L’EMOUCHET 29

NOUVELLES NATURALISTES

Revue de l’Association Faune et Flore de l’ Tourbière des Petits Riaux L’EMOUCHET n°29

Revue de l’Association Faune et Flore de l’Orne

Année 2012

Nouvelles naturalistes

  SOMMAIRE

♦ Entre Maine et Normandie : la répartition du Cormier (Sorbus domestica L.) dans le département de l’Orne

Evelyne Moinet & François Radigue page 4

♦ La Faune et la Flore dans la toponymie des cantons de Sées, le Mêle, Courtomer

Jacques Brust page 15

♦ Le Callovien de la Région de Sées prospecté à l’occasion des travaux autoroutiers de l’A28

Emmanuel Jofes & Thierry Plu page 24

♦ Disparition d’un arbre remarquable l’if du Belvédé à Nécy

François Radigue page 33

♦ Découverte de Cryptothallus mirabilis Malmb. dans la tourbière des Petits Riaux

V. Hugonnot, P. Stallegger & J.-C. Hauguel page 36

 Entre Maine et Normandie : la répartition du Cormier (Sorbus domestica L.) dans le département de l’Orne

Evelyne Moinet Coordinatrice Inventaire des arbres remarquables de la Sarthe - SEPENES François Radigue Coordinateur Inventaire des arbres remarquables de l’Orne - AFFO

Le département de l’Orne est limitrophe de celui de la Sarthe par sa partie sud-est, qui correspond grosso modo à la frange sud-ouest de l’ancienne province du Perche. Alors qu’il a été recensé pas moins de six cents cormiers dans le département de la Sarthe1, il était intéressant de connaître la situation de cet ancien fruitier dans le département de l’Orne. Les premières données recueillies auprès des adhérents de l’AFFO, ou bien lors de comices agricoles ou des entretiens auprès d’agriculteurs, ne manquent pas de susciter quelques réflexions.

Cormier - La Chapelle-Souëf

1 Voir Le Traité du Cormier, E. Moinet / SEPENES, 2009

 Cormier - Lieu-dit La Tuilerie à Saint-Cyr-la-Rosière

 Localisation des lieux- Tous les toponymes ne sont pas des toponymes « directs », c’est-à-dire dits fondés sur la présence de l’arbre. Certains peuvent dériver de la présence Adoptons la même démarche que celle d’une famille CORMIER, par exemple : mise en œuvre pour l’étude du Cormier le Champ Cormier, la Cormière et la dans la Sarthe, et intéressons-nous Cormeraie. Dans la mesure où les noms dans un premier temps aux toponymes de famille CORMIER se sont élaborés à du Cormier. partir d’un habitat du même nom, et que En l’état actuel des recherches, la répartition de ces noms est restée 13 lieux-dits du Cormier ont été relativement stable dans l’espace rural, relevés : 7 d’après la Nomenclature nous pouvons néanmoins les conserver des hameaux, écarts et lieux-dits du comme toponymes du Cormier. département de l’Orne2 et 6 d’après les cartes IGN à l’échelle 1/25 000e. L’étude des micro-toponymes, c’est-à- dire des noms de parcelles cadastrales, Cormé : Origny-le-Roux ne manquerait pas d’affiner les traces de l’ancienne culture du Cormier dans La Cormeraie : Saint-Jouin-de-Blavou l’Orne. Ainsi à Nocé, il existe « Le Champ du Cormier »3, exemple qui La Cormière : Longny-au-Perche n’est certainement pas isolé. Le Champ Cormier : Dancé

Le Champ du Cormier : Dancé

Le Cormier : Bellou-le-Trichard, , Condeau, Dancé, La Chapelle-Souëf, Origny-le-Roux, Saint-Cénéri-le-Gérei, Silly-en-Gouffern

2 INSEE Direction régionale de Rouen page 45 (Archives départementales de l’Orne) 3 Ferme de la Chevrolière, communication orale, M. OUY, 2005

 Département de l’Orne

Localisation des lieux-dits relatifs au cormier

 Répartition des cormiers Un cormier corNier recensés Dans les contrées à pays de bocage 30 cormiers ont été recensés dans telles que les départements de l’Orne et le département de l’Orne4. 12 d’entre de la Sarthe, il était d’usage de planter eux sont localisés sur des communes des « arbres corniers ». Ces végétaux possédant un ou plusieurs lieux-dits avaient pour rôle de délimiter un espace relatifs au Cormier5 : Bellou-le-Trichard rural de taille plus ou moins importante. (2), La Chapelle-Souëf (3), Dancé Ce pouvait être une prairie, un verger, (3), Saint-Céneri-le-Gérei (1). Pour la mais aussi la limite d’une paroisse, commune de Dancé, la configuration parfois même une limite financière7. est idéale et exceptionnelle puisqu’au lieu-dit « Le Cormier », pas moins de Les arbres « pieds corniers » se trois pieds de cormiers sont établis… devaient de posséder deux qualités Les autres communes accueillant un ou pour remplir consciencieusement leur plusieurs cormiers sans posséder son fonction : être longévif afin d’assurer toponyme sont : Saint-Cyr-la-Rosière longtemps leur rôle, et rester de petite (1), Berd’huis (1), Saint-Germain-de-la- taille, pour marquer avec précision Coudre (7)6, Gémages (2), Le Theil-sur- la limite à définir. Pied cornier par Huisne (3), Igé (1), Boissy-Maugis (2), excellence l’Aubépine (Crataegus Préaux-du-Perche (1). monogyna et Crataegus oxyacantha) fut souvent choisie, cumulant en effet les deux qualités requises : capable de vivre plus de mille ans8, elle reste de taille modeste même très vieille.

4 Parmi ces 27 données, 13 ont été transmises par Nadine GUEDET / SEPENES, à la suite de la manifestation Croqu’pomme internationale qui s’était tenue à La Ferté-Bernard en 1998, laquelle manifestation marqua le coup d’envoi de l’enquête sarthoise sur les cormiers. 5 Le nombre de pieds de cormiers recensés figure entre parenthèses après le nom de la commune. 6 La commune de Saint-Germain-de-la-Coudre détient le « record » en matière de cormiers. Mais cette spécificité n’est pas reconnue par tous à sa juste valeur: en 2006, malgré nos efforts d’information, un cormier âgé de 104 ans (comptage des cernes après abattage) a été détruit … 7 Ainsi en était-il du passage de l’octroi à l’entrée de certaines villes et bourgades. Ce « droit d’octroi » devait être payé par les commerçants ambulants pour certaines marchandises, notamment les denrées, dès leur arrivée en ville. L’octroi est définitivement supprimé en en 1948. 8 L’aubépine de l’église de Saint Mars-sous-la-Futaie dans le nord Mayenne remonte au 3ème ou 4ème siècle, elle fleurit chaque année et son tronc mesure 2,65m à la fin du XXIème siècle au bout de 700 à 800 ans d’âge.

 Département de l’Orne

Localisation des communes hébergeant des cormiers (situation arrêtée au 31 décembre 2008)

 L’inventaire des cormiers de la Sarthe est revenu sur place avec nous et (SEPENES) et de l’Orne (AFFO) nous a nous informa qu’il y avait autrefois cinq permis de découvrir un cas remarquable cormiers dans cette parcelle (3,98ha) : de « cormiers corniers ». Le 14 août un à l’angle nord, coupé et vendu en 2005, lors du comice agricole cantonal 2000 à l’entrée de la parcelle, côté de Saint-Fulgent-des-Ormes, dans le ferme, pour permettre le passage des canton de Bellême, l’AFFO présentait un engins agricoles ; un à l’angle ouest stand sur le thème du cormier. Plusieurs disparu à une date indéterminée ; localisations de nouveaux sujets furent deux autres à l’angle sud de part et signalés à La Chapelle-Souëf et Saint- d’autre du petit chemin d’exploitation Cyr-la-Rosière. Dès le lendemain, qui mène à des champs et à un petit nous nous sommes rendus sur place bois de chênes, ces deux arbres ayant pour étudier un cormier à La Chapelle- également disparu, le dernier lors de la Souëf : mesures de la hauteur et de la tempête de 1999 ; et enfin, le dernier circonférence du tronc, photographies, encore présent à l’angle est, le long du recherche d’informations. Il est implanté chemin de randonnée pédestre. Ce au lieu-dit « La Thibaudière » le long du cormier est par chance visible depuis le chemin creux qui relie « La Hulinière » domaine public (voir plus bas). à « La Thibaudière » : il s’agit d’un beau Nous sommes en présence d’une sujet avec de grosses cormes pyriformes « pièce de terre » qui fut parfaitement de couleur jaune clair et rouge. Fort délimitée par cinq arbres, tous des contents de cette découverte, nous cormiers, implantés comme des bornes sommes allés frapper à la porte de la de géomètre aux quatre angles du ferme de La Thibaudière, située non loin, terrain et de part et d’autre d’un petit chez M. et Mme Daragon, propriétaires chemin situé à l’opposé de l’entrée de et agriculteurs à la retraite. M. Daragon la parcelle.

10 11 Entre Sarthe et Orne, l’arboriculture du pommier et du poirier. La poursuite de l’inventaire ornais rupture ou continuité ? devrait affiner cette première analyse. Pour 22 des 30 cormiers recensés, Sauf pour Saint-Cénéri-le-Gérei, des mesures précises de circonférence commune limitrophe de la Sarthe, sont connues. Le tableau ci-dessous et Silly-en-Gouffern, bien isolé au reprend les mêmes critères que ceux cœur du département de l’Orne, les employés dans le Traité du Cormier. autres communes ornaises possédant L’échantillon est certes nettement toponymes et/ou pieds de cormier plus restreint que pour la population appartiennent à l’ancienne province sarthoise de cormiers, mais la courbe du Perche. A l’heure actuelle, aucun est identique : c’est dans une fourchette cormier n’a été repéré ailleurs dans le comprise entre 160 et 220 cm que l’on reste du département de l’Orne. Cette trouve le plus grand nombre de cormiers, répartition n’est pas le fait du hasard. soit 19 des 22 cormiers mesurés. Les historiens s’accordent sur le fait Simple coïncidence ? Ces deux courbes que la Coutume du Grand Perche, sarthoise et ornaise indiquent plutôt ensemble des lois qui régissait la qu’il y eut dans les régions concernées province, a été influencée par celle du un pic de plantations, puis un abandon Maine, très égalitaire notamment en probablement consécutif au succès de matière d’héritages pour les roturiers.

12 En outre, certaines communes, Où admirer des aujourd’hui ornaises, pouvaient relever cormiers dans l rne de la Coutume du Maine (de même ’O ? que certaines communes, aujourd’hui Quelques cormiers sont fort situées en plein cœur du département heureusement visibles depuis le de la Sarthe, relevaient de la Coutume domaine public et leur rendre visite du Perche…). pourra donc satisfaire votre légitime Il est à noter que le secteur correspondant curiosité. Il va de soi que ces arbres grosso modo au Perche ornais est feront l’objet de tous les soins de la enveloppé par des départements où part du visiteur (pas de dégradation la présence du Cormier cultivé est ou mutilation, respect de la propriété avérée : le sud du département de privée) : l’Eure est riche en cormiers (inventaire - Saint-Cyr-la-Rosière, au lieu-dit de Roger Rimbert) ainsi que l’ouest de la Tuilerie : un beau cormier de l’Eure-et-Loir. Cette présence marquée plus de 2m de circonférence, dans le Perche ornais de la culture marque l’angle d’une prairie. fruitière historique du cormier est donc - Saint-Germain-de-la-Coudre, au à rapprocher du phénomène identifié lieu-dit du Beauchet : un cormier pour le département de la Sarthe, où la de 2.10m de circonférence se tradition de partager équitablement les situe à l’intersection de deux terres entre les membres d’une même chemins. parentèle a favorisé la densification du - Bellou-le-Trichard, sur le chemin bocage, et par là même, le renforcement de randonnée au départ de de la culture du cormier, culture autrefois Vausouris qui contourne le essentielle dans l’économie rurale9. lieu-dit du Cormier: un cormier Nous pensons que le reste du sur une limite de parcelle face département de l’Orne, relevant de à un bois de châtaigniers la Coutume de Normandie, moins est surveillé de près par une égalitaire que la Coutume du Maine, municipalité très sensibilisée s’est détourné plus tôt de la culture du à la valorisation du patrimoine cormier lorsque la culture du pommier et naturel de sa commune : 1.86m du poirier a connu un essor déterminant de circonférence. à partir du XVIe siècle, essor amplifié - La Chapelle-Souëf, sur le au XIXe siècle par l’amélioration des chemin de randonnée entre la voies de communication et de ce fait Thibaudière et la Hulinière, au des possibilités de commercialisation sommet de l’angle d’un talus notamment vers la région parisienne. (voir plus haut) : 1.87m de circonférence.

9 Voir Le Traité du cormier, E. Moinet, 2009, page 111 et suivantes

13 Une petite confidence en guise de conclusion : un heureux voisinage

Nous habitons depuis une quinzaine d’années à La Chapelle-Souëf sur un chemin se terminant cent mètres plus loin par un lieu-dit… « Le Cormier ». A notre arrivée, nous connaissions à peine cet arbre. Mais le voisinage de ce lieu-dit ne manqua pas de susciter notre curiosité, puis notre envie d’en savoir plus10 et d’ouvrir des inventaires sarthois et ornais, etc. ce qui nous entraîna quelques années plus tard jusqu’à la publication du Traité du Cormier. Nous ne regrettons pas de nous être laissés influencés par ce voisinage toponymique… Le cormier que nous avons planté en 2000 a déjà fière allure et a produit cet automne une première poignée de cormes, preuve s’il en est besoin que le Perche est bel et bien une terre hospitalière pour cet arbre arrivé il y a un certain nombre de siècles depuis les confins de la Méditerranée.

10 Merci à Franck VIEL qui a grandement contribué à alimenter notre curiosité naissante d’alors.

14 La faune et la flore dans la toponymie des cantons de Sées, le Mêle, Courtomer

Jacques Brust

Dans les premiers siècles du Moyen- ce soir, dans la limite de trois cantons : Age (en gros entre 500 et 1100), nos Courtomer, le Mêle et Sées. ancêtres se nommaient par ce que nous Pour ces trois cantons (un total de 44 appelons aujourd’hui un prénom. C’était communes) j’ai relevé 1305 toponymes, leur nom : Pierre, Paul, Marie… Pour parmi lesquels 272 inspirés par la faune éviter des confusions, ils ajoutèrent – à ou la flore, soit 20.8%. partir du XI e siècle – une précision qui Allons à la rencontre de ces derniers : devint le nom de famille (le patronyme). Par exemple, on peut distinguer entre Le Bois plusieurs « Paul » d’un même village Paul Legrand, Paul Dubois, Paul Une quarantaine de toponymes, Renard, Paul Berger, Paul Vigneron… répartis sur les trois cantons, témoigne de la place très importante qu’occupe De la même façon, ils dotèrent l’endroit autrefois la forêt : place importante tant où ils habitaient d’une appellation, d’une par la surface occupée que par le nombre identité. Ainsi apparurent les toponymes de gens qui en vivaient : bûcherons, plus tôt que les patronymes, puisque charbonniers, charpentiers, chercheurs certains remontent à l’époque gallo- de miel, de champignons et de plantes romaine. Ces toponymes, désignant médicinales, lattiers, cercliers, faiseurs des lieux habités, nos ancêtres les de cendres (pour la fabrication du verre ont empruntés pour l’essentiel à et du savon), arracheurs d’écorces leurs patronymes (par exemple : La (pour en extraire le tan)… Martinerie, habitation de Martin ; La La forêt donnait son bois mort pour Godardière, maison des Godard ; le chauffage, son gibier, le bois de La Maison au Franc, résidence des construction, le bois des sabots et des Franc ou Lefranc ; l’Etre Cholet, l’Etre outils, des planchettes pour les toitures, Ragaine : lieux où vivaient des Cholet des manches, des outils divers, des et des Ragaine…). Ils s’inspirèrent paniers, des cuves, des cuillers, des également de tout ce qui touchait à charrues, des fléaux, des fagots pour leur environnement : le relief, l’eau les consolider les chemins… La forêt activités, l’histoire, les communications, servait aussi de terrain de pâture. Elle la faune et la flore, etc. C’est à ce dernier était encore, nous rappelle l’historien toponyme que nous nous intéresserons Marc Bloch « le refuge des hors la loi, 15 de ceux que repousse la société –les La Forêt, à bandits, les ermites, les mystiques, les La Foretterie, au Bouillon pionniers arracheurs de souches. Et peut-être la Foleterie à Trémont, au Le mot bois est rarement employé seul cas où Foleterie serait une déformation (ex : Le bois à St-Germain le Vieux, La de Foreterie (nous sommes tout près Boissière au Bouillon, Boiville à Sées et des Bois de Vaudon.) Mais la Foleterie à Trémont, Aunay les Bois. pouvait aussi bien désigner le lieu habité On a cherché une plus grande précision par la famille Folet. avec : Pourquoi le mot forêt est-il si peu usité, La Rue du Bois et la Cour du Bois (à St au profit presque exclusif du mot bois ? Agnan sur Sarthe) Le mot « Foresta » au Moyen-Age, Sous le Bois : Gâprée, , désigne plus spécialement la réserve Boitron que le seigneur garde pour la chasse et Le Bout du Bois : pour son usage personnel. Dans la plupart des cas, le mot bois est accompagné du nom de son Les Genêts propriétaire : Ex : Le Bois Fouquet, le Bois Gautier, Aucun panneau ne signale ce le Bois Lambert, le Bois Jolivet, le toponyme. La nomenclature des Boislandry, Bois Roger, etc. Le Bois Archives Départementales, certaines Hubert, selon une tradition orale, aurait cartes détaillées et les habitants de été un rendez-vous de chasseurs. Chailloué situent « Les Genêts » en Deux mots sur le Bois l’Evesque à haut du bourg.. Laleu : Laleu était une des quatre baronnies dont les revenus assuraient le temporel des évêques de Sées. Au La Bruyère XVIIIe siècle, Mgr Neel de Christot (1740 Toponyme très répandu, on trouve à 1775) vendit 25% de ses réserves de la Bruyère ou les Bruyères à Bures, bois pour payer les réparations de la Courtomer, Ferrière la Verrerie, cathédrale. , St-Agnan, St-Aubin d’Appenai, Hauterive, , Le Breuil Marchemaisons, Menil-Erreux, Chailloué, Tanville, La Chapelle près Autre forme du mot bois, le breuil Sées, Sainte-Scolasse ; les Petites désignait un espace boisé, enclos de Bruyères et les Grandes Bruyères à haies, servant de retraite au gibier. ; la Vieille Bruyère à Ferrière Toponyme présent à Courtomer et la Verrerie, le Taillis des Bruyères à Ferrière. Marchemaisons. La Forêt Le Taillis

Le mot forêt n’apparaît presque pas Parcelle de bois coupée périodiquement dans la toponymie de nos trois cantons. (tous les 15 ou 20 ans) pour donner Notons : surtout du bois de chauffage.

16 Toponyme présent à , Essai, Le Buisson Le Menil-Broût, les Ventes de Bourses, Marchemaisons. Neuilly le buisson, Le Buisson à Montchevrel, St-Léonard des parcs, Les Friches Bursard et Laleu devient le Bisson au Plantis, le Buisson Corbin à Belfonds et La friche est une terre momentanément le Chaubisson à Hauterive. ou durablement inculte ; la friche n’est pas comme la lande stérile, mais reste Le Désert inculte plus longtemps que la jachère. Au singulier ou au pluriel, nous trouvons Le désert a désigné au Moyen-Age, ce toponyme à la Ferrière-Béchet, des contrées trop peu fertiles, pour y Macé, Neuilly le Bisson, le Plantis, fixer des populations, ou encore des Menil-Erreux, Chailloué. Au féminin ou contrées que la guerre, la peste ou la au masculin : Le Haut Friche (Essai), famine avait vidé de leurs habitants. Le Le Friche Giroux à St-Léger sur Sarthe Désert au Chalange, à Laleu, à St-Aubin mais La Friche Baron (Laleu). d’Appenai, « La Terre Abandonnée » à Ménil-Erreux ont sans doute connu ce Les Landes triste sort.

La lande est une étendue de terre où Cimetière des pestiférés à ne croissent que certaines plantes Marchemaisons. sauvages telles qu’ajoncs, bruyères, fougères, genêts. A la différence de Les toponymes suivants vont nous la fiche c’est une terre stérile, sauf ramener à l’homme, l’homme créateur amendement ou reboisement (ex : la de paysages. forêt landaise. Toponyme présent à Ferrière la verrerie, Les Défrichements Laleu, Brullemail, Ménil-Erreux. Les défrichements transparaissent Les Brousses dans : - La Clairière (Boitron), les Clairets Lieu couvert de broussailles – Les (St-Léger sur Sarthe) Brousses, la Brousse (Sées) – La - Le Grand Essart (Laleu), Les Neuf Brousse (Tanville) – Les Brousses Essarts (Ménil-Erreux), du verbe (Trémont) essarter = défricher - Le Pré Nouveau (St-Aubin La Gatine d’Appenai) Les défrichements, très importants du e e Le mot évoque un endroit peu fertile XI au XIV siècle furent l’œuvre des La Gastine : , Montchevrel, serfs mais aussi des petits propriétaires St-Agnan libres (les alleutiers), des moines et de familles étrangères immigrées ( « Les Hôtes »).

17 La Haie La Ramée

Une vingtaine de toponymes atteste Le mot désigne l’ensemble des branches son importance dans le passé : feuillées d’un arbre ou encore des La Haie : Bures, Ste-Scolasse, St-Aubin branches coupées avec leurs feuilles. d’Appenai Les Haies : Courtomer, St-Aubin Laissons les poètes nous éclairer : d’Appenai, La Ferrière-Béchet, Le Chalange Quand La Fontaine évoque : Les Petites Haies : Courtomer, « Un pauvre bûcheron tout couvert Coulonges-sur-Sarthe de ramée… » La Grande Haie : Trémont Les Grandes Haies : Coulonges-sur- Mais quand Victor Hugo lance cette Sarthe invitation : La Haie Geliote : Brullemail « Et toi viens avec moi, ma fraîche La Haie Moulin ou Haie du Moulin, La bien aimée Haie de Moulins (Arch. dép.) : Ferrière la Qu’on entende chanter les nids de Verrerie (pas sur la route des moulins) la ramée » La Haie du Gué : Tellières le Plessis La Haie de Poëlé : St-Léger sur Sarthe Ou que Verlaine écrit, tout aussi La Haie des Noës : St-Léger sur Sarthe bucolique : L’Etre Haie : Tanville (Haie doit être ici « La lune blanche un patronyme) Luit dans les bois La Haie Volé(e) : St-Agnan De chaque branche Volley ? Part une voix Les Fiefs des Haies : La Ferrière- Sous la Ramée… » Béchet Le Rocher de la Haie : Macé Il s’agit bien entendu de frondaisons. St-Léger de la Haie : ancienne paroisse Nos poètes auraient trouvé la Ramée à réunie à Macé Sées, Neuville-près-Sées, St-Léger sur Notons aussi le toponyme « La Plante » Sarthe ; La Petite et la Grande Ramée dans le sens local de haie, à Ste- à Boitron. Scolasse, St-Léger, Ménil-Erreux. Les végétaux Le Plessis Le Chêne Avec le plessis nous avons une haie façonnée par l’homme pour lui conserver Le chêne, l’orme et le frêne sont son rôle de clôture tout en y prélevant les arbres qui apparaissent le plus du bois du chauffage. fréquemment dans notre toponymie. Le Plessis est à Tellières le Plessis, On notera : Marchemaisons, Ménil-Erreux, St- Le Chêne : à Ste-Scolasse et Aunou sur Léger, Chailloué, Sées. Orne Le Village des chênes : résidence au

18 Mêle sur Sarthe Le Merisier Le Chesnay : à Montchevrel La Chenay : Ménil Erreux, Sées Le merisier à Sainte-Scolasse, Le Chêne Ménard : Tanville Le Chêne aux Moines et La Chesnaye : St-Hilaire la Gérard La Chesnaye : Ménil-Broût Les Maronniers La Chenière : St-Léonard Les Maronniers (orthographié avec Communication de l’abbé Letacq sur le un seul « r ») : Saint-Hilaire la Gérard chêne de Louvigny à Ferrière. Bulletin (mais pas de trace sur le terrain ou sur de la SHO, 1er semestre 1895. les cartes) L’Orme Le Tilleul Les Ormes : Courtomer Le tilleul : Tanville La résidence des Ormes : Le Mêle sur Sarthe L’Ormel : Sées Le Sapin L’Ormeau d’Echassay : Sées L’Ormeau : Belfonds, Courtomer La Sapinière : Saint-Agan sur Sarthe L’Ormeau des Quatre Paroisses : Courtomer Le Tremble Le Réage des Ormeaux : Sées (Terrain de sport avant la déviation) Les Trembles : Sainte-Scolasse Le Moulin de l’Ormoye : Coulonges sur Sarthe L’Epine

Le Frêne L’Epine : Boitron L’Epinette : Brullemail, Macé Le Frêne : Laleu, Ferrière la Verrerie Les Epinays : Les Ventes de Bourse Le Grand Frêne : Ferrière la Verrerie L’Epinay : Macé, Sées La Fresnaye : Ménil Erreux Le Fresnay, La Fresnaye, les Le Bouleau Fresneaux : Aunou sur Orne L’orme et le frêne sont peut être à Les Bouleaux : Brullemail l’origine du nom de l’Orne (le fleuve). Le Boulay : Aunou, Montchevrel, Hypothèse de l’historien A.E. Poêssel : Courtomer du latin ulmus (orme) ou ornus (frêne). L’Orne signifierait la rivière des ormes et/ou des frênes. L’Aune Très répandu Les Aunes : Le Mêle, Ménil Erreux, Bursard, Courtomer L’Aune Durand : Brullemail 19 L’Aune Géru : Tanville Le Hêtre L’aunay : Courtomer, Montchevrel, Brullemail Du latin fagus → fayard, fay Launay : Ferrière la Verrerie, Tellières Fay à Bursard (et aussi Fay, commune le Plessis, Coulonges sur Sarthe, du canton voisin de Moulins la Marche) Marchemaisons, Macé Le Petit Fouteau ou Petit Foutou : L’Aunaye : Brullemail Courtomer. Forme populaire du nom Launaye : Trémont fayard (sur panneau de Courtomer). Launay Fleuri : Marchemaisons La Grand Aunay : Saint-Aubin Le Saule d’Appenai Cléraunay : Montchevrel La mare des Saules (ou Mare des Saux Le Gros Aunay : : arch. dép.) : Montchevrel La Mare aux Saules : Macé, Boitron Le Houx L’Osier Les Houx : Boitron Le Champ du Houx : Neuville-près- L’Osier : Courtomer Sées Les Osiers : Aunou-sur-Orne La Houssaye : Le Bouillon, Courtomer Le Gros Osier : Saint-Léonard des Le Bonhoux : Brullemail Parcs En 1895, l’abbé Letacq signale un houx exceptionnel à Ferrière la Verrerie. Le Pommier

L’Erable Le Pommier est à Coulonges sur Sarthe et Ferrière la Verrerie La Rablais (le Rabelais), l’Erablaye au Les Pommeraies : Le Plantis, Saint- XIVe siècle : Saint-Aubin d’Appenai Gervais du Perron, Bursard La Coudre Le Poirier C’est à dire le noisetier. Les avelines : nom ancien des noisettes. La Coudre : Ferrière la Verrerie, Les Poiriers : Le Chalange, Sainte- Montchevrel Scolasse La Coudray : Neuville près Sées, Le Gros Poirier : La Chapelle près Brullemail Sées Le Petit Coudray : Le Plantis Le Poirier Bunel : Macé Le Grand Coudray : Le Plantis L’abbé Letacq signale à Ferrière la Le Champ Coudray : Gâprée Verrerie, en 1895, un poirier d’une taille Les Coudriers : Saint-Aubin d’Appenai exceptionnelle. Les Coudriaux : La Chapelle près Sées

20 La Vigne Glands (Sées) – Le Gland Fauché (La Ferrière-béchet) – La Baie (Les Ventes La Vigne : Le Plantis, Tellières le de Bourse) – Les Orgeries (Sainte- Plessis Scolasse) – Les Orgereaux Les Vignes : Ferrière la Verrerie, Patronyme Fèvre = forgeron : Tellières le Plessis, La Ferrière-Béchet La Feverie : Chailloué Les Vignettes : Le Chalange, La Maison aux fèves : Le Plantis Montchevrel La Maison aux fevres (arch. dép.) : Le Les Ouillères (espaces cultivés entre Plantis les rangées de vignes) : Tellières le L’Etre aux Oliviers : Montchevrel Plessis Divers Les Roseaux Le verger (Hauterive), Le Fleurière, La Roseraie : Le Ménil-Broût variété de pommes (Ménil Erreux), Le La Rosière (ou Grande Rosière) : Doucet (Sées), Le pré Doucet (Aunay Montchevrel les Bois), La Feuilletière (Ferrière la La Rosière : Saint-Léonard des Parcs Verrerie, Laleu), La Touffe (Aunou), Les Pailles Noires (Ménil Erreux) – Clairefeuille (Le Plantis) – L’Herbière Les Sainfoins (Neauphe sous Essai) – Paillerote (Les Ventes de Bourse). Les Sainfoins : Courtomer, La Chapelle- Rues : rue des Acacias à Laleu, des près-Sées Fleurs à Sées et Le Mêle, des Aubépines (Sées). Toponymes récents. Le Chanvre La Marciguëe : Courtomer Les Chénevières : Neuilly le Bisson La faune

Le Chardon De l’allée des oiseaux (au Mêle) à la rue des oiseaux (à Sées), notre Le Chardronnet : Macé vagabondage ornithologique nous Le Tertre Chardon : Brullemail conduira d’abord vers des lieux où l’on Le(s) Chardonnet(s) : Courtomer (pluriel élevait des oiseaux : pour les PTT) L’Oiselière : Courtomer et Saint- Agnan Champignons La Colombière : Saint- Léonard des Parcs (à proximité du domaine de La Truffière : Les Ventes de Bourse Sainte-Colombe) La Morillière : Sainte-Scolasse La Fauconnerie : Gâprée La Pigeonnière : Marchemaisons Fruits et graines Nous rencontrerons des volailles : La grenette (Sainte-Scolasse) – Les L’oie : La Patte d’Oie à Neuville près 21 Sées, La Pirotterie à Saint-Agnan chouette sur Sarthe (la pirotte désigne une oie dans le parler normand – le pirot Le hibou : La Hibou (Sées) – La = le jars) Hiboudière (Aunou) Le coq, dans le Parc au Coq ( Saint- Hilaire la Gérard), La Coquelinière Le corbeau : La Corbellière (carte (Coulonges sur Sarthe) IGN n°18 = 1/100 000) mais c’est la Des volailles, et des oiseaux en Corbeillère liberté : Le merle (nos anciens prononçaient Animaux domestiques mêle) : Le Mêle (armoiries représentant un Le veau : merle) – cf. aussi Les Veaux (arch. dép.) : Boitron La Mare du Mesle (ou Mare du Les Vaux (PTT) : Boitron Merle) : Brullemail Le Veaux : Saint-Hilaire la Gérard Le Meslier : Saint-hilaire la Gérard Les Vaux : Saint-Hilaire la Gérard Le Champ Meslier : Le Plantis Le bœuf : Le pinson à la Pinsonnière (Boitron) La Côte aux Bœufs : Le Chalange La Sente aux Bœufs : Sées L’engoulevent (appelé aussi crapaud Le Parc aux Bœufs : Saint-Gervais volant) du Perron Les Petits Goulvents à Hauterive La Bouverie : Aunou et Saint- Léonard des Parcs L’Echasse à L’Echasse, Echassé, Echassey (en limite de Sées et Macé) Le cheval : Deux autres échassiers : La Chevalerie : Ménil-Guyon Le butor : à Condé le Butor (Belfonds) La Chevallerie : Ménil-Guyon Le héron à la Héronnière (Hauterive) La Chevellerie (PTT) : Sainte- Scolasse Le galifre (terme désignant un oiseau La Chevallerie : Sainte-Scolasse de proie dans le vieux français – La Mare au Cheval : Hauterive dictionnaire Godefroy) La Montchevalerie : Ferrière la Toponyme « Les Galiffes » (ou Galiffs) Verrerie (Peut-être relais, autrefois, à la Chapelle près Sées où trouver des chevaux de renfort pour monter la côte). La caille à la Cailleterie (Belfonds) Le chien : La Mare aux Chiens à Sées La perdrix grise à la Goëcherie (Macé). La goëche = nom ancien de la perdrix Le bouc : Le Bouc Etat à Laleu grise selon le dictionnaire Godefroy. (sens ?)

La Chouette présente aux Choux Le porc : La Porcherie à Tanville (Sées) La choue = vieux français pour Le mulet : La Muletière (arch. dép.) 22 à Saint-Léger mais le même endroit mort de petits bergers (ou de petites s’appelle La Mulotière pour les PTT. bergères) « navrés d’un loup » comme disait sobrement la formule usitée. Animaux sauvages : Le loup pourra donc nous donner des frissons rétrospectifs à La Louverie aux Le mulot : La Mulotière à Saint-Léger et Acrans (Laleu), Louvigny (Ferrière la à Boitron Verrerie), Louvoy (Gâprée), La Fosse Louvière à St-Hilaire la Gérard et St- La souris : pas d’ambiguïté pour la Gervais du Perron. souris : Mont souris (PTT) ou Montsouris (arch. dép.) à Neuilly le Bisson. Le lapin aura trouvé refuge à La Garenne (Sainte-Scolasse) ou aux Terriers (Le Le renard : Si le renard s’est établi Ménil-Broût). dans nos contrées, par exemple à la Renardière (au Chalange) ou à La genette se promène du côté d’Essai la Goupilière (à Boitron), ce n’est () et peut-être de St-Agnan sûrement pas le cas du lion dont le nom (Les Genottes). figure au Mêle (en fait, sur Coulonges sur Sarthe). La grenouille. Elle se cache à quelques pas d’ici, derrière la gare de Le lion : dans Le Champ du Lion. Je Sées, signalée par le toponyme « La pense qu’il s’agit d’un lieu de tournois Grenouille » (selon les PTT) ou « La où se serait illustré quelque seigneur Grenouillère » (selon les arch. dép.). arborant un lion sur ses armoiries. Le grillon. Notre promenade s’achève Le chevreuil n’est pas loin puisque avec la rencontre du grillon qui chante Montchevrel signifie littéralement le dans le four à pain de La Grillonière à Mont des Chevreuils (encore parfois Sainte-Scolasse. orthographié « Mont-Chevrel » au début du XXe siècle). Vous avez pu constater que nos ancêtres, vivant plus que nous au La biche n’est pas loin non plus avec contact de la Nature, la mettaient la Bichetterie à Boitron (ou la Bichetière volontiers à l’honneur dans le choix aux arch. dép.) de leurs toponymes (et même parfois de leurs patronymes)… Lorsque je Le putois se cache peut-être à la parcours la campagne, il m’arrive de Pitoisière (à Saint-Agnan sur Sarthe). ressentir, à la lecture de tel ou tel de ces toponymes, la présence de Clio. Elle Le loup tient une place plus importante. m’adresse un clin d’œil, une invitation à Il inspire au Moyen-Age une terreur ne pas oublier. Je vous transmets bien justifiée qui a perduré – comme l’animal volontiers l’invitation, avant que la Mare jusqu’au début du XXe siècle. Si le au Merle ne devienne par exemple KZ Petit Chaperon Rouge évoque un loup 397, et que la Ramée n’inspire plus les légendaire, les actes de décès de poètes. l’Ancien Régime relatent, ici ou là, la 23 Le Callovien de la Région de Sées (Orne - Basse-Normandie) Prospecté à l’occasion des travaux autoroutiers de l’A28 en 2003 et 2004

Emmanuel Jofes Thierry Plu

Résumé : Cet article présente quelques fossiles du callovien trouvés à l’occasion des travaux de l’autoroute A28 dans la région de Sées (Orne). Mots-clés : Fossile ; Bassin Parisien ; Normandie ; Orne ; Sées ; Jurassique ; Callovien

Contexte autoroutier de la intéressants, l’un au nord d’Alençon, au niveau de l’aire région de Sées de repos de la dentelle qui nous livrera quelques espèces Si les travaux autoroutiers du Callovien inférieur et l’autre sont généralement néfastes à à hauteur de Vingt-Hanaps, l’environnement, ils ont néanmoins la également dans le Callovien particularité, du fait de terrassements inférieur. importants, de donner accès au sous- - La zone Est de l’A88 : au Nord sol, ce qui n’est pas si fréquent chez de Macé, nous avons identifié nous. plusieurs sites fossilifères dans La construction de l’autoroute A28 le Callovien inférieur et dans le (Alençon – Rouen) était donc l’occasion Callovien moyen. de s’intéresser au patrimoine géologique - A Sées, sur l’A28 : c’est dans de l’Orne. cette zone, entre Sées et Neuville-près-Sées, que nous Nos observations ont concerné trois avons le plus recherché et qui zones autour de Sées : fait l’objet de la description qui - La zone Sud de l’A28 : nous suit. y trouverons deux sites

24 Nos échantillonnages nous ont amenés à identifier trois zones distinctes entre Sées et Neuville-près-Sées, appartenant toutes trois au callovien :

Marmouillé Partie supérieure A 88 du Callovien moyen

Chailloué

Neuville-près-Sées

Mortrée Partie Macé inférieure du Callovien moyen

Partie supérieure du Callovien inférieur

Sées

Les Choux A 28

Fig. 1 Zones des recherches

25 Torquirhynchia torquata 1,3 cm Septaliphora mourdoni ? 2,4 cm

Caryiona surensis 2,2 cm Proplanulites sp. 11 cm

Présence de traces d’épizoaires (huîtres et vers) sur Macrocephalites compressus 25 cm Planche 1 : Fossiles du Callovien inférieur

26 Zones Quenstedtoceras lamberti Peltoceras athleta Erymnoceras coronatum Kosmoceras jason Sigaloceras calloviense Proplanulites koenigi Macrocephalites herveyi Étages Callovien sup. Callovien moy. Callovien inf. - Étages Portlandien Kimméridgien Oxfordien Callovien Bathonien Bajocien Aalénien Toarcien Pliensba chien Sinémurien Héttangien Époques Malm Dogger Lias 140 160 185 Fig. 2 Temps géologiques Temps Fig. 2 Périodes Quaternaire Tertiaire Crétacé Jurassique Trias Permien Carbonifère Dévonien Silurien Ordovicien Cambrien Ères Cénozoïque Mésozoïque Paléozoïque Précambrien M.A. 65 135

27 Partie supérieure du des trace d’épizoaires (vers, huîtres…) Callovien inférieur : (Planche 1). En ce qui concerne les vertébrés, Nous attribuons le Callovien inférieur notons la présence d’un petit fragment sur la zone de l’A28 qui s’étend d’os de vertébré de grande taille et des de l’intersection avec la D3 (Sées- dents de Lepidote et de Pycnodonte Courtomer) jusqu’à l’actuel échangeur (Poissons) et d’Asteracanthus (Requin de Sées (échangeur A28-A88), et broyeur de corail) (Planche 3). probablement un peu au-delà, mais juste après l’échangeur, il n’y a eu que des travaux superficiels ne révélant que très peu le sous-sol (Fig.1).

Cette couche alternant marnes et bancs calcaires de couleur bleu (jaune en surface quand il y a érosion), correspond à la base des marnes d’Alménêches décrites dans la carte géologique de Sées.

Nous y avons trouvé des brachiopodes (Torquirynchia torquata, Septaliphoria mourdoni ?, Caryona surensis) et des ammonites (Macrocephalites et Proplanulites) avérant, sans aucun doute, l’appartenance de cette couche à la Zone à Koenig (Planche 1 et Fig.2).

Néanmoins, la continuité des dépôts dans cette région et la présence de Macrocephalites compressus témoignent de la présence de la zone à calloviense dans ces marnes d’Alménêche.

Au niveau régional, le milieu marin de cette période du Callovien inférieur était plutôt franc, avec des courants ouverts sur le grand large. Ceci est confirmé par un nombre de taxons importants (54 taxons), un nombre relativement peu élevé d’individus par taxon et la présence de nombreuses coquilles d’ammonites « flottées » présentant

28 Torquirhynchia royeriana 2,7 cm Lopha rustica 6,8 cm

Nanogyra nana 2,1 cm Gryphaea sp 5,2 cm

Liostera sp 4,8 cm Septaliphoria orbignyana 2,5 cm

Ornithella umbonella 3,2 cm Erymnoceras sp 39 cm Planche 2 : Fossiles du Callovien moyen

29 Partie inférieure du Partie supérieure du Callovien moyen : Callovien moyen :

Nous avons assez peu d’échantillons Cette zone se différencie très nettement fossiles de cette zone car à ce niveau des premières par la nature de la roche, l’autoroute emprunte une partie plane très fortement argileuse et de couleur au Sud-Ouest de Neuville-près-Sées, rouge. Située à hauteur et un peu au les travaux de terrassement ont donc Nord de Neuville-prés-Sées cette zone été seulement superficiels (Fig.1). présente une forte côte qui a vu de gros Nous avons cependant identifié une terrassements, favorisants la collecte zone nettement plus calcaire que la des fossiles (Fig. 1). précédente et dont la faune change A la base de la côte, nous avons assez notablement. Si nous n’avons pas noté une très grande abondance de trouvé ici l’indice de zone (Kosmoceras brachiopodes (Septaliphoria orbignyana jason), nous retrouvons néanmoins et surtout Ornithella umbonella). Peu quelques espèces citées dans la avant le sommet de la côte, c’est une carte géologique qui décrit des bancs abondance d’Erymnoceras sp de très calcaires, partie supérieure des marnes grandes tailles (jusqu’40 à 45 cm de d’Alménêches et les attribue à la base diamètre) qui retient l’attention (Planche du Callovien moyen. 2). Nous évoquerons à titre d’illustration Cette couche correspond bien à la Torquirhynchia royeriana typique de la description des « marnes et calcaires zone à jason et une présence forte des d’Exmes » faite dans la carte huîtres (Lopha rustica, Nanogyra nana, géologique et est incontestablement la Gryphaea sp, Liostera sp) (Planche 2). partie supérieure du Callovien moyen, Cette zone très fossilifère, traduit nommée zone à Coronatum. probablement une baisse du niveau de Une sédimentation terrigène très l’eau et la proximité assez immédiate importante et la dominance très nette de la côte (huître), ce qui d’ailleurs va en nombre de quelques taxons vont dans le sens de la régression régionale dans le sens d’un milieu qui se ferme, qui s’opère au cours du Callovien- sans doute composé de milieux marins Oxfordien. peu profonds, proches des côtes et plus ou moins formés de lagunes. Nous En ce qui concerne les vertébrés, nous notons par exemple que les ammonites notons ici la présence d’une dent de Erymnoceras sont dans un très bon état crocodilien et d’une dizaine de dents qui ne laisse apparaître ni usure par les d’Asteracanthus (Requin broyeur de vagues ou les courants, ni transport. corail) (Planche 3).

30 Au sujet du Callovien Mais cette nouvelle série s’étant avérée moins fossilifère, nous sommes restés supérieur… focalisés sur la première. Nous aurions dû logiquement trouver le Nous avons cependant fouillé un peu Callovien supérieur dans la continuité de Callovien Supérieur, un peu plus du tracé de l’autoroute, mais peu après au Nord à hauteur de Gacé, mais ces le sommet de la côte, c’est le grès fossiles ne sont pas très nombreux Armoricain de l’écueil de Chailloué qui se et surtout pas encore nettoyés et présente, pour ensuite laisser sa place déterminés. Ils feront peut être l’objet à une nouvelle série Callovien inférieur. d’un prochain article !

Fragment d’os de Vertébré 5 cm Dent de Lépidote (Poisson) 1,4 cm Callovien inférieur Callovien inférieur

Dent d’Asteracanthus (Requin) 3 cm Dent de Crocodilien 1,2 cm Callovien moyen Callovien moyen

Planche 3 : Vertébrés du Callovien inférieur et moyen

31 Taxons trouvés dans le Taxons trouvés dans le Callovien inférieur : 54 Callovien Moyen : 55 Taxons Taxons pour les deux zones Vertébrés : Os de vertébré, Lepidote, Pycnodonte, Asteracanthus sp Vertébrés : Asteracanthus sp, Dent de Echinodermes : Collyrites elliptica, crocodilien Holectypus depressus, Mepygurus Echinodermes : Collyrites ellipticus, depressus, Nucleolites (clunicularis ?), Holectypus depressus, Cluniculus Nucléolites (orbignyanus ?) gracilis, petit Nucleolites ?, Céphalopodes : Macrocephalites Polydiadema inequale, Mepygurus compressus M, Macrocephalites marmoti, Stomechinus sp compressus m (gracilis), Céphalopodes : Erymnoceras M Macrocephalites tumidus, et m (coronatum ?), Choffatia ?, Bullatimorphites bullatus, Proplanulites Hecticoceras turgidum, Kosmoceras sp, Homeoplanulites subbackeriae, (bizeti ?), microconque Rehmannia Rhemania (rehmanni ?), Paracenoceras ?, Rehmannia corrugis, Belemnopsis calloviense, Cadoceras, Proplanulites latesulcata, grand belemnite ?, Nucléus Lamellibranches : Pholadomya, de Nautile + 5 Taxons indéterminés Ceratomya concentrica, Ceratomya sp, Lamellibranches : Pholadomya Pleuromya alduni, Pleuromya uniformis, sp, Isocardia sp, Plagiostoma ?, Isocardia sp, Homomya gibbosa, Trigonia elongata, Pinna ?, Modiolus Thracia curtansata, Protocardia ?, (bipartitus ?), Pecten ?, Lopha rustica Placunopsis sp, Limatula gibbosa, , Gryphaea sp, Liostéra sp, Nanogyra Modiolus sp, Inoperna sp, Meleagrinella nana, Plicatula fistulosa+ 3 Taxons sp, Chlamys ?, Liostera sp, Huitre ?, + 6 indéterminés taxons non identifés Gastéropodes : 2 Taxons indéterminés Gastéropodes : 4 taxons non identifiés Brachiopodes : Septaliphoria Brachiopodes : Cariyona surensis, orbignyana (Poulette), Torquirhynchia Digonella divionensis, Torquirhynchia royeriana, Zeilleria sp, Ivanoviella torquata + 3 taxons non identifiés oxoniensis, Rhynchonella opelli, Vers : Tetraserpula tetragona Ornitella umbonella, Dorsoplicathyris Végétaux : Bois fossilisé dorsoplicata, Dichtyothyris trigeri, + 4 Taxons non déterminés Vers : Tetraserpula tetragona

32 Disparition d’un arbre remarquable l’if du Belvédé à Nécy

François Radigue Les Poitevinières 61130 – La Chapelle-Souëf [email protected]

Mots clés : Botanique, arbres remarquables, if, Taxus baccata, Nécy, Orne

C’est dans l’indifférence la plus totale donc mort en 2008 à l’âge de 260 ans. que ce magnifique if, qui vivait sa vie Son originalité, par rapport à l’inventaire depuis plusieurs siècles au lieu-dit « le départemental, tient au fait qu’il est Belvédé » à Nécy, a été couché par un implanté dans un herbage pâturé. Les bulldozer le 10 septembre 2008. Cet autres ifs sont avant tout funéraires, if (Taxus baccata) un sujet de sexe localisés auprès de leur église, d’un mâle avait été inclus dans l’Inventaire cimetière, d’un presbystère, d’un Continu des Arbres REmarquables calvaire ; d’autres, d’origine peut-être de l’Orne (ICARE-61) en 1997. Il était indigène sont forestiers. Quelques rares implanté à quelques mètres à peine de individus poussent dans des herbages Route Nationale n°158 reliant dans le Pays d’Auge, à Canapville par à Falaise, dans une prairie pâturée. Cet exemple. La toxicité de l’if est bien emplacement correspond à un carrefour connue pour les animaux domestiques, avec la Route Départementale n° 29 malgré cela les jeunes rejets du tronc menant au bourg de Nécy. De l’autre de celui-ci étaient abroutis par les coté de la route est implantée une bovidés de l’herbage du Belvédé. Cela maison bourgeoise à la hauteur de est assez visible sur la photographie du cet if. tronc prise le 22 mars 1997. C’était un sujet magnifique, vigoureux, Quelle est l’histoire de cet if, a-t-il prêt à vivre encore d’autres siècles. Les était planté par quelqu’un, pourquoi ici mesures réalisées en 1997 donnaient et pour quelle raison ? Malgré cette une circonférence de 3,59 m à 1,30m de disparition coupable nous souhaitons haut et 3,75 m à 1,00m. Nous n’avions continuer à mener nos recherches dans pas mesuré sa hauteur qui devait, le cadre d’une meilleure connaissance selon nos documents photographiques, des arbres remarquables de l’Orne et être comprise entre 10 et 12 m. Selon plus particulièrement des ifs ornais. La la méthode de calcul mise au point par présence de l’if dans l’Orne constitue en l’AFFO1 pour déterminer l’âge de nos ifs fait une originalité qui mérite toute notre nous arrivions à 249 ans en 1997. Il est attention et un programme de protection

1 Contribution à l’évaluation de l’âge des plus vieux ifs de Normandie et de Bretagne. François Radigue 1997 L’EMOUCHET n°19

33 34 et de mise en valeur de tous les sujets de nouvelles branches ; ceci explique encore vivants. Il est même souhaitable en partie la longévité de cette espèce d’envisager des replantations d’ifs 1000 à 2000 ans … Lors de la tempête funéraires auprès d’églises où il en de décembre 1999, en Normandie existait et qui ont aujourd’hui disparu. quelques ifs ont été déracinés (Saint Ce bulldozer participait aux Loyer-des-Champs, Orne) et dans le terrassements du giratoire de l’autoroute Calvados un magnifique if a été remis A 88 en construction sur cette section debout avec l’aide de deux pelleteuses, depuis le début de l’année 2008. il est aujourd’hui superbe. L’if du L’AFFO avait pris la peine de consulter Belvédé avait donc de grandes chances le dossier d’enquête publique, mais de survivre, en effet sa transplantation l’implantation du giratoire n’y figurait aurait été programmée et non résultant pas. Personne d’autre ne s’est soucié d’un accident tempête. Il aurait pu être de l’avenir de cet arbre. A quelques jours en partie ébranché avec conservation prêts j’aurais pu intervenir, en effet me de tire-sève, un nouvel emplacement rendant chaque mois à Caen, j’aurais choisi à proximité, une fosse préparée pu voir les travaux s’approcher de l’if et et une transplantation réalisée. Nous alors il aurait été possible d’organiser un sommes persuadés que l’arbre aurait chantier de transplantation de cet arbre survécu … hélas ce ne sera pas le magnifique. L’if a une grande capacité cas. Notre Société est-elle devenu si à émettre des bourgeons dormants et insensible ? Si indifférente aux éléments ainsi recréer de nouveaux rameaux et de la nature ?

35 Découverte de Cryptothallus mirabilis Malmb. dans la tourbière des Petits Riaux (Orne, Basse-Normandie) Plaidoyer pour une non-intervention dans les boisements sur tourbe

Hugonnot V., Stallegger P. & Hauguel J.-C.

Le bourg, 43 270 Varennes Saint Honorat Le Château, 61 470 Saint Aubin de Bonneval Conservatoire botanique national de Bailleul, Antenne de Picardie, 13 allée de la Pépinière, 80044 Amiens cedex

Introduction une localité d’une remarquable espèce d’hépatique, Cryptothallus mirabilis, Voisin des départements de la Manche jusqu’alors inconnue dans la région. et du Calvados, presque totalement dénudés, l’Orne, avec plus de 100 Contexte stationnel 000 ha boisés apparaît riche en forêts. L’ouest du département appartient au La tourbière des Petits Riaux se situe Bocage normand, avec notamment la dans le département de l’Orne, à forêt des Andaines. La forêt d’Écouves l’extrême nord du massif d’Ecouves, et sur les collines de Normandie, au nord plus précisément en lisière nord du bois d’Alençon, atteint 15 000 ha. C’est un de Goult, au sud de la ferme des «Petits des massifs forestiers les plus élevés Riaux», sur la commune de La Lande- de l’ouest de la France. A l’est et au de-Goult, commune adhérente au Parc sud-est du département, le Perche est naturel régional Normandie-Maine. La une région naturelle également riche en tourbière fait partie des 40 sites ENS forêts. (Espaces Naturels Sensibles) gérés par le Conseil général de l’Orne. La flore bryophytique du département de l’Orne reste de nos jours imparfaitement La tourbière est réputée pour la présence connue malgré les travaux de de plusieurs espèces protégées, LECOINTE (1979, 1981a, b, 1988). notamment Drosera rotundifolia, Des prospections réalisées dans les Eriophorum vaginatum, Narthecium milieux boisés de la tourbière des Petits ossifragum et Scirpus cespitosus subsp. Riaux ont ainsi permis de découvrir germanicus. 36 La tourbière des Petits Riaux est située 50 mm pour les mois les plus secs sur une pente d’environ 5%, elle bénéficie (juillet-août) et 100 mm pour les mois donc des eaux de ruissellement, ainsi les plus arrosés (novembre, décembre que de sources souterraines. Elle est et janvier). Le déficit hydrique est orientée vers le nord et située entre 270 assez important en juin, juillet et août. et 285 mètres d’altitude. Le climat du Cependant, le microclimat du site est secteur d’Ecouves fait partie du domaine probablement plus rude, car la situation atlantique, de type océanique, atténué topographique des Petits Riaux en ubac par des influences semi-continentales. fait que les hivers y sont plus longs et Les données météorologiques plus marqués (HOUZARD, 1980). proviennent des postes de et Fontenay-les-Louvets, deux points L’ensemble du bois de Goult repose représentatifs de la forêt d’Ecouves, sur le grès armoricain, caractéristique situés à une altitude proche de celle des crêtes boisées de la forêt des Petits Riaux. Les précipitations sont d’Ecouves. Du fait de leur acidité et relativement abondantes, entre 800 et de leur imperméabilité, ces roches 900 mm par an pour une température sont favorables au développement annuelle moyenne de 9 °C. L’analyse de des tourbières telles que l’on peut les ces données permet de constater que la observer dans le bois de Goult. Sur température ne descend pas en dessous le pourtour de ce grès armoricain, de 2 °C en moyenne mensuelle, et ne et plus particulièrement sur le site dépasse pas les 17 °C. La pluviométrie, des Petits Riaux, on observe des relativement abondante, varie entre formations de solifluxions sous forme

37 de glacis pierreux. La matrice sableuse des Petits Riaux. Une première liste de est suffisamment argileuse pour 27 taxons a été dressée à l’occasion du permettre l’apparition d’hydromorphies premier plan de gestion du site, grâce temporaires. Ces formations sont aux identifications de J. C. HAUGUEL constituées de blocs de grès reposant (STALLEGGER 2001). sur une matrice sablo-argileuse. Sur le site, elles sont facilement observables Cryptothallus mirabilis a été découvert sur les parties décapées où la tourbe en novembre 2010 par le premier est peu épaisse. Les différentes auteur dans une bétulaie tourbeuse mesures effectuées à la tarière dont la strate muscinale est dominée permettent d’estimer la profondeur de par Polytrichum commune qui forme tourbe à 30/40 cm en moyenne, pour des brosses étendues et denses. atteindre jusqu’à 120 cm par endroit. On Cryptothallus se développe en remarque que l’évolution de l’épaisseur petits groupes de thalles sexualisés, de la tourbe est sensiblement corrélée à mâles et femelles en mélange, sous l’importance de la pente en amont, plus des sphaignes (surtout Sphagnum la pente est forte et plus l’accumulation palustre). de tourbe est importante. Outre Cryptothallus, diverses espèces Les habitats naturels les plus ont pu être observées dans les remarquables sont : habitats naturels du site. La liste des bryophytes est fournie ci-dessous - végétation aquatique à (nomenclature HILL et al. (2006) pour Potamogeton polygonifolium les mousses et ROS et al. (2007) pour constituant une communauté les hépatiques) : fragmentaire, - la tourbière haute active à Hépatiques sphaignes relevant et la lande Calypogeia fissa humide tourbeuse de l’Ericion Calypogeia muelleriana tetralicis Schwickerath 1933, Cephaloziella divaricata - la lande mésophile à Ulex minor Cryptothallus mirabilis de l’Ulicion minoris Malcuit Frullania dilatata 1929, Kurzia pauciflora - la tourbière boisée est une Lophocolea bidentata bétulaie à molinie et sphaignes Pellia epiphylla sur tourbe du Salicion cinereae Riccardia multifida Müller et Görs 1958. Mousses Les bryophytes Aulacomnium palustre Campylopus pyriformis Si la flore des bryophytes de l’ensemble Dicranella heteromalla du bois de Goult était déjà très bien Hypnum cupressiforme s.l. connue grâce aux travaux de LECOINTE Hypnum jutlandicum et al. (1993) et STAUTH (1998), ceci Mnium hornum n’était pas encore le cas pour la tourbière Plagiothecium nemorale 38 Polytrichum commune tourbeux relativement favorable et Rhytidiadelphus squarrosus une diversification des conditions Rhytidiadelphus triquetus hydrologiques assez forte. Sphagnum capillifolium Sphagnum rubellum En France, Kurzia pauciflora est une Sphagnum fallax espèce relativement rare bien que Sphagnum flexuosum largement répartie, notamment dans tout Sphagnum palustre l’ouest et dans les massifs montagneux. Sphagnum subnitens L’espèce est présente dans les Alpes et Tetraphis pellucida les Pyrénées. Dans le Massif central, Ulota crispa s.l. elle est globalement très rare, présente surtout en Limousin et en Auvergne. Discussion Quelques occurrences ponctuelles (et relictuelles) en plaine sont connues Avec un total de 27 espèces, la tourbière ici et là. Kurzia pauciflora est une des Petits Riaux peut être considérée espèce essentiellement localisée dans comme riche en bryophytes par rapport les faciès vieillissants des tourbières à la petite taille du site. Les inventaires acides à sphaignes. Il s’agit donc d’une effectués ont permis la découverte de : espèce qui a subi, à l’instar des espaces tourbeux acides, une régression - sphaignes, généralisée et massive depuis un - 12 mousses siècle. Délicate micro-hépatique - 9 hépatiques. strictement acidophile et hygrophile, Kurzia pauciflora est presque toujours Un total de 6 espèces de sphaignes inféodée aux couvertures muscinales est connu dans la tourbière des Petits denses constituées par les espèces du Riaux. Ce total est certes très éloigné genre Sphagnum (ou éventuellement des totaux enregistrés dans les aussi Leucobryum) dans les hauts- tourbières les plus riches de France marais bien conservés et fonctionnels. comme la tourbière de Chambedaze En Basse-Normandie, elle a été revue (MOLLET et al., 1985 et inédit), en récemment à Vauville (50) et à Saint Auvergne, ou celle de Sommant, en Pierre les Loups (50) [HAUGUEL, Haute-Savoie, (GAUTHIER 1997), qui inédit] ; en Haute Normandie, T. PREY toutes deux comptent 18 espèces. En (com. pers) l’a retrouvé en 2010 dans revanche, les tourbières de plaine les la tourbière d’Heurteauville. Dans le plus riches abritent rarement plus de site des Petits Riaux, l’espèce a été 10 espèces de sphaignes (HAUGUEL, observée sur de la tourbe décapée. 2008). Replacée dans le contexte de la Basse-Normandie, qui compte 27 Cryptothallus mirabilis était inconnu espèces de sphaignes, la tourbière des jusqu’à aujourd’hui en Basse-Normandie Petits-Riaux, apparaît donc comme (LECOINTE, 1979, 1981a, b, 1988). relativement riche en taxons de ce Cette espèce n’est pas non plus citée groupe. La richesse en espèces de dans la récente check-list de Haute- ce genre traduit essentiellement un Normandie (WERNER et al., 2009). état de conservation des habitats Les localités les plus proches connues 39 sont celles de la forêt de Senonches, il faut des interventions humaines dans le Perche d’Eure-et-Loir (région traditionnelles comme la coupe de Centre) (BOUDIER et al., 1999) et celle, bois ou le pâturage ou des opérations plus distante, du Finistère (BATES & de génie écologique respectueuses HODGETTS, 1995). De nombreux de la fragilité du site (STALLEGGER, espaces présentant des bétulaies 2001). En effet, la conservation de à sphaignes, parfois restreintes à certaines phanérophytes héliophiles de faibles surfaces, existent dans le menacées présentes sur le site et Massif d’Ecouves et des recherches dans le secteur nécessite le maintien complémentaires de Cryptothallus d’espaces tourbeux ouverts. Dans mirabilis seraient à y mener. Compte le premier plan de gestion du site tenu de la difficulté de détection de (STALLEGGER, 2001), une gestion cette hépatique, un effort significatif de plurimodale différenciant différentes prospection devrait être consenti en unités naturelles avait été adoptée. Les faveur de cette espèce. efforts de gestion écologique avaient en effet été portés sur la restauration de Cryptothallus mirabilis présente une la tourbière active à sphaignes par un biologie originale, unique chez les déboisement et une dévitalisation des bryophytes, puisque cette espèce souches, un chantier de décapage de est épiparasite d’un champignon tourbe sèche et la création d’une mare. (du genre Tulasnella) qui, lui-même, La tourbière boisée avait été jugée forme une ectomycorhize avec les mal connue et sensible ce qui avait racines des ligneux tels que les justifié une non intervention complète, bouleaux et les pins (BIDARTONDO permettant le vieillissement de l’habitat. et al., 2003). Cryptothallus mirabilis est donc étroitement dépendant d’une L’éradication des arbres dans couverture forestière. La présence de les habitats tourbeux, quasiment bryophytes hygrophiles, acidiphiles et incontournable il y a encore seulement oligotrophiles, telles que les sphaignes, quelques années (HINDRYCKX et al., est également un facteur très favorable 1989; DUPIEUX, 1998; BARNAUD & pour cette espèce. FUSTEC, 2007 ; CHOLET IN CHOLET & MAGNON, 2010), est de plus en plus Depuis la quasi disparition des activités remise en question en Europe de l’ouest agricoles sur le site des Petits Riaux, (DUCHAMP et al., 2007 ; SCHNITZLER la dynamique naturelle tend vers une et al., 2008). L’apparition d’une strate fermeture naturelle et progressive ligneuse n’est pas incompatible avec des milieux : le stade forestier. La l’accumulation de tourbe (MUNRO, conséquence d’une telle fermeture du 1984), et la forêt peut être le terme site est la disparition de tout un cortège climacique d’une évolution naturelle floristique affectionnant lumière, chaleur non contrariée dans les hauts-marais et espace ouvert. Ce processus est (NOIRFALISE et al., 1971; THÉBAUD, toutefois plus lent sur les secteurs les 1989; THÉBAUD et al., 2003 ; CHOLET plus engorgés (zones à sphaignes). IN CHOLET & MAGNON, 2010). Par Pour enrayer cette dynamique de ailleurs, la Directive Habitats classe les fermeture et maintenir la biodiversité, tourbières boisées parmi les habitats 40 prioritaires (code 91D0), au même et parapluie passe nécessairement, à titre que les tourbières hautes actives minima, par le maintien d’îlots boisés (BENSETTITI et al. 2001). On peut que l’on livre à une évolution naturelle ajouter que les forêts sur tourbe sont le et spontanée. biotope de prédilection d’espèces hyper- spécialisées à forte valeur patrimoniale En résumé, les objectifs de gestion telles que Cryptothallus mirabilis. doivent donc tendre à trouver un équilibre entre surfaces boisées Dès lors, la non intervention totale et surfaces ouvertes. Un plan de s’impose dans la bétulaie sur tourbe. conservation de ces bétulaies humides La conservation d’une espèce serait ainsi à envisager dans le cadre emblématique (Cryptothallus mirabilis) de l’aménagement forestier.

41 Références

BARNAUD G. & FUSTEC É., 2007 - Conserver les zones humides : pourquoi ? comment ? Educagri éditions, Dijon / Quae éditions, Versailles, 296 p. BATES J. W. & HODGETTS, 1995 - New and interesting bryophyte records from Brittany including Cryptothallus mirabilis, Ulota calvescens and Weissia perssonii new to France. Cryptogamie, Bryologie, Lichénologie, 16 (3) : 191-211. BENSETTITI F., RAMEAU J.-C. & CHEVALLIER H. (coord.), 2001. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 1 - Habitats forestiers. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 2 volumes : 339 p. et 423 p. + cédérom. BIDARTONDO M.I., BRUNS T.D., WEISS M., SÉRGIO C. & READ D., 2003 - Specialized cheating of the ectomycorrhizal symbiosis by an epiparasitic liverwort. Proc. R. Soc. Lond., 270 : 835-842. BOUDIER P., BARDAT J. & PERERA S., 1999 - Cryptothallus mirabilis v. Malmborg (Aneuraceae, Hepaticopsida) dans le Perche d’Eure-et-Loir (France). Cryptogamie, Bryologie, 20 (3) : 189-196. CHOLET J. & G. MAGNON, 2010 - Tourbières des montagnes françaises - Nouveaux éléments de connaissance, de réflexion et de gestion. Pôle-relais Tourbières / Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, 188 p. DUCHAMP L., A. SCHNITZLER & L. GRANDMOUGIN, 2007 - Histoire et dynamique actuelle d’un complexe tourbeux sur grès : l’exemple de la tourbière du Grafenweiher dans le pays de Bitche (Vosges du Nord) in Cubizolle H., Origine et fonctionnement et conservation des tourbières. Publications de l’Université de Saint-Étienne, CRENAM, Université Jean Monnet, Saint-Étienne, 169-181. DUPIEUX N., 1998 - La gestion conservatoire des tourbière de France. Premiers éléments scientifiques et techniques - 1998. Programme Life-Nature « Tourbières de France », 244 p. GAUTHIER R., 1997 - Les sphaignes de la tourbière de Sommant, Haute-Savoie. Cryptogamie, bryologie, lichénologie, 18 (4) : 273-290. HAUGUEL J.-C., 2008 - Les communautés à sphaignes de la tourbière de Cessières- Montbavin (Aisne, France). Bulletin de la Société Botanique du Centre-Ouest, N.S., 39 : 535-562. HILL M.O., N. BELL, M.A. BRUGGEMAN-NANNENGA, M. BRUGUES, M.J. CANO, J. ENROTH, K.I. FLATBERG, J.-P. FRAHM, M.T. GALLEGO, R. GARILLETI, J. GUERRA, L. HEDENÄS, D.T. HOLYOAK, J. HYVÖNEN, M.S. IGNATOV, F. LARA, V. MAZIMPAKA, J. MUNOZ & L. SÖDERSTRÖM, 2006 - Bryological Monograph. - An annotated checklist of the mosses of Europe and Macaronesia. J. Bryol., 28, 198-267. HINDRYCKX M.-N., F. DAMBLON & R. SCHUMACKER, 1989 - Nécessité des études paléoécologiques pour une gestion raisonnée des tourbières hautes. L’exemple des Hautes-Fagnes. In : Gérer la Nature, tome 2, ateliers. Région Wallonne, Conservation de la Nature, 443-458. HOUZARD G. 1980 - Les massifs forestiers de Basse-Normandie - Brix, Andaines et Ecouves, Essai de Biogéographie. Thèse de Doctorat d’Etat, Université de Caen, 42 667 p. LECOINTE A., 1979 - Intérêts phytogéographiques de la bryoflore normande : 1 - les cortèges cosmopolite et méditerranéen s.l. Bulletin de la société linnéenne de Normandie, 107 : 61-70. LECOINTE A., 1981a - Intérêts phytogéographiques de la bryoflore normande : 2 - le cortège atlantique s.l. Bulletin de la société linnéenne de Normandie, 108 : 51-60. LECOINTE A., 1981b - Intérêts phytogéographiques de la bryoflore normande : 3 - le cortège circumboréal s.l. Bulletin de la société linnéenne de Normandie, 109 : 55- 66. LECOINTE A., 1988 - Intérêts phytogéographiques de la bryoflore normande : 4 - additions, corrections, spectres biogéographiques et écologiques. Bulletin de la société linnéenne de Normandie, 110-111 : 23-40. LECOINTE A., MONY J.F. et VAUCHEL S. 1993 - Inventaires phytoécologiques des tourbières du bois de Goult (forêt d’Ecouves, Orne). PNR Normandie-Maine – Laboratoire de Phytogéographie. MOLLET A.M., FRANCEZ A.J., GILLET F. & SCHUMACKER R., 1985 - Contribution à la connaissance des tourbières d’Auvergne. Végétation et physico-chimie des sites de Chambedaze et de la Godivelle (Puy-de-Dôme). Revue des Sciences Naturelles d’Auvergne, 51 : 51-59. MUNRO D.S., 1984 - Summer soil moisture content and the water table in a forested wetland peat. Canadian journal of forest resources, 14 : 331-335. NOIRFALISE, A., M. H. DETHIOUX, P. DE ZUTTERE, 1971 - Les bois de bouleau pubescent en haute Belgique. Bull. Rech. Agron. Gembloux, 6 : 203-214 . Ros R.M., V. Mazimpaka, U. Abou-Salama, M. Aleffi, T.L. Blockeel, M. Brugués, M.J. Cano, R.M. Cros, M.G. Dia, G.M. Dirkse, W. El Saadawi, A. Erdağ, A. Ganeva, J.M. González-Mancebo, I. Herrnstadt, K. Khalil, H. Kürschner, E. Lanfranco, A. Losada- Lima, M.S. Refai, S. Rodríguez-Nuňez, M. Sabovjlević, C. Sérgio, H. Shabbara, M. Sim-Sim, L. Söderström, 2007 - Hepatics and Anthocerotes of the Mediterranean, an annotated checklist. Cryptog. Bryol., 28 (4) : 351-437. SCHNITZLER A., J.-C. GÉNOT & M. WINTZ, 2008 - Espaces protégés : de la gestion conservatoire vers la non intervention. Courrier de l’environnement de l’INRA, 56 : 29-43. STALLEGGER P., 2001 - Plan de gestion du site naturel de la tourbière des Petits Riaux. Conseil Général de l’Orne, Service de l’Aménagement rural, 61 p. STAUTH S., 1998 - Suivi écologique de la restauration de deux parcelles tourbeuses dans le bois de Goult (Forêt d’Ecouves, Orne). Rapport de stage D.E.A. Environnement- Société, Université de Caen. THÉBAUD G., 1989 - Les tourbières bombées à Camarine du nord-Forez et des Bois- Noirs. Nature-Lire, 9 : 1-4. THÉBAUD G., H., CUBIZOLLE & G. PÉTEL, 2003 - Étude préliminaire des hauts-marais ombrotrophes du Forez septentrional et des Bois-Noirs (Massif central, France) : végétation, évolution et dynamique actuelle. Acta botanica gallica, 150 : 35-57. WERNER J., BARDAT J., VANOT M. & PREY T., 2009 - Check-list des bryophytes (Anthocerothae, Hepaticae, Musci) de Haute-Normandie (France). Cryptogamie, Bryologie, 30 (4) : 457-475. 43 Ce numéro de l’Emouchet « Nouvelles Naturalistes » a été rédigé par

 Jacques BRUST  Jean-Christophe HAUGUEL  Vincent HUGONNOT  Emmanuel JOFES  Evelyne MOINET  Thierry PLU  François RADIGUE  Peter STALLEGGER

Les photographies et dessins sont de

 Emmanuel JOFES  Thierry PLU  François RADIGUE

La relecture et la correction ont été assurées par

 Francis BISSON  Pierre LEGOT  Serge LESUR  François RADIGUE

La saisie du texte, la présentation et la mise en forme ont été réalisées par

 Cédric DELCLOY

44

Sur le terrain respectons ...... Les personnes et les sites Soyons polis Demandons l’autorisation pour visiter des terres appartenant à des particuliers. Refermons les barrières, n’endommageons pas les clôtures, les haies, les murs. Contournons les champs cultivés et les prés fauchables.

Soyons prudents Prévenons tout risque de feu de forêt. Maintenons nos chiens en laisse. Restons prudents sur les routes de campagne. Emportons nos détritus, laissons en état les points d’eau.

Soyons discrets Habillons nous de vêtements de couleurs neutres. Munissons-nous de jumelles (8x40) et d’une loupe pliante de poche (x10), pendues au cou, d’un carnet pour les notes et les croquis, d’une flore ou d’un guide. Déplaçons-nous le plus silencieusement possible. Pour observer les animaux, installons-nous et attendons tranquillement sans bouger ni faire de bruit. Pour observer les mammifères, plaçons-nous contre le vent pour que l’animal ne puisse flairer notre odeur. Si nous voulons observer une espèce donnée, nous devons connaître son habitat, mais également reconnaître les traces laissées par l’animal. Il nous est facile d’observer des plantes sur place, de capturer des insectes ou autres animaux de petite taille pour les étudier de près et les comparer aux illustrations de notre guide. N’omettons pas de remettre l’animal en liberté à l’endroit où nous l’avons trouvé. Remettons en place les rondins ou les pierres retournées et redressons l’herbe foulée afin d’effacer les traces de notre passage. AFFO