Patrimoines du Sud

1 | 2015 Les soieries d’églises Church Silks

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pds/869 DOI : 10.4000/pds.869 ISSN : 2494-2782

Éditeur Conseil régional Occitanie

Référence électronique Patrimoines du Sud, 1 | 2015, « Les soieries d’églises » [En ligne], mis en ligne le 01 février 2015, consulté le 14 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/pds/869 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/pds.869

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La revue Patrimoines du Sud est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modifcation 4.0 International. 1

SOMMAIRE

Dossier

Éditorial Le comité scientifique

Le trésor de la cathédrale de pendant la période tridentine, entre splendeur et sobriété. Édition et commentaire de la visite du cardinal Pierre de Bonzi (1677) Hélène Coulaud

Les ornements liturgiques réversibles : premières approches d’un bilan Josiane Pagnon

Les ornements épiscopaux du XVIIIe siècle des cathédrales de Metz et de Carcassonne et l’atelier parisien de la famille Rocher Danièle Véron-Denise

Varia

Caprier ou aristoloche ? Fortune d’une idée, naissance d’un dessin textile Josiane Pagnon

Observations sur une chape rouge de l’ancienne abbaye de Saint-Papoul (Aude) Josiane Pagnon

Bibliographie sur la paramentique en Languedoc-Roussillon

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Dossier

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Éditorial

Le comité scientifique

Peut-être y a-t-il d’autres connaissances à acquérir, d’autres interrogations à poser aujourd’hui, en partant non de ce que d’autres ont su, mais de ce qu’ils ont ignoré. Serge Moscovici, Essai sur l’histoire humaine de la nature, 1968 Patrimoines du sud voit le jour en ce début d’année 2015.

1 Le comité scientifique est heureux d’annoncer la naissance de cette nouvelle revue scientifique. Son objectif ? Contribuer à la diffusion de la recherche sur le patrimoine du sud de la dans les milieux universitaires, les laboratoires et plus généralement auprès de tous les internautes. Pourquoi ? Parce que la recherche est active, y compris dans les services patrimoniaux, tel l’Inventaire général du patrimoine culturel, à l’initiative du projet ; et ce savoir accumulé doit circuler le mieux possible, trouver ses publics, tout en affichant un haut niveau d’exigence dont nous, comité scientifique, serons les garants. Comment ? Grâce à une revue numérique, seul système de publication offrant à la fois la gratuité, une large diffusion, une visibilité internationale, la souplesse éditoriale et l’enrichissement des contenus grâce aux hyperliens.

2 Les sciences humaines et sociales, champ d’étude de la revue, ne sont pas surdotées en publications régionales. Patrimoines du sud souhaite compléter l’offre existante dans les domaines de l’histoire, de l’histoire de l’art et de l’ethnologie, qu’il s’agisse d’étudier les biens matériels (architecture, urbanisme, objets mobiliers, patrimoine industriel, paysages, archéologie…) ou les patrimoines immatériels (pratiques culturelles, savoir- faire, mémoire...). L’aire géographique retenue est le Languedoc-Roussillon, mais pourra s’étendre au-delà, car la revue favorisera les comparaisons avec d’autres territoires, en France comme à l’étranger. La fusion prochaine des régions Languedoc- Roussillon et Midi-Pyrénées élargira naturellement l’espace géographique de référence, le Conseil régional étant l’éditeur de cette revue.

3 La seconde caractéristique de Patrimoines du sud est sa ligne éditoriale. La revue souhaite encourager de jeunes chercheurs à publier leurs travaux inédits, tout comme

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elle s’autorise l’édition ou la réédition d’études restées confidentielles, faute de diffusion adaptée.

4 Patrimoines du sud sera particulièrement ouvert aux thématiques peu publiées telles que la valorisation de l’archéologie de l’ancienne Gaule Narbonnaise. A cet égard, dans un proche avenir, deux grands chantiers de construction de musées d’archéologie antique en Languedoc-Roussillon – le Musée Régional de la Narbonne antique et le Musée de la Romanité de Nîmes – sont, pour Patrimoines du sud, autant de sources potentielles de contributions (muséographie, valorisation des collections, campagnes de restauration).

5 L’archéologie médiévale régionale ne dispose pas non plus de revues en ligne, alors que des fouilles importantes ont lieu (Aniane, La Maladrerie, Ferrière-les-Verreries…) et que les chantiers d’archéologie préventive apportent sans cesse de nouvelles informations dont il est important de rendre compte.

6 Les services d’archives, municipales, diocésaines ou départementales, recèlent des trésors que les chercheurs utilisent ou transcrivent en totalité ; leur édition commentée permettra d’élargir les sources des futures recherches.

7 Des recherches originales sont en cours, consacrées à l’histoire de l’architecture et du paysage, aux jardins et aux parcs anciens, grâce à la découverte et à la sauvegarde de fonds privés inédits et à l’inventaire systématique de fonds déposés aux archives publiques et mis à disposition des chercheurs.

8 Le patrimoine industriel du Languedoc-Roussillon a fait l’objet d’enquêtes minutieuses ces dernières décennies ; ces vastes travaux permettent aujourd’hui des études thématiques transversales à toute la région et des points de comparaison pertinents. Patrimoines du sud prévoit, par exemple, d’examiner l’industrie extractive, à commencer par celle des marbres, en mariant l’approche des paysages, des vestiges matériels, des savoir-faire et de l’usage social des matériaux. Il faudra par ailleurs revenir sur ces installations et aménagements qui ont façonné, sur la longue durée, les territoires régionaux, tels les réseaux de communication ou les infrastructures souvent monumentales liées à la maîtrise de l’eau.

9 La revue sera semestrielle, avec des numéros thématiques et des numéros généralistes. A côté d’articles de fond où ni le nombre de caractères ni la quantité d’illustrations ne seront comptés, autre avantage de la publication numérique, place est faite dans le sommaire à des Varia. Ces textes, plus courts, proposeront des recensions d’ouvrages récents, des focus sur des découvertes, des alertes sur des sujets d’actualité ou pouvant intéresser la recherche. Ces Varia permettront également de découvrir une œuvre spécifiquement étudiée par l’Inventaire général ou encore de présenter une nouvelle acquisition d’une collection publique.

10 Membres du comité scientifique constitué d’universitaires et de chercheurs de services patrimoniaux, nous signons ce premier éditorial qui vous présente le projet que nous soutenons. Nous nous fixons comme objectif que Patrimoines du sud rejoigne le plus rapidement possible la plateforme des revues numériques en sciences humaines et sociales Revues.org. Cette infrastructure d’initiative publique, qui promeut l’édition électronique ouverte, présente toutes les garanties d’accessibilité, d’interopérabilité, de pérennité ou de référencement à l’échelle internationale qu’exige une telle revue. Afin d’accélérer le processus d’accréditation, les premiers articles seront d’abord hébergés sur le site de l’Inventaire général du patrimoine culturel du Languedoc-Roussillon.

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11 Le premier numéro de Patrimoines du sud accorde la priorité aux soieries d’église. La soie a une valeur hautement symbolique dans cette région. Elle relie le monde religieux au monde laïque, le matériel et le terrien, avec la culture du mûrier, à la technique et à l’esthétique, avec la création des étoffes les plus luxueuses. Cette thématique aborde des métiers sans frontières car, du début du XVIe siècle à nos jours, les étoffes conservées en Languedoc-Roussillon concernent tout autant les Indes portugaises, la Turquie, que Paris.

12 La revue est ouverte : nous attendons vos remarques, vos suggestions et vos propositions. Puisse-t-elle remplir les missions dont nous la chargeons : faire connaître et diffuser plus largement la recherche régionale auprès d’un large public ainsi qu’offrir un espace de publication, notamment aux jeunes chercheurs. En d’autres termes, faire œuvre de connaissance.

13 Nouveaux lecteurs et peut-être futurs auteurs, dans l’esprit de collaboration et de partage qui caractérise notre entreprise, utilisez et diffusez Patrimoines du sud.

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Le trésor de la cathédrale de Narbonne pendant la période tridentine1, entre splendeur et sobriété. Édition et commentaire de la visite du cardinal Pierre de Bonzi (1677)2 The treasures of Narbonne during the Tridentine period, splendour to sobriety. Commented edition of the visit of Cardinal Pierre de Bonzi (1677)

Hélène Coulaud

1 La visite du cardinal de Bonzi, qui n’est qu’une copie du procès-verbal original qui a disparu, est conservée à la Bibliothèque Municipale de Périgueux dans un registre aux armes de Mgr Jean-Chrétien de Macheco de Premeaux, évêque de Périgueux de 1731 à 1771, année de sa mort. Nous n’avons pas pu approfondir la connaissance de ce personnage qui a fait copier des écrits d’une considérable diversité : la visite de Saint- Just est suivie par une copie du testament de Mazarin, de bulles papales du XVIIe siècle, des discours du cardinal de Noailles et de multiples mémoires sur les biens du clergé de France. Sa présence dans les registres de cet évêque périgourdin, féru d’histoire, semble donc inexplicable. Ce document est remarquable par son long développement, même s’il n’est pas exhaustif, surtout en ce qui concerne le trésor. Néanmoins, bon nombre de visites n’atteignent pas un tel degré de précision, ou ne sont plus conservées dans leur intégralité.

2 La cérémonie commence par le passage en revue de toute la cathédrale, chapelle par chapelle, et du cloître, sans oublier les combles et le clocher. Le cortège se dirige ensuite dans les différentes sacristies, en passant par la chapelle de l’Annonciade, la grande sacristie3, le sacraire du grand-autel, pour terminer par le Sacraire. Après la visite du trésor, le cardinal souhaite s’enquérir des coutumes du chapitre et des

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diverses pratiques liturgiques de la primatiale. Une série d’« interrogatoires », divisée en vingt-huit articles, est consignée par M. Candelon, procureur fiscal du cardinal et chanoine de la collégiale Saint-Sébastien de Narbonne. Le nombre des chanoines, la collation des prébendes, les rétributions, les offices, les messes quotidiennes, les processions, la gestion de la mense capitulaire, la librairie et la vie du trésor sont abordés au cours de ces interrogations dont la réponse est minutieusement notée. La visite du cardinal de Bonzi permet donc d’effectuer une sorte d’arrêt sur image sur le chapitre au cœur de la période tridentine.

3 Le trésor de la primatiale est passé en revue sacristie par sacristie. La méthode d’inspection varie d’une salle à l’autre. D’une façon générale, l’orfèvrerie est à peine décrite et comptée, à l’exception des reliquaires qui font l’objet d’une attention particulière. Les objets du sacraire du grand-autel sont simplement évoqués au détour d’une phrase : dans lad. sacristie, il y a une lampe qui brule nuit et jour, entretenue par le chapitre, une armoire dans laquelle le curé enferme les encensoirs et autre argenterie qui sert tous les jours. Le commentaire est donc tributaire de cette inégalité de précision.

4 L’inventaire des ornements est bien plus variable : la visite sous-entend que le sacristain montre les ornements quotidiens et festifs de la grande sacristie, mais il est très probable que ces derniers n’ont même pas été sortis des armoires : les vêtements liturgiques décrits sont presque tous sales et usés, or le procureur de l’archevêque fustige la saleté des vêtements d’usage quotidien. Enfin, le coffre avec les parements de l’autel-majeur n’est pas ouvert. Pour le sacraire du grand-autel, le procureur fiscal ne semble même pas exiger le passage en revue des ornements. Le Sacraire en revanche fait l’objet d’un soin particulier, en raison de la valeur des objets qu’il abrite ; la visite livre des descriptions très précises qui permettent d’établir des comparaisons sûres et de mieux connaître ainsi l’esthétique des objets d’apparat du trésor.

5 Le trésor actuel, conservé dans l’ancienne salle capitulaire, dite la Salle acoustique, est essentiellement composé d’objets issus d’autres trésors ou postérieurs à la Révolution. Les quelques pièces qui proviennent du trésor de Saint-Just sous l’Ancien Régime ne sont pas citées dans le document, sauf les tapisseries modernes et le parement de Charles V. En effet, le célèbre ivoire de la Crucifixion ou le Pontifical de Pierre de La Jugie sont complètement passés sous silence. Il s’agit donc dans ce commentaire de caractériser un certain nombre d’objets disparus, et de renvoyer à d’autres conservés dans divers trésors, cathédrales et musées français ou étrangers. Cette méthode permet de cerner davantage l’aspect visuel et la valeur des objets liturgiques de la primatiale. Cela permet de voir si le trésor de Saint-Just s’inscrit dans l’art méridional ou s’il puise dans d’autres courants esthétiques, et surtout, s’il est à la hauteur des trésors des prestigieuses cathédrales comme celles de Chartres, Rouen, Lyon ou encore Paris.

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Fig 1.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; positionnement du trésor dans le plan de l’édifice

6 La présente édition ne concerne que l’inspection des sacristies de la primatiale où le trésor est conservé ; elle est accompagnée d’un commentaire illustré. Nous avons suivi l’orthographe du scripteur, tout en mettant entre crochets ses oublis de mots ou de lettres. La ponctuation a dû être remaniée pour rendre le sens du texte plus perceptible. Nous faisons ressortir le début de chaque item en le mettant en retrait et en maintenant la numérotation du texte original. Le texte ne comporte que quelques ratures ou erreurs de lettres, qui sont rectifiées et signalées par des appels de notes.

7 L’édition du texte, en italique, est commentée au fur et à mesure, pour plus de commodité. Le commentaire esthétique et technique des pièces ainsi que son illustration, suit donc leur mention dans la visite. Nous renvoyons également systématiquement à des catalogues qui répertorient les objets que nous citons, ce qui permettra au lecteur de les consulter, surtout lorsque nous n’avons pas pu proposer d’illustration. Les références, souvent longues, ne sont pas citées en entier, pour éviter d’alourdir inutilement les notes de bas de page, mais elles sont consignées intégralement dans la bibliographie.

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Fig. 2.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; chœur (stalles du XVIIIe siècle). M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

1677, 17 mars – Narbonne

8 Le cardinal de Bonzy et son procureur fiscal inventorient les objets et le mobilier des sacristies, en présence des deux sacristains, du curé de la paroisse cathédrale et de députés du chapitre.

De l’Annonciade4

9 La chapelle de l’Annonciade (fig. 3) date du début du XVe siècle ; elle a été financée par Jean Corsier, vicaire général de l’archevêque François de Conzié (1491‑1432). Elle est consacrée en 1510. On peut y accéder directement depuis le cloître.

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Fig. 3.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; chapelle de l’Annonciade M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

Visitant la chapelle de l’Annonciade qui est au milieu du cloistre du costé du soleil levant, et au dessous du chapitre rond5, nous trouvames que cette chapelle est fort grande et la voute soutenue par quatre pilliers de pierre de taille, n’ayant qu’environ vingt pieds de hauteur. Que du costé du soleil levant il y a une espece de coeur vouté en coquille, percé de quatre fenestres grillées et vitrées et batty aussy de pierre de taille, que l’autel qui est au milieu dud. cœur est d’une seule pierre, sur un pillier de batisse, sans napes, tapis ny parement et sans autre retable et tableau, que deux images de pierre representant grossierement en relief la Sainte Vierge et saint Gabriel, annonceant le mistere de l’Incarnation. Qu’on monte aud. autel par deux degrez de batisse qui ont besoin d’estre reparéz, et sans marchepied de bois. Qu’il y a du costé de l’Evangile à six pieds d’elevation dans l’espaisseur de la muraille une petite armoire bien bâtie, mais qui n’est pas boisée par le dedans, qui est fermée d’une porte de bois de chene avec sa serrure et verrouil, en bon estat, nous ayant paru vraysemblable que lad. armoire a servi autrefois pour tenir le Saint-Sacrement en reserve, sur ce qu’on nous a representé. Que c’estoit enciennement la pratique de l’enfermer dans des semblables armoires du costé de l’Evangile avant qu’on n’eust l’usage des tabernacles. Que du mesme costé de l’Evangile et dans la nef ou aile gauche de lad. chapelle, il y a un autre autel d’une seule pierre portée par des pilliers de batisse, sans napes, tapis ny parements ; qu’on y monte par un degré de pierre, qui a besoin aussy d’estre reparé et que pour tout retable et tableau, il n’y a qu’une statue vieille et indecente, representant saint Joseph. Que du costé de l’Epitre et dans l’aile droite, il y a un troisieme autel, aussy d’une seule pierre, porté sur un gros pillier de pierre, n’estant led. autel couvert d’aucuns ornements et n’y ayant au dessus qu’un[e] image seulement de saint Roch6 et de l’ange qui pensoit sa playe, estant lesd. images de pierre en relief et en bon estat, que le degré de la batisse par lequel on monte aud. autel a besoin d’estre reparé comme aussy le pavé de lad. chapelle au devant du mestre autel et de l’autel de saint Joseph, ouÌ il y a eu de[s] sepultures. Et ayant procedé aux interrogatoires, lesd. sieurs deputéz et curé repondirent que desd. trois autels il n’y a que celuy du cœur qui paroisse avoir esté consacré, ainsy qu’il resulte des procez-verbaux des precedantes visites ; et que neantmoins M. de Rebé7 ordonna qu’on y porteroit pour plus grande sureté un autel portatif toutes les fois qu’on voudra y celebrer.

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Qu’on tient par tradition, fondée sur la proximité de la tour qui est au vieux palais, que cette chapelle estoit de l’ancienne eglise, que de tout temps, comme il conste par lesd. visites, on y a fait et qu’on y fait encore le service de la paroisse pour les messes basses, hautes et basses des enterrements lorsqu’on ne peut le faire à Nostre-Dame de Bethléem8 sans interrompre l’office du cœur ; qu’il est vray que lors de la visite de M. de Rebé, l’autel du cœur et celui de saint Joseph estoient couverts de napes et parements, mais que depuis quelques années on a negligéz de les tenir ornéz sous pretexte qu’on se sert de lad. chapelle pour y enfermer la tapisserie, contre l’expresse defence de M. de Rebé en sad. visite. Qu’on y enferme encore les escheles et autres bois servant à l’eglise, et que le tapissier de l’eglise en tient la clef. Et sous pretexte encore que le curé dit lesd. messes hautes et basses des enterrements aux autres autels qui sont dans le cloistre, que dans lad. chapelle il n’y a aucune chapelainie9 fondée ny aucune messe base que le chapitre soit obligé d’y faire dire. Et qu’on n’y dit que quelques messes de devotion, quand on les demande. Que led. chapitre entretient lad. chapelle et n’y fait autre service que le lavement des pieds qu’on y va faire le Jeudy Saint, à l’issue de Prime10. Et ce fait, nous nous retirames dans nostre palais, accompagnéz desd. sieurs archidiacres11 et chanoines et autres nos officiers et domestiques.

De la sacristie12

10 La première pierre de la grande sacristie (fig. 4) est posée en 1329 ; l’espace est entièrement voûté. La porte actuelle n’est pas d’époque et se trouvait certainement dans le chœur à l’origine. Cette salle abrite les objets liturgiques nécessaires au culte de toutes les chapelles. Chanoines et intitulés13 s’y bousculent tous les matins pour célébrer leur messe quotidienne.

Fig. 4.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; porte donnant accès à la grande sacristie M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

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Procedant à la visite de la sacristie qui est au costé droit de la chapelle de Saint-Michel, dite à present du Lazare14, et à laquelle on descent par deux marches, nous aurions trouvé que lad. sacristie est voutée et fort basse, que les deu fenestres sont du costé du Levant et celle qui est au midy sont bien vitrées, et qu’il y a des grilles de fer en bon estat, que les deux tables sur lesquelles les prestres qui disent les messes basses s’habilent sont de bois de menuiserie, ayant des tiroirs et des armoires au dessous pour enfermer les ornements et linges de la sacristie, le tapis qui couvre lesd. tables estant dechiré en plusieurs endroits ; l’armoire dans laquelle on enferme les calices, qui est supportée par des crampons de fer, fermée à clef, est tenue assez proprement. Au fonts de lad. sacristie, il y a un petit réduit vouté et bien propre, dans lequel nous avons trouvé une grande armoire ouÌ quelques chanoines en particulier tiennent leurs ornements. Il y a encore un agenouilloir avec la table des préparations à la messe, et un siege pour un confessionnal. Du costé gauche de lad. sacristie, il y a un espece de coffre d’environ six pieds d’hauteur et de quatorze de longueur sur quatre ou cinq de largeur, dans lequel on enferme les parements ou devant d’autel dont on se sert les jours de solemnitéz pour parer le mestre autel de l’eglise. A costé dud. coffre et sur la muraille, il y a une table des messes fondées, ouÌ le sacristain marque chaque semmaine les titulaires qui les doivent dire. Au fonds, et vis-à-vis la porte de lad. sacristie, il y a un confessionnal qui ne sert que pour les titulaires de l’eglise, et à main droite dans le demy rond où estoit anciennement le degré du chapitre, il y a un lavoir avec son aiguiere et deux essuye-mains suspendus sur un roulant. Et ayant fait exibé les ornements qui servent pour les messes basses les jours ouvriers, et ceux dont on se sert le dimanche et faites solemnelles, nous aurions trouvé : Primo : Cinq chasubles blanches, scavoir une d’estoffe de soye fasconnée, toute rompue dont [les] gauffres15 sont encore assez bons et l’estolle et le manipule ne sont pas de la mesme estoffe ; une autre de damas caffart, dont le fonds est rouge et à fleurs blanches ; le bas de lad. chasuble a besoin d’estre reparé ; l’estolle est gattée comme le manipule. Un[e] autre de camelot gauffré, dont le bas de la croix est gatté devant et le manipule a besoin d’estre bordé ; une autre de même etoffe, assez bonne, mais l’etoffe a besoin d’estre degraissée et le manipule estre bordé. Une autre de damas caffart, avec de[s] galons vertes, dont l’etolle a besoin d’estre reparée, et le manipule n’est pas de la mesme etoffe. Secundo : Trois chasuple[s] rouges, scavoir une de camelot ondé, dont le bas de la croix sur le devant est gatté, l’etolle fort engraissée, et le manipule a besoin d’estre bordé. Une autre de mesme etoffe, qui a besoin des mesmes reparations, et dont l’etolle et manipule sont si uzés qu’ils ne peuvent quasi plus servir, et une autre de damas rouge à petites fleurs, fort usée, comme aussy l’estolle et manipule. 3° Trois chasuples vertes, scavoir une de camelot avec un galon vert et blanc, assez bonne, et une autre de mesme etoffe et en assez bon estat, et une de damas caffart, dont le fonds est aurore16 et les fleurs bl[e]ues, laquelle n’estant pas d’une couleur qui scait en usage dans l’eglise17, et n’ayant point d’etole ny de manipule, doit estre interdite. 4° Trois chasuple[s] violetes, scavoir une de camelot gauffré, dont l’etole doit estre degraissée, une autre de mesme etoffe, dont l’etolle a besoin d’estre doublée et le manipule bordé, et une autre d’étoffe de soye à feurs d’or, qui a besoin d’estre reparée par derriere, et dont le manipule doit estre aussy rebordé. 5° Deux chasuples noires dont l’une est de camelot gauffré, assez bonne et l’autre de mesme etoffe, dont le manipule ne vaut rien. Et ayant fait ouvrir l’armoire dans lequel on tient les ornements dont les chanoines18 se servent pour les messes basses, le sacristain ayant exibé lesd. ornements, nous aurions trouvé : Primo : Un[e] chasuple de satin rouge à fleurs de diverses couleurs, avec la bource et voile du calice en bon estat, un[e] autre aussy à fleurs de diverses couleurs de satin rouge, avec la bource des corporaux et voiles du calice, une de satin vert à fleurs de diverses couleurs, et une de velours noir, avec leurs etoles et manipules, leurs bources et voiles de calice en bon estat et assez bien tenues. Et ayant fait exibé les bources des corporaux et voiles du calice qui servent ordinairement pour le commun, nous aurions trouvé lesd. bources et voiles si usées et engraissées qu’il est necessaire de reparer ce qui peut estre reparé et d’en faire de nouveau[x].

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Voulant ensuitte visité les pluviaux qui estoient dans la mesme sacristie, M. Marbert, sacristain, nous auroit exibé : Primo : Huict pluviaux rouges, scavoir de damas à fleur d’or, avec leurs auffres19 en broderie, fort vieux. Deux autres de damas rouge, assez bons, et deux de camelot qui ne valent plus rien. Secundo : Il nous auroit exibé deux pluviaux blancs, fort uséz par derriére, et deux de camelot gauffré qui sont en bon estat. 3° Il nous auroit exibé quatre pluviaux de damas vert dont les chaperons sont uséz, et finalement quatre pluviaux de damas jaune, assez bons, et deux de camelot de la mesme couleur, fort uséz et tachéz. Et nous ayant fait représenter les devants d’autel [avec] lesquels on pare le mestre-autel les jours de solemnitéz, nous aurions trouvéz en assez bon estat et enjoint au sacristain du petit sacraire20 de faire reparer ceux qui ont besoin d’estre recousus et de faire mettre un passis21 à l’un de ceux qui furent donnéz par M. de Vervins22. Et led. sacristain nous ayant representé les missels et cayers de[s] morts23, aurions trouvé qu’il n’y a que trois missels à l’usage de Narbonne, dont l’un a besoin d’estre relié et qu’il n’y en a point à l’usage romain pour les etrangers, que les deux cayers de[s] morts sont en assez bon estat, comme aussy les burettes et autres choses necessaires pour la celebration de la Sainte Messe, ayant renvoyé la verification des corporaux, purificatoires, aubes, amicts et autre linge de la sacristie à la visite du petit sacraire, ouÌ l’inventaire nous doit estre remis par celuy qui en est chargé. Et procedant aux interrogatoires tels que de droit, les deputés du chapitre et led. Marbert, sacristain, auroient repondu que la fabrique entretient les ornements et autres choses necessaires à la sacristie des messes, que le sacristain de lad. sacristie est electif et amovible au gré du chapitre, qu’on en fait election aux chapitres generaux24 qui se tiennent apres la feste de saint Just25, que led. sacristain est chargé de faire dire toutes les messes basses de fondation, qu’il les paye de l’argent qu’il prend du tresorier, sur les mandements des prevots du chapitre, qu’il rend compte devant lesd. prevost[s] du chapitre, que lesd. messes basses se disent exactement autant qu’il est possible, qu’il est vray qu’on n’observe pas la rubrique du missel qui defend de dire des messes de[s] morts les jours dont l’office est double, et qu’on en dit mesme dans la semaine sainte et quelquefois pendant les octaves solemnelles, parce que l’usage s’en est introduit insensiblement, que le sacristain n’est plus chargé de faire dire les messes votives depuis qu’on a préposé à la table desd. messes votives un autre titulaire de l’eglise ; que le sacristain empesche autant qu’il se peut qu’on ne dise les messes avec confusion, c’est-à-dire qu’on en dise pas un trop grand nombre en mesme temps, mais qu’il ne scauroit quasi empescher la confusion qu’il y a dans la sacristie lorsque pendant matines26 ou aprés, les titulaires de l’eglise y viennent pour s’y promener ou pour parler particuliérement en hyver, qu’il y a plusieurs chanoines, conduchers27 et beneficiers qui ont leur calice et ornements en propre, et desquels ils se servent, que quand à la fin de l’année on trouve que toutes les messes fondées n’ont pas esté dites, le chapitre y fait satisfaire le plus exactement qu’il luy est possible et qu’ils ne scavent pas que la sacristie ait besoin d’autre chose que de bonnets cornés pour le commun et pour les étrangers, n’y en ayant qu’un fort vieux et fort usé, parce que quelques particuliers se sont appropriéz ceux qu’on y avoit mis. Sur quoy nostre procureur fiscal a dit qu’il doit estre pourvue à ce que les ornements dont on se sert pour les messes basses soyent tenus plus proprement, particulierement pour le[s] estoles qu’on a trouvé fort crasseuses, ce qu’on pourroit eviter si on les doubloit à l’endroit du col de quelque linge proprement, et si on les changeoit de temps en temps, qu’il doit estre encore pourvu à ce qu’on ne dise point de messes de[s] morts ou autres votives aux jours prohibéz par les rubriques du missels, nonobstant l’usage abusif qu’on a introduit, qu’il n’empesche que les ornements necessaires soient ordonnéz et faits aux despends de la fabrique, à la charge qu’elle participe au revenant bon des fondations comme il le requerra en temps et lieu, et lorsqu’il sera parlé en particulier de lad. fabrique, requerrant qu’il soit fait inhibitions et defences aux titulaires de l’eglise et autres de s’atrouper dans lad. sacristie pour s’y promener ou causer pendant les offices et durant qu’on s’y prepare à la Sainte Messe, sur peine d’excommunication incurable par le seul fait, et que nostre ordonnance soit affichée en quelque endroit de lad. sacristie ouÌ qu’elle puisse estre lue afin que personne ne l’ignore.

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11 Cette pièce fait l’objet d’un commentaire plus global car les objets ne sont pas d’une grande valeur et se ressemblent pour beaucoup. Les ornements ordinaires sont rangés par type et par couleur. Ils sont généralement en damas « caffart » et en camelot. Le damas désigne simplement un type d’armure textile. C’est une étoffe de soie, généralement monochrome, sans envers puisque composée d’un effet de fond et d’un effet de dessin, sur la base d’une même armure de satin. Le damas est très prisé au Bas Moyen Âge. Les ateliers italiens et espagnols, puis français, le rendent plus courant à l’époque moderne. Les chasubles cependant n’ont pas une vraie armure de damas : le « damasquin » est une imitation polychrome du damas, tandis que le « damas caffart » ou « cassart » n’a que l’apparence du damas, comme le précise l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert28 ; son tissage est plus simple et moins coûteux. Le camelot est une étoffe composée essentiellement de fils de laine ; elle est donc assez pauvre et ordinaire, sans aucun effet de brillance.

12 Les étoffes sont très souvent « gauffrées » : elles sont passées sous une calandre qui y imprime un relief, donnant justement l’apparence du damas, avec un effet de relief et d’ombre, pour un moindre coût. Les motifs sont donc appliqués de façon mécanique sur les tissus. Le camelot « ondé » présente l’allure d’ondes. L’Encyclopédie reste très évasive sur ce terme de manufacture. Les ornements ordinaires de Saint-Just s’avèrent des productions courantes, sans grande valeur.

13 Les pluviaux sont confectionnés dans les mêmes étoffes que les chasubles. Toutefois, huit chapes de damas rouge sont plus travaillées, puisqu’elles sont ornées de fleurs d’or et d’orfrois brodés : Huict pluviaux rouges, sçavoir de damas à fleur d’or, avec leurs auffres en broderie, fort vieux.

14 Ces pluviaux sont anciens et peuvent très bien avoir servi auparavant pour des grandes fêtes. Ils peuvent ressembler à un pluvial conservé au Musée d’Écouen, qui date du milieu du XVIe siècle29 : il est décoré de grenades et non de fleurs d’or, mais l’effet visuel doit être très similaire. En tout cas, les orfrois brodés donnent une idée fidèle de ceux des huit chapes narbonnaises.

15 Il est très probable que presque tous les ornements de la grande sacristie ont été fabriqués au XVIIe siècle ou peu avant : ils servent souvent et ont par conséquent une durée de vie bien inférieure aux ornements d’apparat. Ils suivent tous à peu près le même modèle, à l’exception de la couleur.

Du Sacraire

16 Le Sacraire est la chambre forte du trésor depuis la construction de la cathédrale. Il est achevé dès le XIIIe siècle. Il contient les archives importantes du chapitre, les reliques et les reliquaires ainsi que tous les objets servant au culte du maître-autel les jours de fête. Une première porte dotée de trois serrures (fig. 5), suivie d’une autre, ferme cette salle forte.

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Fig. 5.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; porte du Sacraire Angélique Paitrault © Ville de Narbonne

Etant allés au sacraire qui est vis à vis la porte du cœur, du costé de l’Espitre30, nous aurions premierement visité la sacristie dans laquelle les ministres du grand autel s’habilent ordinairement de leurs habits sacerdoteaux, laquelle sacristie nous aurions trouvé voutée, vitrée et pavée, en bon estat, y ayant du costé du Levant une grande table sur laquelle on prepare les ornements pour lesd. ministres du grand autel, ayant en dessous de[s] tiroirs et des armoires pour tenir lesd. ornements, et à la posite31, du costé du sacraire, une autre table pour le mesme usage ; dans lad. sacristie, il y a une lampe qui brule nuit et jour, entretenue par le chapitre, une armoire dans laquelle le curé enferme les encensoirs et autre argenterie qui sert tous les jours ; un endroit assez propre pour tenir le feu qu’on mot ausd. encensoirs, et au derriere de la porte, une espece de ratelier où on met les bourdons de bois avec une table où est ecriste à la main la forme de fournir le luminaire aux jours ordinaires et de solemnité, n’ayant trouvé autre reparation à faire dans lad. sacristie que de garnir les deux tables d’un tapis de cuir, comme celle de la precedente, attendu que ceux que nous y avons trouvéz sont sy vieux qu’ils sont dechiréz en plusieurs endroits. Et estant entréz dans le Sacraire32, qui est une sacristie qui a la forme d’une des chapelles de l’eglise, voutée, vitrée, pavée, comme la precedante, nous aurions trouvé que la porte de lad. sacristie est fort epaisse, doublée de bandes de fer, et fermant à trois serrures, qu’il y a au milieu une grande table couverte d’un tapis de drap vert, sur laquelle on prepare les ornements lorsque le sieur archeveque ou quelqu’un des chanoines doit faire l’office aux jours de solemnité, une autre petite table à costé, couverte aussy d’un tapis vieux avec un grand crucifix d’ivoire au-dessus et un vieux sur ciel de bois, et une autre table à l’entrée et sous le degré de bois par lequel on monte à un petit plancher, qui occupe une partie de lad. sacristie au-dessus des tiroirs ouÌ on tient les ornements precieux. Et ayant fait ouvrir l’armoire qui est du costé du midy dans l’épaisseur de la muraille, ayant environ deux pieds de profondeur, six de largeur et dix de hauteur, bien boisée en bas et des cotés, où on tient les reliquaires, aprés avoir salué avec reverence les reliques, nous aurions enjoint à M. Cesar Angles, sacristain dud. sacraire, de nous exhiber lesd. reliquaires, lesquels il auroit mis sur la table qui est au milieu de lad. sacristie :

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Premierement une image d’argent doré representant Nostre-Dame, qui tient sur le bras gauche son Fils qui porte une couronne impériale aussy d’argent doré, entourée de six pierres precieuses, et un globe avec une croix chargée de quatre perles, estant lad. image du poids de soixante et treize marcs, compris les couronnes et pieds d’estail, et ayant esté donnée par le sieur Barrat33, chanoine et precenteur34, comme il resulte de l’inventaire et des armoiries qui sont aud. pieds d’estail, les pierres precieuses et perles dont est marqué le deficit à la marge dud. inventaire n’ayant pas esté remises, et la bague marquée aud. inventaire y estant encore.

17 Cette statue d’argent doré, surmontant un piédestal, est offerte par Hugues Barrat, originaire d’Italie et précenteur à Saint-Just de 1341 à 1362, soit pendant la prise de possession de la cathédrale et la constitution du nouveau trésor. Elle relève de la même iconographie que la Vierge à l’Enfant de Jeanne d’Évreux, fabriquée un peu plus tôt, entre 1324 et 133935. Celle de Narbonne toutefois n’est pas un reliquaire. De plus, elle est conçue dans un style plus impérial. L’Enfant porte une couronne fermée et tient un globe terrestre surmonté d’une croix perlée : deux insignes impériaux qui manifestent sa toute-puissance. La Vierge porte aussi une couronne, certainement de même forme36. L’inventaire de 1790 précise que la Vierge tient une fleur dans la main droite37 ; on peut supposer qu’il s’agit d’une fleur de lys, comme celle que porte la Vierge de Jeanne d’Évreux, ou bien d’une rose. Un savant mélange se retrouve donc dans la statue de Saint-Just, inspirée par le style parisien et une esthétique impériale qui commence à se développer au XIVe siècle. Elle porte une « bague », soit un pendentif, ce qui n’est pas du tout rare. Les statues et même les reliquaires sont souvent ornés de bijoux, de broches et autres atours portés par les personnes de haut rang. Louis Narbonne transcrit un fragment d’un inventaire « daté de quelques années avant la Révolution » où cette bague est décrite : « une bague ayant au milieu une grosse pierre en forme de couleur de saphir et treize petits grenats ou turquoises (...)38 ». Ce pendentif d’une grande richesse a peut-être été offert par quelqu’un d’autre que le précenteur Hugues Barrat. 2. Un grand reliquaire d’argent doré avec son pied d’estail porté par six lyons, servant pour exposer le trés Saint-Sacrement, lequel reliquaire n’estoit autrefois que du poids de 82 marcs sen comprendre la croix ; mais il a esté augmenté de beaucoup depuis deux ans, le chapitre l’ayant fait refaire et y ayant employé pour l’augmenter ou pour la facon quelque argenterie de laquelle il sera parlé dans la suitte. On n’expose led. reliquaire que quand led. Saint- Sacrement est à Saint-Just par tour, et durant l’octave de la Feste-Dieu ; à cause de la grandeur et de la pesenteur, on ne donne pas la benediction avec le Saint-Sacrement le soir, et on se contente de faire chanter deux motets en musique et de faire dire les oraisons ordinaires ; il est vray qu’on expose encore led. grand reliquaire les jours des plus grandes solemnitéz ausquelles on met toutes les reliques sur le maître-autel. Et pour lor, afin que le peuble connoisse que le Saint-Sacrement n’est point exposé, il n’y a point de luminaire sur led. autel et on n’abaisse pas le bassin des lampes.

18 Il est possible que cet objet ait été fabriqué au Moyen Âge et que les chanoines aient décidé en 167639 de l’enrichir d’argent doré, de perles et de pierres précieuses ; mais il est plus probable que sa fabrication date seulement du début du XVIIe siècle, au regard de sa forme de soleil40. Sa hauteur globale atteint presque deux mètres. Il est surmonté d’une croix et porté par six lions. Dès le Bas Moyen Âge, de nombreux reliquaires sont portés par des anges ou des animaux. Il est mutilé et fondu en 1793. Nous ne pouvons pour l’instant établir aucune comparaison avec un objet d’un autre trésor. 3. Un autre reliquaire d’argent doré appellé Lignum Crucis parce qu’il y a du bois de la Vraye Croix, avec son pieds d’estal supporté par quatre lyons d’argent doré. Dans led. reliquaire a esté trouvé une petite portion dud. bois de la Vraye Croix41 proprement enchassée ; il y manque trois petites pointes, une pierre precieuse et une perle, des ornements de la

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piramide, comme il est marqué à la marge de l’inventaire, duquel il resulte que led. reliquaire, fait en forme de piramide, est du poids de trente trois marcs, et a esté donné par le sieur Barrat, précenteur, dont les armoiries sont au pied en quatre ecussons emailléz.

19 Sorti lors des processions générales et grande source de fierté pour la primatiale, ce reliquaire est aussi aux armes de Hugues Barrat. Il date donc certainement du milieu du XIVe siècle. Son piédestal est porté par quatre lions d’argent doré, ce qui devient alors de plus en plus courant. En revanche, le reliquaire se distingue bien davantage par sa forme pyramidale. Nous ignorons si c’est une châsse pyramidale classique ou si sa forme est plus atypique, comme celle du reliquaire de la Vraie Croix de Lamothe- Capdeville, conservé dans l’église d’ardus. Ce dernier est fabriqué au XIIIe siècle, dans le Tarn-et-Garonne, pour l’Abbaye de Grand-selve42. Il est donc fort possible que le reliquaire de Narbonne s’inscrive dans cette esthétique du Sud-ouest et s’inspire de cet objet. 4. Un autre reliquaire d’argent doré, appellé la Sainte Espine, parce que dans une boette de christal ronde, de la longueur de demi-pied, il y a une image d’argent representant un ange qui tient en ses mains la Sainte Espine. Ce reliquaire est fort beau, et du poids de neuf marcs et demy, ayant esté donné par le sieur de Saconis, archevesque, comme il resulte de l’inventaire et des armoiries qui sont au pied.

20 Offert par François de Saconay43, qui ne fut pas archevêque malgré ses habiles calculs, il est très sûrement fabriqué au tournant du XIVe et du XV e siècle, alors que les cathédrales qui n’en ont pas encore tentent toujours d’obtenir une épine de la Couronne du Christ. Le reliquaire de Saint-Just se présente sous la forme d’un cristal rond, d’environ vingt centimètres de hauteur, dans lequel un ange d’argent tient la précieuse relique de la Passion. Il ressemble au reliquaire de la Sainte-Épine de la cathédrale de Reims44, fabriqué en 1460‑1470, soit quelques décennies plus tard. Toutefois, l’ange à Narbonne semble être lui-même enfermé dans le cristal rond, alors que celui de Reims est au-dessus du cristal qui est de forme ovale. Mais dans les deux cas, c’est un ange qui tient la relique. Nous ignorons comment celle du reliquaire de Narbonne est présentée : dans une couronne d’épine, comme à Reims, ou directement visible, puisque le cristal fait office d’écran de protection. En tout cas, il est intéressant de voir que ces deux reliquaires qui contiennent une relique identique se ressemblent très singulièrement. 5. Un autre reliquaire d’argent doré en forme d’une teste avec ses espaules sur un pied d’estal carré, porté par quatre anges, ayant chacun un genouil à terre, et sur une table d’argent, portée par quatre lyons. Dans led. reliquaire et par l’ouverture carrée qui est au sommet de la teste, le christal ayant esté oté, ont esté trouvéz des ossements de la teste de saint Just qui avoient esté visitées par M. de Rebé, comme il paroit par le billet qu’il y fit mettre ; led. reliquaire est de poids de quarante sept marcs et une once, et a esté donné par le sieur Pierre de Judicia45, cardinal et archevesque de Narbonne, ainsy qu’il resulte dud. inventaire et des armoiries.

21 Ce reliquaire anthropomorphe a été offert par Pierre de La Jugie, au cœur du XIVe siècle. Le piédestal de ce buste est différent de celui d’un buste-reliquaire classique : quatre anges, faisant une génuflexion sur une table portée par quatre lions, tiennent le plateau carré sur lequel le buste est posé. Le socle du buste de saint Just est donc très complexe puisqu’il s’élève sur plusieurs niveaux. Bien souvent, les bustes ou les statues sont simplement posés sur un plateau supporté par des petits anges ou des lions. On retrouve exactement la même disposition pour le reliquaire de la Vraie Croix de l’église de Jaucourt46, qui date du XIIe ou du XIII e siècle. Le socle et les anges datent de 1320‑1340, ce qui coïncide parfaitement, à quelques années près, avec la fabrication du

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reliquaire commandé par Pierre de La Jugie. L’attention accordée à cette pièce provient certainement du fait que saint Just est l’un des patrons de la primatiale. 6. Un autre reliquaire en forme de teste, avec les epaules appellé de saint Theodard47, archevesque de Narbonne, par ce que à l’endroit de la poitrine sont enchassées les reliques de ce saint, qui ont esté trouvées en bon estat dans une petite chasse couverte d’un verre et laquelle avait deja besoin d’estre reparée lors de la visite de M. de Rebé, comme il en conste par son ordonnance de visite à laquelle portant il n’a pas esté satisfait. Ce reliquaire d’argent est du poids d’environ dix neuf marcs, six onces et a esté donné par led. sieur de Judicia, ainsy qu’il resulte dud. inventaire et des armes.

22 Ce buste, également offert par Pierre de La Jugie, ne repose pas sur un piédestal aussi travaillé que celui du buste de saint Just. Il est sûrement posé sur un plateau assez sobre qui ne mérite pas une description précise. Il correspond parfaitement à la vogue des bustes d’évêques, très répandue depuis la fin du Haut Moyen Âge dans le Centre et le sud de la France. À titre d’illustration, nous renvoyons au buste de l’évêque saint Polycarpe (fig. 6)48, conservé dans la commune du même nom (Aude, arr. Limoux, église de la Purification) et fabriqué au XIVe siècle. Les reliques sont aussi logées au niveau de la poitrine, dans une petite boîte de verre. Le buste offert par le cardinal de la Jugie doit sûrement être coiffé d’une mitre ornée de pierres, de cabochons ou de perles, à l’instar du buste de saint Polycarpe.

Fig. 6.

Saint-Polycarpe (Aude), église de la Purification ; buste-reliquaire dit de saint Polycarpe Claude Bertrand © DRAC/CRMH Languedoc-Roussillon

7. Un autre reliquaire d’argent en forme de bras, appellé le bras de saint Just parce que dans la chasse qui est au milieu, couverte d’un verre, il y a des reliques de ce saint ; lesquelles, estant visitées, ont esté trouvées au mesme estat que M. de Rebé les avoit mises lors de sa visite. Le reliquaire est de poids de onze marcs, deux onces, et il y ma[n]que beaucoup de pierreries, de mesme qu’aux precedantes, ainsy qu’il resulte de l’inventaire.

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8. Deux images d’argent doré representant l’une saint Just et l’autre saint Pasteur, tenant d’une main une palme et de l’autre un christal en forme de boette enchassée d’argent doré, dans lequel il y a des reliques de ces deux saints, chaqu’une desd. images estant du poids d’onze marcs, suivant l’inventaire, et ayant besoin d’estre reparées par ce que les testes sont enfoncées en plusieurs endroits.

23 Fabriquées à l’identique, ces deux statues d’argent doré sont conçues pour être portées, exposées et vénérées ensemble. Elles remontent très certainement au Bas Moyen Âge. Les deux saints tiennent la palme du martyre49 et un reliquaire de cristal enchâssé dans une armature d’argent, où reposent leurs propres reliques. L’inventaire de 1790 précise que les statues sont disposées en miroir : Deux statues en argent doré, l’une représentant saint Just tenant dans la main droite un reliquaire et de l’autre main gauche une palme aussi argent doré, et l’autre statue aussi argent doré représentant saint Pasteur tenant dans la main gauche un reliquaire et de l’autre une palme le tout aussi argent dore50.

24 La taille des statues ne doit pas être très grande. Les statuettes-reliquaires sont très répandues dans le Languedoc-Roussillon : on peut évoquer celle de saint Martin de Limoux (fig. 7), qui date du XVe siècle51. La taille modeste n’empêche pas la finesse du traitement des personnages. Les statues des deux enfants martyrs ont dû faire l’objet d’un travail aussi raffiné.

Fig. 7.

Limoux (Aude), église Saint-Martin ; statue-reliquaire de saint Martin Claude Bertrand © DRAC/CRMH Languedoc-Roussillon

9. Un couppe de christal soutenue par deux bandes d’argent, avec une croix et son pied aussy d’argent, avec deux petits anges tenant un croissant d’argent doré, et ce reliquaire sert pour exposer le Saint-Sacrement ; est du poids de huict marcs suivant l’inventaire. 10. Un autre reliquaire d’argent doré en forme de colomne avec un christal rond où sont les reliques de saint Eutrope et autres saints, pesant led. reliquaire six marcs et deux onces.

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11. Un autre petit reliquaire d’argent doré avec son pied fait à quatre pointes en forme de treff[l]es emaillées de quatre evangelistes à deux branches sortant de la tige, sur lesquelles il y a deux anges qui supportent un christal dans lequel il y a diverses reliques, estant led. reliquaire du poids de cinq marcs, trois onces et demi et trois ternals52, suivant le mesme inventaire. 12. Une image de sainte Magdeleine avec son pied d’estal soustenant un cristal bordé d’argent en forme d’une coste que lad. image soutient des deux mains, et dans led. christal il y a de[s] reliques de sainte Magdeleine et une dent de saint Pierre ; et ce reliquaire est du poids d’onze marcs, sept onces et demy et un ternal.

25 La particularité de ce reliquaire provient de la forme du cristal porté par la statue de la sainte en argent doré : il est en forme de croissant. Le croissant est d’ordinaire réservé pour abriter les fragments des côtes des saints53. En effet, les Annales de l’église cathédrale de Noyon54 font état d’un reliquaire de forme identique qui conserve une côte de saint Laurent. Les reliques contenues dans le cristal tenu par sainte Madeleine ne sont pas énumérées avec précision. Nous ignorons donc si cette statue-reliquaire contient une côte de la sainte, mais nous pouvons le supposer en raison de la forme spécifique du cristal. 13. Un autre petit reliquaire d’argent doré avec un christal où il y a plusieurs reliques, lequel reliquaire a servy autrefois pour exposer le Saint-Sacrement, et est du poids de deux marcs, trois onces. Dans la mesme armoire où on tient les reliques, ont esté trouvéz trois cassetes remplies de divers ornements et reliques de saints, qui sont plus à plain especifiées et denommées dans le procéz verbal de la visite de M. de Rebé ; et led. M. Cesar Angles, sacristain, nous ayant representé la chapelle d’argent donnée par M. de Rebé, consistant en une croix à tenir sur l’autel, dix chandeliers, un calice avec sa paténe, une cuvette avec deux burettes, deux paix, un bassin rond, deux bassins en ovale, un vase, un benitier avec son goupillon, deux encensoirs et deux navettes, un bougeoir, une boette à tenir les hosties, pesant le tout trois cens six marcs, trois onces, trois gros, laquelle argenterie est trés bien travaillée, tenue fort proprement dans les estuits faits exprés, et enfermée en deux coffres en la maniere qu’elle fut donnée par led. sieur de Rebé, resultant de l’inventaire de quel poids est chacune des pieces de l’argenterie en particulier.

26 La cathédrale de Saint-Just possède des reliquaires essentiellement offerts et fabriqués à la fin du Moyen Âge. Le XIVe et le XVe siècle brillent par leur faste. Le trésor de la primatiale s’insère dans l’art méridional et participe pleinement à la vogue de certains modèles, mais les mécènes n’hésitent pas non plus à offrir des pièces plus singulières. Et nous ayant led. sacristain exhibé les croix processionnales, nous aurions trouvé : 1. Une grande croix d’argent doré ayant une petite chasse au-dessus du Christ, où il y avoit autrefois du bois de la Vraye Croix, et cette croix pesoit que 21 marcs, devant qu’on eut fait le bouton d’argent duquel elle a esté augmentée. 2. Une autre archiepiscopale de vermeil doré avec son manche cizellé des armes de M. de Rebé qui l’a donnée, dont on n’a sceu dire le poids et qui ne s’est pas trouvé inventorié. 3. Une autre croix d’argent doré avec son pied fait à losanges ; il y a longtemps que cette croix a besoin d’estre reparée, y ayant plusieurs feuillages rompus ; elle est du poids de trente marcs ou environ, et a esté donnée par le sieur Crispinié55, comme il paroit à l’ecusson de ses armes. 4. Une autre croix double ou patriarchale56 d’argent doré, ayant une agathe de chaque face au milieu du croissillon representant en cizeleure la face d’un homme, estant du poids de cinquante marcs, cinq onces et demy. 5. Une autre croix patriarchale d’agathes assemblées par des lames d’argent doré, avec une image d’un crucifix, et au plus haut croissillon une petite croix aussy d’argent, où est enchassée une petite piece de bois de la Vraye Croix avec un boutton aussy d’argent chargé de huit roses d’esmail, de laquelle croix le poids de l’argent ne se trouve pas specifié dans les inventaires.

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6. Encore une autre croix du poids de sept marcs, deux onces et demy ayant une forme de calice sous le pied et aux deux cottés les images de la sainte Vierge et de saint Jean. 7. Deux croix de christal.

27 Les croix de cristal d’Ouveillan et de Saint-Féliu-d’Amont (fig. 8 et 9) peuvent donner une idée de ce qu’étaient ces deux croix, qui ne sont pas du tout décrites dans la visite57. Le cristal semble être très prisé pour les croix processionnelles dans le Languedoc- Roussillon. Certains pensent même que celle d’Ouveillan est l’une des croix du trésor de Saint-Just. Rien ne permet encore de l’affirmer.

Fig. 8.

Ouveillan (Aude), église Saint-Jean-l’Évangéliste ; croix processionnelle de cristal Claude Bertrand © DRAC/CRMH Languedoc-Roussillon

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Fig. 9.

Saint-Féliu-d’Amont (Pyrénées-Orientales), église Sainte-Marie ; croix processionnelle de cristal de roche Claude Bertrand © DRAC/CRMH Languedoc-Roussillon

8. Une petite croix du poids d’un marc, une once et quatre deniers, sans pied et sans aucune doreure, et n’ayant point le Christ, servant lad. croix au grand autel pendant le Caresme. 9. Une autre petite croix emaillée aux quatre bouts, pesant quatre marcs et demy once, et servant tous les jours aux messes du grand autel. 10. Un croix processionnale avec les armes du chapitre, qui sert tous les jours aux processions et absolutions, et est de huit marcs une once et demy, n’ayant aucun bois au- dedans pour soutenir l’orfevrerie. Nous auroit encore exhibé led. sacristain la chapelle d’argent vermeil doré donnée par M. de Vervins, consistant en une croix pour tenir sur l’autel, du poids de huit marcs, deux onces et demy, six chandeliers, les deux plus grands du poids de dix marcs, cinq onces, les deux mediocres de huict marcs une once et demy, et les deux plus petits de sept marcs, une once58, six gros, et un bougeoir pesant un marcs et cinq onces et demy, et un calice aussy de vermeil doré et cizelé à personnages avec sa patene pesant quatre marcs quatre onces et six gros, une boette pour tenir les hosties aussy de vermeil doré et cizelé à personnages, dont le couvercle sert pour donner la paix, et pese lad. boette deux marcs, et deux burettes et un vase pour les tenir, pesant lesd. deux burettes deux marcs une once, et un bassin et une aiguiere aussy de vermeil doré, duquel bassin et aiguiere et vase de burettes le poids n’est pas marqué dans l’inventaire, et enfin aux cremieres desquelles M. de Vervins se servoit. Toute laquelle argenterie de vermeil doré et marquée de ses armes, comme aussy le benitier et le goupillon donné par led. sieur de Vervins. Et procedant à la visite du reste de l’argenterie qui est dans le sacraire, led. M. Angles nous auroit presenté cinq bourdons qu’on met autour du lutrin le jour de solemnité, dont le premier est la ferle59 ou baton precentorial d’argent doré et fort beau, du poids de huict marcs, six onces, sans y comprendre le baston ou pied d’argent de lad. ferle, dont l’inventaire ne marque pas le poids ; le[s] deux bourdons qui servent pour les chanoines sont aussy d’argent doré, fort beaux et à six faces avec leur baston d’argent, dont le poids n’est pas aussy marqué dans led. inventaire ; et les deux derniers qui servent pour les conduchers sont

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aussy d’argent avec leurs batons, et du poids de cinq marcs et demy et deux ternals sans comprendre l’argent desd. batons, ainsy qu’il resulte dud. inventaire. Nous auroient esté exhibéz deux masses d’argent pour les bedeaux et deux batons d’argent servant de manches aux croix processionelles dont on n’a sceu dire le poids ; et visitant les calices, nous avons trouvé que depuis les dernieres visites, par deliberation du chapitre et du consentement de nostre grand vicaire, pour l’augmentation du grand reliquaire qui sert à exposer le Saint-Sacrement, outre le benitier et le goupillon d’argent doré donné par M. Hallé60, archeveque de Narbonne, qui estoit du poids de cinq marcs sept onces et demy, on a employé un calice d’argent doré dedans et dehors et emaillé du poids de six marcs trois onces et dix-huit deniers, qui avoit esté donné par le sieur Hallé, et un autre calice d’argent doré du poids de deux marcs, deux onces et demy et un ternal, et qu’on a vendu à M. Boyer, beneficier, un autre calice du poids de deux marcs et demy, pour le prix de soixante-dix livres employées à la facon dud. reliquaire, outre les cinq calices qui ont esté trouvés dans la grande sacristie, plusieurs desquels ont besoin d’estre reparéz, et les deux de Vervins et de Rebé. Led. sacristain nous auroit exhibé quatre calices, deux desquels sont au pouvoir du curé pour le service du maistre-autel et des messes de Nostre-Dame, et les deux autres entre les mains du sacristain, qui nous auroit pareillement representé deux crosses pastorales d’argent doré, dont l’une est du poids de treize marcs et une once et deux ternals, et l’autre du poids de treize livres trois quarts poids de romaine, et toutes deux fort bien travaillées, comme aussy 22 pectoraux, cinq desquels sont d’argent dont le premier est chargé de trois boutons de perles et les quatre autres de diverses pierres precieuses et emaillées, et les dix-sept restants sont de cuivre doré avec des pierres precieuses enchassées dans les chatons d’argent. Et finalement nous auroit exhibé led. sacristain trois livres servant pour les epitres, pour les Evangiles et Canons de la messe, couverts de plaques d’argent, ornées de diverses figures, deux chandeliers d’argent, desquels on se sert ordinairement au maitre-autel, et pour les enfans de cœur, deux encensoirs, une navette, trois fioles d’un pied et demy d’hauteur servant pour faire les saintes huiles, une assiette d’argent dorée dedans et dehors avec deux anneaux pour la tenir, servant à dissoudre le beaume lorsqu’on fait le Saint-Creme, avec deux eguille61 et une petite cuilliere aussy d’argent doré, et deux mittres precieuses trés riches ausquelles il manque quelques pierres precieuses et quelques perles, comme il est marqué dans l’inventaire, ayant remarqué que la plus grande partie des reparations ordonnées par M. de Rebé dans la visite n’ont pas esté faites, tant à l’egard de toute l’argenterie que desd. mittres et que suivant led. inventaire on a diverty les croix pectorales et quelques anneaux d’or donnéz par les precedants archevesques pour la reparation du grand reliquaire62.

28 La visite fait peu de cas des objets dédiés à la célébration de la messe et aux chapelles d’orfèvrerie. Seulement deux chapelles complètes sont conservées, offertes par Mgr de Vervins et Mgr de Rebé. Leur description reste des plus succinctes. Nous apprenons que des calices et d’autres objets ont été fondus en nombre pour enrichir le grand reliquaire. Les campagnes de travaux pour achever la cathédrale sont certainement en partie responsables de ces fontes et de la modestie des collections du Sacraire.

29 On peut citer néanmoins la chapelle aux armes d’Édouard Colbert, marquis de Villacerf (1667, trésor de la cathédrale de Troyes) : elle fait partie des rares chapelles d’orfèvrerie du XVIIe siècle encore conservées et permet ainsi d’imaginer la richesse de celles que les prélats narbonnais ont offertes au trésor de leur cathédrale. Et procedant à la visite des ornements qui sont dans le mesme sacraire, led. M. Angles, sacristain, nous auroit exhibé : 1. Une chasuple avec deux dalmatiques d’or frisé à double frise, avec grands ramages ronds, avec les auffrés d’or avec ramages de soye rouge et y sont les armoiries de M. d’Amboise63 qui les a données et celles de l’église, avec une etole et deux manipules de mesme etoffe, et y a une autre etole d’or garnie au bout de boutons avec de flots de soye rouge pendants ; les deux colets sont faits avec cercles de perles, y en manquant toutefois quelques unes suivant qu’il est marqué aud. inventaire.

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30 Cet ensemble est d’une extrême richesse. Il est tissé en fil d’or « frisé à double frise ». Les termes de fil frisé sous-entendent l’usage d’une lame d’argent doré enroulée en spirale plus ou moins serrée autour de fils de base en soie appelés âme. Ici, il semble qu’il y ait deux lames enroulées autour de chaque fil. Sans savoir exactement de quel tissu il s’agit il apparaît néanmoins que c’est un tissage de luxe ; Mgr d’Amboise, qui a été archevêque à deux reprises pendant le dernier quart du XVe siècle, offre donc des ornements au goût du jour. Les orfrois sont brodés de ramages de soie rouge sur fond or, dans lesquels figurent les armoiries du cardinal. La couleur de cette chasuble indique très clairement qu’elle est sortie les jours de grande fête, comme Pâques et Noël. Il n’y a aucune mention de personnages brodés.

31 Les dalmatiques, assorties à la chasuble, sont munies de collets, pièces décoratives portées autour du col par les diacres et sous-diacres, par-dessus la dalmatique. Ils sont bien plus courants en Espagne ; la proximité de la frontière espagnole explique leur très grand nombre dans le trésor de Saint-Just. Ils sont ornés de petits cercles de perles, motif très à la mode dès la fin du Moyen Âge. Les toutes petites perles sont appelées « semences ». Malgré leur succès, elles restent un signe de grande richesse. On peut rapprocher ces motifs de ceux qui ornent le parement offert par Mgr d’Harcourt et de tous les ornements qui semblent lui être assortis, à défaut de porter les mêmes armes : tous sont décorés de cercles de perles où les lettres JHS sont aussi brodées en perles. Nous renvoyons le lecteur à plusieurs exemples de collets qui datent du XVIe siècle (fig. 10)64.

Fig. 10.

Le Puy-en-Velay (Haute-Loire), cathédrale Notre-Dame ; collet de dalmatique Alain Rousseau © Collection Cougard-Fruman – Mécénat Fondation Zaleski

2. Une chasuple de drap d’or frisé avec ramages de velours cramoisy rouge, les auffres sont faites avec histoire de la Passion ; les dalmatiques sont de drap d’or de mesme couleur, et non pas de mesme etoffe ; les parements sont de velours vert semez de toilles d’or, bordéz au costéz d’une grande bande de velours rouge, une etole, trois manipuls et deux colets de mesme etoffe, autre etolle de tabelle faite à personnages, avec franges de soye, couleur d’orenge au bout avec un manipule de mesme.

32 Il est très probable que l’étoffe soit la même que celle de l’ensemble précédent. Le drap d’or, déjà bien connu au XIIIe siècle, est le textile le plus luxueux au XVIe siècle. Cette chasuble et ses dalmatiques datent certainement de cette époque ou de la fin du siècle précédent. Nous ne revenons pas sur le frisé ; l’étoffe de ces ornements ressemble très fortement à celle de ceux donnés par le cardinal d’Amboise.

33 Les orfrois sont brodés de scènes représentant la Passion, c’est-à-dire les différents moments qui précèdent la mort de Jésus-Christ, mais aussi sa Résurrection. On peut

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mentionner, pour illustrer les orfrois, la somptueuse chasuble de david de Bourgogne confectionnée au XVe siècle. Le tissu de fond est en velours cramoisi piqueté d’or, mais les orfrois brodés d’or sont aussi ornés de scènes de la Passion65. La Crucifixion se trouve naturellement au croisement des deux montants de la croix. Le thème de la Passion n’a rien de surprenant sur une chasuble : il traduit visuellement ce qui se passe mystiquement sur l’autel.

34 Les parements des dalmatiques, qui peuvent être des bandes (les clavi) ou des rectangles cousus dans leur partie inférieure ou sur les manches, sont parsemés d’étoiles brodées. La collection de la Fondation de l’Abbaye de La Lucerne d’Outremer (Manche) conserve un velours du XVIe siècle décoré de ce type d’étoiles (fig. 11).

Fig. 11.

La Lucerne d’Outremer (Manche) ; abbaye de La Lucerne ; détail d’une étoile brodée sur un fragment de chasuble en velours rouge J. Pagnon © CG Manche

3. Une autre chasuple de velours rouge semée d’angels de broderie ; les offres sont de pieces rapportées ouÌ il y a beaucoup de perles ensemencées, et y sont les armoiries de la reyne Blanche66 doublé de boucassin jeaune. Il y a une etolle et manipule de meme etoffe.

35 Cette chasuble, doublée de boucassin67, qui sert très souvent de doublure sous l’Ancien Régime, est une pièce composite : les orfrois, où figurent les armoiries de la Reine Blanche de Navarre, ont été appliqués sur un textile vraisemblablement plus récent (XVe-XVIe siècles). Ces orfrois sont parsemés de semences de perles, mais la description reste très vague.

36 L’étoffe même de l’ornement est en velours rouge semé d’anges brodés. Il est très possible que cette chasuble ait été confectionnée en Angleterre. La broderie d’outre- Manche, surnommée opus anglicanum, est en plein apogée au XIIIe et au XIVe siècle, et décline progressivement au début de la Renaissance ; les points de broderie s’apparentent à l’art de l’orfèvrerie et de la joaillerie par leur extrême finesse et la quantité remarquable des fils d’or et d’argent. Les séraphins, souvent à quatre ou six

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ailes, sont un motif typique de ce courant esthétique. Cette chasuble dite « de la Reyne Blanche » ressemble très fortement à celle de l’église de Millen (fig. 12), conservée au trésor de la cathédrale de Liège : celle-ci est également en velours brun semé d’anges brodés68.

Fig. 12.

Liège (Belgique), cathédrale Saint-Paul ; chasuble de l’église de Millen (Belgique) © Jean-Pierre Pirenne

4. Plus un autre chasuple de damas rouge cramoisin parsemées de roses d’or, dont les auffres representent l’histoire de la Passion et relevés. Les dalmatiques sont paréz de damas rouge figuré à ramages, et y sont les armoiries de celuy qui les a données, deux etolles, trois manipules et deux colets qui sont de mesme etoffe. 5. Aurions trouvé une chasuple de velours rouge parsemée de croix potencées de Jérusalem, dont les auffres sont faites à doubles personnages. Les deux dalmatiques sont de mesme etoffe et facon sans parements, et il y a deux etoles, trois manipules et deux colets de meme parure ; et à lad. chasuple sont les armoiries de M. Egidius Gaillard69, archidiacre de Corbieres, qui les a données.

37 Gilles Galhard, archidiacre des Corbières au XVIe siècle, figure parmi les plus généreux donateurs. Le velours est une sorte de drap de soie extrêmement prisée au Bas Moyen Âge. Il est fabriqué en orient, puis en Italie et en France, notamment à Lyon et à Avignon. On retrouve les croix de Jérusalem sur une dalmatique conservée au Musée national de la Renaissance : cette pièce date aussi du XVIe siècle et permet de constater que ce motif apparaît sur d’autres ornements français70.

38 Les orfrois « à doubles personnages » sont ornés de deux figures placées sous une seule arcature. La chasuble de l’église Notre-dame de Cérences (fig. 13), dont les orfrois sont un peu plus anciens, offre un bel exemple de motif « à doubles personnages »71. Ce

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décor est relativement courant sur les pièces brodées, tant sur les chasubles que sur les chapes.

Fig. 13.

Cérences (Manche), église Notre-Dame ; chasuble ornée d’un orfroi brodé vers 1500 P.-Y. Le Meur © CG Manche

6. Une chasuble ensemencée d’etoiles d’or en broderie, ayant les cercles et le nom de Jesus dedans escrit, le tout de perle, dont les auffres sont faites à double personnages en forme de galerie. Les parements des dalmatiques sont de velours bleu avec un grand soleil, et dedans est le nom de Jesus ecrit en perle comme dessus, et il y a deux etoles, trois manipules et deux colets de mesme parure. 7. Plus nous auroit presenté led. sacristain une chasuble de velours rouge semée de coulombes d’or portant un rameau d’olivier au bec, dont les auffres sont faites avec histoires representant l’Invention Sainte-Croix. Les dalmatiques sont parées de damas bleu avec feuillages d’or en broderie, faits en forme de cercle, ausquels sont les armoiries de M. Gaytany72, chanoine ; il y a aussi deux etoles, trois manipules, de deux colets.

39 Ces ornements se distinguent par leur décor : des colombes d’or tenant un rameau dans leur bec. Les orfrois représentent un épisode particulier : l’Invention de la Croix par sainte Hélène. Nous n’avons pas trouvé d’œuvres conservées qui leur ressemblent. Pierre Gaitany est mort en 1447 : ces pièces datent donc très certainement de la première moitié du XVe siècle. 8. Une dalmatique qui sert à porter la croix et donner l’encens, de velours incarnat semé de coulombes blanches portant rameaux d’olivier au bec, avec deux colets de mesme parure. 9. Item une chasuple antique de diapré rouge figuré à gros oyseaux d’or, doublée de coucassin rouge, dont les auffres de tabelle sont faits en forme de cercles avec de petits granats blancs, violets ; les deux dalmatiques ne sont pas de mesme etoffe, mais sont de diapré incarnat figuré à petits ramages d’or. Les parements sont de velours violet seméz d’etoiles d’or ; il n’y a seulement que deux colets de l’etoffe desd. dalmatiques, une etole, trois

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manipuls, et deux colets de l’etoffe de la chasuble, autre etole de vieille etoffe bigarrée avec le manipule.

40 Le diapré est une étoffe d’une très grande richesse, très colorée, mais les définitions divergent et restent assez imprécises73. Il est ici réhaussé d’oiseaux d’or tissés, et non brodés. Nous ignorons si ce sont des aigles ou s’ils ressemblent davantage à des colombes. Les soieries italiennes représentent très souvent des grands oiseaux, notamment des aigles74 ; les ateliers lucquois sont même très réputés au début du XIVe siècle et pendant tout le Bas Moyen Âge. En l’absence d’armoiries, il nous est impossible de savoir à quelle époque ces pièces ont été confectionnées, mais on peut supposer leur origine transalpine. De nombreux chanoines et dignitaires de Saint-Just viennent d’Italie et ils apportent souvent avec eux de superbes soieries qui sont ensuite taillées et brodées.

41 Des grenats blancs et violets rehaussent les orfrois. Une production de grenat se trouve dans les Pyrénées-orientales près de Perpignan. 10. Une chasuble de diapré incarnat figuré avec bestions et oyseaux qui ont les pieds d’or et de roses sur les ailes, dont les auffres sont faites à simples personnages, une etolle et un manipule de mesme etoffe de diapre. 11. Une chasuble de diaprée rouge et vert figuré avec bestions et oyseaux qui ont les pieds et testes d’or, dont les auffres sont faites en forme de cercle, ayant chacun dedans la figure d’un demy personnage et au dehors de cardines75. Les dalmatiques ont parements de diapre bleu avec grands ramages d’or, il y a deux etoles, trois manipuls et deux colets de mesme etoffe.

42 Cette chasuble, dépourvue d’armoiries, semble être typique du XVIe siècle : les orfrois circulaires qui contiennent le buste d’un personnage sont très en vogue à cette époque. On peut citer un détail de la chasuble de velours rouge dite de Charneux (Belgique), conservée au trésor de la cathédrale de Liège 76. 12. Une chasuble de diapre vert figuré à oyseaux qui ont aux pieds, la teste et aux ailes de roses d’or, dont les auffres representent l’histoire de la Passion et Resurrection. Les parements des dalmatiques sont de diapre rouge avec ramages et feuillages d’or ; il y a deux etoles, trois manipuls et deux colets de mesme etoffe. 13. Plus avons trouvé une chasuple de diapre blanc fait avec losanges, ramages et oyseaux d’or et de soye rouge ; les auffres sont faits à l’histoire à l’enfance de Nostre-Seigneur. Il y a aux dalmatiques des parements de diapre rouge avec figure d’arbres et petits bestions d’or, et il y a trois manipules et deux colets d’autre etoffe.

43 Nous ne pouvons davantage dater cette chasuble, faute d’armoiries. Les orfrois figurent des scènes de l’Enfance du Christ. L’orfroi d’une chasuble du XVIe siècle, qui provient de l’église Saint-Pholien à Liège, représente l’adoration des Mages, mais l’ornement de Saint-Just pourrait tout autant comprendre d’autres épisodes comme la Nativité, l’Adoration des bergers ou encore la Présentation de Jésus au Temple77. Cette comparaison permet simplement d’illustrer en partie ce thème iconographique. 14. Une autre chasuple de diapre violet tirant sur le rouge figuré avec oiseaux et bestions qui ont sur la teste, pieds et ailes de roses d’or dont les auffres sont faits à simples personnages des images des Apostres. Les dalmatiques ont parements de diapre vert figuré avec oyseaux d’or ; il y a deux etoles, trois manipuls et deux colets.

44 Là encore, aucun élément ne donne un indice permettant une datation. Les orfrois « à simples personnages », c’est-à-dire qui ne représentent qu’un seul personnage sous une arcature qui évolue selon les modes architecturales, sont très courants. Les Apôtres figurent souvent sur les chasubles comme sur les chapes. Le diapré rouge est très richement tissé. Les oiseaux et autres animaux accompagnés de roses sont présents sur de nombreux autres ornements du Sacraire.

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15. Autre chasuble de camelot jeaune avec les auffres satin de Bourges rayé jaune et violet ; deux dalmatiques pour servir en lad. chasuble sont de satin jaune vieux avec les parements de satin de Bourges violet ; il y a deux etoles, trois manipuls et deux colets de la mesme etoffe. 16. Une autre chasuble de damas rouge avec auffres de drap d’or fin avec simples personnages. Les dalmatiques ont parements de damas bleu, il y a deux etoles, trois manipuls de mesme etoffe et deux colets de camelot rouge à ondes. 17. Une autre chasuple de satin rouge avec auffres d’or d’orme et à simples personnages, dont les auffres sont de vieille tabelle et trois manipuls de camelot sans dalmatique, etoles et colets. 18. Une autre chasuple de velours violet semée de planctes de broderie et de soye rouge, dont les auffres sont d’or fin à simples personnages. Les dalmatiques sont avec parements de diapre rouge avec cerfs d’or ; il y a deux etoles, trois manipuls deux colets de mesme etoffe avec les armoiries de [... ] contenant un arbre vert et une etoile, sans dalmatique. 19. Plus une chasuble de diapre vert et rouge figuré à lozanges et au dedans des chateaux, lyons et aigles, dont les auffres sont de tabelle. Les dalmatiques sont sans parements, et il y a deux etoles, trois manipuls, et deux colets de meme.

45 Cette description évoque sans détour la chasuble du Bienheureux Thomas Helye († 1256), conservée à Biville (fig. 14)78. Cette pièce du XIIIe siècle, d’origine espagnole, représente en effet des châteaux, des lions et des oiseaux enfermés dans des losanges verts et rouges. L’étoffe de la chasuble de Saint-Just est donc très proche de celle de Biville. L’origine espagnole de cette dernière peut expliquer cette ressemblance flagrante : la primatiale narbonnaise a recours, en raison de sa proximité géographique avec l’Espagne, aux artistes ibériques, et il se peut qu’elle ait commandé cet ornement dans le même atelier que celui où la chasuble de Biville a été confectionnée.

Fig. 14.

Biville (Manche), église Saint-Pierre ; détail de la chasuble du bienheureux Thomas Helye P.-Y. Le Meur © CG Manche

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20. Un chasuble de velours bleu damassée, qui sert au temps de l’Avent, avec une etole, [m]anipul et deux colets de velours bleu. 21. Autre chasuble, trois dalmatiques blancs, deux etoles, trois manipuls et deux colets qui ne sont pas de la mesme etoffe, de toille d’argent à losanges de ramages de soye verte, au dedans desquels losanges sont les armoiries du sieur cardinal de Joyeuse79, archevesque de Narbonne, qui les a données, en fil d’or, travaillées dans la mesme etoffe, garnies d’une petite natte d’or fin, et tout autour, d’une petite frange de filet d’or fin. 22. Une chasuble rouge, quatre dalmatiques, deux etoles, quatre manipuls, et quatre colets, tout de mesme couleur de toile d’argent melé avec de soye rouge, parsemée des armoiries dud. sieur cardinal de Joyeuse en filet d’or travaillé dans la mesme etoffe, garnies d’une petite natte d’or fin, et tout autour, d’une petite frange de filet d’or fin. 23. Une chasuble blanche, quatre dalmatiques, trois etoles, cinq manipuls et deux colets de mesme couleur, mais non pas de mesme etoffe de toile d’argent melé avec de soye violette parsemée des armoiries dud. cardinal de Joyeuse en filet d’or travaillé dans la mesme etoffe, garnies d’une petite natte d’or fin et tout autour, d’une petite frange de filet d’or fin. 24. Plus une chasuble verte, deux dalmatiques, deux etoles, trois manipuls, et deux colets de mesme couleur de figuré à fonds d’argent fin, les figures relevées en friseure d’or, avec une pourfileure de velours rouge à l’entour, garnie lad. chasuble et dalmatiques de nattes d’or et d’argent, entourées aussy de fil d’or et d’argent, d’une franche avec les armoiries de M. de Vervins, archevesque, qui les a données.

46 Nous arrivons, avec les ornements de Mgr de Vervins, dans l’art de la paramentique de l’époque tridentine, où les figures brodées laissent plus de place aux décors floraux. Cet ensemble de toile d’argent est orné de broderies « relevées en friseure d’or » : des lames d’or enroulent certaines parties des broderies et constituent un relief. La pourfilure de velours rouge est une très fine bande de velours, voire un fil de chenille, qui entoure les broderies et en relève les contours. Le décor brodé, qui ne semble pas être constitué de personnages, est d’une insigne richesse. 25. Autre chasuble violete, deux dalmatiques violets, deux etoles, trois manipuls, et deux colets de mesme couleur, de toile d’or ramagée de soye violete dont les auffres sont de toile d’argent frisé, garnies d’un petit passement et frange d’or fin melé avec soye cramoisie, qui ont esté donnéz par M. le cardinal [de] Ferrare80, archevesque de Narbonne. 26. Plus une chasuble, deux dalmatiques, avec leurs pieces de damas incarnat, tout neuf. Et finalement nous auroit exhibé led. M. Angles une chasuble, deux dalmatiques avec leurs pieces de damas blanc tout neuf. Et continuant la visite des ornements qui sont dans le mesme sacraire, led. M. Angles nous auroit exhibé : 1. Une chasuble de damas violet avec un grand crucifix aux auffres, avec les armoiries de M. de Belezole, et il y a aussy l’etole et le manipule. 2. Une chasuble de tafetas bleu faconné, son etole et manipule en guipeure, entourée d’une frange bleue et orangée, avec un clincan d’or faux.

47 La broderie en guipure est une technique de broderie qui consiste à faire faire des allers et retours aux fils métalliques sur un motif en relief ; le fil ne passe donc jamais à travers le tissu. Les extrémités des rangs sont ensuite fixées par un point. Le clinquant d’or est un « gros trait d’or passé plusieurs fois au cylindre luisant et poli81 ». Ici, le clinquant n’a que l’apparence de l’or, puisqu’il est faux. Seuls quelques points, qui doivent être les plus discrets possibles, le fixent sur l’étoffe. À titre d’illustration pour la technique de la guipure et ce qu’est un clinquant, on peut se reporter à un superbe voile de calice de la fin du XVIIe siècle (fig. 15), conservé dans le trésor du Puy-en- Velay82. Le phénix brodé de fils de soie polychromes est inséré dans un cartouche brodé en guipure de filé argent ; le champ autour du motif est en couchure de clinquants or.

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Fig. 15.

Le Puy-en-Velay (Haute-Loire), cathédrale Notre-Dame ; détail de broderie en guipure sur un voile de calice Alain Rousseau © Collection Cougard-Fruman – Mécénat Fondation Zaleski

48 Nous aurions trouvé dans led. sacraire les dalmatiques qui servent aux enfens de cœur : 1. Quatre dalmatiques et quatre colets de velours figuré à fonts de satin blanc ; les ramages sont de velours frisé jeaune, avec une pourfileure de velours rouge, tout autour garnys de deux oupes83, chacune de soye blanche et rouge, et de parement rouge cramoisin de soye, lesquelles dalmatiques ont esté données par M. de Vervins, archevesque de Narbonne. 2. Quatre dalmatiques et trois colets de satin bleu parées de satin blanc et incarnat à ramages avec deux oupes à chacune, de soye blanche et jeaune, lesquelles ont esté données par M. le cardinal de Ferrare, archevesque de Narbonne. 3. Quatre dalmatiques et quatre colets de velours rouge cramoisin avec deux oupes de soye jeaune et rouge, garnies avec de clincan d’or fin. 4. Trois dalmatiques et trois colets de damas blanc garnies de damas vert, fort usées. 5. Quatre dalmatiques et quatre colets d’Ostande84 jaune, garnies avec de l’Ostande verte. 6. Quatre dalmatiques et quatre colets de satin noir, garnies de parement de soye blanche qui ont esté donnéz par M. de Vervins. 7. Quatre dalmatiques et quatre colets de damas blanc. 8. Quatre dalmatiques de brocat85 de soye, le fonds rouge avec de grands ramages couleur d’orange et d’un passement rouge, vert et blanc, et une petite frange autour, et aussy quatre colets de meme etoffe. 9. Quatre dalmatiques de brocard de soye, le fonds vert avec de grands ramages couleur d’orange et d’un passement rouge, vert et blanc, avec quatre colets de meme etoffe. 10. Quatre dalmatiques et quatre colets, garnies d’une frange rouge et blanc damasquin de Bourges. 11. Quatre dalmatiques de damas blanc, usées, avec les quatre colets ; quatre dalmatiques de velours noir et quatre colets.

49 Tous les trésors de cathédrale ne possèdent pas des dalmatiques d’enfants, identiques à celles des adultes, en miniature. La Fondation Abbaye de La Lucerne en possède une paire. (fig. 16).

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Fig. 16.

La Lucerne d’Outremer (Manche), Abbaye de La Lucerne ; dalmatique d’enfant de chœur positionnée sur une dalmatique d’adulte J. Pagnon © CG Manche

Nous auroit encore exhibé led. M. Angles les chapes qui servent pour les processions : 1. Une chape de drap d’or, avec les auffres fort larges faits avec pilastres, relevéz à histoire de la Passion au chaperon, et representé Jesus-Christ crucifié entre deux larrons, et les armoiries de M. de Briconnet86, archevesque.

50 Nous ne revenons pas sur le caractère luxueux du drap d’or à l’aube de la Renaissance. Les orfrois qui ornent les bords de la chape sont extrêmement larges et représentent des scènes brodées en relief et encadrées par des pilastres, qui ne semblent pas être cannelés. Le terme est intéressant : c’est la première fois qu’il est mentionné, ce qui signifie qu’il y a un changement de style remarqué par ceux qui visitent les ornements. Cette chape reflète les évolutions architecturales du beau XVIe siècle. Nous n’avons pas encore repéré d’orfrois qui ressemblent à ceux de ce pluvial.

51 Le chaperon représente la Crucifixion. Cette scène est inhabituelle dans le détail, car le Christ n’est pas entouré seulement de saint Jean, de sa Mère et de sainte Marie- Madeleine, mais aussi des deux larrons. Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé d’ornement conservé présentant cette scène. De plus, Mgr Briçonnet est plutôt adepte des Vierges de Pitié ou de la scène de l’Ecce Homo. Ce somptueux pluvial est donc un ornement à la fois représentatif de l’époque de sa fabrication et original. 2. Deux chapes de drap d’or, tissu avec fil blanc, ayant les auffres d’or fin, l’une a au chaperon l’histoire de la Pentecoste, et sont les armoiries de l’eglise au fermail ; l’autre a les auffres faits avec histoire de la Passion, et au chaperon y est representé Jesus-Christ crucifié entre deux larrons, les armoiries de l’eglise etant au fermail, et celles de M. P. Pigerii au bout de[s] auffres.

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52 Nous ignorons à quelle époque a vécu ce généreux donateur, qui est très probablement un chanoine qui s’est acquitté avec munificence de son droit de chape. Les deux pluviaux sont en drap d’or avec une âme de soie blanche. Les orfrois sont brodés de fil d’or fin : le comble du raffinement. Le chaperon de l’une représente la Pentecôte ; celui de la seconde représente la Crucifixion du Christ entre deux larrons, et ses orfrois représentent des scènes ayant également trait à la Passion. On retrouve exactement la même scène que sur le pluvial de Mgr Briçonnet. Les armoiries du chapitre ont dû être brodées après la donation des deux chapes, sur la patte qui permet de les fermer. 3. Deux chapes de velours rouge semées de coulombes d’or en broderie portant un rameau d’olive au bec, dont les auffres sont d’or fin avec histoires, l’une de la Nativité et enfance de Jésus-Christ, et l’autre de la Passion ; les chaperons sont petits, ayant à chacune l’image d’un evesque. 4. Trois chapes de drap d’or sont faites à double frise, dont les auffres sont d’or fin, faites à histoires, ayant l’une au chaperon l’image Nostre-Dame de Pitié au pied de la Croix, à l’autre Ecce Homo87, et à la troisiesme y est le trepas de la Vierge Marie, et à chacune sont les armoiries d’Amboise.

53 Elles sont sûrement assorties à la chasuble et aux dalmatiques, aussi en drap d’or à double frise, que nous avons déjà commentées. Les orfrois brodés représentent diverses scènes qui ne sont pas précisées. Les scènes des chaperons sont très classiques pour la période, notamment Vierge de Pitié et l’Ecce Homo. Le trésor de la cathédrale du Puy-en- Velay conserve une superbe Vierge de Pitié du début du XVIe siècle, brodée en France ou en Italie du Nord, ce qui peut laisser penser que celle de la chape du cardinal d’Amboise y ressemble88. La scène de la Mort de la Vierge semble être assez rare sur les ornements liturgiques. 5. Autre chape de drap d’or, tissu avec soye rouge, dont les auffres sont d’or fin, à histoires de la vie de Jesus Christ, et au chaperon la Résurrection, ayant les armoiries de Relazole, grand archidiacre.

54 M de Relazole est certainement grand archidiacre au XVIe ou au XVIIe siècle puisqu’il n’apparaît pas dans les documents médiévaux. De plus, son nom est en français. Le Musée national de la Renaissance conserve une chape dont le chaperon représente aussi la Résurrection ; les orfrois datent du début du XVIe siècle et ont été brodés en France ou en Flandres89.

55 Mais si M. de Relazole a vécu au XVIIe siècle, il est fort probable que son pluvial ressemble plus à celui de Chartres (fig. 17), dont le chaperon et les orfrois ont été remontés sur des étoffes de damas de soie blanche. La Résurrection de Chartres ressemble singulièrement à une gravure de Cornelis Cort (vers 1569). On peut également citer le pluvial de la déploration, conservé au même endroit (fig. 18). Les broderies sont largement inspirées de la peinture et de la gravure.

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Fig. 17.

Chartres (Eure-et-Loir), cathédrale Notre-Dame ; détail de l’orfroi d’un pluvial orné de la Résurrection Mariusz Hermanowicz © Région Centre, Inventaire général

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Fig. 18.

Chartres (Eure-et-Loir), cathédrale Notre-Dame ; détail de l’orfroi d’un pluvial orné de la Déploration Mariusz Hermanowicz © Région Centre, Inventaire général

6. Cinq chapes de velours cramoisi figuré à ramages d’or, avec auffres d’or fin ; les uns de l’une sont faits à double personnages, ayant au chaperon le Couronnement Nostre-Dame, les auffres des autres quatre sont à simples personnages, ayant les deux au chaperon l’Annonciation Nostre-Dame, l’autre les histoires Nostre-Dame entre les Apostres, et la quatriesme l’image de la Trinité. Lesquelles cinq chapes ont esté données par M. Crespini, archevesque, et sont les armoiries avec d’autres armoiries ecartelées au fermail desd. chapes, faits en broderie fort large. 7. Une autre chape toute faite à l’aiguille en broderie d’or avec grandes losanges, et au dedans, [les] histoires de la Vie de Jesus-Christ et de Nostre-Dame ; entre lesd. losanges, y a trente bestions tous couverts de perles et de petits turquis ; les auffres sont faits à simples personnages, ayant entre les tabernacles quatre losanges à chacune faites de perles de Couvols et de petits turquis. Le chaperon est petit, ayant une bande au milieu, et au bords une bande de perles.

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Fig. 19.

Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne), ancienne cathédrale Notre-Dame ; détail de la chape de la Passion : Pilate se lave les mains Philippe Poitou © Région Midi-Pyrénées, Inventaire général, 2001

56 On peut rapprocher sans conteste cette chape de celles de la cathédrale de Saint- Bertrand-de-Comminges : la chape de la Passion (fig. 19 et 20) et la chape de la Vierge90. Confectionnées au début du XIVe siècle en Angleterre, elles représentent de multiples scènes enfermées dans des losanges de ramages, qui recouvrent toute leur étoffe. Ce cloisonnement des personnages et le foisonnement des figures animales et végétales sont typiques de l’opus anglicanum. Les perles de couleur viennent enrichir la palette des couleurs. Nous citons également la chape de saint Louis d’Anjou91 et celle de Pienza92. Toutes deux représentent des épisodes de la vie du Christ et de la Vierge cloisonnés dans des ramages et des arcatures au milieu d’un semis d’anges et de bêtes. Des perles viennent rehausser les broderies. La chape de Pienza a été confectionnée entre 1315 et 1335, et celle de saint Louis d’Anjou entre la fin du XIIIe siècle et le début du siècle suivant. Nous nous situons donc en plein cœur de l’âge d’or de l’opus anglicanum. Le généreux donateur de la chape de Saint-Just est inconnu, mais il est certain que cette pièce provient d’un atelier anglais, et certainement londonien, puisque Londres est le berceau de cette technique de broderie.

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Fig. 20.

Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne), ancienne cathédrale Notre-Dame ; détail de la chape de la Passion : Montée au calvaire Philippe Poitou © Région Midi-Pyrénées, Inventaire général, 2001

8. Autres deux chapes faites toutes en broderie comme la precedante, l’une desquelles a les auffres faites en forme de seraphins ayant chacun six ailes, semées toutes lesd. auffres à histoires de la Passion, et ont lesd. chapes les chaperons petits et les armoiries de M. de Judicia et de l’eglise au costé desd. chaperons.

57 Ces deux chapes offertes par le cardinal de La Jugie proviennent aussi très certainement d’Angleterre. Le motif des séraphins est typique de l’opus anglicanum, tout comme la petite taille des chaperons qui ne sont qu’un prolongement, rond ou en pointe, des larges orfrois brodés de personnages. Le séraphin à six ailes est extrêmement répandu dans l’opus anglicanum. Nous montrons ici un détail d’un séraphin (fig. 21), conservé dans la cathédrale d’Évreux, qui relève exactement de la même esthétique. Il semble ici que les anges sont sur les orfrois et qu’ils séparent des scènes la Passion, thème si cher à la broderie anglaise.

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Fig. 21.

Evreux (Eure), cathédrale Notre-Dame ; détail d’une chasuble : séraphin à six ailes sur une roue © Josiane Pagnon

9. Autre chape de mesme, faite toute en broderie à ramages ronds, et entre iceux des images d’angels ; les auffres sont faites à histoires, vieux et uséz. 10. Autre chape de satin rouge cramoisin, faite en broderie de fil d’or en forme de cercle ou losanges, et dans chacune d’icelles d[es] images d’angels, des saints, et entre lesquelles losanges, il y a de[s] fleurons d’or faites à quatre pointes ; les auffres sont faites à histoires de la Passion ; le chaperon est petit, avec deux anges, avec les armoiries de M. le cardinal de Saluce93. 11. Autre chape de diapré incarnat, tissu avec images d’angels, d’apostres et autres ramages d’or et de soie, de diverses couleurs, ayant au bord tout à l’entour de lad. chape de tabelle de deux doits de large ; les auffres sont faits à simples personnages et le chaperon petit.

58 La chape Butler-Bowden, confectionnée pendant le second quart du XIVe siècle 94, illustre bien ces deux pluviaux qui se ressemblent fortement. Ici, ce ne sont pas des cycles narratifs qui ornent les étoffes, mais des séries de personnages, prophètes et saints, séparés par des ramages d’or et de soie, des animaux et des anges, qui parcourent le satin ou le diapré. 12. Une autre chape de diapré rouge, tissu avec ramages, cercles et personnages d’or d’orme et de soye, de diverses couleurs ; les auffres sont de la mesme etoffe ; le chaperon est d’or fin avec l’histoire de Nostre-Dame alant en Egypte et sainte Suzanne sur le velours bleu. 13. Deux autres chapes de velours bleu seméts à pots à feu en broderie relevéz ; les auffres sont d’or fin à histoires ; au chaperon de l’une est la Nativité Nostre-Seigneur, avec les armoiries de M. Arnaud Raphanel95, chanoine, en trois ecussons au chaperon et au pied des. auffres ; au chaperon de l’autre est l’histoire de Jesus assis au Temple entre les Juifs, et au fermail sont les armoiries de M. de Borbonio96, archevesque. 14. Autre chape de velours bleu à grands ramages et feuillages d’or ; les auffres sont d’or fin à simples personnages ; il y a au chaperon l’image de saint Jacques, avec les armoiries de M. Pierre Coursier, chanoine, et au fermail sont les armoiries de l’eglise.

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15. Autre chape de damas bleu semé de branches avec de[s] pomets de pin relevéz en broderie, dont les auffres sont d’or fin, faits à losanges, avec ecussons de la Passion ; le chaperon est petit, où il y a l’image d’un evesque et les armoiries de M. Beguo Sicardy97, chanoine, en deux ecussons. 16. Autre chape de damas rouge, tissu de roses d’or, dont les auffres sont d’or fin, remplis de divers personnages, et au chaperon est representé le Couronnement de Nostre-Dame. 17. Autre chape de damas rouge, couleur de pourpre, tissu avec fleurons, grands et petits, d’or ; les auffres sont faits à histoire de la Passion ; au chaperon est le crucifix. 18. Autre chape de damas rouge, tissu avec feuillages d’or, dont les auffres sont faits à histoire de Nostre-Dame ; au chaperon est l’Annonciation de Nostre-Dame, avec les armoiries de M. P. Gaitany, chanoine. 19. Autre chape de velours vert semé de coulombes blanches portant de[s] ramaux d’olives en bec, en broderie, dont les auffres sont faits à simples personnages des apostres et ramages sur velours rouge ; le chaperon est petit, et y est l’image d’Elie, prophete, où sont les armoiries de M. Hugon Costini98, chanoine, en deux ecussons. 20. Autres deux chapes de diapre vert, tissu avec oyseaux et bestions ayant les testes et pieds de roses d’or, dont les auffres sont anciens, faits de l’une à triples personnages, ayant au chaperon l’histoire de saint Thomas ; de l’autre, sont les auffres de simples personnages et au chaperon l’image comme d’un angel.

59 Les derniers pluviaux ne relèvent plus de la même technique ni de la même esthétique. En effet, ils sont offerts par les prélats du début de la période tridentine : 21. Plus quatre chapes de toile d’or, tissu avec ramages de soye violette, et les auffres de toile d’argent frisée avec un filet de soye, au chaperon est la crespine de filet d’or, qui ont esté donnéz par M. le cardinal de Ferrare. 22. Autre douze chapes de toile d’argent, scavoir sept rouges, quatre blanches, et une violette, parsemées des armoiries de M. le cardinal de Joyeuse, archevesque de Narbonne, avec les crochets et trois annaux en facon d’argent, qui ont esté donnéz par led. sieur cardinal. 23. Quatre chapes de velours rouge à fonds d’argent avec ramages de fil d’or frisé, garny autour de natte d’or et argent, avec les crochets d’argent à chascune, ausquelles sont les armoiries en broderie d’or et argent et soye de M. de Vervins, qui les a données et celle de l’eglise. 24. Autre chape, qui fait la cinquiesme, de la mesme etoffe et avec les mesmes armoiries, qui est fourrée de taffetas rouge avec une frange d’or fin, garnie de mesme natte d’or et d’argent donnée par M. de Vervins. 25. Deux chapes de damas violet avec les auffres de satin violet à ramages et chaperons. 26. Un devant d’autel et chape violets avec la frange d’or de Milan de damas avec une petite credence qui doit servir à accomoder99 le devant d’autel qui a esté achepté de M. Nevian, medecin.

60 Les fleurs, ou les armoiries, dans le cas des douze chapes de toile d’argent offertes par le cardinal de Joyeuse, envahissent ces grands pluviaux. Toutefois, elles ne sont pas moins précieuses que les chapes médiévales. La passementerie, avec les crépines100, les nattes et les franges, est très soignée. Les dons du cardinal de Ferrare et du cardinal de Joyeuse proviennent probablement d’Italie. Les chaperons ne semblent pas être brodés de motifs ou de figures, bien que cette pratique se perpétue comme le montrent les trois pluviaux de Chartres. Les raisons de l’absence de figures ou de scènes brodées peuvent être multiples ; nous avons évoqué la possible urgence de reconstituer le vestiaire après la difficile période des Guerres de Religion. Il se peut aussi que les descriptions soient tout simplement plus laconiques, mais ce serait assez étonnant. Pour les chapes de velours rouge offertes par Mgr de Vervins, nous avons pensé à une mitre de la fin du XVIe siècle, fabriquée en Italie ou en Espagne : elle est en satin rouge et ornée de ramages de fil d’or frisé et d’une natte d’or. Elle permet sûrement de donner une idée relativement fidèle de l’apparence de ces quatre pluviaux101.

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Et continuant la visite des102 ornements, led. M. Angles nous auroit presenté les chapes communes qui sont : 1. Quatre chapes de damas vert sans auffres, garnies de clincan faux, qui servent aux doubles et sont au pouvoir du curé, qui est chargé dans son inventaire. 2. Deux chapes de camelot rouge avec les auffres de vieille etoffe qu’on a reparées, et sont au pouvoir du curé suivant l’inventaire, lesquelles chapes servent tous les jours. 3. Autres deux chapes de camelot jaune avec les auffres de taffetas rouge, tissu avec feuillages d’or ; les chaperons sont de camelot rouge avec images de broderie d’Ordome, estant lesd. chapes fort rompeues ; sont à present reparées avec des auffres, servant tous les jours, et sont au pouvoir du curé qui en est chargé dans son inventaire. 4. Autres deux chapes de camelot blanc avec les auffres vieux, de l’une faite à simples personnages, ayant au chaperon l’image d’un ev[esque] ; l’autre à doubles personnages ayant au chaperon plusieurs images, estant lesd. chapes fort vieilles et rompues, et maintenant on esté reparées, qui servent tous les jours et sont au pouvoir du curé. 5. Autre chape de satin broché d’or grossier, semée de fleurs de lys violet, dont les auffres sont d’or d’orme, et au chaperon est l’image de Nostre-Seigneur crucifié. 6. Une chape de camelot violet à ondes, sans auffres, avec parement d’or faux, qui sert pour l’ordinaire, et est entre les mains du curé qui en est chargé. 7. Deux chapes de damas rouge cramoisin, fort usées, avec les auffres de damas cramoisin et blanc, lesquelles servent d’ordinaire et sont au pouvoir du curé qui en est chargé. 8. Autres trois chapes de damas blanc garnies d’un passement de soye rouge cramoisin servant tous les jours et sont au pouvoir du curé. 9. Trois chapes de damas jaune toutes neuves, garnies les deux d’un parement rouge cramoisin, et l’autre d’un passement rouge et blanc, servant tous les jours. 10. Quatre chapes de damas incarnat qui sont neuves, parées d’un passement blanc et rouge, qui sont au pouvoir du curé. Aurions visité ensuitte les chasubles et chapelles noires, et aurions trouvé : 1. Une chasuble de velours noir, avec les auffres d’or fin faits à histoires de la vie de Jesus. Les dalmatiques sont faites de neuf de velours noir, avec passement de soye blanc ; il y a deux etoles, trois manipuls et deux colets. 2. Une chasuble et deux dalmatiques de velours noir, garnies de clincan d’or fin, avec les armoiries au bas de M. de Vervins qui les a données, y ayant autour de lad. chasuble et dalmatiques de frange noire et blanche ; et il y a aussi deux etoles, trois manipuls et deux colets, le tout donné par led. archevesque de Vervins. 3. Trois chapes de velours noir, garnies de clincan d’argent fin avec deux armoiries au bas de M. de Vervins qui les a données. 4. Trois chapes de velours noir qui furent faites à la mort de M. de Rebé, archevesque, avec passement blanc. Aurions aussy visité les tuniques ou planettes103 pontificales, et trouvé : 1. Deux planettes de satin rouge, avec parement de diapre violet fyguré avec roses blanchez et petits bestions d’or. 2. Plus deux planettes de diapre violet figuré avec bestions et oyseaux, ayant les testes et les pieds de roses d’or, avec parement de diapre vert fait à ramages. 3. Une autre planette pontificale de diapre à fonds blanche et le ramage de soye violette et roses d’or assez vieilles ; les parements des manches sont d’or fourréz de rouge. Et pour ce qui regarde les sandales et chausses pontificales, avons trouvé : 1. Une paire de sandales ou souliers de satin blanc semé de fleurs de lys d’or à broderie, avec les chausses de satin blanc. 2. Une autre paire de souliers de diapre blanc semé de petites coulombes ayant une bande d’une treff[l]e d’or, avec les chausses de satin blanc. 3. Autres souliers de diapre blanc figuré avec losanges de serpens et autres ramages

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d’or et de soye rouge, avec une paire de chausses de satin blanc. 4. Une paire de souliers de satin vert avec ramages d’or et un soleil de soye rouge fait en broderie. 5. Autres souliers de velours rouge seméz de colombes d’or portant un ramau d’olive au bec, les chausses sont de diapre incarnat fait à oyseaux qui ont les pieds et les testes d’or. 6. Plus une paire de souliers de satin rouge semé de fleurs de lys, lyons et griffons et cercles d’or ; les chausses sont semblables en etoffe, semées de lyon et etoiles d’or 7. Plus autres souliers de diapre incarnat fyguré à oyseaux, ayant les testes et pieds d’or, les chausses sont de taffetas couleur d’orange. 8. Autre paire de souliers de damas incarnat fyguré, les chausses de toille rouge, et les chausses de taffetas gris. 9. Plus avons trouvé une paire de gans de soye rouge cramoisin et une autre aussy de satin blanc, tous neufs. 10. Plus une autre paire de gans de soye rouge et d’or fin, faits à l’aiguille, fort beaux et doubléz à demy de satin cramoisin, avec une pointe d’or fin à l’entour, et autre six paire de gans blancs, faits à l’aiguille, fort vieux. Continuant la visite des ornements dans le mesme sacraire, aurions trouvé : 1. Un gremial104 de drap d’or à double frise, semblable aux ornements de M. d’Amboise. 2. Autre gremial de drap d’or frisé, avec ramages de velours rouge, ayant le bord de velours bleu. 3. Autre gremial de damas rouge, semé de rosettes d’or avec la bande de damas vert. 4. Autre gremial de satin blanc, semé d’oyseaux, environné comme de rayons de soleil, doublé de taffetas de couleur changeante. 5. Autre gremial de damas blanc, semé de rosettes d’or, bordé de trois parts de taffetas bleu. 6. Autre gremial de diapre vert ; la doubleure est de toile verte, et autour, de taffetas bleu. 7. Autre gremial d’or, tissu avec soye fait à ramages, et l’entour de velours violet avec fleurs dessus, et autour, de frange d’or et de soye avec quatre boutons, donné par M. de Ferrare. 8. Autre gremial de toile d’argent rouge, parsemé des armoiries de M. le cardinal de Joyeuse, archevesque, avec un petit passement tout autour d’or fin, au travers, une frange d’or de meme, donné par led. sieur archevesque. 9. Autre gremial de drap d’argent, parsemé de ramages de velours rouge, donné par M. de Vervins, avec ses armoiries au milieu et tout autour, un grand passement d’or fin fourré de treillis rouge, et une frange d’or de trois cotéz. 10. Un autre gremial de damas blanc, entouré de frange de soye blanche, au milieu duquel sont les armoiries de broderie d’or et de soye du sieur archevesque de Vervins. 11. Autre grand gremial de damas105 violet et rouge, entouré de camelot à ondes rouges. 12. Autre gremial de damas blanc à grand ramages, entouré de tafettas bleu. 13. Deux autres gremials fort grands ; à l’un il y a au milieu un carré de velours rouge parsemé de coulombes d’or, en touré de damassin rouge et violet ; le milieu de l’autre est de diapre violet à oyseaux, ayant les testes et les ailes d’or, entouré de mesme damassin. 14. Plus un gremial travaillé à l’eguille sur la toile, tout d’or et de soye, de diverses couleur ; la garniture d’icelluy est de tafetas, toute brodée d’or, à losanges, au milieu desquels sont deux sortes d’armoiries, l’une d’azur et la croix d’argent, et l’autre d’azur et un lyon d’or. 15. Un autre gremial de velours noir avec une bande de camelot de soye violet, tout autour ondé. 16. Autre gremial de velours noir, entouré de passement d’argent et frange blanche et noire, avec les armoiries au milieu de M. de Vervins qui l’a donné.

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Avons visité ensuitte les parement serv[a]nt pour l’Epitre et pour l’Evangile, et avons trouvé : 1. Deux draps de velours violet pour l’Epitre et pour l’Evangile, garny de fleurons d’or avec les armoiries du chapitre d’un cotté, et celles de M. le cardinal de Ferrare de l’autre. 2. Autre d[r]ap de satin blanc paré de croix d’or et d’argent, servant [au] pulpitre du milieu du cœur. 3. Autre deux evangelistaires, un de damas goffré, rouge et blanc, et l’autre de damas rouge. 4. Autres deux epistolaires de sant106 blanc, avec ramages de velours rouge, où pendent les armoiries du chapitre et de M. de Vervins, archevesque. 5. Plus un autre drap pour l’Epistre et l’Evangile de velours figuré, à fonds de satin bleu ; les ramages sont des friseure jaune, avec une pourfileure de velours rouge à l’entour, entouré de frange rouge cramoisine. 6. Un epistolaire de velours noir, orné de frange blanche et noire, y ayant deux passements au fonds de chaque coté, avec les armoiries de M. de Vervins. 7. Un autre epistolaire de brocard vert et un autre rouge de mesme, et un autre de damas blanc. Avons trouvé les ornements pour parer la chaire archiepiscopale qui consistent : 1. Un parement de damasquin blanc et vert, avec sa courtine et frange, dont une piece a esté derobée. 2. Un autre parement de lad. chaire de velours figuré, à fonds de satin bleu ; les ramages sont de friseure de soye jaune, avec une parfileure à l’entour de velours rouge, avec sa courtine garnie de passement et frange de soye cramoisine, donnée par M. de Vervins. 3. Plus deux parements pour porter l’image de Nostre-Dame et autres reliques, de diapre vert, figuré à roses d’or et de soye rouge, et autres ramages bordés de frange de soye, qui sont du tout semblables. Autres parements grands servant pour porter la chasse de saint Just : 1. Un grand parement de drap d’or, avec ramages de velours rouge, avec une bande autour de la largeur, d’un velours de couleur bleu, avec les armoiries M. de Briconnet, archevesque, en quatre ecussons, avec celles de l’eglise, faites en broderie ; et sert led. drap pour parer la chasse de saint Just aux solemnitéz. 2. Autre drap d’or de semblable grandeur, de diapre ou drap d’argent, figuré à frisées, bordé tout autour d’un velours jaune damassé ; y sont les armoiries de M. de Saconis, archevesque de Narbonne. 3. Autre parement de diapre violet fguré à feuillages et petites fleurs de lys d’or d’orme, avec une grande bande autour de tafetas rouge ouÌ sont les armoiries de l’eglise en six grands ecussons fort vieux, ne servant de rien. 4. Autre parement de drap d’or, tissu de soye bleu et à ramages, et à l’entour, de velours bleu avec les armoiries de M. de Ferrare et du chapitre aux quatre bouts. 5. Autre parement de velours figuré à fonds de satin bleu ; les ramages sont de friseure jaune, entouré d’une pourfileure de velours rouge, garny de passement de frange de soye rouge cramoisine, donné par M. de Vervins. 6. Autre parement de velours rouge pour parer la chaire aux sermons, où est escrit en lettre d’or : Beati qui audiunt Verbum Dei etc. Plus avons visité les parements et pallis107 pour le grand autel : 1. Deux parements de velours rouge, seméz de soleil d’or, et au milieu, un cercle et le nom de Jesus-Christ en lettre de perle ; à l’un, y sont les Maries et autres personnages au sepulchre, en broderie d’or, et l’autre est Nostre-Dame de Pitié, tenant son Fils au genou, et plusieurs autres images qui ont les bords des vestements tous de perles, avec les armoiries de M. de Auricuria108, archevesque, et de l’eglise à chacun desd. parements ; et servent l’un pour le bas du grand autel, et l’autre pour mettre contre les pilliers, sous la chasse de saint Just ; y est aussi le frontal109 pour mettre sur led. autel, garny de douze soleils, de mesme parure de frange de filet d’or et de soye rouge.

61 Ces deux pièces sont ornées de soleils d’or au centre desquels s’inscrivent les lettres JHS en perles, entourées d’un cercle de perles. Ce motif revient sur plusieurs pièces qui

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pourraient bien constituer un ensemble réservé à la Fête-dieu. Les scènes brodées sont très classiques pour l’époque : les trois Maries autour du sépulcre vide du Christ et la Vierge de Pitié tenant son Fils au pied de la Croix. Les personnages, brodés à l’aiguille en fil d’or ainsi que des perles rehaussent le contour des vêtements. 2. Un parement pour le devant d’autel, le jour Vendredi Saint, de camelot de soye blanc, avec sept histoires de la Passion et Resurrection à peinture noire, et y sont les armoiries du roi Charles et de la reyne, avec un bord autour, fait à feuillages et une lettre K110.

62 Cette pièce (fig. 22), fabriquée entre 1373 et 1375 et commandée par Charles V lui- même, est arrivée dans des circonstances inconnues dans le trésor de Saint-Just111. Les historiens et les conservateurs ont longtemps douté de son appartenance au trésor de la primatiale, affirmant que le peintre Jules Boilly l’avait retrouvé par hasard à Narbonne au XIXe siècle, avant que le Louvre ne l’acquière en 1852. La visite du cardinal de Bonzy permet de lever tous les doutes au sujet de son appartenance au trésor historique de la primatiale narbonnaise. Toutefois, nous ne pouvons pas préciser si ce parement est une donation directe du roi pour honorer la sépulture des entrailles de son ancêtre Philippe III. Cette présence dissipe également toutes les hypothèses au sujet de son utilisation. On a souvent pensé que cet antependium, qui n’est accompagné d’aucune pièce en raison de la sobriété de la circonstance où il est sorti, sert pour les féries du Carême. Des comparaisons avec d’autres chapelles quotidiennes de Carême contenues dans d’autres inventaires de Charles V et de Philippe le Bon ont même été effectuées pour conforter cette affirmation112. Le texte précise qu’il n’est sorti qu’une fois par an, pour le Vendredi Saint.

63 Les dimensions du parement sont de 78 cm de haut pour 208 de longueur ; à l’origine, il devait être tendu comme un retable, soit au-dessus de la table d’autel, comme le montrent les frises qui longent les quatre bordures.

64 La visite ne s’arrête pas beaucoup sur cette pièce unique en son genre dans le trésor. Le parement de Narbonne est une grisaille sur camelot de soie blanc. Sept scènes ayant trait à la Passion du Christ y sont peintes à l’encre noire, sur une étoffe à la fois fine et sobre. La Crucifixion se trouve au centre du parement. Toutes les scènes sont surmontées d’arcatures gothiques qui les séparent les unes des autres tout en leur conférant une unité. Le récit commence à gauche avec l’arrestation de Jésus, la Flagellation et le Portement de Croix. Après la Crucifixion, on peut voir la mise au tombeau du Christ avec saint Jean et les Saintes Femmes, la descente du Christ aux limbes et l’apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine le matin de Pâques. Le portrait du roi Charles et de son épouse Jeanne de Bourbon et le chiffre K sont représentés dans des médaillons de la frise qui borde la pièce. L’auteur de cette œuvre, d’une finesse extraordinaire, demeure inconnu. Des noms prestigieux, comme celui de Jean d’orléans, ont été proposés, sans aucune certitude. En tout cas, il semble qu’il ait été sensible à la culture italienne mais aussi nordique.

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Fig. 22.

Paris, Musée du Louvre ; parement de Charles V Michèle Bellot © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)

65 La mitre du trésor de la Sainte-Chapelle (conservée au Musée national du Moyen Âge à Paris) ressemble fortement au parement de Charles V. Nous y retrouvons la même technique de grisaille et une singulière ressemblance dans la représentation des personnages et dans la forme des arcatures qui surmontent la scène principale et une frise de saints113. De plus, il existe entre cette mitre et ce parement une affinité profonde avec l’art des peintres parisiens de la fin du XIVe siècle. 3. Autre parement pour mettre au devant de l’autel, fait à l’aiguille, en broderie avec cinq grandes losanges, chacune contenant une histoire de la Passion ; et entre lesd. losanges, y a de[s] las faits de perles, granats, courals, et turquis ; le bord est de velours rouge fait à grands feuillages d’or en broderie, et aux deux bouts, y sont les images de saint Just et saint Pasteur, avec des bords de fil d’or, et y sont les armoiries de l’eglise en quatre ecussons.

66 Cette pièce, ornée de multiples scènes de la Passion du Christ, relève de la même esthétique que les parements que nous venons d’évoquer et que celui des Cordeliers. Des perles minérales de toutes les couleurs, comme les “turquois” et les perles de corail sont brodées sur toute la pièce entre les losanges. Mais la représentation des deux saints patrons montre que l’œuvre a été conçue exprès pour la primatiale narbonnaise ou que les deux personnages ont été rajoutés a posteriori. Nous n’en savons pas davantage sur l’iconographie des deux enfants martyrs, sûrement représentés debout tenant la palme du martyre, comme les deux statuettes-reliquaires. 4. Autre palis pour le bas de l’autel, fait tout en broderie à doubles losanges, avec histoire de Nostre-Dame, et entre lesd. histoires, y a de[s] las fait de perles de granats et de turquis ; maintenant, toutes les perles sont perdues ; à chaque bout, y a une bande de velours rouge avec les armoiries de l’eglise, environné de feuillages en broderie. Le frontal114 est aussi fait en broderie, avec histoires de la Nativité et de la Passion de Nostre-Seigneur. 5. Autre parement ou palis pour le bas de l’autel, de velours rouge, avec les histoires de la Nativité, des Roys et de la Résurrection, avec grands personnages en broderie ; le frontal est fait aussy en broderie avec losanges, et dedans, histoires de la Passion ; les franges sont de soye verte.

67 Nous retrouvons sur ces pièces le déroulement de cycles narratifs enfermés dans des losanges et des cercles de ramages. La combinaison de la vie de la Vierge avec celle de son Fils et de la Rédemption rappelle les pluviaux en opus anglicanum. Le Musée Paul dupuy à Toulouse conserve une œuvre somptueuse, surnommée le parement d’autel des Cordeliers, entièrement brodée de fils d’or et de soie, fabriquée au XIVe siècle en Angleterre, qui représente dans vingt-six médaillons losangés la vie du Christ115. Les parements de Saint-Just doivent fortement lui ressembler. 6. Plus un autre parement pour le haut de l’autel, de velours rouge, avec les images du crucifix, Nostre-Dame et saint Jean, saint Etienne et saint Paul, et saint Jean-Baptiste ; les bords sont de velours vert avec étoiles et roses, le tout en broderie ; et y sont les armoiries du

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cardinal de Saluces en quatre ecussons. 7. Autre palis ou parements pour le bas de l’autel, fait en broderie avec histoire du Couronnement de Nostre-Dame, et les images de saint Pierre, Abraam et Elizée avec une bande de velours incarnat ; le frontal aussy est fait en broderie, avec images des Apostres, et la frange est de diverses couleurs.

68 Ce parement est aussi en opus anglicanum. On peut le rapprocher de la représentation du sur la chasuble de Pienza116. 8. Autre deux parements de velours rouge pour devant et bas de l’autel ; à l’un, sont les images du crucifix, Nostre-Dame et saint Jean ; à l’autre, saint Hierome, saint Jean-Baptiste, et saint Etienne ; au bas, il y a la frange qui sert de frontail de soye rouge avec une crespine de fil d’or, où sont les armoiries de M. le cardinal de Lorraine en quatre ecussons, à chacune ; et il y a aussy à chaque bout de[s] bandes de velours violet avec des grandes croix de Jerusalem en broderie d’or, et les armoiries de M. Gilles Gaillard, archidiacre de Corbieres, qui les a données. 9. Autre parement de satin blanc semé de toile d’or, avec l’image de Dieu assis en majesté, environné d’anges, et les figures des quatre évangélistes en broderie117 de taffetas rouge, avec les armoiries de M. le cardinal de Saluces en six ecussons ; et sert pour mettre dessous la chasse de saint Just. 10. Autre palis de damas rouge figuré, [à] fleurons d’or, bandé de deux bouts de velours vert, avec les images de saint Just et saint Pasteur en broderie ; le frontail est de mesme etoffe, avec frange de soye verte, et les armoiries de l’eglise en quatre ecussons, tant au palis qu’au frontail. 11. Autre palis de satin grossier rouge, fait à etoiles d’or d’orme ; au milieu est l’image de Nostre-Dame ; au deux bout il y a deux bandes de damas vert et couleur d’orange. 12. Autre palis de damas blanc, fait à rosettes d’or bondé, autour et bas de diapre vert figuré avec roses et feuillages d’or et soye rouge. 13. Autre parement pour le devant d’autel de velours violet, avec une croix de broderie d’or au milieu. 14. Autre palis de diapre incarnat avec de petites bandes de violet figuré, et autres divers ramages ; aux deux bouts, il y a de[s] bandes de tafetas vert ; le frontail est de mesme etoffe, avec frange de filet blanc et violet, et les armoiries de M. de Judicia et de l’eglise. 15. Autre palis de damas incarnat neuf ayant une bande à chaque bout de velours violet, et les images de saint Just et saint Pasteur en broderie, et les armoiries de l’eglise en deux ecussons ; le frontail est de mesme damas, avec frange de soye verte. 16. Autre palis de tafetas blanc avec l’image de Nostre-Dame en broderie d’or d’orme aux deux bouts ; il y a de[s] bandes de tafetas rouge et quatre ecussons ; a esté donné par M. Bernard Miry, beneficier ; le frontail est de mesme118, avec frange de diverses couleurs. 17. Autre palis de velours blanc avec bandes de velours rouge et les images de sainte Catherine et sainte Barbe en broderie d’or. 18. Trois palis de toile d’or en broderie, où sont les histoires des trois Roys, les Nopces de saint Jean119 et le baptesme de Nostre-Seigneur au Jourdain, donné par M. de Ferrare. 19. Autre palis de diapre jaune figuré à branches et feuillages, dont le frontail est de mesme etoffe, vieux et sans frange. 20. Autre palis de diapre blanc, figuré à rose, oyseaux et bestions ayant les testes et les pieds d’or, à roses d’or aux deux bouts ; il y a une bande de damas bastard vert et incarnat ; le frontail est de mesme etoffe, avec une frange de soye verte. 21. Autre palis de diapre vert, figuré avec oyseaux qui [ont] les testes et les pieds d’or ; aux deux bouts, il y a une bande de damas rouge ; le frontail est de mesme etoffe, avec une frange de diverses couleurs. 22. Autre palis de diapre grossier rouge, figuré partout d’or d’orme avec histoire de l’Annonciation ; au deux bouts, il [y] a une bande de tafetas rouge avec les armoiries en huict ecussons, ayant une barre de gules120 en champ d’argent, sans frontail. 23. Autre palis de diapre vieux et fassé avec les histoire de la Nativité de Nostre-Seigneur ; au deux bouts, il y a une bande de tafetas rouge ; le frontail est de diapre couleur d’orange, avec ramages d’or et soye de diverses couleurs.

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24. Autre palis de vieux diapre rouge, figuré partout [à] histoires de crucifix d’or d’orme ; au deux bouts, il y a une petite bande de satin rouge, sans frontail. 25. Autre palis de damas vert, figuré, bordé de damas rouge figuré, ouÌ sont les armoiries de M. René Belletau, en deux ecussons ; le frontail est de mesme etoffe, avec frange de soye de diverses couleurs. 26. Autre palis de mesme etoffe avec histoire partout de crucifix et de sepulchres ; au deux bouts, il y a une bande de satin rouge, sans frontail. 27. Autre palis de satin violet obscur, semé de grands lyons de mesme etoffe, avec deux grandes bandes de diapre figuré à roses. 28. Autre palis de diapre violet couleur de pourpre, figuré à bestions et oyseaux qui ont les testes et les pieds à roses d’or ; aux deux bouts il y a des bandes de velours vert ; le frontail est d’etoffe semblable escurieux d’or et la frange verte. 29. Autre palis de toile d’argent à losanges et [de] ramages de soye verte, au dedans desquels losanges sont les armoiries du sieur cardinal de Joyeuse qui l’a donné, en fil, travaillées dans la mesme etoffe, y ayant aud. palis une crespine de fil d’or fin. 30. Plus autre palis de toile d’argent melé avec soye rouge parsemée des armoiries du sieur cardinal de Joyeuse, archevesque, en filet d’or travaillé dans la mesme etoffe, y ayant une crespine d’or fin. 31. Trois palis de velours figuré à fonds d’argent fin, les figures relevées en friseures d’or, avec une pourfileure de velours rouge à l’entour, avec sa frange121 à d’or fin en fasson de passement, y ayant chaqu’un les armoiries de M. de Vervins qui les a données, et celles de l’eglise en broderie. 32. Un palis de velours cramoisin de Genes rouge, avec un grand passement d’or fin et sa frange de soye rouge122 cramoisine. 33. Un autre palis de damas rouge cramoisin à fleurs, avec son passement et une frange de soye couleur d’orange et cramoisine. Ensuite avons visité les palis qui servent pour les chapelles et trouvé : 1. Un palis de damas vert ayant certains feuillages en broderie, et au milieu, l’image de saint Pierre assis en la chaire pontifcale, et y sont les armoiries de M. de Bellesole en deux ecussons. 2. Autre palis de damas blanc figuré avec bord de damas vert, aussy figuré avec passement de soye rouge et blanc, et sert à l’autel de Sainte-Catherine. 3. Autre palis de satin violet grossier, ayant quatre lyons blanc, avec une bande de chaque bout de diapre sans aucune frange. 4. Autre palis de tafetas bleu bandé de toile rayée d’or, avec la frange de diverses couleurs, et sert à l’autel Nonciade123. 5. Un devant d’autel qui sert pour l’Avent, de moele et tapis violet, avec dentelle d’or et d’argent, donné par M. de La Caunette, chanoine, le premier jour de l’Avent 1675. Un petit tour du pied du Saint-Sacrement de moele d’argent violet avec une frange d’or et d’argent. 6. Un palis de tafetas rouge fait à fleurs, donné par les heritiers de la femme en secondes nopces de Boissier, bonnetier de Narbonne, pour servir à l’Annonciade ; et maintenant, est à la chapelle de Saint-Pierre. 7. Autre palis de laine fait en facon de damas, avec une image de saint Michel, et sert ordinairement à la chapelle de Saint-Michel. 8. Autre palis de laine verte en facon de damas, et au milieu est l’image de la sainte Trinité, qui sert à la chapelle de la Trinité. 9. Autre palis de laine rouge en facon de damas, et au milieu est l’image de saint Martin, qui sert à la chapelle de Saint-Martin. 10. Autre palis de damas rouge bordé de damas vert tout autour, avec de[s] passement d’or faux, qui sert à la chapelle Saint-Jean. 11. Autre palis de damas rouge avec bandes de damas vert, qui sert à la chapelle-Saint Jacques. 12. Autre palis de damas rouge bordé de damas jaune avec bandes du mesme damas, qui sert à la chapelle Saint-Blaise. 13. Autre palis de damas rouge avec bandes de damas vert, sans aucune frange, qui est de ligature blanche, et sert à la chapelle des fonts baptismeaux.

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14. Plus deux devant d’autel, ligature l’un rouge, et l’autre blanc pour l’autel de Saint-Pierre, et trois voiles de tafetas violet, que M. Berthelier, chanoine, a donnés. De plus avons visité les parements noirs pour le service des morts, qui sont : 1. Un drap de velours noir avec une grande croix de satin blanc, sans aucune armoirie, donné par Mme Villeneuve. 2. Un drap de velours noir servant pour un autel des chapelles, ayant une croix au milieu, et quatre croix aux coins, de velours blanc, avec les armoiries du sieur de la Borde en broderie. 3. Plus un palis du bas du grand autel, de velours noir avec passements d’argent fin, et à chaque bout les armoiries de M. de Vervins en broderie de soye et satin. 4. Autre palis de velours noir pour mettre sur l’autel, avec passement d’argent fin et un crucifix en broderie d’argent et soye, et à chaque bout les armoiries de M. de Vervins en broderie. 5. Plus un drap de velours noir avec une grande croix de satin blanc allant d’un bout à l’autre, sans aucune frange, où sont à chaque bout les armoiries de M. de Vervins. Continuant notre visite, avons trouvé les pavillons pour le grand autel, et autres qui sont : 1. Un pavillon de velours rouge de largeur du travers de velours où est escrit en lettre d’or Spes mea Deus, où sont les images du crucifix, saint Just et saint Pasteur, avec les armoiries de M. Gascourt, precenteur, avec frange de soye rouge. 2. Autre pavilon dud. autel pour les jours ferials de tafetas rouge, avec les mesmes images et les armoiries dud. Gascourt et de l’eglise. 3. Un petit pavillon pour porter le Corpus Domini aux processions solemnelles, de velours rouge semé de cercles de perles, et au dedans, est escrit en lettre de perles Jesus, et tout autour, de[s] rayons de soleil de fil d’or ; les franges sont de soye rouge avec une crespine de fil d’or ; et fait en quatre pieces de longueur, les deux de huict pans et demy, et les autres de quatre pans, chaqu’une de velours ; le ciel est de tafetas cramoisin incarnat, avec une bande tafetas vert autour. 4. Un pavillon ou daix pour le grand-autel de velours figuré à fonds de satin violet, les ramages sont de friseure de soye jaune avec une pourfileure à l’entour rouge, entouré d’une frange de soye rouge cramoisine, de largeur de la moitié du velours, conforme à la couverture des corps saints, qui a esté donné par M. de Vervins. Avons visité ensuitte les courtines ou ridaux, qui sont : 1. Quatre courtines de toile d’Olande avec bandes de ret et frange de Nice, la bande [de] la teste est de damas jaune à ramages, avec les annaux. 2. Autres courtines en quatre pieces de toile de Rouan avec frange de filet de Nice ; la bande de la teste est de damas jaune à ramages, avec les annaux. 3. Autres courtines en quatre pieces ou ridaux violets, avec une dentelle d’or et d’argent, donné par M. Angles, conducher et sacristain, qui sert pour l’Avent, le premier de decembre 1675. 4. Un petit ridaux violet qui sert quand le Saint-Sacrement est exposé l’Avent et Caresme, donné aussy par M. Angles [en] 1675. 5. Une petite courtine de velours figuré à fonds d’argent ; les figures sont relevées en figure d’or, avec une pourfileure de velours rouge avec sa sa frange de soye rouge cramoisin, et par dessus, une crespine de fil d’or fin fourrée de camelot à ondes rouges, qui est de la mesme etoffe des habits baillée par M. de Vervins, laquelle piece estant de reste en a esté fait lad. courtine pour servir de parement à l’entour du pied du grand reliquaire où l’ont met le Saint-Sacrement. 6. Plus quatre ridaux de tafetas rouge cramoisin, servant pour le grand autel124, entouré d’une frange de mesme couleur. 7. Autre ridaux qui se met devant le grand autel pendant le Caresme, qui s’appelle Velum Templi, donné par M. Louis, conducher, l’année 1676. 8. Un tour violet qui sert pour l’Avent et le Caresme, fait par messieurs du chapitre l’année 1676. Avons trouvé : 1. Dix coussins de damassine, tous neuf, scavoir quatre violets à fontes orange ou rouge, et trois de bleu à fonds blanc, et trois de vert à fonds blanc aussy. 2. Un coussin travaillé à l’aiguille, de soye à roses, qui sert pour l’autel, le dessus et le dessous

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est de satin violet, qui a esté à M. de Vervins. 3. Un coussin de satin blanc avec des croix d’or d’un costé, et de l’autre, des croix rouges. 4. Deux coussins, l’un de damas bleu et l’autre de tafetas de mesme couleur. 5. Plus deux couvertures de missel, dont l’une est de damas blanc et l’autre de damas bleu. Aprés avons trouvé le crespes125 qui servent au sous-diacre pour tenir la patene. 1. Un crespe de tafetas blanc bordé de bandes bleues et bordé autour d’une bande de soye verte, et de longueur de (ne) neuf pans et demy et de largeur de deux pans. 2. Autre crespe pour tenir la patene, fort usé, de longueur de dix pans et demy et de largeur d’un pan et demy. 3. Autre crespe de tafetas couleur d’orange, barré de petites barres vertes de longueur d’une cane et de la largeur d’un pan et demy. 4. Plus trois crespes de tafetas violet avec barres larges de soye rouge et verte, de longueur les deux de deux pans chacun, et l’autre six, et de largeur deux pans. Le recteur de Bethléem en a un pour l’usage de la paroisse. 5. Deux crespes pour porter la patene, de gaze blanche avec des barres de mesme etoffe de diverses couleurs, ayant de longueur douze pans et trois pans de largeur. 6. Autre crepe de toile blanche comme coutonnine, ayant de longueur neuf pa[n]s et de largeur deux pans, ayant une petite croix de soye rouge au milieu, et bordé tout autour de bandelettes rouges, au bout, il y a de la frange de filet, ayant esté donné au recteur pour servir tous les jours au grand-autel. 7. Autre crespe blanc avec petites bandes de soye rouge tirant de longueur 13 pans, et de largeur 1 pan et demy. 8. Plus deux crespes blancs de soye, l’un de 20 pans et deux et demy de largeur, l’autre à douze pans de longueur et deux et demy de largeur. 9. Deux autres crespes blancs, l’un a environ quatorze pans de longueur et trois de largeur. 10. Autre petit crespe carré de quatre pans, entouré d’un ruban rouge d’un costé, et de l’autre, bleu, et au bout une bande de diverses couleurs. 11. Plus un petit voile de tafetas fort vieux de huict pans de longueur et six et demy de largeur. 12. Autres trois crespes de gaze partout rayés de rouge et jaune, etant tous neufs. 13. Plus un crespe noir de dix pans de longueur et une echarpe de tafetas bleu avec une dentelle de soye au bout. Les parements qui servent pour faire le Cresme : 1. Une nape carrée coupée aux quatre bouts, de toile blanche ouvrée quazi partout d’ouvrages faits à l’aiguille de soye de diverses couleurs. 2. Quatre pieces faits en forme de rideau ou courtine de toile coutonnée, barrée à bandes de fil blanc, faites à jour, et y a aussi quelques franges de soie verte. 3. Une longére de toile coutonnine grossiere ouvrée partout d’ouvrages de soye rouge et violette, faite à l’aiguille, qui a environ huit pans de longueur et trois de largeur. Avons trouvé ensuitte les courdons de soye : 1. Six courdons de soye rouge de longueur de huict pans ou environ chacun, et une oupe au bout attachée avec un bouton longuet, aussy de soye rouge, avec une crespine de fil d’or, servant pour attacher au pavillon le jour du Corpus Domini126. 2. Deux courdons de crespine de soye rouge avec un bout d’or à chacun. De plus avons visité les parements et aubes du grand-autel, qui sont :

69 Rogier Van der Weyden représente une aube parée sur le retable du Jugement (Hospices de Beaune) : l’ange chargé de peser les actions des âmes est revêtu d’une aube parée, en bas et aux manches, de pièces brodées, et d’un superbe pluvial fermé un fermail orné de pierres. Les parements d’aube sont traités comme des orfrois : entièrement brodés pour les plus luxueux, ils représentent des scènes du Nouveau Testament ou des figures de prophètes et de saints tandis qu’à l’époque tridentine, les dentelles prennent le pas sur les broderies. 1. Deux parements de velours cramoisin avec le nom de Jesus, en perle, en broderie d’or, avec la couverture de l’amit et pour les manches, de mesme etoffe, le tout pour parer une aube le

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jour du Corpus Domini. 2. Autres deux parements pour manche, faits en broderie d’or et de soye ; en l’une est l’histoire de l’Adoration des Royes, en cinq ovales avec quatre carrés de courail et de parles ; il y en manque plusieurs ; à l’autre, il y a autres cinq ovales ; en l’un est l’Annonciation, et l’autre la Visitation, la troisiesme la Nativité, la quatriesme l’Apparition aux pasteurs, et la cinquiesme la Circoncision, avec six carréz de corail et de perles ; il y en manque plusieurs ; il y a aussi le parement de l’amict en broderie d’or avec cinq testes, celle de Nostre-Seigneur, de la Vierge, et de cinq Apostres, comme aussy la garniture des manches qui sont fort usées, à chacune il y a trois testes. 3. Autres deux parements en broderie d’or et de soye ; en l’un est l’histoire de la Nativité et l’Apparition des anges aux pasteurs, et l’autre est la Nativité de Nostre-Seigneur, et les Roys qui l’adorent ; et le parement de l’amict en meme broderie, fort vieille, avec sept histoires : l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, [le] Couronnement de la Vierge, l’Apparition des anges aux pasteurs, l’Adoration des Roys, et Jesus disputant au temple, avec aussy les parements des manches de diapre d’or et de soye de diverses couleurs, fait en losanges, travaillé à l’aiguille, le tout pour parer une aube. 4. Deux autres parements de soye couleur de rose seche, travaillé dessus en broderie d’or, en figures rondes, au dedans desquelles il y a en une un dragon volant, et l’autre deux aigles. Le parement de l’amict est en broderie d’or avec deux bouts, auquel il y a la figure de deux evesques, et au milieu trois testes, l’une de Nostre-Seigneur, de la Vierge, et de saint Jean. Les parements des manches sont de diapre d’or et de soye à losanges travailléz à l’aiguille. 5. Autres deux parements faits en broderie d’or et de soye, ouÌ il y a à l’un l’histoire de l’Annonciation avec deux anges, et l’autre est la Nativité avec l’Apparition aux pasteurs. Le parement de l’amict est aussy en broderie d’or et de soye avec cinq testes, l’une de sainte Catherine, de saint Paul, saint Pierre, saint Jacques et sainte Helene, fort vieux, avec les parements des manches de mesme broderie, avec deux petites testes à chacune et quelques feuillages verts et rouge. 6. Deux autres parements rouges travailléz en broderie d’or à personnages ; à chacun il y a six figures des Apostres. Le parement de l’amict est de mesme avec sept petites figures sans parement de manches. 7. Deux autres parements rouges fort uséz avec de[s] broderie d’or et de soye à personnages à chacun, y ayant sept personnages, sans garniture d’amict ny parement de manches. 8. Deux autres parements fort vieux dont le fonds etoit blanc avec cinq personnages à chacun en broderie d’or et de soye, sans parement d’amict ny de manches. 9. Six autres parements de damas bleu avec un galon rouge tout autour et un parement pour l’amict et six parements de manches, de mesme etoffe. 10. Six parements de damas vert, un parement d’amict et six pour les manches. 11. Six autres parements de damas rouge avec un parement d’amict et six pour les manches. 12. Six parements de velours noir fort uséz avec son parement pour l’amict et six pour les manches, de mesme etoffe. 13. Huict parements de satin bleu pour les aubes des enfans de cœur, garnis d’une frange rouge, blanche et jaune, avec huict parements de manches, de mesme etoffe. 14. Dix autres parements, le dedans desquels etoit rouge, travaillé en broderie de personnages dans de[s] niches y ayant cinq personnages à chacun, avec deux armoiries aussy à chacun. 15. Deux autres parements de satin de Bourges vert, au dessus, il y a six personnages travaillés en broderie d’or et de soye, les visages des personnages sont effacéz. 16. Deux autres parements de diapre à fonds blanc, et le ramage est d’or, et de soye rouge avec le parement de l’amict de mesme. 17. Autres deux parements violets avec de[s] personnages en broderie d’or, mais sont si vieux et rompus qu’on ne peut discerner les personnages. 18. Autres trois parements de diapre violet avec ramages d’or fin et petits chiens, avec ecritaux aussy d’or, fourréz de taffetas vert sauf un, avec le parement d’un amict et de deux manches, de mesme etoffe et fort beaux. 19. Deux parements de velours ou pane violette, seméz d’etoiles d’or fin, avec le parement de l’amict de mesme ; le[s] parement des manchez sont de diapre couleur de pourpre avec

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oyseaux d’or. 20. Plus trois pieces qui servent entierement de parement, pour mettre au devant de la poitrine des aubes, deux desquels sont verts en broderie d’or par dessus, à l’un il y a l’image de Dieu le Pere, à l’autre celle de la Vierge, et le troisiesme est à fonds d’or fin avec trois personnages en broderie de soye : l’un est la figure de Jesus et les autres deux anges. 21. Six parements d’aubes de damas blanc avec les parements de l’amict et six petits pour les parements des manches. 22. Plus autres six parements de damas blanc avec toutes leurs pieces. Enfin, avons visité toutes les tapisseries du coeur et autres tapis servant de sous pieds, tout de laine et de soye et fil d’or, qui sont : 1. Une piece tapisserie ouÌ sont les histoires des Rameaux, de la Passion, Résurrection et Ascension de Jesus-Christ, qui se met devant la porte du fonds du choeur. 2. Deux pieces pour le parement des chaires du bas du coeur ; à l’une est l’histoire de l’Annonciation, et l’autre des Roys, avec les armoiries de M. Coursery127. 3. Deux grandes pieces de tapisserie pour parer le haut du cœur droit ; à l’une est l’image de Nostre-Dame et des douze Apostres, avec les armoiries de M. Saconis, archevesque ; l’autre est semée d’anges portant les armoiries dud. sieur de Saconis. 4. Plus une grande piece pour le parement du haut du cœur gauche, contenant l’histoire du Jugement de l’ame, avec mes armoiries de M. Alesii (sic), archevesque. 5. Plus deux pieces de tapisserie de damas incarnat et vert au bords, pour mettre au fonds du coeur au haut de la tribune, de longueur chacune de dix huict pans et de huict pans de largeur. 6. Seize autres pieces de mesme etoffe et parure, pour le parement du haut des chaires du cœur, servant de courtine. 7. Une grande piece de tapisserie de laine haute lice, faite à grands personnages, où est l’histoire de la Flagellation et Couronnement de Nostre-Seigneur. 8. Un tapis vert d’estarret vieux, qui sert ordinairement pour couvrir la caisse qui est devant le pulpitre. 9. Deux pieces de futaine de massat qui servent les deux sieges des chapiers les festivitéz. 10. Deux pieces de tapisserie faites à feuillages verdure et fleurs ; à l’une sont les armoiries du chapitre en trois ecussons, et sert pour couvrir la caisse qui est devant le pulpitre les festivitéz, et l’autre sert pour le grand-autel, et a esté donnée par M. Arnaud Raphanel, chanoine. 11. Deux grands tapis de Turquie qui servent à couvrir les degrés du grand-autel. 12. Une garniture de tapisserie de laine et soye melée, qui a esté donnée par M. de Vervins, archevesque de Narbonne, servant à tapisser tout le cœur, devisé en trois tentes. La premiere sert pour tapisser le haut du cœur, contenant l’histoire de la Vie, Mort, Passion, Résurrection de Nostre-Seigneur-Jesus-Christ, avec divers miracles, et du Jugement dernier, le tout contenant vingt et une pieces.

70 Les deux pièces restantes de cette tapisserie offerte par Mgr de Vervins, représentent l’annonciation (fig. 23) et l’Adoration des bergers (fig. 24). Décorées aux armes du prélat (fig. 25), elles ont été tissées à la fin du XVIe siècle ou à l’aube du siècle suivant. Composées verticalement (h : 440, l : 330), elles sont toutes les deux ornées de la même frise. Le style n’est pas sans rappeler l’art de la peinture. Nous ignorons où elles ont été tissées.

71 La tapisserie française commence à se développer à cette époque mais il est très possible que Mgr de Vervins ait eu recours à des ateliers flamands. Les deux événements représentés qui préparent la Rédemption, ressemblent fortement à des scènes peintes.

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Fig. 23.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; tapisserie de l’Annonciation M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

72 D’abord ils s’intègrent dans un décor architecturé et paysager extrêmement soigné. Celui de l’Annonciation est assez remarquable : la Vierge se trouve dans une chambre richement ornée d’un palais, dont la grande fenêtre donne sur l’extérieur. Cette disposition des lieux est très en vogue pendant la Renaissance, tout comme la représentation de l’ange dans sa descente depuis les cieux. Par ailleurs, l’attention au drapé et à la finesse du mouvement dans cette scène d’Annonciation évoque également l’art pictural.

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Fig. 24.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; tapisserie de l’Adoration des bergers M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

73 L’adoration des bergers ressemble quant à elle très fortement au tableau de Peter Paul Rubens128, au début du XVIIe siècle. Le graveur Lucas Vosterman129 a reproduit l’œuvre, permettant sa diffusion, en 1620, époque où les tapisseries pour Saint-Just ont dû être commandées par le prélat. Ces tapisseries entrent donc parfaitement dans les goûts esthétiques des premières décennies du Grand Siècle. Les deux pièces sont désormais tendues dans la chapelle Saint-Michel.

Fig. 25.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; détail de la tapisserie de l’Annonciation : armoiries de Mgr de Vervins (1600‑1628) M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

13. Plus une grande piece de la mesme sorte, contenant l’Assomption de la sainte Vierge, qui sert pour mettre au fonds du cœur, devant la grande porte de la tribune en bas. 14. Plus la seconde tente, qui sert come de courtine sur les chaires du cœur ; est aussy de mesme tapisserie de haute lice de laine et soye melée, contenant l’histoire de saint Just et saint Pasteur, devisée en onze pieces. 15. La troisiesme tente sert pour parer toutes les chaires du cœur, contenant les histoires de la Conception, Nativité, Annonciation, Vie, Mort et Assomption de la Vierge, Nativité de

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Nostre-Seigneur, Circoncision, Manifestation parmy les docteurs, et les miracles des Nopces de Chanaam, devisée en douze pieces. 16. Plus autre tapisserie à fonds d’or et soye melée, qui consiste en dix pieces, lesquelles servent pour parer le dedans du cœur, et quelque fois on le tent au dehors, representant la Création du monde et plusieurs autres histoire, qui a esté par M. de Fouquet130, archevesque de Narbonne.

74 La tapisserie de Mgr Fouquet (fig. 26 et 27) est entrée plus tardivement dans le trésor de Saint-Just mais elle a été fabriquée à l’aube du XVIe siècle dans un atelier bruxellois. La frise ornée de grappes de raisin et d’oiseaux est la signature des lissiers de cette ville. Nous ne revenons pas sur le riche passé de cette superbe œuvre qui a appartenu à des membres de la famille royale de France et peut-être d’Angleterre avant d’être achetée par Mgr Fouquet. Il ne reste que la première pièce, nommée la Création. Un article de Patrick Lécuyer131 lui est consacré mais l’auteur ne s’intéresse qu’à la disposition des épisodes sur cette immense pièce (420 cm de haut par 785 cm de long) qui à elle seule témoigne bien de la splendeur de ce cycle de dix pièces suspendu dans le chœur canonial en avent et en Carême ou à l’extérieur lors des grandes fêtes. L’iconographie de cette pièce est totalement différente de celles des tapisseries qui ont été offertes par Mgr de Vervins. Les différents épisodes de la Création, qui inclut la chute de l’homme et son expulsion du paradis terrestre, sont représentés sur un fond végétal et céleste.

Fig. 26.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; salle acoustique (salle actuelle du trésor) M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

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Fig. 27.

Narbonne (Aude), cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur ; tapisserie de La Création du monde M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

75 Les scènes sont séparées avec grande finesse par des nuées ou par des flots. Nous sommes dans la tradition des tapisseries médiévales. La Sainte Trinité est représentée sous l’apparence de trois hommes identiques portant un sceptre et une couronne. Le premier épisode se trouve dans le coin supérieur gauche, au moment où la Trinité crée, alors que les ténèbres règnent encore, les astres, les planètes et les nuages. La finesse du tissage du fond céleste est impressionnante. Le rôle des trois Personnes n’est jamais identique : le Père crée les végétaux pendant que le Fils et le Saint-Esprit bénissent de leur sceptre cette œuvre, tandis que c’est le Saint-Esprit qui crée la lumière et le Fils qui donne vie aux poissons et aux êtres marins. La création de l’homme, le péché et la chute sont regroupés dans la partie droite de la pièce. Adam et Ève deviennent de plus en plus petits au fur et à mesure qu’ils s’éloignent de l’alliance originelle. Patrick Lécuyer s’est attaché à inclure les regards auxquels il donne une importance considérable dans son interprétation. Cette pièce est en quelque sorte un chef-d’œuvre technique, comme théologique. Elle est exposée dans la Salle acoustique.

Conclusion

76 Le commentaire de cette visite permet de tirer plusieurs conclusions sur le trésor de Saint-Just. Tout d’abord, il s’inscrit à la fois dans l’art méridional et international. Il combine des objets en vogue dans le sud de la France et de riches pièces appréciées dans toute l’Europe. L’art hispano-mauresque est présent comme les étoffes italiennes qu’il faudrait caractériser davantage. La stratification chronologique des ornements est bien plus importante que pour l’orfèvrerie. Les deux périodes fastes du trésor sont bien représentées, avec une belle présence du XVIe siècle. L’analyse des principales pièces montre que les prélats et les chanoines n’hésitent pas à commander directement des œuvres à l’étranger, ainsi l’opus anglicanum occupe une place très importante au Bas Moyen Âge. Les clercs de la primatiale sont suffisamment fortunés pour commander des œuvres aussi luxueuses. Ils placent ainsi l’ensemble de Saint-Just au rang des trésors les plus prestigieux de France et d’Europe.

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77 Par ailleurs, la comparaison de cette source avec l’inventaire de 1790 permet de soulever plusieurs problèmes. En effet, la quantité d’ornements semble s’être réduite comme une peau de chagrin. A cette date, il n’y en a presque plus dans le Sacraire, alors que la salle forte contient de très nombreuses pièces en 1677. La description par les membres du district de Narbonne sème la confusion, car les armes et les motifs ne sont jamais mentionnés. On peut toutefois supposer que de très nombreux articles ont été soustraits à leur regard avant qu’ils n’arrivent, tandis que d’autres étaient alors conservés ailleurs dans la cathédrale. Les membres du chapitre de Saint-Just sentent le vent tourner en leur défaveur et ils sont très sceptiques sur le sort des objets inventoriés par la Nation. D’ailleurs, la tension est palpable entre les membres du district et les prévôts du chapitre, qui rechignent à venir à l’heure pour assister à l’inventaire et fournir les explications nécessaires. Le dernier paragraphe, tronqué par Louis Narbonne, montre qu’un exemplaire ancien du Nouveau Testament, des objets d’orfèvrerie et l’autel de porphyre du XIIIe siècle, ainsi que presque toutes les reliques du trésor sont placées en sécurité dans le château du grand archidiacre Dauderic de Lastours. Lorsque le chœur et le sanctuaire sont décrits en juillet 1790, il n’y a plus les châsses des saints patrons.

78 Le cas de l’ivoire de la Crucifixion est tout aussi intéressant. Il est bien cité dans l’inventaire révolutionnaire132, mais il disparaît ensuite pour revenir au cours du XIXe siècle : un antiquaire l’offre à la cathérale en 1850 « à condition qu’il servirait de porte de tabernacle à une chapelle, et préférablement à l’autel de la chapelle de Notre-dame, du Sacré-Cœur ou de l’ange gardien (…) »133. Cette pièce a donc sûrement été soustraite avant les ventes qui ne commencent qu’en 1792‑1793. Les chanoines ayant eu le temps d’emporter et de cacher les objets, il n’est pas impossible que des recoins de la cathédrale aient également servi de cachette. Il en va certainement de même pour le Pontifical de Pierre de La Jugie, qui n’est pas cité dans l’inventaire de 1790 mais qui rejoint le trésor au cours du XIXe siècle. Ainsi, le trésor de 1790 n’est pas le même qu’en 1677, mais on peut dire qu’il n’est même plus celui de la fin de l’Ancien Régime. Les sources permettent également de voir l’attitude méfiante des chanoines qui abritent des objets chez les plus fortunés d’entre eux ; des simples bénéficiers ont probablement aussi participé à ces sauvetages avant les fontes et les épisodes de vandalisme de l’été 1793.

79 Enfin, on peut constater que les pièces d’orfèvrerie, surtout celle du Sacraire, sont finalement assez peu nombreuses par rapport aux ornements134. La lecture d’inventaires d’autres trésors de cathédrales du même rang ou d’importance un peu inférieure montre que cette différence est une anomalie. L’inventaire de la cathédrale de Beauvais édité par Jean desjardins135 suffit à révéler cet écart : six cent-quarante- trois articles sont recensés, et parmi eux l’orfèvrerie, reliquaires et objets d’autel, occupe une place de choix. Cette constatation est assez surprenante pour la primatiale de Narbonne. L’orfèvrerie d’autel de Saint-Just est bien chétive mais aussi très récente : il y a seulement les deux chapelles complètes offertes par MMSS de Vervins et de Rebé, qui ne sont vieilles que de quelques décennies, ainsi que quelques autres calices. Seulement deux crosses, deux mitres et vingt-deux pectoraux viennent compléter la collection. Les remarques faites par le sacristain et le procureur fiscal du cardinal permettent déjà d’identifier une raison : la réparation du grand reliquaire, qui sert à exposer le Saint-Sacrement, effectuée en 1676, soit un an plus tôt seulement. Anneaux, perles, boutons d’argent, calices, bénitiers et autres objets ont été fondus et vendus. Les

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mentions de manques de perles sur les ornements liturgiques peuvent aussi être expliqués par cette réparation. Une partie de l’orfèvrerie a donc été engloutie au profit du grand reliquaire.

80 Toutefois, malgré cette explication, le nombre d’objets de cette catégorie reste encore très faible pour une cathédrale du rang de celle de Narbonne. Il ne faut pas y voir un manque d’ambition de la part du chapitre et des mécènes, mais il faut plutôt poser la question de l’incidence des travaux et de l’inachèvement de la nef sur la vie du trésor : a-t-on privilégié les travaux par rapport au trésor ? N’a-t’on pas, par souci d’économie, préféré fondre des objets ou diminuer les commandes pour consacrer plus d’argent aux travaux de construction ? L’insuffisance chronique de revenus de la fabrique et du Sacraire, qui ne cessent d’avoir recours au chapitre, même pour les besoins ordinaires, est aussi à prendre en considération dans cette hypothèse. Il semble que l’inachèvement de Saint-Just a lourdement pesé sur le trésor, inachevé comme son écrin de pierre.

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NOTES

1. L’époque tridentine commence avec la publication des décisions du Concile de Trente, qui s’est clos en 1563. Le concile de Vatican I, ouvert en 1869, referme la période sans rejeter ses idées. 2. Cet article est extrait de la thèse d’Hélène Coulaud soutenue à l’École des Chartes : De la matérialité à la sacralité, le trésor de la cathédrale de Narbonne sous l’Ancien Régime. 3. Le cortège est entré par le cloître, inspectant la chapelle de l’Annonciade qui n’est pas encore vraiment une sacristie, avant d’entrer dans la grande sacristie. 4. Le cortège arrive du cloître où il vient de visiter les deux chapelles : celle du Crucifix et celle du Purgatoire. 5. Soit la Salle acoustique où le trésor actuel est conservé. Cette salle a été construite à la fin du XVe siècle.

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6. Ce saint natif de Montpellier bénéficie d’un culte tout particulier dans le Midi de la France. Il est particulièrement invoqué en priode de peste. 7. Claude Rebé, archevêque de Narbonne de 1628 à 1659. 8. Chapelle axiale de Saint-Just où le culte paroissial est célébré. 9. Une chapellenie est un bénéfice confié à un prêtre, dénommé chapelain, chargé de célébrer aux jours prescrits par le fondateur, des messes, voire de célébrer certains offices. Le fondateur assure l’entretien du chapelain et fournit, le plus souvent, tous les objets nécessaires à la célébration des messes. 10. Office liturgique (qui fait partie des Petites Heures), chanté tôt le matin, entre Laudes et Tierce. 11. L’archidiacre est prêtre issu du chapitre cathédral, nommé par l’évêque pour l’aider dans l’administration de son diocèse ; on lui confie généralement un territoire géographique qu’il doit visiter tous les ans ; il y représente le pouvoir épiscopal et assure la collation des bénéfices. Son statut varie selon les chapitres cathédraux. Dans celui de Narbonne, il ne reste plus que trois archidiacres au XVIIe siècle : le grand archidiacre, premier dignitaire du chapitre, l’archidiacre du Razès et l’archidiacre des Corbières. 12. Soit la grande sacristie ou le « (grand) sacraire des messes basses ». cf. fig. 1, lettre G. 13. Les titulaires (titularii) ou intitulés sont tous les prêtres qui font partie du bas-chœur (ils ne sont pas chanoines) ; ils doivent célébrer les messes quotidiennes sur les autels de la cathédrale et assister à l’Office divin dans le chœur. 14. En raison de la présence du tableau du Lazare de Sebastiano del Piombo, offert par Jules de Médicis en guise de droit de chapelle. 15. Le nom gauffre signifie orfroi, soit, pour une chasuble, la croix dorsale et la bande médiane du devant. A ne pas confondre avec l’adjectif gaufré pouvant qualifier un tissu et indiquant que l’étoffe a été subi un apprêt par passage dans des calandres. 16. C’est-à-dire de couleur jaune ou dorée. 17. La suite de la visite et l’inventaire de 1790 (AD Aude, 1Q 2150, nº 1) montrent pourtant que bien d’autres ornements sont garnis de motifs bleus ou confectionnés dans une étoffe de cette couleur. L’usage du bleu est très certainement dû à la proximité de la frontière espagnole. 18. Il s’agit des membres du haut-chœur, qui reçoivent une prébende. Ils sont nommés par l’archevêque de Narbonne et les autres membres du chapitre ; ils ont voix au chapitre et ont une stalle personnelle. Il y en a vingt-deux depuis le XIVe siècle. 19. Comprendre « orfrois » ; dans le cas du pluvial, il s’agit des deux larges bandes latérales de part et d’autre de l’encolure. 20. Il s’agit du sacraire du grand-autel : cf fig. 2, lettre D. 21. Il s’agit probablement d’une pièce permettant de fixer l’antependium à la table de l’autel. 22. Louis de Vervins, archevêque de Narbonne de 1600 à 1628. 23. Registre des obits et des messes fondées pour le salut de l’âme des défunts. 24. Assemblées de tout le chapitre cathédral, qui se tiennent à la Toussaint, le 1er mai et le 7 août ; elles durent trois jours consécutifs. 25. Les saints patrons de la primatiale, Just et Pasteur, sont des enfants espagnols martyrisés à alcala au IIIe siècle, sous dioclétien. Ils sont fêtés le 6 août. 26. L’office de Matines est chanté à cinq heures du matin au chœur de la primatiale. C’est l’office de nuit. 27. Ces membres du bas-chœur, prêtres, diacres et sous-diacres, sont assignés au culte quotidien du maître-autel, pour les conduchers hebdomadiers, ou à celui des chapelles, pour les conduchers simples. 28. La publication de L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ne commence qu’en 1751, donc plusieurs décennies après notre texte, mais les définitions des termes concernés étaient fixées à la fin du XVIIe siècle.

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29. PRIVAT-SAVIGNY, p. 62. 30. Il s’agit de la petite sacristie ou du sacraire du grand-autel, cf fig. 1, lettre D. 31. Comprendre « à l’opposé ». 32. C’est la chambre forte du trésor, cf. fig. 1, lettre C. 33. Hugues Barrat, préchantre de 1341 à 1362 (†). 34. Le précenteur, ou préchantre, doit veiller à la beauté de l’Office divin toute l’année ; il dirige également le chant pendant les processions et la célébration de la grand-messe. Il est le troisième dignitaire, après le grand archidiacre et l’archidiacre des Corbières. Il est assisté par le succenteur (ou sous-chantre). 35. Paris, Musée du Louvre. Le trésor de Saint Denis, p. 247. 36. AD Aude, 1Q 2150, nº 1, p. 10 : « La statue de la saint Vierge en argent doré ornée de quelques pierreries, ayant sur la tête une couronne avec quelques pierreries ». 37. Ibid. : « (…) et de la main droite une fleur en argent ». 38. NARBONNE, Louis. La cathédrale Saint-Just de Narbonne, p. 229. 39. AD Aude, G 36, fol. 127. 40. C’est Louis Narbonne qui le précise : op. cit., p. 225 et p. 197 (« (...) le grand reliquaire, c’est ainsy qu’on appelle le soleil dans lequel repose le très Saint-Sacrement, qu’on expose sur le grand-autel (...) » : extrait du procès-verbal de la visite de Mgr Le Goux de La Berchère en 1707‑1708). Il n’y a donc aucun doute : le « grand reliquaire » est bien cet immense ostensoir, qui ne peut être porté que par huit personnes. 41. L’évêque de Narbonne saint Théodard († 893 ?), a fait présent de cette insigne relique à sa cathédrale : un don plus qu’insigne à cette époque. 42. Les trésors des églises de France, nº 523, Pl. 105. 43. Francois de Saconay, qui essaya de déposer Francois de Conzié en 1398, sans succés. 44. Reims, Palais du Tau. Les trésors des églises de France, notice nº 137. 45. Pierre de La Jugie. (1347‑1375). 46. Paris, Musée du Louvre. Cf. nombreux clichés sur http://www.photo.rmn.fr 47. Évêque de Narbonne de 885 à 893 ( ?). Il fait l’objet d’une vénération particulière à Saint-Just en raison de sa sainteté et de sa munificence envers la cathédrale, dont il avait sacrifié le trésor pour racheter des chrétiens réduits en captivité par les Sarrasins. 48. Mémoires d’orfèvres, p. 126. 49. La statue-reliquaire de sainte Foy à Conques tenant la palme du martyre donne un exemple de la représentation de martyrs avec leur emblème universel : cf. Les trésors des églises de France, nº 551, Pl. 180. 50. AD Aude, 1Q 2150, n°1, p. 10. 51. Les trésors des églises de France, nº 600, Pl. 177 et Mémoires d’orfèvres, p. 135. 52. Unité de mesure servant à l’origine pour le vin. 53. Nous pouvons évoquer simplement le reliquaire de la côte de saint Pierre, conservé à Namur et fabriqué en 1238 (Musée des arts anciens du Namurois). Toutefois, la relique est contenue dans une colonne de cristal enchâssée dans une armature d’argent et placée au milieu d’un croissant d’argent ciselé, et non à l’intérieur de celui-ci. Il y a donc d’importantes différences, mais nous retrouvons le thème croissant associé à la relique d’une côte. 54. Annales de l’église cathédrale de Noyon jadis dite de Vermandois, Jacques Le Vassuer, Paris : 1633, p. 837, nº 11. 55. antoine du Bec-Crespin, archevêque de Narbonne de 1460 à 1472. 56. Les croix dites patriarcales sont dotées d’une traverse supplémentaire, placée au-dessus de la traverse principale et d’une longueur moindre. 57. Mémoires d’orfèvres, p. 160 à 162. 58. Biffé : et Demy. 59. Seul le précenteur peut la tenir lors des offices et des processions.

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60. François Hallé, archevêque de Narbonne de 1484 à 1492. 61. Ce terme d’aiguille peut faire allusion à une tige de métal ou petite spatule permettant le mélange. 62. L’acte de cette réparation, qui date du 1er janvier 1676 et qui est surtout un embellissement considérable, est encore conservé (AD Aude, G 36 fol. 127‑128). 63. Georges d’Amboise, archevêque de Narbonne de 1482 à 1484 et de 1492 à 1494. 64. FRUMAN, p. 83. 65. Trésors des cathédrales d’Europe. Liège à Beaune, p. 145‑151. 66. Il s’agit de Blanche de Navarre, (1333‑1398), épouse en secondes noces de Philippe VI de Valois. 67. Encyclopédie : « nom que l’on donnoit autrefois à certaines toiles gommées, calendrées, & teintes de diverses couleurs ». 68. Trésors des cathédrales d’Europe. Liège à Beaune, p. 153. 69. † 1556. 70. PRIVAT-SAVIGNY, p. 61. 71. PAGNON, p. 46. 72. Pierre Gaitany, précenteur, † 1447. 73. Encyclopédie : terme de Blason, qui se dit des fasces, paux et autres bigarrées de différentes couleurs. Ducange dit que le mot diâpré vient du latin diasprum, qui étoit une piece d’étoffe précieuse et de broderie, dont le nom s’est étendu à tout ce qui est diversifié de couleurs. 74. Trésors des cathédrales d’Europe. Liège à Beaune, p. 142. 75. Les cardines sont des poissons. 76. Trésors des cathédrales d’Europe. Liège à Beaune, p. 154. 77. Trésors des cathédrales d’Europe. Liège à Beaune, p. 155. 78. PAGNON, p. 44. 79. François de Joyeuse, archevêque de Narbonne de 1582 à 1600. 80. Hippolyte d’Este, archevêque de Narbonne de 1550 à 1551 et de 1563 à 1572. 81. Cf. SAINT-AUBIN, Charles-Germain de. L’art du brodeur. Paris : L.F. Delatour, 1770. Réimp. Los Angeles : Los Angeles County museum of art, 1983. L’auteur rajoute : « Les tireurs d’or en tiennent de plusieurs largeurs et épaisseurs ; ils en ont aussi de plissé ». 82. FRUMAN, p. 126‑127. 83. Glands de passementerie au bout de cordons fixés aux épaules des dalmatiques. 84. Ville flamande. On ignore s’il s’agit de textiles fabriqués en Flandres ou provenant des Indes : Ostende est surtout un port d’importation de produits orientaux qui sont distribués ensuite dans toute l’Europe. 85. Comprendre « brocart ». 86. Guillaume Briçonnet, archevêque de Narbonne de 1507 à 1514. 87. Mots prononcés par Ponce Pilate, dans l’Évangile selon saint Jean, lorsqu’il présenta Jésus à la foule (Jean, 19, 5). 88. FRUMAN, p. 64‑65. 89. PRIVAT-SAVIGNY, p. 42. 90. BREL-BORDAZ, Pl. III à X (chape de la Passion) et Pl. XI à XIII (chape de la Vierge). 91. BREL-BORDAZ, fig. 10 à 13. 92. BREL-BORDAZ, fig. 53 à 55. 93. Amédée de Saluces, cardinal d’Avignon. Il n’a pas été identifié comme chanoine de Saint-Just. 94. BREL-BORDAZ, fig. 58 et 59. 95. † 1547. 96. Renaud de Bourbon, archevêque de Narbonne de 1473 à 1482. 97. Chanoine de 1362 à 1420 (†). 98. Chanoine de 1421 à 1429 (†).

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99. Biffé : d’autel. 100. Encyclopédie de Diderot et d’Dlembert : « un ouvrage travaillé à jour par le haut, & pendant en grands filets ou franges par en-bas, qui se fait avec l’aiguille, le crochet, la brochette, les pinces, & le fuseau à lisser ». 101. FRUMAN, p. 86‑87. 102. Biffé : d. 103. Le terme « planete » est d’ordinaire le synonyme du mot chasuble. Toutefois, ici, ce mot est assimilé à la « tunique » : il s’agit des tuniques que portent les prélats sous leur chasuble. 104. Cet ornement est à l’origine mis sur les genoux de l’archevêque ou de l’évêque lors de certaines cérémonies, comme les ordinations sacerdotales, où il oint de Saint-Chrême les mains des nouveaux prêtres. Il devient ensuite une pièce d’apparat sortie lors des messes solennelles et portée lors des processions pour manifester l’importance de l’occasion. 105. Biffé : d. 106. Comprendre « satin ». 107. Il semble que ce mot soit un régionalisme. Il est trés certainement issu du mot « pallium ». Dans le dictionnaire de Louis Alibert, on trouve le mot « pallis » qui signifie drap ou dais (Dictionnaire occitan-francais d’aprés les parlers languedociens. Toulouse : IEo, 1977, 701 p.). C’est pourquoi nous en concluons que « palis » est un mot générique pour différentes tentures : parement, antependium,... 108. Il s’agit du nom d’Harcourt en latin, mais nous ignorons s’il s’agit de Jean ou de Louis, qui se succèdent de 1436 à 1451, et de 1451 à 1460. 109. Parement que l’on place en hauteur. GAY, Victor. Glossaire archéologique du Moyen Age et de la Renaissance, 1er vol. (A-G), Paris : Librairie de la Société Bibliographique, 1887, 806 p., articles « frontel » et « frontier ». 110. Il s’agit du parement dit de Charles V, dont l’épouse est Jeanne de Bourbon. 111. Paris, Musée du Louvre. 112. Les fastes du gothique, p. 371‑373, notice 324. 113. Les fastes du gothique, p. 374. 114. & à la place de « est ». 115. BREL-BORDAZ, fig. 32 à 35. 116. BREL-BORDAZ, fig. 54. 117. Biffé : brodé. 118. Mot en trop : forte. 119. Il s’agit du miracle des noces de Cana, raconté par saint Jean dans son évangile. Les évangiles synoptiques ne rapportent pas cet épisode, ce qui explique la mention « de saint Jean ». 120. Comprendre « gueules ». 121. Mot en trop : chacun. 122. Biffé : couleur d’orange. 123. C’est-à-dire de la chapelle de l’Annonciade. 124. Biffé : serv. 125. Ces pièces sont réservées aux messes solennelles, où le sous-diacre tient la patène dans un long textile qu’il a placé sur ses épaules depuis l’offrande du pain et du vin jusqu’au chant du Pater. On peut noter à cette occasion que l’inventaire ne mentionne aucun voile huméral (pièce de mêmes dimensions, mais toujours blanche, qui sert lors des Saluts et des processions du Saint- Sacrement). 126. C’est-à-dire le jour de la Fête-dieu. 127. Jean Corsier, vicaire général de Mgr de Conzié. 128. Musée des Beaux-arts, Rouen. 129. Rubens, ses maîtres, ses élèves : dessins du Musée du Louvre, p. 78. On peut encore trouver une autre copie de la scène dans Falaise (Calvados), p. 24.

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130. François Fouquet, archevêque de Narbonne de 1659 à 1673. 131. Cf. bibliographie. L’auteur ne met pas en contexte l’iconographie de cette pièce ; il s’attache surtout à la décrire et à l’interpréter. 132. « Un tableau en cadre bois doré représentant la Passion de Jesus-Christ en yvoire ». 133. NARBONNE, Louis. op. cit., p. 212 : extrait d’une délibération du conseil de fabrique du 7 avril 1850. 134. On ne peut affirmer que la copie de Périgueux est intégrale, ce qui sous-entendrait alors qu’elle ne reflète pas l’état exact du trésor ; de plus, certaines impasses ont été faites pendant l’inventaire, comme on l’a vu pour la grande sacristie. Toutefois, l’orfèvrerie du Sacraire aurait très certainement été décrite avec autant de soin que les reliquaires s’il y avait eu plus d’objets. 135. Histoire de la cathédrale de Beauvais, Lyon : Impr. Louis Perrin, 1865, p. 159‑227 : inventaire de 1464.

RÉSUMÉS

A partir de la surprenante découverte à Périgueux de copie d’archives disparues, l’auteur transcrit et commente la visite pastorale du cardinal de Bonzi en 1677 à la cathédrale de Narbonne. Les différentes chapelles et sacristies sont visitées et leur contenu détaillé, notamment l’orfèvrerie, les tapisseries et les ornements liturgiques, dont l’objet le plus insigne, le parement de Charles V, aujourd’hui au Louvre. Lorsque les objets ont été détruits, l’auteur a tenté de trouver des pièces existantes comparables, pour illustrer son propos.

From the surprising discovery of a copy of the missing archives in Périgueux, the author transcribes and comments on Cardinal de Bonzi’s pastoral visit to the Narbonne Cathedral in 1677. The various chapels and sacristies are visited and their content detailed, including jewels, gold and silverware tapestries and parements, and the most remarkable of all: the Narbonne Altarcloth, ordered by Charles V, which is now in the Louvre. In those cases where these objects had been destroyed, the author attempted to find comparable existing works in order to illustrate his exposé.

INDEX

Index géographique : Aude, Narbonne, Paris Keywords : pastoral visit, Bonzi (Pierre de), cathedral, goldsmithery, liturgical ornaments, facing of Charles V, tapestry, 17th century, Louvre Museum Mots-clés : visite pastorale, Bonzi (Pierre de), cathédrale, orfèvrerie, ornements liturgiques, parement de Charles V, tapisserie, XVIIe siècle, musée du Louvre

AUTEUR

HÉLÈNE COULAUD Archiviste paléographe (promotion 2014)

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Les ornements liturgiques réversibles : premières approches d’un bilan Reversible liturgical ornaments: first approaches to a balance sheet

Josiane Pagnon

1 Les ornements liturgiques réversibles représentent un domaine particulier des textiles d’Église sur le plan des usages et des techniques ; ils n’ont pas fait jusqu’à présent l’objet d’une publication qui leur soit entièrement consacrée. Cette problématique est juste abordée par Louis de Farcy dans son grand ouvrage sur la broderie paru à partir de 18901 puis par Christine Aribaud un siècle plus tard2. Au même moment, pratiquant des inventaires dans les églises de la Manche, l’auteur de ces lignes s’étonnait de trouver de rares chasubles à deux faces, pas très anciennes cependant. La technique mise à part, le plus surprenant était que ces pièces étaient plutôt découvertes dans des presbytères que dans des sacristies.

2 Ces quinze dernières années, des expositions, l’avancement des inventaires, les progrès des bases de données patrimoniales, mais aussi d’utiles opérations de conservation- restauration et des transcriptions d’archives ont permis de faire connaître de nombreuses pièces. Le corpus non exhaustif de réversibles utilisé dans cette recherche, et cité intégralement en annexe3, atteint cent vingt-huit ensembles4. Il est donc permis d’essayer de traiter de façon approfondie le sujet, d’autant qu’il est beaucoup moins monolithique qu’il n’y paraît au premier abord.

3 Ne nous méprenons pas, les ornements réversibles sont rares. Le corpus est important parce que l’enquête a été faite à l’échelle nationale, et même internationale ; mais il est minuscule si l’on considère les milliers d’ornements conservés en France. Par ailleurs, on verra que certains ne sont peut-être pas réellement des réversibles !

4 Dans un premier temps, nous expliciterons les questions de vocabulaire, de techniques et d’usage des réversibles, avant de traiter le sujet selon son évolution chronologique.

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Les réversibles : un domaine à définir

Questions de définitions

5 Il faut avant tout définir ce qu’est un ornement réversible : en premier lieu, est réversible un ornement dont les tissus, tout en étant de couleur différente sur chacune des faces, sont d’armures identiques. Sur les faces blanches ou sur les rouges, correspondant aux fêtes les plus fastueuses, il se peut qu’une trame d’or ou d’argent vienne enrichir l’étoffe mais la similitude d’armures demeure. En second lieu, les motifs brodés sont strictement identiques sur chaque face. Quelques menus écarts à la règle ont cependant trouvé une justification. Entre les deux étoffes, il peut y avoir une toile de renfort, appelée triplure.

6 Pour expliquer cette technique de broderie, il est indispensable de revenir à l’ouvrage5 du dessinateur Charles-Germain de Saint-Aubin – dont les parents étaient brodeurs6 – et qui la décrit dans le chapitre sur le point passé : Pour les ornements d’église à deux endroits, et les choses qui ne doivent point être doublées, l’Ouvrier, avec un peu d’attention et sans faire de nœud, sait cacher le premier et le dernier point qui arrête son aiguillée ; il y en a même qui n’arrêtent jamais autrement ; ils évitent les passages d’une fleur à l’autre, et font leur passé avec assez d’adresse pour qu’on puisse se servir indistinctement d’un ou de l’autre côté de ces vêtements ; tels sont les habits de drap rouge d’un côté et bleu de l’autre, qui nous viennent d’Angleterre, et qu’on brode de cette manière : c’est ce qu’on appelle passé à deux endroits. On a même trouvé l’art d’orner un des côtés de cette broderie avec des paillettes et de la frisure, sans que les points paraissent de l’autre côté ; ce qui se fait en fichant l’aiguille en biais et la repassant de même, sans embrasser aucun fil d’or du passé, le point se trouve caché dessous. Quelques ouvriers dressent leur métier tout debout pour pouvoir regarder à l’envers et à l’endroit, en travaillant ces petits agréments. […] La plus grande difficulté de l’un et l’autre passé [l’autre est le passé épargné, plus économique en or], est de bien conserver les formes, et que les points qui expriment les contours courbes, ne fassent point la scie ou dent de chien.

7 L’origine de cette broderie vient de l’obligation de montrer les deux faces d’une étoffe ; on pense d’abord à toutes les sortes d’étendards, bannières, drapeaux, éventuellement aux courtines de lit, mais aussi aux vêtements dont on voudrait montrer partiellement les revers.

8 Subtilité supplémentaire, à noter sur quelques exemples7 l’utilisation de sorbec : sous les lames d’un filé or – toujours de l’argent doré – l’âme de soie peut être de diverses couleurs, notamment verte ou rose (fig. 1). Sur la chasuble de Montpellier, les orfrois des deux faces sont faits d’une étoffe lamée or et brodée à profusion ; le sorbec ajoute des nuances colorées sur le tissu. Il n’y a pas d’exemple comparable à cette chasuble dont on ne connaît malheureusement pas l’origine.

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Fig. 1.

Montpellier (Hérault), collection de l’évêché ; ornement rouge/blanc Macro-photographie de sorbec. M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2010

Les étoffes de fond

9 Dans L’Art du brodeur, Saint-Aubin semble considérer, en tout cas pour son époque, vers 1770, que les étoffes de fond des réversibles sont toujours des moires. Le nom de moire n’est plus utilisé aujourd’hui, mais uniquement l’adjectif moiré ; il s’agit au XVIIIe siècle d’une étoffe de soie à côtes – le plus souvent un gros de Tours – dont on écrase partiellement les fils en passant l’étoffe entre deux rouleaux dont un orné de reliefs8. Comme la soie a été au préalable pliée en deux sur sa longueur (on dit aussi tête sur tête), on obtient en la dépliant des motifs parfaitement symétriques par rapport à l’axe créé par le pli. Les dessins créés par l’écrasement, appelés filets, peuvent aider la datation puisqu’ils ont évolué au fil du temps. Cependant, si le tissu est exposé à la pluie ou même simplement à une forte humidité ambiante, la fibre se gonfle et l’aspect moiré disparaît.

10 Les documents d’archives d’Ancien Régime font souvent état de l’utilisation de gros de Tours ou de gros de Naples, chaîne et trame du second étant semble-t-il plus larges que celles du premier9, mais il est aussi question de tabis10 ou de taffetas : dans l’inventaire après décès de Mgr de Farcy de Cuillé, évêque de Quimper, dressé le 22 septembre 1772, est mentionnée une chasuble de tabis blanc en soye, l’autre côté de même qualité, en cramoisy, brodé en or, 80 livres. Une autre chasuble de taphetas verd et violet, brodé d’argent11. L’usage du satin en fond se rencontre rarement, cette étoffe étant trop fragile pour supporter de lourdes broderies métalliques ; un bel exemple est cependant fourni par la chasuble

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rouge/blanc du château de Cadillac (49), exposée aujourd’hui au musée d’Aquitaine de Bordeaux.

Les ambiguïtés de la terminologie

11 Les questions de vocabulaire ne sont pas anodines puisque certains termes introduisent parfois le doute. Ainsi, il est à supposer que l’on parle de la même chose lorsque l’on cite ici les ornements à double endroit12 et ailleurs les ornements à deux envers13… surtout dans le cas où ledit ornement est neuf.

12 Citons un cas particulier, trouvé dans les archives, et qui ne doit pas être confondu avec les tissus réversibles : il est arrivé que l’on procède à des changements de face, pour faire durer plus longtemps un ornement : en 1746, à Doville14, il n’y a que trois chappes de porte de paris qui ont été retournés. A Carentan15, en 1765, il est noté : Parmi les ornements, nous en avons trouvé deux ornements complets pour les grandes festes décents et fort propres, mais parmi ceux qui servent journellement, ils sont presque tous usés étant pour la pluspart d’une étoffe retournée.

13 Pendant l’Ancien Régime, l’expression « à deux endroits » est utilisée lorsque l’on s’intéresse surtout à la technique, sinon on parlera le plus souvent d’ornements « à deux faces ». Ainsi, dans l’inventaire de Yèvres16, en 1735, il est question d’un devant d’autel à deux fasses de damas rouge à frange de gallon d’or et de velours noir et étoffes de soye brodée […] un devant d’autel de camelot vert et viollet étant à deux faces […] deux grands devants d’autel à deux faces,...

14 Le XIXe siècle introduit un terme supplémentaire en indiquant très souvent des ornements « doubles » ; pour la cathédrale de Mende, le 12 janvier 1874, sont notés une chasuble double moire antique, cramoisie et blanche, brodée et garnie or fin, une chappe assortie17. Précisons qu’il n’y a aucun régionalisme dans le vocabulaire décrivant ces ornements, et que le qualificatif de « réversible » semble bien être né au XXe siècle.

Importance des couleurs

15 Dans la liste actuellement connue, 46 % des ornements sont rouges et blancs. Si l’on respecte la définition des réversibles donnée ci-dessus, la proportion peut monter aux deux tiers. Un prélat se déplace beaucoup dans son diocèse ; il a besoin d’un ornement riche, pour les fêtes, et d’un ornement beaucoup plus sobre. 36 % des ornements ont une face violette ; ils se répartissent en violet/vert (18 %), violet/noir (7 %), violet/or (7 %), violet/blanc (2,5 %) et même de rarissimes violet/rouge à Montpézat-de-Quercy (117), Cahors (70) et Angers (80). Les pièces les plus ouvragées – soit les rouge/blanc – ont bénéficié de soins admiratifs et attentifs, ce qui leur a valu d’être mieux sauvegardés. De la signification des couleurs liturgiques, découlent de légères différences entre les deux faces brodées, en particulier au centre du dos de la chasuble : la couronne d’épines est sur une face violette (Besneville (81), Chastanier (71)) alors que l’I.H.S. est sur la face verte (Besneville) ou que le monogramme de la Vierge est sur la face or (Chastanier). Sur le plan pratique, il fallait donc broder cette partie avant le montage de la chasuble. Ceci ne se voit qu’au XIXe siècle.

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Les ornements des aumôniers militaires

16 Une chasuble mesure environ 110 cm de hauteur sur 65 cm de largeur. Cependant cinq18 ornements noir/blanc et un violet/noir19 conservés à l’église paroissiale du Vigan (41) (fig. 2), au Musée de l’Armée (107), à la Maison diocésaine de Mende (73), à l’église de Portes (44) et à l’abbaye de Hambye (83‑84) montrent des pièces de proportion bien moindres ; ainsi les chasubles font de 78 cm à 88 cm de hauteur pour 50 cm de largeur, c’est-à-dire une largeur de laize. Les étoffes sont toutes d’un XXe siècle bien entamé, avec des galons tissés ; on sait que l’ornement du Vigan a appartenu au Père Scribe, ordonné en 1949. Ces réversibles très modestes, faciles à plier et transporter, appartenaient à des prêtres impliqués dans des conditions de vie difficiles, guerre ou terre de mission.

Fig. 2.

Le Vigan (Gard), église Saint-Pierre ; ornement noir/blanc M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

Les délicates restaurations

17 Les principes de l’exécution de la broderie à double endroit rendent très difficiles les restaurations ; il est impossible de désolidariser une face de l’autre et les broderies sont solides, beaucoup moins fragiles que les étoffes de fond. Pour pallier les usures, il a donc fallu venir découper le tissu abîmé au plus près des motifs brodés, enlever ce tissu et le remplacer par un autre (fig. 3). Il est difficile de cacher au mieux les points de raccords entre broderies et insertion d’étoffe neuve. L’opération est bien visible sur la face blanche de l’ornement de Tence (69), sur la totalité de l’ornement de Montpellier (50), sur la face violette de la chape violet/or de Mgr de Langle, à Carcassonne (13)20. Le

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plus souvent, un étroit galon métallique cache la jonction des étoffes (fig. 4) mais fait perdre beaucoup de son élégance initiale à l’œuvre.

Fig. 3.

Montpellier (Hérault), collection de l’évêché ; ornement rouge/blanc : détail du galon cachant l’insertion d’étoffe de restauration J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2010

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Fig. 4.

Montpellier (Hérault), collection de l’évêché ; ornement rouge/blanc : détail du manipule restauré J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2010

Les réversibles : évolution chronologique

18 Il apparaît en toute logique que les ornements réversibles sont nés des obligations de mobilité de leur propriétaire, et d’un propriétaire respectant l’usage de couleurs liturgiques codifiées. Jusqu’à présent, il n’a pas été trouvé de traces de ce type d’ornements avant 157421,. En même temps, nous ne croyons pas que les inventaires paroissiaux gardent le souvenir des ornements réversibles puisque, au contraire, nous pensons qu’à toutes les époques ils étaient la propriété personnelle des prêtres, et en particulier de prélats ou d’aumôniers de grands personnages.

19 La formulation du compte rendu des visites pastorales permet de comprendre les usages des réversibles. D’un diocèse à l’autre22, l’événement se déroule à peu près de la même façon. Le prélat est accueilli en limite de paroisse, accompagné en procession jusqu’à l’église où il pénètre sous le dais ; le curé lui présente eau bénite et encens ; ensuite le prélat visite l’église en commençant par les fonts (Avranches) ou par l’autel. La visite est plus solennelle lorsqu’elle est faite par l’évêque mais il est des endroits où l’archiprêtre remplace l’évêque.

20 Il y a cependant de grandes différences sur le plan géographique, en tout cas entre les évêchés bas-normands et ceux du Languedoc. Prenons l’exemple de Nîmes, le 29 mai 169323 : nous estant mis sous le dais porté par messieurs les consuls découverts, nous sommes allez jusqu’à la grande porte de l’église cathédrale, processionnellement en chappe avec la crosse et la mitre, ayant à nos costez deux chanoines en habit de chœur, qui nous tenaient le devant de nostre chappe [suivent les cérémonies à l’autel] ensuite nous avons quitté les ornemens

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blancs, et avons pris les violets, et avons commencé l’absoute pour les morts [à l’extérieur, là où sont des tombeaux. Ils reviennent ensuite au grand autel]. nous avons repris les ornemens blancs et avons procédé à la visite de nostre église. Il n’est jamais question d’absoute des morts en Normandie, où l’on continue très longtemps à inhumer dans les églises, les cimetières étant pour les étrangers à la paroisse.

21 Aux deux couleurs que l’on vient d’observer, la blanche et la violette, et qu’il faut avoir rapidement à disposition, il faut en rajouter une troisième, la rouge : on sait que la plupart du temps, dans les visites à la campagne, l’évêque profite de sa venue pour procéder à la confirmation des enfants et des adultes, et la confirmation qui rappelle la descente du Saint-Esprit en langues de feu se fait en rouge. Dans l’annonce de sa visite de 1722, Mgr Rousseau de la Parisière, évêque de Nîmes, insiste sur l’importance de ce sacrement24 : Hâtez-vous de procurer à vos enfants des instructions qui puissent les rendre capables du sacrement de confirmation ; et si les conjonctures n’ont pas permis que vous l’ayez reçu vous même, disposez-vous y, sans avoir honte de vous présenter dans un âge avancé pour une onction sainte, que l’on administre ordinairement aux chrétiens dans les premières années et dont les effets est de vous faire surmonter toute honte et tout respect humain, dès qu’il s’agit de professer la loi de l’Évangile.

22 Donc, rouge, blanc et violet sont utiles ; le vert des temps ordinaires s’ajoute naturellement.

Le luxe de l’Ancien Régime

23 Sous l’Ancien régime, les ornements à double endroit sont d’une très grande richesse de matériau et de facture, surtout les rouge/blanc – n’oublions pas que lors de sa consécration un évêque revêt du blanc. Essayons de dresser un panorama des ornements subsistant du XVIIIe siècle puisque nous possédons essentiellement des œuvres de ce siècle. L’ornement violet/vert de Saint-Lizier25 (9) est peut-être le plus ancien, du tout début du XVIIIe siècle ; il est très proche de la chasuble violet/vert26 de la collection Fruman, aujourd’hui au Puy-en-Velay (68).

24 De fortes correspondances existent entre la chape du Musée des Antiquités de Rouen (108), un des ornements de Carcassonne (12), provenant certainement de Mgr de Langle, évêque de Saint-Papoul de 1739 à 1774, un ornement de la basilique de Saint-Denis (123) et celui de la cathédrale de Metz (97) datable vers 1754. Ces pièces méritaient en soi une étude spécifique27.

25 L’ornement rouge/blanc de Montpellier (50) (fig. 5), dont le dessin sur étoffes rouges et blanches est le plus sophistiqué de tous, sans la moindre répétition de motif sur toute la hauteur de la broderie, date du milieu du XVIIIe siècle.

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Fig. 5.

Montpellier (Hérault), collection de l’évêché ; ornement rouge/blanc : dos de la chasuble, face rouge M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2010

Fig. 6.

Angers (Maine-et-Loire), dépôt de la conservation des antiquités et objets d’art ; ornement violet/vert : détail montrant les deux faces © Danièle Véron-Denise

26 La chasuble violet/vert de Gilles (29) porte encore la trace d’un XVIIIe siècle finissant. L’ornement violet/vert d’Angers (75) appartint à Mgr du Chilleau, évêque de Châlons à

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partir de 1781 et aumônier des reines Marie Leczinska et Marie-Antoinette ; son dessin présente des similitudes avec celui de la chasuble de Gaillac (115) mais sa particularité est d’utiliser sur chaque face à la fois (fig. 6) du filé or et du filé argent, fait très rare. Les dimensions exceptionnellement grande de la chasuble – 133 cm de haut quand la hauteur moyenne ne dépasse pas 113 cm – lui confèrent un autre caractère d’originalité28.

27 L’ornement violet/vert de la Visitation de Poitiers (122) (fig. 7) dont les motifs sont très proches de ceux de l’ornement violet/or de Mgr de Langle (13) (fig. 8) devrait être du milieu du XVIIIe siècle. La chasuble rouge/blanc de Tence (69) est également du XVIIIe siècle, de même que le grand ornement rouge/blanc de la cathédrale de Grenoble (65) (fig. 9), fort original.

Fig. 7.

Moulins (Allier), musée de la Visitation, dépôt du monastère de Poitiers ; ornement violet/vert : dos de la chasuble, face verte J.-M. Teissonnier © Ville de Moulins

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Fig. 8.

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Michel ; ornement violet/or, vue d’ensemble du dos de la chasuble, du manipule et de la bourse de corporal, face violette M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2012

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Fig. 9.

Grenoble (Isère), cathédrale Notre-Dame ; ornement rouge/blanc : chape, face blanche © David Ribiollet

28 L’ornement rouge/blanc de la cathédrale d’Amiens (113) a appartenu à Mgr de Machault d’Arnouville, prêtre en 1762, évêque d’Amiens à partir de 1774, démissionnaire en 1802. L’œuvre est mal connue et actuellement inaccessible. La chasuble rouge/blanc exposée aujourd’hui au musée d’Aquitaine de Bordeaux correspond à celle de Cadillac (49) et est indiquée comme proche stylistiquement de celle de Migné-Auxances (120). Le dessin des filés argent est très virevoltant et véritablement original dans cette grande famille de broderies. On ne saurait oublier l’étonnant ornement rouge/violet de Montpézat-de- Quercy (117), rare cas d’assemblage de ces deux couleurs, avec un décor de délicats martagons.

29 Les chasubles violet/vert et rouge/blanc de Mgr du Breil de Pontbriand dateraient de 1740, si l’on suppose qu’il les emporta dans ses bagages lorsqu’il s’installa au Canada en 1741. Retiré chez les Sulpiciens de Montréal (124‑125) en 1759, il leur laissa ses ornements. Quant à l’ornement violet/vert de Parme (128), il est mentionné dans un inventaire de 1728 qui le situe historiquement. L’ornement rouge/blanc de Dol (56) est rapproché de la personne de Mgr Urbain-René de Hercé, évêque de Dol à partir de 1767, sans justifications précises. L’étonnant ornement italien (127) « tricolore » de la collection Fruman appartient également à l’Ancien Régime.

30 Il y a donc au moins vingt-deux ornements réversibles connus du XVIIIe siècle avec, parmi eux, des chefs-d’œuvre de dessin et d’exécution, dans un matériau de très haute qualité, le filé argent ou argent doré. Un petit nombre de pièces du corpus, très sobres, peuvent appartenir à ce siècle sans qu’il soit possible de l’assurer29. Peu avant la Révolution, le goût se modifie, il est plutôt aux changements fréquents de toilettes permis par les tissages à petits motifs de l’époque ; la broderie, qui demande du temps

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et qui coûte cher, perd de l’importance. Saint-Aubin le sentait bien qui écrit dans son autobiographie, à l’année 1777 : la mode de la broderie et de mon petit talent se ralentit30.

31 Plus jamais la broderie d’or n’atteindra ce degré de complexe raffinement.

32 Dans la liste d’ornements d’Ancien Régime, il ne reste aucune dalmatique alors que le XIXe siècle en conserve un petit nombre, à Vezin-Le-Coquet (62), Montpellier (51) et dans la collection de l’abbaye de Hambye (82). Inversement, les chapes sont rares au XIXe siècle ; moins de dix sont repérées.

La broderie réversible avant la Révolution : un art parisien à diffusion nationale ?

33 Si des brodeurs professionnels travaillent dans les grandes villes de France, il semble néanmoins de plus en plus certain que les réalisations de broderies à double endroit sont des créations parisiennes. Les découvertes récentes31 aux Archives nationales à propos de la maison Rocher sont déterminantes en ce sens, alors que les mentions de travaux de brodeurs provinciaux n’en font jamais état.

34 Les archives permettent de suivre, de 1635 à 1751, une famille de brodeurs du nom de Rocher, dont l’atelier est rue Férou, tout près de la Place Saint-Sulpice. Le premier document, du 2 juillet 163532, est un marché entre deux maîtres brodeurs de Paris, Augustin Delaporte, au service du comte de Soissons et Étienne Rocher ; il ne s’agit pas de leur première collaboration puisque ledit Rocher s’engage à faire un pluvial sur gros de Naples violet et blanc, un chasuble vert et violet avec l’estolle et fanon, bourse, oreillier et voille, le tout de broderie d’or et d’argent au passé* [dans la marge : *à deux endroictz], suivant et conformément à une chazuble blanc et rouge que led[it] Rocher a cy devant vendue aud[it] Sr Delaporte, fors et excepté la chazuble qui sera d’un autre desseing au gré dud. S. Delaporte. Le commanditaire est donc civil ; Louis de Bourbon-Soissons, petit cousin du roi Louis XIII, gouverneur de Champagne, homme de guerre engagé dans le conflit que l’on appellera postérieurement guerre de Trente ans. A-t-il besoin d’ornements pour son aumônier, pour le chapelain d’un de ses châteaux, pour offrir à un prêtre ?

35 L’inventaire après décès de son épouse, en 1642, puis du même Etienne Rocher, en 165733, signale d’autres réversibles en cours de fabrication : Item une chasuble en broderie d’or et d’argent fond violet et vert, un voille, une estolle & un fanon de même fond et broderie à laquelle chasuble reste à parfaire le rapport du devant au derrière, l’estolle le tiers ou environ ; le tout non monté ny garny […] de même qu’un devant d’autel de broderie or et argent des deux cottez, fond de tabis blanc et violet auquel n’est fait jusques à présent pour tous ouvrages qu’environ les deux tiers de la croix y désignée.

36 Les documents suivants sont encore plus instructifs. En 1735, les petits enfants d’Étienne Rocher – Bernard, curé de Saint-Denis de Vaucresson, Élisabeth, veuve de Nicolas Treuffar, maître brodeur à Paris et François Étienne, maître brodeur à Paris signent une convention. Bernard conserve et utilise le fonds familial, intitulé Ornements à l’usage de Nosd. seigneurs du Clergé de France qui servent au Sacres d’Évesques et autres cérémonies. Les trois enfants s’entendent pour que François Étienne continue de le faire servir aux Sacres d’archevêques, evesques, abbez et autres cérémonies ordres et accoutumez, et promet de tenir compte du loüage et produit d’iceux. On apprend de l’expression Clergé de France que le commerce de cet atelier a une ambition sinon une portée nationale. Par ailleurs, si l’expression apparaît en 1735, l’ensemble des ornements est un héritage

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venant de Marguerite Millet, veuve d’Étienne Rocher deuxième du nom et se trouve donc être beaucoup plus ancien. La pratique de commandes venant de toute la France est attestée dans plusieurs documents, notamment par un mémoire de 165634 d’Étienne I Rocher affirmant avoir brodé pour l’archevêque de Bordeaux Henry de Béthune un pluvial en gros de Naples violet cramoysi et blanc mais aussi deux chasubles aussy doubles de deux gros de Naples chaqun, savoir la première blanche d’un côté et rouge cramoyzi de l’autre et la segonde verde d’un côté et violet cramoyzi de l’autre, avec leur estolle et manipule garnie de cordons nessessaires et accoutumés comme dessus, voile et bourses ausy brodé de broderie plate à deux envers d’or de Mylan35 et d’argant fain, de façon et desseing du susdit pluvial et chasuble de mondit sieur l’abé Bareaux, chacune desquelles deux chasubles seront plus longues d’un bon poulce par devant et autant par derrière et plus larges par-devant ausy d’un poulce et moings échancrées que sont celles de mondict sieur l’abbé Barreau. Il apparaît ainsi qu’exercer l’art de la broderie métallique à double endroit ne devait être le fait que d’un petit nombre de brodeurs.

37 La pratique de la location d’ornements pour des événements exceptionnels, telles les consécrations de prélats, est une information quant à elle inédite ; il semble logique de ne pas acheter pour une seule cérémonie des ornements à la fois aussi onéreux et qui demandent un très long temps de fabrication. François Étienne Rocher va donc louer et entretenir cet ensemble de pièces de très belle qualité, qui n’est pas constitué exclusivement de réversibles, et qui comporte aussi des pontificalia (mitres, aubes, souliers, gants,...). Les pièces les plus précieuses semblent être deux antependia, nommés alors devants d’autel en velours avec des histoires d’or nué. Les réversibles cités sont de rouge et d’argent, de violet et d’or, de vert et d’argent, de rouge et blanc. Le fonds d’ornement de la dynastie Rocher ne cesse de s’enrichir au fil des générations qui se succèdent ; il compte même de la vaisselle d’argent36, dite servir aux Sacres des Évêques et autres cérémonies d’Église. Dans l’inventaire après décès de François Étienne, du 17 août 1751, on retrouve, outre les pièces détaillées en 1735, une liste d’ornements très certainement brodés par le défunt : une chasuble de moire blanche d’un côté et rouge de l’autre, [avec accessoires], brodée en or de Lyon37 passé à deux endroits […], une chasuble de tissu trait d’or d’un côté et de l’autre de moire violette brodée d’or de Lyon [avec accessoires], un grémial de moire viollet d’un côté et rouge de l’autre avec une croix brodée d’or, […] une chasuble de moire verte d’un côté et violette de l’autre, brodée en argent [avec accessoires]. Le document indique par ailleurs la liste des créanciers du brodeur ; on trouve des clercs de toute la France (évêques de Condom, Limoges, Lodève, Toulon, Bazas,...).

Les XIXe et XXe siècles : entre permanence d’un art et recherches de l’économie

38 L’usage et le besoin des ornements réversibles ne disparaît pas au XIXe siècle mais ils suivent l’évolution générale qui est de mettre la technique à la portée de prêtres de rang plus ordinaire. Il faut distinguer clairement les ornements à broderies métalliques de ceux qui sont brodés en fils de soie ou de coton. L’église Saint-Michel de Saint-Mihiel (93) conserve un rare cas de broderies mixtes, au filé argent et fils de soie ou coton blanc. Par ailleurs, l’usage d’une étoffe moirée demeure mais la moire à filets, ou moire antique, se raréfie tandis que la moire française ou moire à chemins devient la plus utilisée ; le motif répété est un œil entouré de filets.

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39 La datation précise des ornements réalisés au cours du XIXe siècle n’est pas aisée. Peut- on au moins s’appuyer sur quelques références parfaitement datées ? C’est le cas de cinq ornements.

40 Le premier ornement est celui de Mgr Borderies, évêque de Versailles à partir de 1827 décède en 1832 ; il lègue son ornement rouge/blanc (fig. 10) à broderies de filé or à la Visitation de Paris38 (106). La datation vers 1813 des ornements rouge/blanc de la cathédrale de Bordeaux (47‑48) interroge au regard du style de broderies qui semble plus tardif. Le dessin des broderies est identique sur un ornement d’Amiens (114) et sur celui de Saint-Médard-sur-Ille (61).

41 Le second ornement daté est conservé à Bourges39 (27), où le testament de Mgr de La Tour d’Auvergne indique la fourniture d’un ornement rouge/blanc (fig. 11) brodé au filé or, par la Maison Biais, en 1870. Si l’on compare les dessins avec ceux de l’ornement de Mgr Borderies, il n’y a pas d’évolution notable – mêmes fleurs de lys au naturel, même façon de dessiner les roses. Certes, la quantité de fil précieux est beaucoup plus importante dans l’œuvre de 1827 que dans celle de 1870, mais ce n’est pas parce qu’il y a recherche de diminution des coûts qu’il y a décroissance du savoir-faire des brodeurs. La ganse dorée en bordure des pièces apparaît aussi à la fin du XIXe siècle, remplaçant souvent les fines dentelles métalliques.

Fig. 10.

Moulins (Allier), musée de la Visitation, dépôt du monastère de Paris ; ornement rouge/blanc : dos de la chasuble, face rouge J.-M. Teissonnier © Ville de Moulins

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Fig. 11.

Bourges (Cher), cathédrale Saint-Étienne ; ornement rouge/blanc : devant de la chasuble, face rouge © Philippe Bardelot

42 Les recherches aux archives départementales de Lozère ont permis de dater de 1872 une troisième pièce, une chasuble vert/or de la cathédrale de Mende (72) (fig. 12). Sur un fond de faille moirée en miroir, les broderies sont exécutées au fil de coton ou de soie blanc, et les motifs sont de plus en plus simples.

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Fig. 12.

Mende (Lozère), cathédrale Notre-Dame et Saint-Privat ; ornement vert/or : dos de la chasuble, face verte © Conseil général de la Lozère

Fig. 13.

Magneville (Manche), église Notre-Dame ; ornement rouge/blanc : dos de la chasuble, face rouge Patrick Merret © Région Basse-Normandie, Inventaire général, 2014

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Fig. 14.

Soissons (Aisne), cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais ; ornement rouge/blanc : dos de la chasuble, face blanche Irwin Leullier © Ministère de la Culture, Inventaire général © Département de l’Aisne © AGIR-Pic

43 La chasuble rouge/blanc (fig. 13) de Magneville (87) fournit un quatrième exemple grâce à des documents40 de 1881 ; avec des motifs plus naturalistes que la pièce précédente, elle reste cependant de facture tout aussi modeste. Ces deux dernières chasubles ont été propriétés de simples prêtres.

44 Enfin, la cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais de Soissons (1) conserve une chasuble rouge/blanc (fig. 14) qui fut portée le 24 février 1890 par Mgr Jean-Baptiste Duval pour sa consécration. Le décor de l’œuvre est totalement en décalage par rapport à son époque, dominée par le style néogothique ; au contraire, le prélat a préféré un style pseudo-baroque fait de rinceaux harmonieux, de guillochis et de cartouches doubles.

45 Finalement, la datation des ornements réversibles, de 1800 jusqu’au XXe siècle tient plus à un ensemble d’observations convergentes qu’à des ruptures nettes de styles bien positionnées dans le temps. Par exemple, considérons une des chasubles de Montpellier, noir/violet (52) (fig. 15) : c’est en observant à la fois l’usage de ganse dorée, de fleurs naturelles mais disposées de façon à faire un ensemble riche mais chargé qu’est déduite une datation entre 1880 et 1920 au plus tard.

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Fig. 15.

Montpellier (Hérault), collection de l’évêché ; ornement violet/noir : dos de la chasuble, face noire M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2010

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Fig. 16.

Alès (Gard), ancienne cathédrale Saint-Jean-Baptiste ; ornement rouge/blanc : dos de la chasuble, face rouge J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2014

46 D’une certaine façon, les réversibles ont participé au mouvement vers le moindre coût des ornements liturgiques de l’ère industrielle, puisque leur fabrication évite les doublures et que dans certains cas on a même supprimé les toiles de renfort ou triplures. Le respect de l’harmonisation des étoffes peut être néanmoins sauvegardé, et ce jusqu’au milieu du XXe siècle. A Montfort-sur-Meu (57‑58), pour faire deux chasubles, on décline la même étoffe ainsi que le même large galon de décor dans les quatre couleurs noir, vert, rouge et violet41. La cathédrale d’Alès (35) conserve un rare42 ornement rouge/blanc (fig. 16) en satin entièrement brodé au point de chaînette avec une machine Cornely. Ultime avatar des réversibles, il existe des pièces pour lesquelles les étoffes d’une face n’ont rien à voir avec celle de l’autre face : à Cuers (Var), l’étoffe moirée rouge corail cohabite avec un satin vert tandis que les galons du dos et du devant sont aussi totalement différents. L’ornement de La Rochelle (26), celui de Dingé (54‑55), celui violet/or du Vigan (40) sont d’autres exemples de récupération ou de remontage pour des prêtres aux modestes moyens. A Guimiliau (30), un beau damas rouge d’Ancien Régime cohabite avec un damas blanc à bouquets centrés du XIXe siècle. Perte de cohérence dans le choix des étoffes et disparition des broderies à double face ; ces réversibles d’un autre genre ne répondent plus à la définition première.

47 Depuis la fin du XVIe siècle, l’ornement réversible pare le prêtre que certaines missions obligent à sortir de son église cathédrale ou paroissiale : prélat, missionnaire, chapelain de grand seigneur, aumônier militaire. Ses broderies suivent l’évolution générale, d’une richesse extraordinaire au XVIIIe siècle puis adaptée aux moyens du commanditaire au XIXe siècle, avant de perdre presque complètement sa substance au début du XXe siècle.

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ANNEXES

Ornements réversibles repérés dans le cadre de cette étude43

France

Aisne (02)

1. Soissons, cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais : chasuble rouge/blanc. Gros de Tours moiré ; broderies de filé or. 1890. Source : Images du patrimoine sur la cathédrale de Soissons44, p. 83, et site de diffusion Gertrude de Picardie.

Alpes-de-Haute-Provence (04)

2. Digne-les-Bains, cathédrale Saint-Jérôme : chasuble rouge/blanc. XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. 3. Senez, ancienne cathédrale Notre-Dame de l’Assomption : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, étole, manipule et voile de calice. Aurait été donné par Mgr Scipion Ruffo de Bonneval, évêque de Senez de 1788 à 1791. Il dût fuir en Italie où il mourut en 1837. Le style des broderies indique plutôt le début du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal. 4. Vergons, église paroissiale : chasuble violet/noir. XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Hautes-Alpes (05)

5. Embrun, ancienne cathédrale Notre-Dame : chasuble violet/vert avec voile de calice. Soie moirée brodée de filé or dessinant de larges palmettes. XVIIIe siècle ? Source : Palissy MH, avec images. 6. Gap, cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Arnoux : chasuble rouge/blanc (110 cm × 71 cm) avec dalmatiques. Soie moirée brodée du monogramme de la Vierge. 1840 (date non justifiée). Source : Palissy MH, sans image. 7. Gap, cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Arnoux : chape violet/vert. Soie moirée ; 1er quart du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Ardèche (07)

8. Tournon-sur-Rhône, collégiale Saint-Julien : chasuble rouge/blanc, étole et bourse de corporal. Aurait appartenu à Mgr de La Rivoire de la Tourette, évêque de Valence de 1819 à 1840. Source : Palissy MH, sans image.

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Ariège (09)

9. Saint-Lizier, ancienne cathédrale : ornement violet/vert comprenant chasuble (122 cm × 77 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Étoffes moirées brodées de filé or sur sorbec. Vers 1700. Sources : Soieries en sacristie, p. 101, 103, 136‑137.

Aube (10)

10. Troyes, cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul : chasuble rouge/blanc (115 cm × 66 cm) avec étole, manipule et bourse de corporal. Étoffe brodée de filé or. XIXe siècle ? Source : Palissy Inventaire gal , avec image. 11. Chasuble rouge/blanc de la Visitation, aujourd’hui conservée au musée de la Visitation de Moulins (nº 98.22.28). Étoffes moirées brodées de filé or. Ganse dorée en pourtour. Fin du XIXe siècle.

Aude (11)

12. Carcassonne, cathédrale Saint-Michel : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (114,5 cm × 70,3 cm), étole, manipule, voile de calice, bourse de corporal et chape. Gros de Tours moiré brodé de filé or. Provenance probable : chapelle de Mgr de Langle, évêque de Saint-Papoul de 1739 à 1774. Source : Inventaire général Languedoc- Roussillon, IM11000254. 13. Carcassonne, cathédrale Saint-Michel : ornement rouge/blanc ou plutôt violet/or comprenant chasuble (113 cm × 70 cm), manipule, bourse de corporal et chape. Gros de Tours moiré brodé de filé argent. Provenance probable : chapelle de Mgr de Langle, évêque de Saint-Papoul de 1739 à 1774. Source : Inventaire général Languedoc- Roussillon, IM11000255. 14. Carcassonne, cathédrale Saint-Michel : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (102,5 cm × 67,5 cm), manipule, étole et voile de calice. Gros de Tours moiré brodé de filé or. Fin du XVIIIe siècle ou début du XIXe siècle ? Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon IM11000256. 15. Carcassonne, cathédrale Saint-Michel : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, avec étole, manipule et voile de calice. Étoffes moirées, broderies de filé or, franges dorées en pourtour de chaque pièce. Début du XIXe siècle ? 16. Carcassonne, cathédrale Saint-Michel : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, avec étole, voile de calice et bourse de corporal. Étoffes moirées, broderies de filé or, fin galon or cachant les coutures au niveau des changements d’étoffes de fond. XIXe siècle. 17. Carcassonne, Petit séminaire Notre-Dame de l’Abbaye : chape violet/vert. XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. 18. Carcassonne, Petit séminaire Notre-Dame de l’Abbaye : chasuble violet/blanc (112 cm × 67,5 cm). Premier quart du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. 19. Carcassonne, église Saint-Vincent : chasuble rouge/blanc. Étoffes moirées, brodées de filé or. Premier quart du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 86

20. Mérial, église paroissiale : chasuble violet/vert (hauteur : 108 cm). Fin XVIIIe-début XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. 21. Mérial, église paroissiale : chasuble rouge/blanc, église paroissiale (hauteur : 108 cm). Fin XVIIIe-début XIXe siècle. Mêmes motifs brodés que la chasuble précédente. Source : Palissy MH, sans image. 22. Narbonne, cathédrale Saint-Just : chasuble rouge/blanc, avec étole, manipule et voile de calice. Étoffes moirées, brodés de filé or. Premier quart du XIXe siècle. 23. Narbonne, cathédrale Saint-Just : chasuble violet/vert, avec étole, manipule et voile de calice de la cathédrale Saint-Just. Étoffes moirées brodées de filé argent. Premier quart du XIXe siècle.

Bouches-du-Rhône (13)

24. Aix-en-Provence, cathédrale Saint-Sauveur : chape rouge/blanc. Gros de Tours moirés à l’antique, brodés de filé or. Premier quart du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. Cliché fourni par Yves Cranga. 25. Aix-en-Provence, cathédrale Saint-Sauveur : chape rose (rouge passé ?) /argent. Soie lamée, brodé de filé or. Premier quart du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Charente-Maritime (17)

26. La Rochelle, cathédrale Saint-Louis : chasuble violet/blanc avec étole, manipule et bourse de corporal. Fin du XIXe siècle. Réversible dévié dans la mesure où à la fois les étoffes et les décors sont différents sur chaque face. Source : Palissy MH, sans image.

Cher (18)

27. Bourges, cathédrale Saint-Etienne : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, étole, manipule et bourse de corporal. Faille moirée, broderies de filéor et en guipure or sur carton. Biais Aîné, Paris, 1870 (information provenant du testament de Mgr de La Tour d’Auvergne). Source : Vestiaire liturgique, p. 19 et 115.

Eure-et-Loir (28)

28. Chartres, cathédrale Notre-Dame : chasuble rouge/blanc avec étole, voile de calice et bourse de corporal. Le côté blanc est brodé au monogramme de la Vierge. Étoffe moirée brodée de filé or. XIXe siècle. Croix brodée identique à celle de Lectoure et de Chastanier. Source : Palissy Inventaire gal, dossier en ligne. 29. Gilles, église Saint-Aignan : chasuble violet/vert avec voile de calice. Gros de Tours moiré brodé de filé argent. Fin du XVIIIe siècle. Source : Vestiaire d’Eure-et-Loir, p. 112 ; et Palissy MH, sans image.

Finistère (29) source : infos fournies par Jeannie Kernec

30. Guimiliau : dalmatique rouge/blanc avec une étole et deux manipules. Face rouge en damas du XVIIIe siècle ; face blanche en damas du XIXe siècle.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 87

31. Kerourien : chasuble ample violet/vert. Sans décor. Milieu du XXe siècle. 32. Plougerneau : chasuble violet/or. Étoffe moirée brodée de filé argent. XIXe siècle. 33. Saint-Jean-du-Doigt : chasuble ample rouge/vert. Sans décor. Milieu du XXe siècle. 34. Tréogat : chasuble rouge/blanc avec étole. Étoffes moirées brodées de soie ou coton. Fin du XIXe siècle.

Gard (30)

35. Alès, ancienne cathédrale Saint-Jean-Baptiste : chasuble rouge/blanc avec manipule, voile de calice et bourse de corporal. Satin ; broderies Cornely. Fin cordon de bordure. Fortes usures sur le devant blanc. Début du XXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 36. Collias, église Saint-Vincent : ornement rouge/blanc comprenant étole, voile de calice, bourse de corporal et pale rouge. Etoffe moirée, broderie de filé or. Seconde moitié du XIXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 37. Alzon, église paroissiale : ornement violet/noir comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Étoffe moirée brodée de filé or. Fin du XIXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 38. La Capelle-et-Masmolène, église de La Capelle : chasuble violet/noir avec étole, manipule et voile de calice. Les deux étoffes sont liserées, la violette est de style Art Déco tandis que la noire est plutôt de style néogothique. Ornement économique acheté tout fait, avec broderies Cornely sur les deux dos. Ensemble datable vers 1930‑1950. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 39. Le Vigan, église Saint-Pierre : chasuble rouge/blanc (107 cm × 69 cm) avec manipule. Étoffe moirée brodée de coton mercerisé jaune. Fin du XIXe-début du XXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 40. Le Vigan, église Saint-Pierre : ornement violet/or comprenant chasuble (116,5 cm × 71 cm) étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal de l’église Saint-Pierre. Le tissu violet est le même damas que le vert du nº 47 de l’inventaire de la même église. Le tissu or est à effets de moirage. Le voile de calice est fait d’autres étoffes : damas jaune ; satin rayé violet. Galon système argent sur la face or et galon tissé de fils blancs sur la face violette. Montage spécifique fait pour un prêtre. Fin du XIXe-début du XXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 41. Le Vigan, église Saint-Pierre : ornement noir/blanc comprenant chasuble (78 cm × 50 cm), étole, manipule voile de calice et bourse de corporal. Étoffes liserées. A appartenu à un prêtre ordonné en 1949. Source : Inventaire général Languedoc- Roussillon. 42. Nîmes, chapelle du cimetière Saint-Baudile : chape rouge/blanc. Satin rouge et faille française blanc ivoire brodée ; le côté rouge est brodé mécaniquement à la machine Cornely, le côté blanc est brodé au point lancé avec ajouts de paillons pour les nervures de feuilles. Source : Nîmes en joie45, p. 43.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 88

43. Nîmes, église Saint-Charles : chape vert/or. Étoffes moirées brodées de soie ou de coton ; beaucoup de réparation. XIXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc- Roussillon. 44. Portes, église Saint-Gilles : chasuble noir/blanc de l’église paroissiale. Deux damas à quadrilobes, de dessin identique. Galons tissés de fils, de motifs différents. XXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 45. Roquemaure, église Saint-Jean-Baptiste et Saint-Jean-l’Evangéliste : chape rouge/ blanc. Gros de Tours lamé argent et gros de Tours moiré rouge ; triplure en toile de lin très régulière ; broderies de filé or. Début du XIXe siècle ? Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon.

Gers (32)

46. Lectoure, ancienne cathédrale Saint-Gervais : chasuble rouge/blanc avec manipule, bourse de corporal et chape. Étoffes moirées brodées de filé or. Début du XIXe siècle ? La bourse serait plus ancienne. La croix brodée est identique à celles de Chartres et de Chastanier.

Gironde (33)

47‑48. Bordeaux, cathédrale Saint-André : ornement rouge/blanc comprenant deux chasubles (113,5 cm × 70 cm), deux étoles, manipule, voile de calice, bourse de corporal, chape. Gros de Tours moiré. Début du XIXe siècle. 1813 ? Motifs identiques à ceux d’Amiens et de Saint-Médard-sur-Ille. Source : Palissy Inventaire gal : peut-être les ornements commandés en 1812 (archives départementales de la gironde, II V 88) ou ceux que l’on achète en 1813 (Archives départementales de la gironde, 162 T 30 A). D’après l’inventaire de 1905, don de François d’Aviau, archevêque de Bordeaux (1802‑1826). 49. Cadillac, château de Cadillac : chasuble rouge/blanc. Satin rouge, damas ivoire ; broderies de filé argent. XVIIIe siècle. Cette chasuble semble bien être celle qui est exposée aujourd’hui au Musée d’Aquitaine, à Bordeaux. Source : Palissy MH, avec images.

Hérault (34)

50. Montpellier, évêché de Montpellier : chasuble rouge/blanc (118 cm × 73 cm) avec étole, manipule et bourse de corporal. Gros de Tours moiré ; broderies de filé or, avec usage de sorbec dont l’âme est verte ou rose. XVIIIe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon. 51. Montpellier, évêché de Montpellier : paire de dalmatiques rouge/blanc. Gros de Tours moiré ; broderies de coton. XIXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc- Roussillon. 52. Montpellier, évêché de Montpellier : chasuble violet/noir (107 cm × 67,5 cm) avec étole, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours ou faille française à broderies de filé or. Fin XIXe-début XXe siècle. Source : Inventaire général Languedoc-Roussillon.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 89

Ille-et-Vilaine (35)

53. Cornillé, église Saint-Melaine : chasuble violet/vert (115 cm × 61 cm) avec manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours moiré, broderies de filé argent. Début du XIXe siècle ? Source : Palissy Inventaire gal, avec image du voile. 54. Dingé, église Saint-Symphorien : chasuble violet/vert. XXe siècle. Source : Palissy MH. 55. Dingé, église Saint-Symphorien : chasuble rouge/blanc. Réversibles déviés dans la mesure où à la fois les étoffes et les décors sont différents sur chaque face. XXe siècle. Source : Palissy MH. 56. Dol-de-Bretagne : chasuble rouge/blanc avec étole, manipule et voile de calice. Étoffe moirée, filé or. Le commanditaire serait Mgr Urbain-René de Hercé, évêque de Dol de 1767 à 1795. Source : Palissy, Inventaire gal. 57. Montfort-sur-Meu : chasuble violet/noir avec étole et manipule. Etoffe liserée ; large ruban textile appliqué. XXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal. 58. Montfort-sur-Meu : chasuble rouge/vert avec étole, manipule et voile de calice. Etoffe liserée ; large ruban textile appliqué. XXe siècle. Les deux ornements portent l’étiquette de Pierre Pouplard, Angers. Source : Palissy Inventaire gal. 59. Saint-Coulomb : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Velours. Début du XXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal.

60. Saint-Lunaire : chasuble ample rouge/blanc. Vers 1950‑1960. Source : portail Glad. 61. Saint-Médard-sur-Ille : chasuble violet/or (105,5 cm × 69 cm), avec étole, manipule et voile de calice. Dessin identique à celui d’Amiens et de Bordeaux. XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal. 62. Vezin-le-Coquet : dalmatique violet/vert. Étoffe moirée, broderies de coton blanc mercerisé. Fin du XIXe siècle. Source : portail Glad.

Indre-et-Loire (37)

63. Tours, cathédrale Saint-Gatien : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (113 cm × 70 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours moiré brodé de filé or. Début du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal. 64. Tours, cathédrale Saint-Gatien : chasuble violet/or comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Début du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal.

Isère (38)

65. Grenoble, cathédrale Notre-Dame : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (114 cm × 67 cm), étole, manipule, voile de calice, bourse de corporal, deux pales, grémial et chape. Il est supposé provenir de Mgr Pierre de Bernis, via les Chartreux. Il fut ordonné prêtre en 1760, puis nommé archevêque d’Albi dès 1764 et cardinal en 1769. Il est mort à Rome en 1794. Nécessiterait étude approfondie. Source : Palissy MH,

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 90

avec images, et clichés aimablement fournis par Patricia Dal Pra et le Père David Ribiollet.

Loir-et-Cher (41)

66. Blois, Musée diocésain : chape rouge/blanc. Provient de la cathédrale de Blois. Satin brodé de filé or. XIXe siècle. Source : documentation aimablement fournie par Irène Jourd’heuil.

Haute-Loire (43)

67. Le Chambon-sur-Lignon, église Notre-Dame : chasuble rouge/blanc (108 cm × 70 cm). Début du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal, avec images. 68. Le Puy-en-Velay, Musée du cloître de la cathédrale : chasuble violet/vert (113 cm × 75 cm) avec étole, manipule et bourse. Cannelé moiré vert et gros de Tours violet ; broderies de filés argent et or ; sorbec. XVIIIe siècle. Source : Trésor brodé, p. 240. 69. Tence, église Notre-Dame de la Nativité et Saint-Martin : chasuble rouge/blanc (hauteur : 112 cm). XVIIIe siècle. Les tissus de fond ont été changés. Source : Palissy Inventaire gal, avec images.

Lot (46)

70. Cahors, cathédrale Saint-Étienne : chasuble rouge/violet (116 cm × 69 cm) avec chape. Soie moirée brodée de filé argent. XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Lozère (48)

71. Chastanier, église Saint-Jacques-le-Majeur : chasuble violet/or (104 cm × 68 cm) avec étole pastorale et manipule. Début du XIXe siècle. Croix brodée identique à celle de Lectoure et de Chartres. Source : Palissy MH, sans image ; clichés Cg48. 72. Mende, cathédrale Notre-Dame et Saint-Privat : chasuble vert/or (109,5 cm × 68 cm) avec étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Étoffes moirées brodées de coton blanc. Datable par archives de 1872 : AD48, Ajout à l’inventaire de 1862 de la cathédrale de Mende.[…] Octobre 1872. Une chasuble soie blanche, galons faux, don de M. Vidal, une dite double jaune et verte, galons brodés, don de M. Vidal (vicaire général). Source : Palissy MH ; images Cg48. ; recherches Inventaire général Languedoc- Roussillon. 73. Mende, Maison diocésaine : chasuble noir/blanc (83,5 cm × 50 cm) faisant partie d’un autel de campagne complet. Damas blanc à décors de soleils, d’éclairs et de lunes, et satin noir ; application de galon tissé. Second tiers du XXe siècle. Source : Palissy MH, sans image ; clichés Cg48. 74. Saint-Chély-d’Apcher : chasuble rouge/blanc avec manipule et voile de calice. Étoffes moirées, broderie de fil de coton mouliné jaune. Fin du XIXe siècle. Source : images Cg48.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 91

Maine-et-Loire (49)

75. Angers : ornement violet/vert comprenant chasuble (133 cm × 74 cm), étole, manipule, bourse de corporal et deux pales, conservés anciennement au château, aujourd’hui au dépôt départemental des objets d’art. Taffetas moiré brodé de filés or et argent. La bourse et les deux pales (une de chaque couleur) sont ornées de croix composées par le croisement de deux fragments d’un ruban métallique tissé. Aurait appartenu à Mgr Jean-Baptiste du Chilleau, aumônier de Marie Leczinska et de Marie- Antoinette, évêque de Chalon en 1781, mort archevêque de Tours en 1824. Source : Palissy MH, Cg49, DDoM-002. 76. Angers : fragments d’une chape rouge/vert du Trésor de la cathédrale, legs Montault : chaperon et orfrois. Taffetas brodé à deux endroits de filé or. Dimensions des orfrois : l = 127,5 à 129 cm ; la = 24,5 cm. Agrafe : l = 21,8 -22 cm ; la = 11,6 – 11,8 cm. Chaperon : h = 53 cm ; la = 55 cm. Début du XVIIIe siècle. Source : Palissy MH et Cg49, DDoM 470. 77. Angers : chasuble rouge/vert (démontée) des Jésuites d’Angers. Satin liseré, XXe siècle. Source : Cg49, DDoM 1628. 78. Angers : ornement noir/blanc ample comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse. Dépôt départemental des objets mobiliers, XXe siècle. Source : Cg49, DDoM 2004‑047. 79. Angers : ornement vert/rouge ample comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse. Dépôt départemental des objets mobiliers, XXe siècle. Source : Cg49, DDoM 2004‑047. 80. Angers : ornement violet/rouge comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice, bourse de corporal et pale. Dépôt départemental des objets mobiliers, fin du XIXe siècle. Soie moirée brodée de filé or. Source : Cg49, DDoM 2013‑033.

Manche (50)

81. Besneville : chasuble violet/vert trouvée dans le presbytère par le chargé d’inventaire en 1991. Conservée au dépôt des antiquités et objets d’art. Broderie de fil de soie moulinée. Fin du XIXe siècle ? Source : objets mobiliers de la Manche. 82. Hambye, Musée de l’Abbaye : paire de dalmatiques rouge/blanc du Musée de l’Abbaye. Faille française moirée brodée de soie jaune. Elles correspondent bien stylistiquement avec la chasuble de La Lucerne. Fin du XIXe siècle. Source : objets mobiliers de la Manche. 83. Hambye, Musée de l’Abbaye : chasuble noir/blanc (88 cm × 50 cm) nº 74. Damas crème à quadrilobes ; damas noir à quadrilobes. Galons de fibres textiles, blanc et noir d’un côté, marron et or de l’autre. XXe siècle. Source : objets mobiliers de la Manche. 84. Hambye, Musée de l’Abbaye : chasuble noir/blanc nº 75 avec étole, manipule et voile de calice. Le tout est de taille inférieure à l’habitude. Aucune toile tailleur de soutien. Tissus de fond : damas crème à fleurs, taffetas noir, galons de fibres textiles, blanc et noir d’un côté, or de l’autre. Première moitié du XXe siècle. Source : objets mobiliers de la Manche.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 92

85. La Lucerne d’Outremer : chasuble rouge/blanc avec étole. Inv. 51 de la Fondation Abbaye de La Lucerne. Faille française moirée brodée de soie jaune. Fin du XIXe siècle. Source : inventaire CAoA50. 86. Magneville : chasuble vert/blanc (108 cm × 60 cm). Conservée au dépôt des antiquités et objets d’art. Étoffe moirée brodée de fils blancs. Fin XIXe-début XXe siècle. Sources : objets mobiliers de la Manche. 87. Magneville : chasuble rouge/blanc (104 cm × 74,5 cm). Faille moirée brodée de fils jaunes. Datée par l’inventaire du 24 avril 1881 : Une chasuble en damas (confusion due aux dessins ?) de soie à deux faces, blanche d’un côté et rouge de l’autre avec les accessoires. Elle a été donnée à l’église en 1881 par Mme Amiot, propriétaire de la ferme des Essarts à Magneville, AD50, 300 J 297 archives paroissiales déposées, article 9 : délibérations de la fabrique (1847‑88). 88. Saint-André-de-Bohon, dépôt des antiquités et objets d’art : ornement rouge/blanc composé d’une chasuble (108 × 69,5 cm), d’une dalmatique, d’une chape, d’un voile huméral, d’une bourse, d’une pâle blanche et d’une rouge, d’un voile de calice, de deux étoles, de trois manipules et d’une étole pastorale, le tout conservé au dépôt des antiquités et objets d’art. Le tissu de fond est une faille moirée fragile. Une ganse de fil jaune vif borde toutes les pièces. Broderies double face au point passé de coton perlé jaune vif : grappes de raisin, épis de blé, feuilles de vigne. Fin du XIXe siècle. Source : objets mobiliers de la Manche. 89. Saint-André-de-Bohon, dépôt des antiquités et objets d’art : chasuble violet/noir (88,5 × 52 cm) d’aumônier militaire utilisée entre 1939 et 1945 ; galon tissé en décor. Don de l’abbé Lechat au département le 27 octobre 2002. Source : objets mobiliers de la Manche. 90. Saint-Côme-du-Mont, église Saint-Côme et Saint-Damien : chasuble rouge/vert de forme ample. Conservée au dépôt des antiquités et objets d’art. Rayonne de parachute vert (pour les colis) ; tissu rouge ; application de galon tissé. Vers 1950. Source : Palissy MH et objets mobiliers de la Manche. 91. Saint-Marcouf : ornement violet/noir composé d’une chasuble, d’une étole, d’un manipule, d’un voile de calice et d’une bourse de corporal trouvés dans le grenier du presbytère. Conservé au dépôt des antiquités et objets d’art. Faille moirée à décor de rinceaux et pampres blancs. Médaillon composé d’une croix grecque trilobée dans une couronne d’épines, galon argent, crépine fil et argent au voile. Second Empire. Source : objets mobiliers de la Manche.

Meuse (55)

92. Esnes-en-Argonne, église Saint-Martin : chasuble rouge/blanc, avec étole, manipule et bourse de corporal. Milieu du XIXe siècle. L’ornement est dit avoir appartenu à Mgr Charles-Nicolas-Pierre Didiot, évêque de Bayeux de 1856 à 1866. Source : Palissy MH, sans image. 93. Saint-Mihiel, église Saint-Michel : ornement violet/vert comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours moiré ; broderie mixte de filé argent et de fil blanc. Source : Textiles sacrés en Meuse46, p. 62‑63 ; Palissy MH sans image.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 93

94. Verdun, cathédrale Notre-Dame : ornement violet/vert. Étoffes moirées, brodées de filé argent. Motifs différents au centre du dos, sur l’une et l’autre face. Seconde moitié du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image, et clichés privés.

Morbihan (56)

95. Josselin, église Notre-Dame du roncier : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (109 cm × 69 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours moiré, brodé. Première moitié du XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image. 96. Josselin, église Notre-Dame du roncier : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (114 cm × 67 cm), étole, manipule et bourse de corporal. Gros de Tours moiré, brodé. Vers 1880. Source : Palissy MH, sans image.

Moselle (57)

97. Metz, cathédrale Saint-Étienne : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (113 cm × 70 cm), étole, manipule, voile de calice, bourse de corporal et chape. Don de Mgr Louis-Joseph de Montmorency-Laval, d’abord évêque d’Orléans (1754‑1758) puis évêque de Condom (1758‑1760) et enfin évêque de Metz (1760‑1801). Milieu du XVIIIe siècle. Quasiment identique à l’ornement de la cathédrale de Carcassonne (9). Source : vu sur place ; clichés aimablement fournis par le Père normand, recteur de la cathédrale.

Oise (60)

98. Compiègne, chapelle du château : chasuble noir/blanc ( ?). Étoffe moirée brodée de filé argent. Même broderie qu’à Fontainebleau. XIXe siècle. 99. Compiègne, chapelle du château : chasuble violet/vert. Tissus de fond : damas à motifs de grandes fleurs et de rubans de dentelle. Étoffes de décor différentes sur chaque face : le violet est un cannetillé liseré, lancé, broché, en soie avec un motif de corbeille en vannerie bien repéré ; le vert semble être un taffetas double broché. XIXe siècle. Source : File le temps, p. 221, pour l’étoffe de décor violette.

Pas-de-Calais (62)

100. Boulogne-sur-Mer, église Saint-François de Sales : chape violet/or. Broderies de filé or. Fin du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire général, avec dossier en ligne.

Puy-de-Dôme (63)

101. Saint-Priest-Bramefant, église Saint-Priest : ornement noir/blanc comprenant chasuble (109 cm × 68 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Vers 1830 ? Source : Palissy Inventaire gal, avec images.

Hautes-Pyrénées (65)

102. Tarbes, cathédrale Notre-Dame-de-la-Sède : chasuble rouge/or (117 cm × 70 cm) avec étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Soie moirée rouge et soie lamée or, brodée de filé argent. XIXe siècle. Sources : Palissy MH.

Patrimoines du Sud, 1 | 2015 94

Saône-et-Loire (71)

103. Ecuelles, église Saint-Cyr et Sainte-Julitte : chasuble violet/or (102 cm × 68 cm) avec étole et voile de calice. Étoffe moirée et drap d’or. Fin du XIXe siècle. Source : Palissy Inventaire gal, sans image.

Savoie (73)

104. Moutiers, cathédrale Saint-Pierre : chape violet/noir. Gros de Tours moiré à l’antique, brodé de soie blanche. XIXe siècle. Source : Palissy MH, sans image.

Paris (75)

105. Paris : chasuble violet/vert, numéro 52 de la vente du 7 novembre 2000 à Drouot. Sans doute broderies Cornely. XIXe siècle. Source : catalogue de vente Paramentique & béatilles. 106. Paris, Premier monastère de la Visitation, aujourd’hui au musée de la Visitation de Moulins : ornement rouge/blanc comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours moirés brodés de filé or. A appartenu à Mgr Etienne Borderies, évêque de Versailles de 1827 à 1832, et premier aumônier de la Dauphine Marie-Thérèse, fille de Louis XVI, plus connue sous le nom de duchesse d’Angoulême. Premier quart du XIXe siècle. Source : En tous points parfaits, p. 94‑95. 107. Paris, Musée de l’Armée : chasuble noir/blanc avec étole. Après 1914. Source : Moteur collections.

Seine-Maritime (76)

108. Rouen, Musée départemental des Antiquités : chape rouge/blanc. De Farcy dit que les broderies ont été dessinées par Saint-Aubin pour le sacre de Louis XV, donc en 1722. Achat Paulme en 1892. Source : La broderie du XIe siècle jusqu’à nos jours.

Seine-et-Marne (77)

109. Fontainebleau, chapelle du château : chasuble rouge/vert avec manipule. Etoffes moirées brodées de filé or. La broderie de la face rouge est beaucoup plus riche. XIXe siècle. 110. Fontainebleau, chapelle du château : chasuble violet/blanc avec voile de calice et manipule. Étoffes moirées brodées de filé argent. Même broderie à Compiègne. XIXe siècle.

Yvelines (78)

111. Versailles, chapelle du château : chasuble rouge/blanc. Étoffes moirées brodées de filé or. Fin du XIXe siècle. Sources : clichés aimablement fournis par D. Véron-Denise. 112. Versailles, chapelle du château : chasuble noir/blanc. Étoffes moirées brodées de filé argent. Semble plus ancienne que la précédente. Sources : clichés aimablement fournis par D. Véron-Denise.

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Somme (80)

113. Amiens, cathédrale Notre-Dame : ornement rouge/blanc comprenant chasuble (124 cm × 106 cm), étole, manipule, voile de calice et chape. Est réputé provenir de Mgr de Machault d’Arnouville, prêtre en 1762, évêque d’Amiens à partir de 1774, démissionnaire en 1802. Source : base Palissy MH avec images. 114. ornement blanc/rouge comprenant chasuble (120 cm × 70 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal, conservés au dépôt d’art sacré. Étoffes moirées, broderies de filé or dessinant un ruban festonné. XIXe siècle. Dessin identique à celui de Saint-Médard-sur-Ille et de Bordeaux. Source : Inventaire général, Palissy sans image. Cliché D. Véron-Denise. Il existe également un grémial blanc/rouge, à broderie de filé or ; cependant, tous les ornements étant emballés en attente des travaux sur place, il n’est pas possible de vérifier s’il s’accorde avec cet ornement.

Tarn (81)

115. Gaillac, Musée de l’Abbaye : chasuble rouge/blanc comprenant chasuble, étole, manipule et voile de calice. Gros de Tours moiré brodé de filé argent. XVIIIe siècle. Sources : Textiles sacrés du Tarn47, p. 16 et 52.

Tarn-et-garonne (82)

116. Montauban, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption : chasuble rouge/blanc (114 cm × 69,5 cm). Soie moirée brodée de filé or. Limite du XIXe-début du XXe siècle. Source : Palissy MH. 117. Montpézat-de-Quercy, collégiale Saint-Martin : ornement violet/rouge comprenant chasuble (118 cm × 68 cm), étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Gros de Tours brodé de filé argent. Milieu du XVIIIe siècle. Sources : Soieries en sacristie, p. 98‑99, 138.

Var (83)

118. Cuers, collégiale Sainte-Catherine : chasuble rouge/vert, avec étole, manipule et voile de calice. Étoffes moirées avec décor d’application de broderies et de broderies sur canevas. Réversible dévié dans la mesure où à la fois les étoffes, les galons et les décors sont différents sur chaque face. XXe siècle. Source : patrimages.

Vaucluse (84)

119. Avignon, cathédrale Notre-Dame des Doms : chasuble violet/vert. Faille moirée, coton mercerisé blanc. XIXe siècle. Sources : Merveilles d’or & de soie48, p. 56.

Vienne (86)

120. Migné-Auxances : chasuble rouge/blanc (110 cm × 65 cm). Gros de Tours rouge ; étoffe blanche lamée argent ; filé argent doré. XVIIIe siècle. La base Palissy indique qu’elle est proche d’une chasuble du musée de Bordeaux (donc Cadillac ?). Source : Palissy MH, sans image.

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121. Poitiers : ornement violet/or comprenant chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal. Source : moteur collections, Inventaire général Poitou- Charente. 122. Chasuble violet/vert (121 cm × 71 cm). Satin vert, étoffe moirée violette, brodées de filé or. Œuvre brodée pour le monastère de la Visitation vers 1780, par des sœurs ? ou par des professionnels ? Source : De fleurs en aiguille49, p. 156‑157. Sources : VÉRON-DENISE, Danièle, FOISSELON, Jean, PICAUD, Gérard, VÉRON-DENISE, Danièle. Cat. d’exposition [Moulins, Musée de la Visitation, 7 mai - 5 décembre 2009]. De fleurs en aiguille, l’art de la broderie chez les Visitandines. Paris : Somogy éditions d’art/Moulins : Musée de la Visitation, 2009, 247, p. 156‑157.

Seine-Saint-Denis (93)

123. Saint-Denis, basilique : chasuble rouge/blanc (112 cm × 71 cm), avec étole, manipule et bourse de corporal. Gros de Tours brodé de filé or. Seconde moitié du XVIIIe siècle. L’ensemble est dit de Madame Louise, fille de Louis XV et carmélite mais la date d’entrée dans l’inventaire n’est que de 1838 sans que l’on sache s’il s’agit d’un retour post-révolutionnaire ou d’un apport extérieur. Sources : Palissy MH. Informations aimablement fournies par Isabelle Bédat.

Étranger

Canada (Québec)

124‑125. Montréal : chasuble violet/vert (118,60 cm × 65, 80 cm), et chasuble rouge/ blanc (114,60 cm × 66,70 cm) de la paroisse Notre-Dame, données par Mgr du Breil de Pontbriand, dernier évêque de Québec sous le régime français, qui fut au Canada d’août 1741 à sa mort en juin 1760. Il s’était retiré chez les Sulpiciens de Montréal en 1759, et leur laissa ces chasubles.

Belgique

126. Lierre, église Saint-Gommaire : chasuble violet/vert avec étole, voile de calice et manipule. Soie moirée brodée de fils polychromes et de filé or. XVIIIe siècle.

Italie du Nord

127. Chasuble rose-blanc/bleu-blanc avec manipule, voile de calice et bourse de corporal, conservés au Musée du cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay. Coupe italienne. Source : Trésor brodé, p. 234. 128. Parme, église conventuelle de Saint-Georges : chasuble violet/vert avec manipule, voile de calice et bourse de corporal. Sont mentionnés dans un inventaire de 1728. Source : Per uso del santificare50, p. 140‑141.

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NOTES

1. FARCY, Louis de. La broderie du XIe siècle jusqu'à nos jours d’après des spécimens authentiques et les inventaires. Angers : Belhomme, libraire éditeur, 1890, 1900, puis 1919. Supplément de 1919, p. 14. 2. ARIBAUD, Christine. [Exposition. Toulouse, musée Paul Dupuy, 26 octobre 1998 – 31 janvier 1999]. Soieries en sacristie, fastes liturgiques, XVII-XVIIIe siècles. Paris : Somogy éditions d’art, 1998, p. 98‑99, 101, 103, 136‑138. 3. Les numéros entre parenthèses dans le texte renvoient à la liste des ornements, classés par départements. 4. Les étoles pastorales ou les petites pièces isolées sont exclues du corpus. 5. SAINT-AUBIN, Charles-Germain de. L’art du brodeur. Paris : L.F. Delatour, 1770. Réimp. Los Angeles : Los Angeles County Museum of Art, 1983, p. 14. 6. Au sujet de cette famille, lire : ADVIELLE, Victor. Renseignements intimes sur les Saint- Aubin d’après les papiers de leur famille. Réunion de la société des beaux-arts des départements, 1896, p. 569‑637. 7. Montpellier (fig. 1) et la chasuble verte du Puy sont faciles à identifier mais il y a sûrement d’autres cas. 8. À propos du moirage, voir : GILONNE, Georges. Soieries de Lyon. Lyon : Éditions du Fleuve, 1948. 9. Encyclopédie Diderot d'Alembert, article gros de Tours et gros de Naples. 10. Cf. Encyclopédie Diderot d’Alembert, art. tabis ; là encore, peu de différence entre taffetas et tabis, le second étant fait avec un fil plus épais que le premier. 11. Généalogie de la famille de Farcy, p. 445, cité par De Farcy, dans le Second supplément, de 1919. 12. Les Italiens disent à « due dritti ». 13. JUSSELIN, Maurice. Les brodeurs à Chartres et les vêtements liturgiques de la cathédrale au XVIe siècle. Mémoires de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, t. XVIII, p. 264. Gilles Pichot et Jean Jouasnet, gagers de Meslay-le-Vidame s’engagent le 10 avril 1574, à lui [Etienne Lescureau, de Chartres] payer douze livres cinq sous pour une chappe à deux envers. 14. Archives diocésaines de Coutances. Visites archidiaconales du Bauptois, 1746. Dans PAGNON, Josiane. [Expositions. Saint-Lô, archives départementales, 26 avril-1er août 2008 ; Saint-Hilaire- du-Harcouët, musée de La Verrière, Saint-André-de-Bohon, dépôt des objets d’art, 26 avril - 12 octobre 2008]. File le temps, reste le tissu, ornements liturgiques de la Manche, Coutances : Conseil général de la Manche, 2007 (collection Patrimoine, 13), p. 114. 15. Archives diocésaines de Coutances. Visites archidiaconales du Bauptois, 1765. Ibid. 16. [Exposition. Maintenon, château, 2 juillet – 30 septembre 2008]. Vestiaire sacré d’Eure-et- Loir, textiles brodés, textiles brochés. Chartres : Conseil général d’Eure-et-Loir, 2008, p. 19‑20. 17. Ces objets ont été donnés à la cathédrale pour les messes pontificales par décision ministérielle du 9 octobre 1873 et fournis par la maison Biais de Paris au prix de 8 950 francs. 18. Il faudrait au moins rajouter un sixième exemple, vu dans une valise de missionnaire du Grand Nord canadien, au Centre de Conservation-restauration à Québec. 19. Saint-André-de-Bohon (82) ; dépôt des antiquités et objets d’art de la Manche. Chasuble utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale. 20. Idem sur l’ornement 12 de Carcassonne. D’autres ornements de la liste ont peut-être été restaurés mais l’absence de photos ou la mauvaise qualité de certaines empêchent de vérifier. 21. JUSSELIN, déjà cité, p. 264. 22. L’intégralité des visites pastorales des diocèses de Coutances et d’Avranches, des visites sur les diocèses de Lodève, Béziers et Nîmes ont été lues. 23. AD Gard, G 1304.

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24. AD Gard, G 1305, 1721. 25. ARIBAUD, 1998, p. 101, 103, 136‑137. 26. COUGARD-FRUMAN, Josiane, FRUMAN, Daniel H. Le trésor brodé de la cathédrale du Puy- en-Velay, chefs-d’œuvre de la collection Cougard-Fruman. Paris : Albin Michel, 2010, p. 240. 27. Cf. Danièle Véron-Denise, « Les ornements épiscopaux du XVIII e siècle des cathédrales de Metz et de Carcassonne et l’atelier parisien de la famille Rocher », Patrimoines du sud [en ligne], 1 – 2015, mis en ligne le 23 février 2015. URL : https://inventaire-patrimoine-culturel.cr- languedocroussillon.fr 28. Merci à Anna Leicher, CDAOA de Maine-et-Loire, de m’avoir fait remarquer ce détail. 29. L’enquête n’a pas été aisée à mener sur le plan national, la base Palissy manquant d’images. Que les collègues et amis qui ont pris le temps d’apporter des précisions soient ici chaleureusement remerciés (Anna Leicher, Isabelle Darnas, Jeanie Kernec). 30. ADVIELLE, Victor. Renseignements intimes sur les Saint-Aubin d’après les papiers de leur famille. Réunion de la société des beaux-arts des départements, 1896, p. 575. 31. Nous remercions chaleureusement Danièle Véron-Denise de nous faire bénéficier de ses recherches. 32. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 119. 33. AM, Minutier des notaires, étude 1657, CXVIII, 194. 34. AD Gironde, G 3198, 1656‑1668, Comptabilité de l’archevêché. 35. Saint-Aubin écrit que l’or de Milan n’a sa lame doré que du côté apparent, ce qui le rend plus pâle. 36. citée lors du mariage de François Étienne en février 1737 avec Marie-Catherine Marie. 37. Les qualificatifs des ors tient aussi à leur degré de dorure ; ainsi l’or de Lyon est d’un titre à dix livres par marc au-dessous de l’or de Paris, soit 72 livres le marc en 1769 quand l’or de Milan vaut 68 livres le marc (source : Saint-Aubin). 38. FOISSELON, Jean, PICAUD, Gérard, VALANTIN, Florence. [Exposition. Moulins, Musée de la Visitation, 8 mai – 24 décembre 2014]. En tous points parfaits, œuvres brodées pour la Visitation aux XIXe et XX e siècles. Paris : Somogy éditions d’art/Moulins : Musée de la Visitation, 2014, p. 94‑95. 39. BARDELOT, Philippe, JOURD'HEUIL, Irène, LEBIGUE, Jean-Baptiste. Le vestiaire liturgique de la cathédrale de Bourges, Textiles religieux des XIXe et XXe siècles. Lyon : Éditions Lieux Dits, 2012 (Cahiers du patrimoine ; 98), p. 19 et 115. 40. AD50 300 J 297. Délibérations de la fabrique. 41. Cf. également chasuble rouge/vert de la Conservation des antiquités et objets d’art de la Manche. 42. Une chape rouge/blanc de Nîmes est également brodée à la machine Cornely, ainsi que la chasuble de la vente Florand. 43. Cette liste n’est pas exhaustive. Certaines abréviations sont utilisées : la base Palissy est la base documentaire objets du ministère de la Culture et de la Communication ; les résultats émanent des agents des Monuments Historiques (MH) ou de ceux de l’Inventaire général (Inventaire gal). 44. PLOUVIER, Martine, RIBOULLEAU, Christiane. Les richesses artistiques de la cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais de Soissons. Amiens : Agir-Pic, 2004, 104 p. - (Images du patrimoine, ISSN 0299‑1020 ; nº 215). 45. PAGNON, Josiane. Nîmes en joie, églises en soie. Lyon : éditions Lieux Dits, 2012, (collection Focus patrimoine ; 1), 124 p. 46. [Exposition. Saint-Mihiel, musée d’art sacré, 26 juin – 1 er novembre 2004, 1er avril – 1er novembre 2005]. De soie et d’or, textiles sacrés en Meuse, XVIIe-XIXe siècles. Bar-le-Duc : Conseil général de la Meuse, 2004, 98 p. 47. [Exposition. Labastide-Rouairoux, Musée du Textile, 1 er juillet – 31 octobre 2003], Textiles sacrés du Tarn. Paris : Somogy éditions d’art/Albi : Cg du Tarn, 2003, 119 p.

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48. [Exposition. Avignon, Palais des Papes, 21 décembre 2000 – 4 juin 2001], Merveilles d’or & de soie, trésors textiles de Notre-Dame des Doms du XVIe au XXe siècle, Avignon : éditions RMG – Palais des Papes, 2000, 104 p. 49. VÉRON-DENISE, Danièle, FOISSELON, Jean, PICAUD, Gérard, VÉRON-DENISE, Danièle. [Exposition. Moulins, Musée de la Visitation, 7 mai – 5 décembre 2009]. De fleurs en aiguille, l’art de la broderie chez les Visitandines. Paris : Somogy éditions d’art/Moulins : Musée de la Visitation, 2009, 247 p. 50. SCHIANCHI, Lucia (dir.).« Per uso del santificare et adornare », gli arredi di Santa Maria della Steccata. Parme : Artegrafica Silva, 1991, 273 p.

RÉSUMÉS

Étude concernant la définition de ces ornements brodés sur leurs deux faces, leur usage et évolution chronologique. Elle est suivie d’une liste de 128 ornements repérés, surtout en France mais aussi en Italie, Belgique et Canada.

A study on the definition of these parements, which are embroidered on both sides, their use, and their chronological evolution. It is followed by a list of 128 identified parements, mostly in France but also in Italy, Belgium and Canada.

INDEX

Index géographique : Montpellier, Le Vigan, Grenoble, Moulins, Bourges, Carcassonne, Mende, Magneville, Soissons, Alès, France, Italie, Canada Mots-clés : textile, broderie, broderie réversible Keywords : textile, embroidery, reversible embroidery

AUTEUR

JOSIANE PAGNON Chercheur Inventaire général Languedoc-Roussillon

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Les ornements épiscopaux du XVIIIe siècle des cathédrales de Metz et de Carcassonne et l’atelier parisien de la famille Rocher The 18th century Episcopal ornaments of the of Metz and Carcassonne and the Parisian workshop of the Rocher family

Danièle Véron-Denise

J’adresse mes plus vifs remerciements à toutes les personnes qui m’ont aidée dans cette étude. M. l’abbé Normand, conservateur des Antiquités et objets d’art de la Moselle ; Christian Baulez, conservateur général honoraire du Château de Versailles ; Isabelle Bédat, restauratrice de textiles ; Lise Auber, conservatrice des antiquités et objets d’art de Seine-Maritime ; Caroline Dorion-Peyronnet, conservatrice du Musée départemental des antiquités de Rouen, et Laurence Lyncee, documentaliste régisseuse de ce même musée ; le sacristain de la cathédrale de Carcassonne ; Marie-Chantal Ferriol, conservatrice déléguée des antiquités et objets d’art de l’Aude ; Agnès Vatican, directrice des archives départementales de la gironde, et Pierre Massé, agent de recherche aux archives départementales de la gironde ; Hervé Passot, attaché territorial principal, responsable du service accueil et recherche des archives départementales du nord, et Areski Hadjloum, adjoint du patrimoine aux archives départementales du nord ; Thierry Zimmer, conservateur général du patrimoine, Monuments historiques, chargé des départements de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis.

1 La cathédrale de Metz conserve en son trésor de nombreuses pièces remarquables : orfèvrerie, ivoires, crosses d’évêques, reliquaires, la chape dite du manteau de Charlemagne, l’anneau de saint Arnould… et plusieurs ornements liturgiques dignes d’intérêt. L’un d’entre eux se distingue tout particulièrement des autres par sa richesse, son état de conservation relativement bon et surtout la très belle qualité de son exécution. Ayant appartenu au cardinal de Montmorency-Laval (1724‑1808), il est parvenu à la cathédrale après la Révolution, par des voies un peu détournées. Il fait partie de ces ornements appelés « réversibles », qui permettaient notamment aux

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évêques d’effectuer leurs tournées pastorales avec un bagage allégé1. La confrontation de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval avec des ornements semblables, voire identiques, conservés dans d’autres lieux de culte de France et dans un musée de Rouen, incite à y voir l’œuvre d’un atelier unique, et la découverte de plusieurs documents d’archives permet d’en proposer l’identification.

Un ornement de grande qualité

Fig. 1.

Metz (Moselle), cathédrale Saint-Étienne ; chape de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval, face rouge © Gabriel Normand

2 L’ornement de Montmorency-Laval comporte six pièces réversibles en soie rouge et blanche brodées de filés or : une chape (fig. 1 et 2), une chasuble (fig. 3), une étole, un manipule, un voile de calice (fig. 4) et une bourse de corporal (fig. 5). L’étoffe rouge est un gros de tours moiré et l’étoffe blanche un drap d’argent, plus précisément une soierie blanche lamée d’argent. Toutes les broderies sont exécutées au passé plat et traversent les deux étoffes ainsi qu’une triplure (doublure intermédiaire) destinée à assurer une bonne tenue à chacune des pièces. Les galons sinueux qui délimitent les orfrois et suivent les contours de la chape et de la chasuble sont eux-mêmes brodés, signes d’une fabrication particulièrement soignée. La composition du décor est équilibrée et harmonieuse, et le tracé des motifs d’une remarquable sûreté d’exécution. Le décor de l’ensemble des éléments est essentiellement ornemental et sans caractère religieux, si l’on excepte les vases de fleurs de la chape et de la chasuble qui relèvent sans doute d’une intention symbolique, ainsi que les grappes de raisin et les épis de blé dans les angles supérieurs du chaperon, et les pampres qui forment une ronde autour de la croix centrale du voile de calice. Le décor des orfrois de la chape et de la chasuble comme celui du chaperon est particulièrement riche et dense ; des cartouches chantournés s’y succèdent, parfois entrelacés, environnés de fleurs, feuillages, draperies, fleurons et perles…

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Fig. 2.

Metz (Moselle), cathédrale Saint-Étienne ; chaperon de la chape de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval, face rouge © Gabriel Normand

3 Sur le reste du champ, les motifs sont plus aérés : de fines tiges dessinent des courbes et des contre-courbes qui s’accolent et se séparent, et sur lesquelles viennent se balancer des festons, des chaînettes, des fleurettes et de légers feuillages en palmettes ou en éventail. La richesse des matériaux, la qualité du dessin et la perfection de l’exécution générale trahissent l’intervention d’un atelier de haut niveau.

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Fig. 3.

Metz (Moselle), cathédrale Saint-Étienne ; chasuble de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval, face rouge © Gabriel Normand

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Fig. 4.

Metz (Moselle), cathédrale Saint-Étienne ; bourse de corporal et voile de calice de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval, face rouge © Gabriel Normand

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Fig. 5.

Metz (Moselle), cathédrale Saint-Étienne ; bourse de corporal et voile de calice de l’ornement de Mgr de Montmorency-Laval, face rouge © Gabriel Normand

Une histoire complexe

4 Louis-Joseph de Montmorency-Laval a été évêque de Metz de 1760 à 1801. Bien qu’il n’ait pas démissionné de son siège lors de la Révolution, les circonstances l’ont contraint à émigrer, d’abord à Trèves en 1791 auprès de sa nièce, la duchesse de Laval. Puis, après avoir vécu quelque temps une vie de nomade allant d’une ville à l’autre en Allemagne, il passa les quatre dernières années de sa vie à Altona, près de Hambourg, où il décéda en 1808. Dans ses pérégrinations multiples, il avait emporté sa chapelle épiscopale en vermeil, comportant calice et patène, aiguière et plateau, sonnette et bougeoir, ainsi que son ornement blanc et rouge brodé d’or. Son suffragant à Metz depuis 1781, henry de Chambre d’Urgons, évêque auxiliaire et évêque titulaire d’Orope, l’avait accompagné dans son exil, et c’est à ce fidèle compagnon qu’il légua ces pièces précieuses. Revenu en France au moment du Concordat, Mgr d’Urgons se retira à Tartas dans les Landes, sa région natale, où il mourut en 1819. A son tour, il légua ces œuvres ainsi que quelques autres à la fabrique de la cathédrale de Metz où elles sont toujours visibles. Les circonstances et le détail de ce legs sont relatés dans le compte-rendu d’une séance du chapitre tenue le 16 novembre 1819, où il est expressément fait mention d’une chappe brodée des deux côtés, ainsi que la chasuble : ces 2 objets en moire blanche d’un côté et en moire rouge de l’autre2 (voir annexe 1). Le sort de cet ensemble fut donc quelque peu mouvementé : de Lorraine, les pièces suivirent le cardinal dans son exil en Allemagne ; puis elles furent emportées dans les Landes avec leur nouveau

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propriétaire, pour retourner finalement en Lorraine, où elles voisinent maintenant à la cathédrale de Metz avec d’autres œuvres prestigieuses.

La question des origines

5 Mais quel fut le lieu de naissance de ce splendide ornement ? a quelle date ou à quelle occasion l’évêque de Metz l’a-t-il commandé ? Avant d’être nommé au siège épiscopal de Metz en 1760, Louis-Joseph de Montmorency-Laval, issu d’une des plus illustres familles de la noblesse française, avait été nommé évêque d’Orléans en 1753 et avait fait son entrée solennelle dans la ville en 1754. Les poinçons insculpés sur sa chapelle d’orfèvrerie situent précisément sa fabrication en cette année 1754. Il est permis de supposer que l’ornement liturgique qui accompagna toute sa vie ecclésiastique fut commandé dans les mêmes circonstances. A l’appui de cette hypothèse, on peut faire le rapprochement entre la chape de Metz et une chape fort semblable, conservée à Stockholm, commandée en 1751 à l’occasion du couronnement du roi de suède, Adolphe-Frédéric, et confectionnée en France. Pour cet événement, quatorze chapes avaient été commandées à Paris : treize d’entre elles, taillées dans de superbes brocarts au riche décor floral, étaient destinées aux treize évêques officiants, tandis que la chape de l’archevêque, la plus exceptionnelle, était en soie blanche recouverte de somptueuses broderies d’or3. Si l’on compare cette dernière avec la chape de Montmorency-Laval on constate que, certes le détail de leur motifs respectifs n’est pas strictement identique, mais leur disposition sur chaque pièce, la succession des cartouches chantournés des orfrois, la présence des vases de fleurs sur les chaperons, la légèreté des tiges en accolades et des éléments végétaux en éventail sur les robes des chapes, en un mot leur style extrêmement voisin, confirment une période d’exécution très proche l’une de l’autre, en plein milieu du XVIIIe siècle. Quant au centre de fabrication sur lequel nous reviendrons, seuls les ateliers parisiens de l’époque étaient à même de fournir une qualité semblable.

Une famille d’ornements

Cathédrale de Carcassonne

6 Après avoir comparé la chape de Metz avec celle de Stockholm, ce qui a permis de proposer une datation logique correspondant au premier poste épiscopal de Louis- Joseph de Montmorency-Laval en 1754, nous avons découvert d’autres pièces fort semblables à celles de l’ornement de Metz ; à tel point que, dans un premier temps, nous doutions des clichés que nous avions sous les yeux, et que seul l’examen de visu des pièces en question nous a convaincu de leur identité et de l’existence d’un ornement « jumeau » de celui de Metz. Conservé de nos jours à la cathédrale de Carcassonne, cet autre ornement compte également six éléments réversibles (chape (fig. 6), chasuble (fig. 7), voile de calice, bourse, étole et manipule (fig. 8)) brodés de filés or sur moire rouge d’un côté et gros de tours moiré blanc de l’autre.

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Fig. 6.

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Michel ; chape de l’ornement de Mgr Bertrand de Langle, face rouge M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2012

7 En dehors de quelques détails assez minimes portant sur les motifs centraux des voiles de calice et des bourses, et sur les vases des chaperons des chapes, représentés « en miroir » l’un par rapport à l’autre (ce qui signifie que le poncif d’origine a été inversé), les deux ornements sont strictement identiques, ce qui n’est assurément pas une situation fréquente pour les textiles de ce genre conservés en France.

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Fig. 7.

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Michel ; chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal de l’ornement de Mgr Bertrand de Langle, face rouge M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2012

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Fig. 8.

Carcassonne (Aude), cathédrale Saint-Michel ; chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse de corporal de l’ornement de Mgr Bertrand de Langle, face rouge M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2012

8 Dans l’ouvrage de Louis de Farcy sur la broderie4 où nous l’avions repérée, la légende indiquait : A un évêque de Saint-Papoul, à l’évêché de Carcassonne. Situé dans l’actuel département de l’aude, le diocèse de Saint-Papoul fut l’un des plus petits évêchés de France. Érigé en 1317, il fut supprimé en 1801. Compte-tenu de l’époque de confection de l’ornement, l’évêque de Saint-Papoul susceptible de l’avoir commandé était Mgr Daniel Bertrand de Langle (1701‑1774), originaire de Bretagne, nommé à Saint-Papoul en 1739, siège qu’il occupa jusqu’à son décès en 1774. Cette hypothèse fut confirmée par Josiane Pagnon, au vu des documents qu’elle a consultés aux archives départementales de l’Aude. Dans son testament, rédigé le 25 mars 1772 et déposé le 25 juin 1774 chez Maître Bauzit, notaire à Castelnaudary, Mgr de Langle indiquait, entre autres articles, qu’il faisait don à ses successeurs de sa chapelle avec toutes les pièces qui la composaient, en spécifiant que rien n’en devait être distrait ou vendu pour acquitter d’éventuelles dettes des bénéficiaires. Il demandait aussi que soit dressé un inventaire des biens qu’il léguait5. Cette demande fut exécutée et l’on peut y lire la mention suivante qui correspond bien à l’ornement de la cathédrale de Carcassonne : Plus l’ornement complet blanc et rouge, grande broderie en or estimé y compris la chappe de même 1600 livres6.

Basilique de Saint-Denis

9 Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises... en comparant la chasuble Montmorency-Laval avec une autre très belle chasuble réversible rouge et blanche (fig. 9), de l’ornement dit « de Louise de France » conservé à la Basilique de Saint-Denis,

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près de Paris, nous constations la similitude entre les orfrois brodés de l’une et de l’autre. Tous les motifs s’y retrouvent à une exception près, l’entrelacs situé juste au- dessous du cartouche central de la croix dorsale, supprimé sur la chasuble de Saint- Denis du fait de sa hauteur inférieure (elle mesure 20 cm de moins que celle de Metz). Par ailleurs, le fond de la chasuble de Saint-Denis offre un décor différent de ceux de Metz et de Carcassonne, étant à la fois plus dense et plus riche que ces derniers, avec notamment la présence de sortes de gros fleurons charnus accompagnés de cornes d’abondance, de souples rinceaux, de tiges de blé et de sarments de vigne. Sa technique est aussi plus virtuose que celle des autres ornements, car elle fait appel, pour certains motifs, au procédé de l’application7 ; de plus, ces motifs ne sont pas exécutés exclusivement avec du filé or, mais comportent aussi des lames, des cannetilles et des paillons. Toutefois l’origine commune de toutes ces pièces ne fait pas de doute. La chasuble de Saint-Denis fait partie d’un ensemble incomplet et composite, qui ne comporte plus aujourd’hui que quatre pièces. La chasuble et la bourse de corporal (fig. 10) ont clairement la même origine, mais l’étole et le manipule, au décor différent, sont postérieurs, semble-t-il, de plusieurs années. Cet ensemble passe pour provenir de Louise de France, fille de Louis XV, entrée au carmel de Saint-Denis en 1770. S’il est pratiquement certain que Louis XV ait pu offrir un bel ornement au carmel où entrait sa fille, on ne peut affirmer qu’il s’agisse de celui-ci (chasuble et bourse).

Fig. 9.

Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), basilique Saint-Denis ; chasuble de l’ornement dit « de Louise de France », face blanche © Isabelle Bédat

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Fig. 10.

Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), basilique Saint-Denis ; bourse de corporal, face rouge © Isabelle Bédat

Musée des antiquités de Rouen

10 Enfin dernière découverte à partir de cette mine inépuisable qu’est le gros ouvrage de Louis de Farcy cité précédemment, Josiane Pagnon a repéré une nouvelle chape (pl. 254, Chape nº 2) présentant « un air de famille » avec les ornements décrits ci-dessus. En effet, après l’examen de cette pièce conservée au Musée départemental des antiquités de Rouen8 (fig. 11 et 12), il est apparu qu’elle avait sans aucun doute la même origine que la chasuble de saint Denis, avec laquelle elle partage non seulement le même décor disposé sur la robe, et notamment ces gros fleurons charnus si caractéristiques de la chasuble, mais aussi la même technique incluant la présence de lames, cannetilles et paillons pour certains motifs. Par ailleurs, le décor de ses orfrois et de son chaperon est exactement le même que ceux de Metz. Il est donc tentant de penser que la chape de Rouen appartenait au même ensemble que la chasuble et la bourse de corporal de saint Denis.

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Fig. 11.

Rouen (Seine-Maritime), musée départemental des Antiquités ; chape réversible, n° inv. 1892 (A), face rouge Yohann Deslandes © cg76 - Musée départemental des Antiquités de Rouen

11 Le rapprochement de ces pièces si semblables en totalité ou en détail, voire identiques dans certains cas, amène à la conclusion qu’elles ont été confectionnées dans un même atelier.

Fig. 12.

Rouen (Seine-Maritime), musée départemental des Antiquités ; chape réversible, n° inv. 1892 (A), détail de la face blanche Yohann Deslandes © cg76 - Musée départemental des Antiquités de Rouen

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Un atelier de haut vol : l’irrésistible ascension de la famille Rocher

12 La richesse des matériaux de ces divers ornements brodés d’or et, plus encore, la qualité de leur décor et la maîtrise de leur exécution, dénotent la production d’un atelier de haut niveau, tel qu’il en existait un certain nombre à Paris à cette époque. Or, parmi les dizaines d’ateliers9 en fonction dans la capitale au milieu du XVIIIe siècle, l’un d’entre eux avait émergé et s’était tout particulièrement spécialisé dans la confection d’ornements liturgiques destinés, non pas tant au clergé ordinaire qu’au clergé "haut de gamme", tels qu’évêques, archevêques, abbés et curés de paroisses de quelque importance. Cet atelier était celui de la famille Rocher, sis rue Férou, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, derrière l’église Saint-Sulpice.

Les débuts de la famille

13 L’histoire de cette famille et de ses activités dans les domaines de la broderie et de la chasublerie s’étend sur deux siècles. Dès la fin du XVIe siècle, un certain Léandre Rocher est référencé comme maître-brodeur à tours puis il s’installe à Paris en 160010. Par la suite, toute une dynastie de ces brodeurs-chasubliers, nommés Rocher et prénommés Étienne de père en fils sur trois générations, puis François Étienne et Étienne Pierre, traverse le XVIIe et le XVIIIe siècles jusqu’à la Révolution. Leurs activités sont d’abord diversifiées, comme c’est le cas général pour tous les ateliers, exécutant des travaux de broderies aussi bien pour des vêtements civils ou religieux que pour des pièces d’ameublement. Mais dès la première moitié du XVIIe siècle, on constate que les commandes qui leur sont faites sont de plus en plus spécialisées. En 1635, Étienne I Rocher, maître brodeur et bourgeois de Paris, est associé à augustin Delaporte, brodeur ordinaire du comte de Soissons, pour la confection et broderie à deux endroits d’une chape violette et blanche et d’une chasuble verte et violette11. En 1642, l’inventaire après décès de la première épouse de ce même Étienne Rocher, Élisabeth Riquier, fait état de plusieurs pièces en cours d’exécution dans l’atelier : une chape en gros de Naples blanc et rouge encommencée à broder d’or, argent et faveurs, ainsi qu’une chasuble et ses accessoires de même nature, dont le voile de calice n’est pas achevé12. Et dans le même document, le veuf déclare qu’il a fourni plusieurs ouvrages de broderie pour Monsieur l’évêque de Saint-Briet [Saint-Brieuc] non terminés d’être payés. En 1650, avec deux autres brodeurs parisiens, François Ladan et Nicolas Boudin, Étienne I Rocher passe un marché avec M. Olier, curé de Saint-Sulpice, pour trois chapes, deux tuniques, une étole, deux manipules, un devant d’autel et une crédence13. En 1656, Étienne Rocher seul fournit à l’archevêque de Bordeaux, henry de Béthune, une chape réversible blanche et violette avec son étole, et deux chasubles réversibles, l’une blanche et rouge et l’autre verte et violette, avec leurs étoles et manipules, voile de calice et bourse14. Le brodeur décède l’année suivante, en 1657, et son inventaire après décès fournit quelques noms de clients encore débiteurs à la date du décès, tels l’évêque de Lavaur, celui de Nîmes et l’archevêque de Bordeaux qui n’avait pas terminé de payer sa commande15.

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Brodeurs de Nosseigneurs du Clergé de France - Le rôle des veuves

14 Agnès Lenormand, la veuve d’Étienne I Rocher, poursuit pendant trente ans, jusqu’à son propre décès en 1687, l’activité de l’atelier avec l’aide de son fils, Étienne II Rocher, décédé avant 1712.

15 La veuve d’Étienne II, Marguerite Millet, s’occupe alors elle aussi de l’atelier avec l’aide de son fils, Étienne III. Des titres plus précis et plus évocateurs qu’un simple « maître brodeur » commencent à apparaître. En 1698, Étienne III est qualifié de Brodeur de la chapelle du roi16. Lui et sa mère, Marguerite Millet, sont inscrits dans le registre des Menus-Plaisirs de 1712 pour façon et fourniture par eux faite pour les cinq mistres qui ont servi aux cinq évêques qui ont fait la cérémonie de Saint-Denis [obsèques du duc et de la duchesse de Bourgogne, 23 février 1712]17. Un peu plus tard, dans un document du 1er décembre 1712, Marguerite Millet figure sous l’appellation de Veuve d’Étienne Rocher, brodeur du clergé de France18. La spécialisation de la famille est devenue manifeste.

16 Étienne III Rocher est décédé avant 172819. Une fois encore, la veuve, Élisabeth Lefer, reprend l’atelier en mains avec son fils François Étienne. Les affaires ont l’air de bien marcher. Dans une convention passée en 1735 entre divers membres de la famille, tous héritiers de Marguerite Millet, l’inventaire des biens concernés regorge d’ornements à l’usage de nos Seigneurs archevêques et évêques du Clergé de France20. Lors de son mariage deux ans plus tard, en 1737, François Étienne est clairement identifié Maître brodeur à Paris et de Nosseigneurs du Clergé de France21 ; mais pas de n’importe quel clergé, comme on l’a vu ! Parmi les témoins à son mariage, figurent ainsi, en dehors des membres de sa famille, l’archevêque de sens, Jean-Joseph Languet de Gergy, Jean-Baptiste Joseph Languet de Gergy, frère du précédent et curé de Saint-Sulpice, ou encore Jean Cousturier, supérieur général du séminaire de Saint-Sulpice. Parmi les biens du futur époux lors de son contrat de mariage, on note pour une valeur de 1000 £ en vaisselle d’argent à luy particulière servant aux Sacres des Évêques et autres cérémonies d’Église22. A son décès, assez rapproché puisqu’il a lieu quatorze ans plus tard en 1751, l’inventaire des biens (qui le qualifie de Brodeur du clergé de France) énumère un nombre assez considérable d’ornements, dont beaucoup de réversibles destinés eux aussi à la location pour les cérémonies23. Les objectifs de l’atelier se sont donc élargis ; il ne se contente plus de confectionner des ornements brodés à la demande des prélats, mais il loue également ce type d’ornements ainsi que toute l’orfèvrerie nécessaire au déroulement des cérémonies. Artisanat et commerce sont maintenant étroitement mêlés. L’inventaire de François Étienne donne aussi le nom de plusieurs de ses clients. Sans les énumérer tous, citons-en quelques-uns figurant parmi les débiteurs du brodeur au moment de son décès : le curé de noyon, un chanoine de Notre-Dame, l’évêque de Bazas, l’archevêque de Paris, l’évêque de Condom, l’évêque de Limoges, l’évêque de Toulon, l’évêque de Lodève... Comme on le voit, les commanditaires de l’atelier appartiennent tous à une catégorie bien précise du clergé.

17 Après le décès de François Étienne, l’atelier est tenu de nouveau par sa veuve, Marie- Catherine Marie, pour la quatrième fois dans la famille Rocher !... Malheureusement, hormis des travaux exécutés vers 1760 pour François de Fitz-James, évêque de Soissons24, et sa participation à l’inventaire25 des biens de l’évêque de Tulle en 1762, nous n’avons pas retrouvé de commande la concernant ni même son inventaire après décès (elle est décédée le 21 mai 177726) qui aurait pu nous donner de nombreuses indications. En effet, Étienne Pierre Rocher s’étant trouvé son unique héritier, aucun

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inventaire n’a été dressé27. C’est évidemment très dommage car il y a de fortes probabilités pour que les commandes de Louis-Joseph de Montmorency-Laval et de Daniel Bertrand de Langle aient été faites auprès de son atelier dans les années 1750. Par ailleurs, Marie-Catherine Marie, veuve de François Étienne Rocher, avait été nommée brodeuse suivant la Cour en 176428.

L’apothéose

18 Étienne Pierre Rocher, fils de François Étienne Rocher et de Marie-Catherine Marie, fut le dernier membre et sans doute le plus illustre de cette brillante dynastie. Né le 30 mai 174229, il a été émancipé le 14 juillet 175630. A cette date, il est déjà qualifié de brodeur du clergé de France et, suivant les Comptes de tutelle, il a été reçu maître chasublier à Paris le 10 février 175231 (il n’a pas dix ans !). Le 13 décembre 1765, il reçoit des lettres de provision du roi pour la charge de Brodeur des écuries du Roi, restée vacante par la démission de Nicolas Mathieu Dutrou32.

19 Cette charge ne l’empêche pas de continuer des travaux conformes à la vocation de son atelier, comme pour Léopold-Charles de Choiseul-Stainville, archevêque de Cambrai de 1764 à 178133. En 1777, les Tablettes de Renommée de M. Roze de Chantoiseau le signalent ainsi (p. 8) : Rocher (Madame) et fils, rue Férou, Brodeuse de la Chapelle du Roi et du clergé de France, ont été chargés de la majeure partie des superbes broderies pour le Sacre de Sa Majesté [Sacre de Louis XVI, le 11 juin 1775].

20 Mais le point culminant de sa carrière se situe en 1779 lorsqu’il exécute, sur commande royale, un trône spectaculaire (fig. 13) (le fauteuil et son dais) destiné à la réception des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit. Brodé probablement d’après des dessins de Charles-germain de Saint-Aubin (fig. 14), dessinateur du roi, ce trône comportait de nombreux ornements en fils d’or et d’argent et en paillettes représentant des attributs guerriers, surmontés d’un baldaquin où planait dans toute sa gloire la colombe du Saint-Esprit.

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Fig. 13.

Paris, Louvre, Département des Arts Graphiques ; Gabriel de Saint-Aubin ; trône de l’Ordre du Saint- Esprit (n° inv. RF 52294) Thierry Le Mage © RMN-Grand Palais

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Fig. 14.

Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts ; Charles-Germain de Saint-Aubin ; projet pour le dais du Saint-Esprit (n° inv. ENSBA O 1137) © Danièle Véron-Denise

21 Les publications de l’époque se sont fait l’écho de l’émerveillement des contemporains devant ce superbe trône [...] que l’on regarde comme un chef-d’œuvre de l’art, tant par le dessin que par l’exécution34. Puis survint la Révolution, qui engloutit nombre d’institutions et de professions ; la Maison Rocher ne lui a pas survécu...

Conclusion

22 Tout a commencé avec l’ornement du cardinal de Montmorency-Laval à la cathédrale de Metz ! Superbe en soi, cet ornement méritait que l’on se penche avec intérêt sur sa technique de fabrication, ses origines, son histoire... Ce type de recherches reste souvent à l’état de vœux pieux, jusqu’au jour où un événement particulier vient secouer le quotidien et inciter à prendre vraiment les choses en main. Cet événement fut la découverte de l’ornement de la cathédrale de Carcassonne et la constatation de sa parenté absolue avec celui de Metz. Dès lors, les questions se succédèrent à un rythme assez soutenu : existait-il en France des ornements semblables ? Quelle catégorie de personnes les commandait et pour quelles circonstances ? Enfin et surtout, qui les avait confectionnés ? L’étude ci-dessus a tenté de répondre à certaines de ces questions. Et nous avons été amenée à constater la lente et sûre ascension d’un atelier parisien, celui de la famille Rocher, qui s’est arrogé progressivement le monopole de la fourniture des ornements épiscopaux, sans doute à toute la classe religieuse concernée, allant même jusqu’à déborder de ses fonctions initiales, en proposant la location de l’ensemble du matériel nécessaire à certaines cérémonies fastueuses. Nous n’avons pu prouver en

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toute certitude que les ornements étudiés proviennent effectivement de cette famille, mais nous reconnaissons que la probabilité en est très forte.

ANNEXES

Annexe 1

PELT, Jean-Baptiste. Études sur la cathédrale de Metz. Documents et notes relatifs aux années 1790 à 1930‑1932. Metz, 1932, nº 364, p. 166 : "1819, 16 novembre – Legs faits à la cathédrale par Mgr d’Urgons, évêque d’Orope : Le chapitre étant assemblé… Mr du Cherray a annoncé avoir reçu une lettre de M. [Louis] de Chambre, grand chantre et chanoine de l’église, présentement de service à Paris en qualité d’aumônier ordinaire du Roi, par laquelle ce confrère fait part de la mort de Mr son frère Henry d’Urgons de Chambre, évêque d’Orope, anciennement suffragant et vicaire général de Mgr le cardinal de Montmorency, évêque de Metz, chanoine et chancellier de cette église, décédé au château de sa famille à Tartas, département des Landes, muni des derniers sacremens de l’église, qu’il avait reçus avec beaucoup de piété et à la très grande édification de toute la paroisse où il avait quelquefois officié pontificalement. Mr du Cherray a ajouté que cette lettre porte que feu Mgr l’évêque d’Orope avait légué par testament à la fabrique de notre église sa chapelle épiscopale consistant en un plateau avec son aiguière, un calice avec patène, une sonnette et un bougeoir (le tout en vermeil) ; de plus en une chappe brodée des deux côtés, ainsi que la chasuble : ces 2 objets en moire blanche d’un côté et en moire rouge de l’autre ; en un très beau rochet de dentelle, 2 paires de bas brodés, une ceinture de soie blanche avec franche [sic] en or, une crosse et 2 mitres. [en note] : La chapelle épiscopale léguée par Mgr d’Urgons provenait de Mgr de Montmorency.

Annexe 2

Testament de Daniel Bertrand Delangle (25 mars 1772). Registre notarié d’Antoine Bauzit, notaire à Castelnaudary, au 25 juin 1774 (jour du décès de Bertrand Delangle). Archives départementales de l’Aude, 3 E 10144. […]. Septimo. Nous donnons à tous les évêques nos successeurs dans le siège épiscopal de Saint-Papoul notre chapelle avec tous les effets qui la composent, comme argenterie tant simple que d’orée, tous nos ornements de quelque espèce qu’ils soient, nos mithres, bas et souliers de cérémonie, nos missels et pontificaux, nos anneaux et croix pectorales avec tout le linge, dantelles d’église, nos tapis, carreaux, dossiers et fauteuils du trône. NOUS VOULONS qu’en cas de translation de quelqu’un de nos successeurs à un autre siège, il ne puisse rien emporter des effets de notre ditte chapelle mais qu’ils demeurent réservés en entier à son successeur dans le siège de Saint-Papoul. Comme aussi que les effets de notre ditte chapelle ne puissent jamais être saisis ny vendus pour acquitter les dettes des évêques de quelque nature qu’elles puissent être et afin que notre volonté sur ce point soit fidellement exécutée, nous voulons qu’après notre décès il soit fait par notre héritier et notre exécuteur testamentaire, un de mes vicaires généraux et M. le procureur du roy au siège présidial de Castelnaudary y appellés et présents, fait un inventaire exact de notre ditte chapelle au pied duquel inventaire sera faite par gens connoisseurs et experts, l’estimation desdits effets ; et

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que notre présente substitution soit publiée à l’audiance de notre sénéchal de Castelnaudarry et enregistrée avec l’inventaire au greffe de la juridiction, que du tout il soit fait trois copies, en forme probante dont l’une sera remise aux archives de l’évêché, l’autre entre les mains de notre héritier, et la dernière à notre exécuteur testamentaire, notre héritier, et notre exécuteur testamentaire. [sic]

Annexe 3

1779, 26 mars – Journal de Paris, nº 85, p. 340‑341 Aux Auteurs du Journal, Messieurs, En passant par la rue Férou, près S. Sulpice, je vis une porte ouverte & beaucoup de monde dans une cour, occupé à regarder attentivement un objet renfermé sous un grand hangard. Cela piqua ma curiosité, je m’approchai, je fus autant ébloui de ce que je vis, qu’enchanté du bon goût avec lequel cet Ouvrage est traité. C’est un trône destiné pour le Roi lors de la réception des Chevaliers du Saint-Esprit ; il m’a paru ajusté & composé avec autant de noblesse que de magnificence. Tous les ornemens en sont exécutés en broderie. C’est la premier fois, dit-on, que l’on a renouvellé ce trône, depuis la fondation de l’Ordre par Henri III. Sur deux marches couvertes d’un tapis de velours verd, brodé en or & argent, on voit le fauteuil du Roi. Deux coqs servent de pieds de devant, & le dossier est un bouclier orné d’une tête de soleil. Le fond de ce bouclier, travaillé en paillettes pressées les unes contre les autres, rend un éclat à peu-près semblable à celui du métal poli ; le baldaquin, qui est suspendu au- dessus du fauteuil, a la forme d’une tente ouverte. Dans le jour, on voit un Saint-Esprit en argent, qui jette de grands rayons interrompus par quelques légers nuages. Pour donner un effet plus pittoresque, les rayons qui partent du Saint-Esprit sont à leur naissance travaillés en argent, & se terminent en or. Cette espece de tableau a pour bordure deux faisceaux de piques élevés sur des socles, & auxquels sont attachés des peaux de lion & des armes groupées en trophée. Le baldaquin, qui comme je l’ai dit, a la forme d’une tente, dont les rideaux retroussés aux faisceaux, retombent majestueusement jusqu’en bas, est orné de carquois attachés à chaque pan, & sur lesquels on a posé des casques tous variés de forme. Le haut est couronné par un corselet de guerrier, accompagné d’armes & d’étendards, d’où sort une massue, qui soutient un casque plus grand que les autres, à fond d’azur, orné de trois fleurs de lys. Tous ces casques chargés de leurs plumes, amenent naturellement & motivent les panaches dont on décore toujours ces sortes de dais. Les colliers de l’Ordre font la bordure des grands rideaux de la tente. Le tout ensemble a beaucoup de majesté, & a bien le caractere d’un Ordre militaire.

Le plaisir que m’a fait cet Ouvrage, m’a engagé à vous en faire part, pour en donner avis à vos Souscripteurs, qui peut-être seront charmés de le voir. On m’a dit que l’on montrait ce morceau le matin depuis 9 heures jusqu’à midi, & le soir depuis 3 jusqu’à cinq. J’ai l’honneur d’être, &c. Un Abonné. On voit ce trône chez M. Rocher, Brodeur, rue Férou

Liste des abréviations

AN : Archives Nationales AD : Archives Départementales

NOTES

1. Cf. PAGNON, Josiane. Les ornements liturgiques réversibles : premières approches d’un bilan. Patrimoines du sud [en ligne], 1 / 2015, mis en ligne le 23 février 2015, URL : https://

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inventaire-patrimoine-culturel.cr-languedocroussillon.fr – http://edt-journals.openedition.org/ pds/905 2. PELT, Jean-Baptiste. Études sur la cathédrale de Metz. Documents et notes relatifs aux années 1790 à 1930‑1932. Metz, 1932, p. 166, nº 354. 3. La chape est reproduite dans le catalogue d’exposition Le Soleil et l’Étoile du Nord. La France et la Suède au XVIIIe siècle. Paris : Grand Palais, 1994, nº 143, p. 116. 4. FARCY, Louis de. La broderie du XIe siècle jusqu’à nos jours d’après des spécimens authentiques et les inventaires. Angers : Belhomme, libraire éditeur, 1890, 1900, puis 1919. 1919, pl. 254. 5. AD Aude, série E, 3 E 10144. Registre notarié d’Antoine Bauzit, notaire à Castelnaudary, au 25 juin 1774, jour du décès de Daniel Bertrand Delangle. Testament. Voir annexe 2. 6. AD Aude, série B, B 2021 : Cours et juridictions. Sénéchaussée du Lauragais. Insinuations (1553- 7. Je remercie Isabelle Bédat, qui a restauré cette chasuble, de me l’avoir fait remarquer. 8. N° inv. 1892 A. 9. Environ 200. 10. GIRAUDET, Dr E. Les Artistes tourangeaux. Tours : Impr. de Rouillé-Ladevèze, 1885. 11. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 119. Marché entre Étienne Rocher et Augustin Delaporte, 2 juillet 1635. 12. AN, Minutier des notaires, étude XVIII, 144. Inventaire après décès d'Élisabeth Riquier, 10 novembre 1642. 13. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 73. Marché entre M. Olier, Étienne Rocher, François Ladan et Nicolas Boudin, 6 octobre 1650. 14. AD Gironde. Série G : 3198 ; Comptabilité de l’archevêché. 1656‑1668. "1656 : mémoire des ouvrages de broderie faits par Étienne Rocher maître brodeur à Paris ; quittances". 15. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 194. Inventaire après décès d’Étienne Rocher, 19 mai 1657. 16. Dans l’acte de baptême de son propre fils François Étienne, né le 22 octobre 1698, baptisé le 26 octobre suivant, comme il est écrit dans l’Extrait des Registres des Baptêmes de l’église paroissiale de Saint-Sulpice à Paris, annexé à un acte de notoriété du 11 décembre 1775. AN, Minutier des notaires, étude LVIII. 17. AN, série O1 : 2842. Menus Plaisirs (1712). La Ttrémoille en charge, fol. 49 verso. 18. AN, Minutier des notaires, étude XXVIII, 111. Contrat d’apprentissage auprès de Georges Manouré, maître-peintre, 1er décembre 1712. 19. AN, Minutier des notaires, étude V, 349. Vente entre Christophe Lefer et Élisabeth Lefer, 26 août 1728. Dans cet acte, son épouse, Élisabeth Lefer, est qualifiée de veuve. 20. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 456. Convention entre Bernard Rocher, François Étienne Rocher et Marie Élisabeth Rocher, 26 octobre 1735. 21. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 461. Mariage entre François Étienne Rocher et Marie Catherine Marie, 7 février 1737. 22. AN, Minutier des notaires, étude XCVIII, 461, id. 23. AN, Minutier des notaires, étude LVIII, 370, 25 septembre 1751. Compte et quittance/Bernard Rocher et les Vves Rocher et Treuffard. Ce document, qui règle des questions de succession au sein de la famille, confirme ses activités de location. 24. AN, série T. 186, carton 14 (Famille Fitz-James). Je remercie Yves Carlier de me l’avoir signalé il y a quelques années. 25. PETIT, Auguste ; MATHIEU, Georges. Inventaire sommaire des Archives hospitalières antérieures à 1790. Tulle : Imprimerie administrative et commerciale Louis Moles, 1911, p. 158. 26. AD Nord. Série G. 3 G 1090, archevêques - Léopold-Charles de Choiseul. 1771‑1788. Succession. Mémoires et comptes de fournisseurs et de créanciers. Acte de notoriété produit au chapitre métropolitain de Cambrai le 16 novembre 1786.

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27. Id. 28. AN, série V3 198, fol. 8 verso. 29. AN, Minutier des notaires, étude LVIII, 385, 21 septembre 1756. Partage de communauté et compte de tutelle. Le nº 16 de ce document permet de déduire l’âge d’Étienne Pierre. 30. Archives de Paris, DC6 13, fol. 272 recto. Lettre de chancellerie du Palais en date du 14 juillet 1756, insinuée le 15 juillet 1756. 31. AN, Minutier des notaires, étude LVIII, 385, 21 septembre 1756. Partage de communauté et compte de tutelle, article 8 du chapitre des dépenses. Le coût de la Lettre de maîtrise a été de 278 £. 32. AN, série O1 882, dossier 126. Ecurie du Roi. 33. AD Nord. Série G. 3 G 1090. Archevêques. Léopold-Charles de Choiseul. 1771‑1788 - succession. Mémoires et comptes de fournisseurs et de créanciers. 34. Tablettes de Renommée, 1791. Cf. annexe 3. Sur ce trône, qui m’a été signalé au départ par Christian Baulez que je remercie vivement, voir Journal de Paris, nº 85, p. 340‑341 (26 mars 1779) ; Almanach Pittoresque, Historique et Alphabétique d’Hébert, t. II, 1780. p. 235‑236 ; ROSENBERG, Pierre. Le Livre des Saint-Aubin. Paris, 2002 ; VITTET, Jean. Tapis de la Savonnerie pour la chapelle royale de Versailles, Paris, 2006, p. 12, 13 et 42.

RÉSUMÉS

Cet article traite des ornements liturgiques réversibles de la plus belle qualité d’exécution, conservés aujourd’hui dans les cathédrales de Metz et de Carcassonne, à la basilique de Saint- Denis, ainsi qu’au Musée des Antiquités de Rouen. Les grandes similitudes constatées entre toutes ces pièces commandées par des membres de l’épiscopat français ont amené à la conclusion qu’elles avaient été exécutées vers le milieu du XVIIIe siècle dans un même atelier parisien, celui de la famille Rocher, spécialisé durant deux siècles (XVIIe siècle et XVIIIe) dans la confection d’ornements liturgiques à destination du haut clergé.

This article deals with reversible parements of exceptional craftsmanship that are now preserved in Metz Cathedral, Carcassonne Cathedral, the of Saint-Denis, and the Museum of Antiquities in Rouen. The major similarities found between all of these items, which were ordered by members of the French episcopate, have led to the conclusion that they were all made around the middle of the 18th century in a single Parisian embroidery workshop belonging to the Rocher family, who were specialists in the making of parements for the higher clergy for two centuries (17th and 18th century).

INDEX

Index géographique : France, Paris, Metz, Rouen, Saint-Denis Mots-clés : textile, broderie, broderie réversible, basilique de Saint-Denis, musée des Antiquités de Rouen, atelier Rocher, XVIIIe siècle, peinture murale, peinture de chevalet, dessin textile Keywords : textile, embroidery, reversible embroidery, basilica of Saint Denis, Museum of Antiquities, Rocher workshop, 18th century, mural painting, easel painting, textile design

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AUTEUR

DANIÈLE VÉRON-DENISE Conservateur honoraire du château de Fontainebleau

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Varia

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Caprier ou aristoloche ? Fortune d’une idée, naissance d’un dessin textile Caper berry or aristolochia? Fortune of an idea, birth of a textile design

Josiane Pagnon

1 Cette enquête a commencé avec l’analyse d’une chasuble en damas dit « florentin du XVe siècle », classée monument historique, dans une petite commune de la Manche, Saint-Maurice-en-Cotentin. L’œuvre est célèbre parce qu’attachée à la mémoire du Bienheureux Thomas Hélye de Biville1.

2 Pour mieux comprendre le motif du tissu (fig. 1), dans une chasuble faite de multiples morceaux, un relevé des motifs a été effectué (fig. 2) : à partir d’un vase tripode godronné très influencé par l’antique, émergent deux branches feuillues qui entourent une grosse fleur de grenade comme posée sur une couronne ; une autre section du dessin met en valeur des œillets. Un autre fragment de tissu présente des pommes de pin dont la grande taille incite à penser à un tissu d’ameublement plutôt que de vêtement. Ce dessin d’une belle hauteur se voit beaucoup mieux sur une chasuble de la cathédrale Saint-Front de Périgueux (fig. 3), découverte bien plus tard, grâce à Isabelle Bédat, qui a étudié ce damas fond satin de 5 et mesuré une hauteur de 77 cm pour le motif.

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Fig. 1.

Dessin du damas de la chasuble de Saint-Maurice-en-Cotentin (Manche) Dessin J. Pagnon

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Fig. 2.

Saint-Maurice-en-Cotentin (Manche), dépôt des antiquités et objets d’art de la Manche ; détail de la chasuble dite du Bienheureux Thomas J. Pagnon © Conseil général de la Manche

Caprier ou aristoloche ?

3 Les auteurs, en décrivant ce dessin, parlent tous de caprier. Grâce aux connaissances de Michel Wienin2 en matière de botanique, une nouvelle identification vous est ici proposée, soutenue par un fort contenu symbolique. Les tiges du caprier sont fines et lisses et les feuilles sont parfaitement symétriques ; or, ici les feuilles sont dissymétriques et plutôt cordiformes et l’existence de petits nœuds ou cannelures sur la tige est parfaitement visible, ce qui correspond plutôt à l’aristoloche. Le nom de cette plante vient du grec Aristos, meilleur et Locheia, accouchement. Utilisée en médecine comme décontractant musculaire, elle est effectivement réputée pour faciliter les accouchements. L’aristoloche clématite est originaire de la Méditerranée. Accompagnée de la fleur de grenade, symbole de fertilité et de l’œillet, symbole d’amour, d’engagement et de fidélité conjugale, tous les éléments d’une vie privée heureuse se trouvent réunis sur une représentation dont le succès nous apparaît de plus en plus justifié. Pour autant, il est difficile de savoir si, dans les représentations qui suivent, on a suivi ce tissu pour sa valeur symbolique ou simplement pour ses évidentes qualités esthétiques. La grenade est devenue une sorte de motif générique, la fleur de grenade n’étant pas toujours représentée avec un parfait réalisme.

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Fig. 3.

Périgueux (Dordogne), cathédrale Saint-Front ; dos de chasuble © Isabelle Bédat

Un dessin pour damas, mais pas seulement

4 Une demi-laize de damas bicolore rose et crème du Musée national du Moyen Age de Paris3 montre les branches d’aristoloches issant d’un cœur, enserrant la fleur de grenade posée sur une couronne, le tout accompagné de fruits symboles de fécondité que sont les glands du chêne et la pomme de pin. La proposition de datation est la première moitié du XVIe siècle.

5 Le château de Saumur conserve une chape dont la robe est faite d’un damas rouge plutôt bien conservé (fig. 4). La vue rasante de l’image permet de noter une des caractéristiques de l’étoffe, qui est d’offrir un motif en léger relief par rapport au fond. Le musée des tissus de Lyon possède trois fragments de damas (MT22851, MT24373 et MT33497) appartenant à la même filiation.

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Fig. 4.

Saumur (Maine-et-Loire), château ; détail du tissu d’une chape rouge © Josiane Pagnon

6 En 2008, a été publiée une magnifique étude4 suite à la restauration d’un vêtement d’apparat de l’électeur Maurice de Saxe (1521‑1553) qui a obtenu en 1548 ce titre de prince-électeur. Le vêtement est conservé à la Rüstkammer de Dresde. A côté des aristoloches, pommes de pin, grenades et œillets, Anna Jolly fait ressortir un autre motif, qui est celui de l’anneau, emblème des Médicis, ce qui conforte l’origine possible florentine du dessin. Il faut aussi noter la grandeur d’échelle du motif pour un tissu de vêtement. Par ailleurs, cette coupe d’habit avec de magnifiques plis très profonds n’a pas pour but de montrer le motif ; ce qui est important ici est de jouer sur l’or et le noir, couleurs héraldiques de la Saxe. A noter aussi le fait que l’on a recherché un des tissus les plus beaux, les plus riches de l’époque.

7 Intéressante, est la transposition de ce dessin dans une autre technique : le musée des arts décoratifs de Paris5, possède dans ses collections un velours dit velours de Gênes vert mousse frisé et coupé sur fond crème.

8 Par ailleurs, une tapisserie provenant de Leipzig et aujourd’hui au Metropolitan Museum de New York représente Maurice de Saxe vers 1550 devant une tenture ornée de vases godronnés, aristoloches, pommes de pin, œillets et grenades.

Un dessin qui inspire les peintres

9 La fortune du dessin s’impose dans quantité de créations artistiques du plus haut niveau. Ainsi, au château de Malpaga, près de Bergame, se trouve une grande salle ornée de fresques qui figurent un grand banquet. Le dessin aux aristoloches couvre tous les murs, imitant une draperie textile. Le château a appartenu à Bartolomeo Colleoni, le grand mercenaire au service de Venise, qui est mort en 1475. Les peintures ont été faites après sa mort, dont celles de la grande salle, qui commémorent le passage à Malpaga du roi Christian 1er de Danemark (1426-1481). Si l’attribution à Marcello

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Fogolino est confirmée, les fresques n’ont pu être commencées avant 1510. Les différentes laizes sont disposées en deux tons pour donner mouvement.

10 Si l’on regarde les œuvres peintes assez bien datées, il faut citer ensuite une œuvre de Lucas Cranach l’Ancien, aujourd’hui conservée à Karlsruhe et qui représente l’électeur de Saxe Frédéric III de Saxe (1463‑1525), en prière devant la Vierge à l’Enfant. C’est un des nombreux retables que l’artiste fait entre 1510‑1520, à la demande de l’électeur, pour les chapelles de ses résidences.

11 Une référence datée fiable est fournie par des volets de retable aujourd’hui conservés à Aschaffenbourg en Bavière, mais qui proviendraient de la cathédrale Saint-Martin de Mayence, à 80 km de distance. Sur deux volets de retable, peintures sur bois de tilleul, le cardinal Albrecht von Brandenburg6 et sa maîtresse, Ursula Redinger, sont représentés, respectivement en saint Martin et en sainte Ursule. Le cardinal (1490‑1545) était archevêque de Mayence. De par ses immenses richesses et sa conduite, ce cardinal incarne tout à fait ce contre quoi Luther luttait. L’œuvre, datée de 1524, est attribuée à Simon Franck (vers 1500‑1546), élève de Lucas Cranach le Vieux. Sur la robe de la chape du cardinal, se reconnaissent les tiges d’aristoloches traitées ici avec des nuances graphiques.

12 Sur le célèbre portrait de François 1er, par Jean Clouet, exécuté vers 1525‑1530 (Paris, Louvre), on retrouve les aristoloches mais aussi l’anneau des Médicis étudié par Anna Jolly sur le vêtement de Maurice de Saxe, et l’on a visiblement pris soin de faire ressortir les couronnes du damas du fait de la personne représentée.

13 Le grand peintre Hans Holbein (1498‑1543) passe les premières années de sa carrière à Bâle qu’il doit quitter définitivement pour l’Angleterre en 1526 à cause de la Réforme ; on sait qu’il est passé en France en ignorant la date exacte du voyage, sans doute vers 1524. En 1527, il fait le portrait de William Warham, archevêque de Canterbury, (bois, Paris, Louvre). Le rideau en arrière-plan est très exactement le tissu de Saint-Maurice- en-Cotentin. En 1533, Jean de Dinteville, ambassadeur de France en Angleterre, lui commande un tableau où il figurera aux côtés de son compatriote l’évêque Georges de Selve, évêque de Lavaur, diplomate à la cour de Charles Quint, et venu en Angleterre en 1533, chargé d’une mission secrète par François 1er. Le tableau, intitulé Les ambassadeurs, est conservé à la National Gallery, de Londres. Les motifs du rideau se jouent encore des aristoloches, œillets, pommes de pin et couronne juste au-dessous de la grenade. Et lorsque l’atelier de Holbein réalise vers 1533 le portrait de Thomas Cromwell, secrétaire du roi (bois, New York, The Frick collection), d’une bien moins belle facture que les œuvres précédentes, le fameux damas est encore visible, à l’arrière-plan.

Le succès en Orient

14 Le palais de Topkapi, à Istanbul, renferme une impressionnante collection textile constituée à partir du règne de Mehmet II, qui conquiert la ville en 1453. Les sultans passent commandes aux ateliers de soieries de Bursa déjà anciens puis, à partir du milieu du XVIe siècle, à ceux d’Istanbul. Leur demande est si importante qu’elle se porte aussi vers l’étranger, notamment l’Iran, la Chine et l’Italie. Au sein de la collection, Louise W. Mackie7 a étudié plus particulièrement des damas de soie du XVI e siècle, époque où les ateliers turcs n’en fabriquent aucun. Le dessin qui nous intéresse lui semble avoir été particulièrement « prestigieux »8 ; elle l’a remarqué non seulement sur

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un damas italien jaune du second ou troisième tiers du XVIe siècle, mais aussi sur un caftan bleu ciel9. Les motifs italiens eurent assez d’influence pour être repris et adaptés par les turcs qui, au milieu du XVIe siècle, ont tissé des velours10 où l’on retrouve aristoloches, grenade et couronne. Cependant, l’impression générale produite est assez différente, le réseau sinueux et continu, l’aspect « tapis » ressortant beaucoup plus que les détails.

15 Il semble en effet qu’au fil des décennies, le dessin se déplace d’un intérêt pour des motifs assez petits, détaillés voire précieux, ayant une valeur chacun pour eux-mêmes - les tiges feuillues, la fleur de grenade, les œillets, le vase, la couronne (présente ou non) - vers une volonté de mettre en valeur de grandes masses aux lignes nettes, des réseaux. Par exemple, sur une dalmatique11 italienne verte (MT 29424) qui doit être de la fin du XVIe siècle exposée au musée des tissus de Lyon (fig. 5), ressortent d’une part le treillis de lignes, d’autre part un médaillon circulaire dans l’espace ménagé par les lignes12.

Fig. 5.

Lyon (Rhône), Musée des tissus ; détail d’une dalmatique verte (MT 29424) © Josiane Pagnon

16 Comme pour d’autres textiles anciens, le dessin aux aristoloches a connu un succès qui perdure. Des documents du XIXe siècle reprennent ses traits13. Et jusqu’au milieu du XXe siècle, sur une chasuble violette (fig. 6) de Saint-Geniès-de-Comolas (Gard), vendue par la maison Clergue d’Aurillac, il est surprenant de retrouver le réseau des tiges d’aristoloches ; le reste est stylisé, les motifs de fleurs d’amandier, de fleurs de lys sont exploités pour leur aspect purement décoratif.

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Fig. 6.

Saint-Geniès-de-Comolas (Gard), église paroissiale ; détail de chasuble M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2015

17 En conclusion, les exemples datés découverts au long de la recherche indiquent les environs de 1510 comme la période d’apparition du motif, avec les fresques de Malpaga. En admettant que Marcello Fogolino est l’auteur des fresques, on ne sait pas énormément de choses à son sujet mais il semble bien que ce peintre a passé toute sa vie dans l’extrême nord de l’Italie, à Vicence, Pordenone, Malpaga, Trente. Rien n’indique dans sa peinture un goût particulier pour les tissus, d’où l’hypothèse qu’il a repris un tissu existant et dont la symbolique convenait à son propos. En supposant que cela peut prendre un certain temps pour qu’un motif textile devienne célèbre, il est proposé désormais que le dessin aux aristoloches a été créé entre 1490 et 1510. A cette époque, les tisserands de damas sont célèbres à Florence ; elle n’est certes pas la seule ville capable d’en fournir ; cependant, la présence d’un dessin aux branches d’aristoloches, daté de 1555 et conservé à l’Archivio di stato de Florence incite pour l’instant à proposer une origine florentine14 pour ce dessin.

18 Il est à souhaiter que les derniers mots ne soient pas écrits ici sur le sujet ; les étoffes qu’il a suscitées en Italie sont aujourd’hui dispersées dans le monde, puisque l’on a cité ici la France, l’Italie, la Suisse, les Etats-Unis, la Turquie, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, et l’enquête mérite d’être poursuivie.

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NOTES

1. cf. PAGNON, Josiane. Exposition, [Saint-Lô, archives départementales, 26 avril-1 er août 2008, Saint-Hilaire-du-Harcouët, musée de La Verrière, Saint-André-de-Bohon, dépôt des objets d’art, 26 avril - 12 octobre 2008]. File le temps, reste le tissu, ornements liturgiques de la Manche, Coutances, Conseil général de la Manche, 2007, 240 p. (collection Patrimoine ; 13), p. 63‑66. 2. Chercheur patrimoine industriel à l’Inventaire général Languedoc-Roussillon, chaleureusement remercié ici. 3. DESROSIERS, Sophie. Soieries et autres textiles de l’Antiquité au XVIe siècle. Paris : Réunion des musées nationaux, 2004, p. 439 ; [Avignon, Petit Palais, 1997], Brocarts célestes, 2007, éditions RMG, p. 107. 4. Das Prunkleid des kurfürsten Moritz von Sachsen (1521‑1553) in der Dresdner Rüstkammer. Riggisberg : Abegg-Stiftung, 2008, 184 p. 5. PAGNON, p. 66. 6. WIRTH, Jean. [Strasbourg, Musée de L’Œuvre Notre-Dame, 2001], Iconoclasme, vie et mort de l’image médiévale. Paris : Somogy, 2001, p. 180. 7. MACKIE, Louise W. The origins and influences of silk damasks in the Topkapi Palace in Istanbul during the 16th century. Bulletin du CIETA, 2003, nº 80, p. 39‑48. 8. MACKIE, p. 40. 9. L’auteur publie un autre exemple, sur un portrait posthume (après 1512) du sultan Beyazid II, mais qui semble plus éloigné (fig. 3, p. 42). 10. MACKIE, p. 44, fig. 9. 11. Voir aussi une dalmatique de l’église Notre-Dame de l’Assomption de Castroreale, en Sicile : CIOLINO, Caterina. [Exposition. Messine, théâtre Vittorio Emmanuele, 9 février – 15 mars 2002], La seta e la Sicilia. Messine : éditions Sicania, 2002, p. 243. 12. Ultime évolution de ce type de dessin influencé par l’architecture gothique dont parle Gaston Migeon dans son ouvrage de 1909, Les arts du tissu ; il y est question de meneaux (le réseau de lignes) et de fleurons (le motif central), p. 67. 13. Dans le recueil Maciet 296/7 de la Bibliothèque des arts décoratifs, à Paris ; ou dans Dupont- Auberville, L’ornement des tissus. Paris, 1877. Informations fournies par Danièle Véron-Denise. 14. Dans l’ouvrage Tessuti nel Veneto, Venezia e la Terra ferma. Vérone, 1993, est publié un dessin conservé à l’Archivio di stato de Florence ; il est fortement structuré par le réseau de branches d’aristoloches.

RÉSUMÉS

Cet article s’attache à l’histoire d’un dessin créé vers 1510 et décliné en différentes techniques, de la peinture murale au textile de soie en passant par la peinture de chevalet. sa longévité, jusqu’au XXe siècle et l’étendue géographique de son succès, de l’Angleterre à la Turquie, en font un motif exceptionnel.

This article focuses on the history of a design that was created around 1510 and realised using different techniques, from mural painting to silk textile printing as well as easel painting. Its

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popularity through the centuries, the design appearing until the 20th century, and the geographical extent of its success, from England to Turkey, make it an exceptional case.

INDEX

Keywords : textile, textile design, damas, painting, 16th century Index géographique : Saint Maurice en Cotentin, Périgueux, Saumur, Lyon, Saint-Geniès-de- Comolas Mots-clés : textile, dessin textile, damas, peinture, XVIe siècle

AUTEUR

JOSIANE PAGNON Chercheur Inventaire général Languedoc-Roussillon

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Observations sur une chape rouge de l’ancienne abbaye de Saint- Papoul (Aude) Observations on a red screed from the ancient Saint-Papoul abbey

Josiane Pagnon

1 La sacristie de l'église paroissiale de Saint-Papoul, anciennement celle de l'abbaye du même nom conserve un certain nombre d'ornements relativement communs. Une chape rouge (fig. 1) retient cependant l'attention par la rareté, à la fois du tissu de fond (robe), et du travail du chaperon et des orfrois. Classée au titre des monuments historiques dès 1911, elle n'a pour autant pas fait l'objet d'études approfondies.

2 Sans pouvoir répondre à toutes les interrogations qu'elle suscite, il a semblé intéressant de procéder à un certain nombre d'observations.

Fig. 1.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; vue d'ensemble de la chape M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

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Fig. 2.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; macro-photographie montrant le revers du satin liseré et l'agencement des trames sur ce type d'armure J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

3 La robe est réalisée avec un satin liseré 3 lats (fig. 2), c'est-à-dire un satin dont la trame est de trois couleurs (vert, jaune, blanc). Le décor présente des motifs de lys martagon et de fleurs de grenade, surgissant de longues tiges graciles. Son plan de montage est singulier (fig. 3), avec des largeurs de laize irrégulières ; de plus, certaines coutures sont faites avec raccords soignés – couture axiale du dos et deux petites bandes latérales de 3,5 cm de large et d'autres non.

Fig. 3.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; plan de montage V. Marill © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2015

4 Après son assemblage, la robe de la chape a été enrichie par des broderies de torsades de filé argent, appliquées par couchure en soulignement de certains motifs. Les torsades (fig. 4) à l'âme de soie blanche sont fixées au support grâce à un fil de soie blanche à deux brins. Ces broderies sont certainement bien postérieures à la confection

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de la robe et furent peutêtre réalisées autant pour pallier à l'usure précoce du fil blanc que pour enrichir le vêtement.

Fig. 4.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; macro-photographie des torsades de filés argent J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

5 La question des orfrois et du chaperon, en velours bordeaux, se révèle tout aussi complexe : leur surface est brodée au point lancé empiétant de fils de soie polychromes dessinant un motif de grosse fleur et de ruban serpentiforme, mais une grande partie du décor est aussi faite en couchure de fils de soie double plus ou moins torsadés (fig. 5). Cet ample motif appartenait visiblement à une pièce brodée plus grande, peut- être une tenture.

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Fig. 5.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; macro-photographie montrant la broderie en couchure de fils de soie et le cordonnet blanc (plus récent ?) qui souligne les motifs J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

6 Le plus étonnant reste la présence de filé or (fig. 6) dont l'âme est rouge et dont la lame dorée n'est pas de l'argent mais du papier. Cette technique, inconnue en Europe, renvoie vers une production orientale, peut-être indienne du fait des motifs du décor. Le galon qui cache la couture entre la robe et les orfrois est tissé de filé or bordé de velours vert.

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Fig. 6.

Saint-Papoul (Aude), ancienne abbatiale ; macro-photographie des filés or en papier sur âme de soie rouge J. Pagnon © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

7 Une tradition orale voudrait que la chape de Saint-Papoul provienne de Catherine de Médicis (1519‑1589) ; cela semble impossible compte tenu du style de l'étoffe. En revanche, le Victoria and Albert Museum possède trois fragments d'un même tissu daté vers 1640, un « satin noir, motifs verts et blancs avec détails bleus clair with buff »1 dont le décor est très similaire à celui du textile de Saint-Papoul.

8 Le Palais des Rohan, à Strasbourg, conserve un tapis de table brodé2 singulièrement proche, tant dans la technique que dans les motifs du chaperon et des orfrois. Ce tapis, de facture indo-portugaise, semble être une commande des années 1730‑1740.

9 Ainsi nous proposons de dater du milieu du XVIIe siècle le tissu de la robe et de la première moitié du XVIIIe siècle le chaperon et les orfrois.

10 La chape a fait l'objet d'une restauration terminée en octobre 1988, réalisée par la Maison parisienne Brocard, rue Saint-Jacques. Le vêtement a été démonté et nettoyé (surtout le bas) et doublé avec une nouvelle toile de soutien en lin. Le velours a été posé par baguage sur un support. Le restaurateur a également procédé à des insertions de tissu rouge à l’emplacement de trous dans le velours, au niveau du chaperon et de la patte de fermeture et à un important travail de fixation des cordonnets et des différentes broderies.

11 Portée à toutes les époques, la chape l'a encore été récemment par l’abbé Philippe de Fontanges.

12 Dimensions : h = 141 ; orfrois : h = 126 ; chaperon : la = 52,5 ; laize : la = 52,8 ; dessin : h = 39,2

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NOTES

1. THORNTON, R. Baroque and rococo silks. Londres : Faber and Faber, 1965, plate 7 B. 2. Merci à Jacqueline Jacqué, Danièle Véron-Denise et Etienne Martin pour ces renseignements.

RÉSUMÉS

Première étude sur la technique et la datation d’une chape insigne dont le tissu de fond semble du milieu du XVIIe siècle tandis que le tissu des orfrois et du chaperon aurait été exécuté en Orient durant la première moitié du XVIIIe siècle.

Preliminary study on the technique and dating of a remarkable cope whose base fabric seems to come from the mid-17th century, while the fabric of the orphreys and hood seems to have been made in the East during the first half of the 18th century.

INDEX

Index géographique : Saint-Papoul, Aude Keywords : textile, embroidery, liturgical ornament, 17th century, 18th century Mots-clés : textile, broderie, ornement liturgique, XVIIe siècle, XVIIIe siècle

AUTEUR

JOSIANE PAGNON Chercheur Inventaire général Languedoc-Roussillon

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Bibliographie sur la paramentique en Languedoc-Roussillon Bibliography on paramentics in Languedoc-Roussillon

Moyen âge

1 DURAND, Guillaume. Rationale divinorum officiorum, traduit en français sous le titre de Manuel des divins offices. La traduction imprimée, de 1854, par Charles Barthélémy, offre la lecture la plus aisée : Le Rational des divins offices, est également accessible via le français de Jean Golein des environs de 1380. L’auteur, natif de Puimisson (Hérault) est nommé évêque de Mende en 1285. Il écrit en 1286 un ouvrage aborde toutes les questions matérielles d’une église, de ses différentes parties aux ministres qui y opèrent en passant par chacun des offices ; le troisième livre est entièrement consacré aux vêtements et ornements d'église. Le livre de Guillaume V Durand fut imprimé dès 1459 à Mayence.

2 OUDOT DE DAINVILLE, Maurice. Chape à bourdon. In Études médiévales, offertes à M. le doyen Fliche, de l'Institut. Montpellier : impr. P. Déhan, 1952, 3 p.

3 DURLIAT, Marcel. La chasuble de la Vierge de Thuir. Monuments historiques, octobre- décembre 1955, p. 176‑181.

4 THIÉBAUT, Dominique. In [Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 9 octobre 1981‑1er février1982], Les fastes du Gothique, le siècle de Charles V. Paris : RMN, 1981, notice 324 sur le parement de Narbonne.

5 CARBONNEL-LAMOTHE, Y. La nappe d’autel de Saint-Martin-du-Canigou. In COLLOQUE DE FANJEAUX, Le décor des églises en France méridionale (XIIIe-milieu XVe siècle). Toulouse : éditions Privat, Cahiers de Fanjeaux, nº 28, 1993, p. 191‑197. Voir aussi la comparaison de ce tissu avec un autre, faite dans DESROSIERS, Sophie. Soieries et autres textiles de l'Antiquité au XVIe siècle. Paris : RMN, 2004, p. 146‑147.

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Fig. 1. Casteil, abbaye Saint-Martin du Canigou

Nappe d’autel © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 1989

6 [Carcassonne, Musée des Beaux-Arts, 1993], Fils renoués, trésors textiles du Moyen Age en Languedoc-Roussillon. Carcassonne, 1993, 166 p.

7 [Carcassonne, Musée des Beaux-Arts, Terrassa, Centre de documentation du musée textile, 1999‑2000]. Teintures précieuses de la Méditerranée. Carcassonne, 1999, 184 p.

8 ARIBAUD, Christine. Tissus et broderies sacrés au XIVe siècle : décor et liturgie en France méridionale. In COLLOQUE D’HISTOIRE DE L’ART MÉRIDIONAL AU MOYEN AGE (4 ; 1994 ; Narbonne). Ville de Narbonne, 2003, p. 131‑140. Le texte concerne très peu des exemples de Languedoc-Roussillon.

Tapisseries

9 NOUGARET, Jean. Notes sur quelques tapisseries à Montpellier au XVe siècle. Études sur l'Hérault, 1984, 15, nº 4, p. 15‑21.

Éditions commentées de documents d’archives

10 LEMAITRE, Jean-Loup. Un inventaire des ornements liturgiques et des livres de l'église Notre-Dame-des-Tables à Montpellier (6 septembre 1429). Journal des savants, 2003, nº 1, p. 131‑167.

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11 Inventaire des reliques, croix, calices, images et autres joyaux, livres etc. de l’église cathédrale de Mende, dressé en 1380. Documents relatifs à l’histoire du Gévaudan, t. 4, 3e partie, 1892, p. 3‑190.

Période moderne

12 TEISSEYRE-SALLMANN, Line. L'industrie de la soie en Bas-Languedoc XVIIe- XVIIIe siècles. Paris : Ecole des Chartes, 1995 (Mémoire et documents de l'École des Chartes ; nº 44), 417 p. Il n’y est pas vraiment question de soieries d’église, mais ce travail est essentiel pour comprendre l’importance de la ville de Nîmes pour la soie.

13 SALLMANN, Line. Les fabricants et la mode sous l’Ancien Régime : suivre ou créer ? La valse des modèles dans la fabrique d’étoffes de soie nîmoise XVIIe-XVIIIe siècle. In COLLOQUE DE MONTPELLIER. (Université Paul Valéry, 21‑22 mars 1997). De la fibre à la fripe. Montpellier : Université Paul Valéry, 1998, p. 115‑127.

14 AMIGUES, François (dir.). [Exposition. Carcassonne, Auditorium, 7 juillet-26 août 2007], Carcassonne, Trésors de nos églises. Carcassonne, 2007, p. 61‑73.

15 ALIQUOT, Claude. Une chape armoriée du début du XXe siècle. Archivum heraldicum. 2007‑2, p. 215‑220. Claude Aliquot, ancien Conservateur des antiquités et objets d'art de l'Ariège a publié dans cette revue un article sur une chape armoriée qui intéresse le Languedoc- Roussillon. Sans le savoir, il a retrouvé une des chapes confectionnées à l'instigation de Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier. Ce prélat obtint de Rome, en 1877, le rétablissement ad honorem des anciens évêchés de son diocèse de Montpellier, soit ceux de Lodève, Agde, Saint-Pons-de-Thomières et Béziers de Rome. C'est probablement suite à cette distinction que fut confectionnée une chape pour chaque ancien siège épiscopal. Celle de Lodève (fig. 2) est connue, de même que celle de l'ancienne cathédrale Saint-Nazaire de Béziers. En menant une enquête, il n'est pas impossible de retrouver les autres pièces.

Fig. 2. Lodève, ancienne cathédrale Saint-Fulcran

Chape or M. Kérignard © Région Languedoc-Roussillon, Inventaire général, 2011

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16 AMIGUES, François. Arthur-Richard Dillon, dernier Président-Né des Etats de Languedoc, de 1763 à 1790, Commission archéologique et littéraire de Narbonne, t. 51, 2008, p. 120‑124.

17 PAGNON, Josiane. Le ciel l'entende, éléments matériels du culte catholique dans les campagnes du Lodévois-Larzac. Cahier du Lodévois-Larzac, 2012, nº 39, p. 56‑71.

18 PAGNON, Josiane. Nîmes en joie, églises en soie. Lyon : Lieux-Dits, 2012, (collection Focus Patrimoine ; nº 1), 124 p.

Tapisseries d’église, édition de document d’archives

19 Acte de prix fait des tapisseries de l’église cathédrale de Mende (1706). Bulletin de la Société d’agriculture, d’industrie, sciences et arts de Lozère, t. XX, 1869, 2è partie, p. 10‑13.

RÉSUMÉS

Liste commentée des sources imprimées concernant les tissus d’église sur le territoire de la région Languedoc-roussillon.

Annotated list of print sources for church fabrics within the Languedoc-roussillon region.

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