating for all concerned, hundreds of thousands massacred, the vast promise of our people on oil wealth squandered. As one of the main components of Iraq, the Kurds have been the subject of a genocide war, they have been the victim of chemical attacks and a series of infamous and foul operations during which more than 182 000 people, mainly women and children perished and 90% of our villages were destroyed and levelled to the ground. This is well-known history, one that has resulted in a deep sense of mistrust and fear between individuals, communities, the people and the Government, where the disadvantaged, weak, or vulnerable, expect the strong to pillage and where a culture of revenge and retaliation have ruled.

It has been our hope that this tragic cycle would be broken by the adoption of federal democratic principles and the 2005 Iraqi Constitution ratified by over 80% of the voting Iraqi electorate. It has been our hope that a new era would begin, where our differences would no longer be misconstrued as our greatest weakness but instead become our greatest strength, each component competing peacefully and contributing to the betterment of the whole. A future where power would be dispersed and limited and as Montesquieu advocated, no man need fear another. However, the last few years have shown that many challenges remain. The security vacuum that has existed in many parts of the country has proven an invitation to international and local terrorists, who have played on our history of mistrust and won over segments of the population. The repugnant attacks have rejuvenated the sense of insecurity between Iraq's

75 communities, especially Shi'ite and Sunni, which undermine even a basic sense of fraternity between us.

Weak leaders have turned aboard allowing foreign entities with dubious intentions to play a role in directing our development, and ineptitude has bred invasive corruption that has permeated our bureaucracies, attracting profit seekers rather than civil servants. Under these circumstances, loyalty to sect and ethnicity, not surprisingly, continues to come before country. This is the reality of Iraq and wishful thinking, and lofty solutions cannot change this legacy. We must accept and understand it if we ever want to move beyond it and change the course of history. None of Iraq's people can thrive while some languish in fear. No progress or development can be realised without confidence in the fundamental rules of the system.

The Kurdistan region, however, despite all of these challenges, has managed to largely contribute to the unity of the country. It is today the safest and the most peaceful and secure part of Iraq which in turn has helped the economy of the region to flourish. This was mainly possible because of the dominant culture of tolerance and religious co-existence. The whole Kurdish experience, and the national reconciliation practiced in Kurdistan, could be a clear indication of how Iraq could move forward. At its heart, this is our struggle to establish the sort of division of power and rule of law that characterised modern democracies. These values are embodied in our constitution but it is only in their full and just implementation that we can find peace and progress. Without embracing these values we will inevitably slide again towards despotism, regardless of who leads. For the constitution is greater than any one conflict, issue or law. It extends beyond oil and gas, parliamentary seat allocation or budgets. It is about what type of state, what type of people and what type of community Iraq will become. It is the source of our ability to feel confident and safe to know that the new Iraq will be a break from the repressive past. It binds us together as different communities secure in our differences, but united in common goals of progress and justice. I stand before you committed to the federal and democratic principles laid out in the Iraqi constitution not because I am a Kurd but because like all Iraqis I am a victim of a despotic past.

In its recognition of the importance of strong local and regional government, the constitution reassures the long suffering Iraqi people that the new Iraq will avoid the over centralisation of power that has brought such devastation. For the betterment of all Iraqis it lessens the ferocity of the competition over any particular office by delegating authority and responsibility more widely. This delegation is essential for addressing corruption and creating the virtuous cycle of peaceful competition that reduces incompetence over time.

My message to you today is not pessimistic then, in many ways we are at an advantage, we have the answers to our biggest problems, we have voted on them, and agreed to their promise. We know what we must do. All that remains is the fortitude, wisdom, and courage to implement the democratic and federal system proven so effective to governing diverse societies and protecting

76 individual rights. This is the only way forward, the only way Iraq and its people have for creating the sort of unity and progress found elsewhere.

We as Kurds, and more broadly as Iraqis, and you as Frenchmen, Europeans, and more broadly the international community, cannot waiver in our commitment to these shared values. To overcome its most important hurdle of disunity, Iraq must be able to protect its people and give them confidence in its benevolence. It must reassure us that the powerful will no longer be oppressors, that regardless of religion, all Iraqis from Basra to Zakho, from Erbil to Baghdad, will have a say in their fate, will have the rights granted to them by our constitution. This is the basis for our fraternity and the only hope for Iraq's future. Thank you.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Before I open the floor for questions I will kick-off myself. I find that our speakers, in particular Mr Barzani and the French Ambassador, have avoided the delicate issues, the tricky questions by deciding to talk about what France is doing in Iraq, which is very interesting of course. The Ambassador avoided giving an assessment of Iraq, he talked about the security problem much more. Mr Barzani has expounded a certain number of sentiments that we all subscribed to, he said nothing about Kirkuk.

I am going to corner them, and I am going to ask our Ambassador to explain to us and remind us why Iraq in 2007 seemed a lost cause but evolved. Everyone has criticized the United States, saying it was a terrible idea to invade Iraq. Since then things have turned around, why and how, Ambassador? Can you give us a quick run down on that please?

Boris BOILLON, French Ambassador to Iraq – It is true there has been a turnaround in Iraq - In a couple of years we have gone from total chaos to today's situation of much greater optimism. I think there was a partial answer to your question in Fareed Yasseen's statement. He talked about the American surge, which was the start of the change, and then there were other milestones such as the regional elections in January 2009. However, for the first time we could clearly see emerging an Iraqi national sentiment. Some political parties whose programme was about national unity won the election. Since then I think one can clearly see, emerging in all parts of Iraq, its desire to move on from the divide.

Even physically, one can see an explanation. The Algerian humorist Fellag said that when you dig deep enough, there comes a time when you stop and you can only go back up. Iraq went very far. Fareed Yasseen said in 2007 and 2008 we were talking about 150 to 200 fatalities a day in Baghdad and this cannot go on forever. There comes a time where you reach the low point and people start to change things. 2008 was really the change. Things have improved since then.

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That is why these elections are a turning point, a watershed, which will lead us to further progress. There are five main coalitions that are standing for election, that of the current Prime Minister, the coalition that is lead by the Shi'ite Party, there is the Kurdish coalition, and there are two others that are so called secular coalitions, one headed by Allawi, former Prime Minister, and the other by Bolani, current Defence Minister. What is interesting is that all these coalitions have a programme that openly aims to move beyond religious and tribal differences. Now some people would say that this is just words, maybe but at least the words are being spoken. This exit from the crisis and conflict in Iraqi means that words are important.

You asked me about the root causes of this change in Iraq. Without wanting to be a barroom psychologist, it is the fact that people are talking now, and when people say that there is now a democratic basis in Iraq, it is not just words, it is true. I would say Iraq is the country in Arab Muslim world where there is the greatest and clearest freedom of the press. Each newspaper is attached to a certain party or trend, but there is freedom of the press. You can read in Iraqi newspapers now a very lively debate, exchange of ideas or criticism. I think it is this process too of speaking out, of saying certain things, that will help heal the wounds. This is a slow process that has started in Iraq now, and I personally think it is very dynamic.

Obviously, it is a question of whether you see the glass half-full or half- empty. Things are not perfect; there is a lot that is problematic. It has been very difficult to pass the electoral law. However, what is positive and encouraging in this crucible of new Iraqi democratic developments is that consensus is now possible in Iraqi institutions, for example, the current triple Presidency is not written into the constitution. It arose out of the conditions at the time of the civil war which was so atrocious that they felt it necessary to have three Presidents, each one representing a given confession. Now we are moving on from that, because after the upcoming elections there will be only one President.

The institutions that were set up ad hoc have created consensus, and the Presidential trio is absolutely outstanding. When there is a problem or a debate, the President and two Vice Presidents, get together, talk, and generate consensus, and things move forward, sometimes slowly. You were talking about Kirkuk just now, but I could talk about the hydrocarbon law. In fact there are four pieces of legislation in there. I could also talk about budget share-outs between Kurdistan and the rest of the country. Obviously, there are problems there, but there are issues in every country.

My personal view about this is not going to get us anywhere, although I have to be very careful with what I say, of course, because I do want to stay Ambassador. Kirkuk is a problem for the long term. It is a human problem of huge scale. There was terrible suffering, ten of thousands of families that were deported, I talk about bloodshed, death, awful memories, and this cannot be wiped away by an act of Parliament, this will take time. I think what is required

78 is trust in the Iraqis because they are in the front line. They have already solved a lot of the problems, and the March elections are a miracle. Indeed, I do not know many countries in the world where in a situation like Iraq two years ago, they would have been able to find the necessary resources to organise the regional elections that happened last year, and it will be the same this year in March. This is really exceptional and one cannot but acknowledge that.

Let us not put the cart before the horse. A lot of issues have already been solved by the Iraqis themselves, sometimes with the support of the United States whose positive role I underlined. The Americans did do a lot of damage but they also contributed, assisted and they put a lot of resources and effort into this. As for the big central issues, like Kirkuk, because here we are talking about identity issues, that will take time.

I would just like to stress that there is a living democracy now in Iraq that counts. It is not perfect. In the current elections, there have been problems like candidates who have been sidelined for rather unclear reasons. But overall the job is being done and things go forward.

Because you were talking about Kurdistan just now, I would say that the Iraqi constitution does plan for the creation of regions, because it is a federal republic. At the moment, there is only one region which is called KRG, the Kurdish Regional Government with provinces of Sulaymaniya, Erbil, and Dahuk, all within 15% of the surface area of the country. There is discussion between the regional government and the central government at the moment. Masroor Barzani quite rightly talked about this long tradition of distrust and that is not going to evaporate in a couple of months. However, work is underway, a commission has been set up by the central government and the regional government, in particular, to look at the so-called “disputed territories”. That is a good thing in itself. The UN is working presently in the field and they will help people to go forward. Obviously, there are discussions. There is a question of what percentage of the national budget should be allocated to Kurdistan.

The last point is that for me Kurdistan in Iraq is a fantastic gateway to the country, because there is total security, there are local specificities, local regulations that are very conducive to foreigners and foreign investment. It is true that we in France would like to use the north of Iraq, the KRG, which remains Iraqi, as a way to organize seminars and meetings. For you, the French people who want to enter the country, this could be the way in because from Erbil or Sulaymaniya you can then move to the rest of the country.

There is just one point that I have to be clear on as Ambassador. Iraq is one country, and I cannot imagine that that would change in the next 100 years. I think the Kurds and the Arabs has understood the advantage of their common interest to be united. There is clearly existing Iraqi identity which appears in the local dialect and references. There is an existing past, loaded with hatred, but there is a country that is called Iraq and that will last, I am absolutely convinced of that. Quite apart from conflicts that might well exist naturally as we do have as

79 well. France is a centralized country but think back to the beginning of the 20th century when the Bretons had French clubbed into them at school, and so this was what France was like not so long ago.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Thank you very much for that interesting explanation. We will now open up the discussion to the floor.

Patrycja SASNAL, Polish Institute of International Affairs, Analyst, Middle East- I have enjoyed all three talks of the honourable panellists, I find it astonishing that all of you have painted the very same positive, optimistic picture of Iraq. I will give you just one number that I find alarming. The general perception is that Afghanistan and Pakistan are now the most dangerous parts of the world, and that this is the bloodiest conflict that we are facing. However, the recent reports give us a number of 2,500 civilian deaths in Afghanistan and 3,000 in Pakistan, whereas the official Iraq body count toll is 4,500 civilian deaths in 2009. I am thinking now if Iraq is the safest place in the region, and Afghanistan is the most unsafe place.

You are forgetting about the Ba'athist problem, because the Ba'athists do still have a lot of support within the Sunni community. The Shi'ites and the Kurds have their voice, but the Sunnis feel deprived of their voice. It is great that there is the tripartite Government, and there is a Sunni representative, but that does not mean that there will be no violence on the part of the former Ba'athists whose offices are still in Jordan or Syria. How do you see the integration of these people in Iraq? Do you think it is possible? Do we try to have connections, with these people? Do you see a solution to this problem?

Masroor BARZANI, Head of the Kurdistan Democratic Party's (KDP) Security and Intelligence Agencies - When I was talking about the security and I think a peaceful place, I tried to mention that the Kurdistan region is relatively secure and safe in comparison to the rest of the country. Nobody could deny that there is still violence and there are still bombings and there are still problems in the rest of the country, but it is our hope that the model followed in the Kurdistan region could be practiced elsewhere in the country. We could overcome the problems over the years and the time to come. We believe that the main problem is political before it is a security issue. If people do not have a reason to join insurgency or to allow particular terrorist organisations to come into the country, then they probably do not have to do that and this requires a compromise from all sides.

You mentioned the Sunnis who may feel that they are excluded from the political process. As a main component of the country, Iraq will never be complete without all the people that make up Iraq, so Sunnis are a main component of that country. They have to be a part of the political process in order to succeed in any process and in the upcoming elections too. The problem with the Sunnis in the last election is that they themselves decided to boycott the

80 election. We hope that this will not be repeated in this upcoming election. It will be up to the Sunnis to participate in the political process.

You mentioned the Ba'athists; obviously we have to make a distinction between those who have committed crimes during the Saddam era and those who were forced to become Ba'athists to keep their jobs and to avoid being expelled. If we make that distinction, I think there is a legal way to bring those who have committed crimes to justice. While those who were just simply Ba'athists because they had to be have to be given an opportunity to participate in the political process and to be reintegrated in the community.

Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq - You talked about the Sunnis, there are Sunnis in the government, and there will be a lot of Sunni candidates standing in the elections in the next few weeks. The Sunnis will have a role in running the country, a voice in government. Does it exclude others? No. That is not possible any more. Their inclusion in the political process is a decision by all the Iraqi stakeholders in politics.

I will give you an example. Masroor Barzani has just said that the Arab Sunnis boycotted the elections to the constitutional assembly in January 2005. It is true, there were very few candidates representing them because of the electoral system that was inherited from the UN, but that is another question. What do we do? We made sure we included people who had not been elected and who represented that community in order to draft the constitution. I will give you two examples: Adnan Pachachi, who is an eminent diplomat, former Foreign Minister, and Saleh el-Motlaq, who is being talked a lot about today. They both were involved in writing the constitution so there is an effort towards inclusion. The criterion from the next government is that it is an inclusive one. I think, and hope, it will meet the criterion.

I would just like to add something, because you asked Boris Boillon for what reason Iraq has moved on from the hell it was in 2007 to something acceptable in 2008. There are several reasons. Firstly, the US surge and developments in the Iraqi Sunni community that turned against Al Qaeda, that is a very important factor, made this evolution possible.. Then there was a political decision by the Prime Minister to act against the Shi'ite militia in Basra and then Baghdad. That really made a difference.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – This is especially important because the Prime Minister himself is a Shi'ite. By acting against the Shi'ite insurgency in the south, he showed that he was above religious divisions, which conferred national authority upon him, and in fact his campaign platform was about national themes. However, I don't know whether the upcoming elections will enable him to continue in that direction, I think I asked this question yesterday, and you said it is impossible to know.

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Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq - I have a comment on the elections next March. Nobody can reliably predict who will be the Iraqi Prime Minister. I think that is meaningful, because it is the elections that will give a verdict.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – That is a very good sign, as long as the best man wins. I like elections, they are a good idea, but sometimes they return a rather surprising result, which is what happened with Hamas. I remind you that Hamas in the last elections in the West Bank and the Gaza Strip, came out well ahead. Nonetheless, the Western world, led by the US, probably at the instigation of Israel, all stated that the voters had got it wrong, and just ignored Hamas and thus the elections. Sometimes the ballot box gives you a result other than the one you wanted. Despite the scepticism, I think we have time for two more question.

From the floor - In the 1980s I worked in Iraq a lot at the time of Saddam Hussein. Women played a very important role. I was in telecommunications, there were women who were heads of department, directors and engineers. Will this new society be a secular one, and will women play that sort of role? Moreover, what will happen to the Christians?

Philippe de SUREMAIN, former Ambassador to Iran - Just now you talked about the re-emergence of an Iraqi state. How do you see its relations with two major neighbours, Iran and Turkey, because Egypt is not the only one involved?

Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq - 25% of the Iraqi Parliament are women.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – We here could not claim the same.

Fareed YASSEEN, Ambassador, Government of Iraq - They really are playing a role. I was very proud recently because there was a new round of Ambassadors appointed including three women. This is an excellent idea and I attach great importance to this. My mother was a university professor and now a retiree. My aunts were doctors. And it is still like that. If you go to Iraqi universities, you will see that most of the students are women and those who come out top of their year are usually women. Sooner or later, we will be governed by them.

As for the Christians, that is a major issue. The presence of Christians is vital, essential, to Iraq and I speak as someone who studied in a school founded by American Jesuits, where I had a lot of Christian friends. Iraq would not be the

82 same without them. They have to stay, they have to be protected. Unfortunately, it is a vulnerable population, they have been horribly targeted. But I can assure you that the State is doing everything it can to protect them and to make sure they play their full role.

Iran and Turkey are our two most important neighbours, and not just because of water. Iraq is one of the few countries that, because of natural interest, is obliged to have excellent relations with Iran and with the United States. I think we are managing to do it. Sometimes we managed to bring them together, get them sitting around the same table. Our problem is to make sure that we can speak to them on an equal footing. To do so we have to build our country and that is what we are doing. Iran has been at our side in rebuilding Iraq. I remember the first visit of the new government to the United Nations in 2003: we were virtually ignored by the representatives of the Arab countries, but we were invited to dinner by the Iranian permanent representative. A lot of our leaders spend years of exile in Iran, they have personnel friendships with Iranian and Syrian leaders, so we have a good relationship with Iran.

Turkey is our main trading partner and that is not likely to change. For the Turks, it is fair to say that they are now reaping the benefit of their courage because over the last six years they have been present throughout the country. They were the first movers and they have had the first movers' advantage with respect to the Iraqi economy. You have to see what they are building and investing into Kurdistan. We are in the process of building a centre that will host the government, in the Green Zone, and it is a Turkish company that is involved in that.

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The Latest on Al Qaeda?

Panel

Monique CERISIER-ben GUIGA, Senator, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – During our trip with Jean François-Poncet, thanks to the Foreign Affairs Committee of the Senate, between the last quarter of 2008 and first semester of 2009, we asked ourselves several questions. We asked about the latest on al-Qaeda. We had a premonitory opening in Yemen, as it seemed to us that Yemen was obviously the next basis for al-Qaeda. Almost everywhere there was such Byzantine questions about whether it is al-Qaeda, or whether people are now doing bombings and trying to make themselves important by saying it was al-Qaeda bombing. Are they working indirectly for al-Qaeda? Are they becoming important through their affiliation to al-Qaeda? Do they commit terrorist acts on behalf of al-Qaeda in the hope of being taken on board in al- Qaeda?

For today, we have three specialists who are going to give us an opportunity to either answer those questions or reformulate the questions in more detail. The first one is Mr Alain Chouet, who is a man on the frontline. There will be no philosophy from him; he will talk about hard facts. Mr Chouet has just published an article in Marine magazine called, “Afghanistan, the tartar desert?”. Then after hearing stories from the frontline, there will be Jean-Pierre Filiu, a diplomat, currently a visiting Professor of Political Sciences at Georgetown (USA). He has published several books on al-Qaeda, the latest was called The Nine Lives of Al-Qaeda; it reads almost like a novel. Lastly, we have François Heisbourg, special advisor at the Fondation pour la Recherche Stratégique. A year ago, he published a book called After Al-Qaeda. After the detailed explanation of Jean-Pierre Filiu, we will ask him to give us a conclusion on what can be expected in the near future.

Alain CHOUET, Former Chief of the Security Intelligence Service, French Foreign Intelligence Service - You may not all be familiar with the French Security Intelligence Service: we are responsible for collecting intelligence and implementing active security measures outside of our territory. We deal with counter-criminality, counter-espionage, counter-proliferation, counter-terrorism, amongst other things. We work abroad and obviously illegally and it is all very secret. It gives you quite a strange specialized vision of the world. I am not going to say ineptly what Jean-Pierre Filiu, and François Heisbourg, are going to say much more aptly later on. I am just going to give you the “intelligence” perspective of the issue.

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I hesitated, first of all, in accepting the invitation to take part in this type of necromancy exercise as I think that the questions considered as Byzantine are less Byzantine than they seem at first sight. Like many other professionals around the world, I think on the basis of crosscutting information that al-Qaeda is operationally dead since the Tora Bora operations in 2002. The Pakistani Secret Services continued to make us believe that al-Qaeda was still alive between 2003 and 2008 in exchange for generosity and indulgence.

Out of the 400 active members in the organisation recorded in 2001, there are less than 50 of them, mostly sidekicks, apart from Bin Laden and Ayman al- Zawahiri, who are not operational, that we feel are now living hidden in inaccessible areas and they have very rustic means of communication. There is a very good description of terrorist networks in Marc Sageman’s book Understanding Terror Networks. With only that skeletal head group left, how can they organize a global-scale network of political violence? Now we had attacks in Bali, Bombay, Sharm al-Sheikh, London, Madrid, Casablanca, Djerba and so on. It is obvious that none of the post-September 11 terrorists ever have had contact with the head of the organization of course. Bin Laden and Ayman al-Zawahiri do sometimes claim that they masterminded these attacks. However, even if they could be authenticated, there cannot be any functional or operational links between these terrorists and the remains of the organization.

However, we still say that al-Qaeda is behind any act of violence committed by a Muslim or when there are Muslims in the wrong place at the wrong time. For example, when there was a chemical plant explosion in Toulouse, or when there are attacks that do not involve Muslims like the anthrax attacks in the US, we keep on saying that Muslims are behind all these attacks, that al-Qaeda is behind all these attacks. I think that we are giving it strength just by saying so. It is a bit like Amédée in the Eugène Ionesco play, who does not exist, but you keep talking about it, and in the end you do not know how to get rid of it.

We keep mentioning this mythical terrorist organisation, qualified as “hyper-terrorist”; it is mythical not because it was powerful, but because it went against the “hyperpower”. This has had some adverse and counter-productive effects. For example, any person in the Muslim world, whatever their political place on the spectrum, if they want to undertake a violent action, they have to say that they are with al-Qaeda if they want to be taken seriously, to have their action legitimated by others and recognised internationally.

In addition, all Muslim Governments around the world, they are not all virtuous, have understood that their opponents should be labelled as belonging to Bin Laden's network, and they sometimes get help from Western powers when doing this. There are so-called designated, or self-designated, forces reportedly working for al-Qaeda in Pakistan, Iraq, Yemen, Somalia, the Maghreb and elsewhere on the Arabian peninsula.

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That has been a very stupid move because the effect it has had is to reinforce the idea that al-Qaeda is omnipresent, that all Muslims belong to al- Qaeda and that al-Qaeda is lying in wait to attack the West, and the United States more precisely.

That sort of vision is the result of a number of judgement and perspective errors, and this also leads to responses that do not work. If al-Qaeda does not exist, the Islamic political violence does exist and the West is just an indirect and collateral victim. The ideologues of Islamist violence are not “crazy for God”: they have some specific aims. Their objective is not to spread Islam everywhere in the world without any intervention of the West, a bit like the approach of Hassan Turabi in Sudan. Now, perhaps, we as Westerners will feel our ego is weakened but we must admit that the first victims of Islamic violence and the main and most numerous ones, are the Muslims themselves.

The epicentre of the Islamic violence is neither in Afghanistan, nor in Iraq, it is in Saudi Arabia. It is that country that was the first target of the “Manifesto against the Jews and Crusaders”, which was the founding text of the Bin Laden organisation at the end of the 1990s. It also targeted the Saudi royal family before it targeted Jews and “Crusaders” and as said by Antoine Sfeir, it is the only country in the world with a family name.

Saudi Arabia is, relatively speaking, in the same situation as France was in the first half of the 1789. A family took power in 1926, whose legitimacy is based on religion. They usurp the guard of holy places of Islam to their historic guardians who belonged to the Hachemite family. This is the Saud family, who comprises about 3000 Princes. It concentrates all power, and also concentrates in its hands all the revenue from oil exploration of the most hydrocarbon-rich subsoil in the world. Therefore, the Saud family has blocked the way to any expression of democracy or pluralism in order to maintain its legitimacy faced with any contestation. It propagates a fundamentalist type of Islam as widely as it can in order not to be upstaged. It is simply stepping to the fore, a bit like the Soviet Union, they did not want any enemies or any competitors, and the Saudi family is acting in the same way.

However, oil revenues have dropped, and this has lead to the development of trade and industry. Of course the princes could not keep their hands away from that, and this means that the arena is now open to non-royal blood, entrepreneurs from other countries that were of course Muslims, mostly from Yemen, and broadly from Syria, the Levant, Lebanon, and Palestine. Some of these entrepreneurs underscore, quite rightly, just like the bourgeoisie in 1789, that they are the ones who are actually doing all the work and laying the ground for the country’s future. And, therefore, they should be treated fairly and included in the exercise of power or should also benefit from the revenue of the oil industry, that until recently went straight into the personal pockets of the royal family.

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Now how can these claims be heard in a country where there is no pluralist democratic speech? How can you legitimize a power that says it is in its place by divine right? How can you exert pressure on a royal family who has been enjoying since 1945, after the personal pact of Quincy between Ibn Saud and Roosevelt, the political protection and the military support of the US in exchange of the monopoly on the exploitation of their oil industry?

Opponents to this theocracy can only use a good sprinkling of revolutionary violence and of fundamentalist escalation against the ruling power and also external protectors of the country who avoid the power to collapse. It is not surprising that you find amongst the most violent Muslim activists a significant number of the children of the so-called bourgeoisie I mentioned that cannot participate actively in governing the country but that does not lack of money or ideas. That is how you found Bin Laden, that is how he was propelled into violent activity, into fundamentalism, by the Saudi royal family. They thought that it was quite expedient to have the external interests of the royal family be defended by people outside of the royal family, instead of themselves. That is a classical error made by social climbers.

There were many adventures, of course, and the children of this bourgeoisie met the wrong people, came under the wrong influence, and they came back to bite their masters on the hand. That is how in the mid-1980s this permanent escalation of religious fundamentalism and struggle for control of the Islamic world started between the Saud family and its rivals, or opponents, within and outside. The Iran-Saudi Arabia conflict was largely responsible for escalating this Muslim fundamentalist spiral.

That spiral, because there were not enough human resources, because there were no skills in external interventions, was made possible only because there was so much money in Saudi Arabia. That money is being squandered and being given to lots of countries in the Islamic world and to immigrant communities. And of course it went straight into the pockets of a structured international terrorist organisation like the Muslim Brotherhood and its violent arm, the Jamia Islamia. That is to say Islamist groups, of which the al-Qaeda of Bin Laden is only one of the components.

Everywhere jihadist violence is expressed, it is always in the weaker parts of the Muslim world, and it is always based on three components. Firstly, this ideological and financial spiralling of the Saudi regime and of its local opponents or rivals. Secondly, a strong local presence of the Muslim Brotherhood or the Jamia Islamia. They profit from this spiral, they use all political and economic and social contradictions to set public opinion against local powers and to dissuade the Western world from supporting the country or intervening. The Muslim world benefits from being hated from the outside world. For the third component, we are partly to blame. It is diplomacy. Western and US diplomacy, and intelligence services have supported, often military, the most reactionary and religious fundamentalist regimes against the Soviet Union up to the 1990s and there was the Iran containment policy in the 1980s.

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For very different reasons linked to unresolved local disagreements or badly mastered external interventions, it is that cocktail, with those three ingredients, that produces the same effects in Afghanistan, Pakistan, Indonesia, Yemen, Somalia, the Maghreb, the Sahel countries, Iraq, and the lawless areas amongst Muslim communities in Western countries. I will not go into the details, but you have to realise that if they all develop in the same way, it has to be admitted that they correspond to very different local realities, and the players, those responsible, do not really communicate between themselves. However, if they are all agitating the same flags and claiming that they are with al-Qaeda it is because it serves their purposes against the West and particularly the US; it strengthens them. They are all supposed to be able to support even the most controversial States.

Of course you might object that jihadi violence does exist, and is spreading everywhere along the same patterns. Does it matter that it is called al- Qaeda? This could be taken as the generic label of a globalized Jihad violence. A certain number of more cautious journalists do not talk about al-Qaeda, they talk about the al-Qaeda cloud, but that is very cloudy. However, it is because of that confusion in the language that there cannot be a proper solution or response.

Of course, there are two ways of moving into political terrorist violence: either you set up a structured political military group with agenda, objectives and clear leadership, which is like an army with professionals. Then, of course, you enter into pseudo-military clashes, which was the case of most revolutionary terrorist or independent movements in Europe, in South America, and in the Middle East, up until the end of the 20th century.

There is also the lone wolf solution, which is to say that you are both within the mainstream and with the rebellion. You rally to your side the weakest parts of society, you encourage people to undertake lone acts and strike where they can, when they can, as they can, it does not matter as the act is signed and claimed by the movement and belongs to its general strategy. The lone wolf technique is not new, it is called lone wolf because it is well known in the US. Mr William Pierce wrote a theory on it in his Turner Diaries, which stayed a bestseller throughout the 1990s. It is inspirational, in fact, to most white supremacists and Christian fundamentals. I will mention only the Atlanta and Okalahoma City bombings, and other individual attacks that resulted in a larger number of dead than 9/11.

That is the way of acting of several groups in the third world like the Grey Wolves in Turkey, or the Muslim Brotherhood elsewhere. There are local acts of violence in the Muslim world that correspond to the first model, but the second model explains the Jihadi violence in the West and elsewhere in Arab countries.

All intelligence services know that you cannot fight the lone wolf technique using military material means, armoured cars or increased indiscriminate security measures. The only way you can fight the lone wolf

88 methodology is through targeted actions that are underpinned by political, social, economic, educational, and cultural measures that will cut off the perpetrators of violence from the sources that finance them and inspire them.

There have been no real serious measures that have targeted the source of funding and ideology of Jihadi violence. Al-Qaeda was considered to be the permanent enemy and there have only been inappropriate military and security responses. It is a bit like using a machine gun to kill a mosquito, you miss the mosquito but there is huge collateral damage, as can be seen in Iraq, Afghanistan, Somalia and Yemen.

The first effect of that unproductive crusade was to boost and to provide more credence to the terrorists, to legitimize that form of violence and to make it the only possible frame of reference for affirmation. Let us not forget that the Muslim world has been traumatized as Muslims are often suspected, it has been under attack and massive, lasting and blind military occupation year after year. For nine years now, the Western world has been attacking the tribal areas in Pakistan, Afghanistan, Iraq, also Somalia and Palestine. Why not Yemen? Why not Iran? For Muslims, Bin Laden is still mocking the rest of the Western world by running free from the largest army in the world and the Islamist regime of Saudi Arabia is still under complete protection of the US.

To conclude, and to provide my input to this panel, what is the latest with al-Qaeda? It died sometime between 2002 and 2003, but before dying it was reinforced and strengthened by the Westerners' mistakes and by the mistakes of some Muslim regimes as well. It has actually disseminated. The question is whether we will make the same mistakes again, we will feed a spiral of violence. We hope that with partners, both Arab and Muslim, we will be able to prevent the proliferation of rhinoceroses, to refer again to Ionesco.

Monique CERISIER-ben GUIGA, Senator, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – This goes to show that field experience in difficult conditions really is food for interesting thoughts. Consider the decorations Alain Chouet has received in his career and all that experience. He expressed very original ideas that are very interesting and somewhat unusual. Jean-Pierre Filiu will now look through the various lives of al-Qaeda that he eluded to in a recent book of his, to try and answer this question, i.e., where does al-Qaeda stand now?

Jean-Pierre FILIU, Professor, Middle East Chair at Sciences Po Paris, Visiting Professor at Georgetown University - Thank you very much, Madam Senator. Thank you to Minister François-Poncet, and also thank you to the Senate Committee for providing us with this report that sheds so much light on matters. The conclusions on Yemen were very interesting, and forward-looking. We see that you have a forward-looking view. On Christmas Eve, various manipulations going on in the lower part of a passenger seat, all of a sudden meant that Yemen came to the headlines internationally. This was well after Yemen should have been in the headlines. We can say that in the past month, up

89 until London a few days ago, there has been a great deal of media attention, everybody all of a sudden has become worried once again about safety. I think that makes this morning's panel discussion become ever more imperative. We must never give in to fascination or amazement when we are looking at al-Qaeda.

I do not have Alain Chouet’s experience from the field and I will take a different tack. I will be more basic whereas he has more of a theoretical overview that I could not make any claim to myself. Al-Qaeda did not die between 2002 and 2004. Al-Qaeda is an organisation that was established in August of 1988 by one person, Osama Bin Laden, who is the Emir, the Commander of this organization. All of its members have to pledge personal and absolute allegiance. The chief is still active, he reminded us this on Sunday by claiming the rights to the fiasco in Detroit.

However, it is interesting that Alain Chouet talks about the death of al- Qaeda, because actually this is something I have been saying in The Nine Lives of Al-Qaeda. The idea in my book is that al-Qaeda keeps being reborn in a different form. There is something striking, and this is a real intellectual challenge - and is, therefore, an operational challenge, a political challenge and so forth. This organization is a very limited organisation actually: Alain Chouet talked about 400 members at the time of September 11, and now there are between 1,000 and 2,000. So one-in-one million Muslims, that is a very limited proportion. This limited organization has had this incredible ability to regenerate itself, to undergo metamorphosis and to count on the mistakes of their proclaimed enemies or overinvestment, turning them into public enemy number one, and Bin Laden into the chief of some supposed international organization that just looks like an international organization virtually through the Internet. It was transformed into a rallying point and many people who otherwise would have had nothing to do with the organization, ended up within it, or identifying with it.

Al-Qaeda is highly unusual and very different, not in the methods it has used, though there was a change of scale, but it is especially different when you look at its view of jihad. This will be the first and the last organisation of its type, an incredible aberration in the history of Islam, which has been here for 14 centuries already. It is the first organisation to call for a global jihad, this is something entirely new. The idea that you are disconnecting the jihad from a people or a territory, and saying the front is a global front is totally new. In addition the global jihad is targeting individuals, and not groups or communities, as opposed to the tradition, and Islamic jurisprudence. This makes it possible to establish a link with the lone wolves that could fall into these traps.

Therefore, this global jihad is based on a dialectic which is very strong. Alain Chouet told us that the vast majority of al-Qaeda victims are Muslims and, he said, the victims in the West were “collateral” victims, that was his adjective. This is the dialectic between the remote enemy and the near enemy. The remote enemy is America and its allies, including France among others. Remember, we have gone up a couple of ranks recently in terms of potential targets for al-

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Qaeda. Several rungs in fact, our country’s situation has become fairly disquieting if you look at the various al-Qaeda press releases.

Then you have the closer enemy, who is the strategic enemy. It is the Muslim enemy: al-Qaeda feels it is a bogus Muslim. Al-Qaeda wants to bring him under control. It is a revolutionary organization like the Japanese Red Army, or the Red Army Faction were revolutionary organisations about 30 years ago. Just like them, al-Qaeda knows it does not have a way of actually combating the near enemy. So it is trying to combat the distant enemy, that way it can destabilize the near enemy, and at the same time generate such chaos that it is possible to use this wave of national sentiment to sometimes gain new recruits, being less and less attracted otherwise to the global jihad program.

I was struck when Ambassador Boris Boillon in the previous panel said “the Americans were leaving and therefore security is improving”. That is an objective observation, but we have to carefully mull this over and think it through to understand it. It is true, the arrrival of the distant enemy destabilises the near enemy, and helps al-Qaeda among others. In Iraq before the surge, General Petraeus was smart enough to accept a reality he had not created: the national and anti-American jihad. The nationalist guerrilla had identified al- Qaeda as its strategic enemy after two or three years of tactical alliances. The global jihad was in contradiction in terms of the objectives and practices, with the aims of the national jihad restricted to the territory of Iraq.

That contradiction between the national jihad and the global jihad will always be fatal to the global jihad. This is the case in Iraq where al-Qaeda was reduced to what it is today. It has not disappeared entirely from Iraq, where it continues to act under the label of “Islamic State”. This is a sad irony. In October of 2006, it proclaimed a caliphate on the Internet. It is its eighth life that I call the “caliphate of the shadows”. Of course, it did not work, but when you are a totalitarian organization, it is hard to accept a return to reality. We can be, strategically speaking, fairly grateful to the Iraqi guerrilla warfare to have done the bulk of work against al-Qaeda, the Americans then completed it through General Petraeus enlightened work. We can learn some lessons from this for the future.

Where does al-Qaeda stand today? It is at the end of a life, maybe a cycle, there are many arguments which would speak in favour of that. Or al-Qaeda may be preparing a 10th life, a rebirth. In that case, I think we have many sources of concern, even if we do not want to cry wolf, whether it is a lone wolf or not. Now the main trends that I am trying to describe over the 21 years of al-Qaeda's existence would speak in favour of its irreversible decline. Firstly, because it is unable to get a territorial base where it always encounters forces that are not democratic or moderate, or good. But they are active in a national framework and they try to eliminate the missile being shot at them at their operational theatre, which can disturb their own plans regarding that territory.

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We can see that there is an absence of a territorial base and an inability to influence the Muslim world. What impact has al-Qaeda had on a crisis in the Muslim world, since its beginning? They had an impact on our society, but in the Muslim world they have not had any impact. Al-Qaeda has not had an impact, except as Alain Chouet said, it has just served as something that could speak out against in order to weaken some regimes.

We have seen it weakening as well, because there is a deeper discrepancy between the reality and the virtual world and al-Qaeda is using the Internet too much. Most importantly, I think al-Qaeda is condemned, not terminated, but condemned, due to its vitiated and vicious relation with Islam. I talked about the global Jihad, this is a way of very much getting off track, it is like a sect. There is a charismatic guru expressing himself from time to time; there is his Egyptian deputy Ayman al-Zawahiri; they have a speech about the Jihad. From an Islamic point of view, this is heresy; their conclusion is that the person doing the Jihad is in direct relationship with his creator, and no longer needs the mediation of the clergy. They are just conveying bits on their Internet site, and it is doing well. I will come back to that later.

These main trends would speak for weakening but at the same time, al- Qaeda can adapt very easily because it is such a lightweight organization and it is not anchored anywhere. The 10th life, which may come about in the near future, is fairly simple but nevertheless terrifying. First of all, it would be related to a direct Western aggression. We can see very well provocations are accumulating. They are meant to attract the Americans to Yemen, or maybe to Pakistan, or to Iran as Zawahiri has said several times. A conflict between the United States and Iran would really be a dream for al-Qaeda as it would weaken the Arab states of the Gulf. It would lead to religious sedition and it would lead to such chaos in the region that al-Qaeda would manage to make a go of it. Therefore, there is this aggression that could take place if triggered by various provocations, and we have to carefully analyse this possibility.

The 10th life, ideally, for al-Qaeda, would be a “Pakistanization.” It is already fairly advanced if you look at al-Qaeda's references. Basically it can no more talk about any sheik, even Salafist or Jihadist and so it talks about Pakistan or Afghan sheiks who are unknown in Arab states. It contributes to the fact al- Qaeda is getting more exotic. Next, the Pakistani Taliban has grown up with the al-Qaeda ideology of the post September 11. These are fairly young executives and anti-tribal people who came about through the elimination of hundreds of tribal personalities and chiefs in border areas of Afghanistan. We see very well that though Alain Chouet continues talking about the centrality of Saudi Arabia, there is another pan-Islamism where you can withdraw, that is the pan-Islamism of a Republic which was created historically to welcome Muslims from the Indian subcontinent. It is a battle for the destiny of Pakistan and its identity. The power play is to the detriment of al-Qaeda.

But we can remind us Ahmed Shah Massoud, who was the most determined enemy of Bin Laden. During his stay in Paris in 2001, he was saying

92 that, “Bin Laden and al-Qaeda are the glue holding together the Afghan Taliban”. I would tend to say, today, the glue holding together the heteroclite coalition of the Pakistani Taliban, and the various Jihadist groups from Punjab and Pakistani Kashmir, is al-Qaeda, with the waves of terrible attacks, and bombings, we saw in recent months in the cities of Pakistan.

Today, therefore, towards the end of its ninth life, al-Qaeda would appear to bide its time through all provocations mentioned in the media. Their hope is there will be a breakthrough in Pakistan for the revolutionary Jihad and their allies. Thanks to which in that 10th life, they will be able to find a new area to anchor themselves. Now, a provocation might just be a mental construct but it would probably be around India. Recently people talked a lot about the Indian Airlines bombing, and renewed provocations as in November 2008 in Bombay. It would more be in that area where al-Qaeda may become active.

Where I would agree entirely with Alain Chouet is, in this second heat, so to speak, of the winter of 2001/2002, when al-Qaeda was on the verge of disappearing but did not. What we are seeing right now will be decisively important in terms of the future of global terrorism and its aftermath.

Since we do have to give some advice, I would just mention how we could contend with this threat, which I continue to view very carefully, and feel it is a very worrisome threat. In my book’s conclusion I talked about the “three D’s.” First, there is de-globalization; I think there is agreement. We have to stop constantly helping al-Qaeda by acting like they were some sort of global leaders orchestrating some local crisis. It does not mean that the crises are not important and serious, it does not mean that these are careful leaders of Montesquieu works, but it means we are talking about generally local crisis, which generally call for local solutions in terms of territory, politics, power sharing and so on. Usually when you do see an expression of this, like General Petraeus in 2007 with guerrilla warfare with the Sunni, then we can say that al-Qaeda's approach has been emptied of its contents.

The second D is detoxifying. We have to stop mixing everything up. We know the differences between Islam, Islamism, Jihad, Jihadist, terrorism, Islamo- fascism, etc. We have to stop mixing up all these terms, because that is just helping the most extremist elements, and consequently al-Qaeda. Another way of reducing this toxic atmosphere is acting and using the Internet. Today, al-Qaeda has a free hand on the Internet, and it can continue spouting its messages of hatred and its calls for murder. It is a risk of one in a million, but if these calls trigger the acts of a lone wolf, then I would say this is not an acceptable risk. If there is a relationship between the information that you can draw by monitoring these sites, and the risk of letting these sites continue operations, then I think it is clear we must not be reluctant to wage war on these sites, there is no technical impediment there. We could not actually state this publicly, but we could wage an all out technical war against these Internet sites.

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Then my third point, contradictory with the virtual war I talked about, is the third D, which is demilitarization. Far too often, we have used the war vocabulary which tended to increase the prestige of the martyrs and mujahideen of al-Qaeda. It is a criminal organization, these are common law criminals, and in Spain there were precedent civil rulings against al-Qaeda members. I can say that I have spent some of my time monitoring these Jihadist sites, and we can say that we have never seen pictures of the Jihadists on their websites when they are brought before the courts, whereas there were lots of pictures from Guantanamo, and military courts, and that has assisted them. I know that in this respect I am very much in agreement with my neighbour to my right, I will be only too happy to give him the floor. Thank you for your attention.

François HEISBOURG - Special Advisor at the Fondation pour la Recherche Stratégique in Paris - It is a delight to be with you this morning, and just like Jean-Pierre Filiu, I would like to pay tribute to the work done by the Commission. It is really an outstanding piece of work that they have done.

The good news is that al-Qaeda, a global transnational terrorist organisation, is still alive, but it is not in good shape. Organizations like individuals have a limited life cycle. Al-Qaeda did not exist 20 years ago, and there will come a time when it will no longer exist. Let me say something about that bit of good news further on, but what I wanted to focus on more is the fact that al-Qaeda is in bad shape but it does not necessarily matter that much. What matters is a number of other things, though not necessarily good news, sometimes bad.

We have already talked about the fact that al-Qaeda is not in good shape. I, in this respect, just want to pick up on a few measures. I know one should not over quantify things too much when we are talking about complex areas where things are often not quantifiable but all the measurable indicators can be useful as well. The operational record of al-Qaeda as a global organisation is in a decline, and has been for some time. There has been no successful attack by al-Qaeda in the industrialised world since 7 July 2005 in London, apart of the Fort Hood incident in the United States, and when I say al-Qaeda, there are different definitions that one might use for that. Secondly, the human toll of those attacks - and that is an important factor, of course, apart from the theatre of operations in Iraq, in Afghanistan, in the Indian subcontinent - cannot be considered positive by al-Qaeda. Apart from those parts of the world that I just mentioned, the last attack that killed 100 people or more was Madrid 2004 and the latest to kill 1,000 or more was 11 September. Now obviously such metrics are not the only yardstick for measuring al-Qaeda, but it is still important.

Operational successes by al-Qaeda – those that can be considered like successes for it - concentrate now in its native territory. To quote Mr Filiu's recent article, he said al-Qaeda “does well near home”.

On a political and ideological record it is hardly better. Total failure of al- Qaeda in Iraq. In the Maghreb countries, it can hardly be said that politically and

94 ideologically speaking, they have had much success. In the Arabian Peninsula, perhaps there is some positive outlook in Yemen for them, but across the board they have not been doing that well. There I would agree with Mr Filiu when he said that they do not seem to have much clout, in terms of changing things around the world.

The reasons are well known. However, let me briefly go through them because if this is a Middle East symposium, so one tends to talk about the Middle East, which makes sense but we are perhaps missing a few other things. Why is al-Qaeda's track record necessarily disappointing for them? Firstly, a very ideological reason, al-Qaeda has a global ambition but it conveys such an exclusive message of purity that it becomes counterproductive and turns off just about everybody. The “world of non-belief is one”, to quote something that al- Qaeda would say a few years back but now “non-belief” is virtually everybody. al-Qaeda has now turned against the Muslims, and brought in measures and steps that have produced hundreds of thousands of victims, which did not make al- Qaeda popular in the Muslim world. And above all al-Qaeda is responsible for fitna, the total disorder to quote the title of a book by Gilles Kepel.

The second main reason for the decline of Al Qaeda is the maybe inevitable but very real strategic error to go into Iraq. It was probably too tempting because as Jean-Pierre Filiu said the distant enemy has suddenly come close to your door, they were within range of bombs, grenades, and all the rest of it. It looked wonderful, and they got off to a very good start from 2003-2007. However, as Jean-Pierre said, the upshot has been that the Iraqi counter insurgence undermined Al Qaeda and so it failed in its attempt to re-establish a territorial basis, following the fall of the Taliban in Afghanistan.

The third cause for Al Qaeda's decline is that all services contributing to repression, from intelligence to law enforcement and policing services did quite good work. I understand why Alain Chouet did not want to make a pro domo appeals. 12 Jihadist attacks that have been prevented in France over the last 13 years are listed, including those on the White Paper on terrorism. If those services had not done their job, then some of those attacks would have been a success for their perpetrators. The reason they did not succeed is because there are people working out there to stop them. I would like to pay tribute to these people whose job it is, who are paid to do it, maybe they are not paid that much, but they have done a very good job. In France, Germany, and elsewhere Al Qaeda has achieved zero success, not because they did not try but to a large extent because of counter-terrorism.

Why is it that this decline that I have just described does not really matter that much, or why does it not have the significance we would like to read into it? It is wonderful, we are winning, but as we know, cats only have nine lives, they do not have ten. I think that once you have killed them nine times, Al Qaeda will go the same way as anarchism 100 years ago, or “Red terrorism” of the 1970s in Western Europe. Why, unfortunately, can we not consider that the decline of Al Qaeda is wholly good news?

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Firstly, there are various ways of looking at it. There are failures by Al Qaeda that unfortunately are equivalent to victories, not from their viewpoint, but from ours. Firstly, because, and when I say we, that means in politics, and media, and analysis on both sides of the Atlantic, we report on failures as successes. The failure at Christmas was reported as if it had been a successful attack, but it did not succeed. What did not happen at Heathrow in August 2006, was reported as if it had been an attack using liquid explosive. If it had happened, the effects would have been disastrous but we behave as if the attack had succeeded, it is rather strange.

The second thing is that, largely because of that, we take measures that are those that we would have taken had the attack been successful. In other words, we do things that have a cost that by definition is vastly greater than the non-cost of non-action. I am thinking of what happened about nine years ago, because there was somebody who tried to get through the security barriers with something in their shoes, and now in American airports you have to take off your shoes. You might say it does not matter that much, but the point is, is it useful in terms of anti terrorism? The answer is no, because there is somebody from Nigeria here who had explosives in his underwear. What are we going to do? We are going to have body scanners in all airports, at least for transatlantic flights because this is what America requires. This is going to carry a very high price tag just to deal with a failed attempt, and because terrorists, lone wolf or not, know what they need to do to be successful next time. They might do what drug dealers do, swallow the explosives, but what will happen then? You will have to put everyone on the operating table and cut them open. In other words, we take steps that are reactive but are completely disconnected from what actually happened.

Connected with that, we fail to be proactive by being reactive, I will come back to that later. However, there is another consequence of that, which is of considerable importance in the fight against Al Qaeda, or its future attacks. We still seem to be leaving our adversaries with the strategic advantage. It is the prevented action that determines how we react. It is not we who are deciding on the pace of anti-terrorism, it is the terrorists who dictate our action. We know that from a strategic point of view, that is not the recipe for success if you are playing cards, chess, or fighting against terrorism.

This is one level of analysis. Mr Chouet touched on another one: the Jihad continues. Al Qaeda is not the be all and end all of Jihadist terrorism, there are others out there.

Thirdly, Al Qaeda and Jihadist terrorism in its various forms are not the be all and end all of terrorism. I would remind you, because we are here in France, that out of 400 or so French people killed by terrorist acts over the last 40 years – and this is a figure that is in the database that we produced for the French Interior Ministry – there is a very small minority that was a victim of organisations that could be called ideological Jihadists. Now, one must be careful about the figures, because there are various actions such as the Karachi attack

96 whose origins are perhaps not that clear, to put it mildly. I would also add that in our country, like others, terrorism has had many other different origins, sometimes very dissimilar, but simultaneous. In the 1980s, for example, we had Action directe, ASALA, FARL, Hezbollah and Khadafi against the UTA plane.

Assuming that fighting terrorism is fighting Jihadism, it might have been true at a given point in time, but it is not true over time. We should never forget that. It has been my privilege to take part in the drafting of the White Paper on terrorism a few years ago. There was a lengthy discussion about how one should qualify the terrorist threat. Some said that at the top you should have Jihad and Jihadism, but at that time that option was rejected, not because of political correctness but because the Muslim organisations felt as if perhaps it was not that good an idea to play into the hands of the Jihadists who had want to be called Jihadist, because that is a noble cause for them. However, there was also a reaction from somebody who was directly involved in the choice, who is in very eminent position today, and it was said, “What would I look like if we produced a White Paper on Jihadism and there is a sect like Aum, that then sets off a dirty bomb in the underground?”. It is a perfectly understanding reaction by a politician. We should never forget that, especially since this world is populated by a number of lone wolves, not necessarily at the behest of Jihadist organisations.

Also, as Jean-Pierre Filiu said, Al Qaeda might well change.

The last point comes to the consequences of Al Qaeda's decline. Despite everything that might happen to them, including the possibility that they would completely disappear which is not where we are today, is what I recall in various articles, the “aggravation principle” in terrorism. It means that the ability to appropriate increasing violence on the part of individuals or smaller groups at lower cost is growing quite fast, because of IT developments and also other technological developments. This means that the lone wolves can now carry out extremely violent acts, which will be even more violent in the future.

You can talk about the lone wolf responsible for the Anthrax attacks in the United States, in September/October 2001. This was totally disconnected, apparently, from the Jihad, and with no intention to kill. Actually five people died, but that was not the purpose. If the purpose had been to kill with those same resources, it could have killed up to 30,000 people. This means therefore that our societies are not going to assume that if we are lowering the threat of Al Qaeda or the Jihadists, we will be able to be less vigilant in your fight against terrorism.

In conclusion, just a few points. Regarding focus of our efforts and resources, I agree with what Alain Chouet said then. All this indicates that we really need to focus on terrorists and the environments that could lead to socialisation of future terrorists and not focus our resources on methods to deal with the innocents. The billions of dollars spent each year within the framework of the Echelon system to listen to all the recorded conversations in the world might be useful but I am not sure that the efficiency is very high. The billions

97 that each of our countries spend on airport security, for example, are billions that are not available for smarter options. I understand Obama's anger when he had to deal with the Mutallab affair last December. The gap between the limited amounts that go into intelligence tracking of potential terrorists, and the vast amounts that go into tracking innocent people, obviously would make anybody angry.

Secondly, I come back to what Jean-Pierre Filiu said. I would say something that might seem strange, we need Eikenberry rather than McChrystal. I am talking about Afghanistan but it is applicable more broadly. What did the American Ambassador in Afghan say, who used to be the Commander of the American forces in Afghanistan? He said, “You should not send more soldiers there”. He was not listened to. The demilitarization as applies to foreign soldiers in Afghanistan is something that we need to be very sceptical about.

Thirdly, vocabulary is vocabulary. Terrorism and counter terrorism, it is all about messages, and symbols. The way in which we manage messages, we talk about Jihadism or we talk about non attacks and successive failures of the Jihadists over recent years, all of that is part and parcel of what should be among our priorities.

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – All three of our speakers have raised many questions, have really given us lots of food for thought. I would like to open up for Q&A.

Nazih EL-NAGGARY, political councillor, Egypt Embassy in Paris - I have a question, more about the political aspects, and not so much the security aspects of the issue. What is the existing relationship of having to deal with non- resolution of regional political conflicts, especially the Israeli-Palestinian one, and the possible re-launch of Al Qaeda, or some extreme Islamist movement? What is the existing relationship between these conflicts and the weakening of reforming voices embodied in the King Abdullah in Saudi Arabia, or the moderate voices demonstrating in the streets in Iran?

Jean-Pierre FILIU, Professor at Sciences Po Paris, Middle East Chair, Visiting Professor at Georgetown University - About the Palestinian issue, the most recent message by Bin Laden is quite telling in this respect. It was a minute “from Osama to Obama”. He was talking about airplanes, and Palestine, using the same expressions to talk about Palestine as he was using in September 2001 in his Al Jazeera interview in the caves, saying “America will only have security when Palestine knows security”. It is all just rhetoric. The reality is there is not any Palestinian active in Al Qaeda, there is no relationship between this theatre and the global Jihad, in spite of all the immoderate and repeated efforts that have been made by Al Qaeda to try to establish that link, and exert pressure in this respect.

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Actually, the opposite has taken place. We have seen the Hamas and Al Qaeda at loggerheads. Last August, there were even physical elimination not just of some of the partisans, but of some of the Al Qaeda sympathisers on the Gaza Strip. If we go back a year prior, there was that type of appeal by Bin Laden during the Israel offensive in Gaza, calling for vengeance of Gaza martyrs by striking the Americans and their allies everywhere in every location. This was countered by Hamas immediately that said “anyone that listens to that appeal will be the biggest traitor of the Palestinian cause”. I do observe that Bin Laden's appeal was not heard.

We have to be very careful. The Palestinian issue needs to be settled for the sake of regional peace, and the Palestinians, not to try to dry up the hot bed of terrorism. There is no need to add to all those reasons the issue regarding Al Qaeda. On the other hand, I really would say there is a disconnect, and it is becoming ever more apparent, and yet another sign, of Al Qaeda's decline.

François HEISBOURG - Special Advisor at the Fondation pour la Recherche Stratégique in Paris - I agree completely with what Jean-Pierre Filiu just said. I would just add two things briefly. First of all, regarding the Israeli- Palestinian conflict. In the 1990s Al Qaeda became more powerful, and it was during the peace process. Al Qaeda's growth was not prevented, and it was prospering, which would be reason for caution in trying to assess the consequences of what would happen if there were a settlement of an Israeli- Palestinian issue. I do not think that would halt Al Qaeda.

Secondly, Israeli-Palestinian conflict is just one of the motivations of potential Al Qaeda sympathisers, specifically if you think of the Internet, and the virtual community that Al Qaeda is trying to cause. Now it would be better to be peace between Israelis and Palestinians, clearly that would be a substantial motivation element, but it would have more impact in the virtual world than the real one in my mind.

Mohammed BEN MADANI, Maghreb Review - I wanted your view, should we really ignore Al Qaeda's propaganda? Should it be ignored, if so how could we ignore it?

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – Do we really have to ignore Al Qaeda propaganda? And if yes, how? Last year I was in Mauritania for my work, and someone put a file in my letterbox at the hotel, it had to do with lectures given in schools. It was amazing to see how they try to recruit people. In the brochure it was saying that when someone from Al Qaeda kills an American in Afghanistan he becomes a great person.

Monique CERISIER-ben GUIGA, French Senator, Co-author of the Foreign Relations, Defence and Armed Forces Committee's Report on the Situation in the Middle East – We can listen to Jean-Pierre Filiu who says on the

99 contrary, we need to fight Al Qaeda's propaganda, and especially Internet propaganda.

Jean-Pierre FILIU, Professor at Sciences Po Paris, Middle East Chair, Visiting Professor at Georgetown University - That is very harmful propaganda so I think it needs to be countered; we must not ignore it but take it very seriously. We have to take the threats very literally, but at the same time, and this has been what we have been saying at the round table, we have to also be realistic. We must stop just accepting a lot of the points that are being bantered about, often they use the same types of phrases. They are so accessible and you are on the Internet they are just a click away to people who do not necessarily have a religious upbringing. It is very important. The Al Qaeda message is targeting people who may never have been taught in Islam and were de- Islamized. They are getting a substitution for true teachings like the ones you are alluding to there. There are buzz words and slogans that they use, but they do not have that religious meaning if you really read Islam.

Alain CHOUET, Former Chief of the Security Intelligence Service within the French Foreign Intelligence Service - I will just add a brief word. We must monitor Al Qaeda's propaganda as you said and come up with counter arguments. Al Qaeda's propaganda is on the Internet and is widely used. They are particularly targeting populations that do not view it very critically, and this is the spearhead of a type of inclusive Sunni Islamist propaganda.

This is something you can get free of charge, you find it in any cultural centre or mosque in Paris. It is a beautiful little book entitled “What every Muslim should know about the Shi'ite”. It is similar, of course, to “The Protocols of the Elders of Zion”. It says they eat little children and do some human sacrifices, etc. All this is funded by Saudi institutions in Europe, but I will not give the names as I do not want any lawsuits for slander. But it is given to you free of charge, and this can be the basis of the development of lone wolf techniques as François Heisbourg was saying. We have to be attentive to this type of propaganda as well, it is not Al Qaeda's, but it sort of paves the way for Al Qaeda propaganda.

Myra DARIDAN, former member of the Social and Economic Committee - I wanted to come in first of all on the little booklet you just showed us. Even the title is mistaken there, because Muslims also include the Shi'ite.

I have several comments in terms of the societal aspects of issues we are looking at today. I thank Alain Chouet for making the distinction and for saying that the main enemy of Al Qaeda is not found in the West, but among moderate Muslims. I thank Mr Filiu for continuing with that idea, and saying that we have to stop the disinformation and to detoxify the speech.

In social debates, and some of the debates we see nowadays in France, are we not precisely causing some disinformation, some of the toxification of this

100 subject? There are some subjects that require action, but not that much lengthy pointless discussion.

Second point, though I am not an expert I am familiar with the region. I make a distinction between the influence of local conflicts and development of Islam in Muslim countries, and particularly Arab countries, which dates back to the 1970s. I wanted to establish a link between the 1970s and a loss of face in the Middle East in 1967. We must remember there is probably a relationship between the two. We can say that a big defeat can lead to lone wolves.

Third point, talk about the Internet. Is it not already too late to try to limit Internet or access to Internet, considering the lone wolves are already here? If you go to Cairo, you can see there are many women in burqas, and men in djellabas, and they have a direct influence, they do not need the Internet anymore.

Alain CHOUET, Former Chief of the Security Intelligence Service within the French Foreign Intelligence Service - There is no doubt about it, that any conflict, any dispute that is not settled, any humiliation necessarily will lead to some violent acts. Therefore, obviously, yes, the defeat in 1967 led to some resentment. However, regarding increased political Islamism, I would say this really began mainly from 1978, at a time when there was a fight for legitimacy between two Islamic worlds, Iran and the Sunni world, and they were outbidding each other all the time. Back in the 1990s I wrote an article called the “Confiscated Islam”, trying to demonstrate how each of the parties was trying to use Islam as an instrument to increase its own legitimacy and fight off the others.

I would agree about regulating the Internet but I do not know if it is possible. You talk about lone wolves, saying they already exist. But you can end up creating further lone wolves, it is not necessarily a good thing. I do not know technically though if this would be possible.

As to the burqa, and other attire, I do not say anything about that. I do not have the political stance to do that and would not want to. Countries where people who are or were in charge of special services have a political legitimacy are dictatorships, so I do not want to say anything about that type of things.

General Christian QUESNOT, president of QA International - There is one point that was not raised, that I think is very important when we are talking about terrorism, that is the destruction of Western society through drugs, that come from Afghanistan, feed the Pashtun society and go through Dubaï. This traffic represents a billion dollars for domestic production, $4 billion at the borders, $200 billion when it gets to Antwerp and St. Petersburg. Turkish and Chechen gangs are involved, as well as some banks that are well known. Since there has been intervention in Afghanistan, drug production has increased tremendously. Is that not the number one danger that we are confronting and that we need to be counting? What are we doing to counter this?

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François HEISBOURG - Special Advisor at the Fondation pour la Recherche Stratégique in Paris - I have two different points on that. The first one, will not surprise you, it is that I agree with you of course. Clearly, this is a major factor in every respect. One of the major shortcomings that is the least acceptable for the NATO strategy since NATO took charge of the Afghan matters starting in 2003, has been its inability to agree among member states on what their strategy should be regarding drugs in Afghanistan. There was some hesitation, and there were three possible basic strategies. One, let things just take place to avoid the opposition of the drug lords who could then turn to Taliban. The second possibility was to eradicate the drugs, and the third one would have been either to buy drugs or develop through subsidiary other alternative crops. There was some hesitation and no decision was made, and of course the effects are the ones you have described. I am not a specialist in that, but I do know if you do not set out one single clear strategy in this area, you continue failing.

I would tend to view more favourable the development of alternative crops that would be highly subsidised, so common Afghan agricultural policy with the requisite resources. The Afghan farmers, who are at the wrong end of the chain so to speak, are getting quite little from drug crops. It is estimated that around $500 to $600 million per annum are necessary to meet the Afghan farmers’ expenses. $500 million/$600 million is equal to five days of the cost of American operations in Afghanistan. It just gives you an idea as to the “incredible” effort that would have to be made.

My second and last point is something that, as an analyst, worries me. I do not know what the specialists of the relevant services would say. There's a de facto convergence between what may be going on in terms of drugs, and what might go on in terms of biological threat. You have seen a couple of things in the newspapers. In the UK, around eight heroin users died in recent weeks because it was contaminated heroin, containing anthrax. Several other people are being treated. Maybe we would have to ask the Pasteur Institute if that could happen by accident or is this a deliberate action that has taken place? It is fairly sinister new light being shed on the narco component in this subject during our panel discussion..

Monique CERISIER-ben GUIGA, Moderator - Thank you very much to our speakers, our panellists, as well as our entire audience, which has listened so carefully with baited breath.

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In search of a European Union Policy for the Middle East

Panel

Jean François-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – We are now going to resume our discussions and we are now moving into the last panel, where we will be looking at European Middle East Policy. It is out good fortune to have with us to address the issue Jean-Dominique Giuliani, who will be the first speaker. He is the Chairman of the Robert Schuman Foundation. I will remind you that this symposium has been co-organized by the Foundation with the Senate. Then we will hear from Dr Muriel Asseburg who will speak on behalf of Germany and then Claire Spencer, who will give us the UK viewpoint and my job will simply be to listen to them.

Jean-Dominique GIULIANI, Chairman of the Robert Schuman Foundation – Thank you very much, Minister. Let me start by expressing thanks to you, Mr President de Rohan and the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee, Mrs Cerisier ben-Guiga and President Gérard Larcher who agreed to associate the Robert Schuman Foundation in the organization of this symposium. We feel extremely honoured. We do not consider ourselves to be Middle East experts, perhaps a little bit more when it comes to European matters, but I am well aware of the difficulty of the task you have given to our modest panel. We will be speaking to eminent experts like yourself who was involved in drafting the Treaty of Rome, or like Mr Javier Solana who embodies, in our eyes, all the European efforts to support a Common Defence and Security Policy in Europe in recent years. I was in Brussels a few days ago and Mr Secretary General you are already missed because you had a difficult job to do in a Europe of changing institutions, thanks notably to the Lisbon Treaty that has now come into force. Our task is difficult because I believe at the same time Secretary of State Clinton is going to be speaking here across town at the Ecole Militaire on the important subject of Security in Europe. We see here how wise in its choices the Senate is. We are talking about Middle East in the Senate and at the same time European security is being talked about at the Ecole militaire.

We will try to speak openly, forthrightly, and have a real debate because the question of a common European Middle East policy is very relevant. We will try to see if it is possible, if it exists already, what the necessary pre-conditions might be and what it could consist of. I say this in front of Javier Solana which means that, as of course we will have to acknowledge everything that has already been done.

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Up to date, Europe’s role in a regional settlement for stability in the Middle East has been fairly restricted. Nonetheless, the EU is increasingly involved in the Middle East. Europe is devoting more and more of its financial resources to the region and it reportedly covers most of the financial requirements of the Palestinian Authority. Member states and EU contributions to the Palestinian Authority amount to EUR 1 billion. It was said that rather than a global player, Europe is a global payer. It seemed to pay more than it actually played in the political outcome of the difficult Israeli-Palestinian issue.

Europe is a neighbour of the Middle East. Can it define its interests independently? Can it define, conduct and implement a different policy compared to that implemented until now? To say that Europe is a player and a stakeholder in the Middle East, its nearest neighbour, needs to be specified somewhat. What is obvious to observers is that this geographic and cultural proximity, human links and the trade links, have proceeded to grow over recent years. This obviously has political effects. Europe is called upon to enhance its political presence. You wrote, in your report, that 50% of oil in Europe comes from this region; 20% of imports in the Middle East come from the EU; 35% of trade exchange (imports and exports) from and to Israel are with the European Union; Iran is the sixth largest energy supplier to the EU; European exports to the Middle East come to $188 billion and our imports $125 billion. For example, this may be temporary because of specific contracts, but I have noticed in the statistics that in 2008 the United Arab Emirates had become the eight largest customer of the EU on a footing with India, but larger than Brazil or Canada and South Korea. It is clear that these links are strengthening and that that has tangible consequences, the result being that the European Union has become more involved in the Middle East.

At the Schuman Foundation, we have found that about 6,000 European soldiers are present and involved in various policing or peace-keeping operations in the Middle East; there are two operations in Israel and one in Iraq. Commercial and partnership agreements between the EU and amongst all the countries in the regions have been signed or are in the course of discussion - including with Iran because there is a dialogue process there. The demographics are of importance to the EU because when you compare population growth of the Middle East and Europe’s immigration problems, you see a very clear correlation. It is quite obvious that the question of radical Islam concerns Europe and that relations of the 27 EU member states with the various countries of the region depend on the resolution of conflicts or crises. The Iranian question, when it comes to the area of non-proliferation, is a specific issue that obviously impacts Europe’s strategic thinking, particularly in the nuclear area.

In the Middle East, more than elsewhere, the EU is looking at its own image. It has tried to change its institutions with the Lisbon Treaty now in force since the 1st December so as to increase its intervention capacity around the world, enhance its international presence. The first tangible applications of the Lisbon Treaty, of which we can engage the effectiveness of provisions of Lisbon Treaty, will probably one way or another be related to the situation in the Near

104 and Middle East. Obviously, the absence of a common foreign policy over recent years has always weakened the Union’s position in the Middle East. Diplomats within the EU have not always have the same point of view and there have been strong divides between positions of neutral countries, those who have clear, partisan choices with stakeholders in the Middle East, the countries for whom trade or economic links are important, and between global visions of stability in the region that are not always shared within the Union. This did not helped Mr Solana and will not make it easier for those who will be in charge of the common foreign policy going forward.

As a modest observer I would say that the transatlantic alliance and the way that it has been put together has not made it easier to generate a real European foreign policy and this is something we find in other relationships with Russia or China for example. It is hard for Europe to define its own specific interests. When you have the largest GDP in the world, which is what the EU has - 22% of global wealth - you do have specific interests. Jean-Claude Casanova wrote a very interesting article in Le Monde a few weeks ago: “the vulgate of the transatlantic discourse has been more like a stream of lukewarm water and has prevented Europe from defining its specific interests”. This is particularly true of Middle East policy.

Third thing, the European Union is the champion of soft power. When you have Europe’s history, and over the last 60 years when you have been able to turn things around, we understand that imperialist tendencies should be part of the past. There is no desire to revert to that. However, European soft power seems to be a sort of substitute foreign policy and it is not overstating the fact to say that European public opinion has the impression often that in the Middle East it is better to pay than to play. It saves your conscience, you feel you are taking part in solving a number of humanitarian problems, but that does not give you either a diplomatic or foreign policy and it is not necessarily serving the EU’s long-term interest. The EU is the leading provider of credit, subsidy and all kinds of aid in the region. There is general support for that among diplomats and populations, and it also developed quite a number of programs. But the UE obviously suffers from a lack of credibility in foreign policy that might be explained by the lack of military credibility due to the lack of a real common defence policy.

With the ATALANTA operation off the coast of Somalia we saw that that does not have to be the way and that Europe is perfectly capable of mobilising and responding to specific needs. The EU is a driving force behind that international operation. China has decided to get involved in the international maritime force, which consists mainly of European forces under a British Admiral which shows that things can change there too. Even if this operation is very difficult, it has recorded some successes. There are currently 12 common foreign and security policy operations going on in the world which shows this level of involvement.

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The EU is seeking to gain influence and clout in the Middle East. I would not venture to talk about Iran from the European viewpoint given that Mr Solana is here; he is the person running that show. I would say that Mr Solana’s mission, supported by the trio of UK, France and Germany, has been very useful in the overall diplomatic effort. EU has shown that it can play a significant role in this difficult global strategic matter that affects, not just the region, but the whole planet.

You are aware of the EU positions since the Declaration of Venice and the right to self-determination for the Palestinians, since 1999, the right to statehood for Palestinians and the various recent positions expressed: in 2008 condemnation of the attacks in the Israeli-Palestinian conflict, condemnation in February 2009 of the Israeli settlements, and also of the Gaza operation in January 2009.

What one comes up with is that the EU pays more than it acts and when it does, it acts more on the side of victims. It does not act like a State, as it is not a State which has to act differently. That is the fundamental difference between the American and European positions.

In the light of all that, what might the outlook be? Is there a specific European message in the Middle East? On terrorism Europeans tend to suggest that there is a specific position and that they do not want to be stripped naked by a scanner because there is a terrorist risk in an airport. This is the whole question on the “war on terror” concept the Europeans do not accept and that even the Obama administration seems not to accept it now. Is there a European position that is specific in the Middle East? If so, which? What resources are they willing to dedicate to it?

Before looking at the content, one should look also at the means. In the Israeli-Palestinian conflict, clearly Europe wants to be involved in the settlement of that conflict. It provides financial resources but is it politically credible? It is more appreciated on the Palestinian side, whereas it is stymied, blocked on the Israeli side. As you saw during your trip, you were told that as you met the Hamas leaders you would not meet the people you wanted to meet in Israel. The the first problem for the EU is to have respect and credibility on both sides. I think that for the EU this is a vital point. Does the EU see itself as a growing power that is in the process of constitution? Or does it sees itself as a sort of customs union, Euro-driven? I think the EU has no choice: it must conceive itself as a power and it needs respect and credibility, not just from Palestinians but from Israelis as well.

I think that this should lead us to revise positions in some aspects of European Middle East policy. I am very struck by the German position. Obviously for certain reasons there are things that they cannot do there but Germany now has a presence in the maritime force off the coast of Lebanon and it has been involved in all the hostage problems. The German authorities were trusted by the Israelis and the Palestinians and we need to look at this example

106 because the Shoah – the Jewish Holocaust – was committed in Europe and not just on the territory of what was Germany then. Therefore, it is the European Union’s specific duty for the Jewish people.

Is the EU willing to commit militarily and provide guarantees? There can be doubts about that; however, it is a vital question on the table for the credibility of all our diplomatic actions.

Iran’s nuclear bomb developments represent a challenge for the EU, as it would affect recent regional stability, increase the possibility of new conflicts and lead to regional proliferation. From a purely European viewpoint, I would say that the non-proliferation treaty is now in the spotlight again. 2010 has to be an opportunity for rethinking. There are two nuclear powers in Europe: UK and France. Nuclear proliferation in the Middle East would also result in weakened credibility of the French and UK nuclear deterrents. To date they are the only ones who have actually tried to cut their nuclear forces ahead of what the Russians and the Americans are thinking of, that is their arsenals reduction.

I do not make this linkage between military presence and deterrents of two independent European powers, that tend to stay independent. But do not forget that both President Chirac and President Sarkozy said the same, which is that France’s vital interests are linked to those of European partners. It means that France remains nuclearly independent but considers that its vital interests are shared with its partners in the EU. France has just started operations in Abu Dhabi, opposite Iran. Therefore it claims its interests on behalf of France but also of a European position that might be shared.

As for Yemen, it is perhaps there that we can experiment with hopefully some success Europe soft power. Yemen is one of the poorest countries in the world that is not yet a failed state. There is a major financial program within the EU called the Stability Instrument which is very well funded. Migration problems between Somalia and Yemen are growing substantially. We have a presence in the region; we have our ships there. There are possible links between the situation in Yemen and international terrorism. This has to be one of the EU’s priorities and the EU should get more involved in Yemen.

The new American’s political scene means that for the EU there are opportunities to take initiatives. As for the resources involved, there has to be a pioneering group of nations that take initiatives that must be open to the other member states that are like-minded but we must not wait for the EU’s normal procedures, even under the Lisbon Treaty, to produce a decision. The Lisbon Treaty makes it possible to make rather bold decisions.

We are working on this at the Foundation. This is one of our conclusions that the EU must conceive of itself as a global power with its strengths and weaknesses in the Middle East and elsewhere. Its credibility is under threat and with a little bit of courage and moving a little bit outside the normal European

107 box it can have positive clout and contribute to solving the problems I’ve mentioned.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Thank you, Mr Giuliani. You are a true silversmith, so to speak on this European material. Sometimes I wonder, Mr Giuliani, if European unity has progressed very much since the Venice Declaration. I am not entirely convinced of that. At the time it was not very difficult to define a common European position. Subsequently there was the Berlin Declaration. I do not know if in the interim we have made much progress. I am not at all sure. I get the impression that sometimes Europe is staying in place and having a hard time moving beyond a certain limit. If we could go beyond that frontier, then Europe could bring much more weight to bear than is currently the case.

I would like to give the floor now to Dr Muriel Asseburg. She heads the Middle East and Africa Research Division at the German Institute for International and Security Affairs. You have the floor, Madam.

Dr Muriel ASSEBURG, Head of the Middle East and Africa Research Division at the German Institute for International and Security Affairs – Thank you very much. I want to point out that I am not speaking for Germany here. It is a German perspective, of course, but not an official stance that I will be taking. I would also like to say that I have enjoyed this event tremendously and I have enjoyed that we have gone into the details that characterise the region at this point in time and that characterise European relations with the region at this point in time. I also enjoyed reading the report a lot and I share a lot of the analysis and the general outlook that is presented in the report. What I would like to do now is to go through some of the recommendations that are given in the report and say where I would beg to differ with regard to the details but, as I say, not with regard to the general outlook that the report has offered. I would like to start by following one of the recommendations that is given in the report: to look at the region and taking into account the inter linkages between the different conflicts, between the different sub-regions, but at the same time, when we are trying to address the conflicts, then to tackle them separately and go one-by-one. In my intervention, I would like to concentrate on the Arab-Israeli conflict rather than addressing all of the conflicts we have been speaking about during this conference.

I would like to make five main points. The first remark is on the EU and how the EU could approach the problem institutionally – what you have termed ‘the framework’ in your recommendations. The other four remarks are on the content of the approach and how I think it needs to be changed so as to make European action more effective in view of developments in the region and so as to allow the Europeans to move from conflict management – which is what we have been doing over the last 15 years or so – to conflict resolution.

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Let me start with the first remark on the European framework. I share your pessimism with regard to positive changes that would come through the Lisbon Treaty. The institutional framework that has been set up does not automatically increase European unity and empower the Europeans to move forward with regard to foreign policy issues. To date, individual EU member States retain strong and diverging interests - in particular with regards to the Middle East. These differing interests persist, and therefore I very much support the idea that is put forward in the report: to have a small group of member states trying to flesh out policies on the Middle East, trying to not only define common interests but then to come up with a strategy on how to go about realising these interests. We should admit, however, that this is not a completely new idea because we have seen what has been called the Quint of Europeans working in exactly that kind of fashion. We have also seen that this has not solved the problem, i.e., the architecture has not helped to solve the differences between the member States on important issues. It also has not helped to create the will among these member states to, in fact, come up with a common position that would not only complement American policies, but rather to try and see where Europeans differ – for good reasons – from the American approaches and take a different line of action, rather than just trying to do the footwork for the Americans as we have witnessed during the Annapolis process and in the Obama administration’s first year.

My second remark concerns the content of such an approach. We have been speaking about the urgency of a renewed international engagement in the Middle East and of settling the Arab-Israeli conflict. I do not need to reiterate why it is so urgent to come to terms. It seem to me, however, that Europeans have accepted, so far, that they do not have the power to influence events in the Middle East and that they have reduced themselves to complementing US policies. They have also not made peace-making a priority of their policies towards partners in the regions. The proceedings of the German-Israeli joint cabinet meeting have illustrated that. Germany, in particular, has made it a priority to improve relations with Israel without using its very good relations with Israel sufficiently in order to push the peace process forward. The German government has rather emphasised improving the relations with Israel, and even with the current Israeli government, which does not have the peace process as a priority.

There is urgency and there is a need for Europeans to see that indeed they can have more of an influence. I do not want to be misunderstood here as saying that they could replace the United States as the main power broker in the region, they surely cannot. But Europeans have their own interests in moving the peace process forward and in avoiding what can be seen on the horizon, i.e. the two- State solution very quickly becoming impossible to be realised and the next round of violence. When I say there is urgency, I am not saying that we should start a process now for the sake of having a process. I am all in favour of having negotiations, but negotiations do not make sense if they are not led by a credible mediator. That means that the international community, and above all the Americans, need to move from a position where they facilitate talks to a situation

109 where they mediate talks. That includes some important elements: one of them being that there needs to be a blueprint for a final status. We all know what the main elements of this blueprint are. There is no reason at all to waste time right now on rediscussing these elements and these principles. They must be there as terms of reference and they should be presented to the parties very quickly so as to move forward. There should also be a clear mechanism to monitor the progress on both sides, to monitor steps which will bring us to the final status. At the same time, Europeans, and even better if in accordance with Americans, should set very clear incentives for moving towards final status as well as disincentives so as to make reinforcing the occupation of Palestinian territories and violence less palatable. I think Europeans have not been consequential enough in the tangible signals to the conflicting parties. As has been said, we have been evolving our declaratory positions and we have had a clear line in this regard, but we have not followed up with our actions in a consistent manner.

My third remark concerns the need to urgently tackle the Gaza Strip and Hamas. It is a shame to see how Europeans have neglected the Gaza problem; how we have made available considerable sums for reconstruction, but no reconstruction has happened due to the blockade. How, with our policies, we have contributed to strengthening rather than weakening Hamas. It is Hamas that has profited from the blockade – by means of taxation of the tunnel trade and from the isolation imposed on the Palestinian population in the Gaza Strip. However, there is no way to tackle the blockade and to engage in reconstruction in Gaza without involving Hamas. Do we like them? Do we not like them? It does not matter. We do need them to be able to move forward and end the blockade and to allow for a life in Gaza that is up to acceptable human standards.

Let us be honest here: It is not as if we do not talk to Hamas. Of course we already talk to Hamas. And Israel is interested in us talking to Hamas to resolve some of the mutual issues. Also, we have seen over the last two years that more and more European politicians meet Hamas representatives. It would be much more useful if that would not just happen and we did not slowly soften our isolation of Hamas by accident –– but that we do so in a coordinated fashion and as an official policy with the goal of contributing to an end of the blockade, including to speak about what we need Hamas to do to allow that to happen. It also means that we should be talking about what needs to be done so as to allow the Palestinian institutions to get back their political legitimacy.

That brings me to my fourth point which is about institution building. Support for state and institution building is something that Europeans have prided themselves to be involved in for as long as the Palestinian Authority has existed in Gaza and the West Bank. In January 2010, we find ourselves in a situation where none of the Palestinian institutions has any kind of constitutional legitimacy. This makes it very difficult to keep pretending that we are building a democratic state in the Palestinian territories. We heard about the Fayyad Plan yesterday and about the idea of slowly building up a Palestinian State from the bottom and thereby de facto establishing this entity that would then be recognised by the international community. The Fayyad Plan has a lot of

110 wonderful ideas with regards to setting up more efficient institutions and increasing the capacity of Palestinian governance. However, it lacks the answer to two of the difficult issues that have to be tackled if this plan is to be successful. The first challenge is: How can institutions be built in those areas where the Palestinian Authority does not have any authority or de facto control, i.e. in East Jerusalem, the Gaza Strip and in Area C of the West Bank. We have witnessed that there is an interest on the side of the Israeli government to support Fayyad’s activities, at least as long as they do not conflict with Israeli interests. This support has also already been used as leverage for pressure. The second challenge that is not addressed in the Fayyad Plan is the question of how to deal with Hamas and the lack of Palestinian unity. Let me stress again, the Fayyad government will not be able to build legitimate and democratic institutions as long as political institutions lack constitutional legitimacy.

My fifth and last comment is on what you write in the report about the priority of the Israeli-Palestinian track. I absolutely agree that this should be the priority. At the same time, the question cannot be resolved if the regional dimension is not taken into account. You need the regional dimension for some of the final status issues: such as the refugee question, water management and security arrangements in the region. Also, if there were a successful parallel peace process between Syria and Israel that would have a positive effect on the Israeli-Palestinian dimension and on the Israeli-Lebanese dimension. And it might also have a positive effect with regard to the Syrian-Iranian relations – in the sense that we would like it to evolve.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Listening to you, I begin to regret that the German Government does not follow your advice. I think that is well-informed advice indeed. Now I would like to give the floor to the Chatham House representative, Mrs Spencer.

Dr Claire SPENCER, Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House – I think we agreed before we started this session we very much, on this occasion, want to hear your views, given that everyone is implicated in European policy and I would suggest, given your attendance here today and yesterday, very much implicated in this part of the world. So I will try to make my comments brief. I also, like my colleague, apologise for speaking English. I do wish to be quite frank and I am afraid if I try and do this in French I will be frank in the wrong way by the wrong choice of vocabulary. I am more than happy to respond to your questions in French, that is not a problem. I am one of those rare beasts, a francophone and hispanic British citizen and it is in that capacity I am speaking as an analyst and not as someone who can remotely explain British policy present and, I fear, forthcoming if we have a change of governments in the near future. We may find ourselves wasting time on debates which should be finished in Britain about Britain’s role in Europe which I hope Chatham House can do something to kill off in the sense of being true and committed Europeans.

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It is also a privilege to be here. I should have mentioned in my biography that I have acted twice in the capacity of Special Advisor to similar kinds of enquiries in the House of Lords in Britain. I greatly commend what you have done in this report because I think you can, in this kind of enquiry and by meeting people on the ground, be extremely frank and open and, if I may say, there are some very sensible things particularly about the wide-ranging changes in the region which you do not get unless you are actually there and talk to people on the ground.

My first European recommendation is since the most recent House of Lords enquiry into this area was on European Union policy and the European role within the Middle East peace process, that you actually find a way of liaising directly, I think you will find some of your findings and conclusions are very similar and it seems to me a bilateral forum indeed further afield if the Spanish Foreign Affairs Committee do similar things, actually strengthen the European Parliamentary reasoning for why policy has to change towards this region.

I am going to start with what sounds like a bit of a diversion. Just before I came here I had finished writing a chapter, at the request of the Director of Chatham House, on an assessment of Obama’s first year as President of the US as it affects the Middle East. Very briefly there are six areas I think it is important for us to reflect on. We already heard yesterday from Rob Malley, Mike and other US perspectives, how the role of the US has changed. I think we should not think of the EU’s role in the Middle East in isolation, not only the US primarily because the US role has changed the most, but obviously in distinction from the increasing role being played by China, India and states such as Malaysia. I think the politics of energy are now fundamentally changing the way regional actors engage in politics. Just look at the way Turkish policy has been changing just over the last few months. The givens about regional alliances are now changing in subtle and sometimes quite abrupt ways and I think this has a lot to do with these very brief conclusions. The way Obama has had to face the consequences of the US-led intervention - if I may use a neutral word here – intervention into Iraq in 2003 have changed things fundamentally for the US in the region in ways I do not think the US has quite come to terms with, although increasingly I think they are aware of their limitations and in ways I do not think have fully been recognised in European policy.

The first is until 2003 over a period stretching back to the first Gulf War in external terms, the second in regional terms, in otherwise Iraq’s invasion of Kuwait and the alliance which dispatched Saddam’s forces out of Kuwait. There has been something loosely terms as Pax Americana. The US was forthwith, seen as the external arbiter, for people stepping out of line, shall we say, in the Middle East. Nobody was going to cross international boarders without paying a heavy price. Once that threat was fulfilled however, in the case of Iraq, suddenly the taboo of regime change, the taboo of moving across international boarders, of actors realigning themselves has now disappeared. I would argue that the most recent action we have seen of Saudi forces, admittedly in a defence posture, but

112 nonetheless Saudi forces being active in Yemen, is a precedent we should certainly be aware would not, to my mind, have happened a decade before.

The US secondly is seen now as an actor in its own right within the region. We forget. We keep talking about US withdrawal as though it has already happened. The US is still in Iraq; it will be, in some capacity or other, present in Iraq to 2011. I should say that when we’re looking at the future stability of Iraq I would also argue that the balance within Iraq would not stabilise until the US has finally gone. The US is still, in some sense, a local arbiter and a local player. This is the key point. The US is seen as an actor in the Middle East which, in turn, not only constraints what the US and US forces can do within Iraq, but elsewhere in the region precisely because they are bogged down and they have to at least take into account what happens to US forces in Iraq before they do anything else elsewhere.

The third conclusion which I think Rob Malley focused on most yesterday was this business of dividing the region into “us and them”, “you’re with us, you’re against us”. This has left repercussions in the region which falsifies the real debate, in other words, this has been imposed from outside but it has condition behaviour. People have, over the last seven years, been thinking in terms of whether what they do will be seen as reinforcing their position vis-à-vis the US or whether, in fact, it will be seen as buying into some of the popular resentments for US and other action in the region.

This in turn is related to the fourth point which is the military presence of the US and others in the region – and this relates to the earlier session on Al- Qaeda – has raised the temperature on anti-colonial sentiments which were always just below the surface within the region, that somehow outside forces only get involved in the Middle East when they want something for themselves, when they wish to control resources, people and actually stop the local, the people of the region, developing at their own pace and controlling their own destiny. This, as we know, has been exploited not only by the Jihad Al-Qaeda manifestations but by Iran, by the Syrians in some capacity when they have been opposed to the US by Hamas and Hezbollah. I agree entirely with Rob Malley that this is a trap. Certainly viewing the region in these “us and them” terms we should no longer fall into. It is not the case that you can wean Syria away from the Iranians. The Syrians, it seems to me, quite rightly wish to expand the amount of leverage and alliances and options they have in the regions, so you may win them over but it doesn’t mean to say they will stop their connections with Iran – any more than the Turks, perhaps being less than effusive about their relations with Israel this week, are going to immediately jump over the fence and get into bed with Iran or the Russians or an alternative. No, it seems to me Turkish policy is very intelligently maximising their options and looking to expand their interests in the region. We should take this into account.

I hope you will see that all of this is pertinent to the way Europe engages in future in the region. It’s also the consequences of 2003 and Iraq has forced regional actors - particularly in the Gulf, particularly amongst those we usually

113 as a shorthand characterise as ‘moderate states’, so Saudi Arabia, Qatar, to the annoyance of some but to the delight of others, obviously the Egyptians who are frequently and continually trying to broker peace between Hamas and Fatah, the Turks have been involved - to try and resolve regional differences themselves. This has partly been a reaction to staving off the worst consequences of the logic of some US and other policies, certainly in damage limitation, in terms of also managing their public opinions. Because if you are allied at the national level with the US sometimes your public opinion does not follow you quite so fast. The problem with this and it is a good sign if it is starting, is the lack of institutional follow-through. Most of these states do not have fully-fledged foreign ministerial bureaucracies of the kind that can actually sustain these initiatives over the longer period. I think one of the successes of this has been the launching of the Arab Peace Initiative which regrettably not been taken up as fulsomely as it should be. It is still on the table but I believe we are being told it will not be on the table for long.

The final consequence, and I think others have touched on this, is that all regional issues are now inter-related in the way that while I sympathise as Muriel has said with the idea of ring-fencing the way you try to manage a single issue, like Israel/Palestine, I think it is no longer the case that you can actually isolate it from what is actually happening with and in your relations with Iran and anyone else for that matter because regional actors, State and non-State as we see with the greater activism recently of Hezbollah in Southern Lebanon, if Robert Fisk of The Independent to be believed, they are now repaving roads in Southern Lebanon. Why? Because they are getting ready to attack Israel again should Israel go in and bomb Iran as much of the talk has touched on recently. This means that you cannot isolate Israel and its immediate neighbourhoods from Israel/Iran, how the Iranians will react and how a whole series of State and non- State actors will react in the region.

Now I think in all these issues, and I am saying this to provoke a debate, I think the European Union recently, as the European Union, has been really behind the curve. I am not saying this in any way to reflect on any representative of the European Union. I think it is the individual member States who have not quite resolved the conundrum. Perhaps eventually the Treaty of Lisbon and a European Diplomatic Service will do this but I think in the interim we have seen more of a breakout of bilateralism, by which I mean individual States like Britain, France, Germany, those with the capacity to engage individually with states in the Middle East doing so, with a certain amount of coalition of the willing, if you like, certainly vis-à-vis policy towards Iran in the EU Troika and certainly in the efforts mentioned by Jean-Dominique in peace keeping forces. There have been some positives but the question I put on the table: is it any more realistic to think of an EU fully-fledged policy which can be implemented at the 27-member level, particularly if we carry on expanding the European Union? Will it necessarily depend on putting together some kind of common position? The EU’s position on the two-State solution for Israel/Palestine is a case in point which has stood the test of time despite the aberration of individual heads of State within the European Union, we still hold to this. The problem has been at

114 the 27-member level, how do you translate that into a policy which you can actually implement? I think we should make a distinction here between common positions and common actions that we can actually make a difference.

I have already mentioned that the region is changing. I do think it is high time for an EU-level strategic review. This is flavour of the month in Britain, this is a British contribution. We are having strategic defence reviews, strategic- everything review with the change of government. Well I think it is now time for a strategic regional review of the Middle East, to actually question whether the division of the region in UE terms - along the Mediterranean and the union for the Mediterranean and the GCC and dialogues which run in parallel but are not strongly inter-related and ad hoc policy towards Iran and Iraq - serve the purpose of Europe any more? Here I am stealing a bit the ideas of Muriel and my colleagues at Friday, the Spanish Institute, particularly Richard Young and his colleagues who have written quite passionately about how it is now time. I hope you can find it on the website. It is certainly a paper that they presented to a conference in Rome in December which argues quite strongly that now is the time the EU needs a joined-up strategy, in other words no more union for the Mediterranean on one side and GCC dialogues on the other. We have to think more clearly about putting these two together.

I will say this, as someone who spent quite a lot of last year and the previous year looking into the union of the Mediterranean. It struck me we seem to be running policies along two different lines which are not sufficiently matched. On the one hand we have had an excessive securitisation over the last few years of EU policy at the political level. Looking at North Africa, what matters is stopping terrorism and stopping migration and if you like the externalisation of justice and home affairs chapters to the Mediterranean region, that is a reflection of this. The most important public sector State-to-State cooperation with North Africa is in the field of security, intelligence sharing and hopefully also in the prevention of migration. Whereas the whole tenor of the union for the Mediterranean, in the wake of there not being new funding through the Barcelona Channels, the previous Euro-Mediterranean partnership, has been to rely on the private sector coming forward to implement what in principle are some extremely good ideas about de-pollution of the whole Mediterranean basin and of exploring and investing in solar energy. Will a private sector company really invest in a framework which consists, at the last count, of 54 different states and entities, in other words the Mediterranean basin, plus the European Union 27, plus the Balkans and the Palestinian Authority obviously as a nascent but not yet state? If I were the private sector I would probably be more interested in a bilateral deal with Morocco and get on with it and not make any reference whatsoever to the regional dimension immediately or indeed to Brussels’ institution. I think rethinking some of these models is urgent.

I will just touch on the substance since I have talked mostly about process. I think we should start thinking more in the long term. I think a lot of our policy has been reactive and we know the reasons why, the shortermism of electoral cycles. I would just say – and this is an area on which I have commented and I

115 have commented with Israeli interlocutors – that the unconditional support of Israel from European governments hardly backed-up by the unease of the European public is not something I think is sustainable nor in the long-term interests either of the European States themselves and the individual leaders who are leading on this policy, or indeed for Israel itself. I think the best support – and I say this as a supporter of Israel and I am tired of debates which suggest that if you are a little bit critical of either side, whether it is Palestinians or Israelis, you are somehow on one side or the other – I, as an analyst and someone whose business is to promote peace, dialogue and debate, wish to see both States flourish. I think we are kidding ourselves if we do not engage in ways drawing from our own experience. Here I think I will say controversially particularly the British and French are implicated. Over the last 50 years it is not just the Germans who are implicated in this. We are implicated in occupying territories, under our previous colonial policy, of individuals and nations who did not wish to be occupied by us and in different ways we resolved these issues. I do not think either Britain or France has been left without scares or unfinished business for having chosen to leave their various bits of empires at different times and in different ways. I think we can fully explain to Israeli decision makers and I think we should engage much more with Israeli public opinion over what this historical experience does not so much for those on the receiving end - I think we heard very fulsomely of how the Palestinians have been affected by this. I personally am more concerned by how the Israeli are affected by this and their sense of worth, their sense of values and I say this as someone who worked in a Kibbutz in the early 80s and having seen the changes and they have been quite dramatic, the changes within the internal divisions within Israel. I think it is incumbent on us to help, as Europeans with parallel experiences and having made some dreadful mistakes of our own, actually to empathise. I think our better way of helping Israel get out of the conundrum it is in is actually to share much more openly some of this experience. I know some of this is unpopular but I would ask you to consider what the longer term consequences of the alternative is. If we really do not think the Israelis are making enough of an effort I would suggest that relying on pressuring various Israeli governments to give up settlement activity is, with respect, the same as trying to pressure the Iranians to give up nuclear enrichments. These are both governments who are either unwilling to do what is requested and do not have a domestic constituent support for doing what is requested at them at the behest of an international community which is asking them to stop this activity so publicly. It is the equivalent of political suicide.

A lot of what I am suggesting should be done much more behind the scenes in terms of a debate with Israeli - in which Palestinians may or may not be included because things are not 100% perfect on the Palestinian side – where we ask Israelis to envisage where they think they will be in the next 10, 15 years if this untenable status quo continues. I throw that out as intentionally provocative because I have not entirely made up my mind about it, but I am afraid our current policy is neither good for Israel nor not good for ourselves.

I have already mentioned Iraq. I think we will not see the way Iraq settles otherwise until 2011 is over and the US finally withdraws. I would raise a

116 question mark as to whether the US may delay their withdrawal if things deteriorate or whether, indeed, Europeans in any capacity can envisage some kind of role, military or otherwise, within Iraq. What would happen if the US leave and Iraq deteriorates would be something we would have to plan ahead for.

Regarding Yemen, I think we should look at Yemen as a potential test case for approaching an issue that clearly we are only primarily interested in because of the security considerations but I welcome very much Secretary of State Clinton’s assessment that this is now a test case for the economic and wider development needs of Yemen because this is the only way we will stabilise it. It is not being seen primarily as a way of bombing, sending in more forces, using the militaristic way. Maybe this is a test case and here I am being very optimistic for soft power because I know there is some very hard power issues involved, including the gun trade between Yemen and Somalia – and do not forget major trading routes are not just going to be attacked by pirates in future years if Yemen fails.

Finally, the big elephant in the room is how is the European Union planning ahead for what I perceive as a series – it may not be “crises” – but a series of succession issues? There are a number of leaderships and we have relied very much in recent years on personalised relationships within individual leaders, particularly in the Arab world, who one way or another will possibly and probably no longer be there in five to 10 years. Where is our strategy given the lack of institutionalised relations? With much of the Arab world we rely on personal relations. Where is the European strategy for what comes next? Who are our interlocutors? Are we going to be tempted by the way we approached Eastern Central Europe at the fall of communism where Western Europe prepared the terrain by getting involved, getting in contact with some of the opposition movements, with the democratic movements in these States so that when the communists’ leaderships finally fell we were able to assist those groups of people to set up an institutional transition to democracy? We will not get democracy in the Middle East or the Arab world without the institutional frameworks to support this and we will not get this if we rely on personalised leaderships to deliver something which I would argue they neither wish to do nor they have an interest in doing. Thank you.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Thank you, very interesting presentation. Now, I would like to open up to the audience. Do you have questions?

From the floor – The topic for this panel discussion was “In search of a European Middle East policy”. Do you really think we can have a European policy without changing our European mentality? We saw this through US intervention in Iraq. I apologise Dr Spencer, but the British are much more pro- American; the Spaniards and the Poles followed suit; France took another stance; Germany, due to its history has to be very cautious; and Sweden also followed

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Germany’s suit. Then there are other new countries that could do something but do not dare try. There are four different opinions here. Do you really believe that there is any hope of having some sort of common European policy for these Middle Eastern countries? There is a debate going on right now in the German parliament dealing with sending 1,400 addition troops in Afghanistan. There is huge debate on that point. We do not all have the same options and possibilities.

Dr Claire SPENCER, Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House – Just as you, I am fairly sceptical. I am not at all convinced but fortunately every four or five years there are changes in European leadership so things can certainly change. That is why I was talking about a strategic review, talking about where we stood now in the Middle East and talking about what the price would be. It is only through the logic of incentives that you can do things. I am very pragmatic. Recent policy has been based on fear. We are afraid of others, we are afraid of terrorism, we are afraid of illegal immigrants. However, that is not enough. We have to change the rationale saying we need energy from the region, we need labour, we need a much more subtle policy that is in everyone’s interest. Business can sometimes change a bit the speeches… I went to an interesting conference on energy policy in the region last week and I can say there is quite a difference from what the oil companies like BP or Italian ENI and so forth, and the experts on terrorism say. Our priorities are completely different from theirs. I am not saying leave everything up to the business world, but I am saying that you are talking about strategic interests for all that deals with climate change, solar power and so forth. It is all about striking a balance among the vested interests and going beyond preconceived notions.

The region has changed so much and we in Europe do not fully realise that. We feel it is enough to support yesterday’s friends in order to change everything. But it does not.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Mr Giuliani, how would you respond?

Jean-Dominique GIULANI, Chairman of the Robert Schuman Foundation – Well that is why I took the liberty of fielding the question in advance, in talking about principles. I think EU member states have shared interests very clearly in that region but the people in charge, due to reasons of domestic policy, economic and immediate considerations do not always have the courage to actually move from short-term interests to long-term interests. That is what has often happened in Europe. Europe has managed to make progress in the past because sometimes there were people who managed to get things going, who triggered movement and produced effects. Often they had to go against the national diplomacies and immediate short-term interests. Think of the 1950s and the steel industry. So you have to have the circumstances right and top level men and women in charge who are able to then move forward and bring everyone else with them. I honestly believe that is precisely the problem with the European

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Union and that is exactly why right now we are in a trough of things in the EU. We are managing things in a diplomatic fashion and yet these are political considerations, politics at the highest level in the highest sense of the term are required here. President François-Poncet would say this better than I but European’s history is not written this way. It has always been about the right people during the right circumstances, including General De Gaulle who initially was not in favour of the community method but he changed tack and ended up coming on board entirely. When he came back to power he was actually pleased at the idea of the common market because it would teach liberalism to French business people. It is not at all what can be read in the press or what we can hear, that is to say the voice of political leaders.

When it comes to common foreign policy, unfortunately the first signs after the adoption of the Lisbon Treaty are not good signals. Not because the right people are not in power - that is certainly not what I would be saying and certainly not publicly, even if conceivably I would have my own opinions – but because the motivation of decision makers that appointed them is to stay in charge and continue business as usual. I think that is not the right way to do things.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Don’t you think Mr Van Rompuy would be able to change this, to craft with a whip a single unified European policy?

Jean-Dominique GIULANI, Chairman of the Robert Schuman Foundation – We have to give him credit and he can prove very capable. It is a huge task. As to Mrs Ashton, I would be more categorical and negative, though.

Georges SACIN, Lebanese journalist – I have a very specific but not theoretical question about the European policy for the region. A few weeks ago the European consuls in Jerusalem drafted a remarkable report. It has now been shelved. What would you suggest to actually implement proposals made by the European consuls, for this to actually be implemented in the field? There were 12 proposals made which would be quite achievable fairly easily if there was the requisite political will. What would you suggest, Ladies and Gentleman?

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Well, let me say that usually when you have this type of document that is drafted, it usually ends up on a shelf somewhere, on the backburner. If anybody thinks otherwise they are complete optimists.

Dr Muriel ASSEBURG, Head of the Middle East and Africa Research Division at the Germany Institute for International and Security Affairs – The Heads of Mission report that you have alluded to is an account of settlement

119 activity in East Jerusalem, of house destructions in the Eastern part of the city and of the lack of progress with regards to Palestinian institutions there. Actually the report backs European positions and international policies as the roadmap. In a sense, we are back to phase 1 of the roadmap. If we are serious about Palestinian institutions in East Jerusalem and if we consider, as we have done in the Council Conclusions in December 2009, that Jerusalem would be the capital of the Palestinian State, then we should act accordingly and have an active policy according to which we meet Palestinian officials in East Jerusalem (as often as feasible). It would make a lot of sense to insist on meeting Palestinians in East Jerusalem, even it this is just a symbolic policy.

In the same vein, it would also make sense to be much more consistent on the settlement issue - we discussed yesterday in detail as to how that could be handled. In Europe, we have treated the issue of settlement products as a bureaucratic problem. It is not a bureaucratic problem, it is a political problem and we need to treat it as a political problem. Still, I would say the priority should be to get back to peace making and then, while getting back to peace making, insist on the terms of reference and they are, of course, the relevant Security Council resolutions.

Dr Claire SPENCER, Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House –One way of getting this type of document discussed is to ask for the Senators or members of Parliament in the European Parliament of Brussels, but also within parliaments throughout Europe, to ask questions about this and to discuss this. We have the Prime Minister’s Question Time that we can use for this. I would call the office of my member of Parliament to have him ask such questions as “Where is this report?” so that this can be discussed because it is an urgent matter. If you have been to Jerusalem recently you know that there is increased tension. We cannot just forget about this and let things wait another six months or a year. Things are very explosive. There are two very different views of history opposing each other. The frontline of the conflict is right there in the holy places in the ancient city of Jerusalem and it is a very serious matter. This is why we have got to really place pressure on the politicians. I agree with Muriel Asseburg entirely, it is a question of politics, not red-tape or management of individual settlements. Again, it is dangerous for Israel, for us and for the Palestinians.

Last time I was there I went to Tel Aviv and I saw that they do not want to know anything about what is going on in Jerusalem, they are sick of it. I get the impression almost that there are almost two separate societies. What is going in Tel Aviv and Jerusalem is completely different, they are very separate. That is very serious because people systematically talk about Israel and Israeli interests but actually who exactly do we mean there? It is a highly divided society and that is very dangerous. It is a question of field reality.

General Christian QUESNOT – I have a question for Dr Spencer on Israel specifically. I remember the most recent war with Hezbollah. What really struck me back at that time though was what was going in Haifa: the military,

120 political and civilian authorities withdrew. It was almost like the withdrawal 1939-1945. I felt the deep nature of the Israeli state was changing. The last immigrations from Russia have really changed the nature of Israeli state. At that time the sons of the Prime Minister avoided military service. You mentioned Tel Aviv and Jerusalem. Tel Aviv is hedonistic; it is a case of ‘everyone for himself’ there. It seems to me that the fighting spirit that used to be behind the Israeli state has now been reduced. Israelis that never wanted peace with Arabs - if they had people would have known about it - and their policy was to continue repressing Arabs and fighting with them every four or five years. They were good tacticians but not good at strategy. Currently, due to the changes that are taking place, how do you think the mindset of Israeli politicians, of all ilk, can be changed?

Dr Claire SPENCER, Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House – It is a very complex matter and again I am not here to criticize Israel as such. I am just observing domestic divisions and, therefore, deciding that Europe has a responsibility to try to help the Israelis that really are looking for peace. They are still very much in the majority, according to all the polls. Some people would prefer a completely Jewish Israeli state from the West Bank to the sea but that is not realistic. We have to engage with Israeli society as opposed to imposing limits and preconditions because it has never worked with Israelis. You have to speak with them in terms of their long-term interest. We need to explain to them that “we are here to help them move on their long-term interests”. If we just constantly criticise them it is not going to work. I am no Israeli but I am very pleased to see what the Israelis did. They were the first to arrive in Haiti; they did magnificent work there. The Israeli doctors and so forth were onsite in Haiti right away, very well organized. This just goes to show the very humanitarian side to Israelis whereas for the British, and I can say this as a British subject. My mother spent her childhood in India and I talked a lot with her about her time in India. I asked her about colonial times and what she was doing there then and she would say to me, “It was not all bad”. We left in 1947; we understood the situation with Gandhi very well. She was young at the time and her father decided. Similarly in France and Algeria, people understood the situation and actually left in the end. This is a similar idea. We need to discuss this with the Israelis in terms of historical change in the Israeli state. It is a very young state. I am certainly not trying to criticize any internal workings and what impact immigration may have had. It did change the nature of Israel. We need to be addressing all of this, not just the political leaders.

All Israeli political leaders have continued with a policy of occupation and settlement of the West Bank. The political class will not be making the change. It is the Israeli society that will be making a change, saying, ‘That is enough, it is not in our interest’. We have to be engaging with civil society.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – I was glad to hear you compare British policy in India with French policy in Algeria.

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Dr Claire SPENCER Head of the Middle East and North Africa Programme, Chatham House – I just meant not policy, but the principles of occupation.

Philippe MIGNAVAL – Europe is an economic giant and a political dwarf. It does not exist in that respect. Mr Giuliani used the very true words to say that it was a question of will and courage. The word “courage” was used several times and it is very interesting and important. We actually accepted the situation because we turned Europe into a sort of extended free-trade area. The question therefore is: in a Europe with 27 members, operating on the basis of consensus, in other words, where political decisions are basically blocked, can we then really expect to make any progress? Is this realistic? Is this courageous? Or are there any alternative solutions? Specifically, would it be possible to make progress with a smaller number of countries to reach some truly political objectives so that we could end up having a Europe that is a political power as well?

Jean-Dominique GIULIANI, Chairman of the Robert Schuman Foundation – “When I examine myself I worry but when I compare myself I am reassured”, said Plato. We must not be too hard on ourselves. The European Union is not a political dwarf. It does not have the political power that would be commiserate with its economic power, which is true. There are 70,000 European troops in external operations right now; they are ranked second after the United States. We have achieved with 501 million European inhabitants is to establish the biggest worldwide market. We had to begin with that. If just after the Second World War we had raised sovereignty issues, which are controversial and difficult, the answer would have been no. Maybe we would need to ask President Françoise-Poncet who is more familiar with this than me. In 50 years we have achieved results we could never have imagined. It was unimaginable really to break with 600 years of conflict – a period of 600 years during which France was in conflict at least once every 30 years with one of its neighbours or one of the European powers. That time is over. It has come to an end for quite some time, possibly forever. This is a unique success story in the history of mankind and an economic success. If you look at pictures of the post-war period and you look at statistics it was unimaginable for Europe to turn itself around like that, to re- establish itself. I share your impatience completely but we also have to realise that we have 2,000 years’ history with different identities, collective memories, a collective way of interpreting history and then individual memories that are still marked by conflicts that have taken place. We still have survivors of the major European wars.

I share the impatience through the Schuman Foundation; we try modestly to act as a driving force of the European model. I said that really we are at a time of low tides, so to speak, in Europe. Europe has grown-up; it is experiencing the global economic crises and also its own crisis. Maybe right now we do not have the very excited major European leaders but it was a dream that has really been turned into reality. In today’s world there is not any natural disaster, any conflict where Europe is not active and is not called on – in Indonesia, in Africa, in South

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America or Haiti. Now we are very much stakeholders, very much participating, not separately as French or British, not with the nostalgic view of an empire, but efficiently. Europe is different to what we have been accustomed to. We have to do everything to move forward and to become that. The Lisbon institutions, and not just them, make it more and more possible for us to make the decisions, not unanimously but using procedures based on a majority decision. It is the same procedure since 1950. It is through having shared interests, as we have to do locally to solve problems, that we can manage, not to reach consensus but agreement so that some can move forward faster than others. Do we need pioneer groups? Personally I say ‘yes’ on global subjects of strategic importance like nuclear proliferation or the Middle East. I feel countries within the European Union that do have a global diplomatic network shoulder a special responsibility. Three or four of them could do a few things, and that is what they do. The European spirit is we must always leave the door open for any member states, including the smallest that want to join in on an initiative. Clearly when we are talking about nuclear issues with Iran or in the Security Council, we cannot do this with all 27 member States.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – If you look at the history of European integration since May 9th 1950, you can see various periods of time when Europe did not really move forward. You will not ever see times though when Europe actually backtracked. European integration has never gone backwards. It has continued to progress, sometimes very timidly and slowly; sometimes it even stagnated. Europeans such as myself and Mr Giuliani feel it is unfortunate that the pace is often quite slow. The Lisbon Treaty is an enormous step forward. What the actual achievements will be? We do not know yet. Will a European foreign policy actually come of this? The states have not given up their sovereign rights in terms of defining foreign policy. There can be some cacophony, though certainly a great deal of progress has been made.

Friends, it is time for conclusions, for the final fireworks, by the eminent European Mr Solana who, as you know, was in charge of European Foreign Policy. He did this with great diplomacy and great authority and he will be making the concluding comments for our symposium. It is a real pleasure for me to see that this symposium has been so interesting and that so many of you have attended, been here from the start to the end.

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In search of a European policy for the Middle-East

Closing

Javier SOLANA, Former High Representative for the Common Foreign and Security Policy, Secretary-General of the Council of the European Union – Thank you very much. Thank you President of the French Senate, Chairman of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee and President of the Schuman Foundation and all of you who have organized this fascinating symposium on a vital issue, vital for Europe, but above all vital for the Middle East and for the people who live there, so close to us in heart and in flesh.

Let me briefly say something about European developments. There has been talk about Europe’s role, about Europe’s recent history. After the Rome Treaty, there were probably three phases in Europe’s development, just to keep things simple. The first was reconciliation due to political will. This was a phase that managed to create a single market. Then there was the stage of continental stabilization, that can be called the enlargement, although some might disagree but it is however the phase of stabilization of the continent. We stabilised the continent by opening up to countries like Poland. That was a phase of determined political action. Today, I would say we are at the outset of the third phase which is that of Europe as a necessity. We cannot live and act in a world where power will change hands in the way it has been to date. Changes in our part of the world, emerging economies around the world, G20, all these things are going to completely change the world. Europe, out of necessity, has to act as such. I have just read the UK report on that. It says it is a fantasy to imagine that any European country can act alone in today’s world. I totally agree with that. Now we are faced with the necessity of acting together and leveraging the Lisbon Treaty so as to make all the necessary efficient and swift efforts for implementation in spirit and letter. I say ‘spirit’ because that is as important as the letter.

I feel free today. I am representing Europe. I am a citizen who loves Europe, coming from a country that has suffered much, that always loved to be part of Europe. I am from a family in Salvador de Madariaga that for generations acted as responsible Europeans. And I want to say clearly to all of you from Europe, or from other parts of the world because I know you are here in this room, that we here in Europe are willing to give that necessary push towards building Europe, not just in economic but also in political terms.

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I want to briefly say a couple of things about the various issues you have been discussing. There is this excellent report which has been published. I was lucky enough to meet the President of the Committee for Middle East Affairs on a number of occasions and I know the excellent work that has been done. I would revert to what was said at the end of this afternoon’s presentations about the Israeli-Palestinian peace process. I had been a member of the Spanish government when I attended the Madrid conference so I was already very much involved in this process. That was the first step I think that opened the door to the Oslo conference. Since then we have travelled a long road. I am aware of the Palestinian and Israeli frustrations; everyone in this region is suffering from the absence of a final solution to the peace process. I would say that 2009 was a year of great frustration for me because it started with the hope that the situation around the world, especially the relationship between Europe and the United States, would be able to set in motion a process that would lead to peace and that failed. Now we are all frustrated to see that the efforts made by the President, and by Senator Mitchell who is a good friend of mine and with whom I had worked with before going back to the second Intifada, lack a peaceful resolution. It has been very frustrating that we have not been able to turn things around during the first half of last year. Remember the three questions that were on the table a year ago? Firstly, negotiation across the board, including all factors – that meant the borders and everything. There were two demands: that the Israelis freeze the settlements - that was our demand supported by the Palestinians or the Arab world, and that was not only endorsed but also pushed by the United States to start with; and a demand on the Arab states to launch the Arab peace initiative. That’s binary, if I can put it that way, peace for recognition, recognition for peace. We sought ways of bringing in some flexibility ensuring that a step taken on one side would be met by an equivalent step on the other side, so it was not about waiting to reach the final peace and recognition before moving. The idea therefore was step-by-step progress on both sides. However, that failed. The settlement freeze was a failure and probably consequently the response on the Arab side was also a failure.

The conclusion we reached was that, as we went through all the American administrations, the acceptance of the Israeli position was the final US position. The US President said “we would not accept the continuation of settlements”. Secretary Clinton said “we would not accept it” and in the end she did “we accept the continuation of settlements”. There was a lack of political courage to say no and to stick to that line. I think this is going to be a vital key to success. As soon as it is done the better it will be for Israelis, for Palestinians and for peace.

Senator Mitchell has put forward a number of initiatives aimed at re- establishing bilateral contact between Israelis and the Palestinians. For now the Israelis are as ready to involve themselves as the Palestinians. But Palestinians think it is hard to accept meeting the Israelis as they continue to settle. The Goldstone Report is something which we have not mentioned and it is very important because the Palestinians found that they were virtually isolated vis-à- vis the Arab countries and us to a certain extent. President Abbas is really very

125 pessimistic. To get things going again is going to be very difficult but maybe the idea of the solution would be to start contacts at a lower technical level, to start having meetings between the two sides with the backing of the quartet. Basically in the quartet what counts is the US and us .We have people on the ground, which is not the case with the Americans. There is not a single American in the field on the ground apart from the embassy. We, apart from our embassies, have people on the ground in Raffa, in the West Bank, with the police force. I think we need to monitor very closely these developments on the ground. I would like to speak optimistically and say that I do not think that it is impossible.

I think that if we do not discuss the matter of borders we will not get anywhere. That has to be the first item on the agenda, even if the Palestinians do not have all of the territory a day after the definition. Frontiers is where it all starts and that goes back to 1967. What we are talking about is changes of 2.5% or 6%. It should be possible to reach and if we can settle that then we will settle the problem of the settlements because they will be on one side of the line or the other. And therefore there will not be any settlements. That should be the first objective and that is where the first efforts should lie. It is not out of reach, we just need the political will. The Europeans have to agree on that and I think that is the case and they have to stick to that position throughout negotiations without any backtracking. If we can achieve that we can perhaps make the progress we should have made in 2009.

However, that will be difficult because after what was said on Wednesday, in the State of the Union speech, we heard that most efforts will not go into American foreign policy but into the economy. Nonetheless, I think there is a way forward. What I want us all to do, what I call upon politicians, European civil society and others is to mobilise our efforts and political will in that direction, that is to look at the final definition of frontiers. At the end of the peace period between Israel and Egypt, the real issue was Sinai. That issue was settled on a step-by-step basis. Obviously it was different because there you are talking about two States and with Palestine you are not talking about a State. I think that if we can seriously address the question of borders, it will be a step in the right direction and it will establish the necessary credibility for the Palestinians and the Arab world.

I will come back to some others issues addressed. Throughout 2009 there were three things that were important. Firstly, Gaza. No solution has been found there. I remember the first 2009 Sharm el-Sheikh international conference on Gaza. Secretary of State Clinton was there. President Sarkozy presided over the conference and made an important statement in that meeting. It was said “We will try again but if peace is not reached by the two parties then the international community will have to find a way of imposing it”. This was the first time anything similar was said in public and this should not be overlooked because we will probably have to express it again. After the Sharm el-Sheikh conference, and with all the money that was pledged, nothing happened. Gaza continued as before which is tragic. At the same time it is interesting to think there are no more rockets. Since the beginning of 2009 there has been no violence in Gaza. It

126 is interesting because we do not know how long this is going to last so we should take advantage of it. It is important to maintain this situation of non-violence on the ground. The third important thing to speak about is the Fayyad Plan. It is true that it does not solve all the issues but it is the first meaningful step towards institution building by the Palestinians themselves, by a group of Palestinians who, with our help and the help of other countries and non-EU members, will seek to achieve its aims. I am a good friend of Salam Fayyad. I think he is an amazing person who has done, and will continue to do, amazing things. However, at the same time Egypt, and General Souleiman, was delegated by the international community, including the Arab countries, to the role of negotiating intra-Palestinian agreements. Objectively speaking, this was a positive situation but unfortunately it did not manage to produce a solution. Hamas is obviously a very important issue. There can not be peace if there is no settlement of the Hamas issue. It is not a question of ‘if,’ though, it is a question of ‘how and when’. I do not think there will be any meaningful peace negotiations with Hamas as it is today. Israel would never agree. We will have to negotiate with today’s Palestinian Authority, try to settle peace and save time and then settle the internal Palestinian problem. I do not think you can do it the other way around. Israel and Hamas do not want to and they do not want a final agreement. They want an open and not final agreement. They would prefer to postpone negotiations and agreement and it is important to bear this in mind. You can talk with Hamas but recognition of Hamas would be a very dear price to pay and I do not think that is going to happen now. It is a very important issue and it is perhaps something that needs to be done at the right time.

Moving on to Iran. You know that I was head of negotiations, not just for Europe, but I represented US, China and Russia in these negotiations also, which was amazing. If you had said that a European could speak for all the Security Council permanent members plus the EU, it would have seemed extraordinary. Unfortunately no progress was achieved firstly because the Americans were never included. They only attended the last meeting in Geneva in 2009 where we looked at the nuclear programme with “Freeze for Freeze” (freeze sanctions and freeze the number of centrifuges). Secondly, the presence on the ground of Mohamed ElBaradei to inspect the facilities discovered in September and thirdly, and very importantly, the existence of a small Tehran reactor. These were extremely important factors which stunted any progress. You know how important this small reactor is because France has been very much involved. We had these three points in the meeting in Geneva. Then there was the referendum in Tehran, resulting in its refusal. The agreement reached has been destructed for internal domestic reasons.

All of this means that decision-making processes in Tehran are more complicated than before so we have to give serious thought to what is going to happen in 2010. I do not think we can sit back and carry on doing nothing with Tehran. It will be very difficult, but I think we have to say to do something and to opt for a double way of action if there are no negotiations. New York is still the place where we have to work on this issue. What about China and Russia? It is not going to be easy but all efforts to keep them on board must be made. We,

127 in Europe, must do everything we can to reach a European common position. The question of which types of sanctions is also very tricky. There are countries who say sanctions on trade or exports is stupid because then the Chinese will come in and take your place and Tehran will continue to have the means of boosting its economy. We need a serious discussion and I think 2010, over the next few months, will be the right time to do that.

There are many things I could say about Turkey, Syria, negotiations between Israel and Syria and Turkey’s role. I think that in this respect some progress is being made: situation in Lebanon, the Lebanon government, etc. I think the fundamental issue is the Israel-Palestinian conflict and the only way of making progress is making it clear to everybody that the international community is going to make every effort possible to define the borders of a Palestinian state. Then we will have to negotiate how the Palestinian government will take responsibility for its territory, having a perfectly clear idea of what the borders of the state are. Without a clear definition of the borders it would be very difficult to reach an agreement that would be supported by the Arab world.

Dear friends, thank you very much for your attention. I am perhaps frustrated but, like many of you doubtless, optimistic about the future of Europe. As I said at the outset, it is not just about sentimentality now, it is necessity. European leaders now have a clear idea of where we need to go. I think the President answered a question just now about this. In international meetings, when we have 8 or 10 Europeans speaking side-by-side it is either cacophony or repetition. If it is repetition then you would say ‘why say the same thing,’ and if it is cacophony nobody knows what is being said. What we need is a single voice; no cacophony and no repetition. If we want to repeat anything, it should be repeating our policy every day and not changing it. Thank you.

Jean FRANÇOIS-PONCET, French Senator, former Minister of Foreign Affairs, Co-author of the Foreign Affairs, Defence and Armed Forces Committee's report on the situation in the Middle East – Mr Solana’s presentation is the culmination of our symposium here. Let me thank him once again for being here. There will be no questions, I am sorry. I see people would like to but Mr Solana has made an ex cathedra presentation so there can be no questions and no-one would dare answer for him. That is the end of our symposium. Questions will have to remain at the back of your mind for our next symposium. I wish you all a pleasant evening and fruitful meditation on everything that has been said here. I am absolutely convinced you will find all sorts of intellectual nourishment in that. Thank you so much.