Un Portrait Des Conseillers Municipaux Au Nunavik (1979-2014)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Document généré le 24 sept. 2021 16:57 Recherches amérindiennes au Québec « À chacun son tour de service » Un portrait des conseillers municipaux au Nunavik (1979-2014) “Each One Takes a Turn” The profile of municipal representatives in Nunavik (1979-2014) “A cada uno su turno de servicio” Un retrato de consejeros municipales en Nunavik (1979-2014) Caroline Hervé Identités, savoirs, archéologie… Résumé de l'article Volume 45, numéro 2-3, 2015 Cet article présente une analyse quantitative et qualitative de la vie municipale au Nunavik au cours de la période 1979-2014. La collecte des noms des élus URI : https://id.erudit.org/iderudit/1038046ar municipaux des trente-cinq dernières années dans les quatorze villages du DOI : https://doi.org/10.7202/1038046ar Nunavik a permis de dresser leur profil statistique. Quatre principaux éléments sont analysés : la représentation féminine, la longueur des mandats, Aller au sommaire du numéro le poids des groupes familiaux et l’âge des élus. Il en ressort que l’investissement dans la vie municipale constitue plutôt une responsabilité collective qu’individuelle. Les principales familles étendues des villages assurent une présence continue de leur groupe au sein du conseil municipal en Éditeur(s) élisant à tour de rôle ceux de leurs membres qui détiennent les savoirs Recherches amérindiennes au Québec nécessaires à la gouverne municipale. L’investissement dans la vie municipale constitue ainsi un don, de la part de certains individus expérimentés, au groupe auquel ils appartiennent. La constante pression qu’exerce la ISSN communauté sur les élus municipaux leur rappelle que leur fonction n’est pas 0318-4137 (imprimé) tant de diriger ceux qu’ils représentent que de les servir. 1923-5151 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Hervé, C. (2015). « À chacun son tour de service » : un portrait des conseillers municipaux au Nunavik (1979-2014). Recherches amérindiennes au Québec, 45(2-3), 137–147. https://doi.org/10.7202/1038046ar Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ « À chacun son tour de service » Un portrait des conseillers municipaux au Nunavik (1979-2014) Caroline Hervé N 1978, L’ASSEMBLÉE nationale du connaître leur profil et la façon dont Département des Québec a voté la Loi sur les villages ils s’investissent dans la vie munici- sciences et du E nordiques et l’Administration régio- pale. Ces données statistiques sont mises développement nale Kativik instituant une adminis- en relief par des éléments de contexte humain et social, tra tion publique locale et régionale historique et culturel dans le but de Université du au Nunavik (Arctique québécois). Au mieux comprendre les dynamiques Québec en Abitibi- cours des années suivantes, afin de locales du pouvoir au Nunavik. Témiscamingue remplacer les conseils communautaires Le développement des organisa- créés dans les années 60, quatorze tions régionales au Nunavik et la municipalités furent incorporées et question de l’autonomie gouverne- placées sous la responsabilité de l’Admi mentale ont suscité beaucoup d’intérêt nistration régionale Kativik (ARK), une de la part des chercheurs en sciences supramunicipalité ayant pour mission, sociales, qui ont un peu délaissé le entre autres, de leur fournir une champ de l’histoire politique locale. assistance technique. Depuis, chaque On connaît en effet moins bien la village est gouverné par un conseil façon dont les Inuits ont investi les municipal ayant la responsabilité structures locales mises en place après d’assurer « la paix, l’ordre, le bon gou- la Convention de la Baie James et du vernement, la salubrité et le bien-être Nord québécois et comment ils y font général sur le territoire de la munici- coexister leurs pratiques informelles palité » (Loi Kativik, art. 166). Ces du pouvoir. Or, il est important de élus locaux veillent à la bonne gestion com prendre comment ces sociétés de leur communauté et prennent des privilégiant le consensus et la coopé- décisions au nom de leurs électeurs. ration (Clastres 1974 ; Hervé 2015 ; Tout en étant des fonctionnaires Therrien 1986) s’adaptent à des visions chargés d’assurer le relais entre leur et des pratiques du pouvoir plus for- communauté et les requêtes bureau- melles mettant l’emphase notamment cratiques de l’administration publique sur le leadership. En ce qui concerne régionale, ils constituent également des le Nunavik, plusieurs monographies, acteurs politiques locaux. Consacré réalisées principalement au cours à ces élus municipaux, conseillers et des années 1960 et 1970, retracent la maires, qui se sont relayés dans les 2-3, 2015 période de développement des com- OS conseils municipaux du Nunavik munautés et la création d’organismes , N depuis leur création, cet article dresse V locaux tels que les conseils commu- un portrait statistique de ces élus sur nautaires ou les coopératives (Arbess . XL la période 1979-2014 pour mieux 1966 ; Dorais 2001 ; Guédon 1967 ; Vol 137 RECHERCHES AMÉRINDIENNES AU QUÉBEC, XLV, NOS 2-3, 2015 Honigmann 1962 ; Larochelle 1972 ; Saladin d’Anglure 1967 ; responsabilités et de leurs expériences, et par une impré- Vallee 1967). La période suivante, qui voit la création des gnation progressive des enjeux locaux et régionaux du pou- conseils municipaux, est cependant moins connue, même si voir du fait de mon engagement dans la vie locale et certains travaux consacrés à la vie politique ou économique associative. Cet article poursuit ainsi une réflexion entamée locale et régionale nous renseignent sur les transformations dans une étude précédente (Hervé 2015) tout en proposant des structures locales du pouvoir (Dorais 2001 ; Hervé 2015 ; une mise à jour des données statistiques et de nouvelles Simard et Duhaime 1981 ; Simard 1982 ; Tulugak et pistes d’analyse. Murdoch 2007). C’est à cette période, qui commence au début des années 1980, que nous nous intéressons ici. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE ADMINISTRATION Le portrait statistique concernant la vie municipale au MUNICIPALE AU NUNAVIK Nunavik dressé dans cet article a été facilité par la collecte Avant leur sédentarisation dans les années 1960, les des noms de tous les conseillers municipaux et maires Nunavimmiuts vivaient en petits groupes composés d’une publiés dans le Répertoire des municipalités du Québec par ou plusieurs familles, le plus souvent apparentées, et ils le ministère des Affaires municipales, Régions et Occupations nomadisaient sur un territoire limité en fonction des saisons du territoire du Québec (MAMROT 1980-2009) [pour la et des migrations du gibier. Dans ces groupes de taille période 1979-2009, voir Hervé 2013, annexe 12]. Les variable, certaines personnes détenaient plus d’influence résultats qui suivent correspondent à la période 1979-2014, que d’autres, souvent parce qu’elles possédaient un bon soit trente-cinq ans de vie municipale au Nunavik. Si la équipement de chasse, des moyens de transport, des majeure partie des conseils municipaux ont été mis en place connaissances au sujet du territoire ou tout autre savoir vital entre 1979 et 1981, deux villages font exception : Umiujaq pour la survie du groupe. Cette richesse matérielle et imma- et Puvirnituq. Umiujaq est un village créé au milieu des térielle allait souvent de pair avec l’âge. Les aînés jouaient années 1980, et son conseil municipal a vu le jour en 1986. ainsi un rôle primordial, étant détenteurs d’un ensemble Puvirnituq a longtemps refusé les termes de la Convention de savoirs essentiels à la survie des jeunes générations. Au de la Baie James et du Nord québécois, et le système de Nunavik, le terme angajuqqaq, traduit communément par municipalité n’y a été instauré qu’en 1989. Par ailleurs, il « parents », désignait la personne qui, dans la parenté, manque à cette collecte l’année 1982, et ce, pour tous les occupait la position prééminente du point de vue de l’âge et villages du Nunavik1. Les listes des élus consignées par le de l’autorité, mais un glissement sémantique s’est opéré MAMROT ne contiennent que les prénoms et les noms des progressivement dans la deuxième moitié du XXe siècle, et élus. Ainsi, toute précision relative au sexe, à l’âge, à la pro- on l’utilise aujourd’hui pour désigner le chef, le supérieur ou le fession, à l’appartenance religieuse – ou toute autre infor- boss (Dorais 1978). Les personnes possédant des habiletés, mation qui aurait pu se révéler utile dans le cadre d’une telle des savoirs et la capacité de communiquer avec le monde analyse – nous est inconnue. Pour pallier ce manque, nous invisible, comme les chamanes, détenaient une influence avons mené des recherches complémentaires, en particulier importante (Saladin d’Anglure 1989) et leur conversion au pour deux villages que nous connaissons bien : Ivujivik et christianisme à partir de la fin du XIXe siècle n’a pas entaché Inukjuak ; ce qui nous permettra de comprendre avec plus leur importance (Blaisel, Laugrand et Oosten 1999 ; de subtilité certaines caractéristiques de la vie municipale Laugrand 2002). Le pouvoir s’exprimait donc à travers les du Nunavik. Les données consignées par le MAMROT pré- interactions informelles du quotidien et notamment par le sentent cependant certaines limites. Les noms des conseil- biais des relations de coopération (Hervé 2015). lers et des maires ne sont pas toujours bien orthographiés ; À partir des années 1960, le gouvernement fédéral puis une même personne peut ainsi apparaître sous des noms le gouvernement québécois ont mis en place une adminis- orthographiés différemment.