promenade historique entre seine et plateau patrimoine des petites

communes gouy et saint-aubin-celloville 8 Clément Damé

Promenade historique entre Seine et plateau Gouy et Saint-Aubin-Celloville

Clément Damé

La CREA 3

Chère Madame, Cher Monsieur,

Gouy et Saint-Aubin-Celloville ont construit leur histoire entre la Seine et le plateau de Boos et ont participé à des épisodes importants du duché de Normandie. Occupées dès l’ère paléolithique, ces deux communes possèdent un patrimoine bâti et naturel riche et varié. Au carrefour des départements de la Seine-Maritime et de l’, Gouy et Saint-Aubin-Celloville ont su conserver leur caractère bucolique et ainsi offrir à leurs habitants un environnement préservé à moins de vingt minutes de . Tout y est invitation à la flânerie. Ici se côtoient fermes normandes, constructions en brique du XIXe siècle, châteaux et églises... À chaque instant, à chaque détour d’une rue ou d’un chemin, entre nature et patrimoine, le promeneur pourra découvrir ce qui participe aux richesses de notre agglomération.

Chaleureusement à vous,

Laurent Fabius Christophe Bouillon Nelly Tocqueville Président de la Vice-Président chargé de Vice-Présidente chargée CREA l’Action Culturelle des communes de moins de 4500 habitants 5

Chers habitants de nos communes,

À une dizaine de kilomètres de Rouen, à deux pas du département de l’Eure entre la Seine et le plateau de Boos, les villages de Gouy et de Saint-Aubin-Celloville sont bâtis dans un cadre naturel inspirant la quiétude et la sérénité. De la vallée du Becquet au plateau de Boos, vous découvrirez au gré de vos envies toutes ces richesses patrimoniales qui ont fait l’histoire de nos communes. Ce lien sensible et naturel entre Seine, coteau et plateau, véritable guide du promeneur, vous permettra de rencontrer des vestiges souvent méconnus du grand public.

Nous vous souhaitons une agréable promenade entre paysages et histoire.

Jean-Pierre Breugnot Patricia Baud

Maire de Gouy Maire de Saint-Aubin-Celloville

7 Deux communes rurales préservées à deux pas de Rouen

Situées sur le plateau Est de l’Agglomé- sur des coteaux calcaires. À forte domi- ration de Rouen, les communes de Gouy et nante agricole, le centre-bourg se déve- de Saint-Aubin-Celloville disposent d’un loppe depuis le milieu du XXe siècle en patrimoine particulièrement varié. zone périurbaine. L’étymologie de Gouy viendrait du La première, d’une superficie de latin Goi, Goiel, Grojacum, signifiant 500 hectares, est constituée du hameau « Homme heureux ». Intimement liée à de Port-Saint-Ouen ouvert sur la Seine l’histoire de la Normandie, Gouy appar- dont elle a été le principal axe de transit tenait avant les invasions normandes des des hommes et des marchandises. Reliée IXe et Xe siècles à l’abbaye de Jumièges. au fleuve par la de Paris, Au XIe siècle, la commune était selon Gouy est implantée à 80 mètres d’altitude une expression féodale le « chefmoi » 8 vue du centre de gouy 9 du franc-fief de la paneterie1 des ducs de des constructions modernes. Au sein Normandie. Grâce à la charte de 1027, de cet ensemble subsistent des édifices Odon de Malpalu, seigneur de Gouy, pos- singuliers tels la maison Saint-Anne sédait la charge importante et convoitée située à deux pas de l’église et le châ- de grand panetier de Normandie. Les sei- teau des marquis de Belbeuf qui marque gneurs de Gouy se devaient de faire venir l’extrémité Est du territoire. à Rouen les provisions nécessaires lors À mi-chemin entre ces deux édifices, du séjour du Roi. l’ancien four banal2 de la commune est Son bâti ancien, situé principale- intégré dans une demeure du XVIe siè- ment dans le centre-bourg, le long de cle qui, selon la tradition, est la plus an- la rue principale, date pour l’essentiel cienne de la commune. Parallèlement, des XVIIIe et XIXe siècles. Ainsi en est- l’implantation de zones pavillonnaires il de la mairie qui reprend les canons crée un maillage architectural et histo- architecturaux de la seconde moitié du rique entre le centre bourg et sa proche XIXe. Le centre est composé d’une rue périphérie. principale représentée par un ensemble Gouy offre le visage d’une commune assez homogène où viennent se fondre rurale active aux multiples patrimoines

1 Paneterie : charge royale dirigée par un officier du Roi qui avait un pouvoir très étendu sur les boulangers, contrôlait les 10 poids et exerçait une surveillance sur les étrangers venant vendre du pain dans sa paneterie. 2 Four banal : installation seigneuriale que peut utiliser le paysan en s’acquittant d’une redevance. ancien four banal de gouy 11 qui se font les té- de deux hameaux - Incarville et Celloville moins de son histoire. - qui confèrent à la commune une physio- Son blason, approuvé nomie polycentrique. Disposées sur un en 1952 par le conseil axe nord-sud, Celloville, Incarville, Saint- municipal et l’archi- Aubin sont reliées entre elles par la dépar- viste départemental, tementale 91 qui donne à cet ensemble une résume parfaitement certaine homogénéïté. sa trame historique. À l’image de sa voisine, Saint-Aubin- La paneterie y est symbolisée par trois pe- Celloville a une forte empreinte rurale tits pains, deux ramures de chêne évoquent grâce aux nombreuses pâtures et cultures la sagesse, deux clefs entrecroisées et la céréalières qui viennent émailler son pay- fortification illustrent l’ancien marquisat sage. La commune est entourée au nord, des seigneurs de Belbeuf. à l’ouest et au sud par de nombreux bois encaissés dans des ravins, des « fonds » Séparée de la commune de Gouy par qui délimitent son territoire. le bois de Bouclon, Saint-Aubin-Cello- L’origine du village est très ancienne ville est composée d’un centre-bourg et puisqu’elle remonte au IIIe siècle avec 12 rue de saint-aubin-celloville 13 14 vue générale de saint-aubin-celloville l’occupation de son rante de ce seigneur dans la gestion de ses territoire par les Gal- terres. Par la suite, le nom de la commune lo-Romains. Des tes- évolua pour devenir celui de Saint-Aubin- sons de céramique et lès-Camps au XIVe siècle puis Saint-Aubin- des vestiges de fon- en-Campagne au XVIe. dations de fermes Le XIXe siècle marqua pour les com- témoignent de leur munes de Saint-Aubin et de Celloville présence. une page importante de leur histoire puis- Saint-Aubin, avant sa fusion avec Cel- qu’elles fusionnèrent suite à une ordon- loville, était une terre administrée par le nance royale de Charles X, le 25 février seigneur d’Incarville tandis que l’église 1829. De cette union est née Saint-Aubin- relevait de l’archevêché de Rouen. La pre- Celloville qui se résume parfaitement à la mière mention de la paroisse date de 1280 lecture de son blason. Il réunit la crosse lorsqu’elle se nommait Sancti Albini de de Saint-Aubin, évêque du VIe siècle, les Wiscarvilla soit littéralement Saint-Aubin deux clochers des villages ainsi que la d’Incarville en référence au seigneur local. poterie rappelant que son sol est une terre Cette mention certifie de la place prépondé- idéale à la fabrication de la brique. 15 Aux origines des communes Les premières traces d’occupation

Vestige d’une grande importance par deux frères, Pierre et Yves Martin, la pour les spécialistes de la préhistoire, la grotte de Gouy doit sa première décou- grotte de Gouy offre un échantillon des verte en 1881 à deux habitants de la com- pratiques artistiques liées à des rituels mune, Narcisse Reboursier et Jamelin qui qui remontent à une dizaine de milliers gardèrent secret cette trouvaille. Une ins- d’années. cription laissée par leur soin est l’unique témoignage de leur passage. Sur les bords de la Route Nationale 15, La grotte, longue de 12 mètres de ga- un édifice en pierre de taille et scellé par lerie sur 2 mètres de large et divisée en 3 une porte renferme, sans que ne s’en dou- salles, était à son origine plus importante, tent les automobilistes, le seul site d’art mais des travaux en 1935 pour l’élargis- pariétal préhistorique présent dans la val- sement de la RN 15 en ont amputé une lée de la Seine. Redécouverte en 1956 partie. 16 grotte préhistorique de gouy 17 À la suite de différentes expertises 37 De nombreux vestiges de cette occu- représentations d’animaux ont été recen- pation primitive sont encore présents sées dont un cheval et un éléphant. Ces et ressurgissent lors de labours ou de gravures, remontent pour certaines à près travaux, et plus particulièrement sur de 12 000 ans, à l’ère du paléolithique su- le territoire de la commune de Saint- périeur. Elles constituent un témoignage Aubin-Celloville où de nombreuses unique de la vie des hommes et de la pré- haches polies, silex taillés, hachoirs sence d’animaux vivants dans la vallée de prouvent de la présence d’ateliers de Seine pendant la dernière période de gla- taille de silex. ciation. Des vestiges de cabanes ont été éga- La grotte de Gouy est la seule cavité lement localisés et laissent supposer découverte à ce jour au nord de la Loire que la qualité du site avec ses sources, qui possède de telles gravures préhistori- notamment celle du Becquet, ont en- ques. Elle est fermée au public à cause de couragé un peuplement très ancien. son extrême fragilité.

18 Les édifices religieux

• L’église Saint-Pierre de Gouy

Lieux de culte et espaces de sociabilité, Sous le nom de Saint-Pierre, apôtre du les églises ont souvent rythmé la vie du Christ et premier évêque de Rome, elle village à travers les baptêmes, les maria- possède de nombreux éléments du XIIe ges, les enterrements et les différents of- siècle comme le portail et la nef qui sont fices religieux. Généralement rattachées à les vestiges de l’édifice primitif. Située au des abbayes, qui étaient propriétaires des cœur du village, l’église Saint-Pierre est terres, les édifices religieux avaient pour faite de silex pour la nef et de pierre de rôle de marquer le territoire de leur pré- taille avec un soubassement en brique. Sa sence et d’évangéliser les habitants. charpente est recouverte d’ardoises sauf L’église de Gouy est une ancienne cha- pour le porche avec sa toiture en tuiles pelle dépendant de l’abbaye de Jumiè- plates. ges. En 1147, Eugène III (pape de 1145 à L’église est entourée de son cimetière 1153) confirmait à l’abbaye la possession et possède un if âgé de 600 à 800 ans, de l’édifice. classé en 1932 à l’inventaire des Monu- 19 ments Historiques. D’une hauteur de 12 sés dont celui du curé qui envisageait de mètres, il symbolise la notion de vie et détruire l’église et d’en construire une de mort. Selon la mémoire locale il ren- nouvelle sur le même emplacement. Le fermait jadis une chapelle. manque de moyens financiers de la com- Au fil des siècles, de nombreux re- mune n’a pas permis la réalisation de ses maniements ont été effectués. Au XVIe desseins. Sur les conseils de l’architecte siècle, un porche construit en colombage des monuments de France et la consta- est venu agrémenter l’entrée de l’église. tation du mauvais état des combles, les Toutefois, il a fallu le XIXe siècle pour réparations ne pouvaient y être faites que l’église connaisse une période de sans un remaniement général des cou- grands travaux de réfection dont ceux vertures. L’insuffisance du chœur et son effectués en 1883. L’origine du projet état de vétusté ont encouragé le maire à était fondée sur l’agrandissement du faire voter le budget nécessaire pour lui chœur de la sacristie jugé trop exigüe. À donner une dimension convenable et re- cette époque, trois projets ont été propo- construire la sacristie.

20 Église Saint Pierre de Gouy 21 En près de six mois, de l’été 1885 à À l’intérieur, une Vierge à l’enfant en l’hiver 1886, les travaux sont réalisés bois polychrome et une statue de Sainte et ont permis aux habitants de retrouver Anne datées respectivement du XIIIe et du une église restaurée, se prêtant mieux à XVe-XVIe siècles témoignent toutes deux son usage cultuel. des techniques des artisans de l’époque.

• Les églises de Saint-Aubin-Celloville

L’actuelle commune de Saint-Aubin- son état primitif jusqu’au milieu du XIXe Celloville possède, depuis sa fusion en siècle où une série de grands travaux a 1829 avec Celloville, deux églises. été réalisée. La première située dans le bourg a été En 1861, la municipalité, avec l’aval édifiée au XIe siècle sous le nom de Saint- du conseil de Fabrique3, décida de la Aubin, évêque du VIe siècle et saint pa- reconstruire et de commencer par le tron de la commune. Construite en brique chœur et le clocher. et calcaire, son architecture est en forme Un an plus tard, le 21 Juillet 1862, la de croix latine, surmontée d’une flèche première pierre est posée par le Comte de polygonale. L’église est restée proche de Belbeuf et bénite par l’Abbé Pajot, doyen 22 3 Fabrique : conseil qui gère les biens et les revenus de la paroisse. de Boos. L’église est vouée au culte du Sacré Cœur de Jésus Christ dont une congrégation de sœurs est installée à Saint-Aubin-lès-Elbeuf ; une des sœurs de la congrégation était l’institutrice de l’école de filles de la commune. Il a fallu attendre l’année 1897 pour que les travaux de l’église soient achevés grâce à la participation financière im- portante de la famille Lerat, propriétaire du château d’Incar- ville et dont le fils venait de succéder à son père à la tête de la municipalité. Au fil des années, de nombreux vitraux ont été offerts par les habitants en actions de grâce, notamment celui rap- pelant un épisode de la Grande Guerre durant laquelle un bateau transportant un millier de soldats à destination de l’Indochine toucha une mine entre Malte et la côte Afri- caine et coula. À son bord, un sergent originaire de la commune fut l’un des rescapés et put regagner Bizerte à la nage distante de quelques kilomètres. Ce vitrail reprend le

Eglise de saint-Aubin-Celloville 23 24 Eglise saint-Pierre, Saint-Aubin-Celloville (Hameau de Celloville) principe de l’ex-voto, offrande faite à Dieu La fusion au XIXe siècle avec la commu- en demande ou en remerciements d’une ne de Saint-Aubin-la-Campagne, eut pour grâce obtenue. conséquence un abandon relatif de l’église Au cœur du hameau de Celloville, nom- de Celloville. Finalement, le 29 août 1880, mé au XIIIe siècle Sellonis Villa ou Serlo- le conseil municipal procéda à l’adjudication nis-Villa, son église vouée à Saint-Pierre de sa démolition sous prétexte du mauvais et Saint-Laurent dont les premières traces état de sa charpente. Face au refus de la Pré- remonteraient à la fin du XVIe siècle. fecture la municipalité décida alors de réno- La plus ancienne mention de son exis- ver la couverture de l’église. Cette anecdote tence se trouve dans un aveu rendu le 12 rappelle que la fusion entre les deux commu- octobre 1615 à la Seigneurie de Celloville nes ne se fit pas sans heurts, et qu’en 1849, par la Fabrique. En ce siècle, l’église de soit 20 ans après leur union, Celloville de- Celloville était sous le patronage des re- mandait à être séparée de Saint-Aubin. Tou- ligieuses de Sainte-Catherine de Rouen tefois, le peu d’habitants du territoire cello- avant d’être versée aux possessions de vilois ne pouvait à lui seul prétendre former l’abbaye des Chartreux qui l’ont conser- une commune et le refus de la Préfecture mit vée jusqu’à la Révolution. un terme définitif à ces réclamations. 25 Les domaines seigneuriaux

• Le château des seigneurs de Belbeuf

Situé en limite de commune, le château tion en pierre de taille et brique, encadrant de Gouy était à son origine un rendez-vous chacune des ouvertures de l’édifice, vient de chasse construit en 1755 par les seigneurs parfaire ce jeu d’équilibre. de Belbeuf. Une cave voûtée du XIVe siècle laisse supposer la présence primitive d’un Autour du château de nombreux bâti- château médiéval. Selon la tradition, lors du ments à ancienne fonction utilitaire comme siège de la ville de Rouen en 1592 par les le pressoir, les deux fours à pain et le co- troupes d’Henri IV, le roi y aurait séjourné lombier témoignent de l’ancrage agricole du 20 au 24 avril. et de la puissance du marquisat de Belbeuf. Constitué d’un étage et de combles, le Cette puissance fut renforcée en 1753, par château possède des formes architecturales l’obtention de la charge de grand panetier harmonieuses du fait de sa géométrie basée de Normandie acquise lors de la vente de sur son entrée principale couronnée d’un la terre de Gouy, par Monsieur de Renne- fronton à la forme triangulaire. Sa construc- ville et son rattachement au marquisat de 26 château de Gouy, ancien relais de chasse des marquis de Belbeuf 27 Belbeuf. À ce droit venaient s’ajouter de et possède une décoration en pilastre et nombreux autres privilèges, notamment moulure de style Renaissance insérés sur celui de pêcher sur la Seine, depuis l’eau un bâti de pierre de taille en calcaire. Bien du Becquet jusqu’à la Bouille, sans payer que les boulins aient disparu, l’importance le droit au Roi. de la taille du colombier (près de dix mè- Le grand panetier de Normandie pou- tres de diamètre) laisse supposer la toute vait aussi voyager sans frais grâce au droit puissance des seigneurs de Gouy. Produi- de : « Passer et repasser tant sur la terre sant un excellent engrais mais aussi une que sur la mer avec gens et chevaux par viande de substitution les jours d’hiver, tous ports et passages tant par eau ou par les pigeons étaient perçus par les paysans terre, en quelque lieu et quand bon lui sem- locaux comme une menace pour leurs blera, sans payer aucun tribut ni péage. » cultures. Privilège des seigneurs hauts justiciers, les Nous retrouvons dans le cahier des colombiers symbolisaient leur puissance plaintes, doléances et remontrances de la grâce aux nombres de boulins4 qui révé- paroisse de Gouy, daté du 29 mars 1789, la laient la taille de la propriété. demande des habitants d’enfermer les pi- Le colombier du château de Gouy geons du 1er juillet au 15 novembre et du 1er date de la seconde moitié du XVIe siècle mars au 1er mai, période des semences. 28 4 Boulins : trous dans le mur d’un pigeonnier ou du colombier qui servent de nids aux pigeons. Entrée principale du château de Gouy 29 • Le manoir d’Incarville

À proximité de l’ancienne propriété Véritable témoignage de cette pé- du marquisat de Belbeuf, se dresse le riode artistique de la Renaissance, une manoir d’Incarville, expression de la cheminée est adossée au mur pignon de puissance passée des seigneurs locaux. l’actuelle cuisine. Décorée d’une frise, La date de construction du manoir d’un motif d’armes et de réseaux géo- est inconnue mais sa première mention métriques, la cheminée porte un cartou- date de 1606, avec la présence d’un ora- che de marbre noir sur lequel est ins- toire ou d’une chapelle dans laquelle crit la devise : « Ma fin est mon bien, pouvaient être donnés les sacrements. mon bien est l’amour de Dieu ». Sur Organisé autour d’un colombier à plan la tablette assez étroite se dressent, de octogonal à deux niveaux du XVIe siècle chaque côté, deux nymphes en haut re- et d’une chapelle aujourd’hui détruite, lief occupant toute la hauteur comprise le manoir offre une façade en pans de entre le manteau et le plafond. À leurs bois surmontée d’une tourelle centrale pieds, aux angles du cadre, deux cuiras- formant un encorbellement et rythmant ses en bas relief sont surmontées d’un l’architecture du logis. casque.

30 Manoir d’Incarville, Saint-Aubin-Celloville 31 Les édifices républicains

• La Mairie-Ecole de Saint-Aubin-Celloville : une évolution architecturale au fil du temps

Les mairie-écoles sont nées à la fin Saint-Aubin-Celloville a construit sa du XIXe siècle, dans le sillage de la première mairie-école dans la mouvance Troisième République. L’origine de la de cette loi. De construction modeste, et construction des écoles remonte à la Mo- mesurant 15 mètres de long sur 7 mètres narchie de Juillet, où Guizot, ministre de de large, le bâtiment devait répondre à l’Instruction Publique, posa en 1833 les la double exigence d’offrir les condi- premiers fondements de l’enseignement tions indispensables de commodité, de public. Reposant sur l’idée que l’instruc- salubrité et ne pas dépasser les faibles tion contribuait au progrès général de la ressources de la commune. La premiè- société, cette loi organisa l’enseignement re pierre de la mairie-école a été posée primaire au profit des classes populaires. avec cérémonie par deux enfants, le 9 Sa mise en œuvre contribuera à déve- septembre 1838. lopper grandement l’alphabétisation en La mairie-école reposait sur un socle France. en maçonnerie de silex avec chaîne de 32 briques, et murs en pisé. Le bâtiment possédait un rez-de-chaussée distri- bué en une salle de mai- rie et une salle de classe toutes deux séparées par une cuisine et son cel- lier. Un escalier menait à une pièce où logeait l’instituteur. L’édifice se fait l’écho des canons architecturaux de l’épo- que au travers de son bâti massif et imposant, symbolisant l’affirma- tion de la République.

Mairie de Saint-Aubin-Celloville 33 Du fait d’un état de délabrement accé- des combles dans lesquelles il était logé. léré par une mauvaise réalisation et d’une En 1886, un préau, des cabinets d’aisance augmentation des effectifs scolaires, la ainsi qu’une cuisine viennent s’y ajouter. municipalité décida 40 ans plus tard, en Saint-Aubin-Celloville se vit ainsi 1878, d’ajouter un étage au bâti originel, doter d’une école répondant aux soucis tout en modifiant la distribution intérieure. hygiénistes de l’époque tout en ayant Elle y aménagea un logement plus grand la capacité d’accueillir les enfants de la pour l’instituteur afin de répondre à ses commune ainsi que ceux de Gouy qui ne nombreuses plaintes liées à l’inconfort possédait pas d’école.

• L’école des filles, une présence religieuse marquée

Parallèlement à la construction de la Aubin-lès-Elbeuf, proposa, dès 1834, ses mairie-école, une sœur de la congrégation services à la commune afin d’y instruire du Sacré Cœur de Jésus Christ de Saint- les jeunes filles dans une maison louée à Aubin-Jouxte-Boulleng, actuelle Saint- cet effet. 34 ancienne école des filles, saint-aubin-celloville 35 En 1851, un leg testamentaire de brique, le presbytère haut de deux éta- l’abbé Lefebvre, curé de Carville et ges, comporte sur son pignon une croix natif de Celloville, offrit à la commune en briques insérée dans sa construction une propriété qui servait de presbytè- témoin de sa fonction aujourd’hui dis- re et une rente de 1600 francs afin de parue. construire une école pour jeunes filles L’instruction des jeunes filles de sous réserve qu’elles puissent y être Saint-Aubin-Celloville s’est poursuivie instruites par une sœur de la Congréga- dans ce bâtiment jusqu’en 1913, date à tion du Sacré Cœur de Jésus-Christ. De laquelle sur proposition de la Préfecture 1856 à 1859, l’école est édifiée à proxi- de la Seine-Inférieure, de l’Académie mité de la mairie-école avec une salle et du conseil de l’hygiène, la municipa- de classe vaste et lumineuse se prêtant lité décida de réunir les deux classes au parfaitement à leur instruction grâce à sein de la mairie-école. de larges baies vitrées. Construite en L’ancienne école des filles fut finale- moellons de silex avec un chaînage en ment vendue par la commune en 1918.

36 • La mairie-école de Gouy, une naissance difficile

Dès le milieu du XIXe siècle, la com- ve la disjonction des écoles réunies mune de Gouy souhaitait construire sa de Saint-Aubin-Celloville et de Gouy propre école afin d’éviter aux enfants ainsi que la création de sa propre éco- de parcourir 12 kilomètres aller-retour le mixte. Provisoirement, la classe se sur un mauvais chemin traversant le fit dans la salle principale de la mai- bois Buclon ou de rejoindre l’école rie construite en 1860. L’instituteur des Authieux par la Route Nationale se voyait logé gracieusement pendant de Paris, alors en très mauvais état. deux années dans une maison achetée La distance entre les deux communes par la municipalité. a encouragé la municipalité de Gouy À cette époque, la commune de Gouy à demander cette disjonction refusée comptait 50 à 60 enfants des deux sexes deux fois auparavant par le conseil âgés de 5 à 13 ans susceptibles de fré- départemental de l’Instruction Publi- quenter l’école primaire sur une popu- que. Il a fallu attendre le 27 septembre lation totale de 328 habitants. Malgré 1888, pour que la municipalité approu- le refus du conseil départemental, le

37 38 Ancienne mairie école de Gouy conseil municipal s’obstinait dans ses de la population du village venue célé- volontés et dressa dès l’année 1876, un brer ce moment solennel. devis estimé à 14 500 francs afin de bâtir Construite en brique avec une fonda- l’école mixte. tion en cailloux et couverte en ardoises, En 1888, la municipalité mit à l’étu- la mairie-école se fait l’écho d’un style de un projet de construction d’école architectural sobre, à l’image du pres- comme annexe de la mairie actuelle et bytère distant à peine d’une dizaine de nomma une commission chargée d’as- mètres. Afin de donner à l’ensemble des sister le maire. Le 23 février 1890, la enfants de la commune de Gouy un en- commission accepta le projet. La mairie seignement gratuit, la commune a investi construite en 1860 fut alors détruite pour plus de 17 000 francs pour construire de laisser la place à une mairie-école bâtie nouveaux bâtiments. Ce budget impor- sous la direction de M. Marical, archi- tant pour un si modeste village, eut des tecte à Rouen. L’inauguration eut lieu le répercussions sur la mise en place des dimanche 15 octobre 1893, en présence projets à venir.

39 Saint-Aubin-Celloville et Gouy, mal- manque d’instruction des citoyens. gré leur taille modeste, participèrent Les différentes lois sur la scolarisation aux enjeux éducatifs de la toute jeune des jeunes français ont été à la base de IIIe République qui sont expliqués en l’évolution de l’éducation de la popula- partie par la défaite de 1870 et par le tion de notre pays.

• Les monuments aux morts

Première guerre industrielle mais aussi France à ériger un monument à la mémoire premier conflit où l’on dénombra autant de ses soldats. de morts, de mutilés et de traumatisés, la Près de 30 000 monuments ont été Première Guerre mondiale a provoqué un construits en France entre 1920 et 1925. choc profond chez les populations belligé- De taille, de matériaux et de réalisation va- rantes. La loi du 25 octobre 1919 exprime riant suivant les finances de la commune, le besoin de se souvenir des hommes tom- le monument aux morts reste un symbole bés au front et invite chaque commune de fort de nos villes et villages par lequel se 40 Monument aux morts de Gouy 41 transmet la mémoire des conflits du XXe nécessita l’aménagement d’un terrain à sa siècle auxquels la France participa. périphérie pour son érection. Quatre plots Gouy et Saint-Aubin-Celloville sont re- reliés par une chaîne séparent le monu- présentatives de ce culte mêlé de sacralité ment aux morts de son esplanade et lui et de souvenir des habitants tués durant le confère un aspect sacré. Il a été inauguré conflit. en grandes pompes le 29 octobre 1922. Le monument de Gouy a été réalisé Saint-Aubin-Celloville ne fut pas grâce à une souscription publique et des épargnée par la guerre et la mort de 8 de quêtes effectuées lors des mariages qui ses enfants encouragea la municipalité à ont permis, entre le 13 mars 1921 et le construire un monument aux morts réa- mois de juillet 1922, de récolter près de 3 lisé par le sculpteur Duchauchoy. Celui- 622 francs. Ces fonds ont servi à bâtir un ci a été érigé à l’entrée du village. La re- monument en forme d’obélisque dont les présentation d’un coq entouré du laurier lauriers de la victoire à sa base et la croix de la victoire, du drapeau national et de de guerre à sa pointe représentent des cri- la croix de guerre reprend des éléments tères stylistiques de l’époque. Le manque présents sur de nombreux monuments de place dans le cimetière de la commune aux morts. 42 Véritable commerce, les monuments aux morts répondaient à un catalogue d’éléments de décor pré- cis que pouvait choisir la commune en fonction de ses finances. Monuments du souvenir, ces édifices ont été souvent réutilisés pour commémorer le sou- venir des soldats morts durant la Seconde Guerre mondiale et les conflits de la décolonisation.

Monuments aux morts de Saint-Aubin-Celloville 43 • Les sapeurs pompiers : une histoire communale

L’histoire de la lutte contre le feu re- corps de sapeurs pompiers sont créés en monte à l’Antiquité mais il faut attendre France et la circulaire du 6 février 1815 le règne de Napoléon Bonaparte pour demanda aux préfets de constituer dans voir se constituer le premier corps des chaque commune un service civil de sapeurs- pompiers. La décision de former lutte contre les incendies sous l’autorité des hommes a été motivée à la suite du du Maire. grand incendie de l’ambassade d’Autri- L’une des craintes les plus impor- che. Survenu le 1er juillet 1810 lors d’un tantes dans les villages était celle des bal mené en l’honneur du mariage ci- incendies qui, faute de moyen et d’or- vil de Napoléon Ier avec l’Impératrice ganisation, pouvaient se propager et Joséphine de Beauharnais, l’incendie anéantir habitations et récoltes. C’est fit une dizaine de victimes ainsi que de l’un de ces graves incendies qui détrui- nombreux blessés et motiva l’Empereur sit, le 23 avril 1890, 5 maisons de la à instituer, par le décret du 18 septem- commune de Saint-Aubin-Celloville et bre 1811, le premier corps des sapeurs- qui encouragea la municipalité à se mu- pompiers de Paris. Progressivement, des nir d’une pompe à bras servie par une 44 Ancien abri de la pompe à incendie, actuellement bibliothèque municipale de Saint-Aubin-Celloville 45 compagnie de sapeurs pompiers volon- bitants furent formés pour manier la taires tous issus de la commune. pompe et pouvoir, le cas échéant, s’en En 1892, le conseil délibéra et ap- servir. Un siècle plus tard, un bâtiment prouva l’acquisition d’un matériel à subventionné en partie par le Dépar- incendie et accessoires ainsi que la tement recevait les équipements des construction d’un abri pour la pompe à pompiers nécessaires au bon fonction- incendie. Un an plus tard, la pompe à nement du centre jusqu’à sa fermeture bras du même modèle que celle utilisée le 31 décembre 1999 suite à la dépar- à Paris, possédait son abri en face de la tementalisation des Services d’Incendie mairie. et de Secours. Construit en mœllon de silex avec Gouy, à l’image de Saint-Aubin-Cello- chaînage de brique et toit en ardoise, ville, se dota d’une compagnie de sapeurs l’abri avait la particularité de posséder pompiers volontaires. Elle acheta dès 1865 un habitacle en forme de couloir afin une pompe à incendie qui fut logée dans un d’accueillir, le temps d’une nuit, les abri situé encore de nos jours entre la mai- voyageurs ou chemineaux de passage. rie et l’école. Cet abri, de style architectural Parallèlement, une quinzaine d’ha- simple et fonctionnel, est construit en un 46 appareillage de brique et couvert d’un toit en ardoise s’harmonisant ainsi avec l’architecture de la mairie-école.

En 1921, dix pom- piers volontaires ser- vaient la commune, ils étaient astreints tous les ans à un exercice de maniement et d’uti- lisation de la pompe. Le corps a été dissout le 24 octobre 1975.

Ancien abri de la pompe à incendie de gouy 47 Entre intérêts et religiosité

• L’histoire de Saint-Aubin-les-Fous

Le développement de la psychiatrie en main d’œuvre corvéable à souhait ont France et des soins apportés aux malades encouragé des paysans à les recevoir. sont des pratiques récentes qui commencè- Les familles qui avaient en charge ces rent à apparaître au milieu du XIXe siècle. simples d’esprit préféraient les confier Ce n’est que vers la fin du XVIe siècle aux habitants volontaire que les voir dé- que l’on trouve en Normandie la trace périr dans les fosses malsaines des pri- de paysans acceptant d’accueillir en sons. Dès le XVIe siècle, la commune pension des personnes déficientes men- de Saint-Aubin a accepté en pension ces tales que l’on nommait à l’époque des « insensés ». Il y avait possibilité pour insensés. Il n’y avait rien de philanth- les familles de conserver leur honneur ropique dans cet accueil, mais l’apport tout en se débarrassant d’individus ju- d’un revenu complémentaire et d’une gés indésirables. Si les insensés étaient

48 considérés « en pension », ils restaient le tain Bradechat, qui transforma sa ferme plus souvent jusqu’à leur mort dans ces pour y loger plusieurs insensés afin de familles d’accueil. les faire travailler lorsque cela était Le coût de la pension dans la com- possible. Parallèlement, cet habitant de mune était moins élevé que la prise en Saint-Aubin prit en résidence des indi- charge par les abbayes, ce qui motivait vidus totalement privés de raison qu’il de nombreuses familles à placer ces décida d’enchaîner dans une bâtisse en simples d’esprit dans les fermes. Le sort retrait de la vie villageoise afin de tou- des résidents n’était toutefois pas en- cher les pensions. À cette époque, aucun viable entre les travaux harassants de la contrôle n’était effectué par les autori- terre, les mauvais traitements et les nuits tés. Cette maison de force a survécu aux passées à être enchainés. vicissitudes du temps et se dresse dans le En 1694, une maison de force, an- hameau de Celloville. Malgré les amé- cêtre très lointaine de nos hôpitaux nagements, le bâti conserve la trame psychiatriques, a été ouverte par un cer- architecturale de l’époque. Construit

49 en colombage avec des murs en pisé, la ce qu’elle devait verser comme pension maison de force possédait un sol en terre et qui devait toujours se situer entre 200 battue, et nous imaginons aisément les et 350 livres, payables par quartier et conditions dans lesquelles les insensés y d’avance. vivaient. Dès la fin du XVIIIe, l’activité com- Cette activité d’accueil a pris un tel mença à péricliter du fait d’agents natio- essor que le seigneur local de l’époque et naux venant constater que les insensés d’autres paysans ont accueilli à leur tour étaient livrés à eux-mêmes et de la pé- des insensés. Pour être admis dans ces tition du Sieur Baraguay, Seigneur d’In- maisons de force, aucun certificat médi- carville, dans laquelle il montrait tout cal n’était nécessaire. Le Procureur du le danger de laisser en liberté ces per- Parlement faisait comparaitre devant lui sonnes simples d’esprit. L’activité cessa la famille qui sollicitait l’internement. totalement après 1825 avec l’ouverture Selon la situation, elle fixait elle-même de l’asile Saint Yon, à Rouen.

50 • La Maison Sainte-Anne

Au centre du bourg de Gouy se tions sont créés, l’un à Paris, l’autre à dresse un manoir qui selon la tradition a Orléans et le dernier à Rouen. été bâti au XVIIIe siècle par deux juges Le but de l’institution était de re- de la Cour d’Appel de Rouen. Cette cueillir des orphelines jusqu’à leur 21 demeure de villégiature leur permettait ans afin de les préserver du danger de de goûter, à deux pas de Rouen, à la la perversion (sic) en les éduquant par quiétude des lieux. Après plusieurs suc- des cours de morale et de sciences hu- cessions, la bâtisse est vendue dans les maines tout en respectant les règles de années 1930 aux sœurs de la Congréga- l’ordre de Saint-Augustin observées tion du Bon Pasteur. Les sœurs du Bon par les sœurs. Le domaine de Gouy Pasteur sont issues d’une Congrégation accueillit jusqu’en 1968 des anciennes fondée en 1827 par 3 religieuses, Mère filles des rues venues se réfugier dans Anjorrant, Mère Veilhault et Mère Page une vie de recueillement et de prière. de Monfort. À l’époque, 3 centres d’ac- Certaines, après 6 mois de postulat,

51 52 Ancienne maison Sainte-Anne, Gouy pouvaient entrer dans la vie reli- gieuse en prenant part aux exer- cices du noviciat. Lors du retour dans la société, les pensionnaires ne sont pas abandonnées, leurs mères spirituelles s’employaient à leur procurer un travail qui of- frait toute garantie. C’est ainsi que se dresse dans le centre-bourg de la commune, un vaste logis du XVIIIe siècle qui, malgré l’ad- jonction d’une aile à la fin du XXe, conserve son architecture de style classique avec un aména- gement sur 2 étages grâce à des combles percées de lucarnes.

53 Les fondements d’une identité rurale

• Le travail de la terre : l’exploitation de l’argile

La brique apparaît dans le pays de ce, notamment, à l’ouverture de briquete- Caux dès le XIe et connaît son apogée aux ries. Ces ouvertures se faisaient avec une XVIIIe et XIXe siècles. Au cours de ces autorisation préalable de la préfecture. À deux siècles, la brique remplaça peu à peu la fin de ce siècle,17 fours étaient recensés la pierre, le torchis et le colombage. Elle sur le territoire de la commune. était fabriquée avec le limon des plateaux L’extraction de la brique se pratiquait et l’argile que l’on retrouve en grande par le biais de puits généralement taillés quantité dans notre région. pour le passage d’un homme. Ces excava- Le sol de la commune de Saint-Aubin- tions d’une profondeur de 2 à 3 mètres sont Celloville recèle de nombreuses veines creusées de manière à accéder à la couche que les habitants ont su très tôt exploiter. d’argile. Après avoir atteint la veine à ex- Véritable manne financière pour la com- ploiter, les ouvriers ouvraient perpendi- mune, l’extraction de la marne ne cessa culairement à ce puits de courtes galeries d’augmenter au cours du XIXe siècle grâ- de 2 à 3 mètres de long dans lesquelles ils 54 Exploitation du sol par les villageois 55 séparaient les veines de sable de celles de argileuses étaient menées par la commune marne. Le filon épuisé, un autre puits est dont le bénéfice était affecté au bureau de creusé à côté de l’ancien et ce dernier est bienfaisance aidant ainsi les plus démunis. rebouché par la terre extraite du nouveau. L’extraction de la marne se faisait en hi- Chaque extraction devait être déclarée ver et il fallait environ 325 m3 de terre au préalable à la mairie avec les quantités pour rendre la fabrication rentable. Au à extraire, le garde-champêtre venait lui- printemps, la terre extraite était appor- même vérifier. La quantité extraite était tée à la briqueterie et l’on commençait à soumise à taxe par la municipalité. Ainsi, fabriquer des briques du mois de mai au en 1891, la mairie percevait par mètre de mois de septembre, avant que ne débutent marne récoltée, 20 centimes de franc pour les gelées. La terre était ensuite malaxée les habitants de Saint-Aubin-Celloville ou par une machine afin d’en sortir des bri- 50 centimes de franc si les ouvriers étaient ques qui étaient par la suite séchées et étrangers à la commune. calibrées. Durant 2 journées 10 000 bri- Pour une commune de taille modeste ques étaient empilées dans le four pour et à faibles moyen, l’extraction de la mar- une fournée et 5 personnes travaillaient ne constituait un profit substanciel. Paral- à son remplissage. L’ouverture du four lèlement, des ventes régulières de terres était colmatée par des briques déjà cuites 56 Un des nombreux fours à briques présent au XXe siècle à Saint-Aubin-Celloville 57 puis enduites avec de l’argile pour que la tiers de la commune. L’activité déclina pro- chaleur ne s’échappe pas. gressivement jusqu’à disparaître pendant la La cuisson était une opération délicate dernière guerre mondiale par l’interdiction puisqu’elle consistait à démarrer à feu de l’occupant allemand qui craignait que doux afin de faire monter progressivement les fours servent de balises ou de repères la température jusqu’à 1500 degrés. Il ne aux bombardiers alliés. fallait pas moins de 30 rasières de coke Situé sur un terrain privé dans le ha- (une rasière est égale à 70 litres et 14 cen- meau de Celloville un four à briques, der- tilitres) et 5 tonnes de charbon de terre nier vestige de ce passé, témoigne de cette pour entretenir la chaleur du four pendant activité qui a été supplantée par les gran- quatre jours sans interruption. À la fin de des productions industrielles des années la cuisson, les ouvriers devaient attendre 50. Construit en briques avec un tirant5 de 4 jours que celui-ci refroidisse avant de fer permettant d’enserrer le bâtiment, son l’ouvrir tant les murs étaient épais (envi- diamètre de 5,30 mètres et celui intérieur ron 1,20 mètres). de 2,90 mètres témoignent de l’épaisseur 6 à 7 fournées par an étaient effectuées des murs nécessaires à la bonne cuisson selon les besoins par les principaux brique- des briques.

58 5 Tirant : pièce de bois ou de métal qui entoure une construction pour s’opposer à son écartement. • D’une rive à l’autre de la Seine : le passage d’eau de Port Saint-Ouen

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le fleuve abus. Le décret impérial du 2 septem- représenta le meilleur moyen d’achemi- bre 1862 mit en place des tarifs selon le nement des marchandises avant que le type de transports à effectuer. Un poteau développement de la route et l’apparition planté sur chaque rive indiquait le tarif d’un service de transports viennent le avec le niveau d’eau au-dessus duquel supplanter. le supplément de taxe était exigible ainsi Située à quelques kilomètres de Rouen, que le niveau des hautes eaux au-dessus qui était, du XVe au XVIIIe siècles, la desquelles tout passage était interdit. Un deuxième ville de France après Paris, Port- autre bornage délimitait le passage qui Saint-Ouen possédait un quai de charge- généralement ne dépassait pas 500 mètres ment et déchargement de marchandises, de largeur. mais aussi un point de passage reliant les À cette réglementation s’ajoutait celle deux rives. Le passage d’eau était tenu par illustrée par 2 certificats, l’un d’aptitude un fermier qui, par adjudication, obtenait à la navigation et l’autre de moralité. un bail de 6 années pour son exploitation. Ces certificats étaient délivrés par la À l’origine, le fermier appliquait ses pro- mairie où le fermier exerçait son métier pres tarifs ce qui générait de nombreux de passeur. 59 Le service s’effectuait du lever au cou- À cette époque, de nombreux passa- cher du soleil, le fermier et ses 2 mariniers ges jalonnaient la Seine dont celui de devaient avoir une loge à proximité du port Tourville. Selon l’ingénieur en chef de afin d’y effectuer en permanence le transit la navigation de la Seine, le passage entre les 2 rives. Le passage était irrégulier d’eau de Port-Saint-Ouen n’avait aucun et se composait en moyenne de 2 à 3 voya- élément suffisant de vitalité pour que ges consécutifs. l’État puisse espérer en tirer un profit En 1874, le passage d’eau de Port-Saint- appréciable. Ouen possédait un bateau dit « passe-che- En 1887, il disparaît suite à une chute val » et 2 batelets. Le bateau pouvait trans- de sa fréquentation, à l’absence de repre- porter 5 chevaux, animaux de traits ou 25 neur et au développement de la compagnie passagers. Les 2 batelets avaient une ca- des omnibus à vapeur. En effet, dès 1881, pacité de transport de 10 passagers y com- un service de bateaux omnibus assurait la pris le marinier, sa propulsion se faisait au liaison entre Rouen et Elbeuf. La commu- moyen d’un aviron de nage. Chacun des ne de Gouy, afin de profiter de ce trans- bateaux recevait en lettres noires sur fond port, lança le projet d’établir un ponton blanc le nom du passage d’eau auquel il le long de l’île Guerrart située en face de était rattaché. Port-Saint-Ouen. Si le tirant d’eau n’était 60 pas suffisant pour permettre d’y amarrer Aucune trace ne subsiste de ce passé le bateau, le problème fut réglé 3 années fluvial du fait de la destruction du port sur- plus tard, en 1884, grâce au dragage de la venue lors de l’aménagement de la route Seine et à la construction d’un nouveau départementale 7 menant à Tourville-la- port sur la rive de Port-Saint-Ouen. Rivière.

omnibus à vapeur reliant Les Authieux Port-Saint-Ouen, Amfreville-la-mivoie et Rouen 61 Entre rural et péri-urbain Un équilibre préservé

La péri-urbanisation est un processus Gouy sont représentatives de ce phéno- d’extension spatiale de la ville né il y a mène. une quarantaine d’années. Connaissant l’exode rural dès le mi- Par-delà le choix politique et la den- lieu du XIXe siècle, ces deux communes sification du maillage routier permettant assistent depuis la fin des années 50 à une meilleure communication entre la un afflux de population issu pour la plu- ville et l’espace rural, le choix d’une part des zones urbaines. Afin de loger partie de la population est à souligner. ces nouveaux venus, une politique de Quittant les centres urbains afin de trou- construction de logements a été entre- ver une meilleure qualité de vie à proxi- prise. mité d’une offre de services importante, Progressivement, la construction de de nombreux citadins s’installent dans lotissements sur des terrains voués à un ces secteurs. Saint-Aubin-Celloville et usage agricole transforme le maillage

62 lotissement des fryes à gouy 63 et le visage de la commune en intégrant À Saint-Aubin-Celloville, la volonté l’usage de nouveaux matériaux et la municipale relève du même souhait création de nouvelles rues. La fusion du d’intégration. Les premiers logements bâti récent et ancien marque la continui- crées en 1961, à même le centre bourg, té historique de la commune. sont caractérisés par dix habitations Les lotissements des Fryes et de la Pom- HLM de type F3-F4 en brique qui per- meraie, en témoignent. La parcelle des Fryes mettent de ne pas marquer de rupture reprend le nom de la pâture communale sur avec les constructions environnantes laquelle s’étendent à présent des habita- plus anciennes. tions. Le lotissement a été bâti de manière De nos jours, nous assistons également à respecter les anciennes routes et s’intégre à un nouveau phénomène orienté vers une parfaitement avec le centre historique du prise de conscience environnementale qui village. Situés en proche périphérie du cen- encourage de nombreux arrivants à vou- tre-bourg ou construits sur des terrains plus loir construire une habitation dans une anciens, ces groupes d’habitations sont l’ex- logique raisonnée en termes d’économie pression du renouvellement communal. d’énergie.

64 Les communes de Gouy et de Saint-Aubin-Celloville possèdent, pour celui qui sait prendre le temps de s’y arrêter, un patrimoine bâti et naturel fort intéressant.

Entité rurale, artisanale mais aussi industrielle, Gouy et Saint-Aubin-Celloville don- nent le visage de deux communes actives sachant conjuguer ruralité et modernisme.

L’opportunité de leurs situations géographiques à moins de 20 minutes de Rouen et à la périphérie du département de l’Eure leur offrent un vrai défi, celui de savoir construire un avenir entre tradition et progrès.

Ce livret a été tiré à 4 000 exemplaires sur les presses de l’imprimerie E.T.C. à (76) Dépôt légal : février 2010. N°ISBN 2 - 913914-94-2 Clément Damé N°ISSN 1774-3346 © La CREA 65 Conception, réalisation et suivi : Photos : Direction Culture de la CREA © Clément Damé Serge Martin-Desgranges

Études et documentation : Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie Contacts : Service régional de l’Inventaire Direction de la Culture CREA Jérôme Decoux 14 bis, avenue Pasteur - BP 589 76006 Rouen Cedex 1 Aide à la coordination : Tél : 02 32 76 44 95 Direction des Petites Communes Fax : 02 32 08 48 65 de la CREA e-mail : [email protected] Paule Gatinet Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie Conception graphique et réalisation : 2, rue Maladrerie, 76 000 Rouen Nicolas Carbonnier e-mail : [email protected]

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