Le Fou Et La Magicienne Réécritures De L'arioste À L
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AIX MARSEILLE UNIVERSITÉ ÉCOLE DOCTORALE 355 ESPACES, CULTURES ET SOCIÉTÉS CENTRE AIXOIS D’ÉTUDES ROMANES – EA 854 DOCTORAT EN ÉTUDES ITALIENNES Fanny EOUZAN LE FOU ET LA MAGICIENNE RÉÉCRITURES DE L’ARIOSTE À L’OPÉRA (1625-1796) Thèse dirigée par Mme Perle ABBRUGIATI Soutenue le 17 juin 2013 Jury : Mme Perle ABBRUGIATI, Professeur, Aix Marseille Université Mme Brigitte URBANI, Professeur, Aix Marseille Université M. Jean-François LATTARICO, Professeur, Université Lyon 3 – Jean Moulin M. Camillo FAVERZANI, Maître de conférences HDR, Université Paris 8 – Saint Denis M. Sergio ZATTI, Professore, Università di Pisa Je remercie chaleureusement L’École doctorale 355 Espaces, Cultures et Sociétés de l’Aix Marseille Université de m’avoir permis d’achever cette thèse. La Fondazione Cini de Venise de m’avoir accueillie pour un séjour de recherches. Le personnel de la Bibliothèque nationale de Turin de m’avoir aidée dans mes recherches sur les partitions de Vivaldi. Les membres du jury d’avoir accepté de lire mon travail. Ma directrice de recherches, Mme Perle Abbrugiati, pour son soutien indéfectible et ses précieux conseils. Mon compagnon, mes enfants, mes parents et mes beaux-parents, mes amis et mes collègues, pour leurs encouragements et leur compréhension pendant cette longue et difficile période. SOMMAIRE INTRODUCTION 1 I. Origine des réécritures : l’Arioste 2 1. Les personnages 4 2. L’Arioste et les arts 9 3. De l’Arioste au Tasse : le genre chevaleresque, ses réécritures littéraires et sa réception 16 II. L’Arioste à l’opéra 25 Avertissement : choix de traductions et citations 35 Description du corpus : le sort des personnages après l’Arioste 37 PREMIÈRE PARTIE : REPÉRAGES, LA PÉRÉGRINATION DES PERSONNAGES, REFLET DE LA FORTUNE DE L’ARIOSTE ET MARQUEUR DE L’HISTOIRE DE L’OPÉRA 45 I. La cour 51 1. Opéra et fête théâtrale : le magicien comme démiurge, image du souverain 51 2. Du démiurge au tyran : un questionnement sur le pouvoir ? 72 3. L’Arcadie, ou l’opéra comme miroir de la noblesse 78 II. Le théâtre public 103 1. Venise : le règne du spectaculaire et du mélange 106 2. Naples : l’Arioste comique 147 3. Londres : l’accentuation des traits 152 III. Librettistes et compositeurs 162 1. Les librettistes et leur statut 164 2. La quête de légitimité dans le rapport au texte-source 176 3. Réécritures pour la scène et fortune critique 183 DEUXIÈME PARTIE : RÉÉCRITURES ET TRANSPOSITIONS GÉNÉRIQUES 191 Préambule : littérature, théâtre et opéra 191 I. La fortune sérieuse 202 1. Épuration et grossissement du texte source : le cas des Bradamante 202 2. La tragédie à l’épreuve de la musique 214 3. Tragedia et opera seria : une épuration réussie ? 231 4. De l’opera seria au drame romantique : le cas Ariodante 243 II. Un comique persistant 263 1. De la commedia dell’arte à l’opéra baroque (de type vénitien) 264 2. Intermezzi e drammi per musica baroques 268 3. De l’intermède à l’opera buffa 274 III. L’Arioste : un genre opératique ? 287 1. Le ballet, miroir grossissant, réceptacle des problématiques 289 2. Récits enchâssés et personnages secondaires : de la fidélité 298 TROISIÈME PARTIE : L’EXCÈS ET LE DÉSIR 313 I. Orlando ou la folie des Hommes 314 1. La folie marginale 322 2. Le fou qui fait rire 341 3. Une véritable attention 358 II. Alcina ou la magie du spectacle 375 1. La naissance de l’illusion 377 2. La tentation de la femme fatale 380 3. La fin d’un règne 397 CONCLUSION 419 ANNEXE. Description du corpus : le sort des personnages après l’Arioste 431 BIBLIOGRAPHIE 541 INDEX 565 INTRODUCTION Lorsqu’on observe les sujets des livrets d’opéra, au XVIIIe siècle en particulier, on est frappé par la récurrence des personnages, mythologiques, héroïques dans le genre sérieux, tirés de la Commedia dell’Arte ou de fables populaires dans le genre bouffon. Parmi les Thésée, Alcide, Alceste, Iphigénie, ou les Serbine et Arlequin, se détachent des personnages familiers à la France d’abord, puis à l’Italie grâce à l’Arioste : les personnages du Roland furieux. Si la dimension « seconde » du livret d’opéra a pu lui valoir une étiquette d’art subalterne, la représentation d’opéra a toujours été le lieu d’une actualité créatrice à partir de la poésie même. C’est ce que remarque Jean Starobinski dans l’introduction à son essai sur Les enchanteresses, introduction qui par son titre même, « Chanter, séduire » donne une première définition de l’opéra et nous rappelle les grands foyers d’inspiration des livrets : Comme s’il lui incombait de projeter une lumière accrue sur des destins déjà consacrés, ce nouvel art demanda à l’épopée, aux grandes scènes de l’histoire ou aux romans « chevaleresques » de lui fournir les matériaux d’une fête éclairée par l’éclat de la nouveauté, et remplissant les trois dimensions d’une scène1. Pour donner une idée approximative des proportions de sujets dans l’opéra baroque, on constate qu’une minorité d’entre eux met en scène des intrigues historiques, tandis que la majorité est tirée de la mythologie, et qu’une grande partie vient des histoires héritées de la littérature chevaleresque2. Parmi ces derniers sujets, on compte un peu plus d’une centaine de livrets tirés de l’Arioste. Nous en étudierons une soixantaine dans cette thèse et nous en approfondirons vingt-cinq environ dans la troisième partie où nous adoptons un critère thématique. Nous renvoyons à la bibliographie pour le détail des livrets, pièces de théâtre et canevas de ballets consultés ou écartés. Dans l’Annexe, nous établissons des résumés pour 1 Jean Starobinski, Les enchanteresses, Paris, Seuil, 2005, p. 14. 2 En vertu du principe rappelé par Pier Jacopo Martello : « il est trop cruel de déformer la vérité des événements décrits par Tite-Live, Justinien ou Salluste, ou de tout autre auteur plus ancien et plus vénéré, ce qui sera inévitable pour y introduire ce que veulent le compositeur, les chanteurs, l’architecte, le machiniste, le peintre et l’impresario. Cela sera difficile aussi mais pas impossible avec les sujets fabuleux, car dans tous les cas le rimailleur a toute la capacité qu’avaient nos aïeux à donner à entendre des chansons, et d’ajouter des mensonges italiens aux grecs, et, en abandonnant les antiques, d’en inventer des modernes, la fable étant davantage source d’illusion », in Della tragedia antica e moderna [1714], Scritti critici e satirici, a cura di Hannibal Sergio Noce, Bari, 1963, p. 280. 1 environ soixante opéras, ou quatre-vingts « œuvres » car nous incluons également théâtre parlé et chanté, pièces et ballets. Pour éviter d’alourdir notre réflexion, nous avons placé cette quantité d’informations dans une partie annexe, mais celle-ci peut être lue en préambule à la thèse, ou bien le lecteur peut s’y référer lors de va-et-vient ponctuant la lecture. I. Origine des réécritures : l’Arioste D’abord un creuset puis une mine L’Arioste constitue un creuset des littératures épiques à la Renaissance. Il faut se rappeler que l’Arioste lui-même invente peu de personnages mais les reprend avec leur vécu dans la tradition littéraire et notamment dans l’œuvre de son prédécesseur à la cour des Este : Matteo Maria Boiardo, dont le Roland n’était pas encore « furieux », fou d’amour, mais simplement « amoureux ». Neveu de Charlemagne dans les chansons de geste françaises médiévales, Roland est le héros des aventures des poètes de Ferrare. Il est d’abord « amoureux » dans les soixante chants de l’Orlando innamorato. Dans son épopée, laissée inachevée en 1487, Matteo Maria Boiardo réalise la synthèse des romans de chevalerie du cycle du roi Arthur et des chansons de geste du cycle de Charlemagne. Puis Roland est « fou par amour » chez l’Arioste qui dans le Roland furieux, dont la dernière édition paraît en 1532 (une première version était parue en 1516), actualise la réflexion de son prédécesseur sur le genre épique, en reprenant la trame narrative pour la continuer. En outre, les personnages du Roland furieux portent en eux tout l’héritage des épopées paradigmatiques, celles d’Homère et de Virgile1. C’est bien l’Arioste qui, le premier, a rendu Roland fou2, l’inscrivant ainsi dans la lignée d’Achille, dont la colère dans l’Iliade est une passion divine qui le distingue des autres guerriers. Cette folie héroïque qui naît, comme celle d’Achille, du dépit amoureux, ressemble aussi à celle d’Hercule, infligée par la déesse Héra, dans ses manifestations : comme le héros grec tuait ses enfants, Roland ne reconnaîtra plus 1 Dans son introduction au Roland furieux, Cesare Segre rappelle ces sources d’inspirations qui réapparaîtront dans l’épopée « sous une forme qui les rendra méconnaissables » : les romans de la Table Ronde, en particulier Tristan ; les poèmes latins : L’Énéide, les Métamorphoses, la Thébaïde, les Argonautiques ; la traduction latine d’Homère ; les compilations chevaleresques italiennes : La Spagna, L’Aspromonte, et espagnoles : Amadis ; le Décaméron de Boccace, ainsi qu’Apulée, cf. Introduzione a Ludovico Ariosto, Orlando furioso, Milano, Mondadori, 1976, p. XXVI. 2 Le chantre épique insiste sur ce point dès la deuxième strophe de l’épopée : « Dirò d’Orlando in un medesmo tratto/cosa non detta in prosa mai, né in rima » (I, 2). La spécificité de l’Arioste est confirmée par les deux études qui envisagent le personnage dans une perspective diachronique comparative : François Suard, Roland ou les avatars d’une folie héroïque, Paris, Klincksieck, 2012, p. 121 ; Aline Laradji, La légende de Roland : de la genèse française à l’épuisement de la figure du héros en Italie, Paris, l’Harmattan, 2008, p. 264. 2 Angélique et massacrera hommes et bêtes qui se mettront en travers de sa route.