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Auguste Barbier: Sa Vie et son oeuvre

Rowlandson, Jessie

How to cite: Rowlandson, Jessie (1942) Auguste Barbier: Sa Vie et son oeuvre, Durham theses, Durham University. Available at Durham E-Theses Online: http://etheses.dur.ac.uk/8388/

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Academic Support Oce, Durham University, University Oce, Old Elvet, Durham DH1 3HP e-mail: [email protected] Tel: +44 0191 334 6107 http://etheses.dur.ac.uk TOMB II

PU D. (O i aims HBRoic^iUsg. En 1842 parurent chez Masgana les Rimes Hero3ioLmes. recueil de sonnets dont le titre et la forme derivent des Rime Eroiche du Tasse. Voici ce q.ue Barbier en dit: J'ai compose ...une sorte de galerie.,.=£e ne sont pas toujours les ames les plus eclatantes et les plus applaudiea Q.ue j'ai chantees, mais les plus maliieureuses, les plus ^ournees vers I'honnete, et les plus sympat]aiq.ues a ma paniere de voir et de sentil?.. .(1.)

11 dit pourciuoi il a cJaoisi la forme du sonnet: oo..accoutuBe a soupirer les peines du coeur et a exhaler les tris- tesses de I'ame, il (le sonnet) peut monter aux notes les plus fieres, et faire entendre les accens les plus males... ^uelQ_ue3-un® de ees sonnets avaient ete publies separement en 1840; (2.) d^autres parurent dans la Revue Indegendante du 25 mars, 1843;(3.) mais la plupart furent publies pour la premiere fois dans ce volume.

Les sonnets sont arranges en ordre chronologig.ue j c'est=a=dire, suivant la date du personnage ou de I'evenement q.ue veut celebrer le poete* Bn 1843 le premier est Genevieve de Uanterre, et sa date 451; mais a 1'edition de 1869 s^ajoute le sonnet de Celtil Vercingetmrix, 52 avant

Jesus-Christ. Les derniers poemes du recueil sont Le Colonel de Khorff,

(1863) et un sonnet final, An Christ» Avant d'etudier les sonnets memss, nous reproduisons une lettre de Barbier au sujet du reeueil, paraissant dans la Revue Independante (4,) en reponse auE critiq.ues d'Asseline et de Labitte, dans la Revue de Paris (5.) et la Revue des Deux Monde3.(6.) Nous aurons 1'occasion de revenir sur ces articles tout a I'heure; pour le moment nous ne donnons q.ue la lettre de Barbier^ (lul peut bien nous servir de preface: le Preface a la premiere edition, 1843. Page iii, 2» Dans Babel. 1840, Tome 11)?,Les sonnets en question sont Bgmont, le Old, Lucius Falkland. Jeanne d'At-c. IMe „ Roland.Le poeme de Chris- tophe Colomb^ ciui n'etait pas encore ecrit dans la forme du sonnet y parut aussi. . nia^ ^iira.i, 3. Santa-Rosa, Mma. de Lavalette, le comte d'Sgmont. 1)^,1 U I'SditeurO Monsieur, Pans deux articles, signes par M. Asseline et Labitte, I'un de la Revue de agar is du 4 juin, 1'autre de la Revue des Deux Monde s du ler. juillet, §t ecrits tous deux au sujet d'un de mea ouvrages, les limes Heroiques. je trouve plusieurs imputations gui me paraissent sortir des bornes de la critique litteraire, et gue je ne puis laisser passer sans protestation. La premiere est aiisi formulee par M. Asseline: "N'est-ce pas un su^et de blame severe Q_u'un poete paraisse se mettre aux gages de 1'Industrie et fasse un volume de ce q.ud n'eut ete gue la matiere d'une brochure de tsante pages," La seconde I'est ainsi par M. Labitte: "Est-ce le vrai moyen de concLuerir I'attention du public ^ue de lui jeter dedaigneusement guelgues sonnets grossis en volume a I'aide d'extraits informes de la Biogiraphie Universe lie et du Magasin Pittoresgue, On nous permattra de le dire, c'est appeler 1'Industrie auat secours des defaillances de I'art. Je renvoie a oes deux messieurs le blame gu'ils flie jet tent, et leur declare gu'en comj,josant le volume tel gu'il est, j'ai use d'un droit tres-le'gitime acquis a tout auteur, celui de faire comprendre sa pensee, vers ou prose, le mieiix possible, Les notes gui ont alarme 1'honiietete de oes messieurs sont tenement necessairesj |ue, sans elles, plusieurs de mes sonnets ne seraient eompris gue par un petit nombre de mes lecteurs. Or., eomme je n'ai pas voulu §tAAij^6/MtliMM parler seulement a trois ou guatre personnes, mais repandre la connais -sance des faits qui m^avaient interesse, j'ai du les entourer du.^ plus de lumiere possible, II y avait, en outre, a propos de ces faits'^ certaines choses q.ue 1'auteur voulait dire, lesguelles, etant tres- convenables et tres morales, ont trouve la naturellement leur place, «)'ai doiic agi dans la plenitude de mon droit et dans celle de la conscience* D'ailleurs, je ne suis pas a mon debut, Depuis treize ans gue J'ecris, le public a pu voir q.ue ma muse n'a jamais ete aux gages d'une Industrie guelcongue, Les industriels sous le patronage desguels ces deux messieurs ecrivent le ^auent bien aussi, Enfin, la derniere imputation est conQu en ces termes, et vient de M. Asseline: "..Les vaines utopies gue M. Barbier a ex^liguees dans ses prefaces, sans les discuter et sans y croire lui-meme, ont seduit d'autres imaginiliations aussi fortes q.ue la sienne, Certainementb, pour ecrire une pareille phrase, il a fallu que M. Asseline fut tombe dans un grand oubli de lui-mSme, On ne pent et l"on doit juger les hommej que d'apres leurs actes ou leurs paroles. A=t-il entendu une seule de mes paroles qui contredise le contenu de tea prefaces? A-t-il trouve dans ma conduite un seul acte qui demente et ne s paroles et flies ecrits Ai-je jamais, pour une place ou une subvention, defendu le lendemain ce q.ue j'asais attague la veille? Qui done lui a donne le droit de suspecter ma conscience, et de dire que je ne croyais pas aux idees de liberte ou d'hudianite que je mettais dans mes prefaces ou ailleurs? Quand on avarice aussit inconsciemment de tellss i)aroles, on s'expose h. recevoir un dementi, et c'»st oe que je lui adresse en terminant cette note » Auguste Barbier, Paris, 20 juillet, 1842, son,

Le recueil justifie le nom de "galerie." C'est tout,une suite de nobO^s

visages, de nobles faits, dont CLue^lq.ues->un9 sont bien connus, d'autres

presq.ue ignores. ChaQ.ue sonnet, dans 1'edit ion de 1843, est precede d'une citation latine ou grecQ.ue, frangaise, anglaise, italienne ou allemande, traduite ou non, selon le cas. Et, comme 1'avaient remarq.ug Asseline et

LabittSj il y a force notes. de 11 faut nous contenter^i'examiner en detail gue les meilleurs de ces

sonnets. 11 y en a gui sont assez triviaux, d'autres, par centre, q.ui rappellent 1'excellent sonnetier du Planto. Voici, a notre aVis, le plus

beau de tous, paraissant d'abord en 1835 dans les Annales Romantiques.

ikmprime dans cette edition des Rimes Heroigues en 1843, supprime dans les

deux editions (lui, suivent, comme si le poete croyaiiit ne plus pouiroir y

justifier sa presence, (1.) 0f^/sM/ En effet, c'est plutot un sonnet

d'amour, largement inspire da Ronsard de

"Quand vous serez bien vieiLle......

Voici la fireiere version,de 1835. La troisieme strophe est toiibe changee

en 1843: nous la donnons comme note. H'y aurait-il pas la une indication

du changement dans les sentiments religieux du poete? ..."la chaste

Laure " au lieu de "son beau copps." C'est un pur hasard, gaut-etre,

raais il est certain liue Barbier est devenu, surtout apres la mort de sa

mere en 1838, un catholiq.ue bien plus orthodoxe, et q.ue ce chaggement

a influe desormais sur son oeuvre.

Laura» Pans Avignon la saints, a I'ombre d'une tour, Parmi les murscroules d'un cloitre solitaire^ ])eux noirs et longs cypres groupes avec mystere, EVoilt q.uea4uea ce ause futle s fempsde marbre,. ce vieillar. alloi^ed s sanalentours amour. , ie la tombe de Laure a laisse sur la terre;

Ge sonnet jrt 1t-i^ ° -^1^.11^^8 3 du Tombeau de Laure para it dans 1B 8 sll'Tll .imes LegIHr^872, et dans les Sxives en 1864. J 303 »

Voila ce qu'il a fait de eette dame austere Qu'uii poete chanta jusqu'a son dernier jour. Mais qu'importe, apres tout, qu'il ne reste rien d'ellej Le bon Petrarque a fait sa memoire immortelle, Et range son beau corps a I'abri du trepas;

Car ces pieux sonnets sont un tombeau splendide, Ou. le Temps usera toujours sa faux rapide. Et que son large pied ne renversera pas, (1.) Les quatrains sont bien trouves; mais que de faiblesse dans les tercets!

Le sonnet sur Jeanne d'Aro debute par un assez beau quatrain:

Lorraine aux brunes mains, aux yeux pie ins d'innocence, Qui fis si grande chose avec tant de candeur, Toi qui n'eus qu'uti bucher pour prix de ton ardeur, Puissent nos plus beaux vers etre ta recompense... mais nous trouvons par la suite des mots rimants tels que nous en avons deja vu tant de fois chez Barbier: autels, immortels, detestables, injurieux., pieux, epouvantables, Ce sonnetest parmi ceux que le poete avait publies en avaiice sn 1840, dans Babel; il explique les grands ^ changements qu'il y fit plus tard: Lorsque je fis imprimer, en 1840, plusieurs sonnets de ce recueil je donnai celui de Jeaime d'Are avec une fin different* de celle qui s'y montre aujourd'hui; le dernier tercet contenait une allusion a Voltaire, et tournait a la satire, Corame cette terminaison n'etait pas en harmonie avec le commencement, et le milieu de I'oeuvre, Je I'aijchangee, II va sans d&re que Voltaire a mes yeux est toujours tres-coupable, at que le poeme de la Pucelle pesera toujours sur sa memoi^e corame une mauvaise action. Aujourd'hui I'on sent mieux tout e ce que le coeur a pu insplaerd de grand a cette malheureuse jeune fiU3 et le culte de Jeanne est devenu plus brillant que jamais. (£.)

Voisi la terminaison de 1840: Que tous ies coeurs chantans deviennent des autels Oil le sentiment brille en hymnes immortels; Et venge largement tes ma^es lamentablesJ

1. Troisieme strophe en 1843: Mais qu'importe Saturne et ses puissants^^ Soups d'aile? Pe'trarque, avec les sons de sa lyre immortelle, A mis la chaste Laure a I'abri du trepas.,..

2. Bot^s, Page 165. 3014.

Qu'ils te gengent surtout des traits de I'ecrivain yui ne sut pas domprendre, en son rire malsain. Que les beautes du coeur sont toujours respectables!

Cogiparons oe q.u'elle est devenue en 1843:

Que touS:,les coeurs chantans deviennent des autels Ou ta louange eclate en hymnes im.mortels; Poetes, vengeons-'la des bourreanx detestables! Quand le bien tombe aux pieds du crime injurieux, C'est aux enfants du beau, comme freres pieux, A reparer du sort les coups epouvantables. Le poete n'arrangea pas les vers de son £hristophe Colomb. en 1840 et 1843, sous la forme.ordinaire du sonnet, tfous avons deux strophes de

six vers, avec leg rimes a;b;a;b;a;a; b;c;b;B;d;d; et un Q.uatrain final, rimant c;d;c;d. II y a le meme nombre de vers, mais les rimes empechent c^ue ce soit un sonnet, (1.) En 1853, Barbier le recrivitj cette fiais en forme de sonnet orthodoxe, avec, omme g.uatrain finitial:

Poete merveilleux a la force du Dante, Qui ton reve ecrivis non sur du froid papier, Mais sur le sein mouvant de 1'Ocean altier, Avec le bois ferre d'une carene ardente... Le sonnet sur Lucrezia di Mazzanti dans leq.uel le poete compare cette

Lucrewe italienne a cells de la Rome antiq.ue, est omis des editions de

1853 et de 1869.

Les sujets de ce recueil ne mang.ue2it pas de variete. Nous trouvons cote a cote, Jean Ramus, libre penseur franqais du seizieme siecle, et I'esclave iffidele de Camoens; Jean Rotrdu, "magnanime rieur," et LoSd Falkland* Le soniiet sur eelui-ci contient un des meilieurs vers du recuejh Le sang noir a longs flots trempait la terre humide... II y a presciue du symbolisme, une certaine obscurite recherchee, dans le sonnet to Jlran^ais de Thou, celebrant I'amitie. Voici le sonnet en enties" la premiere strophe nous prepare en ^uelaue sorte pour le Barbier des

1. Barbier admet i^ue "ci^'est un sonnet de forme nouvelle." (Notes, Page 174.) 304,

GhaSsons et Odelettes; J'ai vu la jemie nymphe au front pur et serein, L'Amitie folatsper, comme en un jour de fete, Avec lea blanches fleurs qui couronnaient sa tete, Et qui formalent guirlande autour de son beau sein;

Et chaque douwe fleur^qui passait sous sa main, Tendreraent rajSpelait a son ame discrete Les rapides momens de volupte secrete Que son miel fait gouter au pauvre genre hiMain.

Mais lasJ il en vint une, une de sang tachee, Et d'un si sombre eclat, que la vierge penchee lie put la voir sans trouble, et son oeil aussitot

Et remplissant de pleurs baigna la fleur charmante. La fleur jadis cueillie au pied de I'echafaud, Oil du noble de Thou s 'exhala I'ame aimante. Le sonnet sur Lafayette reflete I'admiration que^ ressB.tttait Barbier

pour les Etats-Dnis; il dit, avee encore un mot dedaigneux pour Napoleon:

Ahl d'autres chanteront 1'enfant de la victoire, L'autres du Cesar corse exalteront la gloitre; Moi, je c^'lebrerai I'ami de Washington... Les sources d'inspiration de ces sonnets sont varies comme les th^emes. Barbier croyait devoir ajouter des notes assez amides, ou il nous dit quelquefois ce qui 1'avait inspire, ou a quelle source historique il avait puise. Ainsi, pour Santa-Rosa, c'est a quelques-unes des Lettares de celui-ci parues dans la Revue des Deux Mondes que nous devons le

onneto Pour Barra, o'sst peut-etre a une statue de David dont Barbier s fait meiition. Pour Lucrezia da Mazzanti a une epigraphe que le poete f iit trouvee sur un pan de mur a San Giusto, sur I'Arno, epigraphe ava lebrant un fait de I'attaque de 1529 du prince d'Orange centre la ce Toseanie, Rienzi est un sujet a la mode; (1.) on ne s'etonne done pas

Barbier a du connaitre aussi la strophe de Hhil^ft Hagald (iv, cxiv) qui eelebre le grand Remain. 06, aue Barbier s'en soit inspire, m tableau d«J'Hersent representant un incident de la vie de B'arthelemy de Las Casas a evo^ue le sonnet sur celui-ci; la le'gende ceux du Cid et de Roland. Souvent c'est de I'his- toire q.ue le poete ^'inspire, de I'histoire anglaise , suisse, fran- qaise, polonaise; pour I'ltalie nous savons par ses notes q.u'il avait beaucoup puise dans I'Histoire des Eepubliques Italiennes de Sismondi.

Pour ^lous autres Anglais, i'origine du beau sonnet sur ^^aure de Noves est j,)articulierement interessante. Barbier raconte gue pendant une visite a Avigndin dans les dernieres anness de la Restauration, il aurait voulu trouver la tombe de Laure; mais il n'y reussit pas, it le sonnet ffnb ecrit en 1830, selon la date cLu'il donne dans les Silves, dans q.^e le poete eut vu la fameuse tombe. En 1838, (1.) de retour a Afrignon, il voulait voir du moins dans q.uel etat etait I'eglise ou avaient ete deposes les restes de 1'heroine de Petrarq.ue. Ni.di jardin ni du cloitre rien ne restait; seul il trouva un petit carre de terre reserve a

1'elevation d'un monujnent, avec, au milieu, une colonne funeraire, insctite:

In memoria Laurae ponebat, anno 1833, Bioc monumentum, M. Kersall, Anglicus* Barbier rend hommage a M. Kersall: ...Le respect du passe, IjShommage rendu a la beaute et au ge'nJe , sont presq.ue toujours la marciue d'un esprit eleve et d'un coeur ge'nsreux.

Dans le sonnet sur Mathieu Mole,, c'est Horace cLui est la source

d'inspiration, pour la forme, bien entendu. Comparons cette ode du

poete latin? ...Illi robur et aes triplex Circa pectus erat, q.ui fragilem truci Commisit pelago rateA Primus nec timuit praecipitem Africum Decertantem Aciuilonibus Nec tristes Hyadas ne rabiem Noti,

1. En 1834 selon les Histoires de Voyage, en 1838 selon les Botes aux Rimes Heroiqiies. 30^7.

Quo non arbiter Hadriae Maior, tollere seu ponere vult freta,.,(1,) avec le sonnet fra^iyais: II eut un coeur d'airain celui qui le premier Contempla d'un oeil sec la vague bondissante, Et le ciel tenebreux, et la foudre luisante, Et les monstres nageans, et I'ecueil meurtrier, Et qui, faisa^t d'un chene un navire grossier, Seul, en butte aux assauts d'une rame puissante, Courba les lajjges reins de 1'Ocean alt ier... Pour le sonnet Au Christ, nous laissons parler le ^diiAet poete lui- meme* Barbier a voulu terminer en rappelant a ses lecteurs le devoue- ment le plus sublime, I'heroisme le moins recompense:

0 toil qut dans un jour,de sombre aveuglement, Au milieu de bandits voues a la torture, Un bourreau juif cloua sur une planche dure, Bt dressa dans les airs si miserablement,

0 Jesus J quel que soit le hardi jugiement Que I'humaine raison porte sur ta nature, Je finirai par toi; je veux que ta figure De mes nobles heros soit le couronnement: Car tous les devouementspans le tien se confondent; A tes divins soupirs tous les soupirs repondent, Et les ruisseaax de sang qu'a longs flots ecumeux

L'amour du bien ver^ sur la terrestre plaine, Ont tous leur ocean au pied du mont fameux Ou. pour I'humanite sbuvrit ta large veine,

A part les mentions, d'ordinaire Sort superficielles, qui se trbu=

vent dans les critiques generales de Barbier, il existe quelques etudes

de 1843, contemporaines du recueil, qui sont du plus grand interet: trois

de ces etudes sont frangaise^, une quatrieflie anglaise.

Sous avons deja cite ©n entier une lettre de Barbier ecrite en

reponse a deux articles frangais, celui de Charges Labitte et celui

d'AsselinSe

1. Horace, Odes a I. 3o SOS.

Labitte avait parle des Rimes HerolQues au cours d'un long article intitule Poetaa MinoresT ok il fait la criticLue des "petits poetes" de

1843. II note d'abord la vieillesse prematuree de Barbier. Dans les lambes merae il trouve un "tour uniforme d'enumeration descriptive et de personnifications deseriptives..." un "partial pris de erudite';" mais ces tU8.11te§ ont ete rachetees par "la sincerite energique de 1'infiignation."

La reussite des lambes a ete dangereuse a I'auteur! Quand il a fallu

Qompter sur lui-meme et non sur les eve'nements, Barbier s'est peu a peu tombe dans I'oubli, "II Plantfe avait encore de la liimiere et de 1'eclat;"

^usciue~la Labitte admire toujours son auteur. Mais Lazare a marque la decadence, qui est alle s'augmentsmt dans les Nouvelles Satires et dans les Chants civils et religieux, Le poste des lambes appartient desormais au passe: Aujourd'hui M. Barbier est separe de lui-raeme par un^ abime,, La source de 1'inspiration semble corapletement tarie ehez I'auteur des Rimes Heroiques« Au lieu de penseny, on n'a plus qu'un moraliste d'ecole; au lieu du coloriste habii^, qu'un rh'eteur qui versifie.

Dans ce recueil de sonnets Labitte ne trouve qu'une idee vague du bien. et du beau, "un ideal indefini," on "ton de predication parfaittement monotone et asspupissant." La poesie de Barbier ne sort plus de son ame, elle devient un exerSice de son esprit. Ses themes ne sont plus que des "programmes de morale;" en marge de chaque piece, Labitte voudrait ecrire le vers de Musset: Admirable matiere a mettre en vers latin... Labitte trouve bien des charmes dans la forme du sonnet: Mais choisir au hasard, dans I'histoire, des noms obscurs et des noms eolatans pour en faire, de parti pris,. une sorte de galerie de sonnets c'est tout simplement rimer des etiquettes pour des portraits. Tou~ joiirs deux quatrains et deuK tercets, soit qu'il s'agisse d'un homme inctmmi^ ou d'une renommee glorieuse, d'un fait ignore ou d'une revdi« ration qui a change le monde... 303»

II poursuit, assez justemelit du raste: ,..bien des titres seraient transposes sans que le lecteur s'en aper- gp.t. Aucune empreinte n'est nette, aucun trait n'est marque avec decision... En ve'rite, a quelques exceptions pres, ce que Barbier dit d'un de ses

personnages historiques, pourraient facilement s'appliquer a un autre,

Labitte n'epargne pas non plus le style du recueil. II n'y trouve

que des "epithetes parasites," que des metaphopes qui sont "des neces-

sites poetiques," que des termes impropres, comme, par exemple, dans

Jeanne d'Arc. quand les Anglais sont foudroyes au moyen des ^ lueura de la lance" de Jeanne. M. Barbier a perdu le sentiment de la mesure. Dire les "reins de 1'ocean" au lieu des flots, dire la "sequelle infame" at lieu de ia populace ?ie prouve absolument que 1'absence du goudt, C'est le pro- cede de I'empire retourne; les poetes d'alors employaient I'expres- sion noble, vous employez le mot bas; ils disent "coursier," vous dites "rosse," J'aime encore mieux le pompeux que le trivial,

Et ici, finalement Eabitte trouve qu'il n'y a plus d'objections gene'rales a faire a I'auteur du recueil: il se contente de repeter que son livre manque totalement d'inspiration. Tout admirateur du premier Barbier sera fort d^QU. Quelles epithetes oiseuses ^ue "batrbare, sombre, fremissante^ implacable«" Pourquoi Barrier persiste-t-il a publier des oeuvres si

vides d'inspiration? ,..quand le public vient, a pludieurs reprises, de marquer s4 resolu- ment son indifference a I'auteur de Pot-de-Vin et des Chants civils et religieitx;, est=C0 le vrai moyen de re conquer ir son attention que de persister dans la meme voie fatalo, que de lui jeter dedaigneuse• ment quelques sonnets grossis en volume a I'aide d'extraits infdirmes de la Biographie Ohiverselle et du Magasin Pittoresque. On nous per- mettra de le dire, e'est au contraire appeler 1'Industrie au secoiirs des defaillanoes de I'art... Le critique tepjnine en esperant un meilleur avenir pour le poete des lambesj mais il eraint fort que son moment ne,soit passe, Barbier a cru decouvri* la poesie humainitaire; dssBrmaisxi, e'en est iffait de luil sao.

Asseline n'est pas plus indulgent que Labitte, Dans son article de la Revue de Paris, il fait la critique des Rimes Seroi'ques et des Chants civils et religieux. Nous avons deja ccnsidere son opinion des derniers,.

Celle qu'il a formulee sur les sonnets n'est pas^ plus favorable. Apres des louanges presque exagerees des lambes il passe a uree etude caustique de ces deux recueils. (Si les oeuvres posterieures aux lambes. avaient iieux valu, peut-etre leg critiques auraient-ils cesse d'accabler de flatteries le premier recueil. II est tres utile pour eux que d'avoir une telle base de comgiaraison, Les lambes brillent, pour ainsi dire, par conttaste avec la mediocrite.) Ainsi que Labitte, Asseline attire

1'attention sur les notes des;Rime3 Heroiques. qui occupent toute la seconde moitie du volume. II lui semble ...que la Muse est deshonoree par cette sorte de trafic pour lequel on la fait iSescendre de son piedestal...

Quant au style e^ au langage ..M. Barbier n'a jamais ecrit avec une telle negligence. La perais- smon que I'auteur se donne de violer les regies les plus smmples et les mieux etablies, prouve ou beaucoup d'orgueil ou une grande paresse.

La "combinaison nowelle" que le poete a tentee dans Cfaristg>phejCo 1 omb n'a pas reussi* (En effet, Barbier a reciit le poeme en forme de sonnet

regulier dans I'edition qui suit celle de 1843.)

Que d'expressions communes, dit Asseline, en citant "barbare fureur,"

"une sequelle infame," "jamais, au grand jamais," qu'il a trcuve dans

trois sonnetsUl.) Les idees ne valent pas mieux que le style; et "le

trait final est souvent absent ou mal mene." Toutefois il reste quatre

ou cinq pieces dont la donnee est touchante; Asseline n'a pas pu resister

au charrae de Laure de Noves.

1. Cette expression ne nous avait pas frappee au meme point; e^ effet, dans I'edition de 1843 dont Asseline a du se servi^, elle ne se trouve qu'une seule fois, dans Le Cid* 3ia.

Mais a part des sonnets tels que Lord Pallcland. grangois de Thou.

Santa-Rosa, quelles vertus douteuses, quel style de cimetiere de village; Barbier ne presente plus que"de vaines utopies auCquelles il ne croit pas lui-meme,"

J'ai peur, helasi (dit Asseline,) que le poete ne s'en so4t alle, et qu'il ne nous reste plus qu'un tMMtit.ao^histe...

Dans la lettre que Barbier fait publier dans la Revue Independante il reproche a Asseline et a Labitte de "sortir des bornes de la critique litteraire." 11 defend des notes, sans lesquelles, dit-il, pluse^ipurs des sonnets ne seraient compris que de tres peu de lecteurs. Jialgre certaines phrases d'une vertue trop voulue, peut-etre, la diguite de Barbj.er ne souffre pas dans cette lettre. II rappelle a ses critiques qu'il n'est pas a son debute Et quelle riposte que celle-ei:

Depuis trelae ans que j'ecris, le public a pu voir que la muse n'a jamais ete aux gages d'une iddustrme quelconque. Les industriels sous le patronage desquels ces deux messieurs ecrivent le savent bien aussi,

(Le feu des lambes n'est pas encore eteint!) ^ La i^evue de Paris publie plus tard la reponse d'Asseline a cette lettre. (1.) Bile consiste en \m artic^le intitule l&ie Colere a Propos de

Sonnets, que nous avons deja eu 1'occasional de cmter a propos des iiouvelles Satires. (2.) Asseline debute: Dans un article publie le mois dernier par la Revue de Paris.j'ai pris flia liberte grande de dire franchement ce que je pensais des Rimes Heroiques et des Chants civile et religieux de M. Auguste Barbier, J'aurais pu sans peine/i, vous le savez, me mrtnntrer plus severe encord que je ne I'ai ete; cependant I'article en question tout modere et bienveillant merae qu'il demeure, parait avoir emu vivement M. Barbier, Pour donner la change au public sur le depit que lui a cause notre ju^eaent, I'auteur des Rimes Heroigues vient de nous appeler sur un terrain qui n'est pas le notre, ouj'avals evite de me rencontrer avec lui. Mais im mot d'abord sur la question d'indastrie qui parait I'avoit

1. 30 jmillet, 1843, 2, Voir a la page 286 et seq. 312,*

blesse au coeur J

A laquelle de ses diverses libertes Barbieri^ croit-il?

M. Barbier le sait-il? Pour moi, dans I'embsBras du choix, il ra'a paru permis de supposer a M. Barbier une de ces convictions d'artiste qui sans doute ont de la profondeur, mats aussi toute la rapidite de la verve. Je n'ai pas voulu dire autre chose... Dans la Revue Independante paralt avec la lettre de Barbier une cri• tique de son ©ouvre,(l.) Plus de trois quarts de I'article s'occupent de la satire frangaise en general et des lambes en particiaier.

legnier et Boileau n'ont fait qu'imiter les anciens; Boileau meme est alle jusqu'a les copier. Gilbert a ajoute a la satire franqaise ion coloris plus vigoureux, mais il a fallu attendre Chenier pour donner a la satire une forme nouvelle, Barbier a agrandi 1'heritage que lui a laisse Chenier.

C'est le premier satirique qui ait mis le peuple en scene tel qu'il est: La satire*!, en effet, lui devait une forme plus large, une allure plus franche, et il lui avait donne un caractere qu'elle n'avait pas avant lui....

D'une satire comme celle de Barbier on arrive iffacilement a des aspirations

1« 26 juillet, 1843. Tome 9. Page 3U0, 313, vers le progres. La penseed du poete s'eleve, De femme du peuple, la

Liberte' devient I'ange qui doit regenerer le monde, Voici encore un mot dirige contre Asseline et Labitte, (on soupgonne presque des rivalites professionnelles:) Cast,,,, oe qui est arrive a M. Barbier, et c'est aussi ee qui lui a valu la haine et les injures de certains critiques. Mais qu'il s'en console, et que leurs olameurs, au lieu de I'arreter, 1'encouragent a marcher dans la nouvelle carriere ou il est entre...la seule...ou I'on puisse trouver une gloire solide et durable. (1.)

II s'ensuit que le but du poete dans son dernier recueil est fort louable-

Pouriant le critique a soin de se taire sur les meiites pogtiques du reeueil, se contentant d'engager ses lecteurs a

...se tenir en gardei^ contre les jugements de ^fittl 1'esprit de parti qui cherche a se venger des idees de I'homme sur les vers du poete..

Ce sont les idees plutot que les vers que defend le crit/_ique de la

Revue Independante; de Barbier le poete il decline toute aresponsabilite,

Uhe critique du recueil qui interesse surtout des lecteurs anglais est oelle de la Foreign Quarterly Review;(2.) elle est accompaggee de traductions, (fort mauvaises,) de certaines pieces. L'article commence par une appreciation des lambes et une description du bruit qu'ils ont fait en 1831. Malgre une oertaine hardiesse de langage, t"What is vile id seldom in his hands raised from its native coarseness,") Barbier metite d'etre mieux oonnu en Angleterre: We could not offer clearer evidence of his power or of his character than by an endeavour to set forth his Idole in an English dress.

Passant aux Blmes Heroiques. le critique n'admet pas qu'on puisse

eprouver a les lire la moindre deception; I'auteur y a atteint son but,

Madame Roland et Faliaand sont traduits en ailiglais,«^ et I'auteur termine

en declarant que;

1. On se rappellera que la Revue Independante etait fourieriste a cette epoque. 2. Tome 81. Pages 84-9. 1843. 3ia.

Independently of any question of gentus, it is impossible not to be struck with the hoaest convictions and high moral courage ^hich breathe through all his verses... (1.)

C'est le jugement le plus bienveillant qu'on ait jamais porte sur les

Rimes Heroiques. Le courage moral, une sincere conviction, voila bien

des qualited repandues dans le recueil, et par toute 1'oeuvre de Barbier,

si mediocre qu'elle soit devenue. Mais qu'on ne vienne pas chercher des marques de genie dans cette galerie de sonnets. A peine s'y refletint

encore quelques lueurs de la flamme des lambes; a peine ces nouveaux

sonnets nous rappellent-ils qu'ils sont de I'auteur de Michel-Ange et de

Raphael*

le Voioi les traductions en question: Lord Falkland* Her sovereign decree had murder given; A drenched soil drank the dark blood's mighty tide. 5heir backs to earth, their chargers laid beside, She dead showed livid faces unto heaven. Some by the swift shot stricken while they chanted 2he sombre Puritans' inspiring hymn... And some upholding Chailes's flag undaunted. Which iiaughty subjects did dispute with him. All in theitr cemaeA/ believing unto death I Only amid the carnage one, ill-starred. With honour for a banner and a faith, Was Falkland, (virtu bear him to reward I) Swathed!* round by FSEEDOM'S flag, vain lighted ring! In silence he expmred...... for the KINGI Madame Roland* 'Tis well to hold in food our faith entire. Rejecting doubt, refusing to despond, Believing, beneath skies of gloom and fire, In splendours of an aerial wo±ld beyond. As erst, when gangs of infamy inhuman St Freedom striking still thr6^ freemen's lives. Her great support devoted to their knives, "She soul of Gironde, an inspired womani Serene of aspect^ and unmoved of eye. Round the stern car, which bore her on to die, A brutal mob applauded to the crime. But vain beside the pure the vile might be I Her heart despaired not; and her lip sublime Blessed thee unto the last, o sainted Liberty.' 31S. traductions du Decameron et de Jiilss Cesar.

Pendant les annees aui preoederent la revolution de 1848, Barbier fit aussi des essais de traduction. Il traduisit tout le Decameron de Boccace^ gros volume in-(iUarto illustre par des artisies romantiq.ues tels q.ue Joiiannot , Deveria, lanteuil, et paraissant en 1846. (1.) Le poete prefaga sa traduKtion d'une notice historiq.ue sur I'auteur italien; il sembla.it a c vouloir se faire I'apologiste du cote licencieux de cea; nontes , Boccace est 1'expression de son .4po(iue: son Decameron represente cette espece de litterature q.ui ...exprime les modes changeantes ...les passions, les moeurs, les travers et les transformations de chaq^ue societe... .Tout ee q_XLi peint les petites passions, tout ce q_ui met en relief les interets secon- daires, les ridicules ou les vices de 1'existence...pour etre en apparence moins substantiel\(i^ (gue les hautes idees) ...n'en est pas moins neeessaire aux besoins de tous les temps... Boccace est parmi les ecrivains Italians dm moyen-age et de la Renaissanc c[ui ont survecu a la decadence q.ui a suivi ces epoq.ues.

Dante Aligiiieri, Petrarciue, BoBdace, I'Arioste et le Tasse rettent seuls debout, comme ces mouvements des vieux ages q.ue la foudre a touches, mais q.ui ont vaincu le temps... Ce fut en 1848 oue parut la traduction de Jules Cesar, travail

Barbler avait entrepris plus de dix ans auparavant, et soumis en 1835 ou

1836 aux conseils de Mrs. Sarah Austin; et c'est a la memoire de Mrs.

Austin q.ue cette traduction fut finalement dediee. Vigray fournira des conseils ^pres la publication; peut-etre aussi lui avait-il fait q.uelq.ues suggestions avant, sans parler des auttes traducteurs ou amateurs de

Siialcespeare, tels que Leon de Wailly, Smile Deschamps, Berlioz, to\m amis intiraes de Barbiere Celui=-ci semble pres^ue I'adjnettre dans son avant- propos:

1. Chez Barbier, editeur, 13 rue de la Michodierej 1BM» 216,

J'ai fait usage de toutes les traductions connues jus(iu'a ce jour, et me suis..aide en outre des conseils des personnes IRS ^lus eompetentes en matiere de traduction et de liliterattre anglaise. Je remercie par° tieulierement I'excellente et judiicteiise mistress Austin des avis a^' ^ . unt semblaient plus prendre trois vers c^ui m'ont paru interpreter nettement 1'original*, Snfin je me suis arme da toutes pieces pour lutter avec ce rude jouteur, ainsi CLue le disait Rousseau, a propos de S Tacite»,. (1,)

C'est un vrai travail d'erudition c^ue cette traduction de Barbier,

II a consulte d'autrss ouvrages pareils, il a etudie la piece sous tous les points de vue, ses sources, sa versification, ses personnages, sa verite historiq.ue et £ramati(3.ue, Avant de donner sa version, il fait de la tragedie une analyse cLui temoigne de ces longues recherche.s prelimiyl- naires*

Shakespeare selon Barbier a '11% fait un heureux choix en puisant son

inspiration ehez PlutarcLue, historien le plus apte a faciliter sa penet•

ration dans I'aipffl de ses personnages* La grade affaire de Corneille etait la peinture des passions; celle de Shakespeare les caracteres.,.

Barbier hesite a choisir entre les deux, et entre la rigidite des Ibites

et la plus gragde liberte du theatre anglaiss ..Nous pla^ant.o.au point de vue de Shakespeare, nous ne jugerons pas son ouvrage avec les regards impatients d'un public fran(jais..

1» ¥oioi les traductions aiiterieures a celle de Barbier et dont il a pu se servir: (citees par Jules Dubeux:Pages 60-61.) La Mort de Cesar. Voltaire, 1736* Jules Cesar, traduit par Yoltaire, 1764. Brutus eF"CassiU3 ou la Bataille de Philipp^s. Sextmus Buffardin, an IV de la Republiciue^. Brutus II, Alfieri,'traduit par C.B. Petitot, 180£. La Mort de Cesar. M.J.C. Royou, 1825. Jiiles CesarA. t6xte anglais, annote, ets., par Casimir Delavign^, Guizot, Jay» de Jouy, Dupaty, iiemercier, Villemain, etc) 1841, Ensuite nous avonss Jules Cesar. Auguste Barbier, 1848. Le Testament de Cesar. Jules Lacroix^ Represented pour la premiere fois a la Comedie-frangaise le 10 novembre 1849. Paris, 1849. 3117.

Barbder trace d'une main vigoureuse les grands eveneraents gui consti• tuent le firame, II a bien compris les caracteres des principaux personji

-nages, d'Antoine, "politiaue a la Mirabeau," de Cesar, Q.ui se revele eomme maitre des ses premieres paroles, de Brutus, homiete homme, ame vertueuse et stoicienne, de Cassius, passiojine, epicurien, pousse par le desir de vengeance personnelle plutot q.ue par I'amotm de la Mberte.

II revele certaines ressemblanees interessantes entre Brutus et Hamlet: il oommente les discours de Brutus et d'Anto£$ine :

Les deux discours sont bien le reflet de la situation et du caraQ- tere des deux orateurs.... (Le) dascours categoriq.ue et sententieux de Brutus contraste on ne peut mieux avec la maniere d'Abtoine, cette eloc].uence insinuante et passionnee o^nl ne semble pas etre preparee et ciui exploite si habilement le sentiment du peuple... Pas un mot g.ui n'ait sa portee...

La piece, dikt-il, pourrait a la rigueur se terminer ici; le dua de Buckingham I'a coupee ici et en a fait deux drames; et c'est ici q.ue s'arrete la traduation de Voltaire. Mais le duel de la Republiq.ue et la monarehieii n'est pas fini: et Cesar n'est pas mort*^ moralement; sen ombre erre' toujours. Quant au cinq.uieme acte, Shakespeare a du avoir confianee au pouvoir de sa parole four representer dans 1'espece de grange (lu'etait le tha&t^e de son temps la rencontre de deux armees puissantes. II s'est fie a I'imagination de son auditoire, C'est

Octave Q.ui termine le drame, comme le peuple i'avait commence: ...le peuple et Cesar, les deux personnages a^i vont seuls desor- mais occuper le grand theatre de I'empire remain; qMB.nt au patriciat il est mort avec Brutus... Barbier s'excuse de son analjise detaillee; il a voulu montrer comment Shakespeare est reste fidele a I'histoire, pour les faits et les earacteres, melant au reel une veritable poesie. Reste a parlelr du titre, Brutus a beau rempltr la scene depuis le commencement, son 318. nom ne couronne pas la piece, Mais Barbier est d'accord avec Guizot, q.ue bien q.ue Brutus §oit le ^eros, Cesar et sa mort forment le sujet du drame, Ainsi Shakespeare fait preuve a la fois de "logique et de pMlo- sophie." On lui^ a reproche une impassibilite amorale; Barbier trouve un au contraire q^ue c'est toujoiirs 2/ecrivain des plus mDsaux. II est evident q.ue ses sjimpathies allaient du cote de Brutus; et la pensee de

1'autre Brutus remain I'amene a uaa consideration de la the'orie q.ue

I'individu devrait tout sacrifier, devrait commettre n'importe guel crime, pour le bien de I'Etat. Barbier n'est pas d'accord a ce sujet; il est possible d'apporter les plus grands bienfaits a la patrie sans la moindre violation de scrupules, la moindre tache sur sa consciance.

En comparant cette version de Sarbier avec le tdxte de Shakespeare)^ on a d'abord et tres vivement 1'impression q.u'a fleja fournie I'analji-se, au c'est-i-dire, c|_ue Barbier a compris ^ fond ce Q.u'il ^Ml interprete, et q.ue, en outre, il a apporte a son travail une vraie appreciation qui en rachete les defauts. Il a saisi I'essentiel de la piece, et c'est le plus eu'on peut exiger au traduateur. La seconde impression q.u'on regoit c'est q.ue les defauts sont surtout des defauts de langage, et que leur cause reside dans les exigences de rime qu'a imposees au poete le vers alejtahdrin par leq.uel il interprete le vers blanc de Shakespeare. II a traduisu t les passages en prose par la pirose; et I'ony y voit tout de

E ite la difference,.. .plus d'exactitude, un vocabulaire plus propsjpi^

exprimer les images shakespearisnnes, et bien moins d'epithetes

superflues.

Le calembour de la premiere scene sur le mot "awl" est forcement

perdu dans le frangais, comme le sera plus tard le jeu de mots du vers

How is it Rome indeed, and room enough... 319.

On se rappelle les parolesiij!! de Cassius a Brutus dans la seconde scene: strange You bear too stubborn and too i&t^tii a hand jfiver your friend that loves you...

Slles deviejanent en alexandrins:

St tel q_u'un etranger, a 1'homme q_xLi vous aime Vous tendez une main d'une froidsur extreme... Ces epithetes reviendront partout. Des periphrases mal trouvees rempla- cent parfois la consieion de 1'anglais:

Ye gods, it doth amaae me... devient: 6 gtands dieuxl De mon etonnement le plus prddigieux C * e st q.ue... Les passages celebres sont d'ordinaire bien rendus. Voici le famaus discours de Cassius de la deuxieme scene: Cet homme, vrai colosse, enjambe notra sphere, St nous, pet its humains perdus entre ses pies, Rampant, n'osant lesrer nos fronts humilies, Kous marehons pour trouver au bout de nos journe'es Des tombeaux sans honneur. Si^nous portons des dfers, Et dans notre esclavage entrainons I'univers, La cause de ce mal aisement se devoile: Blle^ est dans notre coeur et non dans iotre etoiJffl... Un detail a echappe a Barbier dans cette scene, ou bien, il I'a ignore eatpres. Pendant I'entrevue de Brutus et de Cassius avec Casca, celui-ci leur raconte les evenements des Lupercales en une prose dont Barbier ne perd pas la vigueur: mais la ou les deux amis parlent moitie en prose, moitie en vers blancs, Barbier les fait parler entierement en prose.

Les periphrases et las additions se multiplient. La courte phrase

"I am glad on't" de Casca devienti chez Barbier Je suis charme de woir ce brave citoyen Dans nos rangs....

She taper burneth in your closet, sir... 31d,

La cire est enflammee, et sa clarte s'epand Dans votre cabinet, seigneur... et For Antony is but a limb of Caesar...

devient: A Ant cine n'est, en somme, Qu'une mince partie, un des membres de I'homme Lont on veut dejouer Iss plans usupipateurs.. .

Barbier rend cmrieusement le vers: Let's carve him as a dish fit for the gods...

Qu'il tombe sous nos coups comme une sainte hostie...

Les paroles de Cesar Good friends, gm in, and taste some wane with me; And we, like friends, will straightway go togethei?...

amplifiees, deviennent: Aliens 8 dans cette salle Passez tous avec moi pour boire un peu de vin; Puis, le coeur rechauffe par le nactar divin, Pareils a des ma is (lu'lzn noble but rassemble, Pour nous rendre au senat nous partil?ons ensemble...

La scene de I'assassinat n'est ^i6(6 gatee que par la phrase:

Je fuB d'une rigueur extreme En banissant Cimber»... dans la boucha de Cesar; autrement elle ^e perd dlz5il rien de sa force.

Le passage memorable ou Antoine parle aux conspirateurs, en presence du

cadavre de son ami, malgre cdrtaines additions, certaines phrases

superfiues, (fureurs sanglantes, heros magnanime, adorable victime,)

est , somme toute, admirablement rendu. Le vdicabulaire du dlscours

d'Antoine:

Oh, pardon me, thou bleeding idpiece of earth...

laisse sans doute a desirer? 32a»

OhJ pardonne-le-moi, sanglant morceau d'argile. Si devant ces bouchers je parais si tranguillej H'est-tu pas les debris du plus noble mortel Que le temps ait vu naitre en son cours solennel? Malheur a. q.ui versa ton sang aux ondes pures, Malheur! fte le predis, ici, sur tes blessures, Qui, muettes, ouvrant leurs levres de rubis, Paraissent dmplorer le secours de mes oris, S\ir I'univers eutier les fleaux sont descendes; De ravage et de sang, de flammes et de cendre, line guerre civile emplira la longueur Des champs italiens.... La harangue de Brutus deiffant la foule est exacte, etant en prose; celle d'Antoine, malgre le cadre rigide de I'alexahdrin, me mangue pas pour cela de souplesse et de |ualltes dramatigues. La voici: Amis, ooncitoyens, veuillez bian m'ecouter, Je viens pour inhuraer Cesar, non le vanter. Le mal que I'horame fait demeure apres la vie; Avec lui le bien est souvent chose finie. Qu'ainsi soit de Cesar, Dh Remain verteuji, Brutus, a declare gu'll fut ambitieux. S'il le fut, il commit une faute reelle, Et son coeur I'expia d'une fagon cruelle. Je viens, d^ propre aveu de Brutus I'orateur, Et des autres,== Brutus est un homme d'homieur, St les autres aussi sont des gens honorables,—•= Prononcer sur Cesar guelgues mots MtfuSiit^bM^. lamentables. HelasS pour moi c'etait un aai precieux. Juste et sur; mais Brutus I'a dit ambitieux, Et nul plus q.ue Brutus n'est honorable, en somme. Cesar, nombre de fois, sul? ramener dans Rome . Des milliers de captifs dont la forte rangon Snriehit le tresor; etait=ce 1'action D'un coeur ambitieux? Qixand le pauvre e^ detresse Criait, Cesar pleurait, D'une plus dure espece Serait 1'ambition, et Brutus dit pourtant Qu'il fut ambitieux? et rien n'est plus constant Que 1'honneur de Brutus. Le jour des Lupercales, Brois fois J'ai voulu mettre a ses tempes royales La couronne, et trois fois il me la refusa. Vous tous gui I'avez vu, reconnaissez-^vous la L'ambitieux? Brutus le nomme tel encore, Et c'est un citoyen que tout le monde honore. Je ne refute pasle discours de Brutus, J3 dis ce q.ue je sais de Cesarji, rien de plus. Vous I'aimiez autrefois; ee n'etait point sans cause. A vos pleurs aujourd'hui quel vtai motif s'oppose? JugementI ta lueur brille chez 1'animal, Et I'homrae est sans raison. Pardonnez a mon mal, Car tout mon coeur est la, sor la couche muette Ou repose Cesar; il faut g.ue p m'arrete, Jusq.u'a ce q_ue plus calme il me soit revaau ..... Le reste de la piece a les memes qualltes et les mefljes defauts: nous citons les adieiuc de Brutus et de Cassius, passage emouvant, que Vigny a admire plus dans le frangais que dans 1'original:

(Brutus) ....J'ignore Si nous aurons jamais I'heur de nous voir encore, En tout cas, nofele ami, je vous fais mes adieux,, Mes adieux eternals. Si, pourtant, grace aux dieux, Jfous devons nous re voir dans le terrestre empire, Eii bien, eher Cassius, avec un doux sourire Nous nous accueillerons I'un et 1'autre, sinon De nous q.uitter ainsi nous aurons eu raison. (Cassius.) Adieu done pour jamais. Dans le terrestre empire. Si nous nous revo/jyons encor, d'un doux sourire H ous nous accueillerons I'un et 1'autre,, sinon De nous q.uitter ainsi nous aurons eu raison... La premiere edition de la traduction est de 1848 (datee de 1847.)

II est done etonnant a premiere vue de trouver dans 1'Edinburgh Review de 1846,(1.) dans un article sur Skhkespeare to Paris, et h.6 cote de comptes-rendus de 1'Othello de Vigny et du Hamlet de Leon de Wailly, une etude du Jules Cesar de Barbier, Le critique domt etre, selon nous, un intime du poete, pour avoir eu aeces a xm ouvrage non publie encore; et il nous semble q_ue ce doit etre Mrs. Austin, ou bien, ce^/ qui est plus probable, son neveu, Henry Reeve. Celui-ci est en ce moment membre du personnel du Simes, mais il est fort possible qu'il uecrive deja pour

1'Edinburgh Review, dont il deviendra redacteur en chef en 1855, Rappe- lons-nous aussi q.u'il s'agit tans oe meme article de Vigny et de Leon de

Wailly, avec q.ui Reeve avait ete egalement lie lors de s4s sejoiirs a

Paris. Certaines phsases suggersnt une certaineM intimite:

She system (of the author of the lambes) differs from that of his it friends,.. Done, I'auteixr de l^artiole est quelqui^'un qui reconnait I'amitie entre les trois poetes. II parle ailleurs de "M. Barbier"s M.S. tlranslation;"

1. 1846. Pages 59-6£. et cite en detail 1'introduction donnant les buts du traducteur, la commentant ainsi: Such are the views of the translator. They are in accordance with all the great canons of his art, and are expressed with a modesty worthy of his genius. Shose who are conversant with M. Barbier's verse, and know its singular vigour, freedomfli and lyrical force, will not he hard to believe that his sucdess has been answerable to his endeavour. It will, to due time be published...

II cite deux passages qui lui semblent de belles et fideles interpr-^ta^- tions. II admet que "the dire exigencies of the rhytae" nuisent a I'effet du disoours d'Antoine, et empechent la repetition de la phrase "honou• rable man;" M. Barbier has carefully retained the sease, and has even bean at infinite pains to introduce every time some word of the family of "honneur," But the marvellous effect of the iteration is lost...

II conclut q.ue la version de Barbier est ...a faithful and powerful translation, in very noble French verse,

Barbier n'a\it pu esperer un plus bel hommage. 32*,

CHAPITRB SEPT.

Vie et Qeuvres. 1848>'1869.

La Revolution de 18489 Barbier a exprime dans ses lambes. comme nous I'avons vu, la decep• tion et le desillusionnement de tous ceux qui avaient fait la Revolution des Srois Journees, tous, c'est-a=dire, a I'exception de la bourgeoisie. Deja, en 1830, s'etait revslea la soif du pouvoir de cette partied de la population, dans la euree des places, dans le prestige accroissant de I'argent; tout indiguait le chemin gu'ellait prendre le regime nouveau. Uhe nouvelle aristocratie, celle de la finance, fut vite creed, et devait regner jusgu'en 1848, abusant de ses pouvoirs tout autant q.ue I'aristo- cratie de l'ancieni^^{ regime elle-meme.

Les soins principaux du gouvernement pendant la monarchie de Juillet etaient aeux cin^exigentt la prosperite materielle d'un pays; on pourrait presgue resumer le regne de Louis-Philippe en disant que celui-ci et ses ministres ne cherchaient tout le temps Q.u'a eviter une guerre qui aurait nui a cette prospertte et exige sans doute un gouvernement 4'une tout autre espece. Ordre, paix, commerce, voila les motsd du jour, au poi^t de vue ministeriel; mais ml y avaat des elements de la population q.ui auraient,, des le debut da regne, desire autre chose, et ^ui, a la fin, n'etaient gue trop :^rets a faire la revolution, devenue en 1848 presque inevitable. II etait evident, au debut de 1848, que I'orage de la revolution se preparait; mais le roi refusait toujours de faire a I'opposition guelgue concession q.ue ce fut; G-uizot refusait toujours de donner sa demission. L^opposition s'augmentait de nouveaux elements; au moment dde la revolu- tion elle consistait en: I'opposition parlementaire, groupe de democrates et de reformistes, q.ui seuls, comme nous aliens voir, n'etaient capables de resister a la pression du ministere; les membres des societes et des clubs socialistes et republicains, partie tres energique de

1'opposition; la elasse ouvriepp, poussee par la famine et les injus• tices de sa condition; la«( jeunesse des ecoles, prete a venger Michelet et Quinet; les ecrivains et les journalistes, surtout ceux de la Reform^/ du National, de 1'Avant-Garde. et de la Lanterne. Dh autre e'lement, a certains egards inattendu, va s'y joindre; se sera la Garde Nationale, dont Barbier faisait partie, Cet element joua un role tres important dans les incidients q.ui ont determine la RevQlution* Slle avait ete formee par suite de la Revolution de Juillet quand on avait laisse des armes pour la defense de I'ordre dans la ville de Paris a ces membres de la petite bourgeoisie qui s'etaient battus en 1830 pour une Consti• tution et une monarchie democratiques, et qui avaient jure de les defendre* Cfetaisat de petits commergants, de petits fonctionnaires, les bas range des hommes de loi, des bourgeois, et nous ne nous etonnons pas de trouver Barbier parmi ses membres.

Le 2*; fevrier 1848 la Revolution eclata, D'abord la foule voulait bloquer les portes de la Chambre des Deputes; empechee par la police, elle se prncura des arroes et^ se repandit par toute la ville, sans

|tre molestee par I'armee, qui, a vrai dire, syrapathisait avec elle. Le

S3 on appala la Garde Mationale, qui n'hesita pas a se montrer du cote

du peuple contre le gouvernement. L'insurrection e^ait maintenant a

I'ordre du jour dans les Q.uartiers ouvriers, et managait de se repandre

partout. A huit heures et demie au matin, le 24, I'armee du roi se

retira sans se battre; a onze heures le peuple etait en possession du

Palais-loyal. Le roi, au desespoir, convoq.ua la Garde Nationale, et

ppomit de nouvelles concessions; mais il fut forwe a la fin ^labdiquer 326,

en faveur de son peti*-=fils.

Sur un ordre de la Garde ITationale, les autorites ep-aeuerent et

livrerent les Tuiieries, Le Minis^e n'existait plus; il n'y avait plus

de dirigeants dans la Chambre; le peuple etait partout victorieux.

Barbier nous a jfait le recit de tous ees evenements, auxguels il a

assiste en fearde nationale dont les sentiments etaient assez typigues

de toute la garde, et certainement de sa propre legion la lOieme. Le recit s'intitule: Souvenirs d'un garde national de la dixieme legion,

Motes sur divers e'venements de 1848, 22, B3f et 24 fevrier. Voiei, dit-il, ce gue J.'ai vu dans cette grande insurrection. Sachant gue le banguet du l2e. arrondissement, en faveur de la reforme, gui devait avoir lieu le 22, etait defendu par I'autorite et que I'oppo• sition avait renonce el' a y assister, je me me rendis pas a la place de la Madeleine, point de reunion des souscripteurs, mais a la Chambre des Deputes, Je me dirigeai done, par le Pont-Royal, vers la Place de la Concorde..(1.) II decrit ensuite la foule enorme gui attendait le passage des deputes.

La Place de la Concorde, depuis la Madeleine, jusgu'au point, n'etait gu'une mer de tetes.. Passant aux Chamgs-Elysees, pour se rendre chez Alfred de Vigny, rue des Ecuries-dfArtois, il y vit la premiere barricade, faite de

chaises, par des enfants et des jeunes gena de guinze ans. Voici un incident ou se revele bien la note dominante du temperament de Barbier:

son amour de 1'ordre, son bon sens et sa moderation: £out le long de la chaussee, des gamins, au nombre de douze ou guinze s'arrStaient a chague reverbere et le mettaient en pieces a coups de Pierre. MOIL loin de la, rue de Berry, je m'&v&nq&isi vers une de ees ^ bandes de de struct eurs et leur reprochai leur conduite. J'eta is irrite- de voir la prop«5ri8te publigue ai peu respectee par des enfants gui ne pouvaient avoir d'opinionj§ sur les choses et les evenements..

Plus tard, dans la rue Royale: Je tombai dans un groupe d'ouvriers gui peroraient violemment centre le^ gouvennement. Je me hasardai a dire gue ce gue nous avions de mieux a faire les una et les autres etait de nous retirer dans nos

1, Souvenirs fjersonnels. Page 107 et seg. 327.

demeures respectives etA. de ne pas contribuer a I'encombrement de la voie publiq^ue. Comme je m'eloignais, je m'entendis appeler mouchard; je revins sur le groupe et demandai quel etait celui qui m'avait traite de la sorte; personne ne me repondit, on me tourna le dos et on alia perorer plus loin.

En rentrant chez lui 11 vit des scenes assez violentes pour lui (taire

©redire a un ami des ;changements radicaux dans le gouveimement. Ses sentiments ont dii etre ceux d'une grande partie des gens de son milieu, membres comme lui de la Garde ivationale; Toute la nuit, je^fus tres agitg, deliberant guar la part que j'avai* ^ prendre. D'un cote, je voyais le pouvoir entrer dans une goie de reaction deplorable, de 1'autre, I'emeute s'organisaat et se prepa- rant a exploiter d'lme maniere sanglante les attentats du ministere; le sentiment de I'ordre et le patriotisme luttaient dans mon coeur..

fiappele le lendemain a la Garde Rationale, il fut tout de suite envoy^-4t^la Chambre des Deputes, Apres avoir raconte une dispute entre

Jouvencel, depute de 1'arrondissament et capitaine des grenadiers du trois^eiBffl'arrtodissament, et q.uelq.ues gardes q.ui n'approuvaient pas ses sympathies democratiques, Barbier poursuit: , .Je rentrai dans les rajigs de ma compagnie en disant que n'y venais pas comme garde municipal, mais corame citoyen charge de faire reppecter la propriete pjiblique et la vie de ses sembfebles.. . temoignant Plusieurs incidents^des sympathies des gardes; comme Barbier entrait avec un ami avocat dans la salle des conferences de la Chambre, tous les deux putent certifier ,..q,u8 la Garde Hationale de la dissieme legion etait, pour la grande partie, fort mal dispose pour le gouvernement, et fort engagee dans le mouvement ref ormiste .. Apres tous les evenements de cette premiere journee, il etait

"horriblement fatigue;" mais il dut sortir pendant la nuit, raraipele

encore une fois a la garde. II aida a faire I'agopel a tous les membres

de la Garde dans les rues de Vernueil, de Lille et de I'lSiiversite,

puis il se rendit^Q.uai dfOrsay. 328.

La, en attendant gue la diEieme legion int complete, j'appris, par les conversations nombreuses gui se tenaient a propos de la situation, combien elle etait grave,., ...... Des gue la legion fut en nombre suffisant, elle s'ebranii au bruit des tambours et nous marchames sur la place du Carrousel. Quand nous y entrames, nous fumes touts frappes de 1'aspect sinistre gu'elle avait; il etait pres de liuit he\ires; air vif et ciel gris; le terrain jonche de paille'et des restes de feux de bivouac fumant encore. II y avait de 1'artillerie, de la cavalerie et de I'infanterie, le tout en

front nous ne pumes nous empecher de crdier: Vive la ligne, tot ces pauvres enfants fatigues et inguiets, nsus repondirent par le cri de: Viv4 la Garde Rationales Pour moi, j' n'oublierai jamais I'e'motion gue ce cri noas causa; il etait si profond et ak intime gu'il semblait dire: Vous ^et^s povir nous le destin et notire guide, nous marchons avec vous, nous ferons ce gue vous feraz, nous resterons inactifs ou nous irons au feu ensembie..

Les barricades etaient partout, fians la rue de Richelieu, dans les guar- tiers de l»Ust-= les rues Beaubourg, Saint-Martin, Saint-Denis. On avait meme fait usage du nora de I'auteur des lambes, -—comme d'un nom

gui ferait des miracles? Uh garde national avec gui ^'etais entre la veille au palais Bourbon Vint a moi et me dit: Vous etes M. Auguste Barbier? •—Out, Monsiaur, Eh bien,,il y a dans le faubourg Saint-Germain une affiche portant votre nom, et gui appelle a la rgvolte; en etes-vous I'auteur? ^.i/, —Monsieur, lui repondis-je tranguillement, si j'en etaii I'auteur, je ne seraiyis pas ici,.. Quand parvint la nouvelle gue le marechal Bugeaud avait ete mis en tete des forces militaires de Paris et gu'il venait haranguer la Garde

Rationale: cette nouvelle ne fut pas reque favorablement dans les rangs;on eut mieux airae voir le commandement de Paris rester aux mains du general Lamoriciere... Barbmer, etant pres de lui, put entendre tout clairement la harangue: Gardes nationaux, la guestion politigue n'est plus en jeu, le minis- thse est renverse* II s'agit maintenant de proteger les proprietes. A trois pas de vous, on pille les boutigues, on envahit les maisons; il ne faut pas gu'une bande d'anarchistes portent la ruine dans la eapitale des £larts et de la civilisation. Cast a vous gu' appartient la mission de ramener 1'ordre et la ttanguillite, montrez-vous en dignes. 32

Tout n'etait q.ue faux bruits, ordres et contre-ordres. On .envoya

Barbier fihalement au q.uai des Orfevres:

Les ponts et las quais etaient deserts; on sentait que la bataille e'tait dans les rues; ...le tmcsin hurlait horriblemant dans les tours IJotre-Dame... .Nous avions devant nous une compagnie de CH&SSSIJTS d'Afrique q.ud se mouraient de soif; nous fimes une collecte pour leur donner a boire. On vint nous dire aussi que les prisonniers de la Prefecture manq.uaient de pain. Quelques gardes nationaux se detache- rent pour en aller chercher*...

II decriti I'avance Sers la Garde d'une troupe de revolutionnaires et 1'accord q.ui se fit entre eux; les insurges promirent de faire cesser le bruit des tocsins qui sonnaient partout, si la garde voulait rendre la liberte aux prisonniers politiques enfermes & la Prefecture. On se dirigea vers Iss cellules; ce fut un moment difficile: Si dans ce moment un coup de fusil ou de pistolet etait parti par accident, nous etions massacres, Les gardes municipaux pouvaient penser q.u'on voulait les egorger, et les insurges q.u'on les trahis- sait, Serres eomrae nous 1'etions, il etait impassible de se racon- naitre et de faire usage de ses armes, et ppis entre deiix feux, o' eut ete une boucherie epouvantable, Heureusement, auaun malh'=iur n'arriva, Les gardes municipaux remirent sans difficulte leurs arflies a la Garde Nationale, et une partie du bataillon les escorta afin q_u'ils pussent gagner sans encombre leurs casernes. On rendit aussi aux insurges leurs hommes, puis tout le monde evacua la Prefecture.

Barbier fut envoye ensuite au quai de I'Horloge, pour aider a prote- ger le Palais de Justice contre I'incendie, oar la foule y brisait et brulait les bancs, les coffres et les portes. C'etait un tapage, un chaos de voix et de oris vraiment epouvantable, Cependant, j'affirme n'avoir pas entendu une seiae fois le cri de Vive la Republiq.uel A notre ret our, nous apprlmes 1'abdication du roi, la proclamation de la regence; et la nomination de M. OdiZlon Barrot a 3-a presidence du Conseil. Cette nouvelle • parcourait les rangs aveo des commentaires divers; ge'neralement on la trouvait de funeste presage, Revenusau qmai Voltaire, ils apprirent la proclamation de ia Republique a I'Hotel de Ville, la nomination d'un gouvernement provisoire, la fuite du roi et la prise des. Tuileries. II est interessant de voir de q.uelle

faQon la nouvelle fu^ reque: Personne ne cna: Vive;l9 roil ni Vive la Republigue.' Bour le moment, on ne vit dans la proolamation de la Republigue gu'un moyen de termil ner la crise gui durait depuis trois jours, et plus d'un, mettant son fusil BUT I'epaul©, s'ecria: Ma foi, c'est fini, allons-nous-en chez nous« Appele encore une fois a la garde le lendemain, le 25, Barbier fut en• voys mettre un peu d'ordre aux Tuiieries. Voici la salle du trone telle gu'elle lui apparaissait en ce moment: Les meubles etaient en grande partie brises, lea soieries des rideaux enlevees, la place du trone vide et la tenture completement de'chiree; on avait ecrit aveo du charJion et en grands caracteres sur la muraills, mise a nu au-dessus du trone: Vive la Pologne! vive I'ltalie! inde'- pendance et fraternite des peuplesl programme humanitaire, et gue la main du peuple avait trace comme une sanglante ironie... La gaSde organisa les "visiteura," ferma une partie du palais, et enga- gea des volontaires pour lea aider a maintenir I'ordre gu'ila avaient reussi a etabliro petit monsieur gui portait a la oeinture une petite epee de bal a pommeau d'acier nous fut trea utile. Qui etait-il? Je n'en sais rien. II allait etTt venait avec une rapidite extreme, parlait a tout le monde et avait I'air d'avoir de 1'influence sur les masses. Dans un moment de repos, il me raconta gu'il avait empeche plusieura enleve• ments d'o^yjets, entre autrea celui d'une portion de vaiaselle plate, par un Individu gui etait anglais, ou gui en contrefaisait le jargon.

Barbier resta jusgu'a deux heures de I'apres-midi, ^uand sa partie de la garde fut relevee; en a'en allant, il vit toujours la m§me foule enorme, se renouvelant sans cease, donnant 1'impression gue tout Paris voulait

passer par lea Tuileriea; II raoonte, pour le 26, une rencontre aveo Montalembert: ...Le 26 fevrier, 1848, Je regagnais, vetu de I'habit de garde natio• nal et en compagnie de M. Mee, avocat et 1'un de mes amis, le domi• cile de mon pere, rue de Vaugirard, 60, guand nous rencontrames, dans la rue du Cherohe-Midi, auprea de la Croix Roug?, le comj* de Monta- lenbert, decore d'un ruban rouge flottant. Tons les deux nous le reco nnumes parfaitement et nous fumes tres surpria de lui voir a la bou- tonniere non le ruban trioolore ^u'un grand nombre de gena portaient, mais le rubaiii rouge. C'etait aans doute par precaution gu'il avait arbore uette couieur, maia oe n(etait paa trea brave de sa part.

Quelguea joura aprea, il entendit une chanson gui le chogua par sa

b-rutalite: 32 I e

La chanson ...me fit fremir. Je n'ai jamais entendu un rhythme plus lugubre et das paroles plus atroces. Sn voici deux couplets aui me sent restes dans la memoire: Louis-Piiilippe et ses enfants Sont tous de vrais brigands; lis ont pris notre al?gent, lis ont pris notre argent.

Louis-Piiilippe a merite D'avoir le poing coupe Bt la tete tranehee (bis.) Ce dernier vers repete et^tombant sourdement me faisait I'effet d'un coup de haehe. Quel a pu etre I'inventeur de ces horribles ^erhaires?

Tout Barbier est dans ce recit, I'homme de moderation haissant I'exces

sous toutes ses formes, humanitaire, calme, sense, et surtout tres

sincere•

Son reeit des evenements de cette annee ne Be termine pas ici.Il

deerit aussi les evenements turbmlents de juin, il raconte des anecdotes

sur le mouvement de fevrier dont on lui avait fait part depuis; il

reflechit triatement a 1'accession au pouvoir de Louis-Napoleon, evene- ment q.ui lui inspire des vers pleins d'indignation.

Hous savons ci.ue les premiers qjois de la nouvelle republicue furent

pleins de desaccords, et encore une fois, de deceptmons. II fallait

trouver un moyen d'agir entre le republicanisme farouche des clubs et

des societes secretes, d'un cote, et le conservatisme trop prudent des

deputed de I'autre. La petite bourgeoisie et le peuple, unis pendant les

journees de fevrier, avaient ressuscite leurs anciennes differences, et

la violence des sentiments des deax cotes les aveuglaient et leur faisaiC

perdre toute patience. Le 15 mai fut un jour oriticLue. II y eut une

demonstration du peuple, encouragee par Barbes et Blan^ui, en faveiir de

la Pologne. On atta^ua I'Assemblee, mais celle-ci fut protegee cette

fois par la Garde Mationale dont Barbier fit encore une fois partie.

II nous a fait le recit des esenements dont il fut temoin; c'est ici le

defenseur de I'ordre centre ia violence des insurges. .11 fut envoye au Palais Bonrbon ou la Garde Nationale rencontra le mepris et lea injures

de la foule assembles sur le |mi et le pont. les ggrdea ffureBt forces finalement a oter leurs bai'omiettes en signe de bonne foi,

ISxie grande ct^ntite de potteurs de bannieres, se rendant a I'assemblee par,la rue de Bourgogne, defilerent devant nous au crl de: Vive la republiq.ue democratiq.ue et socialej Beaucoup de ces hannieres portai- ent des bonnets rouges au bout des piq.ues; des triangles etaient peints sur les e'tendards. Quand elles passeren/^t a ma portee, |e ne pus m'empecher d* crier: A bas le bonnet rouge I ce q.ui me fit inviter au silence de la part des eamarades q.ui ne voulaient pas se faire egorger, disaient-ils....

Les insurges voulaient forcer la porte; lamartine, Marie, et Hetzel sortirent dans I'intention de leur parler. C'est la premiere fois gue

Barbier ait vu Lamartine de pres:

La premiere fois q.ue j'ai vu I'illustre poete d'lui peu pres c'est le jour du 15 mai, 1848. (,iuel(iues minutes avant que la Chambre fut envahie, une horde d'indi- -vidus demandait a grands oris g.u'on lui ouvrit la grille q.ui ferme 1'entree du palais du cote du pont. M, Me Lamartine, suivi de M. Marie et de M. Hetzel, vint harahguer cette multitude. J'etais derrie+e la grille au nombre des gardes nationaux (ini stationnaient sur le tpottoiro A peine eut-il prononce q.u.el(iues paroles tiu'on couvrit sa voix sous les huees et les injures, et une bouche s'ecria: Assez de blagues, comme cela, nous n'en vouions plus I M. de Lamartine s'en retira le visage ls6 aussi impassible q_ue lorsq.u'il etait venu. Uh Q.uart d'heure apres la grille etait forcee et la bande se precipitait a trsvers le jardin dans 14s couloirs de I'Assemblee....

Cetta invasion de I'Assemblee ch.oq.ua beaucoup Barbier.

Je perdis la tout a fait confiance dans I'avenir de la Republiqus. II me semhlait Q.ue c'etait un coup de poignard dont elle ne devait pas se relever.. .

Ce fit desormais oris et contre-eris, jetes par la foule a la Garde

Rationale, par la Garde a la foule. Snfin, la garde forga une entree pour porter secours a I'Assemblee en danger, et l"on reussit a repousser

1'attaQ.ue populaire.

Ce fut aClors un beau spectacle a voir, du haut des degres,^q.ue le depart a cheval de MM. de Lamartine et Ledru-Rollin, a la tete de la garde nationale et de plusieurs canons raarchant a I'arrestation des conjures de I'Kotel-de-Ville..,

Barbier et d'autres gardes durent rester la, de peur d'une nouvelle 332 „ attacLue centre I'Asserablee. Le poete y vit le retour trimmphait de

Lamartine et des autres. lis farent bien accueillis:

Le general Clement Bhomas, ^ui portait son bras en echarpe, blesse, daaait-on, en arretant Barbes, fut I'objet d'une oration particuliere. Vive la Re'publiq.ue I mais pas de Re'publiq_ue rouge I lis repondaient: Oui, une Republq.me honnete, pas de rouge, pas de terreur, vive la Republ44ue| Je me souviens q_u.e M. Berryer ne put pas lacher le got Republigue: il ne sort it de sa bouche q^ue ees mots: Oui, mes amis, une bonne liberte, la vraie liberte, vive la Libertel

C'est encore une fois le Barbier raisonnable q.ue nous voyons ici. Retro;- vera-*-il jamais plus son ancienne admiration de la "grande populace et la sainte canaille?"

L'annee 1848 devait voir d'autres moments violents; Barbier decrit en detail les ev«nements du mois de juin, apres la dissolution des ateliers nationaux. On s'attendait a uae bataille dans les rues, et la

Garde Katioriaie fut appelee, le matin du 23 juin: Bairbier alia avec son bataillon a I'Assemblee* L'emeute etait deja fort repandue. Pendant

1'apres-midi» il n'y eut g.ue de petits incidents. Puis a 5 heures, la compagnie de Barbier, avec deux autres, fut expediee au carrefout Buci pour empecher 1*etablisseraent des barricades. Hous arrivons assez a temps pour balayer une fouie de gens q.ui allaient se mettre a I'oeuvre. JJne compagnie la rue Dauphine jusQ.u' au Pont-Ieuf, I'autre le bout de la rue Saint-Andre-des-Arts, et la troisieme la rue Me.zarine...

On passa la nuit au carrefour et toute la nuit fut troublee et mouve-

Miik mentee. Mais le lendemain devait ^^apporter encore pire. Rameae d'abord a la mairie du dixieme arrondissement, Barbier y apprit ce q.ui etait arrive la veilde; puis on sortit parcourir les rues de Grenelle, de Sevres et du fiherche^-Midi, "q.uartiers mal habites," empechant toute tentative de barricade« Dans un de nos retours a la mairie on nous donne I'ordre d'arreter tout individu porteur de petits batons fourehus et peles ou de sous echancres, C'est le signe de ralliement des emissaires et des chefs en sous-ordre de I'emeute. On nous recommande aussi de ne boire de 1'eau-de-vie q^ue de la main des ®antinieres de notre legion, parce que, dit-on, toute autre eau-de-vie peut etre empoisonnee. ^nfin I'on fait courir sur la maniere de comfeattre des insurges, les bruits les plus sinistres et les plus affreux. Nous voila revenus en pleine barbarie-i/i-4^'.. .Nous passons la nuit couches sur la paille au milieu de la rue de Grenelle.

Le 26 vit s'augmenter les rangs de la Garde par des bourgeois effrayes ou choq.ues par liinsurrection:

Das vieillards en cheveux blancs, des magistrats se presentent a nous avec des fusils de chasse et une poire a poudre en sautoir. Tout oe q^ui se sent en etat de porter une arme descend dans la rue. De tout cote I'on comprend combien la lutte est grave et combien il est urgent q.u'elle finisse,

Elle etait, en effetid, presq.ua terminee; il ne restait qu'a subjuguer le faubourg Saint-Antoine:

Snfin, vers une heure de l'apres=midi, le bruit se repandit q.ue tout est fini et q.ue le faubourg Saint-An^oine vient de se rendre. Un de flies camarades de bivouac, M. Amedee Thierry, me propose de I'accompagner jusq.u'a la place des Vosges; il desire savoir comment se trouve son fils q.ui y est en pension et dont il n'a pas eu de nouvelle depuis conq. ou six jours....Mon pere possedant une maison situee rue Barres-Saint-i'aul, q.uartier de I'Arsenil, et desireua moi-mems de savoir dans q.uel etat elle pouvait se trouver, Je demande a mon compagnon de faire un detour avec moi vers ce point. Hous eommencerons par y aller, me dit-il; et nous y dirigeons en longeant les q^uais. Cette maison donne d'un cote sur le quai Saint- Paul et de I'autre sur la rue. 2n passant devant la fagade du %u(ii, je reconnais bien vife q.u'elle a ete oecupee par les insurges... Hous arrivons a la porte d'entree; elle est toute ohstruee de gardes nationaux q,ui remplissent la cour et aui y ont etabli un poste. Je ma fais reconnaitre pour le propsrietaire et .j'ordonne a la portiere de mettre a la disposition de messieurs les soldata citoyens totit ce dont ils peuvent avoir besoin,

Parttut ok ils passerent, la vie semblait recoramenoer; les gens etaient heiireux de pouvoir sortir de nouveau; ils rentrerent au quartier

Saint-Germain^ contents eux aussi de pouyomr aller chez eux en paix.

Les anecdotes que Barbier raconte sur les elections presidentielles de 1848 montrent ses sentiments a I'egard de la possibility, deja evidenta, d'un second Wapoleon; et dans ses considerations ganerales des journees fie juin, il donne des falts tels que les suivants; 325;.

Selon M. de Earaoriciere deux cent mille cartouches auraient ete distribues aux soldats et environ trois mille coups de aanon tires. II y eui 11,000 morts et blesses et 29,000 prisonniers; dans le nombre des marts, sept generaux et un archaveque; 150 insurgeii auraient ete fusilles par la troupe ou la garde mobii.4...

Puis il constate avec amertune giue 1'insurrection a ete en partie

l'©euvre d'officiers honapartistes tachant de renverser le gouvernement

ei^t e'est bien Barbiar ciui dit:

Pour moi, ma conviction eat q.ue, si la misere ignorante et brutale a pu Jouer un role dans cette criminelle bataille, il faut lui adjoindre le machiavelisme odieux des partis, et surtout du parti bonapartiste, q_ui I'aurait exploitee et dirigee centre la Republiq.ue

Vie, 1848-1869.

Ce recit des evenements turbulents de 1848 nous fournit une idee assez Gonaise de ce g.u'est devenu le poete des lambes a eette epoq.ue.

C'est avant tout un homme de moderation et de paix, comme I'a si bien decrit ^ (1.) evitant tout exces Sans la vie pi4vee

eomme il I'evite dans la vie politique. C'est, d'ailleurs, un bourgeois avec tout ce g.u'impliq.ue le mot, aimant ses ^(^IIJ^ petits conforts, ses voyages periodiiiues dans les differentes regions de la France, s'inte- ressant a ses possessions et conscijaat. de ses responsabilites. On se rappelle ses inq.uietudes au sujet de la propriete de la rue des Barres-

Saiht-Paul; (S«) Leon da Vvailly, dans une lettre a Alfred de Vigny du

25 juin, 1849, (3.) remarq.ua sur un ton tailleur q.u'il est toujours

preoccupe de toucher exactement 1'argent de ses loyersl

Ce n'est pas vdi de cea hommes q.ui changent beaucoup d'aspect avec

les annses; et il a du paraitre en 1848 tres pareil au portrait que

Charles Monselet fera de lui en 1857:

1. Article sur Barbmer dans les Derniers Poemes. 2. Voir a la page SSft. ^ ^ ^ „ 3. Voir Lupuy, Alfred de V.. role litteraire. Page 63. . 326.

C'est un homme de taille moyenne, brun, tres-'oronreme^t vetu, d'une polit*sse aisee, les alliares d'un bourgeois dans'le sans honnete du mot...{l.)

ou a celui q.ue peindra malignement Sainte-Beuve pour la princesse

Mathilde en 1862:

Auguste Barbier.. .est un petit homme cowt et gros, tres-myope, tres -bien mis habitaallement, fils de notaire et par conseq.uent" riche ou tres a I'aise, ayant passe I'age des folies et I'en ayant jamais fait, ...tout occupe d'art, de lecture....()

II semble, en effetil, q.ue ce soient la tous ses inter^ts en 1848 ^ussi bien q.u'an 186*i. II est yrai cLue les elections presidentielles lui avaient inspijje une indignation digne de I'autemr de I'Idole; et le coup d'Stat de 1851 eveillera des sentiments pareils, comme en temoignent ses Souvenirs:

Voila done le coup fait, et cet homme avait dit: Moi s/?4ul suis lie par un serment! Et ce serment de respecter la Constitution avait ete prononce publiq.uement, solennellement, a la face de 1'Europe entiere. Quel exemple pour les generations nouvellesi Toujours les Bonaparte donnant I'exemple de la demoralisation...

Toute opposition avait ete inutile:

La partie est a M. Bonaparte, Paris est mitraille, dompte, tenu pieds et poings lies, Les auteurs et les executeurs de cet abominable crime sont Louis-Bonaparte, Morny, Maupas, Saint-Arnaud, Magna^i, Canrobert, de Cotte, Reybel, Sspinasse, Carrelet... De I'aveu du gouvernement, et le gouvernement a interet a dimi- nmer le chiffre, il y a eu, flans la journee du 4: 180 personnes tueeg, tant homme q.ue femmes...

Son degout a presq.ue i^dEpasse aes pouvoiss de§criptifs; nous n'avons q.u'

une seule imi)ression poetiq.ue de cet evenement; elle ne sera publiee,

d'ailleurs, a^'avec les Souvenirs, dans I'oeuvre posthume. La voici:

ell4 est plus remarq.uable par ses sentiments que par sa poesie:

Me3 Impressions de Poete, Le soldat est sans Dieu, sans foi race venale; PiuB lui le droit existe ou ie plus d'or s'etalej

1. T.« T.n-r-ffginette Litteraire. 1857, Pgge 14. 2, Lettres a la Princesse, Pages 13-14. Lettre du 15 sept,,, 1862. 331?.

Honte pour mon pays I Voila q.u'un fils de Corse, Une seconde fois, abusant de sa force, Lui met sa botte sur le front, Lai baillonne la bouche et. lachant les raitrailles, Feroce, froidemant, lui crigle les entrallles Avec le fer, avec le plomb.

0 peuple, se peut~il q.ue ton coeur envieux Ait fremi de plaisir a cat acte odieux, Et que la liberte, proscrite en ta presence, K'ait en ioi rencontre q.ue rires et silence?

Jacobins enivres de phrases et d'orgueil, Vous avez forte part en notre triste deuil, Vous de la liljerte 1'inevitable ecueil, Bt I'eternel pretexte a la mettre au cercueil."

Mainteant, les pieds-plats volent a la puissance Comme les mouoherons aux eaux de pestilence. Tout y va, le commerce avec ia bouahe en main, Et 1'austere Themis au glaive souverain.

Le mal ne s'est point fiamt pourtant sans g.u'un grand coeur Ait proteste.. .Baudin, q.ue ton nom s'illumine Dans les siecles futurs d'un eternel honneurl Car lorsQ.ue les affreux suppots de I'oppresseur Souillerent de la loi la majeste divine. Ton echarpe a la main, tu fus son defenseur. Et tu tombas sanglant sui? sa naible ruine. (1.)

Pendant les annees ci.ui suivent, le poete prefere la tranq.uillite et la discretion aux audaoes de I'arene satirique. Malgre les efforts de ses amis,teIs q.ue Vigny et Victor de Laprade^^ (^ud ne se lasseront pas de 1'exhorter a la lutte, il s'eloigne a jamais, dans son oeuvre publiee,

6.6 la satire politiq.ue. L'adoration d/ meme d'un Laurant-Pichat ne

I'eveille pas; de ce Lautent-Pichat (lui, vers 1862, lui ecrit a propos

§e seslS Conferences litteraires, (pufeliees plus tard sous le titre de

Poete3 du Combat;) Monsieur, je n'ai pas pu resister au desir de parler de vous. Mille dangers i'entourent: mille obstacles se sont presente's. J'ai per- siste, Je voiis envoie deux billets, dans le cas ou vous voudriez

1. Sonvenirs personnels. Pages 167-8. 338,

me faire I'honneur de m'entendre. J'use de la plus grande liberte silvers vous, Je vous traite en poete consacre et definttif, sur q.ue je n'ai rien a craindre de votre appreciation. De Wailly est un de mes auditeurs assidus; vous aurez son voisinage. 3xcusez-ioi; la fami -liBrite est une des formes de 1'admiration. (1.)

Laurent-Piohat e'crivit de prison, le 2 janvier, 1865, sur un ton de plus

en plus exalte, a Barbier g.ui suggerait de lui rendre visiter

(De Sainte-Pelagie;) Cher Maitre et agii, la formal!te a remplir est celle-ei: obtenir de M. M., chef de la lere. division de la Prefecture, 1'autorisation de Irenir a Sainte-Pelagie,. .Permettez-moi des voeux aussi pour votre sante, votre paix, et pour q.ue la France comorsnne I'Idole; les siecles comprendront ce chef-d'oeuvre, mais vous aurez eu du genie k la Cassandre. (2^ La visits faite, le prisonnier en rem^roie le poete dans une l^ettre de

la semaine suivante, lettre tout a fait lyriq.ue dans sa description du

petit choe\ir d'adorateura reci.tant ensemble des vers de Barbier:

8 janvier, 1865, De Sainte-Pelagie. Je me trouve si honors de votre visite q.ue je n'al rien eu de plus presse q.ue de dire a mon serviteur q.uel etait "1'homme" qu'il a ren• contre BUT le palier, a 1'heure ou vous me q.uittiez. II m'a paru sen• sible a cette bonne fortune du hasard, et je lui en sale gre....Ma soeur a regrstte q.ue son mari n'ait pas ete la pour vous voir, Votrs ~ « rlonrrftT vmiS aVSZ Ste SXPOSS , . .daUS

sous* wteiAo V* v^^ow ^— J . , , , ^ ^ . desir exprime fiiar Littre de venir me voir, oe sont la des recompenses Que m'importe le sejour, si j'y reqois des amis parsils? La "retraite" est battue. Je suis seul. Je vais faire une Ballade sur la Pologne. La solitude me reporte vers vous. (3.) Mais le poete se garda de rejoindre ses disciples a Sainte-Pela^ie, et ses seule8 satires de 1'epoq.ue de 1'Empire furant dss satires morales et socialss, a la maniere d'Horace, et publiees en 1865. Ce ne fut q.u' en 1870 t^'il se permit de laiiser echapper des invectives centre le regime politiq.ue; et meme oes essaia de muse indignee furent posthumes.

1. Cites par Rebelliau, Ravue Bleue 10 juin, 1905. Auguste Barbier et ses amis, 2 et 3, Idem. 33«.

En 1852 son pere mourut, apres une longue et penible maladie. Berbier'

1'avait soigne avec devouement sinon avec affection, comme nous le savons d^ja par une lettre d'Alfred de Vigny a Philippe Busoni. (a;J

Cette mort ne ehangea pas beaucoup a 1'ambiance generale de la vie du poete. II devenait plus riche, il pouvait peut-etre voyager un pan plus (en 1860 il alia pour la troisieme fois en Italie,) il se sentit sans doute plus de liberte au point de vue familial, plus de responsa- bilite ^u point de vue materiel. Sa sante s'empirait avec les annees; les douleurs de la vieillesse commengaient peu a peu a I'attaquer; en

1864 Alexahdre Bixio, q.u'il avait connu dans les jours de sa jeunesse, ecrivit pour lui demander ime copie-autographe de La Curee, et sassit

1'occasion de lui reprocher sa sauvagerie, Barbier lui repondit;

Quant a ma sauwagerie, elle tient beaucoup a ma mauvaise sante, a des douleurs nevralgici.ues et rhumatismales ciui sont le fruit des ans et gui redoublent d'intensite chaq.ue hiver. Que voulez-vous? Je ciel de Paris en janvier 1864 ,ne vaut pas celui de Naples, SOTtout celui de Naples en 1832. (2.)

II se vouji^^a plus completement avec ]s s anne'es a I'art et a$x lettres, et s'interessa aux nouvelles publications et aux evenements litteraires du jour. En 1860 il eorivit au fils de MadameDesbordes-Valmore, le consolant de la perte de sa mere et le remerciant d'un exeraplaire da dernier ouvrage de celle-ci; La perte de Madame Valmore, si affreaae pour sa famille et pour ses amis, est bien malheureuse aussi pour la litterature Soyez^ fier Monsieur, d'avoir eu pour mere une personiqie q.ui laisse de si belles c^LOses et dont le nom viVra certainement aussi longtemps q,ue la poesie frangaise. Pour ma part, je m'estimerat toujours heureux d'avoir pu entrevoir sa grace et je veux conserver precieusement, en son honneur, le dernier ecrit de son ame. Le tenant de vous, Monsiaur je oroirai le tenir directement de I'illustre defunte...

En 1866 il fut membre de la "commission de publicite officieuse," qui

1» Voir a ia page 9« " , 2. Bulletin du Bibliophile, 1923» "Uhe lettre ineditd de Barbier sur une piece des lambes." 3*0. jura de faire conna^^jitre le Cours Familier de Litterature de Lamartine; et il ecrivit a celui-ci M le 18 decembre:

Monsieur et illustre poete, Je n'avals pas besoin de votre appel cordial poui' continuer mon abonnement a votre Cours de Litterature, Independamment du faible concours qu'il m'est agreable de vous apporter, il est trop important pouruAeJ moi de suivre les evolutions de votre pensee au sujet des plus remarq.uables ouvrages de 1'esprit humaini^i, Revenu tard de la uampa^e^ ce n'est q^ue tres r®eemment q.ue j'ai pris connaissanee de vos derniera numeroa. Dans celui du moia d'ootobrs vous avez bien voulu mentionner mon nom avec eloge, et je vous en remercie, Cepsndant I'elogs sst trop beau pour q.ue^i;'ac?repte tel Q.ue vous I'avez formule. Est-il bien exact de dire que^l'lambe compose par moi en 1830 "depasse en virilite" celui d'Andre Chenier? La q.ualite qui Tf6M semble vous avoir frappe dans les vers du jeune observateur des fa its de Juillet ne me paraitP^luperieure a eelle des vers du grand poete ecrivant sous le couperet.^de '93. L'eloq.uence de Danton nTetait pas plus virile q.ue celle de S/^abeau, bien qtue sa parole f^lit plus triviale et plua librp;^ q.ue celle de I'orateur de la Conatituante, Le sentiment d'indignation q^ui produisit mon invec• tive a empojyte dans sa forme q.uelq_ue cliose du temperament de la jeunesss, et o'est ce q.ui a pu vous faire illusion. Quant a I'lambe d'Andre, le q.uatrieme surtout eucit a Saint-Lazare, si intima^ et si ijrofiond, il est le cri sublime de la vertu lacherasnt immolee, Je ne pense pas q.^'on puiss4 Jamais aller au-dela en fait d'amertume et d'energie, Je tenais a vous faire connaitre cette observation parce q.ue ma conscience me la dicte et parce«[ q_ue j'attache du prix a etre juge par vous, Vos paroles ont tant de tetentissment q.ue Je ne voudrais pas me parer d'un merits qui ne me serait pomnt du, A propos des vers dont Je viens de parler, permettez-moi de vous offrir Hii un exemplaire de la derniere edition de mes lambes. Je vous I'avais promis. Je n'ai retards mon envoi que pour avoir le plaiair de vous presenter une edition plus correcte, Veuillez agreer, Monsieur et illustre poete, I'assurance de flies sentiments les plus distingues et lea plus devoues. Auguste Barbier, (1.)

Pendant cette vingtaine d'annees tranq.uilles, de 1848 a 1870, le poete ne publia pas beaucpup* 1848 avait vu la publication de Jules

Cesart etude entreprise feien des annees auparavant, 1851 vit les Rimes

Legeres. Chansons et Odelettfes, reimprimees et augmentees en 1861, et jointes aux Slives (volume q.ui parut en 1864,) en 1872, C'etait un genre tout nouveau au poete q.ue cette legere poesie d'amour; il en avait

1. Lettres a Lamrtine, Pages B84-6, Ml). reconnu lui-raeme la nouveaute. Nous avons trouve une iettre de lui, adressee a T^ophile Gautier, ou il nous semble q.u'il doit s'agir de ce reeueil de 1851. (La lattre est sans date:J

Monsieur et cher confrere, Vous q.ui aimez la poesie et lajcultivez encore dans les tems les plus malheureux pour elle, veuillez agreer I'offre de ce petit volume L'auteur s'y est essaye dans un genre eloigne de ses habitudes. II espere q.ue le fond et la forme de ces vers exciteront votre interet. II a fui 1'effort mais a.-t = il troilve le natural et la grace? a-t-il toujours rempli les conditions de I'art? C'est ce qu'il laisse a 1'appreciation de votre franche et penetrant^e critique. L'auteur profite de cet envoi pour vous remercier des epithetes flatteuses dont vous ssrez bien voulu accompagner son nom toutes les fois q.ue le souvenir I'a ramene sous votre plume. Agreez, Monsieur et cher cbnfrere, 1'assurance de mes sentiments distingues. Auguste Barbier. (1.)

Rimes Le^eres.

La variete domine dans ce recueil, variete de formes metriq.ues, variete de sujets, ou plutot variete de fagons de traiter du meme sujet,

I'amour. Ce sont tous de petits po&mes, des "chansons et odelettes."

Dans le prologue le poete expliq.ue qu'il a pour le moment delaisse

toute autre source d'inspiration: ?'ai dit a ma plume un jour: EcE±s un hymne a la ^loire; Mais ma plujne $oute noire N'a trace ^u'un mot: amour. One autre plume resonne, Et toujours meme refrain: Avec une autre j'entonne Le nom de Kleber soudain; C'est amour q.u'elle griffonne. Eelasl je vous abandonne, Puisq.ue ma plume jjuujours Ne va q.ue pour les amours. Dans les premiers poemes du recueil nous avons I'espiit le'ger, insouciant, de la poesie d'amour de la Pleiade, ou des odes d'Horace,

1» Cette lettre inedite nous a ete commnniquee a la Bibliotheque de I'Institut par M, Marcel Bouteron, bibliothecaire, 341.

II faut chanter et aimer pendant q.u'on est jeune encore; I'amour n'est pas de longue duree:

J' amme q_ue 1' humanit e S^uive le mouvement das choses, Qu'un coeur epanche da gaite Quand nature est en liherte: Buvons.' voici le temps des roses.' (1.)

Pourq.uoi comme les vioi^ttes I'amour ne rena^jiit-elle pas?

Spus les feux du printemps, Ahl que ta fleur eat bellei Que ne voit-on comme elle Refleurir les amours? (2.)

Helasl combien freles choses Sont les J)laisirs de I'amour I Un peu de vent sur des roses, Le court eclat d'un beau jour. (3.)

De cette heure benie Jouissez bien, haureux amantsi Aihsi q.ue I'onde aux bruits charmants, L'heure d'amour n'est q.ue trop vite enfuie. ?4,)

Mais q.uand la course si breve de I'amour est finie, il n'y a q.ue la poesie qui puis.se consoler:

Apres I'amour, ivresse d'un moment, La plus douce folie C'est de laisser de son coeur mollement Couler le reverie, Et d'embellir la voix du sentiment D'une rime fleurie. (5»)

Nous trouvons bien souvent des plaintes de q.uelq.ues amoureua au

fiesespoir, ou d'une jeune fille abandonnee par son amant; dans l'H(tron-

delle, une jeune fille pleure son amant Q.ui est parti potir la guerre;

dans les Piiiintes de Suzette celle-ci parle de la froideur du sien. Dans

Le Delaisse le jeune homme s'ectte:

1. ^oast au Printafeps. 2. La Violette. 3K.»gamento. 4, La Coasse du Berber, 5. Epilogue 343.

Doux rossignol st blanc jasmin, Par un plus fortune destin Gonservez votre baume fin, Bt vos chants d'amoureuse iiivresse; Pour moi, je n'ai plus de maitresse! Ahl ma maitresseI HelasI helasi

Le ciel ne me la rendra pas. (1.)

La pljipart des poemes ce pendant, n'ont pas cette legere tristesse, pas meme ces regrets melancoliq.ues de la courte duree de la jeunesse et de I'amour, Les premiers poemes surtout sont plutot des louanges insouciantes de I'amour et de I'etre aime; tels les Attraits. Contemp• lation: Voyez, ami, coflibien le ciel estjgrandl Kon oeil est las d'en parcourir les cimes; Car il contient plus dfetoiles sublimes Que de cailloux les bords de 1'ocean. Oui, je le vols, c'est I'immensite meme; Eh bien, ce oiel si vaste, dans mon sein En son entier tiendra le Jour divin Oil votrs cosur m'aura dit: Je vous aime;.,.(2.)

Le Vrai !rresor, Le Coeur Faible. sont de pareilles attestations du pouvoir qu'exerce la Jeune fille aimee sur son amant. Les Cles d'Or est un des meilleurs de ces poemes; nous I'avons trouve aussi dans un livre d'autographes^ mais sans date et sans le nom de la jeune fille a q.ui la lettre q_ui avait contsnu le poem.e fut adreaseei:

Si mes deux mains etaient deux clea d'or, J'ouvrirai le coeur de ma belle, Et j'obticndrais de la rabelle Ce q.u'elle ms refuse encore,^ Si raes deux mains etaiaat cles d'orI

Sie Son coeur serait sans fermeture; J'y puiserais outre mesure, L'amour, ineffable tresor. Si... Mais lasi je n'ai point de cles d'or

1, Le Delaisse, 2« Contemplation. 344.

Pour ouvrir le coeur de ma belle, Je n'ai q.u'une plainte eternelle Qui la fatigue et qui I'endort; Helasl je n'ai point de cles d'orl

HelasI Et c'est la ma peine cruelle; Car je mourrai sang ^ue ma belle De son coeur m'ouvre le tresor. Helasl je n'ai point de cles dd'orl

Adorons la beaute de la nature et de I'amour, dit le poefee dans Docttina.

Soyons paiens q.uand il fait beau, chiretiens en hiver.' Quelques^uns deA oes poemes decrivent la nature et la vie simple, Tel Le Lateoureur. tra- duit librement de Bunns:

Comme j'etais un matin dans les champs, Au temps heureux ou renait la nature, Un laboureur a la voia jeime et pure Hon loin de moi frappait I'air de ses chants.

Et de sa voix 1'accent naif et vrai Me oharmait I'ame et me faisait envAe; Car il disait: Non, il n'est pas de vie Comme la notre aux jours du mois de mai!

Au gai matin, nous voyons vers les cieux L'oiseau monter, le frais sur la poitrine; Et jusq.u'au soir, I'alouette divine Gazouille et chante avec nos coeurs joyeux. (1.)

Le Vieux Pauvre exprime les sentiments d'un mendiant, content de son

sort, puisQ,ue tout le monde doit mourir; et Le Reve de la Servante,

souvenir de V/ordsworth, le desir que pent avoir une paysamie, transportee

a la ville, de revoir sa campagne et ses champs. La chanson d'une

alouette lui rappelle les montagnes et les vallons de la Limage^ et la

vielle chaumiere perdue dans la campagne:

1. Cf. Burns: As I was a-wandering ae morning in spring, I heard a young ploughman sae sweetly to sing: And as he was singing thir words he did say: Bher's nae life like the ploughman in the month o' sweet May, The lavrock, in ^ha morning, she'll rise frodm her nest. And mouht to the air wi' the dew on her breast; And wi' the merry ploughmna she'll whistle and sing And at night she'll return to her nest back again. 345?,

Om. tout ce gu'elle aime sur terre Loin d'elle, helas! reside en paix...

Le poets donne q.uelq^U6fois dss conseils aux amoureux:

Enfants, aimez q_ui vous aioe, C'est la chance de bonheur... (1.)

Ce n'est pas toujours le devot extreme le plus vrai croyant, toujours celui ^ui dit: Je vous aime Le mieux vous aimant...(2.)

0 mes amis, bonheur d'elus, Vaut seul 1'instant ou I'on adore; Dites a ceux q^ui n'aiment plus: S'ils le peuvent d'aimer encor^I (3.)

II faut aimer, o'est une loi de la nature:

II ^^ous faut aimer, comma il nous faut vivre, Vivire en sachant bien cju'il faut moiu'ir. (4.)

Plusieurs legende°s et petites histoires amoureuses figurent dans le recu4il. L'Heureuse Fin est une imitation de I'allemand:

Sous des boas frais, ambaumants. Erralent deux jeunes amants: Le vent souffle, un arbre tombs, Et Iss voiia dansi^ la tombs. Quel bonheiir ce fut pour eux.' Mourir du coup tous les deax, C'est vraiment un sort d'apotre; L'un n'eut pas a pleuredr I'autre.

Le Comte Gi3y, avec^ son refrain:

Ahf comte Guy, Fleur de gaite votre amour m'a ravie...

est une vieiile romance de trouvere rajeunie, Le Roi d'Bspagne est imite

de I'espagnol; La Fille du Mendiant de 1'anglais de Tennyson, King

Cophetua and the Ba^^ar Maid. Voici la version de Barbier: A 1'ombre d'un mur en ruine, Pauvre fille du mendiant, Elle etait la, se reposant Les bras oroises sur sa poitrine... Soudain passent de durs soldats Qui vont I'entra^ant sur leurs pas.

1. Chanson de Mosohus. 2. Les Apparences. 3. La Tourterelle. 4, Causerie. 346.

Ella iDarait devant le trone, Les deux pieds nus, le front baisse, Devant le trone ou, haut place' Le roi dans sa pourpre rayonne; Et I'on dit par toute la cour; Elle est plus belle que le jour.

Comme une lune dans I'orage Elle brille sous ses haillons; L'Egypte et tous ses Pharaons N'ont jamais vu plus pur visage. Les uns vantent ses noirs oheveux, Les autres vantent ses beaux yeux.

Si douce est sa pale figure. Si gracieuse aa candeur, Que le rpi sent fremir son coeur... II se leve et dit: Je le jure, Cette humble enfant du grand chemin Sera mon epouse demain. La Dame Verte. legende franc-comtoise, rappelle un peu La Belle Dame sans Merci de Keats:

0 vous ciui Gourez par les bois, Jeunes gars a,la jambe alerte, Prenez garde a la dame verte, Et n'ecoutez pas trop sa 1?oix...

Malgre toutes les paines et les inquietudes de I'amour, le poete regrette sa jeunesse: Si jeunesse savait Les choseg de la vie. Comment cette etourdie Souvent s'epargnerait La plainte et le regret!..

fiais pour le souffle amer D'un i)l?intemps pie in d'orgge, Je donnerais, peu §age, L'azur clair at tranq.uille Du plus beau ciel d'hiver. Mais la poesie le console; elle fait maintenant son bonheur:

A da plus forts, de plus ambitieux, J'abandonne sans pe ine Le fier laurier des fronts victorieux Et la volupte vaine De revetir, au cri d'un peuple heureux La toge souveraine. 24^.

Pour moi, mon voeu, le plus vif ici-"bas,, Cast un peu de richesse, Dm ioisir, et si Dieu ne me prend pas, Une verte vieillesse, Pour m'enivrer jusq.u'au jour du trepas De i'onde du Permease. Malgre cet Epilogue et les sentiments personnels que le poete y exprime, le volume des Rimes Le^eres en general mancue de note personnejf. La plupart du recueil ne consiste cLu'eii des banalites, faciles a dire, faciles a eorire. Ces poemes ne prouvent ©ertaineraent pas q.ue Barbier ait' Jamais airae; ce sent des sentiments a.e eurfyce, des plaintes legeres des plaisirs ephemeres, Le reeueil ne manq.ue pas de charme parfois; mais ce n^est pas a cette espece de charme gu'on s'attend chez I'auteur des Aambes, Ge n'est pas son genre, eette espece de chanson et odel&tte; il aurait du plutot rester fidele a la ^^6^6 possie serieuse,

VoyaA-e en Italie. 1Q60» Comme pour ie voyage de 1838, c'est dans ses Souvenirs ci.ue Barbier a laisse le recit fz' de ce troiaieme sejour en Italie.

Ce fut par raison de sante cette fois tiu'il guitta la France, avec

1'intention specifiq.ue de visiter deux villes en particulier, Surin et

Florence. Ce fut dans d'espolr de revoir d'bbord le comte Mamiani, qui habitait a, Turin, ciue Barbier part it- le 3 Janvier, "laissant Paris dans la neige et Iss giboulees."

C'etait un personnage iateressant aue ce comte Mamiani della Rovere, dans les mondes poiiticLues et litteraires egalement. Barbier nous fait sa biograpiiie politictue, depuis le soulevement des Romagnes Jusq.u'en 186 Homme professeur a I'Universite de Turin, il y fit un cours d'histoiu moderne avec succes; enfin, lorsQ.ue le comte de Cavour prit en main les rsnes du gouvernement, il fit partie de son cabinet comme ministre de i'instruct ion publicLue; Q

1. Souvenirs... Pages 196-7. 348 o

LQS deux amis se farent connus a Paris pendant I'exil du comte, et Barbmer y avait pu juger de ses grandes ctualite's.

La voyage etait interessant a plus d'un e'gard. Un off icier frangais se rendait en Italie en meme temps et raconta au poete des incidents de la guerre recente. Puis, le paysage valait bien un coup d'oeil; on passait pres du lac de Bourget:

....c'est la (2_ue Lamartine a compose se fameuae meditation. . .chef ° d'oeuvre de sa p§Bsie et type de son talent lyrigua... on vit Chamber^, "'ville ians caractere;" on fit la traverse'e du Mont-

Cenis. II faisait iiorriblement froid:

J'ai la, dit Barbier, I'idee d'un voyage en Russie et Je ne trousre pas Q.ue oe soit un plaisir fort agreable.

Le point culminant atteint, on sortit de traineau pous se rechauffer et se rafraichir, puis on fit la descente jusc[u'en Italie. On travaillait au tunnel en ce moment; Barbier n'accueillit pas cette idee/i sans re'serve: II |)$ut-^etre, lorsou'il sera termine, d'un usage plus commode, je doute cependant ciu'il vous donne des sensations plus vives et des Souvenirs plus interessants.., Turin lui parut une belle virile "dans le sans moderne;" 11 y avait la un air de solidite confortable ^ui lui plaisait. Mais Les eglises sont de construction moderne; elle datent prescjue toutes dUA¥IIe. et du iCVIIIe. siecle; c'est asaez dire... Le comte persuada a Barbier des son arrivee d'aller loger chez lui, pendant son sejour dans la ville; et ce fut lui aui servit au/.poete de guide et de cicerone» Barbier visita les monuments habituels; le musee, le palais du roi, I'armeria, le palais Carignano, ou residait le parle= ment, "vaste edifice du gout le plus mauvais." II y put assister a une seance parlementaire: Les deputes sont cases c4reulairement dans des niches eomme des petits saints, '''ignore s'ils sont tela, mais en tout cas, ils me 249.

paraissent se comporter sagement^. J'examine avec attention toutes oes figures, Biles sont/graves et sans pose. On dirait de braves bourgeois devisant avec calme et lenteur de leurs affaires. Comme il y a des deputes de diverses parties de 1'Italie, il y a difference d'a^jcent reconnaissable^* J'ai eprouve un grand plaisir a me trouver dans un Parleraent d'hommes libres et non pensionnes. Mais la chose la plus interessante o^ui lui arriva a Turin, fut sa presen

-tation, par les bons offices de Mamiaai, au comte de Cavour: Je suis presente a 1'eminent politique par mon ami.ae comte ds^/ggtjfeiiiz' Mamiani. II nous regoit dans son cabinet de travail, un §ppartement des plus simples. C'est le premier hsmme d'Stat sur la figure duq.uel j'ai vu autant de serenite et de bonhomie.... Voici a peu pres les termes de mon court entretiBH avec (lui.) Monsieur le comte, vous .uoyez en moi un fervent ami de 1'Italie. -Je le sais, Mmnsiaur. -St un Pranijais, il faut vous le dire, g.ud n'est point bonapartiste. -Je le sais encore, 'ajouta-t-il en souriant. Puis, me tandant la main^ veuillez, je vous prie, vous asseoir. Vous venez de France, Monsieiir? -Qui, monsieur le comte. -Pouvez-vous me donner des nouvelles de M. Thiers? -Mais tres volontiers. —3st-il toujours grand ami du Pape? -Je le crois. -St toujours ennemi de nos desirs d'unite? -Je le pense^ -Je ne comprends pas q.u'un esprit aussi intelligident q.ue le sien ne s'apergoit du mouvement des idees dans notre pays. -M. Bhiers s'est engage dans la politique de la revolution de Juillet et il nfen sortira, Monsaeur le comte, Q.ua....si vous reussissez. -Je le pense comme vous,....fit-il en souriant; mais reussir, votla la difficulte. -Permettez-moi, Monsiaur, de vous dire g.u4 vous avez si heureusement commence Q.u'il y a grand espoir q.ue vous finirez de meme. (On i^arla ensuite des evenements recents en France, et de 1'attitude des hommes d'Stat fran§ais a I'egard de 1'Italie.) £le^/h<)t!li«li^i^/d' -{Barbier): ...J'ai confiance dans la fortiuie et I'energie de la Prance, et q.ue, sous cLuelq.ue regime Q.ue nous vivions, eMa sera toujours la nation la plus sensible au malheur et la plus prompt % porter secours au bon droit I -St elle nous I'a prouve tout a I'Jjeure, et nous serions bien ingrats si nous n'avions pas pour elle la plus vive reconnaissance...Mais_il nous reste encore beaucoup a faire; il faut nous eonsolider, et si nous n'avions plus besoin de son aide direct, il nous faut sa neut- ralite bienveillante, -Ah! Monsieur le comte, soyez sans crainte a cet egard. Je ne suis q.u'un poete, mais autant ^ue je puis lire dans la pensee de flies comx)atriotes, je vous assure q.ue la grande majorite des esprits en France h'est point pour CLue I'on fasse obstacle a votre organisation Le voeu q.u'il me ©este a former c'est ci.ue, pout le maintien de 3 So.

cette alliance et 1'achevement de votre grande entreprise, vous restiez encore longtemps, Monsieur le comte, a la tlit tete des affaires de ce pa^

3n se rendant a Florence, ville ou il dut revoir Mamiani, Barbier ^li

passa par Gebes. Partout se revelerent les traces des evenements recents ;

Toujours des portraits d'Emmanuel, de Garitealdi et de Cavour aux vitrea des boutiq.ues, mais fias un de Napoleon IIIo

Florence s'appretait pour une ^isite du roi; elle paraissait a Barbier

comme toujours, ° la reine des elegances en fait de cites modernes." II

assista aux celebrations, a la reception enthousiaste de Vistor-Smmanuel

il deer it ies illuminations i^ui representaient les hommes du Jour, meme i^apoleon III cette fois,"avee son nez et sa moustache."

II passe en revue la situatiomi politiq.ue comme elle lui parut en

1860: viuant au Pape, cette pierE>e d'achoppement, il me semble de plus en plus perdu dans I'esprit des populations, Quand J'en parle aiix Itadtiens ils me disent: ^Son role de prince tem^jorel est fini; ce (lu'il a de mieux a faire, c'est ^e? tester a Rome avec ses moines et d'y vivre avec une bonne pension. Asrant de quitter Mamiani pour rentrer en France, il lui offrit la

dedicace d'un sonnet q.ue son sejour a Florence lui avait inspire:

J'avals vu 1'Italie humble et decoloree, St presq.ue defaillante aux bras des oppresseurs, Et pourtant la beaute de ses traits enchanteurs, Si tristes c[u'ils etaient, m'avaient I'ame enivree.

AuJourdMiui re vena sur sa terre adoree, Je la revols debout, le front pare de fleurs, Belle comme un printemps q.ui succede aux rigueurs D'un hiver malheureux... .C'est ciu'elle est delivree .

Gloire a ceux ilont I'epee a vaincu les pervers '^,ui depuis trop longtemps la tenaient dans les fers Et managaient de mort sa grandeur asserviel

Gloire a ceux gui dm cri precedant les heros, Mamiani, comme vous apotre sans repos, Prepsreaint de loin son retour a la vie!

Le voyage de retour I'amena par Pise et Livourne. II se rappela ses

premieres impressions de 1832 et revit les trois endroits o^ui I'avaient tenement attire vers cette epocLue, le Campo;^ Santo, le Dome et la

Baptistere. Que de tristes souvenirs, guelles penaees douloureuses de

Brizejix et de sa Jeunessel Livourne aussi attendait I'arrivee duroi; la"* s'^ait embellie depuis le voyage de Barbier en 1838,

La traversee de Livourne dut se faire par iiue mer tres violente;

Barbier en souffiit tant CLu'au lieu de continuer Jusgu'a Marseille, il prit terre a Genes, et rentra e:^ France par le cherain de la Corniche.

En 1832 ses tendances avaient ete pltitiot litteramres, ses interets principaux la peinture etx.les associations poetiq.ues. Sn 1838 ce furent le paysage et 1'architecture q.ui 1'avaient interesse'. Ce voyage avait ete plutot motive par des preoccupations politiq^ues; c'est en historien q.u'il semble faire son tour de visites. Ses sentiments a I'e^rd^ du

Risorgimento en 1832 avaient ete motives par 1'enthousiasjiie de la Jeunesse gue n'arretent pas les considerations pratiques. En 1860 c'etait I'homme mur, toujours champion de la liberte, mais se rendant compte cette fois des difficultes qui pouvaient em.pecher une prochaine realisation des. esperanoes italiennes.

Le poete ^e parftait pas de VUB vers cette epogue ses ouvrages leja ocheve^^s et connus. En 1853 il reunit en un seul volume les Houvelles

Satires, les Rimes Heroiques. et les Chants Civils et religieux, (1.) les modifiant la ou des changaments ou des ,corrections lui semblaieit neoessaires. 11 ecrivait touJouTs pour les revues: le Ma^asin Pittoresgue aut deux'traductions en prose de Cowper(2.) dont la deuKieme, versifiee, reparaitra dans Chez les Poetes. Dans la Rsrarue des Deux Mondes en 1863(3. fut publiee La Chagfi-e de V/engrowj en 1864 dans la meme revue parurent.

Silva (4.) et Rimes de Voyage«(5. ) La Chagge de Wengrow et Silva repa- rurent dans les Silves. publies en 1864; et les Rimes de Voyage dahs 1. Satires et Chants. 2. 1854, Pages 231, 302. 3. T. ILIV 4175-474. 4.Tome jUjii.. Pages ^58-69. 5. Tome LII. Pages 990-998, J 631.

1'edition de 1872 des Smlves et Rimes Legeres. avec ouel(iues additions.

Ces R^mes de Voyage nous interessant suitout parce t^u'elles datent

du premier voyage lfAli^A4 en Itaiie, celui de 1831-2; ainsi I'editeur de la revue les expliq_ue: C'est au retour du voyage dont ces notes poetiq_ues raconten^ les impressions q.ue M. Auguste Barbier acheva d'ecrire 11° Piantt. Bien des inspirations cLui n'avaient pu trouver place dans le cadre du poeme meritaient d'y etre recueillies, ear elles expli^uent des pages dont on n'a pas perdu le souvenir, et ji ajoutent Q.uelcLues acc&nts intimes et familiers. (1.) II est curieux pour nous, connaissant deja II Pian£)to. et avec nos

impressions de ce premier voyage italien colorees par la melanooliq.ue

satire de sas pages, de nous trouver tout soudain en face de ces simples

reeits de voyageur, de ces petits poemes purement lyriq.ues et descrip*ifs,

de ces impressions de touriste-versificateur, Combien plus curieuse leur

apparition a-t-elle du sem.bler aux lecteurs de 1864, ffamiliers depuis

deJa trente ans avec les grandeurs du Pianto, et ne s'attendant a rien

de plus en fait d'inspiration italienne,'

i\ous parcourons encore une fois les memes chemins q.ue nous avons

deja foules avec Barbier et Brizeux, nous nous rappelons les sentiments

deja exprimes dans le journal de celui-ci, nous retrouvons le decor gu'il

nous a fallu comprendre poiir apprecier II Planto. C'est d'abord la vellle

du depart; ciuel triste moment.'

Chacun de nous, §eut-etre, en se ciuittant ce soir, Hevait-il s'eloigner pour ne plus se revoir Le Campo Santo 1'impressionna beaueoup; 11 a ecritaf sur i'ise:

Que de tranq.uillite dans cette antique villej Ses a^ais, sas monuments, tout est paisible et beau; Mais il vous semble aussi gue son Campo Santo L'a prise tout en lui, tant elle est immobile! 0 noble Child»Harold, incLUiet voyageur, ikpres tant d'amertume et d'orageuse ardeur, Tu fis bien en ces lieux de chercher un asile, Ce calme convenalt au trouble de ton Boeur....

1. Note de I'editeur. Revue des JeuxeMondss. LII. Pa^e 990 355.

A Pise aussi il fut frappe par le spectacle dti vieux palais Lanfreducci;

Florence, comme nous le savons, avait plu a tous les deux: ici Barbier se

rappelle une visite aux Cassines, et une legende racontee a propoa d'une

Madone d^lndre del Sarto dana une e'gliae florentine. II semhle amplifi r le sojanet sur Raphael dans ces vers du poeme qui suit:

La Judee eut Jesus, la Grece Phidias; Mais Rome fit la grand^^ melange; C'est la que Raphael unit entre ses bras Les fronts sacres de 1'amour et de I'ange.. de Michel-jinge, La Creation de 1'Homme .^au Vatican, evoque son admiration, comme aussi une Transfiguration de Jesus par Raphael,

On viaita Gaete, et le tombeau de Virgii.&, que Saint-Paul aussi, dit- on, avait visite. On se promena a Pompei, "dans la cite des morts;" on iongea les bords du lac Anerne, et le bois sacre de Persephone; et I'on vit pendant une promenade sur mer

L'endroit on par amour Kelson tachant sa gloire, Fit perdre Caracciolo... Be Naples ils revinrent a Florence, vdlle doublement ravissante par les beautes printanieres et par ses tresors artistiques. Puis on se rendit a

Ferrare, on y visita la prison du Tasse, on assista a une fete au bord de la Brenta. Veniae n'a pas tout le temps semble a Barbier "comme une pul- monique." A premiere vue, elle lui s)arut

Comme un beau lotus rose epanoui sur I'onde...

On passa devant 1'hotel des fous, en revenant du Lido:

...la mer dort a leurs pieds, sur leurs tetes Le ciel luit; seuls en eux ils portent les tempetes...

Barbier rentra en France par le Simplon; de retour a Paris il penaait °au pays ensoleille qu'il venait de quitter: ItalieI 6 aplendeurl dana le aombre Paris Rendrer apres avoir foule ta blonde terre HglasI c'est retrouver 1'ombre apres la lumiere, L'inquietude apres 1'existence legere, Mais o'est aussi revoir sa mere et ses amis. 354.

II y a ^a et II, de ;^-be3iles parties dans ces Rimes de Voyage; il y en a aussi de fort prosaiq^ues, q.ui ne sjiont dignes q.ue des Silves avec les- q.uels le poete les a incorporees. Ces efforts comtemporains du Planto. inspires par les memes beautes, les memes sensations; des poefties tels CLue nous aliens en trouver dans les Silves et q.ui sont anterieurs aux Iambe3 memes; tous ces ouvrages Q.ue n'a meme pas effleuresla main du genie, semblent presq.ue incomprehensibles a cote des lambes etdu Planto. Est-ce en eux g.u'il faut chercher le vral Barbier? ses oeuvres de genie n'etaient-elles q.ue le Tjroduit accidentel d'un moment? n'ont-elles pas du etonner leur. auteur tout autant q.ue 1'etude de baign«use, cLue le poete a donnee apres la Curee a la Revue de Paris, avait"completemeait deroute" les admirateurs de son lambe fougueux? Pourtant 11 serable avoir affectlonne les mignardises des Silves et des Rimes Legeres tout autant g.ue 1'image de la cavale (lul etait sur les levres de tous ses contempo- rainsl

En 1865 dans une collection de Romans et Nouvelles appele'e les

Plumes d'or(l. ) et editee par Paul Feval, Barbier publla deux de ses aistoires de Voyage; Sn Descendant la Saone. et Hn Remontant la Loire.

Vapereau, dans 1'Annee litteraire et flramatioue (2.) parla des auteurs

ciul figurent dans ce recueil, y compris

Auguste Barbier, le poete male, qui fut 1'admiration de notre jeunesse-

1865 vit paraitre des Satires horatiennes, dont q.uelq.ues-unes avaient (3. )

paru sous le titre de Croguis SatirTko.aes dans la Revue des Deux Mondes;-

en 186i7 furent publics ensemble les Troms Passions Houvelle3>( dont la nouvelle de Beata avait ete ecrlte en 1833, et publiee dans la R--vue des

Deux MQndes(4. );celle de Gustave ecrlte^en 1847; celle de Leontlne eij 1856. 1. Dentu, in-8o. 2. 1866, VII. Page 104. 3. 1865. Some LVII. ^» 1833. ler. mal; Le volume des Silves. de 1864, fut un curieux melange de Jeunesse et de maturite. II s'y trouva, comme nous en avons ^ignale, des vers ante'- rieiars aux lambes, ^ue tout autre qu'un Barbier eut peut-etre laisse tomber dans I'oubli. Mais "le crime de 1'infanticide"etant, s-lon lui, rare chez les poetes, il avait tout ressuscite, tout publie, et ce fut une collection fort heterogene qui resulta de ses soins paternels.

Six poemes avaient etei publies en avance dans La Revue des Deux

Mondes, sous le titre de Silva: Un Passage d'Abeilles. qui eat de 1859; le Dormoir des Vaches. (^857); Chanson;(1845); Sur une Peinture du Prima tice; (1835,) Obermann;|1859); et La Branche Morte.(1863.) Presque tous sont inspires pstr des visites a Fmntaimenfeleau. Considerons un peu d'abord les vers anterieurs aux lambes qui figureht dans ce recueil. Le premier de ces ^loemes nous est deja familier; c'est 1'etude de baigneiise qui a suivi La Curee, dans la Revue de Paris en 1830. Barbier la met ici dans une serie de poemes sur les quatre elements-. celui-oi, Miaa, represente L'Eau; le second, La Chanson d'Aline. (1.) c'est le Feu; la Terre est symbolisee par Les Sanseurs de Grenade, poeme est qui a ete eorit plus tard, en 1835; ^de 1835 aussi La Fuite d'Icare. sur I'Air. Ces poemes sont bien d'un Jeune debutant, qui connait son Chenier i§M et I'imite tant bien que mal, mais qui n'a pas encore trouve sa woie po^tique. On ne dirait pas un poete de I'epoque romantique celui qui ecrit, en decrivant les danseurs de Grenade: AhS tii'il ®st deux de fuir ii'amoureux que I'on aime, D'etre env©rs lui rebelle, et, pour mieux I'attirer, De lui verser dans I'ame un deplaisir extreme, De lui tendra la levre et de la retirer.... et c'est au moment de verser dans I'amertume de Lazare que le poete peint aussi ces sentiments d'amoureux:

1. ^ul est de lBg9, et a ete publie dans Le Mercure fiii 19e. siecle Page 321. 356.

Ma levre est toute seche et mon coeur plus aride Qu'au somraet dei graiids monts n'est le chauve rocher..K... Mon ame est un torrent au flot large et rapide. Qui gonfle ma poltrine et qui veut s'epancher... Le Saule P^leureur est de 1828. Barbier dlt I'avoir publie en 1833; c'est en 1834, au contraire, que ce poefiie a paru dans Le Chansonnier des

Graces, re cue 11 de pre'closites lyrlques qui a attire' les poe'tereaux du jour. Ce sont des vers gracleux, legers, telnts de cette melancolle indefinie qui marque la jeunesse. Le poete croit entendre, assis pres d'un saule: a I'entour voltiger Des fant5mes aimants au pied souple etZ^^ leger, Aux yeux bleus traverses de flammes, St,tout en ecoutant leur mummure plaintif, Je sens passer dans I'ailr comme un baume furtlf De violettes et de femmes... La visite d'un atelier en 1828, la vue d'une telle qui avait pour sujet un pecheur et des bateaux de peche, lui inspirent I'espece de ballade qui est La Peche Manquee. La,dedicace du poeme a Camille Roqueplan fait penser que c'est d'un canevas de celui-ci que Barbier s'°st inspire.

C'est une simple hlstoire de pehheur breton qui ne revient pas, de femme inquiete, de reunion joyeuse a la fin; mais elle a ete si naive^- mant racontee, dans un langage si convenable au sujet, qu'elle plait par sa simxjlicite meme.

Barbier avait precede son premier recueil d'lambes d'un long poeme

qui ne s'apparent a it pas aux suivants. H'ayant pu en justifder la

presence parmi les lambes. il I'a retire du deuxleme edition, et c'est

ici dans l*s Silves que nous retrouvons La Tentation, datee de 1829,

avec, en outre, plusieirrs changements sur la version premiere.

Le poeme ^-des Quatre He lire s de la Eerre.est date de 1829 aussi. C'est

une serie de quatre etudes d'une ,inspiration classlque, dont les descrip

-tions rappellent parfois Vlrgile, ou les toiles du Poussin. Malgre 35?r. des periphrases telles que "la voute etheree", "les celestes campagnes,"

"i'astre au fervent rayon," il y a de beaux vers, comme ce tableau du Jour declinant:

Assis au pied d'un rmine, Le tranquille gardien du troupeau qui rumine Prend aa flute et, levant son regard vers les cieux, Fait au Jour qui s'en va de rustiques adieux; Tandis qu'au bord des lacs doucement attire'e Par le calme et les feux naissants de I'empyree, Avec ses Jeunes faons aux timides naseaux. La biche vient sans peur huraer le frais des eaux.

Le sonnet de .uaure. comtae en Provence au mois de Juin, 1830, a eu une histoire„ variee: il a paru dans les Annales Romantiques de 1835, dans la premiere edition des Rimes Heroiquea en 1843; enfin, ne proyant pouvoir Justifier sa presence dans la deuxieme edition de celles-ci, le poete le reimprime ici en 1864, sous le titre de: Devant les Ruines d'une Eglise de Provence.

Sn Bourgogge en 1830, Barbier a ecrit A- une Petite Fleur, poeme qui

^essent fort 1'influence de Burns: Blanche etoile des pres dont le front pur rayonne, A travers le gazon, Toi que Je vis trop tard, petite fleur mignonne. Enfant du val Suzon, Adieu, demeura en paix suff la pente fletrie Ou Je viens de m'asseoirl Adieu, mignoniie, adieu, car tu seras fletrie Peut-etre avant ce soir! HelasI quoiqu*^ a tea pieda les brins d'herbe, tes freres. Point us comme des darda, Kerissent tout autour de tes feuilles legeres De verdoyants remparts, 0 frele creature! il faut bien peu de chose Pour te raettre a neant; II te faut ee qu'il faut aZ^l la plus belle rose: Xai peu d'ombre et de vent.... Enfin, tres-chere fleur, puisse, helasi ta vie etre 2out un long Jour de miel, Et puisses=-tu mourir^ comme Dieu t'a fait naitre, En regardant le ciel! Le poeme de Remerciement. qui suit, est de 1831; de meme que Morosite, ou nous reconnaissons le neuvieme lambe de la premiere edition, supprime dans la deiixieme, et reparaissant ici. Les executeurs

test amenta ires de Barbier, en im^.rimant tout ce qu'ils ont trouve

d'inedit parmi les papiers M/M.tlbUt/, du poete, ont du oubller la

presence de ce poeme dans les Silves. car ils I'ont relmprlme egalement

dans les Poestes Posthumes.

Suivant quatre poemes de I'epoque des lambes. tous ecrlts en 1831,

Ce sont des souvenirs de vacances: le poete se rappelle uns Chute d'Hau des Basses-Pyrenees; ou bien 11 voit un jour un aigle mort:

Son regard est eteint, son col nerveux ploye; Son aile detendue, a la brise mutine, N'offre plus resistance, et, fermee a moltle, Sa serre est retiree au creux de sa poitrine,...

Barbier a aime les enfants,^ il les chante plus d'une fois. Dans Le

Reveil d'un Enfant 11 trouve plus belle que toute putre la chanson d'un petit anfant le matin dans le be^[rceau.

On peut diviser^ en certaines categories nettes le reste des poemes du recueil. La raajotit^ en sont inspire^^s par des vacances, et surtout par des souvenirs de Fontainebleau, que le poete n'a jamais cesse d'affec-

-tionner. Plusieurs pdieoes sont suggerees par des e^enements actuels, personnels, comme la mort de sa mere, ou d'un ami, ou bien nationaux,

comme les faits de 1848. D'autres sont evoquees par une peinture i^^. ou

une statue. II y a des traductions ou des imitations de I'etrahger;

©nfin, 11 y a, deux ou trois chansons legeres, raises en musique par des

amies du poeta, et qui seralent mleux placees dans le recueil des limes

Legeres*

La foret de Fontaisaebleau I'a toujours enchante; on raconte que

pendant les sejours a Fontalnebleau de ses dernieres annees,. 11 y passait

la plupart de son temps. II a traduit dans les Silves quelques-unes de

ses impressions forestieres: 11 contemple un magnifioue hetre: 359 o

....de haut port et dont le vert feuillage Au^ouj de son fut gris descend abondamment, Comme une chevelure autour d'un cou charmant..., le bourdonnement d'un moucheron le preoccupe: il monte sur I'une d'^s hauteurs de la foret:

Je voyais a mes pieds I'abondante semence iigitant sous le;^ vent ses longs panaches verts, S'enfler et ae ereuser comme le flot des mers. Les nuagesjll ailes qui franchissaient l''='spaGe De larges sillons noirs en tachuient la surface, St ces ombres faisaient par leurs tons vigoureux Reasortir du^soleil^ les reflets lumineux, Ici s'entremelaient les bouleaux et les frenes, L|, les hetres touffus etendaient leurs domaines, Plus loin montaient les pihs, enfin les chines hauts Par-dessus tous, en roia, etalaiant leura rameaux.... En hiver aussi bien qu'en ete il fait ses promenades habituelles:

Le oieL eat d'un gria mat; aur son rideau muet Les hetres, lea bouleaux, graces de la foret, fie profilent aux ^zijt yeux que de noires aretes; Les chenes plus tardifa tiennent bona, a leura faitea La feuille brille encor, mais d'un eclat fatal. Rouge et comme passee au foyer infernal...

La vie tranquille d'une biche dans les bois lui inspire un m°epris du fracas de la vie humaine. II admire lea exploit a d'un chien de s-ache, medite sur la fuite dea oiseaux en automne; s'amuse a ecouter et a regarder les abeilles. L'aspect de la foret avant le lever du soleil le fait penser a Obermann dans un poeme qui est parmi les plus profonds du recuail: Melancolique ami du riant Epicure, Peu d'humains mieux que toi sentirent la nature, 2u compris ses aspects sublimes ou touchants. La splendeur des soleils dans leurs rouges couchants. La rose effusion des clartes matinales. La muette blancheur des neiges viTginales, Et, sur les verts sommets ignores des vivants, L»eloquence des pins agites par les vents; Tout ce qui chante, gronde, etincelle, s'enflamme, Aviva ton esprit, emerveilla ton ame... Et cependant Obermann n'etait Jamais heureux: au fond de tout il ne 360. voyait que I'eternel tombeau; 11 se sentait toujours ecrase par la pensee de I'inflni. II aura it fallu jomir de la vie "sans chercher le pourquoi, aimer ;^oujours," Car^uel que soit 1'esprit en sa vlve lumiere, Le sens de I'infini n'exlste bien qu'au coeur...

Dans Bumeurs des Bois pendant qu'll joult de la beaute' qui s'etale autoiir de lui, 11 entend les cors de la chasse qui viennent rompre la tran^tmilllte des bois. Cela lui fait penser au chasseur plus terrible encore, a la mort que nul peut eviter; et nous pensons h.//. aux vers du Campo Santo en lisant: Celui-la, c'est la MortC ses dogues en furie, C'est le travail constant _jdes venins currupteurs, St 1'animal traque, les fomes de la gie Se dlssolvant avec de plaintlves douleurs... Peut-etre,. dit-il, que sa propre mort est deja proche I Mais avec la dls- parition des bruits de la meute, ses craintes diminuent, et 11 se console, par la contemplation des beaut^s de la foret,

Le dernier poeme du recueil, avant I'epilogue, doit son inspiration a

Fontalnebleau. C'est I'automne: Le ciel etait voile de longs nuages gris, Un vent froid coupait I'air, et des champs defleuris Las etes avaient fui vers un plus doux rlvage; Cetait I'automne, non I'automne au front pare Des verdures du pampre et du raisin dore, Mais I'automne palie au temme du voyage. Une teinte rougeatre enveloppait>les bois, L'hei-be des sentiers verts etait sombre, et la voix Des oiseaux se taisaient aux cimes des fleuillees; Wul bruit dans la foret, excepte le bruit sourd Des vents, qui des grands futs per(jant le dome lourd, Falsaient voler dans I'alr mille feuilles rouillees... Une branche morte, ou blirille encore une feuille toujours verte, se

de'tache et tombe a terre. C'est comme un souvenir du /printemps; et le

poete est amene a &Mtir^ penser a ses vlngt anst 361.

Comrae un bouquet de fleiirs aux grappes embaumantea, Des touffes de lilas qu'un pauvre (Jvoyageur Srouverait au desertlo^tempa avec bonheur J'en savourais la grace et les pdeurs oharmantes...

••iue de plaisir dans les souvenirs du passe.' Barbier est sut que nous nous rappellerons apres la mort lea Joies et les amities de la vie.

Bn vain le vif eclat des celestes beaute's, L'epanouissement des aaintes verites, Moua Jetteront I'esprit en extases sublimes; Ce vaste enivrement ne saurait amoindrir Bt ruiner en nous le puissant souvenir Des ivresses du coeur aux regions infimes....

Ces impressions de sracances donnent lieu souvent a. des reflexions morales ou philosoi)hique3, ou a des souvenirs de lectures, Les roses de

Provins en 1842 lui rappellent la legende de Bacchus et d'Ariane. Dans les VosgQs cette meme annee il invoque les montagnes:

La, le oalme divin de la hauteur sereine Enivre tous les sens, la solitude est pleine, St sur le vert sommet des monts silencieux, La voix du coeur aime s'eooute et s'entend mieux... Pourquoi, se demande-t-il en face des merveilles de la nature, seuls le poete et ie sage Beconnaissant-ils la voix de ces beautes? Sn sera-t-il toujours ainsi? Et une voix lui repond du fond de son ame qu'a me sure que la misere et la pauvre te de la race humains disparaltronj?, ainsi croitra sa comprehension des ehoses de I'esprit. Sur la cote normande, en 1847, il ooxitem^jle le vol d'un gieland, qu'il decrit ainsi:

D'abord sans troubler I'onde, il effleure la mer. Puis planant au-dessus, les ailes immobiles, Il giire sa blancheur aux vagues indooiles; Puis s'abattant soudain aur le flot nuance, II berce a plein corps, puis lascd'etre berce, II repart, et, fouettant I'onde d'une aile folle. On dirait un flocon d'ecume qui s'envole...

En 1854 Barbier se trouve dans la foret de Compiegne; il voit une chassS -at au cerf a Piarrefonds. Son poeme, Effets de Muages. dedie a Laurent-Pich 362. est aussi de eette annee. A larchant en 1856 il visite la tour de Saint

Mathurin. Sn 1859 un sejour en Auvergne lui rappelle Vercingetorix;

I'annee d'apres a Marseille, 11 contemple le port du haut de Notre-Dame de la Garde:

Oil va c© beau trois-mats qui fuit a 1'horizon, Toutes ailes dehors ainsi que I'aleyon? Sur une mer d'aaur, sous un ciel sans nuage, Doucementj, librement, et gaiment 11 voyage.... II apparait ainsi, du mont ou je le vols; Mais qui salt si la-bas oil s'enfonce son bois II est aussi paiaible? »....sur son pent tremblant peut(-etre bien qu'il porte Des etres accables de soins de toute sorte, D'avides coeurs,fl;onges par le souci du bien, St de pauvres vaincus du travail et sans pain, Tous, malheureux mortels, qui vont changer de terre. Sans changer de tourments et changer de misere....

Apres les reminiscences de voyage, les poemes d'actualite ferment

la plus grande categorie. Tels, par exemple, les poemes sui? la mort de $

sa mere; telle Ifepitre fraternelle ^ue nous avons citee.d.) Avant

meme la mort de sa mere, 11 avait exprime une priere pour elle:

Pourd oelle dont la vie est un si dur martyre St qui voit sur son front tomber 1'ombre du soir Sans im souffle de palx, sahs un rayon d'espoir. 0 Dieu oonservateur, pere de la nature, Toi qui prends en pitie la moindre creature. Qui remets dans les bois les ailes de I'sloiseau St rends le mouvement au petit vermisseau, Dieu juste, Dieu puissant, accueille ma priere, C*est I'homme qui te crie en faveur de 6a mere!

Les evenements de 1848-9 evoquent de legeres protestations poetiques;

il se reorie en 1849 centre les demagogues dont le regne est depuis

longtemps passe: Le^ peui»le d'aujourd'hui Est un oalme ocean au splendide rivage, Qui, pour mieux reflechir, o Dieu, ta sainte image, lie veut plus de tempete entre le ciel et lui

1. Voir a la page 23. 365.

11 celebre des fa its de la guerre de Crimee g.ui l^ont frappe, et decrikt la bataille d'Alma ou les troupes ecossaises s'avanqaient vers la mort aux notes de "1'humble come muse,"

Le poeme A Vingt Ahs de ffliatanee nous intgresse au point de vue t)iogr@|iliicj.ue. On salt CLue I'oncle maternel de Barbier a fini ses jours a Gent illy, pres de Paris. II semble q_ue la maison avait appartenu au pere de celui-ci, le vieiix luvergier, et §ue le jeune Auguste y avait passe dee vacances d'enface. Stant a Gsntilly un jour d'hiver de 1868, le poete cherche la maison. II n'ose y entrer:

...... je resignai mon coeur A faire de ses murs le tour, lent et reveur^ A la fin, vers un coin donnant sur la campagne, Srouvant g.uelcLues moelions, je les mis en montagge, St, n'elangant dsssus d'un pied leste et certain, Je tacJriai de plonger mes yeux dans le jardin... . Le potager est toujours la, le labyrinthe, I'entonnoir, I'allee aux tilleuls, la grange

St ciiaQ.ue bon coup d' oeil lance de ma paupiere, Comnie fantomes doux, faisant naitre et surgir De partout, de tout coin, plus d'un cher souvenir; Et tous ces souvenirs d'une voix fraiche et tendre M'appelaient, me disaient; Aliens, il faut te rendre Oil volent tes desirs; viens a^ec nous, descends, Pour refouler encore le sol des jeunes ans; Viens embrasser le tronc du tilleul et des hetres Que planta, q^u'immonda la main de tes ancetres...

'^is il ii'ose toujours pas penetrer, ,et se rend au cimetiere y chercher les tombeaux de son grand=pere et de son oncle: Vieillards au coeur solide et ds droiture antique, Serviteurs valeureiuc de notre republicLue, Dont le nom, au milieu des cerceuils^ villageois, Bxiialait le parfum des vertus d'autrfois.. .

Le mort de Brizaex cette annee et celle de Leon de Wailly lui inspirent des vers CLue nous avons cites ailleurs; at il dedie a son ami Mamiani le poerae Renaissance q.ui fait pendanj aux sen*i^;ments du Plantxi. (1.)

1. Cite a la page 249. Les evenements polonais de 1863 lui ingpirent La Charge de Wengrow. poeme publie dans la Revue des Deux Mondes au cours de cette annee,(l.) et ressmseitant toute I'ancienne admiration c[ue le poete des lambes avait toujours temoignee pour ce pays o-pprime^. Comme dans Pot-de-Vin. en 1840

il voudrait toujours q.ue la France en aide a la Pologne; I'ltalie a eu

son jour, po\irq.uoi la Pologne aussi ne gagnerait-elle pas sa liberte?

Plus4durs pieces sont inspirees par la peinture, comme Paysages, ou

Barbier donne iine impression poetiguej^ d'une toile de Landseer, le

printemps au bord de la mer, des brebis sur la falaise; de Calame, le

Mont-Blanc au crepuscule; de Sroyon, un buisson epineux au bo^ird de la

route, gardant 1'entree d'un jardin. Que de buissons pareils nous ren-

controns dans la viei Y aura-t-il une recompense apres la mort? Qui,

repond le poete aux malheureux:

, le grand Pasteur des mondes, Vous voyant a ses pieds augustes revenir, L'oeil en pleurs, tout saignants,.pleins de fanges immondes, Ke pourra s'empeoher sur vous de sfattendrir... II fait 1'analyse d'une peinture de Ziegler de Saintg-Georges etl^le

dragon* L'Epitaphe est une idylie dans le gout du Poussin. I'Enfant

Vain^ueur s'inspire d'une statue au Louvre representant un centaure

emportant un enfant sur le dos; le poeme donne lieu a une confession

inattendue: Kh bieni je suis semblable ^ ee pa-uvre centaure, Qui porte iialetant le tyran ^u'il adore, J'ai trouve comme lui mon maitre, mon vainq^ueuF, Dans une frele enfant au sourire moq.ueur, Aux yeux aioirs encadres de blonde chevelure, Aux oris imoerieux.....Et cette creature De raoi, comme de lui, fait tout ce gu'elle veut; De ses moindres desirs mon coeur tendre s'emeut, Et, fier de hea sueurs, dans ma course profojide Pour elle, le crois, j'irais au bout du monde...

1. Tome XLIV. Pages 417-24. A l'4xception de trois ou auatra chansons legeres faites pour la

musicLue, le reste du recueil donsiste en des traductions ou des imit a- tions de poetes etrangers. Slles proviaiinent de partout, comme les

etudes de Chez les Poetes, D'abord Le Berber de Koschus. du grec; Les

Bulles de Savon, inspire de Keats; a la granguillite. de Coleridge:

PDur moi, toujours aux pres verts, le matin, Tu gM^deras mes pas d'une voix douce, Et, dans I'ardeur des bleux etes, ta main M'y construira ciuelciue sieg* de mousse; Puis CLuand le vent d'automne amassera 1)6 1'ombre aux cieux blanchis par Cynthia, La pensee en mon ame a 1'accord moins rebelle Reluira par tes soins blanche et calme comme elle... Le poeme Les Sanatuaires est imite de Mrs. Hemans: (Barbier parait

I'avoir admiree,) Le Voeu de I'Indienne, traduit du Sanscrit, raconte

une charmante legende. La Vache de Luorece vient du persan; mais la

plus frappante de ces imitations est le sonnet sur le Idont-Saint-Michel,

imite de Wi3iliams(sic) Bowles, et dedie a Madame Marie Hons-Olivier:

JFier rocher, tu n'as pas la pompe des grands bois, Sur ton sommet chenu faisant flotter leur ombre, Hi pres verts a tes pieds, couverts de fleurs sans nombre, Ou de gais ruisselets jasent a demi-voix. Mais tu peux te vanter de beautes plus sublimes, L'un gap illumine q.ui monte dans las cieux, De navires en course et de flots radieux, Ou tiiurmentes des vents sur les vastes abimes.

Et auand I'hiver brumeux attaq.ue tes remparts, Les flagellant d'ecume, et de pluie et^de neige, L'imagination te voit, ferme en ton siege, Braver avec dedain les vents et les brouillards,

Plus beau, dans oes moments d'assaut et de tempete, Que lorsQ.u'auH soirs d'ete, par un air sans eraoi, Le mon&To^ue du jour s'incline devant toi St d'un reflet pourpre te couroiuie la tSte.

La critiq.u9 de 1'epoq.iie a remarcLue a peine 1'apparition des Silves.

Vapereau, dans 1'Annee Litteraire et Dramatigue signale le recueil

corame etant: 366.

prescLue un livre posthume, apres tant d'annees de silence.... (1.)

et trouve difficile de croire ciue ces poemes soient du chantre de "la

grande populace et ia sainte canaille." Theophile Gautier, q_ni disait

du bien des gens autant (lu'il le pouvait, voit Barbier ici comme ...un poete pleine de gr/^ace et de fra|ch.eur c[ui debute ignorant de sa gloire, et chante I'amour et la nature comme s'il n'avait q.ue vingt ans.... ) Leconte de Lisle trouve dans les Silves . (3

...moins une decadence q.u'un retour au vraM temperament de I'auteur

Suinte-Beuve aussi: Auguste Barbier.... .dans 1'^iiabitude , comme 1'at teste son recueil des Silves, est plutot une ame douce, tendre, aaive; ime ame cherchante, un peu ineertaine; une muse timide, le croitait-in, peu ferme en sa demarche, peu sure du grand chemin, et tentant tous les sentiers. Plus d'un de ces sentiers lui a offert d'heureuses rencontres. On trouve, dans ce recueil compose de pleess de toutes les dates, de bien jolies et naturilles esfiuisses de voyage; par exemple, Le Erlste.Aspect. les Aloyons; Le Dormoir des Vaohes est un beau tableau.... T4.1 Ijhe seule etude detaillee du recueil a paru a cette epoq.ue, celle de -le. J. Gourdault dans la Revue des Deux Mondes., (5.) Sllei^ est toute favorab

Le critig.ue reconnait que c'sst ici le cote reveur du poete des lambes. ©t il trace 1'evolution en lui de ce genie de caprice et de fantaisie.

Barbier se revele ici, en outre, comme poete-penseur: ...Les regards qLu'il jette...sur 1'arbre et I'insecte, la fleur et I'onde, decouvrent des choses vivaces et interessantes... Le recueil offre une gariete charmante; c'est ce (ju'cn ne truuve pas,

selon Gourdault, dans la plupart des recueils du jour. Ssperons q.ue les oilves de M. Barbier sont comme I'annonce d'une conciliation heueuse CLue de nouvelles tentatives litteraires ne tarderont pas a m44ux accuser... La question soulevee par -i^eoniite de Lisle et par Sainte-Beuve est

a resoudre; nous I'aborderons guand nous aiirons aoheve d'etadier

1. 1865. Pp. 4-5. 2. Kistoire du Romantisme, P. 399. 3.Les Poetes Contemporains; 4. Mouveaux Lundis. X. 118-9. 5. 1864. ler. mal, Pages 255-6- 367.

I'oeuvre entiere, de Barbier. Les Silves coustituent^ils une "decadence ou un "retour a la ^aie nature du poete"? Les Poesjies Posthumes. flies

Rimes et Odelettes representent^ils mieux I'esprtt de Barbier gue les lambes et Lazare? Leguel est le vrai Barbier de 1833, celui des Rimes de Voyage ou celui du Planto?On commence a croire a une double nature^ ou deux §mes co-existent d'abord en toute tranguillite, mais oii I'lune triomphe fihalement aux depens de I'autre. Le poete male des lambes. a disparu a jamais; il ne retrouvera plus I'ancienne veined/ d'indig• nation. Heme lea Satires de 1865 ne s'apparenteront presgue pas aux satires de sa jeunesse.

Satires de 1865.

Ce voluAe de satires ne consiiiaiitpas entierement en comoositions recentes. Le livre fut divise en trois parties, dont la premiere contenait des Satires a la maniere d'Horace, une de 1846; les autres posterieures a 1850. Puis venait xm drame en vers blancs, Cesar Borgia compose en 1845; enfin deux satires gui ressemblaient plutot aux lambes, et gu'on aurait pu ajouter a une Edition augmentee de ceux-ci; elles s'inti^iulent 1' Indifference. (1845,) et Le Dernier Temple. (1837

Avant raerae ili'apprition du volume, guelgues-unes des satires de la premiere partie avaient ete publiees dans la Revue des Deux Monde3;(l.

I'Hommage a ghalie. gui servait de prologue; La Bonne Tactigue, ecrit

en 1856, et Une Refutation d'PIoraoe. en 1864. Barbier avait expligue son but dans une courte preface: Ces nouvelles compositions....sont des esguisses de meeurs, des croguis de iegeres folies, et meme de^ guelgues vices du temps a^ec le rire da la muse comigue...

1. 1865. LVII. Pages 49 7-502., avec cette note de I'editeur: M. Auguste Barbier revient a la satire, mais c'est Horace gu'il orend cette fois pour gxiide et non Juvenal. Les pieces gu'on va lire sont detachees du volume gui paraitra proc^aiment et gui montrera sous \m nouvel aspect I'autemrds^ des lamiies et du Pianto ^68."

C'etait un "leger hommage a Shalie," et c'est a Thalie ^u'il dedia son Prologue:

Autrefois indigne de voir regner le mal, Avec I'lambe ardent j'evociuai Juvenal, Et le poignet arme d'une plume severe, Aux noilrs exces d«j^ temps je declarai la guerre, Aujourd'hui moins rigide et peut-etre moins bon, Je satirise encore, mais sur un autre ton, Quittant de Hemesis la sublime folie, Je prends modestement le masctue de 2halie... et il admit franchement au'il ne faisait q.u'imiter Horace. Cette imitation est, d'ailleurs^ tout de suit? svidente. La premiere satire est de 1846, (Un Vieux Moyen de s'enrichir.)

C'est une version d'Horace .(1.) Le dialogue du debut traduit presgue litteralement le latin: (Bertranft: ) Allons, encore un pot, Robert, et je te laisse... Apprends-moi le moyen d'attraper la richesse? (Macaire:) Oui-da, Bertrand, n'est»ce done pas asses, Apres tant de perils, tant de pieges dresses, D'avoir heureusement deroute la police, St revu de Paris 1'enceinte protectrdee. (Horace:) Hoc Q.uorLue, Tiresia, praeter narrata petenti Responde, guibus amassas reparare q.ueain res Artibus atcLue modis. Quid rides? lamne doloso Eon satis est Ithacam revehi patriosoue penates Adspicere? Bertranfi veut savoir comment il pourra s'enrichir "homietementII faudra trouver un"vieil imbecile" q.ui fera de lui son heritier. Aveo bien moins de concision oue dans le poeme latin, Madaire expliCLue comment il faut s'y mettre par la flatterme et le mensonge:

II litt/ faut effrontement etre son Icuangeur B$ jusq.ue sous les toits soutenir son honneur...

Bertrand croit impossible de s'munilier ainsi:

Alors, (dit I\fo.caire,) va mendier.. .42.)

1, Satires, II. 2...... Ergo, Paiiper eris. 368.

Bertrand se laisse bientot convaincre et ecoute attentivement tous les couseils de son ami sur I'art de plaire aux riches vieillards. Qu'il refuse toujours de parler de testaments, dit Macaire, gu'il a'attire

I'amitie des domestigues; gu'il flatte la gourmandise du vieillard, et, si neeesaaire, gu'il lui donne sa fille. II ne faut pas etre trop sur du succes; gu'il fasse bien attention, et tout ira bien. St Macaire a'en va:

Adieu don9,oher Bertrand, on m'attend a la Bourae...(1.)

Toute une histoire s'attahhe a La Statomanie. Barbier dit dans oe volume gu'il I'a publiee en 1850; il a'est trompe d'annee; c'est en 1851 gue le poeflie a paru daas le Mercure de France, avec la note editordelle gue void: Apres plusieurs annees de silence, I'auteur dea lambea et du Pianto^i M. Augusts Barbmer, a bien voulu ohoiair le Mercure de France pour publier jLa Statuomanie. belle et spirituelle satire gui eat en guelgue aorta le reveil d'un grand poete. (2.)

Le poete demande pardon, en note, du titre "barbare;" 11 n'a rien

trouve de mieux pour expliguer son sujet. C'sst une aatire amusante;

on essaie toujours, a toutes lea epoguea, de jouer au grand homme, Tout

le monde veut TV ....avoir comme un aa\t sa ndohe *t son autel.... II est ne des milliers d'artistes dont les mains Tripotant ou gaohant plus ou moins bien I'argile, Ont fait d'un art sublime une chose futile, St mis de Phidias les outils respectea Au servide banal dea moindrea vanltes...

Bncore ai ce n'etait gu'a Paris gu'on trouvait ces abaurditeal maia

ellea sont partout. Paria eleve un monument a Moliere et partout

a'elevent des statues a Moliere! Parmentier merite-t-il une atatue pour

i Proaerpina; vive valegue, ^' Impe;;eKoaa%rahir t 2. 16 novembre, 1851, 330 . avoir appris a manger les ^omaes de terre? Bientot, comme la croix d'honneur, tout le,monde aura son monument. II faudrait les paroles mordantes d'un Voltaire pour faire bien la satire de cette maniel

L'amusant, dans I'histoire de ce poeme, c'^st gue, I'annee sui- vante.^un fort respectable citoyen de Versailles, M. Montalant-

Bougleux, s'est donxie la tajoiie d'y repondre, par un poeme cing fois plus long q.ue celui de Barbier, gu'il a lu a la Societe des Sciences morales, des Lettres et des Arts, de 3eine-et-0ise, dans la seance solennelle du vendredi 26 mars, 1852.

On s'imagine cette auguste assemblee, dascuta^it un mediocre poeme du grand Barbier, comme si c'etait sa meilleura oeuvre, et secouant graveme^it la tite en se rappelant ciuelq.ues-unes des audaces presomp- tueuses de ses premiers poemesf Le poeme de Montalant-Bougleux est fort long; nous nius contentons q.ui d'en citer le debut/,iZ en donne le ton general; et les vers en defense d'une statue a Parmentier, q.ui sont entre les plus amusants. Le poeme comimence: Barbier, toi dont j'ai vu sur des pieds iambiques Bolter s4 savamment les rimes satirigues; Vengeur de la Curee ou vingt dogues ardents Sur le lapin royal se fatiguaient les dents; Quand la Prance a ta voix se changeait en cavale Belligueuse, sans frein, sans peiu* et sans rivale, 2u drlssais, dans tes vers ciseles sur I'airain, Une siatue eguestre au peuple souverain.... Dans cette oeuvre eclatante, ingenieux symbole, Poetigue flatteur, tu sculptais un idole, Auftourd'hui, menacjant pour to^i propre travers, En moule alexandrin tu fonds de nouveaux vers Ou tu vas gourmandant la faveur des statues...

et sur Parmentier il dit: Je t'ai vu, sous 1'affront d'un terme ridicule, Eernir de Parmentier le fameux tubercule, Dans I'insipide f.lot d'un maigre condiment Delayer la saveur du modeste aliment, 37<1.

M Et de I'horame de bien delayant notre hommage, Des debris de sa pomme insiilter son image... Parmentier, dans I'Attigue, eut ete Eriptoleme; De son fruit souterrain la tige, doux embl^me, De verdure et de fruits eut pare les mortels, Et pour son piedestal il eut eu des autels... La troisieme satire, Le Secret de Bien des Gens, rappelle vaguement

I'endroit ou Horace s'imagine gu'il consulte un avocat au sujet de ses

satires.(1.) II ne peut s'empecher de les ecrire: que faire alors?

Mais les ressemblances ne sont pas fondamentales, le ton des deux

satires est assez different^. Le poeme frangais est en forme d^ dia•

logue: la scene est 1'atelier du Sitien a Venise, ou I'Aretin pose

pour son portrait, et parle au peintre. II lui dit gu'il est toujours

en proie a des atta^ues de la part des gens q.u'il a calomnies dans ses

ecrits. Cependant, il ne peut ecrire autrement, il voit les chos'^s du

monde sous leur vrai jour, et n'a pas d'illusions au sujet de I'huma-

nite: la gloire n'est q.ue "de la futnee errante." II airae les bonnes

choses de la vie, et n'a pas 1'intendtion de s'en priver; et puisgue

c'est par ses dons d'esprit q.u'il trouvs le moyen de s'en procurer,

pourguoi ne pas s'en servir? Le Sitien est force d'admettre que ce

n'est q.ue par crainte de sa plume raordante gu'il a accapte de faite

son portrait; il a peur de I'Aretin, comme tout le monde. Pourguoi

celui-ci, sa gloire assuree, ne change-t-il pas de style? i/iais

I'Aretin ne pe\it changer, touty ee g.u'il possede eomme talent, c'est

sa facilite de sarcasms et d'injure, et il ne peut guitter ce genre.

K'y a-t-tl pas toujours occasion de s'en servir, d'ailleurs? On

craindra toujours le satirigue. Ce n'est pas 1'immortalite gu'il cherchc

mais la renommee actuelle: A moi le bruit d'un jour, les fureurs de I'orage, A moi les vils surnoms, ies haines et I'outrage, Mais de I'or, du plaisir, et mon portrait enfin....

1. Satires 373L.

La Bonne factioue raconte un incident gue le poete a vu une fois se passer dans la rue; un voleur crie "Au voleurl" et guand il voit la foule suivre la route gu'il a designee, s'enfuit lui-meme par un chemin oppose.

On voit de pareils tours partout dans le monde: partout ce gu'on cherche c'est le moyen de detourner 1'attention d'autrmi, et de puursuivre sa vie de vice et de crime en toute tranguillite'. Tous s'indignent centre leur propre faible:

Valere, le joueur, heros du lansguenet, Declare a tout venant gu'il faut fermer la Bourse, Puis i'on entend I'avide et gros Brimalcion Tonner contre la table et sa profusion...

Dn Diner d'An^es est, selon Barbier, une "nouvelle interpretation d'HoEace;" il nous semble gue la satire latine dont il s'agit ne petit etre gue la huitiecae du deuxieme livre d'Horace, poeme gui contient aussi la description d'un diner, de tous l^s invites, de tout tse gu'on a mange, et de tout ce gu'on a dit. Mais a part ces ressemblances de decor et de style, les poemes ne scont pas pareils. Chez Horace c'est plutot de 1'hote gu'din se mogue: c'est un nouveau riche gui ne sait parler gue cuisine, gui ne pense gu'a ses repas. Barbier s'en prend plutot aux convives, et il trouve pour les esguisser la plume d'un Moliere ou d'un La Bruyere.

Invite par un cousin gui est Un peu simple et bien gue fort pieux, trop chaud Pour les coiireurs d'eglise et le monde bigot.... il se trouve en compagnie de gens typigu3se[ de ce monde bigot, II les decrit de traits vifs et surs: Le premier gu'on annonce est un gros rejoui A I'oeil vif, au teint frais, au rire epanoui, Masgued de bon vivant chauffe de rDUge antigue.... Le second Est traite de plus haut; \me broche de croix Btincelle au-dessus de sa blanche^eravate; C'est guelgue grand seigneur et meme in diplomate, Derriere lui surgit, du fond d'un paletot, DoublS de molleton bien douillet et bien chaud. Un long profil blafard, sec, a la levre mince Pour faire le contraste, un monsieur en moustache Sntre sur ses talons; ses cheveux en panache 3e dressent, un habit d'un gout neuf et coguet Bmprisonne ses reins comme dans un corset." Uniipantalon-collant lui dessine la cuisse; On dirait a le voir un lion de coulisse. Enfin. Se glisse un petit homme a I'imberbe menton, Un abbe d'autrefois, un reste d© vieux ton, Qu'a ses saluts nombrsux et sa mine discrete, Comme I'a dit Boileau, je reconnus poete. En effet, comme dit Barbier lui-meme, ce sont la iei^ vrais "feeros de

Molierel"

Une assez bamale conversation s'ensuit; enfin, avec 1'entree du dessert, un raembre de 1'assemblee annonce son HA intension de faire don a tous d'un exemplaire de son livre prochain sur la douleur! Alors tout le monde de faire a gui mieux mieux la louange de la douleur. Barbiter se fait l9 centre d'un cercle hostile guand il dit:

Messieurs,.....de Dieu, En creant la douleur j'ignore eneor le voeu, Mais Je le benis fort de sa pitie des hommes Et d'avoir fait couler sur le globe ou nous sommes Taiit de flots de bon vin afin de 1'y noyer... Une Soiree d'Esprits est de 1858. Barbier est pie in de raillerie i centre les seances sprites de I'epogue; en effet, il revele ici un sens A du comigue gu'on ne lui aurait pas soupgonnel Pense(.t-il ai:ix "tables tournantes" de Guernesey, dans ces vers gud decrivent une telle seance?

P bi^ot un soubresaut Et des craguements s^ourds de la table inspiree Annoncent les esprits. — La phalange sacree Qui veut bien visiter, ce soir, ce beau salon, C'est Jeanne d'Arc, Saint Paul, Moise et Fenelon... On s'attendrait a des paroles sublimes d'une telle assemblee; mais on n'entend gue platitudes et banalizes. Les croyants applaudissent, et s'extasient; une daie reussit ht toucher la main de son frere; et voulant la presser, trouve gue c'est un pied. La confusion regne, on rallume, et 370.

trouve le meditmm inanime sur iine chaise, disant gu'il a ete frappe au coeur par un des esprits. La seance est levee, et I'on s'en va, sans

savoir toutefoisi^ a gui appartenait le pied. Cette satire burlesgue a

des gualites dramatigues gui meritent 1'attention. C'est une veine gue

Barbier eut bien fait d'exploiter, plutot gue de rimer ses legeres poesies amoureuseal

Dans Le Reve de Monsieur Prudhomme. {1860^^ celui-ci, assis au

Ch^p de Mars, fait un feve gu'il decrit a sa gemme. II n'y a vu gue soldats, gue regiments, gue manoeuvres, et I'idee lui vient gue c'est ainsi gu'on trouvera finalement I'ordre et le progres. Tout le monde sous les armes, vomla I'utopie idealej Legrand mot de I'ordre soeial, c'est I'armee, Que la France continue sur la voie de 1'enregistrement de son territoire: enfin On ne trouvera plus en toute nation Qu'une^ seule pensee, une seule action....

II poursuit sa pensee jusgu'§. ses extremes limites, et se hate de la coucher sur pa;^ier. Au Bal de 1'Opera est de 1862; nous avons ici une discussion entre la Arleguin et Pierrot, gui rgpresentent deux philo^sophies de^vie toutes ijpposeeso Pierrot est triste et meditatif, Arleguin profite de tout et change a chague moment:

...je ne suis pas, je me fais sans cesse...(dit-il.) Pierrot ne voit aucun agrement a cette maniere de vivre. Lui a des gouts simples, la bon vin, la bomae cuisine, I'amour de Pierrette, voila tout ce gu'il lui faut pour etre heureux. Mais, dit Artleguin, guand le vin et la cuisine ne seront plus bons, guand Pierrot ne I'aimera plus, gue fer^-t^-il? Pierrot repond gu'il ne saurait changer, gu'il almera toujours sa Pierrette, guand meme elle le rendrait malhaureux. Z7S.-,

Arleguin s'eh va s'amuser, et Pierrot reste a attendre sa Pierrette,

Ho8 Raffines (1862) decrit les elegants, les "dandys" de I'epogue; ils deviennent de plus en plus bourgeois:

Selon le gout du Jour, et souvent tres-peu neuf. Son torse est revetu d'un simple drap d^'Elbeuf, Sur sa levre un cigare enormement s'avance, Sntre ses doigts un jonc de Verdier se balance...

"La noble particule" a laguelle il pretend lui procure une entree partoutj il se croit raaitre en escrime, il fait la louange du duel, il ne ^fi respecte personne, Pire encore, cette race "s'est faite litteraire;" ces raffines

Emplissent de leur bruit le sous-sol des journaux... et c'est tres rarement gu'un homme de courage Se leve, et I'amee en main, reprime leur verbiage, En leur flanguant sans art guelgue coup bien plante Qui remet les rieurs soudain da bon cote....

Barbier nous rappelle dans les Bmbaumeurs (186^) d»art des anciens

Egyptians, gui savaient si bien conserver le corps dans toute sa beaute apres la mort. Get art n'est pas tout a fait perdu; seulement, aujourd' hui, on fait mieux encore, on/.sait embaumer I'^ma aussi. Le poete s'expligue; I'ami ou I'.amoureux dont 1'affection diminue, ne sont-ils pas plus tendres, etj*^ plus remplis d'egards, dans leurs efforts de deguiser leur ohangement de santiment? II donne I'exemple du critigue, gui, voulant couper court a la gloire du poete, L'exalte outre mesure, et piiis apres le traite D'homme use, de poete en faillite et glace... (1.) et I'exemple du philo§ephe gui attague le shristianisme, et tout en otant au Christ son nim^ celeste,

1. Pense-t-il a Sainte-Beuvs, gui avait trai€e Barbier lui-meme de fagoh pareille? 376,

II lui garde respect, et, daintement funeste, II embaume le Dieu dans I'eloge exalte Des sublimes vertus de son hiunanite.. .. (1.}

Puis les orateurs et les hommes politigues, croyant leurs ennemis a jamais vaincus, ne cessent de les louer.

Dans Une Refutatmon d'Horace. (1864) Barbier pretend avoir trouve au cours d'un voyage en Italie de guoi refuter le poete latin guand il dit gue nul ici-bas n'est content de son destin. (S.) 3n face de lui, dans une voiture gu'il a prise pour aller en Dmbrie, se trouve un vieux campagnard 6t basane et travailleiu'. Arrive a Assise, le vieillard des^- cend de voiture, et Barbier, se rendant dans I'eglise, I'y voit a genoux. Remonte en c&rrosse, Barbier interroge le vieillard sur sa vie et ses origines; c'est un simple homme de campagne, gagnant au jour le jour une maigre vie, et oomptant vivre ainsi jusi^u'^ sa mort.

Mon troppo s'contenta della sua vita...

Barbier invogue Horace, voulant lui faiire saB"oir gu'il existe une per- sonne au moins gui a trouve le secret de la tranguillite d'esprit. II aurait voulu le mettre face a face avec Napoleon; peut-etre aurait-il rivele la vanite de 1'ambition a Celui £ont le pas, du midi jusgu'^ I'Ourse, Fatigua notre France a le suivre en sa coiirse.,., Dans Matrimonaujn (1864) le poete critigue la mode toujours prevalente soient gui exige gue ce &6lt les parents gui choisissent le marl de leur fille.

Voici une famillle typigue: le pere et la mere diseutent le prochain mariage de leur fille Camille. On decide finalement de la donner a

Acaste, gui, bien gu'il ait depasse la cinguantaine, a assez de biens pour §*re un beau parti. Camdille promet, non sans guelgues regrets,

1. Allusion a Rehan peut-etre, dont la Vie de Jesus est de 1864, 2. I. 14. V 11 osua nimirui est odium sors... 87(7. d'obeir a ses parents, et le mariage aura lieu. Le poete pense a ce gui s'ensuivra, aux Mlheurs, aux scands.les, gui resultant de ces mariages de convenance^ Mieux valaient les anciens Gaulois, gui, maigre leur Id^^b'&Misi barbarie,, laissaient du moins a leurs filles le libre choix d'un mari.

L'Epilogue, comme le Prologue. s'adresse a la muse comigue:

Mer§ d'Aristophane et du puissant Moliere, Muse, pardoaime si, ma main S'elevant un moment jusgu'a ton front divin, J'ai pris ton masgue de pourpre et m'en suis fait visiere,

Pour gloser, badiner, et railler par derriere De fagon a charmer notre pays malin, II faut beaucoup de verve, un esprit juste et fin, Bt surtout une voix legere,

Ai-je ce don, suis-je biien inspire, Et mon vers, comme Horace, aura-t-il demontre Qu'un ris franc perce mieux q_ue des clameurs moroses?

Je ne sais, mais, craignant de plaisanter a tort, Je m'arrete et je laisse la main d'un plus fort Et le masgue et les choses. Ainsi se termine la premiere partie du recueil.

Cesar Borgia* Barbier crott avoir entrepris guelgue chose de fort original par

son drame de Cesar Bppgia. II dit a ce propos dans sa preface: La plus grande nouveaute de ce livre est le forme du vars employe pour mon drame; c'est le vers sans rimes, horresco referensl La rehsi.bilitation de oe vers est une tentative audacieuse. Sst-il a rejeter absolument? Je I'ai pense d'abord; cependant le desir d'elargir le terrain des muses frangaises et de donner aux poetes, aux dramaturges surtout, iin moyan different d'exTirimer leur pensee, m'a fait revenir sur mon premier jugetnent. Peut-etre gu'une main plus habile gue la mienne pourrait tirer un glorieux parti de cette forme gue possedent presgue toutes les nations de 1'Europe, et dont, excepte Voltaire au dix-huitieme siecle, M. Bruguiere de Sorsum sous' la Restauration, dans leurs irattations ou traductions de S^hakes^ p§are, et Louis Bonaparte, dans ses Odes et Poegies, personne, gue je sache, n'a essaye de doter notre s^steme metrigueT Le lecteur decidera entre ses a^antages eti^ aes desavantages. Puisse toutefois ce nouvel exemole du vers non rame ne pas etre un argument trop contraire a son admission dans nos habitudes intellectuillesi 37«.

Le draAe est divise en cing scenes, dont la premiere SB passe a la forteresse de la Maggione, en Romagne, en octobre 1802. Des conspires se sont reunis dans une salle du chateau-fort. Sntre eux se trouvent le cardinal Orsini, son jeune parent, Pagolo Orsini, Jean-Paul Baglioni, Ani^jal Bentivogli, Vitellozo, Antonio de Venafro, Olivier de Fermo, et le pere de Pagolo Orsini, le die de Gravina. On complete contre le Borgia, gui possede deja la Romagne, et gui menace Bologne, Perouse, Florence, Sieime, Rome meme. Unis contre lui, ils pourraient le vaincre et ils promettent de proteger Bologne et Sienne, et meme les Plorentins On n'aiders pas les Colonna, amis du pape. II va falloir aussi se procurer une alliance a^ec le roi Louis XII de France.

La deuxieme scene se passe a Imola, au cabinet de travail du due

dans un de ses plalais, Cesar urient de recevoir des nouvelles de la

confederation. Sienne et Bologne sont contre lui, ^t Bentivogli s'est empare du chateau de Saint-Pierre. Mais il ne se croita pas perdu, tant

gue lui restera le roi de France. II a prepare des lettres, et en envoie

une au roi de France, a Milan, une a son pere, le Pape, une a Benti-

¥ogli et une au cardinal Oraini e$ a son neveu. II a demande de 1'argent

a son pere^f d^s armes au roi, en faisant semblant de renoncer aux etats

des deux autres. Machiav^l arrive, de la part des Florentins, ^fii6/B66/

dire gue,les confederes cherchent en vain une alliance avec ses conci-

toyens* II decrit les grands prepar4diifs des ennemis de Borgia; ils ont

de 1'argent et des armes, ce gue Cesar n'a pas, malgre tout son esprit.

Mais, dit Bachiavel: Vous possedez a fond I'art de la politigue; Vous etes digne enfin de vaincre... et il accepte de rester chez le Borgia. II lui demande et ofetient en outre un sauf-conduit a travers ses Stats pour toute merchandise 373. florentine exportee au Levant. Cesar fait lire ime annonce gu'il vu faire imprimer a dix milie exemjplaires, promettant trois ecus par jour a tout homrae q^ui viendra servir dans son armee.

La troisieme scene se passe au camp des Orsini et des Vitelli, d^ devant le fort de Cagli. Des soldats entrainent un vieillard dont les mains sont liees derriere le dos. C'est le Podestat de la viile, q.ui declare q_ue 1'argent q.u'on lui i.MA&. demande lui a ete pris par les

Borgia. Vitellozo et le due de G-ravina parlant ensemble. Vitellozo veut toujouts avancer, mais le due lui rappelle ^ue le cardinal et

Pagolo sont d'avis q.u'on devrait ecouter les offres de paix de Cesar.

Vitelli n'en veut pas; on ne petit selon lui avoir confiance au Borgia.

Pago^io arrive, leur dire au'il faut suspendre le aiege; il detimande leurs signatures pour le traite de paix cLu'on a redige. Le due consent a signer, et on assure Vitellozo ci.u'il y aura des occasions de vaincre le Borgia a i'avenir. On ranene le vieux Podestat, q.ui, leur racontant les malheurs q.^e lui ont causes les Borgia, implore leur aide. Mais

Pagolo declare i^u'lls ne peul3"ent plus I'aider, au'ils sont tres bien mainten^ant avee lexirs aneiens ennemis.

La guatrieie scene est a Fano, dans one salle du palais. Cesar s'inq.uiete; ses ennemis tomberont-ils dans la piege? II craint sur*out les Orsinm et les Vitelli. 3ur ses oirdres les conspires ont fmrce'

Sinigaglia mais les chefs de la ville ne eonsentent a rendre leurs clefs q.u'a Cesar; il attend a present des nouvelles de la ville. C'est la q.u'il espere attraper par ruse tous ses ermemis. La lettre gu'il espere arrive enfin; on I'y attend demain a midi. On lui a prepare logement dans le palais Malatesta. Cesar appelle certains de ses capitainea et leur expligue la situation. II ne faut pas Jjaisser s'echapper xmtte occasion de vaincre ses ennemis; tous y sent d'accord,

Tous les soldats de I'ennemi seront a six milles de Sinigaglia; se-ol y r9s*era Olivier avec ses hommes d'armes q.u'il faudra nentraliser. Voici ce rxue propose le Borgia:

Je vaTix, en arrivant devant Sinigaglia, Invitdr Olivier ainsi q_ue ses amis ii souper avec moi pour celebrer ensemble Notre nouvel accord et bon rapprochement. Vous serez du repai, messieurs mes conseilleiirs, Or, q.iiand viendra 1'instant de deserter la table, Avanfi de nous lever Je remjlirai mon verre, Pour boire a la sante de mes hotes, et puis, Des g.u'il sera vide, je le mettrai par terre. Ce sera le signal soudain de 1'action; Chaoun de vous, place pres d'un confedere, S'emparera de lui, le psignard sur la gorge... S'il resiste, q_uiil meure, ...Alors, pendant ce temps, Mes gens desarmeront les troupes d'Olivier.. Si les confefleres refusent de souper, il les invitera a boire; s'ils refusent encore, on les euivra et les assassinera separement. La cinci.mieie scene est divisee en trois parties, dont cha^JUiie se passe a Sinigaglia. Les confeifferss attendent devuntZ la porte de la ville, Vitellozo a un etragge pressentiment; il voudrait n'etre pas venu» Le Borgia arrive, et les invite tous a souper. le dux s'excuse a cause de son age, et Vitellozo veut partir aussi; mais Cesar reussit finalement a leur persuader tous 9.e venir bomre chez lui. On arrive au palais Malatesta; Pagolo fait les honneurs de la maison; 3nfin, Cesar fait apporter des verres et du vin; et tous botvent, excepte Vitellozo. Le signal convenu est donne par Cesar, et les confederes sont entoures et desarmes. On les emmene, Cesar ayant ordonne secretement q.u'on ^'en tue aue les Vitelli. On nous transporte ensuite dana une rue de Sini• gaglia. Cesar trouve cLuelciues-uns de ses soldats q.ui pillent et volent. II enrage contre eux, leur ordonnant de tout psstaurer. Finalement nous avons rnie entrearaa entre Cesar et Mac&iavel. On s'accorde sur les 281. termes d'aide mutuelle, et se separe fort amiealement; c'est a Maahiavel le dernier mot du drame: Voila certaineat un homme vigoureux 3t gui peut monter haut Ifeis comme dit le sage Sn tuMe chose, il faut considerer la fin....

Le principal, on est*! tente de dire le seul ihteret de ce drame historiaue reste dans le personnage de Cesar Borgia. Barbier a evidemment eu un faible psur lui; et c'est sous des couleurs toutes favorables q.u' il le depeint, ruse, mais assez humanitaire pour arreter le pillage parmi ses soldats, ambitieux et sans scrupules dans la vie politique et cependant tout aimable, et digne de i'estime et de 1'admiration/^ii^ d'un Maehiavei. Mos sympathies sont avec lui des le commencement; et il est toujours evifient q.u'il I'emportera sur ses adversaires. On ae demande cependant paurci.uoi Barbier a publie ce drame dans un volume de

Satires;sans doute parce q.u'il a voulu le voir imprime, gu'il est trop court pour etre publie saul, et Q.ue I3 poete n'avait pas d'autres drames pour I'aceompagner. C'etait ici une Occasion opportune de la faire connaitre au public; et ^^aand Barbier publiera en 186S ses Satires et Chants. (1.) il mettra Cesar Borgaa a cote' d'Srostrate et de pot-de-

Vin. expli(iu^.nt, dans une preface a cette partie du recueil: ...la figure ^istoriciue de Cesar Botgia a servi a caracteriser I'art du guet-apens politique pousse a sa plus violente expression, art dont I'ltalie du seizieflie siecle a donne de si tristes leqons a I'Eiirope... Les deux satires q.ui terminent le recueil sont exactement dans le

style et le sentiment des lambes. L'Indifference est de 1845; elle a

etet publiee dans Le Diable a Paris ejj 1846. Barbier dit avoir publie

la deuxieme. Le. Dernier Semr^le. en 1837; elle parait en effet dans

1. Dens ce meme volmne de Satires et Chants de 1869 il reiimpE±me les Satires horatiennes de 1865, les faisant suivre d'Rvmnes et Sonnets 0'est-i-dire, des Ckhnts oitils et religieax et des Rjmes. Heroiques. 1'edition de Lazare publiee dans la Revue des Deux Mondes en fevrier de cette annee, intitulee Le Veau d'Or. L'Indifference conserve le sarcasme des derniers iambes et I'Sian vigoureux des pramiers. Par son sujet le poeme resume prescLue les themes de certains des lambes. le poete x^ense d'abord a ^la tramjuillite q.ui a suivi les guerres napo- leoniennes; la France a reconnu les Muses, elle a su apprecier le genie d'un Lamartine; elle a z'reconnu la Liberte, elle a ecoute les oris dft peuple grec: iSt plus tard Q.uand Juillet aux immortels eclats De la lifeerte sainte eclairaitt les combats, Les enfan^s de Paris, CLui remuaient les dalles, Trouvant Cliateaubriand sur le chemin df^s balles, Baissaient leurs jeuxxes fronts devant ses. cheveux blanes Alors on ne cherchait qji'a jouer de beaujs roles; Dans tous les coeurs vibraient des instincts genereux... Mais les esperances de 1820 n'existent plus; nous n'avons plus d'illu• sions aujourd'hui; et les vers Aujourd'hui plus d'elans, les ames sont sans feux. Sans gout pour 1'ideal.... nous rappellent la comparaison avec le passe d§ I'Sam.be auatre-Vingt° Treize. le meme sentiment d'ennui et de satiete aue dans;Ee Spleegi, Les poetes nouveaux ne sont plus g.ccueillis; la Liberte estnej'ete© comme uii vieil amour. C'est le nouveau regne de la tyrannie, en France cimme en Pologne: 0 pale Indifference I Sur un lit de'pavots as-tu coucne la France? Est-ell9 poul? toujours endormie en tps bras?... Puis parait la nouvelle idee q_ue le poete vient de preparer; on est

different pourZ' I'art, indifferent en face des injustices politigues. in Mais S'egit^il de corrompre un arrondissement, D'enlever a prix d'or un siege au parlemeit, De monter a I'assaut d'une brillante place, De s'emparer da banc d'un miaistre tenaee, 383.

De faire avec I'Etat des marches scandaleux, D'exploiter a la Bourse, a grands coups ruineux, Le secret evente des jaux telegranhigues.... ciue I'on est pie in d'enthousiasme energic^ue^, cLue I'on retrouve vite

"et du nerf et du coeur."

Du nerf, nous en avons pour les choses impures. Pour navrer le talent par de vives blessur°s, Et battre, avec I'eseor d'lm novice ecrivsin, Les vingt ans de succes d'un maitre souver&in Du coeur nous en avons pour une empoisonneuse^ Pour aller assister sa beaute malheureuse, ..... Snfin nous en a^Jons pour lire des histoires, Degoutantes de sang et d'argot toutes noires, St ojii neanmoins font pamer de volupte Tous les seins delicats de la societe...

Le Dernier gefliple est un poegie a bien des egards infe'rieur a 1'Indiffe•

rence . c'est le sujet que le poete a ensuite elargi et moddifie dans

Po%-de-Vin en 1841. Oil ne pinse plus qu'a 1'argent, Id veau d'or est

le nouveau dieu, vers son temple s'schemine la foule d'aadorateurs. Le

debut nous rappelle le Campo Yaccino:

0 races de nos jours, 6 peuples ahuris, Desertez les lieux saints et les sentiers prescrits, St vous, sombres moellons des vieilles eathedrales, Du haut des airs roulez dans la main des Vandales...

Un nouveau temple s'eleve, vers leg.uel s'aceourt tout le monde; et en

y entrant Chacun (y) met a bas, comme un trop loiu-d fardeau, Ge Q.ue son coeur contient dt de noble et de beau...

Ce temple domlne toutes lessi affaires du monde. En vain les pensem-s

cherchent un nible avenir pour la ra^je huraaine; on ne pense plus q.u'a

s'enri^hir: L'or ruisseMe de tout et part out sur la terre; Et pour le deterrer, I'arracher ou 1'extra ire, Rien ne coute a I'audace, et rien n'est respecte' St I'Sternel, du sein de sa divinite, Voit exploiter aux mains de noutre tourbe (immense, JuscLU'aux plus saints decrets de sa toute-puissance.

Ces deux satires ressemblent aux lacibes et non pas aux premieres 38*. satires de ce volume en ce Ciu'elles traitent de tendances genera les du pays, au lieu de tourner en ridicule de petits vices et de petites eitcentricites. Elles sont indignees plutot oue moq.ueuses, natio^ales plutot CLue per Sonne lies. II paraft (lue Barbier a envoye un exemplaire de ce volume a Roger de Beauvoir en 1865, lui ecrivant:

Vous me dlrez §i le vieus lion ciui a perdu pas mal de dents,au combat de la vie a merite le mot sha.]cespearient Bien riigi...(l.)

Leon Seche compare ces satires plutof'au rugissment d'un lion emascule devenu vieux et poussif.." {t,) Vap5?rsau, dans I'Annee litteraire et dramatique. (3.) n'est pas moins deQu. II ne trouve rien dans ce volume qui rappelle le Juvenal de 1830: •..ses memlleures boutades pourraient s'attribuer a M, Viennet. ..Le titre du livre n'est q.u'un leurre, a moitie chemin la satire s'err^te

Les critiq.ues ont raison, sans doute; les Satires de 1865 ne valent certainement pas les lambes. Mais elles ne sont pas entierement denuees r de bonnes cLualites. lous n'hesitons pas a les placef plus haut ojie les

Rimes Le^eres, ciue les Slives. q_xie les Cktots civils et religieux.

^rois Passions i'jouvelles. En 1867 ont paru les Erois Passions Nouvelles, ...essai de peinture de plusieurs grandes agitations de I'ame, telles ciue le jeu, 1'amour et la politique. ....Slles ferment une sorte de trilogie q.ui peut se traduire par 1'amour de la chose, de la personne. de I'ldeeT. .(4.)

Le premier conte, Beata.est un assai de jeunesse, CLUi a ete-.publie cLans la Revue des Deux Mondes en 1833. jeune homme s'elance impetueu- ment de 1'Hotel des Bains, (nous he savons pas|ou; mais c'est q.uelq.ue^ part

1. Citee par Seche; A. de Vigny et son temps, Page 146. 2. Idem. 3. 1866. VIII. Page ^B. 4. Preface. 385. presd de la frontiere franco-allemande; ) sej^ jette dans un fiacre et se fait conduire a la Sauveniere. II vient de gagner Q.uiiize mille florins et ne pfense plus q.u'au jeu. Arrive a la Sauveniere, il se rend chez Franz Rasmann, ci.ui, s9lon le cicher, pourra lui donner une chambre pour la nuito Ce Rasmaen^d a une f ille, Beata, jeune et beile; la jeune homme tombe amoureux d'elle. Mais le lendemain il doit s'en aller a toute Vitesse, voir sa mere mourante. L.'auteur nous transporte ensuite

au Paris de 1780: ....Paris en 1760 etait ce g_u'il est aujourd'hui, la solfatate du monde civilise, le Babel de 1'Europe, une fournaise d'intelligences

....Paris enfin etait un geant couche dans la fange, ecrf.se sous une montagne de pierres, mais pret a secouer le monde du moindre de ses mouvements.... Nous assistons a un mariage de haute societe. Le mari est le jeune homme du premier chapitre il fait un mariage d'argent. II a joue oe soir-la, et a $out perdu; et il a ete pres de se Jeter, avec sa jeune femme, hors de la fenetre.

Hous le revo/iyons ensuite dans le decor montagnard du premier chapitre. II va a la recherched de Beata, trouve aou pere ruine et radoteuT, la jeune fille miserable, II s'en va dans la montagne avec elle et tous deux tombent dans un precipice. Deux oris se firent entendre, I'un puissant, 1'autre faible, puis ils se repeterent, mais etouffes, et eomme ceux de deux corps qui se debattent et se perdent sous les ondes. Bientot ils cesseren-f, et il n'y eut plus que la voix du torrent qui remplissait la solitude d© bruit de son nugissement... de G-ustave est une histoire dans le genre^^a'Aitolphe de Benjamin Constant. Elle commence en 1836, au moment ou le narrateur rencontre G-ustave axrx Tuileries, et parle avec lui; trois ans plus tard, il reQpit de lui une lettre qui resume son existence durant I'intervalle. 386.

II a fait la connaissance de Madame C, une belle cre'ole, veuve, avec un petit gargon de can^ a six ans, et il est devenu amoureux d'elle.

II accompagne la famdille a leur propriete entre Chantilly et Senlis,

gagne I'amour de la dame, et le perd; dans des vers qu'il joint a sa

lettre, intitules "Journal Poeiigue d'une Liaison," il decrit les

evenements de cet ete, le boriheur, les doutes, les scandales, la jalousie; enfin il a du se rendre compte q.ue tout est fini:

Ahl pourguoi, me q.uittant, la cruelle (^u'elle est, M'a-t-elle pas re pris le bien q^u'elle m'a fait? PouTiiuoi me delaisser aFec tout le bagage D'un passe ravissant Q.ui m'aecable et m'enrage?

L'histoire se reprend e^i 1844. Le narrateur marie et installe a Paris retrouve G-ustave, q.ui est devenu commis au cherain de fer d'Orleans.

II a ete en Italieyi, ou il a passe deux ou trois ans. Rt.ppele a Paris

par la mauvaise sante de son pere et le retrouvant mort, il a c^erche des nouvelles de Madame C. II la trouve un jour a Fecamp, par pure coincidence, malade et abandonnee. II la fait soigner, la ramene a

Paris, et I'etablit dans un hotel pres du Luxembourg, piaq-ant son fils au college Henri IV. Sout va bien et Gusta^e espere I'e'pouser; mais elle prend froid, et meurt finalement, a peine la eeremonie achevee.

G-ustave se charge desormais du fils; et q^uelgue temps apres la ren• contre aveci^ son ami, I'emmene en Ameriq.ue; attaint de la fievre jaune

il y est mort.

Leontine est de 18d6; c'est une histolre d'ouvriers et de politique.

L'auteur deorit un club de la rue Sraversiere, ou il entend parler

Mar¥el,jeune homme du voisinage, fort aime' de son auditoire. CincL ans

plus tard, revenu dans le meme q.^artier, I'auteur demande a son

e\jeniste, un certain Louis Durand, lae qyi'^est devenu ce jeune hom.m9.

II est mort; c'etait.le meilleur ami de I'ebeniste, aui, tout emu,

raconte son histoire: 38^,.

Jtarcel etait un enfant trouve, eleve p-'^.r Madeleine Patit, avec sa propre fille Leontine. Celle-ci est devenue eoutiriere et Marcel ebeniste. Le qui gargon^s'est toujours interesse a la politique est devenu un des ppincipauK orateurs du faubouj'g. En 1850, Marcel avait 24 ans, Leontine

20. Durand est devenu amoureux de la jeime fille, qui, cependf^nt, ne pense qu'a Me-.ri?el. Celui-ci, degoute de I'etat. de la France, veut quitter

Paris et faire de la propagande dans les provinces.

Diirand demande a Leontine de I'epouser: elle refuse, et ce soir-la, jaloux de Marcel et ayant trop bu, il raconte les plahg de son ami a une connaisssnce, qui informe chez la police. Marcel est conduit en prison, Durand est blame' et evite par tout le voisinage. Apres six mois de pi?ison, Marcel revient chez lui, aecueille Durand amicalement et persudde a Leontine d'en faire de merae, Arrive le 4 septembre, 1851;

Marcel est tue parmi d'autres defenseurs de la Republique; Le»ntine meurt en meme temps. On les enterre ensemble, et Mada4e Patit vient habiter chez Durand. L'idee de Marcel et de sa foi en la Justice a si fort trs'vaille

1'esprit de I'auteujr que, rehtre chaz lui, il ecrit uii hymne p. la

Justice]?!, -«qu'il joint a son recit. C'est un hymne en prose: 0 Deesse! tout ce qui aim«! et pense noblament a soif de ta vue et de ta parole, de meme que la moiiidre plaZnte a besiin, pour vivre, d's.ir, d'eau et de soleil La Justice est une forme du Bien absolu, et le Bien absolu c'est I'Etre reel, immuabl^, inepui- sable, imperissable....Dieul Dans les Erois Passions, dmt Vapereau, ...Auguste Barbier.,.compromet sa reputation de pggmier satirt^ae moderne;(1. ) pour se donner celle de msfliocre conteur...(IT)

et il les appelle ailleurs ...ces petites elucmbrations aromanesq.uas d'une parfaite insignifiance;

1. Soujours, en 1868.' go Annales litteraires et dramatiques. 1866, V. Page 23. 388.

<^;uand on a un^ grand nom a scut^nir, vos amis d-vraient Irous foreer a le sauver par votre silence....(1.) Le criticLue n'exagere pas: ce sont des contes mediocres, et romanesciues^ surtout les deux premi^ers. L'histoire de Heontiaa est du moins origi- nalepar ses personnages et son_ iimilieu; dans Beata 1'intrigue n'est pas assez nette, les personnages ne sont Q.ue des ombres; et G-ustave est le heros romantiiiue Q_ui tourne a la varrtu.

Deux autres contes ont ete composes vers eette epoq.ue, mais publics apres 1870, Anselmo et Angelica, en 1860, et Alan Morison, en 1868. Le poete s'occupera aussi, malntenant et jusjiou'a la fin de sa vie a des compositions diverses, Q.ui seront publiees dans I'oeuvre posthume; telles les Poesies Posthumes, les Eablettes d'Umbrano. les 3tu.des Lit- teraires et Artistiques. tels les Souvenirs. Les Histoires de Voyage et Chez les Poetes aussi, aui paraitront avant la mort de Barbier, furent eomposes en partie a cette epoq.jie.

1. LOG, cit. Pages 68-70, 388,

CKAPIgRg HUIT. Barbier et le Parnasse.

A eette epociue, entre 1860 et 1870, ou le mmuvement parnassien, aui n'a Jamais donne d'ecole proprement iite, a suffisamment precise ses buts pour produire les Parnasses Contemporains. le nom d'Auguste Barbier restait toujours dans les memoires. Les lambes n'avaient rien perdu de leur flamme, et pretaient toujours a leur auteur un reflet de gloire.

Pour les nouveaux poetes, le nom de Barbier gardait guelgue chose de magicLue: on n'avait pas d'illHaions; on savait ce q.u'il eta it devenu, mais on n'oubliatt pas ce ciu'il avait ete'.

C'est pourQ.uoi on demanda a Barbier sa collaboration au Parnasse

Contemporain. Xavier de Ricard nous fournit le recit, fort amusant, du reste, de la visite Q.ue lui et Heredia firent au vieux poete de 1830 pour lui deraander des vers. C eta it un honneur, la visite en q^uestio^: .. .De pareilles demarches y^e pouvaient etre faites qu'aupres de maitr averes, dont I'oeuvre s'imfbsait en dehors de toute acceptation d'esthetiq.ue et d'ecole .. .'^ (1. ) Le recit de Xavier de Ricard, temoin de cette entrevue entre I'auteur des lambes et celui des Erophees, est si bien raconte q.ue nous le citons textuellement: Je me rappelle tres bien, par exemple, la visite q.ue hous fimes, Heredia et moi, a Auguste Barbier. Certes, nous n'avions pas d'illu• sion sur ce q.ui restait de I'ancien poete des lambes et de xl Pianto, dans le lamentable versificateur des Rimes Heroiques et des Silves; mais xm tenait a son nom, et on avait raison. Heredia n'uura pas oublie, plus q.ue moi, I'air embarrasse et timide dont il nous recjut, on eut dit de Q^uelQ.ue ancien "officier ministetiel," — huissier ou notaire, ^ue nous surprenions dw.ns sa tetrai*e, au fond de q.uelciue chef-lieu lointain, entre une vieille bonne et une discrete traduction d'Horaoe, en vers frangais. Mais il fut tout a fait effare q.uand, apres Ixii avoir raconte, avee son exuberante candeur d'enthousiasme, I'admiration particuliere q.ue professait

1. Petit Eemps, 6 decembre, 1898. Memoires d'un parnassien. 390.

Leconte de Lisle pour II Pianto,^ et Lazare, Heredia lui sonna ce^ vers comme un de ceux que le poete de Poemes Barbares aimait a citer iparmi les plus beaux de la langue fran"jaise: 0 Goethe I o grand vieillard, prince'de GerraanieI Le pauvre Au^uste Barbier etait terrifie; il ne reconnaissait plus son propre vers, si superbem.ent magnifie en la bouche d'Heredia. Kous obtinmes d'ailleurs ce que nous voulumes des vers, assez mauvais, d'ailleurs, (nous nous y sttendions) msis le nom, comme le pavilion fait la marchandise, couvrait I'oeuvre... Et Barbier se trouva represents finalement, non dans le premier Paraasse

Contemigorain. mais dans le second, celui de 1869, qui ne parut qu'an

1871, et ou figuraient aussi, en "poetes consacres," Sainte-Beuve,

Victor de Laprade, Soulary, En effet, les vers qu'y contribua Barbier sont "assez mauvais." lis so^it nombreux aussi; d'abord, ies P^tites

Eaux-Fortes. Uhe Comparaison. Le Meurtre du Reptile, Coenis, (traduit de Virgile et reparaissant dans les Poesies Posthumes.) La Mort de

Sakhar, (reiraprime dans Chez les Poetes. ) puis Deux Vieux Sonnets,(tous deux reparaissant dans Chez les Poetes, ) intitules Michel-Ange au Dante et Shakespeare a son amie; et finalement Saturne. Une citation de ce dernier suffira pour momtrer a quellaa profondeurs est descendu I'auteur du Pianibo:

Un beau soir, par une luneihte, Je contemplais les vastes cieux, Et voyais la chaque planete Suivre son cours mysterieux. La plus distante de la terre, Saturne ^ I'imposante sphere, Captivait surtout mes pensers, St sur sa rondeur lumineuse, D'une faQon presque fievreuse, Je tenais mes regards fixes... Les Parnassiens ne tirerent sans doute pas beaucoup d'inspiration de ces

efforts. Mais les oeuvres de la jeuiiesse de Barbier ne manquerent pas

d'exerjger une influence sur les maitres du Parnasse eux-memes. 39 il.

Heredia connaissait Barbier personnellement, du moind depuis la date de I'entresue ciue raconte Xavier de Ricard. Nous sommes tentee, d'apres le ton de I'article, de croire q.ue c'etait leur premier ren• contre, bien q.ue dans son article sur les Samedis de Jose-Maria de

Heredia, (1.) Antoine Albalet affirme ^u'Heredia avait avait tres bien connu I'auteur des lambes, On peut bian s'siimaginer ces seances poit- tiq.ues, oil Keredia declamait des vers devant une assemble'es de disciples

Albalet se rappelle 1'avoir entendu reciter la fameuse cavale de Barbier encore une fois, celui-ci n'aurait plus reconnu ses propres vers'. Les sonnets de Barbier aussi attiraient I'auteur des Erophees. et il citait son Michel-Ange. dit Albalet: "sa diction ajoutait une ampleur magni- fiQ.ue." Mais malgre I'admiration que temoignait Heredia pour quelgues aspects de I'oeuvre de Barbier, voici ce q.u'il disait de sa personnalite

Ce Barbier etait 1'homme le plus bete q_ue j 'aie eonnu. II etait tenement bete, q.u'on se demandait comment il'^f avait fait de parells vers. II est vrai g.u'on n'a pas besoin d'etre intelligjient pour etre bon poete...(£.) Et 1'assistance d'eclater de rire du bon mot. Pourrait-on tra-xer dans les sonnets de Barbier, et surtout dans son recueil de Rimes Heroiques. q.uelq.ue influence, §i petite q.u'elle soit, operant dans les Trophees? Dems sa these magistrale sur Heredia, M.

Miodrag Ibrovac fait mention de Batbier comme d'un sonnetier qui a devance celui-ci, parlant des neuf sonnets encadres dans II Pianto. et ensuite des Rimes Heroiques. dont pourtant aucune n'est anime(e) du souffle de L'Idole ou du Michel-Ange. Mais la preface du recueil est comme une annonce des sonnets epiq.ues dont Heredia donnera les modeles...(3. )

1. Revue Hebdomadaire, 4 octobre, 1919.

1; Tbr-T—• -T^^o<^-M»T.ip de Heredia. sa vie, son oeuvre. 39Z. iMous croyons que e'est a la preface en question ci.ue se borne I'influence possible des Rimes Heroiques sur les Trophees. En voici des phrases qui semblent devaneer le recueil ds^'Heredia:

...J'ai compose...une sorted^^de galerie la forme du sonnet a ete celle que ma pensee a revetue. Ce petit poeme d'invention (.1.) moderne a le merite d'encadrer aVec precision I'idee ou le sentiment'

"Encadrer aarec precision..." n'est-ce pas exactement cefqu'Heredia a reussi a faire dans ses Srophees?

iMous ne savons si Heredia etait tres familier avec les Rimes

Heroiques. II connaissait du moins les sonnets du Planto; il les admi- rait beaucoup, d'ailleurs, et notamment celui sur Michel-Ange. Ce poeme inspirait-il Heredia dans le sonriet que lui-meme consacra au peintre italien? Ibrovac ie le croit pas. Hous nous sommes interessee cependant a relever dans les deux posmes quelques podints de comparaison;

Considerons d'abord la forme: le sonnet de Barbier rime abba, abba, cca, bba; celui d'Heredia abba, abba, ccd, bdb, les quatrains ayant dans les deux sonnets la forme classique des rimes embrassees, Les rimes d'Heredia sont rixhes, pour I'oreille du moijis, (tourment, fetes, prophetes, j\ageient,) ceux de Barbier moitie riches, moitie sugfisantes^ par example dans les tercets: monde, profonde, lui, derniB^e, criniere, ennui.

Mais evidemment c'est plutot au point de vue d'idees qu'on veut savoir si Heredia a subi I'dinfluence de Barbier. Ce qui nous frappe d'abord, c'est que Barrier decrit Michel-Ahge lui-iieme, passant de son visage aux qualites de son esprit; il s'adresse d'ailleurs person- nellement a lui. Heredia par contre nous met en face de I'oeuvre; c'est en decrivant I'eouvre qu'il nous interprete 1'artiste. A cet egard le

sonnet de Barbier est plus personnel, plus romantiqueCependant

1. Preface: Rimes Herojgues. 393.

ce q.ui est interessant, c'est o^ne ce n'est pas le poete romantiq.ue q.ui met (iuelg.ue chose de lui-meme dans son sonnet; c'est plttot Heredia, dont nous avons une grande partie de la philosophie(et pas necessaire- de la philosophie de Kiehel-Ange,) dans le vers: II songeait q.ue tout meurt et q_ue le reve ment....

L'impression;^ q.ue nous laissent les deuK poeibes est pourtant pareille: n celle d'un geie triste et sombre; et si I'on avait a resumer la dese- ription du MicJieBi -Ange de Barbier on ne pourrait le faire mieux q.u'en citant les trois epithetes q.u'Herez'dia appli(iue au peintre: tra|i§ue, solitaire, altier. Toutes,ces q.ualites paraissent dans les d^ux sonnets

Un vers de larbier sur le Correge peut etre rapproche d'un vers de Regilla; Barrier parle de La pourpre encor flottant sur son lit deserte... Heredia de La pourpre sans sommeil du lit d'ivoire et pourpre...

Enfin, dais le sonnet d'Heredia Au gragedien Eg.Rossi, ne pensett-on pas au vers du Pianto: Divine Juliette au cercaail etendue...? en lisant ...au tombeau nuptial Juliette palie.. et la fin de ce sonnet avec son mot final"Enfer"...

Alighieri#i# vivant dire un chant de I'Enfer...

ne rappelle-t-alle pas le mot final de I'iambe de Barbier sur Dante: Voila, voila celui q.^i revient de I'enferl ?

Sully-Prudhomme est parrai les poetes du Parnasse q_XLl ont subi a

ce rtains moments 1'influence de Barbier. Nous avons auelquefois dans

ses Poesies des allusions direetes au poete des lam^tes: de celles-ci 39,4'. nous avons deja cite sa caricature poe'tique de la Liberte' de Barbier, (1.) ou il contraste la forte fille des rues de 1830 avec sa concep• tion a lui. La il adopte la forme et le style memesd des lambes;

Car notre Liberte' n'est pas une ivrognesse tiu'on ramasse au bord du chemin, Una femme qu'un cri de mort met en liesse, Qui mele de sang son carmin,...

Dans un volume anterieur a cette parodie, son poeme Le Joug avait aussi fait mention directe de la Liberte de Barbier, qui semble avoir fort travaiile 1' imagination de Sully-Prudhomme; il parle a uni^ jeune homme de vingt ans, decrivant la conception qu'on ai^. forme de la Liberte a cet age: Les vents rejouissaient ta sauvage fiatte, Ton regard possedait les immenses campagnes, St ton coeur proclamait 1'antique Liberte.' Bon pas-la Liberte comme Barbier I'a peinte. La reine des faubourgs tronant sur le pave, '^u.i fait perir le droit,dans sa brutale etreinte Les bras touges d'un sang qu'on n'a jamais lavel Mais la Liberte pure, atx ailes grandioses. Qui porte I'esperance et I'amoiir dans ses yeux...(2.) Ce meme poeme debute par la description d'un jeune cheval indompte, qu'on met sous le joug pour la premiere foi§. C'est une d^-scription non moins vigoureuse que celle de la cavale de Barbier, et qui jie manque pas de rappeler ce passage celebre. Selon nous, le jeune poete a du y penser en I'ecrivant. Uh autre poeme de la meme periode fait penser a L'Emeute de Barbier^. Intitule'..Dans la Rue il fait appel au peuple de cultiver les vertus civiques et de renoncer a I'emeute et a la revolte:

Grandis, sois patient comme la mer qui monte... St comme elle, eiigloutis ceux qui f^ont domine.. .(3. )

1. Voir a la page 104. Funerailles de M. Thiers. Poesies III. 2. Poesies I. 1865-6. Stances. 3. PoSsiesI. Poemes. Barbier avait decrit son i>ion en ton observatejar des animaux. Sully-

Prudhomme pensalt-il a I'lambe pour son Lion a lui?

C'est I'hsure, il ouvre ses paupieres, 3e dresse en soupirEint, les ongies ecartes, Et va; ads grands yeux clairs dans les te'hebies plongent, Puis il grende en dedans et rugit tout a coup; Ses flancs pieins de tonnerre en fremissant s'allongent, Sa criniere terrible est droite sur son cou..(l.)

les Croqmis Italiens du poete parnassien contiennent certains souvenirs du Planto de Barbier. On pense au Campo Vaccino en lisant le debut de Pescheria; k Rome le mardi, se randant au marche, Pour vendre leur poisson dans le Tibre peche, Les grands paysans bruns et les filles trapues.... (2.) et la fin des Sransteveringa; sit ces fortes beautes sont splendidas a voir, (ciuand toutes, au soleil, le long des grandes pentes, Par groupes se eroisant, vont superbes et lentes...(2.) Mais, a part les Euaerailles de M. Thiers, ce cLui nous semble I'em- prunt le plus sur,et le plus direct, c'est celui du poeme Le Peuple a A Am use, On dirait presc[ue une paraphrase de deux lambes de Barbieril, du Hire et de Melpomene; Le poete MPit naif, tiui pense avant d'ecrire, S'etonne, e;^ oe temps-ci, des choses ci.ui font rire, Au theatre, parfois, il se tourne, et voyant La gaite lies badauds q.ui va se deployant. Pour un plat calembour, des loges au parterre, II se sent tout a coup tellement solitaire Parmi «res gros rieurs au ventre epaiioui, Que, le front lourd et I'oeil tristement ebloui, II s'escLUive, s'il pent, sans attendre la toile...

Sully-Prudhomme emprunte JuscLu'aux " planches banales " de Barbier:

Helasl ou done la jibie est-elle saine encore? yuel vice a done en nous gate le sang gaulois? iciuand rirons-nous le rire honnete d'autrefois? Ce ne soixt aujourd'hui (iu'ahsiardes bacehaziales; Farces au masciue impur sur des planches banales... (2.) 0 1. Poesies I.Poemes. 2. Poesies. II. CroQ.uis Italiena. 3. T^twr^ II. Les boxiTuSes. d96, et la description q.ui suit du theatre contempDiain rappelle a ne pas en douter ces deux lambes du poete aine: elle est fait© avec toute la hardiesse vigoureuse q.ui avait marq.ue Melpomene.

iqiuant a Leeonte de iiisle, 1'influence q^ue Barbier a exerce sur lui nous a semble (§ii considerable, et a certains egards ai inattendue, gue nous avons cru devoir etudier la question en q.uel(iue detail, en tragant

I'effet de cette influence sur le d eveloppement poetiq.ue de Leconte de

Lisle.

Barbier semble avoir ete un autsur de predilection pour celui-ci pendant I'adolescence meme, q_uand, nous dit Lebiind: ...ceux q.u'il lit, ce sont les Byron, les Yigny et les Sgcrbmer, A travers leurs poemes, la terre jeune et vierge ou il na^^it lui apparait alirs "vieille.." "montagnes seculaires..." "vieux volcan^ ocean "vieux lion,""vieux soleil," de meme il entre dans la vie avec la conviation infaillible q_ue le monde est "infame,." (1.)

Gomparons ce q.ue Guinaudeau dit a ce sujej, dans sa preface aux Premieres jgoesies et Lettres Intimes, ...il ressemble parfois a un petit Schopenhauer ^ui aurait lu Auguste Barbier... .(2.) Cette"convietion infaillible" dont parle Leblond se traduit dans les Premieres Poesies., en question, ou liinfluence de Barbier est nette- ment marquee, Dans une lettre ecrite de Sennes en janvier 1839, il dit a son ami Rouffet: Uotre terre, a dit I'energique Barbier: Ce n'est plus au'on sale et mauvais lieu, Uh trdipot degoutant ou I'or a tue Dieu W'a-t-il pas raison? (3.) Cette lettre nous interesse par sa revelation du pessimisme social et

Politiau e de Leconte de Lisle a cette epoque, du degout qui est exacte- men t celui de Barbier. Leconte de Lisle se recrie centre le materialisms

1 Leconte de Lisle d'apres des doidcuments nouveaux. Page 82. I: fel^s Cha^pentxer .-TfeTTref^ 'de ftuinaudeau. 3. Op. cit. Lettre XIV. Page 65. 397. de I'epociue; I'age de la poesie pure est passee; il n'y a plus de place dans la societe pour les poetes desinteresses aui ne vivent que poup leur art. C'est un siecle ou ...le parjure politique s'unit impunement a la depravation morale (on pense a Melpomene et a Eerpsichore.) grossierament dissimulee sous un voile de pudeur miserable et d'affectation religieuse; (un) siecle enfin qui ne reconnait que I'or pour dieu, et q.ui foule aux pieds tout adorateur du vrai et du beau, ne pliant pas le genou devant 1'infame adile et ne se sacrifiant pas a la venalite la purete interieure de l'5me. Honte a lui! (l.)

Suit la citation de Barbier dont nous avons fait mention.fieconte de

Lisle s^'eerie qu'il n'y a plus d'espoir pour la poesie; on laisse mourir de faim ...le peu d'etre sinceres et purs qui esperaient appuyer sur (la societe) leur existence....afin de se livrer entierement..a la poesie,

Comparons le Barbier de Lesparatio ou le poete demande en vain son ins^

-piratic^ a un ciel rendu aride par les crimes de I'homme. Quant a la terre, ce "triste et mauvais lieu," on n'y trouve plus que vice et blaspheme; I'or et 1'avarice sont souverains. Ainsi done, dit Barbier au poete: jette bas toute sainte peasffis, Corame un epais raanteau dont I'epaule est blessee. Comme un mauvais baton dont tu n'as plus besoin, Au premier carrefour jette-la dans un coin.... (2 et 3.) II semble certain que Barbier a inspire une grande partie de cette lettre de 1839; mais ce degout et cette desillusion etaient dans I'air en oe moment, agitant I'esprit et la conscience d'une generation decue par les resultats de la revolution de Juillet; et Barbier lui-meme reprendra ee theme, I'annee suivante, dans sa satire de ?ot-de-Vin.

1. Idem. 2, Pesperatio. (lambes. ) 4. j„ i^oia 3 T^^^y^ nttffrTOTnflueaoe d'Alfred de Vigny sur Leoonte de_Li3le ' Pa^^e 31 ) voit ici une parapl-irase meme du poeme de Barbier. Hous Sfitons a aller si loin; il y a paraphrase d'idees jusqu'a un certain point; mais la fin de I'iambe, ou Barbier dxtau poete de s'eloigner de la foule, n'a pas son equivalent dans la Isttre Die nniftiifi reViHnne nluR tard dans I'rtQuvre de L. de LisleC^^f^ot^Ttu^'^ ) 398,

"Hotre energi^ue Barbier? dit o^econte de Lisle. C'est cette energi^

d'expression surtout, q_ui semble avoir le plus attire a cette epogue le

jeune auteur des Premieres Poesies et Lettres Intimes. Dans La Variete.

revue a laQ.uelle il a collabore et q.u'il a en grande mesure dirigee ent

1840 et 1841, il dit, en parlant de Chenier:

Sait-on ee q.u'il a fait de 1'amour, de 1'enthousiasme, et de 1' energie, ces trois rayons de la poesie spontanee, ignoree airant lui? ...II en a fait Mamartaae, Hugo, Barbier...(1.)

II admire la franchise courage use de Barbier, son intransigeance q.uand

il est question d'injmstice. Ainsi q.uand il louera, dans un article de

La Phalange. la "noble voix" protestant centre les inimities qui ont

trouble la gloire du poete Byron, nous croyons avee M. 3dmond ]i)stevB(2.)

q.ue la voix en question ne peut etre cLue celle de Barbier dans son

poeme de Westminster. (3.)

On trouvera plus d'une fois chez Leconte de Lisle des marQ.ues de

ses lectures de Barbier. Dans ce meme volume des Premieres Poesies...

il s'inspire d®i6 Chiaia d§ Barbier pour la presentation de son sonnet (4.) , L'Sspoir, q.u'il precede de deux cijzftationsjiu poegie de Barbier:

Soujours, o raon Rosa, ^;oujours les vents eontraires We dechireront pas la voile de nos freres...

et La douceur du printemps apres le vent d'hiver... Mettons ces vers sur Kapoleon, ecrits apres q.u'il a entendu parler du transfert des cendres de I'Empereur auK Invalides, a cote de L' Idole.-

Cendre de I'aigle, arretel II n'est pas encor temps, lie viens pas rappeler CLu'il etouffa, vingt ans. La Vierge-Liberte q.ui naissait, sur le monde XI piongea dans son sein le glaive imperial, Dont jadis pour la France elle arm.a sa main libre..(5.)

1. Variete. Ve. livraison, aout 1840. Pages 129-135. 2. Revue de Litt. Comparee, 1925. Janvier-mars, P. 276. Le Byronisme de Leconte de iiisle. 3. Lazare. L4article en (Question parut dans La Phalange de 1846. (Tome IV. 184-8. Les Femmes de Byron.) 4. Premieres Poesies. CH; V. P. 20 5. Loc. cit. Pagei^ 217. Lettre LVI. La Cendre de r ~ ' 399.

Ici, autant que I'idee, c'est le style, avec sa metaphore frappante et sa vigueur, et mi6 certain pendhant pour la rhetorique, qui nous rappelle I'auteur des lamhes. Comparons ici, a cet egard, le poeme ^^s frois Harmonies en Une. ou les vers sur Michel-Ange font echo au sonnet de Barbier:

Vieux Michel-Ange, dis, fier et sombre genie, Melange de splendeur, d'audace et d'ironie, Hoi du pinceau de fer.... et dans le meme poeme, les vers sur Dante rappellent I'lamhe qui les a precedes: ¥'est le grand Florentin, mer a la vague ardente, (^ui mainteiiant aux cieux se roule independante, Le sombre Alighieri, Le tribun combattant pour la liberte morte, Le Lieu qui, de I'enfer, brisa la vieille porte, Torrent de pleurs mourri.... (1.) L'inflQance de Barbier sur Leconte de Lisle persiste pendant la periode qui suit celle des Premieres Poesies... et de la Variete. c'est -a-dire, pendant les annees ou Leonnte de Lisle fait ses detuts poetiques dans la revue de La Phalange. 1845-18-b7. Ici egalement c'est le style en meme temps que les idees oui subit cette influence, Be meilleur exemple est eelui du poeme Architecture. (2.) public dans La Phalange en 1845. il y a des parties de ce poeme qui sont des paraphrases de

Barbier. C'et&ient evidemment des idees qu'on trouve un peu partout... la degradttion de I'art pur, le sort malheureux de 1'artiste qui s'eloigne de la foule banale et grossiere. Mais comgEuons ces vers, pour le style aussi, avec le Lesperatio de Barbier, ou avec le Campo

Vaccino, et nous trouverons a ne pas en douter, des morceaux qu'on pourrait inseser dans les poemes de Barbier sans en changer nt le sens

1. Op. cit. Lettre XiaV. Page 139. 2. La Phalange. Pages 428-432. Tome II. 400< nd le ton general ni le mouvoment de la pensee. Rappelons le debut de

Desperatio;

J'ai demande d'abord ma poesie au ciel.... Plus de Dieu, rien au oiel, afti malheur et misere....

Voici, dans L'Arohiteoture de Leconte de LiSisle:

Ahl c'est un dur supplice a bien peu reserve, Que cette heure d'angoisse ou... L'amant desesp2*ere de la forme sacree Demande aux cieux eteints I'etincelle c|_ui oreel

Dans ce passage du meme poeme comparons le style avec le style general

de Barbier: Ahl grace a celui-la, jamais la foule epaisse Me vendra par morceaux I'autel q,u'elle depece, Ou bien n'insjLLtera dans un siecle fatal La saintete de I'art de son amour brutal La banalite mord 1'esprit comme un tlcere, route chastete sainte est en proie au vendeur! Du lourd attachement de la foule insensee, La vieille architecture en nos Jours malheureux Porte une large plaie a son flanc genereux... lous avons, dans La Recherche de ffileu. (1«) uneeL description de la Rome

catholiQ.ue (theme q.ue le poete reprendra dans Les Paraboles de Pom Guy. )

q.ui, dans oe premier essai du moins, nous fait penser aux passages

analogues du Campo Vacoino. Leconte de Lisle dit ioi:

Un jour le chaud soleil d'un eternel ete Rougissait les sept A6ti monts de la grande cite; Bt les paves brulants et les dalles romaines Disparalssaient, poudreux. sous des vagues humaines, Les pales etrangers, les robustes bandits, Tombes de la montagne aux repaires maudits; Les oardinaux mondains, et les moines moroses, Les femmes. bras charges d'enfants aux levrds roses, Et le patre au col bi>un. aur son bufle appuye, Qui marehe et ne salt pas ce q.u'il foule du pied,.

Barbier avait dit: C'etait I'heure ou la terre appartiient au soleil. Oil les chenins poudreux luisent d'un ton vermeil.,. Les superbes troupeaux, a la gorge pendante, Reviennent a pas lents de la campagne ardente,

1. Phalange. loc« cit. 40.1.

Et les :&atres velus, bruns, et la lance au poing, Rameaant a pA^/MAM chefal les chariots de foin. Puis passe un vieux prelat et quelque moine sale, i^ui va battant le sol,de sa triste sandale.... Les femmes en drap rouge et de brune figure Lescendent en filant les degres de areSdure Lans ce poeme aussi reparait le theme du Campo Vaccino. et celui du

Camps Santo. Barbier avait desegpere de ce qu'est devenu le catholi^- cisme dans la ville de Rome, ou I'on I'a plus aucun respect pour les monuments pieux. 5Bout ce poeme du Campo Vaccino d'ailleurs est de la plus grande importance pour I'etudiant de I'esthetique de Leconte de

Lisle, et meme de 1'i^esthetique parnassienne en general. La forme, fdmt Barbier,) elle a perdu sa purete premiereX:, Partout 1 homme aujourd'hui maltraite la matiere Vous, poetes divins, chanteurs au front austere, vous, pre€res de I'art, o peintres qui sur terre. Pliant les deux genoux, comme I'antiquite, ¥ous faites de la forme une divinite; Vous tous, etres nerveux, qui ne vivez au monde Que par le sentiment de sa beaute profonde, Ohl comme je vous plains, ohi comme je congois Votre douleur^ sans bornes et vos levres sans voux, Lorsque de vos amours les lignes perissables S'effaceni devant vous comme lui pied dans l^si^ sables... On se demande si, dans son poeme d'Helehe, (1. ) dont la premiere version est de 1845, Leconte de Lisle n'a pas pense, peut-etre incon-

sciarament, au passage sur Goethe de ce meme Campo Vaccino. L'invoca• tion au debut: 0 vous qui saisissez la vivante harmonie Le la forme parfaite alliee au genie, Apotre eprisd'amour pour 1'antique beaute... peut etre rapprochee de celle de Barbier a Goethe:

St toi, divin amant de cette chaste Eeiene. Sculpteur au bras immense, a la puissante haleine,... I'on vit promener sur tes superbes dalles Milie jeiuies beautes aux formes ideiles, Longtemps tu fas le roi d^une noble cite, i^ueZ I'harmonie un jour b|tit a ton cote'...

1. Phalange. 1845. II. Pages 179-182. 401.

La pensee de I'Helene de Goethe est certainement dans 1'esprit de Leconte de Lisle, car il farle ailleurs dans le poeme des beaux membres d'Heleae,

(et de) Faast, en vieillissant, par 1'amour altere, Vers 1'ideal q^ui sauve ardemment attire n Dans La V^us de Milo. (1,) fiont la premiere asq.uiase est aussi de cette epociue, mous pouvons fiamre des rapprochements avec Barbier en f fait de style. Comparons le mouvement ici:

Mul sanglot n'a brise ton sein inalterable, J.amais les pleurs matdits n'ont terni td beaute. .. .(2.) avec celui de Michel-Ange: Mulle larme jamais n'a mouille ta paupiere, Comme Dante, on dirait q.ue. tu n'as jamais ri. et nous avons, dans la strophe q.ui suit de La Venus de Kilo, un echo de La Puree; Tu marches fiere^ et nue, et le monde palpite, St le monde est a toi, diesse aux larges flancs...(3.)

Ce q.ui est tres zlinteressant a remarq.uer, c'est q.ue la conception de 1'antique et du barbare de Leconte de Lisle a cstte epoqiue trouve deja son expression dans I'oeuvre. de Barbier. Leconte de Lisle n'a pas enoDPe, a 1'epoq.ue de La Phalange. re jet e la civilisation romaine en faveur de celle de I'Inde dans sa conception de 1'antique. La Grece et

Rome sont 1'anticiuite; tout le reste est barbare. Or, Barbier aVait dit, s'adrdssant a I'ltalie: Car ee ci.ui n'est pas toi, ni la Grece ta mere, Se q.ui ne parle pas ton langage sur terre, Et ne respire pas sous ton ciel enchanteur, Brop souvent est barbare et frappe de laideur...(4.) 1. Phalange. 1846. III. Pages 278-80. 2. "...pleurs humains" dans la version finale. 3. Phalanj^e. loxj- cit- 1846. °4. II Plant0. ..Divine Juliette 403.

A mesure que le genie de jjeconte de Lisle s'approehe de la maturite il subit moins, bien entendu, toute influence etrangere a lui-meme.

Mais les echos de Barbier persistent qh. et la surtout p-^^ndant la periode de 1850 a 186S; jusqu'a 1'apparition des Poemes Barbares; et notamment toutes les

Modernes vient plus ^ard, mais les memes remarques s'y appliquent. Le sonnet des Montreurs est le plus important de tous les poemes de

Leconte de Lisle a cet egard; chaque vers, presque chaque mot, fait echo aux lambes, et nous disons sans hesitation que c'est dans les lambes qu'il faut chercher la source des Montreurs.^. On se rappellera le sonnet: tu' Eel^un morne animal, meurtri, pie in de poussiere. La chaine au cou, hurlant au chaud soleil d'ete, Promene qui voudra son^coeur ensanglan^e Sur ton pave eynique, 6 plebe carnassierel Pour meitre un feu sterile en ton oeil hebete. Pour mendier. ton rire eu ta pitie grossiere, Lechire qui voudra la robe de lumiere Le la pudeur divine et de la volupte. Lans mon orgueil muet, dans -ma ihombe sans gloire, Lusse-je m'engloutir pour I'eternite noire Je ne te vendrai pas moi). ivresse ou mon mal,

Je ne livrerai pas ma vie a tes huees, Je ne danserai pas sur ton treteau banal, Avec tes histrions et tes prostituees. Or, dans 16 Prologue des lambes Barbier avait dot:

Que me font, apres tout, les vulgaires abois Le tous les charlatans qui doxinent de la voix, Les marchands de pathos et les faiseurs d'emphase, Et tous les baladins qui dansent sur la phrase?... Lans La Curee Barbier parle d'une "halle cynique" et nous avons, a

plusieurs reprise?, le mot "pave" da^is La Curee et La Polularite. Lans

Melpomene nous iisons:

J 40*.

Oh, Muse, q.a-i'as-tu fait de ta blanche tuni^Li^ue? De tes chastes habits, pretresseii, .q^u'as-ta fait?.... et, plus loin, sur le theatre immoral de 1'e'poq.ue:

C'est a CLUi chaq.ue soir sur les planches baiiales Etalera le plus de hon^e et de scandales...

Malheur au poete d'inspiration sincere, dit Barbier, dans Le Rire:

Le rire a^l'oeil stupide est la, q.ui le regarde, St ce/bibe ame perdue aux voutes eternelles ....s'en ira bien loin vers q.uelcLue coin obscur, Gemissante , trainant I'aile et perdant sa plume, Mourir avant le Jemps, le coeur gros d'amertume... et dans gerpsichore aussi, il dit: Pudeur, voile de pourpre, adorable manteau, Deehire-toi devant cet ignoble tableau; Et toi, men ame, ainsi CLu'une vierge immortelle, Couvrant son front pensif de I'ombre de son aile, Eentre, rejttre en toi-meme.... La conception general du siecle, q.ue I'or est souverain, a paru chez Barbier, (Melpomene, Campo Vaccino. etc.) et reparaitra chez

Leconte de Lisle, dans 1'Anatheme. iu il dira:

L'idole au ventre d'or, le Moloch affame, S'assied, la pourpre au dos, sur la terre avilie Hous trouvons dans le meme poeme des vers cLu'on peut comparer avec la description du Spleen chez Barbier: Les Ennuis enerves, spectres melancoliq.ues, Planent d'to vol pesant sur un monde aux abois; Bt voiei q.u'on entend gelir comme autrefois L'Scclesiaste assis sous les eedres bibligues....

Barbier^i5 avait dit au Spleej;i: Au sein de nos cites, fantome solitaire, Jour et nuit I'on *e voit, maigre et decolore, Courir on ne salt oil, comme un chien egare.... et il avait cite plus haut les paroles memes de 1'Scelesiaste:

Va^iite, vanite, tout n'est aue vanite....

Leennte de Lisle poursuit! 405.

L'amour, 1'amour est mort avec la volupte; Mous avons renie la passion divine.... et Barbier, s'adressant a 1'Ennui: Hebete tous nos sens, et ferme leurs cinq portes Aux desirs les plus vifs, aux ardeurs les plus fortes...

Aux Modernes exprime une pareille deception, un pareil degout de la generation moderne. Une comparaison s'imgieae entre ce sonnet et les sentiments qu'on trouve partout dans les fflaahes: Vous vivez iSahement, sans reve, sans dessein. Plus vieux, plus decrepits que la terre infeconde, Chatres des le berceau par le siecle assassin Le toute passion vigoureuse et profonde. Votre cervelle est vide autant que votre sein, Et vous avez souille ce miserable monde L'un sang si corrompu, d'lm souffle si raalsain, Que la mort germe seul en cette boue immonde. Kommes, tueurs de Lieux, les temps ne sont pas loin Ou sur un grand tas d'or vautres dans quelque coin, Ayant ronge le sol nourricier jusqu'aux roches,

Me sachant faire rien M des^jours ni des nuits, l^ojes dans le neant des supremes ennuis, Vous mourrez betement en emplissant ^os poches.

Barbier avait ecrit: I'homme ne sachant ou rattacher sa vie, Au seul amour de I'or se livre avec furie....(1,)

C'est vxi . vrai siecle de boue, ou, plonges que nous sommes, Chacun se vautre et se salit; Gu eomrae en un linceul, dans le mepris des hommes, Le monde entier s'ensevelit. (2.) AHons-nous en fiegout pris toute gloire humaine, St vivant pour nous iseuls, sans amouj et sans haine, M'aspirons-nous %u'au jour ou le froid du tombeau Comme un vieux parchemin nous jaunira la peau? (3.)

i;?. La Cuve. 2. La Popularite. F^.r.Rmpo Z^.ht^>^ Vaccino. 406.

La fin du sonnet de Leconte de Lisle rappelle tres clairement, au point de vue du mouvement, le dernier vers de Michel-An,g:e;

Su mourus longuement, plein de gloire et d'ennui..

Des echos de Barbier reviendront dans Dies Irae. Le Vent Froid de la I^uit. Chez Barbier nous avons: ....comme en un linceul dans le mepris des hommes Le monde entier s'ensevelit... et il dit au poete: Le coeur vide et I'oeil sec, si tu peux, fais-la toute -(i.e. la • • • route de la vie .) Alors, pour en finir, si par^hasard tes yeux Se releveni^t encor sur la i^oute des cieux, Souviaas-toi, moribond, cLue la-haut tout est vide,...(l.)

Leconte de Lisle dira: Si rien ne repond dans 1'immense etendue, Que le sterile echo de I'eternel desir... et Sais-toi, le ciel est sourd, la terre te dedaigne, A CLUoi bon tant de pleurs, si tu ne peux guerir?.... Une autre piece des Poemes:Barbares rappelle Barbier. C'est Solvet

Seclura, q.ui termine: Ce sera q.uand le Globe et tout ce q.ui I'habite, Bloc sterile arrache de son immense orbite, Stupide, aveugle, plein d'un dernier hurlement, Plus lourd, plus^ eperdu de momeit en moment, Centre q.uelci.ue univers immobile en sa force Defoneera sa vieille et miserable ecoree, Et, laissant riiisseler, par mille trous beants, Sa flamme interieiu*e avec ses oceans, Ira fertiliser de- ses restes immondes Les sillons de I'espace oil fermentent les mondes. ij'y a-t-il pas la, im souvenir plus developpe du Campo Vaccino?

Le globe, depouille de gr|ce et de jeunesse, Faute de forme irait, sans secousse et sans maux, Replonger de lui-meme au ventre du chaos...

1. Desperatio. 40vf.

Les ideas de Barbier sur la degradation de I'art, quiil exprime avec tant de vigueur dans luelpomene. trouvent leur equivalent dans

Hypatie. (1.) et Hypatie et Cyrille.d.) on Leconte de Lisle parle de la "robe immaculee" d'flypatie, et dit: Lors! 0 blanche victime, en notre ame profonde, Lans ton linceul de vierge et ceinte de lotas; LorsI'1'impure laideur est la reine da monde, St nous avons perdu le chamin de Pares. (2.) et ailleurs: lis te dechireront, ma fille bien-aimee, Ces monstres en haillons (qui) Blasphement la beaute, la lumiere et la vie...(3.)

Voici Barbier a Melpomene: 0 fille d'Euripide, 6 belle fille antique, 0 muse, qu'as-tu fait de ta blache tunique?.... Le tes chastes habits, pretresse, qu?as-tu ^ait? Su les as echanges centre ies haillons sales; Ton beau corps est tombe dans la fange des halles.... Evidemment cette idee est a jamais associee aux theories de Leconte de

Lisle et elle paruit et rei^arait dans son oeuvre; mais nous avons ici des analogies verbales en meme temps que morales.

Avant de quitter d'-i-talie, Barbier lui fait S.es adTteiax, s'imaginant qu'il la eontemple du haut d'une colline, et croyant laasser derriere lui, dans ce pays enchante, sa jeunesse et ses ieilleuras annees. Ainsi, pres de sortir du celeste jardin, Je me retoiirne encor sur les cimes haiitaines, Pour contemjler de la son horizon divin St longtemps m'enivrer de ses graces lointaines.. . . Et tout mon coeur soupire, ohI comme si j'avais A.ux champs de I'ltalie et dans ses larges plaines Le mes jours effeuille' lei^ rameau le plus frais.... Ainsi Leconte de Lisle dans Reguies: Comme un morne exile, loin de ceux que j'aimais, Je m'eloigne a pas lents des beaux jours de ma vie, Sur la haute colline ou la^route devie Je m'arrete, et vols fuir a I'horizon dormant Ma derniere esperance et pleuit amerement... ^ 1. Popmes •gntiq.ues. 2. Hypatie. 2. B^rD&tie et ¥yrille. 4. POfemes Barbares. 408.

La forme est gyperieure, 1'emotion plus precisement aceusee; mais il 3a a certainement parente d' id.ees. Le theke de La I^'ature se retrouvera dans La Foret Vierge .(1.) de Leconte de Lisle. Celui-ci n'a-t-il pas du se rappeler, en composant ces vers, c^ue Barbier avait traite le meme sujet; son poeme nous fait penser a celui de Lazare a plusieurs reprises. La Forget Vierge de'bute •.

Depuis le jour antiQ.ue oil germa sa semence, Cette foret sans fin, aux feuillages houleux, S'enfonce pitie puissamment sans les horizsns bleus 5fomme mie sombre mer q.u'anfle im soupir immense.

Or, Barbier avait demande: Que diront les grands monts si leurs neigeux sommets Descendent dans la plaine et s'abaissent a jamais?... Et les hauts monuments?! des antiques forets, Les chenes, les sapins et les cedres immenses, Le plein dieroulement de toutes les semences, Si le germe divin et ne vit et ne croit yue par I'ordEe de I'homme, au signal de son doigt? L'homme est le destructeur de la force primitive, le "roi des flarniers jours," selon Leconte de Lisle; ggalement chez Barbier les

Races des premiers jours, anticLues animaux, sont forces maintenant §L faire place "a des peuples nouveaux..." ChaLiue poeme se termine sur la meme note d'espoir; la nature est indes• tructible, les forets renaitrontK:^ a jamais.

Apres 1865, date de la Foret Vierge. 1'influence de Barbier sur

Leconte de Lisle ne se mariiue plus aussi nettement. On peut dire q.ue toutes les influences q_ue le maitre su Parnasse a subies sont mainte• nant incorporees dans sa propre personnalite. Mais ga et la, pendant la periode q.ue nous venons de parcourir, et meme apres, nous trouverons

des tournures ciui rappelleront Barbier, des expressions et des phrases

dont le mouvement fera penser tout de stite au st^le des lambes et du

Pianto* 1. Poemes Barbares« J •ioTT

Nous Savons par Heredia que Leconte de Lisle a beaucoup admire les vers sur Goethe du Campo Vaccino; et il emprunte 1'expression dont

Barbier designe le poete allemand; "...avec les maiaa en feu..." dans un poeme de la periode de La Phalange. ---Le Voile S'lsis;

Lut la foudre d'Amion me derober au monde,

Tordant son seuil de bronze avec d^s mains en feu...(l.)

La Vigne de isaboth reprendra 1'image de La Curee:

Voici venir pour la curee, 6 roi sanglant, La meute aux crocs aigus ^^ue fouettentl!;^ tes victimes... Les vengeurs de laboth arrivent en hurlantl Ouvre I'oeil et I'oreille. lis bondassent de joie, Ayant vu dans la vigne Alchab et Jeaabel, Et de I'ongle et des dents se partagent leur proie....(2.)

Comparons La Curee: alors chaque matin Hurle en signe de joie, et prepare d'avance Ses larges crocs pour le festin; Et puis vient la cohue et les abois feroces Roulent de vallon en vallon.... et, plus loin, le vers: Et de I'ongle et des dents travaillent sans relache..

La Vigne de imboth contient aussi un vers qui semble venir directement d* BarbierJt; on croirait devoir en trouver 1'equivalent exact dans les

mbes: Et qu'en ce siecle impiir, en qui le mal abiiind^.. .

Le Corbeau (3. ) de Leconte de Lisle rappelle un peu La Mentation, poeme publie dans la premiere edition seulement des lambes. Dans le ipoeme de Barbier, Satan veut tenter le poete; dans celui de Leconte de

Lisle Serapion, a la vue du Corbeau, croit avoir affaire au diable.

Sous les daex le repoussent: Serapion lui dit: Si ton nom est Satan, Lemon, chien,reprouve, je te maudisi va-t'enl (Leconte de Lisle;)

1. Phalan^e:eiaM^i^l846. 164-70. Eome IV. 2. Poemes Barbares. 3. Idem. 410 0

Satan le foudroye, tu n'auras pas ma main; Va-t'en chercher ailleurs a mordre au genre humain..... Je ne veux pas, Satan, de toutes tes richesses. Esprit maudit, va-t'en; ailleurs tourne tes pas (Barbier,) Ce poeme de Leconte de Lisle contient aussi une imitation verbale de

Barbier ci.ui est parmi les plus frappantes de toutes. Barbier avait de beaux vers dans le Campo Santo:

Corame un moine gui passe et q.ui prie en allant, J'aime affaire sonner le cuir de les sandales Sur la tete dds morts q_ni domnent sous tes dalles,...

Comparons Leconte de Lisle dans Le Corbeau: L'abbe Serapion, d'un pas lent, sur les dalles, Marchait, faisant sonner le cuir de ses sandales,..

Ces rimes raparaissent dans Runoi'a:

les Runas fondaient.,.. Rapides, bondissant, ser^Bitant sur les dalles, Et brulant les pieds nus dans le cuir des sandales.... (1.)

Dans les Poemes fragigues.Bpiphanie contient un souvenir de Michel-

AHge ; • (Uulle larme jamais ) Jamais ils n'ont souri, jamais ils n'ont pleure, Ces yeux calmes ouverts sur I'horizon celesteK...

Mais evidemment ces vers rappellent aussi Baudelaire: Et jamais je ne pleure et jamais je ne ±is...(2.) Le Sacre de Paris des Poemes Tragigues est mmpregne de souvenirs de Barbier; c'est comme si Leconte de Lisle, apres avoir delaisse Barbier pendant un certain temps comme source directe d'inspiration, du moment q.u'il veut exprimer,e^i 1871, une indignation civiq.ue et patriotiaue, se tourne toutA^ de suite et instinctivement vers celui (lui 1'avait si bien exprimee en 1830. Me pense-t-on pas tout de suite a la Liberte

amazonienne de Barbier en lisant cette description de Paris' La foudre dans les yeux et brandissant la piq.ue, Guerriere au visage irrite,

1. Poemes Earbares. 2. La Beaute» 1857. Qui fis jaillir des plis de ta toge romaine La victoire et la libertel

Toi Q.ui. courais pieds nus, irresistible, agile, Par le vieiix monde raj email 4ui, seeouaiit les rois sur leur treteau fragile, Ciiantaas, ivre de I'infinil

Le poeme, comffle on voit, est ecrit en iambes, (1.) fait significatif.

II est bourre d'apostrophes telles q,ue Barbier nous en donne a pl-ines ma ins....

0 Paris, q.u'attends-tu? la famine ou la honte? Fmrieuse et cheveiix epars. Sous I'aiguillon du sang q.ui dans ton coeur remonte Val bondis iiors de tes rempartsi Bnfonee cette tourbe horrible ou tu te rues, Prappe, redouble, saigne, mordsl Vide sur eux palais, maisons, temples et rues; ^ue les mourants vengent les mortsi jSi'a-t-on pas un echo de La Puree dans ees strpphes: ?

Vols ! la horde au poll fauve assiege tes muraill-^sl Yil troupeau de sang altere, De la sainte patrie ils mangent les entrailles, lis bavent sur le sol sacrel Tous les loups d'outre-Rhin ont mele lexirs especes: Vandale, Germain.et Teuton, lis sont tous la, hiirlant, de leurs gueules epaisses, Sous la laniere et le baton.... Le Paris des Srois G-lorieuses revit dans ces vers de Leconte de Lisle:

Dans le carrefour plein de oris et de fumee, Sur le toit, I'Arc et le clocher, Allume pour mo.\irir 1'aureole enfiammee De I'inoubliable bucherl

Consume tes erreurs, tis fautes, tes ivresses, A jamais, dans oe feu si beau, Pour gu'immortellement, Paris, tu te redresses, Imperissable, du tombeau....

La guerre franco-allemande a inspire a Barbier de nouveaux iambes (g[u'o»i

publiera avec ses poesies posthumes,) mais ils sont, helasi fort au-

dessous de ses elans de jaunesse. C'est Leeonte de Lisle q.ui prend la

1. Leconte de Lisle s'est sersri de la forme de I'iambe pour les poemes suivants: Les Stoiles Kortelles, La Source, (P.A.) Le Manchj fP.B.) L?_ Sacre de Paris. (P.7. ^. 411.

torche flamboyants du Byrtee de 1830, et doiine a la generation de 1870

son iambe vengeur.

E^i 1864 Leconte de Lisle a publie dans Le Ilain Jamie uaa serie

d'artieles sur la poesie contemporaine, q.u'il a ensuite incorporee dans

le volume dss Jerniers Poemes, Son choix de poetesi'i^^z' representatifs

est interessant. Apres un avant-propos general ou ml expose ses theories

poeticiues, il ciioisit, pour ses etudes, les noms suivants:- Beranger,

Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Barbier et Baudelaire. On

comprend facilement le choix des grands noms....mais pourguoi Beranger

et pourcLUoi Baijbier? Leconte de Lisle, c[ui n'aime pas Beranger, commence

pourtant par lui, I'adoptant corame exemple de tout ce q.ui n'est pas

poesie. Ceci fait, il passe aux genies CLu'il admire, pour une raison ou

pour uiie autre, et Barbier est juge fligne d'une place entre Vigny et

Baudelaire. Leconte de Lisle dmt ailleurs, dans 1'article sur Vigny:

...Je suis entre, par I'hommage rendu au genie de Victor Hugo, dans le monde des vrais poetes, et Je n'en sortirai plus....

Barbier est done un vrai poete, il est etudie comme tel; cet article,

d'ailleurs, sert de base aux theories de Leconte de Lisle^ sur la poesie

satiriciue; done, selon lui, Barbier est le plus digne representatiif de

ce genre.

Les q.u£itre premiers para^graphes sont voues a un sujet cher a

I'auteur, a I'idee de I'art pour I'art, et la q.uestion des poetes mora-

lisateurs. Leconte de Lisle admet q.u'on poete s'adonne a la satire,

QLU'H tache d'ameliorer les sk^6ttLf^ moeurs ou les idees de son epocLue,

pourvu cL^e ses efforts apres la reforme ne I'amenen* pas a oublier

son art, au-'il ne ...s'abaisse pas au niveau des excitateurs a la vertu par I'appat des mauvaises rimes....

Mais CLu'il fasse bieii attention! 415.

Mettre^ en relief et en lumiBpezi, avec vigueur,justesse.^yet precision les vices et les ridicules individuels eu soniaux, voila I'unioue mission du satiriaue. Du rests,^u'il use en pleine et absolue liberte de toutes ses ressources si le vers est de trempe solide, habile voulu, non sermonneur et vierge de plates maximes a 1'usage du troupeau banal,tout est bien.

. Le poete passe ensuite a I'etude de Barbisr, CLu'il admire beaucoup,

"la ou il est admirable," mais chez Q.ui il ne trouve pas de convictions politicLues assez nettes. Le satirmq.ue en souffre, II est trop raisonnable, il n'a "ni colere, ni fanatisme, ni amertume profonde." 'On satirig.ue, selon Leconte de Lisle, ne saurait etre raisonnable. D'ou il s'ensuit q.ue. se relsrele dans I'eeuvre de Barbier "un homme de concords et de paix reveiti de la peau de Kemee." Heme dans les lambes et II Pianto. malgre des parties superbes,

...q.ue de vers asthmatiQ.ues, blemes, epuises, n'en pouvant plusi

tiuant aux critic[ues ^ui ont loue la spontaneite de Barbier, (lui pardonnant ainsi ses mauvaises rimes.') lis fournissent a Leoonte

De cette recherche Barbier n'est pas co3ipable. Son culte du beau est sincere et desinteresse; il serait, dit ^econte de Lisle, le premier a blamer les imrjerfections de son oeuvre, s'il pouvait les voir avec les yeux d'un autre; car il salt ciu'une oeuvre d'art complete a'est jamais le produit d'une inspiration irreflechie, et aue tout vrai poete est double d'un

ouvrier irreprochable....

Done, eomme satirigue Barbier n'sst pas impeccable.; il a trop de "modera• tion native;" il est, en somme, trop raisonnable. Mais Leconte de Lisle lui trouve d'autre s Q.ualite6 admirables: 4M.

...le regard Q.^i ss.isit du premier coup les magnificences naturelles, (Q.ui I'a aide a produire, dans 11 Pianto. ).. . toute la chaleur et toute la lumiere italiennes. II voit bien; il aime le beau; ce sera toujours II Pianto ci.ui restera son vrai titre de gloire.

L'article est modere da^s son admiration, admettons-le. II est

severe parfois dans ses criticiuss. Mais il est evident que c'^st parce

Q_ue Barbier lui semble grand poete, "la ou il est admirable," i^ue

Leconte de Lisle lui fait ces objections. Un. poete vraiment poete ne devrait jamais se laisser aller a I'oubli de la forme, aux negligences aui nuisent a son oeuvre. Puisque Barbmer a ete sublime pendant un cer- il tain temps,. n'au*ait pas du gater I'harmonie de 1'ensemble par une A teciuiiq.ue imparfaite.

lous avons trouve encore un jugement de Leconte de Lisle sur Barbier

dans la courte etude q.ui precede le choix de poemes de Barbier dans la

serie Hos Poetes.Cl.) Dans le volume ou figure Barbier, Leconte de Lisle

contribue deux etudes, celui sur Barbier et celui sur Hugo. Voici ce

q.u'il dit de Barbier: Auguste Barbier est un grand et vrai poete,. II y a dans les lambes une eruption de jeunesse, pleine d'eclat et d'energie, des v^rs drus,

rappelle parrois.... souda/iines, des beaiites d'expression d'une force et d'une originalite admirables. Barbier possede...le sentiment profond des magnificences naturelles et le sens tres avert! de I'art et de I'histoire. Les sonnets sont justement celebres, les paysages empruntes a I'ltalie en reproduisent avec ampleur les nobles horizons et la chaude lumiere. II voit les choses par la masse plus g.ue par les details, mais il les voit bie-n. Sous ne savons si les deux poetes se sont tres bien connus; mais du Leconte de Lisle a-t-il assiste aux obseq^ues de Barbier.(2.) Cette" mo ins admiration, d'ailleurs, semble avoir ete rie'ciprocLue. Sdon Fernand

Calmettes, ciuand Leonnte de Lisle s'est presente a 1'Academic frangaise

i)aur la deuxieme fois en 1877, "il n'obtint que deux voix, celle

J 415-. d'iiuguste Barbier s'etant joihte a celle de Victor Hugo." il.) Voici la lettre g.ue Leconte de Lisle lui a adressee en remerciement:

...Je suis tres touche et tres fier q^u'un grand poete tel que ^ous ait bien voulu me juger digne d^'etre son collegue...(g.)

L'admir&tion CLue Leconte de Lisle a temoignee pour Auguste Barbier est done incontesalable; ses articles de critiq.ue suffisent a le demon- trer; mais nous esperons avoir prouve q.ue cette admiration a ete prat- ticLue en meme temps q.ue theoriq.ue, q.u'elle a agi sur I'osuvre meme du

GhsfiL duParnasse. C'est une ciuestion cjui a ete jus(T.u'ici negligee; a tort, selon nous, car elle eclairs, tout un cSte, le cote satiriq.ue, de 1'oeuvre de Leconte de Lisle.

1 Pnimettes- Un

CHAPITRB i^EliF.

Vie. 1869 .lusqu'a la mort, 1882.

Barbier fut elu tres tard a I'Academie frangaise. En effet, nous

dit Barbey d'Aurevilly, dans un passage caracteristique q_ui date de

1868, il n'avait pas ^esoin d'en etre pour xmraitre acadamician.

On dirait de oelui-la, qui n'a pas besoin d'etre de I'iicademie pour avoir I'air S'en etre, ci.ue ce n'est pas I'hhbit d'academicien mais la peau, qui lui a pousse. i^adre d'esprit comme eux, il est e'ton- nant q.ue tous ces ladres d'esprit ne lui aient pas ouvert leur maladrerie et qu'ils ne 1'aient pas gratte dans leur discours de reception comme les ladres se grattent entre eux....II setait vrai- ment bien la. (1.)

Paul Foucher e^alement, en 1867 (2.) s'etait demande, dans des termes

peu indulgents pour I'assemblee des lettres, poiir(iuoi Barbier nfetait

pas academician, pourq.uoi il n'avait meme pas requ la croix d'hmnneur.

C'etait sans doute parce q.u'il se tenait eloigne des partis et des

intrigues, croyait Poucher: ...S'il pouvait servir de pepresentant aux coleres combinees des veterans du canape, des doctrinaires et des correspondants acade- miCLues, de la camarilla rcmaine et de la congregation de I'Inde, comme on s'entendrait, comme on se presserait autour de lui'.

ce q.ui semble prevoir les bruits ciui vont courir en 1869, apres

1'election du poete de I'Idole. suggerant q.ue ce n'est qu^k son "Corse

aux cheveux plats" ^ue Barbier devait d'avoir gagne les voix d'une

Academie devenue hostile au Second Empire. Foucher n'avait pas grande

esperance I'Academie, selon lui, n'ouvrirait pas ses portes a un

vrai poete comme Barbier. Si celui-ci ...espere voir s'oul^rir devant lui les portes de ce pavilion des (ciuatre-Iations qui rappelle la halle aux bles, {comme architecture bien entendu£...la halle aux bles etant un etablissement utile et fidele a sa destination,) il sera parobableaent degu dans ses outre- auidantes previsions. II n'aura pas ete le collegue de IDk^. tel ou tel dans cette enceinte ou, a defaut de la grandeur du passe, on

,1. Les Vieil&es iiCtrices. Le Kusee des Antio ues. "^^^"^ 196-7. 'A.'Wvtve' Cour et Jarain.Pages 216-244. 41t/.

retrouve ses petites haines, mais Auguste Barbier aura contribue du moins,....et c'est peut-etre une consolation...a la gloire de la .France et a la popularite du 41e. fauteuil...

Foucher n'a certainement pas beaucoup affectionne I'Academie; ^t

Barbier lui-meme, pensant a son ami^ Brizeux, avait trouve dss choses fort dures a dire de cette auguste assemblee. Brizeux d'y etait presen• ts sans suoces, et Barbier attribuait cet echei au mepris acadJBmicien de la pauvrete de I'auteur de ICarie.

L'Academie, dit-il, a souvent le tort de ss considerer plus comme salon mondain ciue comme senat litteraire .(1.)

Victor de Laprade avait essaye de faire elire Barbier en 1864, a

I'occasiond^ de la publication des SAlves.et avsc I'appui du groupe catholiq.ue .(£.) Voici la lettre ci.u'il avait ecrite a Barbier la-d*ssus:

J'ai vu recemment a Royat M. de Falloux, I'homme le plus_influent de

— spos.- resente d'une raaniere sure celle de mi. de Montalembert, Dupanloup, Berryer, loailles, pres^ue surement celle de MI. de Carne et Albert de Broglie... .11 est bien entsndu g.ue c'est pour le fauteuil d'Ampere. Je ne parle pas de la mienne, c^ui vous appartient en tout etat de cause....La majorite de I'Academie comprendra. je n'en doute pas, Q.u'elle ne peut fairs un msilleur choix q.us le votrs; il est indiciue, prescrit pas les cireonstances, et j'y travaille non seule- ment par ma vieille admiration et affection pour vous, mais par r devoir et patriotisme academiq.ue . II nous faut un nom tres litteraire tres liberal, tres independant^du pouvoir sans etre directemsnt aggressif. L'opinion, aue je tate en province, vous portera a I'linaniraite. Laissez-Hous faire, et aidez-nous un psu. ..(3.) La candidature de Barbier ne fut posee g.u'en 1869; et il fillut presser le poete, bien entendu; Edouard Grenier, dans sss Souvenirs, nous raconte le rols Q.ue lui-meme joua dans cette election. ( .-. )

1. Mous n'avons pu preciser la date de cette etude sur Brizileux;. ells est certainement posterieure a 1858, date de la mort de Brizeux, mais si elle est anterieure a 1'election,de Barbier lui-meme nous I'ignorons. De touts fagon, Barbier s'est bien pressnte lui-meme au "salon mondain." L'article sizr Brizeux parait dans ses Silhouettes Contemporaing4 Page 239. 2. Kevue Bleue. III. 1905. Rebelliau, A. Barbier ets^s amis. 3. On avait parle, parait-il, ds la possibilite de la. candidature de Babier en 186£, pour le fauteuil ds Biot. BVoir Rsvus aneddotiaue Ae?i lettref3 et des arts, 1862. V. P%ge 103. 41g. •

Grenier, parait-ii, etait chez Montalembert un jour, et on parlait de ikcademie. On cherchait a remplir le fauteuil de Jean-Jacq.ues

Ampere. Gamtier? Ion, il etait trop bonapartiste, etant bibliothecaire et mentor litteraire de la princesse Mathilde.

. Eh, hien, dit Grenier, "si c'est un candidat qui soit centre 1'Empire cLue vous cherchez, je connais exactement celui (ju'il vous faudrait Auguste Barbier, I'auteur desi^ lambes. Mais il est morti (1.)

Convaincu enfin tiue Barbier vivait toujours, Montalembert vit dans

I'auteur de L'ldole. dans celui g^ui avait crie: "Sois maudit, 6 iNiapole^on}" un digne representant de I'hostilite acadBmicien temoignee env«5ers le meveu du "Corse aux eheveux plats;" et Montalembert, Guizot

Thiers, tous oevix. qui etaient centre 1'Empire se mirent a combattre pour Barbier, Ciui se laissa mener, sans se douter du role q_u'avait joue son ami dans 1'affaire. Grenier-dit, en effet:

Je ne pouvais lui raeenter ce dialogue sahs lui montrer a quelle profondeur d'oulJli il etait descendu, meme^parmi les lettres, et combien 1'eclipse de sa gloire etait coiplete ,puisq.u'elle avait ete jusq.u'a faire croire a sa mort.

Balrbier ne se rendit sans doute pas compte de ce que lui avaient valu ses opinions de 1831; il paraissait ne pas reconnaitre que c'est a ses opinions ahti-napoleoniennes qu'il devait la faveur des Guizot et des Montalembert,car, chose etrange, le premier a qui il deraaMa un conseil, ce ne fut pas un ami intime, mais celui avec qui il etait en froid depuis bien longtemps, a^-'il avait fort malmene dans ses

Silhouettas Contemporaines; un homme qui etait, en outre, un des membi« de I'Academie les plus favorables a 1'Empire Sainte-Beuve lui-meme'.

Le recit que fait Chanies Monselet de aette entrevue est bien amusante; mais ne nous fions pas trop a 1'authenticite de cet/Ae conversation:

L'entrevue ne manqua pas d'originalite, s'il faut ecouter les indis- Ci^retions. 1. E? Grenier: Souvenirs Litteraires. Page 154?. 419.

-En croirai-je a mes yeux? s'ecria le grand lundiste. -Croyez-les-en, mon cher ami. -Vous,^Barbier! -Moi-me^me, Sainte-Beuve. -Apres ciuinze ansi -St peut-etre davantage .. J'imagine alors CLue les deux romantiq.ues, s'examinerent, comme pour se rendre compte des ravages exerves par le temps sur chasun d'eux. -Pouq.uoi n'etre pas venu ie voir plus tot? reprit le premier Sainte- Bauve avec ee petit ton sec ^u'il cherchait parfois a se donner. -J'allais vous adresser la meme question, dit Barbier. -Vous rappelez-vous le temps ou vous sritiez diner chez ma mere? -Pas plus q.ue vous n'avez oublie celui ou 3ia mienne avait le bonhaur de vous recevoir a sa table. -Quelles bonnes heuresl -Les meilleuras peut-etre de notre existence litteraire.' celles de 1'enthousiasme, de la conviHtion, de la foi dans la poesieI -Js devine ce que vous osez me dire, ami Barbier, repliq.ua Sainte- Beuve, en secouant melancoliciuement la tete; c'^st vrai, j'ai dmt adieu a la Muse; J'ai renonce aux enchantements de ces premieres annees dont vous evociuez Is souvenir toujours vivace en moi. Je suis devenu un critiq.ue, ci.uelQ.ue chose comme une bete noire; je fais peur aux gens.... -Pas a tout, dut penser M. Auguste Barbier. -tiue voulez-vous? Bout le raonde n'a pas I'heureuse chance de pouvomr faire sa vie, corame vous. II y eut une minute ds silence, aui^ bout de lacLuellegr Sainte-Beuvs reprit: -Je n'ai pas besoin de vous demander I'objst de votre visite. Vous voulez ma voix? ^ -Je la desire tout au plus, repondit M. Barbier; mais ce q.us je desir principalement, c'sst ds savoir de vous, c[ui et^s aussi avant q^ne possible dans les secrets de I'Acadmeie, si j'ai ruison de 3ia porter comme candidat? Raison, oui; chance, non. -Au«!un6 chance? -C'est Sheophile Gautier q.^i passera, dit Sainte-Beuvs, avec un accent affirmatif. -Sous en ^etes sur? Sout le monde est pour lui. -C'est bien, dit M. Barbier en se levant. -Sh ibien, ou allez-vous? fit Sainte-Beuve. -Retirer ia candidature, Du moment ou je n'ai aucune chance d'etre requ, je ne tiens pas a jouer un role ridicule. Sainte-Beuve demeura muet. II etait evident (in'il se livrait en lui un combat entre son amitie d'autrefois et ses engage^ments de la nouvelle heure. A la fin il eut un brusque mouvemsnt d'epaules, st il dit a M. Barbier: i^e retirez rien. -Pouriiaoi? On ne salt pas ce q.ui peut arriver. iiVait-il une visioni^? (1.)

1. Petijses luemoires Litterai£e&>. CH. }udLIV. Pages 301-310. 4XO,

Saivit la visite chez Montalembert, entreprise sur les conseils de

son ami, Victor de Laprade; celle chez Madame Lenormant, qui avait beauooup d'influence, grace a sa parente avsc Madame Re'camier. ifous rappelant I'amitie qui avait existe entre e-^lle-ci et la mere de Barbier nous ne nous etonnons pas que Madame Ledormant ait promis son concours au fils.

Barbier ne put faire visite a Victor Hugo a Guernessy, fliais nous avons trouve la lettre qu'il lui adressa a cstte occasion; elle est interessante a plus d'un egard. D'abord, elle constitue presque un defi jete a I'Smpire, adressee comme elle est a un poete "absent pour le service de la liberte." Hugo ne pouvait sans doute pas voter lui-meme4 in absentia: raais son inflacmee dans certains mil^ieux academiques a du |ie£re plus grande encore plendant son exil, quand ses adherents ont pu presque canoniser le poete des Chatiments comme apptre de la liberte.

Barbier s'est done fort bien rendu coflipte des avantages df^ qu'il tire- rait de I'appui du grand Hugo.. Voici la lettre:

Paris, 20 avril, 1869. iionsieur et illustre maitre, II est probablement a votre connaissance que je me presente a I'JScadffliaie frangaise pour occuper I'un des fauteuils laisses vacants par la mort de iai. Viennet j^etEm^is. Ne pouvant aller a Guernesey vous faire la visite d'usage, permettez-moi d'accomiplir ce devoir paf quelques mots ecrits et par 1'envoi a votre adresse du plus mar- quant de -rbes ouvrages, flies JDambes et Poemes. yuoique loin de la terre natale, Monsieur, vous y etes present en esprit, -i^a fecondite de votre imagination s'y eipanche en oeuvres grandioses et saisissantes et toujours vous nous remuez. II m'eut ete tres agreable de profiter de 1'occasion de ma candidature pour m'e.ntretenir un moment avec "srous et pour conquerir persommeHement votre inte'ret. Get avantage je ne I'aurai point. Je me console toute fois, de ma maue^vaise fortune en pensant que si le grand poete est feors de son miliem naturel, Paris et la phalange academique, on , pent dire militairement de lui: "absent pour le service de la liberte St ce n'est pas sa moindre gloire cue d'etre le cham.^ion toujours aibtif et toujours puissant d'une si belle cause. Veuillez. Monsieur et illaatre maitre, agreer 1 'expression profonde de ^jes regrets et 1'assurance de flies sentiments de haute consideration. Auguste Barbier. (1.)

!• Choses Vues. II. Page 261. 42

Gontemporaines. Barbier laisse per^jevoir sa vraie opinion des idees politiq.ues de oelui-ci. II dit k6 ce propos:

. . .legitimiste, pMlippiste, impi\gialiste, republicain et socialiste ...il a parcouru toute la rose de la politicLue. ffil est un de ceux q.ui...ont Is plus eontribue a la legende na:&oleonienne. Au fond, avec toutes ses ambitions de penseur et de poiitique, ce n' est q^u'un artiste. (1.)

Mais evidsmment il faut de la flatterie, il faut du menagement dans une lettre destines a gagner la sympathie et I'appui; et Barbier s'sst laiss£| emporter avec le courant populaire.

La 3;utte int ainsi sngages.. .d'un cote le camp hostils a Napoleon

III, agissant poiir Barbier; de 1'autre la princesse Mathilde q.ui agisscif a I'aide de Sainte-Beuve, Merimee et>de Sacy, pour sa bibliothecaire.

Le jour ds I'eieation arriva, le 29 avril, 1869; on avait trois fauteuils a remplir, pas celui d'Ampere, deja r^mpli, mais ceux de t

Viennet, Berryer et Empis. Leon Seche (2.) nous raconte les pe^ites intrigues ciui dirigeaient les evenements du jour, et q.ui valurent a

BHirbier son suoces. Le premier fautsuil a remplir etait reserj^ve a d'Haussonville, ciui I'emporta. Champagny et Duvergier de Hauranne se disputaient celui de Berryer. Duvergier de Hauranne etait appuye de

I'efliement voltairien, par Mignet, d* Remusat, Prevost-^'uradol, Thiers, tandis q.ue pour Shampagny luttaient le parti de Guizot, les champions egaiement de Barbier pour la troisieme election. Les voltairiens signa- lerent aux secondeurs de Gautier q.u'ils etaient priSts a faire un ec^nge ds voix uu'ils votsraient pour Gautier sm le groupe Sainte

-Beuve appuyait Duvergier de Hauranne. Mais ce groupe crut mieux assured

1. OP. cit. Page 269. . - T<= •Ppmnc? 2. Revue Bleug.III. 1905, Voir aussi ^our ce meme recit, i^e_^^>!lM.^ du"5 juillst 1911. article sur Gautier et S.-Beuve. Le 41e? fpnt^iiil, p«r Julfls •R-ronbwy. 421.

1'election de Gautier en appuyant Champagny, le candidat de I'Empereur

et ils ont du le regretter, car les anciens partisans de Duvsrgier

de Hauranne, les voltairiens, par esprit de revanche, voterent pour

Barbier, catholique et appuye du groupe catholique, qui battit ainsi

Gamtier apres quatre;tours de scrutin. lous donnons le|r^sultat exact,

d'apres le Journal Official du 30 aviil:

Au premier tour. Mi. Barbier et Ti^haophile Gautier ont obtenu chacun onze voix. Les trois autres concurrents, MM. Marmier, Laya et Hale'vy le premier heuf voix, les deux autres chacun une voix^. Au deuxierae tour, M. Barbier a ohtenu douze voix; M. Theophile Gautier traize; M. i'larraier six; les deux autres chacune une. Au troisieme tour, M. Barbier a obtenu seize voix, M. iMeophile Gautier quatorze; M. Marmier deux. Au quatrieflie et dernier tour, M. Barbier a ohtenu dix-huit voix et M. Theophile Gamtier quatorze. II y a eu une voix perdue, t^ente-trois' votants. (i^)

II reste un detail tout a fait amusant a raconter sur cette elec•

tion; le resultat declare aux partisans de 1'Empire, qui etaient dans

la chambre de M. de Saey a I'Institut, Sainte-Beuve se consola finalesi-

menten disant: Apres tout, c'est toujours un poete. Mais la famille

imperiale n'etait pas de tout cont-nte. La princesse Mathilde s'ecria

a de Sacy: C'est la derniere fois que |.e mets les pieis dans cette

.maaaonl (2.) Et nous cueillons ce fait dans les journaux de 1882, dans

leurs notices necrologiques sar Barbier: "II fut dispense, en 1870,de

Ala visite officielle a I'Empereur." (3.)

1. Journal Officiel. 30 avril, 1869. 2. On avait cependant prevu I'election possible de Barbier, si ce n'est dans les milaaiix mondains. Voir a ce propos Journal des Goncourt. ill. Page 170: (19 fevrier, 1869.) tif^„„ ^.iioT-.Q -irnif "fdinte-Beuve. S

nous dit les noniieB a*; x^c^^^elu.clI.JLw ^^^^^ , . ^ des coteries, les "manigancas" de Guizot. II nous conte ce dialogue entre la duchesse de Galiiera et Lebrun, que Jebrun repetait av^c une indignation et une amertrane de vieux lettre: -Eh bien, M. Lebrun, disait la grande dame, au moment ou il entrait dans son salon, le premier fauteall est donne. Oui, a M. d'Haussonville . —G'est une chose faite. —-J'ignorais, faisait 1'academicien... Pour le 6666A6.4^6/ troisieme, probablement M. Barbier 3. Voir entre autrs^, Le Eemps. 15 fev., 1882. La Presse. 16 fevrier. 425/1-

Apres I'election, Victor Hugo eerivit au nouvel academicien, le

felicitant et disant: "Vous voila a I'Academie, L'Academie i'est rien

g.uand on a la gloire. $e felicite I'Academie."

La reception de Barbier al 1'Acade'mie' n'avait rien d'extraordinaire,

son discours de repeption non plus. Le poete avait comme parrain un

academieien distingue, Victor de Laprade lui-meme, et I'on s'attendait

a un discours digne du poete des lambes. On etait degu! (I.) Or, quelle

etaient les reactions de 1'Assemblee? Jules Claretie assistait a la

s^aiice et il nous la decrit dans un article ecrit a I'occasion du cen-

tenaire du paete. Voici ses ^impressions$

Quelle seance J Un petit homme ratatine dans son habit vert, un dis- coirs d'une langue abolie qui rappelait le st^le de II. Jay ou les harangues de M. de de Jouy. A un moment donne, ay ant a parler du mariage, le recipiendaire usa d'uae paraphrase corame les timid-^s adapteurs de Shakespeare traduisaient "mouchoir" par "tissu." Auguste Barbier aut le courage de definir le mariage, le mariage, . ou M. Paul Hervisu, tres bravs, sxige au^ourd'hui statutairement I't.mour... . .il eut, ce bon Barbier, I'audace de I'appeler la "cage hj'-mM^enne." Cette cage, p'etait les ,Tenailles et la pensee du t> poete avait sa cranerie. i4iis 1'expression.' II y eut, sous la cou- pole, un sourire a ees mots, "la cage hymeneenne," et hors de I'Institut un eclat de rire. V^.^) (1.)

ivialgre la deception d^/i/ que subit l''Assemblee, a entendre ces bana-

lites de vieiilard bourgeois, le directeur de I'Academie, M. de Sacy,

n'attendait pas mieux, a en croire les termes bien polls, mais assez

mordants au fond, de so^ discours d'accueil: Par une fortune singuli.ere, ...le titre ds la premiere et de la plus brillante de voiis productions est devsnu, pour ainsi dirs, votrs nom persomiel. Bien des gens iti ne connaissent pas M. Barbier; I'auteur des lambes est connu de tout le moMe ^ ^ - • On vous a si bien lu. Monsieur, et vos vers sont entres si profon d^ement flans les memoires, qu'aujourd'hui encore une bonne partie du public en est demeuree a vos lambes et vous considere, ou peu s en .faut, comme un homme mort depuis bien des annees pour la poesie

Et Barrier ne si'indigna nullement, il aceepta comme la chose la plus

naturelle du monde cette declaration de mort prematures.

Le gempg. 5 avril, 1905. 42^1.

Apres le bruit suscite en 1869 par 1'apparition de ce Barbier fantome, nouvel academicien, le nom du poete retomba peu a peu dans I'oubli; les derniers jours de Barbier etaient tranquilles et retires, et la production litteraire de cette douzaine d'annees se borna a la publi• cation d'oeuvres ecrites pour la plupart avant 1870, et a la composi• tion d'etudes qui ne furent publiees qu'apres la giort du poete, par

Edouard Grenier et Auguste Lacaussade.

Una lettre a Alexandre de Haye, publiee a 1'occasion du centenaire de Barbier par Jacques Lux, temoigne de la re'signation litteraire du poete a cette epoque. C'est une lettre du 9 decembre, 1875, envoyee en reponse a une ode d'Alexandre de Haye, qui avait demande la raison du silence de Barbier; elle explique fort bien son etat d'esprit:

Paris, 9 decembre, 1875. Monsieur, Je vous remercie des vers trop aimables que vous avez bie?i voulu m'adresser. Mon silence vous a emu et vous avez desire en ^avoir le motif. Vous I'attribuez, dans vos strophes eloquentes, a de la defiance et du doute a 1'egard de moi-meme et des hommes, et vous ne vous trompez pas beaucoup. De bonne heure, I'ai penetre le fond des choses; J'ai vu que le mal corrompait vite le bien et que la plupart du temps les mauvaises passions et les bas interets arretaient I'elan des coevirs et detourglnaient de leur but les plus nobles idees et J'ai ecrit les lambes. Depuis, bien d'autres commotions sont sur- venues, et elles ne m'ont pas montre grand changement dans 1'esprit des hommes. Aussi, ce que j'ai dit, il y a quarante ans, s'applique- t-il encore a ce qui se passe aujourd'hui, Je ne ferais que me repeter. Celaji, toutefois, ne serait pas une raison pour m'imposer silence, L"indignation et le patriotisme sont de puissantes incita- tions a regirendre la plume; mais retrouverais-je 1'accent des premiers jours? Je ne le pense pas. On ne vieillit pas impunement. Dans le jardin de I'art il faut chanter divinemeat ou^se taire. Vous me dites qu'Homere a ecrit d'admirables vers dana un age ayance. Je pourrais a|^outer que Sojilfiocle faisait son Oedipe a Colone a quatre- ¥ingts ans. Mais ces hommes etaient des Grecs, des privilegie's de la nature, les premiers poetes du monde, et il n'est pas possible qu'un petit barde welche entre en comparaison avec eux. Mon silence de satirique s'explique done tout naturellement. J'ai vieilli et ^e le sdns. Maintenant, je ne demande a Dieu qu'une chose, c'est de pou- voir, avec le peu de force qui me reste, achever les travaux que j'ai, peut-etre•imprudemment, entrepris. C'est a cela que se bornent mes voeux, Voila, Monsieur, une petite confession litteraire. Je la 42S.

devais a votre bienveillante et poetique apostrophe. En vous voyant si bien manier le;^ vers lyrique, js regrette que des necessite's de profession vous aient eloigns du commerce des Muses. Veuillez agreer. Monsieur, 1'assurance de mes sentiments distingueS

Auguste Barbier. (1.)

Barbier ne quitta pas Paris pendant le siege et la Commmie. En 1870

il ecrivit pour la Revue des Deux Monde s des vers pie ins d' indignation patriotique centre les envahisseurs allemands. (2.) Css poemes, Devant

I'Bnnemi. Les Fils des Huns. A I'Allema^ne. furent publies avec 1'oeuvre posthume de 1884, et c'est avec cette oeuvre que nous nous p^roposons

de les examiner. Du reste, ils expriment les sentiments de tous les

Frangais de I'epoque, a I'egard de I'Allemagne.

3i)us ia Commune, IJappartement de Barbier fut force. (3.) Barbier habitait en ce moment et jusqu'a la fin de sa vie, un petit appartement

au cinquieme, rue Jacob. II etait sorti ce jour-la, et sa bonne dut

defendre les biens de son maitre: Que fait-il votre patron? II est ecrivain. ^u'est-ce qu'il ^ gagne? Pas grand'chose. (Ce qui etait vrai, d'ailleurs; Barbier se serait mal tire d'affaire s'il avait dependu pour vivre du profit de ses oeuvres. )

Les federes examinersnt bien le giodeste petit appartement dt la bonne

eut quelque difficulte a leur persuader que Barbier ne vivait pas daSis

1'opulence. Les detailsd^ de 1'anecdote peutent etre apocryphes et

exageres jusqu'a un certain point; mais nous avons I'autorite de la

famille Hons-Olivier, qui est notre plus pooche rapport avec le poete,

que les federes vinrent en realite avec un mandat d'arret, et qu'ils

tirerent meme un coup de fusil dans un tableau, Le tabl'^au existe

toujours avec la trace du coup de feu, Apres 1871 la vie du poets redevint tranquille. On a plusieuns

1. Revue Bleug. 29 avril, 1905. Faits et AperQus. • 2. 1870. Toms 89. Pages 559-563. ^ ^ 3. Revue du Sud-Est, 1906. III. Pages 145-58. iirticle de Frederic Plessis. descriptions plus ou'moins malignes de Barbier comme il paraissait a cette epoque, Voici celle de Bonnieres, ecrite a 1'occasion de la mort du poete:

En fait, Barbier, ou "le pere Barbier," comme on I'appelait dans la jeunesse des ecoles, etait devenu d'assez bonne heure'un petit vieux ratatine dont la personne s'etait empreinte de la mediocrite meme de sa vie intime Le menton en casse-noisette, des lunettes d"ecaille, un chapeau gris avec un crepe, un eternel parapluie sous le bras et des guetres blanches comme pour celebrer le printemjjs... . (1.)

II passait souvent ses etes a Fontaimebleau, endroit qu'il affectionnait beaueoup, et ou il possedait une maison de campagne, 17, rue Saint-

Louis. (2.) II devamt meme une grande figure de la ville, et I'on rapporte qu'un majestueux chene de la foret, baptise' jadis "Prince

Imperial," requt plus tard, (changement ironique,) le nom d'Auguste

Barbierl

Sout, en effet, tend a souligner la traiiquillite de,la tetraite du poete. Selon Rebelliau, Victor de Laprade aurait vamnement essaye de rallier Barbier a la lutte pour la liberte et pour le christianisrae.

Deja en 1868, il lui avait ecrit, le 3 janvier:

...(4uel notle et fecond exemple qu?^ celui d'un grand poete civique comme vous, proclamant la graie notion de Dieu et de 1'homme I Peut- etre gc a-t-il quelque courage a le faire aujourd'hui; et cela doit vous tenter. Affirmer Dieu, et fletrir '93 devant la deraocratie actuelle, peu de gens osent le faire....( 3.)

Dans une lettre du 2S fevrier, 1875, il essaya de reveiller en Barbier le"poete-patriote," le "porte-drapeau des poetes honnetes gens." (4.)

Mais Barbier ne se laissa pas persuader. C'est plutot vers la religion quiil se tournait a cette e'poque, vers un catholicisme tout

orthodoxe, qui oontraste avec la liberte de sa pensee de jeunesse, e mais qui en garde tout^ois quelque trace.

1. Memoire3 d'Aujourd'hui. II, Pages^54-66. 2. La maison a mameureusement ete detruite depuis. 3. Revuei^ BleuB. 19D5. Ill, P, 672. Rebelliau; A.B. et ses afliis. 4. 12 janvier, 187*. Rebelliau a trouve parmi les papiers du poete une lettre de Sully-

Prudhomme, datee de 1878, etui indigue ohez Barbier urie pleine compre• hension des difficultes et des doutes cLui assaillaient 1'autre. II avait, para|t-il, examine un poeme de Sully-Prudhomae (1.) au point de vue de doctrine, et y avait trouve des traces de stoiciame q.u'il essaya, dans une lettre au jeune poete, de transformer en "la doctrine du doux rabbi de Nazareth." Sully-Prudhomme lui repondit par une lettre ou il expliq.ua ses objections: sa raison est "mise en defiance par un dogmet Q.ui le revolte et par une histoire ou la part de la legende est extremement difficlie a determiner."

.. .Je suis en garde malgre moi. Je n'obeis pas, du moins sciemment, aux suggestions de I'orgueil philosopihicLue, car la philosophie m'a plutot fait sentir les bornes de mon esprit q.ue son et endue. Vous avez eu la bonte de sUivre 1'evolution de ma pensee depuis mon etude sur Lucrese, et vous I'avez vue tourner sur elle-meme sans faire uti pas en avant. II m'eut ete facile de me rajjger sous I'une des bannieres de j6i la philosophie comtemporaine, sous celle du

j 'ai le re spec . _ pu donner ma foi entiere a aucune doctrine..,(2.)

Barbier lui avait parle de "li^'eternel instinc* de I'humanite touchant son role dans I'utiivers;" c'est mxe idee, q_ue garde le poete des lambes depuis sa jeunesse: ...j'entends dans mon coear la voix male et profonde iciiui le dit q.ue tout homme a son role dans ce monde...(3.) Sully-Prudhomme se defend de I'atheisme: ...•^e prononce rarement le mot de Dieu; |e cache je ne sais q.uoi de vague et de formidable dont ' ^..•r.ia-« +.^moT.«ITR- ment. Mon vocabulaire est tends par Dieu I'inconnu ligible et justifiable.... On n'aurait pu eerire une telle lettre a un catholic|.ue outre; Sully-

Prudhomme a du s'attendre a une certaine mesure de comprehension

1. II s'agit probablement des Jestmns.qui est de 1871, 2. Citee par Rebelliau; art. cit. ^3. II Pianto; Prologue. 4^8.

sympathiciue de la part du vieux poete; et il n'a sans doute oas ete

degu^. Mais Barbier s'inclinait, de plus en plus, a la fin de sa vie,

vers les formes exterieures du catholicisme.

On ne manciue pas de nous parler de ce petit poete q.ui allait a la

messe; '(1.) et nous savons q.u'il confessa avant sa mort, et ciu'il

laissa'des instructions exactes au aujet de ses funerailles a I'eglis^

de 3aint-&ermain-des-Pres; il exi^rima aussi le voeu2* ^u'il put ^etre

suivi a I'Academie frangaise par Mgr. Perraud, ce gui est, en effet,

arrive, i'd*)

Mous aliens voir a ciuelles productions litteraires la resignation

de ses dernieres annees le bornait. En 1872 les Silves et les Rimes

legeres fureiat r^unis en un seul volume;(3.) 1874 vit la publication

des "jStudes dramatiques, c'est-a-dire, le rapprochement dans un volume

de Benvenuto Cellini, et de la traduction frangaise de Jules Cesar.

q.ui avait paru pour la premiere fois en 1848. Rien n'est cslhange dans

les deux etudes; seule une preface generale, datee de 1872, les precede.

1876 parut la traduction de la Chanson du Vieux Itlarin de

Coleridge, etude interessante, et rendue d'autant plus attirante au

public de 1876 par les illustrations de Gustave Dore q.ui I'accompag-

naient: c'est, en effet, une fort belle edition.

The Rime of the Ancient Mariner doit etre un des poemes anglais

les plus difflciles ^ traduire dans une autre langue. II serait deja

assez difficile d'en rendre I'atmosphere d'epouvante et de goystere en prose anglaise, tellemej^t cette atmosphere d'^pend, dans le poeme,

du langage et du style de Coleridge, et de la forme rhythmi(iue q.u'il

a.choisie.

1. Bonnieres: loc. cit. 2. Ces faits sont rapportes par Le FranQais du 16 fevrier 1882. 3. Paris, Dentu, in-18. Barbier I'a traduit en prose, ayant sans doute compris q.ue les formes

metriques franeaises etaient peu propres a contenir un poeme de ee ganrc

lin choix entre deux manieres a du le confronter: ^acrifier I'exactitude

a I'atmosphere et rendre assaa librement 1'effet de 1'anglais, ou bien

s'efforcer toujours a reproduire en frangais chaq.ue mot, chaq.ue expres•

sion, chaq.ue repetition de I'original, guand meme un tel effort exige- rait des periphrases maladroites q.ui detruiraient totalement I'essen- tiel du poeme. Barbier a prefere etre exacte; rien ne I'effraie, pien ne le detourne de la precision; et nous n'avons trouve q.u'un seul mot

Q.ui I'ait completeraent deroute: il ne traduit pas I'epithete dans la phrase: The silly buckets on the deck..."!

iious signalons q.uelcj.ues examples de ces periphrases laborieuses:

La concision de la strophe:

The fair breeze Bleu, the white foam flew. The farrow followed free; We were the first that ever burst Into that silent sea... se perd completement dans la version frangaise; Le bon vent soufflait, la blanche eeume volait, et le havire formait un long sillage derriere lui. IMOUS etions les premiers q.ui eussent navigues dans cette mer silencieuse. u Deux strophes plus loin, on sent encore la s^periorite de 1'anglais: Dans un ciel chaM et tout d'airain, le soleil apparaissait comme^ ensanglante, et planait, a I'heure de midi, juste au-dessus des mats pas plus grand q.ue la Ixme. "The sun''s rim" devient "..les extremites superieures du soleil..."

lias, des plus frapijantes strophes de la.Rime of the Ancient Mariner est

celui cLUi decrit si habilement le voyageur solitaire:

...Mho walks in fear and dread...

Barbier 1'interprete:

...«J'etais comme \in voyageur qui, dans un chemin solitaire, marche escorte de la peur et de I'effroi, et §ui, £»-yHnt regarde une fois 430.

autour de lui, continue son chemin sans plus retourner la tete, par- ce ciu'il salt g.u'un ennemi terrible lui ferme la route par derriere. Mais il y a des parties q.uj^i, si exles n'egalent pas I'anglais, reproduisent du mojjis q.uelgue chose de I'atmosphere de I'original:

L'eau, I'eau etait partout, et toutes les planches du bord se resser raient^; I'eau, I'eau etait partout, et nous n'afions pas une goutte d'eau a boire... at Barbier debute bien: Cetait un vieux marin; trois jeunes gens passaient, il en arreta un, Par ta longue barbe grise et ton oeil brillant, pourquoi ia'arretes-tu? ia porte du marie est toute grande ouverte, je suis son proche parent, ies hotes sont arrives, la noce est prete, n'en entends-tu pas le joyeux btuit? Le vieux marin serrait le bras du jeune homme de sa main echarnee; 11 y avait un vaisseau, dit-il. Laahe-moi, ote ta main, drole a barbe grise I Et aussitot la main tomba....

Mais dans la derniB^e strophe franqaise nous cherchons en vuin la con• clusion s4 coiinjie de I'anglais: II s'en alia comme un homme etourdi, et q.ui a perdu le sens, ^^e len- demain il se leva plus triste, mais plus sage. Cetait evidemmeht un essai trop ambitieux; et peut-etre Barbier aurait-il mieux reassi §'il s'etait permis de s'eloigner un peu plus du sens litteral de I'anglais; si,,en somme, il avait consulte son imagination un peu plus, son diationnaire un peu mojns. C'est 1'imagi• nation, bien plus q.ue 1'erudition, ciui lui a manq.ue. il en a ete de meme dans la t^6tsiil traduction de Jules Cesar; et il en sera de meme dans le reoueil de traductions et d'adaptations q.u'il publiera en 1882, sous le titre de Chez les Poetes.

En 1876 aussi Barbier fit imprimer le ddscours gu'il avait prononce q.uand, en 1872, en ciualite d'academicien, il avait inaugure un monument de Ronsard a Vendome. II parle dans ce ddscours, de 1' inconstance de 431i<

1'opinion du public a I'egard de Ronsard; c'est un poete q.ui avait ete

idolatre de son vivant; cdmciuante ans apres sa mort, il est tombe dans un oubli oil il est reste jusQ.u'au "magnific^ue mouvement litteraire" de la Restauration. Malherbe et Boileau, dans leur critiques de la Pleiade^ demande Barbier: ,..n'ailerentvils pas trop loin? ne furent-ils pas, sous pretexte de correctioii, beaucoup trop des "regratteurs de mots." ? Ce discours nous interesse surtout au ^oint de vue des idees lit• teraires de Barbier. Kous y trouvons d'afeord son attifiude envers la fameuse y.uereli.e des Anciens et des Moddrnes; en 1872 meme il est tou- jours partisan fervent de I'ecole romantiQ.ue. II garde aussi des jours de sa jeunesse sas Idees sur le but mmral, philosp^jhigue, religieux, de la poesie; il ne suffit pas d'etre, comme Goethe, ou comme Hugo, (1.) artiste tout simpleme?it; I'art, "ce bel engant des cieux," n'a-t-il pas ete cree pour "enseigner la parale des Dieux." ? (2.)

Laurent-Pi^hat trouve q,ue Barbier dans son discours a rehabilite

Ronsard, ciui n'inclina pas, a vrai dire, vers lu lifesrte: Avoir pour avocat le plus ferme des poetes, celui q.ui n'a jamais bronche, cela nettoie Chailes iX, cela purifie. Votre discours dev/si rait etre place en teteifi de toutes les editions^ de Ronsard. (3.) En 1878 Barbier regut un honneur ci.u'il n'avait ni cherche ni, s'il faut en croire Edouard Grenier, voulu. On lui accorda la croix de la Legion d'Honneur. Le lemps du 9 fevrier de cette annee donna la liste des honneurs, et cite parmi ceux q,tteignant au grade de chevalier: Barbier (August*) membre de I'iicadSBfflie ^rangaise, aut^ur Sis lambes et autres volumes de poesie. Services exceptionnels.

1. "Remuanr de mots seulement, " selon Barbier. Voir Silhouettes Gontemporaines, Etude sur Hugo. i: ittTve^ll'2>1 juillet. 1872. ¥itee par Rebelliau, art. cit. \

Selon Sdouard Orenier, (1.) Bardoux, ministre de 1'instruction publiq^ue

1'avait nomme d'abord sans le consulter. Barbier prit mal la chose, et

menaga de renvoyer la croix sur-le-champ, Grenier et un confrere de

I'Academie, Mezier^s, durent tacher de le calmer, non sans guelque

difficiate; Greriier rapporte las objections du vieux poete ani avait

declare: • ..c^ue la Legion d'honneur etait une institution monarchigue, une invention de Bonaparte, une fausse noblesse contraire a toute notion! vraiment repubiicaine; que, si le rubat rouge devait exister, il ' devait etre seulement le signe du sang verse pour la patrie et rem- placer les sabres d'honneur de la Republig^ue ;ciu'il ne voyait d'ail= leurs aucuiie correlation entre une belle oeuvre d'art et la recom• pense d'une belle action; Q.ue Balzac n'avait pas ete decore et gue personne ne s'avisait de demander si Musset etait chevalier ou Lamartine officier.

Finalement, a 1'instigation de Hezieres, M. Bardoux lui-meme vint chez

Barbier et lui persuada d'accgfter I'honneur. 1 Les Pontes du Soir furent pubjies ensemble en 1879. Le recueil

consiste en trois contes, composes a d^sssez longs intervall»s; le

premier, .be £hevalier de Lussan. en 1875; Anselmo et Angelica, en 1860^

Alan Mori3on en 1868. Le livre est dedie aux amis de Barbier: ...A Monsieur et Madame Hons-Olivier, en reaerciement de lenr aimable ^ospitalite dans leur propriete de ilons-Athis. L'histoire du Chevalier de Lussan se passe en France au mojien-age; le heros est un. jeune chevalier age de vingt ans, 1'heroine une JJeune fille turcciue habillee en garqon et page a Don Jusn de Wattevilie , pretre de mauvaise renommee, Le chavalier, ayant decouvert le sexe du page, CLui 1'avait deja interesse, tombe amoureux de la jeune filie, et I'intiizlgue se compligue. Apres diverses aventures il lui demanded?! de s'enfuir avec lui; mais ayant entrepris entre temps un duel avec IJ. de Matteville, il est gravement blesse, et reste malade pendant q.uel- aues jours. La jeune fille, ne voulant pas comprmmettre I'avenir du 1. Souvenirs litteraires. ' 435.

chavalier, et ne pouvant rester chez de Watteville s'en va toute seule, et entre finalement dans un couvent. Le ij.eune homme se de'cide a suivre son example, et devient membre de I'ordre de Ivialte. lis s'ecrivent I'un a 1'autre pendant une vingtaine d'amiees; puis le chevalier meurt en bataille. On rapporte ses restes a Athis, et cLuand la religmeuse meurt aussi on I'enterre a cote de lui.

L'intrigue est assez mince, mais non sans un certain charme et une

agreable naivete. La region decrite est oslle q_ui entoure Mons-Athis,

ou Barbier etait souvent alle passer des vacances chez les Hons-Glivier

peut-etre etait-ce une histoire Q.u'on racontaat dans le voisinage, et

q.ui y commengait a prendre cLuelq_ue chose de la legende?

Le meme charme, la meme evocation du passe, se trouve dans le §eu- xieme conte, celui d'Anselmo et AAgelica. histoire italienne du iA6^^A-

q.uinzieme siecle. On pense d'abord a jRomeo et Juliette en lisant ce recit de deux familiesrivales; mais la ressemblance ne va pes tres ioin.

L'intrigue se noue autour de deux nobles faiiiles de Sienne, les Salim-

beni et les Montanini. Ces derniers sont tombes dans la pauvrete; il ne reste d'aux q.u'\in frere et une soaur. Carlo et Angelica. Anselmo Salim- bene est amoureux d'Angelica mais n'ose le lui dire. II trouve 1'occa•

sion de sauTrer Carlo de ruine, et celiiui-ci, en margue de reconnais•

sance, fait don a Anselmo das personnes de sa soeur et de lui-meme.

Angelica y consent, avec une mauvaise volonte, et les deux se rendent

chez Anselmm. Celui-ci, c'^omprenant les sentiments d'Angelica, repond a

la noblesse par la niiblesse: appelant toute sa familla, il fait preparer

un festin pour celebrer ses fiangailles avec la jeune fille; la lilierte

est rendue a Carlo, Angelica est sauvee du deshonneur et les deux tMil

families renouvellent j-oyeusement leur amitie d'antani;. 43*.

Barbier choisit I'Angleterre du dix-neuvieme siecle corame scene du troisieme eonte. i^ous sommes a Londres:

Londres n'est pas une ville comme une amtre; point de limite a la masse de maj&ons gui la composent, les guartiers s'ajoutent aux guartiers, ies paroisses aux paroisses, et 1'immense cite ae semble nullement distiiicte du reste de 1'Angleterr?. (1.) L'histoire commenea en 1833 par la visite de Henry Bromley chez son ami

Alan Morison a Baysssater. Celui-ci est un clerc pardiementaire q.ui fait des miniatures dans ses heures de loisir. II vient d'en faire une de

Miss Siane Greevile, une jeune fille de haute soniete dont il est amou• reux. Pendant une promenade dans Hyde Park, il raconte a Bromle^ les evenements recents de sa vie, son travail comme secretaire de Mr.

Greevilie, son amour pour Miss Jane, q.u'il croit recdprogue, sa reso• lution de se rendre digne d'elle.

k^uelciue temps apres cet incident M. Greeuille maurt a Ramsgate, et

Jane part pour I'Ecosse sous la protection de son cousin. Lord Raasden?

Alan lui rend visite, des son retour, et lui dit gu'il I'aime; elle, pourtant, ayant i)rogiis a son pere d^epouser son cousin, n'est plus libre. Dans un eclat de colere, Alan s'elance hors de sa maison, s'en va avec une i^rostitiiee irlandaise q_u'il rencontre, et I'epouse. lis se rendent en Irlande, d'ovx Alan ecrit a Bromley, lui apprenant la nouvellfi

de son maraage, De retour a Londres, il acguiert peu a peu de la

renommee par ses miniatures, sous le pseudonyme de G^egoty PatkBr^

Une amie de Jane vient un jour lui demander s'il n'e^t pas en realite

Alan Moj^ison; elle lui annonce gue Ramsden est mort, Jane libre et

prete a I'epouser. Alan tombe dans une melancolie de plus sn plus profonde, mais il

refuse de divorcer Suzanne, sa femme. II est atteint enfin d'une grave

1. Page 159 435. maladie des yeux, et, en^ proie a des souffrances atroces, s'empoisibnne avec du laudanum. Suzanne prend peu a peu 1'habitude de lioite, et tombe un soir flans la riviere; Jane adopte sa fille. Longtemps apres, dit B.arbier, un voyageur frangais aZ Londres vit le tombeau d'Alan a Gr-^n- wich; au bas de la pierre on avait inscrit au crayon: Always much regretted.

i^ui etait venu payer ce tendr hommage au defunt? Uh camardde d' enhance? xm. ami de I'age mur?^un confrere peut-etre; mais I'ecriture fine et deliee indiciuait plutot une main de femme, yuoi au'il en fut, c'etait un souvenir sample et touchant q,ui temoignait de la valeur de celui qui gisait sous la pierre, et le voyageur s'eloigna de cette tombe tout pensif, et en se souhaitant a lui-raeme la marque d'\ine amitie si fidele. (1.) Simples et peu pretentieux, ees contes n'ont pas ete tres remarques au moment de leur apparition; 1§ lecteur d'aujourd'hui les trouvera facil^s a lire, sans beaucoup de substance, tres moraux, comme nous le voyons, mais non sans un certain charme. lis sont plus tranquilles'et ont moins de passions violentes et de coincidences exagerees que les

Srois Passions qui les avaient precedes, et qui sont le premier essai de Barbier dans ce genre. En 1880 Barbier fit paraitre ses Histoires de Voyage, C'est un volume de souvenirs et d'anecdotes cueillies lors d= ses differents 1'

voyages dans son pays, et I'auteur^a erne de petits dessins, de sa

main, car il n'a pas manque d'heriter d'une bonne partie du talent de

saai giere. Les pages-que nous cMrons au public, eizrit-il, sont de simples recits rediges d'apres diverses notes prises en parcourant, non les pays etrangers, mais la France, "notre cher et tant doux pays de J^ance,"comme I'appelaient si bien nos peres. Slles ont ete ecrites de 1830 a nos jours, dans une periode de cinq\iante ans environ, a longue distance et un peu a batons rompus. Elles ne renferraent pas de minutieuses et savantes descriptions de la nature et des monu• ments ddee I'art ancien et moderne, ni meme aunune peinture des meeurs 436.

de nos differentes provinces, mais q.uelq.ues faits humains provenant de I'histoire oud^ de la vie du monde, les uns rappeles par la vue des lieux q.ui en furent temoins, les autres rencontres inopinement, par hasard, au milieu des sites visites, luie chanson, une aventure, un entretien, suggerant des reflexions philospphigues ou morales. Selle est la trame legere du tissu de nos souvenirs, souvenirs q.ue nous n'avons pas voulu laisser entierement se perdre, et gue nous avons reproduits avec les idees et les impressions du moment. La brievete et la variete de ces histoires nous font esperer que le lectaur s'y interessera sans fatigue; peut-etre y trouvera-t-il un peu du plaisir g.ue nous avons eprouve nous-meme a l-=s retracer. (1.) G'est I'attitude Q.ue Barbier a adoptee a cette epoque envers tout

ce ciu'il avait ecrit. II n'a pas voulu gue ses souvenirs, ses esguisses,

ses petits poemes, aes contes, gu'il a flu savoir raediocres, se perdent

dans un oubli total. II a fallu tout publier; et s'il eut ^ecu un peu

plus longtemps, il eut sans doute execute lui-meme la tache gu'il a

leguee a ses executeiirs ±estamentaires, la publication d'une oeuvre

posthume ne consistant, comme ces publications des dernieres annees,

gu'en des morceaux ecrits a differents moments de sa vie, et n'ayant, pour la plupart, aucxme pretention a la valeur litteraire.

Comme oeuvre litteraire, les Histoires de Voyage ne valent p^s grand{chose; le style en prose de Barbier ne change pas beauooup dons

le cours de oette ctoguantaine d'annees. II est simple et assez plat,

tout en temoignant guelguefois de ces pouvoirs descriptifs gui marguent

aussi les recits des voyages en Italie den 1838 et 1860:(ces derniers A ne seront publies gu'avec 1'oeuvre posthume dans les Souvenirs person- hels et Sdilhouettes contempoiaines.'^

La premiere de ces Histoires de Voyage est de mai, 1830, au moment

d'un sejour aux PyjJBnees; une promenade au chateau de Monsegur u doniie

lieu a une conversation entre le jeune homme et son hote, sur les

doctrines albigeoises, dont il existait toujours des traces dans ces regions. 1, Preface. 43^. •

Le mois prochain, il est a Marseille avec sa mere; la vue du port lui inspire une description energique, que nous citons ici. i^u'on se rappelle que ce recit est de juin, 1830, et anterieur aux lambes:

Figurez-vous un immense bass in d'eau remue par le passage incessant d'une multitude de navires en arrivee ou en partaniBe, et la, sur I'onde et sur les quais dailies qui I'entourent, 1'eclat, le bruit, le mouveraenti( depuis le lever du soleil jusqu'a son coucher. La, des taints bronzes, des bras nerveux toujours a I'air et taujours en I'air, des yeux noirs etincelanti a travers de longues dentelles blanches, des -petits pieds figrant comme des lezards, des vieilles si^ agiles comme des jeimes, et des jemies bavardss comme des vieilles; vingt oostujnes differenta de forme et de couleur, depuis la veste europeenne jsqu'au caftan oriental, tous les ages et tous les sexes confondus, des enfants sortant de chg.que seuil et roulant sous les pieds des passants, des gamins tourmentant des rames ou agagant des perroquets, des mousses chantant en se balangant sur des cordages, des haleurs aux oris monotones chargeant les barques; d?s gens de bourse et de negoce causant, fumant et gesticulant, d^^s soldats marchant en armes au son des tambours, des cloches carillonnant au haut des eglises, puis les jeux, les ^uerelles, les batailles; enfin a travers une foret de voiles et de mats, une melee de tartanes, de bricks et de trincadours; sur les toits rouges dss maisons, sur les bannes rayees des boutiques, et le pave des ^uais tout blanc de puussiere, le rayonnement splendide d'un ciel Sans nuage. Voila le portrait assez fidele du port de Marseille et de sa fameuse Canne- biere, ainsi que je les voyais dans Ifis premiers mois de juin, 1830, et en revenant avec ma giere de la visite que nous avions faite aux montagnes de I'Ariege. (1.)

Pour le reeit qui suit, IBie Histoire de Table d'Hote. Bazrbier nous amene encore une fois aux Pyrenees, qu'il visite cette fois eh comfg)g- nie d'un Monsieur L.,viell ami de la f amille, et gravement malade des poumons. Un Nid d'Hirondelles a ete raconte ailleurs, dans 1'etude sur

Madame Deabordes-Valmore des Silhouettes Contemporaines.(2.) En 1834

Barbier se trouve a Avignon, ou il visite les divers objets d'interet, et trouve, entre autres,' le tombeau de Laure a I'eglise des Cordeliers,

et le monument eleve far un voyageur anglais en son honneur; Barbier It

lui-meme-n'a pu eriger de monument, mais du moins avait-il consacre a

Laure xme de ses premieres tentatives ipoetiques, son beau sonnet fiur

Laure de Mores.{3.1 II aurait voulu faire plus, dit-il, ici:

1. Pages d?.^ 2. i^'ous avons deja cite cet incident a propos du voyage en Italie, 1831-,2. 3. Voir sur les Rimes Hepoiques. 438.

J'avais meme I'intention de peindre dans un petit poeme elegiague, la premiere rencontre de Petrargue avec elle. La piece fut commencee et non achevee; en voici les premiers vers: On etait aux beaux jours de la gleur avriliere, A I'heure ou du matin la divine courriere Brille encore au soramet de la voute des cieux. Avignon se rendait gravement aux saints lieux. Pour baiser les pieds morts du Redempteur du monde. Un jeune clerc, deja de science profonde, Le front enveloppe d'im grand eapuce noir, Allait aussi, reveur, accomplir son devoir, Sur ses pas un convent, celui de Sainte-Claire, Entr'ouvrait son eglise. II entre et vers la pierre Ou tremble I'eau benite, il incline la main. A peine^ elle y descend gu'une dame soudain Y plonge aussi la sienne, et deraggeant son voile, Decouvre deux beaux yeux plus brillants gu'une etoile. Le jeune homme ebloui, crut voir a son cote Descendre du ciel meme un ange de clarte. Jamais femme n'avait montre beaute pareille, Si bien gu'au prompt depart de la jeune merveille. Immobile, longtemps, il la suivit des yeux, Oubliant tout, le monde et I'heure et les saints lieux...

L'histoire gui suit, Le Roman de Pierre de Provence, est toute charmante. Cette fois Brbier a voyage a Aries uu, sous la voute d'une galerie du cloitre Saint-Erophime, il parcourt un vieux livre gu'il vient de trouver chez un bouguiniste. II resume le roman, gui rappelle a plusieurs egards Auoassin et KiBCialette. Pierre, le heros, est un jeune Provenqal gui va a Naples a la recherche de I'aventiire. II y trouve Maguelonne, fille du roi Maguelon, devient amoureux d'elle, et lui persuade de s'enfuit; avec lui vers la Provence. Divers malheurs les separent: Pierre est piis par des corsaires et emmene en Sgypte, et Maguelonne arrive finalement a Rome. Elle devient pelerine et va en Provence en compagnie d'une religieuse. Inevitablement les deux amouteux se retrouvent; Magiailonne s'est vouee a la guerison des

malades dans un hosi^ice a 1'embouchure du Rhone, et c'est la gu'arrive

Pierre, a deflii-mort, au sortir d'un naufrage. Joyeuse reunion et

eternel bonheurl 43.9.

Comme reflexion finale, nous avons une note tres humaine telle gue

Barbier n'en laisse entendre gue fort rarement. EMe est de juin, 1834 il a vingt-neuf ans:

Je revoyais en imagination les deux figures de Pierre et de son ami se dessiner au milieu des fetes et des tournois de la ville de Naples, et ie 4aissant aller a souhaiter leur destin devant les belles jeunes filles gue je rencontrais sur 3ia route, je me disaii gu'il se pouvait gu'il y eut, pour moi, parmi elles, une douce Maguelonne; mon coeur y etait tendrement dispose, mais, helasi je n'avais plus les dix-giuit ans et les graces aimables d'un Pierre de Pipovence,

Barbier semble avoir pesse beaucoup de temps en Provence dans cette annee de 1834. En aout se promenant entre Toulouse et Castel-Laudary Zil est temoin d'jane scene dramatigue entre des bohemiens gu'il rencontre.

Il decrit la reine: Cette gemme gui avait bien la soixantaine, etait vetue d'une bas- guine noire a longs plis; sa taille elevee etait encore droite et guoigue sa figure brune fut tres ridee, le feu gui brillait dans s^ weux annongait en elle de la force^et de 1'intelligence; un mouchoir a raies rouges noue autour de sa tete laissait tomber de longs chev'eux gris sur ses epaules... E:^ 1836 Barbier est alle avec sa mere a Boulogne-sur-mer; c'est de la gu'il rapporte 1'episode intitule I'Albiun duMatelot. L'Angleterre

I'attire a cette epogue; il vient de la visiter, en 1835,-et il pense pendant son sejour a Boulogne au pays gu'il voit a I'horizon: J'avais emporte un Shakespeare, et, au bruit confus des flots, en vue des cotes blanches de I'Angleterre, je mettais en vers franqais le Jules Cesar du grand poete breton. II est done heuseux de faire la connaissance d'un jeune matelot anglais gui lui montre son album de voyage, ecrit et illustre pandant un voyage a la terre de Van Diemen. Ee jeune auteur s'etait interesse a tout, et specialement aux voyageurs, et Barbier croit assister a tout ce gui s'est passe pendant le trajet. II voit incarne dans ce matelot le type national anglais: 4.40,

Le matelot anglais peut etre grossier, ivtogne, bruiij., mais I'idee de Dieu et igelle du devoir 1'abandonnent rarement. t^uand le lis la vie de Nelson, le ^eros de la marine anfelaise, et je puis dire de I'Angleterre, car 1'Angleterre,est un vaisseau, comme I'a fort bien dit le poete Alfred de Vigny, j'y retrouve au plus haut degre la confirmation de cette re marque /i7. .

Le mois d'apres, en septembre 1836, Barbier se trouve en Flandre. II visite la prison de I'abbaye de Loos, par ime sorte de curissite mor- b ide: La cuxiosite nous entraiae vers ces demeures terribles, et I'on veut voir si les etres quisles habitent different, au physique, de ceux qui vivent librement a la clarte du jour,

C'est un certain M, Dobignie qui lui sert de cicerone; sans doute est- ee le pere du beau-frere de Barbier, dont la famille e st des environs de Lille. Une promenade faite a la £Ihapelle de la Vassiviere, en Auvargne, ou Barbier a pass^ le juillet de 1837, I'a beaucoup impressionne. II a mang# pres de la chapelle dans une chaumiere, ou on lui a raconte la legende de la statue de la vierge de la chapelle, qui d^iscend toute seuie dans I'eglise du viliage dans la valiee, y passer I'hiver, et revient avec le printemps sur les hauteurs I

L"histoire du Cabriolet de la Malle-Poste nous fournit la seSile

indication que nous ayons de 1'existence da frere cadet de Barbier. II

s'agit de revenants dans une conversation entre le poete et le courrier en route pour Paris de Clermont-Ferrand, en cabriolet. Barbier est

incredule, et le courrier''tache de la convaincre par I'histoire d'un

certain M. Comte de Paris qjai avait une soeur malade dans une maison

de saute/,, Uhe nuit il la voir entrer chez lui iffetue de noir, et fai-

sant trois fcis le tour de la chambre, s'approchpr de lui: et le len-

demain il apprend que sa soeur e.st morte, en effet, a I'heure ou il

I'a vue. ¥arbter y voit toujours la main de la coincidence; sur quoi

le courrier, trouve une histomre personnelle pour le convaineee. 44a.

Pendant les dernieres gmerres de 1'Empire, comme courrier de cabinet il avait du partir en Allemagne guelgues semaanes apres la mort de sa femmei On I'a loge dans une chambre d'auberge ou, deux jours ajipara- vant, un voyageur ietait mort. Vers minuit guelgue chose de blanc s'est eleve vers lui, il a appele sa femme, il n'a pas eu de reponse; il a entendu trois oris, a cherche partout sans rien trouver, puis revenu a son lit il a senti une main passer le long de ses jambes

^^Jsgu'a ses genoux, sur guoi il s'est evanoui. Barbier n'est toujours pas convaiiicu; mais il ne laisse pas de raconter un incident person• nel a su famille:

J'avais un frere cadet, jeune homme charmant, fort aime de moi, et plus encore de ma mere, II mourut a I'age de dix-huit ans d'une fievre putride, et apres une longue maladie. Depuis plusieurs jours on en desesperait, il ne repondait plus et son pauvre cerveau flot- tait dans les ombres de I'agonaLe. Ma mere, gui-avait veille a son ohevet .toute une nuit et un jour, voulut prendre un peu de repos, et se jeta tout habillee sur un lit place dans une cham^re voisine. Je restai preside mon frere. A trois heures du matin je me leve et vais voir si ma {lere reposait encore. Je la trouve eveillee, et sul? son seant, et sa premiere parole est celle-ciZ; ^.rmand est morti Je repondis:- Won, ma mere, non, tu te trompes. -Je dis gu'il est mort, je viens de le voir imsser devant ftss yeux comme un eclair. -Encore un coup, rassure-toi, mon frere est bien mal, mais il vit toujours. Et je I'embrassai en pleurant. Cependant elle se leve et me suit aupres du malade. Helasi le pauvre enfant ne respirait plus et un froid glacial couvrait son visage et ses membres-. il avait expire au moment ou. je I'avais guitte, la garde ne s'en etait meme pas apertju; ma mere avait raison... Barbier trouve une explication de cette apparition; .. .le froissement du cristallin dans I'eeil produisant des clartes meme fans I'ombre,... et il reste toujoiirs incredule.

\}n voyage sur la Saone en septembre 1838 donne lieu a une conver•

sation gui le frappe: il rencontre s\ir le bateau une religieuse gui arrive de Cayenne, et va a Montpellier, et le recit gu'elle fait de sa vie de religieuse-inf irmiere evogue la vive admiration du poete :B^

En 1843 il est a PorniE ou il fait la connaissance d'un medecin,

et les deux font emsemble une excursion a la pointe de Sainte-Gildas. Barbier devient de plus-an plus croyant avec le passage des annees; ce fait en mis en evidence par la conversation qui s'ensuit apres leur rencontre avec une femme dont le medecin avait une fois sauve la vie, et qui ne cesse pas de lui expriraer sa reconnaissance. Le docteur dit qu'elle ne fait qu'obeir a ses instincts, a la nature qui veu± qu'elle se conserve pour ses enfants, mais Barbier affirme qu§ Dieu aussi a sa part dans les sentiments de reconnaissance qu'elle vient d'exprimer.

Kous savons que Barbier s'est toujours interesse aux chansons popu- laires: il existe une lettre de lui a Charles Chautard, miS'^^i^ par celui

-ci en tete de son recueil de Chansons de metier et Chansons du Village

(1.) Barbier admire le recueil, y trouvant beaucoup de finesse et une vraie comprehension de la vie et des besoins du peuple. Je vous le repeterai, si les moeurs villageeises s'en vont, il faut, le plus possible, en laisser I'histoire. fioas ne nous etonnons done pas que Barbier soit alle, un jour qu'il

etait en vacances a Plombiere en 184-1, a la chasse aux chansons: Si tous les amis des lettres, dit-il, avait cette pensee, dans leurs moments de loisir et de voyages a travers la France, on sauve- rait eertainement de I'oubli bien des chefs-d'oeuvre de sentiment populaire. Mais il^ est destine a la deception cette fois; il trouve un gargoh de huit ou diis ans a qui il demande de venir a son hotel un soir avec ses soeurs. Les enfants arrivent, tout endimanches, et avec un melange de chansons de toute espece<( mais dont tres peu sont anciennes: On ne peut pas s'imaginer combien de chansons sans caractere ni sentiment vrai inondent les provinces. Les paysans preferent les vaudevilles de Paris a leurs anciennes ballades. En 1847 Baffbier a visite Stretat, ou, dans une des nombreuses grottss

des environs, il fait la connaissance d'un vieux garde-peche qui y

passe ses journees. On parle de Napoleon, et la conversation d du se

1. Dentu, 1883. trarxsformer en argument, le vieillard etant mi fervent admirateur de

I'EmpBreur; nous savons 1'opinion de Barbierl Le poete a rflechi, en ss couchant, a tout ce q.u'on lui a dit: la conversation I'a vivement frappe et nous pensons a son fameux iambe en lisant ces reflexions:

Get homme, q_uei etaiteil? un de ces mete'ores terribles q.ui passent dans le ciel des nations et pesent d'un poids immense sur la destinee- des peuples. Ce n'est pas seulement dans le petit coin de la Fri.nce CLue I'astre napoleonien fit sentir son ardeur, mais dans le globe entier q.ui fut rempli de son feruit et de son action. Que de milliers d'|*j;es, pendant ciuinze ans, I'ont encense et adore; q.ue de milliers aussi I'ont maudit et execrel 2t, tout compte fait, qua sait si ce brulant soleil n'a pas corrompu et devore plus d^ames gu'il n'en a feconde et rejoui?

En 185ii Barbier est a Jimboise; une scene a laquelle il assiste duns la foret de Montrichard donne lieu a des reflexions sur la priere^. II voit passer devant lui I'emir Abddl-Kader avec sa suite; c'est la fin de leur chevaucJaee j oiirnaliere, et ils s'agenouillent tous ensemble devant le soleil eouchant, formant un tableau emouvant.

'On etre Jaumain en priere, g.uand il n'^st pas un idiot ou une^pure machine, a toujours ete pour moi I'objet du plus grand interet.... (ciu'on 9j»pelle la priere mie illasion sonore et plaintive du cerveuu, une vaine melee de mots sans portee et sans conseciuence, cela se coiigoit Chez les negateurs de Dieu mais pour ceux gui y croient et admettent leurs relations, n'est-eile pas une realite bienfaisante'

En 1869 Barbier est alle dans les Pyrenees avec une jeune fllle malade. II la ciuitt* un jour pour famre une excursion a Saint-Savin, et

il nous fait la description du paysage par lequel il passe:

Bientot nous atteignimes la fin de la gorge, et un magnifique pano• rama se deroula devant nous; c'etait le val d'Arg&ies. La petite ville, a droite, s^etalait paisiblement au bord du gave et au milieu des plus fraiches prairies, le soleil inondait I'azur et dorait chaudemant les blancs eiuages q.ui s'y balangaient. On semllait echapper aux sombres escaliers d'un puits dantesque, et arriver a la pure fliuraiere des reg^ions du Paradis. Toute cette region le charme a un tel point q.ulil pense un moment venir

y habiter; et I'idee lui vient ...Ciu'-on conservatoire de musique, habilement dirige, seruit aussi bien place au chateau de Miramont Q.ue sur le ruisseau bourbeux da faubourg Poissonniere... Dans I'eheedote finale, CLui est de date assez recente, ^1872,)

Barbier rapporte une Mstoire (^u'on lui a racontee pendant un sejoar* dans la region du Loiret, chez la famille Dentu. C'est la legende de

Sainte-Emerantieniie, q.ui, attag.uee dans la fofet par trois bucherons ivres, s'est jetee dans une fontaine a laguelle on a attribue depuis des q.ualites curatives. Barbier se mociue de la superstition etui s'y attache; mais I'histoire et son raconteur I'amusent; et 6e memM66A raconteur, le vieux jardinier des Dentu, lui sert de .guide a un endroit egalement intSressant, au monument eleve a un soldat turc tu pendant la guerre franco-allemande. Barbier fait un dessin du monu• ment, et le met en ^ete de fli'^necdote .

Ainsi se termine le Yolxme/, .31 ces petites anecdotes He servent a rien d'autre, du moins reussissent-elles a nous reveler certains aspects de la personnalite de Barbier; son interet dans le curieux et 1'original; son habitude de parler librement aux gens cj.u'il ren• contre en voyage; son admiration du grandiose dans la nature; la mefiance de la superstition q.ui persiste en lui, meme jusciu'en 187£.

C'est dans ces vues fiur I'homme ciue reside le principal intere^ des

Histotres de Voyage; il y a la une simplicite, parfois une naivete, q^ulid a son claarme. Certaines histoires temoignant d'une foi dans un

Etre supreme sympathisant avec une race humaine dont la vie n'est gjie trop souvent rendue maliieureuse par "1'oppression des hommes et des choses." Les reflexions personnelles

Le volume a moins de valeur au point de vue litteraire; la prose de Barbier manq.ue surtout de cette energie q_ui aisrait marque les

J les lambes; on lit trop souvent des epithetes banales, des conversaiJ- tions sang vie, des platitudes ternement exprimees; la ppose de

Barbier, en somme, n'a.jamais egale sa poesie.

Uae des meilleurs preuves g.u'il y ait de I'eclectisme litteraire de Barbier, e'est ce petit ouvrage, recueil de traductions et d'adap^-

tations.tire a troms cents exemplaires en 188^5, I'annee meme de la mort du poete. Pour ces etudes, le poete trouve partout des sources

d'inspiration, dans toutes les litteratures, dans tous les genres de

la poesie. La preface nous le promet:

Dans notre longue vie d'ecrivain, une de nos plus douces occupa• tions a ete la lecture des poetes, non seulement ceux de 1'antiq.ui- te classicLue, mais encore aeux des pays etrangers, dm vieil Orient ou de 1'Occident moderne. Toutes les fois q.u'une piece de vers, un fragment de poeme, nous charmaient et nous emouvaient, nous ne • pouvions resister au piaisir de les faire passer dans notre langue et, alors, seloii la portee de nos connaissances, nous les tradui- sions strictement de 1'original, ou nous les imitions ou meme nous n'en prenions q.ue 1'inspiration Sn tachant de conserver le plus possible cj.uel(iue chose de la vigueur, de la grace et meme de la t6r forme d«.maitre. C'est ainsi q.ue, sans esprit de,s^steme et presq.ue a i'eventure, s'est forme ce petit recueil. On peut trouver de semblables essais de tradujation et d'imitation dans I'oeuvre de presg.ue tous nos poetes, depuis Ronsard jusc[u'a nos jours.

Le poete s'inspire d'abord des Latins,imitant de fibulle \m Hymnea

la Paix et traduisant de Stace I'histoire d'Achille et Deidamie.

Snsuite nous avons la t'lMtA^ traduction de la fameuse ode A A_

QuAmtus Dellius d'Horace: Souviens-toi de garder jjoujDurs une ame egale Dans le malheur et si la fmrtune s'installe Pres de toi, na vas point par trop t'enorgueillirI j0 Dellius, tu dois mourirl Les vers frangais manauen^t, foreement, de la precmsion du latin:

Aaouam ^memento rebus in arfluis Servare mentem, non secus in boms Ab insolentia temperatam Laetitia, morituspe Dellm j 446.

una traduction de Yirgile, Didon aux Enfers. est assez axacte. II y a un endroit ou l^s;vers fran(iais arrivent presque a egaler la beaute des vers latins:

Des CLu'il I'eut reconnu a travers 1'ombre obscure, linsi CiUe ciuelque'im voit ou eroit voir la figure Le la lune au debut de son cours et sortant L'un nuage, il pleura...

Mais q.ue la fin est faible.'

Et le heros, emu d'une fin si cruelle, Longteraps la suit des yeux, pleure et i^gefliit sur elle.. a cote du Virigile:

iNes minus Aeneas, casu perdussus iniq.uo, Prosequitur lacrymans lozige, et miseratur euntem..

Barbier s'inspire ensuite de Lucrece pour La Vache de Lucrece. en

traduisant la description de la vache qui a perdu son veau. (i.)

C'est une traduction fort libre, presque une paraphrase de I'original

latin. Suit une paraphrase d'une Satire de Virgile, qui est assez

courte pour que nous la donnions en entier, et dont le premier vers

vaut tout le reste:

yuand le boeuf a pas lents a laboure la plaine, A d'autres le ble des silions; Quand I'abeille fervente a fait la ruche pleine, A d'autres le miel des rayons; A d'autres les beaux nifis que I'hirondelle vive Mac^onne pour dormir le soir; A d'autres les baisers qu'une bouche naive Sur vos yeux devait laisser choir; A d'autres le gibier qu'un pauvre chien de chasse Tout un long jour a pourchasse; A d'autres le profit des rimes qu'on enlace; A d'autres ce qu'on a pense.

On s'Attend a ce que 1* poete des lambes ait bien commu Juvenal,

et dans le poeme qui suit il s'insipire I d'idees cheres au poete

latin; il compare d'abord I'epoque de Juvenal a la sienne; elle est: plus semblable au notre ic^u'on ne pense.... 1. He Rerum Batura. II. S5£-366. 44f/.

Puis il s'en prend au luxe, cause de tous les crimes, temminaiit:

0 puissant Juvenal, telle etait 1'hyperbole (ciue sur Rome langait ta morddnte parole; St c'etait ^ustament q.u'ainsi tu la navrais Car le feu du barbare et sa chute etaient pres.

^uittant la poesie latine, le poete se tourne ^ers le nord, et traduif'librement" 1'Invocation du Soleil d'Ossian. On ne peut pas dire ctue Barbier reussisse a ratiltraper 1'aibmosphere creee par Liacph- erson; ce. gue nous avons ici, c'est pj-utot un h^mne au soleil qui pourrait figurer parmi les Chants civils et religieux. (1.?), Le gaelicLue inspire Barbier encore uiie fois dans le poerae q.ui suit, compose d'^pres une poesie du temps d'iJdouard ler. Intitule -t^endant une Ihassacre de Bardes. le poeme est un vdigoureux ap_,jel aux bardes de mouTir plutot CLue de succomber a la tyrannie; chatiue strophe a pour vers final:

Jamais les fils du chant ne vivront dans les chaxlines...

Pour Monsieur Van Eieghem ces deux etudes sont egalemeut mauvaises.

..Oil le poete etait encore, enfasiii/, ou il n'e'tait plus lui-igme (luand il ecrivait ces choses. (2.) passant ensuite a la poesie suedoise, Barbier imite le chant d'un pirate: L'Amour de la Mer. Puis apres les pays du mord, c'est i'ancienne litterature de France gui 1'attire; il transpose d'abord une chanson bretoiine, Le Vin des Gaulois et la Danse des Spees. q.ui a pour refrain Feu, feu, feu. fer et feu; feu, feu, feu, fer et feul 0 terre, 6 siiene, 6 flot; terre, chene et flot bleu! (0-.)

II donne ensuite une version de la Mort d'Olivier de la Chanson de

Rolanfl. dans laguelle il a su conserver la ;t^aivete' de I'originyl^ comme en temoigne le morceau ciue nous citons ici:

1. Monsaeur Van Sieghem dans sa these erudite sur Ossian en France (i-'aris, 1917) s'est plu a ignorer tout ce q.u'il peut y avoir de beau dans cefete invocation et a citer des vers epars q.ui ne valenC certainement pas grand?chose. 2. Idem,Page 787. Olivier sent venir le noir moment; Ses deux yeux vont dans sa tete tournant; II perd I'ouie et la vue et mettant Pied sur la terre il s'y couche de flane. La, confessant ses peches clairement, II joint ges mains et dit en les haussant: Lieu, doniiez-moi le paradis riant, Benissez Charles et douce France autant Et par-dessus tout le monde Roland! Le coeur lui manque, et, sa tete tombant, Le tout son long sur le sol il s'etend, Ahl e'en est fait, il est mort maintenant. Aupres de lui pleure et gemit Roland. Jamais n'oirrez un homme plus dolent. Aoi.

Le J^anQois Villon il "arrange et rajeunit " une ballade, non pas une des meilleurss ni des plus comiues. La premiere stroxDhe est typique:

yui veut en amourette Levenir vite heureux Loit etre genereux Et porter riche aigrette, Ce que dames eraeut, C'est train de seigneurie, Ma is, par Sa inte-Mar ie, M 'a pas ce train qui veut I

Le moyen-age inspire ioujours Barbier dans 1'Esprit des i!aux, imite

du vieil allemand: la poesie allemande est aussi la source des six

poemes qui suivent, dont SceViae d'Ete. insiree de Goethe, qui inspire

aussi Vanitas Yanitatum; ce dernier rajpelle un peu Villon et la

Pleiade egalemeht, par le sentiment de sa strophe finale:

Maihtenant je ne pense a rien; iiussi le raonde m'appartieiit; Sout fuit, cheuison, bonne chere; Reste le plus mauvais du yin; Buvons-en la goutte dernierel

La ballade du Chevalier fogA-enbourg. est imitee de Schill?r; Nuit

d^Ete, de Betty Paoli, pseudonyme d'Elisabeth Gluck, est une iegere

poesie araoureuse du genre des Rimes Legeres.

De Mickiewicz, qu'il a oonnu. et admire, Barbier s'inspire dans le

sonnet La gempete. qui est de- qualite tres inegale. II rappelle encore

une fois la poesie polonaise dans Le Chant de Kornely imite de C. 4^.9.

Ayujeski, poete tue dans 1'insurrection poloiiaise de 1863. C'est le eri gue ies Polonais jettent vers Dieu, car malgre leurs malheurs, ils refusent de perdre leur foi. lis vaincront finale-^ient, disaat-ils, et auront leur liberte.

Kous Savons deja gue Barbier a bien connu et appreeie la poesie anglaise. II a ete, en effet, un etudiant iort erudit de Shak-esp:^are et s'est souvent plu a en traduire plusieurs passages?. Voici d'abord

"ill the world's a stage," en alexandrins. On s^nt tout de suite gue e'est la forme de I'alexandrin gui gene cette etude, poete est

ohsede par les necessite's de la rime, et force de donner guatre vers frangais ^ une idee gue le poete anglaid a pu exprimer en deux; par exemple: Apres lui, vous voyez le jeune homme amoureux, Chfciud eomme une foiirnaise, il etale ses feux Et chante nuit et jour une chanson dolente Faite sur le sourcil de sa superbe amante.

Que d'iMes inutilement ajouteesi Dans le vers "One man in his time plays many parts," "in his time"

devient "..dans le cours long ou breve de la vie." Et voici I'ecolier:

Ensuite I'e^olier apparait dans la lice; Les yeux toujours en pleurs et frais comme un matin De printemps, il se traine, un petit sac en main, felle que le liraaqon a la demarche molle Lentement, tristement, jusgu'au seuil de I'ecole...

(Et malgre toute cette preoccupation avec Iss rimss>^ elles ne sont

pas bonnes, remarguons "matin, main; molle,ecole•" )

(,;u'on regrette le His youthful hose, well saved, a woild too wide For his shrunk shank...

de Shk&espeare dans la version de Barbier: Le sixierae age mon^e, avec un front plus gris, Un maigre corps flo^tant en de trop grands habits... f50,

II a bouBse au cote, sur le nez des lunettes, Et Tie laisse tomber que des notes fluettes, Un aigre sifilement, un fausset enfantin D'uii gosier qui jadis tonnait comme I'airain...

Mais biami^ons moins Barbier que la forme qu'il a adoptee. Dans le

sonnet qui suit, version fran^aise du sonnet Ixvi de Shakespeare, il reste ijlus fidele a son modele. II garde la forme amglaise du sonnet,

trois quatjjains. et un couplet final, La critique shakespearienne des le

vices du monde est gideinent rendu, et le dernier couplet nous para it

assez heureux: Oui, las de tout cela, je finiraismes jours, W'etait que de mourir c'esti^ quitter 4es amours.(1.)

Dans L'Invocation au Sommeil, qu'il traduit d'henry 2V (I, Acte IIx,y^

Scene I.) Barbier revient a 1'alexandrin; il debute assez bien, mais

son vers

Et dans I'oubli des maux ne plonge plus mes sens...

na saurait rendre la beaute de 1'anglais:

And steep my senses in forgetfulness. Au reste on pmurrait appliquer les remarques sur la traduction de As

You Like It. On se demande pourquoi Barbier n'a pas fini le passage. 1

II a completement omis la fin sii connue:

Then hapjjy 4ow, lie down I Uneasy lies the head that wears a crown... Apres Shakespeare il se met a traduite Milton, l^ous avons d'abord

une traduction libre de la Song on May Morning, que Barbier appelle

Salut au Printemps. Le Sonnet de Milton qui suit est superieur. Barbier

savait fair* les sonnets, ia traduction n'est^.pas litterale, mais il y

a des parties tres bien faites, par exemple ee vers:

Calme, je marciie droit et 'ne perds poiiit I'espoir.

1. Ce poeme a figure dans la contribution de Barbier au second Parnasse 45.1.

et le tercet final:

Ce penser me soutient, et, seul, guidant ma vie. Par le fracas du monde et dans sa comedie, ivie contente le coeur j'fegu'en la cecite.

Suit une version de La Rase kouillee de Cowper; et ensuite deua

versions de Burns, gui font penser tout de suite a la traduction de

l"oeuvre complete de Burns par I'ami et collaborateur de Barbier, Leon

de V^ailly . Barbier a traduit John Anderson, my Jo. John, et On a

Wounded Hare . Nous.avons compare les versions d^s deux poetes; celles

de Barbier sont p^utot des paraphrases, cemme il arrive si souvent,

bornees par les exigences de la rime et du rhythme; De V/ailly, par

contre, traduit litteralement, sans rime; on pourrait ecrire sa ver•

sion qomme an passage de prose. Cependant nous croyons gue c'est lui

gui a le mieux retrouv^I I'esprit du poete ecossais, —en tant gu'on

puisse reproduire Burns dans une langue etrangege.

Barbier a beaucoup admire Byron, on le sait par son poeie de

Westminister; sa version des Derniers Vers de Byron est plutot une

parapiirase: voici les deu« dernieres strophes:

Pourguoi vivre, si tu regrettes ta jeunesse? l'j'as-t«. pas devant toi les plaines de la fe-ece. La terre de I'honneur et d'une belle fin? Dsboutl a la bataille et dans sa uouge ivresse Finis ton douloureux dentin I D Cherche ce gui souvent est aua ishamps de ce monde, iaoins cherche gue trouvg, cette fosse profonde, Ou du brave sans vie on enferme les os;.(l.)^ C'est pour toi le meilleur.,..vols, regarde aZ la ronde, Prends ta place et fais ton repos....

Dne versioa interessamte de Longfellow tsrmine les traductions de

poemes en langue aiiglaise. ¥oici guelgues-unes des strophes les plus

connues dans 1'original:

Les ombres de la nuit tombaient vite sur terre Au raomeht ou passait dans un village alpin

1. Cf. 1'anglais: .-..a soldier's grave...! 451 •.

Un jeune homme portant a travers cedre et pin Et neiges et glagons une blanche banniere Avec eette devise en brillant caractere: Excelsior I

Me tente pas la passeyi, o voyageur, arrete I Lui crie un bon vieillard! I'orage sur ton front Va fondre, le torrent qui mugit est projffond, Prends garde I Mais la voix toujours plus forte et nette Et semblable au clairon retentit et repete: Excelsior! Sees Prends garde aux rameaux des pins quand 1'ombre gagne Surtout crains 1'avalanche au terrible pouvoirl Eel fut du paysan inqmiet le bonsoir A 1'ardent voyageur poursuivant sa campagne Et ce mot retentit au loin sur la montagne: Excelsior! C'est ensuite la litterature italienne qui fournit a Barbier d^s etudes de traduction. II commence par une chanson napolitaine, Le Reve du Pecheur. puis il traduitdi^ de Franco Sachetti une idylle du quator zieme siecle, Les Cueilleuses de Fleurs. On sait que Barbier a ete un fervent admirateur de Dante. Voici une version de I'e'pisode des amants de Rimini. Mous avons compare sa version avec celle d'iintoni Des- champs, que Barbier, lie avec Deschamps eomme il etait, n'aura pas manque de lire. (1.) La traduction de Deschamps est a curtains egards plus fidele, mais lui aussi ajoute ou omet une idee ga et la, Voici ses premieres vers: Gorame au tomber du jour deux colombes fideles Volent a leur petits, battaht I'air de leurs ailes, Ainsi vinrent a nous ces esprits malheureux, Sant mon appel touuhant eut de force sur euxl

L'esprit general de la version de Deschamps est plus dant'esque que dans celle de Barbier; bien que Desc&s fasse souvent de graves

omissions d'idees que Barbier amplifierait, un vers de Deschamps suff:

-fit comme ne suffiraient pas dix de Barbier a nous rappeler la concision de Dante: j,. :.

1. Divine Comedie, 1839. in-8°. 453.

Barbier: Amour nous conduisait a la meme souffranee, La meme mort

Descharaps: Amour nous a conduits tous les deux au trepas...'

Malgre certaines ressemblances nous croyons gue la traduction de Barbier est independanfte de celle de Deschamps. C'est probableraent par Des- champs gue Barbier a d'abord connu le poeme de Dante; avant son premier voyage en Italie il he parlait pas bien I'italiafl, Mais il est probabie gue cette traduction date d'une epogue beaucoup plus recente, epogue ou il connaissait assez bien I'italien pour le traduire independamment.

Barbier a conserve le plan de rimes de Dante, des strophes de trois vers, rimant a,b,a,. kais les exigences de la rime et du vers alexand- rin empechent gue la. traduction soit tout a fait exacte. II y a parfois

guelgue chose d'omis, parfois guelgue chose d'ajoute. Voici les deux

premieres strophes: nous soulignons ce gui est ajoute:

Comme deux blancs ramiers gue leur desir entraine D'uh coup d'aile volent a leur doux nid, De meme, hors du groupe ou Didon, triste reine.

Souffrait. ces deux damnes que la tendresse unit Arriverent a nous au travers de I'air sombre, Repondant a I'appel gue notre voix leur fit. (1.)

nou3 trouvons gue4guefois d?s periphrases regrettables; "la terra dove

nata fui " devient: Le sol ou Dieu m'ouvrit les yeux a la fllii ctumiere.. . .'.

La traduiation frangaise de

Ijessun maggior dolore Che ricordarsi del tempo felice XJella miser ia.. ..

n'a pas la beaute de I'italien: o ....II n'est pas de plus^ grande douleur Quedi^ de se rappeler dans ses jours de martyre Le temps;gui fut heureux....

-1 ^-w-i <=1H1 disio chiamate,

VAnP"on per I'aer dal voler portate... 45:4.

Barbier n'a pas traduit tout le chant; sa version se termine par le

recit de i'rancesca. Voici la fin de sa traduction:

Quand nous vinmes au poiijt de la tendre lecture Oil I'amant imprima sur le souris charmant De I'amahte un baiser, celui que Dieu torture, Mais que jjien ne saurait me ravir maanten&nt. Tout tremblant, se pencha sur dja bouche.. .1'ouvrage Fut notre Galehaut en ce fatal instant,

St nous ne lumes pas ce jour-la davantage.

Un sonnet de Michel-Ange sur Dante est son prochain essai.

Descendu de ce monde au i^ejour tenebreux, Dante vit de I'enfer les royaiames rebelles Et, viyant, jusqu'aux cieux montant avec les ailes De I'ame, il nous en fit le recit merveilleux.

Astre aux puissants rayons, il decouvrit aux yeux Des mortels aveugles les choses eternelles Et reQut pour le don de tant de clartes belles Le prix que trop souvent I'on donne aux plus fameux.

Sa grande oeuvre fut mal accueillie et comprise Ainsi que I'amitie vive qu'il avait mise En un peuple du juste ennemi resolu.

Ahl que ne suis-je ne pour un destin semblable! J'eusse au sort le plus doux et le plus enviable Prefers son exil amer et sa srertu. (1.)

Barbier adopte encore une fois la forme du soruiet dans 1'h.eureux

Declin. traduit sur un sonnet du Easse. Puis se tournant vers la

poesie italienne de son epoque, il traduit librement la description

de I'Infini de Leopardi; un de ses vers:

La majeste du silence infini...

est magistral, avec ses reminiscences de Pascal. Sainte-Beuve aussi

a fait une version de ae^t poeme(2.) que nous avons cru pouvoir

etmdier a ce propos. Celle de Barbier est plus longue. Barbier a

beaucoup ajoute a I'italiaa, mais il nous semble qu'il a conserve

plus de vraie poesie qu'on n'en trouve 4ans la version plus concise

1. Ce sonnet a paru dans le second Parnasse Contemporain. Z. R.D.M. 15 sept. 1844. Page 922. Poetes mo'dernes de I'ltalie. 4t5S. r de Stinte-Beuve. Barbier abandonne en purtie 1'alexa^xdrin:

Chers d6M& ib'ont toujours ete ce talus solitaire, St cette haie en verte frondaison Qui, formant un obstacle au jeu de ma paupiere Entierement me cachent I'hojjizon. Assis et regardant ce reppart, j'imagine Bien au-dela des espaces sans fin, Des silences gue rien n • interrompt, ne domine, Des eiimes pleins d'in effroi souverain. Et tout en ecoutant le vent dans le feuillage Penetrant fort ou glissant a demi Je m'en vais com^^arant a son vain babillage La diajeste du silence infini. Alors lieternite revient a ma pensee, Avec ses jours morts, eteints a jamais, Et je me dis: guej^ sont, sous son onde glacee, Sous les grands bruits gue les siecles ont faits? Dans cette immensite je m'abime et me noie'J Pour en sortir je ne fais nul effort; Au contraire je sens meme mie douce joie A naufrager dans cette mer sans Jaord.

C'est dans un article sur les poetes contemporains de 1'Italie gue

Sainte-Beuve trouve 1'occasion de traduire Leppardi. II garde la

forme de I'alexandrin: ^'aimai toujours ce point de^colline deserte, Avec sa haie au bord, gui clot la vue ouverte, Et m'empeche d'atteindre a 1'extreme horizon. Je m'assieds; ma xoensee a franchi la buisson; L'espace d'au-dela i'en devient plus immense, Et le calme profond et 1'infini silence, &e sont comme un abime; et mon coeur bien souvRnt En frissonne tout bas? Puis, comme aussi le vent Fait bBuit dans le feuillage, atdM mon gre je ramene Ce lointain de silence a cette voix prochaine; Le gi'and age eternel m'apparait, avec lui fant de mortes saisons, et celle d'au.jourd'hui; vague echo. Ma pensee ainsi plonge a la nage, Et sur ces mers sans fin j'aime jusgu'au naufrage.

Dn Premier Srait du Cid est imite du Romancero. Barbier a choisi

1'incident gui deciit comment Don Diegue decide leguel de ses enfants

est digne de le venger. Du portugais de Camoei^ns il s'inspire pour

I'elegie gui suit. iJous ne savohs si Barbier lisait le portugais; de

toute faQon Camo^ns avait ete beaucoup traduit en frangais pendant 455.

le dix-neuvieme sieele. Les trois poemes qui suiv^nt sont imites du persan, de Ja'uiai, de Hafiz et de Sadi. (1.) Ce sont des poemes d'un lyrisme leger: le.premier deerit Le Reveml de la Sultane par un beau matin par fume. Le jGLhant dgi Buveur exprime la meme ide'e que le Rubaiyat d'Omar Khayyam:

A Siaut n'est que nuage ici-bas, illusion qui fait nos pas; Ainsi done, aux corps delieats, ,iiux parfume blancs et roses, Borne tes voeux sans esperer iamais coopi^endre et penetrer La sainte ohscurite des chosesi

Suit una courte odelette,^luie de Printemps. imite d'un poete

chinois; du chinois aussi vient La Plainte des Soldats. imitee du

poete 2hou-Fou, d'apres la version de Hervey Saint-Denis?. Les trois etudes qui suivent sont iaspiresd de la Bible, Nous avons d'abord une

imitation (fort amplifiee) du premier psaume. Compar6(ons les deuKiem.e

et troisieme strophes avec la version biblique. La forme poetique n'd

pas rendu plus belle la prose de la Bible:

Mais heureux qui se plait aux lois de I'Eternel felleraent qu'absorbe dans les choses du ciel Siuit et 'jour il medite La parole donnee au Sina tout en feu Et par la forte main du prophete de Dieu Sur les tables ecriteJ

II sera comme I'arbre aupres des vives eaux iciui rend dans la saison des fruits nombreux et beaux, Et dont le vert feuillage Toujours touffu, toujours frais et renoiwele, 1)6 laisse jamais voir de son bois desole Le sterile brahchage... La paraphrase de la Lamantation de Jeremda est si bien faite que nous

croyons pouvoir la citera^ en entier:

1, Nous n'avons pas trouve de traduction de Jaumi dont Barbier ait *pu se servir; de hafiz il n'y a pas de traduction francaise avant •^oelle^de A.L.M. Nicholas en 1898; peut-etre Barbier a-t-il eu acees a une traduction anglaise ou allemande. QuanJ; a Saiffi, la seule traduction frangaise anterieure a 1882 que nous avons pu trouver est de 1824. ^5ff.

Pres des fleuves de BabM assis les yeux tout en pleurs; i-Jous songions a toi, Sion, et muets dans nos douleurs

IMous laissions nos harpes pendre aux saules verts du rivage: Alors nos vaingueurs ont ^it/, pour railler notre escidvaga:

Chantez des airs de Sicnl Ahl comm.ent pouvoir chanter Le saint nom de Jehovah sur le sol de I'etranger?

0 chere Jerusalem I gue ma langue soil? fletrie Et ma main froidie et sechee avant gue mon coeur t'oubliel

iMon, jamais aucun de nous point ne cessera de voir En toi le cho^ip du salut et I'etoile de I'espoir.'

0 Baball heureux gui, te rendant nos miseresyi, Prendra tes petlts enfants et les broira sur les pierres.

Finalement, en fait d'inspiration bibligue, Barbier imite d'une vieill£

•Bible du dix-septieme siecle un fragment du Cantigue des Cantiques. II trouve des phrases fort jolies:

Je suis la rose de Saron,

Le muguet odorant gui croit dans le vallon... et bien gjae la simple et legere gaite ptintaniere de 1'original ne soit plus la meme dans les alexandrins de Barbier, elle est cependant assez heureusement interpretee: Car I'hiver a guitte les fo^ids de la vallee, ^ Et pour longtemps du ciel I'onde s'est ecoulee.

Partout sroissent ies fleurs, aux pres, sur les buissons, Et comme elles partout renaissent les chansons: St dans tout le pays vert de feiiiilles nouvelles Setexitit doucement la voix des tourterelles.

Le figuier a pousse de'ja ses premiers fruits; Les vignes sont en grappe et leurs grains elargis Repandant dans les airs une odeur ravissante laisse, laisse ton lit, ma belle languissante!

Les travaiix arabes de M. Fulgence Bresnel inspirent Barbier dans

les trois poemes gui suivent. Les traductions en guest ion se trouvent

dans les liettres s\ir I'Histoire des .arabes avant I'IslamismeCl.) du

meme Fresnel. Les versions de celui-ci sont en prose, Barbier les a

1. Paris, 1836. in-8°>^ , , 45?. transposees en vers. D'abord il donne une peesie arabe de I'epoque avant Mahomet. La Mort de Sakhar. etude q.ye Barbier a publiee dans le second Parnasse Contemporain en 1871. Au Desert exprime lesadieux au monde de Schanfara, le eoureur, qui s'en va vivre au desert. On a assez complete centre lui; il veut desormais vivre en paix.

C'est de la poe'sie in&ienne que Barbier s'inspire ensuite, d'abord pour une serie de Paysages. Interieur de Foret. L'Illusion, la

Sempete. Bpitaphe Sancrite. II ne donne de soufce que pour le deuxieme qui est d'AMrou. Ce sont de courtes etudes que ces paysages tans grande vileur poetique. Le Sacrifice de Sita est "imite de la traduc• tion latine d'Eschoff," selon Barbier. C'?^st probablement une version du Bhagavata-Purana nous n'avons pu la trouver.

Tout le reste du recueil 6L'inspire de la litterature grecque.

D'abord Barbier imite de Platon une courte Priere Socratique dans lae

quelle le poete implore les dieux de lui accorder la beaute de I'ame

plutot que celle du corps. Le Berger de Moschus respire une beaute

pastorale rafraichissante. L'etude Les Sarmes dejcjapris est traduite *

librement du poeme de Bion, decrivant les lamentations sur la mort

d'Adonis. Barbier ne rend que celles de Cypris. Elle se jette sur le

corps mort d'Adonis, le priant de se reveiller. ^ue pourra-t-elle

fairs sans lui? Bien qu'elle soit deesse, elle n'y pent rien.

Persephone I'a vaincue cette fois. Comme poesie cet«< effort de Barbie

ne vaut pas grand'chose; mams remar^uons ce vers:

Tu voles sur les bords de I'onde tenebreuse..

vers tout racinien dans sa sonorite et son equilibre harmonieux.

De Eyrtee, a qu^i Barbier a ete si souvent compare par Is s

critiques, il traduit une Bloge |, la Valeur; il est interessant de

noter gu'il I'a firaduite en lambes. II n'y a pas a en douter, avec la forme du soniiet celleeLe de I'iambe est la forme ou excelle Barbier,

II reussit a lui doimer une vigueur at un entrain ciui emj^ortent le lecteur: Jemies gens, apprenez a bien agira^ en guerre; Des braves imitez les faits; Sous votre bou^liar ne restez pas arriere, Loin du bruit et du vol des traits I

Krappez, casg.ue sur 8asq.ue, aigrette sur aigrette, Pied centre pied, sein centre sein, Luttez et pi^ue ou glaive, en vigoureux athlete, Zri(£5Jfi Arrachez I'arme de sa main...

Homere inspire Barbier dans la partie de 1 'Iliade gui de'erit les adieux d'iiector a Andromac.ue et a leur fils^. Barbier traduit la scene en alexandrins. Les deux moreeaux ci.ui suivent sont des essams drarna- tiq.ues, traduits d'^risl)ophane et d'Euripide. D'Jiristophune nous avons un fragment de la coraedie de PlutusOn se demande pourquoi

Barbier I'a traduit en vers de dix syllabes; peut-etre pour doniier au morceau la lejeperete guexige le genre comicLue, De la comedie Barbier passe a la tragedie et traduit toute la scene de la mmrt d'Alcest^ d'Suripide. On remarciue une variete de rhythmes, d'abord une strophe et anti-strophe dans lesq^uelles Aleeste et Admete se plaignent de leur malheur et im^ilorent la pitie des dievuc. Les deuxiemes strophes et anti-strophes sont ecrites en Sambes; nicest? voit deja la barq.ue de filiaron, et Ades ciui la regarde d'un oeil terrible. Suit ime epode, ecrite en vers octosyllabes; et le reste du morceau est en alexandrins

L'essai final coneiste en des pensees t^aduits de Pindare. i\Ious donnons tout le morceau, ciui n'est pas long:

Homme q^ui passes sur la terre, iiji'est-ce |tre ou ne pas etre? Ta vie est un instant; C'est le feve d'une ombre, encor n'est-il brillant Et doux CLu'autant aue Zeus y repand sa lumiere . Tout ce qu'on entreprand au rebours de, natiire Et I'on fait sans souci de la divinite iSst oeuvre secondaire et de faille structure, Peu digne de passer a la posterite. 460.

La Ivlort de Barbier. En 1880 et 1881 la sante de J^arbier declinait visiblement; c'etait en 1880 un vieillard de soixante-Q_uinze ans ciui avait vecu pendant les troTks quarts d'un siecle fort trouble. Selon Mouard Grenier,(l.) ce fut a la fin d^ 1881 cLu'il se rendit a pour rechauf-fer au soleil du Midi son sang refroidi. II fmt accompagne de Madame Hons-ulivi'^r, qui s'occupa lie lui juscLu'au dernier moment.

A la meme epoq.ue Victor de Laprade etait malade a Cannes: des nouvelles officielles de I'etat de sante des deux eurivains parvinrent de temps en temps a I'Acadamie frangaise. Le 14 fevrier 1882, jour meme de la mort de Barbier, parut le mi^.tin dans le Monitaur "Universe 1 une note a ce suje$: L'Academie frangaise a r.eQU des nouvell^ s officielles de la sante de Ml. de Laprade et Barbier. Les deux malades vont beajicoup raieux, M. de Laprade est en voie de guerison. Quant a M. Barbier, I'air de 'hio4 lui fait beauooup de bien. Les nouvelles officielles avaient ete trop optimist^s. Depuis q.uel(iue temps Barbier lui-meme savait ci.ue sa fin etait prochaine. Grenier nous decrit une visite (iu'il fit au vieux poete la veille de sa mort. II savait son etat, et il m'en parla avec la simplicite et la serenite d'un vieux sage. SBout malade q^u'll etait, il pensait a laprade, et lui envoya par

Grenier des mots pie ins d'affection et de sympathie; Dites-lui q.ue jusciu'au dernier moment je I'ai aime, et ce dernier moment est venu. Cette preuve d'amitie est d'autant plus touffhante (lue Laprade lui- e meme, quand Grenier alia le voir, le jour de I'enterrment de Barbier, fit pareille preuve d'affection. We. sachant pas ciue Barbier etait deja moapt, car il etait lui-meme trop malade pour cLue Grenier eut ose le

1. So.uvenirs litteraires. Chapitre sur J^arbier. 461. lui annoncer, il dit a celui-ci: Vous irez voir Barbier a Iiice, j'espere q.u'il va mieuil: cLue moi. Nous ne nous verrons plus, sans doute, car je suis condamne. Faites -lui toutes mes teiidresses et dites-lui cj.ue je I'ai aime jusci.u'au ffernier moment. En effet, il ne survecut a Barbier q.ue d'une annee.

Dans ce raeme recit, Edouard Grenier fait la louange des soins infatigables de Madame Kons-Oiivier, gui avait q.uitte Paris, son mari et ses enfants pour ivlleger les derniers jours de son vieux parrain, Barbier semble avoir depuis longtemps adopte cejb^e famille Dentu-Hons- Olivier-:-; comme lid sienne. S'etaiit eloigne de la famille de sa soeur,^ comme il parait, et restant sans femme et enfants lui-meme, il avait adopte ou plutot il s'etait fait adopter par la famille de son ami Edouard Lentu; ml se rendait chez eux fort souvent, a Paris, et dans laur propriete de campagne a Mons-Athis; et ce fut lui §ui devint parrain d^une fille de la famille, q.ui se maria avec M7 .Hons-Olivier. II existe toujours a Paris d^s membres de la famille Hons-Olivier, ci.ue ^VL0 nous avons eu I'honneur de connaitre. G'est chez eux q.ue se trouve une bonn§ partie des lettres, des tableaux, des meubles meme q.ui ont appartenu au poete; c'est un vrai musee Barbier. Ce iiul nous a ete surtout precieux, c'est le temoignage verbal 4®s nous avons pu obtenir de Madame xiippolyte Hons-Olivier, belle-fille de la Madame Hons-Olivier dont iious avons fait mention. Madame Hippolyte Hons-Olivier a ete liee avec les families Lentu et Hons-Olivier avant son mariage meme, et se rappelle avoir vu Auguste Barbier chez les Hona-Olivier q.uand elle etait encore petite fille.

Le dernier jour/e'^* arriva le 14 fevrier, 1882, la derniese heure a s4pt heures du matin, selon I'acte de deces. (1.) Dans I'ecrit

1. Depose aux Archives de la Mairie de Hice: Acte de de'ces de Barbier, genri Auguste, chevalier de la Legion d'honneur. . • .decede a l^ice, rue Jenny, a 7 heures du matin 462.

testamentaire cLui contient la profession de foi faite pas le poete avant sa mort, il avaitf^^t^ exprime le desir q^ne ses obse^ues eussent lieu a I'eglise de sa paroisse, Saint-Germain-des-Pres, et c'est la q.u'elles furent ^jelebrees. lious en trouvons le recit da^is la plupart des principaux journaux de I'epocLue, (la mort de Barbier avait eveille. plus d'interet q.u'auciin evenement de sa vie, depuis les lambes,) Le GauMas. laris-J ournal. Journal des Deb at s. Constitut ionnel. le Figaro le gemps. La Presse. le Moniteur bniversel. etc. Laisson parler le Figaro; ce journal donne la liste des principales celebrites Q.ui y assisterent:

Hier a midi ont eu lieu a I'eglise Saint-Germain-des-Pres les obse- q.ues de M. Auguste Barbier, de I'Academie franqaise... Le deuil etait conduit ^ar le neveu (sic) de I'auteur des iambes, M.. Jules Barbier, et par k. Daubigiy, (sic) son beau-frere, Les cordons du poele etaient tenus par Mi. Camille Rousset, directeur, Caraille Doucet, secretaire, Caro, chancelmer, de I'Academie frangaise et Ferdinanfl. Denis, de la Societe des Gens de Lettres, conservateur de la bibliotheqjae Sainte-Gehevieve. Dans 1'assistance tres nombreuse nous avons remarq.ue Mi. Alexandre Dumas, Desire Misard, due d'AndiffrS-Pasq.uier, due de Broglie, • Eugene Labiche, Ei^rnest P.enan, Jules Simon, Hippolyte faine, Gaston 'LM6ii^L&4 Boissier, Pousse, J.S. Dumas, Sully-Prudhomme, Henri Martin, John Lemoinne, baron Larcey, Bertrand, Barbier de k^ynard,. Sdouard Thierry, .. .Auguste luaciUet, Arsene Houssaye, Leconte de Lisle, Robert de Bonnieres, Anatmle France, EM. Gonzales, S. Dentu, ...Sony Revillon, Frangois Coppee, etc... L'inliumation a eu lieu au cimetiere du Pere—^achaise. Selon la volonte expresse du defunt les honnexirs fliilitaires ne lui ont pas eje rendus, et aucun disoours n'a ete prononce sur sa torabe7. (1.)

La plupart des journaiix et des revues disent la meme chose: (2.) une courte revue de la vie de Barbier, une imp^ression generale de son oeuvre, une anecdote plus ou moins apocryphe, un dernier regret q.u'il i'ait pas realise la promesse des lambes. voila comment nous pouvons resuraer la plus grande partie de ces articles. Celui du Constitutionnel

1. Mardi, ai fevrier, 1882. £. Avec ceux dont nous avons fait mention, LP Revue^.jgftR Deny ^^Q^^QS. lui consacra un article; la Revue Bleue eut un article, et des notes Voir aulsf !erMlmorand4 de I'^cademie de Caen, et la ^lova AntolOiEcia. • " 465. •

du I'D fevrier est en particulier pie in d' inexactitudes et de platitudes Lu Moniteur Fniversel nous savons que le premier occupant du

fauteuil academiciue de Barbier etait Chapelain. Paris-Journal donne,

le 16, un article de E. de Fourcy, q^ui contient des critiques assez

severes. Puis le lendemain, autre article, de H.P.; celui-ci parle de

"1'injustice " du premier, et appuie ses propres louanges de Barbier

par I'article de Sainte-Beuve paru dans le Imtional de ISZ'o. (1.) Ce

journal nous doime aussi d'interessants details biogrgi§ha§ues, nous

disant q.ue la soeur de Barbier lui a surve'cu, q.ue Jules Barbier,

I'auteur dff£taatiq.ue, est neveu de Barbieren realite' ils sont cousins) et q.ue le grand^pere maternel de Barbier etait orfevre de la couronne le

sous Louis AVI. C'est uussi^Parisj^Jqurm du 3 mars Q.ui cite ce mot de

Sainte-Beuve: Barbier! c'est un exercice a feu ^ue nous avons pris pour une bataillel ' Un article de Janus dans Le Figaro du 15 fevrier hous fournit cette

descrijbtion ciuel^ue peu malicieuse du vieux poete: Le menton en casse-nomsette, des lunettes d'ecaille, un chapeau gris avec un crepe, xm eternal parapluie, . .et des guetres blannhes comme pour celebrer le printemps... Get article temoigne des sympathies parnnssiennes du journal en admi-

rant il Piaato plus q.ue toutes les autres oeuvres de Barbier, ^omrae

1'avaient admire les poetes du Parnasse.

Jules Ciaretie, dans Le Igemps du 17 fevrier repete encore un bon

mot de Sainte5-Beuve, mot empreint de tout'-la malice dont celui-ci

etait caijable: Barbier...me represente assez bien un homme q.ui entre dans une riviere. II se jette |, I'eau et commence par nagar admirablement, ou plutot, comme il a pied, il se tient droit et fait bon visage, puis, k mesure Q.u'il avance.^il sent le .terrain manq.uer sous ses , . pas; I'eau monte, le sable derobe, et I'homme s'enfonce. II barbote!

Cite §. la page 148. 464.

Le Monde Illustre du 25 fevrmer 1882, ne differ? pas d^s autres dans son re'sume des principaux faits de la vie du poete. Pierre Veron,

cei^endant, dans son article consacre a Barbier, s'ecarte de la plupart des eriticLues, trouvant dans tous les articles "la meme ritournelle."

yui aurait jamais cru ciue ce vieillard ratatine, (j'ai compte "ratatine" luie trentaine de foisi) fut I'auteur des lambes ciui... Comment les lambes.ce chef-d'oeuvre, ont-ils pu sortir de ce cerveau rabougri, dont... -On ne comprend pas Cj.ue I'homme ti.ui ensuite ^Higna des oeuvres d'une mediocrite inconestable ait pu... Et tout le temps sur ce ton d'eerasante amenitei Malheureux Barbierl .... Polybiblion (1.) domie une eourte notice necrologiciue: 1' Intermediamre

des Chercheurs et Gurieux dit c^u'a la fin "Barbier n'etait plus oue

la/.momie de lui-meme," suivant le mot d'un pittoress^ue confrere, (2.) (3.) "aorainis umbral'" L'Illustration reproduit le medallion (^ue David d'lingers avait fait du poete des lambeg;^. (ce medallion est actuelle-

iient Chez les Hons-Olivier, ) mais ne dit rien de nouveau sur sa vie;

et I'on ne s'etonne plus a lire des critiQ.ues comme la suivante: Les eclatants debuts de Barbiei? devaient, toute sa vie, peser sur lum. Createur d'un genre nouveau et d'une langue nouvelie, au moins par le choix et 1'accouplement des mots, on le claq.uemura dans ce genre sans jamais lui permettre de mettre sa lyre d'accord avee le temps. (II peut y avoir du vrai dans ce dernier jugement.) En somae, nous pouvons resumer oe q^u'ont dit tous ces articles ou

au debut a la fin, en,citant iienri de Chantavoine: II vit et il vivra par(ce au'il a eu en lui a une date benie, d'ori• ginal et de passionne. 2out est la; laisser apres soi un livre, une page, un mot, iiui ne passeront point; un brin de laurier c-ui pousse sur une tombe, vert et vivace: un mot q,ni dure et trio^iphe, malgre la mort et malgre le temps.(4.)

1. Deux:ieme serie. Tome Jjf'/. 1882. 2. 25 fevrier, Page 97. 2. 25 fevrier, Page 120. 4, Revue Bleue, III. 18 fevrier, 1882. Page 196. 465.

CHAPITRB Dli:.

L'oeuvre posthume. Barbier a laisse apres sa mort une ciuantite de notes, de souvenirs epars, de poesies inedites, ioiuelcLues-un^s de ces fragments sont d'une grande valeur; d'autres He semblent pas servir a grand^chose, ni au point de vue biogrgphigue ni au point de vue litteraire. Le poete n'a rien voulu sacrifier, S'il avait vecu un peu plus longtemps, il aurait sans doute tout publie lui-meme: il avait dejaf fait imprimer pendani sa vieillesse plusieurs ouvrages cj.ui sont d'une periode tres anterieurej

L'oeuvre posthume consiste en fragments composes a divers moments de sa vie, A' ses exe'cuteurs tesiamentaires, il a legue la tache de les classer, tant bien ciue mal, en faisant des volumes aussi homogenes q.ue possible...... et de ne rien omraettre! Sdouard Grenier et Auguste

Lacaussade, les executeurs en q.uestion, avaient ete les amis intimes de Barbier; ils ont admite son oeuvre,. . .mais ils en ont reconnu les bornes; leur admiration n'a pas ete sans q.uelgues reserves. Aussi se sont-ils trouves dans vin certain embarras, eonfrontes par cette masse de feuilles diverses, dont chacune devait etre communiq.ue'e au public.

Edoujsrd Grenier en fait I'aveu dans ses Souvenirs litteraires: II nous confiait le soin.de publier tous ses manuscrits, sans novm donner la liberte d'y fa ire un choix du des coupures. La tache etait difficile, et notre piete affeetueuse fut q.uelq.uefois en conflit avec notre gout personnel, comme le respect q.ue nous portions ^a la rr,^mni-r.ft dii Qoete le fut avec le devoir q.u'il nous avait impose. En memoire du ppete ±e lui avcn; u-cvw^-x ^_ effet, pourauoi pas le dire? Barbier e'tait encore mo ins artiste dans sa psTose q.ue dans ses vers, ou 1'inspiration l"emportaient d'un ^6 coup d'aile vi^oureux au-d^ssus des petitee regies Q.ui gouvernent la langue et meme la grammaire. Dans la prose il en va autrement, et lal la negligence du vieux poete etait extreme et sans compen• sation. Les poesies memes gu'il nous priait, ou plutot q.u'il ^ous enjoignait de publier, se ressentaient de ce laise^r-aller; elles n'ataient rien qui put ajouter a sa gloire..... 466.

Un cas de. consciexice litteraire se posait ainsi devant nous. Pou- vmons-nous faire un choix? l\on, le testament etait formel; nous n'etions pas libres; il fallait done tout publier, meme I'muti -J. -1 „ J, .^^«^=,-,-v- rfPw-iffi fin -nsTflii -nas? OU etait la vraie pie

lis ontd. done tout publie, mais en corrigeant "l^s petites fautes" de grammaire ou de prosodie, Grenier re'pond a Monselet, qui leur reproche d'avoir tout publig,(2.) lui signalant q.u'ils n'ont pas eu la liberte

du choix: ^nous ...puiSQ.ue Barbier lui-marae^ avait lie les mains, et ciue nous etions

les premiers a la regretter.. (1.)

Le premier volume gui resulte des soins de ces deux amis est le

recueil de memo ires intitule Spuvenirs personnels et Silhouettes coni!^

temporaines. Celle-ci est de beaucoup 'Ala. partie la plus interessante de 1'oeuvre posthume. Elle jette de la lumiere sxir les evenements de

la vie de Barbier, sur son temperament, sur ses amitie^s et ses

inimities, elle est, en somme, de la plus grande importance pour tout

biogrfpfee d'Auguste Barbier, et presq^ue egalement, pour les biographes

de ses contemporains. C'est un livre g_ue nous avons eu mainte fois

1'occasion de citer . Kous nous contentons ici d'en indiciuer les grands

1igne s.

Ces souvenirs sont divises en deux categories, les Souvenirs per•

sonnels et ceux q.ui concernent les eontemporains celebres du poete. Z

Les premiers sont precieux au point de vue biographi(iue; c'est par

^eux. que nous reconnaissons le devouement filial du poete pour sa

mere, 1'affection chaude a^'il temoignait enters son ffieut oncle; ^7

c'est la ci.ue nous avons le recit interessant du role gu'a joue

Barbier dans la revolution de 1848, recit q.ui a sa valeur historiq.ue 1. Souvenirs litteraigas, Chapitre sur Barbier. 2. Mes Souvenirs litteraires 1888. 57-65. Sur les Souvenirs de 46 (to en meme temps q.ue biographiq.ue, i^^ous avons les impressions poetiq.ues du voyage italien de 1821-^; les Souvenirs personnels nous fournissent en prose des details des voyages subsecLuents, de 1838 et de 1860.

Les SffiMtenattes contemporaines ont une valeur plus generale. ivous voyons les grands hommes du jour par les yeux d'un contemporain, bien- veilj-ant pour la plupart, sans aucune malice, mais s' ohstinant, la ou il s'est decide a desapprouver q.uelq_u5un, a n'en voir q.ue le cote noir,

C'est une galerie de portraits peints dans des couleurs moderees, mais par un pinceau ciui n'est point desinteresse. La ou Barbier aime, il excuse les defauts; la oii il n'aime pas, il.les exagere, II raconte les anecdotes, il repete les bons mots; et il decrit en detail les rencontres ci.u'il a eues avee les personnages en question.

Balzac est une de ses betes noires; le debut meme de son etude

1'indigue: Un jour, etant a I'iaples, je d~^scendis en courant,,.toute la rue de Solede pour voir passer...le ramancier anglais V/alter Scott. Dn aurais-je fait autant pour contempler les traits de M, Honore de Balzac, gloire parisienne et des plus retentisaantes? Je ne le pense pas... (1. ) il le rencontre a une soiree oil se trouve aussi -ueon de Vifailly. Balzac ayant attaq.ue le Chatterton de Vigny, les deux fideles de Vigny I'ont defendu ardemment. Finalement ...M. de Balzac, q.ui ne pouvait plus parler, et a q.ui M. de Wailly ne repondait plus," vexe de son insucces et de sa situation ridicule et grotesoue, prit son chapeau et dit assez grossierement pour ette entendu de tout le monde: Ma foi, j'en ai m assez et je m'en vaiSj je na savais pas ciue je fusse tombe ici dans un gue^ier de poetes.

Bugo non plus n'est pas parmi ses favoris: Au fond, avec toujses ses ambitions de penseur et de politiciue, ce n'est au'un artiste....^ue restera-t-il de lui? Une babel immense peuplee de creatures monstrueuses ou etranges et sans vitalite reelle, II a ete beaucoup loue et flatte par ses disciples et ses contemporains, mais ciuelq.ues esprits ont perce le ballon multicolore (3.) 1. Page 222. 2.. Page .225. 3. Pages 269-70. 46g,

Salmte-Beuve est parmi les seuls a provoQ.uer une vraie indignation.

Dana 1'etude sur Gustave Planche, Barbier cite un "mechant §2ticle" du critique des Lundis. gui declare c^ue lors^ie Plancheif a loue, ce n'est pas par admiratann desinteressee pour une oeuvre d'art. Les

opinions de Sainte-Beuve valalent-elies mieux, demande Barbier: ..valalent-elles celles de Gustave Planehe, le critique desiiteresse ciui n'a jeimais sollicite un bout de cordon, xuie place a I'Academie, et qui est mort dans un hos;^ice, voue, M. le commandant de la Legion d'honneur, le redacteur du Constitut ionnel. a vdingt mille francs d'appointements, le proprietaire, 1'academicien et le commensal et portraitiste de Madame la princesse Mathilde? Gomme il est toujours vrai, le vae victis! (1.)

Dans 1'etude sur Sainte-Beuve il en est de meme, Barbier semble s'etre pique d'abord d'un incident insignifiant de sa jeunesse; Sainte-Beuve

I'a presente a Lamennais comme I'auteur de La Popularite; pourquoi pas comme I'auteur de La__Curee? II signule las diverses evolutions dans 0 1'opinion philosophique et politique du critique; pour Barbier dlZ a ete et reste wi seeptique epicurien. Barbier se plait a tepeter sur le

Britique mort les bons mots de ses contemporains, dont il semble avoir choisi expres les plus malieieux. Les lignes de Barbier aussi ne sont pas sans malice: Qui est entre dans son cabinet de travail durant les dernieres annee de sa vie, a du etre etonne de n'y voir que des bustes et des por• traits de jolies femmes, II y en avait jusques sur sa cheminee, et pourtant, Dieu salt quelle figure et quelle tournure avait ce Celadon! Cetait un petit homme a cheveux roux, quand il en avait, et le visage tache de rousseurs avec une mise de maitre d'etudes de province...(2.) kais le mot de cette enigme de mepris semble se trouver dans le para-

graphe que voicij M. de Sainte©Beuve, depuis une certaine epoque, avait montre fort peu de gout pour Aes poesies. Apres II Pianto et les lambes il s'etait tenu a raon egard dans une reserve complete. Cependant, il avait fait sur ces deux ouvrages deux articles elogie\3x, I'un dans la Revue des Deux Kondes. 1'autre dans le I'^ational de Carrel. Je pouvais croire qu'il m'estimait comme poete pour quelques oeuvres. i." Page 306. 2. Page 319, 468.

Mais non. La derniere annee de sa vie, mecontent peut-etre de mon entree a I'Institut, ^il lui prit fantaisie de parler de moi au der• nier volumediS de ses Causeries du Lundi, et voila, en substance, ce g,u'il dit: On m'a demaiide poiirciuoi je n'ai jamais reimprime les deux articles q.ue j'ai faits sur M. Barbier; je repondram ciue, pour moi, ees deux articles n'avaient pas d'importance, et qtie ce n'etaient que des reclames de librairie" Un homrae comme il faut se d^ut-il comporte ainsi? (1.) Pour ses amis, au contraire, le poete est des plus indulgents. Les etudes sur Vigny, Brizeux, Leon de V/ailly, Antoni Deschamps, Berlioz, q_ue nous avons cite©s a diverses reprises, en temoignent. Envers Lamar- tine il ressent de 1'atmiration, melee de respect. Peu d'etre ont ete aussi bien doues q.ue M?.de IBamartine. II a eu en •partage la beaute., le courage, la generosite, 1'intelligHnee-C et le don poetiq.ue ... (2. ) mais il q.ualifie son opinion: II y avait en lui plus d'intuition q.ue de reflexion, plus de senti• ment q.ue d'iiidee, plus d'impetuesite q.ue de raason,. ,(3. )

Pour Madame Recamier il choisirait comme epitaphe: Elle etait belle et bonne..(4,) Mais aomme toute,ces exemples de parti pris except^^s, Barbier a formule des ^ugements assez moderes, faisant des efforts evidents vers 1'impartialite. Selles les etudes sur Armand Carral et David d'Angers. Ses critiq.ues litteraires et artistic^ues sont pour la plupart claires et senseSs. II voit dans Delacroix une "imagination byronienne;" dans I'oeuvre d'Ingres "I'amour de la formed la conscience de 1'execlation, la choix dans le vrai." Horace Vernet est "un talenti* remunere au- fiassus de sa valeur'.' II avait de 1'esprit, du mouvement, du nature^ et une prodigieuse facilitie ^'execution, mais peu ou poilit de couleur, du dessin tout juste et pas de|style. Quant a George Sand:

...elle etorme, elle charme, elle interesse, mais ne touche pas. Trop de verbiage et de rhet.orique ^...Lea me mile ures Dart ies de son talent sont une certame fmesfee d'analyse plutot d^s sentiments

1. P. 221, 2. P. aei. 2. P. 282, 4. P. 214, 4^0,

feminins que des sentiments de I'homme, et une habile description des choses de la nature, (1.)

De Musset ...a eu de beaux elans de lyrisme et de passion; mais, en definitive son plus grand merite, selon moi, sera d'avoir possede une oualite rare en France, 1'imagination dans 1'esprit. (2.) Un trait tout humain et excusable amuse parfois le lecteur. L'auteur des lambes, a ete modeste, sans pretentions; mais il temoigne ga et la de petits egoismesf-j en racontant une anecdote qui contribue a son hon- neur, un mot favorable qu'il a entendu dire par quelqu'un au aujet de son oeuvre, II se plait a rappeler I'interet que Madame Recamier avait porte au fils de so^ amie d'enfance. L'etude sur Veron ne consiste qu' en le recit des carconstances attendant la publication de La Curee; et

celle sur VUnterhalter sert d'exeuse et d'encadrement pour 1'anecdote

suivante, episode d'un voyage en Belgique avec le meme Winterhalter. En route pour la Hollande ils sont arretes par un avant-poste hollandais

qui leur defend de eontinuer et demande a voir leurs passeports. Monsieur est artiste? dit-il en se tournant vers men compagnon. Qui, monsieus. -Je le vols par ce passeport; et vous, monsiaur, en s'adre? -gfsant a moi, vous etes ^omme de lettres? -Oui, monsieur, -Seriez- vous M. A;iguste Barbier, I'auteur des lagbes? -Lui-meme. En ce cas, m.onsie-ur, laissez-moi me rejouir du plaisir que J'ai de cette ren• contre, car elle 4e donne 1'occasion de voir I'auteur du liVre que je lis en ce moment meme." En ce disant, il tira d? sa poche une petite edition in-22, contre-fagon beige de 4es oeuvres. "Ces coquins de beiges, ajouta-t-ii, vous font du tort, massieurs les artistes frangais, mais ils nous procurent le moyen de ¥ous lire a boa marche et quoique dispose ^eur ma part a leur envoyer bien des coups de fiisil, je profite de leurs contre-fagons, —II est flatteur pournoi, monsieur, d'etre goute par vous, et de pouvoir vous distraite quel• ques moments des ennuis du bivouac? --De fait, votre livre m'inte- resse tant que je suis dispose a enfreindre la consigne a votre egard. Monsieur, ^ous peuvez continuer votre route avec votre ami sur Breda, je vais donxier I'ordre de vous laisser passer. Je suis fort heureux d'avoir rencontre I'auteur des lambes et de lui avoir rendu ce petit service. (3.) Et sur cette anecdote le recueil se termine.

1, P. 325. 2, P. 302. 3. P. 374. 47 a'.

Charles Monselet est assez severe pour les Silhouettes contemporaing

....La plupart ...n'ont d'autre valeur q.u-^ celle de notes ecrites au courant de la plume; tantot une anecdote insignifiante, tantot un jug^ment superficiel, en 25 lignes; le tout margue au coin d'une severite de parti pris ou tout au moins d'une visible mauvaise hiimeur. (1.)

Elles lui semblent indignes de Barbier, chetives, injustes. Barbxer est inexact parfois; il avait dit tiue George Sand etail/maigre en 1834: ...tous ceux Q.ui ont approishe Madame George Sand a cette epociue.. . peuvent attester Q.u'elle etait le contraire de la maigreur... , . .Auguste Barbier etait moins situe q.ue jersomie pour ce metif-

manq.ui;.it de leg

L'article est malicieux; rappeIons-nous q.ue Monselet en avait la reputation.

En 1884 parut le deuxieme des ouvrages posthumes, les fSH .Tablettes d'ombrano. et les Promenades au Louvre, recueillmes en un seul volume.

A premiere vue le lecteur ne salt pas tres bien comment s'y prendre. La preface meme, au lieu d'eclaircir ce curieux melange de nojes et d'imp-

ressions, ajoute au mystere; ces especes de poemes en prose, sont-elles

de Barbier ou sont-elles vraiment de I'amm dont il parle, parti pour le

Candda en 1868? C'est un recueil q^ue Barbier semble avoir prepare avant

sa mort, sans avoir eu le temps de le faire imprimer. Mous citons une

partie de la preface; c'est le meilleur moyen de lier ensemble, duns

I'esprit du lecteur, cet assemblage de "iSrames" et de"symboles" sm

het erogene. On de ies amis, parti, deux ans avant la guerre, pour une des villes duii haut Canada, me remit avant de s'eloigner plusieurs L'SS. yvec la faculte d'en user comme il me plairait; au mombre des ecrits laisses dans flies mains se trouvaient des fragments d'histoire moderne, une dissertation sur le beau et un recueil de dasrers mor° ceaux de prose intitule Tablettes d'Umbrano, Umbrano, personnage • attriste d'un eglogue deCamoens, pretait son nom a mon ami^pour c- exposer au grand jour de la publicite les effusions de son ame seca u rete. 0'est ce dernier ouvrage q.ue je prends la liberte d'offrir i

Souvenirs litteraires. Pages 57-65 471.

monde litteraire, comme le plus complet et le moins defectueux. Les pieces qu'il renferme sont de petits drames historiques, des sym- boles pBiiiLo^ophiques et moraux, a travers lesquels se dessine la personnalite de I'auteur, sous furme d'elans lyrimes et elegiauues

Une grande partie de ces "pensees" consiste en des reminiscences litteraires, historiques, artistiques. Uae Amazone blessee, un incident du regne de Caligula, des faits de I'histoire italienne, de I'histoire suedoise, de I'histoire anglaise, dans tout ee qu'il entend et lit il trouve sujet de meditation. II se rappelle le de'vouement d'Adam Lux envers Charlotte Corday, I'apitie d'un David et d'un Jonathan. La porche de Notre-Dame le fait mediter sur I'egalite de tous devant Dieu; Z/

L'Amour sacre et 1'amour profane du Titien evoque la pensee que la plupart des gens prennent le profane pour le sacre, 1'ombre pour la realite. ° C'est souvent d'unelegende ou d'une anecdote ^ue s'inspire "Umbrano-' il la raconte parfois sans commentaire. Telle I'histoire de la femme du Turc, Defte^rdar, qui, jalouse d'une autre femme, en sert la tete a son maril Tel aussi le miraiele des Roses, legende de Saint THeophil'^', ^ et I'histoire du jeune patre qui s'en va a la recherche de I'herbe d'or a et trouve que ce supreme tresor e'est la ptience, Sous voyons une barque de naufrages, mourant de faim,s* maageant enfin jusqu'a ce qu'il n'en reste qu'un seul qui lui-meme tombe victime de la mer; c'est ainsi dit I'auteur, que vit la socmete humaine.

C'est parfuis un paysage, ou la vue d'une fleur ou d'un arbre, qui inspire une meditation; la jeunesse lui parait comme le commencement d' un beau voyage: un lever et un coucher de soleil lui inspirent des sentiments de recommaissanee envers Dieu; la vue d'un gros crabe por- tant un petit sur le dos evoque son admiration. Un boiiquet de narcdsses lui rappelle une jeune fille morte qu'il a aimee; tm palmier solitaire lui serable pareil a plusieurs mortels transplantes hors de leur propre 475.. nature, r^ui croissant et meurent dans la solitude et la sterilite.

La vie humaine ressemble a la duree d'une bulla d'eau, apparaissant une seconde pour s'evanouir a jamais. Cepandant, il refuse d'accepter la doctrine des materialistes: L'ame de 'homme et sa pensee seront toujours pour moi autre chose q.u'une parcelle shimiQ.ue de matiere, un atome da force sans eon- science et. sans volonte! Le recueil a une subjectivite q.ui nous fait penser q^VLe^n^ii ces

"tablettes" sont de Barbier lui-meme, et non pas d'un ami anonyme et mysterieux. La philosophie, le langage, le style, tout est typiq.ue de

I'auteur des Silvas at des Etudes litteraires et artistiques. q.ui suivront; "I'ame discrete" c'est celle de Barbier, qui n'a pas voulu signer de son propre nom des contemplations et ses reveries.

Hous avons deja eu mainte preuve de I'interet q.ue Barbiier a tou• jours prete a 1'architecture, a la peinture, a la sculpture, et du talent artisticiue q.u'il herite d4 sa mere et q.ui se manifeste le plus clairement dans ses essaisd de critiq.ue artistiq.ue. Les Promenades au

Louvre pourraient avec profit accompagner aujourd'hui tout visiteur de ce musee. Barbier erre qa et la, s'arretant devant quelq.ues tomles,

celles q.ui lui plaisent, celles g.ui le frappent; puis il est amane a

penser a I'oeuvre en general de tel ou tel artiste, ou a debiter une

reflexion philosophiq.ue devant certains sujets. i'jous trouvons ses idees

sur Murillo, sur Raphael, qui a atteint le plus haut point de I'art:

"l"harmonie du beau moral et du beau physiq.ue." II compare Poussin et

Claude Gelee, tous deux interpretes eleves de la nature. Leonard de

Vinci manq.ue d'ame: il n'a pas d'ailes, comme Michel-Ange, Correga at

Raphael,

La peanture d'une assamblee de pretres et de moines, par Herrera

le Vieux, inspire des reflexions sur I'eglisa catholigue actuelle. Elle 474. ne devrait pas entrer en lutte centre les institutions civiles. Si I'Eglis*/^ veut durer, il faut qu'elie se resigne a n'etre que la fontaine des consolations et des bons exemjjles. La statue d'Achille e'est I'homme dans toute sa force, sa gr/jHce\et sa beaute. Celle de Laoeoon " fait eprouver une emotion qui^ est plus du domaine des esprits grossiers -que des ames delicates." 1. Le Jujgement Dernier de Michel-Ange I'emporte sur le Campo Santi de Pise.

C'est une excursion dans le domaine de I'epopee, qui" vous jette I'ame dans une sorte de terreur grandiose." Le Vpyage a Cytheree de Watteau le fait penser a Maples au lever du soleil; Cetait des hauteurs du Pausilippe que je le contemplais un anatin. Le ciel s'entr'euvrait comme une uDse, et son roi, son prince etin- L celant, sortant da sein des mers, montait radieusement dans I'aaur. Les rivages brillaient comme de I'or, les pentes ombragees brillaient eomme des emeraudes... II pense a la tristesse des pays du mord, et reflechit que ce n'est que dans les pays de la lumiere que se trouve la vraie beaute.

Un Vase Borghese Ijii rappelle le poeme de Keats, dont il traduit

quelques vers: Quels sont ces hommes et ces dieuxl Quelle lutte de jeunes filles. Quelle folle pouBsuite, quels efforts pour echapper, Quel concert de flutes et de tambours, quelle extravagante extaseI Douces sont les melodies entendues, mais deuces encore Celles qui ne le sont pas. -C'est pourquei, flutes, jouez toujours. Hon pour I'oraille sensuelle, mais ce qui est plus precieux, Jouez pour I'esprit EOS muettes chansons. Beau jeune homme, tu ne peux, sous ces rameaux, finir Ton chant, ni ces branches ne peuvent perdre leurs feuilles. Amant hardi, jamais tu ne pourras eMbrasser ton amante, Quoique tenchant au but. B'en sois pas afflige, Toujours tu aimeras, toujours elle sera belle....

Poesies Posthumes. C'est un curieux melange que ce recueil de poesies posthumes. (2.) On peut y trouver des vers earacteristiques du poete a tous les 1. Cette telle se treuve dans la Chapelie Sixtine. 2. Lemerre 1884. 47S-. moments de sa vie iitteraire: nous croyons y retrouver I'auteur des

Chants civils et reli^ieux. le satirig.ue a la Hoi?ace des Satires de

1865, CLuelq.uefois le sonnetier des Rimes Heroiques. le poete-voyageur, et meme, parfois, le ptitriote indigne des lambes. q.ui se recie, en 1870 centre 1'Homme de Sedafa;

lie n'ai jamais maudit q.u'in seul etre de ma vie, C'etait ce cavalier bourreau Qui dans 1'Europe en pleiirs et la France asservie Repandait le sang comme I'eau. Mais il en est un autre encore plus haissable: C'est le Hapoleon sournois Qua, dans ses lachetes, la France impardonnable Trois fois dressa sur le pavois. Celui-la, c'est ensemble et la honte et le crime. Le meurtre lui mit sceptre en main, Et la corruption fut le support infime De son trone de laibertin. 0 mon pays, tu I'as voulul Dix-neuf annees, Tu livras au Cesar menteur L'or de tes travailleurs, la fleur de tes armees, Tes libertes et ton honneur; Et cet iiomme et sa bande ont fait de toi litiere, Justiu'au jour ou le foi puissant Jouant ton sort au jeu d'une effroyable guerre, Avec toi sombra dans le sang. (1.) Admettons-le des le debut I'ancien elan entrainant, impetueux, Ifi^- lyriaue, des lambes de 1821 n'est plus; plus de metaphores saisiseantes, d'images inoubiiables, de vers comme 'la cavale" q.ui emportent le lec- teur presq_ue malgre lui. Mais I'ancienne indignation du poete des Trois

Journees n'est pis moins sincere et sentie pour etre exprimee d'une

fagon plus terre a terre: le vers de Barbier est toujours "honnete

homme au fond."

Le premier poeme du recueil rappelle le t)ire des Chants civils et

religieux. One seule strophe suffira a montrer jusau'a a^elles profon-

deus de banalite, de pue'rilite meme, a pu descendre le poete du Pianto Pur est le vaste ®iel au-dessus des nuages; Limpide comme le cristal Est le flot azure q.ui sort des monts sauvages Et baigne le rocher natal} P. 119. 476.

Bianehe est la neige au front de 1'Alpe ^ui decmre lie pays du Suisse indompte; Mais plus pure, plus telanche et plus limpide encore Est ton ame, o Sinceritel ^iuinze poernes suivent, ecrits en 1872, et q.ue I'auteur appelle des

Masques, crayons satiriq.ues a la Goya. Comme dans ses premieres sa• tires, le poete s'excuse de ses hardiesses: Ces fantohhes sont vrais, plus vrais gu'on ne le pense, Plus d'un m'eHt apparu dans m.a iongue existence, Et par ses faitd pervers ou son outrecuidanee, Justifia les coups de mes rhythmes cinglants. Sous des noms aneiene, il chatie des vic^s actuels; dans Cadet tlachia- vel les ambitions des hommes d'Etat, et les moyens douteux gu'ils emploient pour les J!!.atteindre; dans Turcaret les pref-eurs d'argent a interet, dont on fait les dieux du jour, lia manie des proces criminels^ le materialisme q.ui refuse de voir le beau et de reconnaitre les chos^i de I'esprlt, et q.ui comble d'excentricite, selon Barbier, — legue son corps a la science medicale; I'art pour I'art sous sa forme la plus excessive, tous sont condamnes. Son pessimisme confine pat- fois au fatalisme: L'homme, ce roi margue d'un divin caraetere Par 1'esprit et les voeux altiers, Ke peut point avancer d'un seul pas sur la terre, Sans fouler un etre a ses pieds... lA revient de ce pessimisme pour s'indigner dans Dufatras centre le poete ciui, parce q.u'il salt rimer, se croit capable de dir^ij-er las iiommes; mais dont les efforts pour se meler a la politique sont tous en vain. Barbier est egaleraent severe pour le soldat, toujours pret a

faire n'importe q.uoi pour I'argent et toujours adore du peuple; st

pour lea medecins charlatans, encore pires au dix-neuvieme siecle

q.u'a 1'epoq.ue de Moliere: Son vieux Mafoirus valait mlaux ^ue le notre ; II n'etait pas athee et tuait|3r moins q_ue I'autre... PicJarooGla nous rappelle a certains e'gards La Fontaine; le peuple est compare a un troupeau de moutons ^uxguels des renards, gui sont las iiommes d'Etat, ont persuade de choisir le lion comrae roi, a ffause de son grand nom et de sa noble race. Finalement, roi et conseillers devorent tous les sujets Z/icredules. Le Dsrnier Age. derniere de ces satires, est une condamnation generale di^u monde moderne. Ce n'est plus le monde rouge du sang des martyrs et des persecutions; mams un monde noir de la boue de la corruption, une sentine q.u'ont quittee depuis longtemps toutes les vertus. On pense a I'i'amba sur Paris, ou Barbier avait employe la raeme metaphore. Suit le Livre des Silles, ciue le poete expliq.ue ainsi:

Chez les Grecs les Silles etaient ecrits en vers hexametres et en vers iambiq.ues, mais plus souvent en vers iambiq_ues. leur marche etait -reguliere. L'insulte a la persomie en etait bannie; on y attaq.uait moins les hommes CLue la societe.

Barbier se don^xe Joujours comme but la poursuite et la flagellation du mal: Oui, sans pitie poursuivons I'infamaa, Et fouettons-la d'une voix ennemie. ne II condami^ d'abord le laisser-aller de tant de politiciensii; I'impos- A sibilite de rester honnete homme dans la vie politiq.ue, la necessite

d'etre ou brigand ou iiitrigant sont parmi ses themes. Ensuite il parle

de la poesie, des exigences de la critigtue, du role moral du poete;

et il en revient toujours a se plaindre q^ne le mal somt partout si

bien vu. Heureusement Vigiiy est mort J (^ue dmrait le chantre d'Eloa

devant toutes ces factions et tous ces crimes, gui dirait-il surtout

du "drame de Sedan?" II passe de sujet en sujet, (§ans ordre tres

logigue, d'ailleurs,) Que de gens, dit-il , q.ui font la morale, gui

savent precher fort eloguerament, sans jamais penser a suivre leiirs

propres coiiseils? J 478.

La perte de 1'Alsace-Lorraine en 1872 lui inspire des vers ou il pense a un serpent coupe en deuja dont les deux parties tachent de se rejoindre sans le pouvoir; les liens de I'humanite, coupes ainsi, peuvent se reunir. il suffit d'une force de volonte assez sincere et profonde.

Barbier decrit le nombre incalculable de rimeurs se croya/Jnt poetes,

C[u'il faut louer pour gu'on vous laisse '^n paix; la facilite avec la- q.uelle on change d'opinions politiq.ues de jour en jour sans en etre blame, eveille tous ses sentiments de degout. la chute de la statue de

Mapoleon dahs la place Vendome, pendant un orage du 28 sep^eiabre 1875, lui inspire de nouveaux vers centre Napoleon, vers qui n'ont plus, hel^sJ I'anciemie vigueur de la "cavale." II avait espere qu'on y met*- ralt la statue de la France, mais on a remis celle de I'Smpereur:

Et le Corse aux faux aits eesariens, helasi Reprit sur le sommet sa pose d'arrogance, W'importel a tour de bras, un long cable grinfant Peut hisser de nouveau siir sa base hautaine Le fuyard de Moscou, le bourreau de VinceMH, Mon invective ira toujours le maudissant: Et ce cri furietx ne d'une juste haine Vibrera dans les coeurs tant q.u'aux bords de la Seine Le langage frangais sera retentissantI On s'dst servi pendant la Commune, des cimetieres comme tribunes politi^ues: On y parle de soi, du progres politiaue, Tres pen de mort, et point d^.Pieu.' il est souvent evident c^ue Barbier a ete si choq.ue par 1'arreligion de

la Commune parisierme, q.u'il ne s'est jamais donni la peine de regarder

plus loin et d'en considerer les doctrines fondamentales. Toujours il

s'en prend beaucoup plus au msterialisme non-chretien de la Commune

g[u'a ses idees sociales et gouvernementales.

Les vrais faiseurs de revolutions, dit-il, ee sont les politiciens

ambitieux CL^i ont "derange du pouvoir I'ancienne fixite," et, a la

poursuite de leurs^ propres ambitions: 479,

livre, sans souci de ses peines futures. Pour bien longteraps aux folles aveutures... Dans ^es Eaux du Lethe le poete pense a I'oubli gui s'est repandu par- tout; on ne cterche gu'a tout oublier, 1'amour, I'amitie, les dettes, les serments, tout. De la civilisation, gu'est-ce gui va rester? Les generations futures ne se soucieront pas de nos meeurs et de nos habi• tudes: et finalement viendra le jour ou tout sera ensevelij?' sous les flots du Lethe. II n'en restera plus rien mais Dieu s'en souviendra.

Le poete pourrait-il dire aujourd'hui, pendant ces jours de chomage et de mi sere, gue pour s'elever jusgu'au plus haut rang, le peuple n'a besoin gue de travailler et d'epargner, sans penser a des devises teller gue "amour fraternel," "sainte egalite?" Les intentions de Barbier sont toujours bonnes, mais il n'approfondit pas assez les doctrines ou les theories, et n'a jamais tache de vraiment comprendre les causes fonda- mentales de la scuffranee et ie la pauvrete. A guelle vaine utopie doat

-il croire, en ecrivamt: Traveiller, epargner, oui, voila les puissances Qui sont le vrai salut des pauvres existences, Et qui, les elevant des bas-fonds par degres, Les menent saintement a des loisirs dores. Aux Soi-Disants Rgpublicaiins de 1880. il ecrit un nouvel iambe sur la Liberte: La Liberie n'est pas uxie apre crocheteuse De serruspps, de cadenas, Un6 vile argousine en guerre furiemse Centre des Carmes, des Oblate/..4/. ... . La iiberte du droit de tous est soucieuse, Bt par tous 14aux, sous tous climats, Elle salt respecter la foi religieuse (t^ue son coeur meme n'admet pas... Le Poeme des Angoisses. gui suit le Livre des Silles. a pour sujet

la guerre franco-allemande, et les eve^ements de 1870-1, II ecrit,

d'abord, le lendemain de la declaration de guerre, un Hymne au Carnage; 480.

pourq.uoi wette guerre? a ciuoi bon les gens se tuent-ils pour un bout de.

terre? faut-il a^e ^^oujo-ors dans I'histoire de I'humanite I'on fasse

et refasse les memes crimes? II maudit i^apoleon III, dans un poeme CLue

nous avons deja cite, (1.) comme auteur de tous ces maux.

Les trois poemes q,ui suivent, Les Fils des Hmis. Aux Allemahds.

Macte Animo. avaient ete publics dans la Revue des Deux Kondes en

1870. (ii.) Selon son habitude Barbier a re#u son premier essai, et la

publication posthume revele plusieurs changements de mots dt de phrases.

On s'etonne un pen de la force de haine exprimee dans ©ea poemes. Les

Hujris sont des "barb^res," des "ravageurs feroces," sans honte et sans

pitie. On a;^ii vu .recommeneer avec plus de science L"oeuvre sans nom ies hordes ds^'Attilal C'en est fait de I'Allemagne, ou domine 1'element prusse; mais la

France n'est pas encore sotmise, elle^ ne perdra pas 1'Alsace et la

Lorraine, Paris ne tombera pas , les Frangais lutteront jusgu'a la fin.

Dans Les Plagiamres de '92 Bafelier voit uii ret our aux jours de Iz

Terreur; les clubs se sont rouverts, on entend de nouveau les noms de

Hebert, de Marat. Stimvent deux poemes C[ui font entendre une note iSiffe

-rente: ils sont ecrits enfhonneur de deux victimes du combat de

Buzenval. Et voici unf^ poeme d'une actualite frappante:

C'est affreuxl le sommeil en vain clot mes paupieres, Je ne puis pas gouter ses faveurs salutaires, •Bant m'emeut le fracas des obus sur ^Paris. \4u0iCLue loin de leur vol et sous d'epais abris, Je sbuffre trop du mal cause par leurs ferrailes; Je pense aux malheureux dont les toits, les murailles, Aux coups de I'ennemi sont le plus exposes, Aux femraes, aux enfants en dormant ecrases, Aux passants foudroyes dans leur raarche hii.ive,... Vaincus nous plonge dans les profondeurs du desespoir:

1. Voir a la page 47<§. ^- Tome LXXXI-5C. ^^^'^^^^ ^^S^^^' 481,

Oh,' cj.ue ne suis-je mort avant mes soixantes ans! Mo2i ame en prenant sa volee, i^teurait point, a travers M 1'eternise des temps, Les feux de la voute etoilee, Avec elle emporte I'aijroce souvenir De ce sfjeetacle abominaible: 1 La France au premier rang ne pouvant fs^ tenir, fronguee, ouverte et miserable... Le poete sent si profondementX; les douieurs de son pays, gu'il en vient presgue a souhaiter le retour du i^'apoleon gu'il a tant hail Dans la Chute de la Colonne. dScrivant les Prusses gui insultent la statue da I'Empereur, gu'ils ont fait tomber, il s'ecrie: Ahl si 1'homme de bronze etait encore en vie, Comme ils seraient a plat ventre a ses piedsI Apres le siege, la defaite et 1'humiliation, la Cammune lui patait

comme le comble des malheurs. Tout a ete confusion et pillage a Paris;

n'ayant aucune confi^ance dans les idees de la Commune il croit perdue

a jamais

La foi dans le progress et dans I'humanite.'

Dans un Epilogue il remercie sa Muse de lui avsioir servi de refuge.

Puiss©-t-elle toujo-urs soutenir ainsi les poetes, et leur conserver

au coeur guelgues lueiirs d'espoir pour I'avenir. Et sur ce mot d'

"espoir" se termine le Poeme des Angoisses.

Le reste du recueil ne consiste gu'^-n un groupemeiit de fragments

et de poesies eparses, ecrits a divers moments de la vie du poete, et

dont, malheureusement, la plupart figurent ici sans date. Nous y trou-

vons d'abord des t^agments ecrits entre 18

Rencontred de Laure et de Petrarque. fragment d'un poeme elegi^gue.

i-^ous I'avons cite ailleurs, ear Barbier se le rappelle en racontant

dans ses histoires de Voyage un sejour a Avignon. (1.)

1. Voir a la page 43?. 481,

Ce poeme est suivi des Limbes, "fragment d'un poeme mystique," 3n effet il appartient bien a l»age de dix-huit ou de vingt ans, de vouloir ecrire de longs poemes elegi^ues, mystiq.ues, epiq.uesl Ces poemes n'ont rien d'extraordinaire. De celui-ci prescLue chacLue phrase ressent I'infl -luence de Dante; ou pourrait presgue le nommer une eamplification de la description dantesciue des Limbes dans le q.uatrieme chant de 1 'Inferno

Les trois poemes etui suivent ont aussi pour sujet la tromperie feminine, la desillusion Ciue peut apporter 1'amour. Morosites est

1'expression des desillusions de la vie eu generale. C'^st un poeflie q.ui a paru en 183a dans la premiere edition des lambes. dans tltre;

(iambe Li.) il a ete omis des editions posterieures et Barbier ne I'a jamais publie apres. La ressembaance est frappante avec les sentiments plus d'une fois exprimes par Baudelaire; il est, en effet, tres ppobable, i^ue celui-ci a connu la premiere edition des lambes, avant d'ecrire ses Flaurs du Mal. Comparons La Ch&rogne ou ces vers de

Danse Macabre: Pourtant, a^i n'a serre dans ses bras un sg.uelette, Et Q.ui ne s'est nourri des choses du tombeau? (1.) avec Morosites: il arrive souvent aertains jours dans I'aianee Jours mauvais car partout ou votre pied se pose, Nature vous grimaisre une vilaine chose. L'onde est forte et bourbeuse en passant sous le pont, Le ciel noiratre et gris pese comme du plomb Enfin, si, desertant le tumulte et le bruit, Tout au fond d'un faubourg, an un petit reduit, Promptement vous alJs z consoler votre ame, m instant la suspendre aux levres d'une femme A travers le satin de la plus fraiche joue. Sous la plus fine peau, dans le^plus doux transport, Vous sentez xjercer I'.os d'une tete de mort.

ne poeme de 1848 tiUi suit exprime encore une dece^ption, celle

q_u'a inspitee au poete la Revolution de cette annee . La republiq.ue

q.u'il a toujo"ars louee, toujoin-s respectee, I'a desillusionne; 483,.

Je m'elan(5ai bientot pour admirer ta face Croyant y retrouver les traits de Washington- Mais lasi (luelle douleur.' je ne vis a ta place Qu'une fille de rue ameutant sur sa trace Tous les affreux batards de Babeuf et Couthon... Aje catholicisme prescLue outre de Barbier vieillard I'empeche de voir, devant un portrait de Calviix, la vtaie nature du reformateur. C'est un

Homme aux traits angiLLeux et pleins de durete, ciui a, selon le poete, ote du visage du Chrast, tout son coloris, tout son eclat et toute sa grace.

II revient, dans les Trois fflmbrages. a uaa contemplation de sa vie avec §es triom^jhes et ses deceptions; maintenant le calme est survenu avec la pensee de la mort. Maintenant il n'y a plus d'yeux c|.ue pour le feuillage Du funebre cypres, et vers ee triste ombrage Gheminant sans frayeur, d'un.pas ferme et certain, II s'en ppproche avec un plaisir clandestin, Car il sait qu'h I'abri de la lugubre palme Les ijauvres coeurs degus sans fin trouvent du calme.

Cette ipensee de la mort I'obsede toujours dans le po^me q_ui suit: mais ici il est plus tranq.uille; il est triste de penser q.u'ici-bas tout s'efface, Que le pied lourd du Jiemps y confond toute trace, Que meme aux plus grands cmeurs le souvenir a tjort, Et q.ue rien n'est si vite oublie q.ue la mort.

Les deux poemes Q.ui terminent ces Fraft-mente ont q.uelCLue chose de

stoiaue dans leur attitude envers la vie. un dirait ciue le poete a'est

laisse aller, dans tout ce ciui precede, a exprimer ses desillusion?,

ses malheurs et ses craintes, pour les combattre ici: Mon ame, vets/ ton corps d'un double et triple airain, Rends-le fort a I'endroit de la malice humaineI

Mais si I'on ne loeut pas vaincre la malheur: ....rentrons dans ee moi (lux ne mourra jamais; Et comme Promethee au rocher de souffrance, Conservons-y I'espoir du jour de delivrance, Du libre essor de I'ame en I'eternelle paix. 46^1:.

Les six fragments gui suivent sont das Motes d'Uii Voyage en Suisse, fait en 18*^7. II n'a pas parle d4' de voyage ailleurs; et il est diffi• cile de preciser a guelle epogue il a ecrit ces "notes;" le ton "actu^i' des poemes fait cfoire gu'ils sont de 1837, Ce sont de petits poemes pnrement descriptifs, evoguant des sensations d'un moment, des impres• sions de voyageur.

La derniere partie du recueil s'intitiule Jernieres Fleurs. ecrites entre 1860 et 1880, Barbier s'est suuvent essaye aux imitation et aux traductions, et de plus en plus en vieillassant. Ici, le premier poeme,

Coenis, ecrit en 1869 et paraissant dans le Parnasse Contemjorain, est inspire de Virgile; le deuxieme, Sur un Lievre Blesse. est traduit de Burns; il a paru aussi dans Chez les Poetes et dans le Parnasse p Gonten^jorain. Zsi/^eA^ Le poeme gui suit^ Chant du Voyageur. est inspire de Goethe. Deait sonnets suivent, a la louange du Createur, de la

Beaute, gui exige beaucoup de ses adorateurs, a I'homme de bien, gui ne cherche jamais de recompense pour une noble action; au mepris dont se revet I'homme honnete centre les clameurs du monde. Dans Desaccord on sent parler le vieillard gui n'accueille plus le priiitemps avec joie; Pourguoi? c'est gue men front grisorxiie; J'ai passe I'age d'etre heureux, Ce gu^'a present J-'aime le mieux, Ce sont les^'paleurs de I'automne.

II plaint Beethoven, tout en admirant chez lui la force de volonte

stoigue, gui dit a I'homme: Sois du sort, s'il le fait, la touchante victime, ikais toujours blanc et doux comme un cygne sublime, Meurs en chantant sans fiel ta sainte passion. Jetant encore un regard sur sa vie ecoujiee il pense a ses amis morts, au bonheur gue lui a valu son amour de la beaute, Mais malgre son 485. stoicisme il ^trouve c^ue la vielllesse est triste et dure. II y a tant de sincerite dans ces vers ou il dit ciue le plus dur

C'est de perdre a jamais ce qu'on trouve d'aimant Et d'adorable sur sa rout§; C'est de demeuren seul sous un ciel sombre et bas, Seul avec les corbeauK en place de colombes Et si I'on peut encore all(;nger CLuelv^ues pas De ne marcher ciue sur des tombes.

La pensee de la mort :^ie le cLuitte jamais, t^uel est ce mystere qu'on ne peut pas devomler? La mort, c'est I'anconnu, I'eternel inconnu; Aussi, lorsg.ue je songe a sonder cet abime, Un trouble involontaire, une torpeur infime, S'emparent de mon coeur, me font irresolu.

Dans Movassima Verba, il est plus resigne; apres tout, la mort est la bienvenue. II ne voudrait pas recommencer sa vie. Le poeme final

' Imgorte est comme un resume de sa philosophie. Bien c^ue la vie ne somt

CLu'amertune et deception, c^ue le bonheur ne dure ciue peu de temps, gue

I'art et 1'amour apportent aussi leurs tristesses, il faut c^^pendant avoir une croyanee: Il faut sortir de soi, vivre pour un autre etre, Dut I'ongle de la mort vous deiahirer le coeur, N'aimer point, c'est vivant au sepulcre se mettre, Bt le neant est pis cent fois tiue la douleur.

Bnfin il faut en Dieu croire corame en un pere, St bien qyi'il se derobe a hos terrestres yeux, II jfaut I'estimer bon puisci.u'il est la lumiere, Et cheminer sans crainte et sans douter des cieux.

Et Bur cette note resignee le recuUl se *©rmine.

II a fallu CiuelcLues annees encore pour classer et arranger en un

recudsil les divers morceaux de critique et frggments inachevea a^i

ferment les Etudes litteraires et artistijLues de 1888 et les Houvelles

Etudes litteraires et artistigues de 1689. Dans les premieres le poete donne uiiejidee assez concise des imp-

J 4fc86, ressions gu'il a eues a la lecture des classigues. Souvent il ne fait gue formuler une idee generulement regue; parfoi^ il trouve une phrase tres juste ou ajoute une conception nouvelle. II commeiice par les Grecs, par Homere, Lemosthene, Aristophane, Euripide; passant aux Romains, il trouve chiBz Lucrece un sentiment prof end de I'infini, un nerf et ujie exuberance gu'on ne trouve pas chez Virgile. Mais celui-ci a toutes les gualite's de la tendresse, de la chastete', de la melancalie, du patriotisme. Horace, est un des plus beaux et des plus fins esprits gui soient apparus sur la *erre; Juvenal 1'instrument de la vertu vengeresse; Caceron le precurseur eclaire d'une plus haute civilisation

Le critigue passe ensuite aux ecrivains frangais, commenqant pas ^zie guelgues notes sur le style ^divers auteurs mais sans rien dire de tres nouveau. L'etude sur Chenier est plus originale: Barbier a trouve les iources de Suzanne, dans un poeme allemand de Merthgen, traduit pas

Leboux de fltia Bapeauraerie. Barbier prefere le poeme de Chenier: "s'il

1'avait fini, il eut enrichi la poesie franqaise d'un^ ravissant ouvragf

Des ecrivains etrangers, ce sont d'abord les Italiens^ gui I'occu-

pent, Dante, Petrargue, I'Erioste, le Tasse. Pjiis le critigue passe a

une piece de Calderon, au Faust de Goethe,"un Hamlet plus sensual,

moiBs honnete, au Don Carlos de Schiller. Barbier cite la notice de

Mrs. Austin sur Justus Moeser, comme 1'opinion d'une autorite en iffait

de litterature allemande. Des ecrivains anglais il fait mention de

Cowper et de Byron, et il traite des differents aspects de I'o^uvre de

Shakespeare, il a plus Scrit sur Shalcespeare gue sur aucun autre

ecrivain de njimporte guel pays. (1.)

Quelgues impressions rausicalss et artistigues terrainent la partie

critigue. La Flute Enchantee de Moart est du meme g^nre gue La teippete

1. Voir a la page 1731 et seg. 48*y.

Mozart est le Raphael de la musiciue; c'est la limpidite meme. Il est

interessant de noter s-s impressions de la Symphonie avec Choeurs de

Beethoven; il y contraste les choeurs de Handel, ou tout est ctarte et sentiment.

Suivent trois impressions artistiques, un petit tableau d'Ingres,

Haria Bibiena. La Barque des Illusions de Gleyre et I'oeuvre de Charles de Laberge. Le reste du recueil consiste en des Studes morales, pensees diverses et camassees par les executeurs; elles ne rivalisent guere avec les Maximes de La Rochefoucauld. Qu'on en juge d'apres celle-ci: II y a bien peu d'hommes de guerre en q.ui I'heroisme ne tienne pas a un fond de barbarle... il est piciuant de lui voir repeter une belle pensee de Napoleon:

II faut vomloir vivre et savoir mourir.

Dans les Nouvelles Etudes, Grenier et Lacaussade, pr-^isiiue a bout de

patience et d'ingeniosite, sans doiite, ont <=intasse pele-mele tout ce

gu'ils n'avaient pu placer ailleurs, tous l^s fragments de drame, et

ils sont nombreux, toutes les esq.uisses d'ouvrages a composer, toutes

les mignardises q.ue I'auteur n'a pas voulu rejeter; et le recueil n'a

de valeur q.ue parce ciu'il renferrae le Salon de 185 7, q.ui avait paru 1. Z dans la Revue des Deux Mondes. 1'etude sur Angelica Kauffmann. la Ballade du Vieux Marin, le Discours d'inauguration de la statue de

Rnnsard a Ve^^ome, et le discours de reception a Is^.'Academie.

Les fragments de drames sont de tous les sujets, de la legende de

Marsyas a une scene de drame italienne du moyen-age intitule© Stefania.

Constance Mayer aurait ete un "drame intime " du Paris de 1820; Berke•

ley House une "eausdrie" dans un "chateau du Yorkshire;" Dans la

Montagne nous transpDute au ^rol.

1. Voir a la page

La seconde partie du volume renferme des esguisses et des sujets de composition elaborees entre 1850 et 1880. Leur seul.interet iPeste en ce gu'elles nous reveleiit la variete de sujets gui ont attire l'3sprit de Barbier; elles n'ont aucune valeur litteraire. Pe Charlemagne a

I'Inde antigue, d'un maison spartiate aux astuces d'un renard, il trou- vait tout susceptible de transformation et d'amplification. Leur nom est legion, ces^ voeux d'auteur non realises, ces poemes commences mais non pas aeiieves, On ne saurait mieux juger d'ou en est I'auteur de lambes gu'en contrastant la Liberte de La £ure^^la femme du peuple fougueuse et hardie avec la metamorphose gue voici:

Son image est partout, au ciel et sur la terr?; e'est la front noble et pur gue nul remords n'altere, Et I'oeil gui sans cligher contemple le soleil; C'est le lion errant sur le sable vermeil. La course du poisson sur les ondes marine, Le carreau rutilant des fouarres serpentines, Dans I'azur etoile i'astre aux longs crins de feu; C'est le flot, c'est le vent, c'est I'infini, c'est Dieu,'

II n'est pas difficile de comprendre I'embarras de Grenier et de son ami ayant pour tache de ternir la gloire d'Auguste Barbier par la pub• lication de ces pieces mediocres. :89.

ChAPITRE Oi^ZE.

Composition et Style

Toute etude stylistigue de I'oeuvre de Barbmer aura les lambes comrae point de dg^^rt; on peut ne'gliger a cet egard les essais de jeu- nesse gui les avaient precedes. Dans le volume des lambes. le poeme de

La Curee. unigued dans son genre, merite gu'on I'etudie dans le Aetail de son plan et de sa forme, et servira ainsi d'exemple du plus haut point gue Barbier ^ait su atteindre comme artisan en vers. La forme de

La Curee n'^st pas seulement une curiosite parce gu'elle a represente guelgue chose de nouveau dahs la poesie frangaise; elle est admirable de vigueur et de jaaubesse. Premier i'ambe a paraitre, et superieur a tous les autres, (sauf peut-etre L 'Idole.) La Curee renferme en elle- meme toutes les gualites dont seules une ou deux reparaitront ailleurs

Les divisions du poeme sontjfii^ nettes, Dans la premiere le Paris des Trois Journees apparait devant nous, le Paris de 1'insurrection populaire, de I'heroisme de la "sainte canaille;" dans la deuxieme, contraste direct: le poete decrit les jeunes aristocrates accroupis derriere liin rideau, tremblant de peur. La troisieme partie renferme un contraste en elle-m|me: le pendant fenimin des jeunes peureux, la com- faubourg tesse du b©Hi»vaiP4 Saint-Germain, est contraste, dans le premier guatrain, avec la vraie Liberte, folrte femme du peuple. Ensuite, dans la guatrieme partie, s'etaient les exploits de cette jeune Amazone, '

culminant fians les evenemeiits des frois Journees. Dans la cinguieme

partie, le puete se sert encore une fois du contraste; le Paris mag- nifigue de la xjremiere partie devient la halle cynigue de la deuxieme Ou chacun chdrche a dechirer lin miserable coin de guenilles sanglantes Du pouvoir gui vient d'expirer... 490.

Enfin, pour comble de tout, le poeme justifie son titre dans la derniere partie, gui nous offre la vigoureuse image de la curee, etude detaillee d'une justesse toute virgilienne, mais d'un realisme presgue brutal et nullement classiaue.

Cette recherche du contruste reparaitra a diverses reprises: mais jamais Barbier ne I'emploiera plus a^^ propos q.u'ici. Nous remarguons aussi dans ce poeme une construction soignee, caracteristigue des lambes, mais q.ui, apres Lazare. disparaitra devant des preoccupations d=i morale et de doctrine, en faveur desguelles Barbier tendra a negliger tout effort de composition bien proportionnee. Le poete manie habilement son langage dans La Curee. Les premiers vers sont rendus frap^^ants par la repetition de "gue:" a Ohl lorsgu^'un lourd soleil eh^ffait les grandes dalles Des p9nts et de nos guais deserts, <4Vie les cloches Siurlaient, que la grele des balles Sifflait et pleuvait par les airs; i

ration de la phrase "comme la mer i^uii monte;" nous avons, plus bas, un

autre exemple de la repetition: C'etait sous des haillons gue battaient ies coeurs d'homme^; C'etaient alors de sales doigts Qui ohargeaient les mous^uets et renvoyaient la foudre; C'etait la bouche aux vils jurons tciui machait la cartouche.... L'hiatus entre "des" et "haillons" donne plus de force au substantif,

comme le fait pour les adjectifs "sales" et"vil8i4" leur deplacament

dans les phrases "de sales doigts" et "aux vils jurons;" et le mot

final de "Mourons?" rend tres bien la note desiree. Barbier decrit le peuple et lui emprunte son langage. Ainsi sa 491.

description du heros du "boulevard de Gand" est pris a 1'argot popu-

laire du jour; le poete fait allusion ici aux exiles rentres a Paris

pendant la Restauration, gui s'etaient d'abord refugies a I'etragger;

les Bourbons exiles s'etaient etablis a Gand. leur "beau liiige," leur

"frae elegant" fait contraste avec les haillons de la stribphe precedente comme le fait leur terreur devant I'heroisme de la "sainte canaille."

Barbier cree souvent d'heureux effets cumulatifs par des entasse- I cents de phrases pareilles. La Liberte

Se plait aux oris du peuple, aux sanglantes melees, AVLX. longs roxidiments des talabours; A I'odeur de la poudre, aux lointaines volees Des cloches et des canons s'ourds... et dans la strophe suivante, la description de la Liberte est appii;7ee par des details historiq.ues:

C'est celte femme enfin, q.ui» toujours bellei^ et nue, iivec I'echarpe aux trois cculeurs.... Yient de secher nos yeux en pleurs, De remettre en trois jours une haute couronne Aux mains des Frangais souleves, D'ecraser une armee et de broyer un trone Avec q_uelQ_ues tas de paves...

L'insignifiante banalite de "Q.uelc[ues tas de paves" fait contraste avec

le "trone" du vers precedent. Keme entasssment, cette fois d'epiihetes,

au debut de la strophe suivante: Mais, 0 hontel Paris, si beau dans sa colere, Paris si plein de majeste, Dans ee jour de tempete ou le vent populaire Deracina la royaute, Paris, si magnifi(iue avec ses funerailles, 3es debris d'hommes, ses tombeaux, Ses chemins depaves et ses pans de murailles ifiroues comme de vieux drapeaux, Paris, cette cite de laioriers toute ceinte, Dont le monde entier est jaloux, ^ue les peuples emus appellent tous la saintft, Et q.u'ils ns nomment q_u'a genoux... et le passage contient deux habiles images: 492.

Dans ce jour de tempete ou le vsnt poiDulaire Deracine la royaute... et la comparaison entre les murailles trouees et "de vieux drapeaux."

Puis, contraste brutal: Paris, la ville sainte est "une sentine impure"

...et I'on remarc.ue la vigueur d'expression et la hardiesse de laggage du passage q^nl suit:

Paris n'est maintenarLt q.u'uiie sentine impure, Un egout sordide et boueux, Ou mille noirs eourants de limon et d'ordure Viennent trainer leurs flots honteux; Un taudis regorgeant de faq.uiiis sans courage, li'effrontes coureurs de salons, <4Ul vont de porte en porte, et d'etage en etage, Gueusant q.uelq_ues bouts de galons; line Jaalle cyniq.ue aux clameurs insolentes, Ou ehacun cherche a dechirer Un miserable coin de guenilles sanglantes Dv. pouvoir qui vient d'expirer... lous arrivmns a la metaphore finale avec sa puissante evocation d'une

curee: Ainsi, CLUand desertant sa bauge solitaire, Le sanglier, frappe de mort, Bst la, tout palpitant, etendu sur la terre, St sous le soleil ci.ui le mord; Lorsq.ue, blanchi de bave et la langue tiree, Me bougeant plus en ses liens, II meurt, et q^ue la trompe a soniie dia ciiree A toute la meute des chiaas, Eoute la meute alors, comme une vague immense, Bondit; alors chaq.ue matin Hurle en signe de joie, et prepare d'avance Ses larges crocs pour le festin; Et puis vient la cohue, et les abois feroces Roulent de vallons en vallons; Chiens courants et limiers, et dugues et raolosses,

2out s'elance et tout trie: Aliens!

Admirons la force de "II meurt," dans le septiame vers, et I'effet de

la repetition de "toute la meute" dans les deux vers gui suivent; et

surtout le merveilleux effet d'un bond soudain ciue fait I'isolement du

verbe "bondit" au debut d'un vers, la fin est admirablement bien racon-

tee, menant peu a peu au point culminant du dernier vers: 492.

Et tous, Gomme ouvriers CLue I'on met a la tache, Fouillent ses flanes a plein museau, 3t de I'ongle et des dents travailxent sans relache, Car chacun en veut un morceau; Car il faut au chenil ciue chacun d'eux revienne Avec un OS- demi-rong^, Et q.u9, trouvant au seuil son orgueilleuse chienne, • Jalouse, et|le poll allonge, 11 lui montre sa gueule encor rouge et §ui grogne, Son OS dans les dents arrete, Et lui crie, en jetant son ciuartier de charogne:

Voici ma part de royautel

Les q^ualites q.ue nous avons trouvees dans La Curee et c[ui parait- ront ailleurs, ga et la, dans tous les lambes, sont d'abord et surtout des metaphores et des images frappantes; ensuite, un realisme g.ui des• cend parfois j'sq.u'a la erudite, I'emploi d'un vocabulaire populaire pour decrire ce gui appartient au peuple; du contrastejl, employe a profit, de 1'alliteration et de 1'assonance, d'habiles exemples de la repetition; un rhythme elastiq^ue et entrainant ciui est parmiZ les q.ual4iies les plus attirantes de cet extraordinaire recueil.

Des me$aphores non mo ins frappantes q.ue celle de la curee parais- sent ailleurs dans le recueil, Les titres meme de q.uelQ.ues iambes en

sont temoins; Le Lion, ou le peuple ast compare a un lion puissant, mais musele: L'ldole, OCL Eapoleon devient le dieu adore det tous les

Pran^ais; La Cuve. titre ciui decrit la ville de Paris, egout de tous

les vices et de toutes las corruptions. Dans Quatre-Vingt-freize

I'^tat flevient un vaisseau, Q.ue le vent de la ffierreiu* pousse vers la

destruction; Tous les rois de l'Sui*ope, attentmfs au naufrage, Eremblerant q.ue la masse heurtant aue^aue rivage, we mit du meme choc les trones au neant; Alors, comme forbans q.ui guettent une prmdie. On les vit tous s'abattre avec des oris de joie, Sur les flancs degarnis du colosse flottant... La Popularite est egalement transformee: La Popularitel c'est la grande impudig.ue tiUi tient dans ses bras I'univers j 494.

£) C'est la mer, c'est la merl d'abord calme et sereine; i-a mer aux premiers feux du jour, Chantant et souriant comme;une ^eune reine; La mer blonde et pleine d'amour; La mer baisant le sable et parfumant la rive Du banme enehanteur de ses flots; Et berqant sur sa gorge ondoyante et lascive Son peuple brun de mateloAs; Puis la mer furieuse et tombee en demenee, Et de son lit silencieux Se redressant geante avec sa tete immense, Et tDudant ses bras dans les cieux; Puis courant qk et la, hurlante, echevilee, Et sous la foudre et ses carreaux, Bondissant, mugissant dans sa plaine salee, Comme un combat de cent taureaux; Puis, le corps tout blanchi d'e'cuflie et de colere, La bouche torse et I'oeil errant; Se roulant sur le sable et dechirant la terre Avec le rale d'un mourant; Puis, corame la bacchante, enfin lasse de rage, Wen pouvant plus, et sur le flanc, Retombant dan§ sa couche, et jetant a la plage Des tetes d'hommes et du sangi

Et, evidemment, la plus connue comme la plus habile de toutes, c'est la magnif iciue image de la cavale: 0 Corse a cheveux plats I o^ue ta Prance etait belle, Au grand soleil de Messidorl Cetait une cavale indopptable et rebelle, Sans frein d'acier ni renes d'or, Une jument sauvage a la croupe rustiq.ue, Pumante encor du sang des rois, Mais fiere, et d'un pied libre heurtant le sol antique, Libre pour la premiere fois, Jamais aucune main n'avait passe sur elle, Pour la fletrir et I'outrager, Jamais ses larges flanes n'avaient porte la selle Et le harnois de I'etranger; 5out son poil etait vistge, et, belle vagabo^de, L'oeil haut, la croupe en mouvement, Sur ses jarrets dresses, elle effrayait le monde Du bruit de son hennissement-^ Tu parus, et sitot que tu vis son allure, Ses'reins si souples et dispos, Centaure impetueux, tu pris ea chevslure, Eu montas botte sur son dos. Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre. La poudre et les tambours battant, Pour champ de cou^e alors, tu lui donnas la terre, Et des combats pour passe-temps; Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes, Eoujours I'air, toujours le travail, 495,

Toujours comm-e du sable ecraser des corps d'homraes Toujours du sang jusciu'au poitrail; ' ^uinze ans, son dur sabot dans sa coiirse rapida Broya des ge'nerationg; ^4uinae ans elle passa, fumante a toute bride, Sur le ventre des nations; Enfin,lasse d'aller sans finir sa carriere, D'aller sans user son chemin, Be petrir I'univers, et comme une poussiere, De soulever le genre humain; Les jarrets epuises, haletante et sans force, Prete a flechir^a chacLue pas, Slle demanda grace a son cavalier corse; Hais, bourreau, tu n'ecoutas pas I Tu la pr^ssas plusf fort de ta cuisse nerveuse, Pour etouffer ses oris ardents, Tu retournaa le mors dans sa bouche baveuse, De fureur tu brisas ses dents^, Elle se releva; mais un jour de bataille, i^e pouvant plus mordre ses fre ins, Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille, St du coup te cassa les reins,

Ce q.ui a fait ressortir ce recueil des son apparition, c'est, avec ses brillantes images, son realisme, Q.ui descend parfois au familier et au grossier. On peut citer d'abord un vmcabulaire tout special,

1'introduction, dans I'usage poetiq.ue, de mots q.ui jusc[u*-la n'avaient appartenu ciu'a la langue des rues; "la sainte canaille," "le pale voyou," Le poete s'est obstine a voir tout en nomr, et son langage en fait preuve: gue de "fange immende," de "bourbier," de "siecle de boue, de "sanelettes" et da "pales multitudes I" Remarciuons les deux styles

contrastants de ce passage de Melpomene: 0 fille d'Euripide, o belle fille antique, 0 muse I CLu'as-tu fait de ta blanche tmil4ae? Pre^resse du saint i±H temple, ohl c-ue sont devenus Les ornements sacres Q.ui couvraient tes pieds nus, Et les cheveux dores releves sur ta tett, Et le grave cothurne, et la lyre poete, St les voilesdi^ de lin en ta mairche a longs plis

0 belle fille anticLue, o toi ci.u'on adoraitl De tes chastes habits, pretresse, gu'as-tu fait? fu les as 66^^66 echanges centre des haillons sales, Ton beau corps est tombe dans la fange des halles, 496.

Et ta i3ouche, oubliant I'idiome de miel, ^u'elle semblait puiser dans les concerts du del, Ta bouche., aux passions du peuple descendue, S'est ouverte aux jurons de la fille perdue.

Et le poeme continue sur le ton populaire, pour decrire les theatres du jour, "d'infames repaires," des "temples de de'bauche," aux "planches banales," oil s'eiaient des "ordures." Dans ces "antres infects" on s'accroupit"sur de moires bang^uettes" pour ecouter "la langue des bourfeaiix," pour voir "de lubriques tableaux," dahs un air "fetide, empeste;" et Barbier dahs ce poeme atteint le comble d'horreur, avec les vers decrivant I'eeuvre des dramaturges contemporains:

lis ont fait sur la terre un monstre, un cul(-de-jajte, TronQon d'homme manque, marchant a quatre pattes, Et montrant aux passants des moignons tout sanglants, St 1'ulcere hideux qui lui ronge les flanes!

Remarquons le vocabulaire de ce passage de La_ Cuve:

La race de Paris,c'est le^/ pale voyou A4, corps chetif, au teint jaune comme un vieux sou; C'est cet enfant crmard que I'on voit a toute heure Paressaux et flanant, et loin de sa demeure Battant les raaigres chiens, ou le long des grands murs GhB.rl)OJ^f.nt en sifflant mille croquis impurs; et lerealisme de ferpsichore:

(ciuand le coeur est sans foi, que faire de la vie? Alors, alors, il faut la barbouiller de lie. La couvrir de haillons, la chsrger d'oripeaus, Comme un ivrogne mort I'enfouir dans les pots.

Le poete se procure parfois I'effet desire par la personndfication.

Mous avons assiste a plus d'une metamorphose de la Liberte, dans

I'oeuvre de Barbier. Ici dans les lambes, de forte fiemme du peuple,

elle devient deesse; dans I'ldole elle sera la victirae de Napoleon

meurtrier; dans La Reine du Monde "une femme austere;" et dans le

Ptogres encore une «Jfibis deesse:

La vierge pure comme I'or, 1'immortelle deesse. 497.

Varsovie iiL presente I'ezemple le plus continu de cette personnificatjor car la Mort, la Guerre et le Cholera-Morbus y sont representes comma trois harpies vivant du carnage et de la destruction.

ilous avo3;is remarciue I'iiabile usage du contesste dans La Curee. C'est la peut-etre q^ue le poete'^ire le meilleur papti; mais ailleurs aussi il I'emploie fort a propos; Ainsi dans L'ldole apres des vers sur

Napoleon tels q[ue ceux-ci:

Hapoleon H'est plus ce voleur de couronne, Cet usurpateur effrente, Qui serra sans pitie, sous les eoussins du trone. La gorge de la Liberte; Ce triste et vieux format de la Sainte-Alliance Qui mourut sur un noir rocher, frainant comme un bijilet 1'image de la France Sous le baton de I'etranger;

Mon, non, Hapoleon n'est plus souille de fanges,... nous avons immediatement Cesar est mis au rang des dieux. Son image reluit a toutes les murailles; Son nom dans tous les carrefours Resonne incessamment....

Cet emplot du contraste vient d'un sens dramatiq.ue tres evident dans les lambes, mais ^ue le poete perdra vite plus tard. Ce sens drama• tiq.ue se revele a la fin du Lion: Mais lorsq.ue bien repu de sang et de louange, Jaloux de secouer les restes de^^ sa fange, Le raonstre a son reveil voulut faire le beau; Quand, ouvrant son oeil jaune et remnant sa peau, Le crin dur, il voulut, comme I'anticLue athlete-, Sur son col musculeux drssser sa large tete, St les bardes au vent, le front ewhevele, Rugir en souverain il etait musele. On le voit aussi dans I'eKclamation de Dante;

Voila, vomla celui (iui revient de I'enferl

et surtout, dans le choc inattendu du dernier vers de 1'image dejla

cavale; Elle se releva; mais un jour de bataille 498.

le pouvant plus mordre ses freins, iiourante, elle toraba sur un lit de mitraille, Et du coup te cassa les reins,

Barbier voit bien, comme le dit Leconte de Lisle; il a I'oeil ob- servateur. Sa description du lion est tres exacte et soigneuse:

Je I'ai vu tout d'abord, une balle au cote, Jetant a I'air ses crins et sa gueule vorace; Mouvoir violemment les muscles de sa face; J'ai vu son col s'enfler, son orbite rougir, Ses grands ongles s'etendre, et tout son corps rugir....

On croit voir I'interieur meme de la fournaise ou se fodd I'Idole:

C'est bien, voici la flamme ardente, folle, immense, Implacable et couleur de sang, i^ui tombe de la voute, et I'assaut qui commence, Chaque lingot se prend au ^lanc;

Et ce ne sont que bonds, rugissaments, delire

On croit assister a une revolte populaire dans I'Emeute:

Comme un vent orageux, des bruits rauques et sourds Roulent soudainement de fauboui^s en faubourgs; Les portes des maisons, les^fenetres fremissent, Les marteaux sur le bronze a grands coups retentissent; La peur frappe partout, et les vieillards tramblants, Les femmes en desordre, et les :^tits enfants, D'un grand oeil etonne regardant ce qui passe, Tout sur les toits voisins pele-mele s'entasse, Se cache, et dans la rue un vaste isolement Reraplace tout a coup ce chaos d'un moment.

L'iambe est un vehicule admirable pour des metaphores aussi vigou-

reuses, des contrastes aussi brutaux. Malgre le titre du reeueil

cependant, cette forme n'est point commune a tout le volume. Barbier

debute en alexandrine dans le Prologue; La Curee est en iambes.Le

Lion qui suit, en alexandrins, comme uuatre-Vingt-freize et L'Emeute;

il revient a I'lambe avec La Popularite et L'Idole. pour choisir dans

Varsovie le vers deeasyllabe. Dante marque un retour a 1'alexandiin,

et cette forme est continuee dans Melpomene. Le Rire. La_Cuveji, ^esjie-

ratio. L'iabbe reparait dans Les Vctimes; gerpsichore et 1'Amour de

la Mort sont en alexandrins. La Machine est en iambes, Les Homicides en alexandrins, et le recueil se termine par les iambes du Progres. 499.

C'est un rhythme tres entrainant q.ue celui de I'iamb^; le vers de douze pieds est suivi d'un vers de huit et ce deuxieme vers en prend de la force. Le premier vers semble etre une pre'paration pour I'idee importante cxui suivra; suutent le verbe principal se trouve dans le vers plus court, par exemple, dans L'ldole;

Le peuple sur vos pas, sans sueur et sans peine, S'achemine arers le tombeau; Sitot C!.u'a son declin, votre astre tutelaire Epanche son dernier rayon; Votre nom qui s'etaint, sur le flot populaire Srace a peine un leger sillon.

Quand on lit a haute vols un poeme en iambes, on est presque force de

s'arreter un moment a la fin du vers court, ce g_ui dojine un effet

saccade et haletant cj_ui est souvent tres a propos dans cette poesie

de mouvement rapide. .Tel est la passage de la cavale, ou. le rhythme

semble imiter le galop d'un cheval; tel aussi la debut de La Curee ,

aveo sa description du va-et-vient de Paris en proie a la revolution.

Les alexandrins sont souples aussi, avec un rhythme antrainant q_ui

emporte le sens de Sers en vers, sans arret definitif a la fin de

chaq.ue vers. L'ejQjambement est souvent utilise; et une pgirase finit

souvent sur la sixieme syliabe du vers, Nous trouvons tout?s ces

qualites dans ce souplet de L'Emeute:

Ou va-t-elle aujjourd'hui? de ses longues clameurs Va—elle epouvanter le §enat en rumeurs?

Voici de 1'enjambem.ent dans le Prologue;

Que j'insulte aux grands noms, q_t uue M jeune plume Sur le peuple et les rois frappe avec amertujne; Que me font, apres tout, 3e s vulgaires abois De tous les charlatans ciui donnent de la voix.. .

et dans La Cuve: La, per Sonne iie dort, la toujours le cerveaa Travaille, et, e'omme I'arc, tend son rMe cordeau. 500.

Remarauons le deplacement de la cesu^a dans ce vei's du Rire: Depuia ce jour, Paris te remue a toute heure.., et:

Gemissante, trainant I'aile et perdant sa plume.... et de ceux-ci de Melpomene:

St ta bouche oubliant I'idiome de milel...

Ta bouche aux passions du peuple descendue....

Barbier saura toujours profiter de 1'alliteration et de 1'assonance

En voioi des exemples dans L'Smeute;

Comme un vent orageux, des bruits rauques et spurds Roulent soudainFment de faubourg en faubourg... et plus loind dans le meme passage:

La _2eur fra^pe ^^rtout.... et:L'Emeute aux mille fronts, aux oris tu^ultueux...

L'Idole est riche a cet egard:

Slle demanda grace a son £avalier eorse,

Vainement, ^jpanguille troupeau. Le £eu£le s,ur vos ^as, ^ans £ueur et £ans 2eine, S'achenine'vers le tombeau..7. ~

St:Bnfin I'eouvre est finie, enfin la ffliamme est morte. La fournaise fume eT s'etein^.... ""

Barbier cherche parfois I'effet pour I'oreille, par son emploi de noms propres. If'est un trait qiii sera plus repandu dans II Pianto;

mais;nous en voyons un commencement ioi: on se rappelle le beau vers:

0 Dante Alighieri, poete de Florence.,

et 1*invocation a Melpomene:

0 fille d'Suripide, o belle fille antique...

Quelquea-unes de ses phrases les plus appropriees et Ae ses epithetes

les plus expressives font croire que le poete les a choisies pour le

son; on peut repeter sans se lasser des phrases telles que: 501.

Les marchands de pathog et les faiseurs d'emp^ase... ou q.ue

ee iolossa a la male carrure,

Ce vigoureux porte-haillons

Les lambes de Barbier sont faits pour etre lus a haute voix; at les meilleurs sont ceux aui se pretent le mieux a cette lezture, comme L'ldole. La Curee, Le Lion, avec sa frappante repetition de "J'ai vu.."

L'Bmeute. ou les flots de la revolte vous emportent dans laiir course; lambe

Dante pie in de resonnance et de dignite. La Popularite. avee sa puis- sante descriJ>tion des aspects changeants de la mer. Voila les meilleurs poeme du recueil, selon nous; mais dans d'autres aussi, gue de vers vraiment admirables, comme ceux-ci de Melpomene; Et les voiles.de lin en ta marche a; longs plis Plottant et balayunt les dalles du parvis.... de Desperatio;

Car le vent de la terre a desseche les plaines,

et cette ijaage de la pudeur dans gerpsichore;

Couvrant son front pensif de 1'ombre de son aila.

il y a dans ies lambes des banalites, telles que nous en trouverons

des q.uantites plus tard: il y a des vets peu soignes, des fautes de

syhtaxe, des platitudes, tout ce dont divers eritioues ont accuse le

P oete, Mais il y a surtout et partout une pensee vigoureuse et sincere

v..tue e d'un style egalement vigouraux et spontanegS; un vers qui aime,

peut-etre, "a vivre et ramper dans la boue," mais qui salt a I'DCcasio""

s'elever aux plus hautes regions de I'expression poetigue; et un rhyth

entrainant et reson^ant gui emporte le lecteur comme la cavale de

iMapoleon*

Dans le recueil Italian g.ui suit les lambes. ce qui frappe le

lecteur de prime abord, c'ast le changement fondamental de ton et de dm.

style. Barbier ne semble presque plus satirique; 11 est devenu elegiaf

II pleure I'esclavage de I'ltalie et regrette les gloires d'aiitan;e;il flagelle les Italians contemporains, mais en les comparant tristement avec leurs glorieux ancetres. L'ltalie de 1833 ne lui semble pis un sujet de satire; c'dst une femme morte qu'il faut pleureair, ou plutot une beaute dormante, qu'on croit morte, mais qui n'attend qu'a etre reveillee, C'est ainsi que le poeme du Pianto est plus doux, plus lyrique que les lambes; qu'il a plus de ces qualites qui font dire a

Alfred de Vigny: Les delices de Capoue ont amolli (la poesie de Barbier.) ....L'eau bleuatre qui entoure ces vagues est pure et belle, mais ce n'est pas celle du fleuve deborde d'ou jaillit La fiuree. (1.)

II est vrai que le Prologue nous avait promis une assez rude satire;

pour moi, dit le poete, s'obstinant a voir tout en noir:

cet univers est comme un ho;^ital,.. . , Je vais mettre mon doigt sur toutes les blessures....

Mais c'est plutot le sonnet ^uivant du Depart qui donne le ton du I

recueil: J'irai, je foulerai, car j'en ai I'espe'rance, ,' Les champs delicieux de la douce Ploraace.... Barbier a beau peindre dans son detail le plus horrifique le tableau de la Mort du Campoi^ Santo de Pise; sa description a son contre-poids dans

le lyrisme des vers: je t'aime, 3 vieux Campo Santo! J'aime a voir s'allonger tes longues galeries, Et la, silencieux, le front bas, le pied lent, Comme un moine qui pass* et

II a beau fletrir I'impiete du peuple remain; on se rappelle de son

Campo Vaccino plutot les merveilleuses descriptions de la campagne

romaine et son tableau final de

1.Journal d'un Poete, 1833. 503.

Quatre fort mendiants couches avec mystere, Qui, les cinq doigts tendus..et le feu dans les yeux,

Disputent sourdament des baioques entre eux..

II a beau regretter les beaux jours de I'amour a Vej;iise, en decrivant la decadence morale du temps actuel; c'est son recit de la douce Bianca

qui reste dans la memoire,

Quelques traces da realisme des lambes subsistent encore; mais elles ont perdu la erudite et la hardiesse qui avaient caracterise

Melpomene et La Curee, Barbier revient au style du Prologue pour dec• rire Venise expirant "eomme une pulmonique," et dans le Campo Santo La Iviort incessamment coppe toutes choses Et la stupide oublie, au fond de leur demeure, "Soua les gens de bequille et qui n'en peuvent plus; Les porteurs de basace et les tristes perclus, Les catarrheux branlant comme vieille muraille, Les fievreux qu teint mat qui tremblent sur la paille....

Mais la plupart du temps ie ton est bien plus eleve que celui des

iambes. le vocabulaire moins ose, plus pres de ce que I'on jugaait a

I'epoque un langage propre a I'expression poetique.

Les images et les metaphores ne sont pas pour cela moins (frappantes

Le peuple de Venise est tout denature I C'est un arbre abattu dans voa sol delabre... (Bianca. )

De Dominiquin le poete dit:

Boeuf sublime, a pas lourds il creusa son orniere.,..

La pensee de Rome inspire a Barbier la reflexion que

Le champ de poesie est un morne desert, Ou I'on voit a grand'peine un noble oiseau passer; Les plus lourds animaux y6 cherchent leur pature, Les vils serpents y vont trainer leur pourriture, Et leur gueule nomrcit de poison et de fiel Le pied des iponuments qui regardent la ciel; C'est un champ #lein de deuil....

Le Colisee devient un moiistre:

Le monstre, de son orbe envahissant I'aspace, foulait de tout son poids la terre jaune et grasse. La, ce gtand corps sevre de sang pur et de chair, 504.

Etalait tristement ses vieux membres a I'air, Et le ciel bleu luisant a travers kes arcades, Ses pans de murs croules, ses vastes coloimades, Semai/it ses larges reins de fieux d'azur et d'or, Comme au soleil d'Afrique uh reptile qui dort.... et nous avons deja cite ces vers frappants du Prologue:

Pour moi, cet univers est comme un hopital. Oil, livide infirmier levant le drap fatal. Pour nettoyer les corps mnfectes des souillures, Je vais mettre mon doigt sur toutes les blessures.

La personnification n'est pas moins caracteristique du nouveau recueil que du premier. Ainsi I'ltalie Se transforme en la Juliette endormie qui attend son Romeo; Pise, en une vauve qui, pssise aux rives de I'Arno,

Scouted solitaire;g a ses pieds couler 1'eau, Campo Santo.)

La forme pure dans I'art est personnifiee par la "chaste Helene," cue

Goethe a aimee. La Liberte prsnd une allure plus classique que celle de

la fille des rues qui avamt anime La Curee:

La Liberte, pecheur, la Liberte divine, Poserait ses pieds blancs sur ta poupe marine! Cette soeur de Venus, cette fiile des flots, Dans Maples descendrait des mains des matelotsi Sa rffibe est relevee, et, belle voyageuse.

Pour notre peuple elle est trop rude et trop marcheuse. (Chiaia.)

Les epithetes de Barbier son toujours a remarquer; parfois elles

frappent parce qu'elles sont bien choisies, melodisuses, recherchees;

mais trop souvent, et de plus en plus apres II Pianto. on les remarqu<=i

parce qu'elles sont inutiles ou banales; des mots comme "celeste,"

"sublime," "noble," ne reviennent que trop souvent. On trouve encore

des passages a admirer pour leurs e'pithetes dans II Pianto; remarquons

surtout I'equilibre des vers sur Goethe: Et toi, divin amant de aette chaste Helene, Sculpteur au bras immense, a la puissante haleine, Artiste au front paisible avec les mains en feu...'. ]0S.

Certaines phrases pourtant semblent ne servir qu'a remplir le vets; par exemple, dans le Campo Santo:

Ri^j^i. absolument rien. et ce pendant la Mort Ebranle sous ses pas ce qui semblait si fort....

Le deuxieme vers de ce quatrain de L'idieu gate ce qui aurait ete une tres belle strophe:

Et puis le froid me prend, et me glace les veines, Et tout mon coeur soupire, oh.' comme si j'avais Aux champs de I'ltalie et dans ses larges plainas, De les jours effeuille le rameau le plus iffrais....

Barbier se sert du contraste, comme il s'en etait sepvi dans les iEambes; souvent, dans II Planto comme dans le premier recueil, le sens du poeme exige une telle juxtaposition de choses disparates. La fin realiste du Prologue est d'autaht plus frappante qu'elle contraste avac la description de la muse lyrique, enfant da seize ans, inspirant "les belles reveries," "le divin caprice," "de folies chansons." Le Cam$)p aant0 depend du conti*aste entre les deux aspects de la peinture d'Or- cagna, les jeunes gens heiireux et sans crainte de I'avenir, a cote de

ceux que la Hort vient de frapper d'une fagon horrible. Bianca contraste pur et

I'amour spontane de I'epoque de la gloire venitienne avec la

venalite et la prostitution que Barbisr y remarque en 183<3. Et pa^tout

dans le recueil, mams sur tout dans le Cam.j0 Sahto et le Campo ¥accino

I'idee fondamentale est une idee de contraste entre les gloires passees

de I'em^^ire remain, ou les beautes artistiques de I'ltalie du moyan-age

et de la Renaissance, et la decadence ou 1'avilisseme^t apportes par I'^nvahisseur barbare.

La versification du recueil est ge'iS'alement habile, et fait prendre

par moments d'un effort de composition plus soignee que d'habttude. On

a si souvent 1' impression. chez Barbier ciunUatu eorlt a la hate, que 506.

les idees sont survenues pele-mele a son esprit, et ^ue son objet prin• cipal a ete de les coucher sur le papier au plus vite et tant bien que mal. Si, par hasard, un beau vers arrive tout M fait, tant mieux! Mais dans II Pianto. quelquefoms, malheureusement pas ^oujours, la forme semble 1'avoir preoccupe presque autant que les idees; on comprend que c'est dans II Pianto que Leconte de Lasle a trouve "son meilleur titre de gloire."

L'alliteration et I'assonance sont souvent employes a profit.

Remarquons les voyelles de ce yers du Prologue:

Dhe ride c^grine au plus riant vasage... . la ressemblance de son un peu trop evident peut-etre de celui-ci:

Ont baigne de sueur et des pleurs de leurs yeux.., et I'assonance plus habilement maniee de

En epais tourbillons vois rouler la poussiere...

Le frappant emploi de la consonne "m" de lichei-Ange est bien connu:

iJulle larme jamais n'a mouille ta paupiere.. . comme I'est le vers final, avec ses longues voyelles et ses nasales:

Su mour\is longueraent £»lein de gloire et d'ennui... la langueur d'un soir remain est admirablement exprime par les voyelles de ce vers du Camijo Vaccino;

Reviennent a pas lents de la camoagne ardente...

li'effet de longueur desire reussit encore dans ce vers:

J'aime a voir s'allonger tes longues galeries: (Campo Santo.)

et 1'atmosphere du crepuscule est bien reproduite ici:

L'ombre pend a longs plis corame de noirs manteaux. (Campo Vaccino.)

Tout le recueil est compose d'alexandrins; et seules deux formes

poetiques sont employees: celle du long poeme continu, en couplets

rimahts, et c^lle du sonnet, A part des rimes usees comme "sombre, 5 Off. ombre," "magnanime, sublime," "ame, flamme," Seternel, immortal," il y a une richesse de rimes o^ue meme les lambes ne surpassent pas, comm^ dans ce passage du Campo Santo; Sainte terre enlevee dox monts de la Judee, Et du sang des martyrs eneor tout inondee, Sainte terre des morts q.ui portas le Sauveur, Toi (lue tout front chiretien baisait avec ferveur, Eu n'es^ plus maintenant q.u'un terre profane, On sol ou toute fleur deperit et se fane, Un terrain sans verdure et delaisse des cieux, Un eimetiere aride, un cloitre curieux, Qu'un voyageur parfois, daiis sa course rapide, Eeurte d'un pied leger et d'un regard stupid^. ou dans les deux q.uatrains de Dominiguin, ou 2,es mots rimants §ont huinain, solitude, main, multitude, etude, DDminicLuin, inauietude, souverain.

La eesur* n'est pas constante: ce wers du Campo Santo donne toute sa force au prefliier mot important, par une division dans la premiere hemistiche:

Heurte: d'lin pied leger: et d'un regard stupide... et ce vers sur Goethe a deux divisions nettes: 0 Goethe I : 6 grand vieillardll prince de GermanieI mais la plupart du temps, le vers se divise a la siKieflie syllabe, tout aussi distinctement gue dans le passage final du dernier poeme:

Car ce q.ui n'est pas toi, ni la Grece ta mere, Ge q.ui ne parle poi^t ton langage sur terre, St ne respire pas sous ton ciel enchanteur, Erop souvent est barbard et frappe.de laideur. L'etranger ne viendrait, sur ta couche de lave, i4ue pour te garotter comme une belle esclave; L'etranger corrompu, s'il te doijaait la main, Avilirait ton frontlet fletrirait ton seii, Belle ressuseitee, 6 prince§§e cherie, K'arrete tes yeux noirs q.u'au sol de la patrie, Dans tes fils reunis cherche ton Romeo, Woble et douce Italie, o mere du vrai beaul le poete semble avoir groupe ses sonnets expres au point de vue

des rimes. Le premijfeer, Le Depart, rime abba, abba, dans les quatrains 50g. ccd, eed, dans les tercets. II en est ainsi pour les trois sonnets ^ui suivent, Mazuccio, Michel-An^e, Al-^effri. La forme des a^atrains cliange ensuite. Raphael a 1'arrangement abab, baba; Le Corre^e. Jominiquin.

Leonard de Vinci. Titien. egaiement. Puis pour le dernigr sonnet,

IVAdieu, chose curieuse, Barbier adopte une forme shakespearienne, trois guatrains, rimant abab, bcbc, cdcd, avec un couplet final. II se montre, enfin, chez le Barbier du Planto un talent purement lyricLue et descriptif dont temoigne ee merveilleux passage du Campo gaccino; le passage est lui-meme un petit poeme: on pourrait le degager comxjletement du Campo Vaccino sans nuire a I'idee centrale du poeme et sans rien laisser d'inexpliq.ue dans le morceau detache:

Le long des ehemins creux, mes regards entraines Suivent des buffles noirs^deux a deux enchaines; Les superbes trzloupeaux, a la gorge pendante, Reviennent a pas lents de la wampagne ardente, St les patres velus, Iruns, et la lance au poing, Ramenent a,6 cheval des chariots de foin. Puis passe un vieux prelat, ou q.ualq.ue moine sale, ^ul va battant le sol de sa triste sandale, Dea freres en chantant portent un blanc linceul, Un enfant demi-nu les suit et marche seul; Des femmes en drap noir et de brune figure Descendent en filant les degres de verdure; Les gueux deguenilles q.ui dormaient tous en tas Se levent ientement pour jjrendre leur repas; L'ouvrier q.ui bachait et roulait sa brouette,^ La (luitte; le travail, les pelles, tout s'arrete, On n'entend plus au loin ciu'un murmure leger, ^ue le crid d?un anon, le sifllet d'un berger, Ou, derriere un fronton renvers^e sur la terre, i^uantre fort mendiants couches aEec mystere, (4ui, les cino: doigts tendus et le feu dans les yeux, Disputent sourdement des baioq^ues entre enx.

On gfut dire du style de Lazare 06 qu'on a deja dit d'une faQon

plus generale, des lambes et du Pianto; Le raouvement rapide et vigou-

reux de La Puree et de L'Idole commencent a se ralentir; mais il attemr

partfais, ciuJind meme, a son ancien elan, Les beautes toutes lyrigues 509.

un du Pianto trouvent parfois^echo dans le poeme nouveau, faisant contrasCe a I'echo plus brutal des lambes tiui y resonne aussi. Ce gue Barbier y ses garde de plus caracteristicLue, ce sont ti vives images st ses metaphoi^s frappantes. Dans les satires q.ui suivent, celles de 1840, il abusera de.^ses predilections presq.ue symbolicLues; dans Lazare meme, certaines de ses images approchent de la fantaisia, mais elles sont pour la plupart suffisamment justes, sans etre trop biaarres et recherchees.

Le titre meme du jpoeme est symboligue. Le peuple anglais est represente par le personnage biblicjiue de L^zare, pauvre et abandonne, ramassant a peine de Q.uoi trainer une miserable vi?, ignore du riche auq.uel il demande en vain ciuelq_ues miettes. Puis 1'ingleterre, d'un sujet de parabole, se transforme en vaisseau de houilde, " nef aux flanes sales, " q.ue doit aborder le poete. Cette metamorphose marine est continuee Sans Le Pilote; c'est i/illiam Pitt oui a guide ce puis- saht vaisset.u, pendant ^uatorze ans de guerre et de carnage.

Tjhe des comparaisons les plus frappantes duj* recueil est celle de

Londres, descriptive du soleil anglais: s le soleil, comme un mort, le drap stir le visage, Ou, parfoi§, dans les flots, d'un air empoisonne^ Montrant CGimme un mineur son front tout charborme... Le Minotaure depend d'une eomparaison entre la ville de Londres et le monstre du mythe, exigeant chaaue annee des milliers de corps de femmes^

Barbier emploie souvent des comparaisons anicialieres: dans La Lyre

d'Airain; ....comme un taureau, la vapeur prisonniere Hurle, rau^it au fond d'une vaste chaudiere...

Les Mineurs de Newcastle dasent: i^lous vivons comme taupe, a six cents pieds sous terre, St la mort, vieux hibou, vole autj*our de nos fronts,.. 51D.

Byron dans le poeme de Westminster devient tour a tour un ch^ne. un lepreux, Satan, un lion, un "jeune dieu sans cuiraHse," un cygne.

Ge meme gout de la conparaison fait gue maint exemple de la per> sonnification se trouve chez Barbier. La Menace et la Corruption devdar nent deux vieilles sorcieres dignes de Macbeth; le Gin c'est le

dieu de la misere, Fils du genievre et frere de la bier^I L'Albion devient une "matrone romaine;" la Imture une bienvelllante mere gui parle au poete son fils et le re'conforte. II est done naturel cLue l'apostro£)he revienne partout dans le recueil. Le poete s'adresse d'aBord a Dieu dans le Prologue; au Gin, entonnant un "hymne en son honneur;" a I'abbaye de WBstmibster, a Bya?on, a la Nature, et dans

L'Spilogtie. a la misere gu'il voit partiJout repandue autour de lui.

Les lambes avaient margue un c;..mmenc3ment de realisie dans la poesie franc^aise. Ce trait avait persiste, tres modifie, dans II

Pianto; il reparait dans Lazare. Le meilleur exemple se trouve dans les descriptions de la folie du poeme de Bedlam. L'un des fous est un bloc de chair inanime: un buste tout nu retombant en silence, Sur des reins indolents, des genoux sans ressorts, Des bras flasgues et mous, allonges sur le corps, Comrae les rameaux sees d'une vigne trainante; Puis la levre entr'ouverte et la tete pendante, Le regard incertain sur le globe des yeux, Bt le front tout plisse comme le front d'un vieux. Pour appuyer ee realisme et iendre plus vivants les tableaux gu'il

peint, le poete fait de visibles efforts apres la coulLeur locale; il

emploie des mots anglais, comme le gin, le spleen, les hustings, le

cotoner, La Corruption promet aux electeurs: tant de brocs de porter ecumeux, Sant de.poissons sales et tant de rouges viandes, wue le ventre a dompte les coeurs conseiencteux.... 511.

II e.-riploie avec soin le vmcabulaire de I'industrie; La Lyre d'Airain surtout en temoigne, par des passages tels gue

C'est un choc eternal d'etages en etages, Un melange eonfus de leviers, de rouages, De chaihes, de crampons se croisant, se heurtant, Un concert infernal....

St le bruit des metiers de plus fort recommence, St chacLue lourd piston dans la chaudiere itnraense, Comme les deux talons d'un fort geant q^ui danse, S'enfonce et se releve avec un sourd fracas. Les leviers ebranles entre-choquent leurs bras, Les rouets etourdis, les bobines actives Lancent leurs oris aigus.... Dans les lambes Barbier s'etait surtout servi de I'iambe et de

I'alexandrin; dans II Pianto de 1'alexandrin. Ici, au contraire, il emploie toute une variete de formes metrictues; I'l^MM iambe dans Le

Pilote et Le Prologue; le vers decaszyUabe dans Le Gin; le vers de huiC syilabes dans La Samise; de stx, dans 1 'Spilogue, Le poeme le plus habilement manie k-^ Get egard est La lyre d'Airain. La, le poete veut reproduire I'effet d'une composition musicale. Le prelude est un curieux arrangement de sept syllabes:

Quand 1'Italie en delire L'Allemagne aux blonds chevsux, Se partagent toutes deux Les^plus beaux fils de la lyre... Puis vient une strophe plus passionnes a laq.uelle un melange de 5rers

de douze et de dix syllabes apporte uxie lentaur et une dignite plain-

tives. Le passage q.ui suit est tout en alexandrins; c'est un passage

puissant, descript if d'une usine et des clameurs de s-s machines. Le

chant de I'ouvrier suit, en vers octosyllabes: puis la plainte des

enfants, en alexandrins; le cri d^ la femme, en vers decasyllabes,

fait pendant a celui de I'homme; il est suivi de la reponse du maitre

en vers octosyllabes. L'alexandrin reprena I'aGcmpagnement sourd ^ 5ia.

sourd du bruit des machines; une strophe plus douce et plus triste

suit, dans un melange d'alexan^rins et d'octosyllabes; et la fin reprem

le melange de la deuxieme strophe, d'alexaiidrins et de i?ers decasyllabes

L'effet geniril est frappaht; on croit sentir 1'accompagnement des

machines a travz'ers tout le poeme^ le bruit tetentissant des leviers

et des rouets.

L'epithete de Barbier dans les lambes et dans II Pianto avait ete

Juste et bien choisie; a de rares moments il s'etait laisse tomber

dans des banali^^tes ou des superfluites, mais la plupart du temps, ses

adjectifs avaient eu de la force et de la propriete. Dans Lazare cepen

-dant, commence a se reveler une tendance q.ui deviendra la regie dans

les ouvrages q.ui suivront. L'epithete perdra sa force; un mot banal,

une phrase superflue servira a remplir le vers ou a fournir le mot de

la rime. Aussi trouvons-nous i^i d'^s phrases telles gue "forces sub•

limes," "la douceur souveraine," "supreme beaute," "celeste flamme,"

"lutte ardente," "ames genereuses," ou un vers tel que

G'est deZi^ii leur rapjjeler sans cesse, par exemple, tiu'en iaissant deperir les fondements du temple, Le monument s'ecroule et tout tombe avec lui.... (1.) Aux exigences de la rime aussi doivent s'attribuer des periphrases pou

deer ire la mer, comme "humiMs campagnes," "liguide plaine." L

L'alliteration est freguente: Et pourtant, pauvres gens, pele-mele et nu-pieds, Sur le pont des vaisseaux pres de mettre a la voile... lit-on dans les Belles Collines d'lrlande; et dans le raeme poeme:

les toisons Dont nos lacs ont lave les magnifigues laines...

2,azare contient des vers dtune vraie beaute, egalant tout ce gue

peut offiLrir de mieux II Planto mem-, un voici guelgues sxemples:

1. Les Mineurs de iiewca^tle. jl3:.

Chercher aux cieux lointains une meilieure etoile...(1. ) q.ui fait rever a des perspectives bleues et profondes; la plaintive beaute du cri d^s enfants:

St nous mourons, les yeux tournes vers la campagne.... et 1'habile emploi de voj'elles nasales dans les trois premiers vers de

Westminster: Vieille et sombre abbaye, o vaste monument, Baigne par la Samise et longe tristement Par uu sol tout blanchi de tombes delaissees..

On admire dans La Nature les vers: semblable a la fleur cj.ui se passe. Par la main du Seigneur effeuillee dans I'espace... et la reminiscence de Chiaia (II Pianto) dans ce couplet:

Soujours, 0 mon enfant, toujours IRS vents sauvages De leurs pieds vagabonds balayeront les plages...(2.) mais, selon nous, ce g.u'il y a de meilleur diihs le recueil c'est le

mot final sur Shakespeare: Ton genie est pareil au soleil radieux Qui toujours immobile au haut de I'empyre^, Verse tranc[Uillement sa lumiere sacree Sur la folle rumeur des flots tumultueux...

stro^jhe gui devance ga.Y son idee autant ciue pas son langage le langage

et l^s idees de I'eeole paraassienne.

Avec les Houvelles Satires. aueHs descente vers letrivial et le

prosaiauel quel declin de style et de composition egalementi Selon

Planche, ses deux satires temoignent d'une^ incorrect ion de style et

d'un dgfaut de precisaon inexcusables: ...si les deux nou^elles satires de Barbier n'obtiemient pas le mer

1. ffles Belles Collines... 2. Cf. Chiaia: Toujours, o~monRosa, toujours les vents contraires l^ie dechireront pas les voiles de nos freres... 514.

succes gue ses precedents ouvrages, il devra s'en preiidre surtout au ioule mdecis dans leguel il a jete ses idees (1.) i Barbier s'elo^gne de plus en plus, avec ce recueil, de la versifi- an cation romantigue, et ses nouvelles tand«(cfts se manifestent de daverses

faqons. Ses eoithetes ont mamitenant toute la banalite des pires imi-

tateurs §u style classigue. Voici la lamentation des trois nations dan?

Pot-de-Vih; Toujours nos yeux so2it pie ins de larmes obstinees, i«Jos coeurs d'amers soupirs, de longs gemissements, OhI les jlus desoles des enfants de la terreI •qiuand verrons-nous finir notre injuste misere? ><^uand les voiles du deuil seront-ils de'c^ires? at guand, rajonnant tous d'une clarte divine, Vers le ciel adouci, notre antigue origine, Pourrons-nous relever nos fronts deshonnmres? C'est trop souvent une succession de mots tels gue: infame, insensible,

genereux, irapae, fremissant, horrible, sombre, sublime, ou de leurs

synon^vrmes. Qiuelguefois meme, I'epithete gui accompagne affaiblit le

sens d'un substantif: 0 iqiue nous imprte, a nous, le triste et vain amas, Des ant i gue s'^ vest us, la pudeur soucieuse . La foi, le devouement^, la pitie ^^genereuse (2.) On a I'irapressioni^ gue les epithetes de Barbier ne font i)as partie integrante de aa pensee; meme on pourrait dire parfois gu'elles ne lui servent gu'a remplir le vers. Certains traits lui restent de s«s premieres oeuvres: les metaphors s et les comparaions guislxi- avaient caracterise les lambes et II Pianto,

1'invocation de Lozare, 1'alliteration, la persorinif ication, Les faib]«

efforts gu'il a faits dans ".Srostrate apres la couleur locale n'ont

nullemeht reussi?! a nous convaincsa. Ilalgre ses freguentes allusions

classigues, —margue d'une surabondance d'erudition, ^omne I'a obser•

ve Planche cette couleur locale reste superpose. II n'y a rien dans 1. R.D.M. Loc. cit. 1841. '^'' a. Pagess 12-13. 516. le poeme, sauf l.^s noms, d'essantisllaraent grec. Les deux giosmes sont composes pour la plupart en alexandrins, Les chants, les h^^mnes, les plaintes, sont ecrits tantot en vers octosyl^ labes, tantat ensf vers de six pieds, tantSt dans une alternation de

I'alexandrin et du vers de luit. Ainsi nous avons, dans I'hymne des pretres de Mammon: L'or est le prince des metaux, Le lustre de la terre et I'ornement du monde; Le solail est tout or, et le ciel q_u'il inonde A la couleur de I'or dans les jours les plus beaux; A I'or la supreme puissance; C'est le nerf des etats et la force des rois; L'or est le grand parleur, et toute noble voix Palit devant son elortuence. L'or est la meilleure des clefs Pour renverser d'un coup les inwincibles portes Le chant des matelots dans Srostrate est une alternation d'alexandrins et de vers de six. Le discours Q.ue fait la Beaute a Srostrate suit ce plan: 8.12.12.12. 8.8.12.8.8.12. 8.12.8.12.12.S2.8.12.8.12.

La regularite est une caracteristioue bien marg.uee de ce recueil.

A oet egard ausai Barbier avance vers le classicisme. La eesure est la plupart du temps invariable, se trouvant apres la sixieme syllabe, tiuelcLuefois cependant, nous trouvons des exceptions a cette regie: tel ce vers:

Disparaissez devant ce rameau triomphal...(1.) et:Ie bondis plus autour de mes malheureux flancs...(2.)

Voici un vers a deux divisions:^ 0 Tire-moi du peril ou je suis,^mon pere....(3.)

Les rimes nous rappellent plutot I'alexandrin £lassiq.ue ciue celui des romantiaues. Voici les mots rimants d'une page typigue: fortune, i^^eptune, matelots, flots, visage, courage, mourir, engloutir, repaid- raitre, eau, manteau. 1. Prostrate. P. 190. 2. Idem. 3. Pot-de-Vin. P. 76. 516.

kulgre 1'aspect plutot classigue du recueil, nous trouvonsparfois des enjambements, comme:

H'ae nous importe a nous, le triste et vain amas Des antigues vertus ..? (1,)

Aierte, matelots} La i?ongue des trltons Rapjelle de Thetis les coursiers vagabonds...(2.)

veritable affaire est de laassar chacun Agir comme il lui plait.....(3.) Sorame toute, ce recueil ne fait gue marguer le declin du poete, a tous les points de vue. II restera aux Chants civils et reliffieux. de reveler jusgu'a guelle profondeur de prosai'sne, de banalite et de negligence s'est lai^isse tomber le^ poete des I^mbes.

Ce recueil est peut^etre le pire de tous les ouvrages du poete. A

le lire, on a de la peine a eroire gue ces chants sont du meme auteur

gue les lambes; mn incline presgue a penser, avec itdadame de Girardin,

gue Barbier avait vole les lambes. et gue dans les Chants civils et

religieux o'est un acees de conscience gui le prend, le forgant a

delaisser sont ancienne hardiesse. Sous eprouvons une isertaine hesi•

tation a parler ainsi de sentifliants moraux si admi^abl?^s, de eroyances

si fermes et si sinceres, mais ces sermons en vers ne font gu'ennuyer

le lecteur. Vigny a ecrit sur la resignation, mais en des vers gui

vivront toujours. Que de poetes ont celebre I'afliitie, et en ont fait

de la vraie poesie! iln lisant les hymnes au travail dans le recueil de

Barbier, on pense avec eombien de regrets aux Georgdtgues de

Virgile. En verite, la lecture des Chants civils et religieux causerai^

une telle deception a I'amateur des lambes. gu'il vaudrait mieux gu'onj

ne les lise pas I Comne les I^ouvelles Satires, ces poemes sont ecrits pour la plu-

l.'^^.Page 84. ^. Er. Page 151. 3, R>t>^e-V...

9^4/ 7.15.4.7.8.9.8. Les rimes sont pour la plupart riches et exactes. Dans I'Bymne a la.

gerre. se trouvent des rimes embrassees, dans 1'Hymiie aux Hontagnes,

des couplets rimants, avec des rimes gui sont parmi les plus riches

du recueil: legeres, fougeres, chevelus, tordus, herbes, sixperbes,

glissants, puissants . On a vu trop souvent dans ce recueil, comme dans le precedent, gu^

Barbier choisit ses mots, et surtout ses epithetes, plutot pour la

rime gue pour la pensee. "Reptiles superbes" n'est pas tres heureux; et

voici d'autres exemples du meme ^enre: (3i) I'affreuse gterre, indomptable cavale, Sans bride et sans mors, sous ses sabots d'airain Brise a coups redoubles le froment souverain; I'on versa bientot d'une faqon hautaine Le noir desordre entrer dans la famille humaine...

II y a ^oujours trop de "sublime" et d'"immortel;" de "sombre " et

"ombre," de"flamme" et"ame."

On salt corabien sont nombreuses chez Barbier les allusions cBias-

sigues. Relevons ^BIA 6xci la mention de Saturne dans 1'I-]ymne aux 518.

Montagues, celle des amis celebres des temps anciene^ dans I'Bymne a 1'Am.it ie:

St tel fut ce troupeau de sublimes mortels Achille aux pieds legers, Patrosle a I'ame fiere, Oreste et son Pj^ade, et Damon, Pythias, St le grand roi David et son cher Jonathas.... Ce recueil typa^e comme les autres le gout du poete pour la com- paraison, pour la personnification, pour des metaphores gui nous eton- nent parfois. Certaines de ces comparaisons sont bien trouvees; oar exemple, le passage dans I'ljymne au Erava.il. preq.ue virgilien, ou

Barbier compare I'homae et son travail au boeuf de la ferme; 4t ces trois vers de 1'liymne a la Resignation, ou les pleurs du Christ au mont des Oliviers sont Comme la voix douce et profonde D'uii beau cygne ciui fait du mond§ Ses melancolic[ues adieux. trois vers Q.ui sont parmi les plus poetigues du recueil.

Aveig les Rimes Heroiques le style de Barbier reprend (iuelq.ue chose

de son ancienne vigueur et de son originalite premiere. Mais le poete

s'est deja essaye, dans II Pianj;o. a la forme du sonnet; et il n'a pas

egale, dans le recueil de 1843, la perf^^ction nette et precise du

Correge et du Michel-Ange de sa jeunesse.

Le vijcabulaire est ici beaucoup moins riche que celui d'=!S lambes

et d'll Pianto. C'est I'idee plutot c^ue.le mot q.^ai a preoceupe le

poete; on ne trouve point ici le vacabulaire bian choisi de la Pleiade^

on trouve pen aui anticipe la couleur et la richesse des Erophees^

Mous avons eu la cutiosite de chercher a ce propos fioutes les epi-

thetes de couleur dans les Rimes Leroiques: il n'y en a a^e ciuatorze,

dont le mot noir y re vient sejit gois; et le recueil contient en tout

(iuarant?!-six sonnet si I 519.

Les epithetes de Barbier sont plutot des mots abstraits, tels gue

"sublime, infame, no^le, genereux, stoigue," mots gui deurivent des

guaMtes de I'ame plutot o^ue celles du monde materiel. L'invocation est freguente; on s'y attendait. Parjffofs lepoete famt appel au heros

ou a 1'heroine gui forme le sujet du recueil; parfois il invogue la

gualite abstraite gue represente pour luii^ son personnt-ge.

Barbier a adopte le sonnet italien, favorise par la Ple'i'ade, ressus

-cite par les Romantigues, c'est-a-Sire, deux guatrains suivis de deux tercets. La suite de rimes gue nous y trouvoas le plus freguemm;^ent

c'est abi^ba, abba, ccd, eed; mais e ett arrangemant n'est pas constant.

Barbier nous dit dans sa preface gu'il a ...varie les formes autant gue las lois de 1'harmonie le lui ont perrais... r La variation la plus freguente est aabb, aabb, ccd, eee. Pafoi§ d'une

edition a la prochaine, le poete change les .^g.u&train?,ou de abba, en

abab; ou de abab en abba. Les tercets varlent aussi, nais beaucoup

mo ins souvent. Au lieu de ccd, eed, nous avons ciuelguefois ccd, ede,

ou ccd, dee. II est rare gue le poete emploie plus de cing rimes. Nous

en avons unv^ exemple dans le sonnet sur Henri de iTemours, aabb, ccdd,

eef, fgg, oil tout est en couplets rimants; et dans cslui sur Hubert est Gaffin, abab, bcbc, ded, eff; et celui sur John Brown^ecrit en forme ^

de deux tercets suivis de deux guatrains, et rimant aab, ccH, dede, fgfg. Le choix des rimes est d'ordinaire exact, ^juelguefois, il est vrai

le poete rime ""flamme" et "ame;" "loups" et "tous" (pronom.) Souvent

dans ses rimes masculines, il se contente de rimes telles gue "Gol•

gotha" "relevra" "Parthenon," "Byron", mais d'ordinaire^ les rimes 52JL.

sont d'ordinaires riches et bien trouvees, comme dans cette premiere

strophe de Genevieve de Hanterre:

Lute^je ^emissante etait dans la terreur, Car des peuples errants comne un flot sans rivage Les Huns, traiaant partuut la meurtre et le ravage, Approchaient de ses tours le\ir barbare fureur... Ce sont peut-etre trop souvent les memes .cmots q.ui riment, et des mots

typ44ues de Barbier; le poete a un vmcabulaire de banalites tout a lui

dans les outrages gui suivent Lazare. On commence a lui en vouloir de

ses: "flamme, ame, ailes, immortelles, abime, sublime, crimes, victimes^

genereuse, douloureuse, ombre, sombre, gloire, victoire..."

lous avons pu tracer parfois, le plan q.ue Barbier a suivi en e'cri-

vant ces sonnets. II y a un certain interet a y noter la variete.

Voici le sonnet sur Anfire Doria, ou 1'exploit 4ui forme le iujet du sonnet ne figure q.ue dans la demise strophe, Dans les deux q.uatrains, d'autres faits de Dorsiia s'etalent devant nous; dans le premier tercet

nous attendons toujours a savoir ce que Doria a iait de si glorieux,

et ce n'est q.ue dans le decond tercet q,XLe nous arrivons a le savoir:

Goire a toi, Doria, gloire, gloire eternellel Hon pour avoir vaincu dans cetts combats divers, Humilie I'Africiue et chasse I'infidele Des beauK champs azures de 1'empire des merS^;

Mon pour avoir sauve la ville maternelle Des mains de I'etranger ciui la tenait aux fers, Arme les saintes lois d'une vigueur nouvelle^, St montre Genes grand aux yeux de I'univers; kais bien pour avoir fait ce CLu'ici-bas nul hom.me , Depuis les jours fameux de la Grece et de Rome, i^'eut la force de fa ire, o vieux ligurien!'

Pour avoir reimse le royal diademe, St place dans ton coeur le nom de citoyen Au-^essus des appas de la grandeur supreme.

Dans le sonnet sur Madame Roland le poete loue d'une faqon plus ou moins generale la foi inebrahlable; ensuite, pour commencer lie second 521 guatrain. nous anons le mot "ain^i." (comme Barbier debute tres souven^ et xme description d^l'epogue; puis dans les tercets seulement, il s'agit de Madame Raland, et de la foi gu'elle avait tou^ours dans un 3xem- "la sainte liberte." Le Comte d'Egmont nous fournit encore un =v ernier pie de ces sonnets ou le point culminant n'est atteint gu'au d vers. Le poete invogue d'abord la Liberte', t^'il montre gienchee sur la ville de Bruxelles, Qu'est-ce gu'elle aime le mieux az* regarder, gu'est-ce gui la rend la i^lus fiere? 'Hotel-de-Ville, cette mer- veille d'architecture? La cathedrale? Kon, c'est (flans le dernier vers:)

Le pave sur leguel coula le sang d'Egmont.

Mais pour la meilleur exemi^le de plan somgne, comme pour le meilleur

sonnet du recueil, relisons Laure de l^oves. Le plan en est tout net:

le premier guatrain decrit la tombe de Laure a ^vignon. Dans le

second, le poete med.ite sur tout ce gue le Temps a laisse de cette

belle dame d'antan. Puis dans les tercets, il se reconforte; elle

aura 1' iminortalite, car Petrargue lui a donne le tombeau splendide

de ses vers.

II serait plutot vain d'etudier dans le detail le style et la

composition des Silves et des Rimes Legeres; leurs defauts ne nous

sont deja gue trop co/innus, leurs bonnes gualites sont malheureusemen

assez rares. Les defauts sont ceux des recueils gue nous venons de

traiter, ceux d'lin poete gui vieillit avant le temps, gui s' installe

plus profondement dans les conforts de sa vie bourgeoise, dans la

placidite, dans la banalite. iss Silves sont margue d'un lyrisme plus subjactif gue nous en i2a. avons encore trouve chez Barbier; et avec ce changement de ton sont venus plus de variete dans les formes metrigues, un vocabulaire tiUi s'elargit, des sujets qui laisse^ voir q.u'a la rigueur Barbier savait etre versatile. Mais les vieilles platitudes persistent, les metaphores usees, les rimes (lue le poete ne saurait tout a fait e'viter.' Comme tout cela est fade et"fflanciuant d'haleine," a cote tes lambes I Comme ces nouvelles descriptions perdent leur couleur et leup ligne- a cote des paysages italiens si nettement esguisses dans II Pianto'. On se rappelle la sipplicite tou'Chante de 1 'Adieu de ce recueil italien:

St puis le froid me prend et me glace les Seines, St tout mon coeur soupire, ohi comrae si j'avaisyi, Aux champs de 1'Italie et dans ses larges plaines De mes jours effeuille le rameau le plus frais, St sur le sein vermeil de la brune deesse, Spuise pour toujours ma vie et ma jeunesse. Barbier n'a pas su rattraper cette simplicite dans La Branche Morte; la aussi il pense a sa jeunesse, lui, arrtve maintenant a I'automne de son age; il voit une feuille encore verte sur une brahche morte:

Son apparition splendide Mattendtit, St soudain m'arriva la pensee a I'esprit iqiue dans sa survivance au reste du feuillage Cette traicheur etait comme un reve^d'ete, Z-''''.''• z v-^ Un heureux souvenir epanchant sa gaite A travers les brouillards et les^ glaces de I'age. Alors moi-meme, alors je revis mes vingt ans, Avec tous leurs plaisirs, leurs sspoirs eclatants, Leurs secretes amours, leurs amities sans voiles, Et de ces souvenirs q,-al ravivaient mon coeur Quelq.ues-un8 surpassaient les autres en douceur, Comme la blanche lune efface les etoiles.... Le style des Rimes Legeres se modele sur le titre; il est des plusi

legers, mais d'une legerete un peu trop voulue, gui fait que le poete

chaiige entierement de langage; sa violence habituelle se transfurme

en mievreries, ses epithfetis vigoureuses en baialites, en phrases

communes, ii^'abeille devient une "odorante ouvrieres^" une etoile "la 5^3. pelerine des cieux," Le soleil deviant "le diso^ue solaire," le monde

"le terrestre empire;" mi fusil "4'aime meurtriere." On s'attend I des epithetes telles c^ue

la vague ondoyante et limpide,'

"sublimes""3upremes," ^ue le poete appl44ae a des objets fort divers; la raer est "profonde," le sommeil "doux," le firmament "calme," la luraiere "e'clatante," at I'on trouveZ plus d'un "coeur fidele," "Sort funeste," de "belled nature."

II y a cependant pj-usieurs images et comparaisons oui sont bien trouvees. Voici mi ipoeme q_ui depend de la comparaison:

Jamais le disq.ae solaire, Dans son cours vaing^ueur, Heux fois n'echauffe et n'eclaire^ Les campagnes de la terre, D'une egale ardeur. Jamais dans le meme automne, Deux fois le beau fruit (ciu'avec soin murit Pomone Sur le fut q.u' il abandonne i\fe se rex^roduit. Jamais le torrent ciui passe he garde 1'elan Des premiers bonds de sa trace; II s'epuisedans I'espace Bt meurt faible et lent. Jamais, lorsq.ue se desserre un doux noeud d'amour,^ Si tendrement au'on opere hul doigt ne ,^eut le refaire Bel CLu'au premier jour. (1.)

Un sriticiue du recueil est parmi ceux etui demandant a cette

epoaue ciuand reparaitra Barbier le satiriaue. Celui aue nous comiais-

sions est a ne pas en douter mort a jamais. Ce criticiue, Louis,

Ratisbonne, (2.) est plut'3t favorable pour Barbier;meme, peut-etre,

est-il interesse. (2.) Ajres des remarciues tout a fait indulgentes 1 Sort. Joj^xxiHl des Debats. 8 sept, 1854. "oit Si^t?"''"^ Denis^dans une lattra kBrizeix de 1854. le critique souleve le voile de I'anonyme cLui avait cache le recueil:

...j'ai oui dire, non^ sans etonnement, q^ue M. iiuguste Barbier h'etait pas etranger a la composition de ees delicates bluettes..

Regiarq.uons-le, lui aussi est plutot etonne; il n'y a pas de lien entre ce genre houveau au poete et S3s satires initiales; et Ratisbonne croit

(avec nous) q.ue (la) veine naturelle (de Barbier) est la satire, ou I'ode satiriq.ue. II etait ne pour I'iamiie apre et emflamme... Pourauoit a-t-il4 g.ui*ti le genre flagellateur? Se reste-t-il pas ds vices a reveler, de travers a condamasr? I'auteur des lambesparait avoir un mediocre souci du public et du bruit. C'est plutot, nous le croyons, un caprice (lu'il a voulu bruit. C'est plutot, nous ±e croyoij.a, LUX I^CIIJXJ.^^^ VJ.^ . - • - T^-.-.TTT „ irmiin finnnsr. en se com,)osant pour satisfaire, un luxe q_u'il a voulu se donner, en se composant pour lui-meme et pour q_uelciues amis un bouQ.uet de fraiches et de fragiles chansons. Barbier lui-meme n'etait pas tres sur au moment de la premiere edition de la fagon dont on accueillerait le nouveau recueil, bien q,ue dans

1'edition de 1860 il paraasse en etre satiifait. ¥oici la preface de 1860: La premiere edition de ce recueil d'odelettes et de chansons, bou- (luet de petites fleurs cueillies qa et la dans dss moments de oLoisir et d'heureux oubli, a paru sans nom d'auteur au commence• ment de I'annee 1851. Le voile de I'anorjyme ayant ete souleve par plusieurs critiq.ues, je n'ai pas cru devoir le laasser retomber. Je craignais q.ue le public n'acceptat pas avec faveur cet essai de poesie tres-differente de forme et de fond de mes premiers vers. Heimeusement trompe dans les apprehensions, je lui offre une senond fois ces rimes, avec des corrections et q^uelq^ues pieces en plus.

Mais apres 1860 le succes in^itial du recuil n'a certainement pas

dure, et apres leur reedition avec les SiIves en 1870, les Rimas

Le^eres sont tombes dans un profond oubli.

Les memes remartiues s'aopliq^uent aux recueils poetiq.ues q.ui

suivent; c'est I'energie q.ui mangue desormais a Barbier, energie de

rhythme, energie de vocabiilaire, d'idees merae. Les Satires. -L865 sont iiDratiennes plutot aue juvenalesques, les caricatures d'uai vieil- lard qui observe le monde de loin, sans s'y m?ler/i, qui se mogue mais ne s'iiidigne plus. Et guand en 1870 il s'essaiera de nouveau a 1' iatabe vengeur, il aura perdu sa force et son haleine, il ne saura plus retrouver I'expression de cette indignation ciui I'avait autrefois si heureusement inspire. Voici des iambes de 1870: leur rh^^iime entrai- nant parti, leur vigoureusas epithetes affaiblies, q.uelle travestie du Tyrtee des barribicades de 18301 0 J^anceI ma patrie! avec des pleurs de sang J'ecris cette poignante rime, Car e'en est fait de toi; sur ton front impuissant Le maliieur du vaincu s'imprime. VaincusI oui, par la faim bien plus uue par le far, VamncuB par nombre de souffrances, Par les fleaux du ciel et i)ar ceux ojiQ I'anfer Dechaine dans les jours de transes;

Ces iambes n'ont ete publies cLu"avec les Poesies Posthumes. S'ils avaient paru en 1870 auraient-ils m.eme ete remarq.ues? Aurait-on pu croire ciue q.uarante ans auparavant le meme poete avait lance lui tel cri de defi que La Puree. un tel jet d'indignation erne L'ldole*; 5 2 4.

CHAPITRE LQUZB.

La Pensee de Barbier.

La pensee de Barbier n'a pas, a vrai dire, evolue avec la maturite et la vieillesse du poete; elle est devenue avec les annees de pius en plus inde^finissable, de raoins en moins nette et consideree. Le poete la des lambes avait bien une philosophie de vie: il avait bien certaines doctrines sociiiales et politiq.ues; celui des Silves avait-il meaa une politiq.ue nette et dis/^tincte? et ne serable-t-iil pas avoir essaye de toutes les doctrines philospJ^ihiq^ues, sans vraiment en absorber £

Les idees q.ui se detachent de I'eeuvre de Barbier peuvent etre divisees en deux categories, celle de la politiq.ue et des q.uestions sociales, et celle de la religion et de la "philosophie" dans le sens general du terme; il conviendra d'abord de considerer 1'aspect poli• tiq.ue; cet aspect ne manQ.uera pas d'eclaircir I'autre.

Barbier n'a pas eu le sens tres pratiq.ue en matiere politigue; il n'a pas base ses jdees sur une science economiq_u9 ou politiq.ue bien

fondee, il n'a vraiment pas compris les causes des maux sociaux q.ui

l'o?Lt inq.uiete. C'est, a la periode de La Puree, sous 1'inspiration des

2rois Joiirnees, uii revolutionnaire majs un revolutionnaire borne.

Le peuple est tout-puissant, du peuple on peut tout esperer, "la grandt

populace et la sante canaille" subissent ime apotheose a ses yeux.

iiussi la L-berte est-elle typifiee comme une "forte femrae" de la rue,

ciul n'aime q_ue le peupie, CLUi ne prorast d'espoir gue pour la classe

ouvriere. Mais La Curee est basee sur un idealisme trop peu pratique,

sur une admiration q.ui ne comprend pas les vrais basoins, les vraies

q,ualtites populaires. Barbier comprend la neeessite de lai^i^ reforme 5^3 ff. sociale en Erance; mais il ne propose aucune solution des maux actuels, il n'exprime rien de constructif pour I'avenir. Surtout il ne oomprend pas q.ue le peuple ait besoin de savoir exactem.ent pourq.uoi et dans qu3 sens il agit; o^u^ll ait besoin d'un guide pour I'anseigner, pour le conseiller, pour I'encourager et le corriger. Ainsi dans le Lion. Bar• bier se rend compta de la facilite avec laauella on pant tromper ce peuple dont la puissance apparente peut masq.uer une impuissance reelle- mais il n'off re pas de remede. II se contente de criticiuer I'etRt des choses. Dans i^-uatre -Vingt-Ere ize. aussi, tout en ragrettant le peu de et humanitaires, dure'e des idees vraiment revolutionnaires^, apres la Revolution de

1830, il ne semble pas comprendre par c^uels moyens on a rendue vaine la victoire du peuple; il ne semble meme pas se rendre compte jusq.u'a quel point est responsable de ce nouveau mouvement de reaction la classe bourgeoise a laq^uelle lui-meme appartient. C'est ainsi q_ue dais

L'Emeutfee I'idealiste en Barbier est de^u par les revoltes populaires, par les exces q.ui en resultant, sans com^rendre la vraie cause de ces emeutes; il commence meme a accepter comme inevitables les conditions qui ont firce le peuple a 'AMi&T^t^.t adopter ce moyen de lutter centre

1'injustice et la famine: 0 ma mere patrieI o deesse plaintive I Yerrons-nous done toujours flans la ville craintive Les pales citoyens deserter leurs foyers? Toujours les verrons-nous, implacablesjguerriers, 3e livrer da.ns la paix des guerres xntestmaes? Avec La Popular it e toute idee de la toute-puissance du peuple a com-

pletement disparu. Les masses sont trop facilemant menees, elles ne

savent vraiment pas ce dont elles ont besoin?. Il leur faut un dic-

^ateur bienveillant: line ame toute en fer, sans peur a la tribujie, Sans peur devant un glaive nu.... 52g, ciui sache imposer sa volonte malgre tous les obstacles. Cette ideed de la facilite avec lac-uelie on peut mener la foule reparait dans L'Idole; la c'est avec un veritable mepris gue le poete declare ciue le peuple:

..-..ne se souvient q.ue de 1'hom.mg q^ui tue iivec le sabre ou le canon; II n(aime cLue le bras q.ui dans l^s champs humides Par milliers fait pourrir ses os; II aime gui lui fait batir ies Pyramides, Porter des pierres sur son dos. La deception q.ue lui a inspiree le peuple se transforme dans I'iambe ne sur Lante en une desillusion generale; Barbier semble meme plus cher- A Cher de remede: il commence a ressentir la tristesse degoutee d'un Dante; 0 Dante Alighieri, poete de Florencel Je comprends aujourd'hui ta morielle souffrance... Cette deception est transferee dans Ivi^elpomene aux meeurs, at la satire de Barbier devient morale plutot q.ue politiq.ue, comme si c'est mamnte- nant a I'individu tue Barbier attribue les maux de 1'epoQ.ue. II en est ainsi dans Le Rire et La Cuve; nous somraes loin, dans cette derniere, de 1'apotheose ,du peuple de Jijaris q.ui avait fait lire La Curee; ce peuple est devenu, en 1821 seulement, une

race au coeur deprave. Race ardente a mouvoir du fer ou du pave I ivier, dont la grande voix fait tremhler sur les trones Ainsi aue des fievreux, toui les porte-courorniesI Flot hardi q.ui trois jours s'en va battre les cieux, Et q.ui retombe apres, plat et silencieuxj Race unique en ce monde I e ffrayant»i;^;^/ assemblage Des elans du jeune homme et des crimes de I'age; Race q.ui Joue avec le mal et le trepas, Le monde entier fadmire et ne te comprend pas.' Dans les Victimes. il desespere meme de la Liberte, et semble ctoire

inutile de lutter pour elle. La Reine du monde. La Machine. Les Homi&

cides. contiiiuent la satire des meeurs. Desperatio -st parmi les

lambes les plus frappants du recueil. Le poete est si decourage a

I'egard de I'humanite CLU'il a pres^ue perdu sa foi en Dieu; c'est ici 5^9.

I'esaemple le plus remarguable gue nous ayons du doute chez Barbier:

Plus de Dieu, rien au ciall ahi maliieur et miserej Sans les cieux maintenant gu'est-ce done gua lo terre*? La terre! ce n'est plus gu'un triste et mauvais iiieu,' to tripot degoutant ou I'or a tue Dieu..,.

Dans I'iambe final. La Justice, il doute de tout; guel contraste entre la vigoureuse esperance de La Curee et des ^ers tals gue ceux-ci:

Mous revions un ciel doux, un ciel exampt d'oragesiS, Un eternel et vaste azur, Sandis gue sur nos fronts s'am;nassent les nuages, L'avenir devenait obscur. Et ngus avons revu presgue tous les scandales Des siecles les plus eiiontes, Les laches trahisons, I'^s voluotes brutales, Et les basse§ cupidites; Puis nous avons revu ce gu'avaient vu nos peres: Le sang humain dans les ruissea-ox, St I'angoisse des nuits glagaiit le coeur des meres, isiuand le plomb battait les carreaux; Le sombre regicide aux veangeances infames, L'emeute aux sinistres combats, (sein J La baionnette ardente entrant au 666tct^ des fem:ies, Les enfants perces dans leurs bras; Enfin les vieux forfaits d'une epogue cruelle, Se sont tous relsrves, helasi Pour nous fairejdouter gu'en sa marche eternelle Le monde ait avance d'un i)as. La Justice est de 1844; cette attitude n'a-t-elle pas ete celle de beau -coup de poetes de cette generation romantigue, gui avaient tant espepe du nouveau regime, et gui, des 1844, en ont completement desespere, degoutes gu'ils etaient du materialisme croissant d'un age de finance et d'affaires.

Avec II Plant0 le poete regagne iin peu d'espoir; assez, du mmins,

pour lui fa ire adopter le role de guide et de mentor, com.me \me tache

imposes par le Destin. Sa poesie sera desormais didactigue, elle desrra

flageller et corriger; et il nous est permis de croire gue Barbier a

ete de ces poetes gui ont cru. avec Vigny, gue le poete doit de famre

le guide de I'humanite. Encore du desillusionnament dans le Campo 53£>.

Santo, mele d'un pessimssme ciui semble sans espoir, d'un fatalisme qui n'attend a^e la Mort. Le Cam^.o Yaccino exprime la mem.e deception; c'est icl ciue Barbier fait la defense de 1'art ciui est 1'expressions avant le temps des buts artistiq^ues de I'ecole parnassienne. Tout I'art n'a pas besoin d'etre didactiq.ue, pai?ait-il. Barbier peut reconcilier son role de poete moralisajiteur avec celui des artistes q.ui

....'(font) de la forme une divinite.. VOUS t0US4,.4, iX continue^-t-il* etres nervQiax, q.ui ne vivez au monde, t^iUe par le sentiment de sa beaute profonde... OhI comme je vous plains, ohI comme je conQOis Yotre douleur sans bornes et vos levres sans voix, Lorsq.ue de vos amours les lignes oerissables S'effacent devant vous eomme un pied dans les sables. Ce q.uatrain de Raphael exprime la meme idee: Ce q^ui denne du prix a I'humaine existence, Ahl'c'est de la beaute le spectacle eternell mui peut la contempier dans sa plus-^ pure essence. En garde sur ses jours un reflet 6%6tA^l. immortel,

Branca aussi: 0 poesie, amour, perles de la natiu-e, Des beautes de ce monde essence la plus pure, Sublimes diaraants et joyaux radieux. Semes a tous les plis de la robe des cievix, tiu'a-t-on fait du tresor de vos pures fliuraieres?^ Pourq.uoi, diains objets, rouler dans les poussieres?

Cftiaia nous semble representor deux aspects du potte; nous y retrouvons

dans les paroles de Salvator Rosa, les vers desespires du Barbier de

Desperatio: la vie est sans joie et sans espoir: II faut savoir souffrir, mendier et nous taire; II faut de notre sang engraisser les abus, Des fripons et des sots supporter,les rebuts; II fautx^ voir aux elartes de la pure lumiere Des choses qui feraient fendre et crier la pierre; Puis dans le creux des doigts enfermer avec soin- Son ame, et s'en aller gemir dans^q.uelq.ue coin; Car la plainte au^ourd'hui sous mene au precipice Aux duux epanchements le sol n'est point propice, Notre terre est infame, et son air corrupteur Sur deux hommes eausant gLenfante un delateur;... 531

Rosa s'en ira, loin du monde, et avec la mort, dit-il:

ie disparaitrai la comme un peu de fumier, Gomme un souffle perdu sous la voute sublime, Comme la goutte d'euu gui renfire dans I'abime, Sans laisser apres moi ee gui toujours vous suit, La laideur d'un sguelette et l^e'cho d'un vain bruit, raais le Pecheur gui lyii repond trouve guelgua chose de I'optimisme et de la foi soeiale de La Curee: Du peuple il faut toujours, poete, gu6on esilpere. Car le pauple, apres tout, c'est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labeur; C'est le sillon dore gui fume au point du jour, Bt gui, rempli de seve et dort de toute chose, Enfante ineessamment et jamais ne repose; C§est lui gui pousse aux cieijx les chenes les plus hauts, C'est lui gui fait g.g.illir les hommes les plus beaux, II viendra un avenir peiileur; il faut espz^erer: Toujours, 0 mon Rosa, toujours les vents contraires JSe dechireront pas les voiles de nos freres; Des celestes balcons^ les dieux penches sur nous Souffleront moins de bise et des zephyrs plus doux. S'ils sont justes la-haut, s'ils regissent la terre, lis prendront en pitie notre longue misere; lis ne laasseront pas, les bras tendus en vain, Toujours les braves gens an IMM/'At guerre avec le pain.

Lazare_, Barbier reprend en guelgiie sorte son role da defenseur Dans uple. Le peuple anglais est represante par le personnaga de du pe Lazare, et il est tres evident gu'il a toutes les sympathies du poete.

Le poeme entier eonsiste en un cri d'indignation centre le materia•

lisme et l^avarice d'iin age de finance et d'Industrie, Iviais encore

Barbier n'a pas de conseil d'action a offrir; ce sont de vagues idees

humanitaires gu'il exprime, un ideal gu'iM ne salt pas atteindre,

Cette preoccupation avec I'age d'or revient a diverses reprises; las

habitants de Londreg ne sont gue

Des etres par milliers suivant 1'instinct fatal, Et courant apres I'or par le bien et le mal.. En Angleterre:

....pour faire a grand-ipeine un gain de q.uelques somnes, Le fer use le fer, et I'homme use les homies...

Ici encore Barbier n'est pas revolutionnaire; il ne voudrait pas voir abolir coflipletement le systeme des profits individuels; aussi, §es mineurs ne demandent-ils pas de changemeAt de systeme, mais simjlement q.u'on les traite d'une fagon plus humanitaire, q.u'on se rappelle q_u' ils sont des hommes et non des animaux:

i^ous ne demandons pas le tumults des closes, Et le renversement de I'ordre ici-bas; i'ious ne te prions pas de nous mettra a la place Des hommes de savoir et des hommes de race, Et de rera^jlir nos mains de I'or des potentats. (1.)

Lazare approche le plus, parmi les ouvrages satiriq.ues de Barbier, de la satire politiq.ue; mame les ouelq^ues satires de moeurs oue contient le recuej.1 ont pour base le systeme social de I'Angleterre en 1835; tous les maux, tous les exces sont engendres ou par I'uvariee des uns, ou par, la mi sere q.ui en result e pour les autre s. Les I'^ouvelles Satires sont encore une manifestation du role da poete satiriq.ue q.ue Barbier s'?st impose. Leur but est moral, elles n sont dirigees cotre le materialisme croisstint de la Ivlonarehie de Juillet; mais encore uiie fois, elles I'offrent pas de remede, elles n'appartiennent definitivement a aucune ecole de politiq.ue. Barbier 'est mis a ia recherche d'un ideal d'humanite q.ui ne sera q.u'une s ine utopie tant Q.u'il n'existera q.ue dans son imagination, tant va q^ue le poete ne se met pas a la tache pratique de 1'organiser.

L'avenir des peu-jles, dit-il, ne (devrait) pas etre entiErement dans le bonheur materiel, mais aussi dans la dignite fe I'ame et dans de I'humanite. (£.)

1. Les Mineurs de Newcastle. 2. Nouvelles Satires. Preface. 535.

Chants civils et religieux. Barbier s'eloigne da plus an plus de la terre; il devient moins realiste, olus idealiste et "moral" dans le sens religieux du terme. La ititre meme promet une collection d'hymnes; (1.) et c'est a peu pres oe gu'on trouve. Barbier a guitte

I'arene politigue pour la chaire; voici son nouveau but, base sur une espece de panth^isme Chretien: iwiontrer la. dlvinite' dans le spectacle de la nature et dans le jeu des institutions civiles, faire pyrtout sentir avec les formes du beau en ^.resance sur terre, tella;^ est la tache a lagualla il parait utile aujourd'hui de s'apjliguer; ©ar peut^etre est-ce un moyen d'araener las masses aux sentiments eleves et de diminuer lejnombre des passions egoxstes et brutales. C'==st done dans le dessein gue, guittant les seitiers de la satire et les re'alites ^angeuses de la rue, j'ai suivi d'illustres modeles dans dss routes ineonnues a mes pas, et J'ai appele les vers gue je livre au public: flhants civils et religieux, (2.) Desormais t:autes les theories de Barbier seront ba sees sur la foi religieuse gu'il vient, pou± ainsi dire, de retrouver; il nous sera impossible de separer desormais le fil dss idees politigues et delui des idees religieuses. Bragons maintenant le developpemant de sa pensee morale, afin de voir par guelles etax^es elle a passe du Desp°ratio sans illusion des lambes a la fervaur des Chants civils et religieux.

L'influence de sa mere, les x^receptes de sa jeuiiesse, tout avait

tendu a faire de Barbier un croyant avant la periode des ^a.nbes; et

La Mentation, poeme gui precede la premiere edition de caux-Si, avait

revele ces tendances toutes ehretiennes^ avee ce respect du symbole

et du pittoresgue dans le christianisme o^ui sont la margue de plus

d'un jeune romanti§ue de 1830. On dirait aussi, a lire ce poeme, gue

le poete voudrait echapper aux tristes realites de la vie; mais les

1. iiinsi il a paru aux bibliotheigaires de la Bibliothegue Nationala de Paris, cui ott catalogue le receuil parmi les reeueils d'hymn3< et non, comme le reste de I'oeuvre poetigue de Barbier, avec les oev-vres poetigues proprement dites. 'd> Preface, Page Iv. 534^. realites sont les plus fortes, et le Prologue le revele tout conscient de son role de satirigue. C'est I'homrae au'il faut changer; il ne depend gue de I'homme pour rendre meilleure la vie sur la terre. Par- fois raeme cet homme materialiste semble avoir tue le Dieu q.ui I'a creE et le poete est amene a croire q^ue Dieu n'existe plus, (^ue I'age du materialisme est vraiment arrive. Lui-meme cependant n'est nuifliement materialiste dans sa philospphie, meme a cette epoq.ue de sa vie ou le doute samble le plus envahil? son esprit.

•L^Jous avons vu avec q.uel iesespoir croissant il a compose les lambes. II Planto est encore plus p=^ssimiste, et surtout du cote religieux. H'est toujours I'homme q.ui a abime un monde si plein de belles choses; c'est I'homme aussi q.ui a KZ^i falsifie la religion.

Le Campo Saocino et le Camgo Santo contiennent des attaques sans voile centre les formes exterieures du catholisisme. II est encore Chretien, a ne pas en douter; la vue du Campo Santo lui fait penser aux origines de ce terrain, a la piete d'autrefois: Sol de Jerusalem ctue tant d'hofiime pieux Ont baigne de sueur et des pla^ors de leurs yeux; Sainte terre enlevee aux monts de la Judee, St du sang des martyrs encor tout inondee, Sainte terre des morts q.ui portas le Sauveur, 2oi q.ue tout front Chretien baisait afeec ferveur, fu n'es plus main tenant q.u'une terre profane, Gn sol objt toute fleur deperit et sa toae, Un cimetiere aride, an cloitre curieux, 4>iu'un voyageur parfois, dans sa coursej!' rapide, Haurte d'un pied Iger et d'tm regard stupMe. II admire, avec Uraagna, les 'hommes du Seigneur," q.ui vivent retires, dans la paix et la solitude:

lieiireux seul le croyant, ear il a I'arae pure, II comprend sans effort le mystique nature... ue 1& foi religieuse s'est deterioree en ItalieI Orcagna ne recon- i4ue .aitrait plus son pays, Seulei^ reste la pompe exterieure du catho- na licisme: 535,

A guoi bon tant de voix, de cris et de cantigues, Les milliers d'encensoirs iffumant sous les oortioues Se choeur des pretres saints fferoulant §es^anneaux,' Et la pourpre brulant aux flanes des cardinaux? ilelasi iielas! la foi de ce sol est bannie, La foi n'a plus d'accent poiar parler au genia... Plus de eette foi naive et touchante du moyen-a^e:

...plus d'hom.nes primitifs, Ebauehant leur croyance en traits sees et naifs, De pieux ouvriers s'en allant par les villas Sravailler sur les murs comme des mains servilas, Plus de parfums dans I'air, de nuages d'ancens, De ciiants simples et forts, et de maitres puissants. .. ., Le vieux eatholicisme est morna et solitaire, Sa splendeur a present n'est ^.u'une ombre sur terre. La iviort I'a dechire|coQime un vetam.ant vieux, Pour longtemps, bien longtemps, la ilort est dans ces lieux. La sonnet sur Allegri a de 1'im;iortance dans eette guastion de la religion de Barbier. II semble bien gu'il commence a doutar vers catte epogue; et ee sonnet est presgue un aveu gue ee n'est gue le cCte est^e

-tigue de la religion gui puisse ramener sa foi: Si dans mon coeur Chretien I'antigue foi s'altere,.... Ton archet bien souvent me ramene aux saints lieux, Adorer les pieds morts du Saujaeur de la terrf^,

Alors mon ame vaine et samsdemotioi^t, I/ion ame psr degre prend de 1'emotion, Et monte avec tes chants au sejour des archanges, Et, mystigue poete, au fond des cieux brulants, Jfentends'les bien heureux fans leurs vetements blancs. Chanter sur des luths d'or ies divines louanges, Le Camoo Vaccino constitue une de'fense esthetigue, .^lut^ib gua religiauf le poete s'en jjrend surtout a ce negligent peuple remain gui laisse tomber en ruine'des batiments gui uvaiant ete la gloira de I'antigue empire. II faut respecter les.temples, de guelgua culte gu'ils soient:

Les tem-oles, guels tu'ils soient, sont les 9,mas des villas; Sans eux, toaite cite n'a gue des pikerres viles, Du foyer doraestigue et du corps des viaallards, . Les mox.uments sacres sont les derniers ramparts; Et, lorsgue sur la terre ils penchent en mines, Leurs ruines^ encore sont des chosas divines, Ce sont des pretres saints gue I'age use toujours, ivi'ais ou'il faut honorer jusgu'a leurs derniers jours. 5S6,

Comme Chiaia avait exprime, selon nous, deux aspects des opinions sociales et politiciues d^ Barbier, aussi ce poeme semble-*-il traduire deux cotes de son attitude envers la vie en general. II parait ne pas savoir, vers cette epociue, q.uel parti2* prendre, de la foi resignee du

Pecheur: La patience rend legere la souffrance; ITou^ours une grande ame, en butte aux coups du sort, Sous C8 manteau divin se resigne et s'endort. ou de l'im§)4tience desesperee de Salvator Rosa, aui s'abandonne, a la fin, a la negation de toute fin spirituelle, de toute esperance en

I'humanite. Les vers q.ui terminent ce dialogue sont pureflient materia- listes: Je disparaitrai la comme un peu de fumier, Comme un souffle perdu sous la voute sublime, CoB:!me la goutte d'eau c^ui renilre dans I'abime.... ji notre avis, il s'en est fallu de peu, a cette epoq.ue, q.ue Barbier ait" q.uitte compl^tement la foi chretienne. II e^t probable c.u'il a du a sa mere d'etre reste eroyant. Apres 1840 surtout, il ne semble plus jamais douter; il semble meme ^e pas vouloir se donner la peine de chercher le mot de I'enigme: sa foi devient aveugle et sahs q.uestion.

Le recueil de Lazare revele tout d'abord une confiance absolue en

Dieu et dans la force de la conscience. II reconnait les difficultes de sa tache de poete satiricLue: Mais il est dans le sgiiel un Dieu (iMi m'encourage St q.^i m'entraine loin des bords. 0 toil q,v.i du plus hy.ut de cette voute ronde, D'-an oeil vaste et toujours en feux, Sondes les moindres coins des choses de ce monde, Et perces les plus sombres lieux OhI maintiens-moi toujoui^s dans les routes heureuses De I'eternelle verite. II semble parfois aue sa foi dependLPOur une bonne part de la chaleur 537. et du pittoresgue du catholicisme dans les pays latins, L'Anglete rre est froide et sans joie, une terre ; miserable ou meme la religion ne salt consoler: pas une eglise entr'ouveiirte ; Si guelgue'une I'est par ^asard, IMe voute creuse et K6^tt^ deserte, Et de 1'ombre de toute part. Pas un Christ etjpas une image yui vous redresse le visage Et vous aide a porter la erois; Pas de musigue magnanime. Pas un grain d'enceiis gui ranime, Rien que des pierres et du bois... lualgre la foi initiale du Pr^^logue, le poete devient deplus en plus pessimiste. Byron a souffert non pour ses fautas, salon Barbiar, mais parce gu'il a releve leis travers de son xDays:

C'est I'e'ternel destin! e'est le sort merite Par tous les coeurs aimant trop fort la verite! Oui, malheure en tout temps et sous toutes les formes Aux Apollons fougueux gui, sur^les reins enormes Et le craae rampant du vice abatardi, Poseront comme toi leur pied ferme et hardi. II n'y a plus rien a esperer des flommes, pense le poete dans Xes j-iustin^

tous sont motives par: un pouvoir infernal, (Par) ce pouvoir cahhe dans toute creature, i^iUi mene toute chose §. son terme fatal, Et fait gue rien de beau dans ce monde na diire.

Iviais dans Shakespeare resonne une note plus optimiste: C'en est-il fait du beau sur cette terre sombre, Et doit-il sous la nuit se perdre entierement? ison, non! la nuit peut bien jeter au eien son ombre. Bile n'eteindra pas les feux du firmament. La Hature est peut-etre le poeme le plus purement "philosophigue" du reeueil. La, le poete est une fois de plus presgue au desespoir. L'horame reussira-t-il a vaincre sa mere Nature? si la baaute primitive devra faire place a un age de machines:

si les destins vaulent gu'a larges pas Fuyant et reeulant devant noB aattenta^its, S Tu remontes aux cieux et tu livres la terre A des an|iants ingrats et plus forts q;ue leur mere, 0 nourrice plantive} o Nature, prends-moi, Et laisse-raoi vers Dieu retourner avec toi. kais la nature le console; elle n'est point impuissante, eller. n'est point muette; et Barbier jette un dementi aux idees de son ami Vigny lorsq.u'il fait dire a la Nature:

je ne suis point muette; Bien q.ue le livre obscur du loiniftain avenir Ne puisse sur mon sort devant toi s'entr'ouvrir, Qiue, dans le miuvement d'mie vie incessante, Un b^andeau sur les yeux, je congoive etj'enfante, Je puis crier pourtant, et les nombreuses voix ^iui s'elevent des monts, des ondes et des bois, L'h^mne meldodieux, le suave aantiq.ue (ciui monte incessamment du globe magnifiq^ue, Dans ton oreille chaste a iongs flots penetrant, Viendra toujoxirs calmer ton coeur desespera^Lt... .

Toujours resteront le soleil, les vents, la beaute de la nature:

iusQ.u'au jour oii la terre, Comme le grain de ble qui s'echappe de I'aire, Et q.u'emportent les vents auxd champs de I'infini, Aura developpe son radieux epi; Jusq.u'au jour, ou, semblable a la fleur q.ui se passe. Par la main du Seigneur effeuillee dans I'espace, Elle dra reformer un globe en d'autres lieux, Et fleiirmr au soleil de q.uelq.ues nouveaux cieux. La mere de Barbier est morte en 1838; son influence ^ur le poete

i^Semble a'etre accrue; et des 1840, annee de la publication des

Nouvelles Satires, il a pris definitivement son parti: il est desor•

mais un croyant et un reformateur aele. Barbier exprime-t-il sa pen-

see a lui, ou croit-il seuiement debitor la philosophie de la Grece

anc ienne, lorsqus^^ll fait dire par le pilote dans Erostrate: L'existence de I'homme est un point dans le temps; Son corps un compose d'etranges elements; Son corps lui Kiwmj^v,^^ w ^ Son ame une vapeur, une haleine inegale, yui s'echappe du sang, et dans les airs s'exhaj.e; Sa fortime changeante une profonde nuit; Sa renommee un songe, et son nom un vain bruit; Pojir tenir sur la ^evre une plus grande place, Pour vivre et s'agiter un peu plus dans I'espace, -u'homme a le meme sort q_ue tous les animaux. 539.

i^ui ram^;ent dans la fange et glissent sous J3 s eaiuc; II ne vit Q.u^im moment et n'est q.u'une parialle iqiui rentre tot ou tard dans I'ame universelle II n'est rien d'eternel q.ue la dlvinite, Le reste est oerissable et pie in de vanite.,.. Les £Lhants civils et religiemc sont tout Chretiens, imjjregnes par moments, cex:)endant, d'un pantiaeisme presciue paien, Aucune philosophie nette ne se degage de ^res hymnes; il n'y a la q.u'une conception eredule

et indistincte des origines et des raisons d'etre de I'univers. la preface est comme une ctitigiue de la poesie du moi de I'age romantiq.ue:

De notre temps, la i)lace du moi, si bien faite dans I'art par ces hommes illustres, est devenue plus large encore, trop peut-etre; elle s'est accrue, ce me semble, par le manque de foi mon-seulement aux choses religieuses, mais aux choses politiq.ues, La philoiophie du dernier siecle ayant ebranle 1=^3 ctoyances catholi^ues, et I'expe -rience fa«ltale des revolttions ayant attiedi le coeur du citoyan, J il en est resulte q.ue I'indivMu n'a plus eru CLu'a lui-meme, a ses oropres sensations, et q.utei se plagant sur I'autel, il s'est incense divinite bonne ou mauvaise. Renouvelee de cette maniere, la poesie &. de notre age a pousse une gerbe de fleurs sublimes, mais quelquefois Hussi d'luie odeur enervante et deletere. iioin de moi cependant la pensee de proscrire toute pensee ayant j^out base la persoianalite. Je sais rj.uel5 services elle a rendus a la psychologie; combien elle a augmente ses richesse?, et _ jours nouveaux et ppofonds dans son obscur domaine. Tout ce qui tend a corapleier le ii'i6 tableau de 1'homme n'est pas inutile; en fait d'ailj et de sentiment., iXl faut bien se gargardea r d'e-^-" -nsi-p^^^^^; seulement^ , ; ce qui est im^jortant peut-etre aujoiird'hui, - ^ - - -i-^m o. fivi piRsavant de re ntiment our- s

qui ^- -

Cette note pantheiste dont .nous avons fait mention parait des le pr;

mier poerae; Le monde est contenu dans le sein d'un S3ul etre, >ciUi de tous les cotes I'anime et le penetre; Dans la nature et dans I'humanite, ii travers I'infini des soleils et das ombres, Lieu flitre et se deroule, ainsi que 1'unite Se developpe dans les nombres...(1.)

i,a nature est comme une vaste symphonie:

1, Invffication. 5-0.

Ou le raoindre de la terre et du del, La mouche ou le ciron, a sa part d'harmonie, ii!t son role pieux/i dans I'hymne "oniversel} (^.1.)

Derriere tout et dans tout, se revele im esprit intelligent ^t tout- puissant; en decrivant I'origine du raoBide, le poete s'e'crie:

ces elans, ces monstrueus efforts he sont pus I'acte fou d'un Titan aus bras forts, iaais I'effet d'une main intelligente et sage t^iUi pour un nh'ble but fayonne im grand ouvrage.(2.) Barbier salt reconcilier avee ses croyances les nouvelles de'couvertes

scientifiq.ues sur 1'evolution de la vie terrestre; j^ious avons ici ime version poeti(iue des theories de Cuvier et de Darwin:

I'un sur I'autre entasses, Les monts durcis au ciel levent leurs fronts glaces, La grande eau i^ui couvrit CLuelq^ue temps leur surface, S'evapore dans I'air, ou dans leurs creux s'ameiasf, 3t fait de vastes mers ou mille germes chauds iSnfantent des milliers de flottants animaux. ;:jur les rocs ies lichens et les mousses le^eres S'etendent; par-dessus s'enlacent les fougeres, Puis craissent les palmiers, les cedres chevelu?, 3t les chenes pesants aux grands rameaux tordus,' Autour des larges troncs et sous les hautss herbes Sonnent les anneaux d'or des reptiles superb'^s; Sur ces corps im^^arfaits, onduleux et glissants, 3'elevent d'autres corps olus complets, plus puissants; L'elephant monstrueuz, 1'hippopotame enoBme; L'epais rhinoceros et le bison informe, Snfin, dernier produit de la feconde terre, L'etre humaiu a^^parait, sublime mammif ere I xi'homme droit comme un cedre, et tournant vers le ciel Les rayons^ enflammes d'un regard immortel; jj'homme au front noble et^ihaut porteur de la pensee, L'homme dominateur de la fange insensee; at I'oeuvre est achevee; et ce dernier chamon Unit le createur a la creation; 3t le olan merveilleux de I'architecte immense Sst comris par le coeur et par 1'intelligence. L^harmonie mSme de ce plan fait du poete un croyant; 11 doit y avoir Dieu: Le sublime ouvrier, I'ordonnateur du monde....

Le Chant de Poete reitere le role de la poesie:

1. iiU Soleil. ii, Aux Iiionta^nes. ja^Qass au tomb^^au Son noble coeur n'admet pour.iois superieures uue les lois emanant des celestes demeures Celles du bien, celle s du beau; ' St son front souverain, dans la Gu I'entraine I'ardeur de ses a Son front pare d'eclairs He se < ^ue devant la grandeur de Dieu. Par tout le recueil I'homme est noble et b?au, point culminant de la

creation; "...pur reflet d'un Dieu x^uissant et bon." Ce (lu'ilf faut pour etre heureux, c'est la simplicite du coeur:

Simplicite du coeur, gue vous etes aimablej Comme avec vous la vie est chose^ supportable, St comme §ans eneombre et sans honteux remord Son flot limpide et doux teous entraine a la morti Tout ce q.ue vous touchez, comme aux mains de genie, Se pare et se revet d'une grace infinie, Car VGus etes vraiment de 1'essence du b^au, St Gomme un doux reflet de 1'image d'en haut. Dans I'l^mae a la Resignation on croiiaii? trouver q.uelQ.ue influence du

Jigny de la Kort du Loup, lais la resignation de Barbier n'est point

celle de son ami; Barbier ne defend pas q.u'on se plaigne du sort:

11 vaut bien mieux laisser la plainte S'ecouler librement du coeur, Comme I'eau fuit d'une urne sainte, \^uand elle est sous mi pied vaincLueur. Seulement, dans les douleiirs vives, II faut, vers le mont des OlZiives Tourner sa pensee et ses yeux, Et la, prenant Christ pour modele, Ike surer ses plaintes a celle Dont il frappa les vastes cieux. La Mort n'a pas de terreurs pour lui; elle est un "ineffable bienfait;"

Je chanterai la Mort, la Mort inexorable, l\on pas avec 1'accent d'une voix lamentable Et sur un mode injurieux; 'iviais je la chanterai d'une noble maniers, Comme on chante au matin la divine lumi-re, Qui finit laAM/j nuit sombre et colore les cieux.

L"Evmne a Dieu est un renouvelleuifent de foi dans im Esprit tout-puis•

sant ciui a soin de tout, jusq.u'auj{moindres de s^s creatures; et le

poete se consacre a jamais a son Dieu: Monte, monte, mon ame, monte au grand foyer de>;s araes, Va de toute ton aile au reservoir des flammes Lirige la ton vol de feu; iionte, monte toujouB?,/^ et ne fais point de pau^pauses. , iit sans jamais atteindre au Createur des choses Rapjroche-toi toujours de Dieul '

L'BpiloCTe resume le sentiment de tout le recueil:

J'ai fa_it ce que ^'ai pu, ce,qu'a 4a conscience A soupi^e 1'esprit de Lieu; Le grand desir du bien a cause ma licence, Et de force 11 me tiendra lieu.

Oui, quoiqia«^'il se rencontre en cette symphonie Les tons et des rhythmes divers, L'Eternal, je Ifespere, en sera I'karmonie, Comme il I'est de tout I'univers. Ce recueil semble le reflet de la croyance placide a laquelle le

conduit la vie de plus en plus tranquille et bourgeoise qu'il mene avec

une fortune augmentee et un avenir assue. Cette simple foi re#araitra

dans les Rimes Heroiqaes. ou le poete estt toujours le defenseur de la

Liberte centre la tyrannie et 1'oppression, ou il reaffirme le role

moral et social du poete vraiment poete. Ltms tous s'^s actes desormais,

aussi bien que dans sas ecrits, il appuyera le cote humanitaire, coatre

la violence et 1'injustice; et sa foi religieuse, inspiree pas une vie

tranquille et sans incident, motivera ses croyances poaitiques.

AuBune doctrine politique nettement definie ne se degage de son recit

des eve^iements de 1848. Barbier dans son ro/ile de garde national, reste

toujours le petit bonngeois de juste-milieu, tres typique de^/. sa

classe dans sa recherche de la pamx et de I'ordra. Mais I'humanitaire

en lui est sincerement eonscient des maux de la classe ouvriere. Un

poeme des Silves ecrit wers cette epoque en temoigne; pouquoi faut-il

de la pauvrete dans un monde si abondant? Une vieille femme qui ramassa,

avec peine quelques morceaux de bois pour I'hiver, I'y fait penser: Cette femme venait, rencontre malheureuse, Le sfaire rej.;asser sous mon oeil attriste 543..

Hes maux les plus cuisants de no;^r8 humanite. Je pensai derechef a tous les miserables (ciu'au mildau des tresors de ses flancs adorables i^jature chaaue jour voit expirer de faira, Elle gui peut si bien dormer a tous le sein; Et le coeur viv^roent peine de ce contraste, D'Ui-i lugubre soupir je frappai le ciel vaste. (1.) II est evident q_u^il ne voudrait pas penser a la misere des autres; mais sa sincerite ijinee lui defend de s'y soustraire. Dans cette partie du poeme parait une legere trace de la conception de la iiature q^u'avait formulee Alfred de Vigny: la imture est implacable et sourde, c'est d'un visage impassible q.u'elle voit se derouler devt'nt elle toute cette misere. Cette id.^9 est cependant reniee dans la seconde partie du poeae, ou, dans la resignation gui est a base de la doctrine chre- tienne, le poete trouve la reponse a;ses demandes: dans ce monde il faut que chacun ait sa peine; i^otre-Saigneur Jesus n'a-t-il pas eu la sieione? Ce sont les paroles de la vieille; et Barbier 1'admire q_ui

formant sur Christ sa pensee et ses pas, Acceptait fermejiment les douleurs d'ici-bas, St prenait son parti sans haine et sans ^nvie, De i'inegalite des lots de cette vie. 0 resignation! 5 celeste vertul^ Gomme avec ton secours serait tot resolu le ^robleme effrayant de I'existence humaine, Probleme ciui pourtant d'une voix si hautaine, S'agite et q.u'on ne peut ni ne doit dedaignerl iviais qui salt, de nos jours, oj^l salt se resigner? tiui croit ciue ce bas monde est un lieu de passage D'ou I'on doive arriver a CLuelcLU.e autre rivage ileilleur, et sixr lecLuel se fera le paiament De tous les maux soufferts par nous inocemment ?

Maintonant et desormaais, la foi de Barbier dirige sa politique; il est

plus resigns que lutteur, plus prei a accepter les injustices dumonde;^

et les satires ciu'il ecrira apres 1848 seront morales bi-^n plus que

politiq.ues.

Avec les Silves, publies en 1864, le poete se refugie dans les 1. Le Point de Vue. 544. beautes de la nature; on dirait qu'il se ceche aux realites de la vie, qu'il est las de lutter centre un mal qu'il croit indestructible. C'est ainsi que Laorade, Yigny et d'autres ont essaye et assaieront sn vain de le rappeler dans la lice satirique. ^ue de vices a fouettert leiir disent-ils; pourquoi delalsse-t-il un role qu'il a si bien rerapli autre• fois? i'iais I'Arehiloque de 1830 s'est tu, jresque a jamais. II est vrai que 1865 voit la publication de certaines Satires; mais celles-cm sont plutot "bonhommes," letachees, moqueuses, et impelsonnelies, li^lus 6 ici d'indignation profondement sentie; d-.-ja nous avons pre§que du cynisme desillusionne, le rire de Voltaire que le poete des lambes cvait autrefois condamne. Barbier a-t-iiil essaye de luttsr centre ce desillusiormement, de trouver encore un moyen de sauver I'humanite? 3es ecrits nous eclair- cissent peu a ce sujet. Peut-etre avec les annees la question a-t-elle cesse de la troubler, peut-etre est-ce avee raison que les critiques malins nous ke font voir plus preuccupe de sa sante '^t de son bian-etre domestique que de la litterature ou de la reforme sociale. w:uoi qu'il en soit, Barbier semble avoit abandonne la lutte, et notamment apres le

Coup d'Stat de 1851. Sst-ce a cause de sa haine de la tyrannie napoleo/i

(•nienne que la date se precise aussi nettement? On dirait, en effet,

que c'est le Second Empire tant meprise, qui I'a finaleraent fait taire,

par degout Bon seulement du gouvenDament, mais d'une nation qui a pu

I'accepter et supporter pendant une vingtaine d'annees. Avec le passage

de I'Erapire en 1871, Barbier est deja presque un vieillard, sans vrai•

ment plus de preoccupations, semble-t-il. •.^ue sa sante, que sa religion^

que ses devoirs acaderaiques houvellement acquis^^^. Ses croyances reli•

gieuses sont fL.ermes, sans plus de doute trop resignees, peut-etre, 545.

Chez un poete tel Q.ue Barbier avait ete. C'est en catholique fervent

(-iu'il fait sa derniere confession de foi la veille de sa mort en 1882.

II n'a jamais ete bigoj;; die souvenir de son onele ?. G'^ntilly I'en em-

peche-t-il?) et il a toujours conserve la faculte d^ voir chacun des

deux cotes ciu'il y a de toutes les ciuestions. Hn effet, il a toujours

essaye de tenir un chemin de juste-milieu, meme a trav^rs 1'impetuosite

q.uand on lui^ a raconte la fliort doulourause et desesperee de celui-ci, il la commenta ainsi: lous sommes loin de la Hort du Loup, ee symbole elogieux de la mort muette et solitaire du stoigue; mais J'aime mieux cette fin, elle^ est plus naturelle et plus humaine, (2.) II est vrai de dire, selon nous, gu'Auguste Barbier a evolue a

petits degres d'un republicanisme en politiciue et d'un guasi-scepticisme

en religion wers la resignation en matieres sociaikas et un catholicisme

sans reserves. Cejiendant nous pouvons lui appliguer, du moins pour la

periode militante de sa vie, les mots que lui-meme avait prononces sur

un ami q.ui a du 1' influencer, Leon de Vailly:

du pretent

1. Silhouettes p.nmtem,.oraines_. rage 287. 2. Idem, Page 366. 2. Idem, Page 369. 546. toPITRE TREIZB.

COi'iCijUSIOi'i SUR L'HOMa ST 3"OR L'QEuYRE.

Sur 1'Homme.

Ce n'est pas d'apres son oeuvre, dia pluxjart du temps, que nous pouvons nous faire une idee du temperament de Barbier. Les Souvenirs personnels.. mis a parti, I'oeuvre de Barbier n'a prasque rien de sub^e jectif. Elle nous eclaircit sur certains aspects de son auteur; mais d'ordinaire c'est chez les contemporains du poetesi, dans leurs descrip tions favorfelies oujpalignes, selon le cas, que nous pourrons le plus fa^ilement nous renseigner.

Comme nous ie savons, larbier avait des amis et des c onnaissance§ fort distingues; il semb^le y avoir eu quelque chose en lui, dans sa dignite irreprochable d4 bourgeois "honnete homme," qui aurait attire des esprits plus grands que le sien, qui aurait semble digne d'estime e t de confidences a des hommes aussi differents I'un de 1'autre qu'un Ifred de Vigny, qu'un Berlioz, qu'un Victor de Laprade. Voici comment

1832 il a frappe Lavid d'Angers, qui vient de lui etre presenter en (A Victor Pajie.) Paris, 20 janvier, 1833. Je viens d/^tz*^ de faire la coniiaissance de Barbier. Tu ne I'aimes pas? Je trouve" cependant que cet homrae a un genie puissant. II m'a remue fortement, mass tu sais que j'aime aussi ce qui est^ - --^^-;.^v,o Ar,i-i timifts ont reveille

Vigny est rei^e son admirateur jusqu'a la fin; et les amis intimes des

dernieres annees, Laprade, Edouard Grenier, Auguste Lacaussade, ne se

sont pas lassesd de le venerer. C'etait lui le doyen des petmtes

reunions en souvenir de Briaaux, comme en temoignent les Souvenirs

de Grenier. 1. Lavid d'Angers et ses relations litteraires. Correspondance publiee par Henry Jouin, Paris , Plon, 1890. P. 70. Lettre 71. 54!/.

Mais avec la vieillesse, avec I'arrivee a la maturite d'une gene- tation plus jeiuie gui n'avait pas vu eclater les lambes. Barbier a ete plutot mis de cote dans la memoire du public, Les gens gui ne le conA- naissaient pas dans I'intimite, gui voyaient seulement de temps en temps ce petit vieillard myope et retire', ont commence meme a se moquer un peu de lui: une comparaison entre le Barbier de 1830 et celui de 1870 est devenu a la mode, dans le monde journaliste; et puisgue, comne toutes les modes, celle^-ci s'est exageree, nous na som.m = s pas forces a croire tous les racontars gue nous trouvons dans les periodiguas. Barbier ne s'est sans doute pas soucie de ces critigvies, (sauf peut-etr de celle de Sainte-Beuve,) Voici un extrait de I'etude sentimentale de Jules Claretie dans Le Eemps de IS05:

...On tb'a conte gue ce fut un peu I'amour filial gui empecha Bar• bier de donner apres ies eclatantes oeuvres de ses debuts, d'autres oeuvres aussi dignes de la xjosterite. II ne voulu jamais guitter sa giere, et vecut a ses cote's, d'une vie toute modeste, gailgaant peu d'argent avec sas vers, lisant des vieux auteurs, cis^lant lente- ment guelgue sonnet aupres de la cheminee maternelle, menant dans I'etroite salle a manger la vie obscure dd guelgue petit employe, une existence d'expe'di/5tionnaire de la poesie. II vieillassait, vieillissait, Les annees suecedaient aux annees, et les generations nouvelles poussaient sa generation a lui par les epaules. -r^+amna vmmhifi de .ieune homme

ment au logis: "uorarae uu xc^i gue c'^st en songsant a Auguste Larbier gua/ILiiV-cV M. Eran^ois Coppee a conte la vie obscure de ce sgptuagenaire aux ^^as et gestes regies..... (1. ) Et ainsi de suite I

Barbier a possede certaines giialites indeniables, comme une rigou-

reuse sincerite, uneh haine de I'hypocrisie sous toutes ses formes,

Toute son oep.vre sert a mettre en iumiere cette veracite, fournir

des exemples de cette inflexible "honnetete." On peut citer a

maintes reprises; son invocation a son guide divin dans Lazare servire

1. 7 avril, 1905. 54t8 . a ce propos; que Lieu le maintienne toujours, souhaite le poete:

dans les routes heureuses Le I'uternelle verite... II ne tachait jamais de dissimuler les sentiments qui 1'inspiraient. Son culte de la Liberte, par exemple, etait toujours apparent. Afiolphe Brissot se rappelle avoir vu des lettres ecrites par le poete a Charles

Coran. Ces billets teraoignent de son invincible att.-chement a la Liberte, et d'une fierte noble et touchante....(1.)

Et voici quelques preuves de la vive admiration de Laurent-Pichat, qui

temoignant egalement de la sincerite de Barbier; Barbier a une verite a dire, elle^eclate; il ne flatte pas... Barbier ne fit aueune concession a la vaine popularite...(2.)

ilt nous ne saurions esperer me_ll3ur tribur d'eloges a cet egard que

celui de I'ami du poete, Bdouard Grenier: ...Sa nature si morale, si honnete, qui lui avait dicte de si b^aux accents d'indignation vertueu^e dans sa j^unesse, avait pris le des- sus avec 1'age.... (.quelle ame flroite, pleine des raeilleujs seniimentsod, incapable de compromissions et de defaxllance'.' Une ame d'hermite, severe, impla• cable envers toutes les lachetes de la politique, ou les sophismes qui offensaient son ideal de purete et de jusi?icel l&i type touchant et rare de la probite intellectuelle et de la canscianee en toute ^hoses...(3. ) Barbier a vecu fort retire vers la fin de sa vie, par exces de timi-

dite, disent ses critiques, qui expliquent ainsi les gaucheries de sa

premiere apparition devant I'Academie franvjaise; par modestie, disent

sss aais, parmi lesquels Edouard Grenier|peut encore une fois nous servii

de temoin: Le treit orincirjal de son caractere etait la bonhomie, la modestie, la sin>liSite..t.La modestie de Barbier etait extreme et touchante. -II serablait avoir ouM^e le grand cri qu'il avait pousse en 1830;.. il fallait le presser, le forcer, pour, le mettre sur ce chapitre.. V 4« J iiouB savons ce qu'il af fallu de persui^sions et ds cajoleries pour lui 1. Le Temps. 20 fevrier, 1900. , 2. Poetes du Combat. Pages ^;i-64 3. Souvenirs litts. Pages 154 et seq. 4:/. Idem, Chapitre VT. 543. faire poser sa candidature a I'Academie; (1.) avec quelle difficult;,e on est arrive a lui faire accggter la Croix de la Legion d'honneur;(2.) et

I'on se rappelle gue c'est d'apres ses propres demandes gu'on a celebre ses funerailles sans les discours solennels prononces sur sa tombe, sans les honneurs dus a un officier ^de la Eegion d'honneur.

On peut done se faire une ide'e assez precise de la personnalite' de

Barbier. Elle nous eehappe a certains egards, surtout par le cote des faiblesses. hous voyons en lui un homme sincere et sans affectation aucune, evitant la iumiere et la popularite, ne sortant de son obscu- rite, salon ses amis, gue pour fletrir guelgue vice politigue ou person-

-nel I'aurait indigne outre mesure. II semb^le avoir eu un^tres ppofond de ses devoirs et de ses obligations, dans ses relations person- ielles aussi bien gue dans sa vie litteraire; nous savons avec guelle devotion filiale il a soigne sa mere; avec guelle fidelite il s'est

charge des derniers jours d^^'im pere po-ar?[ gui il n'avait cependant pas beaucoup de sympathie. Sa mere a ete le principal objet d'adoration de

sa vie; envers elle, du moi^s, il s'ast revele capable d'une tres reell£

affection. A-t-llt temoigne d'une affection semblable embers d'autres?

La reponse n'est pas claire; d'apres ses lettres et ses rerainaaaences,

il aurait ete plut6t froid; mais le fait guiil a pu inspirer une si

chaude amitie a ^uelgues-uns de ses amis, parmi lesguels des hommes de

genie, semble indiguer plus de chaleur et d'affect ion dans les rela•

tions de Barbier avec ses amis gu'il nJen parait dans ses ecrits. II

ne s'est pas marie; s'il a jamais ete amoureux, nous ne savons. Cette

observation sur 1'amitie feminize est de ses Etudes litteraires et

artistiques, (non datee.) Le poete pense-t-il a Mrs. Austin, I'i^nglaisJ

gui semble I'avoir tellement influence?

1. Voir a la page 416. «i.Voir a la page 430. 550.

a?" Ifl ^'f^®^ pour un homme non-marie -t qui a passe le milieu de ea vie d'avoir une habitude, c'est-a-dire, une persoime aimabls k visiter tous les seirs. Ce tendre et spiritui^i lien vous uccupe, yous liiteresse, et vous preserve des folies du vi-il age, qui sont toujours ridicules et desastreuses. (1.) 5 » i Quoi qu'il en soit, ce qui ressort dres nettement de toute enquete

dans sa personnalite', c'est cette probite absolue, source d'admiration

pour tant de ses contemporains, en soj7te que le meilleur mot qu'on

puisse prononcer a son endrotit est celui des lambes: pendant toute sa

vie, il &J6 ete parfaitement "honnete homme," Conclusion sur 1'Oeuvre. Pour vraiment comprendre i'enigme que presente la carriere fliitte-

raire d'Auguste Barbier, il faut tenir compte de^ la nature sensation- nelle de I'apparition de La Curee en 1830, et du reste des lambes en

1831. fious avons deja fait remarquer cette popularite subite, c^tte

rapide renommee. Peut-etre bien, au leeteur moderne, deja si eloigne

d'eHenements devenus irreels, avons-nous semble exagerer, faire de

1'auteur des lambes un prodige $el qu'il n'y en eut jamais, lui preter

ime renommee qu'il n'a point connue. i^ous n'en croyons rien; au con-

traire, il nous semble im^jossible de trop appuyer sur la reputation

glorieuse acquise par les lambes des leur apparition. II faut recon-

naitre cette reputation, se la rappeler sans cesse: c'est le seul

moyen de se rendre corapte des possibilites latentes de genie que

Barbier a laisse tomber en desuetude, ou bien qu'il a perdues tout de

suite apres leur premiere manifestation.

i^i'ous avons vu 1'opinion contemporaine des lambes, celle de Sainte- Beuve, par exemple, et des critiquesd de la Revue de Paris et de la Revue des Leux tondes. I'aecueil des differents groupes politiques, 1'influence instantanee que le nouveau recuail a pu exercer sur la 1. Etudes litteraires et artistiques: Sur I'amitie feminine. 551.

litterature comme raodele de poesie satirigue. Des lors la critigue n'a pas cesse ses louanges: les deceptions gue les nouveaux recueils de I'auteur des lambes lui ont inspitees, semblent avoir redouble son enthousiasme pour La Curee. son acclamation de la verve geniale de L'Idole. Et bientot tous ces critigues vont dire la meme chose: ils acclameront les lambes. ils decriront la carriere subseguente de Bar- bier, avec des remargues ou des allusions plus ou moins malignes, selon le critigue, puis tous deviendront prasgue elegiagues dans leurs lamen -tations sur les gloires d'antan; ils citeront les lambes. i^ua^itra- Vingt-Treize, oar exemple:

Nous devennns puussifs, et nous n'avons d'haleine ^iue pour trois jours au plus. puis ils trouveront pour resumer guelgue phrase bien tournee, guelgue raetephore plus ou moins originale pour decrire cette curieise situation,

•cjue de fois on fait frapper le j'^una Auguste d'un coup du soiaii de

Juillet, pour fuire disparamtre son genie avec la Revolution gui

1'avait evogue! leja &n l&^'Q Hippolyte Auger peut dire:

M/f:;i)M uoltA/ iipres la chute de Charles iC, M, jiv^uste Barbier a'fail La Curee'; depuis gu'a-t-il pu faire? (1.)

Sreize ans apres, Jules Janin demandera:

L§t seul poete de ces temps d'orage (1830) ce fut AUguste Barbier... yu'est-il devenu?...pourguoi ce silence obstine? Mais gu3est-ce gue ce silence obstine de la part de Barbier? B'a-t-il

pas donne, entre 1831 et 1853, II Pianto. aazare, les ijpuvelles Satires

les Chants civils et religieux. les Rimes lleroiques. des essais de

traduction, des articles de reiaue? Janin ne s'est-il mdeme p^s domie

la peine de les remarguer? Maxime du Camp, dans la Preface de ses Chant

^' x.a France Liitftidriai-iPie^^ 1840. 27. Page 103. ii. Hi^+.nire de la litterattre dramatioua. 1853, Paga 57. 552,.

•aodernes rangera Barbier en 1855 avec les grands hommes de sa generatio

^uand les hommes forts de notre race ont faru dans la foule, cuand Victor Hugo, Lamartine, Auguste Barbier, Wilfred de Vigny, Balzac ont parle d'un seul elan, on les a places si haut que nul encore de nos jours n'a pu les atteindre...(1.) Mais selon lui aussi Barbier n'a fait que garder le silence depuis:

. . .iiUguste Barbier se tait depuis qu'il a pousse, dans les lambes, le cri subliflie qui ne s'eteindra pas....^2.) Baudelaire en 1861 saura etre plus original, (3.) en ce qu'il pro-

fite d'mae etude sur BarlJier "pour traiter une foisd de plus cette

fastidieuse question de 1'alliance du,Bien avec le Beau." II debute

par un examen des premieres publications, qu'il admire. Remarquons que

c'est en 1861 que I'auteur des Fleurs du Hal peut constater encore

avec assurance: La gloire de ce poete est faits....la posterite ne I'oubliera pas... Ses premieres compositions sont restees dans toutes les memoires...

II a sa faQon a lui d'expliquer la chute subsequente de la renommee de

Barbier; celui-ci s'est donne comme but la morele et I'utilite; a ce

but il a sacrifie lyrisme, syniaxe, style, toute la poesie de ses

premieres oeuvres: ... A travers toute son oeuvre nous retrouvons les m.^mes defauts et les memes qualites. Tout a I'air soudain, spontane; le trait yigou- reux, a la maniere latine, jaillit sans cesse a travers les defuil- lances et les raaladresses. Je n'ai pas besoin, je presume, de faire observer o^ue Pot-de-Vin, Erostrate. Chants civils et reli^ieux. sont des oeuvres dont ehacune a un but moral. Je saute par-dessus un petit voium.e d'Qdelettes qui n'est qu'un affligsant effort vers la ... -D^^^o i-rci-niVii-iea. Ici. pour tout dir<

fonctions pourrait nous entrainer...

et il resume: Auguste Barbier est un grand poete, et justement il pt;ssera j>ou-

1. Chants modernes. Preface, Puge 2. •d. Idem, Page 3. 2. Ravne f ant-^lsiste, L5 juillet 1861. L'article a reapparu dans 553 .

jours pour tel. Mais il a ete un grand poete m.algre lui. pour ainsi dire; 11 a essaye de gater par une idee fausse de la ooesie d^ superbes facuites poetigues; tres-heureuseme^it ces facultes etaient assez fortes pout resister meme au poete gui les voulait diminuar..

Tonjr Revillon en 1864 remargue gue Barbier est deja mort pour le public litteraire;

Tout le monde salt le nom. L'oeuvre est dans toutes les bibliothegufeS Les vers sont dans toutes les meioires. 3,'homme est devanu incoiinu. —Auguste Barbier est-il mort? me damandait, il y a un mois un de 4es amis. ' L'auteur des lambes venaitel^ de publier u_n nouveau recaeil. ..(1. )

Barbey d'Aurevilly exprime la pensee de plusieurs en se demandant pourguoi Barbier a survecu au Pianto: II se xjrecipita de son genith sans discussion et il sombra nettement tombant a pic dans les Chants Patriotigues (sic) et Religieux. Jamais on n'avait vu d'ascension plus htiute et plus rapide, ni de prostration plus soudidijii^aine . (2.) Dans les Silves il voit presgue un cas de "pathologie litteraire;"

Auguste Barbier est un grand artiste d'elan gui ne salt pas^ son metier et gui ne le salt pas a une epogue ou le metier e^t devenu plus obligatoire gue jamais pour 1'artiste, puisgu'il est la seule chose dans 1'artiste gue le temps puisse perfectionner. Ainsi guand Barbier perd son inspiration (ce gui peut arriver a tous,) il fait de ces terribles chutes gue, par exem^.le, Theophile Gautier gui n'avait pas son genie, ne ferait pas, guand il I'auraitI

En 1868 il est encore plus tranchant: (Barbier) n'est pas seulement un vieux. Ce n'ast pas s^ulement un mourant. C'est un mort.' Un mort sur pied, Poete sublime, la duree d'un jour, gui nous donna I'idee de ee gue devait etre Archilogue, peut(-atre a-t-il creve de 1'effort gu'il a fait pour cela'. (3.) Zola enfdn, ecrivant vers 1876, emettra a peu pres le meme jugament; Ge ooete, gui eut un eclair de genie dans son existence et gui ^ tomba ensuite a une production mediocre, est un das cas caractee ristiques de notre litterature. Beaucoup de personnes s'lmagment rqui e I'auteur de La Guree et de L'Idole est mort depuis longtemps: eqt il est mort, en effet, bien gus^'Auguste Barbier vive toujours.'(4., e avons deja faitz' remarguer la foule de notices necrologigues lious

1. Le iM'ain Jaune, 25 mai, 1864. 125-40. 2, Les eeuvres et les Hommes, Les Poetes. ^ ^ , i^++o ues Poetes 554. qui ont suivi la morljreelle du poete. La surtout, c'estTistoire de repetitions et de platitudes, apj)uyees par des citations de Sainte-

Beuve ou de Baudelaire. i.es critiques de journaux ont ete particuliere

-ment superficiils; ceux des renues litteraires serablent du moins s'etre donne la peine de lire une partie de I'eeuv^e da poete mcrt.

Le long artijsle de Blaze de Bury dans La Revue des Leijx Kondes est parrai..les meilleuxes des etudes de cette epoque:

jiU nombre des plus grands succes du siecle qui s'acheve il en est trois dont le retentissament aurazl depasse tout; en 1819, le l^iaufrage de la Meduse; en IQdO, las jvieditations; en 1830, les lambes ou, pour parler plus exactement, Lt Curee/,. II y a cependant une maniere de s'en tirer, sotiit comme Gericault, en mourant jeune, soit corame I'auteur des Harmonies et de Jocelyn, en prenant pour devise: Excelsior. Barbier ne fit ni I'un ie 1'autre; et c'est pour -quoi, vu a distance des evenements, sa destinee de poete a presque I'air aujourd'hui d'une ironie. (1.) II a eonnu et aime Barbier, et son article est sympatklque; en termi- nant il excuse les defauts de I'eeuvre par les merites de la vie: On a reproche a Barbier sa longevite laborieuseme.nt st^-ile. £) On lui en veut presque de n'etre pas mort apres La Curee, apres L'idole, et 1'imagination eprouve une certaine deconv^nue a voir le .brillant poete des journees de juillet continner a trottiner avec des lunettes et son parapluie sur le theatre de la vie... Barbier fut bon et merae excelleni^t pr-ndant une h-^ure de sa|vie et "passe cela" si le puete eut le tDtt peut-etre de ne point abdiquer 1'homme au moins vecut sans reproche

Arsene iioussaye sera plus iard parmi les commentateurs plutot chari•

table s de I'enigme: XI n'avait conscience ni de sa force ni de sa faiblesse.... craignant les hardiesse du genie, parce qu'il etait asservi par les timidites bourgeoises, t-u'importe puisqu'il a eu son h^ure plus ou'auciin autre, puisque son nom ne s'effacera pas Hs^M quand tant de noras aujourd'hui celebres seront oublies... ( ^.) ivialgre la deception des critiques, et le silence qui s'est fait autour des oeuvres posterieures aux iarabeszl, on continuait a lire et a louer les lambes. Ua critique anonyme de la Revue anecdotique des Lettres et des Arts dit en 1862: 1. 186ii. TO^e 53. Pages 7iil-757 . i^umero du 15 octobre 2. i^es Confessions, rage 'dc^Q, Lentu 1865, Reserve faite des oauvres pocHic,ues ds de i^aflartine, Victor iiUgo, et iiirred. de iiusset, aucrni volurae d^ v^rs n'a su d'^ mis auarante ans, un plus grand^ sucees de vente oue les Ic'nbes da L Baroier. " ^® livre a attaint eette anneerci sa douzieme edition. (1.}

La dix-neuvieme est de 1868, la treiitieme de 1880; en 1898 I'aflii de

Barbier, ii. Hons-Olivier, a fai* publier ime edition speciale des laabes et Poemes. x,'edit ion franqaise la plus recente, q.ue nous saciiiuns, est celle de 1913, parue ehez .^rtheme Payard. On les a tra- duits et publie's § I'etranger; en 1SZ2 a paru a yuedlingbur^ et a ijeipzig une edition allemande, (^.) et nous savons par Barbier Ci_u'il y a eu une edition beige. (3.) 'Jln 1907 la Clarendon Press a donne en

Angleterre une edition abregee et expurgeeef.!^ des lambes, du Pianto, et de La gar e, avec une preface de Charle s-I^arie Garnier q.ui fait

preuve.^e la part de I'auteir, fie recherches considerables dans la

vie de Barbier.

iln italie surtout Barbier avait ete fort admi±e. La mort de Bar•

bier en lB8*i a donne lieu a des articles de critique, celui, par

exenple, de Ferdinando Ivlartini, reimprime en 1909 avec des Simpatie;

Stadi e Ricordi. (4. ) et celui de Boglietti dans la Kuova Antologia;

{iD^t et 6.) Tous deux font remarciuer I'aspect original et audticieux

des lambes; tous deux constatent la dec^|»tion ciu'ont inspiree les

outrages suivants. luartini attribue le silence du poete au degout

que ce siecle maudit eljretrogressif lui inspire: Boglietti fait la

louange de son honnetete eh citant iviamia^ii; Fu ad un tempo un gran poeta e la rettitudine in persona.

1. Tone V, Page 103. ^ ^ v zi^m Cxeissellieibe fur die grosse i.ation, von ^uguste Barbier. i^us de'-, Franzosischen iibersetzt von L.G. Forster. 3. Silhouettes... Stude sur ^^interhalffcer. , I: ?a:^es\u9-3l9T Fefebraio, 1882. t. ?p. 427-443. Tome A.^III. 6. Caraucci faitmention d'un autre, (Bozzetti e Scherme, Page 294 iitude sur Barbier.) 26 febbraio, 18B2, dans la Fanf^Llla^domer^ -Ci'.l" , art. d^Ne«(no>%i 556

•i^iouB avons vu a c.uel egard Bc^rbier u ..u servis de modele a Carduccl!*^

J.e .)oete italien s'est fort interesse a la litterature frangaise. sur- tout a eelle de I'epociue romantieue; il a consacre a Barbier deux de ue ses jlus long^s etudes; (ii?) vm artiale necrologiciue ..araissant d'abord dans la Dogienica letteraria du 5 mars, 188^, et reimjrime duns sea

Oeuvres comioletes; (3.) et une etude intitulee Au^ust^ Barbier in

Italia (4.) Carducci a beaucoup d'admiration pour Bc rbier: n Di poesia politica la^letteratura fra^eess non aveva ancora dato un getto isosi forte, cosi pieno, cosi alto, e d'una tale oaldezza fulva. di bronzo; satira cosi virila, cosi aceorata, cosi minaeciosa, a crollante con alti^ettanto l^olni^o disdegno la lirica crini'^ira, dalle 'STb.f^hiGhe del d'Aubigne in pd*, non ni aveva piu avuto... il contraste I'iambe de Barbier avec celui de Chenier: il giambo ...di j^ndrea Chenier ,. .e un sfogo dell'individuo; un grido dm solitario indignazions, che racchiuso tra le mure del carcere.. .

L'oeuvre de Barbier: ...per 1'intonazione, che e la satira sociale, e par la forma, che e la descrizione^grandi tratti fra epici e drammatici, e per lo stile, che e d'un colore c^uasi caricato, tutt'altro dal fare di Andrea.... II traduit souvent, par exexraple le fameux passage oe L' Idole , se

terminant "3ois maudi^, o iiiapoleoni " Or bene, in tutte coteste giornate di vilta, e di dolore, per tutti cotesti oltraggi che non han nome, io non ho mai caricato del Alio odio che uno: sii muledetto, o Napoleonel et il tem&igne d'une connaissance proiffonde des lambes. Ivlais apres

Lazare,Barbier ne fut plus lui-meme, II aurait ete difficile d? sou-

tenir ce ton indigne: 1. Voir a la page lou-. ^ . . ^ • ^. G. iuaugain, dans une longue etude d-s Anna_les. de I'universite de Grenoble, (1911, T. x;ciii, ) sur Giosue Carducci et la France, y signale les emprunts evidents cj.ue la poete itftHen a faits dans ses articles, aux grands critiques frangais; et il releve pour sur Bar-bier, maints. points de compgraison avec des la^partie e. oainte-BeTlve, de Planche, de Leon de '..ailly. articles cit- '"one 23, ??

...credo che poesia cone i giambi non se ne puo^ fare che un momen-

L'article sur xi Pianifao s'inspire larg^ment de Sainte-Beuve; (1.) il releve ce ciue Barbier apporte de nouveau a la conception franqiaiss de I'italie, et fait I'analyse des povmes du r~-cu-il, ajoutant par- fois d'assez longues traductions en ittili^n, surtout du Cam,00 Vaccino poeme q.u'il estime "il piu bello.. .di tutti.." Yoici sa version du raagnificLue passage final; ScGO che il giorno cade; dalle cime dei tetti, in fronte ai capi- telli, I'ombra ^ende a lunghe pieghe come di neri mant^lli; il solo diviene pmu rosso e gli alberi pjaiucupi. Di dietro i grandi archi, traverse le macerie, lungo le strade incassate, i miei aguardi come attratti seguono le coppie dei bufali neri legati a due a due. I superbi armenti, dalla giogaia pendente, tornano a lento passo dall' arsa campagna, e i pastori vellosi, adusti, con i pugno la lancia, a cavallo, radducono le carra del fieno. Poi x^assQ un prelate 0 gualche monaco sucide che va battendo il suolo co'l suo iM.&.6t tristo zoccolo; frati portano cantando una bara: un ragazao mezzo nude lo segue e cammina solo; donne in vesta rossa, brune, scendono, filindo da scalini coperti di verdura...

il connait aussi les Rimes de Voyage, de 1864; il en cite et traduit

q.uelciue3 gjorceaux. Des soimets il prefere celum sur le Correge a

iiilichel-Ange, "pi^ bello 0 almeno piu andante e colorite e sonante,

KyMuL nel gusto vacchio francess di Ronsard e Du Bellay..." L'invoca-

tion a la divine Juliette ne lui plait pas: L'italie"alma parens," paragonata a una ragazza inamorata che piglia velono; une Giulietta pai con figliuoli, e che tra i fig^- liuoli jka da cercare I'amante mi par di ciuella retorica roman- tica, di'. q.uella declamazione colorata, che troppo spesso i nostri

padri scambiarono par poesia...

il examine ensuite las ouvrages subseguentes da Barbier, s'arre-

tant seulement aux allusions ou aux em^.runts faits a 1'Italie. II

cite en detail les recits des voyages Italians de 1838 et de 1860,

1. i^ational. iil janvier, 1863. Voir a la paga m-r. 558". entre autres les descriptions de Rome en 1838, et la rencontre svee

Gavour en 1860. 3nfin, ,:^arffline Carducci, en jetant un coup d'oeil sur

I'histoire italienne de son temps, le reve de Barbier s'est realise,

I'italie a trouve en Garitealdi son Romeo liberateur: I poeti, CLuand'anche non vati, son sempre de'logici onesti; sempre, s'intende, che non siano retori egoisti e vigliacchi, o ciarlatani farabutti. iMous trouvons avec les amees ciue le nora de Barbier, tout en per- dani y.uelciue chose de cet eclat Cj.ui avait ebloui la generation des lambes, rend encore un. faible echo de son ancieime gloire. L'annee

1905 vit surtout un renouvellement d'interet dans I'auteur des lambes/^. Le Paris litteraire de cette annee celebra le centenaire du poete; ou plutot, La Revue Bleue s'imposa la tache de rappeler a la capitale un poete ciu'elle avait failli oublier, i^uguste Barbier, immortel auteur de ija Cureel Cette periodiqtue semble, surtout a cette epoaue, s'etre piciuee de rechercher Iss petits poetes, et de leur rendre I'hommage ciu'ils n'avaient pas trouve ailleurs. lln feuilletant Iss pages de la revue, on trouve des comptes-rendus de

|)i}ikusieurs celebrations de ce genre. C'est ainsi ciu- des le mois

d'avril, 1905, le nom de Barbier fit figure dans la Revue Bleue, Bt,

en meme temps, reparut dans des periodiciues comme La Gaulois, Les

Annales 3E>olitic:ues et Litteraires, Le Temps, etc. (1.) Kous doniions

1. Voir a ce propos: Annales Romantlques, 1905. II. Pages ji'n .ales PolitiQuei~et Litteraire.s, ^9 avril, 19 05. Revue du 3ud-:^st. 1906. III. Pages 145-1158. Le Gaulois. ^Q avril et ler. mai, 1905. Le O^emps. 7 avril, 1905. Revue Bleue, 8 avril, 431-6. 448. ii9 avril, 54^-4. ^7 raai, 672. 3 juin, 676-681. 68ii.-7, 70S-4. 10 juin, 71ii-5. 559. d'abord un poeme ecrit pour la Revue Bleue par Em :anuel des Dssarts, ...'Sans comraentaire:

Le Centenaire d'Auffuste Barbier.

Les poetes sacres, les grandioses maitres, Voue's a 1'immortalite, Ont avec la nature et I'elite des etres, une eclatante affinite. nugo, c'est I'aigle pre-fi a jaillir de son aire, Dans un elnn prodigieux, Faibilier du soleil et voisin du tonnerre A travers I'infini des cieux. Lamartine inspire, c'est la candeur insigne, iirgentant le miroir des eaux, Pur modele legue par Platon, c'est le cygne AU cheeim musical des oiseaux, kusset, Cj.ui fait songer aux brises enivrantes Caressant les airs de leur vol, Comme dans les beaux soirs e^ les nuits murmurant®?, C'est 1'ineffable rossignol. Banville est l"alouette emergeant de I'auron^ 3t Brizeux le doux alcyon; Ivlais Auguste Barbier a la fougus sonore C'est le formidable lion! Le lion q.ui regut de 1'antiq.ue Arcl.dlogue Et du moderne Andre jChenier L'iambe, cet effroi du mai a toute epoci.ue, Cette arme bien prisonnier; Le lion (lui, sentant soii athleti^ue force, Avec son geste souverain, Seul osa faire face au grand cavalier corse Droit sur sa colonne d'airain, Le lion se ruant sur la meute ^ffaree Et de ses iionds deconeertants Dispersant la cyniq.ue et rapace cures Les "arrivistes" de son temps; Le lion q.ui laissant a ses rivamx I'e'glogue idarg.ua de ses crocs irrites La race au front menteur, 1'arrogant demagogue, Voleur des popularites; Puis soudaam au repos, serein et pacifiaue, yui dans 1'horizon du Pianto Contempla I'art superbe et l^aziu" magnificiue, iaais qui se redressa bientot Pout? faire de nouveau gronder sa ^oix sincere Et fremi« ses mtscles d'acier Et rugir la clamour de la pale misere En son Lazare justicier. Poete, tu fus grand par ce triple chef-d'oeuvre, EJ8/. ta robuste honxxetete, Ton renom ne eraint pus i'envieuse couleuvre hi le flot jaloux du i^ethe; Tu fus le verbe altier au cri de delivrance i^ui par son chant audacieux Fit Gomme resurgir aux levres de la France Xia k'arsailluise des aieux, It sage patriote et bienfSisant genie, Revant d'un prochain Floreal, Tu predls la cite d'am.our et d'harmonie, RepublicLue de 1'ideal. Reste celui (^ui loue et celui ciu'on venere, irtiste humain, coeur fraternel; Les siecles garderont ta^ gloire centenaire, 0 Barbier, lion eternell (1.)

La Revue Bleue se donna veritablement de la peine pour celebrer I'affai

La premiere mention du prochain evenement parut dans le nuriero du 8 avril, dans les Faits et Aperqus. Jacg.urs Lux y rappelait I'admiration

c;.ue la Revue avait temoignee en 1882, a I'occasion de la mort de Bar•

bier, et declara 1'intention de la Revue de celebrer dignement ...la naissance d'un homrae ojii laissa un si bon ex-'mple d'inspira- tion lyriciue et d'idealisne republicain, Le programme, dit-il, consisierait en "une visite a la tombe du ^.oete,

une manifestation devant sa raaison, et une soiree litteraire." >]nfin,

il corrigeazi les biographes du poete q.ui I'avaient fait naitre le 29

avril l80b, au lieu du 26, et il avanga comma preu'se I'acte de bapteme

CLue nous avons eu I'occasion de citer ailleurs. Dans les Faits et

•auerqus du 29 avril, le meme criti':iUe consacra une etude detaillee,

fort originale a bien des egards, au centenaire et a isrertains incident;

de la vie du poete. II parait Ciue la Revue avait demande la collabora^

tion de plusieurs "geants du mohde artistiq.ue et litteruirayTicLui

avaient, bien entendu, repondu fort ^jolimant, et, pour la plupart,

sincerement. A'natmle France, nous dit laccLues Lux, avait loue les

"delicieuses images " du Pianto. Ludovic Halevy avait declare ciue

I'admiration a^'il temoignait pour Barbier lors de sa vingtieme annee

1. Revuft Blftue, III. 190b. Page 682. 561. n'avait nullement fiiminue apres un demi-siecle eeoule. Les contempo- rains tiui avaient connu Barbier personnellement avaient tous aimi^e, parait-il, "le vieillard discre.t" (le mot est joli, ) ciu'il etait devenu. "Cetait un honnete homme dans toute la force du terrae," avait dit Gabriel konod. jvigr. Perraud, succassaur de Barbier a I'Acaderaie francaise, ajouia son nom au "Comite' du Centenaire," ^n effet, I'idee d'une telle celebration semblait combler les voeux de tous. On pour^ait composer un Livre d'Or avec les lettres udressees a^/ ce propos a la

Revue Bleue, dit Lux. Jules Claretie, Andre Theuriet, Abel Lefranc,

Tous trouvi^erentd)^ des paroles admiratrices; quant a Hounet-Sully,

"suppris ...a son resell," il .. .exhala I'admiration la plus jaissionnee pour les lambes, et, sans plusit tarder, de memoire, declama avee une emotion et une puissance merveilleuses ces vers d'airain. Un Coraite du Centenaire se forma done, sous la presidence de Sully-

Prudhomme et de Leon Bourgeois, nous donnons la liste des adherents, telle qu'elle apparut dans la Revue Bleue: urn. iviarcelin Berjhelot, le grand savant empresse a soutenir les nobles causes, J.§M. de H?redia, V. Sardou, Leon Dierx, P. Delombre, Joseoh Reinach, R. Poincare, A. Croiset, F. Buisson, L. Barthou, H. Roujon, J. Caillaux, R. Strauss, Iviaurice Tourneux, G. i^eygues, E. Boutroux, G. Lanson, M. Aulard, P. Deschanel, A. Fouillee, C. -- - ^- -ii + ^ar^-;a PohsT 1 i/iii. E. deS

xiavet, de Selves, prefet de la Seine, Brousse, president du Conseil municipal de Paris, Herbert, maire dm Vie. arron§isse«5ment, auxguelf s'adjoigiient ies parents et amis des dernieres annees d'Auguite Barbier: llki. Hons-Olivier, Jules Barbier, Alexandre de Haye.

On ne put celebrer le centenaire le 28 avril; mais ce jour-la, du mo ins, Cj.uelq.ues admitateurs se rendirent au Pere-Lachaise, ou la Revue

Bleue deposa des fleurs sur la tombe du poete. Le centenaire raeme aurait lieu, promit Lux, au mois de mai, et il indiqua le programme. Suivirent des remarques sur la maison natale de 563..

Barbier, et sur les souvenirs litteraires du ciuai iialaauais meme. Pour ceux de nos jours (iui se sont demande, comme nous, en voyaAjb no. 19 du q.uai la plague commemorative d'Anatole France, pourauoi il n'existe pas une placjue semblable pour Barbi'^r, voici la preuve q.u'on y a du moins pense:

La maison avait ete achetee des 1831...par la famille de IvI-i da Gascq., ciui s'y fii£a iLuelq.ues annees apres. President de la Chambre a la Cour des Com^.tes, et de convictions legitimistes, il servit avec une egale distinction la Restauration, la luonarchie de Juillet c,ui le fit sdoair la Republiq.ue CLu'il n'aiamait paint, et l^jlmpire. , . .Ses petites-fille possedent encore le-vieil hotel sur lec.ual.,. helasl la Revue Bleue. se conformant a leur desir, ne pourra apposer de marbre commemoratif...

Sn parlant des dernieres annees de Barbier, de ses hivars a ^aris dans son petit appartement de la rue Jacob, de sas yietes a Fontaineblaau,

Jacq.ues Lux revela ciue les iambes furent cedes hi. I'editeur Dentu pour la somme de 2000 francs. Si c'est la, dit-il, tout ce q.ue Barbier avait obtenue de son oeuvre la plus connue, et la plus lue, il ^^e vivait certainement pas par sa plume I St cependant il a pu laisser 300000 francs a ses legatairesJ Sdouard Greniar i^ious avons cite ailleurs la recit c.ue fit LiiX de 1'affaire de la 1. Legion d'honi.eur: Xiux aussi raconta cet incident. II donna ^nsuite la lettre inedite du vieux poete adressee a Alexandre de Haye, c^ui lui avait demande "dans una ode .^Ifa,'. anflammee" pourq.oi il s'etait tu.(2.]

Le numero de la Rgvue Sl^ue c,ui suivit le cantentare en donna une description detaillee: Par I'une des DIUS lumineuses soirees si radiauses a Paris,^ dans I'aimable et somptaeux decor des Cham^.s-jilysees, se sont reunis, a un diner chez Ledoyen, las admirateiirs les plus notoires d'^uguste Barbier, invites par le directeur de la Revue Blaue, 2n 1'absence de^ . hi. Sully-Prudhomme, retenu par le douloureux etat de sa sante, le sA'/.i maitre venere Leon Dierx i^representait la poesie, au^res des mambres eminents du Parlement, de 1'Universite des Lettres, de la Presse, aupres d'amis de la Ravue Blaue. amis de locigue date, tel L. Joseph Reinach, ou recents, et des ptirents du PoetS de 1830, IHI. Hons-Olivie et Pierre Barbier .... (2. ) 1. Voir a la paga 431. 2. Voir a la page 423. 3. 3 juin, P. 703. 563.

Le savant russe Kovalevsky, invite au b^.jjiquet, mais emp^che d'y assis- ter par les evenements survenus dans son pays, s'excusa dans un teleg- ramme qui loua le poete frangaas/. Une^; allocution fut prononcee par

Felix Dumoulin, rappelant la gloire des larabes, la succession d'oeuvres qui les suivirent, les injustices et les oublis que le poet^, tout en gardant une certaine estime, devait subir. jjes vers de Des Essarts furent essuite declames, et I'on p^ut ie figurer I'enthousissme avec lequel on acclama jiUguste Barbier, au milieu de I'admiration et du bon vin!

La Revue alia plus loin, en consacrant une serie ^I'AttMl^t d'etudes a Barbier; d'aiiord un article d^Edmond Pilon qui ne contient pas grand' chose de nouveau. Pilon vat dans La Curee une source d 'inspiration pour

Delacroix, Daumier, Carrel, et Blanqui, et pout" Hugo lui-meme dans les

Chatiments* 11 affirma meme que Barbier avait depasse Cheni'^r par la vigueur de ses lambes, fit avec Saihte-Beuve la louange du Pi;.'nto, et trouva une mention admiratrice d'Anatole France. Dans la Revue Bl^ue aussi, Rebelliau publia des articles fort interessants sur les amis et la correspnndance de Barbier, etudes que nous avons eu a citer ailleurs.

Les autres periodiques ressusciterent d'a peu pres la me '-'.e fagon la gloire fanee d'un poete presque oiiblie. Elles condamjierent s^s

critiques, protesterent contre les injustices qu'il avait subi=s, lui

trouvi^erent plus de qualites qu'on ne lui en avait attribue depuis 1831

et raconterent de nouveau une foule d'anecdotes, vraies ou apocryphes,

xiQOXi Seche publia dans les Anna les Romantic, ues et dans Le G^iulois uii

recit fort interessant de la publication de La Curee, H dans les

Annales Politiques et Litteraires et les Annales Romantiques egal^ment

des details preeieux sur 1'electmain de Barbier a I'^cademie frangaise;- 56d.

^'•^^ les Annales Politic ues et Litterairas. (.1. ) Charles ..onselat raconta la publication de hs. Curee. et cita 1'article de Baudelaire c-ui nous a deja interesse'e, et la derniar- etude i^ua Sainte-Beuva avait fuite sur I'auteur das lambes. Le Hemps dans un article du 7 airpii'fait par Jules Claretie, (c^ui avait ecrit sur Barbier en 1882 aussi, D anti- cipa le centenaire. Cet article ne contient pas grand'chose da nouvaau:

1'eclat des lambes. la desillusion q.u'amenaiant pau a peu las ouvrgges subse'q.uents, I'oubli dansjletiuel Barbier etait finalement tombe',. Clareiie raconte I'election academiq^ue at la seance ou Barbier fit son discours de noviciat; puis I'oubli, antourant une vie obscure ^t sans preten• tions. Voici encore des anecdotes: une visite chaz les Dentu racontee pour la premiere fois: L'editeur Lentu, ciui avait vu Auguste Barbier r^venir de I'ltalie jadis, me contait sa stupefaEtion, lorsciue, accouru, lui tout jeune, pour voir de pres le fameux auteur de La Puree, il se trouva devant un petit-monsieur ci.ui semblait dessine par Henri Ivlonnier, et^ciui, son chapeau hautrde-forrae entre l^s genoux, expliq.uait 1'Ita.i.ia a Hadarae Dentu mere, en ;.;romenant son index sur le fond du chapeau: Ici. vous comprenez, Ivladame, c'est Turin; la Elilanj plus loin, Venise; plus bas, Florence; en descendant, Rome est la waples a cet endroit-ci...-Le chapeau est un peu trop etroit pour vous de'sig- ner la Sicile. Au fait, l^Iadame, la Sicile puurrait etre figuree par mon genou. Suivez bien mon explication, Madame, Sn q.uittant Turin... Le jeune Dentu regardait ce monsieur d'un air effare. ilh ciuoi!

Claretie trouva aussi quelqusi^wa pour pretendra cue Barbier n'etait pas

I'auteur des lambes. et q_ue cet honneur appartanait a Brizeux:

,..j'avals acLiuis jadis 1'edition originale das iamb as (Canel et Guyot) ou je ne sals (luel bibliophile amateur d'autogr^phes ayait fait relier mie lettre da 1'autre des Scenes de la Vie de Boheme, adressee a son ami Leon Noel.... Pourguoi une lettre de iiiirger en ^ete d'un volume d'Au^-uste Barbier? (La lettre) est datee du 18 septembre, 1841, at Henri Lliirger y passe en revue pour son ami...les principaux evenements parisiens, .... Voici ce g^ui concerne les lambes;

1. 30 avril, 1906. Page 281. 565.

"Ce q.u'il y a de plus neuf en litte'rature, dit Henri Miirger, c'est la publication des Ternairea de Brizeux. J'en at parcouru des frag• ments qui sont lojn de I'autoriser a croire que ce soit lui §ui ait fait La Curee de Barbier, comme la Fizeliere, qui les connait, vou- lait me le soutenir, en dAsant que Brizeux avait renonce a publier ses lambea paroe qu'il allait publier Marie, et que cela ferait un trop grand disparate..." ..Albert de la Fizeilere etait un erudit, un de ces lettres d'autrefois qui savaient tout sur le bout des ongles...On pourrait croire qu'il etait infirme en souenant a Miirger que Brizeux avait ^^^^'^ La Curee. et en brave homme plutot indulgent, et ennemi du denignement, ce n'etait pas pour diminuer Barbier qu'il donnait ce renseignement. II racontait, comme on raconte tout a Paris, ce qu'or lui avait conte a lui-raeme....Avait-il des preuves? "Si, ajoutait avec raison Mtrger, Brizeux avait reellement fait les lambes, je crois qu'il les aurait plutot publie (sic) que §a Marie. " L'annee d'apres, dans la Revue du'rSud-Est. (1.) Frederic Plessis rappela ee centenaire dont, dit-il la public ne s'etait guere apergu.

II cooiaenta de nouveau la singuliere destinee de Barbier et I'erreur de ses contemporains qui se le figuraient un homme farouche comme ses vers. Lui aussi trouva des anecdotes a raconter, d'abord celle qui traite de 1'irruption, faite dans 1'appartement de Barbier pendant la

Commune; et voici une rencontre avec Heredia fort amusante: Lui-memeJ Impruderament, contribuait a repandre parmi ses amis des (productions au-dessoua du mediocre. Iftxe fois, devant I'Institut, il rencontra Heredia, q\ii de sa voix cordiale et sonore lui re'cite fiereme^it quelque beau passage des lambes, "J'ai fait mieux que cela,"' lui dit-il; et il lui communique une piece des Silves si insignifiante, contait Heredia, que je ne I'ai jamais bien distin- guee d'une dizaine d'autres, d'ailleurs iffort mauvaises, que J'ai fini par ne plus m'en souvenir du tout, et qu'il vaut mieux, en effet, pour ce pauvre Barbier, que Je ne m'en souvienne plus.

Plessis emit quelques critiques, puis passa, auxb bonnes qualifies de

Barbier. II trouvait dans le s lambes des "improprietes" d'espression^

et de syntaxe, "images fausees et d'un gout detestable, prosaisme

ou maladresse..." mais somme toute, il estimait qu'il y avait la de

bien faelles ohoses; et il termina en disant ce qu'ont dtt bien des

autres avant et aprea lui:

1. III. 145-58. 1906. 566.

II arriva a Barbier ce q_vl est arrive' a d'autres.. .il demaura.. I'homme d'un seul livre, les iambas.

Sn ehcore,(l.) T.G. du fenps ressuscita les anecdotes rela• tives a I'election de Barbier a I'Academie, et ruconta les impressions d'un collegue de la maison et de la personne du poete des lumbes:

II etait curieux de voir, dans son interieur, le Tyrtea de 1830,et d'approcher cet homme fantorae ciui jadis avait surgi dans la noto- riete "comme ces genies q.ui, par une trappe, au milieu das flammes, viennent presider au denouement des dramas fantasticiuas^uel contrastel Le barde.q^ui avait petri et malaxe en vers mmmortels le bourdon de iMotre-Dame avec le tumulte des barricades^^ le solail da messidor,....habitait.rue de Rivoli, non loin de I'Hotel de Villa, A un appartement mesq.uin ci.ui n'asait rien d'un Parnass^: mobili^r d^.A acajou bien frotte, 1'acajou des aieux garni du velours granat ine• vitable c[ue durant de nombreuses annees des huusses de coutil raye avaient preserve du contact das fonds de culottes et des jupes de iaine." II regnait la une odeur speeiale, indef inissable, o^ui tenait a la fois du renferme, du chifie mouille, et de chale da vieille bonne ainsi CLue du culot das pi;^es et des resmdus de tabac a priser. - . „,, la vTiisinTc 5-arcon: ca

petit vieux etrig.ue de formes, exriq.ue.uw gpoooo, ^j.... o 1'allure timide d'un de ces pauvres cjercs q.u'on voyait naguere dans les antiques etudes sises au fond de la cour, au 3e. rue de la Calande ou rue des Deux-Portes-3aint-3auvaur; un bonhom"ie insigni- fiant, aux joues flascj.ues et flottantes, a la bouche ed^ntee et molle, au m.3nton pointu, et q.ui samblait n'avoir jamais*"!'efferves• cence d'aucune passion. II paraissyit fort etonne de sa"situation nouvelle, et ne pas comprendre pourgnoi on 1'avait elu academiciaa. II vivait seul avec une vieille servunte, sans orgueil, sans ran- cune$, sans autre preoccupation ci.u3 sa sazite et son menage... ^tju'est-ce que Barbier represante pour notre genertition a nous? L.

Pierre Moreau voit en lui du classicisrae a la mode de Vigny et de

Brizeux, "un classieasme discret...un classicisme d'Andre Chenier." {X.

Son inspirdition, selon L. Koreau, est presc^ue entierement greco-latine

"le moyen-age gothiciue n'a pas abrite (son) ge'nie, " lu, IToraau, selon

nous, pousse trop loin sa these; il semble ignorer les inspirations

italiennes et anglaises dans 1'oeuvre de Barbier. Kous aurons a

examiner tout a I'heure ce Ciue eette ouuvre nous semble offEit da

1. 1912. 18 semtembre. 56.7. classique; ce qui est certain, c'est que Barbier n'^st exclusivement ni classique ni romantique.

Souriau consacre tout un chapitre aux lambes de Barbier, (1.) qui representent pour lui un aspect de 1836, et lui fournissent surtout une indication des interets de plus en plus politiques et^ doeiaux de la generation romantique. La date de 1830 lui fait penser Inevatafe- lement a Barbier; cette annee et son jeune chantre sont^ a jamais associes, et il est interessant de noter a cet egard que le 26 juillet,

1930, a I'occasion d'une k'atinee Poetique de la Comedia frangaise, tenue pour ceiebrer les Erois Glorieuses, on a de^lame, avant tout autre poeme, trois lambes de Barbier, w,uaj4tr3-Vingt-Treize, La Cure?.

Le Lion. (2.)

Lin jugement recent est celui de Fernand Gregh,(3.) qui remarque la

singuliere destinee de Barbier, rappelant surtout la nouveaute et la

f/orce de 1'Idole. II trouve admirahles aussid des parties du Pianto: Tous ces vers valent mieux que le silence qui les accueillit et qua rompit seul, trente-six ans plus tard, le cri de stupeur du public a la nouvelle que le poete n'etait pas mort....

One question importante qui reste a resoudre est celle du classi- cisme ou non-classicisme du poete des lambes. II nous semble impossib2>e

de le ranger definitivement dans I'une ou 1'autre categorie. lueme a cette epoque de 1830, ou un cherain de ljuste-milieu entre un romantisme

fervent et une feroce opposition classique ne semblait se trouver qu'^

avec difficulte, et ou la jeunesse surtout fujrait la moderation avant etre

toute chose, a cette epoque meme le jeune Barbier a su %M modere, il

a su unir dans sa poesie des elements romantiques et des elements

classiques. _1. aiistoire du Romantisme. II. Pages 28-35. Cham.jio];i: La Comedie . ler. janv. 1927-31 dec. 1932. Page 227. 56g.

«^u'est-ce CiU'il a de romanticiue? D'abord et siu-tout, aelorn^ nous,

des associations et des amis dans le mouvem=nt, des incliEations de

jeune homme ciui 1'entrainaient vers la jeunesse. 3t la jeunesse de son

jour etait romantiaue. Hous savons aue meme avant 1830 il s'est lie

assez intimement avec eertainsj^ merabres ou fuijura membres de catte

ecole. Apres 1830 il se detchara avec toute la coterie Vigny, de I'eccle- romanticLue comme tells; mais il gardera toute sa vie certains de ces

elements c^ui le rangent, ek 1830, du cote du mouvement roraanticiue. Il

suivra toujours les sources d'inspiration etrangeres, italiennesi^ et anglaises surtout, se vouant jusciu'a la fin au Shakespeare et au D^hte

q.ui avaient enflamme sa jeunesse. II airaera toujours a voyager, le

pittorescLue dans la nature et dans les meeurs nationales I'attiraront

toujours; et par ses gouts litteraires, artistiq.ues, musicaux, il aura

toujours q.uelc[ue chose de romantiq.ue. (c^uant a son oeuvre, elle na

manq.ue pas non plus de refleter les tendances de 1'epoq.ue. Le Roman-

tisme cljerchait le nouveau et I'inattendu; Barbier ne I'a-t-il pas

atteinte, cette nouveaute, par ses lamhes? II a familiarise la forme

poetig.ue de I'iambe, premier des romantiq.ues a I'empruntar a Cheniar;

par ce culte de Chenier aussi il s'attache aux romanticLues. Son langage

est d'une hardiesse a^e n'aurait pas permisa le gout Xh classiq.ue, sa

versification est libre, sa satire n'ast pas da la satire pure, mais

un melange de genres, de la satire et du lyrisi^me. Somme touta, Auguste

Barbier represente a merveille en 1830 un certain aspect de cette

ecole romantiaue toujours changeante, et devenue en 1830 didacticLue et

socialisante.

iaais son lyrisme n'est pas le lyrisme romantiaua, meme en 1830. II

ne se permet pas dans les lambes ces epanchements du moi si chers a 563.

ses co|item^.orains^ A cet egard Chenier dans ses lambes a lui est plus romaiitiaue que Barbier, qui reste le commentateur desinteresse des Mti maux de son epoque, et ne se permet pas pendant un seul instant de quitter son masque. Son admiration de la l\ature est egalement imper- sonnelle; la Hature ne lui representee^ pas seulement le miroir de ses propres sentiments; elle est pour lui plus qu'un moyen d'echapper aux tristes realites de la vie. II est classique aussi dans le sens le plas large du mot; humaniste toute sa Ijie, il s'est toujours interesse a tout ce qui concerne I'humanite. C'est la peut-etre, le mot de I'enigme. Barbier n'eta it exclusivement ni classique ni romantique, mais un horame qui s'est toujours interesse si vivement a tous les aspects de la vie et de la culture humaines qu'il n'a pas pu manquer d'adopter car -tains aspects de ces mouvements; qui ne sont pas, apres tout, aussi directement opposes I'un a 1'autre qu'on voudrait parfois nous faire croire.

xia prineipale question a resoudre, cependant, rest? celle de la

renommee si vite perdue du grand poete de 1830. Pourquoi cett ech-^c

soudain? II vient, selon nous, de ce que les lambes,poesie d'occasion, nes des evenements de Juillet, n'auraient pu etre egales que par, d'

autres poemes d'occasions, nes, eux aussi, d'evenements aussi grands.

Barbier est vraiment le genie d'un seul jcur; c'est a I'eclat de ce jou:

qu'il doit sa renomraee. Le poete vraiment genial n'a pas besoin d'un

evenement national pour faire voir ses talents: au contrair^, il se

peut CLjie de ses oeuvres naissent les evenements. C'est parce qu'ils ex-

pyiment des idees propres a tous, que les lambes ont captive 1- publia

de 1830. i^e disons pas que Barbier n'eut pas de genie; il en avait,

comme n'en avaient point cette foule d'aut^urs qui, comme lui, se sont

mis a ceiebrer les faits de 1830. Spn oeuvre avait des elements 570. imprevus et hardis gui presentaient ciuelgue chose de nouveau au public franc^als; luais leur succes dependait de laur nouveaute: une suite meme de revolutions n'aurait pas. servi a Barbiar a conserver sa popularity; une suite meme de diatribes comme les iambes sans mem.e ce changemant de ton dans II Pianto. n'aurait pas servi a le soutanir M a sa place parmi les grands du jour.,

Et d'ailleurs, q_ue celui t.ui a lu les ouvrages posterieurs a Lazare ne se demande pas po-arciuoi on a oublie Auguste Barbier'. Ce sont das ouv• rages (iue fait lire le nom seul de I'auteur; leur merite n'y est pour rien, car ils en ont peu; ce q^u'ils ont, c'est une vertu trop consciente d'elle-meme, des buts dont I'excellence morale nuit, a ne pas en douter, aux (lualites litterairas de I'ouvrage. On avait pardonne, ignore meme, des defauts de syntaxe et de versification dans les lambes auxguels avaient supplee une sincerite energigue et un talent satiriq.ue incon- tesdi4bles. iiiais le talent paiE-ti, I'energia disparue, las defauts sont restes; et on a commence a s'en ranitre compte. Barbier a essaye tous les genres: il s'est obstine a poursuivre une carriere litteraira cua sembl- lait justifier son succes premier; mais son public s'^st obstine a ne voir en lui, et non sans raasoh, gue le poete d'un seul moment et d'une seule oeuvre, gui a passe le raste de sa vie a essayer de sa rattrapar.

C'est une pensee assez triste: et capendant Burbier ne semble pas s'etre beaucoup plaint de sa curieuse destinee. II avait la disposition con-

tente et pas trop sensible, semble-t-il, en matieres litteraires.

II a pu, du moins, etre fier de sa renommee de jaunesse, et de ces

lambes. gui ont vraiment ap^.orte dans la poesie frangaise guelgue

chose de nouveau, une inspiration gui n'est nullement a regretter. 571,

BIBLIOGRAPHia. 572.

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Revue Hebdomadaire

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Revue Politiaue et Revue Lniversitaire, decembre, 1920.

Le gemps. 15, 16, 17, ^0, 21, fevrier, 1882. 20 aout 1883. ^0 fevrier, 1900. 7 ttvril, 1905. 0 juillet, 1911, 18 segitembre, 1912,

Variete. Ve. livraison, aoat, 1840.

Westminster Review. Vol. 29. ipril, 1838, TABLE DBS MAflBRBS.

Page a Avant-proposc "TT" Chapitre I. Vie, 18Q5»^1830. Missance, famille, annees d'etudes, 5. amities de jeunesse, les Mauvais Garcons.

Chapitre II.Les lambes. La France litteraire et poiitliue en 1830.45. Putlioation des lambesa Analyse. Critiques eontem- poraines. Influence,

Ciiapitre III. Barbier et I'ltalieo Voyaged avec Brizeux 1831»2. 119. Analyse du Planto. Attitude de Barbier envers I'ltalie.

Chapitre IV.Barbier et 1'Angleterre. Voyages. Barbier et la lit- 156. terature anglaise. Lazare. Critiques.

Chapitre V. Auj^uste Barbier et sea amis. Vigny, Brizeux, les 206. freres Deschamps, Leon de Wailly, V. dd Laprade.

Chapitre Vl.Vie et Oeuvres. 1837-1848. Salon de 1837. Benvenuto 251, Cellini. Deuxieme voyage en Italie, 1838. Mouvelles Satires. Chants civils et religieux. Rimes Heroiques. traductions du Decameron et de Jules Cesar.

Chapitre VII.Vie et Oeuvres. 1848-1869. La Revolution de 1848. 324. Vie et amities. Rimes £egere3. Voyage en Italie, 1860. Sllves. Satires de 1865. Trois Passions Mouvelles. Satires et Chants. Chapitre VIII.Barbier et le Parnasse. garnasse Contemporain. 1869. 389. Heredia. Sully-Prudhorame. Leconte de Lisle.

Chapitre IjC.Vie, 1869 a la mort. 1882. Election a I'Academie. 416, Dernieres annees. CroiK de la Region d'honneur. Contes du Soir. Histoires de Voyage. Chez ISs Poetes. Mort a Kioe, 1882.

Chapitre X. L'Oeuvre posthume. Souvenirs personnels et Silhouettes 465 contemporaines. Tablettes d'Umbrano. Promenades au Louvre. Poesies posthumes. atudes litteraires et artis- tiques. Mouvelles etudes litteraires et artistigues.

Chapitre XI. Composition et styile.

Chapitre XII. La Pensee de Barbier. 526.

Chapitre XIII. Conclusion sur I'homme et sur I'oeuvre. 546.

Bibliographie.

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