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232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 1 16/01/2015 16:55:32 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 2 16/01/2015 16:55:33 MARIE-ÈVE STÉNUIT FEMMES PIRATES LES ÉCUMEUSES DES MERS 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 3 16/01/2015 16:55:33 Éditions du Trésor 38, rue d’Aboukir Paris IIe © Éditions du Trésor 2015 www.editionsdutresor.com 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 4 16/01/2015 16:55:33 UN RÉCIT hISToRIqUE DE MARIE-ÈVE STÉNUIT FEMMES PIRATES LES ÉCUMEUSES DES MERS 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 5 16/01/2015 16:55:33 1 3 11 11 6 2 7 4 10 5 PRINCIPALES ZoNES D'ACTIVITÉ DES « ÉCUMEUSES DES MERS » 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 6 16/01/2015 17:17:53 9 8 12 5 1 ALFhILD DE GoTLAND 2 JEANNE DE BELLEVILLE 3 LADY KILLIGREW 4 MARY READ & ANNE BoNNY 5 RoSE BREGEoN 6 LoUISE ANToNINI 7 JULIENNE DAVID 8 ChING YIh SAoU 9 LAÏ Cho SAN 10 MARIE-ANNE DIEULEVEULT 11 MARIA CoBhAM 12 Mme PEASE n°1 & Mme PEASE n°2 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 7 16/01/2015 17:17:54 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 8 16/01/2015 16:55:36 INTRoDUCTIoN Barbe rousse, barbe noire et jambe de bois, oreille percée, gueule balafrée, telle est l’image populaire de la piraterie dans l’inconscient collectif. Un imaginaire nourri d’une exubérante iconographie, d’une impressionnante filmographie et d’une non moins abondante littérature en tout genre. Mais la piraterie présente également un autre visage. Un visage féminin qui n’en est pas plus tendre. Les femmes qui sont entrées en piraterie y sont venues pour les mêmes raisons que les hommes : la cupidité ou la misère, la soif d’aventures, la fuite d’un monde trop étroit pour leurs expectations. On aimerait pouvoir dire que l’univers pirate, réaction- naire et néanmoins étonnamment structuré – avec ses codes et ses mesures sociales –, qui se voulut un temps une société alternative et libertaire, a accordé une place de choix à la gent féminine. Il n’en est rien (sauf peut-être en Chine). Dans la majorité des cas, les femmes pirates ont mené leur carrière dans l’anonymat, sous des noms d’emprunt et dans des habits d’homme. En piraterie comme ailleurs, le genre féminin fut bien souvent un handicap. Il y eut cependant de tout temps et sous toutes les latitudes des femmes actives sur les navires pirates comme chez les corsaires. 9 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 9 16/01/2015 16:55:36 FEMMES PIRATES Voicil’histoiredequelques-unesd’entreelles.Quelques- unes seulement : celles qui ont été démasquées, arrêtées ou condamnées, ou qui ont, d’une manière plus ou moins directe, laissé une trace de leur existence dans des docu- ments qui ne doivent rien à la fiction. Quant aux autres, celles qui ont sillonné les mers aux côtés des forbans de tout poil sans jamais se faire prendre, celles dont le secret ne fut jamais découvert – ou qui fut pré- servé par leurs compagnons –, leur identité, leur nombre et leurs périples nous sont à jamais inconnus. C’est à ces aventurières de l’ombre qu’est dédié cet ouvrage. 10 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 10 16/01/2015 16:55:36 ALFhILD DE GoTLAND LA MÉTAMoRPhoSE D’UNE PRINCESSE Rapides et silencieux, les navires effilés d’Alfhild courent sur leur erre. Dans un léger chuintement, les coques de chêne à fond plat se posent en douceur sur le rivage où vient mourir la forêt. Les équipages sautent dans l’eau glacée. En un élan conjugué, ils halent les embarcations à sec. Ils sont adroits. Ils ont l’habitude. Cette nuit, on couchera à terre dans ce fjord étroit et profond de Finlande bien abrité du vent et des terreurs océanes. La veille, on a passé la nuit en mer : on a mouillé les ancres de bois, attaché les navires ensemble, on s’est serré dans les hudfats, les grands sacs de cuir fourrés dans lesquels on a aussi rangé les armes. Tout le monde a mal dormi, tenu en éveil par la crainte des ténèbres et la peur des monstres marins (seraient-ils vraiment écartés par la magie des figures de proue ?). Alfhild est heureuse de n’avoir pas à imposer la même épreuve à ses compagnons ce soir. Les guerriers amarrent aux pins les bateaux échoués. D’autres débarquent les tentes et les chaudrons de fer. D’autres encore ramassent du bois et allument de grands feux. Une suave odeur de résine brûlée se répand. Bientôt s’y mêle le fumet de la viande et des pommes qui mijotent 11 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 11 16/01/2015 16:55:36 FEMMES PIRATES ensemble. Ce soir on mangera chaud et quelques rasades de bière feront oublier le poisson séché de la veille, si dur qu’il a fallu le tremper dans l’eau froide pour en venir à bout. Enfin, toutes tâches accomplies, on s’assied autour des foyers, le casque à ses côtés. Alfhild, d’un coup d’œil circulaire, examine ses marins. Singulier équipage, composé en majorité de femmes qu’elle a choisies elle-même, une à une. Elle n’a jamais eu à se plaindre de ses recrues, habituées à naviguer depuis l’enfance dans ce pays d’eau et de bois où les fleuves trans- forment en dentelle les terres de mousse et de lichen et dont la mer achève de déchiqueter les côtes ; elle est satisfaite, ses femmes font honneur à l’idéal viking, un peuple de guer- riers et de marins endurcis par un climat où ne survivent pas les faibles, un peuple qui rend hommage à des dieux sangui- naires, un peuple, aussi, habitué à évoluer dans le drame et la violence. À peine les flammes commencent-elles à réchauffer les membres engourdis et la viande de renne à apaiser la faim, que les guetteurs signalent l’arrivée de navires inconnus. Une flotte hésite à l’entrée du fjord. En Scandinavie en ce temps-là, tout étranger est un ennemi potentiel, aussi Alfhild, oubliant le festin, veut-elle se donner l’avantage de l’attaque. Surtout, ne pas se laisser piéger dans le resser- rement du golfe. Tout se passe très vite. Les amarres sont larguées, les navires sont poussés à l’eau et, à grands coups de rames, les équipages se jettent en mer à la rencontre 12 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 12 16/01/2015 16:55:36 ALFhILD DE GoTLAND des nouveaux venus dans l’espoir que ce repas troublé sera compensé par quelque nouvelle prise. En face, on est surpris par la promptitude de l’attaque et inquiet car on est moins nombreux. Des capitaines veulent fuir. Le chef doit intervenir. Il s’agit du prince Alf, fils de Sigar, roi du Danemark, prince et vagabond des mers, pirate ou marchand au gré des occasions. Il lui suffit de quelques mots d’encouragement et ses hommes se rassurent, se rangent derrière lui. Ils résisteront. Les assaillants venus du fond du fjord approchent. Il y a quelquechosed’étrangedansleursgestes,unesortedegrâce et de souplesse qui déconcerte les Danois. Mais l’attaque est sauvage. On se bat au corps à corps. Alfhild, au premier rang, transforme la bataille en une terrifiante boucherie comme elle le fait à chaque fois. La mer résonne du bruit des haches contre les boucliers, du choc des épées contre les casques, des hurlements qui accompagnent les coups de glaive pénétrant dans les chairs, des gémissements des bles- sés happés par les profondeurs noires des eaux. Le navire de la pirate se teinte de rouge. Alf, à coups de hache, se fraye un chemin sanglant jusqu’à la combattante. Lorsqu’il la rejoint enfin, décidé à affronter cet ennemi – dont il ignore encore l’identité – en un mortel combat des chefs, elle est aux prises avec Borgar, un de ses plus valeureux soldats. Le prince s’apprête à le relayer et à frapper, juste au moment où le soldat, dans un dernier effort, arrache le casque de bronze plaqué d’argent qui masquait le visage d’Alfhild. 13 232513JWZ_PIRATES_cs5_pc.indd 13 16/01/2015 16:55:36 FEMMES PIRATES Le casque tombe à la mer et le prince pousse un cri. Il suspend de justesse le balancement de sa hache, hurle un cessez-le-combat puis pose son bouclier. Le carnage s’arrête progressivement autour de lui, au fur et à mesure que l’on relaie son ordre, de navire en navire, et chacun se tourne vers les deux chefs immobiles, pétrifiés par leurs regards échangés. Alfhild a lâché le pommeau poisseux de son épée. Elle aussi vient de reconnaître son adversaire et ne tient pas à poursuivre le duel. Alfhildlapirateestdesangroyal.ElleestlafilledeSiward, roi de Gotland, une île située au sud-est de la Suède. Elle est issue d’une famille rude où on n’est guère enclin à la frivo- lité. Ses parents l’ont élevée dans la modestie et la réserve, lui ont appris à cacher sa beauté sous un pan de sa robe, à éviter d’attirer les regards. Des années durant, elle n’a por- té que des robes de lin, droites et sobres, tombant jusqu’à terre, chastement serrées au cou par des rubans noués. Par- dessus, elle a enfilé des tuniques de laine teintées de garance ou de vert, retenues aux épaules par une paire de broches, et ne s’est jamais rien permis de plus sophistiqué que ces bijoux traditionnels. L’hiver, elle allait couverte d’une cape de fourrure fermée par une fibule pour achever d’estomper ce que sa silhouette aurait pu conserver de séduisant. Mais Alfhild grandit et vint le jour où son père estima qu’il était temps de la marier. Pas question cependant de donner sa fille au premier venu ; pour gagner la main de la princesse, le prétendant devra faire ses preuves.