Universite De Provence Lettres Et Sciences Humaines
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UNIVERSITE DE PROVENCE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES UFR ERLAOS Département d’Etudes Luso-Brésiliennes Année 2006-2007 Les fruits brésiliens dans l’iconographie (XVIe - XXe siècles) : Entre exotisme et identité Volume I Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master II Aire Culturelle Romane, Spécialisation portugais par Karine Lehmann sous la direction de Madame Ernestine Carreira 1 TABLE DES MATIERES VOLUME I Introduction 1 Première partie : L’EDEN RETROUVE 6 1 – De l’image du Paradis Terrestre 6 a) D’abord il y eut l’Eden 8 b) Des premières images de fruits 11 2 – De l’image coloniale 21 a) Les artistes au service d’une idéologie 22 b) De la représentation naturaliste des fruits 30 c) Les fruits dans les arts décoratifs 34 Deuxième partie : LES FRUITS DE LA CONNAISSANCE 39 1 – De l’image scientifique 42 a) La botanique et l’iconographie 43 b) Des fruits et des expéditions 48 2 – De l’image romantique 54 a) La mission artistique et civilisatrice 55 b) Du pittoresque à l’ « état d’âme » 65 c) De la propagande coloniale 75 Troisième partie : LES FRUITS DU METISSAGE 83 1 – De l’image « reflet » 87 a) Le « second » naturalisme 88 b) Des fruits photogéniques 90 2 – De l’image métisse 99 a) Pourquoi le Brésil ? 100 b) Un art métis régionaliste 110 Conclusion 121 Bibliographie 123 2 L’image, la représentation d’un « ailleurs édénique », prirent dans l’Histoire de notre civilisation une place importante depuis les premiers voyages des Européens, en particulier ceux qui concernent le Nouveau Monde. De Marco Polo, dont les voyages en Extrême-Orient vers 1275 créèrent une des premières références dans la perception de l’Autre, à Claude Lévi-Strauss ou Pierre Verger, qui donnèrent une nouvelle approche anthropologique de l’Amérique des années 1950 (pour l’essentiel, des différents peuples qui composent la culture brésilienne), des témoignages nous sont parvenus : en littérature, à travers des récits de missionnaires, carnets de voyages, explorations scientifiques ; en images, qu’il s’agisse de descriptions naturalistes, missions artistiques, séjours officiels ou à titre personnel ; ou encore par la photographie (ethnologues à la recherche des dernières peuplades isolées, romantiques poursuivant leur idéal ou journalistes en reportages). Pourquoi cet univers exerça-t-il tant de fascination (et continue-t-il à fasciner), alors que Christophe Colomb venait de découvrir un fruit succulent nommé nana nana, le « parfum des parfums » ? Comment le mythe du Paradis Perdu fut-il diffusé, à travers les récits et les illustrations ? Dans quelle mesure les grands voyages scientifiques ont-ils contribué à développer dans l’esprit européen, d’abord, une appropriation des produits de cette terre luxuriante et enchanteresse ? Puis, sur le propre continent américain, lorsque ces nations se furent émancipées, de quelle manière se construisit cette réappropriation identitaire à travers l’iconographie ? L’exotisme tant utilisé, si galvaudé souvent, de lieux, de mets et de peuples, revêt-il aujourd’hui la même signification ? Ne traduit-il pas une certaine pensée « colonialiste » européenne, exprimée de manières différentes selon les pays, à l’origine de l’image persistante, dans notre société actuelle, de concepts préétablis ? Ces questions soulèvent plusieurs problématiques. Tout d’abord, la représentation iconographique des objets « exotiques » doit être considérée selon la définition des valeurs exotiques par rapport à une civilisation. Ensuite, nous devrons établir quel a été le rôle qu’ont tenu les pays européens dans la divulgation de ces produits. En effet, comme l’affirmera Roger Bezombes, « l’exotisme apparaît donc, à un certain degré, comme un phénomène de civilisation ; il s’insinue dans les mœurs, les modes et, plus encore, dans les solennités 3 publiques. […] c’est le fruit d’une rêverie de peintre et de poète attirés par la magie du soleil et le rêve de l’impossible »1. Depuis le Mundus Novus d’Amerigo Vespucci, publié en 1503, première illustration qui allait jouer le rôle majeur dont nous connaissons les conséquences sur la création des Amériques, l’identité de ces images a évolué de façon spécifique. Les images, principaux témoins des voyages, explorations et propagandes, sont en même temps l’un des plus importants vecteurs de communication, au fil des siècles, entre le nouveau continent « découvert » et la civilisation européenne en pleine expansion, depuis la fin du Moyen-Âge, jusqu’à l’indépendance de la plupart des colonies au XXe siècle. Plus encore, ce sera au cours de ce XXe siècle, grâce, entre autres, à la diffusion massive de la photographie, et à l’extension du tourisme vers des contrées lointaines, que l’imaginaire européen va continuer de développer un véritable engouement pour ces fabuleuses visions. De plus, cet imaginaire se propage et acquiert diverses caractéristiques, au travers de ses mutations : on passe d’une vision idéalisée du fruit à la réalité de sa représentation. En effet, au XVIIe siècle, d’une consommation alors réservée au roi, nous nous trouvons, à l’époque contemporaine, face à des cultures intensives, diffusées en très grandes quantités dans le monde entier (la consommation de masse de la banane, par exemple, a été l’une de plus spectaculaires révolutions alimentaires du XXe siècle). Par conséquent, nous assisterons au cours des siècles à une évolution dans l’idéalisation des végétaux représentatifs du Brésil. Du point de vue iconographique, en fonction des époques, des techniques et des objectifs commerciaux de l’Ancien Monde, vont ainsi se mêler réalisme et fantasmes, rêverie et témoignages. Le contrôle religieux et politique des états coloniaux figera pendant plusieurs centaines d’années la représentation d’exotismes archaïques préétablis, nous dirions aujourd’hui formatés, pour un public avide de sensations. Cette étude a été orientée en partie par des travaux comme ceux d’Ana Maria de Moraes Belluzzo (O Brasil dos Viajantes : imaginário do novo mundo, 1994, 3 vols.), livre remarquable qui retrace l’histoire de l’art au Brésil du point de vue idéologique. Nous nous sommes également basée sur l’excellent mémoire de “Mestrado” d’Histoire de María Lucília Barbosa Seixas, “A natureza brasileira nas fontes portuguesas do século XVI, para uma tipologia das grandezas do Brasil” (2001), ainsi que sur les œuvres de Sérgio Buarque de Holanda (Visão do Paraíso, 1959) et Gilberto Freyre (Casa Grande e Senzala, 1933 ) pour leur contenu extrêmement édifiant sur la formation de la société brésilienne. 1 R. Bezombes, L’exotisme dans l’art et la pensée, Paris, Elsevier, 1953, Avant-propos, p. XXI. 4 De plus, des études comme Le Brésil vu par les voyageurs et les marins Français (1816-1840) de Jeanine Potelet (1993), ou celles de Franck Lestringant sur l’abbé Thevet et Jean de Léry (depuis 1980), se révèlent incontournables pour une approche tant sociale qu’esthétique du Brésil. Enfin, les catalogues d’expositions et les livres d’art sur le Brésil ont été une précieuse et belle découverte d’une iconographie riche à tous points de vue, desquels nous avons extrait la majeure partie de la collection présentée dans ce mémoire. Au cours de cette réflexion, nous avons ainsi réuni un certain nombre d’images éparses qui ont constitué notre corpus iconographique, et conceptualisé notre sujet. En effet, le présent travail est divisé en deux volumes : le premier expose la problématique que nous tenterons de clarifier, à savoir comment une réappropriation identitaire a pu s’effectuer à travers la représentation des fruits brésiliens, du XVIe au XXe siècle. Le deuxième volume illustrera notre travail, sous forme de fiches d’auteurs et de représentations de fruits caractéristiques du Brésil, et formera les annexes. Vingt-quatre artistes, que nous présenterons à travers leurs œuvres, au total quatre-vingt documents analysés (plus quelques-uns non commentés, venus confirmer l’importante source iconographique que constituent les fruits de ce pays). L’option choisie dans cette étude, à savoir l’iconographie du fruit brésilien, l’a été en fonction de sa valeur hautement symbolique dans l’histoire de l’art liée au Brésil, et à sa permanence jusqu’aujourd’hui. En effet, l’abondance de représentation depuis les premières années de la colonisation est le signe d’un intérêt toujours renouvelé pour la végétation tropicale et en particulier celle de l’ancienne colonie portugaise. Car l’iconographie des fruits américains est un vaste champ de travail qui n’a pas encore été exploré en conséquence. La mise en valeur esthétique de végétaux tels que l’ananas, la banane ou la noix de cajou (dans une grande majorité), dans des contextes et des objectifs variés dont l’analyse sera au centre de ce travail, nous renseigne systématiquement sur la provenance des artistes, l’époque et l’idéologie de la société dans laquelle ils évoluent. A partir de ces supports iconographiques, et en trois principales étapes, nous essayerons de mettre au jour quel a été le rôle des artistes et des savants dans la diffusion de ces images. Nous verrons donc, par l’observation de gravures, peintures, aquarelles, dessins, lithographies, photographies, chromolithographies, mosaïques, ou encore xylogravures, que des valeurs d’exotisme établies à travers l’iconographie des fruits tropicaux peuvent perdurer dans les représentations actuelles. 5 La première partie sera consacrée à la présentation des premières références iconographiques, par le biais, pour la plupart, des missionnaires portugais et français qui ont commencé à explorer le nouveau monde, et spécialement cette immense espace lusophone de l’Amérique du Sud. L’abbé André Thevet, Jean de Léry et Cristóvão de Lisboa représentent les premiers « naturalistes » et « ethnologues » qui contribuèrent à diffuser la végétation outre-atlantique, et les Hollandais en donnèrent ensuite une image bien particulière, dans leur tentative de s’approprier un territoire au nord-est du Brésil. Dans une seconde partie, ce travail a également pour objectif de montrer que la représentation iconographique des XVIIIe et XIXe siècles fut de façon globale extrêmement féconde en images « exotiques », car liée à l’exploitation coloniale par une Europe toujours désireuse de trouver dans « l’Ailleurs » américain son Eldorado paradisiaque.