n°28 - Décembre 2013 Trimestriel - n° d'agrément : P914556 - Bureau de dépôt : 4099 Liège X Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi

Tintin à

ONU soit qui mal y pense Tabora, hommage à l’étendard MdC Le Gouverneur général baron Wahis asbl 1 Editorial Sommaire Il est sans doute plus facile MÉMOIRES DU CONGO de noircir ailleurs ce que l’on © PhotoCS se refuse à critiquer chez soi. et du RUANDA-URUNDI Gageons que monsieur Scorcese Périodique n° 28 - Décembre 2013 alimentera abondamment les discussions des prochains fo- Editorial 2 rums de MDC. Les vœux du Président 2 Par ailleurs, toujours en cette fin Le mot de l’Administrateur délégué 3 2013, les amoureux du Musée Tintin à Kinshasa 4-7 Royal de l’Afrique Centrale se Les apports de la Belgique en Afrique Centrale, verront privés pendant trois ans dans le domaine médical, de 1885 à ce jour n ne peut pas dire que d’un accès à cette institution (1ère partie) 8-13 cette année 2013 se hautement symbolique dont il Les casques bleus face aux rebelles 14-17 termine sur une note faut pourtant se féliciter de la satisfaisante pour les rénovation. Réjouissons-nous ONU soit qui mal y pense 18-19 défenseursO du souvenir colo- cependant du fait que le musée, Tabora, hommage à l’étendard 20-23 nial belge et pour ceux qui, ses abords et son mobilier sont Balabala : Le Gouverneur général baron Wahis 24-27 de manière plus générale, se classés depuis 1998. Mémorial : Bwana Kitoko à Elisabethville 28 veulent soucieux du respect de L’aspect et la physionomie l’Histoire. du dernier musée colonial au Calendrier 2013 - Activités 29 monde ne devraient donc pas Lire 31 À nouveau la mémoire de Léo- s’en trouver trop modifiés. Mais In Memoriam : Qui était le Père Martin Ekwa ? 32-33 pold II se trouve souillée par des on devra craindre davantage détracteurs venus d’outre-atlan- les bouleversements qui seront Agissements de Léopold II au Congo : tique en la personne de Martin apportés à l’esprit initial de cet réponse au journal “le Monde” 34 Scorsese et d’Harry Belafonte ensemble, construit à l’occasion 1940-45, un événement dramatique 35 qui, s’appuyant sur leur notoriété de l’exposition universelle de Echos de MdC 36 internationale, envisagent la pro- 1897 pour développer la légi- Photo de couverture : © Fernand Hessel duction d’une minisérie télévisée time fierté expansionniste de sur les “dégâts de Léopold II au Léopold II et qui se transforma Congo”. Pourquoi ne se sont-ils tout naturellement en musée Les vœux du Président pas plutôt intéressés aux pra- colonial jusqu’en 1960. tiques de la NSA et de la CIA, On doit vraisemblablement n cette fin d’année 2013, s’attendre lors de la réouverture je souhaite adresser mes récemment révélées par Edward chaleureux remerciements Snowden, à la base de Guanta- de 2016 à un gommage de cet à tous ceux qui ont col- namo dont Barack Obama avait esprit colonial déjà fortement laboré,E tout au long de l’année pourtant promis la fermeture atténué depuis l’indépendance écoulée, au travail de mémoire ... en 2009, et qui fonctionne du Congo Belge. de notre association, tant au ni- toujours, ou encore à l’histoire Certes il faut vivre avec son veau du forum, que de la revue, édifiante des droits civiques temps mais espérons tout de des journées de projections, des des Noirs de leur propre pays même que le Musée de Tervu- enregistrements de témoignages et enfin à l’histoire tout aussi ren conservera son âme. et de la toute jeune section-photo controversée des Amérindiens, en devenir. parqués dans des réserves aux ■ Chantal Schaller Je me félicite de ce que la revue est lue désormais un conditions de vie inhumaines. Rédacteur en Chef peu partout dans le monde et je suis heureux de voir que la relève est assurée par l’arrivée d’un grand nombre de bénévoles issus de plus jeunes générations.

Le conseil d’administration et l’équipe de rédaction de la revue s’associent à moi pour vous souhaiter de joyeuses fêtes de fin d’année et une année 2014 pleine de promesses et de souhaits réalisés.

Je compte sur vous tous pour augmenter notre effectif et faire de nouveaux membres.

■ Roger Gilson

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 2 Le mot de l’Administrateur délégué epuis la création deuxième étape des buts pour- en néerlandais et en anglais de notre associa- suivis par les membres fonda- pour le plus grand intérêt des tion, nous nous teurs de notre association : infor- visiteurs du Congo Belge et du sommes efforcés mer les générations futures sur Ruanda-Urundi. de recueillir les ce que fut la colonisation belge. Enfin, nous mettons à dis- témoignagesD de personnes qui position un court métrage ont vécu et travaillé dans les ter- Parallèlement, nous mettons en quatre langues (français, ritoires d’Afrique centrale sous en place des outils informa- néerlandais, anglais et alle- tutelle belge. tiques afin de diffuser large- mand) sous le titre “Réalités Ce travail, bien que commencé ment tout ce qui s’est fait par congolaises” (Congo close-up) plus de 40 ans après l’accession nos compatriotes avec l’aide des réalisé, en 1954, par notre à l’indépendance de ces pays, populations indigènes ainsi que membre M. Robert Bodson. nous a permis d’enregistrer des communautés allochtones plus de 300 personnes et notre venues renforcer nos efforts. ■ Paul Vannès consœur “Afrika Getuigenissen” Parmi ces dernières, pensons en a fait tout autant. Ces 600 té- aux Grecs, Italiens, Portugais, “Un éléphant, ça trompe énormément ...” moignages sont à la disposition Chypriotes... pour lesquels le Le comité de rédaction de Mémoires du Congo se doit des facultés ou départements même travail de mémoire a été d’attirer l’attention de ses lecteurs sur l’article intitulé d’Histoire des universités qui entrepris. “L’hommage des éléphants” paru en pages 24 et 25 de nous en font la demande. la revue N°27 de septembre 2013 dont l’information, Cette tâche, étalée sur une Nous avons encore à cœur de qui circule depuis de nombreuses semaines sur le net et dizaine d’années, est presque diffuser largement des ouvrages dans les forums de lecteurs, semble être une tromperie. terminée car les survivants de qui viennent confirmer tout l’ef- Après avoir effectué des recherches sur le sujet et cette époque se Nous avons recueilli plus fort entrepris pour après en avoir discuté avec des éthologues, le comité font de plus en de 300 témoignages de amener ces pays de rédaction a le très net sentiment que la bonne foi plus rares. personnes qui ont vécu et au niveau le plus de l’auteur de l’article a été abusée, tout autant que travaillé au Congo Belge élevé d’Afrique la bonne foi des membres du comité de rédaction. Cette première après la Répu- Tous, ont cru ou ont voulu croire à cette merveilleuse étape nous a permis aussi de blique Sud-Africaine lors de procession d’éléphants convergeant vers la demeure réaliser une dizaine de docu- leur accession à l’indépendance. de leur protecteur défunt pour y communier dans une mentaires ayant trait aux réali- “veillée funèbre”. sations belges en terre d’Afrique Le premier ouvrage accessible Aucune photo officielle ne vient étayer cette histoire sous notre administration. Entre par internet est le “Guide du dont on se demande s’il ne s’agit pas d’un coup publi- autres titres : “L’administration Voyageur”, équivalent du “Guide citaire ayant pour but d’attirer les touristes dans la belge”, “L’œuvre médicale”, bleu français”. Si la première édi- réserve d’Afrique du Sud où vivent ces éléphants. “L’enseignement”, “Agronomes tion date de 1948, la dernière de En tout état de cause, que l’histoire soit vraie ou fausse, et vétérinaires”, “L’INEAC”, “La 1958 décrit plus de 180.000 km le doute est permis. Pemarco” et “Tata Raphaël”... de routes entretenues en cette C’est pourquoi le comité de rédaction reconnaît son Ces courts-métrages nous per- année-là. Chaque itinéraire étant manque de discernement et remercie ses lecteurs pour mettent d’animer ou d’organiser ponctué par les villes et villages, leur compréhension. Il sera plus attentif, à l’avenir, des séminaires sur ces sujets qui les curiosités rencontrées et les quant à la vérification de ses sources. ne manquent pas d’intéresser chemins de traverse accédant tant le chercheur universitaire aux agglomérations aussi petites ■ Chantal Schaller que toute personne attirée par soient-elles. Faut-il souligner éga- Rédacteur en Chef notre histoire. Cela constitue la lement que ce guide fut traduit

Appel aux lecteurs qui détiennent des Cotisations trésors photographiques historiques, insolites, rares et insoupçonnés. “Mémoires du Congo” a besoin de votre générosité pour La rédaction de Mémoires du Congo, présente dé- poursuivre ses activités. Nous remercions nos membres sormais, dans chacun de ses numéros, une rubrique qui, chaque année, nous apportent un appui financier par “Mémorial” mettant en évidence des illustrations le règlement de leur cotisation. peu connues, faisant partie de la petite tout autant que de la grande histoire du Congo, du Rwanda et Pour cette année 2014, nous nous permettons de rappeler du Burundi. Des illustrations qui parlent d’elles- aux retardataires le paiement de la cotisation annuelle, ce mêmes sans nécessiter le développement d’un long que, nous l'espérons, vous ferez volontiers. article.Si vous possédez de tels documents, nous Soyez-en tous remerciés d'avance. vous remercions de nous les confier aux fins de publication. (Voir les détails en page 36) ■ La Rédaction

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 3 Vie quotidienne Tintin à Kinshasa N’en déplaise à quelques intellectuels congolais, soutenus par une certaine société civile internationale, toujours prête à broyer du Blanc, le colon d’abord, n’en déplaise au pourfendeur de “Tintin au Congo” auprès des tribunaux belges pendant plus d’un lustre, lequel fait autour de l’album un tel tapage que l’on peut se demander s’il n’a pas émigré en Belgique pour en faire son quotidien, et accessoirement voir son nom dans la presse locale, il faut à la vérité de dire que Tintin est vivant et se porte bien à Kinshasa, avec la bénédiction du bon peuple congolais. l ne faut faire aucun effort pour le rencontrer, au détour d’une rue, devant un hôtel, à l’étalage d’un magasin ou sur un étal d’objetsI artisanaux. Et l’inspira- tion des artisans congolais ne se limite pas au seul Tintin au Congo. Le meilleur lieu de rendez-vous est un site touristique des plus courus de la capitale, qui n’a pas hésité à ouvrir un restaurant de jour à l’enseigne du héros, le très confronté à deux panneaux don- Nombreux sont les ateliers à Kin- apprécié “Chez Tintin”. nant des indications opposées. shasa, la plupart sans la moindre À Kinsuka (faubourg fluvial de Pareille anomalie n’est pas rare enseigne, où l’on crée du Tin- Kinshasa) précisément, avec en dans la mégapole (près de dix tin, préférentiellement celui sorti prime, du haut de la terrasse, millions de citadins !). tout droit de l’album consacré une vue imprenable sur les ra- Est-ce qu’Hergé Celle-ci a pour origine le simple à ses aventures congolaises, pides du grand fleuve, comme a payé les fait que les panneaux étaient dessinées comme on sait par en témoignent les photos. Congolais pour destinés à deux carrefours diffé- Hergé dans les années 1930-31, On remarquera en passant que les dessiner dans rents. Pour des raisons de réfec- sur base de ce que les colons, Tintin y fait du prosélytisme reli- son album ? tion (par les Chinois) de la bien plus facétieux que véridiques, gieux et le capitaine Haddock nommée avenue du Tourisme racontaient sur le mythique la promotion du lait. où quelque peu en retrait est Congo d’alors. Au Congo, on n’en est pas à sise l’auberge en plein air, l’un une entorse à l’histoire près. des deux panneaux fut écarté. Tintin : chef-d’œuvre du Il n’échappera pas non plus à Pour garder à celui-ci une cer- patrimoine congolais l’analyse de la photo (Bienve- taine utilité, le propriétaire pré- nue chez Tintin), indiquant la Figures centrales du féra le replanter près de l’autre, Le dessinateur lui-même, tout jardin de l’auberge Chez direction du restaurant en plein Tintin, en terrasse du sans penser à l’inévitable per- comme Léopold II, n’a jamais eu air, que l’arrivant sur site est fleuve, à Kinsuka plexité du brave touriste. le plaisir de fouler le sol congolais.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 4 “Créer” en l’occurrence est un issues des ateliers kinois. 1930 ont forcément évolué. terme audacieux, quand on En outre plusieurs de nos mi- Faut-il pour autant nier l’histoire sait que la statuaire s’inspire nistres ont accepté de bonne et interdire un album qui fait directement de l’album, sans grâce le fameux tableau de la partie du “patrimoine” d’Hergé, que la Société Moulinsart, qui Ford T, immatriculé 1385, où pour reprendre le mot même a les droits sur l’œuvre, réputée le visage de Tintin est remplacé de l’auteur, qu’il est par ailleurs tatillonne en matière d’imitation, par le leur, de même que leur difficile au regard de son œuvre ni les Editions Casterman, qui nom. de traiter de raciste. ont les droits sur la publication, Des images diffusées à la télévi- Hergé lui-même a été clair à ce n’aient concédé le moindre sion belge ont permis d’établir sujet, tout en s’opposant en 1960 accord, fût-ce à titre gracieux, que certains ministres ont pris à la proposition de Casterman en guise d’aide à un pays en plaisir à placer pareil tableau sur Le mauvais procès de retirer l’album de ses publi- développement, plus particu- leur bureau officiel. pour outrage à cations : lièrement dans le domaine de C’est dire la valeur sentimentale la race noire et “J’étais nourri des préjugés du l’artisanat. de ce petit clin d’œil congolais à la dignité du milieu dans lequel je vivais... Le chef d’un important atelier, à la Belgique. Si j’avais à le refaire, je le ferais sis dans la commune mère de D’ailleurs il n’y a pas que les Congolais tout autrement, c’est sûr.” la Gombe, où fut prise la photo ministres belges qui ont de ne tient ni devant montrant la statuaire en bois la sympathie pour “Tintin l’histoire, ni devant relative à Tintin, sous divers ac- au Congo”. La ministre de la l’adoption de Tintin au Congo : coutrements, à qui la télévision culture congolaise n’a pas hésité Tintin par les une fausse querelle allemande demanda insidieuse- à qualifier la bande dessinée de Congolais dénuée de fondement ment comment il faisait pour “chef-d’œuvre faisant partie du eux-mêmes s’acquitter des droits d’auteur, patrimoine congolais”, dans son Le trait est certes appuyé, mais eut cette riposte, amusante et discours d’ouverture du premier il n’y a pas lieu de pousser de rusée à la fois : “Est-ce qu’Hergé festival de la bande dessinée à grands cris, l’humour recourant a payé les Congolais pour les Kinshasa en 2010. par nature à la caricature. dessiner dans son album ?” Et Le mauvais procès pour outrage Les enfants que l’on prétend ce fut l’éclat de rire et la fin du à la race noire et à la dignité protéger le savent mieux que débat. du Congolais ne tient ni devant les adultes, sinon comment ose- Les douaniers belges en poste l’histoire, ni devant l’adoption rait-t-on encore leur faire lire le aux frontières n’ont pas non plus de Tintin par les Congolais eux- Petit chaperon rouge et autres mis beaucoup de zèle à donner mêmes. Il y eut en outre un contes cruels. suite aux injonctions de l’auto- temps où l’œuvre fut reproduite Les images que les télévisions rité qui voulait que toute pièce par livraisons hebdomadaires du monde entier diffusent sur copiée de l’œuvre de Hergé soit dans une publication kinoise. l’Afrique subsaharienne, réguliè- saisie. Ils n’en firent rien, prétex- Qu’en est-il exactement du rement en proie à des cruautés tant, paraît-il, qu’ils avaient des racisme dont serait imprégnée innommables, sont autrement pièces plus litigieuses à saisir. l’aventure, et de l’image négative plus préjudiciables à l’image Du reste à la boutique du sacro- de l’homme noir prétendument des Noirs, qu’un album conçu saint Musée royal de Tervuren, diffusée par l’album ? pour amuser des enfants, avec on pouvait, il n’y a pas longtemps Il est un fait qu’avec les années, les moyens de l’époque. On de cela, acquérir des statuettes l’album a cessé d’être politique- Point de vente, entre aurait d’ailleurs pu remarquer inspirées de “Tintin au Congo”, ment correct. Les mentalités de caniveau et trottoir, au qu’Hergé fait œuvre de pionnier, centre de la ville

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 5 Vie quotidienne Tintin à Kinshasa en donnant comme compagnon l’auteur, il court de 7 à 77 ans. mer l’imagination des jeunes d’aventure à son héros le petit On ne peut se défaire de l’idée lecteurs, non au racisme mais Congolais Coco. Pareil tandem que cette saute d’humeur, aussi à l’aventure exotique. n’était certes pas fréquent à Les Anglais n’ont surprenante que ridicule, est un Images et bulles sont aussi dé- l’époque. Les enfants, d’entrée jamais accepté que lointain avatar de la campagne pourvues de racisme que riches de jeu, ont compris, alors que la petite Belgique menée par Morel, Casement, Co- en créativité. A moins de consi- certains adultes peinent encore se taille dans le nan Doyle et autres Hochschild, dérer bien sûr la caricature, qui à comprendre. Disons, plus monde, qui était contre l’œuvre civilisatrice de est l’humour de l’intelligence, exactement, qu’ils ne veulent Léopold II, lesquels n’ont eu comme la manifestation d’un pas comprendre. alors à prendre, de cesse de réduire l’odyssée esprit dérangé. une colonie coloniale belge à une expédition Cette fausse querelle faite à capable de rivaliser génocidaire. Une autre accusation est venue “Tintin au Congo” est dénuée de avec leur énorme Les Anglais n’ont jamais accepté s’ajouter depuis quelque temps, véritable fondement, puisque, empire. que la petite Belgique se taille non sans amalgame, à savoir dans le chef de l’auteur, il n’y a dans le monde, qui était alors la cruauté envers les animaux. pas de racisme. Et l’on ne peut à prendre, une colonie capable Dans ce dernier domaine il faut être que surpris que l’ONG fran- de rivaliser avec leur énorme reconnaître qu’Hergé ne fait pas çaise CRAN (Conseil représen- empire. dans la dentelle, quand Tintin tatif des associations noires) Il faut être de mauvaise foi pour dynamite un rhinocéros, quand réclame l’interdiction totale réduire “Tintin au Congo”, mo- il abat tout un troupeau d’anti- de reproduction de l’œuvre, et deste récit de la lutte du petit lopes avant de réaliser qu’il tire qu’une chaîne de librairies, im- reporter belge contre des gangs- à chaque coup sur une bête plantée en Grande-Bretagne et ters venus de Chicago faire main différente. Cela aussi il faut le aux Etats-Unis, a cru intelligent basse sur le marché du diamant, replacer dans son cadre histo- de déplacer la bande dessinée à une œuvre pernicieuse et rique, à l’instar de la cigarette incriminée des rayons “Enfants” contre-éducative. des premiers Lucky Luke. vers les rayons “Adultes”, tout La thématique, nourrie des en y apposant un bandeau exploits africains de Tintin, Au vu de tout cela, on serait ten- d’avertissement et de la retirer avait pour seule fin d’enflam- té de croire que le Nord et le Sud complètement des bibliothèques publiques, du style “Cachez ce sein que je ne saurais voir”.

Dans certains pays frileux en outre, l’on évite d’éditer l’album pour ses relents colonialistes. Par une manœuvre on ne peut plus inattendue, celle de la très respectable Commission britan- nique pour l’égalité des races, les Anglais auront ainsi réussi à changer l’âge du lectorat de Tintin, qui selon eux va de 17 à 77 ans, alors que dans le chef de Centre artisanal de production

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 6 n’ont pas une conception univer- dépourvu de racisme, puisse, en l’école et risquent de grossir les selle du racisme. Dieu merci, la lisant Tintin au Congo, en subir rangs des enfants-soldats, des Justice belge n’est pas tombée les premières atteintes. Que la enfants-sorciers, des enfants de dans le piège, ni du CRAN, ni du vieille Europe cesse de se ridi- la rue. CRE (Commission britannique culiser par des considérations C’est là qu’il y a des interdictions pour l’égalité des races). Elle a et des mesures aussi puériles. Le véritable à prononcer et des commerces déclaré la plainte recevable mais racisme, c’est le à restreindre ou à promouvoir. non fondée. Le véritable racisme, c’est le prix prix prohibitif sur Aussi les Congolais, les Kinois Le Centre belge pour l’égalité prohibitif sur le marché africain le marché africain en tête, prennent la liberté de des chances et la lutte contre le des médicaments européens des médicaments continuer à exploiter l’œuvre, racisme, sans doute plus réaliste contre les endémies et les pan- européens contre pour le plus grand bien de l’arti- que les autres, s’est habilement démies africaines. les endémies et sanat congolais, pour le divertis- abstenu d’intervenir dans le dé- C’est l’indifférence aux enfants les pandémies sement de leurs petits, pour le bat, pour ne pas choquer l’opi- qui meurent sous le soleil faute africaines. plaisir des touristes. Si l’intérêt nion belge, ni jeter une ombre d’un minimum de sécurité so- était nul ou s’il existait quelque sur un monument national. ciale. danger, il se serait trouvé depuis C’est un non-sens d’imaginer Ce sont les 50 % d’enfants qui longtemps un responsable local un instant qu’un enfant, qui est n’ont pas le loisir de fréquenter quelque peu tatillon pour en interdire la production.

Il ne sera pas nécessaire non plus, soit-dit en passant, de repeindre tous les murs du vaste complexe de Kangu (Bas- Congo), œuvre de notre com- patriote le Dr Courtejoie, où sont élaborés d’innombrables manuels, affiches et fiches (près de 8 millions de documents pro- duits en 45 ans), en appui à la santé publique, qui a pris Tintin comme animateur et guide et figure de proue de l’entreprise, comme en témoignent les deux dernières photos.

En conclusion, les amis du Congo peuvent être assurés que Tintin les attend à Kinshasa. Et il ne leur faudra pas de plan de la ville pour le rencontrer. Murs recouverts de fresques inspirées de ■ Texte et photos Tintin, au Centre de Fernand Hessel Santé de Kangu.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 7 Médecine Les apports de la Belgique en Afrique centrale, dans le domaine médical, de 1885 à ce jour En m’adressant à vous aujourd’hui, je voudrais rendre hommage à la Famille royale de Belgique, aux fonctionnaires du Congo Belge, aux médecins qui se sont dévoués dans ce pays, aux missionnaires, aux agents des sociétés, aux colons, aux coopérants, à tous ceux qui ont contribué à développer le Congo, le Rwanda et le Burundi et à se soucier de la santé des populations.

n 1876 déjà, le roi Léo- au fil des siècles, s’était accumu- Ces médecins firent de nom- pold II, dans le dis- lée sur la côte. Ce n’est d’ailleurs breuses et précieuses obser- cours qu’il prononça Plusieurs médecins pas en Belgique seulement que vations sur les maladies et les lors de l’inauguration participèrent aux s’opère le recrutement dans la grands problèmes rencontrés de la Conférence Géo- période du début de la colonisa- par les populations. Ces obser- Egraphique de Bruxelles, assigna expéditions de tion. On peut estimer à environ vations contribuèrent grande- entre autres objectifs à l’Asso- reconnaissance 40% la proportion d’Européens ment à la recherche médicale ciation Internationale Africaine, envoyées par le non-belges qui occupèrent des et à l’organisation future des chargée d’explorer le bassin du Roi, ainsi qu’aux fonctions diverses, dans le ser- services médicaux. Congo, la création de stations campagnes vice médical et les différents hospitalières. C’est dire l’impor- dirigées contre autres secteurs. Léopold II : inquiet tance que le Roi attachait aux les esclavagistes de l’extension de la problèmes de santé. arabes De plus, le territoire de la colo- maladie du sommeil La présence médicale occiden- nie était très mal connu et il tale sur les côtes d’Afrique était n’y avait que peu de voies de L’histoire administrative de ancienne déjà lorsque s’annon- communication, en dehors des l’Etat Indépendant se présente ça le nouvel âge colonial des cours d’eau. Il suffit de regar- comme suit : années 1880-1900. Les expé- der les cartes de l’époque et de - Par arrêté du 7 décembre ditions portugaises étaient en constater les grands espaces 1887, paraissent les premières effet accompagnées de méde- blancs qu’elles comportaient. mesures d’hygiène et de po- cins qui firent de nombreuses Plusieurs médecins participèrent lice sanitaire pour les ports observations mais il n’y avait pas aux expéditions de reconnais- de Boma et de Banane. de service médical installé pour sance envoyées par le Roi, ainsi les populations. Agent sanitaire qu’aux campagnes dirigées - Décret du 5 août 1888, or- dans la brousse contre les esclavagistes arabes. ganisant le service médical : Pour le territoire qui deviendra le Congo, les maladies rencon- trées étaient cependant, pour la plupart, très mal connues, sur- tout par les médecins belges qui n’avaient aucune expérience de l’Afrique, et les remèdes souvent inexistants. Que l’on pense sim- plement à la malaria, aux dysen- teries et surtout à la trypano- somiase (maladie du sommeil). On ne connaissait même pas le parasite du paludisme (malaria), ni son mode de transmission (fièvre des marais, mauvais air). Les premiers médecins envoyés sur place firent leur apprentis- sage à partir de cette situation en se familiarisant “sur le tas” avec l’expérience médicale qui,

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 8 la couverture médicale va bénéficiaient également de taires réduits pour les services s’effectuer dans les centres l’aide des initiatives privées. de l’Etat. Pour améliorer la les plus importants, au fur situation, le roi Léopold II fit et à mesure des progrès de - Lutte contre les épidémies : rapidement appel à d’autres l’occupation et des ressources variole d’abord, grâce à la ressources : les missionnaires, financières de l’Etat. vaccination. Les médecins les sociétés commerciales et de l’époque firent preuve, à les organismes privés. C’est - A partir de 1899 des com- cet égard, de beaucoup d’ini- A partir de 1899, ainsi qu’en 1888 fut créée, à missions d’hygiène sont ins- tiatives..., et mise en place des subventions l’initiative du Roi, l’Association tituées dans les chefs-lieux d’instituts vaccinogènes, le sont accordées au Congolaise et Africaine de la de districts ou de zone. Des premier à Boma en 1893, fonctionnement Croix-Rouge qui construisit de mesures administratives sont mais étendus ensuite dans d’hôpitaux et nouveaux hôpitaux à Boma prises dans les centres en ré- la région du Haut-Congo, dispensaires et à Léopoldville ainsi qu’un ponse à la menace que font jusqu’à Kasongo. Lutte contre ainsi que d’un sanatorium à Banane. Cet peser les épidémies de variole l’extension de la maladie du laboratoire médical organisme finança d’autres et ensuite de maladie du som- sommeil également, par des à Léopoldville, hôpitaux par la suite. meil. En ce qui concerne la mesures de surveillance des institutions malaria, d’importants travaux mouvements des populations qui bénéficient Le roi Léopold II s’est toujours d’assainissement sont entre- et la mise en quarantaine des également de l’aide montré soucieux des aspects pris, dans le cadre du début personnes contaminées dans inquiétants de la santé. Inquiet d’un urbanisme colonial, des lazarets. des initiatives notamment de l’extension im- notamment à Léopoldville privées portante de la maladie du som- et à Coquilhatville. - Les soins de santé pour la meil, toujours mortelle, et des Des subventions sont accor- population rurale restent ce- autres maladies tropicales. dées au fonctionnement d’hô- pendant limités compte tenu pitaux et dispensaires ainsi de l’immensité du territoire, Il contribua à la création de que d’un laboratoire médical de la faible densité de peuple- l’Ecole de médecine Tropicale à Léopoldville, institutions qui ment, et des moyens budgé- Katanga : vaccination de Liverpool en 1897, par un financement de 60.000 francs de l’époque. En 1903, il fit un nouveau don de 65.000 francs à cette même école, pour financer l’expédition médicale de Dutton et Todd pour l’étude des princi- pales maladies rencontrées dans le pays. Un peu plus tard, il offrit une prime de 300.000 F pour le pre- mier chercheur qui trouverait un traitement contre la maladie du sommeil.

Ces médecins Dutton et Todd circuleront à travers le Congo, de Boma jusqu’au , où Dutton mourut en 1905.

Enfin, en 1906, le Roi favorisa la création d’un Institut d’Hygiène et de Maladies Exotiques en Bel- gique. Des cours de pathologie des pays chauds avaient déjà été institués dans les universités belges de Gand et de Liège.

L’Ecole de Médecine Tropicale est créée par Arrêté Royal du 10 septembre 1910, d’abord à Bruxelles (ministère de l’Agri- culture), ensuite au parc Duden et enfin à Anvers.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 9 Médecine Les apports de la Belgique en Afrique centrale, dans le domaine médical, de 1885 à ce jour

densité de peuplement (cinq fut consolidée par la construc- En 1908, l’EIC (Etat Indépendant habitants par kilomètre carré) tion, au centre des circonscrip- du Congo) devient le Congo constituaient d’importants tions locales, de dispensaires Belge. écueils. Pour atteindre les po- ruraux chargés du traitement Le relèvement du niveau de la pulations, il fut donc décidé de des malades découverts par santé de la population et la lutte ne maintenir dans les centres les équipes, mais également de contre les maladies infectieuses médicaux (hôpitaux et dispen- ceux qui s’y présentent spon- et parasitaires, dont on ignorait, saires) qu’un personnel réduit tanément pour le traitement au début du XXème siècle en- et d’envoyer dans l’intérieur du d’affections de toute nature. core, bien souvent, les causes et pays des équipes médicales dont les remèdes étaient à dé- itinérantes, afin de soumettre Parallèlement à cette action en Consultations au Poste couvrir, furent considérés par le de la Croix-Rouge toute la population à des exa- zones rurales, les chefs-lieux gouvernement colonial comme mens de dépistage des grandes des districts, et ensuite des terri- un de ses principaux devoirs. endémies (le fléau le plus grave toires, furent dotés peu à peu de En bas, Equateur était la maladie du sommeil) et formations médicales plus im- Le voyage du prince Albert en 1954 - Camions aux vaccinations préventives. portantes. En 1920, les services radiographiques 1909, voyage organisé par le roi Foreami L’action des équipes itinérantes du gouvernement comptaient 34 Léopold II, contribua par ses observations et recommanda- tions à développer davantage le service de santé au bénéfice des populations. De 1911 à 1928, le service médi- cal s’organise, en développant principalement la lutte contre la maladie du sommeil et les autres maladies transmissibles et reçoit sa véritable organisation en 1922 en devenant autonome, dépendant directement du Gou- verneur général. Ce service se développe consi- dérablement avec un budget en forte hausse. L’immensité du pays et la faible

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 10 établissements hospitaliers pour le pays et prennent des me- après l’intervention du FBEI les nationaux, totalisant 3.040 sures dans les domaines de (Fonds du Bien-Etre Indigène), lits. A ces chiffres, il faut ajouter l’économie et du médical. Les inaugure en 1953 le sanatorium les formations médicales mis- missions avaient cependant de Kibumbu en Urundi, et en- sionnaires et celles des sociétés déjà établi un réseau de dis- suite celui de Rwamagana au commerciales. pensaires. Ruanda. En 1946, on comptait un total • 1936 : Le laboratoire de Ki- Le niveau de santé des popula- de 190 hôpitaux avec 21.178 tega est transféré à Astrida Le niveau de santé tions ne dépend pas seulement lits et en 1956, 293 hôpitaux et (Butare) où sera créée plus des populations du service médical. Il dépend 42.910 lits. tard une université. ne dépend pas également de l’éducation, de la La décentralisation se poursuit seulement du nutrition, du développement au Congo et de plus en plus d’au- Pendant la guerre 1940–1945, service médical. économique global, mais aussi tonomie administrative s’orga- le pian a pratiquement dis- Il dépend de la densité de peuplement, nise vers l’intérieur du pays. Les paru au Ruanda-Urundi. Les également de des moyens de transport dis- responsabilités des Gouverneurs recherches se poursuivent au l’éducation, de ponibles, de la recherche, des de Provinces augmentent. laboratoire d’Astrida avec des la nutrition, et du budgets existants, de la parti- Après la guerre de 1914 – 1918, résultats remarquables. Après développement cipation des individus à l’effort la guerre, une vaste campagne la Belgique s’occupa également économique global et de la qualité du personnel de des services sociaux au Ruanda- contre le paludisme, avec des santé. Urundi. Dans ces pays, pendant pulvérisations et des travaux longtemps, on se déplacera à d’assainissement permirent de Le dispositif médical au Congo cheval ou à pied. diminuer sensiblement la mor- Belge était le fruit d’activités • 1920 : Création du labo- talité infantile. associées, dans le domaine de ratoire de Kitega où sont l’infrastructure, de la recherche notamment produits des universitaire et opérationnelle, vaccins (notamment contre La notion de santé : de la médecine préventive, les méningocoques). mot d’ordre impératif du curative et promotionnelle, de • 1922 : Inauguration de gouvernement colonial l’hygiène et de l’enseignement, l’école d’assistants médicaux sous l’impulsion de l’adminis- de Kitega. Outre les efforts du Gouverne- tration coloniale et de toutes les • 1923 : La tutelle de ces pays ment et des missionnaires, il structures présentes de la société est officiellement confiée à la faut signaler également l’action pour qui la notion de santé était Belgique par la Société des de CEMUBAC (Centre d’Etudes le mot d’ordre impératif. Nations. Médicales de l’Université de • A partir de 1929, après la Bruxelles en Afrique Centrale) Les efforts du gouvernement qui, après des prospections pour famine de l’année précédente, Consultation de colonial se virent cependant les autorités belges organisent la lutte contre la tuberculose et nourrissons, 1955 secondés par de nombreuses ini- tiatives privées émanant des mis- sions religieuses et de certaines associations philanthropiques médicales (la Croix-Rouge, Fomulac (Fondation Médicale de l’Université de Louvain au Congo), Cemubac, le Fonds Social du Kivu, la Fondation Symetain, Foperda, ...). De leur côté, les sociétés étatiques et pri- vées, tenues par les dispositions législatives à assurer les soins médicaux à leur main d’œuvre, mirent un point d’honneur à collaborer à l’action du gouver- nement au profit des popula- tions. En vertu d’accords avec le gouvernement, ce dernier maintenait la coordination des actions et allouait des subsides importants.

Enfin, le gouvernement com- pléta son œuvre en créant cer-

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 11 Médecine Les apports de la Belgique en Afrique centrale, dans le domaine médical, de 1885 à ce jour tains organismes para-étatiques ruraux supervisés et encadrés avait accepté de suivre dès 1933 spécialisés, notamment le FO- par les équipes médicales. Des les mêmes principes de travail, REAMI (Fonds Reine Elisabeth Les efforts du responsabilités importantes basés sur : pour l’Assistance Médicale aux gouvernement étaient confiées aux infirmiers Indigènes) et le FBEI (Fonds du responsables des dispensaires et a. Le réseau médical de la Bien-Etre Indigène). colonial se virent des agents sanitaires assuraient FOMULAC comprend un Un Arrêté Royal du 8 octobre secondés par leur supervision et organisaient hôpital central de 250 lits 1930 porte création du FOREA- de nombreuses les examens systématiques des desservi par 5 médecins, 3 MI, initiative des souverains initiatives villageois. maternités rurales desservies belges, du gouvernement et du privées émanant par un assistant médical et 15 Parlement. Revêtu de la person- des missions Ce plan avait comme objectif de dispensaires ruraux tenus par nalité civile, il regroupe dans son religieuses et généraliser une expérience qui un infirmier expérimenté. conseil d’administration les uni- de certaines faisait suite à un accord conclu versités, l’Institut de Médecine associations entre la FOMULAC (Fondation b. Tous les médecins de l’hô- Tropicale, des sociétés scienti- philanthropiques Médicale de l’Université de Lou- pital, chirurgiens et obstétri- fiques, religieuses et privées. médicales vain au Congo) et le FOREAMI ciens y compris, participent pour que soit desservie la zone à une visite mensuelle des Depuis 1931, le FOREAMI fut à l’Est de la rivière Inkisi au Bas- dispensaires et maternités chargé de l’assistance médi- Congo. en apportant leurs conseils cale, de l’assainissement et de La FOMULAC, installée à Ki- techniques. l’équipement sanitaire, succes- Léopoldville 1953 santu depuis 1926, ne faisait sivement au Bas-Congo et au Ecole d’infirmières pas partie du FOREAMI, mais c. Quatre équipes mobiles Kwango. En 1953, il créa, à la demande du gouvernement, une section Père Damien, chargée de stimuler et de coordonner la lutte contre la lèpre dans toute l’étendue du Congo et du Ruan- da-Urundi.

En 1955, il accepta de mettre sur pied l’ORAMEI, (l’Œuvre Reine Astrid pour la Mère et l’Enfant Indigènes). Enfin, en 1957, il fut chargé également par le Gou- vernement de réaliser une occu- pation médico-sociale intensive dans certains territoires de l’Uélé et de lutter contre la maladie du sommeil dans la vallée de la Ruzizi.

Parallèlement à cette action du FOREAMI en zones rurales, les chefs-lieux des districts, et en- suite des territoires, furent dotés peu à peu de formations médi- cales plus importantes. La fin de la deuxième guerre mondiale vit le début de l’exécution du plan Van Hoof-Duren d’occupation générale du pays par un réseau de formations médicales.

Ce plan visait à édifier, au chef- lieu de chacun des cent trente- huit territoires du Congo, un Centre Médico-Chirurgical desservi par deux médecins et, à l’intérieur des territoires, un certain nombre de dispensaires

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 12 de dépistage semestriel des de santé primaires pour les po- période de guerre et celui du maladies transmissibles sont pulations rurales. monde rural. parvenues à éradiquer en A l’issue de la Dès 1946, le gouvernement 1954 la maladie du sommeil deuxième guerre belge nomme une commis- et la lèpre. L’aide aux populations sion chargée de proposer des mondiale, le Importée en Chine par un mis- rurales, grâce au mesures pour améliorer les sionnaire catholique qui avait soutien de la Loterie gouvernement conditions de vie des popula- séjourné au Congo Belge et Coloniale va investir pour tions rurales, dans les plus brefs étudié cette politique de santé, développer le délais. Le 1er juillet 1947, le FBEI cette stratégie fut adoptée dans A l’issue de la deuxième guerre service médical (Fonds du Bien-Etre Indigène) les années 1960 par le gouverne- mondiale, le gouvernement va au bénéfice des est officiellement créé. Le Fonds ment communiste qui instaura investir pour développer le ser- populations du a qualité d’établissement public un système sanitaire proche des vice médical au bénéfice des Congo et du et a la personnalité civile. populations avec des responsa- populations du Congo et du Ruanda-Urundi bilités décentralisées, système Ruanda-Urundi, territoire placé Ses actions, qui viennent en appelé parfois “les médecins aux sous sa tutelle. Le Gouverneur appui aux interventions du gou- pieds nus”. général du Congo, Pierre Ryck- vernement colonial, donnent la Befale, mans, s’inquiète de l’augmenta- l’hôpital du Fonds du préférence à des investissements La Tanzanie et le Venezuela tion de la disparité entre le déve- Bien-Etre (FBEI) générateurs de ressources pour lancèrent également, vers cette loppement des grands centres la population et visent à impli- époque, des programmes com- qui ont connu une industriali- En bas, vue aérienne quer les villageois et à susciter portant une enveloppe de soins sation spectaculaire pendant la de la Clinique Reine des initiatives locales. Elisabeth Dès le départ, il est doté de moyens financiers importants : remboursement des dettes de guerre du Congo, majeure partie des gains de la Loterie Coloniale, soit 4,5 milliards de FB de 1948 à 1963. Ses réalisations furent impor- tantes et il serait trop long d’en dresser la liste. Disons seule- ment que son action s’exerça dans la lutte contre la malnu- trition, la construction de nom- breux hôpitaux et dispensaires ruraux ainsi que des écoles rurales, sans oublier l’appro- visionnement en eau potable, l’animation rurale et plusieurs études spécifiques.

Dès 1958, il africanise les cadres et introduit une forme de co- gestion, impliquant les popula- tions locales dans la définition des projets et leur gestion. C’est ce qui lui permit de continuer à fonctionner dans des condi- tions acceptables jusqu’en 1963, mais avec des moyens de plus en plus limités, les bénéfices de la Loterie étant répartis sur de nombreuses institutions.

■ Dr Jean-François Ruppol

A suivre. (deuxième partie, dans MDC 29)

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 13 Histoire Les casques bleus face aux rebelles Stig von Bayer, officier suédois au Congo En mai 1949, Stig von Bayer quitta la Suède pour rejoindre ses parents au Congo et son premier contact avec le Kivu resta gravé dans sa mémoire, car le bimoteur DC-3 survolait le magnifique paysage du lac avant de se poser à Kamembe. Il vécut plusieurs années à Kampopola dans le sud du Maniéma où son beau-père Hans Hansson exploitait une coupe de bois et apprit le swahili au contact des Congolais. Son activité préférée était d’explorer la forêt entourant l’exploitation avec deux pygmées de la région qui lui servaient de guides. Ils lui montrèrent comment pister les animaux, tirer les pintades en vol avec un arc et des flèches et fabriquer des pièges. Ses parents l’envoyèrent à l’athénée de Bukavu pour terminer ses humanités, mais à chaque congé, ses fidèles pygmées l’attendaient pour l’emmener à la chasse. on père fut engagé à apprenait à des conscrits l’emploi Peu après son arrivée à , la Cogerco, une société du Carl Gustav de 84 mm au Stig retrouva ses parents qui chargée d’améliorer l’in- champ de tirs, le commandant s’étaient réfugiés au Burundi frastructure routière du Sa principale de la compagnie lui ordonna de avant leur retour en Suède. Maniéma et les travail- occupation fut de se rendre chez le colonel Vir- Il passa deux semaines avec Sleurs le surnommèrent “Bwana faire comprendre gin, car sa demande avait été le 32e bataillon irlandais et sa Kikwenda”, celui qui court tout aux soldats acceptée. principale occupation fut de faire droit sans se laisser arrêter par Le sous-lieutenant von Bayer comprendre aux soldats congo- les obstacles ! congolais que ce débarqua à Léopoldville le 20 lais que ce n’était pas une bonne n’était pas une juillet, mais au lieu de rejoindre idée de s’entraîner au tir sur les Fin 1956, Stig retourna en Suède bonne idée de le 8e bataillon, il fut affecté en animaux du parc national. pour ses obligations militaires s’entraîner au tir tant qu’officier de liaison et inter- et fut incorporé en mars 1957 sur les animaux du prète swahili au 32e bataillon Sa nouvelle affectation fut Al- dans le 10e régiment d’Infanterie parc national irlandais qui partait pour Goma. bertville où était stationné le Blindée stationné à Strängnäs. Cette affectation l’arrangeait 33e bataillon irlandais chargé Il passa quinze mois dans une bien, car elle le rapprochait de du maintien de l’ordre dans la école de chef de peloton, puis ses parents. région. Cette unité venait de entra comme cadet à l’école de recevoir des canons sans recul guerre de l’armée royale sué- Il se présenta au cantonnement Carl Gustav de 84 mm, une doise à Kalberg. En juillet 1960, irlandais et le commandant arme qu’il connaissait fort bien il retourna à Strängnäs avec le Congo 1964 Adams l’informa que le bataillon et il apprit son maniement aux grade de sous-lieutenant et fut Sauvetage au Kwilu partait le jour même en avion. casques bleus irlandais. désigné comme chef d’un pelo- ton antitank. Le Congo était en pleine révolte et il apprit une nouvelle tragique par les jour- naux : l’ingénieur forestier Hans Hansson et son épouse auraient été tués au Congo.

La Suède s’était engagée aux côtés de l’ONU pour une mis- sion de paix et le 8e bataillon d’Infanterie faisait mutation pour Léopoldville. Stig prit immédiate- ment contact avec l’officier char- gé du personnel à l’état-major et l’informa qu’il parlait couram- ment le français et le swahili et qu’il se portait volontaire pour rejoindre ce bataillon au Congo. Une semaine plus tard, alors qu’il

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 14 Le Nord Katanga était en pleine leurs véhicules avec leurs armes cours accéléré de conduite par anarchie, car les rebelles de la dirigées vers le sol. Les guerriers un machiniste du CFL à Makala- Balubakat occupaient Kabalo. balubas lui firent payer très cher sa Greinerville. Le trafic fluvial et ferroviaire naïveté et ne laissèrent qu’un seul Cette mine de charbon, située à était bloqué. La direction des survivant, le soldat Kenny qui fut 13 km d’Albertville, était gardée Chemins de Fer des Grands Lacs retrouvé avec deux flèches plan- par un peloton de l’ONU et par (CFL) connaissait une situation tées dans son arrière-train. un peloton de gendarmes katan- catastrophique, car cette localité L’attitude des Irlandais face aux gais commandé par le lieutenant bordant le fleuve Lualaba était la Balubas changea radicalement Geenen qui demanda également plaque tournante du trafic vers après ce massacre. La ligne Al- à suivre un cours de conduite. Le Albertville, Kongolo et Kabon- bertville était maintenue au prix 2 janvier, von Bayer effectua une go. Un important matériel y était de grandes difficultés dues aux reconnaissance de la ligne Albert- immobilisé dont 164 wagons à sabotages et le 22 décembre 1960, ville-Kabalo aux commandes d’un marchandises, quatorze wagons un convoi fut attaqué à 75 km train de marchandise. Le convoi frigo, sept wagons voyageurs, trois d’Albertville. du CFL était escorté de casques locomotives diesel, deux locomo- Il était impératif de désengorger bleus irlandais et un major éthio- tives à vapeur. les installations portuaires en pien l’accompagnait comme offi- Les deux draisines récemment rétablissant le trafic. C’était dans cier de liaison (Field liaison offi- achetées étaient aux mains des l’intérêt des Nations Unies, car une Les guerriers cer). Il dépendait directement du insurgés balubas qui s’en servaient partie du ravitaillement parvenait balubas ne QG de l’ONU Congo à Léopold- pour patrouiller vers Kongolo et de Kigoma par le lac Tanganyika. laissèrent qu’un ville et se prétendait expert au Albertville. Au début de l’année 1961, les in- seul survivant, dialogue avec les Bantu, mais ne surgés s’emparèrent d’un wagon le soldat Kenny, parlait ni français, ni swahili ! chargé de café, mais les casques qui fut retrouvé Des Irlandais, décimés bleus nigérians parvinrent à le avec deux flèches Le convoi suivit la ligne de chemin par des rebelles drogués récupérer. de fer reliant le port du Tanganyi- En représailles à l’action de plantées dans son ka à Kabalo et à Kambi ya Wima Lors de leurs patrouilles, les l’ONUC, les rebelles sabotèrent la arrière-train et dut stopper car les guerriers casques bleus rencontraient fré- voie près de Nyunzu et les mar- qui avaient enlevé les rails les quemment des bandes d’irrégu- chandises provenant de Kigoma encerclaient. liers qui semaient la terreur sur s’entassèrent dans le port. Suite à Cette localité située à 56 km leur passage. l’intervention du gouvernement d’Albertville était signalée par le En novembre 1960, une section katangais, la direction du CFL lieutenant Geenen comme étant d’Irlandais qui patrouillait près mit l’ONU devant ses responsa- un repaire d’insurgés fanatiques, de Niemba fut entourée par un bilités. Les machinistes katangais mais le major éthiopien insista groupe de rebelles drogués. Le craignaient pour leur vie lorsqu’ils pour parlementer avec eux. lieutenant Gleeson commandant conduisaient les convois à Kabalo la section ne respecta aucune et le lieutenant Stig von Bayer se Il descendit de la motrice avec Stig règle de sécurité malgré les re- porta volontaire pour apprendre von Bayer qui tenta vainement commandations du lieutenant von à piloter l’une des six locomo- Le wagon plat d’établir un dialogue en swahili. précédant le convoi Bayer. Il laissa ses hommes quitter tives diesel du CFL. Il reçut un et la loco saccagée L’officier suédois comprit immé- par les rebelles diatement que c’était impossible, car les Balubas étaient drogués. L’Ethiopien voulut insister, mais l’un d’eux planta son Pou Pou dans l’estomac du lieutenant von Bayer en lui disant en swahili qu’il avait déjà tué des Européens avec cette arme. Stig von Bayer écarta l’arquebuse de la main, la situation dégénéra, les guerriers menacèrent l’escorte et tentèrent de s’emparer des armes automa- tiques. Ils durent se défendre à coups de crosse et le major éthiopien fut brutalement bousculé. Il comprit que le lieutenant von Bayer avait raison et tous deux reculèrent len- tement vers le train. Il aurait suffi d’un seul coup de feu pour pro-

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 15 Histoire Les casques bleus face aux rebelles voquer un massacre. Par miracle, aériens pour une opération de survolèrent la mission baptiste les rebelles les laissèrent remonter sauvetage. canadienne de Kandale, située à dans le train. Le lieutenant von Le 24 janvier, un bimoteur Curtiss 65 km de Gungu et aperçurent Bayer reprit sa place au poste de C-46 transporta le lieutenant-co- neuf religieux qui faisaient des pilotage et la machine fit marche lonel Mayer à Tshikapa avec une signes désespérés près des bâti- arrière vers Albertville. section de casques bleus nigérians ments détruits. Le capitaine Stig Le lendemain, le trafic ferro- et tout le matériel nécessaire à la von Bayer ordonna aux pilotes viaire reprit officiellement sous création d’une base de ravitaille- de descendre en vol stationnaire escorte d’une compagnie de 150 ment. Le capitaine Stig von Bayer et son hélicoptère embarqua cinq casques bleus nigérians et un était encore au Congo et servait missionnaires tandis que l’autre long convoi tiré par deux loco- comme “Field Liaison Officer” au prenait quatre fugitifs à son bord. motives diesel avec un wagon Kasaï. Il rejoignit cette base de atelier tenta de rejoindre Kabalo. ravitaillement avec deux Sikorsky Les Sikorsky remontèrent im- Les rebelles balubas avaient H-19 et le monomoteur De Havil- médiatement. Les mulélistes se déboulonné les rails près d’un land C-3 Otter basés à Luluabourg. tenaient à distance, effrayés par petit pont et les locomotives et les les passages en rase-mottes du wagons placés en tête du convoi lieutenant Glantz, un as du pilo- déraillèrent. Maï Mulele, Maï Mulele tage sur Otter. Les rescapés furent L’escorte subit l’attaque des guer- déposés à Tshikapa où un DC-3 riers de Kambi ya Wima et aban- Seuls les hélicoptères pouvaient les transporta à Léopoldville. Le donna le train pour se retrancher intervenir pour une mission d’éva- lendemain à l’aube, le capitaine sur une colline près de la station Lorsque le premier cuation dans cette région faite de von Bayer retourna à Kandale ferroviaire. Les insurgés en pro- Sikorsky se posa, savanes et de forêts où les routes pour évacuer les membres de la fitèrent pour piller les wagons et une bande de et les ponts étaient coupés. La mis- mission catholique. Lorsque le le lendemain, un train de secours guérilleros armés sion d’où parvenaient les appels premier Sikorsky se posa, une escorté de casques bleus irlandais était située à 200 km. Le rayon bande de guérilleros armés d’arcs, rejoignit les lieux de l’embuscade d’arcs, de lances et d’action des Sikorsky était limité de lances et de machettes les atta- pour les sortir du guêpier. de machettes les et un Douglas C-47 des Nations qua aux cris de “Maï Mulele ! Maï Les wagons réparables furent attaqua aux cris de Unies déposa des fûts de carbu- Mulele !” décrochés et ramenés à Albert- “Maï Mulele ! rant de 200 litres à Tshikapa. ville par une motrice, mais les Maï Mulele !” Le plein s’effectua avec une Les Bapende étaient drogués et deux autres motrices avaient été pompe à main. Un briefing eut persuadés par leurs sorciers d’être saccagées et incendiées par les lieu sur place et ils décollèrent invulnérables, ils décochaient des Balubas. C’était une perte sévère vers la province voisine du Kwilu. flèches et lançaient des sagaies. pour le CFL et un nouvel échec Les aviateurs des Nations Unies Selon les instructions reçues de pour l’ONUC. Les casques bleus irlandais furent fortement mar- qués par cette aventure et furent mutés à Kamina le 12 janvier pour prendre du repos. En janvier 1964, la révolte mulé- liste éclata au Kwilu. La mission catholique de Kilembe fut atta- quée et incendiée par les rebelles de . Trois mission- naires belges furent massacrés à coups de machettes et la nouvelle provoqua une émotion consi- dérable dans la capitale congo- laise. Des religieux appelèrent au secours et le pilote d’un avion privé de la Mission baptiste ca- nadienne signala par radio que les bâtiments de Kandale étaient en feu et que des missionnaires avaient agité désespérément les bras à son passage. A la demande des ambassades américaine, belge et des autorités ecclésiastiques, le Congo-1964 QG/ONUC à Léopoldville enga- Une des soeurs gea une partie de ses moyens sauvées au Kwilu

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 16 Léopoldville, les bérets bleus ne distance respectueuse, mais Dès qu’ils arrivaient au-dessus pouvaient faire usage de leurs l’atterrissage fut laborieux, car de la mission, deux des Sikorsky armes qu’en dernière limite, mais les maquisards avaient creusé restaient en vol stationnaire, cha- le sergent Jeppesen, qui était des- des trous dans le sol et l’appareil cun avec une équipe de protection cendu de l’appareil, aperçut trois bascula dans une excavation. Le bien armée, tandis que les autres sœurs qui se précipitaient hors pilote redressa l’hélicoptère et se se posaient sur un terrain dégagé d’haleine vers le salut, poursuivies posa plus loin, prêt à redécoller. Le pour embarquer les personnes par des partisans. Il ne pouvait capitaine von Bayer descendit du menacées. Le 30 janvier 1964, un rester sans réaction et il oublia Sikorsky et les deux missionnaires raid de sauvetage fut lancé sur les instructions pour arroser les belges réussirent à se défaire de Iwungu et le lendemain, un autre mulélistes avec son PM Gustavson. leurs liens et accoururent vers eux. eut lieu sur Ngoso en direction Il vida son chargeur, tandis que d’Idiofa, où la mission catholique Pendant ce temps, le lieutenant des flèches touchaient la carlingue était menacée. Glantz qui tournoyait dans le ciel, avec un bruit mat. Le casque Les bérets bleus bascula sur l’aile et plongea vers le bleu nigérian qui l’accompagnait repartirent pour Les trois Sikorsky H-19 et le DHC sol pour raser les têtes des assail- poussa un cri, blessé au bras par Kandale où ils Otter de l’ONUC bénéficièrent lants. Son rase-mottes déclencha un projectile. Les deux fugitifs découvrirent pour la première fois d’une es- une grêle de flèches et de lances, s’engouffrèrent dans l’appareil qui corte de la Force Aérienne Congo- et les sœurs catholiques eurent le redécolla immédiatement. un spectacle laise, composée de deux T-6 temps de sauter dans l’hélicoptère digne d’un film pilotés par des Cubains et armés qui reprit de l’altitude. Ils avaient Suite à une nouvelle aggravation d’horreur : de roquettes. Le grondement du eu chaud, mais les religieuses les de la situation, le QG/ONUC orga- les deux religieux moteur de Harvard en vol rasant supplièrent de retourner à la mis- nisa une deuxième opération au étaient attachés tenait les rebelles à distance et sion avec leurs appareils pour y Kwilu pour assurer le sauvetage à un poteau au permettait l’embarquement des chercher deux missionnaires qui des Occidentaux en danger. Elle milieu du terrain fugitifs. Lorsque l’opération “Jadex n’avaient pu s’enfuir. fut baptisée “Jadex One” d’après de football One” se termina le 4 février 1964, Les réservoirs des appareils se le nom du commandant en chef entourés de les hélicoptères des “Anges bleus” vidaient et il fallait retourner à la de la Force des Nations Unies au dizaines de avaient évacué 24 missions reli- base de ravitaillement pour faire le Congo, le brigadier général J.A. rebelles menaçants gieuses et sauvé 106 personnes plein. Au début de l’après-midi, les Dextrase, et placée sous le com- des griffes des mulélistes. bérets bleus repartirent pour Kan- mandement du lieutenant-colonel dale où ils découvrirent un spec- Mayer. Outre un Sikorsky endommagé, tacle digne d’un film d’horreur : un autre hélicoptère fut abandon- les deux religieux étaient attachés Deux C-47 des Nations Unies le né à Kisandji le 3 février, suite à à un poteau au milieu du terrain transportèrent avec son équipe des tirs de flèches qui percèrent de football de la mission entourés de radios canadiens et de sol- le réservoir. Le lieutenant brésilien de dizaines de rebelles menaçants. dats nigérians à Tshikapa, où Braga venait d’embarquer quatre cinq hélicoptères et deux avions sœurs lorsqu’il dut se poser sur Otter provenant d’Elisabethville une colline. Les flèches touchaient et de Luluabourg furent basés Il tenta de réparer l’appareil avec la carlingue avec un afin de poursuivre les missions le sergent Capela, mais les rebelles bruit mat de sauvetage. s’approchaient et ils embarquèrent Un des hélicoptères restait en avec les réfugiés dans les autres L’approche du Sikorsky en des- réserve pendant que les autres hélicoptères. L’appareil aban- cente stationnaire les tenait à se chargeaient des évacuations. donné sur place fut capturé par les partisans et complètement démantibulé.

En juin 1964, l’ONUC considéra que le but de sa mission était atteint et ses troupes rejoignirent Léopoldville avant de quitter le Congo. Le capitaine von Bayer fut félicité pour son action au Kwilu et fut décoré par les gouvernements belge et suédois.

■ Jean Pierre Sonck

Photos S. von Bayer Le salut vient du ciel

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 17 Histoire ONU soit qui mal y pense Katanga : le témoignage d’un témoin oculaire

’ai lu avec beaucoup d’inté- Lui seul le sait. Son héroïsme en Selon Rijkh Hye, le conseiller mili- rêt la traduction des mé- 1964 et celui des troupes qu’il com- taire de monsieur H., l’ONU ne moires de Stig von Bayer, mande tranchent nettement avec veut en aucune manière neutraliser officier suédois qui a servi la sauvagerie de celles de 1960 à les forces katangaises mais coo- dans les rangs de l’O.N.U 1963, œuvrant pourtant sous la pérer avec elles sous son contrôle J au Congo. Ses souvenirs couleur d’un même drapeau. pour maintenir l’ordre au Katanga. portent aussi sur la période civile Les conseillers de Tshombe de sa présence au Congo Belge considèrent cette manière de voir pendant son enfance. Le 17 juillet 1961, les 257 comme une atteinte aux principes Il insiste particulièrement sur l’inté- Suédois sont devenus 2.000 mêmes de l’Etat du cuivre. Mais rêt, voire la passion qu’il porte aux avaient-ils d’autres choix, sinon de armes à feu et au plaisir qu’il a Pourtant, moi, qui étais à Elisabeth- patienter ? Cette courte euphorie à s’en servir, prémices qui préfi- ville et au Katanga depuis 1950, n’illusionne guère les observateurs gurent sans doute ses dispositions j’ai cru le 12 août 1960 que tout avertis. pour une carrière militaire. espoir d’éviter un conflit n’était pas perdu. Quand, à cette date, Un élément dramatique de l’his- Le calibre des armes qu’il utilise monsieur Dag Hammarskjold, toire congolaise va peser lourd augmente parallèlement avec sa secrétaire général de l’O.N.U, ac- dans l’appareil anti-katangais. progression en âge : une Win- compagné de sa garde prétorienne Lumumba et ses comparses, aux chester 22 long à 12 ans pour composée de 257 casques bleus arrêts à Léopoldville, s’évadent la tirer les pintades en vol ! une suédois, débarque à l’aéroport de nuit du 27 au 28 novembre pour Winchester 9.3 mm à 14 ans La Luano à Elisabethville, il vient rejoindre Gisenga à Stanleyville. pour chasser le gros gibier ! un négocier avec Moïse Tshombe, le Rattrapés le 2 décembre par les sol- Carl Gustav de 84 mm à 19 ans ! président de l’Etat du Katanga. dats de l’A.N.C. de Mobutu, ils sont Quand Mr H. dans un geste habile transférés à Elisabethville contre La jeunesse et la vie de Stig von et diplomatique, immortalisé par l’avis de conseillers européens de Bayer nous sont racontées par ail- Les casques une photo historique qui fera le Tshombe, où ils seront assassinés. leurs dans l’article de Jean-Pierre bleus de l’O.N.U. tour du monde, s’incline devant le La responsabilité du drame qui a Sonck – Les casques bleus face aux et ses dirigeants drapeau rouge, vert et blanc avec fait couler beaucoup d’encre est rebelles. se sont conduits croisettes, la réaction des Katan- imputée aux dirigeants katangais au Katanga de gais à son encontre est plus que et à ceux qui les encadrent. Les Cette page d’histoire d’un officier manière immonde. courtoise. Or, vous le savez aussi soldats suédois sont restés sans ré- de l’ONUC est captivante à plus Loin d’être des comme moi, capitaine von Bayer, action apparente face à la tragédie d’un point de vue, mais elle me anges bleus, monsieur H. veut seulement obte- mais sur le terrain diplomatique, laisse personnellement un goût ces hordes nir de Tshombe le déploiement des le ton monte. de trop peu. Sur sa présence au casques bleus au Katanga. Le 26 août 1961, Tshombe refuse Congo entre fin 1960 et janvier puissamment Pour arriver à ses fins, il promet l’ultimatum de l’ONU l’enfreignant 1964, notre héros est muet sur armées, ce jour-là tout et à tous y compris de se rendre à Léopoldville et de ses activités militaires. sans foi ni loi, la neutralité de ses troupes dans faire allégeance au gouvernement sont coupables de le conflit qui oppose Elisabethville central, le menaçant en cas de J’espère ne pas manquer de tact crimes odieux à Léopoldville. refus d’une intervention militaire en constatant que c’est au cours de Mine de rien, une semaine plus afin de désarmer la gendarmerie cette longue période de trois ans tard, les 1.700 paras belges pré- katangaise. Le 27 août, un bataillon que les casques bleus de l’O.N.U. sents au Katanga depuis le 17 juillet de troupes indiennes débarque à et ses dirigeants se sont conduits ont regagné la métropole et les Elisabethville. Le 28 août, l’ONU au Katanga de manière immonde. 257 Suédois sont devenus 2.000. neutralise la poste et la radio, cap- Loin d’être des anges bleus comme Dans un premier temps ces Sué- ture le personnel européen de les qualifiait Stig en 1964, dans ses dois se comportent discrètement l’aviation katangaise, les Gurkhas mémoires, ces hordes puissam- et certains fraternisent même avec se répandent en ville et arrêtent les ment armées sans foi ni loi sont Belges et Congolais. Quelques-uns européens à l’allure jugée belliciste. coupables de crimes odieux, et no- parmi les gradés suédois vont A midi, O’Brien et Tombelaine tamment sur des civils innocents, même se détendre en compagnie annoncent à la presse mondiale noirs et blancs. Est-ce la honte de de gentes Katangaises, au Miami, le succès de leur opération “Rum- ces horreurs qui est la cause du une des rares boites de nuit de la punch” et décident de consolider mutisme du capitaine von Bayer ? ville encore en activité. leur victoire par une nouvelle inter-

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 18 vention baptisée “Morthor” (coup Il sera confirmé par un accord de massue). définitif le 13 octobre. Ils chargent l’un des leurs, le Le 13 septembre, les Gurkhas se docteur T. Vleurinck de diffuser ruent à l’assaut des positions katan- Hélas, la situation se complique leurs témoignages irréfutables et gaises appuyés par des blindés. extra muros. L’ANC veut envahir d’accusations irrémissibles des Du toit de la poste, ils mitraillent le Katanga au départ du Kasaï. La exactions de l’ONU en les ras- tout ce qui passe à leur portée, y gendarmerie katangaise, épaulée semblant dans un petit livre lar- compris les civils, les ambulances par des colons de la région, arrête gement illustré que Paul Struye, de la Croix-Rouge, massacrent les la tentative de l’ANC à Kaniama. président du Sénat, accepte de policiers de garde devant la radio L’armée de Gisenga tente d’envahir préfacer. et les ambassades et investissent le Nord-Katanga. La gendarmerie la clinique Elisabeth. et les mercenaires résistent mais Outre l’historique des assassinats la guerre est atroce. perpétrés, un bilan du nombre O’Brien et Tombelaine clament la Le 11 novembre, les soldats de des victimes, les dénonciations victoire totale des casques bleus et Gisenga se trompent de cible et nominatives des viols et autres annoncent la fin de la sécession arrêtent les pilotes italiens de deux cruautés, les abus de confiance, katangaise. C-119 de l’ONU qu’ils prennent la description des bombarde- pour des mercenaires. Ils les ments des hôpitaux, cliniques Pasopo ! Les Katangais se ressai- massacrent, les dépècent et les et maternités, le mitraillage des sissent et via une radio Katanga- mangent. Aujourd’hui, ambulances et de leur personnel libre, une voix connue appelle L’ONU se contente d’adresser une nous sommes volontaire, figurent aussi les noms à la riposte. Elle ne se fait pas protestation au colonel Pakassa qui plusieurs à des responsables de l’ONU, du attendre et la réplique est menée explique que ses troupes ne lui souhaiter sort réservé aux 5.000 Balubas avec vigueur, tant et si bien que de obéissent plus. saluer la mémoire parqués dans un camp dénommé Léopoldville, monsieur H. presse Et c’est avec la complicité de l’ONU des nombreux sinistrement Onuville. O’Brien de rencontrer Tshombe que ces hordes s’emparent d’Albert- compatriotes, pour mendier un cessez-le-feu. Le petit livre comprend la liste ville. Le second round se prépare, blancs et noirs, monsieur H. doit aussi faire face il sera terriblement meurtrier. des 46 médecins signataires qui à l’indignation et aux demandes disparus au rédigent non seulement un S.O.S d’explications du monde occidental Malgré l’accord de cessez-le-feu Katanga au cours poignant mais aussi un réquisi- informé du comportement crimi- obtenu le 13 octobre 1961, l’ONU d’une tragédie toire contre les abus inquali- nel de ses troupes, aux exactions double les effectifs au Katanga : innommable fiables des soldats de la paix. et dégradations commises et aux 6.000 hommes, surtout des In- nombreuses victimes noires et diens, cinq chasseurs bombardiers En clôture du livret sont men- blanches confondues dans l’héca- suédois, plusieurs Canberra, trois tionnés les contenus intégraux tombe. chasseurs éthiopiens. des trente télégrammes de pro- testations et d’appels à l’ordre Le secrétaire général Cette deuxième guerre menée par envoyés aux différentes instances de l’ONU ne rencontrera l’ONU au Katanga le 5 décembre politiques, juridiques, religieuses jamais Tshombe à Ndola 1961 écœure les plus insensibles, et autres du monde entier. Inti- tant s’accumulent les atrocités. La tulé “46 Hommes en colère”, ce Le 16 septembre, Tshombe fait bestialité des Ethiopiens, soldats recueil de témoignages du Dr T. savoir à O’Brien qu’il accepte de d’un bataillon disciplinaire, va Vleurinck a été publié par l’auteur discuter les conditions d’un cessez- connaître des sommets de bar- en français, anglais et espagnol et le-feu, mais en terrain neutre en barie. est officieusement “non autorisé” Rhodésie. Le prétentieux irlandais Pas seulement eux, capitaine Stig ! en Belgique et en Europe. refuse. Irrité par l’attitude de son Les pilotes suédois et indiens subordonné, monsieur H. décide vont bombarder et mitrailler des Il dérangeait sans doute le monde de rencontrer lui-même Tshombe objectifs civils, écoles, hôpitaux, diplomatique de l’époque. Au- à Ndola. infrastructures privées et convois jourd’hui, plus d’un demi-siècle Hélas, il n’arrivera jamais au ren- de chemin de fer. après les tristes événements du dez-vous, le DC6 suédois du secré- Katanga, nous sommes plusieurs taire général va s’écraser dans la Les viols, les vols, les assassinats de notre association “Mémoires du savane boisée proche de Ndola, ne se comptent plus. Ecœurés, Congo”, à souhaiter l’édition de ce dans la nuit du 17 au 18 septembre 46 médecins d’Elisabethville qui compte-rendu historique et saluer 1961. vivent journellement cette bou- ainsi la mémoire de nombreux Après de longues heures de pour- cherie décident de dénoncer ces compatriotes blancs et noirs dis- parlers difficiles entre Tshombe et crimes contre l’humanité et de parus au Katanga au cours d’une le Tunisien Khiari, qui remplace H., porter plainte contre l’ONU en la tragédie innommable. un accord de cessez-le-feu provi- personne de ses dirigeants res- soire aboutit le 20 septembre. ponsables. ■ Paul Roquet

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 19 Commémoration Tabora Journée nationale d’hommage à l’étendard e 19 septembre 2013, cié cette année, pour la première l’UROME (Union Royale Belge comme chaque année, fois, à cette journée du souvenir pour l’Outremer) et de l’URCB l’Union Royale des Fra- en déposant des fleurs au pied (Union Royale des Congolais de ternelles Coloniales des trois monuments. Une assistance Belgique). – URFRACOL – et le Grâce à une campagne de presse Dans le cadre de sa contribu- cinq fois plus CercleL Royal des Anciens Offi- soigneusement orchestrée par tion au devoir de mémoire ciers des Campagnes d’Afrique – l’UROME, une assistance cinq nombreuse concernant la première guerre CRAOCA – ont organisé conjoin- fois plus nombreuse que les que les années mondiale, la revue “Mémoires tement un hommage au drapeau années précédentes a entouré précédentes a du Congo” reviendra dans son de Tabora. l’étendard de Tabora, sorti pour entouré l’étendard numéro de septembre 2016, sur Les participants se sont recueil- l’occasion du Musée Royal de l’Ar- de Tabora la bataille de Tabora, et propo- lis successivement devant le mo- mée et escorté par un détache- sera un article fouillé sur ce haut nument au général Tombeur à ment de l’Ecole Royale Militaire fait d’armes de l’histoire militaire Saint-Gilles, devant le monument en tenue de gala ainsi que par coloniale. du Congo au parc du Cinquante- deux trompettes de la Musique naire, devant les plaques commé- Royale des Guides. Une douzaine ■ Chantal Schaller moratives (situées dans l’enceinte de drapeaux d’associations avait de l’ERM) des officiers de l’Ecole également répondu à l’appel : Photos : Miroye Kizamie, Royale Militaire morts en Afrique parmi eux celui de l’ARAAOM et Fernand Hessel ainsi qu’au monument des cam- (Association Royale des Anciens L’étendard de Tabora, conservé au Musée Royal pagnes d’Afrique à Schaerbeek. d’Afrique et de l’Outre-Mer), de de l’Armée, escorté ce 19 septembre 2013 par un “Mémoires du Congo” s’est asso- l’URFRACOL, du CRAOCA, de détachement de l’Ecole Royale Militaire

Détail du monument des Campagnes d’Afrique, square François Riga à Schaerbeek (Bruxelles)

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 20 Le monument au lieutenant-général baron Tombeur de Tabora n monument et un Elisabethville sortait à peine de buste en bronze, terre, il commanda la Force pu- œuvre du sculpteur blique de 1915 à 1916, époque Jacques Marin, a été à laquelle il mena la campagne Uérigé en 1951 à la mémoire qui le conduisit à la prise de du lieutenant-général baron Tabora, le 19 septembre 1916. Charles Tombeur de Tabora Nommé vice-gouverneur du (1867-1947) à Saint-Gilles, ave- Congo Belge en 1917, il devint nue de la Reine. administrateur-général du Ka- Le général Tombeur a été ano- tanga de 1918 à 1920. bli en 1926 par le roi Albert 1er A son retour en Belgique, en hommage à la victoire de la il continua à se dévouer à Force publique à la bataille de l’œuvre belge au Congo, en Tabora (l’actuelle Tanzanie), la assumant la présidence de première grande victoire alliée, l’Union Coloniale Belge et du remportée en 1916 contre les Cercle Royal Africain (toujours troupes allemandes en Afrique actif et dénommé, aujourd’hui Orientale Allemande. Cercle Royal Africain et de Après un début de carrière l’Outre-Mer). Il a toujours dans l’Etat Indépendant du voulu défendre le fait que la Congo où il fut notamment Belgique, en acceptant d’assu- commissaire de district de mer l’administration du Congo l’Uele, Charles Tombeur de- en 1908, se devait de respec- vient officier d’ordonnance du ter les obligations qu’elle avait roi Albert 1er de 1909 à 1912. ainsi contractées vis-à-vis des Inspecteur d’Etat et administra- populations autochtones. A teur de la province du Katanga sa mort, le pays lui offrit des en 1912 et 1914 à l’époque où funérailles nationales.

Une assistance nombreuse à la cérémonie d’hommage au monument de Saint-Gilles (Bruxelles)

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 21 Commémoration Tabora, journée nationale d’hommage à l’étendard

Le monument du Cinquantenaire, dédié aux Pionniers euvre de Thomas soldats vers un personnage Vinçotte, située dans barbu (sans doute Léopold II). le parc du Cinquan- On se doit une attention par- tenaire, le monument ticulière à l’inscription située duO Congo trouve son origine, à à gauche du monument “l’hé- la mort du roi Léopold II, dans roïsme militaire belge anéantit le désir de rendre hommage à l’arabe esclavagiste” qui illustre la l’œuvre civilisatrice des premiers campagne du baron Dhanis et la colons belges au Congo, et plus lutte de très nombreux Belges et L’allocution du Général Claude Paelinck, particulièrement aux pionniers Congolais pour éradiquer l’escla- président du CRAOCA, tombés au Congo pendant les vagisme sévissant dans l’Est du au monument campagnes anti-esclavagistes. Congo et dans le Sud du Soudan. aux Pionniers La construction de ce monu- Cette inscription choque certains ment, financée par l’Etat, la esprits actuels qui la jugent trop Ville de Bruxelles et par une colonialiste. souscription nationale, débuta Elle est régulièrement vandali- en 1912 pour s’achever en 1921 sée, le mot “arabe” ayant été à Dépôt de fleurs par à cause de la première guerre plusieurs reprises effacé de la André de Maere d’Aertrycke et mondiale mais aussi du fait de la pierre. Aussi le CRAOCA s’est- André Schorochoff, santé chancelante du sculpteur. il lancé dans une campagne président et vice- Plusieurs allégories rehaussent de sensibilisation des autorités président de l’UROME, l’ensemble : celle d’un homme contre ces déprédations et a au Monument du alangui et d’un crocodile qui pris contact, tant avec le pou- Cinquantenaire représentent le fleuve Congo; voir politique qu’avec les diri- celle de la race noire accueillie geants de la Grande Mosquée par la Belgique, symbolisée par de Bruxelles pour obtenir un une femme assise tenant un geste de réparation et resituer le flambeau et ouvrant son voile contexte historique dans lequel il à une Africaine qui lui présente faut replacer la phrase. Dans un L’hommage de l’ASBL son enfant; ou encore ce bas- premier temps, le directeur de la Mémoires du Congo, relief intitulé “les explorateurs”, Mosquée a affirmé son soutien représentée par Chantal Schaller, montrant des Africains conduits en vue du respect du patrimoine au monument aux par des missionnaires et des national par ses coreligionnaires. Pionniers

Cérémonie d’hommage au monument aux Pionniers au Parc du Cinquantenaire

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 22 Le monument des Campagnes d’Afrique, à Schaerbeek ace à l’église d’Helmet, d’Abyssinie et l’Union des au square François Riga, Fraternelles des Corps expé- Philippe Jacquij, président de se dresse depuis 1970, ditionnaires du Congo Belge l’URFRACOL, et le monument dédié (Madagascar, Nigérie, Moyen- Madame Vander Auwera, Faux troupes africaines qui ont Orient et Birmanie). veuve du dernier Belge combattu entre 1885 et 1960. A noter qu’un ouvrage très de l’hôpital Thomas Œuvre du sculpteur belge Willy semblable à celui de Bruxelles, en Birmanie Kreitz, il représente un soldat a été inauguré à Kinshasa en congolais coiffé de la chéchia 2005. de la Force Publique et un René Lachapelle, officier colonial belge, réunis vice-président du par deux mains symbolisant Cercle Royal Africain et de la fraternité belgo-congolaise. l’Outre-Mer

Les mentions aux batailles de Bernard Guillaume, Redjaf (1890-1898), Tabora échevin de l’Etat Civil (1914-1918) et Saïo (1940-1945) de la Commune de complètent la symbolique de Schaerbeek l’œuvre au dos de laquelle on peut lire un extrait du discours Le monument des d’indépendance prononcé par Campagnes d’Afrique à le roi Baudouin en 1960 : “Je Schaerbeek (Bruxelles) tiens à rendre ici un particulier hommage à la Force Publique qui a accompli sa lourde mis- sion avec un courage et un dévouement sans défaillance”. Ce monument a été érigé à l’ini- tiative de l’URFRACOL, consti- tuée en 1958 par la fusion de deux fraternelles issues de la seconde guerre mondiale : Les Anciens de la Campagne

Cérémonie d’hommage aux troupes coloniales au square François Riga

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 23 Balabala – Le Congo dans nos villes

Mémoires du Congo proposera désormais dans chacun de ses numéros, une rubrique permanente consacrée aux rues de Belgique qui doivent leur nom à l’une ou l’autre des gloires de la colonie. Tant à Bruxelles que dans la plupart des villes du pays, ces rues demeurent un témoignage vivant et permanent de l’histoire du Congo Belge. Et elles sont si nombreuses qu’il y a fort à parier que notre revue n’arrivera probablement jamais à en faire le tour. Pour inaugurer cette nouvelle rubrique, Mémoires du Congo a choisi de parler de celui qui a donné son nom à un boulevard de Schaerbeek, probablement l’un des plus connus de la capitale, tant par ses célèbres embouteillages que par la portée historique de son nom, le plus prestigieux de l’Etat Indépendant du Congo. ■ CS Le Gouverneur général baron qui a donné son nom au boulevard Wahis

n de nos “Grands fille du roi Léopold Ier, Impéra- Africains” : sa car- trice du Mexique, dont le trône rière coloniale se trouvait menacé. Sans hésiter, couvre pratiquement Il se distingua au Wahis s’inscrivit comme volon- toute l’histoire de point qu’il fut le taire dans la légion mexicaine. l’Etat Indépendant du Congo. U seul lieutenant à Pendant deux ans, il y prit part C’est en effet le 18 mars 1891, à une guerre farouche, sous qu’après quelques mois de être cité à un climat qui rappelle celui de stage à l’administration cen- l’Ordre du Jour de certaines régions insalubres trale de l’Etat Indépendant du l’armée française, du Congo. Il s’y distingua au Congo, le major Théophile par le Maréchal point qu’il fut le seul lieutenant Wahis s’embarqua à Anvers, Bazaine à être cité à l’Ordre du Jour de sur le Lualaba pour rejoindre l’armée française, par le Maré- Boma, alors capitale de l’E.I.C., chal Bazaine et qu’il mérita la en qualité de Vice-Gouverneur croix de chevalier de l’Ordre Général. Léopold II avait tout de de la Guadeloupe, ainsi que le suite discerné en lui les aptitudes Mérite Militaire de Maximilien. au haut commandement. Dès le 1er juillet 1892, il lui confiera Dans une de ses lettres, le colo- les fonctions de Gouverneur Le Lieutenant nel van der Smissen écrivit que Général. Général Baron Wahis le lieutenant Wahis avait déployé en habit de cour Il avait déjà une brillante car- (Coll. Christiane Wahis) “une bravoure chevaleresque”. rière militaire à son actif. Fils et On sait la fin tragique de l’aven- neveu d’officier, Wahis était en ture du Mexique. Ce fut sans quelque sorte voué au métier aucun doute avec un sentiment des armes. Né à Menin le 27 de mélancolie qu’en décembre avril 1844, il entra à l’âge de 1866, Wahis reprit le chemin 16 ans, après avoir terminé ses du pays. humanités, à l’école régimentaire du 11e Régiment de Ligne et fut Pendant vingt-cinq ans, il va y admis le 29 novembre 1861 à poursuivre une brillante carrière l’Ecole Militaire. militaire. Dès son retour, il est désigné pour le Régiment des Nommé sous-lieutenant, il Grenadiers, auquel il marquera commença sa carrière par une toujours son attachement. Il y glorieuse aventure : sous la conquiert tous ses grades, sous conduite d’un grand soldat, le le commandement du colonel colonel baron van der Smissen, van der Smissen, dont en 1875 il un corps expéditionnaire s’était deviendra l’aide de camp, après organisé fin 1864 pour défendre sa sortie de l’Ecole de Guerre une princesse belge, Charlotte, Photo Guy de Bonnay avec le brevet d’état-major.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 24 Mais voici qu’en 1890, une nou- mières colonies scolaires pour adaptée à l’environnement où velle aventure se présente. Le enfants africains, de la régle- elle fonctionnait, à la mentalité Congo a besoin d’hommes et mentation du trafic d’armes et des autochtones qui la compo- désormais, le major Wahis met- créera la police administrative. saient et dont elle mettait si bien tra au service de Léopold II, tout A Kinshasa, il établit le premier en valeur les qualités militaires son courage et son énergie, aux- camp d’instruction militaire. innées. quels s’ajoutent maintenant sa C’est en compagnie de sa femme Son troisième terme (9 mois maturité d’esprit et son expé- et de son fils ainé – fait rarissime en 1896) et le quatrième, d’un rience des gens et des choses. à cette époque, – qu’il effectua Il parvient à créer an en 1900, furent consacrés Avant lui, ses prédécesseurs son deuxième terme au Congo de toutes pièces principalement à l’inspection s’étaient succédé rapidement à (1893-1895). Il prit alors la route une véritable générale des infrastructures de la tête du Congo. des caravanes pour aller inspec- armée congolaise l’Etat, chemins de fer, pool et ter le chantier du rail Matadi- sous le vocable voies navigables qui le menèrent Léopoldville. choisi par le notamment dans la région de La Force Publique fut son C’est alors que pour consolider Roi et selon les l’Equateur, chez les Bangalas, œuvre personnelle l’occupation du territoire, il créa dans l’Itimbiri et jusqu’aux zones la Force Publique. Ce fut son idées maitresses contrôlées par les Arabes. Dans le nouveau Gouverneur œuvre personnelle, même s’il en de celui-ci, qui Enfin, sa cinquième mission Général, Léopold II a mainte- avait discuté les principes avec portaient sur toutes (14 mois 1905-1906) fut mar- nant enfin découvert l’homme Léopold II. Il parvint à créer les modalités de quée par des préoccupations qu’il lui fallait. Dès lors la stabilité ainsi de toutes pièces une véri- son organisation humanitaires au plus fort de la règnera dans le fonctionnement table armée congolaise sous le campagne anti-congolaise. du gouvernement local, que vocable choisi par le Roi et selon Il fut vivement affecté lorsque, Wahis dirigera sans interruption les idées maitresses de celui- à la fin de l’Etat Indépendant jusqu’à la reprise du Congo par ci, qui portaient sur toutes les du Congo, les adversaires de la Belgique en 1908, devenant modalités de son organisation; Léopold II accusèrent l’Adminis- ensuite le premier Gouverneur recrutement, instruction, édu- tration congolaise de cruautés général du Congo Belge, jusqu’à cation des enfants de la troupe, envers les Noirs. Il rappela avec sa retraite en 1912. logement des familles des mili- insistance que, dès son entrée Cinq fois de suite, le Gouverneur taires, intendance et logistique. en charge, par une circulaire du Général Wahis prendra la route La suite allait montrer que l’orga- 12 décembre 1891, c’est-à-dire du Congo. nisation nouvelle instaurée par bien avant la campagne anti- Pendant son premier terme le Gouverneur Général Wahis congolaise, il avait formellement (1981-1892), il s’occupa notam- donna les meilleurs résultats, du Boulevard interdit l’emploi de mesures vio- ment de l’organisation des pre- fait qu’elle était admirablement Général Wahis lentes inutiles contre les villages Photo Guy de Bonnay

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 25 Balabala – Le Congo dans nos villes révoltés. Sans doute il n’eût pas furent mises en péril par des eux, parce qu’il croyait qu’après été un soldat s’il n’avait exigé la accusations lancées tant à l’étran- quarante ans, on ne pouvait soumission des natifs à l’autorité, ger qu’en Belgique, il reprit la conserver grande vigueur dans mais il n’autorisait les répres- route de l’intérieur et entreprit ce pays-ci et qu’il voit bien, par sions énergiques que “lorsque une vaste enquête, afin de ren- la résistance que je montre, que tous les moyens de conciliation seigner son souverain sur la sa carrière n’est pas finie dans se trouvaient épuisés”. valeur de ces accusations. l’Uélé. Je suis heureux de l’encou- Une autre circulaire de 1895 ragement que ma santé et mes répétait et précisait ces instruc- Dès qu’un devoir lui paraissait 61 ans largement passés peuvent tions, notamment comme suit. s’imposer, aucune considéra- donner à ces bons religieux.” “Ce n’est pas par des vexations tion de convenance personnelle qu’on obtient des soumissions ; n’existait à ses yeux. Dans une L’œuvre accomplie par le Gou- on ne fait, au contraire, qu’entre- lettre du 11 février 1906, qu’à verneur Général Wahis a touché tenir des inimitiés... Le gouver- son retour du Haut-Congo il aux domaines les plus divers, nement ne se dissimule pas que écrivait au Roi, il disait : “Votre tels que l’organisation des chef- des répressions énergiques sont Majesté exprimant l’opinion que feries indigènes, le développe- parfois nécessaires, mais il es- ma présence au Congo continue ment de l’agriculture, l’hygiène time qu’il ne faut y recourir que à être utile, je retarderai le plus et la santé publique par la lutte de façon exceptionnelle et alors possible mon départ. Ma santé contre les maladies et particu- seulement que tous les moyens reste bonne, condition indis- lièrement contre la maladie du de conciliation ont été épuisés... pensable pour bien diriger les sommeil, l’enseignement avec Les femmes et les enfants de- affaires ici, où il faut encore la création de colonies scolaires vront toujours être respectés, plus qu’ailleurs donner le bon etc. ainsi que la propriété particu- Instinctivement, exemple”. Wahis qui avait une lière... Les opérations doivent tout fonctionnaire, santé de fer et n’a jamais pris Avec l’âge son prestige était de- être menées de manière à ce et même tout de quinine pour se prémunir venu immense au Congo. Ins- que les vrais coupables soient non-fonctionnaire, contre la malaria, ajoutait avec tinctivement, tout fonctionnaire, seuls atteints.” se mettait au humour : “Le supérieur des et même tout non-fonctionnaire, garde-à-vous Prémontrés m’écrit que je suis se mettait au garde-à-vous de- L’idée maitresse de son adminis- devant ce un grand encouragement pour vant ce Gouverneur Général de tration a toujours été la protec- Gouverneur tion des indigènes qui s’étaient Général soumis aux lois de l’Etat. Il n’hé- sitait jamais à sévir durement de grande allure, contre ceux qui n’observaient qui vous toisait pas ces instructions “quelles que du haut de ses puissent être les conséquences sourcils olympiens graves” que son action dût en- trainer pour les coupables.

Wahis n’était ni un gouverneur de parade ni un gouverneur sédentaire. Lorsqu’il s’agissait de réaliser les grands desseins de Léopold II, il n’hésitait pas à quitter sa capitale et à passer plusieurs mois dans le Haut-Congo pour s’assurer de l’exécution des instructions royales. C’est ainsi qu’il joua un rôle Théophile Wahis de premier ordre dans l’orga- et sa femme Alix de nisation de ces expéditions Rossius de Bouillon lointaines qui tenaient tant à Marie Henriette Wahis Théophile Wahis cœur au Roi-Souverain. Il tenait Louise Wahis notamment à en surveiller per- Anne‐Marie Wahis sonnellement et minutieusement Fernand Wahis le ravitaillement en hommes et en matériel. De même, quand, plus tard, lorsque la réputation et l’existence même de l’Etat

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 26 grande allure, qui vous toisait du Dix ans plus tard, une lettre “Je tiens à adresser ici un cha- haut de ses sourcils olympiens et du 10 janvier 1906 montre que leureux souvenir, plein de res- qui, à l’occasion, vous décochait les sentiments du Roi vis-à-vis pect profond, à celui que nous un de ces traits à l’emporte-pièce de son Gouverneur Général avons connu si longtemps à dont il avait le secret. restent les mêmes : “ ... J’ai été notre tête et qui, au cours de sa Car, exigeant envers lui-même, très heureux d’avoir pu signer longue carrière africaine, sut il avait le droit d’être exigeant votre nomination de lieutenant- mettre au service du rôle dont il vis-à-vis des autres. S’il tenait en général et de vous réserver la fut investi de remarquables qua- haute estime les réalisateurs, il division de Bruxelles. Le gouver- Le Roi écrit lités d’administrateur, un sens détestait cordialement ceux qu’il nement belge ne s’attend pas à d’Ostende : exact des réalités présentes, une appelait les prétentieux et les vous voir de ce chef hâter votre “Cher Monsieur énergie et une fermeté s’alliant paresseux. retour du Congo. Ne doutez pas Wahis, je vous à une bonté qui savait se faire du plaisir que j’aurai à vous voir remercie bien paternelle tant vis-à-vis de ses La longue durée du comman- revenir, mais augmentez, en sincèrement de subordonnés que vis-à-vis des dement que Wahis exerça au restant le plus longtemps pos- vos bons services, natifs. Il étendit toujours sur eux Congo ne s’expliquerait pas si, sible au Congo, vos titres à ma sa vigilante protection tutélaire constamment, il n’avait vécu en gratitude”. de l’activité et de et c’est en chevalier sans peur pleine communauté d’idées avec la sagesse avec et sans reproche qu’il accomplit le Roi-Souverain. Comme bien on pense, la cor- lesquelles vous son difficile devoir.” Léopold II lui témoigna toujours respondance particulière qui administrez en la plus entière confiance, son s’engagea entre le Roi-Souverain Afrique Chevalier sans peur et sans estime et sa reconnaissance. et le Gouverneur Général n’avait l’Etat reproche ! Il entretint avec lui des rapports pas exclusivement pour but un Indépendant” En 1869 le général baron van très amicaux. La preuve nous échange de compliments. der Smissen parlait de la “bra- en est donnée par la correspon- Le Roi tenait à mettre son Gou- voure chevaleresque” du jeune dance échangée entre le Roi et verneur Général entièrement au sous-lieutenant Wahis. Nous le Gouverneur Général. courant des buts qu’il poursuivait resterons sur cette impression, au Congo et, ce faisant, il insistait conclut le Procureur général Dès le début, le 30 septembre sur des points qu’il ne pouvait Dellicour dans la biographie 1891, le Roi écrit d’Ostende : confier au courrier officiel. La qu’il lui a consacrée : “Cher Monsieur Wahis, je vous correspondance est caractéris- “Toute sa vie, Wahis a été le remercie bien sincèrement de tique à un autre égard : elle nous preux chevalier du Devoir, le vos bons services, de l’activité permet d’apprécier la minutie et chevalier de la Dynastie”. et de la sagesse avec lesquelles la clairvoyance du grand Roi. vous administrez en Afrique De son château de Laeken ou ■ André de Maere d’Aertrycke l’Etat Indépendant”. du pavillon d’Ostende, pas un Administrateur détail ne lui échappe. de Territoire Hre Le 4 mai 1892, une distinction honorifique lui est annoncée en Cette correspondance se pour- ces termes : “Je me suis accordé suit jusqu’aux dernières années la satisfaction de vous conférer de l’Etat Indépendant. A partir la Croix de Chevalier de l’Etoile de la mort de Léopold II, le Gou- Africaine. C’est la première fois verneur Général Wahis s’efface. qu’elle est accordée à un person- Sans doute reste-t-il le Gouver- nage au service de l’Etat Indé- neur Général du Congo jusqu’en pendant”. 1912. Mais une autre époque Ce texte montre la particulière commence. Le Roi Souverain a importance que le Roi-Souve- disparu. L’Etat Indépendant du Sources : rain attachait à l’Ordre. Il tint Congo est devenu la Colonie F. Dellicour – Biographie à se réserver personnellement du Congo Belge, sous contrôle Coloniale Belge. et à réserver à ses successeurs parlementaire, ministériel et... Pierre-Luc Plasma, Professeur la charge de Grand Maître de bureaucratique. Assurément, UCL Académie Royale des l’Ordre. Une lettre du 6 février Wahis n’appartient pas à cette Sciences d’Outremer in 1897 débute comme suit : “Cher période. Wahis (Théophile), Notice Monsieur Wahis, j’ai attendu la Il n’était cependant pas oublié biographique nouvelle de votre retour à Boma des anciens. Il lut avec émotion pour vous écrire, pour vous re- et fierté le discours que son suc- Archives familiales Wahis mercier de la tournée que vous cesseur, le Gouverneur Général (aimablement communiquées avez faite dans l’Etat, qui a été Fuchs, prononça à Boma le 14 par Christine Gaillard, arrière- très utile, et pour vous offrir mes février 1913 et dans lequel il petite-fille du Lt-Général vœux pour 1897”. trouva le passage suivant : baron Wahis)

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 27 Mémorial Bwana Kitoko à Elisabethville e hasard de docu- nouvelle église dédiée à Sainte ments retrouvés Marie de l’Assomption, en pré- dans des archives sence du vicaire apostolique du familiales nous per- Haut Katanga. met de découvrir l’iti- Lnéraire officiel emprunté par le Il avait également eu l’oppor- roi Baudouin lors de sa visite à tunité de rendre visite à une Elisabethville en mai 1955. maternité construite pour les travailleurs noirs (et leur famille) Le périple de 10.000 km à travers de l’Union-Minière du Haut-Ka- le Congo et le Ruanda-Urundi tanga ainsi qu’à la base militaire l’avait notamment conduit à de Kamina. Elisabethville où il présida à la ■ CS pose de la première pierre d’une

Documents T. Dutry

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 28 Associations - Calendrier 2014

Tableau des rencontres des cercles d’anciens d’Outre-mer.

Ce calendrier annuel est ouvert à toutes les associations belges d’anciens d’outre-mer, de droit comme de fait, sur simple coup de fil. Contact : 0496 20 25 70

2014 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc. AFAC (Association des anciens fonctionnaires et agents du Congo : 02 511 02 63 AFRIKAGETUIGENISSEN : [email protected] AKIMA (Amicale des anciens du Kivu, du Maniema et d’Albertville) : 02 375 12.42 AMI-FP-VRIEND (Anciens de la Force publique) West-Vlaanderen : 050 31 14 99 6-E ANCIENS DU KATANGA Liège : 0473 52 84 68 31-J AP RF KDL (Amicale des pensionnés des réseaux ferroviaires Katanga-Dilolo-Léopoldville) : 04 253 06 47 ARAAOM (Assoc. royale des anciens d’Afrique et d’outre-mer de Liège) : 04 867 41 94 23-AB 28-L 23-E 14-D ARR64 (Amicale des rescapés de la rébellion de 64) : 0494 47 64 27 ASAOM (Amicale spadoise des anciens d’outre-mer de Spa) : 0477 75 61 49 16-B 2-M 29-E 28-L CONGORUDI (Association royaledes anciens du Congo belge et du Ruanda-Urundi) : 02 511 27 50 CRAA (Cercle royal africain des Ardennes de Vielsalm) : 080 21 40 86 22-A 15-E 6-D CRAOCA (Cercle royal des anciens officiers des campagnes d’Afrique) : 0494 60 25 65 CRNAA (Cercle royal namurois des Anciens d’Afrique) : 061 260 069 5-B EBENE (Les Bomatraciens et les amis du Bas-Fleune) : 02 772 02 11 IMJ (Anciennes de l’institut Marie-José) : 02 644 96 84 KKVL (Koninkelijke koloniale vereniging van Limburg) : 011 22 16 09 MDC (Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi) : 02 649 98 4811 11-K 11-K 13-K 10-K 14-K 18-K 9-K MUTOTO de BUKAVU : 084 31 46 30 NIAMBO : 02 375 27 31 SIMBA (Société d’initiatives montoises des Belges d’Afrique : 0475 42 25 29 UROME (Union royale belge pour les pays d’outre-mer) : www.urome.be VÎS PALETOTS (Association du personnel d’Afrique de l’UMHK) : 02 354 83 31

CODES : A = assemblée générale. B = moambe. C = choucroute. D = bonana. E = journée du souvenir. F = coin des gastronomes. G = cocktail. H = fête de la rentrée. J = rencontre annuelle. K = projections. L = déjeuner d’automne. M = déjeuner de printemps. N = fête anniversaire. P = visite culturelle.

Mémoires du Congo : activités du premier semestre 2014 Dans le bâtiment annexe du Musée de Tervuren (bâtiment Prix à payer sur place : 25 euros. Moambe : 20 euros + part. à CAPA) environ 200 mètres à droite la location de la salle : 5 euros. en venant de Bruxelles, après les 3 bâtiments principaux Le café est actuellement distribué par le propriétaire de la salle du musée et le parking de l’éléphant. et payé séparément. Adresse : Leuvensesteenweg 17, Tervuren. Votre paiement sur notre compte IBAN : BE45 3630 0269 e Auditorium au 3 étage. Le parcours sera fléché. 1889 - BIC : BBRUBEBB, fait office de réservation. Accueil dès 9H30. Interruption de 12H00 à 14H00 : moambe Tél. : 02 649 98 48 (uniquement pour des renseignements à la cafétéria. et des annulations). Mardi 11/02 Mardi 11/03 10H00 : Le Lado. “Une colonie belge méconnue” 10H00 : Hommage à “Netto” Ernest Christiane par M. Patrick Maselis. 11H15 : Témoignage de Charles Delvaux, magistrat au 11H30 : Témoignage de Marcel De Crom. Congo belge. Administration des “Postes” au Congo Belge. 12H30 : Déjeuner sur place : Moambe 12H30 : Déjeuner sur place : Moambe 14H00 : Témoignage de Henri Flament. 14H00 : Témoignage de Guido Michelletti, histoire d’une “La révolte de la Force Publique à Luluabourg” union italo-belge à . Enregistré au “Muséo dell’Emigrante” de Roasio (Italie).

Attention, ce programme est donné à titre d’information, il NB : En sus des séances de projections mensuelles, MdC peut éventuellement être modifié suite à des circonstances organise tous les quinze jours un forum. indépendantes de notre volonté. Pour les dates, prière de contacter le 02 649 98 48. Un rappel est adressé par mail la semaine précédente et le programme figure sur notre site : www.memoiresducongo.be.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 29 Sans titre-1 1 2/05/11 15:10:20 Lire

Mais la nouvelle législation s’écarte réso- lument de ce pragmatisme qui sied aux mentalités africaines et lui préfère des règles toutes théoriques qui s’éloignent des réalités et qui les contredisent. Le résultat prévisible est que la justice qui avait déjà assez de problèmes en a été gratifiée par la loi elle-même. Il y a déjà des ratés. En 1968, on avait mis fin aux juridictions coloniales discriminatoires en lançant des tribunaux de paix qui devaient remplacer les tribunaux de police et les tribunaux coutumiers. Après 45 ans, ces juridictions Les juridictions judiciaires n’avaient pas encore été implantées. La Mathématiques congolaises en 2013 solution aurait pu consister à organiser des In Koli Jean Bofane – Actes Sud Louis De Clerck et André de Maere petits tribunaux de proximité modernes Jean Bofane est sans conteste l’un d’Aertrycke avaient présenté la ma- et non discriminatoires mais on a fait une des grands écrivains africains fran- gistrature coloniale dans le n°26 de double fuite en avant : d’une part, seuls les cophones du XXIe siècle comme en MdC. Le sujet est repris sous la plume tribunaux de paix sont au bas de l’échelle atteste d’ailleurs le prix du meilleur écri- de feu Emile LAMY, dernier magistrat et, d’autre part, en matière répressive, il vain francophone (“Napoli Raconta/ belge au Congo comme conseiller à leur faut trois juges ! Naples raconte”) qu’il vient de rempor- la Cour Suprême de Justice et ancien ter pour “L’homme et le sel” à paraître doyen de la faculté de Droit, dans un Le Congo est ainsi devenu le seul pays en janvier 2014. Si vous ne le connaissez livre que j’ai dédié à Raymond BUREN, au monde où, pour un vol à l’étalage, il pas encore, il est temps de le découvrir. auteur du “Journal de route du prince faut passer devant trois juges ! De plus, il Albert en 1909 au Congo” et ancien manque toujours des juges et des tribu- Né à Mbandaka en 1954, Jean Bofane quitte le magistrat à Elisabethville. naux de paix en nombre suffisant. Congo en 1993 pour la Belgique. Après deux livres pour la jeunesse : Pourquoi le lion n’est “Les juridictions judiciaires : organisa- L’effet immédiat de la réforme a été que la plus le roi des animaux (en 1996 – conte illustré tion, fonctionnement, compétences en justice n’était plus rendue à l’intérieur du sur la thème de la dictature - Prix de la critique RDC en 2013” apporte en 200 pages une pays, soit parce que les magistrats n’avaient de la Communauté française de Belgique en aide historique et technique à la lecture pas pu rejoindre leurs postes, soit encore 1997) et Bibi et les canards (traitant de l’immi- et à l’application de la huitième organi- qu’ils ne pouvaient pas réunir les trois gration - en 2000), c’est en 2008 qu’il publie son sation des cours et tribunaux au Congo. juges. La situation était devenue préoccu- premier roman : Mathématiques Congolaises De nombreuses annotations livrent des pante pour les détenus qui ne pouvaient qui sera lui aussi primé : prix Jean-Muno 2008, informations parfois pittoresques sur la obtenir l’élargissement que par trois juges prix littéraire de la SCAM 2009, Grand prix justice congolaise. ou devaient rester en détention arbitraire. littéraire d’Afrique noire (ADELF) 2009. On apprend ainsi qu’il s’y commet “le plus grand crime judiciaire”. En effet les juge- La réforme a donné un coup de pouce Dans Mathématiques Congolaises, Celio ments sont systématiquement censurés, à la “justice populaire” et aux lynchages Matemona, dit Celio Matematik, transcende les civils sont encore traduits devant des publics, par manque de ... justice de magis- sa misère grâce aux formules mathématiques tribunaux militaires et il a été emprunté trats compétents. puisées dans un vieux manuel scolaire de son à la Belgique les conseillers référendaires père défunt, son seul trésor, lu et relu à s’en pour assister les magistrats de la Cour de Comment en est-on arrivé là ? Dans un imprégner et qu’il met à profit pour tenter Cassation, etc. premier temps, la nouvelle Constitution de résoudre ses problèmes. Subjugué, un de 2006 avait séparé les chambres de la responsable du Bureau Communications de Cour Suprême de Justice en trois hautes la Présidence va lui faire pénétrer les arcanes Une nouvelle organisation des juridictions : Cour de Cassation, Conseil du pouvoir et rejoindre les cercle privilégiés tribunaux au Congo d’Etat et Cour Constitutionnelle ; il fallait de la dictature. Jean Bofane plonge le lec- bien un toilettage des textes. teur dans la vie quotidienne de Kinshasa. Cette réforme intervient au moment où Il décrit avec justesse la condition du petit la justice congolaise est en mal d’affec- Mais dans un deuxième temps, le projet peuple de notre grand Congo, l’un des tion du grand public et où elle plombe avait été examiné au parlement de 2008 pays potentiellement les plus riches de la la sécurité des personnes et des biens, à 2012, et les députés de deux législatures planète mais miné par la corruption, le ainsi que celles des investissements. Le l’ont “amélioré” en adoptant des amende- racket, la sorcellerie, les luttes d’influence passé apprend que des formulations cou- ments article par article, de manière éparse et les manipulations à tous les échelons. Il rageuses avaient leur place pour relancer et non harmonisée. aborde les situations sous différents angles, et redresser l’institution. L’ère coloniale, avec une clairvoyance impitoyable, tout en particulier, avait démontré le souci de Le bon sens et le bon droit ne font pas en maniant avec brio un humour parfois la sollicitude pour les petites gens et de toujours bon ménage avec la démocratie cynique ... mais empreint d’amour pour ce l’économie des moyens en élargissant les représentative. peuple voué à l’enfer mais riche de solida- compétences des magistrats. rité et fort de sa résilience. Un livre à lire. ■ Marcel Yabili ■ Françoise Moehler – De Greef

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 31

Sans titre-1 1 2/05/11 15:10:20 In Memoriam Qui était le Père Martin Ekwa ? Le Père Ekwa bis Isal est né le 25 décembre 1926, à Gomena, près d’Aten dans le territoire de Gungu, à 60km de Kikwit. Sa langue maternelle était le kimbunda. Il dut apprendre le kikongo pour ses études primaires à la Mission du Sacré-Cœur de Kikwit, puis le français pour ses études secondaires latin-mathématiques au Petit séminaire de Kinzambi. n 1945, il est reçu au Grand métropolitains. En 1974, le Père Ekwa fut remplacé à la séminaire de Mayidi pour présidence du BEC par l’Abbé Dibalu. 3 ans de philosophie. Il est ensuite envoyé à la paroisse 1974-1982 : Secrétaire général de Totshi, d’où il demanda de l’OIEC Eson admission au noviciat des Pères Jésuites qui avait été ouvert à Djuma Lui-même fut élu Secrétaire général sur le Kwilu en 1948. Il y fit partie de de l’Office International de l’Ensei- la deuxième promotion de novices de gnement Catholique, O.I.E.C., dont le 1949 à 1951, puis poursuivit sa forma- siège se trouve à Bruxelles. Il y resta tion jésuite, avec encore une année de jusqu’en 1983. L’arrivée du Père Ekwa régence au Collège de Kiniati en 1953- à Bruxelles lui a donné une dimension 1954, avant sa théologie en Belgique de mondiale. 1955 à 1959. Il fut ordonné à Bruxelles C’est dans un congrès interaméricain le 6 août 1958, avec les Pères Octave d’éducation catholique au Pérou en Kapita, Cyrille Mununu et Edouard Ma- janvier 1976 qu’il eut ce mot d’émer- tadi. C’étaient les premières ordinations veillement : de jésuites congolais. Avant de rentrer au Congo, le Père Ekwa fit encore une “Je n’aurais pas cru, il y a quelques an- année d’études catéchétiques à l’Institut nées, qu’un jour je me trouverais parmi International Lumen Vitae de Bruxelles vous, invité comme frère. Je n’aurais en 1959-1960. pas imaginé que j’irais faire avec vous un bout de chemin à la recherche de solutions pour éduquer l’homme amé- 1960-1974 : ricain. Et pourtant, c’est ainsi !” Président du B.E.C. Le Père Ekwa parle de ces années de la réforme, de 1962 à 1974, comme d’une Son message était partout un appel à Rentré au Congo un mois après l’indé- épopée. De nouveaux programmes l’éducation aux valeurs et à une école pendance, il fut dès le 7 octobre 1960 furent conçus. Le BEC mit en place catholique qui ne soit plus la pépinière nommé Président du Bureau National des équipes pour la production des d’une élite bourgeoise, mais une force de l’Enseignement Catholique (B.E.C.) manuels scolaires correspondant à ces d’éducation à plus de justice et à la par l’Assemblée des évêques du Congo, programmes. Il suscita aussi la créa- paix. Lui-même considère que le point à un moment où les écoles catholiques tion de la plupart des écoles normales culminant de son action fut le congrès représentaient 76 % des effectifs sco- moyennes qui devinrent les premiers de Bogota (Colombie) en 1978, sur le laires. ISP, Instituts Supérieurs Pédagogiques thème “Paix, justice et nouvelles rela- A ce titre, il fut l’initiateur de la formule en 1971, pour la formation des ensei- tions internationales”. de l’enseignement national mettant un gnants des classes des cycles d’orienta- terme à la guerre scolaire qui avait com- tion CO, dont la plupart devinrent des mencé à la fin de la période coloniale cycles secondaires complets. 1983-2010 : Secrétaire général entre les écoles officielles et celles des de CADICEC missions. Toutes les missions s’engagèrent dans la construction de nouvelles écoles et CADICEC a été fondé en 1956 par le L’enseignement catholique en était de maisons pour leurs professeurs. Père Vincent Charles, qui en fut l’au- une composante de plein droit, mais En moins de 20 ans, la République mônier conseil et le secrétaire général toutes les écoles devaient suivre les Démocratique du Congo avait formé jusqu’au moment où il transmit le flam- programmes adoptés par les autori- ses cadres et pris en main son système beau au Père Ekwa en 1983. tés nationales et étaient soumises au éducatif. Son objectif est de contribuer à rendre contrôle de l’inspection nationale. Le Père Ekwa fut aussi membre de la l’économie plus humaine et plus chré- Il fut en outre un des artisans de la Commission constitutionnelle de Lulua- tienne, par des rencontres de réflexion réforme de l’enseignement secondaire, bourg, qui en 1964, inscrivit dans la et d’animation et, surtout après l’indé- qui visait à en généraliser l’accès et à Constitution le concept d’enseignement pendance, par des sessions de forma- se distancer des anciens programmes. national, qui y figure jusqu’aujourd’hui. tion de leurs cadres.

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 32 Le Père Ekwa réorienta cette tiel d’une question secondaire série d’hommes et de femmes action, qui avait d’abord surtout et la qualité de son style ont et au Congo en général, des visé les grandes entreprises, frappé l’attention de nombreux raisons profondes d’espérer vers les petites et moyennes responsables sociaux et poli- et de lutter pour l’avènement entreprises congolaises qui tiques. Les locaux de CADICEC d’un monde plus humain et se multipliaient et qui avaient sont devenus un lieu de ren- plus chrétien. davantage besoin de soutien. contres multiples, par lesquelles Il a publié, outre de nombreux Le Père Ekwa réussit très vite, le Père Ekwa a été associé à de articles, notamment dans les re- dans ces nouvelles fonctions, nombreux débats nationaux. Je n’aurais vues Congo-Afrique et Cadicec- à constituer autour de lui une Il fut notamment désigné pas cru, il y a Information, où sont reprises équipe de travail et un nouveau comme Président de la Com- quelques années, un grand nombre de ses inter- réseau de relations. Il mettait mission de l’Education de la qu’un jour je me ventions sur les problèmes de ainsi au service de CADICEC Conférence Nationale Souve- trouverais société, les livres suivants : le zèle qu’il avait déployé en raine de 1992, à laquelle il fut parmi vous, tant que Président du BEC, invité en qualité d’expert. Il fut invité Pour un enseignement natio- notamment pour la recherche ensuite Rapporteur général des nal catholique, Kinshasa, 1963 ; des financements nécessaires Etats généraux de l’éducation, comme frère Pour une société nouvelle. L’en- à ses activités. qui se tinrent en 1996 pour seignement national. Textes et Promotion humaine et évangé- l’application des actes pris par discours 1960-1970, Kinshasa, lisation allaient de pair, car les la C.N.S. . Bureau de l’Enseignement Ca- enseignements et les formations tholique, 1971 ; Education so- transmettent aussi une vision Il fut aussi membre ou même ciale des jeunes à l’école, 1978 ; de la vie et sont une occasion président de plusieurs autres Vade-Mecum du gestionnaire d’éveiller au sens des respon- commissions ou services natio- de la PME, Kinshasa, Cadicec sabilités sociales autant qu’indi- naux mis sur pied pour traiter 1980 ; L’école trahie, Kinshasa, viduelles. de divers problèmes de société. Cadicec, 2004 ; Cadicec : 50 ans Le Père Ekwa était membre de La très large participation aux d’histoire et d’actions, devoir la 34e Congrégation générale célébrations de ses funérailles a de mémoire d’un peuple, Kin- de la Compagnie de Jésus, qui montré l’ampleur de son rayon- shasa, Cadicec, 1956 (sous sa se tint à Rome en 1995 et qui nement et l’estime dont il était direction) ; La RD Congo contée publia un décret sur notre mis- entouré. autrement. Jalons pour l’ave- sion et la justice dans lequel il nir. Entretiens avec Clémentine est déclaré que : la marginalisa- xxx Faïk-Nzuji, Kinshasa, Editions tion de l’Afrique dans le nouvel Loyola, 2012. ordre du monde fait de ce conti- Le caractère attachant et la nent entier le symbole de tous fécondité de la vie du Père Il est décédé à Kinshasa le 18 les marginalisés du monde et il Ekwa sont en partie le fait août 2013, ayant gardé une très est demandé à toute la Compa- de la riche nature que lui large activité jusqu’un an envi- gnie de faire tout ce qu’elle peut a légué sa famille et son ron avant sa mort. pour changer les attitudes et les enracinement traditionnel. Il en rendait grâce à Dieu et s’est comportements internationaux Mais il est aussi, comme dans éteint en toute sérénité. à l’égard de l’Afrique. toute vie, le résultat d’une édu- La clarté d’esprit du Père Ekwa, cation dans laquelle il s’est lui- ■ Léon de Saint Moulin s.j. sa capacité de discerner l’essen- même investi. Il a donné à une

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MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 33 Réaction Quand on reparle des “agissements de Léopold II au Congo” dans le journal Le Monde Le journal “Le Monde” a publié en août dernier, de la plume de son correspondant à Bruxelles, Guillaume Jan, un article intitulé “Rendez-vous en terre inconnue”, diffamant une fois de plus l’œuvre et la personnalité de Léopold II dans l’Etat Indépendant du Congo. candalisé par cette publication, J’estime en tant qu’homme et scienti- victimes. Où sont les horreurs perpétrées le Dr Serge Sintzoff, professeur fique, le dernier paragraphe de l’article au Congo par Léopold II ? (qui n’a jamais honoraire à l’Université Libre de votre collaborateur envoyé spécial, séjourné en Afrique). de Bruxelles, a donné à Mé- Mr Guillaume Jan, une violation de A Madagascar, la grande insurrection moires du Congo l’autorisation la déontologie du reportage. “A la fin de 1947 montre les limites de la construc- Sde publier la lettre qu’il a adressée au de sa vie, la réputation de Stanley sera tion juridique de l’ “Union française”. quotidien français. entachée par les horreurs perpétrées au La terrible répression est la dernière Congo par Léopold II, le Roi des Belges, remise au pas. En Indochine et plus tard Monsieur le Rédacteur en Chef, avec qui il avait collaboré.” en Algérie, en Afrique noire et dans le Ab initio, que rétorquer à la question : reste du Maghreb, la France échoue à Je suis né en 1933, la Nuit de Cristal, de combien de milliers de morts les vaincre les insurrections et résistances Hitler nommé chancelier initie la Shoa. colonisations européennes sont-elles qui ébranlent ses colonies. Je suis un lecteur attentif du Monde, responsables ainsi que l’esclavagisme ? Le mouvement Vietminh avec Ho Chi quasi depuis son existence, fruit du sou- Minh proclame l’indépendance du Viet hait du Général de Gaulle. Au cours de Le cadre : Stanley (John Rowlands, Sir Nam le 2 septembre 1945. ma carrière, j’ai eu l’occasion et le bon- Henry Morton) explorateur britannique, La guerre d’Indochine se termine par heur de connaître parmi ma patientèle né à Den Bigh, Pays de Galles 1841, le désastre militaire (Général Navarre) la famille Beuve Méry, habitant avenue décédé à Londres en 1904. de la cuvette de Dien Bien Phu, le 7 de la Floride à Uccle, 1180 Bruxelles. Il fut envoyé en Afrique par James mai 1954. Gordon Bennett Jr (propriétaire du Le lieutenant-colonel Faulque, major de Outre votre quotidien, je lis journelle- New York Herald) à la recherche de Saint-Cyr est le dernier à abandonner le ment Libération, le Figaro dont je viens Livingstone qu’il retrouve en 1871 “Dr Li- piton Gabrielle. Il échappe pendant 100 de décider l’exclusion suite à l’interview vingstone I présume” : l’évidence même. km à la meute des Viêts à ses trousses : de Bachar El Assad (ophtalmologiste de Au cours d’un second voyage, 1874- vingt cicatrices thoraco-abdominales. formation) ; c’est comme si un journal 1877, il traverse l’Afrique équatoriale Second du général Massu à Alger : accorde une interview à Hitler, Staline, d’Est en Ouest, découvrant le cours du gégène moralement inacceptable (pro- Pol Pot ou Augusto Pinochet, bien enten- Congo, squelette du futur Etat. Et ainsi tection de la population civile). L’insur- du le Canard et même Charlie Hebdo. le Roi des Belges, Léopold II, l’engage à rection du 1er novembre 1954 (FLN) Le père d’El Assad m’a contraint à révé- son service, le conduisant à créer pour inaugure la guerre d’indépendance. rence et génuflexion lors d’une réunion lui l’Etat Indépendant du Congo (1885). Celle-ci est proclamée le 3 juillet 1962. scientifique à Damas, il y a 20 ans. Il n’y a jamais séjourné. La IVe République s’effondre. Nombreux croquis de géomètre et d’ex- Je connais assez bien l’Afrique centrale plorateur constituant un trésor histo- En l’an 2000, les territoires d’outre-mer : où j’ai séjourné de janvier 1961 à mars rique soigneusement classé dans un Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réu- 1964, pour avoir été le médecin person- pavillon isolé conçu par le roi Baudouin nion, Mayotte, Nouvelle Calédonie, Wal- nel de Moïse Tshombe, Evariste Kimba, au musée de Tervuren, actuellement en lis et Futuna, Polynésie française avec le quelques diplomates et mercenaires dont rénovation. célèbre corrompu et inculpé d’assassinat le colonel Faulque. politique, Mr Flosse. En réponse aux quatre lignes incen- J’ai fait expulser du Katanga le sergent diaires de votre envoyé spécial quelques En inspirant mon savoir gré de lire Bob Denard pour avoir brûlé un village rappels et réflexions : l’écrasement de la ce droit de réponse, je vous adresse au napalm, ainsi que son acolyte Bob France vichyste en 1940 ébranle l’édifice mes pensées les plus cordiales, sans la Nodyn, célèbre souteneur de la porte de colonial. Malgré la conférence de Braz- moindre rancune. Namur à Bruxelles. zaville (1944) décidée par le Général de Gaulle, soulevant le principe d’émanci- Dr Serge Sintzoff J’ai pu ainsi apprécier la qualité du pation, la volonté de maintien du statu Service de Santé dans l’ex-Congo, outre quo dans l’empire se traduit par la vio- celui de l’Union Minière, le dévouement lente répression en mai 1945 à Sétif et http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/08/15/ du quadrillage religieux. Kherata en Algérie. Plusieurs milliers de rendez-vous-en-terre-inconnue_3462081_3246.html

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 34 Mémoire 1940 -1945 Un événement dramatique ... près un premier terme novembre. Les funérailles ont pu constater que tout était en (1936-37-38 Kwango), lieu à Stanleyville et le petit cer- Que ces moments ordre. Les deux sœurs ne sont le Docteur Ghislain cueil est enterré le jour même du ont été durs pour jamais revenues au Congo. Courtois rentre au décès. Que ces moments ont été Depuis 1973, officiellement, plus pays et se marie avec la durs pour cette jeune maman, cette jeune maman, personne n’a pris la charge de Asœur (19 ans) d’un condisciple. très souvent seule. Elle n’a même très souvent seule. l’entretien et le petit monument Le jeune ménage (re)part pour pas pu compter sur l’aide morale Elle n’a même a commencé à se dégrader. un terme. Arrive la guerre... et la de sa maman qui se trouvait à pas pu compter Les sinistres déclarations d’un in- première grossesse... Imaginez Dinant, au cœur de la fournaise sur l’aide morale fâme journaliste américain dans une jeune femme de moins de teutonne... de sa maman une revue d’entertainment (!) sur vingt ans, privée de sa famille Quatre autres enfants viendront qui se trouvait à les origines du HIV ont ramené par la guerre (pas de téléphone agrandir la famille. Dinant, au cœur de une équipe de la KUL dans la ré- à cette époque, un courrier La tombe de Jean-François, la fournaise gion de Kisangani et, grâce à la d’une lenteur effrayante quand même quand la famille quitte teutonne merveilleuse amitié du Docteur il arrivait à destination...) épouse Stan (1955, 1959) a toujours été Teuwen (vu récemment à une d’un jeune médecin plein d’idéal entretenue. journée de projection de MdC), humanitaire et donc fort occupé. Mais après l’indépendance, les une équipe de Africa Getuige- contacts deviennent difficiles. nissen a pu retrouver et dégager Elle découvre la maternité... André (1971 à 1973) aura bien le monument (cf. photos) : ça a pour moins de six mois. Mis du mal à piloter depuis Kinshasa dû faire plaisir là-haut où sont au monde à Stanleyville en l’entretien de la tombe de son réunis Jean-François, sa maman juin 1940, le petit Jean-François frère Jean-François. De passage et son papa ..! quitte l’univers de sa maman, au pays pour l’anniversaire des A gauche, la tombe victime de convulsions (cas fré- dix ans de pouvoir du Maré- entretenue (± 1958), ■ Dr André Courtois ci-dessous la tombe quent, hélas, à cette époque) en chal, Jean-Pierre, journaliste, a retrouvée et dégagée Photo Hugo Gevaerts

Par amitié

Société Anonyme Avenue de la Chênaie, 175 1180 Bruxelles

MdC Mémoires du Congo n°28 asbl Décembre 2013 35 Les échos de MdC MÉMOIRES DU CONGO et du Ruanda-Urundi asbl es “Forums” se suivent mais ne se ressemblent MdC Périodique trimestriel que par la qualité et asbl Agrément postal : BC 18012 l’intérêt qu’ils suscitent N° 28 - Décembre 2013 àL chaque tenue. S’ils réunissent Editeur responsable : Paul Vannès. chaque fois une vingtaine de bé- névoles de notre association, des Rédacteur en Chef : Chantal Schaller. invités viennent suivre nos débats Secrétaires de rédaction : Guy de Bonnay de Nonancourt, et apportent suggestions et infor- Maryse Grari Yves de Campos, Philippe Renson. mations intéressantes. Comité de rédaction : Ainsi, Maryse Grari, enseignante Anne-Marie Bouvy Coupery de Saint Georges, Robert Bodson, à l’Université de Goma, rappelle Thierry Claeys Boùùaert, André de Maere d’Aertrycke, Guy Dierckens, que les réseaux sociaux sont très Dr Marc Georges, Fernand Hessel, Guy Philips, Paul Roquet, utilisés au Congo. Prof. em. Paul-F. Smets, Paul Vannès, Daniel Van Tichelen. Les Congolais sont très friands des Contact : [email protected] données auxquelles ils ont accès Maquette et mise en page : New Look Communication par internet et nous devons por- Conseil d’administration ter à ce média autant d’attention Frank De Coninck Président : Roger Gilson. Vice-Président : Guido Bosteels. qu’il est nécessaire. La diffusion de Administrateur-délégué : Paul Vannès. nos documentaires doit se faire en Trésorier : Guy Lambrette. séquences courtes de deux ou trois Secrétaire : Nadine Evrard. Administrateurs : minutes non seulement pour une Patricia Van Schuylenbergh, Guy Dierckens, José Rhodius, question de qualité des lignes télé- Pierre Wustefeld, phoniques mais aussi pour ne pas CRAOM, représenté par Guy Lambrette, lasser cet auditorat. Nous sommes C.B.L.-A.C.P., représentée par Thierry Claeys Boùùaert. appelés à revoir notre site web en Siège social André Bossuroy avenue de l’Hippodrome, 50 conséquence. B-1050 Bruxelles La participation d’André Bossuroy [email protected] nous a permis de programmer Siège administratif le 8 octobre dernier, trois courts rue d'Orléans, 2 – B 6000 Charleroi métrages sur la santé maternelle Tél. 00 32 (0)71 33 43 73 Numéro d’entreprise : 478.435.078 et infantile dans l’Est du Congo, au Site public : www.memoiresducongo.org Rwanda et au Burundi. La mise en Site administratif : www.smdc.be place de mutuelles est abordée et Compte bancaire : ING 310-1773520-58 BIC : BBRUBEBB nous vous tiendrons au courant de Guido Bosteels IBAN : BE95 3101 7735 2058 l’évolution de ce dossier. Secrétariat Le “debriefing” des “journées de Secrétaire : Georgette Cornelis projections”, autre sujet abordé Assistante : Andrée Willems dans nos “forums”, permet la Cotisations 2014 critique des sujets abordés afin Membre adhérent : 25 € Cotisation de soutien : 50 € d’améliorer la qualité et l’intérêt Cotisation d’Honneur : 100 € que nous nous devons pour la Cotisation à vie : 1.000 € satisfaction de nos participants à Pour virement depuis l’étranger, veuillez donner à votre Françoise Moehler banque les informations suivantes : ces rencontres quasi mensuelles. BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058 Pour rappel, nous organisons ces N’oubliez pas la mention “Cotisation 2014”. Pour les dames, manifestations le deuxième mardi nous demandons, lors des versements, de bien vouloir utiliser le même nom que celui sous lequel elles se sont des mois de février, mars, mai, juin, inscrites comme membres. octobre, novembre et décembre. Fichier d’adresses La présence des présidents d’Afrika Si vous changez d’adresse, n’oubliez pas de nous Getuigenissen, de Congorudi, du communiquer vos nouvelles coordonnées. Cela nous permettra de rester en contact et évitera au secrétariat d’effectuer des recherches. CRAOM, de Niambo et de l’Urome Si vous connaissez des personnes susceptibles de devenir membres nous assure le suivi des activités de Pierre Vercauteren de MDC, communiquez-leur notre adresse ou mieux encore ces différents cercles. transmettez-nous leurs coordonnées afin que nous puissions leur C’est toujours avec intérêt que nous envoyer notre documentation. accueillons des personnes exté- Abonnement Pour recevoir la revue, virer la somme de 25 € (50€ pour les rieures à notre cénacle et si le cœur autres pays d’Europe) au compte de “MdC” avec pour mention vous en dit, c’est avec plaisir que “abonnement”. nous vous inviterons. Publicité Tarifs sur demande, auprès du siège administratif ■ Paul Vannès © Mémoires du Congo et du Ruanda Urundi 2013 Photos Daniel Depreter André de Maere

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