« Woodlands and Beyond... » Hélène Grimaud / Mat Hennek Mercredi 25 Octobre 2017 – 20H30
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« Woodlands and beyond... » Hélène Grimaud / Mat Hennek Mercredi 25 octobre 2017 – 20h30 GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE PROGRAMME Luciano Berio Piano aquatique Nitin Sawhney Water - Transition 1 Toru Takemitsu Rain Tree / Sketch II Nitin Sawhney Water - Transition 2 Gabriel Fauré Barcarolle n° 5 Nitin Sawhney Water - Transition 1 Maurice Ravel Jeux d’eau Nitin Sawhney Water - Transition 4 Isaac Albéniz Almeria Nitin Sawhney Water - Transition 5 Franz Liszt Les Jeux d’eau de la villa d’Este Nitin Sawhney Water - Transition 6 Leoš Janácek Dans les brumes – 1. Andante Nitin Sawhney Water - Transition 7 Claude Debussy La Cathédrale engloutie Hélène Grimaud, piano Mat Hennek, installation photo FIN DU CONCERT VERS 21H30 L’infini, et au-delà… Après avoir donné le tout premier récital de l’histoire de la Philharmonie de Paris, Hélène Grimaud revient seule sur scène, mais dans une toute autre configuration. Avec « Woodlands and beyond… », elle repense le récital, ce concept créé par Franz Liszt dans les années 1840 et qu’il est peut-être temps d’envisager sous un jour nouveau. La musicienne a souhaité avec « Woodlands and beyond… » mêler les arts, faire se percuter les sens, en une symbiose apte à favoriser la rêverie et ces fameuses correspondances chères à Baudelaire. La juxtaposition de la musique, qui reprend celle de l’album Water, et des photographies de la nature de l’artiste allemand Mat Hennek, rend possible l’éclosion d’un nouveau champ imaginaire. Des strates de conscience, des rapproche- ments inattendus se dévoilent pour les auditeurs/spectateurs. Et pour l’artiste elle-même. Rappelons que pendant certaines périodes de sa vie, Hélène Grimaud n’a pas travaillé sur l’instrument mais mentalement, par associations d’images, de couleurs. L’abstraction voulue par Mat Hennek permet de voir dans ses créations autant des photographies, des peintures, que des architectures. Les eaux dormantes de Rain Tree Sketch II de Takemitsu, les gerbes de lumière des Jeux d’eau de Ravel, le tintement lointain de la cloche de la Cathédrale engloutie de Debussy, la nostalgie ouatée d’Almeria d’Albéniz, l’insaisissable étrangeté de la mélodie initiale de Dans les brumes de Janacek, prennent ainsi une résonance particulière, se propageant dans des régions insoupçonnées, tant physiques que mentales. L’artiste française n’est pas la première à se produire en récital avec un dispositif visuel. On se souvient que dans « Pictures reframed », Leif Ove Andsnes jouait les Tableaux d’une exposition de Moussorgski au sein d’une « performance » inédite. Mais il n’y était pas autant question de nature. Cette nature, si essentielle pour Hélène Grimaud. Au-delà de sa relation aux loups, qui a beaucoup fait pour sa légende, elle entretient un rapport particulier avec les paysages, la faune et la flore. Son amour de la nature plonge ses racines dans l’enfance, et la décou- verte de la Camargue. Confrontée à la sauvagerie des lieux, et au-delà de la communion et de l’harmonie avec les éléments, elle a la révélation, 4 encore obscure, d’un grand dessein. La puissance du fleuve, les étangs scintillants à perte de vue marquent une fascination durable pour l’eau, domaine des ondines et des sirènes, lieux de tous les sortilèges et invitation au rêve. Plus tard, elle aime se retrouver entourée d’immenses espaces où elle peut mettre à l’épreuve sa solitude. Loin d’être un frein, elle lui fait entrevoir tout un jeu des possibles. Pour Hélène Grimaud, qui a toujours ressenti la nécessité de vivre à proximité d’un cours d’eau, les paysages sont musique : le vent dans les arbres, l’eau qui serpente comme une ligne mélodique sans fin, toujours changeante, d’une inépuisable douceur legato. Hélène Grimaud ? Au-delà de la pianiste, une aventurière, hors cadre, hors norme. Une intuitive, pour qui la raison ne vient que dans un second temps. Et dotée d’une force vitale qui lui fait soulever bien des montagnes. Bertrand Boissard 5 « Woodlands » et au-delà… Hélène Grimaud répond aux questions de Anna-Kristina Laue Anna-Kristina Laue : Hélène Grimaud, […] quelle est l’idée de ce spectacle ? À quoi le public doit-il s’attendre ? Hélène Grimaud : C’est bien sûr toujours très difficile de décrire à l’avance ce que les gens vont ressentir. En fait, c’est l’inverse que l’on souhaite dans un concert. On cherche à créer un espace ouvert où chacun peut donner libre cours à son imagination. Ceci dit, je suis absolument convaincue que ce spectacle va emmener le public dans un grand voyage. On en a déjà fait l’expérience il y a quelques années au Festival de Mecklembourg-Poméranie et c’est pourquoi on voulait reprendre le spectacle et le pousser plus loin. On a eu tellement de plaisir à le préparer et le public nous l’a tellement rendu… Les réactions ont été très sponta- nées, beaucoup de gens ont évoqué ensuite leur ressenti, disant avoir été en même temps « pris par la main et touché au cœur ». Autrement dit, ils ont vraiment développé un sentiment d’identité dans l’espace, sentiment qui a créé une dimension supplémentaire de la perception. Et l’espace a été perçu différemment. Woodlands renferme tous les symboles du romantisme allemand, il exprime ce que je considère comme un fondement et une condition préalable : la Nature est l’origine de toute chose. Nous n’inventons rien, nous ne faisons que sentir après coup et découvrir ce qui a toujours été là. Je suis fascinée en m’apercevant dans mes lectures combien de compo- siteurs ont trouvé leur inspiration en se promenant dans les bois. Ils sont nombreux à expliquer avoir eu l’impression que le vent leur murmurait la musique à travers le bruissement des feuilles. Ils revenaient ensuite de leur promenade et se mettaient à composer comme si la musique leur avait été insufflée. La Nature est pour moi la preuve du spirituel et la musique représente un pont pour y accéder. Il me semble donc logique de relier ces deux dimensions pour créer une atmosphère particulière, spatiale, qui emmène le public et lui parle à plusieurs niveaux. 6 Ce que je trouve si merveilleux dans l’art de Mat, c’est qu’il est incroya- blement poétique, mais a par ailleurs un côté abstrait qui donne de l’espace. Notre spectacle ne se déroule pas au premier degré, selon le principe : on prend de la musique à programme et on ajoute des images qui donnent à voir exactement ce que la musique est censée exprimer. Ce n’est pas cela que nous cherchons, mais un contexte bien plus ouvert et abstrait. Au moment où vous assistez au spectacle, cela vous donne tout le spectre des possibilités pour déployer votre imagination et explorer votre monde sensible. Il s’agit donc de découvrir l’inconnu et de s’aventurer dans une nouvelle dimension, sans garantie – on ne sait pas ce que l’on va trouver de l’autre côté. Car c’est vraiment à ce moment-là que la transformation se produit, lorsqu’on abandonne le terrain sûr. Ce moment où on est trop loin pour pouvoir vite revenir lorsque le danger menace, mais pas encore assez proche pour atteindre l’autre bord. C’est dans cette zone que tout se déroule. Là se trouve l’idée du spectacle. Et bien sûr entre en jeu aussi tout ce que la beauté de l’art peut apporter du point de vue de l’ins- piration, de l’aptitude à communiquer avec son vrai moi et à exploiter tout son potentiel, à créer un monde où l’on donne soudain naissance à des images qui sont si vivantes que l’on peut les rappeler à la mémoire une fois que l’expérience est terminée. C’est de cela qu’il s’agit dans ce spectacle et c’est la raison pour laquelle je veux emprunter cette voie aussi souvent que possible. A.-K. L : Mais vous ne souhaitez pas donner au préalable le nom des compositeurs et des œuvres... H. G. : Non, parce qu’il ne s’agit pas des œuvres et des images en tant que telles, c’est un contexte bien plus libre. Je peux vous dire quand même qu’il y aura des compositeurs d’époques très différentes, entre autres des œuvres romantiques et impressionnistes. 7 A.-K. L : Les photos de la série sont-elles fixées une fois pour toutes ou Mat Hennek continue-t-il à travailler sur le sujet ? H. G. : Les deux. Il y a un stock important de photos qui ont été faites en deux phases particulièrement intensives sur plusieurs années. Mais chaque œuvre d’art continue à se développer, me semble-t-il, de nombreux artistes le montrent. C’est ce que je trouve si intéressant dans Woodlands, on sent les deux : la continuité d’un côté, les différentes perspectives de l’autre. Mat continue à y travailler. Parfois les sujets se transforment, mais parfois aussi seule la vue que l’on en a ou la postpro- duction transforme l’œuvre. Le bois fait partie de la mythologie dans de nombreuses cultures, il porte une forte signification, est considéré comme mystérieux, magique même. Les paysages de Mat sont fortement marqués par ce thème. A.-K. L : Vous inspirez-vous mutuellement ? Cela arrive-t-il que vous jouiez quelque chose au piano et qu’il choisisse un sujet particulier ou que vous voyiez l’une de ses photos et ayez soudain envie de jouer un certain morceau ? H. G. : Oui, cela arrive très souvent, mais la plupart du temps de manière inconsciente. Les associations sont toujours là.