0123 MERCREDI 25 MAI 2016 culture | 17 Joël Pommerat et Catherine Frot triomphent aux Molières La grande nuit du théâtre s’est tenue le 23 mai aux Folies Bergère

THÉÂTRE n a ri aux Molières. Succédant à Nicolas Bedos, le comédien et humoriste a Oparfaitement rempli son rôle de maître de cérémonie de cette 28e Nuit des récompenses du théâtre privé et public enregistrée, lundi 23 mai, aux Folies­Bergère à Paris et retransmise sur 2. Usant de son don pour le travestisse­ ment et le grimage, Alex Lutz a joué avec talent à l’ouvreuse débu­ tante, au vieux comédien un peu grivois et au cheval de cirque. Côté palmarès, le grand vain­ queur de cette nuit des Molières était absent : Joël Pommerat (en Catherine tournée en Chine) a reçu quatre Frot, statuettes. Pour sa fresque sur la Molière de Révolution française, Ça ira (1) Fin la meilleure de Louis – qui a fait un triomphe comédienne au théâtre Nanterre­Amandiers – d’un il a obtenu le Molière du théâtre spectacle public, du metteur en scène et de privé pour l’auteur francophone de l’année. « Fleur de Mais aussi le Molière du jeune pu­ cactus ». blic pour Pinocchio présenté au PATRICK KOVARIK/AFP théâtre de l’Odéon. La deuxième gagnante de cette soirée est Ca­ therine Frot qui, en remportant le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé pour Fleur de Cactus mise en scène par Michel Fau, réalise un doublé 2016 inédit après son César de la meilleure actrice pour Margue­ rite, de Xavier Giannoli. Nouvelle pensionnaire de la Co­ médie­Française, Dominique croyable « gamine » dans Le Pois­ Joël Pommerat du conseil d’administration des Blanc a été récompensée du Mo­ son belge, de Léonore Confino, a Molières. lière de la comédienne de théâtre été sacrée révélation féminine et a reçu quatre Une fois n’est pas coutume, la public pour son rôle de Merteuil Andréa Bescond, bombe émo­ statuettes pour nouvelle ministre de la culture a dans Les Liaisons Dangereuses de tionnelle dans Les Chatouilles, été relativement épargnée. En dé­ Pierre Choderlos de Laclos (mise mêlant avec rage et grâce théâtre sa fresque sur but de soirée, seuls une petite en scène Christine Letailleur). et danse, a reçu le Molière du seul la Révolution trentaine d’intermittents et de qui ancrent La Mouette dans la Russie de la fin Matthieu Tandis que Charles Berling s’est en scène. Dans un discours poi­ militants du collectif « Décoloni­ du XIXe siècle. Et il a laissé une marge d’impro­ Sampeur joue vu remettre celui du comédien de gnant, elle a dédié sa statuette « à française « Ça ira ser les Arts » – contestant des Mo­ visation à ses acteurs. Mais ce ne sont pas tant un Treplev théâtre public pour l’excellent Vu toutes les victimes de la pédophi­ (1) Fin de Louis » lières sans artistes de couleur – ces improvisations livrées au micro de façon bouleversant. du pont d’Arthur Miller (mise en lie ». Le Molière de la révélation ont manifesté dans le calme de­ très directe, sur la guerre en Syrie par exem­ ARNO DECLAIR scène ). Côté théâtre masculine a été remis à Alexis vant l’entrée des Folies­Bergère. ple, qui resteront dans les annales, même si privé, c’est un artiste venu du pu­ Moncorgé pour Amok de Stefan Sur scène, c’est Didier Brice (Mo­ elles sont bien menées et en cohérence par­ blic qui a été distingué : Alain Zweig. ché son bonheur de recevoir le lière du comédien dans un se­ faite avec le projet du metteur en scène. Françon a remporté le Molière du Molière du spectacle musical. En­ cond rôle) qui a été chargé d’inter­ metteur en scène pour Qui a peur La ministre de la culture épargnée fin, le Molière de l’humour, nou­ peller Audrey Azoulay à la suite de NOUVEAU RÉALISME de Virginia Woolf ? Grâce à cette Visiblement touché de se voir re­ velle catégorie de cette édition « l’accord historique » signé le Ce sera plutôt la manière dont les situations pièce d’Edward Albee, Wladimir mettre des mains de Michel Bou­ 2016, a été remis à… Alex Lutz. 28 avril par les organisations syn­ de la pièce sont vécues en profondeur et les Yordanoff a décroché le Molière quet un Molière d’honneur, Fa­ « Ça fait drôle », a­t­il concédé. dicales de salariés et d’em­ personnages incarnés avec une vérité et du comédien. Quant à la très belle brice Luchini est resté relative­ Même si son one­man­show est ployeurs du secteur du spectacle une intensité intérieures inoubliables. Avec adaptation des Cavaliers de Kes­ ment sage face à « son modèle » et de qualité, il est quand même sur le régime d’assurance­chô­ La Mouette, Tchekhov a écrit son . Ce sel, mise en scène par Eric Bou­ a fait sienne la phrase de Laurent étrange que le maître de cérémo­ mage. Le comédien a lancé : « Ma­ qui est déchirant ici, et prend une dimension vron et Anne Bourgeois, elle a été Terzieff à propos de la séparation nie soit également lauréat, dame la ministre, à vous de jouer. actuelle bien plus profonde que les référen­ honorée du Molière du théâtre très française entre théâtre pu­ d’autant que son spectacle est Ne tuez pas l’espoir que cet accord ces directes à l’actualité, c’est le tragique du privé. blic et théâtre privé : « Le théâtre, bien moins récent que les autres a suscité. Mettez­le en œuvre avant conflit de générations, le dérisoire des vies Deux jeunes visages et excellen­ ce n’est pas ceci OU cela mais ceci nommés et que son producteur, le 1er juillet. » C’est­à­dire avant le qui passent comme si on n’avait pas vécu, tes comédiennes n’ont pas été ET cela. » De son côté, la troupe Jean­Marc Dumontet, occupe Festival d’Avignon.  l’absurdité foncière de l’existence. oubliés : Géraldine Martineau, in­ des Fiancés de Loches n’a pas ca­ également le poste de président sandrine blanchard Il est donc grand temps de laisser entrer en scène les acteurs, grâce à qui tout cela ad­ vient. Valérie Dréville est grandiose en Arka­ dina, jouant à la fois le premier et le second degré de son rôle de diva castratrice et égocentrique. François Loriquet est un Tri­ Radiohead à son Zénith gorine terriblement humain, en homme mûr, pas antipathique, qui tombe dans le cli­ Le groupe britannique, en tournée, a reçu un accueil triomphal à Paris ché de l’amourette avec une jeunesse. Béné­ dicte Cerutti, merveilleuse actrice trop dé­ laissée ces derniers temps, est une saisis­ sante Macha à fleur de peau. Cédrick Eec­ khout (Medvedenko), Jean­Pierre Gos que, confirmant magnifiquement tueux (The Numbers) ou mélanco­ nostalgie, la relecture des hymnes (Sorine) et Sébastien Pouderoux (Dorn) sont MUSIQUE sur scène l’importance qu’elle re­ lique (Present Tense) témoignent des années 1990 respecte joliment eux aussi d’une justesse parfaite. itre d’introduction de A prend dans son dernier opus. d’un goût retrouvé pour la mélo­ l’intensité originelle des mor­ Quant à Matthieu Sampeur, tendu comme Moon Shaped Pool, le nou­ Si Radiohead s’éloigne des expé­ die et la sensualité, transcendé par ceaux comme Paranoid Android, une corde de violon, et Mélodie Richard, avec T vel album de Radiohead, riences numériques au profit la complicité instrumentale liant ou My Iron Lung. sa grâce, son visage de madone brune, ils Burn the Witch ouvre également d’une configuration rock, il n’en Thom Yorke (chant, guitare et cla­ L’accueil triomphal du Zénith vi­ sont tous deux littéralement bouleversants. les premiers concerts de la tour­ préserve pas moins une vitalité viers), Jonny Greenwood (guitare bre autant de l’attachement senti­ En eux tous s’incarne ce manifeste pour née du groupe britannique. Faute créative fièrement revendiquée. et claviers), Colin Greenwood mental aux mélodies d’antan, que un nouveau réalisme que signe Thomas d’avoir emporté dans ses bagages Loin de se reposer sur leurs an­ (basse), Ed O’Brien (guitare) et Phil de l’admiration portée à ces insa­ Ostermeier, pour qui la mouette, sans doute, les violons du London Contempo­ ciens succès, Thom Yorke et sa Selway (batterie). Une connivence tiables têtes chercheuses. Nombre ne représente pas seulement Nina mais l’art rary Orchestra, qui propulsent le bande n’hésitent pas à jouer, au amplifiée visuellement par les de titres pouvant d’ailleurs em­ lui­même : une chose libre et vivante, que premier morceau du disque, le cœur d’un récital de 24 morceaux, plans rapprochés des musiciens brasser dimensions affective et ex­ trop souvent on veut tuer et empailler. On quintette confie ce rôle moteur 10 des 11 titres d’un neuvième al­ projetés sur des écrans dressés au­ périmentale. A l’instar des mor­ peut penser que Tchekhov ne lui aurait pas aux cordes de ses guitares. Elles bum, dont la sortie digitale, le dessus de la scène. ceaux tirés de Kid A (Everything in donné tort.  sont trois à cisailler l’air sur la 8 mai, anticipait une sortie CD pré­ Ces interprétations laissant plus its Right Place, Idioteque) ou de fabienne darge scène parisienne du Zénith, le vue le 17 juin. d’oxygène aux rythmes et aux har­ l’envoûtante imploration de Pyra­ 23 mai, pour le troisième concert monies savent aussi resserrer des mid Song, en conclusion de ce con­ La Mouette, d’Anton Tchekhov (traduction du retour du groupe, quatre ans Mélodie et sensualité étreintes anxiogènes quand l’exi­ cert au sommet.  d’Olivier Cadiot). Mise en scène : Thomas après sa précédente tournée. Encore mal connues d’une grande gent des titres tirés d’albums tel In stéphane davet Ostermeier. Théâtre de l’Odéon, place Une présence en nombre qui part du public, ces nouvelles chan­ Rainbows (Bodysnatchers, Weird de l’Odéon, Paris 6e. Mo Odéon. souligne la réconciliation du quin­ sons séduisent sans trop se faire Fishes/Arpeggi) ou The King of Concerts : le 24 mai, à Paris, au Tél. : 01­44­85­40­40. Du mardi au samedi tette (rejoint sur scène par un prier. Ballade somnambulique Limbs (Bloom, Lotus Flower, Sepa­ Zénith (complet) ; le 1er juin, à Lyon, à 20 heures, dimanche à 15 h 30, jusqu’au deuxième batteur, Clive Deamer) (Daydreaming), complainte à vif rator). Si Radiohead caresse rare­ au festival Les Nuits de Fourvière 25 juin. Durée : 2 h 30. avec une instrumentation organi­ (True Love Waits), groove volup­ ment son public dans le sens de la (complet).