ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT

Année 2018

LES TUMEURS NATURELLEMENT TRANSMISSIBLES : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

THÈSE

Pour le

DOCTORAT VÉTÉRINAIRE

Présentée et soutenue publiquement devant

LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL

Le 30 janvier 2018

par Guillaume, Joseph, Albert CROZET Né le 1er juin 1992 à Dijon (Côte-d’Or)

JURY

Président : Pr. Claude HAMONET Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL

Membres Directeur : M. Edouard REYES-GOMEZ Maître de conférences à l’ENVA Assesseur : Mme Fanny PILOT-STORCK Professeur à l’ENVA

LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur Gogny Marc Directeurs honoraires : MM. les Professeurs : * responsable d’unité pédagogique

REMERCIEMENTS

Au Professeur……………………………… Professeur de la faculté de médecine de Créteil qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence de mon jury de thèse. Hommage respectueux.

Au Docteur Edouard REYES GOMEZ Maître de conférences à l’ENVA qui m’a fait l’honneur d’accepter de diriger cette thèse. Qu’il trouve ici toute ma gratitude pour son soutien, sa grande disponibilité et sa bienveillance.

Au Professeur Fanny PILOT-STORCK Professeur à l'ENVA qui a accepté de participer à cette thèse en tant qu’assesseur. Sincères remerciements pour votre implication.

Au Professeur Jean-Jacques PANTHIER Professeur à l’ENVA qui a su m’éclairer sur le sujet des cellules souches cancéreuses, contribuant ainsi à ce travail. Merci pour votre disponibilité et vos conseils avisés.

Au Docteur Mohamed Yacine BENOUDJIT Vétérinaire praticien au Cabinet Vétérinaire de l’Espoir (Batna – Algérie) qui m’a permis d’illustrer mon travail grâce à ses photographies. Merci pour votre participation.

Aux vétérinaires, professeurs, maîtres de stages, anciens et tous les autres. Vous m’avez intégré au sein d’une grande famille. Vous m’avez formé et vous continuerez de le faire. Merci de m’avoir fait découvrir ce monde qui devient maintenant le mien.

À ma famille, Maman, Papa, Audrey, Alexandre et tous les autres. Vous avez toujours su être là pour moi. Vous avez énormement contribué à ma réussite et je vous remercie de m’avoir aidé à concrétiser mes rêves.

À mes amis, d’Alfort, de Saint Louis, du lycée et tous les autres. Merci pour tout ce que vous m’apportez au jour le jour, les bons moments passés ensemble et ceux encore à venir.

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES FIGURES ...... 5 TABLE DES TABLEAUX ...... 7 LISTE DES ABRÉVIATIONS ...... 9 INTRODUCTION ...... 11 I- LA TUMEUR VÉNÉRIENNE TRANSMISSIBLE CANINE ...... 13 A. Origine et répartition géographique ...... 13 B. Épidémiologie ...... 15 C. Étiologie et mécanismes de transmission ...... 15 1. Vers la découverte de la première tumeur transmissible ...... 15 2. Particularités du génome de la tumeur vénérienne transmissible canine ...... 20 D. Présentation clinique ...... 23 E. Caractéristiques anatomo-pathologiques ...... 25 1. Caractéristiques macroscopiques ...... 25 2. Caractéristiques cytologiques ...... 27 3. Caractéristiques histologiques ...... 30 4. Caractéristiques immunohistochimiques ...... 31 a. Profil immunohistochimique des cellules tumorales...... 31 b. Caractéristiques immunohistochimiques du stroma ...... 34 5. Caractéristiques ultrastructurales ...... 34 F. Immunité associée à la tumeur transmissible vénérienne canine ...... 36 G. La tumeur vénérienne transmissible canine à l’origine d’une manipulation de la biologie de son hôte ? ...... 41 H. Diagnostic ...... 41 I. Traitements et pronostic ...... 43 1. L’exérèse chirurgicale ...... 43 2. La radiothérapie ...... 44 3. L’immunothérapie ...... 44 4. La chimiothérapie ...... 45 II- LA TUMEUR FACIALE TRANSMISSIBLE DU DIABLE DE TASMANIE ...... 47

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A. Émergence d’une nouvelle menace pour la population de diables de Tasmanie : la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie ...... 47 B. Épidémiologie ...... 49 C. Étiologie de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie ...... 52 1. Vers la découverte d’une nouvelle tumeur transmissible ...... 52 2. Les cellules de Schwann comme origine cellulaire ...... 54 3. Caractéristiques génomiques et transcriptomiques ...... 55 4. La tumeur faciale du diable de Tasmanie : une tumeur évolutive ...... 57 D. Caractéristiques anatomo-pathologiques ...... 61 1. Description macroscopique ...... 61 2. Caractéristiques cytologiques ...... 62 3. Caractéristiques histologiques ...... 63 4. Caractéristiques en microscopie électronique ...... 65 5. Caractéristiques histochimiques et immunohistochimiques...... 66 E. Diagnostic ...... 68 F. Échappement aux défenses immunitaires de l’organisme de l’hôte ...... 69 1. Caractérisation de la réponse immunitaire du diable de Tasmanie ...... 69 2. Implication d’une faible diversité du complexe majeur d’histocompatibilité . 70 3. Un défaut d’expression du complexe majeur d’histocompatibilité à la surface des cellules tumorales ...... 72 4. La recherche d’un rôle des cytokines ...... 74 G. Moyens de lutte ...... 75 1. Actions à l’échelle de la population ...... 75 2. A l’échelle individuelle ...... 78 H. La découverte récente d’une seconde tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie ...... 79 1. Caractéristiques histologiques et immunohistochimiques ...... 79 2. Caractéristiques cytogénétiques et génétiques ...... 79 III- LES NÉOPLASIES DISSÉMINÉES DES BIVALVES ...... 81 A. Épidémiologie ...... 81 1. Epidémiologie descriptive ...... 81 a. Huîtres et néoplasies disséminées ...... 81 b. Moules et néoplasies disséminées ...... 82

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c. Clams et néoplasies disséminées ...... 82 d. Coques et néoplasies disséminées ...... 83 e. Répartition spatiale et temporelle ...... 83 2. Facteurs déterminant la survenue des néoplasies disséminées ...... 84 a. Espèce et génotype ...... 84 b. Taille, âge et activité reproductrice ...... 84 c. Comportement alimentaire ...... 85 d. Facteurs environnementaux ...... 85 B. Conséquences des néoplasies disséminées ...... 87 C. Caractéristiques morphologiques ...... 87 D. Type cellulaire d’origine ...... 90 E. Aspects fonctionnels des cellules tumorales ...... 91 F. Eléments d’intérêt du génome des cellules tumorales ...... 92 G. Diagnostic ...... 93 1. Histologie et hémocytologie ...... 93 2. Immunohistochimie ...... 94 3. Cytométrie de flux ...... 94 4. Biologie moléculaire ...... 95 H. Étiologie ...... 96 1. Une cause virale ? ...... 96 2. Rôles des contaminants environnementaux ...... 98 3. Preuve d’une transmission horizontale des néoplasies disséminées ...... 98 a. Transmission intraspécifique ...... 98 c. Transmission interspécifique ...... 100 4. Modalités de transmission des cellules tumorales des néoplasies disséminées ………………………………………………………………………………………………102 IV- TUMEURS TRANSMISSIBLES : ÉLÉMENTS COMMUNS ET DIFFÉRENCES …………………………………………………………………………………………………………..103 A. Les tumeurs transmissibles, une forme de métastases ...... 103 1. Rappels sur la carcinogenèse et la cascade métastatique ...... 103 2. Considérations spécifiques aux tumeurs transmissibles ...... 108 3. Les tumeurs transmissibles, des exemples de cellules souches cancéreuses ? ………………………………………………………………………………………………109

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B. Importance du microenvironnement tumoral ...... 111 C. Rôle central du complexe majeur d’histocompatibilité...... 113 D. Importance des caractéristiques de l’hôte : le macro-environnement ...... 114 E. Éléments en faveur d’une plasticité tumorale : des tumeurs hautement adaptables à leur micro- et macro-environnement ...... 115 F. Les tumeurs transmissibles, des cancers évolutifs en lien avec leur hôte ...... 117 CONCLUSION ...... 121 BIBLIOGRAPHIE ...... 123

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TABLE DES FIGURES

Figure 1 : Prévalences estimées de la tumeur vénérienne transmissible canine dans le monde...... 14 Figure 2 : Aspects macroscopiques de tumeurs vénériennes transmissibles canines génitales et extra-génitales...... 26 Figure 3 : Aspect cytologique de la tumeur vénérienne transmissible canine...... 27 Figure 4 : Arbre décisionnel pour le diagnostic des principales tumeurs à cellules rondes chez le chien...... 28 Figure 5 : Caractéristiques cytomorphologiques des formes « lymphocytaire » et « plasmocytaire » de la tumeur vénérienne transmissible canine...... 29 Figure 6 : Coupe histologique de la tumeur vénérienne transmissible canine...... 31 Figure 7 : Ultrastructure des cellules de la tumeur vénérienne transmissible canine...... 35 Figure 8 : Modèle de l’évasion immunitaire de la tumeur vénérienne transmissible canine. 40 Figure 9 : Photographie d’un diable de Tasmanie...... 49 Figure 10 : Cartes illustrant l’avancée du front de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie de 1996 à 2014...... 50 Figure 11 : Caryotype d’une tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie en comparaison avec le caryotype normal du diable de Tasmanie...... 52 Figure 12 : Phylogénie des différentes lignées de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 58 Figure 13 : Résultats de chromosome-painting pour la lignée 1 de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 60 Figure 14 : Photographies illustrant l’aspect macroscopique de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 62 Figure 15 : Caractéristiques cytologiques d’une tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 63 Figure 16 : Coupe histologique de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie. 64 Figure 17 : Ultrastructure en microscopie électronique des cellules tumorales de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 66 Figure 18 : Modèle immunologique de la tumeur faciale du diable de Tasmanie...... 73

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Figure 19 : Vue en microscopie optique d’une coupe histologique d’une glande digestive d’une coque (Cerastoderma edule) avec présence de cellules tumorales de la néoplasie disséminée...... 88 Figure 20 : Ultrastructure en microscopie électronique d’une cellule tumorale de néoplasie disséminée chez un clam (Venerupis aurea)...... 89 Figure 21 : Transmission interspécifique d’une néoplasie disséminée dans deux espèces de bivalves de la famille des Veneridae...... 101 Figure 22 : Caractéristiques fondamentales du cancer...... 106

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TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Profil immunohistochimique de la tumeur vénérienne transmissible canine ..... 32 Tableau 2 : Caractéristiques histochimiques et immunohistochimiques de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie...... 67 Tableau 3 : Comparaison des tumeurs naturellement transmissibles chez les animaux. .... 104

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ACTH : Hormone corticotrope

ADN : Acide désoxyribonucléique

ADNmt : Acide désoxyribonucléique mitochondrial

AgNOR : Argyrophilic Nuclear Organizer Region

ARN : Acide ribonucléique

ARNm : Acide ribonucléique messager

BALT : Tissu lymphoïde associé aux bronches

BCG : Vaccin bilié de Calmette et Guérin

BrdU : Bromodésoxyuridine

CMH : Complexe majeur d’histocompatibilité

CSC : Cellule souche cancéreuse

FISH : Hybridation in situ en fluorescence

GALT : Tissu lymphoïde associé au tube digestif

HSP : Protéines de choc thermique

IL : Interleukine

Ig : Immunoglobuline

IRM : Imagerie par résonance magnétique kDa : kilo Dalton kpb : kilo paires de bases

LINE : Long interspersed nuclear element

MMP : Matrix metalloproteinase

ND : Néoplasie disséminée

NK : Natural killer

NSE : Neuron specific enolase

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PCNA : Proliferating cell nuclear antigen

PCR : Polymerase chain reaction

POMC : Proopiomélanocortine

PRX : Périaxine

RAD : Restriction-site associated DNA

RPPH1 : Ribonuclease P RNA component H1

RT-PCR : Reverse transcriptase polymerase chain reaction

SNP : Single nucleotide polymorphism

SNV : Single nucleotide variant

TLR : Toll-like receptor

TFTDT : Tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie

TGF : Tranforming growth factor

TVTC : Tumeur vénérienne transmissible canine

IFN : Interféron

TSA : Trichostatine A

VEGF-A : Vascular endothelial growth factor α

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INTRODUCTION

Le cancer est a priori une maladie individuelle. Une tumeur émerge dans un organisme quand une cellule acquiert des mutations qui lui permettent, entre autres, une prolifération illimitée. Il s’en suit une sélection de sous-clones aux phénotypes de plus en plus agressifs qui favorisent la progression et la dissémination de la tumeur au sein de l’organisme qui l’a vu naitre. Par ses effets délétères et en l’absence de traitement approprié, le cancer est alors presque toujours mortel pour son hôte, avec qui il disparaît.

L’existence de cancers transmissibles donne une toute autre dimension à ces concepts car la maladie ne se limite plus alors à un seul individu. En effet, la lignée cellulaire tumorale issue d’un premier hôte peut persister bien après sa mort en étant transmise et en se développant au sein d’un nouvel organisme. Dans ces circonstances, le cancer se comporte comme une maladie infectieuse.

Plusieurs cas de transmission de cancers de la mère à son enfant au cours de la grossesse (par voie hématogène transplacentaire) ont été décrits (Alexander et al., 2003 ; Isoda et al., 2009). Des cas de transmission lors de greffes d’organes (greffons contenant une tumeur) ou de chirurgies carcinologiques (inoculation accidentelle du patient au chirurgien) ont également été rapportés (Gärtner et al., 1996 ; Kauffman et al., 2002 ; Sala- Torra et al., 2006 ; Tolar et Neglia, 2003). Dans ces exemples, seuls deux individus sont concernés. Des cas de transmissions de tumeurs impliquant plus de deux individus ont cependant pu être observés dans des populations d’animaux de laboratoire. On retiendra notamment l’exemple du hamster doré (Mesocricetus auratus) : dans cette espèce, des tumeurs agressives ayant les caractéristiques de lymphomes/leucémies1 ont circulé entre individus par contact direct, cannibalisme ou par l’intermédiaire d’arthropodes, et ce, dans plusieurs animaleries sans qu’il ait pu être clairement établi s’il s’agissait d’authentiques tumeurs transmissibles ou de tumeurs viro-induites (Brindley et Banfield, 1961). Ces tumeurs n’ont depuis plus été observées mais pourraient potentiellement réapparaître un jour dans une colonie.

1 Les descriptions initiales font mention de réticulosarcomes ou « reticulum cell sarcomas » qui sont une dénomination ancienne des lymphomes.

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De façon plus remarquable, il existe actuellement plusieurs cancers transmissibles qui se propagent naturellement au sein de populations animales, repoussant ainsi toutes les barrières supposées au développement du cancer. Il s’agit de la tumeur vénérienne transmissible canine, de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie et des néoplasies disséminées des bivalves. Ces tumeurs ont continué d’exister bien après la mort de leur hôte d’origine et représentent donc des entités tout à fait originales au sein du règne animal, sans équivalent connu chez l’homme. Ces lignées cellulaires tumorales se comportent comme des parasites et ont une biologie très particulière.

Dans cette thèse, notre étude se limitera à ces trois tumeurs transmissibles qui circulent toujours aujourd’hui naturellement au sein de populations animales. Nous évoquerons successivement les caractéristiques de chacune de ces entités pour en faire ressortir ensuite, dans une discussion synthétique, les similitudes et les différences afin de mieux comprendre les mécanismes susceptibles d’expliquer l’existence de ces tumeurs fascinantes.

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I- LA TUMEUR VÉNÉRIENNE TRANSMISSIBLE CANINE

La tumeur vénérienne transmissible canine (TVTC) est, comme son nom l’indique, un cancer transmis de chiens à chiens au cours du coït. Elle est également connue sous le nom de sarcome de Sticker. La singularité de cette tumeur est à l’origine d’une littérature abondante et parfois contradictoire dont nous rassemblons ici les principaux éléments.

A. Origine et répartition géographique

Dans la littérature scientifique, la première description de la TVTC date de 1810 (Blaine, 1810). Cependant, comme nous le verrons par la suite, les études génétiques sont en faveur d’une origine bien plus ancienne, pouvant remonter jusqu’à 11 000 ans (Decker et al., 2015 ; Murchison et al., 2014 ; Murgia et al., 2006 ; Rebbeck et al., 2009). Des preuves de l’existence de cette tumeur ont été mises en évidence avant 1910 aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, au Japon et en Nouvelle-Guinée. Depuis cette date, des cas ont pu être observés sur tous les continents avec des prévalences allant de moins d’1 % (Jamaïque en 1968, Kenya en 1972 ; Bangladesh en 2010) à presque 20 % (Nouvelle-Guinée en 1985, Mexique en 2007 et 2010) (Das et Das, 2000 ; Strakova et Murchison, 2014). La prévalence de cette maladie est par ailleurs soumise à des variations, comme en témoigne la diminution du nombre de cas documentés dans les années 50 à Londres et à New-York. De telles variations sont probablement la conséquence de campagnes de stérilisation ou de l’instauration de lois relatives à la détention des animaux de compagnie. Les disparités observées entre pays sont corrélées aux différences de niveau économique ainsi qu’à la présence ou non de chiens errants. Ainsi, un pays pauvre dans lequel circulent des chiens errants, a priori non stérilisés, semble plus à même de présenter une prévalence élevée de la TVTC du fait de son mode de transmission particulier (Strakova et Murchison, 2014). Une enquête épidémiologique récente a mis à jour les données concernant la répartition mondiale de la TVTC en se basant sur des questionnaires envoyés à des vétérinaires praticiens. Les résultats de cette étude sont rapportés dans la figure 1. Il ressort de ces données que la TVTC est endémique dans au moins 90 pays à travers le monde, notamment en région tropicale ou subtropicale, avec des pays d’Amérique du Sud,

13 d’Afrique et d’Asie où la prévalence dépasse encore les 1 % tout en restant toujours inférieure à 10 % (Strakova et Murchison, 2014). Aux Bahamas, au Japon et en Inde, il s’agit même de la tumeur la plus fréquente chez le chien (Ganguly et al., 2016). Il est à noter que certains pays ou certaines régions semblent désormais indemnes, vraisemblablement grâce à une gestion plus efficace et maîtrisée de la population canine (Strakova et Murchison, 2014).

Figure 1 : Prévalences estimées de la tumeur vénérienne transmissible canine dans le monde. Les résultats présentés se basent sur une enquête auprès de vétérinaires praticiens. La maladie est présente dans plus de 90 pays, notamment en zones tropicale et subtropicale (d’après Strakova et Murchison, 2014).

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B. Épidémiologie

La TVTC est une maladie naturelle strictement canine. Les femelles semblent plus fréquemment affectées que les mâles (64,5 % contre 35,5 % sur une série de plus de 500 cas) et 80 % des individus ont entre deux et huit ans (Boscos et Ververidis, 2004 ; Scarpelli et al., 2010). Cette dernière donnée est facilement expliquée par la transmission essentiellement vénérienne de la maladie qui concerne donc des individus sexuellement matures et en période d’activité reproductrice. Il a été observé qu’un seul mâle atteint de TVTC pouvait s’accoupler et transmettre la maladie à 11 femelles sur 12, ce qui explique la prévalence plus élevée chez ces dernières (Karlson et Mann, 1952 ; Murchison, 2008). La transmission de cette tumeur est ainsi largement influencée par les comportements reproducteurs de l’espèce canine.

Concernant le profil des chiens atteints, il s’agit majoritairement de populations de chiens errants ou semi-errants. Lorsque des chiens domestiques sont impliqués, 75,5 % des cas interviennent après un épisode de fugue. Il s’agit alors à 41,3 % de chiens de garde et à 41,5 % de chiens de chasse. Les chiens de compagnie, vivant dans la maison et sous surveillance, ne représentent que 4 % des cas (Boscos et Ververidis, 2004). Aucune race ne semble prédisposée et la seule espèce concernée par cette tumeur est le chien (Ganguly et al., 2016). Aucune transmission interspécifique naturelle n’a pu être mise en évidence bien que des transmissions expérimentales à des coyotes, des loups et des renards se soient révélées fructueuses (Strakova et Murchison, 2014).

C. Étiologie et mécanismes de transmission

1. Vers la découverte de la première tumeur transmissible

Bien que l’origine de ce cancer soit très ancienne, c’est l’inoculation fructueuse à trois chiots de fragments de TVTC issue du vagin d’une chienne, réalisée par Novinsky en 1876, qui orienta les scientifiques vers la nature transmissible de cette maladie (Ganguly et al., 2016). De nombreuses transmissions expérimentales ont ainsi réussi par la suite en utilisant des cellules cancéreuses vivantes. Des transferts par voie sous-cutanée, intrapéritonéale ou

15 intraveineuse ont pu être réalisés. Le nombre de cellules injectées était un élément important pour le succès de la transmission, le développement de tumeurs étant favorisé par l’injection d’une quantité importante de matériel tumoral (DeMonbreun et Goodpasture, 1934). Lorsque des cellules tuées (par un traitement à la chaleur, une congélation, un traitement à la glycérine, une dessiccation) ont été utilisées, aucun développement de tumeur n’a été observé. De plus, l’inoculation d’un fluide acellulaire obtenu à partir de TVTC ne permettait pas non plus d’obtenir le développement de tumeurs. Ces observations tendaient donc à montrer que les cellules tumorales elles-mêmes étaient à l’origine du développement de nouvelles tumeurs et qu’aucun autre agent associé aux cellules (notamment un virus) ne semblait contribuer au développement tumoral (DeMonbreun et Goodpasture, 1934). Dans un contexte expérimental, il a été possible de transférer par voie sous-cutanée une même tumeur à de nombreux chiens sur une période de plus de sept ans tout en conservant ses caractéristiques (Karlson et Mann, 1952). Cohen, en 1973, poussa davantage l’investigation en montrant que le comportement de la tumeur était influencé par l’immunocompétence de l’individu. En effet, les tumeurs développées sur des chiens irradiés présentaient un taux de croissance plus élevé ainsi qu’une incidence plus élevée de métastases par rapport à des chiens non irradiés. Ces éléments montraient déjà, comme nous le reverrons plus loin, que le comportement de la TVTC et son développement étaient en lien étroit avec le système immunitaire de l’hôte, ce dernier ayant un rôle inhibiteur (Cohen, 1973).

En parallèle de ces travaux, une origine virale a un temps été suspectée puisque des éléments ressemblant à des particules virales ont été identifiés en microscopie électronique au sein des cellules tumorales (Adams et al., 1968 ; Amber et al., 1985 ; Sapp et Adams, 1970). Ces rapports restent néanmoins isolés et ces observations n’ont pas été confirmées par d’autres études (Cockrill et Beasley, 1975 ; Hill et al., 1984).

Dans les conditions naturelles, la TVTC se transmet majoritairement via des muqueuses génitales. La famille des Canidés, à laquelle appartient le chien, est caractérisée par un accouplement très long avec, pendant l’érection, un blocage du pénis dans le vagin dont la durée peut atteindre 30 minutes. Cette particularité favorise les lésions de la muqueuse génitale qui semblent nécessaires à la transmission de la TVTC. À l’inverse, une barrière épithéliale intègre limite l’infection (Ganguly et al., 2016 ; Strakova et Murchison, 2015). À cela s’ajoute le fait que la transmission vénérienne ne semble pas exclusive car des cas de TVTC affectant primitivement la conjonctive, les muqueuses orale, nasale ou anale,

16 les amygdales ou la peau ont été rapportés et ce, sans atteinte génitale (Mozos et al., 1996). De plus, un cas exceptionnel de TVTC à manifestation cutanée (principalement en région cervicale) chez une chienne impubère de 11 mois a été rapporté. Sa mère étant atteinte de TVTC, il est probable que des cellules tumorales aient été inoculées lors de comportements sociaux et maternels (léchage, prise du chiot par le cou entre les mâchoires de sa mère avec possibles microlésions produites par les dents, etc.). La présence de lésions cutanées aurait ainsi permis une inoculation de cellules tumorales dans le derme (Marcos et al., 2006). La TVTC peut donc se développer de façon primaire sur de nombreuses muqueuses, autres que génitales, voire sur la peau, et cette implantation est favorisée par des lésions de la barrière épithéliale.

Bien qu’il ait été suspecté très tôt que les cellules tumorales elles-mêmes étaient responsables du développement de la TVTC sur un nouvel individu, il aura fallu attendre la cytogénétique et la génétique pour confirmer cette hypothèse et démontrer une origine clonale. Le chien est une espèce diploïde possédant 2n = 78 chromosomes qui sont tous, sauf deux (les chromosomes sexuels), acrocentriques. L’analyse caryotypique a montré que les cellules tumorales (provenant de TVTC primitives ou de métastases) présentent quant à elles 59 chromosomes2 parmi lesquels 15 à 17 sont métacentriques et 42 ou 40 sont acrocentriques. Le caryotype des tumeurs est ainsi caractérisé par une aneuploïdie3 avec par ailleurs un seul chromosome sexuel, le X (XO). Ce caryotype est retrouvé quelle que soit l’origine géographique de la tumeur (Mukaratirwa et Gruys, 2003). Il est d’ailleurs préservé lors de transmission expérimentale à d’autres chiens, après mise en culture cellulaire ou lors de xénogreffes sur des souris immunodéprimées (Adams et al., 1981 ; Harmelin et al., 2002). Une analyse de banding a révélé un réarrangement majeur du matériel génétique mais une grande similarité était présente entre les tumeurs (Oshimura et al., 1973). L’utilisation plus récente de technique de FISH (hybridation in situ en fluorescence) a montré effectivement un réarrangement du génome similaire entre deux tumeurs analysées d’origines différentes (Australie et Brésil). Bien que l’analyse cytogénétique a confirmé l’aneuploïdie, l’analyse du nombre de copies a néanmoins révélé que le génome reste

2 Si la valeur de 59 est celle habituellement retenue, la littérature montre des variations allant de 57 à 64 chromosomes à la fois entre études et au sein d’une même étude. 3 L'aneuploïdie caractérise une cellule qui ne possède pas le nombre normal de chromosomes en raison de gains ou de pertes de chromosomes.

17 largement diploïde malgré ces réarrangements majeurs, avec une perte d’hétérozygotie fréquente sur le génome diploïde (Murchison et al., 2014). L’origine cellulaire unique et commune (clonale) des TVTC est donc illustrée par le fait que le matériel génétique des cellules tumorales issues d’individus distincts est remarquablement constant.

En 1985, l’insertion d’un rétrotransposon au sein de l’oncogène cellulaire MYC a été mise en évidence par southern blot. Il s’agit d’une séquence de 1,8 kpb (kilo paires de bases) insérée en région 5’ du premier exon. Sa structure suggère qu’il est probablement issu d’un ARNm (Acide Ribonucléique messager). Une homologie de 62 % a été montrée avec l’élément répétitif KPN I des primates, qui est un élément LINE (long interspersed nuclear element), c'est-à-dire une séquence répétée et dispersée dans l’ADN (acide désoxyribonucléique). Son insertion affecterait ainsi l’activité de l’oncogène et pourrait notamment avoir un rôle d’activation de ce dernier (Katzir et al., 1985). À ce jour, cette hypothèse d’activation par insertion d’un élément LINE n’est pas clairement vérifiée mais reste suspectée, en association avec d’autres systèmes activateurs (Choi et Kim, 2002). Quelques années plus tard, en 1987, une autre étude montrait que cette séquence était identique dans quatre TVTC provenant de localisations différentes indiquant ainsi une probable origine commune (Katzir et al., 1987) qui fut ensuite confirmée par d’autres études similaires (Amariglio et al., 1991). Cette séquence peut désormais faire l’objet d’une recherche par PCR (polymerase chain reaction), ce qui présente un intérêt diagnostique comme nous le verrons (Liao et al., 2003b ; Setthawongsin et al., 2016).

Par la suite, l’analyse du génome, et en particulier de marqueurs génétiques tels que les séquences du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité), des séquences microsatellites et de l’ADNmt (acide désoxyribonucléique mitochondrial), a montré que la tumeur était génétiquement différente de l’hôte. Peu importe la provenance (40 chiens des cinq continents ont été utilisés), les cellules tumorales semblent dériver d’un seul clone cellulaire ayant divergé en deux sous-classes. D’après l’analyse phylogénétique, l’organisme source de la TVTC serait un loup ou un chien d’une race d’Asie de l’est. Les auteurs ont également avancé l’hypothèse qu’il aurait vécu il y a 200 à 2 500 ans. Il convient cependant d’interpréter ces résultats avec précaution car le taux de mutation de la TVTC, sur lequel se base cette analyse, reste incertain (Murgia et al., 2006).

Une étude génétique, réalisée en 2009 et basée sur le séquençage du gène RPPH1, des analyses microsatellites et de l’hybridation génomique comparative sur puce à ADN, a

18 examiné 37 échantillons provenant de quatre continents. Elle va également dans le sens d’une origine clonale. Le gène RPPH1 avait été précédemment étudié dans 12 espèces de Canidés pour établir des relations phylogénétiques (Bardeleben et al., 2005). Dans le cadre de la TVTC, le séquençage de RPPH1 a indiqué que l’organisme source serait un loup ou un chien qui, d’après l’analyse de microsatellites, aurait vécu il y a au moins 6 000 ans. L’analyse des microsatellites montre par ailleurs très peu de variations entre les divers échantillons. Bien que l’origine de la TVTC soit très ancienne, il semble que le dernier ancêtre commun des TVTC actuelles ne remonte qu’à seulement quelques siècles, soit longtemps après la première tumeur (Rebbeck et al., 2009). Dans une autre étude, l’analyse du génome, en se basant cette fois sur une étude de SNP (single nucleotide polymorphism), a montré que l’organisme source était probablement un chien de type Alaskan Malamute ou Husky, de taille moyenne ou grande, avec un pelage agouti ou noir. Il portait un mélange d’allèles de loup et de chien à des loci identifiés comme étant en lien avec la domestication. La présence d’un chromosome X unique sans trace d’un autre chromosome sexuel (X ou Y) n’a pas permis pas de déterminer le sexe de l’animal à l’origine de la TVTC. L’analyse de l’hétérozygotie sur la part de génome diploïde a montré une perte d’hétérozygotie fréquente, indiquant que le chien en question était issu d’une sélection assez poussée. En se basant sur les signatures mutationnelles des tumeurs analysées (notamment les transitions C>T aux sites CpG), et par comparaison avec les médulloblastomes de l’homme, les auteurs ont donc estimé que ce chien aurait vécu il y a environ 11 000 ans (Murchison et al., 2014).

Plus récemment, une analyse du génome de deux TVTC en comparaison avec une banque de données de variations du génome canin a montré que le génome des tumeurs portait un nombre réduit de mutations somatiques par rapport à ce qui était supposé auparavant. Ceci a été possible en faisant la part des choses entre les mutations qui ont été héritées de l’individu à l’origine de la tumeur et celles qui ont été acquises depuis que la tumeur circule d’hôtes en hôtes. De multiples mutations semblent concerner les systèmes de réparation de l’ADN, notamment le gène MLH1, augmentant ainsi le taux de mutations. Une exposition de la tumeur aux ultra-violets, avec pour conséquence une augmentation du taux de mutations, est également fortement suspectée du fait de la présence de signatures mutationnelles caractéristiques (motifs de substitution de dinucléotides et trinucléotides particuliers). Cette exposition aux ultra-violets est tout à fait probable compte-tenu de la localisation préférentielle de la TVTC sur les organes génitaux externes. Selon cette étude, ces éléments suggèrent que l’âge de cette tumeur proposé par Murchison (11 000 ans) a

19 probablement largement été surestimé sans qu’aucune date plus précise ne soit proposée (Decker et al., 2015). Ainsi, cet âge approximatif de 11 000 ans reste celui le plus communément retrouvé dans la littérature actuelle.

2. Particularités du génome de la tumeur vénérienne transmissible canine

Caractériser le génome d’une tumeur, en identifiant notamment des mutations dans des gènes clés du développement tumoral, peut aider à une meilleure compréhension de son comportement en pointant les voies cellulaires affectées.

Comme nous avons pu le voir, dès 1985, l’insertion d’un élément LINE en amont du premier exon de l’oncogène cellulaire MYC, fut la première découverte en lien avec le génome de la TVTC. Or, MYC est connu pour être un facteur de transcription stimulant la prolifération cellulaire et muté dans de nombreux cancers, constituant alors un oncogène (Katzir et al., 1985).

La protéine p53, codée par le gène TP53 (gène suppresseur de tumeur) et surnommée la « gardienne du génome », intervient dans la régulation du cycle cellulaire, de l’apoptose et de la sénescence. Le gène TP53 est fréquemment muté dans les cancers humains et les chercheurs se sont donc intéressés à ce gène dans le cadre de la TVTC. C’est ainsi qu’une mutation affectant TP53 (T964C) a été mise en évidence en 2002 dans le génome de TVTC en Asie (Choi et Kim, 2002). Dans une autre étude (Mexique), cette mutation n’a pas été retrouvée alors que quatre nouvelles mutations ont été identifiées : C147G, A625G, A83G, A680G (Sánchez-Servín et al., 2009). Les mutations de TP53, si elles permettent d’identifier aux moins 5 groupes de tumeurs, ne sont donc pas clonales et constitueraient des événements récents dans l’histoire de la TVTC (Vázquez-Mota et al., 2008).

La protéine p63, un membre de la famille de p53 qui joue un rôle dans l’induction de l’apoptose et dans l’arrêt du cycle cellulaire, est exprimée de façon plus importante dans la phase de régression de la tumeur. Cette découverte va ainsi dans le sens d’un pronostic favorable puisque la perte d’expression de cette protéine est en général en lien avec la progression d’une tumeur invasive avec présence de métastases (Stockmann et al., 2011).

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À plus grande échelle, les études permettant une approche du génome dans sa globalité allaient dans le sens de modifications majeures du matériel génétique des cellules tumorales. La technique d’hybridation génomique comparative a permis de mettre en évidence des gains et des délétions de matériel génétique répartis sur l’ensemble du génome. Des délétions intéressent des gènes clés dans la progression du cancer (gènes suppresseurs de tumeur) tel que : RB1, PAX3 et PTEN. En parallèles, des gains concernent des oncogènes tels que YES1, MYC, CD4 et KIT. On note par ailleurs un gain du nombre de copies de gènes suppresseurs de tumeur tels que BRCA1 et la délétion d’oncogènes comme BCL2, ce qui pourrait, a priori, paraître paradoxal. Il convient cependant de considérer tous ces déséquilibres génomiques, globalement très conservés d’une tumeur à l’autre, comme le reflet de remaniements importants intervenus très tôt dans l’histoire de la TVTC, indépendamment des gènes portés par les régions concernés (Thomas et al., 2009). On notera toutefois que la délétion concernant BCL2 est contre-intuitive par rapport à la surexpression de la protéine BCL2 montrée en 2011 et nécessite donc davantage d’investigations (Stockmann et al., 2011). De façon intéressante, une amplification importante de la région moyenne du chromosome 13 incluant le site de l’oncogène MYC a été observée. Par ailleurs, l’insertion d’un élément LINE à proximité de cette séquence est une caractéristique connue de la TVTC. Il pourrait donc y avoir un lien de causalité entre ces deux observations. En revanche, le nombre de copies du gène TP53, précédemment évoqué, apparait normal (Thomas et al., 2009).

Des travaux de séquençage du génome des tumeurs ont permis d’avoir une vision plus précise des choses. Il a ainsi été montré que la TVTC présentait environ 3 millions de SNV (single nucleotide variant) soit environ 1,9 millions de mutations somatiques, indiquant que cette tumeur aurait acquis plusieurs centaines de fois plus de mutations que la majorité des cancers étudiés chez l’homme (Murchison et al., 2014). Cependant, comme nous l’avons vu, ce résultat aurait été surestimé par Murchison. Des banques de données de génomes de chiens ont alors été utilisées pour prendre en compte la variabilité génétique entre individus. Il en ressort que le nombre de substitutions somatiques serait en réalité de 910 376 soit 66 % moins que la précédente étude mais toujours beaucoup plus que n’importe quel cancer humain (Decker et al., 2015). Environ 10 000 gènes portent au moins une mutation, 646 gènes ont été perdus et l’on retrouve des signatures mutationnelles d’exposition aux ultra- violets (Decker et al., 2015 ; Strakova et Murchison, 2014). Certains gènes mutés sont particulièrement intéressants et nous renseignent davantage sur les caractéristiques de cette

21 tumeur. Le gène MYC est concerné comme mentionné précédemment. Une délétion de CDKN2A (gène suppresseur de tumeur intervenant dans le cycle cellulaire) serait présente ainsi qu’un réarrangement impliquant ERG (régulateur de la transcription) (Murchison et al., 2014). Des gènes impliqués dans l’adhésion cellulaire (CHL1), la cohésion extracellulaire (COL11A1), la structure et la fonction du cytosquelette (CDC42BPA, MACF1), la structure de la membrane cellulaire (HSPG2) seraient mutés. Des gènes de caspases et intervenant dans le signal de l’apoptose (CARD6, MADD), dans l’organisation de la chromatine et la modification des histones (NIPBL, ASHIL, KMT2A) portent également des modifications. Des gènes spécifiques de certains tissus sont également mutés comme RNF17 pour le testicule et UCP3 pour le muscle. De nombreuses mutations concerneraient des gènes participant à l’immunosurveillance, au rejet d’allogreffes, et pourraient donc être en lien avec le comportement de cette tumeur. Des gènes intervenant dans la présentation d’antigènes du soi sont également mutés, tel que ERAP1, qui code une protéine responsable du clivage des peptides en molécules de présentation de l’antigène, mais aussi chacun des composants du transporteur associé avec la préparation de l’antigène (TAP1, TAP2, TAPBP) qui importe les fragments protéiques cytosoliques dans le réticulum endoplasmique et facilite la préparation des molécules présentatrices d’antigènes. En temps normal, les lymphocytes T sont à l’origine d’une surveillance des fragments de peptides cytosoliques dans un contexte de présentation d’antigènes du soi. Dans le cas la TVTC, les mutations mises en évidence bloquent ou limitent cette présentation, ce qui est à mettre en lien avec la faible expression de CMH I à la surface des cellules tumorales. Le rejet par la réponse immunitaire semble également compromis par de nombreuses mutations concernant l’initiation et l’exécution de l’apoptose. Ainsi, les gènes CFLAR, IGF2R, DAPK1, DAPK2, FADD, TNFRSF1A, TRADD et TRAF présentent des mutations à l’origine d’une inhibition de la capacité des lymphocytes et des NK (natural killers) à induire l’apoptose (par des granules cytolytiques ou des récepteurs de mort). Dans la TVTC, de nombreux gènes modulant l’apoptose sont mutés. Une translocation homozygote du chromosome 16 au chromosome 9 dans le deuxième intron de CASP3 empêchant ainsi la transcription de cet effecteur clé de l’apoptose a été mise en évidence. Des mutations impliquant les systèmes de réparation de l’ADN et la stabilité du génome ont été identifiées. Elles concernent notamment ATM, BRCA1, BRCA2, MRE11A, MLH1, PMS1, RAD21 et TP53. Cette instabilité du génome mène vraisemblablement à la perte d’hétérozygotie qui a été mise en lumière. Elle est liée à la perte de la copie d’un fragment de chromosome et au

22 remplacement concomitant de cette copie par la duplication de l’autre copie. Ainsi toutes ces mutations somatiques semblent contribuer à la prolifération rapide des cellules et à leur échappement face à la réponse immunitaire, permettant une transmission entre individus. Certaines mutations de gènes tels que TP53, CASP3, TAP2 et CDKN2A/B qui ont des rôles connus et bien décrits dans l’oncogenèse et l’évasion immunitaire ont dû avoir un rôle majeur et relativement précoce dans la TVTC, notamment du fait de la nature des réarrangements observés (Decker et al., 2015).

Un autre fait important concerne l’ADNmt. En 2006, Murgia observait une variabilité accrue de l’ADNmt des tumeurs qui ne concordait pas avec le reste des analyses. Il suspectait une intégration d’ADNmt de l’hôte pour expliquer ces observations. Cette hypothèse a été confirmée par l’utilisation d’analyses phylogénétiques. Un phénomène de capture mitochondriale (transfert horizontal) de l’hôte par les cellules tumorales se serait mis en place. Il pourrait s’agir d’un mécanisme d’optimisation ou, au moins, de réparation des éléments nécessaires au métabolisme cellulaire (Rebbeck et al., 2011). Ces transferts horizontaux se sont produit au moins cinq fois, déterminant ainsi cinq clades de tumeurs dont la répartition géographique permet de suivre deux millénaires de migration des populations canines. Il semble que des phénomènes de sélection négative ainsi que des événements occasionnels de recombinaisons soient intervenus pour éviter l’accumulation de mutations délétères. Ces découvertes sont en faveur d’un rôle majeur de l’ADNmt dans la transmission de la TVTC (Strakova et al., 2016).

D. Présentation clinique

Le signe clinique le plus fréquent (94,6 %) correspond à un écoulement préputial ou vaginal séro-hémorragique à hémorragique. Une masse visible par protrusion est retrouvée dans 31,3 % des cas et peut être associée à une déformation des organes génitaux (30,4 %). Une odeur nauséabonde peut être présente (27,2 %), traduisant généralement une surinfection bactérienne. Cette surinfection peut être à l’origine d’un léchage des organes génitaux (5,8 %). Les autres signes cliniques, moins fréquents, incluent : une dysurie (5,4 %), un abattement (4,6 %), des ulcérations de la région périnéale (2,1 %), une anorexie (1,7 %), une constipation (0,8 %), un paraphimosis (0,8 %), un refus de l’accouplement (0,4 %) et une perte de poids (0,4 %). Les signes cliniques sont moins frappants chez le

23 mâle chez qui la tumeur peut faire l’objet d’une découverte fortuite. La numération-formule sanguine montre une très légère anémie dans 10 % des cas et une leucocytose dans 30 % des cas, probablement en lien avec la surinfection de la tumeur (Boscos et Ververidis, 2004). Globalement, la tumeur semble avoir peu de conséquences sur l’état général de l’animal (peu de répercussions systémiques et peu d’anomalies biochimiques). Dans les rares cas où les masses deviennent nécrotiques, lorsqu’elles sont à l’origine d’une obstruction urétrale ou lorsque que des métastases sont présentes, une baisse d’état général peut alors être remarquée (Boscos et Ververidis, 2004).

Boscos et Ververidis ont caractérisé l’évolution de cette tumeur par deux phases distinctes bien que d’importantes variations entre individus soient présentes :

- Une phase de progression (phase P) durant laquelle la lésion tumorale s’étend jusqu’à recouvrir tous les organes génitaux externes ; - Une phase de développement plus lente au cours de laquelle alternent des phases de croissance progressive et des phases de régression. Les rémissions complètes n’interviennent pas et les tumeurs persistent durant au moins 3-4 ans sans conséquence majeure sur l’état général de l’animal (Boscos et Ververidis, 2004).

Lors d’inoculations expérimentales de cellules tumorales, ce sont trois phases distinctes qui sont décrites : une phase de progression, une phase de stabilité et une phase de régression. Les tumeurs sont en général palpables 10 à 20 jours après l’inoculation expérimentale de cellules tumorales (Chu et al., 2001a ; Cohen et Steel, 1972 ; Epstein et Bennett, 1974 ; Hill et al., 1984). Lors de la phase de progression rapide, le volume tumoral augmente rapidement avec un temps de doublement compris entre quatre et sept jours et une perte estimée de 50 % des cellules. Ensuite, la tumeur entre dans une phase de stabilité avec un temps de doublement d’environ 20 jours et une perte cellulaire de 80 à 90 %. Cette phase a une durée très variable après une inoculation expérimentale. Elle dure entre quelques semaines et quelques mois et peut éventuellement mener à une phase de régression de deux à 12 semaines qui implique environ 80 % des cellules de la TVTC. Durant cette phase, des tumeurs mesurant jusqu'à 100 cm3 peuvent complètement disparaître, contrairement à ce qui est observé lors de transmissions naturelles de TVTC (Epstein et Bennett 1974 ; Cohen et Steel 1972 ; Hill, Yang, et Wachtel 1984 ; Chu et al,. 2001, Murchison 2008).

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Il semble ne pas y avoir d’influence de la race, de l’âge, du sexe ou de l’usage du chien sur la localisation et l’extension des lésions génitales (Boscos et Ververidis, 2004). Les métastases, peu fréquentes (0 à 5 % des cas), semblent préférentiellement intéresser les mâles (15,6 % versus 1,8 % pour les femelles). Dans la majorité des cas, les nœuds lymphatiques loco-régionaux sont concernés. De rares cas de métastases à distance (glandes mammaires, système nerveux central, poumons, foie, rate, reins), de la peau, des cavités nasales et des yeux (et leurs annexes) sont rapportés. L’apparition des métastases est indépendante de l’âge de l’animal et semble paradoxalement intervenir dans les premiers stades de la maladie. Les métastases sont souvent associées à des lésions génitales plus étendues (Boscos et Ververidis, 2004 ; Ostrander et al., 2016 ; Strakova et Murchison, 2014).

Il convient de noter qu’outre cette localisation primaire représentée par les organes génitaux externes, des cas de TVTC primaires intéressant les cavités nasales, la cavité buccale, la peau et d’autres muqueuses ont été rapportés. Les cas de TVTC à l’origine de masses oculaires et des cavités nasales sont probablement liés aux comportements sociaux entre chiens (léchage, reniflage) ou à une auto-inoculation à partir de lésions génitales. Dans le cas de tumeurs primaires extra-génitales, le diagnostic clinique devient plus difficile du fait de la variété importante des signes cliniques potentiellement observables et du diagnostic différentiel plus large (Albanese et al., 2002 ; Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016)

E. Caractéristiques anatomo-pathologiques

1. Caractéristiques macroscopiques

Les tumeurs sur les organes génitaux externes apparaissent initialement comme de petites papules hyperhémiques évoluant ensuite vers un nodule jusqu’à des stades où les tumeurs peuvent se présenter sous forme de masse lobulées, « en chou-fleur » ou pédiculées mesurant jusqu’à 15 cm de diamètre (figure 2). Les masses sont de consistance ferme mais friables avec de très fréquentes zones d’inflammation et d’ulcération superficielle associées à des saignements. La triade « chou-fleur/friable/saignement facile » peut ainsi être retenue

25 comme un élément important du diagnostic clinique (Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016).

Concernant leur localisation, chez le mâle, les masses sont majoritairement situées en région proximale du pénis mais des lésions peuvent également être retrouvées sur le gland ou en région préputiale. Chez la femelle, les masses sont le plus fréquemment situées dans la partie postérieure du vagin, souvent à la jonction entre le vestibule et le vagin. On les retrouve parfois sur le pourtour de l’orifice urétral ou faisant saillie par la vulve. Lorsqu’une forme cutanée est présente, il semble que les masses soient préférentiellement localisées sur le dos, les flancs, en région cervicale et sur les membres (Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016).

Figure 2 : Aspects macroscopiques de tumeurs vénériennes transmissibles canines génitales et extra-génitales. (A) Volumineuse masse tumorale « en chou-fleur » à la base du pénis d’un chien. (B) Masse d’aspect similaire dans le vestibule du vagin d’une chienne. (C) Masse lobulée cutanée localisée à la tête. A une localisation extra-génitale, le diagnostic clinique est plus difficile car d’autres tumeurs sont à envisager. Sources : (A et B) Docteur Mohamed Yacine BENOUDJIT - Cabinet Vétérinaire de l’Espoir (Batna – Algérie.(C) Site internet K9Aid (« K9Aid | CTVT Tumors », s. d.).

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2. Caractéristiques cytologiques

La cytologie se révèle être une technique parfaitement indiquée et contributive pour le diagnostic de TVTC. Elle est de plus peu onéreuse, facile à mettre en œuvre et peu invasive. Les prélèvements sont généralement riches en matériel et comprennent des cellules rondes à ovales mesurant entre 14 et 30 µm avec des cytoplasmes bien délimités. Les noyaux sont ronds ou ovoïdes, souvent excentrés et de taille variable. La chromatine apparaît granuleuse et un à deux nucléoles basophiles de grande taille sont présents. Le rapport nucléocytoplasmique est légèrement inférieur à 1 et les figures de mitoses sont fréquentes. Le cytoplasme apparait basophile pâle, sans granulations, et contient souvent de petites vacuoles claires à contours nets, « à l’emporte-pièce » (figure 3). Dans les descriptions initiales, les cellules apparaissaient toutes identiques, peu importaient la localisation et le statut métastatique (Do Amaral et al., 2007 ; Duncan et Prasse, 1979).

Figure 3 : Aspect cytologique de la tumeur vénérienne transmissible canine. Observation en microscopie optique au grossissement 400 après coloration au May-Grünwald et Giemsa d'empreintes d’une tumeur vénérienne transmissible canine. Les prélèvements sont généralement riches en matériel. On observe typiquement des cellules rondes modérément pléomorphes, à noyau ovoïde souvent excentré. Le noyau comporte un volumineux nucléole. Le cytoplasme est basophile clair et contient parfois de petites vacuoles « à l’emporte-pièce ». Deux figures de mitose sont visibles (flèches). Source : Laboratoire d'anatomo-cytopathologie, BioPôle Alfort, EnvA.

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Morphologiquement, la TVTC rentre dans la catégorie des tumeurs à cellules rondes qui inclut notamment les lymphomes, les mastocytomes, les histiocytomes ou les sarcomes histiocytaires. L’arbre décisionnel présenté dans la figure 4 détaille de façon très simplifiée les principaux éléments morphologiques utiles au diagnostic cytologique de la TVTC.

Figure 4 : Arbre décisionnel pour le diagnostic des principales tumeurs à cellules rondes chez le chien. D’après Duncan et Prasse, 1979.

Certains auteurs ont proposé une classification cytologique des TVTC basée sur la ressemblance morphologique des cellules avec des populations de cellules lymphoïdes, indépendamment de l’origine cellulaire supposée de cette tumeur (figure 5). Ils distinguent ainsi :

- les formes dites « lymphocytaires » caractérisées par la prédominance (plus de 60 %) de cellules avec une forme ronde, un cytoplasme peu abondant et finement

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granuleux avec des vacuoles en périphérie de la cellule. Le noyau est rond avec une chromatine présentant un ou deux nucléoles ; - les formes dites « plasmocytaires » dans lesquelles les cellules tumorales présentent une morphologie ovoïde, un cytoplasme abondant (donc un rapport nucléo- cytoplasmique plus faible) avec un noyau excentré. Cette forme présente par ailleurs une fréquence plus élevée d’anomalies nucléaires associée une surexpression de la glycoprotéine-P et une résistance à l’action anti-tumorale de la propolis. Selon ces auteurs, toutes les TVTC métastatiques semblent être de ce type. La forme plasmocytaire serait donc la plus agressive (Do Amaral et al., 2007).

Figure 5 : Caractéristiques cytomorphologiques des formes « lymphocytaire » et « plasmocytaire » de la tumeur vénérienne transmissible canine. La forme lymphocytaire (A) est caractérisée par une majorité de cellules rondes avec un cytoplasme peu abondant et des vacuoles en périphérie de la cellule. La forme plasmocytaire (B) présente une morphologie ovoïde avec un cytoplasme plus abondant (d’après Do Amaral et al., 2007).

Les auteurs définissent également une forme mixte au sein de laquelle aucune des deux populations ne dépasse une proportion de 59 % (Do Amaral et al., 2007). Dans cette étude, réalisée au Brésil et incluant 132 chiens, il a été montré que la forme plasmocytaire représentait 52,53 % des cas, suivie par la forme mixte (29,11 %) puis par la forme lymphocytaire (18,36 %) (Do Amaral et al., 2007).

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3. Caractéristiques histologiques

Histologiquement, la TVTC se caractérise par une prolifération en nappes de cellules rondes à polyédriques séparées par un stroma conjonctif contenant de fréquents lymphocytes, plasmocytes et macrophages. Les cellules tumorales sont en général disposées de façon radiale par rapport aux vaisseaux sanguins et lymphatiques. Elles présentent un rapport nucléocytoplasmique assez élevé avec un noyau rond et une chromatine organisée de façon variable : elle peut être poussiéreuse ou bien présenter des nucléoles bien définis. Le cytoplasme est acidophile avec des limites mal définies et contient des vacuoles (figure 6). Durant la phase de progression qui dure environ quatre à six mois, les cellules tumorales sont arrangées de façon relativement diffuse et de nombreuses figures de mitoses sont présentes. En début de phase de régression, les lymphocytes envahissent toute la tumeur ou peuvent être associés au stroma. En fin de phase de régression, un effondrement du parenchyme tumoral est observé. Il est associé à la présence de cellules apoptotiques et à un remplacement par un stroma fibreux (Das et Das, 2000 ; Mukaratirwa et al., 2004 ; Stockmann et al., 2011). En dehors de tout contexte clinique, l’analyse histologique de la TVTC présente un intérêt limité car la distinction avec les autres tumeurs à cellules rondes (mastocytomes, histiocytomes, lymphomes, etc.) est plus difficile qu’à l’examen cytologique (Das et Das, 2000). Contrairement à ce qui est généralement pratiqué en cancérologie, on pourra donc souvent se limiter à un examen cytologique pour le diagnostic définitif de TVTC.

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Figure 6 : Coupe histologique de la tumeur vénérienne transmissible canine. Observation en microscopie optique au grossissement 400 après coloration à l’hémalun-éosine- safran d’une tumeur vénérienne transmissible canine vaginale. Il s’agit d’une prolifération en nappe de cellules rondes, sans stroma propre associé. Les cellules montrent un pléomorphisme modéré à marqué avec de fréquentes figures de mitoses. Source : Laboratoire d'anatomo-cytopathologie, BioPôle Alfort, EnvA.

4. Caractéristiques immunohistochimiques

a. Profil immunohistochimique des cellules tumorales

Les études morphologiques pures ne fournissent que peu d’informations sur la nature cellulaire exacte des cellules de la TVTC du fait de l’absence d’élément caractéristique d’un type cellulaire particulier. L’immunohistochimie, c'est-à-dire le marquage par l’utilisation d’anticorps spécifiques de protéines sur coupes histologiques, s’est en revanche révélée très utile pour déterminer l’origine cellulaire de la TVTC, si l’on adhère au postulat selon lequel le profil immunohistochimique des cellules tumorales devrait refléter celui de la cellule initiale. Les résultats obtenus par deux études ont été synthétisés dans le Tableau 1. Les cellules tumorales étudiées étaient toutes négatives pour les cytokératines, l’actine α des muscles lisses et le CD3. Par conséquent, une cellule épithéliale, une cellule musculaire lisse ou un lymphocyte T ne constituaient pas une origine plausible (Marchal et al., 1997 ; Mozos et al., 1996). Une origine lymphocytaire B est par ailleurs peu probable du fait de l’absence de marquage associé à ces cellules (Mozos et al., 1996) ou de la présence d’un

31 marquage avec une localisation atypique (Marchal et al., 1997). En revanche, l’expression d’α-1-antitrypsine, du lysozyme et de la vimentine est fortement en faveur d’une origine histiocytaire4. Les deux premiers marqueurs évoqués sont spécifiques de cette lignée et ne sont pas exprimés par les autres cellules mésenchymateuses (Cangul, 2001 ; Marchal et al., 1997 ; Mozos et al., 1996 ; Mukaratirwa et Gruys, 2003). Ces résultats sont confortés par l’expression d’ACM1, spécifique des cellules mononucléées phagocytaires canines (histiocytes, macrophages, etc.) (Marchal et al., 1997). L’expression de la NSE (neuron specific enolase) ne présente pas d’intérêt significatif car elle est retrouvée dans de nombreuses cellules de l’organisme (voir tableau 1) et dans plusieurs types de tumeurs (Marchal et al., 1997). L’expression de la desmine dans une des tumeurs examinées ne contredit pas l’hypothèse d’une origine histiocytaire car, bien que son expression soit avant tout associée aux tissus musculaires, elle peut également être exprimée par de nombreuses tumeurs dont certaines ayant une origine histiocytaire (Marchal et al., 1997). Enfin, l’expression par quelques tumeurs de la protéine acide fibrillaire gliale, constituant d’éléments cytoplasmiques des cellules gliales, est probablement non significative même si les connaissances sur ce marqueur dans l’espèce canine sont encore limitées (Marchal et al., 1997).

Tableau 1 : Profil immunohistochimique de la tumeur vénérienne transmissible canine Pour chaque marquage, il est indiqué le nombre de tumeurs positives par rapport au nombre de tumeurs examinées. *cellules tumorales périvasculaires (d’après Marchal et al., 1997 ; Mozos et al., 1996).

Marquage Spécificité cellulaire Expression 0/14 Cytokératines Cellules épithéliales 0/25 10/14 Vimentine Cellules conjonctives 25/25 Desmine Cellules musculaires 1/14 Actine des muscles lisses α Cellules musculaires lisses 0/14

4 Les histiocytes sont des macrophages du tissu conjonctif.

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Tableau 1 (fin).

0/14 CD3 Lymphocytes T 0/25 5/14* IgG Lymphocytes B 0/25 IgM Lymphocytes B 0/25 5/14* Chaînes légères λ Lymphocyte B 0/25 5/14* Chaînes légères κ Lymphocytes B 0/25 14/14 Lysozyme Histiocytes 10/25 Cellules mononucléées ACM1 11/14 phagocytaires canines α -1-antitrypsine Histiocytes 14/25 Cellules de Schwann, Protéine S100 0/25 mélanocytes Cellules de Schwann, neurones, muscles lisses, mélanocytes, NSE cellules de Merkel, cellules 11/14 myoépithéliales, plaquettes, cellules neuro-endocrines. Protéine acide fibrillaire gliale Cellules gliales 4/14 (GFAP)

L’origine histiocytaire de la TVTC déjà suggérée par son profil immunohistochimique est renforcée par d’autres observations. Il a en effet été montré que lorsque que des chiens présentaient à la fois une TVTC et une leishmaniose, les amastigotes de leishmanies étaient retrouvés non seulement dans les macrophages (hôte cellulaire naturel du parasite) mais aussi dans les cellules tumorales, et ce, aussi bien dans les formes génitales qu’extragénitales. La transmission de cellules tumorales pourrait même être à l’origine de la transmission de la leishmaniose si le chien donneur est parasité (Albanese et al., 2002 ; Catone et al., 2003 ; Kegler et al., 2013 ; Marino et al., 2012 ; Trevizan et al., 2012).

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b. Caractéristiques immunohistochimiques du stroma

Les caractéristiques du stroma de la TVTC ont également été étudiées. Il a été observé une augmentation du nombre de cellules stromales exprimant l’actine α des muscles lisses (myofibroblastes) lors de la phase de régression de la tumeur. Ce processus est similaire à ce qui peut être observé dans un tissu cicatriciel et semble en lien étroit avec l’infiltration lymphocytaire observée au cours de cette phase. La ténascine-C, une glycoprotéine intervenant dans des mécanismes d’interaction cellulaire (adhésion, répulsion, etc.), était exprimée dans le stroma des tumeurs en phase progressive et dans les zones riches en lymphocytes des tumeurs en phase de régression. Un signal de forte intensité pour la ténascine-C présentait une association significative avec la phase de régression de la tumeur. D’autre part, un marquage important pour l’acide hyaluronique (intervenant dans l’hydratation de la matrice extracellulaire) était fortement associé à la phase progressive, suggérant une implication de ce composé dans la croissance de la TVTC (Mukaratirwa et al., 2004).

5. Caractéristiques ultrastructurales

L’ultrastructure des cellules tumorales de TVTC a été largement documentée mais apporte peu d’informations du fait de l’absence d’éléments distinctifs. Les tumeurs sont caractérisées par une population homogène et confluente de cellules rondes et parfois allongées mélangées à des éléments du stroma. L’aspect et le nombre des cellules tumorales varient en fonction des différentes phases évolutives de la tumeur. Les tumeurs présentent initialement un noyau rond ou ovale avec une chromatine diffuse (exceptés de petits agrégats le long de l’enveloppe nucléaire) et des nucléoles avec des nucléolonéma bien identifiables (figure 7). Le cytoplasme contient des mitochondries contenant quelques crêtes irrégulières, un réticulum endoplasmique granuleux abondant, des polyribosomes, un appareil de Golgi, de rares gouttelettes lipidiques et de nombreux éléments tubulaires et vésiculaires. Des microvillosités voire des filopodes sont parfois observés dans les zones de moindre cohésion. Des complexes de lamelles annulaires sont parfois identifiés ainsi que des dépôts glycogéniques.

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Lors de la phase de régression, les cellules tumorales dégénèrent et présentent un cytoplasme plus électron-dense, des mitochondries et un réticulum endoplasmique hypertrophiés. Les mitochondries montrent également des vacuolisations et sont moins nombreuses, tout comme les ribosomes. L’espace périnucléaire est hypetrophié et la chromatine forme des agglomérats coalescents. (Cockrill et Beasley, 1975 ; Harmelin et al., 2002 ; Hill et al., 1984 ; Kennedy et al., 1977)

Figure 7 : Ultrastructure des cellules de la tumeur vénérienne transmissible canine.

Observation en microscopie électronique à tranmission de cellules rondes avec de nombreuses microvillosités (mv). Les cellules contiennent des mitochondries, des ribosomes libres et quelques lysosomes. Les noyaux sont de taille importante, vésiculeux avec un motif hétérochromatique. La zone agrandie montre des granules de périchromatine. Barre = 1 µm (d’après Hill et al., 1984).

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F. Immunité associée à la tumeur transmissible vénérienne canine

Une réponse immunitaire humorale en réaction à la TVTC a été montrée. Les chiens ayant guéri, notamment après une inoculation de cellules tumorales de TVTC, sont ainsi immunisés contre une ré-infection et cette immunité peut être transmise à d’autres animaux par le sérum. Le sérum de chiots nés de mère ayant été atteinte de TVTC présente les mêmes caractéristiques (Murchison, 2008) et ces chiots sont moins sensibles à la maladie. Cette immunité humorale est à relier à la présence d’antigènes tumoraux qui ont été détectés dans le sérum des chiens malades et dont la concentration plasmatique semble proportionnelle à la taille de la tumeur (Yang et al., 1991). Ces antigènes semblent générer des anticorps anti-TVTC dont la concentration n’est elle pas corrélée à la taille de la tumeur. Bien que les anticorps anti-TVTC ne semblent pas protéger l’hôte contre le développement d’une tumeur déjà en place, ils pourraient en ralentir la croissance, limiter le développement de métastases, participer à la cytotoxicité à l’encontre des cellules tumorales et prévenir de nouvelles infections (Fenton et Yang, 1988). Il a également été montré que l’inoculation expérimentale de TVTC induisait une diminution des lymphocytes B du sang périphérique. En parallèle, on notait une diminution des concentrations sériques en immunoglobulines. Ces effets ont été associés à la présence d’une protéine cytotoxique de 30-100 kDa sécrétée par la tumeur, sensible à la chaleur et à la protéase K. Cette protéine agirait en induisant une apoptose ciblée de la lignée B tout en épargnant les autres cellules du système immunitaire (Liao et al., 2003a).

Associée à cette immunité humorale, l’immunité à médiation cellulaire semble jouer un rôle central dans les phases de progression et régression de la TVTC. Les CMH I et II sont impliqués dans la présentation d’antigènes chez les vertébrés. Le CMH I est exprimé par toutes les cellules nucléées et les plaquettes alors que le CMH II est exprimé par les lymphocytes B, certains macrophages et monocytes, les cellules de Langherans et les cellules dendritiques. Le nombre de loci du CMH I et II varie beaucoup d’une espèce à l’autre (Kelley et al., 2005). Le CMH I peut être séparé en deux groupes :

- le CMH I classique est impliqué dans la présentation d’antigène aux lymphocytes T ;

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- le CMH I non classique ne possède pas ce rôle mais, grâce une similarité de structure avec le CMH I, permet aux cellules qui l’expriment d’être reconnues par les cellules NK et ainsi de ne pas être détruites (Belov, 2011).

Dans le cadre de la TVTC, il a d’abord été montré un défaut d’expression des β2- microglobulines, constituants du CMH I, à la surface des cellules tumorales avec pour conséquence un déficit fonctionnel du CMH I (Cohen et al., 1984). Plus tard, la cinétique d’évolution de la TVTC a été mise en relation avec le fait que, durant la phase de progression, les cellules tumorales sont déficitaires en CMH I et II alors que durant la phase de régression, 30 à 40 % des cellules expriment ces deux composants (Yang et al., 1987). Des études de transplantation de cellules tumorales sur des souris immunodéficientes (NOD/SCID) confirmaient l’absence de CMH I et II durant la phase de progression. Cependant, aucune régression n’était observée sur ce modèle animal posant ainsi la question des mécanismes mis en jeu dans l’échappement au système immunitaire de l’hôte puis dans la transition vers la phase de régression. Harmelin et Hsiao montraient par la suite que les cellules de la TVTC exposées au surnageant de cultures cellulaires à partir de tumeurs en phase de régression et contenant des cellules de TVTC et de lymphocytes infiltrant la tumeur ou de lymphocytes infiltrant la tumeur seuls, stimulaient l’expression des CMH. Par opposition, le surnageant de cultures similaires mais issues de tumeurs en phase de progression n’avait aucun effet sur l’expression des CMH. Il en ressort que les lymphocytes infiltrant la tumeur durant la phase de régression sont à l’origine de la sécrétion d’une substance, qui sera identifiée plus tard, permettant l’expression des CMH par les cellules tumorales (Harmelin et al., 2002 ; Hsiao et al., 2002).

Il a aussi été montré que les cellules tumorales étaient à l’origine d’une sécrétion de TGF-β (transforming growth factor β) durant les phases de progression et de régression de la tumeur, ce dernier ayant une action suppressive sur l’expression des CMH I et II (dont l’importance a été détaillée précédemment), mais également sur l’activité des cellules dendritiques dérivant des monocytes (Liu et al., 2008) et des NK (Hsiao et al., 2004). Les cellules dendritiques sont des cellules présentatrices d’antigènes localisées dans la majorité des tissus de l’organisme et concentrées dans les organes lymphoïdes. Du fait de leur rôle de présentation d’antigènes, elles expriment le CMH I et II à leur surface et ont essentiellement un rôle de stimulation des lymphocytes T afin qu’ils se différencient, en fonction du signal reçu, en lymphocytes Th (T helper) ou en lymphocytes cytotoxiques. Dans des conditions

37 normales, elles jouent également un rôle d’immunotolérance en présentant des antigènes du soi et des antigènes environnementaux non pathogéniques. Ainsi, dans le cancer, en l’absence d’inflammation, elles peuvent contribuer à la tolérance périphérique (Stephen et Hajjar, 2017).

Les NK sont des lymphocytes intervenant dans l’immunité innée. Ils n’expriment pas de récepteurs spécifiques d’antigènes à leur surface mais plutôt un large de panel de récepteurs activateurs et inhibiteurs. Leur fonction primaire est d’identifier et d’éliminer les cellules ne présentant pas le CMH I (le « non soi »). L’activation des NK procède également d’un dialogue avec d’autres effecteurs tels que les cellules dendritiques, les neutrophiles, les macrophages, les mastocytes mais aussi avec les cytokines présentes dans l’environnement. Une fois activés, ils induisent une cytotoxicité et une production de cytokines. En plus de leur rôle dans l’immunité innée, les NK peuvent également être à l’origine d’une réponse immunitaire rapide et puissante lors d’une seconde exposition (rôle dans la mémoire immunitaire) (Stephen et Hajjar, 2017).

La suppression de l’expression du CMH I et II semble donc à l’origine de la phase rapide de croissance durant laquelle la tumeur semble échapper aux défenses immunitaires de l’hôte. Dans un second temps, une augmentation de la concentration en IL-6 (interleukine 6) est notée. Elle est sécrétée par les lymphocytes infiltrant la tumeur et possède un effet antagoniste au TGF-β permettant ainsi de rétablir l’activité des NK, des cellules dendritiques et d’induire l’expression des CMH. Ces éléments permettent le passage de la phase de progression à la phase de régression de la TVTC comme cela a été décrit (Hsiao et al., 2004 ; Liu et al., 2008). Il est ainsi apparu que l’IL-6 était la substance mise en évidence par Hsiao en 2002 et qu’elle constituait l’élément essentiel de la transition entre les deux phases de la tumeur. L’IFN-γ (interferon γ) produit par l’organisme hôte (via les lymphocytes infiltrant la tumeur) en association avec l’IL-6 semble avoir une action synergique sur l’induction de l’expression du CMH. En effet, l’IL-6 antagonise l’effet du TGF-β restaurant ainsi l’activité de l’IFN-γ sur l’expression du CMH. Ces trois cytokines sont donc en étroite relation pour moduler l’expression des CMH par les cellules tumorales. L’action synergique de l’IL-6 et l’IFN-γ sur l’expression des CMH semble par ailleurs passer par l’activation de certains facteurs de transcriptions tels que STAT-1, STAT-3, CREB, NF-κB et IRF-1 (Hsiao et al., 2008).

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Les cellules immunitaires infiltrant la tumeur possèdent donc un rôle central pour le passage de la TVTC vers la phase de régression. Un grand nombre de ces populations cellulaires ont été montrées comme plus nombreuses lors de la phase de régression de la tumeur en comparaison avec la phase de progression. Sont notamment concernés les lymphocytes infiltrant la tumeur (Hsiao et al., 2004, 2002), soit des lymphocytes T (Gonzalez et al., 2000) dont des lymphocytes T CD8+ (Barber et Yang, 1999). Les mastocytes seraient également davantage représentés lors de la deuxième phase avec un rôle dans l’angiogenèse (Mukaratirwa et al., 2006). Lors de la progression de la tumeur, il y a une diminution de 40 % des monocytes (desquels dérivent les cellules dendritiques) avec les conséquences sur l’immunité qui s’en suivent (Liu et al., 2008). Il a été mis en évidence que l’augmentation de production d’IL-6 était en lien avec activation des gènes TIMD-4, GPNMB et PLTP durant la phase de régression de cette tumeur. TIMD-4 est exprimé par les lymphocytes T ; il s’agit d’un récepteur à la phosphatidylsérine exprimé uniquement par les cellules présentatrices d’antigènes et qui régule l’activation des lymphocytes T et leur tolérance. TIMD-4 pourrait également se lier à TIMD-1 sur les lymphocytes T activés et ainsi co-stimuler la production de lymphocytes T, nécessaires pour fournir de grandes quantités de cytokines pro-inflammatoires dont l’IL-6. TIMD-4 pourrait aussi avoir un rôle dans l’augmentation de l’expression de facteurs co-stimulant les cellules dendritiques et augmentant leur activité. GPNMP semble également avoir un rôle dans le système immunitaire en favorisant l’adhésion aux cellules endothéliales et en étant associé à la différenciation des lymphocytes Th2. PLTP, mais aussi GPNMP, sont également connus pour stimuler l’inflammation par augmentation de la production d’IL-6 (Chiang et al., 2013). Il a aussi été montré que des gènes liés aux lymphocytes Th17 étaient surexprimés durant la phase de régression sous l’influence de l’association TGF-β et IL-6. Les lymphocytes Th17 sont par ailleurs connus pour stimuler l’auto-immunité, d’où leur rôle dans cette phase de la maladie (Chiang et al., 2013). Tous ces éléments sont résumés dans la figure 8.

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Figure 8 : Modèle de l’évasion immunitaire de la tumeur vénérienne transmissible canine. Durant la phase de progression, les cellules tumorales n’expriment pas les CMH I et II et sécrètent du TGF-β1. Cette cytokine inhibe la cytotoxicité associée aux lymphocytes infiltrant la tumeur (incluant les NK). Les cellules tumorales pourraient également inhiber certains types de cellules présentatrices d’antigènes. Durant cette phase, les lymphocytes infiltrant la tumeur sont présents en faible quantité. Lors de la phase de régression, le nombre de lymphocytes infiltrant la tumeur augmente. Ils sécrètent l’IFN-γ et l’IL-6 qui contrent l’effet du TGF-β1 d’origine tumorale, induisant ainsi l’expression des CMH I et II à la surface des cellules tumorales. La présence des CMH permet une reconnaissance de la tumeur par l’organisme hôte et ainsi un rejet (d’après Murchison, 2008).

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G. La tumeur vénérienne transmissible canine à l’origine d’une manipulation de la biologie de son hôte ?

La TVTC peut, d’un certain point de vue, être considérée comme un parasite qui a co- évolué depuis plusieurs millénaires avec son hôte (le chien domestique). Il serait possible de supposer que des mécanismes se soient mis en place chez l’hôte pour améliorer la transmission de ce « parasite » (Strakova et Murchison, 2015). La TVTC est une tumeur à transmission vénérienne. Une étude a mis en évidence que l’expression de récepteurs aux œstrogènes dans l’épithélium vaginal différait entre les chiennes saines et les chiennes atteintes par la TVTC durant certains stades du cycle œstral. Les femelles atteintes auraient une expression plus importante de ces récepteurs durant le dioestrus. La tumeur pourraient donc être à l’origine d’une modulation de l’environnement local (de Brito et al., 2006).

De plus, des travaux de Cohen ont permis de montrer que les chiens transplantés avec une TVTC présentaient fréquemment des taux plus élevés d’érythropoïétine (sans corrélation avec la taille de la tumeur) à l’origine d’une polycythémie avec élévation de l’hématocrite et de la concentration en hémoglobine. Cependant, il n’a pas été déterminé si les cellules tumorales étaient à l’origine de la sécrétion de l’érythropoïétine ou si l’hôte en était responsable suite à un stimulus de la tumeur. Une telle observation pourrait être interprétée comme un mécanisme compensatoire aux pertes sanguines liées aux tumeurs qui sont fréquemment hémorragiques (Cohen, 1985).

H. Diagnostic

Dans la plupart des cas, le diagnostic de TVTC peut être clinique. Le signalement et le mode de vie de l’animal, associés aux signes cliniques et l’aspect macroscopique des lésions, constituent généralement des éléments de suspicion. L’examen clinique doit être minutieux, en ne négligeant pas les organes génitaux externes. Le diagnostic différentiel des écoulements hémorragiques ou séro-hémorragiques d’origine génitale, signes cliniques les plus fréquents de la TVTC, doit être envisagé : cystite, urétrite, tumeurs de la vessie ou de l’urètre chez un chien âgé. Chez la femelle, de tels écoulements peuvent par ailleurs être observés en période d’œstrus. Il est donc important de replacer la chienne dans son cycle

41 sexuel et de s’informer sur la durée des pertes hémorragiques. Chez le mâle, il convient également d’inclure une prostatite dans le diagnostic différentiel (Das et Das, 2000).

Comme cela a été détaillé précédemment, le diagnostic définitif est anatomo- pathologique. Il repose sur un examen cytologique et/ou sur un examen histologique, le premier étant souvent suffisant et caractéristique tout en étant peu invasif et bon marché (voir I - E.). En plus du diagnostic lui-même, la prolifération cellulaire peut être évaluée. En effet, la phase P est associée à de nombreuses figures de mitose, à une activité augmentée des télomérases, à une surexpression de PCNA (antigène nucléaire de prolifération cellulaire) et un contenu plus élevé en AgNOR (argyrophilic nucleolar organizer regions ou régions organisatrices du nucléoles colorées par l’argent) (Chu et al., 2001a).

La cytogénétique peut être utile du fait de la singularité du caryotype des TVTC (voir I – C.1.) et de sa grande stabilité (Fujinaga et al., 1989a, 1989b).

Des techniques de biologie moléculaire peuvent également se révéler intéressantes. La PCR, au travers de différentes études, s’est montrée un outil de choix du fait de sa sensibilité à identifier des cellules tumorales de TVTC. En effet, la recherche de la séquence LINE-MYC, c'est-à-dire le fragment inséré en 5’ du premier exon de l’oncogène MYC (élément caractéristique du génome cette tumeur) permet un diagnostic de certitude et peut être réalisée à partir d’une simple cytoponction (Castro et al., 2016 ; Liao et al., 2003b ; Setthawongsin et al., 2016). Cette méthode est particulièrement utile lors de formes extra- génitales pour lesquelles la suspicion clinique peut être faible et le diagnostic différentiel anatomo-pathologique plus large.

D’autres outils diagnostiques potentiels ont été décrits mais ne sont pas utilisés en pratique. Un antigène tumoral spécifique de la TVTC a ainsi été mis en évidence. Il s’agit d’une protéine de plus de 70 kDa sensible à la chaleur, à la trypsine et au pH (Palker et Yang, 1981). Les protéines du choc thermique ou Heat Shock Proteins (HSP) 60 et 70 ont été identifiées comme des marqueurs potentiels de la TVTC et leur expression n’a pas été retrouvée dans cinq autres tumeurs canines examinées. De plus, l’expression de HSP60 est plus élevée dans les TVTC en phase de régression par rapport à celles en phase de progression. HSP60 pourrait donc avoir un rôle dans la régression de la TVTC (Chu et al., 2001b).

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I. Traitements et pronostic

Plusieurs options thérapeutiques sont envisageables dans la prise en charge de la TVTC. L’efficacité du traitement n’est pas toujours facile à déterminer en raison de la régression spontanée possible de la tumeur. Les options thérapeutiques comprennent l’exérèse chirurgicale, la radiothérapie, l’immunothérapie, la chimiothérapie ou une combinaison de ces approches (Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016).

1. L’exérèse chirurgicale

L’exérèse chirurgicale a été envisagée très tôt, dès 1932 par Wong et K’Ang. La résection de la masse tumorale est suivie d’un taux de rechute élevé, compris entre 18 % et 68 % (Boscos et Ververidis, 2004 ; Das et Das, 2000). Cette observation est probablement à mettre en lien avec un phénomène de « contamination » de la plaie chirurgicale par des cellules tumorales permettant ainsi le développement de nouvelles tumeurs a posteriori. Pour cette raison, il convient de porter une attention toute particulière chez le mâle à ne pas léser l’urètre lors de l’intervention. Lorsque l’orifice urétral est impliqué, il est conseillé de réaliser une cicatrisation sur sonde urétrale pour prévenir tout risque de sténose (Ganguly et al., 2016). L’exérèse chirurgicale doit plutôt être réservée aux chiens présentant un petit nodule, unique, facilement accessible et peu infiltrant (Boscos et Ververidis, 2004). Il semblerait que l’exérèse électrochirurgicale (électrocoagulation) ou cryochirurgicale présente de meilleurs résultats (Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016).

En plus de l’approche chirurgicale classique, des approches originales jouant sur des différentiels de températures ont été explorées avec des résultats mitigés. Des vasodilatateurs tels que l’hydralazine permettent d’augmenter le différentiel de température entre tissu sain et tissu tumoral, laissant ainsi supposer un potentiel intérêt lors de traitement thermique (Voorhees et Babbs, 1982). Il semble néanmoins que les cellules de TVTC ne présentent pas d’altération suite à une hyperthermie induite par les micro-ondes (Badylak et al., 1985). Des résultats limités ont également été mis en évidence lors d’une thérapie thermique par application d’une sonde à ultrasons guidée par IRM (imagerie par résonnance magnétique) sur la prostate d’un chien avec une TVTC prostatique (Hazle et al., 2002). Plus récemment, l’efficacité de l’utilisation de nanocapsules absorbant dans les infrarouges lors

43 d’une ablation sélective d’une TVTC localisée dans l’encéphale d’un chien a été montrée (Schwartz et al., 2009). Ces derniers exemples restent des procédures expérimentales puisque la TVTC inoculée à différentes localisations constitue un modèle d’étude pour le traitement du cancer.

2. La radiothérapie

La radiothérapie se montre efficace contre les TVTC et est utilisée depuis les années 50, notamment en Europe, dans cette indication. Une rémission complète est observée avec des doses variant de 1 500 à 2 500 rads et avec une division en sessions de 400 à 500 rads sur une période de une à trois semaines. Les doses sont à adapter en fonction de l’étendue des lésions. Un autre protocole décrit comprend une dose unique de 1 000 rads qui peut être répétée jusqu’à quatre fois en cas de non réponse (Das et Das, 2000 ; Ganguly et al., 2016). Cependant, l’utilisation de cette technique nécessite un animal immobile et donc une anesthésie générale. Par conséquent, on préférera la radiothérapie en seconde intention, en cas de non réponse aux traitement plus conventionnels (Boscos et Ververidis, 2004).

3. L’immunothérapie

L’immunothérapie peut constituer une option dans le traitement de la TVTC. Initialement, il s’agissait de transférer du sérum ou du sang total de chiens ayant présenté une rémission complète de la tumeur, dans le but d’obtenir un transfert d’immunité passive (Ganguly et al., 2016). Les résultats étaient alors mitigés (Das et Das, 2000). Des vaccins autogènes obtenus à partir de pièces d’exérèse ont également été testés en complément de la chirurgie et ont montré une absence de rechute (Panchbhai et al., 1990). L’utilisation du BCG (vaccin bilié de Calmette et Guérin) a montré une efficacité certaine pour traiter cette tumeur notamment en association avec une chimiothérapie à base de vincristine (Hess et al., 1977 ; Mukaratirwa et al., 2009). Bien que le mécanisme ne soit pas totalement élucidé, le BCG serait à l’origine d’une immuno-stimulation non spécifique caractérisée par un afflux de lymphocytes infiltrant la tumeur et de macrophages, aboutissant à une nécrose et une apoptose des cellules tumorales (Hess et al., 1977 ; Mukaratirwa et al., 2009). De la même façon, une co-infection par le parvovirus canin ou une vaccination (contre le parvovirus

44 félin) simultanée à la transplantation de la TVTC semble limiter le développement de la tumeur (Yang, 1987).

Plus récemment, l’utilisation de plasmides intégrés aux tumeurs par électroporation et codant pour des interleukines a montré un réel bénéfice. L’association de l’IL-6 (dont l’action anti-TGF-β rétablit l’activité de l’IFN-γ et permet ainsi l’expression du CMH par les cellules tumorales) avec l’IL-15 (qui active les NK et la cytotoxicité spécifique du TVTC) a montré de bons résultats (Chou et al., 2009 ; Lin et al., 2008). L’utilisation de plasmides codant pour l’IL-12 est aussi capable d’induire un effet systémique à l’origine d’une régression de la tumeur en attirant les lymphocytes infiltrant la tumeur et en activant l’expression des CMH (Chuang et al., 2009). L’IL-2 en injection intra-tumorale semble également avoir des effets synergiques impressionnants en association avec une chimiothérapie à base de vincristine. L’IL-2 avait déjà montré son effet sur le mastocytome canin (Otter et al., 2015 ; Otter et al., 1999). Il a également été rapporté un effet bénéfique (inhibition de la progression et accélération de régression) d’une vaccination avec des hybrides de cellules dendritiques et de cellules tumorales du TVTC (Pai et al., 2011). Un vaccin intégrant une séquence de la HSP70 de poulet a montré un effet protecteur. Cet effet est explicable par le fait que les protéines du choc thermique sont surexprimées dans certaines tumeurs dont la TVTC et qu’elles peuvent donc représenter une cible pour le système immunitaire (Yu et al., 2011).

4. La chimiothérapie

La chimiothérapie représente actuellement le traitement de choix de la TVTC. En effet, de nombreux traitements anticancéreux ont pu être testés tels que le cyclophosphamide, le méthotrexate, le cyclophosphamide associé à la prednisone ou associé à la vinblastine ou au méthotrexate, la vincristine seule ou en association avec la doxorubicine ou le cyclophosphamide ou le méthotrexate (Ganguly et al., 2016). Il ressort de ces études que la vincristine est la molécule de choix pour le traitement le TVTC par chimiothérapie. Il est alors recommandé d’administrer par voie intraveineuse 0,025 mg/kg ou 0,6 mg/m² de sulfate de vincristine une fois par semaine pendant au moins deux semaines, et ce, peu importe la taille, l’étendue, le stade ou la durée d’évolution de la tumeur. Ce traitement permet une guérison complète sans impact sur le comportement ou les capacités reproductrices (Boscos et Ververidis, 2004 ; Das et Das, 2000 ; Ganguly et al.,

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2016). Cependant, une masse de taille importante, un âge avancé et un temps chaud et humide semblent être des éléments retardant la guérison complète par l’intermédiaire de ce traitement (Scarpelli et al., 2010). Avant d’instaurer une telle thérapie, il est recommandé d’évaluer l’état de santé de l’animal et de suivre la numération leucocytaire toutes les semaines. Une leucopénie transitoire peut être observée (elle concerne en général moins de 2 % des chiens). D’autres effets secondaires sont rapportés tels qu’un abattement et une dysorexie (chez 20 % des chiens traités) ou une baisse de la qualité de la semence chez les chiens mâles. Ces effets se résolvent en 15 jours environ (Ganguly et al., 2016).

Plus récemment des techniques permettant une action plus localisée des molécules anti-cancéreuses ont été évaluées sur un modèle murin. L’utilisation de Doxil (pegylated liposomal doxorubincine), permettant d’obtenir une concentration intratumorale en agent thérapeutique plus importante, a montré des résultats encourageants (Stettner et al., 2005). Il en est de même avec une thérapie photodynamique (technique où l’action de la molécule est contrôlée localement par la lumière) avec l’utilisation de la Pd-bactériophéophorbide (WST09) qui a permis une guérison totale après une séance seulement (Vilensky et al., 2005).

La chimiothérapie reste actuellement la technique de choix en première intention avec un taux de guérison pouvant atteindre 100 %. L’immunothérapie, par l’utilisation d’interleukine, montre également de bons résultats et pourrait donc être utilisée comme thérapie adjuvante à la chimiothérapie afin de réduire la durée du traitement.

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II- LA TUMEUR FACIALE TRANSMISSIBLE DU DIABLE DE TASMANIE

Le diable de Tasmanie, marsupial vivant sur l’île du même nom, est réputé pour être une espèce fragile dont la population a déjà connu de nombreuses fluctuations. Il fait, depuis 1996, face à une menace majeure qui compromet grandement sa survie. En effet, la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie (TFTDT) fait encore à ce jour des ravages parmi les individus de cette espèce insulaire.

A. Émergence d’une nouvelle menace pour la population de diables de Tasmanie : la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie

Le diable de Tasmanie (Sarcophilus harrisii) appartient à la famille des Dasyuridae et représente actuellement la plus grande espèce de marsupial carnivore (figure 9). Sa distribution est désormais limitée à l’île de la Tasmanie, suite à sa disparition du continent australien il y a au moins 400 ans. Cette disparition est probablement liée à la compétition avec les dingos, à la chasse par les populations aborigènes ou encore à des modifications climatiques. L’extinction en 1982 du thylacine (Thylacinus cyanocephalus), un autre marsupial carnivore de taille plus importante, place désormais le diable de Tasmanie au sommet de la chaîne alimentaire (Hawkins et al., 2006). Sarcophilus harrisii est une espèce nocturne, un chasseur et un charognard de taille moyenne caractérisé par un dimorphisme sexuel marqué puisque les mâles pèsent entre 7,5 et 13,0 kg alors que le poids des femelles est compris entre 4,5 et 9,0 kg. À l’état sauvage, l’espérance de vie de cette espèce de 5 à 6 ans. Le diable de Tasmanie est une espèce non territoriale évoluant sur des zones géographiques de plus de 10 km². La maturité sexuelle est en générale atteinte dans la deuxième année de vie, avec une période reproductrice comprise entre deux et quatre ans pour les femelles qui amènent alors au sevrage des portées comptant une médiane de trois petits, une fois par an (Pemberton, 1990). Le diable de Tasmanie était initialement (jusqu’en 1996) retrouvé sur toute l’île en formant une unique population avec une distribution continue. Il était cependant davantage représenté sur la partie est et la côte nord-ouest de

47 l’île, notamment dans les forêts d’eucalyptus, dans les prairies mélangées à des forêts primaires et dans les broussailles côtières (Hawkins et al., 2006).

Depuis l’implantation des populations européennes dans cette région du globe (soit depuis environ 200 ans), il apparaît que la population de diables de Tasmanie a été soumise à des fluctuations importantes à l’origine d’une baisse de la diversité génétique. Ces fluctuations du nombre d’individus sont probablement à mettre en lien avec l’apparition de certaines maladies. En effet, cette espèce semble particulièrement sensible aux néoplasies, aux processus dégénératifs liés à l’âge ainsi qu’à de nombreux pathogènes et parasites (souvent zoonotiques) (Bradshaw et Brook, 2005). Peu d’éléments concernant ces affections sont disponibles, mais il semblerait qu’une auto-régulation de la taille de la population intervienne à long terme, expliquant ces oscillations à l’échelle du siècle. Une analyse réalisée dans les années 60 suggère l’existence d’une maladie, sans qu’il puisse en être donné davantage d’informations, affectant les Dasyuridae. Cette affection aurait été associée à une diminution du nombre de diables de Tasmanie à la fin de la première décennie des années 1900. Cette espèce aurait également été largement persécutée avant sa protection en 1941. Des empoisonnements à la strychnine, utilisée pour le contrôle des populations de lapins dans les années 50, ont par ailleurs pu se produire (Hawkins et al., 2006). Cependant en considérant les données précédentes et en les comparant au phénomène actuel, il semble peu probable que TFTDT soit à l’origine des fluctuations de population observées dans le passé ; elle constitue plutôt une menace nouvelle et récente (Bradshaw et Brook, 2005).

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Figure 9 : Photographie d’un diable de Tasmanie. La fourrure du diable de Tasmanie est presque entièrement noire avec une marque blanche caractéristique. Les individus pèsent jusqu’à 13 kg pour les mâles les plus imposants (daprès Woods et al., 2015).

B. Épidémiologie

La première description de TFTDT date de 1996 suite à une photographie d’un animal atteint prise au Mount William National Park, au nord-est de l’île. L’analyse de crânes de spécimens de musées n’a montré aucune trace de la TFTDT entre 1949 et 1989 (Loh et al., 2006a). En 2006, une première étude de large ampleur montrait que 51 % de l’île était concernée par la TFTDT, avec un foyer initial localisé au nord-est de l’île suivi d’une diffusion vers l’ouest. Sur certains sites de piégeage, jusqu’à 83 % des individus capturés pouvait être atteints. Dans la zone où les premiers cas ont été détectés, le nombre d’observations de diables de Tasmanie avait chuté de 80 % entre 1993-1995 et 2001-2003. Ainsi, en fonction des régions de l’île, il était déjà possible d’observer des diminutions de population de plus de 60 % avec des chutes allant jusqu’à 90 % au nord-est en 2006, indiquant déjà les effets majeurs de la TFTDT sur la population (Hawkins et al., 2006 ; McCallum et al., 2007). Il semble que la diminution drastique du nombre d’individus ait eu peu de conséquences sur la propagation de la maladie puisqu’en 2009, une prévalence supérieure à 50 % était encore rapportée chez les diables de Tasmanie âgés de deux à trois

49 ans (McCallum et al., 2009). La figure 10 illustre l’avancée du front de la maladie depuis 2006.

Figure 10 : Cartes illustrant l’avancée du front de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie de 1996 à 2014. La population de diables de Tasmanie est endémique de la Tasmanie (A). Le premier cas rapporté date de 1996 : un diable de Tasmanie a été photographié au nord-est de lîle (B). Depuis cette date le front de la maladie n’a cessé d’avancer occupant actuellement presque toute l’île (C), (D). Les points représentent les localisations des cas confirmés de la maladie (d’après Woods et al., 2015).

La TFTDT concerne presqu’exclusivement les individus sexuellement matures (140 individus matures sexuellement sur 147 individus étudiés) et autant les mâles que les femelles (Hamede et al., 2008 ; Hawkins et al., 2006). Il a été mis en évidence que les lésions primaires de la TFTDT sont presqu’exclusivement localisées à la face (Loh et al., 2006b ; Pyecroft et al., 2007). Il est ainsi fortement probable que la transmission intervienne lors de morsures au niveau de la tête. Ces dernières pourraient survenir lors d’interactions sociales (compétition pour de la nourriture, reproduction). L’hypothèse d’une contamination via des carcasses de diables de Tasmanie affectés (puisqu’il s’agit d’une espèce

50 charognarde) reste possible (Hamede et al., 2008). Il a été observé une association statistique positive entre la fréquence des contacts (qui peuvent donner lieu à des morsures, donc à la transmission de la TFTDT) intervenant lors des repas à proximité des carcasses et la densité de population. Ces contacts semblent davantage concerner les pré-adultes. Cependant, les morsures à l’origine de plaies pénétrantes (donc plus à même d’inoculer des cellules tumorales) augmentent significativement durant la période de reproduction et impliquent majoritairement des adultes. La saison de reproduction semble donc avoir un rôle majoritaire dans la transmission de cette maladie par rapport aux contacts lors des repas. Cette observation laisse suspecter une transmission fréquence-dépendante. En d’autres termes, le nombre de contacts (donc de potentielles transmissions) reste le même quel que soit le nombre d’individus dans la population (Hamede et al., 2008). Cette dernière observation est particulièrement préoccupante, car selon ce modèle la TFTDT pourrait mener l’espèce à l’extinction. En effet, l’absence de seuil de densité de population nécessaire à la persistance de la TFTDT, sachant par ailleurs que la maladie évolue rapidement et est fatale après environ six mois, constitue une menace sérieuse pour cette population animale (Hamede et al., 2008 ; Hawkins et al., 2006 ; Lachish et al., 2007).

De façon remarquable, il a été observé chez les diables de Tasmanie une réponse adaptative unique chez les mammifères face à une maladie infectieuse. En réaction à la TFTDT, la maturité sexuelle est ainsi devenue plus précoce. La proportion de femelles mettant bas dans leur première année de vie a ainsi considérablement augmenté, avec un passage de moins de 10 % à plus de 50 % entre 1999 et 2007, répondant ainsi à la propagation de cette tumeur et à la diminution de l’espérance de vie des diables de Tasmanie. Cette maturité sexuelle précoce est à mettre en lien avec une croissance plus rapide permettant ainsi d’atteindre plus rapidement une taille suffisante pour se reproduire. Il existe cependant une limite à cette adaptation puisque cette taille critique doit être atteinte au moment de la saison de reproduction de la première année de vie des femelles, sous peine de ne pas pouvoir se reproduire. Malgré ce mécanisme compensatoire, la survie de cette espèce dans son milieu naturel n’est à ce jour, pas garantie (Jones et al., 2008 ; Lachish et al., 2009). La situation concernant cette espèce est si préoccupante que le diable de Tasmanie est actuellement classé comme espèce menacée au niveau international (International Union for Conservation of Nature “Red List of Threatened Species”), national et local (Woods et al., 2015).

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C. Étiologie de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie

1. Vers la découverte d’une nouvelle tumeur transmissible

Dès 2006, l’analyse de l’évolution de la distribution de la TFTDT et des conséquences sur la population des diables de Tasmanie suggérait une origine infectieuse (Hawkins et al., 2006). Les premiers éléments en faveur d’une transmission sous forme d’allogreffe, à savoir que le développement de cette tumeur chez un nouvel individu est lié à l’inoculation de cellules tumorales provenant d’un animal déjà atteint, reposent sur une analyse du caryotype de différentes TFTDT (Pearse et Swift, 2006). Le caryotype normal du diable de Tasmanie comprend 14 chromosomes, incluant les deux chromosomes sexuels (XX ou XY). L’analyse du caryotype de 11 tumeurs provenant d’individus différents révélait la présence de 13 chromosomes anormaux pratiquement identiques entre toutes les tumeurs (figure 11).

Figure 11 : Caryotype d’une tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie en comparaison avec le caryotype normal du diable de Tasmanie.

Le caryotype d’un diable de Tasmanie (a) est comparé à celui d’une tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie (b). Le caryotype des cellules tumorales (retrouvé dans chacune des 11 tumeurs étudiées) présente 13 chromosomes. Aucun chromosome sexuel n’est présent. La 2ème paire de chromosomes est manquante et un seul chromosome 6 est présent. Le bras long d’un des chromosomes 1 est tronqué. Quatre chromosomes marqueurs (M1 à M4) sont présents (Pearse et Swift, 2006). Deakin signale en 2012, après des expériences de banding, des erreurs d’appelation. La paire de chromosomes 1 correspondrait en fait à la deuxième paire de chromosomes. La 5ème paire de chromosomes faisait référence à la 6ème paire avec, de ce fait, un seul chromosome 5 (Deakin et al., 2012).

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Ces réarrangements sont complexes. Ils sont observés presque à l’identique dans toutes les TFTDT étudiées, peu importe la taille de celles-ci. Dans les cancers humains connus, il y a en général un premier événement commun nécessaire au développement de la tumeur et les réarrangements complexes apparaissent au cours de l’évolution clonale. Dans le cas de la TFTDT, les réarrangements observés à l’identique sont bien trop complexes pour constituer ce premier événement, suggérant ainsi une transmission de cellules tumorales sous forme d’allogreffe et une origine clonale. Parmi 11 individus étudiés, un diable de Tasmanie possédait une inversion péricentrique d’un de ses deux chromosomes 5 (retrouvé dans tous les tissus sains mis en culture). Cette anomalie chromosomique n’a pas été retrouvée sur les chromosomes 5 des cellules tumorales de ce même individu, confortant l’idée que cette tumeur ne s’était pas développée à partir des cellules de cet individu (Pearse et Swift, 2006).

L’analyse du génome des tumeurs confirmait cette théorie d’allogreffe. En effet, l’analyse de quatre loci microsatellites polymorphes et de loci du CMH I et II montrait que huit tumeurs, provenant de différents sites de l’est de la Tasmanie, avaient des génotypes identiques pour ces loci microsatellites du CMH. De plus, 88 % des diables de Tasmanie étudiés avaient un génotype propre et toutes les tumeurs présentaient un génotype différent de l’hôte. Ces éléments issus de la comparaion entre le génome des tumeurs et des hôtes vont donc dans le sens d’une origine clonale de cette tumeur avec une transmission de cette lignée cellulaire entre hôtes successifs (Siddle et al., 2007a). Une étude du même genre, analysant 14 loci microsatellites, aboutissait aux mêmes conclusions en montrant un génotype identique à tous les loci pour toutes les tumeurs étudiées (Murchison et al., 2010).

Des expériences de greffes de cellules tumorales de la TFTD ont été réalisées. Des cellules ont été isolées, mises en culture puis inoculées à des diables de Tasmanie sains. Il s’en est suivi le développement de tumeurs aux sites d’inoculation (Pyecroft et al., 2007). Ce dernier élément supporte la théorie selon laquelle il s’agit d’une tumeur transmissible en remplissant les conditions des postulats de Koch5 (initialement utilisés dans des contextes de maladies infectieuses bactériennes).

5 (1) Le micro-organisme doit être présent en abondance dans tous les organismes souffrant de la maladie mais absent des organismes sains. (2) Ce micro-organisme doit pouvoir être isolé et croître en milieu de culture ne contenant que ce seul micro-organisme. (3) Le micro-organisme cultivé doit déclencher la même maladie chez

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L’origine clonale de cette tumeur ayant été établie, le sexe de l’individu sur lequel la tumeur est apparue a été recherché. Dans les travaux initiaux se basant sur le caryotype, il n’y avait aucun chromosome sexuel clairement identifiable. De plus, le gène SRY caractéristique du chromosome Y (marqueur du sexe génétique mâle) n’a pas pu être identifié. Dans un second temps, des expériences de reverse painting ont révélé la présence du chromosome X, et ce, en approximativement deux copies. Ces deux copies ne sont vraisemblablement pas issues d’une duplication récente puisque le nombre de substitutions de bases entre les deux chromosomes X était similaire à celui retrouvé chez un diable de Tasmanie femelle normal. Ces éléments sont donc fortement en faveur du fait que l’organisme fondateur de la TFTDT était un diable de Tasmanie femelle (Murchison et al., 2012).

L’origine clonale a cependant été récemment remise en cause par certains suite à la détection du gène SRY dans toutes les tumeurs provenant d’individus mâle et d’une absence de ce gène dans les tumeurs provenant d’individus femelles (Cui et al., 2016). Ces données vont donc à l’encontre des éléments forts en faveur d’une tumeur transmissible et les investigations devraient, de ce fait, être poussées davantage. Ces résultats n’ont, cependant, pas été confirmés par d’autres études et vont à l’encontre des arguments précédemment développés. Ainsi, une erreur de méthodologie reste possible, notamment une contamination des tissus tumoraux par des cellules de l’organisme hôte.

2. Les cellules de Schwann comme origine cellulaire

Les premiers marquages immunohistochimiques réalisés sur la TFTDT étaient en faveur d’une origine neuroendocrine (Loh et al., 2006c). L’analyse des séquences des microARN (micro acide ribonucléique) des tissus tumoraux montrait un profil spécifique mais distinct de celui de 10 tissus sains du diable de Tasmanie. Les microARN sont de courtes séquences d’ARN ayant un rôle dans la régulation de la traduction. Le profil des microARN de la TFTDT et celui du cerveau semblaient avoir une correlation statistique forte (Murchison et al., 2010). Par la suite, l’étude du transcriptome de la tumeur, c’est-à-

un animal de laboratoire sensible. (4) Le micro-organisme doit être à nouveau isolé du nouvel organisme hôte rendu malade puis identifié comme étant identique à l'agent infectieux original.

54 dire l’ensemble des gènes exprimés par la TFTDT, révélait que cette dernière était probablement issue d’une cellule de Schwann. En effet, des marqueurs spécifiques de cette lignée cellulaire ont pu être retrouvés tels que les transcrits des gènes PMP22, MPZ et PRX. La périaxine (PRX) s’est d’ailleurs révelée être un marqueur spécifique et sensible de la TFTDT, utilisable ainsi comme outil diagnostique (Murchison et al., 2010).

3. Caractéristiques génomiques et transcriptomiques

L’étude des mutations somatiques du génome des TFTDT tend à montrer que le nombre de mutations somatiques de substitutions serait de l’ordre de 17 000. L’analyse de ces mutations témoignait d’un enrichissement en transitions avec également une proportion élevée de A:T → T:A, A:T → C:G et G:C → T:A, c'est-à-dire de transversions. Cette tendance est observée chez deux individus distincts atteints de TFTDT suggérant un processus endogène de mutation (défaut de réparation de l’ADN par exemple), acquis avant la divergence des deux lignées (représentées par les deux individus de l’étude), ou d’une exposition commune à des carcinogènes. Le génome de la tumeur est également caractérisé par une variabilité du nombre de copies qui semble être acquise au cours de son évolution. Une partie de ces mutations identifiées seront à l’origine d’avantages sélectifs pour la tumeur alors que d’autre n’auront aucune conséquence. Ainsi, des mutations non- synonymes dans des gènes d’intérêt ont pu être identifiées, notamment, les gènes RET et FANCD2. Une délétion des gènes MAST3 et BTNL9 est présente. Ce dernier gène pourrait avoir un rôle dans la modulation immunitaire. Des réarrangements concernent également le gène PDGFA qui peut avoir un rôle important dans le développement du cancer. Le gène NOD1 qui possède un rôle dans la présentation d’antigènes est aussi affecté par des réarrangements, signant ainsi un rôle potentiel dans l’échappement à la réponse immunitaire (Murchison et al., 2012). De nombreux autres gènes semblent affectés par ces mutations même si leur rôle dans la carcinogénèse n’est que très partiellement élucidé.

Une étude de mapping a également permis de mettre en évidence des réarrangements impliquant certains gènes. Ces derniers deviennent donc de bons candidats pour une implication dans la carcinogenèse. Ce phénomène pourrait concerner les gènes APC, MYC, NF2 et MLH1 qui sont proches d’autres gènes dont une copie a été supprimée (REEP5, ENM01188, OSBP2, XDr48). Le gène NF2 est particulièrement intéressant puisqu’il est

55 impliqué dans un type particulier de tumeur des cellules de Schwann de l’homme, appelé schwannome vestibulaire. D’après cette étude, il se situerait sur le bras court du chromosome 2 chez le diable de Tasmanie (Deakin et al., 2012).

L’analyse du transcriptome révèle que le gène MBP qui code pour la protéine basique de la myéline est surexprimé dans la TFTDT. Des facteurs de transcription et des gènes structuraux de la myéline sont également exprimés de façon différentielle. Ces éléments sont à mettre en lien avec une origine schwannienne. Il convient également de souligner que la TFTDT exprime le gène POMC (proopiomélanocortine). Une augmentation d’ACTH (l’hormone corticotrope), qui est un produit de clivage de la POMC, aboutit à une augmentation de la concentration de cortisol sanguin qui est sécrété par les glandes surrénales. Le cortisol possède, quant à lui, des propriétés immunosuppressives. Cet élément soulève la possibilité que des facteurs modifiant la physiologie ou le comportement de l’individu pourraient être sécrétés par la tumeur (Murchison et al., 2010).

La comparaison récente du génome de diables de Tasmananie résistants à la TFTDT ou ayant présenté une régression de la tumeur avec des individus non résistants à la TFDT a permis de mettre en évidence deux régions du génome en lien avec cette capacité de résistance. Les travaux de génotypage ont montré que le locus de PAX3 était vraisemblablement impliqué. Des mutations de ce gène, engendrant une perte de fonction, seraient à l’origine d’une perturbation de l’angiogenèse, ralentissant ainsi le développement de la tumeur. La perturbation de la croissance tumorale pourrait fournir plus de temps aux animaux affectés pour mettre en place une réponse immunitaire adaptée (Wright et al., 2017). Il s’agit ici d’un résultat préliminaire qui nécessite d’autres études pour confirmer cette hypothèse.

Par ailleurs, les microARN pourraient avoir un rôle dans la TFTDT. De façon générale, ils peuvent agir comme promoteurs ou suppresseurs de tumeurs, intervenir dans la régulation de la prolifération cellulaire, intervenir dans l’angiogénèse et promouvoir le développement de métastases. Les microARN miR-21, miR-24 et miR-19b sont ainsi surexprimés dans lesTFTDT et sont connus pour l’être également dans d’autres tumeurs. Il en est de même pour miR-222 qui jouerait un rôle dans l’évasion immunitaire. D’un autre coté, miR-29b et miR-126, qui sont des suppresseurs de tumeur, sont sous-exprimés. PMP22, un gène de la myéline exprimé dans la TFTDT est d’ailleurs la cible de miR-29 (avec une activité d’inhibition). L’expression du facteur de transcription ZEB2 est en

56 corrélation négative avec la famille des miR-200 qui contrôle les capacités invasives via un rétrocontrôle négatif (Murchison et al., 2010). Ces données soulignent donc les nombreuses interactions potentielles entre microARN et gènes dans le cadre de la TFTDT.

L’étude du profil de méthylation du génome du diable de Tasmanie et de la TFTDT a, quant à elle, montré des signaux de méthylation plus intenses en région télomérique (pouvant donc jouer un rôle dans la stabilité des télomères) et en région centromérique. De plus, dans le cadre de la TFTDT, d’autres régions hyperméthylées ont été retrouvées. Elles correspondent au chromosome X hyperméthylé qui s’est retrouvé dispersé dans le génome de la TFTDT du fait de remaniements importants. Par ailleurs, le profil de méthylation semble relativement stable y compris entre les différentes lignées de tumeurs qui ont pu être identifiées (Ingles et Deakin, 2015).

4. La tumeur faciale du diable de Tasmanie : une tumeur évolutive

La TFTDT montre actuellement une certaine stabilité malgré les réarrangements importants qui caractérisent son génome. Comme mentionné plus haut, le nombre de mutations somatiques de substitution affectant le génome ne devrait pas être plus important que 17 000. Bien que plus élevé que la majorité des cancers humains (5 000), ce nombre reste inférieur à certains autres cancers (cancers des poumons, mélanomes) alors que la TFTDT se propage d’hôtes en hôtes depuis au moins 15 ans (Murchison et al., 2012). Des analyses cytogénétiques menées entre 2004 et 2011 montrent que cette tumeur évolue tout de même, malgré une certaine stabilité. En effet, quatre lignées, c'est-à-dire des populations tumorales homogènes d’un point de vue caryotypiques, ont pu être identifiées. La lignée 1 correspond à celle initialement découverte en 1996 ; elle pourrait provenir de la lignée 2 (par délétion du chromosome marqueur M5), le scénario inverse étant néanmoins possible. Autrement dit, la lignée 2 pourrait provenir de la lignée 1 par fragmentation d’un chromosome et formation de M5. De cette lignée 2 auraient dérivé deux autres lignées : la lignée 3 (avec deux variants 3a et 3b) et la lignée 4. Cette dernière a été détectée plus tardivement et présente des réarrangements supplémentaires impliquant les chromosomes 5 et 6 et M2 ainsi que des chromosomes minuscules doubles (1 à 5). Les liens entre ces différentes lignées sont récapitulés dans la figure 12 (Pearse et al., 2012).

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Figure 12 : Phylogénie des différentes lignées de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie.

La lignée 1 fut la première découverte en 2006 par Pearse et Swift. En 2005, la lignée 2 fut découverte et apparaît même plus fréquente que la lignée 1 dans certaines régions. Il est possible que la lignée 1 dérive de la lignée 2 suite à la perte du chromosome marqueur M5 (le scénario inverse reste également possible). La lignée 3, détectée en 2005, reste localisée à la région de Forestier Peninsula. Il existe un variant de la lignée 3a (représentée ici et numérotée 3), la lignée 3b, associée à des modifications du chromosome 3 restant. La lignée 4 fut la dernière à être identifiée. Elle semble provenir de la lignée 2 avec des réarrangements chromosomiques supplémentaires (d’après Pearse et al., 2012).

Une fois mises en culture, les cellules tumorales des différentes lignées présentent des taux de croissance différents. La lignée 2 se révèle être la plus lente à croître, suivie par la 1 et la 3. La lignée 4 est quant à elle la lignée au développement in vitro le plus rapide. La tétraploïdie est une découverte fréquente et ce dans toutes les lignées. Elle est associée à un taux de croissance très faible. La vitesse de croissance de ces cellules tumorales est probablement à mettre en lien avec la probabilité de transmission. En effet, plus une tumeur

58 se développe lentement, plus l’hôte survit longtemps, permettant la transmission de cellules tumorales à de nouveaux individus (Pearse et al., 2012). Cependant, après d’autres études, cette hypothèse ne semble pas se vérifier. Hamede souligne en 2015 que le caryotype de la lignée peut effectivement influencer les dynamiques de diffusion des lignées tumorales ainsi que le modèle épidémiologique et la réponse démographique de l’hôte. Contrairement à ce que Pearse supposait en 2012, la tétraploïdie de la TFTDT est associée avec des effets moindres sur la population de diables de Tasmanie et également à un taux d’infection plus faible. Parallèlement, l’arrivée d’une lignée diploïde coïncide avec une augmentation de la prévalence de la maladie, un déclin de population et une diminution de la moyenne d’âge (Hamede et al., 2015).Il est donc fort probable que la ploïdie de la tumeur ait des conséquences sur sa virulence et l’évolution de la population.

Une étude cytogénétique utilisant des techniques de painting et mapping a montré que l’on pouvait définir d’autres lignées (classées différemment du fait des techniques utilisées). Une grande stabilité du génome des tumeurs était notée avec cependant une prédominance des permutations concernant les chromosomes 4, 5 et X. Ces découvertes indiquent probablement l’action d’une pression de sélection sur le caryotype de la tumeur en préservant certaines régions d’intérêt (notamment les régions réarrangées du chromosome 1) alors que d’autres régions d’intérêt moindre (chromosomes 4, 5 et X) sont soumises à plus de variations (figure 13) (Deakin et al., 2012). Les travaux de génotypage confirment ainsi l’existence de plusieurs lignées ou sous-clones.

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Figure 13 : Résultats de chromosome-painting pour la lignée 1 de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie.

Un code couleur a été utilisé pour les chromosomes de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie afin de refléter les fragments d’homologie avec les chromosomes normaux du diable de Tasmanie. Des fragments des chromosomes X, 1 et 5 sont retrouvés dans les chromosomes marqueurs M1, M2, M3 et M4 de la tumeur. Les résultats du FISH (hybridation in situ en fluorescence) sont également représentés, avec des fragments du chromosome X (marqués en rouge) et des autosomes 1, 2, 5 et 6 (marqués en vert) (d’après Deakin et al., 2012).

L’analyse de la diversité génétique des sous-clones de la TFTDT révèle une évolution radiale par rapport à la région d’origine de la tumeur dans le nord-est. Ces sous-clones sont largement répartis sur tout le territoire et co-existent. Dans la zone isolée de Forestier

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Peninsula, un sous-type est devenu dominant, ce qui pourrait ressembler à un balayage sélectif (selective sweep). Cependant la signification de cette donnée reste incertaine puisque cette région a fait l’objet d’une tentative d’abattage des animaux atteints pendant quatre ans.

Il a également été rapporté une diversité de la tumeur au sein d’un même hôte. Les études phylogénétiques ont montré qu’il s’agissait soit d’une mutation de tumeur primaire ou soit d’une réinfection par une tumeur d’un génotype différent (Murchison et al., 2012).

D. Caractéristiques anatomo-pathologiques

1. Description macroscopique

Comme son nom l’indique, la TFTDT concerne majoritairement la face, qu’il s’agisse de la peau (38 %) ou de la muqueuse buccale (64 %). La majorité des tumeurs sont multicentriques et de taille importante (plus de 3 cm). Elles apparaissent sous la forme de masses tissulaires fermes avec des faces aplaties, ulcérées et exsudatives. A la coupe, les tumeurs sont pâles voire légèrement translucides avec une organisation multi-nodulaire délimitée par des septa fibreux. Le centre de la tumeur est fréquemment nécrotique. Des métastases sont présentes dans 65 % des cas avec en premier lieu un envahissement des nœuds lymphatiques loco-régionaux (57 %). Des métastases à distance sont également objectivables dans 47 % des cas et peuvent concerner les poumons, la rate, le cœur, les ovaires, les plèvres, les reins, les glandes mammaires, les surrénales et la glande pituitaire (figure 14) (Loh et al., 2006a).

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Figure 14 : Photographies illustrant l’aspect macroscopique de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie.

Tumeurs labiale (1) et jugale (2) prenant l’aspect de masses assez bien délimitées, bourgeonnantes, fongueuses et ulcérées. (3) Multiples masses ulcérées intéressant la muqueuse buccale. (4) Métastases rénales localisées dans le cortex d’un rein droit et d’un rein gauche (d’après Pye et al., 2016).

2. Caractéristiques cytologiques

Lors de l’analyse cytologique, les cellules tumorales de la TFTDT apparaissent rondes et peu différenciées (figure 15). Elles peuvent être isolées ou bien regroupées en grappes. Les atypies cellulaires sont fréquentes incluant une anisocytose, une anisocaryose ou encore un rapport nucléocytoplasmique élevé. Les cellules tumorales possèdent un unique et volumineux noyau. Il est de forme ronde, basophile et a une localisation excentrée avec une chromatine granuleuse mais pas de nucléole. Le cytoplasme apparaît bleu pâle avec un aspect trouble. Les figures de mitoses quant à elles restent rares. Soulignons que ces caractéristiques cytologiques ne sont pas celles observées classiquement pour les tumeurs des cellules de Schwann (Loh et al., 2006a).

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Figure 15 : Caractéristiques cytologiques d’une tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie. Examen cytologique d’une TFTDT (aspiration à l’aiguille fine). On observe des cellules rondes à fort rapport nucléocytoplasmique, à noyau homogène et rond et au cytoplasme basophile clair. Les cellules forment parfois de petits agrégats (coloration Diff-Quik), barre d’échelle = 50 µm)(d'après Loh et al., 2006a).

3. Caractéristiques histologiques

L’analyse histologique de la TFTDT a tout d’abord permis de préciser sa localisation. Elle s’implante dans le derme ou dans le tissu conjonctif sous-muqueux de la cavité buccale. Les cellules sont rondes, pléomorphes, avec un rapport nucléocytoplasmique élevé. Le cytoplasme est éosinophile et les limites cellulaires sont en général floues. Les cellules sont organisées en proliférations denses, bien vascularisées, multinodulaires souvent entourées d’une fine pseudocapsule fibreuse et assez bien circonscrites, discrètement infiltrantes (probablement à mettre en lien avec une croissance rapide). Parfois les cellules tumorales peuvent être arrangées en travées, chapelets ou paquets alors que dans d’autres cas elles forment des palissades ou faisceaux. Elles contiennent toutes un unique noyau de forme ronde, sans nucléole, en général localisé au centre de la cellule. Ce dernier prend en général un aspect granulaire ou vacuolaire (figure 16). Le nombre de figures de mitose par champ au grossissement 400 varie de zéro à 12 avec 34 % des tumeurs qui en présentent plus de trois. Dans 68 % des cas, il n’y a pas d’infiltration inflammatoire, mais si tel est le cas il s’agit d’une infiltration périphérique par des neutrophiles et/ou des lymphocytes. Un envahissement vasculaire est présent dans 4 % des cas, avec parfois des emboles visibles (Loh et al., 2006a).

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Comme pour les caractéristiques cytologiques, il est intéressant de constater que les caractéristiques histologiques ne sont pas celles classiquement observées dans les tumeurs des cellules de Schwann. Les premières descriptions considéraient d’ailleurs cette tumeur comme une tumeur des tissus mous indifférenciée, possiblement d’origine neuroectodermique ou neuroendocrine (Loh et al., 2006a, 2006b). Il aura fallu attendre les analyses transcriptomiques pour déterminer l’origine cellulaire possible de la TFTDT.

Figure 16 : Coupe histologique de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie. A : L’architecture globale de la tumeur montre une juxtaposition de lobules au sein du derme et de l’hypoderme. B : Les massifs tumoraux présentent souvent des foyers de nécrose. C : La tumeur se compose de nappes et petits paquets de cellules rondes à polygonales, parfois fusiformes, à fort rapport nucléo-cytoplasmique. Le noyau est assez dense et rond. Le cytoplasme est acidophile et peu abondant. De fines cloisons conjonctives sont présentes entre les cellules. (Source : lame histologique provenant du Health Sciences, School of Veterinary and Biomedical Sciences, Murdoch University, South Street, Murdoch, 6150 WA Murdoch ; coloration hématoxyline-éosine, photographie par le Laboratoire d'anatomo-cytopathologie, BioPôle Alfort, EnvA).

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4. Caractéristiques en microscopie électronique

Les cellules tumorales apparaissent rondes et mesurent environ 8 µm de diamètre (figure 17). Elles se présentent sous la forme de grappes de quatre à six cellules séparées des autres grappes par de fines fibres de collagène. Le noyau est unique et central. Il mesure environ 5,75 µm et contient des éléments épars de chromatine dense. Sa membrane est ondulée. Les organites sont peu nombreuses et sont représentées par du réticulum endoplasmique rugueux, des ribosomes et des polyribosomes. Les filaments du cytosquelette peuvent être retrouvés ainsi que de volumineuses mitochondries vésiculaires, des complexes ribosomes-lamelles ou inclusions granulo-lamellaires (« ribosome-lamella complexes »), des granules de sécrétion, des vésicules d’endocytose, un appareil de Golgi bien développé, des centrioles et des corps myéliniques. De rares structures s’apparentant à des desmosomes (permettant d’exclure un diagnostic de lymphome) apposées à la membrane plasmatique ont également pu être observées. La présence de figures de mitose est relativement variable. Parfois, des plasmocytes, des lymphocytes ou des fibroblastes peuvent être retrouvés dans le tissu tumoral (Loh et al., 2006a). Ces différents éléments témoignent du fait qu’il s’agit d’une tumeur agressive, peu différenciée, sans spécialisation morphologique apparente (Loh et al., 2006a).

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Figure 17 : Ultrastructure en microscopie électronique des cellules tumorales de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie. (A) Les cellules tumorales apparaissent de grande taille et de forme ronde. Elles sont étroitement associées les unes aux autres. Le noyau est unique, rond et de grande taille. La chromatine forme des amas. Barre = 4 µm. (B) Inclusions granulo-lamellaires. (C) Granules intracytoplasmiques. (D) Corps myélinique. (E) Jonctions cellulaires desmosomes-like. Barre = 1 µm (d’après Loh et al., 2006a).

5. Caractéristiques histochimiques et immunohistochimiques

Initialement, les analyses histochimiques et immunohistochimiques avaient pour but de préciser la nature cellulaire de la TFTDT. Cette technique présente également un intérêt diagnostique. Les résultats obtenus sont récapitulés dans le tableau 2.

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Tableau 2 : Caractéristiques histochimiques et immunohistochimiques de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie. Pour chaque marquage ou coloration, il est indiqué le nombre de tumeurs positives par rapport au nombre de tumeurs examinées. La spécificité des marqueurs est indiquée (d’après Loh et al., 2006b).

Marquage Spécificité cellulaire Expression Cytokératine Cellules épithéliales 0/48 Epithelial membrane Cellules épithéliales 0/42 antigen (EMA) Facteur de Von Cellules endothéliales 0/11 Willebrand Actine des muscles lisses Cellules musculaires lisses 0/26 Cellules musculaires striées, cardiaques, Desmine 0/47 lisses (viscéraux et parfois vasculaires) Protéine acide fibrillaire Cellules gliales entériques, cellules de 0/13 gliale Schwann, astrocytes CD16 Monocytes, natural killers 0/13 CD57 Natural killers 0/43 CD3 Lymphocytes T 0/18 Lymphocytes, neutrophiles, LSP1 0/16 macrophages, cellules endothéliales Cellules mésenchymateuses, Vimentine 50/50 mésothélium Protéine S-100 Cellules tumorales des gaines nerveuses 41/48 Melan-A Mélanocytes 11/39 Cellules de Schwann, neurones, cellules musculaires lisses, mélanocytes, cellules NSE 35/35 de Merkel, cellules myoépithéliales, plaquettes, cellules neuro-endocrines. Chromogranine A Cellules gliales 12/12 Cellules neuroendocrines 29/30 Synaptophysine

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Tableau 2 (fin).

Coloration Spécificité Résultat Rouge Congo Amyloïde 0/30 Coloration argentique de 0/34 Singh Coloration histochimique Cellules neuroendocrines (granules 3/40 de Grimelius neuroendocrines)

Dans l’étude de Loh, la TFTDT était négative pour les marqueurs épithéliaux tels que la cytokératine, l’EMA (epithelial membrane antigen), le facteur de Von Willebrand mais positive pour la protéine S-100 et la vimentine. Ces caractéristiques laissaient suspecter que cette tumeur était un sarcome. Dans cette étude, la TFTDT est par ailleurs positive pour des marqueurs neuroendocrines (NSE, chromogranine A, synaptophysine) suggérant une origine neuroendocrine (Loh et al., 2006b). Ce dernier élément fut ensuite réfuté par une autre étude (la TFTDT s’est avérée négative pour la chromogranine A) et des protéines caractéristiques du système nerveux périphérique ont été mises en évidence. Ainsi, 100 % des TFTDT, des métastases et aussi des cellules tumorales en culture ou issues de xénogreffes sur des souris sont fortement positives pour la périaxine, un marqueur des cellules de Schwann. D’autres marqueurs moins spécifiques ont été également été identifiés (protéine S100, protéine 22 de myéline périphérique, facteur de croissance nerveux, nestine, protéine basique de myéline). Seule la périaxine présente un réel intérêt diagnostique dans ce contexte (Tovar et al., 2011a). Ce résultat est confirmé par l’analyse du transcriptome de la tumeur qui est également fortement en faveur d’une origine schwannienne (Murchison et al., 2010).

E. Diagnostic

Le diagnostic de la TFTDT est essentiellement clinique, tant la présentation est le plus souvent caractéristique. Le recours à l’histologie ou au caryotypage permet néanmoins un diagnostic de certitude. L’expression de la périaxine (PRX) est un élément presque

68 pathognomonique de la TFTDT, comme évoqué par Murchison, qui peut être explorée par immunohistochimie (Murchison et al., 2010).

Des marqueurs métaboliques, biochimiques et hématologiques ont été recherchés dans le cadre de la TFTDT. Les éléments en plus forte association avec la maladie restent des éléments nonspécifiques (hyperfibrinogènémie, neutrophilie, etc.) qui reflètent plus un état inflammatoire associé à une tumeur que la tumeur elle-même (Karu et al., 2016 ; Peck et al., 2016).

F. Échappement aux défenses immunitaires de l’organisme de l’hôte

1. Caractérisation de la réponse immunitaire du diable de Tasmanie

Lorsque la TFTDT est apparue, le système immunitaire du diable de Tasmanie était largement méconnu. Les marsupiaux étaient alors réputés pour présenter une réponse immunitaire plus « lente » que les placentaires (Jurd, 1994). Des travaux se sont alors efforcés de caractériser la réponse immunitaire de cette espèce et de déterminer si elle était adéquate. Des analyses classiques, passant par des numérations leucocytaires, l’évaluation de la réponse phagocytaire des neutrophiles et de la prolifération lymphocytaire induite par des agents mitotiques, ne révélaient pas de franche anomalie permettant d’expliquer la transmission d’une telle tumeur (Kreiss et al., 2008). Les organes lymphoïdes (nœuds lymphatiques, thymus, rate) semblaient comparables à ceux des mammifères sur le plan histologique (Woods et al., 2007). Sur le plan immunohistochimique, les lymphocytes T expriment le CD3 à leur surface, les monocytes expriment le CMH II et les lymphocytes B le CD79 ce qui est comparable aux espèces placentaires qui sont immunocompétentes (Kreiss et al., 2009a). L’utilisation d’anticorps monoclonaux a permis l’identification de lymphocytes T CD4+ et CD8+ dans le thymus, les nœuds lymphatiques des adultes, la rate, les BALT (Tissu lymphoïde associé aux bronches) et les GALT (Tissu lymphoïde associé au tube digestif). Les données obtenues étaient une fois de plus comparables aux autres mammifères. Les nœuds lymphatiques, la rate, les BALT et les GALT contenaient des

69 lymphocytes B, IgG+ et IgM+. Des cellules dendritiques ont pu être identifiées dans les nœuds lymphatiques, la rate et la peau en se basant sur l’expression de CD1a, CD83 et du CMH II (Howson et al., 2014). Ces éléments indiquent la présence d’un système immunitaire intègre d’un point de vue structurel.

D’un point de vue fonctionnel, aucune anomalie n’est décelée. Les neutrophiles phagocytent les bactéries. D’importantes réponses prolifératives sont observées quand les cellules mononucléées du sang périphériques sont stimulées avec des mitogènes (excepté avec le lipopolysaccharide). La réponse humorale semble également efficace après immunisation avec des hématies de chevaux ou avec des cellules humaines K562 (Brown et al., 2011 ; Kreiss et al., 2009b). Ainsi, les diables de Tasmanie sont capables de mettre en place une réponse humorale suite à une exposition à des antigènes cellulaires. Il convient de noter que la production d’anticorps faisant suite à la rencontre avec des immunogènes cellulaires nécessite l’intervention de lymphocytes Th. La mise en évidence d’une immunité à médiation cellulaire repose aussi sur la cytotoxicité suivant l’immunisation avec des cellules K562. Il semblerait qu’elle soit médiée par les NK (Brown et al., 2011). Tous ces éléments laissent donc supposer que le diable de Tasmanie possède un système immunitaire compétent. L’explication du défaut de reconnaissance des cellules tumorales doit donc être cherchée ailleurs.

2. Implication d’une faible diversité du complexe majeur d’histocompatibilité

Lors de la découverte de cette nouvelle tumeur transmissible, l’état des connaissances sur la TVTC montrait l’importance du rôle de CMH dans l’échappement de la tumeur aux défenses de l’hôte. C’est donc de façon naturelle que les recherches se sont orientées dans cette voie. De plus, il avait déjà été montré que les diables de Tasmanie possédaient une faible diversité génétique et un niveau d’hétérozygotie bas, concordant avec un effet fondateur (sélection d’un faible nombre d’allèles lors de la restriction de la population à celle présente sur l’île de la Tasmanie) (Jones et al., 2004 ; Miller et al., 2011).

Contrairement à la TVTC, dans le cas de TFTDT, la RT-PCR (Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction) montre que les cellules tumorales expriment les CMH de classe I et II (Siddle et al., 2007a). Par ailleurs, en accord avec ce qui était suspecté,

70 l’analyse des séquences de gènes du CMH I montrait une faible diversité (Siddle et al., 2007a, 2007b). Cet aspect semblait être confirmé par la faible alloréactivité entre les lymphocytes d’individus différents (impliquant le CMH I). Ainsi, l’hypothèse initiale pour expliquer la transmission de cette tumeur reposait sur le manque de diversité du CMH au sein de la population de diables de Tasmanie. Ce manque de diversité permettrait à l’organisme hôte de reconnaître les cellules tumorales inoculées comme des éléments du « soi ». La preuve de cette théorie reposerait sur le non-rejet lors de greffes entre individus sans lien de parenté comme cela a pu être réalisé chez certaines panthères (Acinonyx jubatus) et chez des membres d’une famille de rongeurs, les Géomydiés (Thomomys bottae) (Siddle et al., 2007a). Le nombre de copies du gène du CMH I a été montré comme soumis à des variations. Cet élément rentre en compte dans la diversité du CMH I des diables de Tasmanie mais ne semble pas en lien avec une éventuelle résistance à l’infection par la TFTDT (Cheng et al., 2012b ; Lane et al., 2012 ; Siddle et al., 2010). De même, l’étude du CMH II qui est exprimé à la surface de cellules du système immunitaire a permis de montrer des résultats similaires. Le CMH II a un rôle de présentation d’antigènes issus de pathogènes aux lymphocytes Th CD4+, jouant ainsi un rôle essentiel dans la défense de l’organisme. Une très faible diversité a été observée aux différents loci des gènes codant pour les chaines α et β de cet hétérodimère, associée à un faible taux d’hétérozygotie (Cheng et al., 2012a). Ces éléments supportent l’idée que le diable de Tasmanie aurait une capacité limitée à faire face à de nouveaux pathogènes (tels qu’une tumeur transmissible). Cette faible diversité du CMH serait d’ailleurs très ancienne puisque l’étude du CMH de spécimens historiques (en utilisant des échantillons d’os) a permis de montrer que tous les diables de Tasmanie étudiés, y compris ceux qui vivaient encore sur l’île principale de l’Australie, présentaient cette faible diversité du CMH. Ainsi, cette faible diversité du CMH serait un élément caractéristique des diables de Tasmanie depuis au moins la deuxième moitié de l’holocène et serait à mettre en lien avec les nombreux déclins de population observés (Morris et al., 2013).

Par la suite, la réalisation de nouvelles expériences de mélanges de lymphocytes d’individus différents allait à l’encontre des précédents résultats en montrant qu’une réaction était toujours présente mais d’intensité variable en fonction de la provenance des diables de Tasmanie impliqués. La réalisation des expériences d’allogreffes de peau avec un rejet systématique et une infiltration lymphocytaire T importante permettait de réfuter l’hypothèse précédemment évoquée. Cependant, dans le cas de la TFTDT, aucun signe de

71 rejet et d’infiltration lymphocytaire n’est observé, un autre mécanisme semble donc entrer en jeu. De fait, l’analyse de l’expression du CMH s’était initialement limitée à la mise en évidence de l’ARN messager, alors que d’autre événéments peuvent se produire par la suite (Kreiss et al., 2011).

3. Un défaut d’expression du complexe majeur d’histocompatibilité à la surface des cellules tumorales

Par la suite, l’utilisation d’anticorps dirigés contre les chaînes lourdes du CMH I et contre la microglobuline β2 du diable de Tasmanie a permis de montrer l’absence de CMH I fonctionnel à la surface des cellules tumorales in vitro et in vivo. Il convient de rappeler que les chaînes lourdes du CMH I s’associent à la microglobuline β2 dans le réticulum endoplasmique. Cette dernière permet de stabiliser les chaînes lourdes permettant ainsi l’obtention d’un complexe trimérique stable qui est ensuite transporté à la surface des cellules pour être présenté aux lymphocytes T CD8+. D’autres protéines sont nécessaires à une bonne liaison au peptide : la TAP (un hétérodimère constitué de TAP1 et TAP2) qui est un transporteur associé avec la présentation de l’antigène qui pompe les peptides du cytoplasme vers le réticulum endoplasmique et la tapasine qui facilite la liaison du peptide. Les CMH II à l’origine de la présentation de peptides aux lymphocytes T CD4+ sont des hétérodimères codés par les gènes A et B qui nécessitent également des protéines pour faciliter la liaison du peptide, dont la protéine chaperonne DMB. L’utilisation de la RT-PCR a montré que les tumeurs présentaient un défaut d’expression ou une expression fortement diminuée de la microglobuline β2, de TAP1, TAP2, de la chaperonne DMB, du gène A (du CMH II) aboutissant à un défaut d’expression de CMH I et II fonctionnels dans les cellules tumorales de la TFTDT (Siddle et al., 2013). Aucune mutation n’a été observée dans les promoteurs ou dans le produit de la transcription des gènes évoqués précédemment. L’absence d’expression de ces gènes serait en fait liée à l’état d’acétylation des histones (hypoacétylation) et donc à la structure de la chromatine dans la région régulatrice de ces gènes. L’épigénétique serait donc l’élément central de l’échappement des cellules tumorales aux défenses de l’hôte ouvrant ainsi des nouvelles perspectives de traitements (Siddle et al., 2013). La figure 18 récapitule le modèle immunologique de la TFTDT.

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Figure 18 : Modèle immunologique de la tumeur faciale du diable de Tasmanie.

La tumeur est inoculée à son nouvel hôte par morsure et échappe à la reconnaissance du système immunitaire de ce dernier suite à un défaut d’expression du CMH I à la surface des cellules tumorales. Le système immunitaire du diable de Tasmanie comprend des lymphocytes T (CD3+/CD8+ ou CD3+/CD4+), des cellules dendritiques (CD1a+/CD83+/CMH II+), des NK (CD3-/CMH II-) et des lymphocytes B (CD79+). Les cellules CHM II+ infiltrent souvent la TFTDT. Il pourrait s’agir de macrophages, de cellules dendritiques ou de cellules myéloïdes suppressives. Les lymphocytes infiltrant la tumeur sont très rares. Lorsqu’ils sont présents, il s’agit majoritairement de lymphocytes T CD8+. Ils ne semblent pas exercer d’immunité anti-tumorale. Des NK fonctionnels ont pu être mis en évidence. Cependant, ils ne semblent pas répondre au défaut de CMH I de surface des cellules tumorales. L’IL-10 et le TGF-β ont été détecté dans le microenvironnement tumoral mais leur rôle reste mal compris (contribution à la suppression immunitaire ou à la tolérance immunologique) (d’après Woods et al., 2015).

L’échappement à la réponse immunitaire est donc à relier à un défaut d’expression des CMH à la surface des cellules tumorale malgré des éléments de la réponse immunitaire intègres.

Les diables de Tasmanie présentent également une cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps fonctionnelle. Les NK sont vraisemblablement les effecteurs de cette dernière. Les NK sont en temps normal également acteurs d’une cytotoxicité non

73 dépendante des anticorps (voie classique) constituant donc un élément essentiel de l’immunité innée. Dans le cadre de TFTDT et lors d’inoculation de cellules xénogéniques, aucune réponse de ce type n’a été mise en évidence chez le diable de Tasmanie (Brown et al., 2011). Or, l’absence de CMH I devrait normalement faire des cellules de la TFTDT une cible de choix. La raison de la non-stimulation des NK reste actuellement incomprise mais semble pouvoir fournir des options thérapeutiques (Brown et al., 2016, 2011 ; Siddle et al., 2013).

Plus récemment, il a été montré que l’absence totale de réaction immunitaire face à une infection par la TFTDT ne semble pas systématique. En effet, sur 52 individus testés, six présentaient des anticorps dirigés contre les cellules tumorales (exprimant le CMH I après stimulation à l’IFN-γ in vitro) avec quatre cas documentés de régression de la tumeur. L’événement à l’origine d’une réponse immunitaire primaire reste incompris mais il semble qu’il soit à l’origine d’une sécrétion d’IFN-γ. Cette réponse semblerait initiée par des lymphocytes T infiltrant la tumeur qui ont été documentés dans au moins un cas de TFTDT et associés à la présence de CMH I à la surface des cellules tumorales. Suite à ces événements une destruction cellulaire médiée par les cellules T pourrait intervenir via le CMH I et permettre une stabilisation ou une régression de la TFTDT. La présence d’anticorps sous la forme d’IgG indique une réponse immunitaire à l’encontre de la tumeur (Pye et al., 2016a). La mesure des IgG et IgM (puis du rapport IgM/IgG) impliquées dans cette réponse immunitaire et dans la cytotoxicitié dépendante des anticorps pourrait donc jouer un rôle dans la prédiction de la protection vis-à-vis de la tumeur comme cela avait déjà été suggéré (Pye et al., 2016a ; Ujvari et al., 2016b). D’autres études sont cependant nécessaires pour pouvoir confirmer et ensuite utiliser un tel résultat.

4. La recherche d’un rôle des cytokines

Du fait du rôle prépondérant des cytokines dans le mécanisme de reconnaissance de la TVTC chez le chien, des chercheurs se sont penchés sur la question en étudiant différentes cytokines et leur expression chez le diable de Tasmanie. Ils se sont intéressés aux cytokines TGF-β, IL-10, IL-6 et VEGF-A (vascular endothelial growth factor α) impliquées dans le développement de certains cancers chez l’homme et également dans la phase de régression de la TVTC. Cependant, aucune de ces cytokines, bien que présentes dans le transcriptome

74 des cellules tumorales, ne semblait montrer un rôle important dans le cadre de cette étude, incitant ainsi à poursuivre les recherches (Morris et Belov, 2013).

Puisqu’une prévalence plus élevée de la TFTDT a été observée chez les individus adultes (2-3 ans) en comparaison aux juvéniles (< 2 ans), une équipe s’est intéressée aux changements de la réponse immunitaire en lien avec la puberté chez le diable de Tasmanie et à un possible lien avec le développement de la TFTDT. Il a été mis en évidence que lors de cette transition, une diminution significative du nombre de lymphocytes est observée, conduisant à rapport neutrophiles/lymphocytes augmenté chez les adultes en comparaison aux juvéniles. Ce phénomène serait lié à une augmentation importante de l’IL-4 en lien avec l’augmentation de GATA-3 (un facteur de transcription qui régule l’expression d’IL-4) aboutissant à un ratio IFN-γ/IL-4 significativement plus bas chez les adultes. La modification de ce dernier ratio reflète un passage à une réponse immunitaire Th2. En effet, l’IFN-γ est la cytokine caractéristique d’une réponse Th1 qui favorise la réponse immunitaire cellulaire dirigée contre les cellules cancéreuses ou infectées. L’IL-4 est, quant à elle, la cytokine qui favorise la différenciation des lymphocytes T naïfs en lymphocytes Th2 qui orientent la réponse immunitaire vers une réponse humorale dirigée contre les pathogènes extracellulaires ou les allergènes. Ces données contribuent donc à expliquer le fait que les diables de Tasmanie adultes présentent une immunité anti-tumorale diminuée (Cheng et al., 2017).

G. Moyens de lutte

Plusieurs approches ont été envisagées pour essayer d’éradiquer cette tumeur se comportant comme un agent infectieux. La gestion d’une affection concernant une espèce sauvage représente un enjeu particulier, nécessitant des outils adaptés.

1. Actions à l’échelle de la population

Une tentative d’abattage séléctif a été implémentée dans le cadre de la TFTDT. Cette technique consiste à abattre uniquement les individus affectés par la maladie. Cette méthode semble plus efficace sur les maladies à transmission densité-dépendante, ce qui n’est pas le cas de la TFTDT, qui présente une transmission fréquence-dépendante. Cette maladie aurait

75 cependant pu représenter un bon candidat puisque que le diable de Tasmanie est une espèce facilement capturable, les animaux atteints sont facilement identifiables (tumeurs visibles) et la transmission semble favorisée par une taille importante des tumeurs. Ainsi, un essai d’abattage sélectif de diables de Tasmanie a été mis en place sur une péninsule de l’île et s’est soldé par un échec. En effet, les paramètres démographiques et épidémiologiques sont restés identiques à ce qui a été observé dans la zone de contrôle. La progression de la maladie n’a pas été limitée et la prévalence est restée identique. Cette technique ne semble donc pas suffisante mais pourrait se révéler efficace associée à d’autres méthodes (Lachish et al., 2010 ; McCallum, 2012).

La reproduction en captivité (entre individus sains) constitue une des premières options mises en place pour gérer le déclin de la population de diables de Tasmanie. Actuellement, la population captive est estimée à 500 individus environ et 95 % de la diversité de la population fondatrice serait représentée. La reproduction pourrait alors être plus ou moins contrôlée. La diversité génétique pourrait être maintenue en cas de reproduction ciblée bien que des individus importants d’un point de vue génétique pourraient ne pas se reproduire. Cette option reste néanmoins très coûteuse (aussi bien en temps qu’en argent) et aura des conséquences sur la fécondité et le comportement des diables de Tasmanie gardés en captivité (Grueber et al., 2015 ; Pye et al., 2016).

Une autre alternative serait de réaliser un isolement d’une population de diables de Tasmanie non affectés par la TFTDT sur une île ou sur une péninsule de l’île principale avec la mise en place d’une barrière. Il pourrait s’agir d’une solution intéressante ayant déjà fait ses preuves dans d’autres cas. La mise en place d’une barrière reste néanmoins plus compliquée et plus chère puisque les intrusions sont plus fréquentes et que les interférences avec les écosystèmes sont plus importantes que l’isolement sur une île (McCallum, 2012). En 2012, le premier transfert de diables de Tasmanie sains a eu lieu sur . L’expérience semble bien évoluer avec des résultats préliminaires prometteurs. Lors de l’introduction d’une nouvelle espèce dans une zone géographique, il convient cependant de faire attention à l’impact que cela peut avoir sur les autres espèces et un monitorage rapproché est nécessaire pour éviter tout problème de surpopulation et de bien-être (Pye et al., 2016).

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La vaccination à l’échelle de la population pourrait constituer une solution ayant déjà montré son efficacité dans la gestion de maladies affectant la faune sauvage telle que la rage vulpine en Europe et celle des ratons-laveurs aux États-Unis ou encore le virus West Nile aux États-Unis également. Cette approche reste cependant très onéreuse, nécessite la capture des animaux et devra certainement être mise en place en parallèle d’une autre stratégie. Une bonne compréhension des mécanismes intervenant dans l’immunité de cette espèce est également essentielle (McCallum, 2012 ; Pye et al., 2016). La démonstration du fait que le diable de Tasmanie était capable de présenter une réponse immunitaire impliquant les cellules présentatrices d’antigènes, les lymphocytes T et B avec la mise en place d’une mémoire et une cytoxicité faisant intervenir les anticorps avec les NK comme effecteurs laisse supposer que la création d’un vaccin est envisageable dans ce cas (Brown et al., 2011 ; Kreiss et al., 2009b). Cependant, du fait d’un défaut d’expression du CMH par les cellules tumorales en lien avec des modifications épigénétiques, aucune réponse immunitaire ne se met spontanément en place en cas de TFTDT. Les recherches se sont donc axées sur la mise en évidence d’adjuvants pouvant promouvoir cette réponse immunitaire. Il en ressort que les adjuvants agissant via les TLR (toll-like receptor) présentent un intérêt pour initier une réponse contre les cellules tumorales bien que celle-ci reste très limitée dans le temps. Les adjuvants utilisés étaient alors le Montanide et le CpG qui agissent via le récepteur TLR9 (Kreiss et al., 2015). L’Imiquimod, une petite molécule immunomodulatrice connue pour ses propriétés anti-tumorales par stimulation du TLR7 qui mène à l’apoptose des cellules tumorales, s’est révélée intéressante face à la TFTDT. Une dérégulation de la croissance des cellules de la TFTDT in vitro a alors pu être montrée laissant suggérer des applications dans le cadre de cette affection (Patchett et al., 2016). L’utilisation de tels adjuvants repose sur le fait que la signalisation impliquant les récepteurs toll-like sont fonctionnels dans les cellules mononucléées du diable de Tasmanie (Patchett et al., 2015).

La compréhension exacte du mécanisme lié à l’épigénétique a permis de montrer que les cellules tumorales exprimant le CMH I, en utilisant notamment un traitement à base IFN-γ recombinant de diable de Tasmanie, pourraient constituer une base de vaccin. Des cellules de la TFTDT modifiées de façon épigénétique par un traitement avec de la Trichostatine A qui a une action inhibitrice de la déacétylation des histones, pourraient également jouer ce rôle (Siddle et al., 2013). Dernièrement, l’inoculation de cellules tumorales vivantes stimulées par l’ajout d’IFN-γ de façon à obtenir une expression du CMH I à la surface cellulaire en association avec différents adjuvants ayant déjà témoigné leur

77 intérêt, a permis d’obtenir une régression des tumeur sur des individus chez lesquels la tumeur avait été inoculée. Les adjuvants utilisés agissent via les TLR précédemment détaillés. L’adjuvant ISCOMATRIXTM est quant à lui connu pour induire la production de lymphocytes T CD8+ spécifiques d’antigènes qui agissent en combinaison avec des agonistes TLR. L’immunothérapie semble donc présenter un intérêt particulier dans le cadre de la TFTDT même si d’autres études doivent être menées (Tovar et al., 2017). La rémission alors observée semble étroitement liée à l’infiltration de la tumeur par des lymphocytes T (principalement CD3+ et CD8+) et des cellules présentant un CMH II (probablement des cellules dendritiques). Il s’agit donc d’un cas de régression à médiation immune associée à une augmentation du taux d’IgG (qui sont dépendants des lymphocytes T). Les expériences d’immunisation également réalisées avec l’utilisation de cellules tumorales non vivantes (irradiées ou après traitement aux ultrasons) exprimant le CMH I en association avec des adjuvants permet d’obtenir une réponse anti-tumorale avec production d’anticorps spécifiques. Cependant, le développement de la tumeur n’est pas arrêté, seulement retardé (Tovar et al., 2017).

Par ailleurs, la découverte d’une réponse immunitaire pouvant intervenir naturellement chez des individus infectés pourraient pousser les travaux vers la recherche d’un antigène tumoral capable de générer cette réponse et ainsi de développer un vaccin efficace (Pye et al., 2016a).

2. A l’échelle individuelle

L’efficacité de certains agents de chimiothérapie a été étudiée chez le diable de Tasmanie comme traitement de la TFTDT. Cette approche est donc individuelle et s’adresse à des individus isolés. Les molécules étudiées, à savoir la vincristine, le carboplatine et la doxorubicine, n’ont cependant montré aucune efficacité sur la TFTDT (Phalen et al., 2015, 2013)

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H. La découverte récente d’une seconde tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie

La présence de TFTDT a été établie depuis décembre 2012 dans la région d’Entrecasteaux Channel, une péninsule du sud-ouest de la Tasmanie. Douze cas avaient alors été mis en évidence en se basant sur des descriptions macroscopiques qui semblaient en tout points identiques à la TFTDT précédemment décrite (Pye et al., 2016b).

1. Caractéristiques histologiques et immunohistochimiques

Les premières analyses histologiques des cas observés en 2014 dans cette région ont montré des éléments atypiques en comparaison avec la TFTDT initialement connue. Cette nouvelle tumeur était caractérisée par une organisation en feuillets de cellules pléomorphes alors que les précédentes descriptions mentionnaient la présence de cellules rondes pléomorphes arrangées en cordons ou paquets.

De plus, ces nouvelles tumeurs se sont révélées négatives pour le marquage immunohistochimique de la périaxine (PRX) qui est un élément diagnostique de la TFTDT. Ces éléments aboutissaient donc à la mise en évidence d’une seconde tumeur transmissible circulant dans la population des diables de Tasmanie : la TFTDT2 (Pye et al., 2016b).

2. Caractéristiques cytogénétiques et génétiques

Les TFTDT isolées sur cette péninsule présentent des caryotypes identiques entre eux, mais différents de ceux précédemment décrits. Elles présentent toutes un caryotype aneuploïde avec des anomalies structurelles complexes caractérisées par la présence de matériel supplémentaire sur les chromosomes 1, 2 et 4, une délétion impliquant le chromosome 5 et une monosomie du chromosome 6. Les deux chromosomes sexuels X et Y étaient par ailleurs présents. Ces éléments suggèrent donc une origine clonale unique pour la TFTDT2 avec un individu de sexe mâle comme organisme source du fait de la présence d’un chromosome Y. L’analyse du génotype à différents loci microsatellites montrait que le génotype des tumeurs de cette péninsule était différent des autres tumeurs étudiées,

79 indiquant une origine distincte. Dans le cas de TFTDT2 (tout comme pour la TFTDT1), le génotype de la tumeur était différent de celui de l’hôte, confirmant cette théorie d’allogreffe (Pye et al., 2016b).

Cette découverte montre donc que l’apparition de tumeurs transmissibles serait un phénomène plus fréquent que ce qui était initialement supposé. Cependant, la théorie selon laquelle la TFTDT2 proviendrait de l’hybridation entre des cellules de TFTDT1 et d’un hôte ne peut pas être exclue malgré l’absence de marqueurs génétiques communs entre la TFTDT1 et la TFTD2 (Pye et al., 2016b).

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III- LES NÉOPLASIES DISSÉMINÉES DES BIVALVES

De nombreuses tumeurs, bénignes et malignes, ont été décrites chez les bivalves (classe de mollusques). Actuellement, seuls deux cancers suscitent un intérêt particulier du fait de leur impact économique. Il s’agit des néoplasies disséminées et des néoplasises gonadiques. Nous nous intéresserons ici aux néoplasies disséminées (ND) retrouvées dans plusieurs espèces. Ces tumeurs, qui semblent originaires des hémocytes (seule cellule sanguine des bivalves), s’apparentent à des leucémies. C’est pourquoi elles sont aussi connues sous diverses appellations telles que : néoplasies hématiques, ou leucémies des mollusques. Ces néoplasies semblent avoir les caractéristiques de tumeurs transmissibles et se retrouvent de façon indépendante dans plusieurs espèces de bivalves. Néanmoins, contrairement aux deux tumeurs précédentes des transmissions interspécifiques entre deux espèces de bivavles ont été objectivées.

A. Épidémiologie

1. Epidémiologie descriptive

En 1988, les ND semblaient concerner au moins 15 espèces de bivalves marins (Peters, 1988). Depuis cette date, au moins huit nouvelles espèces sensibles ont été rapportées. Les pétoncles (famille des Pectinidae) semblent cependant épargnés. Elle est surtout rapportée dans les zones de conchyliculture d’Europe et d’Amérique. Il s’agit en effet de zones présentant un intérêt commercial donc de sites d’échantillonnages privilégiés. Les résultats obtenus ne reflètent donc pas un réel modèle biogéographique du fait de cet échantillonnage irrégulier (Carballal et al., 2015).

a. Huîtres et néoplasies disséminées

Les espèces d’huîtres du genre Crassostrea, mais surtout Saccostrea et Ostrea sont concernées par des ND. Dans ces espèces, la maladie est présente aux États-Unis, en

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Amérique du Sud, au Japon, dans le Golfe du Mexique, en France, et en Espagne plus récemment. Une prévalence de 3 % est rapportée chez C. iredalei aux Philippines, sans mortalité associée. Une forte prévalence est observée en Australie chez S. glomerata avec une mortalité cumulée de 31,7 % en 118 jours et un pic de prévalence à 25 %. Aux États- Unis, où la maladie a été particulièrement étudiée, les prévalences peuvent dépasser les 40 % pour O. lurida. En France, les prévalences restent basses (0,4 % sur une étude de 6 ans) (Carballal et al., 2015).

b. Moules et néoplasies disséminées

Quatre espèces de moules (Mytilus sp.) semblent sensibles aux ND : M. trossulus, M. galloprovincialis, M. edulis et M. chilensis. Une forte prévalence (> 20 %) avec une forte mortalité associée est rapportée chez M. trossulus aux États-Unis et au Canada. Les prévalences semblent beaucoup plus faibles en Europe. En Amérique du Sud, la prévalence peut atteindre 13,3 % chez M. chilensis (Carballal et al., 2015).

c. Clams et néoplasies disséminées

Le premier rapport de ND chez les clams date des années 70 dans l’espèce Mya arenaria aux États-Unis. En Atlantique ouest, de très fortes prévalences ont pu être enregistrées (> 20 %) allant jusqu’à 90 % à Chesapeake Bay, en Nouvelle-Anglettere et sur l’Île du Prince Edouard. La mortalité suite à cette affection est massive dans cette espèce. M. arenaria a également été introduite sur la côte ouest des États-Unis où la ND n’est pas rapportée bien que, suite à l’injection d’hémolymphe, ces individus semblent pouvoir développer la maladie. La ND chez M. arenaria est également retrouvée en Europe avec une prévalence rapportée de 16,4 % en Pologne. La ND n’a pas été détectée en Irlande chez cette espèce. M. balthica semble également atteinte aux États-Unis avec une prévalence de 0 à 10 %, et en mer Baltique avec une prévalence supérieure à 25 %. Les espèces Venerupis aurea et Ruditapes decussatus en Espagne semblent également touchées par une maladie de ce type. Concernant les couteaux (qui rentrent dans la famille des clams), Solen marginatus, Enis siliqua, Tagelus plebeius semblent être affectés en Espagne et aux États-Unis (Carballal et al., 2015).

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d. Coques et néoplasies disséminées

La coque Cerastoderma edule est atteinte par une ND avec des prévalences importantes, parfois supérieures à 40 % sur la côte européenne atlantique, en association avec des mortalités anormales. Les pays concernés sont l’Irlande, la France (Bretagne et bassin d’Arcachon) et l’Espagne (Galice). Un cas de ND a été rapporté en Espagne chez Cerastoderma glaucum (Carballal et al., 2015).

e. Répartition spatiale et temporelle

La distribution spatiale semble fortement influencée par de nombreux éléments qui pourraient être la génétique, les conditions environnementales et des facteurs physiologiques notamment du fait d’une répartition en « patchs » dans certaines zones (Elston et al., 1992). Par ailleurs, des flambées du nombre de cas dans certaines régions pourraient suggérer une cause infectieuse malgré l’effet de facteurs environnementaux parfois très localisés (salinité, pH). Il semblerait également qu’une localisation à proximité de rejets de polluants agricoles serait une facteur de risque pour l’apparition de ND (Carballal et al., 2015).

Si l’on se place d’un point de vue temporel, les différents rapports font état de variations saisonnières de la prévalence des ND dans différentes espèces, même si la cause de ces variations reste mal comprise (Elston et al., 1992). Un travail de synthèse des données épidémiologiques rapporte chez M. arenaria deux types de variations saisonnières. Certains évoquent un pic d’atteinte à la fin de l’automne / début d’hiver et un minimum en fin de printemps / début d’été. D’autres parlent d’un cycle diphasique avec deux maxima (en décembre et avril) et deux minima en février et en été. M. trossulus présente un cycle avec un pic similaire à celui de M. arenaria. Chez C. edule, les deux types de cycles sont présents (Carballal et al., 2015). L’utilisation de ces résultats comporte plusieurs limites du fait des tests diagnostiques différents utilisés, d’une approche méthodologique parfois différente, de la taille limitée des échantillons et des variations de la taille et de l’âge des individus analysés. Il est en réalité difficile de savoir quel modèle est réellement présent. Les différentes évolutions saisonnières reflèteraient plutôt un patron cyclique avec des fluctuations de la prévalence liées à des variations de l’incidence (du nombre de nouveaux cas) des ND et au taux de guérison ou de mortalité des individus atteints. Les variations de cet équilibre seraient donc à l’origine d’un cycle qui peut apparaître monophasique ou

83 biphasique. Des facteurs environnementaux (température, salinité) et physiologiques (reproduction) soumis à une saisonnalité pourraient également intervenir dans la cyclicité du phénomène (Carballal et al., 2015).

Bien que difficile à étudier dans des populations d’organismes sauvages aquatiques (Peeler et Taylor, 2011), la mortalité pourrait être un facteur participant aux évolutions cycliques de la prévalence des ND. Les cas de ND émergeant dans des zones auparavant indemnes semblent suivre un cycle saisonnier prévisible répondant à des pulsations endémiques (fluctuations cycliques régulières liées à des taux de mortalité très élevés) plutôt qu’à des poussées épidémiques (Carballal et al., 2015).

2. Facteurs déterminant la survenue des néoplasies disséminées

Après obtention de ces éléments d’épidémiologie descriptive, des hypothèses concernant les causes à l’origine de ces caractéristiques peuvent être suggérées. Elles se basent sur des associations entre certains éléments et la survenue des ND dans différentes espèces de bivalves.

a. Espèce et génotype

Comme cela a été vu précédemment, toutes les espèces de bivalves ne sont pas aussi sensibles aux ND. Il est par exemple possible de citer C. gigas et M. edulis qui semblent résistantes d’un point de vue génétique aux ND alors que d’autres espèces telles que C. virginica et M. trossulus sont très sensibles (Barber, 2004). Au sein même d’une espèce, toutes les lignées ne présentent pas la même prévalence. Ce cas de figure a pu être observé à de nombreuses reprises. Il s’agit par exemple du cas de C. virginica où une prévalence de la ND atteignait 8 % sur deux sites de production alors que sur les autres sites de production (106) et au sein de groupes d’huîtres sauvages (136) la prévalence de la maladie ne dépassait pas 0,08 % (Frierman et Andrews, 1976).

b. Taille, âge et activité reproductrice

Une première analyse de Cooper en 1982 montrait que les juvéniles de l’espèce M. arenaria (à Rhode Island, États-Unis) présentaient une prévalence moindre (3-12 %) que les

84 adultes (20-43 %). Cette affirmation semblait vraie jusqu’à ce que les juvéniles atteignent la taille critique de 30 mm (Cooper et al., 1982). Ce phénomène a pu être observé à plusieurs reprises avec également une prévalence moindre chez les individus âgés (> 3 ans). Le résultat a pu être précisé avec une taille critique comprise entre 20 et 80 mm, où la prévalence de la maladie semble plus élevée. Un phénomène similaire a été identifié dans d’autres espèces telle que C. edule (Carballal et al., 2015). La taille qui semble correspondre à un seuil au-delà duquel le bivalve devient sensible correspondrait à la taille de maturité sexuelle. L’entrée en période de maturité sexuelle constituerait un événement stressant pour l’organisme, augmentant le risque de développement de maladies telles qu’une ND (Böttger et al., 2013 ; Morgan et al., 2012 ; Taraska et Böttger, 2013). Cet élément pourrait être mis en lien avec le fait que des prévalences élevées de ND sont mises en évidence durant la période de fraie ou de gamétogenèse. Bien qu’une association soit possible, aucun lien de causalité n’a été clairement identifié et d’autres études sont nécessaires (Carballal et al., 2015).

Par ailleurs, il ne ressort pas de prédisposition de sexe des différentes études réalisées à ce jour (Carballal et al., 2015).

c. Comportement alimentaire

Une étude suggère que les espèces benthiques telles que M. balthica et M. arenaria semblent davantage atteintes par la ND que des espèces pélagiques (M. trossulum et C. glaucum) (Wołowicz et al., 2005). Des éléments de l’environnement, notamment des composés chimiques se déposant sur les fonds marins pourraient donc agir comme des agents de carcinogenèse.

d. Facteurs environnementaux

La température fut tout d’abord évoquée comme ayant un rôle potentiel dans le développement des ND. Cependant, aucune corrélation évidente n’a été mise en évidence bien qu’une prévalence moindre soit observée durant les mois froids de l’année. Il parait tout de même concevable que la progression de la maladie soit ralentie lors de températures

85 basses et augmentée suite à un stress en lien avec des températures élevées (Elston et al., 1992). Cependant, la température pourrait tout à fait agir comme facteur de confusion en influençant la reproduction des bivalves.

La salinité avait également été considérée comme un facteur environnemental pouvant expliquer des prévalences élevées de ND durant l’hiver. Cependant, les cellules tumorales de M. arenaria peuvent tolérer une grande fourchette de salinité et de température. Ces facteurs ne semblent donc pas limitants pour le développement de ND (Carballal et al., 2015).

Le pH et l’oxygène pourraient également jouer un rôle puisque les cellules tumorales sont connues pour avoir une haute tolérance à l’hypoxie et aux pH bas (Sunila, 1991). Il est par exemple possible de citer le cas de M. balthica pour qui une haute prévalence de ND avait été associée à des zones d’eaux stagnantes hypoxiques voire anoxiques avec des niveaux élevés de sulfure d’hydrogène (Wołowicz et al., 2005). En période de stress oxydant important (comme lors de la reproduction), la prévalence des ND semble diminuer à cause d’une mortalité importante faisant suite à une hémolymphe hypoxique des organismes atteints (Böttger et al., 2013).

Il a été évoqué le fait que les biotoxines puissent être impliquées. En effet, une association entre le dépôt de toxines de dinoflaggellés dans les tissus de bivalves et la présence de ND chez ces mêmes bivalves a été mise en évidence. Cependant, les investigations n’ont pas été poussées davantage (Landsberg, 1996).

Concernant les facteurs environnementaux, la densité de la population sensible a été montrée comme étant en corrélation avec la prévalence des ND. Une corrélation inverse entre cette prévalence et le degré de circulation d’eau est également présente. Ces éléments viennent renforcer l’hypothèse selon la laquelle les ND seraient des maladies infectieuses (Elston et al., 1992).

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B. Conséquences des néoplasies disséminées

Les ND affectent principalement des espèces d’intérêt commercial. Les conséquences de cette affection ont donc été largement étudiées. Au niveau individuel, des baisses de condition sont rapportées lors l’atteinte sévère. Cette observation est la conséquence d’une perturbation du fonctionnement normal des organes associée à un dysfonctionnement des processus métaboliques (Leavitt et al., 1990). Les effets sur la gamétogenèse et la reproduction semblent (relativement) inconstants. Ils s’étendent d’un arrêt complet du développement à une absence d’effet négatif apparent (Barber, 2004 ; Elston et al., 1992). Une gamétogenèse retardée a été rapportée chez les individus de l’espèce M. trossulus atteints par la ND lors des périodes avec de faibles apports nutritifs (Elston et al., 1992). Dans l’espèce M. arenaria, lors de ND avancée, les follicules semblent significativement plus petits (mais en nombre identique) (Potts, 1996). Une atrophie gonadique en association avec les ND a été mise en évidence chez C. virginica et M. chilensis (Cremonte et al., 2011 ; Ford et al., 1997).

Au niveau de la population, ces conséquences individuelles se traduisent pas un taux de mortalité élevé avec des répercussions sur la structure et la taille de la population. Les ND se traduisent donc par des pertes de ressources marines, une redistribution des pools génétiques et des perturbations des écosystèmes côtiers (Barber, 2004 ; Elston et al., 1992).

C. Caractéristiques morphologiques

Bien qu’impliquant des espèces différentes, les ND des bivalves partagent des caractéristiques morphologiques communes. Il s’agit de tumeurs composées de grandes cellules de forme ronde à ovale avec un rapport nucléocytoplasmique élevé. Les figures de mitose sont très fréquentes. Ces cellules sont retrouvées dans les tissus conjonctifs de nombreux tissus, dans les vaisseaux et sinus du système circulatoire. Les cellules tumorales ne présentent pas de pseudopodes et une faible cohésion est observée sur des préparations (figure 19) (Elston et al., 1992).

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Figure 19 : Vue en microscopie optique d’une coupe histologique d’une glande digestive d’une coque (Cerastoderma edule) avec présence de cellules tumorales de la néoplasie disséminée.

Les cellules tumorales sont présentes dans le tissu conjonctif (flèches simples). Des figures de mitose sont présentes (double flèches) (d’après Carballal et al., 2015).

Concernant l’ultrastrucutre, les cellules tumorales sont anaplasiques avec des caractéristiques similaires aux cellules tumorales des vertébrés (figure 20). Elles présentent une faible diversité d’organites cytoplasmiques. Des mitochondries hypertrophiées, des ribosomes, du réticulum endoplasmique, de petites vacuoles et des appareils de Golgi sont présents (Carballal et al., 2013a ; Díaz et al., 2011 ; Smolarz et al., 2006).

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Figure 20 : Ultrastructure en microscopie électronique d’une cellule tumorale de néoplasie disséminée chez un clam (Venerupis aurea).

N : noyau, M : mitochondrie, V : vésicule (d’après Carballal et al., 2015).

Deux types morphologiques ont fréquemment été décrits dans les ND des bivalves. Une étude récente de Carella en 2013 s’est intéressée à la cytomorphologie et à la prolifération de ces cellules (en évaluant les antigènes nucléaires de prolifération cellulaire ou PCNA) chez M. galloprovincialis et C. edule. Deux types majeurs ont été mis en évidence. Le type A, correspondant aux cellules précédemment décrites, et le type B. Les cellules de type B présentent une taille cellulaire légèrement inférieure avec un noyau rond à ovale et un nucléole unique. Les cellules forment des paquets plus denses dans les tissus conjonctifs par rapport à ce qui a été décrit dans le paragraphe précédent. Trois autres types mineurs ont également été identifiés dans cette dernière étude (cellules dentelées, cellules binucléées et cellules géantes multinucléées). Ils sont considérés comme des sous-types des types A et B. Le type A est prédominant aux stades précoces de la maladie alors que le type B se retrouve dans les stades plus avancés. Concernant les PCNA, ils sont davantage confinés au cytoplasme dans les cellules de type A (stades précoces) et au noyau dans les cellules de type B (stades avancés). Les coques, quant à elles, ne semblent présenter qu’un type cellulaire majeur bien que des types mineurs puissent être présents. Les PCNA sont davantage nucléaires au stade précoce chez les coques puis cytoplasmiques dans les stades

89 avancés. Ces informations suggèrent donc des pathogénies différentes chez les coques et les moules (Carballal et al., 2015 ; Carella et al., 2013)

Les ND sont fréquemment associées à des anomalies chromosomiques (présence notamment de microchromosomes) et à des polyploïdies dans toutes les espèces de bivalves concernés (Carballal et al., 2015). Des ploïdies particulières sont dans certains cas associées à des morphologies de cellules tumorales différentes, comme évoqué par Elston. Ces éléments pourrait faire référence à des processus pathologiques distincts (Elston et al., 1990). L’étude des modifications de la ploïdie en cytométrie de flux peut présenter un intérêt dans la détection des ND et pour identifier les stades de la maladie comme cela a été réalisé chez Macoma balthica (Smolarz et al., 2005). L’aneuploïdie peut être fréquente et semble seulement une conséquence et non une cause des ND (dans une étude chez M. trossulus) (Vassilenko et Baldwin, 2014).

D. Type cellulaire d’origine

Le tissu duquel dérive les ND des bivalves reste incertain. Ces tumeurs sont supposées être des sarcomes. Des cellules mésenchymateuses non différenciées, des cellules souches hématopoïétiques, des cellules différenciées du tissu conjonctif vésiculaire ont ainsi été proposées comme type cellulaire d’origine. Une origine gonadique, vasculaire (Barber, 2004 ; Elston et al., 1992 ; Peters, 1988) ou à partir de l’épithélium branchial (Carballal et al., 2013a ; Christensen et al., 1974) a également été évoquée. La majorité des chercheurs évoquent une origine hémocytaire du fait des caractéristiques morphologiques communes avec les hémocytes. De plus, les cellules tumorales sont observées en premier lieu dans le système circulatoire. La confirmation de cette origine reste néanmoins compliquée du fait du manque de connaissances sur l’hématopoïèse des bivalves (Barber, 2004 ; Elston et al., 1992 ; Peters, 1988). Plusieurs études semblent montrer que les cellules tumorales des ND sont en lien avec les hémocytes et qu’elles pourraient provenir des tissus conjonctifs. L’utilisation d’anticorps monoclonaux qui réagissent à la fois avec les hémocytes et les cellules tumorales suggère en effet une origine commune (Mix, 1975 ; Reinisch et al., 1983 ; Smolowitz et al., 1989).

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E. Aspects fonctionnels des cellules tumorales

Du fait d’une origine hématique supposée, les caractéristiques fonctionnelles des cellules tumorales sont fréquemment comparées à celles des hémocytes. Les cellules des ND sont caractérisées par une absence de capacité d’adhésion et ne s’étalent pas par le moyen de pseudopodes aboutissant ainsi à un défaut d’agrégation cellulaire. Cette absence de pseudopode compromet leur capacité de phagocytose comme montré chez M. trossulus initialement (Kent et al., 1989). Ce défaut d’adhésion et de phagocytose est probablement à mettre en lien avec un cytosquelette présentant une structure altérée, comme montré chez M. aerenaria (Moore et al., 1992). Les cellules tumorales chez M. aerenaria présentent plus d’enzymes lysosomales, de phosphatases acides, d’estérases non spécifiques et de β- glucuronidases en comparaison à des hémocytes normaux (Beckmann et al., 1992). La cytométrie de flux montra ensuite, qu’effectivement, l’activité phagocytaire était réduite (chez C. edule) mais que paradoxalement, d’autres paramètres liés à la phagocytose tels que le biovolume lysosomal, les entérases non spécifiques et la production de dérivés réactifs de l’oxygène étaient plus élevés dans les cellules tumorales. Par ailleurs, les cellules tumorales présentent une mortalité diminuée par rapport aux hémocytes (Le Grand et al., 2013). De plus, le taux de Ca2+ libre cytoplasmique est plus élevé et le contenu en actine diminué dans les cellules de l’hémolymphe de bivalves atteints. Il est donc possible qu’il y ait un lien entre ces deux facteurs essentiels à la motilité cellulaire et le défaut de phagocytose (Díaz et al., 2011). La composition en phospholipides de la membrane cellulaire des cellules tumorales semble également profondément affectée (Le Grand et al., 2013).

L’altération du mécanisme d’apoptose est un phénomène couramment rapporté dans les cancers humains. Il semble qu’il s’agisse également d’une caractéristique des ND des bivalves. Il a été démontré chez C. edule un nombre réduit de cellules apoptotiques dans les organismes atteints (Díaz et al., 2013). Chez l’espèce O. edulis, une altération de l’expression de nombreux gènes en lien avec l’apoptose a été mise en évidence lors de ND (Martín-Gómez et al., 2013).

Concernant la physiologie, l’avancée du processus tumoral chez des clams est associée à une hypoxie de l’hémolymphe. La pression partielle en oxygène diminue avec la progression de la maladie, aboutissant à la mort. L’indice mitotique diminue également fortement dans les organismes affectés (Sunila, 1991). Des modifications affectant les

91 protéines totales sont également rapportées. En effet, une augmentation des protéines plasmatiques en association avec les ND est mise en évidence. Le mécanisme mis en jeu est l’augmentation des protéines tumorales au détriment des protéines normales. Ces protéines spécifiques des ND pourraient avoir un rôle promoteur et cytotoxique. La disparation des protéines normales pourrait également être à l’origine d’une déficience de la réponse immunitaire humorale (Sunila et Dungan, 1992). De fortes perturbations des protéases plasmatiques sont rapportées suite au développement de ND, probablement suite à la présence de globulines s’apparentant à des α2-macroglobulines (Elsayed et al., 1999).

F. Eléments d’intérêt du génome des cellules tumorales

Les gènes en lien avec le cancer tels que les gènes de la famille P53 ont été largement étudiés dans le cadre des ND des bivalves. Il s’agit d’une famille de gènes suppresseurs de tumeurs impliqués dans le cycle cellulaire, dans la sénescence ou l’apoptose. Ainsi une dysfonction de p53 peut aboutir à une prolifération cellulaire incontrôlée menant éventuellement au cancer. De nombreuses isoformes dérivant du même gène ont été mises en évidence chez les bivalves et une forte homologie a été observée avec le gène P53 humain (Walker et al., 2011). Ainsi, la présence de P53 mutants a été mise en évidence dans les cellules de l’hémolymphe de M. arenaria et C. edule atteints de ND (Barker et al., 1997 ; Díaz et al., 2010). L’étude de l’expression de cette famille de gènes, par l’intermédiaire du niveau d’ARNm, a permis de montrer de manière générale une sur-expression chez les individus atteints des espèces M. edulis (p53 et ΔNp63/p73-like), C. edule (p53) (Muttray et al., 2007), M. arenaria (p53, p73, p63/73) (Muttray et al., 2012 ; Ruiz et al., 2013 ; Siah et al., 2008) et M. trossulus (p53 et ΔNp63/p73-like) (Muttray et al., 2008). L’étude de la variabilité de P53 via l’analyse de SNP montra que des génotypes particuliers étaient associés aux ND (Vassilenko et al., 2010 ; Vassilenko et Baldwin, 2013). Un mode d’inactivation de p53 associé aux ND repose également sur une séquestration de la protéine p53 dans le cytoplasme empêchant son mouvement vers le noyau où elle exerce son activité. La mortaline (de la famille des HSP70) surexprimée dans la ND, possède un rôle dans ce processus en formant un complexe avec p53 chez les individus atteints (Muttray et al., 2012 ; Siah et al., 2008 ; Walker et Böttger, 2008).

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Les proto-oncogènes de la famille Ras ont également été étudiés. Il s’agit de protéines de signalisation intracellulaire liées à la membrane jouant un rôle dans la croissance, la migration, l’adhésion, l’intégrité du cytosquelette, la survie et la différenciation. Des mutations de ces gènes peuvent aboutir à une activation permanente ayant pour conséquences une croissance et une division cellulaire aboutissant au cancer. Une surexpression de ce gène a pu être mise en évidence chez les individus de l’espèce M. trossulus fortement atteints par la ND (Ciocan et al., 2006) et également chez les individus modérément atteints de l’espèce C. edule (niveau de transcription plus élevé que chez les individus non affectés ou fortement affectés) (Ruiz et al., 2013).

Enfin, la comparaison du transcriptome de bivalves sains et de bivalves atteints de ND a permis d’identifier d’autres gène, réputés pour être impliqués dans le cancer chez l’homme, avec des niveaux d’expression plus élevés chez les individus affectés par la ND. Il s’agit dans l’espèce O. edulis de la protéine 42 de contrôle de la division cellulaire, LSM3 (une protéine associée à la mort), la protéine 1 Ring-Box, la synthétase de prostaglandine E2, SAP18, la protéine de réplication A3, le récepteur à PKC, la protéine de liaison X-box, la nucléoside diphosphate kinase et l’ubiquitine (Martín-Gómez et al., 2013). Dans le cas de M. arenaria, la GTPase Rho-like , RAS-Rho, RAS C 3, c-jun et c-myc ont été identifiés ainsi qu’un certain nombre de gènes impliqués dans le cycle cellulaire (Siah et al., 2013 ; Siah et al., 2012).

G. Diagnostic

1. Histologie et hémocytologie

L’histologie permet d’objectiver la présence de cellules tumorales et leurs rapports avec les tissus avoisinants, ainsi que les conséquences sur ces derniers. Le recours à un examen microscopique est nécessaire puisque qu’une ND n’est pas objectivable à l’œil nu. L’histologie a permis d’établir différents scores se basant sur le nombre de cellules tumorales observées pour déterminer la progression de cette tumeur (Barber, 2004 ; Carballal et al., 2015).

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Les ND sont des tumeurs avec des cellules tumorales circulantes. Ainsi, une ponction d’hémolymphe suivie d’un examen microscopique permet de détecter la présence de cette affection. Une corrélation positive existe entre le nombre de cellules tumorales circulantes (évaluées en hémocytologie) et les lésions histopathologiques. Cette technique semble donc à même de fournir des informations sur le degré d’atteinte tissulaire (Cooper et al., 1982). Aucune des deux techniques ne semble plus sensible. La sensibilité est vraisemblablement dépendante de la quantité de matériel obtenu et analysé dans l’une ou l’autre technique (Barber, 2004). Néanmoins, d’après une autre étude, l’histologie reste plus sensible que l’hémocytologie dans les stades précoces de la maladie (Carballal et al., 2013b).

2. Immunohistochimie

Le premier rapport d’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre les cellules tumorales dans le diagnostic de ND date de 1986. Cette méthode faisait intervenir une coloration indirecte avec une peroxydase des cellules tumorales de M. arenaria traitées avec des anticorps monoclonaux. Cette technique s’est révélée plus spécifique qu’une évaluation histologique du fait de la présence de cellules à l’aspect douteux dont la nature tumorale était questionnable (Smolowitz et Reinisch, 1986). Plus tard, d’autres anticorps monoclonaux IE11, 1E10 et 2A4, d’origine murine, furent étudiés. Ils ont pu servir au diagnostic de ND chez M. arenaria et M. edulis avec l’élaboration de techniques de quantification des antigènes 2A4 et IE10 utilisant des électrophorèses et des western blots à haute résolution (Miosky et al., 1989 ; Stephens et al., 2001 ; White et al., 1993). Des anticorps monoclonaux 14F1 et 16G10 spécifiques d’épitopes de membrane des cellules tumorales de Mytilus furent également développés (Noel et al., 1991).

3. Cytométrie de flux

La cytométrie de flux permet de mesurer de façon rapide le contenu en ADN de centaines de cellules par individu, fournissant une estimation quantitative de la proportion de cellules normales et de cellules néoplasiques. Cette technique a pu être utilisée chez Mytilus spp. pour déterminer le stade de la maladie (Elston et al., 1990 ; Moore et al., 1991). De même, pour M. arenaria la proportion de cellules tumorales était en corrélation avec le

94 taux de cellules tétraploïdes circulantes (bien que le pourcentage de cellules tétraploïdes en mitose chez un bivalve sain reste inconnu). Ainsi, des valeurs seuils ont été proposées pour classer les individus comme atteints ou sains (Delaporte et al., 2008 ; Reno et al., 1994). La validité de cette technique a également été évaluée chez M. balthica en comparaison avec l’histologie (Smolarz et al., 2005). Il convient de manipuler avec précaution ces résultats puisqu’il semble que la cytométrie de flux soit moins sensible que des techniques histologiques notamment dans les stades précoces de la maladie. La cytométrie de flux constitue tout de même un très bon outil diagnostique (en association avec l’analyse chromosomique) largement utilisé dans les stades les plus avancés de ND. Elle permet en effet la détection des anomalies de division et l’évaluation la viabilité cellulaire et de la quantité d’ADN (Carballal et al., 2015 ; Vassilenko et Baldwin, 2014).

4. Biologie moléculaire

Les techniques de biologie moléculaire peuvent constituer de bons outils diagnostiques. En effet, des études commencent à mettre en lumière un certain nombre de gènes liés au cancer qui pourraient être utilisés comme marqueurs de la maladie. Ainsi, la recherche d’ARNm des gènes de la famille P53 (p53 et Δnp63/73) pourraient servir de biomarqueurs des ND chez M. trossulus et C. edule (Muttray et al., 2008 ; Ruiz et al., 2013). L’association d’un nombre choisi de ces gènes clés (p53, mdm, ras, Δnp63/73, Tap63/73) pourrait même représenter un meilleur élément prédictif (Muttray et al., 2010). D’autres ont proposé d’utiliser le génotype de certains SNP de l’ADNc de p53 chez M. trossulus comme marqueur de choix de la ND (Vassilenko et al., 2010). Dans l’espèce M. arenaria, un niveau important de p53, p63/73 et de mortaline a été utilisé comme marqueur de la ND (Siah et al., 2008).

Une surexpression de proto-oncogènes peut aussi constituer un marqueur des ND. Cela concerne le gène Ras chez M. trossulus (Ciocan et al., 2006) et C. edule (Ruiz et al., 2013) ou le gène C-MYC chez M. arenaria (Siah et al., 2012). En 2014, le rétrotransposon Steamer a été identifié. Son expression semble fortement corrélée à la ND chez M. arenaria, et représente donc un outil diagnostique particulièrement intéressant (Arriagada et al., 2014).

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H. Étiologie

1. Une cause virale ?

De nombreux indices laissaient supposer une cause infectieuse pour les ND dans de nombreuses espèces de bivalves. Une transmission par cohabitation a notamment été rapportée chez M. arenaria (clams), M. edulis (moules) et C. edule (coques). La transmission de ND a également été possible entre individus par injection d’hémolymphe non filtrée (donc contenant des cellules) ou de la fraction cellulaire de l’hémolymphe au sein des espèces M. arenaria, C.edule, M. edulis et M. trossulus (Carballal et al., 2015).

La découverte d’un rétrovirus dans un clam M. arenaria atteint de ND laissait suspecter une cause infectieuse virale. Cette hypothèse était appuyée par le fait que les clams indemnes inoculés avec le virus isolé d’individus atteints de ND développaient la maladie (Oprandy et al., 1981 ; Oprandy et Chang, 1983). Cependant, le manque de répétabilité laissa planer un doute sur cette hypothèse qui fut abandonnée. Ensuite, d’autres cas de transfert de la maladie via l’inoculation de l’hémolymphe filtrée (filtre de 0,45 µm ou 0,22 µm) et donc dépourvue de cellules renforçait cette hypothèse d’une cause virale chez des moules, coques et clams (Collins et Mulcahy, 2003 ; Kent et al., 1991 ; Taraska et Anne Böttger, 2013).

En lien avec l’hypothèse d’une cause rétrovirale, l’activité de la transcriptase inverse fut largement documentée dans des espèces de bivalves atteintes de ND. Elle a pu être mise en évidence dans les particules virales purifiées et dans l’hémolymphe filtrée et donc acellulaire issues de M. arenaria atteints de ND (House et al., 1998). De même, l’activité de la transcriptase inverse semblait être en lien avec les ND chez C. edule et V. aureus (Medina et al., 1993 ; Romalde et al., 2007). Chez C. edule, des particules ressemblant à des rétrovirus ont été identifiées en microscopie électronique (Romalde et al., 2007). Une étude concernant M. arenaria montra même que le niveau d’activité de la transcriptase inverse était en lien avec la sévérité de la ND reflétée par le taux de tétraploïdie. Malgré les efforts mis en œuvre pour identifier des particules de type rétroviral, aucun résultat concluant ne fut obtenu. Les auteurs ont donc considéré que l’activité de transcriptase inverse ne témoignait pas d’une infection par un rétrovirus mais qu’une source endogène de transcriptase inverse,

96 telle qu’un rétrovirus endogène ou un rétrotransposon, devait être considérée (AboElkhair et al., 2012, 2009a, 2009b).

La mise en évidence récente d’un rétroélément fortement exprimé dans le génome des individus de l’espèce M. arenaria permet d’obtenir des informations complémentaires à ce sujet. Ce rétrotransposon nommé Steamer présente un niveau d’ARNm très élevé en corrélation avec l’importance de la ND. Le nombre de copies d’ADN de cet élément est également très élevé, indiquant donc une transcription inverse et retransposition à un niveau très élevé dans les organismes atteints. Ce rétrotransposon appartient à la famille des gypsy/Ty3 et possède donc des mécanismes de transcription et d’intégration pouvant être similaires à ceux des rétrovirus (Arriagada et al., 2014). Des cas de transmission horizontale de tels éléments, qui peuvent agir comme des agents infectieux même en l’absence de protéines d’enveloppe codées par l’élément transposable, ont été documentés (Chalvet et al., 1999). Dans le cas de Steamer, il est donc concevable que des particules de type virions puissent être à l’origine d’une transmission horizontale entre individus. Cet élément permettrait d’expliquer la transmission de la ND observée lors de l’utilisation d’hémolymphe filtrée ou lors de co-culture entre individus sains et atteints (Arriagada et al., 2014). Cependant, cette activation de Steamer en association avec la ND pourrait très bien être une conséquence du cancer plutôt que l’élément causal puisqu’aucun indice n’est disponible à ce sujet (Arriagada et al., 2014). Il convient de noter que l’induction de rétroéléments ou de rétrovirus endogènes est souvent causée chez les mammifères par des dommages de l’ADN (notamment par des composés halogénés). Ainsi, l’exposition à des toxines environnementales pourrait contribuer l’activation de Steamer et donc à la maladie (Arriagada et al., 2014 ; Oprandy et Chang, 1983). Il a de plus été montré que les populations de clams étaient particulièrement sensibles à l’induction de ND par des dommages de la molécule d’ADN (Taraska et Böttger, 2013).

De manière similaire, un élément transposable Piggy/Bac (PGBD) est surexprimé dans l’espèce O. edulis affectée par la ND (Martín-Gómez et al., 2013) pouvant ainsi justifier l’augmentation de l’activité de la transcriptase inverse documentée lors de ND. Les éléments transposables semblent donc avoir un rôle central dans la pathogénie des ND chez les bivalves même si les tenants et aboutissants des processus en jeu ne sont pas totalement cernés. Ces éléments transposables semblent donc en lien avec l’augmentation d’activité de la transcriptase inverse détectée, mettant de côté pour le moment une cause virale.

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2. Rôles des contaminants environnementaux

L’implication de contaminants environnementaux (polluants) dans les ND des bivalves été largement étudiée. Une association entre polluants et ND a pu être montrée à plusieurs reprises mais aucun lien de causalité direct n’a été établi (Böttger et al., 2013 ; Muttray et al., 2012). Une synergie pourrait intervenir entre ces contaminants environnementaux et la cause primaire des ND. Cependant, les études menées en laboratoire échouèrent à mettre en évidence un rôle des polluants dans l’exacerbation des ND (Barber, 2004 ; Carballal et al., 2015).

3. Preuve d’une transmission horizontale des néoplasies disséminées

a. Transmission intraspécifique

La première démonstration du fait que les ND étaient des tumeurs naturellement transmissibles (sans intervention d’un agent infectieux tel qu’un virus) date de 2015 (Metzger et al., 2015). Cette étude concerne l’espèce Mya arenaria, et se basa sur l’analyse du génome de la tumeur.

Comme évoqué précédemment, le rétrotransposon Steamer fut mis en évidence en 2014 dans le génome de M. arenaria et son l’expression est fortement associée à la ND (Arriagada et al., 2014). Dans le génome normal de cette espèce, deux à 10 copies de Steamer sont présentes alors que dans les cellules tumorales ce nombre peut atteindre 150 à 300 copies. L’analyse de 12 sites d’intégration de Steamer chez des individus atteints provenant de différents lieux (New York, Maine et Canada) a montré que sept étaient communs à tous les lieux étudiés. Quatre sites supplémentaires étaient communs entre New York et le Maine, mais pas avec le Canada et un site était unique au Canada. De plus, ces sites d’intégration n’ont pas été retrouvés chez les organismes sains et peu détectés dans les tissus solides des clams atteints (Metzger et al., 2015). Cette caractéristique avait déjà été soulevée par Arrigada du fait de la présence de sites d’intégration qui semblaient relativement constants, sans exploration plus poussée (Arriagada et al., 2014).

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L’observation de ces sites communs d’intégration d’un rétrotransposon soulève donc la possibilité d’une origine clonale pour toutes les ND dans l’espèce. L’étude de certains SNP de l’ADNmt d’hémocytes d’individus sains et d’individus atteints par une ND confortait cette hypothèse. En effet, l’ADNmt des individus sains présentait l’allèle C685 pour le gène CYTB (cytochrome B) alors que les hémocytes des individus atteints montraient un autre allèle (C658T) dans tous les cas. Concernant l’étude du gène COI (cytochrome c oxydase sous-unité I), l’allèle G649A était porté par tous les individus atteints au Canada. Cet allèle n’a pas été retrouvé chez les clams atteints des autres lieux, suggérant que la mutation serait survenue durant l’évolution de ce cancer transmissible. De plus, pour sept autres SNP à basse fréquence, l’allèle des tissus de l’hôte ne correspondait pas à celui des hémocytes tumoraux qui possédaient tous un même allèle différent (Metzger et al., 2015).

L’analyse de dix loci microsatellites précédemment identifiés comme polymorphiques chez M. arenaria confirmait cette hypothèse. Chez les animaux sains, les allèles présents dans les hémocytes correspondaient à ceux des autres tissus alors que les allèles des hémocytes néoplasiques étaient différents. De plus, pour presque tous les loci, la longueur de ces microsatellites était la même chez tous les hémocytes tumoraux de tous les individus atteints, confirmant ainsi que le génotype des tumeurs était presque identique entre les individus. L’analyse de la séquence de ces microsatellites montra que deux lignées de cellules tumorales étaient identifiables, signifiant que deux sous-groupes (aux États-Unis et au Canada) avaient divergé d’un même ancêtre commun (Metzger et al., 2015).

Après ces premiers éléments concernant M. arenaria, des travaux similaires ont été réalisés sur l’espèce M. trossulus. L’analyse du génome, notamment des séquences des gènes COI et EF1α, a permis de montrer que les génotypes des tissus sains de l’hôte et des hémocytes tumoraux discordaient et que cette lignée de cellules tumorales semblait très répandue dans la région de Vancouver Island.

Concernant l’espèce C. edule, l’analyse de neuf loci microsatellites polymorphes et de SNP du gène mitochondrial COI aboutissaient aux mêmes conclusions (discordance entre le génome des tissus sains et des cellules tumorales, bien que ces dernières semblaient appartenir à l’espèce C. edule). Dans cette espèce, deux lignées de cellules tumorales ont pu être identifiées suite au séquençage du gène EF1α. Les données obtenues suggéraient fortement une origine distincte de ces deux lignées. Autrement dit, deux lignées de cellules

99 tumorales auraient émergé de façon indépendante au sein de l’espèce C. edule. De plus, l’analyse histologique montrait que les caractéristiques morphologiques des deux lignées étaient différentes et correspondaient aux type A pour la lignée 1 et au type B pour la lignée 2, types décrits dans le (II – C.). Ces résultats confirment l’hypothèse d’une pathogénie différente pour ces deux types cellulaires tumoraux (Metzger et al., 2016).

Bien que ce soit l’hypothèse de tumeur transmissible qui soit actuellement défendue, elle ne permet pas d’expliquer la transmission de la maladie qui a pu être observée lors d’exposition à de l’hémolymphe filtrée ou une induction par des agents tels que la BrdU (bromodésoxyuridine) (Arriagada et al., 2014).

c. Transmission interspécifique

L’analyse de séquences du gène COI mitochondrial, de l’ITS (internal transcribed spacer) de l’ADN ribosomique et d’EF1α de l’espèce P. aureus montra de nouveau que les génotypes des cellules tumorales étaient presqu’identiques mais qu’ils différaient systématiquement de celui de l’hôte. La particularité de la ND dans cette espèce résidait dans le fait que les séquences étudiées chez les cellules tumorales différaient grandement des séquences des tissus normaux. En effet, seulement 78,5 % de similitude ont été observés pour la séquence du COI mitochondrial, et environ 90 % pour des loci nucléaires. Paradoxalement, une très grande similitude a été observée entre les génotypes des cellules néoplasiques et les séquences normales de V. corrugata (98,7 % et environ 99 % respectivement). Pour confirmer ce résultat, une PCR quantitative spécifique d’espèce de la séquence d’EF1α a été réalisée. Ainsi, des séquences issues de V. corrugata on été détectées dans des individus P. aureus atteints de ND (hauts niveaux dans les hémocytes et bas niveaux dans les autres tissus, probablement dus à l’infiltration tumorale) alors qu’aucune séquence d’une autre espèce n’a pu être détectée chez les individus sains de l’espèce P. aureus. Ces informations suggèrent qu’une transmission interspecifique intervient (figure 21). Bien que P aureus semble infectée par des cellules tumorales provenant de V. corrugata, la ND n’a pas été retrouvée dans cette dernière espèce malgré des centaines de prélèvements. Ainsi, les cellules tumorales issues de V. corrugata ne semblent pas initier la maladie dans cette espèce. Un tel phénomène pourrait être expliqué par le fait que ce cancer aurait été à l’origine d’une disparition des individus de l’espèce V. corrugata sensibles à la

100 maladie avec une persistance dans la nature d’individus résistants indiquant ainsi la présence de puissantes forces de sélection (Metzger et al., 2016). Néanmoins, cette hypothèse doit encore être vérifiée de façon expérimentale (notamment par l’inoculation de cellules tumorales à l’espèce V. corrugata).

Figure 21 : Transmission interspécifique d’une néoplasie disséminée dans deux espèces de bivalves de la famille des Veneridae.

La néoplasie disséminée intervenant dans l’espèce Polititapes aureus est issue d’une transmission interspécifique de cellules tumorales à partir de l’espèce Venerupis corrugata. Les deux espèces vivent dans le même milieu mais ce cancer circule de façon active seulement chez Polititapes aureus, suggérant que Venerupis corrugata ait développé une forme de résistance (d’après Murchison, 2016).

Ainsi, à ce jour les ND ont été montrées comme étant des tumeurs naturellement transmissibles chez quatre espèces de bivalves : M. arenaria, M. trossulus, C. edule et P. aureus (chez qui les cellules tumorales semblent provenir de l’espèce V. corrugata). Comme nous avons pu le voir, de nombreuses autres espèces sont affectées par une néoplasie similaire. Cependant, le caractère naturellement transmissible des ND dans ces espèces, bien que très probable considérant les données épidémiologiques, reste encore à démontrer (notamment par des analyses du génome des cellules tumorales).

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4. Modalités de transmission des cellules tumorales des néoplasies disséminées

Puisqu’il est désormais très probable qu’une transmission horizontale de cellules tumorales se produise, il convient d’évoquer les mécanismes possibles de transmission bien qu’actuellement aucun processus n’ait été clairement identifié. Il se trouve que les bivalves se nourrissent par filtration de l’eau de mer. Cet élément permet de suspecter le fait que ces organismes soient capables de retenir des cellules tumorales par l’intermédiaire de la filtration. En effet, chaque individu est capable de filtrer plusieurs litres d’eau de mer par heure permettant ainsi une contamination avec de très faibles concentrations d’hémocytes tumoraux dans l’eau de mer. Le fait que les hémocytes tumoraux puissent survivre dans l’eau de mer plus de six heures avec une faible mortalité conforte cette hypothèse (Metzger et al., 2015). Cependant, le mécanisme par lequel les cellules tumorales pourraient être relâchées dans l’eau reste inconnu. Elles pourraient être naturellement émises par les individus malades, être relâchées lors de la fraie ou en faveur d’un traumatisme, de prédation ou de mort. Il est ainsi possible de l’homme ait eu un rôle dans la propagation en déplaçant des populations atteintes (Metzger et al., 2015).

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IV- TUMEURS TRANSMISSIBLES : ÉLÉMENTS COMMUNS ET DIFFÉRENCES

Les caractéristiques des trois tumeurs naturellement transmissibles que nous avons présentées sont résumées dans le tableau 3. Nous proposons maintenant, dans une dernière partie, une discussion portant sur les similitudes et les divergences entre ces cancers fascinants.

A. Les tumeurs transmissibles, une forme de métastases

1. Rappels sur la carcinogenèse et la cascade métastatique

Afin de mieux cerner la problématique des tumeurs transmissibles, nous proposons de rappeler ici quelques éléments de cancérologie générale. En effet, la compréhension des mécanismes permettant à une tumeur de passer d’un hôte à un autre nécessite de se remémorer les grandes caractéristiques des cellules tumorales. En 2000, Hananhan et Weinberg ont proposé six caractéristiques biologiques que les cellules doivent acquérir lors du développement d’un cancer. Les cellules doivent ainsi bénéficier d’un signal de prolifération permanent, échapper aux inhibiteurs de croissance, acquérir une résistance à la mort cellulaire, acquérir une capacité de multiplication infinie (immortalité), induire l’angiogenèse et bénéficier d’une activation des propriétés d’invasion et de métastases (Hanahan et Weinberg, 2000). À ces caractéristiques, les auteurs ont ajouté en 2011 deux autres éléments (figure 22). Une reprogrammation du métabolisme énergétique doit ainsi intervenir, de même que des capacités d’échappement à la destruction par le système immunitaire (Hanahan et Weinberg, 2011). Comme nous avons eu l’occasion de le voir, au travers des trois exemples de tumeurs de transmissibles, ce dernier élément semble jouer un rôle essentiel dans le développement d’une tumeur au sein d’un nouvel hôte.

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Tableau 3 : Comparaison des tumeurs naturellement transmissibles chez les animaux. TVTC : Tumeur vénérienne transmissible canine, TFTDT : Tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie, CMH : Complexe majeur d’histocompatibilité.

Tumeur vénérienne Tumeur faciale transmissible du diable Néoplasies disséminées des bivalves transmissible canine du Tasmanie (TFTD1 et 2) Mye commune (clam) (Mya arenaria) Moule (Mytilus trossulus) Espèces affectées Chiens (Canis lupus familiaris) Diables de Tasmanie (Sarcophilus harrisii) Coque commune (Cerastoderma edule) Palourde dorée (Polititapes aureus) > 6000 ans s > 20 ans pour TFTD1 Date d'apparition > 40 ans et < 11000 ans 5 cas entre 2014 et 2015 pour TFTD2 Côtes atlantiques nord (M. arenaria) Côtes pacifiques nord-ouest Distribution Monde entier Tasmanie (M. trossulus) Côtes atlantiques espagnoles (C. edule et P. aureus) Type cellulaire Cellule phagocytaire Cellule de Schwann Hémocyte d'origine mononucléée Conditions de Lors de l’accouplement, par Via des morsures lors de comportements transmission et Par filtration d’eau de mer contaminée micro-lésions de la muqueuse sociaux (accouplement, accès à la d'implantation des par des cellules tumorales génitale nourriture) cellules tumorales Oui (mais inoculation possible à Non (transmission de V. corrugata à Spécificité d’espèce Oui des coyotes, loups et renards) P. aureus) Localisation des Muqueuses génitales Face Hémolymphe tumeurs primaires

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Tableau 3 (fin).

Phase de progression, puis de Progression rapide de la tumeur (fatale en Evolution Inconnue (probablement rapide) stabilisation à régression 6 mois environs) Fréquentes (> 60 % des cas) pour TFTDT1, Métastases Peu fréquentes (0 à 5 % des cas) 100 % (envahit tous les tissus) inconnues pour le TFTDT2 Proche de 100 % pour la TFTDT1, inconnu Variable selon l’espèce et la Mortalité Rare pour la TFTDT2 localisation Implication d'éléments Oui (LINE) Non Oui (Steamer) transposables Eléments en faveur de chromotripsis6, Eléments en faveur de stabilité moindre que la TVTC (émergence Caryotype chromotripsis mais relativement Aneuploïde, polyploïdie rapide de nouvelles lignées), polyploïdie stable fréquente Inhibition de l’expression du Mécanisme CMH durant la phase de d'échappement à la Défaut de présentation du CMH à la surface progression puis expression dans Inconnu surveillance cellulaire (régulation épigénétique) la phase de régression (rôle de immunitaire cytokines) Phases d’évolution rapide, au détriment de Phases d’évolution rapide, au Equilibre avec l’hôte Etat d’équilibre avec l’hôte l’hôte détriment de l’hôte

6 Chromotripsis : phénomène au cours duquel de nombreux (parfois des milliers) réarrangements chromosomiques se produisent lors d’un événement unique.

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Figure 22 : Caractéristiques fondamentales du cancer. D’après Hanahan et Weinberg, 2011.

L’acquisition de ces caractéristiques dépend largement d’une succession d’altérations du génome des cellules tumorales. Ces dernières permettent alors à des sous-clones d’obtenir des avantages sélectifs permettant leur développement voire leur dominance, à un niveau local dans un premier temps. Outre les mutations, des mécanismes épigénétiques peuvent également être à l’origine de caractéristiques phénotypiques héritables. L’accumulation de mutations pourrait ainsi passer par une sensibilité accrue à des agents mutagènes et/ou par un défaut d’éléments intervenant dans le maintien de l’intégrité du génome (système de reconnaissance des altérations et d’activation des réparations du génome, systèmes de réparation de l’ADN et systèmes d’interception d’éléments mutagènes). Il semblerait aussi que la perte des télomères joue un rôle dans l’instabilité du génome (Hanahan et Weinberg, 2011). Dans le cadre de la TFTDT, la longueur des télomères semble faire l’objet d’un monitorage et d’une régulation assez précise. Les télomères courts sont allongés par l’activation du gène TERT de la télomérase, alors que les télomères longs sont protégés d’une élongation supplémentaire par des membres du

106 complexe shelterin. Dans ce cancer, les cellules semblent donc protégées d’une instabilité trop importante liée aux télomères, favorisant ainsi leur prolifération (Ujvari et al., 2012).

Les altérations du génome peuvent être acquises de façon graduelle, et donc progressive, afin d’accumuler des avantages sélectifs. Cependant, des études plus récentes se basant sur l’analyse du caryotype sont également en faveur d’événements ponctuels de grande ampleur aboutissant à une hétérogénéité intra-tumorale marquée qui sera lissée ensuite par des modifications mineures. Ces événements ponctuels sont en général suivis d’altérations majeures du transcriptome (Stephens et al., 2011). Des événements de ce type ont certainement dû intervenir au cours de l’évolution de la TVTC et de la TFTDT. Des phénomènes de chromotripsis (réarrangement massif intervenant lors d’un unique événement) du génome ont notamment été évoqués pour expliquer les altérations majeures du caryotype qui ont été observées dans ces tumeurs transmissibles (Ujvari et al., 2016c).

Au-delà de la cellule tumorale, la tumeur est en interaction avec des cellules normales qui constituent le microenvironnement tumoral, indispensable à son développement (Hanahan et Weinberg, 2011). La cascade métastatique débute par le développement de cellules tumorales sur un site primaire, comme décrit précédemment, grâce notamment à l’angiogenèse qui permet les apports nutritifs à la tumeur ainsi que l’envahissement local (Nguyen et al., 2009). Les cellules acquièrent ensuite la capacité de compromettre la structure de la matrice extracellulaire et de pénétrer les vaisseaux lymphatiques ou sanguins (intravasation), leur donnant l’opportunité de disséminer et d’atteindre de nouveaux tissus (extravasation) (Hanahan et Weinberg, 2011 ; Nguyen et al., 2009). Dans le cadre de métastases, se pose la question de l’adaptation à un nouvel environnement. En effet, dans de nombreux cancers, la mise en évidence de micrométastases à de nouvelles localisations n’est pas toujours suivie du développement de macrométastases. Les programmes de régulation de la colonisation métastatique restent encore largement incompris même si des lots de gènes, en corrélation avec l’établissement de métastases macroscopiques, commencent à être décrits. Il semble que les cellules tumorales soient capables d’influencer leur microenvironnement, notamment dans des niches particulièrement permissives, et ainsi se développer dans de nouveaux tissus (Hanahan et Weinberg, 2011).

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2. Considérations spécifiques aux tumeurs transmissibles

Dans le cadre de tumeurs transmissibles, les cellules tumorales infectant un nouvel hôte doivent être soumises à un processus similaire. Cependant, des barrières supplémentaires existent. La réponse immunitaire du nouvel hôte doit ainsi être surmontée (tout comme celle de l’hôte initial), avec l’implication ici des barrières de l’histocompatibilité (Ujvari et al., 2016a). À ce titre, des processus communs sont en jeu dans le cadre de la TVTC et de la TFTDT. L’échappement à la reconnaissance par l’hôte est en effet possible en phase de progression et passe par une absence d’expression des CMH à la surface des cellules. Concernant les ND des bivalves, aucune information n’est disponible à ce sujet. Outre cette barrière de la réponse immunitaire, les cellules tumorales de tumeurs transmissibles envahissant les tissus d’un nouvel hôte doivent faire face à des signaux environnementaux négatifs (facteurs d’inhibition de la croissance, défaut de facteurs trophiques) et également promouvoir l’envahissement local. Une différence notable avec des métastases classiques est tout de même présente. En effet, si l’on s’intéresse à la TVTC et à la TFTDT, la transmission de cellules tumorales d’un hôte à un autre est essentiellement mécanique et ne signe pas particulièrement une capacité invasive de ces cellules. Les cellules tumorales sont en effet directement inoculées dans les tissus dans lesquels elles sont censées se développer. Ceci est d’autant plus intéressant que la TVTC, contrairement à la TFTDT, métastase peu au sein du même organisme, indiquant que les étapes de la cascade métastatique décrite plus haut sont peu fréquentes dans ce cancer. Cet exemple indique que seul un nouvel environnement permissif serait nécessaire au développement de nouvelles tumeurs, sans que les cellules tumorales aient pour autant toutes les caractéristiques de cellules tumorales métastatiques classiques (angioinvasion, etc.). Dans les ND des bivalves, cette inoculation mécanique est en revanche peu probable. Les cellules tumorales initialement présentes dans l’hémolymphe et qui envahissent rapidement tous les tissus semblent pouvoir s’extraire de l’organisme hôte par un mécanisme indéterminé. Il n’est pas exclu à ce jour que l’émission de ces cellules tumorales dans l’environnement survienne à la faveur d’un traumatisme ou de la mort des individus porteurs. Dans tous les cas, les cellules tumorales semblent pouvoir infecter de nouveau via la filtration d’eau de mer. Des capacités d’altération de la matrice extracellulaire et d’intravasation semblent donc nécessaires.

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3. Les tumeurs transmissibles, des exemples de cellules souches cancéreuses ?

Après avoir replacé les tumeurs transmissibles au sein de ces mécanismes généraux, une autre problématique émerge concernant le développement de ces cancers. Actuellement, deux théories co-existent pour décrire la progression d’un cancer (Greaves et Maley, 2012) :

- un modèle stochastique, le plus ancien, qui stipule que toutes les cellules peuvent obtenir une capacité de prolifération élevée et donc être à l’origine d’une croissance cellulaire incontrôlée. L’accumulation de mutations aléatoires aboutit alors à la formation de sous-populations hétérogènes de cellules tumorales. C’est la sélection progressive de sous-clones de plus en plus agressifs qui oriente l’évolution de la tumeur ; - le second modèle, plus récent, ou modèle hiérarchique, se base sur l’hypothèse que des cellules souches cancéreuses (CSC) sont présentes. Le cancer proviendrait alors de la transformation d’une petite partie de la population de cellules tumorales : les CSC. Dans ce cas, la cellule initiatrice du cancer possède donc des qualités de cellule souche et est suffisante pour initier le développement d’une tumeur. L’hétérogénéité tumorale résulte alors d’un arrêt de la différentiation des cellules à différents stades, les CSC se trouvant au point de départ de la cascade de différenciation.

La définition d’une CSC se base sur la capacité d’auto-renouvellement et de différenciation en sous-populations hétérogènes (Blau et al., 2001 ; Fuchs et Segre, 2000 ; Weissman, 2000). L’observation et l’histoire des différentes tumeurs transmissibles avec leur origine clonale et leur capacité à passer d’hôte en hôte laisse supposer qu’une population cellulaire à l’origine d’auto-renouvellement existe. Les capacités métastatiques existent dans le cadre des trois tumeurs transmissibles indiquant que les cellules tumorales ont la capacité d’initier le développement d’une nouvelle tumeur. Cependant, ces capacités de développement et d’implantation dans un nouvel hôte pourraient être seulement dues à une réponse immunitaire réduite du fait de l’expression compromise des CMH à la surface des cellules tumorales. Les nombreuses expériences de xénogreffes réalisées avec des cellules tumorales de TVTC et TFTDT viennent tout de même renforcer cette hypothèse de CSC (O’Neill, 2011). Dans le cadre de la TFTDT, l’expression de certains gènes et

109 marqueurs caractéristiques de cellules souches a été mise en évidence. Il faudrait néanmoins déterminer si cette expression est issue de toutes les cellules tumorales ou d’une sous- population (Murchison et al., 2010). L’autre élément caractéristique d’une CSC est une capacité de différentiation. Les cellules tumorales de la TVTC, de la DFTD et des ND se présentent comme des cellules relativement peu différenciées. Concernant la TVTC et TFTDT, les données d’immunohistochimie témoignent cependant d’une certaine hétérogénéité au sein même d’une tumeur (Marchal et al., 1997 ; Mozos et al., 1996 ; Murchison et al., 2010 ; O’Neill, 2011 ; Tovar et al., 2011b). Bien que la capacité à fournir des sous-populations par des mécanismes de différenciation semble une caractéristique commune des CSC, il ne s’agit en aucun cas d’un élément nécessaire à la définition de ces dernières. Il est tout à fait concevable d’imaginer des CSC à l’origine de sous-populations très peu différenciées.

Une étude réalisée dans le but d’explorer l’hypothèse de CSC dans la TFTDT a étudié le niveau d’expression de treize gènes (AK3, BMI1, DPPA4, FGF14, FZD7, GABRB3, GGTLA5, GPC4, NANOG, Oct-4, RB1, SCNN1A, SOX2) caractéristiques des cellules embryonnaires ou pluripotentes. Aucune différence d’expression de ces gènes n’a été observée entre les cellules de la TFTDT et les cellules normales de nerfs périphériques (Ujvari et al., 2014b). Ces résultats ne permettent cependant pas d’exclure la notion de CSC dans le cadre de la TFTDT bien que des niveaux d’expression élevés de tels gènes auraient été des éléments en faveur de cette théorie.

Il est très probable que des CSC, ou des populations cellulaires assimilées, interviennent dans les tumeurs transmissibles du fait des capacités d’auto-renouvellement extraordinaires observées chez ces dernières (lignées cellulaires de plusieurs dizaines voire plusieurs milliers d’années). D’autres études sont cependant nécessaires pour essayer d’isoler et de caractériser ces potentielles CSC et ainsi appuyer cette théorie.

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B. Importance du microenvironnement tumoral

Paget évoquait déjà en 1889, par l’intermédiaire de sa théorie du « seed and soil », l’importance de la « terre » (« soil » en anglais), à savoir l’environnement direct de la cellule tumorale (facteurs inhérents à l’hôte, stroma, niche, microenvironnement), pour le développement de la « graine » (« seed » en anglais, c’est-à-dire la cellule tumorale elle- même) (Paget, 1889 ; Talmadge et Fidler, 2010). Il est désormais évident que le micro- environnement tumoral joue un rôle très important dans le cancer. Il contribue à l’initiation du processus tumoral, supporte la carcinogenèse et la progression de la tumeur, et participe au processus métastatique (Polyak et al., 2009). La communication entre cellules tumorales et microenvironnement est bi-directionnelle.

Les cellules tumorales modifient leur microenvironnement en créant de nouvelles niches qui sont moins favorables aux autres cellules et qui réduisent le risque de réaction du système immunitaire. Une forte activation de la glycolyse est un phénomène courant dans le cancer. Il s’en suit une modification du microenvironnement qui devient acide (via la production d’acide lactique) et hypoxique. La fermentation du glucose malgré la présence d’oxygène peut sembler paradoxale (effet Warburg) mais semble constituer un avantage pour la tumeur. En effet, ces conditions particulières favorisent l’invasion locale, les métastases, les remodelages du stroma, l’angiogenèse et inhibent l’immunité anti-tumorale (Alfarouk et al., 2013 ; Gabrilovich et Nagaraj, 2009 ; Gatenby et Gillies, 2008 ; Gillies et Gatenby, 2015 ; Hanahan et Weinberg, 2011). Le recrutement de cellules aux propriétés immunosuppressives (cellules myéloïdes suppressives) semble également permettre cette inhibition de l’immunité anti-tumorale (Gabrilovich et Nagaraj, 2009). L’activation de la glycolyse permet également une récupération rapide d’ATP et d’autres éléments (acides nucléiques, acides aminés, lipides) nécessaires à une division cellulaire rapide (Gatenby et Gillies, 2004). Ainsi, une production excessive d’acides serait à l’origine d’un avantage sélectif pour les cellules tumorales durant l’évolution d’un cancer (Gatenby et Gillies, 2004 ; Gillies et Gatenby, 2015). D’autres auteurs ont suggéré une explication alternative en montrant que des cellules tumorales avec un métabolisme oxydatif mitochondrial sont logées dans un stroma constitué de cellules plutôt orientée vers la glycolyse. Ils mettent ainsi en avant un « métabolisme tumoral à deux compartiments » avec un couplage métabolique glycolyse/oxydation (Ertel et al., 2012 ; Whitaker-Menezes et al., 2011). Le cancer constituerait donc un mécanisme de rébellion contre un organisme vieillissant avec

111 des capacités oxydatives mitochondriales diminuées (dysfonction mitochondriale) et donc un passage vers un métabolisme glycolytique systémique. Une relation hôte-parasite se mettrait donc en place dans laquelle le cancer activerait son métabolisme mitochondrial oxydatif en utilisant un milieu riche en nutriments résultant du métabolisme glycolytique des cellules stromales (Ertel et al., 2012). La TVTC a été proposée comme exemple d’un tel processus. Nous avons eu l’occasion de voir que la TVTC avait la capacité de capturer de l’ADN mitochondrial de son hôte permettant ainsi de conserver un métabolisme mitochondrial adéquat dans un contexte de taux de mutations élevé et de pression de sélection diminuée (Ertel et al., 2012 ; Rebbeck et al., 2011). Ce phénomène n’a pas été mis en évidence dans le cadre de la TFTDT (Murchison et al., 2012) et n’a pas été exploré pour les ND des bivalves. Ce transfert d’ADN mitochondrial soutient donc cette hypothèse de deux compartiments métaboliques et l’importance de la phosphorylation oxydative au sein des cellules tumorales en lien avec leur microenvironnement glycolytique. Cet exemple témoigne également de l’importance de la modification du métabolisme énergétique dans le cadre du développement tumoral.

Le rôle essentiel de ce microenvironnement associé aux tumeurs transmissibles peut également être illustré par le fait que le développement de la TVTC et de la TFTDT semble en lien étroit avec des sécrétions autocrines et paracrines de cytokines avec intervention des lymphocytes infiltrant la tumeur. Ainsi, le développement de la TVTC est lié à une valeur seuil de TGF-β dans l’environnement direct des cellules tumorales (Hsiao et al., 2008). La présence (ou non) de lymphocytes infiltrant la tumeur dans le microenvironnement et les signaux qui en découlent semblent également être en lien avec la dynamique d’évolution des TVTC et TFTDT (Hsiao et al., 2008 ; Pye et al., 2016a).

Un autre élément de l’environnement tumoral est la présence des enzymes MMP-2 et MMP-9 (métalloprotéinases), qui a été documentée dans la TVTC en ayant recours à des techniques d’immunohistochimie et de western blot. Ces enzymes sont des endopeptidases qui dégradent les protéines des matrices extracellulaires. Elles ont un rôle prépondérant dans le cancer du fait de leur capacité à dégrader les membranes basales qui contient du collagène de type IV, notamment dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Il s’agit en effet d’une des premières étapes dans le processus métastatique que nous avons rappelé plus haut. Il existe donc une relation étroite entre expression des MMP, qui façonnent le micro- environnement, et invasion locale des tumeurs (Akkoc et al., 2017).

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Concernant les tumeurs transmissibles, se pose également la question de la présence de « compagnons de voyage » ou « fellow travellers », à savoir de cellules stromales anormales sélectionnées accompagnant les cellules tumorales lors d’un processus métastatique. Ces dernières conféreraient ainsi une niche optimale pour accompagner l’implantation et le développement de cellules tumorales (Polyak et al., 2009). Les tumeurs transmissibles pourraient représenter un bon modèle pour étudier cette théorie. En effet, les tumeurs transmissibles représentent un contexte particulier où en plus de devoir s’adapter à un nouvel environnement au sein d’un nouvel hôte, les cellules tumorales doivent surmonter les barrières faisant obstacle à l’envahissement de cet hôte. Ce phénomène passe, comme nous l’avons vu, par la mise en place d’un microenvironnement propice. Il reste donc a déterminer si les cellules tumorales sont auto-suffisantes ou si des « fellow travellers » pourraient intervenir (Ujvari et al., 2016a).

C. Rôle central du complexe majeur d’histocompatibilité

Dans la TVTC et la TFDT, le développement de la tumeur est en lien avec un défaut de CMH I à la surface des cellules tumorales. Durant la phase de progression de la TVTC, le niveau d’expression de la microglobuline-β2 et des protéines du CMH I est bas. Pourtant, des CMH I persistent à la surface cellulaire probablement pour prévenir la destruction des cellules tumorales par les NK. Une hypothèse de co-évolution a été proposée et repose sur le fait que les variants de TVTC qui n’exprimaient aucun CMH I ont été éliminés. Ces variants auraient été soumis à des forces de sélection positives et négatives pour échapper le plus efficacement possible aux lymphocytes T et aux NK durant le développement tumoral (Fassati et Mitchison, 2010). De façon similaire, le CHM II n’est pas exprimé durant la phase de progression et son expression lors de phase de régression est à l’origine d’une réponse humorale dirigée contre les cellules tumorales (Das et Das, 2000 ; Murgia et al., 2006). La régulation via des signaux autocrines et paracrines impliquant les cytokines IL-6, IFNγ et TGFβ a été détaillée plus haut (voir partie I – F). Ainsi, une valeur seuil de TGFβ semble devoir être atteinte pour que la tumeur puisse se développer dans son nouveau microenvironnement. Ce phénomène pourrait expliquer le faible taux de métastases observé et le fait que ces dernières interviennent davantage chez des individus immunodéprimés (Hsiao et al., 2008). Dans le cadre de la TFTDT, une régulation épigénétique semble en jeu

113 dans l’inhibition de la présentation des CMH à la surface cellulaire mais l’absence de destruction des cellules tumorales par les NK, malgré une absence du CMH I, reste incomprise. Des éléments indiquant l’existence de cellules exprimant le CMH I en association avec une réponse immunitaire et une potentielle régression tumorale sont maintenant disponibles (voir partie II – F).

Les mollusques, tout comme les autres invertébrés, ne possèdent pas de CMH. Un mécanisme de reconnaissance du soi et du non-soi a tout de même été évoqué (il pourrait être spécifique aux mollusques, se rapprocher du système fusion/histocompatibilité des ascidies coloniales ou bien être similaire au CMH) (Metzger et al., 2015 ; Voskoboynik et al., 2013). Ce dernier pourrait avoir un rôle dans la reconnaissance et l’élimination des cellules tumorales des ND. Cette piste doit néanmoins être explorée.

D. Importance des caractéristiques de l’hôte : le macro- environnement

De nombreux éléments ont pu démontrer l’importance du génotype de l’hôte dans la carcinogenèse. Des études de cohorte ont montré des différences de génotype en lien avec la capacité individuelle à promouvoir la croissance tumorale via l’angiogenèse notamment, la susceptibilité au développement de tumeurs, ainsi qu’au risque de métastase (Hunter, 2004 ; Polyak et al., 2009). Cette prédisposition est bien documentée chez les bivalves, où certaines populations semblent plus sensibles que d’autres au développement de tumeurs. Il est possible de citer l’exemple des hybrides de Mercenaria spp qui présentent une forte prédisposition génétique à la néoplasie des gonades (Barber, 2004) ou encore C. virginica, où des prévalences très différentes sont observées en fonction des élevages étudiés (Carballal et al., 2015).

En ce qui concerne la TVTC et la TFTDT, aussi bien le chien que le diable de Tasmanie ont été confrontés à des goulots d’étranglement dans leur histoire récente. Le diable de Tasmanie a été marqué par un effet fondateur insulaire, il y a environ 14 000 ans, et le chien par la domestication, il y a environ 15 000 à 100 000 ans, puis par la formation des races, il y a 400 à 5 000 ans (Murchison, 2008). Cette histoire particulière a participé à la faible diversité génétique (notamment du CMH) qui a pu être mise en évidence chez le

114 diable de Tasmanie (Jones et al., 2004 ; Siddle et al., 2007a) et qui a possiblement existé dans la population de chiens d’où a émergé la TVTC. En effet, une analyse génétique laisse penser que l’animal fondateur pour la TVTC était homozygote à de nombreux loci (Murgia et al., 2006). Cette faible diversité aurait pu contribuer au passage initial de la tumeur d’un individu à un autre pour ensuite évoluer et développer les caractéristiques nécessaires au passage entre des individus à diversité génétique plus importante, notamment vis-à-vis du CMH (Ujvari et al., 2016c). Dans le cas des ND des bivalves, des stress environnementaux pourraient être impliqués et ainsi créer un milieu permissif au développement de la maladie (Metzger et al., 2015). Ces éléments restent des suppositions puisqu’aucune preuve solide n’a été fournie à ce sujet.

E. Éléments en faveur d’une plasticité tumorale : des tumeurs hautement adaptables à leur micro- et macro-environnement

Une relation hôte-parasite s’établit entre une tumeur transmissible et le nouvel organisme qui l’héberge. Une dynamique se met donc en place dans laquelle la plasticité phénotypique (générée par des modifications génétiques et épigénétiques) joue un rôle essentiel (Gatenby et Gillies, 2008). En effet, pour s’adapter à un nouvel environnement, les cellules doivent pouvoir modifier leur phénotype de façon réversible afin de pouvoir amorcer des transitions entre phases de vie rapides et phases de vie plus lentes. Il a été mis en évidence qu’en fonction des ressources disponibles pour les cellules dans l’environnement, le niveau de méthylation du génome pouvait être adapté. En cas de ressources abondantes, un phénotype caractérisé par une prolifération cellulaire plus importante peut se mettre en place par hypométhylation des oncogènes et hyperméthylation des promoteurs des gènes suppresseurs de tumeurs. Lorsque le milieu devient défavorable, ce profil de méthylation peut de nouveau être ajusté. L’hyperméthylation des gènes responsables de la reconnaissance immunitaire peut également contribuer à l’évasion immunitaire. L’hypométhylation de gènes impliqués dans l’adhésion cellulaire promeut quant à elle le pouvoir invasif. La régulation de l’expression de certaines protéines (notamment par des modifications épigénétiques) a bien été caractérisée dans la cascade métastatique mais ces éléments n’ont que très peu été étudiés dans le cadre des tumeurs transmissibles (Aktipis et al., 2013 ; Hanahan et Weinberg, 2011 ; Rodenhiser, 2009).

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La TFTDT, bien que stable au niveau génétique et génomique (Deakin et al., 2012 ; Murchison et al., 2012), montre des signes de plasticité concernant le profil de méthylation du génome lui conférant certainement une certaine plasticité pour envahir de nouveaux hôtes (Ujvari et al., 2013). D’autre part, il a été montré qu’une hypoacétylation des histones (c’est-à-dire des modifications épigénétiques) était à l’origine d’un défaut d’expression du CMH et donc d’un échappement à la reconnaissance du système immunitaire de l’hôte (Siddle et al., 2013). Ce dernier élément montre bien que les modifications épigénétiques sont en lien direct avec le comportement de la tumeur. Il a également été établi que la TFTD semblait dériver d’une cellule de Schwann. Le niveau de méthylation du génome de ce type cellulaire est relativement élevé par rapport aux autres tissus. Des données similaires ont été observées dans les cellules de la TFTDT (Ujvari et al., 2013). Les cellules du système nerveux périphérique, et en particulier les cellules de Schwann, possèdent une plasticité très importante qui repose essentiellement sur des modifications épigénétiques (Masaki et al., 2013). Un fait remarquable a d’ailleurs été décrit en lien avec ce type cellulaire. Lors d’un cas d’infection par Mycobacterium leprae, la bactérie semble avoir « reprogrammé » épigénétiquement des cellules de Schwann en cellules progénitrices (s’apparentant à des cellules souches). Les cellules infectées possèdent alors des propriétés de prolifération, de migration et d’immunomodulation (Masaki et al., 2013). Il est ainsi possible que la plasticité phénotypique très importante des cellules de Schwann ait contribué au développement le TFTDT et éventuellement à l’acquisition de caractéristiques de CSC.

Comme nous avons eu l’occasion de le voir précédemment, l’expression du CMH à la surface des cellules tumorales joue un rôle très important dans l’adaptation de la tumeur à son environnement (voir partie IV – C). Ce rôle prépondérant du CMH a été montré pour la TVTC et la TFTDT mais l’implication d’un système d’histocompatibilité reste à démontrer pour les ND des bivalves.

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F. Les tumeurs transmissibles, des cancers évolutifs en lien avec leur hôte

Les tumeurs évoluent en permanence et sont soumises à de nombreuses pressions de sélection. Les tumeurs transmissibles, du fait de leur extraordinaire persistance dans le temps, nous permettent donc d’étudier de façon plus poussée ce processus évolutif et même, pour être plus précis, la co-évolution avec leurs hôtes.

La TVTC et la TFTDT sont deux tumeurs transmissibles montrant une grande stabilité génomique et caryotypique. La TVTC semble circuler dans l’espèce canine depuis plusieurs milliers d’années et est considérée aujourd’hui comme la lignée de cellules somatiques la plus ancienne existante. Malgré son ancienneté et le fait qu’elle ait traversé les continents il y a environ 500 ans en portant de nombreuses mutations et des réarrangements importants de son génome, elle est remarquablement stable et ne semble pas avoir donné lieu à une population de sous-clones hétérogènes (Murchison et al., 2014 ; Ujvari et al., 2016c).

Concernant la TFTDT, bien que l’origine clonale de cette tumeur soit clairement démontrée, plusieurs études ont révélé la présence de quatre lignées relativement proches mais distinctes du point de vue caryotypique (Deakin et al., 2012 ; Murchison et al., 2012 ; Pearse et al., 2012). Malgré ces différences caryotypiques caractéristiques, les différentes lignées semblent rester tout à fait comparables d’un point de vue génomique et épigénomique (Murchison et al., 2012 ; Ujvari et al., 2013). La présence de caryotypes anormaux est par ailleurs un phénomène courant dans les cancers non transmissibles et pourrait intervenir comme mécanisme d’adaptation au mode de vie asexué des cellules cancéreuses (Merlo et al., 2010). Concernant la TFTDT, il a été montré que la tétraploïdie était associée à un taux d’infection plus faible et des effets moindres sur la population alors que la diploïdie est en lien avec une rapide augmentation de la prévalence, un déclin de population et une diminution de la moyenne d’âge de la population (Hamede et al., 2015). Par ailleurs, il a été établi que des populations de diables de Tasmanie atteintes par la TFTDT et soumises à des programmes d’abattages sélectifs présentaient des cellules tumorales évoluant vers la tétraploïdie (Ujvari et al., 2014a). Les cellules cancéreuses, de façon similaire à des organismes asexués, ne subissent pas de recombinaison méïotique et sont donc particulièrement exposées à une perte d’hétérozygotie. Ainsi, par cette altération des cycles cellulaires et cette tolérance plus élevée aux mutations délétères, les

117 réarrangements chromosomiques font partie des mécanismes permettant de lutter contre la décadence génomique (Merlo et al., 2010). La fréquence élevée de la tétraploïdie dans la lignée tumorale la plus ancienne de la TFDT suggère bien qu’il puisse s’agir d’un mécanisme compensatoire pour pallier les dommages du génome. Les modifications rapides de ploïdie montrent également que la TFTDT évolue de façon dynamique en s’adaptant en permanence à son environnement (Ujvari et al., 2016c).

La TFTDT constitue également un modèle idéal pour étudier l’adaptation de l’hôte (le diable de Tasmanie) à la circulation d’une maladie dans la population. La TFTDT ayant fait son apparition il n’y a qu’une vingtaine d’années, elle rend possible la comparaison d’individus antérieurs et postérieurs à son émergence. Une première étude s’est intéressée à une éventuelle sélection de loci sur une échelle temporelle et spatiale en étudiant la fréquence d’allèles via un séquençage de type RAD (restriction-site associated DNA). Malheureusement, les résultats de cette étude, peu congruents entre les populations, étaient ininterprétables (Brüniche-Olsen et al., 2016). Une seconde étude, utilisant des techniques similaires d’étude du génome (mise en évidence de SNPs en utilisant du séquençage RAD), a montré des signes de réponse évolutive rapide associée à la sélection importante imposée par la TFTDT. Deux régions du génome en lien avec la réponse immunitaire ou avec le risque du cancer chez l’homme montrent des signes de sélection qui concordent dans les populations. Sept gènes seraient concernés avec notamment CD146 et THY qui agissent comme régulateurs du système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre cellules et dans l’adhésion cellulaire. Ces conséquences sur le génome du diable de Tasmanie seraient intervenues sur une période très courte de 4 à 6 générations (Epstein et al., 2016). La TFTDT est donc une tumeur transmissible relativement stable qui montre tout de même des signes d’évolution rapide à travers l’émergence de différentes lignées tumorales. La TFTDT semble par ailleurs exercer une pression de sélection importante sur son hôte, le diable de Tasmanie, du fait des prévalences élevées et de sa létalité, avec des conséquences objectivables sur le génome de ce dernier.

Les ND des bivalves, et notamment celle de M.arenaria, montrent des signes d’instabilité génétique. La mise en évidence de l’origine clonale de ces tumeurs reste très récente. C’est pourquoi peu d’éléments sont actuellement disponibles. Cette instabilité très importante et le développement des ND seraient liés à l’activation du retrotransposon Steamer. La polyploïdie (tétraploïde) et l’aneuploïdie sont également des caractéristiques

118 communes dans les ND des bivalves (Carballal et al., 2015). Dans le cas M. arenaria, l’analyse de séquences microsatellites a permis de montrer une divergence génétique à l’origine de différents sous-clones sur la côte atlantique ouest (Metzger et al., 2015). Ces éléments témoignent d’une instabilité prononcée du génome de cette tumeur transmissible. La modification du nombre de chromosomes pourrait être en lien avec les perturbations majeures associées au développement du cancer ou constituer, comme évoqué pour la TFTDT, un mécanisme de lutte contre le vieillissement du génome. Ainsi, les caractéristiques génétiques, chromosomiques et phénotypiques indiquent que des forces de sélection telles que la pollution, la surpopulation, que le microenvironnement au sein de l’hôte contribuent à orienter le développement et la progression des cellules tumorales des ND (Ujvari et al., 2016c).

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CONCLUSION

Les tumeurs naturellement transmissibles constituent des entités fascinantes qui semblent défier de nombreux principes de la biologie classique des cancers. Il s’agit de populations cellulaires tumorales qui circulent d’hôtes en hôtes depuis des dizaines d’années (ND des bivalves et TFTDT) voire des milliers d’années (TVTC), adoptant ainsi un mode de vie parasitaire avec tout ce que cela implique. Le développement de ces tumeurs se fait en lien étroit avec leur hôte, établissant ainsi un processus de co-évolution. La plasticité tumorale est poussée à l’extrême de façon à s’adapter en permanence à son environnement, pour pallier un mode de vie asexué et également pour échapper aux défenses immunitaires de l’hôte. Ces formes de « super cancers » constituent un modèle unique d’étude de la biologie tumorale offrant encore de nombreuses perspectives. Les tumeurs transmissibles semblent constituer des phénomènes exceptionnels et peu répandus dans la nature. Cependant, la découverte récente de la TFTDT2 et les travaux de Metzger sur les ND des bivalves ont permis de montrer qu’il s’agissait d’un phénomène plus répandu que ce que l’on pensait auparavant et qu’une transmission interspécifique naturelle était envisageable pour certaines (Metzger et al., 2016). Loin de constituer actuellement une réelle menace pour l’homme, les tumeurs transmissibles, quoiqu’exceptionnelles, restent possibles au sein de l’espèce humaine comme nous l’avons vu à travers les quelques exemples de l’introduction. Très récemment, a été publié dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine, le cas surprenant de la transmission de cellules tumorales du vers intestinal Hymenolepis nana à un homme infecté par le virus de l’immunodéficience humaine7. Ce cas tout à fait étonnat confirme que cette menace, bien que minime, n’en demeure pas moins réelle et que, sous certaines conditions, le cancer peut se comporter comme un agent infectieux au sein de l’espèce humaine, avec même parfois un

7 Il s’agissait de tumeurs multiples (pulmonaires, hépatiques, nodales) dont les caractéristiques histologiques n’évoquaient aucune tumeur humaine connue, bien qu’elles présentassent des caractéristiques de cellules cancéreuses. Les examens complémentaires (analyse génomique, hybridation in situ, immunomarquages) ont indiqué que ces cellules n’étaient pas d’origine humaine mais provenaient d’un cestode de l’espèce Hymenolepsis nana.

121 franchissement de la barrière d’espèce, repoussant toujours un peu plus loin nos concepts de la biologie du cancer (Muehlenbachs et al., 2015).

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LES TUMEURS NATURELLEMENT TRANSMISSIBLES : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

NOM et Prénom : CROZET Guillaume Résumé : À ce jour trois tumeurs naturellement transmissibles, circulant d’un individu à un autre, ont été décrites. Il s’agit de la tumeur vénérienne transmissible canine (ou sarcome de Sticker), de la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie et de la néoplasie disséminée des bivalves (ou leucémie des mollusques). La tumeur vénérienne transmissible canine est la plus ancienne lignée cellulaire connue. Elle circule au sein de l’espèce canine (Canis lupus familiaris) depuis plusieurs milliers d’années et dans le monde entier. La transmission intervient majoritairement lors de l’accouplement. Cette tumeur, d’origine histiocytaire supposée, affecte donc en premier lieu les organes génitaux des deux sexes. La tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie a, quant à elle, une origine plus récente (une vingtaine d’années environ) et affecte les diables de Tasmanie (Sarcophilus harrisii) sur l’île du même nom. Cette tumeur, supposée dérivée des cellules de Schwann, est transmise par morsure au niveau de la face. La néoplasie disséminée des bivalves aurait, elle, émergé il y a une quarantaine d’années sur la côte ouest de l’océan Atlantique, dans l’espèce Mya arenaria (Mye commune). Cette tumeur d’origine hémocytaire supposée a récemment été décrite dans d’autres espèces de bivalves. Les individus s’infecteraient en filtrant de l’eau de mer contaminée par des cellules tumorales. Dans ces trois exemples, divers mécanismes d’échappement des tumeurs aux défenses immunitaires de l’hôte permettent la colonisation de nouveaux hôtes. Dans le cadre de la tumeur vénérienne transmissible, des signaux paracrines et autocrines permettent le passage d’une phase de progression de la tumeur à une phase de régression jusqu’à une possible guérison, en modulant l’expression du complexe majeure d’histocompatibilité (CMH). L’épigénétique joue un rôle prépondérant dans la tumeur faciale transmissible du diable de Tasmanie en limitant l’expression du CMH par les cellules tumorales, permettant la progression de la tumeur au sein d’un nouvel individu jusqu’à sa mort. Concernant les néoplasies disséminées des bivalves, un système de reconnaissance immunitaire de type CMH semble impliqué dans la progression de la maladie et dans l’infection de nouveaux individus, avec parfois des transmissions interspécifiques. Les micro- et macro- environnements tumoraux jouent donc un rôle prépondérant dans le développement de ces tumeurs transmissibles qui constituent des modèles originaux d’étude du cancer. Ce travail de synthèse présente ces trois tumeurs et discute de leurs similitudes et différences.

Mots clés : TUMEUR / NÉOPLASIE / CANCER / MALADIE VÉNÉRIENNE /SARCOME DE STICKER / CELLULE DE SCHWANN / TUMEUR FACIALE / MALADIE TRANSMISSIBLE / CHIEN / BIVALVE / DIABLE DE TASMANIE

Jury : Président : Pr C. HAMONET Directeur : Dr E. REYES-GOMEZ Assesseur : Pr F. PILOT-STORCK

NATURALLY TRANSMISSIBLE TUMOURS: A LITERATURE REVIEW

SURNAME and Given name: CROZET Guillaume

Summary Currently, three naturally occurring transmissible tumours, circulating from one individual to another, are described. They are usually reported as canine venereal transmissible tumour, devil facial tumor disease and disseminated neoplasia of bivalve molluscs. Canine venereal transmissible tumour is the most ancient known cell lineage and has been spreading among dogs (Canis lupus familiaris) all around the world for thousands of years. Transmission mainly occurs during mating. As a consequence, this tumour of presumed histiocytic origin primarily affects genitals of both males and females. Devil facial tumor disease has a more recent origin (about twenty years) and occurs in Tasmanian devils (Sarcophilus harrisii). This tumour is believed to originate from Schwann cells. It is transmitted by biting and mainly affects the face. Disseminated neoplasia arose forty years ago on the Atlantic West Coast in soft-shell clams (Mya arenaria). Other bivalve species have recently been discovered to be affected by a similar transmissible leukaemia-like neoplasia. Individuals appear to be infected through filtration of sea water contaminated by neoplastic haemocytes. In those three tumours, several mechanisms are involved in the escape from the host immune system. In canine venereal transmissible tumour, paracrine and autocrine signalling are involved, early in progression and later in regression of the tumour, by acting on the expression of the major histocompatibility complex (MHC). In devil facial tumour disease, epigenetic modulation alters the expression of the MHC on neoplastic cell surface, leading to tumour progression within new hosts until death occurs. In disseminated neoplasias, a MHC-like system seems to be involved in the progression of the disease and spreading between individuals, with occasional interspecific transmission. Hence, tumoral micro- and macro-environments have a key role in the development of such cancers and transmissible tumours represent original models for cancer research. This review presents the three naturally transmissible tumours and then discusses about their similarities and differences.

Keywords: TUMOUR / NEOPLASIA / CANCER / VENEREAL DISEASE / STICKER SARCOMA / SCHWANN CELL / FACIAL TUMOUR / TRANSMISSIBLE DISEASE / DOG / BIVALVE MOLLUSC / TASMANIAN DEVIL

Jury: President: Pr. C. HAMONET Director: Dr. E. REYES-GOMEZ Assessor: Pr. F. PILOT-STORCK