Sommaire du CHAPITRE 1 L'origine de l'agriculture

Origine de l’agriculture...... 2

Quelques concepts et terminologie ...... 5

Historique des recherches sur l'origine de l'agriculture et l'évolution des plantes cultivées ...... 6

Centre A1 (Moyen-Orient; croissant fertile) ...... 12

Le développement agricole en Amérique...... 15

Centre C1 centre méso-américain ; Mexique central ...... 16

Non-centre C2 ou centre sud-américain du plateau andéen ...... 19

Centre B1 ou Centre Chinois ...... 24

Le non-centre africain A2 - Centre d'agriculture africaine indigène ...... 26

Le non-centre du sud-est asiatique (B2) ...... 27

Centre nord-américain ...... 29

Quelques exceptions: Trois plantes d'importance alimentaire dont la n'est pas reliée à un centre d'origine précis ...... 31

HYPOTHESES sur les causes de l’origine du développement agricole: passage de la période du paléolithique au néolithique circa. 10 000 A.P...... 31

Références ...... 35

ANNEXE 1

La Méthode de datation du C1...... 37

La microscopie électronique à balayage ...... 39

Références de l’annexe 1 ...... 40

- 1 - CHAPITRE 1

L'origine de l'agriculture

’Homme social a commencé sa lente évolution sur la terre il y a déjà plus de 4,5 millions d'années, si l'on Laccepte que les hominidés de l'Afrique de l'Est étaient socialement mieux structurés et plus orga-nisés dans leur quête de nourriture que les singes. Certains anthropologues sont plus restrictifs dans leurs critères et pla- cent l'Homme social à une date plus récente, il y a environ 2,5 millions d'années, quand Homo habilis a dévelop- pé un langage structuré conditionné par des modifications de la structure du larynx. Entre 900 000 et 400 000 années avant le présent (A.P.), les groupes humains avaient maîtrisé et uti-lisé le feu dans diverses régions du monde pour se réchauffer, pour se protéger et, peut-être, ont-t-ils aussi commencé à l'utiliser pour y cuire leurs aliments. L'Homme moderne (Homo sapiens sapiens ) fait son apparition il y a environ 100 000 ans, mais l'a- griculture, comprenant la culture des plantes et leurs modifications par ce processus ainsi que la domestication des animaux, ne fait son apparition qu'il y 10 000 ans. Si l'on se rapporte à une échelle relative correspondant à une année complète, le développement de l'agriculture par rapport à la première apparition de l'Homme social, il y a 2,5 millions d'années (ce qui équivaut à minuit et une fraction de seconde le 1er janvier), ne serait apparu que le 30 décembre vers 17h00 ( Figure 1). Des quelque 83 milliards d'humains qui se sont succédés au cours des générations depuis l'origine de l'Homme, près de 90 % ont vécu de la Calendrier de l'aventure humaine cueillette, de la chasse et de la pêche alors que, moins de 6 % se sont prévalus de l'a- 3 griculture et environ 5 % ont été impliqués 2 dans les sociétés industrielles développées o erectus Hom au cours des deux derniers siècles. La -1 250 0 -1 460 000

0 quête de nourriture par le biais de la cueil- -1 668 000 lette, de la chasse et de la pêche des 00 -1 881 000

-1 045 00 ressources naturelles, a donc été une activ- -836 000

ité qui a permis aux humains d'évoluer en -2 085 00 Juin -628 000 s Mai i l A bre i vril société pendant plus de 99,8 % de la péri- 0 Juillet b -416 000 Août a Mars 4 h -2 2 ode couverte par sa présence sur la terre. 92 000 Septem o Février Octobre -208 000 5 m Novembre 6

D'un point de vue temporel, ce mode de vie o Janvier bre 7

H Décem 1 8 a été celui qui a persisté le plus longtemps -2 500 000 ans 1998 sur la terre. Ce mode de subsistance a per- 1 1er janvier à 0 heure: apparition d'Home habilis, campement de base, premiers outils, langage articulé 2 12 mai à 9h30 : Home erectus en Afrique mis aux humains d'accumuler une expéri- 3 25 juin à 5 heures: Home erectus arrive en Europe et en Asie 4 14 décembre à midi: apparition de l'Homme de Néandertal et des Homo sapiens archaïques ence accrue sur des nombreuses 5 18 décembre à 20h30: l'Homme enterre ses morts 6 26 décembre à 22h30: apparition de l'Homme de Cro-Magnon, l'Homme invente l'Art ressources alimentaires de leur milieu et de 7 30 décembre à 17 heures: sédentarisation, élevage, agriculture 8 31 décembre à 3h: invention de la métallurgie devenir d'excellents cueilleurs, chasseurs à 10 h: invention de l'ériture et pêcheurs pour exploiter de façon effi- à 23h55: conquête de la Lune cace les nombreuses ressources offertes à eux.

La survie et le bien être de ces populations dépendaient des sources de nourriture et celles-ci n'étaient pas constantes au cours des saisons, particulièrement en dehors des régions tropicales. Ceci obligeait les groupes humains à se déplacer à la recherche de nourriture. Tous les experts s'accordent sur le fait que les populations humaines de la période pré-agricole étaient nomades ou, dans les meilleures conditions environnementales, semi-nomades. Les populations consistaient en un nombre restreint d'individus et leurs croissances étaient con- trôlées par les ressources alimentaires des régions qu'elles occupaient. Les maladies et les épisodes de malnu- trition pendant les périodes défavorables contribuaient à réduire la taille de ces populations, parfois aidé par un contrôle intentionnel tel que l'infanticide ou l'abandon des individus blessés, malades ou plus âgés. Jusqu'à la fin du 19ème siècle, la plupart des "experts" suggéraient que ces peuples pré-agricoles étaient constam- ment affamés et à la recherche de nourriture. Implicitement, l'on considérait que ces peuples primitifs avaient

- 2 - peu de possibilités pour développer des activités sociales (et culturelles) qui n'étaient pas directement reliées à leur quête alimentaire et à leur survie. L'on estimait aussi que leur alimentation était pauvre et débalancée et que les individus souffraient de carences nutritives qui réduisaient leur potentiel de survie et de développement social et culturel. Cette vision de ce que devait être la vie des populations humaines de la période pré-agricole a été profondément modifiée à la suite d'études anthropologiques effectuées sur certaines populations nomades non-agricoles qui subsistaient, encore au 20ème siècle, de la cueillette, de la chasse et de la pêche. De plus, les découvertes archéologiques récentes de sites et de grottes occupées par l'homme au cours de périodes datées entre 12 000 et au-delà de 50 000 années A.P. (avant le présent) suggèrent des activités sociales et culturelles qui sont incompatibles avec une vision restrictive et stéréotypée de la vie et du développement socioculturel des sociétés pré-agricoles du paléolithique. Les découvertes des peintures rupestres élaborées dans les grottes de Lascaux dans le sud de la France en 1942 et plus récemment, celles de Cosquer et Chauvet, suggèrent une société pré-agricole où les activités artistiques et culturelles avaient une place importante. Ces peintures sont datées de 18 000 à 34 000 années A.P. et déno- tent une sensibilité artistique qui n'aurait pu être développée par des individus d'un groupe humain contraint à répondre constamment à des besoins primaires ou étant exempts de périodes de loisirs. La présence de sta- tuettes de fertilité et des signes de rituels nécrologiques complexes tels qu'observés dans des sites d'occupation humaine remontant à 55 000 années A.P. en Europe centrale et en Asie mineure indique l'existence de groupes humains possédant des activités socioculturelles bien structurées. Bien qu'il soit impossible de connaître le nombre exact d'humains habitant la surface de la terre juste avant l'avènement de l'agriculture il y 10 000 ans, celle ci a été estimée à environ 10 millions d'habitants. Au début de l'ère chrétienne, les fermiers avaient probablement utilisé la moitié des terres agricoles des régions habitées et à l'époque de la découverte de l'Amérique la surface terrestre habitée par les peuples non-agricoles avait dimi- nué dramatiquement et était réduite aux régions trop arides, froides ou humides pour permettre l'agriculture. Vers le début du 17ème siècle, quand la population humaine eut atteint les 350 millions, les cueilleurs-chasseurs, estimés à environ 750 000 individus, occupaient encore la totalité du continent australien, la plupart de l'Ouest de l'Amérique du Nord et certaines régions de l'Amérique centrale et du sud, de l'Afrique, du sud-est de l'Asie et de l'Océanie. Au début du 20ème siècle, période à laquelle les ethnographes ont commencé à s'intéresser aux peuples "primitifs", la population mondiale atteignait les 3 milliards d'habitants et les individus vivant encore de la cueillette et de la chasse représentaient moins de 0.001% de la population, soit environ 20-30 000 individus. En 2001, il n'existe plus que quelques populations isolées dans certaines régions équatoriales de l'Amérique du Sud, du sud de l'Asie et de l'Arctique, mais celles-ci ont vu au cours des trois dernières décennies leur mode de vie fortement influencée par les populations agricoles avoisinantes qui ont envahi leur territoire suite aux pres- sions démographiques locales. Dans le cas des populations de l'Arctique (Lapons, Inuits et Eskimos) leur mode de vie a été modifié par l'action des gouvernements qui ont eu tendance à regrouper les populations nomades dans des villages et les soumettre à un mode de vie sédentaire. Plusieurs ethnographes et anthropologues ont étudié certaines populations de cueilleurs-chasseurs au cours du 20ème siècle dans le but d'essayer de reconstruire le mode de vie des peuples du Paléolithique. Ces chercheurs ont reconnu que ces analyses, du fait d'un échantillonnage restreint vivant dans des conditions ponctuelles, pourraient ne pas refléter avec fidélité le mode de vie de populations qui ont existé des milliers d'an- nées auparavant. De plus dans certains cas l'influence des populations agricoles avoisinantes pourraient avoir affecté de façon subtile leur mode de vie même si les populations nomades ne pratiquaient pas l'agriculture au moment où elles étaient soumises aux études. Quatre études distinctes, réalisées entre 1920 et 1980, ont été retenues pour la discussion qui suit. Elles ont analysé des groupes de chasseurs-cueilleurs provenant de quatre continents et habitant des régions climatiques distinctes. Deux de ces études concernent des chasseurs-cueilleurs habitant des zones semi-désertiques du désert de Kalahari (Afrique australe) et de l'Australie centrale et centre-nord. L'étude la plus complète fût effec- tuée par les anthropologues Lee et DeVore (1968) au Kalahari et concerne les boshimans Kung! Il existe un pa- rallèle dans la manière que les bochimans et les aborigènes australiens organisaient leurs activités de cueillette et de chasse dans leurs milieux respectifs. Les deux groupes s'organisaient en bandes nomades comprenant entre 8 et 15 individus et se déplaçaient au gré des ressources alimentaires. Les femmes et les enfants faisaient la cueillette des végétaux et de petits gibiers tandis que les hommes, incluant les jeunes pubères, s'adonnaient à la chasse de plus gros gibiers, bien que cette activité soit considérée comme un sport plutôt qu'une nécessité.

- 3 - La viande provenant de la chasse était appréciée mais elle n'était pas considérée essentielle pour une nutrition adéquate. Les membres de la bande faisaient la cueillette et la chasse pendant deux jours et se reposaient le troisième jour. Autant chez les bochimans que chez les aborigènes australiens, seulement 3 à 4 heures par jour étaient nécessaires pour obtenir suffisamment d'aliments pour la bande. En moyenne, les bochimans avaient besoin de 12 à 19 heures par semaine pour obtenir les aliments nécessaires pour les membres du groupe. Les analyses de la nourriture des bochimans basée principalement sur les noix de mongongo (Ricinodendron rauta- nenii Schinz.), ressource abondante pendant toute l'année dans le désert du Kalahari, nous montrent une diète riche en protéines (trois fois supérieure au minimum journalier de 30 g suggéré par les Nations Unies) et plus qu'adéquate en calories (2300 à 3200 cal.). Cette diète était supérieure en calories et en protéines à celle que les tribus agricoles (Bantous) de l'Afrique du Sud obtenaient des aliments issus de leurs récoltes. Les aborigènes australiens dépendaient de graines d'Acacia (Légumineuses), de graines de plusieurs graminées et autres plantes et, dans les régions plus chaudes au nord de l'Australie, de tubercules d'igname. (Dioscorea) Les enfants et les vieillards des bandes de bochimans n'étaient pas obligés de s'adonner à ces activités et étaient pris sous la protection des autres membres même s'ils ne travaillaient pas. Malgré les conditions contraignantes des régions semi-désertiques qu'ils habitaient, les deux groupes de cueilleurs-chasseurs avaient beaucoup de temps pour les loisirs. Les individus participaient à des activités musicales, des chants, des danses, des peintures corporelles, des rituels et cérémonies, des rites de passage, des arts créatifs et décorations d'objets utiles ainsi qu'à des longues sessions de racontage d'histoires et de souvenirs. Ces études nous dépeignent un mode de vie beaucoup plus diversifié et moins contraignant et brutal que celui qui avait été suggéré et accepté auparavant pour décrire la vie de tous les jours des cueilleurs-chasseurs du paléolithique. Deux autres études scientifiques ont été effectuées sur des groupes de cueilleurs-chasseurs des régions trop- icales dans des périodes récentes. La première concerne les "Tasadays" de l'île de Luson aux Philippines et la sec- onde celle des Amérindiens Ache habitant le Paraguay. Dans le premier cas, il s'agit d'une tribu découverte vers la fin des années 50 dans les forêts tropicales du sud de l'île de Luson. Ce groupe composé d'une vingtaine d'in- dividus n'avait apparemment jamais pratiqué l'agriculture et vivait de la cueillette, de la chasse et de la pêche dans un milieu favorisé par les conditions climatiques et riches en espèces animales et végétales. De nombreux experts, incluant des anthropologues, sociologues, ethnologues, experts linguistiques, botanistes et zoologistes, furent descendus par hélicoptère sur le site, qui fut mis en quarantaine, afin étudier ce groupe humain. Les études démontrèrent que les membres du groupe se déplaçaient pour la recherche d'aliments et que leur diète était diversifiée et riche. Dans ce milieu plus favorable que celui des bochimans et des aborigènes australiens, la quête de nourriture prenait moins de temps pour satisfaire les besoins alimentaires du groupe. Les activités de cueillette et de chasse étaient partagées par les membres du groupe et les déplacements se faisaient sur des dis- tances assez courtes autour d'un point de ralliement central. Un grand nombre d'activités sociales et "culturelles" remplissaient les nombreuses heures de loisirs. Une controverse éclata quelques années après la conclusion de cette étude. Des experts philippins accusèrent le gouvernement de Marcos d'avoir "fabriqué" et inventé de toute pièce les Tasadays et leur mode de vie "primitive" basée sur la cueillette et la chasse. D'après eux, les Tasadays n'étaient que des agriculteurs de villages adjacents à la réserve qui auraient été mis à contribution pour détourn- er l'attention des problèmes politiques graves qui, par la suite, provoquèrent la chute du gouvernement du prési- dent Marcos. Quelques années plus tard, les membres scientifiques de l'expédition se réunirent à l'Université Stanford et majoritairement conclurent à l'authenticité des Tasadays, car, d'après eux, les preuves cumulées par les experts étaient trop concordantes et il était impossible que des individus analphabètes puissent réussir à tromper tous les experts et scientifiques suite à de nombreuses semaines d'interrogatoires de toutes sortes. L'étude de la tribu Ache localisée dans la région Ouest du Paraguay est plus récente. Les analyses anthro- pologiques rapportées en 1989 font état de bandes d'Amérindiens n'ayant pas pratiqué l'agriculture et vivant des ressources de la forêt obtenues par la cueillette et la chasse. Comme c'est le cas pour les Tasadays, le temps néces- saire à la récolte de produits végétaux et à la chasse de gibier ne représentait que quelques heures par jour avec de nombreuses périodes utilisées pour les loisirs et les diverses activités sociales et culturelles. À l'époque où le rapport fût publié certains groupes avaient déjà été assimilés par des organisations religieuses et leur mode de vie s'était sédentarisé et adapté aux conditions de la vie "moderne". Ces deux paires d'études, établies sous des conditions environnementales et climatiques opposées, concordent pour dépeindre un mode de vie différent de celui que l'on avait suggéré comme étant régit principalement par

- 4 - la recherche de nourriture. Par extrapolation, les analyses suggèrent que les peuples nomades et semi-nomades qui occupaient certaines régions du globe avant l'avènement de l'agriculture suivaient un mode de vie qui leur permettaient une certaine liberté pour développer des activités socioculturelles. Il est très probable que les périodes de loisirs permettaient aussi à certains de leurs membres de poursuivre des réflexions qui se sont éventuellement traduits par des innovations techniques et une organisation sociale plus adéquate au fonctionnement cohérent des groupes humains auxquels ils appartenaient. Ces changements sont apparents dans les périodes plus récentes du paléolithique, à partir de 50 000 années A.P. et surtout, pendant la période de l'Épipaléolithique qui représente la phase accélérée d'un développement dit "agrotechnique" (20 000-10 000 années A.P.) où l'on pro- duit des outils, armes et instruments plus performants qui sont utilisés pour la cueillette, la chasse et la pêche (Kislev 1984). Cette constatation, qui est de nos jours appuyée par la plupart des experts, établit un certain para- doxe, car elle réfute la notion largement soutenue dans le passé que l'agriculture s'est développée à cause des pressions établies par les besoins primaires associées à la recherche constante de nourriture. Nous allons pass- er en revue dans ce chapitre les diverses hypothèses qui ont été proposées pour expliquer l'origine du processus agricole. Mais auparavant nous devons discuter des différentes recherches archéologiques, biologiques et so- ciologiques effectuées au cours des deux derniers siècles qui nous permettent de reconstruire les premières phases du développement agricole, dans les différentes régions du monde, à la fois dans un contexte temporel et géographique. Dans cette perspective, nous intégrerons les connaissances générales sur l'origine des principales plantes et des principaux animaux qui contribuèrent au développement agricole, à l'alimentation et au bien être de l'Homme. Une analyse détaillée sur l'origine et l'évolution des plantes agricoles discutées dans cette mono- graphie sera présentée dans chacun des chapitres ou sections correspondantes.

Quelques concepts et terminologie

Plusieurs termes et concepts qui sont associés aux processus du développement agricole et à l'évolution des plantes cultivées doivent être définis et clarifiés. Définie dans un contexte strict, l'agriculture est un processus où les plantes et les animaux sont pris en main par l'Homme et soumis à une culture (plantes) ou à un élevage (animaux) dont les étapes de développement, de crois- sance et de production sont dirigées et contrôlées par celui-ci. Dans un contexte général, le soin apporté aux plantes peut être minimal ou intensif. Par exemple, un soin minimal serait le débroussaillage autour de certaines plantes spontanées retrouvées dans un environnement naturel, le détournement de certains cours d'eau pour irriguer des populations de plantes spontanées établies sans aide de l'Homme. Il y a aussi la taille et l'élagage de certains individus arbustifs ou arborescents spontanés en vue d'en contrôler la production de ou la pro- duction de bois. Le processus agricole et l'agriculture, tel que nous le discutons dans le contexte de ce chapitre, impliquent des soins soutenus au cours des différentes étapes du processus, allant de la préparation du sol en vue des semailles à la récolte dans le cas des plantes et un contrôle suivi de la naissance à la production (viande, lait, laine, cuir, miel, etc.) dans le cas de l'élevage des animaux. Dans le cas des plantes, les espèces "spontanées" ou dites "sauvages" sont celles qui sont associées aux milieux ou environnements naturels et qui n'ont pas été modifiées génétiquement par l'homme. En français, le terme "spontané" est préféré à celui de "sauvage" ce dernier étant une traduction littérale du terme anglais "wild". Les termes "plantes cultivées" ou "plantes sous culture" sont parfois substitués par le terme "plantes domes- tiquées". Ces termes ne sont pas strictement équivalents le terme "domestication" est utilisé pour décrire un processus qui est plus élaboré que le terme "sous culture". La domestication implique une modification géné- tique des plantes qui est provoquée par l'activité humaine. Dans la plupart des cas, le processus de domestica- tion suit de près celui de la culture car n'importe quel processus de sélection d'individus (par exemple, l'utili- sation préférentielle de certains individus d'une population spontanée comme source de graines pour les plan- tations futures) engendrera, et ce parfois dès la première génération, des différences génétiques ( en termes de population) entre les plantes cultivées et celles de la population spontanée originale. En anglais, le terme "domestication" est utilisé pour décrire un processus impliquant autant les plantes que les animaux, tandis qu'en français ce terme est, pour les puristes, plus restrictif et réservé uniquement aux animaux, car il implique un changement comportemental qui s'applique aux plantes seulement de façon figurative. A défaut d'un terme équivalent en français pour caractériser les plantes, le mot "domestication" ou "domestiqué" sera utilisée au sens large (comme en anglais) dans le texte de cette monographie.

- 5 - Historique des recherches sur l'origine de l'agriculture et l'évolution des plantes cultivées

A la suite des conquêtes d'Alexandre Le Grand, au cours du 3ème siècle avant notre ère, un certain nombre d'écrits anciens, remontant à la période classique, rapportent des descriptions de plantes cultivées provenant de la région méditerranéenne et de l'Asie et mentionnent leur lieu d'origine. Cet intérêt se déplace vers les plantes médicinales et les épices au cours du Moyen Âge, époque durant laque- lle les herboristes, associés aux monastères et/ou à la noblesse, décrivirent un grand nombre de plantes cul- tivées pour leurs propriétés médicinales en Europe et certaines régions de l'Asie. L'ère des grandes explorations maritimes à partir du 15ème siècle et la découverte de l'Amérique (1492) va permettre une expansion des con- naissances des plantes cultivées par les civilisations et peuples des autres continents. Vers la fin du 18ème siè- cle de nombreux traités taxonomiques, celui de Linnée en tête, font mention de la majorité des principales plantes cultivées et répertoriées dans tous les continents. Les informations nécessaires pour effectuer une syn- thèse sérieuse sur l'origine des plantes cultivées au niveau global ne seront disponibles que vers la moitié du 19 ème siècle. Le botaniste suisse Alphonse de Candolle fut le premier à effectuer une étude de synthèse sérieuse et bien documentée pour l'époque, sur l'évolution des plantes cultivées. En 1856, il publie une monographie "Origines des plantes cultivées" où, à la lumière de son expérience et de ses connaissances approfondies de la taxonomie et de la phytogéographie, il fait une synthèse sur l'évolution des plantes cultivées à partir de l'information obtenue des études archéologiques, géographique, linguistique et d'histoire naturelle publiées jusqu'à cette époque. Ses explications sur la "transformation" des plantes cultivées à partir des plantes spontanées sont erronées, car à cette époque il ne pouvait bénéficier des connaissances sur les mécanismes héréditaires étudiés par Mendel et qui ne seront dévoilés que 45 ans plus tard. Par contre, plusieurs de ses conclusions sur l'orig- ine géographique d'un bon nombre de plantes cultivées se sont avérées exactes par la suite. Quelques 70 ans plus tard, une nouvelle analyse sur l'origine des plantes cultivées fut réalisée par l'a- gronome et généticien russe Nikolay Ivanovish Vavilov qui publia en 1926 un essai en honneur de de Candolle, qu'il intitula " Essai sur l'origine des plantes cultivées" suivi d'une synthèse publiée en 1940 qui fut rééditée et traduite plusieurs années après sa mort tragique en 1942. Vavilov devint directeur de l'Institut d'Amélioration des Plantes de l'URSS en 1920 et il établit un programme de recherches et d'expéditions dans plusieurs régions du monde afin d'établir une collection diversifiée d'un grand nombre d'espèces cultivées afin de les utiliser dans les programmes d'amélioration génétique. Pendant près de 10 ans, Vavilov et ses collègues visitèrent 52 pays différents et ramassèrent des graines et des plantes de plusieurs centaines de milliers de variétés d'un grand nombre de plantes cultivées, des tropiques aux régions tempérées de tous les continents. À partir de cette vaste collection de germoplasme, Vavilov et ses collègues cartographièrent la distribution et le degré de diversité génétique des plantes cultivées. Ils observèrent que certaines régions du monde exhibaient de très hauts taux de variabilité pour une certaine plante cultivée, tandis que dans d'autres régions, la variabilité était relativement plus basse. Vavilov fit le raisonnement suivant: étant donné que la diversité géné- tique des formes cultivées d'une espèce est le résultat de l'expérimentation et de l'action délibérée de la sélec- tion humaine dans un contexte temporel, elle indique que cette espèce est cultivée depuis très longtemps dans cette région. D'après lui, la région géographique où l'espèce cultivée présentait la plus grande diversité de formes (et implicitement le plus haut degré de variation génétique) devait être l'endroit où cette espèce avait été domestiquée en premier. Ceci devait être encore plus vrai si la plupart des variations génétiques observées étaient contrôlée par des gènes dominants. Un deuxième critère était que la région où l'on retrouvait la ou les espèces spontanées apparentées à l'espèce cultivée avait la plus grande probabilité d'être celle où la domesti- cation avait eu lieu pour la première fois. Entre 1926 et 1940, cette étude de "phytogéographie différentielle", comme la décrivait Vavilov, fut élargie à la plupart des espèces cultivées d'importance ce qui permit à Vavilov de délimiter six, et par la suite, huit centres principaux de domestication des plantes cultivées en appliquant ces deux critères. (Figure 2).

Plus tard certains des collaborateurs de Vavilov ajoutèrent d'autres centres ou regroupèrent deux centres en un, mais les 8 centres sont généralement utilisés pour décrire la contribution de Vavilov. Ces centres sont le cen- tre chinois, le centre indochinois-indonésien (comprenant deux unités), le centre indien, le centre du Moyen-

- 6 - Orient, le centre abyssinien (Éthiopie), le centre méditer- ranéen, le centre Centre- américain-mexicain et le cen- tre andéen. (Comprenant trois unités en Amérique du Sud).

Le tableau 1 rapporte la liste les plantes cultivées les plus importantes que Vavilov asso- cia aux différents centres d'o- rigines déterminée par la méthode de phytogéographie différentielle. Figure 2. Les huit centres de l’origine de l’agriculture selon N.I. Vavilov Les analyses subséquentes (modifié de Harlan, J.R. 1975) effectuées par le groupe de recherche de Vavilov et par d'autres chercheurs démontrèrent que pour certaines espèces les formes domestiquées pouvaient être et étaient originaires d'une région, mais que leur diversité pouvait être beaucoup plus importante dans une autre région. De ce fait, les analyses ultérieures approfondies ont démontré que certaines des plantes cultivées étudiées par Vavilov furent assignées de façon erronée à certains centres d'origine. Vavilov était conscient de ce fait et

Tableau 1.-Plantes cultivées d'importance qui ont été assignées par Vavilov (1926) aux différents centres de diversité

Centre 1 : soja, chanvre, oranger, pèche, thé, murrier, pavot. (Chinois)

Centre 2 (2,2a) : bananier, arbre à pain, pois chiche, citron, cocotier, (sud-sud-est de l'Asie) mango, poivre noir, riz, sesame, canne à sucre, ignames.

Centre 3 : pommier, carrotte, raisin, onion, pois, poire, radis, épinard. (Centre sud-est de l'Asie)

Centre 4 : blé engrain, blé , seigle, lucerne, figuier,lin, noisetier, (Moyen-Orient) lentille, melon, avoine, coing.

Centre 5 : Asperge, betterave de table, choux, carobier, lavande, (Méditerranéen) échalotte, laitue, Olivier.

Centre 6 : orge, ricin, cafétier, africain, millet perlé. (abyssinien)

Centre 7 : maïs, avocat, haricot commun, cacao, cotton, piment (méxicain- rouge, courges. Centre américain)

Centre 8 (8,8a,8b) : manioc, arachide, ananas, pomme de terre, citrouille, (Amérique du sud-Andéen) arbre caoutchouc, tabac, tomate.

- 7 - développa le concept de "centre secondaire" de diversité pour décrire cette situation. C'est le cas des centres abyssiniens en ce qui concerne le blé, l'orge et l'avoine et le centre sud-américain 8b (sud du Chili) en ce qui concerne la pomme de terre. Comme la discussion qui suit l'indique, les propositions de Vavilov concernant les centres d'origine ont été reformulées et modifiées au cours des dernières décennies à la lueur des nombreuses découvertes et analyses archéologiques, génétiques et éthno-sociologiques plus récentes. Bien que l'objectif principal de Vavilov était de cerner les centres de diversité génétique des plantes cultivées pour l'aider à planifier ses programmes d'amélio- ration génétique, ses analyses ont fortement influencé l'orientation des recherches ultérieures sur l'origine de l'agriculture et de la domestication des plantes. La contribution de Vavilov fut interrompue en 1940, lorsqu'il fut emprisonné par les autorités staliniennes à cause de sa défense des principes de la génétique et de l'évolution, en opposition aux dogmes établis par T. D. Lysenko. Ce dernier, un agronome, imposa, avec l'appui de Stalin, une philosophie de dialectique marxiste à toutes les activités scientifiques de l'URSS en forçant les biologistes à accepter sa théorie sur l'hérédité des caractères acquis comme une réalité tangible. Vavilov décéda en 1942 des sévices subis en captivité au goulag. Son apport à la science et sa réhabilitation ne fut finalement reconnue en URSS que vers 1957, quatre ans après la mort de Stalin à la suite de l'expulsion de Lysenko de tous ses postes de dirigeant à l'Académie des Sciences et autres organismes scientifiques de l'URSS.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, de nombreuses expéditions archéologiques et recher- ches furent organisées dans le but de déterminer les régions et les périodes où et pendant lesquelles l'agricul- ture a remplacé la cueillette et la chasse comme moyen de subsistance des populations humaines. Les expéditions archéologiques antérieures s'étaient principalement intéressées à étudier les grandes réalisations architecturales ainsi que la hiérarchie sociale et religieuse des grandes civilisations anciennes agricoles. À l'inverse, plusieurs expéditions d'après guerre se sont intéressées à l'analyse, dans un contexte anthropologique social et culturel, de la période charnière chevauchant le paléolithique et le néolithique. Contrairement au passé, ces expéditions étaient aussi de plus en plus multidisciplinaires, car l'on reconnaissait que la reconstruction du processus de domestication ayant donné lieu au développement agricole ne pouvait se faire sans l'intégration des connais- sances apportées par les analyses archéologiques, taxonomiques, génétiques, cytologiques et ethnologiques. À la suite de ces expéditions, qui seront mentionnées dans le contexte des discussions des différents centres d'orig- ine de domestication des plantes cultivées et des animaux, le botaniste américain Jack Harlan a effectué à par- tir de 1960 une synthèse des informations recueillies et a développé le concept de centres et non-centres. À par- tir de 1950, les chercheurs de ces groupes interdisciplinaires pouvaient compter sur de nouvelles méthodes d'analyses qui n'étaient pas disponibles auparavant. La technique de flottaison mise au point par le botaniste américain Hugh Cutler vers 1950, fut un développement important pour les recherches sur le terrain. Cette tech- nique permet de récupérer les échantillons de végétaux dans les strates lors des fouilles archéologiques. Les diverses méthodes de datation des échantillons par la technique du C14 , développées à partir de 1948, permirent d'estimer l'âge des échantillons d'origine organique récupérés lors des fouilles. (Voir détails sur ces méthodes à l'index) La mise au point du microscope électronique à transmission et surtout du microscope électronique à balayage (MEB, SEM) facilita l'étude des structures des restes de plantes et d'animaux et permis de déterminer avec plus de précision si ceux-ci provenaient d'individus domestiqués ou sauvages.

Ces analyses, basées sur des connaissances et données beaucoup plus complètes que celles disponibles au temps de Vavilov ont permis à Harlan de caractériser 3 centres géographiques bien définis, situées au nord de l'équateur là où des plantes importantes comme le blé, l'orge, la lentille, le petit pois, le maïs, les haricots et le soja ont été domestiquées. Trois régions beaucoup plus diffuses, situées dans les régions équatoriales et s'étalant dans l'hémisphère sud de trois continents, sont aussi reconnues par Harlan comme étant impliquées dans l'évo- lution de plantes cultivées. D'après Harlan, ces régions étaient trop vastes et occupaient des superficies trop importantes pour qu'elles puissent être reconnues comme des centres et il les considérait des "non-centres" (Figure 3).

Plusieurs plantes cultivées importantes sont originaires de ces non-centres: le riz, les bananes et plantains, la canne à sucre, la pomme de terre, l'arachide, le manioc, le sorgho, les ignames, pour n'en nommer que quelques-

- 8 - unes. Le tableau 2 établit la liste des principales espèces cultivées et domestiquées qui sont originaires de ces centres et non-centres, tel que rapporté par Harlan (l975).

Figure 3. Centres et non-centres des origines de l’agriculture: A1=Centre du Proche-Orient; A2= Non-centre de l’Afrique; B1= Centre du Nord de la Chine; B2= Non-centre de l’Asie du sud-est et du Pacifique sud; C1= Centre Méso-amérique; C2= Non-centre d’Amérique du Sud (modifié de Harlan, J.R. 1975).

Comparé aux centres décrits par Vavilov, le nombre de centres proposé par Harlan est réduit et les non-centres que Harlan situe en Asie et en Amérique du Sud sont regroupés en un seul non-centre sur chaque continent. Les différences les plus marquées, dans le schéma de Harlan par rapport à celui de Vavilov sont, l'absence du cen- tre méditerranéen, la réduction de la superficie du centre chinois et l'étendue de la superficie du non-centre africain. Le cas du non-centre africain est particulièrement frappant. Les études récentes, dont beaucoup ont été réalisées par Harlan et ses collègues de l'Université de Illinois, ont démontré qu'un certain nombre de plantes a été domestiqué sur ce continent. Les recherches suggèrent que plusieurs de ces plantes, dont le sorgho et plusieurs espèces de , ont très certainement été cultivées pour la première fois et de façon indépendante dans plusieurs régions de l'Afrique localisées sur une vaste superficie s'étalant d'est en ouest du continent (Figure 3). Vavilov n'avait reconnu que le centre abyssinien de surface réduite comme faisant partie de ce con- tinent et considérait que le sorgho avait été domestiqué pour la première fois dans ce centre.

Harlan considère les centres chinois, du Moyen-Orient et méso-américain comme des centres où l'agricul- ture se développa de façon indépendante. Par contre, il associe chacun de ces centres à un non-centre et indique qu'il y aurait eu par la suite des échanges réciproques de plantes et de techniques agricoles entre eux, suite à la domestication des plantes et au développement agricole initiale dans chacune des deux régions.

Plus récemment, Bruce D. Smith (l996) a mis à jour les connaissances sur le sujet et a proposé sept centres primaires où l'agriculture se serait développée, et ce dans différentes régions du monde (Figure 4 et 5).

Il confirme la présence des centres du Moyen-Orient, de Méso-Amérique et les non-centres (bien qu'il les décrive comme des centres primaires) d'Afrique et de l'Amérique du Sud essentiellement tels que proposés par Harlan (l975) sauf que le centre sud-américain ne comprend qu’une région de hautes terres des plus

- 9 - Tableau 2.- Plantes agricoles d'importance qui ont été domestiquées dans les centres et non- centres de Harlan (1975).Pour détails et espèces non citées se référer à Harlan (1975) chapitre 3: 69-78.

A1 (Moyen-Orient): blés (3 espèces), orge, seigle, avoine, lentille, pois, (centre) pois-chiche, fève, lupin, betterave de table, carrotte, radis, (82)* moutarde, lin, pavot, noisetier, melon, coing, figuier, noix (Juglans ), dattier, pistache, amandier, abricotier, cerisier, poirier, pommier, grenadier, ricin, olivier,onion, ail, choux, choux-fleur, coriande, concombre, laitue, anis, persil, chanvre, carobier, festuques, trèfles, lucerne, mélilots, belladona, digitale.

A2 (Afrique) : sorgo, millet perlé, millet tef, millet ragi, riz africain, (non-centre) avoine d'abyssinie, , ignames (5), palme à (65) huile, baobab, melon d'eau, sesame, café (3), cola, strychnos, gourde d'eau.

B1 (Chine) : riz, millet japonais, millet proso, millet italien, soja, haricot (centre) adzuki, igname chinois, lotus, moutarde, chataigner (64) chinois, noix, pèche, poirier chinois, chataigne d'eau, jujube, echallote, gingembre, ginseng, riz sauvage (Zizania ), piment chinois, ramier, thé, camphor, rhubarbe, barnbous, indigo.

B2 (sud-est Asie) : riz, coix, millets (S), pois-pigeon, haricots (6), à pain, (non-centre) cocotier, bananier, plantain, taro, ignames (8), mangue, (77) citron, oranger, tangerine, citron, lime, pommelo, turmerique, piment noir, jute, canne à sucre, tamarinde, betel, aubergine, kenaf.

C1 (méso-amérique): mais, haricot commun, haricot lima, autres haricots (2), (centre) amaranthes (2), millets (3), cotton, tournesol, tomate (2), (65) sapote, ananas, annona (5), papaya, avocat, guayava, jocote, piments (4), chenopods, courges (6), gourdes (2), tomate, vanille, amaranthe, sisal (4), peyote, cacao, indigo, gourde d'eau, (patate douce, manioc)* *

C2 (Amérique du sud): mangue, amaranthes (2), chenopods (2), arachide, manioc, (non-centre) patate douce, lupins(2), haricot commun, haricot lima, (71) ignames (2), oca, pomme de terre, anu, ullucu, cotton, cashew, ananas, cherimoya, annona, noix du Brésil, papaya, guayava, piments (4), courges, (2), coca, maté, tabac, gourde d'eau.

* nombre d'espèces dans les listes de Harlan (1975) ** le manioc et la patate douce sont considérés par Harlan (1975) comme ayant été domes- tiqués indépendamment dans le centre C1 et le non-centre C2

- 10 - Proche Orient (Croissant Fertile)

Chine du Sud (Corridor de la rivière Jaune Yangtze)

Chine du Nord (Rivière Jaune)

Afrique sub-Saharanéenne

Centre sud des Andes

Centre du Mexique

Est des États-Unis

-10000 -9000 -8000 -7000 -6000 -5000 -4000 -3000 -2000 -1000 0

Figure 5. Échelle du temps approximative indiquant le début de la domestication des plantes et des animaux dans les sept centres primaires du développement de l'agriculture (d'aprés les données de Smith 1995). restreinte. Par contre, il propose la présence de deux centres chinois, l'un au nord de la région de la rivière Jaune et l'autre au sud dans la région de la rivière Yangtze. Un septième centre de développement agricole plus récent est ajouté, le centre primaire de la région est de l'Amérique du Nord. Par contre, le non-centre B2 (Sud-Est asi- atique) proposé par Harlan (l975) n'est pas retenu par Smith (1996) bien que plusieurs espèces d'importance soient originaires de ce non-centre. Smith (l996) considère qu'il y a peu de preuves tangibles sur l'origine des plantes cultivées attribuées par d'autres experts à cette vaste région.

- 11 - Dans les pages qui suivent, nous allons résumer les connaissances sur les origines et l'évolution du processus agricole dans chacun des centres et non-centres décrits par Harlan (l975) et par Smith (l996). Cette analyse portera surtout sur les résultats des recherches archéologiques afin de déterminer la chronologie des événements qui ont mené au développement du processus agricole dans chacun des centres et non-centres. Dans ce contexte, les principales plantes cultivées provenant des centres et non-centres seront discutées de façon générale. Les connaissances plus détaillées sur l'évolution de chacune de ces plantes, sur leur origine botanique et sur les don- nées chronologiques concernant leur domestication seront discutées dans les chapitres et sections destinées à la description et utilisation de chacune des plantes cultivées.

Centre A1 (Moyen-Orient; croissant fertile)

Ce centre recoupe les régions situées à l'est du bassin Méditerranéen qui ont vu naître, à partir du 6ème mil- lénaire avant J.C., les premières civilisations sumériennes, hittites, babyloniennes et égyptiennes. Ces civilisations ont exercé une influence sur le développement ultérieur des civilisations de la période classique, les Perses, Étrusques, Grecs et Romains qui ont établi les racines de la civilisation occidentale. Elles ont aussi influencé le développement de civilisations dans le sud de l'Asie comme celui de la civilisation Harrapan en Inde. Tous ces peuples étaient sédentarisés et agricoles. Les recherches archéologiques démontrent très clairement que les pop- ulations humaines étaient regroupées en villages bien constitués et pratiquaient déjà une agriculture basée sur l'utilisation d'instruments et d'animaux de labour et était même assistée, dans certains cas, par un processus d'ir- rigation artificiel au moyen de canaux d'irrigation parfois élaborés. Au cours de la première moitié du 20ème siècle, les recherches archéologiques dans cette région étaient con- centrées dans les plaines de la Mésopotamie et leur objectif principal était de retracer le développement des civi- lisations agricoles sumériennes ( 5800-4000 av. J.C.) et hittites (5000-3200 av. J.C.) qui avaient influencé le développement de la civilisation babylonienne (occupant actuellement ce qui est l'Iran (Ouest), l'Irak, la Jordanie et la Syrie). Pendant cette période d'exploration les archéologues avaient découvert de nombreuses preuves de la présence de villages primitifs où les pratiques agricoles étaient déjà bien développées. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'emphase des expéditions archéologiques multidisciplinaires s'est appliquée à retracer les premières étapes du développement agricole dans cette région. Dans un premier temps, les chercheurs ont exploré les régions intra montagneuses en périphérie de la plaine irriguée par les rivières Tigres et Euphrate. Le choix de cette zone d'exploration était déterminé par la présence de zones écotonales ( en gradient d’altitude) qui par leur diversité de ressources alimentaires au cours des saisons auraient favorisé la survie de populations humaines pendant la période initiale du développement agricole. En plus, la distribution des espèces spontanées de céréales tels que l'orge et les blés diploïdes et tétraploïdes étaient concentrées dans ces zones intra monta- gneuses et écotonales. L'analyse de certaines grottes dans ces régions intra montagneuses démontrait que celles ci avaient été habitées sporadiquement par des populations nomades entre 18 000 et 10 000 ans A.P. et que ces populations vivaient de la cueillette et de la chasse. Par contre, dans certaines vallées situées dans les contre- forts des montagnes Zagros et Taurus, les archéologues découvrirent les premiers vestiges de villages primitifs. Ces premiers villages probablement regroupant tout au plus 60-350 individus, étaient composés d'un nombre restreint d'habitations primitives, excédant rarement 15-35 unités. Les premières plantes qui furent domestiquées dans cette région sont l'orge et le blé (initialement les blés diploïdes (engrain ou ''Einkorn'') et tétraploïdes (amidonnier ou ''Emmer''), le blé héxaploïde (levain) ne faisant son apparition que deux millénaires plus tard), ainsi que la lentille, le pois et certaines légumineuses sauvages (Vicia et Lathyrus). Dans ces régions, la domestication de la brebis et de la chèvre est contemporaine à celle des céréales et précède celle des porcs domestiqués d'environ 700 ans alors que les bovins ne sont domestiqués que 1500 années plus tard. Les niveaux d'occupation plus anciens que 9000 années A.P. montrent la présence exclusive de plantes et d'ossements animaux issus de la cueillette et de la chasse (le cas des niveaux d'occupation plus anciens de plusieurs sites tels que Zawi Chemi, Sarab et Asiab). Par contre dans d'autres sites tels que les villages de Jarmo et d'Ali Kosh, la présence mixte d'épis ou de caryopses de céréales, de gousses de légumineuses et d'ossements d'animaux modifiés par le processus de domestication (se référer au chapitre 2 sur le processus de domestication), accompagnant en une certaine proportion ceux issus de la cueillette et de la chasse, indi- quaient que l'on était en présence d'un développement agricole initial. La datation plaçait le développement

- 12 - agricole primaire dans ces villages à environ 8700-8000 années A.P. Par la suite de nombreux sites de villages primitifs furent étudiés dans diverses régions des montagnes Zagros et Taurus montrant la présence d'un développement agricole initial s'étalant entre 8500 et 7500 années A.P.(Figure 6). En général, les fouilles archéologiques de la plupart des villages primitifs des régions intra montagneuses rapportent la présence con- jointe de l'orge et des blés diploïdes et tétraploïdes domestiqués dans les niveaux d'occupation les plus anciens. Une exception est la présence exclusive d'orge domestiquée possédant des épis à deux rangs pour le site de Ganj Dareh, situé sur le versant oriental des montagnes Zagros, en Iran. Les épis d'orge domestiqués les plus anciens à ce site sont datés entre 9900 et 9700 A.P.

Plus récemment, entre 1960 et 1980, de nombreux sites archéologiques de villages primitifs ont été découverts et étudiés dans plusieurs régions à l'est des montagnes Zagros, en bordure de l'Euphrates en Syrie, ainsi qu'en Israël et en territoire de la Palestine. Certains de ces sites ont montré la présence de céréales et de légumineuses domestiquées dont les datations sont plus anciennes que celles des villages primitifs des montagnes Zagros et Taurus. En particulier, les sites de Jéricho (Jéricho et Netiv Hagdud en Palestine; appelé région du "corridor" le- vantin par Smith 1996) de Abu Huryera, de Mureybit et d'Aswad (Syrie) où la présence d'orge et de blés diploïdes et tétraploïdes modifiés par le processus de domestication a été retrouvée à des niveaux d'occupation datés entre 9800 et 9500 années A.P.(Figure 6) .

Fig. 6

Ces découvertes indiqueraient que, contrairement aux hypothèses formulées auparavant par les experts, les zones écotonales des régions intra-montagneuses et l'abondance des formes spontanées des céréales et des légu- mineuses ne seraient pas des pré-requis nécessaires au développement agricole. D'après Smith (l996) des condi- tions favorables à la culture des céréales, particulièrement la présence de sols meubles alluviaux et des sources d'eau à proximité pendant la période sèche, auraient été les éléments déclencheurs du processus agricole et ces conditions étaient présentes dans les sites israéliens, palestiniens et syriens il y a 10 000 ans. Ces découvertes indiqueraient aussi la possibilité que le développement initial de l'agriculture a été réalisé de façon indépendante dans diverses régions du Moyen-Orient, bien que Smith (l996) affirme que la domestication aurait eu son ori-

- 13 - gine dans la région palestinienne (Nativ Hagdud, Jéricho en Palestine) et que cette pratique aurait diffusé par la suite dans les autres régions du Moyen-Orient. Son argument est appuyé par le fait que les analyses génétiques et moléculaires effectuées sur les blés spontanés et cultivés appuient l'hypothèse d'un seul épisode de domesti- cation pour cette céréale. Contrairement aux sites des régions intra-montagneuses situées à l'est (Zagros) et au nord (Taurus) où les recherches archéologiques démontrent que la domestication des brebis et chèvres est con- temporaine à celle des céréales et des légumineuses, les sites de la région levantine montrent que la domestica- tion des animaux ne s'est fait que quelques 1000 à 1300 années plus tard que celle des plantes. La plupart des experts reconnaissent que l'émergence de l'agriculture au Moyen-Orient n'aurait pu se faire sans une évolution préalable des populations de cueilleurs-chasseurs au cours des millénaires précédant le développement agricole. D'après Fekri Hassan (l977) l'évolution de l'agriculture au Moyen-Orient est le point culminant de certains traits adaptatifs qui ont émergé durant la période de l'Épipaléolithique (à partir de 20 000 A. P.). Durant cette période on observe une transition de la phase de cueillette-chasse spécialisée à une phase de subsistance plus diversifiée. Ce nouveau mode de subsistance aurait contrecarré les effets négatifs des variations micro-climatiques importantes durant cette période. L'utilisation des formes spontanées de céréales, qui pre- naient de l'expansion durant la période de retrait des glaciers débutant vers 16 000 A. P., aurait aussi facilité des changements dans le mode de subsistance vers l'utilisation de plusieurs ressources alimentaires jusqu'alors non exploitées. Cette complexité des ressources de subsistance aurait provoqué une plus grande complexité sociale et un changement vers une réduction de la mobilité des groupes humains. L'accumulation des biens et des ressources alimentaires durant les périodes plus longues de non-mobilité aurait accentué l'évolution de bandes et aurait provoqué une augmentation démographique ainsi qu'une intégration et une structure sociale plus com- plexe. Les premiers villages primitifs auraient fait leur apparition pendant cette période. Ces changements auraient provoqué des demandes additionnelles pour l'exploitation, à proximité des camps, de ressources addi- tionnelles tel que les animaux (domestication éventuelle) et les légumineuses. Éventuellement ces développe- ments auraient forcé les groupes humains, durant les étapes initiales de sédentarisation, à transférer les ressources céréalières et les ressources de légumineuses dans des conditions plus avantageuses des cultures, soit à proximité des cours d'eau. Cette relocalisation aurait mis à contribution des schémas d'irrigation primitifs. L'agriculture aurait donc été le point culminant de cette chaîne d'événements et le processus agricole lui-même, une fois établi, aurait renforcé le processus de sédentarisation et le développement urbain et socioculturel des populations humaines. L'évolution de l'agriculture serait le résultat d'une longue chaîne de relations mutuelles et complexes entre la subsistance, le processus de sédentarisation, l'économie, la dimension et l'organisation sociale et politique des groupes humains impliqués. Kislev (l984) reconnaît trois étapes dans le processus menant à l'origine et à l'expansion du développement agricole au Moyen-Orient. La première étape serait celle de la " Révolution agrotéchnique" qui aurait commencé il y a environ 25 000 années et qui devient très évidente entre 12 500 et 10 000 années A.P. Pendant cette pé- riode l'Homme de la période Épipaléolithique confectionne des pierres à moudre les graines de plus en plus élaborées et des faucilles pour ramasser les épis de céréales spontanés. L'efficacité de la cueillette est accentuée et durant les conditions favorables on entrepose des graines. Les populations peuvent devenir sédentaires pen- dant des périodes plus ou moins longues. Dans certains cas bien documentés tel qu'au site de (Syrie), la population construisit un village primitif et devient sédentaire pendant plusieurs années successives bien que ses ressources alimentaires soient obtenues seulement par la cueillette et la chasse. Ces conditions ont aussi été rapportées pour des sites d'occupation de la culture natufienne (Eynan, Israël-Palestine) et à Tushka (le long du Nil, sud de l'Égypte). Dans tous les cas, les ressources alimentaires sont obtenues par le biais de la cueil- lette et la chasse et il n'y a pas de preuves qui indiqueraient des modifications produites par un processus de domestication résultant d'une plantation volontaire répétitive de semences issues de ces cueillettes. La deuxième étape proposée par Kislev (l984) est celle de la "Révolution par la domestication" qui est occasion- née par les modifications génétiques des plantes et animaux suite à la domestication. Ceci est provoqué par les plantations et cultures successives de graines de céréales et de légumineuses, ce qui modifie les caractéristiques associées à la dissémination des fruits et graines de ces plantes (épis explosifs à épis non-explosifs; gousses de légumineuses déhiscentes à gousses non-déhiscentes, etc. (voir section sur le processus de domestica- tion). Comme nous l'avons mentionné dans les pages précédentes, cette phase de modification génétique et de sélection récurrente est évidente entre 9700 et 8500 années A.P. dans plusieurs régions du Moyen-Orient. La troisième étape est celle de "l'Expansion de l'agriculture". La culture des céréales et des légumineuses ainsi

- 14 - que la domestication des animaux sont bien implantées dans toutes les régions du Moyen-Orient entre 7500 et 6000 années A.P. À partir de 8500 A.P. le processus agricole est exporté vers l'Asie centrale via le nord de l'Iran et vers l'ouest et l'Europe à travers l'Anatolie turque, les Balkans et les îles de la Méditerranée orientale (Chypre, Crête) entre 8700 et 7500 A.P. La culture du blé et de l'orge est implantée dans le sud de la Hongrie (Szeged) vers 7100 A.P. et le sud des Pays-Bas (Maastricht) vers 6400 A.P. (Figure 7). En moyenne l'expansion de l'agri- culture entre la Syrie (Damas) et la côte atlantique (Pays-Bas actuel) se fait à raison de 1.2 Km par année. Les axes et la vitesse de l'expansion de l'agriculture coïncident avec celle des langues indo-européennes (Renfrew 1989).

Les dimensions réduites des semences de blé, d'orge et de légumineuses, utilisées au Moyen-Orient, déterminent un type d'agriculture contraignant. Les sols doivent être labourés au préalable afin de semer les graines à la volée et celles-ci doivent être recou- vertes de terre par la suite. Des charrues et attelages de plus en plus élaborés ont été construits par les agriculteurs du Moyen-Orient à partir du 7ème millé- naire et ces charrues étaient attelées initialement à des chèvres et à des moutons. À partir de 8 500 années A.P. la domestication des bovins et le développement de races robustes destinées au tir apportent une plus grande efficacité pour les labours. L'irrigation artificielle (canaux d'irrigation perma- nents) fait son apparition dans la vallée de l'Euphrate et à Jéricho (Palestine) vers 8200 A.P. Cette pratique était devenue très élaborée pendant la période des civilisa- tions sumérienne et hittite (5800 A.P.). Il est très probable qu'une technique d'irrigation primitive ait été développée par les tous premiers agriculteurs. Cette technique détournait des cours d'eau au moyen de canaux non-permanent dans les régions alluviales immédiatement adjacentes.

Le développement agricole en Amérique

La longue histoire de l'occupation humaine dans les diverses régions des Amériques commença-il y a environ 20 000-15 000 années A.P.* quand les chasseurs-cueilleurs provenant de l'ouest de l'Asie traversèrent ce qui est maintenant le détroit de Behring. À cette époque les deux continents étaient reliés par une étroite bande ter- restre. Cette connexion entre la Sibérie et l'Alaska, provoquée par une baisse du niveau de la mer lors de la dernière glaciation, favorisa le passage vers un nouveau territoire qui n'était pas encore habité par l'Homme. La vitesse à laquelle ces nouveaux colonisateurs occupèrent les régions de ces nouveaux territoires est encore un sujet de débat mais les excavations et analyses de datation récentes du site de Monte-Verde, situé dans le cen- tre sud du Chili, démontre que la colonisation humaine avait atteint les régions du sud de l'Amérique du Sud il y a environ 12 000 ans. À la fin de la période de glaciation, les climats froids à frais du Pléistocène fut remplacé par des climats plus tempérés à fluctuations saisonnières typique de l'Holocène. Vers 11 000-10 000 A.P. les po- pulations humaines ajustaient leurs modalités de cueillette et de chasse en fonction des changements de végé- tation et de gibier que les modifications des climats régionaux avaient provoqué. Ces activités de cueillette, de chasse et de pêche continuèrent à être les seuls moyens pour la quête d'aliments par les populations humaines au cours des 5000 à 8000 années suivantes. Comme nous allons le discuter dans les pages qui suivent, l'agri- culture fait son apparition dans différentes régions des Amériques au cours d'une période entre 7000 et 2500 années A.P. L'évolution du processus agricole est lente et se complexifie bien avant l'apparition des civilisations

- 15 - maya, aztèque (Amérique centrale) et aymaras et inca (Amérique du Sud). Celles-ci ne font leur apparition qu'au début de l'ère chrétienne. À l'exception de la civilisation maya, elles atteignent leur apogée qu'au cours des derniers siècles avant l'arrivée des colonisateurs espagnols en Amérique Centrale et du Sud au cours du 16ème siècle.

* Certains spécialistes opinent que la migration par le détroit de Behring pourrait avoir eu lieu vers 35,000-25,000 années A.P. bien qu'à, cette époque, le corridor libre de glaces dans le Nord-ouest du continent américain (territoires de l'Alaska et de l'Alberta actuelle) ne soit pas présent. Au cours d'un récent symposium (2000) d'anthropologues cer- tains ont aussi proposé que les déplacements se soient effectués par mer le long des régions côtières, non seulement le long des côtes du Pacifique de l'Asie vers l'Amérique mais aussi depuis l'Europe le long des côtes de l'Atlantique Nord.

Centre C1 (centre méso-américain (Harlan 1975) ; Mexique central (Smith 1996))

Les nombreuses recherches archéologiques et biologiques à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale ont permis d'obtenir des informations détaillées sur l'origine de l'agriculture et l'évolution des plantes et ani- maux domestiques qui ont été à la base de l'alimentation des peuples amérindiens. Les recherches multidisci- plinaires effectuées à partir de la fin des années 40 ont permis de retracer les différentes étapes dans l'évolution du processus agricole dans cette région. Ces recherches avaient comme but d'élucider l'évolution du maïs, des haricots et des courges. Ces espèces formaient la base de l'alimentation des peuples agricoles d'Amérique cen- trale et des Caraïbes lors de l'arrivée des premiers conquistadores espagnols. La plupart des informations provi- ennent des fouilles effectuées dans des grottes des régions intra montagneuses distribuées du sud des États-Unis au sud du Mexique (Figure 8a). En 1948, les recherches archéologiques effectuées à "Bat Cave" au Nouveau- Mexique (E.U.) avaient mis à jour des épis de maïs et des graines de courges bien préservées dans les dépôts qui avaient été datés comme étant âgés de plus de 6000 ans par une nouvelle méthode utilisant le carbone 14 qui avait été mise au point à Chicago. La morphologie et la dimension de ces épis et graines indiquaient clairement qu'ils provenaient de plantes cultivées qui avaient été modifiées par le proces- sus de domestication et les plaçaient comme les plus anciens retrouvés jusqu'à date.

La région semi-désertique du sud- ouest des États-Unis ne comportait pas les espèces spontanées qui potentielle- ment pouvaient être les ancêtres de ces deux espèces. Les recherches se déplacèrent donc vers le sud, dans les régions intra montagneuses du centre sud du Mexique où ces espèces étaient présentes. Les nombreuses recherches dirigées par l'archéologue américain Richard MacNeish au cours des deux décennies suivantes ont particulièrement contribuées à reconstruire les étapes de l'évolution agricole dans cette région. Suite aux excavations de plusieurs grottes dans l'état de Taumalipas au centre du Mexique (La Perra, Ocampo, Romero), MacNeish découvrit que, dans les périodes remontant à plus de 6000 ans A.P., ces grottes

- 16 - étaient occupées de façon sporadique par des groupes réduits d'individus nomades qui ne pratiquaient que la cueillette de plantes spontanées. Par contre, dans des périodes entre 5 000 et 2 000 années A.P. il découvrit des preuves irréfutables que certaines plantes (maïs, courges, piments, haricots) étaient déjà cultivées par des peuples qui pratiquaient le semi-nomadisme et dont la nourriture provenait encore en grande partie de la cueil- lette et de la chasse. La recherche archéologique la plus remarquable par son intensité, sa rigueur et ses résultats est sans conteste celle effectuée dans la vallée de Téhuacan entre 1960 et 1964 par MacNeish et ses nombreux collaborateurs dans un contexte interdisciplinaire. Cette vallée aujourd’hui semi-désertique longue de 40 km, située dans la région intra montagneuse de l'état mexicain de Puebla, 600 Km au sud-est de la capitale Ciudad de Mejico, comporte de nombreuses grottes bien stratifiées situées à la base des montagnes qui l'entourent. Les dépôts de résidus issus de l'occupation humaine, mesurant jusqu'à plusieurs mètres de profondeur, provenant de deux de ces grottes (Coxcatlan et San Marcos) contenaient en particulier, de nombreuses preuves d'occupation humaine remontant à plus de 10 000 ans. De nombreux restes de plantes spontanées et cultivées (épis, fruits, graines) et d'excréments humains fossilisés (coprolithes) furent découverts dans les diverses strates de ces dépôts, datés par la méthode du carbone 14, et analysés par des botanistes experts dans le but de déceler des traces de domestication. Les analyses archéologiques et botaniques effectuées dans la vallée de Téhuacan ont permis de documenter la présence humaine dans cette vallée depuis environ 10 000 ans A. P. et de préciser l'évolution d'un processus agri- cole à partir de 7200 ans A.P. en datant les premières apparitions des formes cultivées de plusieurs espèces végé- tales.

Dans les grottes El Riego et Coxcatlan, la présence de restes de plantes sauvages et d'ossements d'animaux accumulés dans les dépôts archéologiques les plus profonds documente bien la présence de petits groupes humains. Ces individus occupaient temporairement ces grottes et les utilisaient comme abris pendant leur déplacement. Ces restes de plantes et d'animaux sauvages ont été datés entre 10 000 et 8 000 années A.P. Ces bandes étaient nomades mais campaient dans les grottes pendant des périodes de plusieurs semaines. Leurs besoins de subsistance étaient comblés exclusivement par la cueillette des fruits et des racines de plantes spon- tanées ainsi que par la chasse de petits gibiers. Le chien qui accompagnait probablement les premiers colonisa- teurs asiatiques en tant qu'animal domestique lors de leurs déplacements par le détroit de Behring étaient présents dans la vallée de Téhuacan dans ces premiers temps. Les restes de plantes découverts dans les niveaux d'occupation humaine datés entre 8500 et 7200 A.P. nous montrent des fruits et graines qui, tout en gardant leurs caractères d'appartenance à des plantes spontanées, sont parfois de plus grandes dimensions. Ce qui laisse supposer la possibilité que ces plantes aient été manipulées (nettoyage autour de plantes pour éliminer la com- pétition, irrigation primitive par détournement de ruisseaux vers les terrasses alluviales, etc.) afin d'augmenter la productivité ou la dimension des fruits ou racines des plantes individuelles. Ce type de manipulation s'assimile à des formes primitives de types d'hydro-agriculture et d'horticulture de bordure de ruisseaux mais n'impliquait probablement pas de labourage et de semence de graines, phases déterminantes du processus de domestication agricole. La première apparition de restes de plantes impliquant clairement une morphologie et une dimension typiques de plante domestiquée, est rapportée dans des dépôts de la grotte Coxcatlan. Ces restes végétaux sont des épis primitifs de maïs * qui furent datées à environ 7 200 A.P. par la méthode de carbone 14 de l'époque * *.

À partir de cette période, et à mesure que l'on analyse les strates de dépôts plus récents (couches superfi- cielles), l'on voit apparaître un très grand nombre de restes de plantes de plusieurs espèces nouvelles. Parmi ______* Dans un premier temps ces épis avaient été considérés comme des épis de maïs spontanés par Mangelsdorf et al. (l964, Science 143: 538-545) mais ces épis avaient perdu la capacité de dissémination de leurs graines et leur morphologie est celle d'un épi de plante domes- tiquée. Ils sont considérés maintenant par tous les experts comme tels. Le mystère sur l'origine du maïs est discuté en détail au chapitre respectif. ** Les datations obtenues de façon indirecte à partir des sédiments organiques (matériel carbonisé) adjoints aux épis avaient été établis par la technique conventionnelle de l'époque qui exigeait des quantités importantes de matériel pour l'analyse. Récemment, plusieurs de ces épis ont été ré analysés directement par la méthode de datation AMS (voir section sur la méthode de datation du C14) qui requiert une quantité moindre d'échantillon. Les résultats de ces analyses suggèrent un âge plus récent, entre 6700 et 3600 A.P., indiquant qu'ils seraient 800 à 2300 années plus jeunes que ce que la méthode conventionnelle laissait supposer à l'époque des découvertes.

- 17 - Celles-ci, il faut citer l'avocat, quatre espèces de haricots, quelques espèces de légumineuses ainsi que plusieurs espèces de courges et de piments. Toutes ces espèces possèdent les caractéristiques typiques de plantes modi- fiées par le processus de domestication (Figure 9).

Figure 9.

- 18 - Les restes d'épis de maïs récupérés dans les strates des résidus provenant de l'occupation humaine datée entre 7200 et 3500 A.P., deviennent de plus en plus volumineux à mesure que l'on se rapproche des pé-riodes plus récentes. Certains de ces épis possèdent même des caractéristiques de variétés nouvelles issues d’une sélection dirigée à partir de 3500 A.P.

Un rapport plus récent (Smith (1997) Science 276: 932-934) fait état d'analyse de la datation par la méthode directe (AMS) de graines et de fragments de courges de l'espèce Cucurbita pepo qui avaient été ramassés entre 1950 et 1960 dans la grotte Guila Naquitz située dans l'état d'Oxaca au Mexique. Ces spécimens possèdent des caractéristiques propres aux plantes cultivées et les analyses de datation moderne ont démontré qu'ils sont âgés de 10 000 à 8000 ans. Cette datation est de 4000 ans plus ancienne que celles qui ont été rapportées dernière- ment par la technique AMS pour des spécimens récoltés dans les niveaux d'occupation les plus anciens de Téhuacan et dans d'autres sites archéologiques au Mexique.

Il est à noter que les analyses des strates d'occupation humaine ont montré que les activités de cueillette et de chasse des populations de la région de Téhuacan ont continué à être importantes pendant une longue période après l'initiation du processus agricole dans cette région. Elles n'ont été remplacées que très graduellement et ce, sur une période de plusieurs milliers d'années. Cette situation est à l'opposée du processus agricole du Moyen-Orient qui a été beaucoup plus rapide et abrupte.

Plusieurs autres particularités du processus agricole du Centre C1 le différencient de celui du centre du Moyen-Orient (A1). Les techniques d'irrigation artificielle (canaux d'irrigation élaborés) ne font leur apparition à Téhuacan que vers 3000 ans A.P., soit quelques 4000 ans plus tard que dans la région de L'Euphrate et du Tigres. Contrairement aux agriculteurs du Centre A1, ceux de la vallée de Téhuacan n'ont pas d'animaux domes- tiques qui peuvent aider et faciliter aux labours. De ce fait, leur moyen de culture est du type horticole: les graines étant plantées individuellement au moyen d'un épieu adapté à cette tache. Les seuls animaux domestiqués dans la région sont le chien introduit d'Asie, le dindon qui est domestiqué au cours des premiers siècles de l'ère chré- tienne, et l'abeille. En effet pour cette dernière des vestiges de ruches primitives ont été découverts dans des niveaux d'occupation datés du 7ème siècle de notre ère. Une des particularités du processus agricole, tel que déduit des analyses faites à Téhuacan, est le grand nombre et la diversité des espèces spontanées et domestiquées utilisées pour les besoins alimentaires des po-pulations indigènes de la région. Par comparaison, les populations du Moyen-Orient ont utilisé un nombre beaucoup plus restreint d'espèces végétales pour couvrir les besoins ali- mentaires des premiers peuples agricoles de cette région.

Non-centre C2 (Harlan 1975) ou centre sud-américain du plateau andéen (Smith 1996)

Le développement de l'agriculture en Amérique du Sud est considéré par Harlan (l975) comme ayant évolué sur un très vaste territoire qui couvre des régions tropicales, subtropicales et tempérées des basses terres comme celles des hauts plateaux des Andes. Harlan estime que cette vaste région ne peut être considérée un centre et la nomme un non-centre. Plus récemment, Smith (l996) ne mentionne que la région des hauts plateaux andéens pour décrire les phases initiales de l'agriculture en Amérique du Sud. Bien qu'il reconnaisse que plusieurs espèces cultivées ont vu le jour dans les régions tropicales des basses terres de ce continent (par ex. , manioc, patate douce, arachide), il considère qu'il n'y a pas de preuves archéologiques évidentes pour prouver que ces plantes ont été domestiquées dans ces régions. Par contre, de nombreuses recherches archéologiques et botaniques effectuées au cours des derniers 25 ans ont fourni des preuves de l'émergence du développement agricole de haute altitude dans la région centrale des Andes entre 5000 et 4000 années A.P. Ces études mon- trent que plusieurs plantes furent domestiquées dans la région andine (Figure 8b). Le ( quinoa ) cultivé fait son apparition dans des strates d'occupation humaine datées de 5000-4000 ans de la grotte de Panalauca dans le bassin de Junin à 150 km au Nord-Est de Lima, à une altitude de 1500 m. Ces échantillons de graines sont reconnus comme provenant de plantes cultivées car leur testa (enveloppe de la graine) est très mince par rapport à celle des graines de Chenopodium hircinum, l'espèce spontanée ancestrale qui est dis- tribuée sur une vaste étendue à mi-altitude dans les régions andines. Au moins quatre espèces de tubercules ont

- 19 - été domestiquées dans la région andine. Trois de ces espèces, le oca (Oxalis tuberosa ), le mashua (Tropaeolum tuberosum ) et l'ullucu (Ullucus tuberosum ) sont encore cultivées dans ces régions, mais n'ont jamais été introduites dans les basses terres de l'Amérique du Sud ou dans d'autres régions agricoles. La quatrième espèce, la pomme de terre (Solanum tuberosum ) est, par contre, devenue une plante cultivée de très grande importance dans bien des régions du monde. Les recherches archéologiques ont donné peu de renseignements sur l'évolution et le processus initial de domestication de cette plante. Par contre, les études com- paratives et évolutives impliquant les espèces spontanées et cultivées nous indiquent que la pomme de terre a été domestiquée dans la région andéenne centrale dans les con- tours du lac Titicaca dans l'altiplano bolivien-péruvien. L'évolution de cette espèce est complexe (voir chapitre sur les tubercules et racines), mais le centre de diversité des espèces spontanées impliquées dans l'évolution de la pomme de terre de la région andine est situé dans cette région de l'Altiplano. Par contre, les recherches archéologiques réalisées jusqu’à ce jour, démontrent que les restes de tubercules les plus anciens, datées entre 4000 et 3200 ans, par la méthode du C14 , n'ont pas été retrouvés dans l'altiplano, mais dans les régions côtières du Pacifique à l'embouchure de la rivière Casma. La forme et les dimen- sions des d'amidon de ces tubercules de pomme de terre étaient ceux des formes cultivées modernes et non ceux des espèces spontanées. Plus récemment, on a découvert des restes de tubercules séchés de pommes de terre cultivées, datées par la méthode du C14 conventionnelle comme étant vieilles de 10 000 ans, dans le site de ''Tres ventanas'' qui est situé dans la vallée de Chilcas à l'intérieur des terres et à 1500 m de hauteur dans les contreforts des Andes sur le versant du Pacifique. Smith (1996) a mis en doute cette datation et recommande d'attendre jusqu'à ce que des preuves d'âge plus directes et précises soient fournies par la méthode de datation AMS. Une situation similaire concerne deux espèces de haricots, le haricot commun (Phaseolus vulgaris ) et le hari- cot lima (Phaseolus lunatus ). Un grand nombre de preuves provenant des recherches archéologiques et des analyses génétiques et moléculaires, ainsi que la présence des formes spontanées le long des régions montag- neuses allant du Nord du Mexique au Sud du Chili, indiquent que ces deux espèces ont été domestiquées de façon indépendante en Méso-Amérique et dans les zones andines de l'Amérique du Sud à des altitudes entre 1500 et 2500 m. (voir chapitre sur les légumineuses pour détail). Les plus vieilles datations pro-viennent de graines et de gousses ayant des dimensions, des couleurs et des propriétés d’indéhiscence typiques de formes cul- tivées et qui furent récupérées dans la grotte ''Guerrero'' dans la vallée du ''Callejon de Hualas'' à 2500 m d’alti- tude dans la région centre-nord du Pérou. La datation des sédiments de charbon des strates dans lesquelles ces graines étaient déposées furent établies par la méthode du C14 conventionnelle comme étant âgées de 9 680 ans. Par ailleurs, des restes de gousses et de graines des deux espèces de haricots furent aussi retrouvées dans des grottes des régions côtières du Pérou et l'âge des sédiments dans lesquelles elles étaient déposées fut estimé à 7 000-6 600 ans. Des analyses récentes effectuées par la méthode AMS sur une graine de haricot commun, qui avait été déposée dans la strate de la grotte ''Guitarrero'' et qui avait été datée préalablement comme étant âgée de 9680 ans, donna une datation de seulement 4 430 ans. Ce qui indique que la domestication de ces légu- mineuses serait plus récente de 5 000 ans ou plus. Dans l'état actuel des connaissances, l'on ne remet plus en question le fait que ces plantes aient bel et bien été domestiqué dans cette région, mais plutôt l'aspect chronologique. Cette contradiction ne sera résolue que lorsque l'on aura fait une analyse systématique des restes végétaux et animaux disponibles par la méthode de datation directe AMS. D'autres plantes ont été domestiquées dans la région andine à partir d'espèces spontanées qui, même si elles

- 20 - appartiennent au même genre, sont dans bien des cas différentes de celles que l'on retrouve en Amérique cen- trale et au Mexique. C'est le cas de plusieurs espèces de courges et de gourdes (Cucurbita, Lagenaria ) ainsi que de piments (Capsicum ) qui ont été domestiquées de façon indépendante dans les régions intra montagneuses des Andes. Les analyses de cytogénétique et d'hybridation, ainsi que les études biochimiques et moléculaires récentes, indiqueraient que les espèces spontanées desquelles elles ont évoluées ont une distribution strictement sud-américaine et ne se retrouvent pas en Amérique centrale. L'analyse comparative au moyen de marqueurs moléculaires ne laisse pas de doutes du fait que les espèces domestiquées sont apparentées aux espèces spon- tanées de la région andéenne et n'ont pas de relation directe avec les espèces distribuées en Méso-Amérique. Pour ces espèces, les analyses restreintes de datation indiquent que la domestication s'est effectuée au cours de la période allant de 5 000 à 1 500 années A.P. (Tableaux 3a,b). Les preuves archéologiques et biologiques indiquent, par contre, que la présence du maïs, de l'avocat ainsi que celles d'autres plantes d'origine méso-améri- caine que l'on retrouve dans les niveaux d'occupation plus récents que dans la région méso-américaine sont dues à des introductions lors d'échanges entre peuples qui pratiquaient déjà l'agriculture dans leurs régions respec- tives.

Tableau 3a.- Plantes cultivées en Amérique avant l'arrivée des espagnols

Méxique-Guatemala Amérique du Sud les deux régions

Céréales et pseudo-céréales Amaranthus leucocarpus Zea mays Chenopodium nuttalliae Chenopodium quinoa

Légumineuses Phaseolus coccineus Lupinus mutabilis Phaseolus vulgaris Phaseolus acutifolius Phaseolus lunatus Canavalia ensiformis Canavalia plagiosperma Arachis hypogaea

Racines et tulbercules Pachyrrhizus erosus Pachyrrhisus tuberosus Manihot esculenta Solanum tuberosum Ipomoea batatas Oxalis tuberosa Ullucus tuberosum Tropaeolum tuberosum Canna edulis Fruits Lycopersicum esculenta Solanum muricatum Physalis ixocarpa Cyphomandra betacea Capsicum annuum Capsicum peruviana Capsicum pubescens Capsicum pendulum Capsicum frutescens Annona diversifolia Annona cherimolia Annona reticulata Annona muricata Annona squamosa Opuntia sp. (3) Opuntia exaltata Ananas comosus Prunus serotina Bunchiosa armeniaca Persea americana Carica papaya Carica cardamancensis Psidium guajava Achras sapote

Boissons , fibres, etc. Theobroma cacao Ilex paraguayensis Nicotiana tabacum Erithroxylon coca Nicotiana rustica Vanilla planifolia Bixa oriellana Gossipium hirsutum Gossipium barbadense Indigofera suffruticosa

Contrairement au développement agricole en Méso-Amérique, l'agriculture andine a bénéficié de la domestica- tion d'un certain nombre d'animaux qui ont été utilisés comme source de nourriture, pour l'obtention de la laine

- 21 - Tableau 3b. Premières preuves de la domestication des plantes cultivées à la période pré-colombienne en Amérique (Smith 1996, Simpson & Ogorzaly 1994, Heiser 1990, Pickersgill (1969), Kaplan 1981, Kaplan et al. 1973).

Espèce Première preuve de origine probable Centre d'origine ou domestication domestication genre ou espéce groupe Méxique Pérou

maïs Tehuacan Huaca-Prieta meso-amérique meso-amérique 5,500 A.P 1,700 A.P.

haricot Tamaulipas Ancash indépendant Amérique du commun 6,000 A.P. 8,000 A.P. du Sud ?

haricot Tehuacan Ancash indépendant “ “ “ lima 2,500 A.P. 8,000 A.P.

Cucurbita Tehuacan Huaca-Prieta indépendant Amérique moshata 5,500 A.P. 5,000 A.P.

Cucurbita ““““ ““ ““ fiscifolia

Lagenaria ““““ ““ ““ ciseraria

Arachide Tehuacan Huaca-Prieta Pérou-Bolivie Bolivie 2,200 A.P. 3,000 A.P. tropicale

Manioc Tehuacan Huaca-Prieta Amérique du Sud Brésil - 2,200 A.P. 3,000 A.P. Venezuela

Patate Tehuacan Huaca-Prieta Amérique du Sud Amérique du douce 2,200 A.P. 4,500 A.P. Sud

Capsicum sp. Tamaulipas Ancon indépendant Amérique du (piments) Tehuacan Huaca-Prieta Sud 7,000 A.P. 4,000 A P.

Ananas Tehuacan Ancon Amérique du Sud Amérique du 2,200 A P. 3,800 A. P. Sud

Avocat Tehuacan Ancon Mexique Amérique 7,000 A.P. 2,800 A.P. Centrale et dans le cas du lama comme animal de transport et de trait. Les steppes et prairies andines de haute altitude sont l'habitat des lamas (Lama lama ) et des alpacas (Lama paco ) domestiqués et de leurs ancêtres sauvages, respectivement le guanaco (Lama guanaco ) et la vicuna (Lama vicuna ), appartenant tous au groupe des Camélidés. Les analyses des ossements retrouvés dans les diverses grottes et abris de la région andine démontrent que les habitants pré-agricoles chassaient le guanaco et la vicuna vers 7 000 années A.P. Pendant la période entre 7 000 et 4 500 ans A.P. on observe des changements dans la proportion des sexes et des classes d'âges parmi les animaux sacrifiés, ce qui suggèrent que le processus de domestication ait bien eu lieu durant cette période. Contrairement aux espèces domestiquées au Moyen-Orient, il existe peu de différences marquées dans les tailles, la forme ou la structure des os des animaux sauvages et domestiqués. Il est ainsi plus difficile de pouvoir les reconnaître lors des fouilles archéologiques. Un des aspects qui confirme le processus de domestication du lama est la présence d'une structure osseuse plus large dans la région lombaire de la colonne vertébrale chez cet ani-

- 22 - mal par comparaison au guanaco son ancêtre sauvage. Ce port plus robuste est très certainement le résultat de la sélection orientée vers l'élevage d'un animal destiné au transport et au trait. Plusieurs chercheurs ont remar- qué que la domestication du lama et synchrone à celle du quinoa et aurait eu lieu il y a 7 000 à 6 000 ans. Ceci suggérerait que la domestication des lamas ait favorisé la domestication du quinoa qui était la plante de pâturage préférée des ces animaux à l'état sauvage. Apparemment, les graines de quinoa ne sont pas digérées dans leur totalité par les lamas et celles-ci sont déposées dans les excréments et ont tendance à germer par la suite. Les enclos de lamas seraient devenus des pépinières de quinoa et les premiers agriculteurs auraient rapidement prof- ité de ces concentrations de plantes dont la croissance et la production de panicules auraient été fortement stim- ulées par la présence d'excréments riches en azote. Le cochon dinde (Cavia porcellus et d'autres espèces) a aussi été domestiqué dans la région andine. Si l'on juge par les accumulations d'ossements dans les grottes et abris temporaires, cette espèce, dans sa forme sauvage, était chassée dans les contreforts andins de l'Amérique du Sud entre 14 500 et 9 500 années A.P. par les pre- miers chasseurs cueilleurs qui ont habité la région dès le début de la migration des groupes humains. La preuve la plus ancienne de la domestication du cochon dinde provient de la vallée d'Ayacucho, dans le centre-est du Pérou où les analyses archéologiques de grottes de la région montrent à partir de 6 500 ans A.P. une augmenta- tion substantielle d'os provenant de cette espèce et un changement dans le rapport des sexes et la structure d'âge des individus sacrifiés pour leur viande. Le cochon dinde fait encore partie de la diète alimentaire des peuples indigènes de la région ou celui ci est vendu cru ou cuisiné (rôti) dans les marchés locaux en Équateur, au Pérou et en Bolivie.

Trois espèces cultivées qui ont une très grande importance du point de vue alimentaire sont originaires des basses terres des régions tropicales et subtropicales de l'Amérique du Sud: Le manioc (Manihot esculenta ), la patate douce (Ipomoaea batatas ) et l'arachide (Arachis hypogaea ). Le manioc, un arbuste vivace, est originaire des régions tropicales et subtropicales du bassin amazonien, mais il est difficile de retracer son origine botanique, car plusieurs espèces spontanées ressemblent aux formes cultivées. Les analyses de biochimie molécu- laire faites récemment semblent indiquer que l'espèce Manihot aesculifolia serait l'espèce spontanée ancestrale, mais deux autres espèces sont aussi des candidates possibles. Les preuves archéologiques les plus anciennes de la présence de manioc cultivé ne remontent qu'à 3 000 années A.P. à Huaca Prieta dans la région côtière du Pérou. Pourtant le centre de diversité du genre est situé dans la région du Nord-Est du Brésil et le sud du Venezuela et il est probable que l'espèce a été domestiquée dans cette région avant d'être dispersée dans le ver- sant du Pacifique. Par contre, la seule preuve archéologique directe provenant de cette région (zone côtière du Nord du Venezuela) suggère que le manioc ait été cultivé-il y a 2 900 ans dans cette région. Des grattoirs des- tinés à moudre les tubercules de manioc (budares) ont aussi été découverts dans des niveaux d'occupation datés d'environ 2 900 ans. Du fait que des tissus mous sont consommés, il est impossible que les tubercules puissent être conservés sous les conditions humides prévalent dans les basses terres des régions tropicales et ce handi- cap restreint la possibilité d'obtenir des preuves temporelles de la culture de végétaux dans ces régions. La cul- ture du manioc est probablement très ancienne en Amérique du Sud, car il y a des preuves archéologiques de l'implantation de sa culture en Amérique centrale (Gatun, Panama) et au Mexique (Taumalipas, Tehuacan) entre 2 200 et 1 200 années A.P. La patate douce (Ipomoea batatas ) est aussi originaire des régions tropicales et côtières de l'Amérique du Sud. Les analyses génétiques et moléculaires et des considérations étymologiques indiquent que l'espèce Ipomoea tili- acea, distribuée dans les zones côtières de la Colombie occidentale (Côte du Pacifique) serait l'ancêtre spontané de la patate douce. Des restes fossilisés de patates douces datés entre 8 000 et 10 000 ans ont été retrouvés dans les contreforts des Andes et les fouilles archéologiques démontrent que cette espèce était cultivée et domes- tiquée en Amérique du Sud depuis au moins 4 500 ans. L'énigme qui reste encore inexpliquée, est la présence de la patate douce en Polynésie, à Hawaii, en Nouvelle Zélande, en Nouvelle Guinée, et dans d'autres îles du Pacifique Sud dans des périodes pré colombiennes remontant au 13ème siècle de notre ère. L'Hypothèse qui est la plus acceptée et celle d'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et des îles du Pacifique Sud qui auraient permis d'introduire la culture de la patate douce dans ces régions. La patate douce a été intro- duite-il y a environ 2 800 à 2 200 années dans les régions tropicales et subtropicales de l'Amérique centrale et du Mexique. Elle était cultivée dans toutes les régions des terres basses, incluant les îles des Caraïbes, à l'arrivée des premiers conquistadores espagnols.

- 23 - L'arachide (Arachis hypogaea ), une légumineuse qui développe ses fruits (carpophores) sous terre, aurait été domestiquée dans la région des Yungas boliviennes, située sur le versant est de la cordillère des Andes et face au Paraguay et au Nord-Ouest de l'Argentine. Des preuves génétiques et de biologie moléculaire démontrent que Arachis monticola, distribuée dans cette région, est l'espèce spontanée ancestrale de l'arachide. Les preuves archéologiques les plus anciennes de la domestication de l'arachide, remontant à 3 800 années A.P., ont été découvertes dans le site de Huaca Prieta, sur la côte Pacifique du Pérou. Étant donné que cette région est très éloignée de la région du centre d'origine botanique de l'arachide, il est réaliste de penser que la date de sa pre- mière domestication est très certainement plus ancienne. La culture de l'arachide fut exportée et diffusa en Amérique centrale pendant la période pré colombienne, car sa présence, datée du premier siècle de notre ère, a été rapportée dans les fouilles archéologiques de Téhuacan au Mexique. Les civilisations Maya et Aztèque culti- vaient l'arachide. Tel que rapporté lors des premiers voyages de Colomb, l'arachide était aussi cultivée à cette époque, sous le nom de mani, dans plusieurs îles des Caraïbes. Comme c'est le cas pour la région méso-américaine, l'émergence de l'agriculture en Amérique du Sud est basée sur la domestication et la culture d'un grand nombre d'espèces adaptées tant aux régions tropicales et sub- tropicales humides (basses terres) comme aux régions andines en altitude. L'agriculture de cette région est, comme dans le centre méso-américain, principalement de type horticole et d'évolution graduelle sur une péri- ode de plusieurs millénaires. Les preuves archéologiques, bien que moins abondantes qu'en Méso-Amérique, indiquent que le développement agricole dans la région andine a commencé légèrement plus tard que dans la région méso-américaine. Les analyses archéologiques peu nombreuses dans les régions des basses terres ne per- mettent pas de préciser les centres de domestication et la chronologie exacte qui ont marqué le développement de la culture des plantes dans cette vaste région. Cependant, l'on peut inférer que ce développement, basé prin- cipalement sur une agriculture de propagation végétative (« végéculture »), est probablement d'évolution pro- gressive, comme en Méso-Amérique, et probablement plus ancien. Contrairement au centre méso-américain, la domestication des animaux dans les régions andines est un apport important au développement agricole de cette région.

Centre B1 (Harlan 1975) ou Centre Chinois (Smith 1996)

Jusqu'en 1980, les connaissances sur le processus du développement agricole dans la région chinoise étaient basées surtout sur des données associées à l'évolution et la distribution des formes spontanées et cultivées de quelques plantes telles que certaines espèces de millets, le soja (Glycine max ) et le riz (Oryza sativa ) ainsi que la domestication du porc, du buffalo de rizière et du poulet. Les recherches archéologiques réalisées jusqu'à cette période faisaient état de sites dont les niveaux d'occupation les plus anciens, datés entre 6 200 et 4 500 années A.P., montraient un développement agricole évident et un processus de sédentarisation déjà bien avancé. En par- ticulier, les villages de la civilisation Yang-shao, situées sur les dépôts de loess de la région centrale de la Chine, étaient de dimensions importantes, bien structurés et démontraient une organisation sociale avancée et hiérar- chisée. Ces habitants produisaient une forme particulière de céramique qui démontrait un savoir-faire artistique et enterraient leurs morts dans des cimetières hors des villages en suivant un rituel élaboré. Leur alimentation de base était fournie principalement par deux espèces de millet cultivées (Setaria italica et Panicum miliaceum ) et par l'apport de fruits de plusieurs espèces arbustives et arborescentes qui, par leurs dimensions, suggérait un certain degré de manipulation. Cette alimentation végétale était complétée par la cueillette de noix, noisettes et graines de pins. La viande était fournie par des cochons, des chiens, des brebis, et des buffalos de rizières (d'eau) dont les ossements récupérés lors des fouilles démontraient qu'ils avaient été domestiqués. La chasse d'animaux sauvages (gazelles, antilopes, lièvres et lapins, chevreuils et chevaux sauvages) était pratiquée et permettait de diversifier la diète alimentaire. Les fouilles archéologiques réalisées dans d'autres régions de la Chine montraient aussi des signes d'un processus agricole et une structure de village bien avancé dans les niveaux les plus anciens d'occupation qui remontaient rarement à plus de 6 500 ans A.P.. Du fait du manque de renseignements archéologiques sur la période charnière entre le Paléolithique et le Néolithique, Harlan (1975) avait élaboré à l'époque son concept de centre B1 basé principalement sur l'exemple du soja, dont il proposait que l'évolution sous culture ait commencé dans la région du nord-est de la Chine (Manchourie actuelle) environ 7 000 années A.P., mais cette proposition était, il y a 25 ans, purement spéculative, car les preuves archéologiques de sa présence ne remontaient qu'à 2 200 ans, période à laquelle l'on documentait déjà la présence de villages et de

- 24 - sociétés agricoles très bien structurées. Les preuves les plus anciennes de la culture du soja étaient par contre rapportées par la littérature chinoise remontant au premier millénaire av. J. C. Cette plante et sa culture étaient décrites pour la première fois dans le livre des Odes qui recensait les activités et l'histoire de la dynastie Shu qui s'était développée entre 3 100 et 2 700 années A.P. De plus, les analyses génétiques et cytologiques suggéraient une origine du soja dans cette région, car il fut démontré que cette légumineuse avait évolué de l'hybridation entre deux espèces de Glycine spontanées, G. ussuriensis, distribuée au centre nord de la Chine, et G. tomen- tosa, distribuée dans la région du centre de la Chine.

La présence et l'importance du riz (Oryza sativa ) pour l'économie chinoise fut discutée par Harlan (l975), mais à l'époque l'on considérait que cette céréale avait été introduite en Chine après avoir été domestiquée dans une région imprécise située au sud-ouest de la Chine actuelle. De nombreuses recherches archéologiques, effectuées en Chine au cours des derniers 15 ans, en association avec des experts japonais et américains, ont permis de constater que la culture du riz aurait bel et bien commencé dans la région chinoise. Les découvertes archéologiques récentes, effectuées dans ce que Smith (l996) nomme ''le corridor du Yangtze'', montrent la présence de cultures bien établies entre 11 500 et 8 500 années à partir du présent. Ces datations sont de 2 500 à 3 000 ans plus anciennes que celles qui avaient été rapportées auparavant pour les sites analysés en Inde et en Thaïlande. Certains experts proposent maintenant qu'il y aurait eu deux centres d'origine indépendants pour cette plante, un en Inde sud-orientale, un autre dans la région centre-sud de la Chine actuelle. Ces propositions ne sont pas acceptées par tous et les argumentations et d'autres hypothèses sont discutées en plus de détail dans le chapitre sur le riz.

Les analyses archéologiques récentes indiquent aussi que la domestication des deux espèces de millets, Setaria italica et Panicum miliaceum auraient eu lieu entre 9 000 et 7 500 ans A.P., et que cette domestication aurait été antérieure à celle du riz dans la région de la rivière Jaune et dans le Nord de la Chine. Les analyses des restes d'os des sites archéologiques montrent que la domestication des animaux aurait débuté- il y a 8 400-6 200 ans, le porc (Sus scrofa ) étant le premier à être domestiqué, suivi du poulet (Gallus gallus domesticus ) vers 7 400 -7 200 années A.P. La domestication du buffalo de rizière (Bubalus bubalus ) serait plus tardive, la première apparition est observée dans les niveaux d'occupation datées entre 6 500 et 3 500 ans A.P., dépendant des régions.

Jusqu'à présent, toutes les découvertes archéologiques montrent que l'initiation du développement agricole dans le centre chinois est plus récente, d'environ 2 000 ans, que celui du Moyen-Orient. Dans le centre Nord de la Chine, dans la région de la rivière Jaune, les premiers vestiges d'un processus agricole remontent à 7 500 années A.P. Dans les régions plus au sud, le long du fleuve Yangtze, des sociétés agricoles sophistiquées cultivaient le riz entre 8 500 et 6 500 années A.P. tandis que dans les régions plus à l'Est et au Nord de la Chine des groupe- ments de populations agricoles ont vu le jour il y a 7000 ans. L'agriculture qui s'y développe est basée sur un grand nombre d'espèces (voir liste dans Harlan 1975, p 72-73) et l'apport de la domestication des animaux au processus agricole est important. Comme dans les centres américains, l'agriculture qui y est pratiquée est, inclu- ant la culture du riz de rizière, une agriculture de type horticole. Il n'est pas possible de préciser avec les don- nées archéologiques actuelles si les activités de cueillette et de chasse des populations du centre chinois ont con- tinué à être importantes pendant une longue période après l'initiation du processus agricole dans cette région. Les seuls renseignements à ce sujet proviennent d'analyses des fouilles effectuées dans le Nord de la Chine où il a été estimé que la période de transition entre les activités de cueillette et la culture de millets dans un contexte purement agricole ont coexisté pendant une période d'environ 2 500 ans entre 9 000 et 7 000 ans A.P. Les fouilles archéologiques effectuées à date n'ont pas encore établi avec précision l'aspect temporel de la pé- riode d'interphase entre les sociétés de chasseurs-cueilleurs et les premières phases du développement comme cela a été le cas pour les centres du Moyen-Orient et de méso-amérique. De nombreuses fouilles archéologiques multidisciplinaires sont présentement en cours dans diverses régions de la Chine centrale et du Nord où les con- ditions de conservations sont favorables. Celles-ci permettront peut-être dans un avenir rapproché de préciser l'aspect temporel du processus d'initiation et de développement agricole dans cette région.

- 25 - Le non-centre africain A2 (Harlan 1975) - Centre d'agriculture africaine indigène (Smith 1996)

Quand on discute le processus de l'évolution initiale du développement agricole sur le continent africain, il faut distinguer le processus d'expansion des activités agricoles développées initialement en Asie mineure de celles qui sont associées au développement agricole in situ en Afrique même. Dans le premier cas, le développement agri- cole de toute la région de l'Afrique du Nord, qui touche à la région méditerranéenne au Nord du Sahel à l'Est et au centre et à la région atlantique du Maroc actuel à l'ouest, a été fortement influencé par l'expansion du proces- sus agricole provenant de la région levantine et méditerranéenne. Le développement de l'agriculture dans les régions entourant le Nil sont un exemple d'expansion du processus agricole initialement développé en Asie mineure. L'introduction de l'orge, les brebis, chèvres et bovins contribuèrent à l'essor d'une société agricole qui facilita les conditions pour le développement de la civilisation pharaonienne. Peu d'espèces indigènes con- tribuèrent de façon marquée au développement de cette région qui pris son essor il y a environ 6 500 ans, quelques 1 000 ans après que l'agriculture fut introduite dans le sud de l'Europe. Par contre, au sud de Sahara, dans les régions du Sahel et du centre de l'Afrique, plusieurs espèces indigènes du continent africain furent mo- difiées par l'Homme et mises à contribution au cours d'un processus autonome de développement agricole au cours de la période comprise entre 5 000 et 3 000 années A.P. Entre 7 000 et 4 000 années A.P., les régions du Sahara et du Sahel oriental étaient beaucoup plus humides qu'à présent. De nombreux lacs et rivières et une végétation de savane, par certains endroits comprenant même des zones arborées ouvertes, couvraient cette vaste région. Des analyses archéologiques (Adrar Bous, Arlit, Meniet) montrent qu'une civilisation pastorale s'est développée dans cette région il y a 5,000-4,000 ans A.P. L'analyse des os de bovins montrent que ces animaux étaient domestiqués, mais il y a une controverse parmi les experts concernant l'origine indépendante de ce processus de domestication. Plusieurs opinent que cette domes- tication a été importée de l'Asie mineure via la vallée du Nil. À partir de 4 000-3 500 A.P., les troupeaux bovins et les chèvres contribuaient à l'économie de sociétés pastorales bien développées dans plusieurs sites allant du Kenya, à l'Est, aux régions occidentales du sud du Sahara ( Dhar Tichitt). Bien que les chèvres et les brebis, qui font partie intégrante des premières étapes du développement en Asie mineure, deviennent éventuellement relativement importantes dans le développement agricole dans les régions du Sahara et du Sahel, c'est les bovins qui sont prédominants dès le début dans le développement des sociétés pastorales de cette région et cette prépondérance sera maintenue par la suite. Contrairement au Moyen-Orient, à l'Europe et aux zones méditerranéennes de l'Afrique du Nord où l'orge, le blé, et dans une mesure moindre, l'avoine et le seigle, furent les plantes les plus importantes du processus agricole initial, dans la zone du Sahara-Sahel, trois espèces indigènes contribuèrent au développement agricole autonome. Le sorgho, le riz africain et le millet perlé furent domestiqués dans ces régions et sont aujourd'hui devenus une source alimentaire importante dans diverses régions de l'Afrique et de l'Asie. De ces trois espèces, le riz africain (Oryza glaberrima ) est l'espèce dont la distribution est la plus restreinte. De nos jours elle est encore cultivée en Afrique de l'Ouest, mais elle est remplacée presque totalement par le riz asiatique (Oryza sativa ). Les analyses morphologiques et de biologie moléculaire ont démontré que le riz africain, bien que très ressemblant au riz asiatique, est une espèce qui a été domestiquée de façon indépendante à partir d'une espèce spontanée de riz provenant des régions inondées de la savane africaine (voir chapitre sur le riz). Les preuves les plus anciennes de la domestication de cette espèce proviennent du site de Jeno-Jeno (boucle du fleuve Niger) et sont datées du deuxième siècle de notre ère. Le sorgho est une espèce de morphologie très variable. Harlan, de Wet (l975) et leurs collègues de l'Université de Illinois-Urbana, ont étudié l'évolution du sorgho et de ses différentes races cultivées. Ces études, décrites plus en détail dans le chapitre correspondant, démontrent que l'espèce ancestrale du sorgho cultivé (complexe de bicolor (L.) Moench ).( Comprenant les variétés de sorgho de grains, d'ensilage et de pâturages cul- tivées) serait S. sudanense (syn. S. halepense ) une espèce vivace des savanes humides, morphologiquement très variable, originaire des régions tropicales humides d'Afrique. Les variétés de S. bicolor sont regroupées sous qua- tre races biologiques qui ont évolué et ont été cultivées dans différentes régions de l'Afrique centrale et de l'Est impliquant de vastes territoires. Les variétés regroupées sous le taxon S. verticilliflorum sont considérées les plus primitives du complexe et sont distribuées dans les savanes au sud du Sahara dans les régions du Chad et du Soudan jusqu'à la région centrale du Sahara. Il y a peu de preuves archéologiques fiables qui permettent de pré- ciser une date et une région géographique délimitée en ce qui concerne les premières étapes de la domestica-

- 26 - tion du sorgho. La "preuve" la plus ancienne, qui n'a pas été confirmée par de nouvelles découvertes, provient de l'impression d'une seule ''graine''(caryopse) de sorgho, décrite comme provenant d'une plante cultivée. Elle a été retrouvée incrustée dans l'argile d'une portion de poterie du site d'Adrar Bous, dans la région centrale du Sahara, qui a été datée d'environ 6 000 années A.P. Il est intéressant de noter que c'est dans cette région ou se trouvent distribuées les races les plus primitives de S. bicolor regroupées sous le taxon S. verticilliflorum. Des preuves archéologiques plus convaincantes de la culture de sorgho pour l'Afrique ne réapparaissent qu'à une période beaucoup plus récente, entre 500 et 200 ans avant notre ère. Basé sur la distribution actuelle et les analyses bio systématiques des différentes races et variétés de sorgho par rapport aux formes spontanées, Harlan et collaborateurs ont suggéré l'évolution indépendante de trois complex- es de sorgho cultivés au cours de trois épisodes différents de domestication remontant à une période comprise entre 6 000 et 4 200 années A.P. Basé sur l'exemple du sorgho et son évolution complexe sous culture sur une vaste région géographique, Harlan a proposé que le développement agricole en Afrique ne pouvait pas être cir- conscrit à un centre délimité. Il a proposé, à l'instar du non-centre américain C2, le concept de non-centre africain (A2) pour cette vaste région diffuse impliquée dans le processus initial de l'agriculture africaine.

Dans le cas du millet perlé (Pennisetum glaucum , syn. Pennisetum americanum ), les recherches archéologiques et les analyses de distribution des formes spontanées et cultivées ont montré que cette espèce fut domestiquée le long d'une vaste ceinture est-ouest dans la portion sud du Sahara. Les preuves archéologiques les plus anciennes ont été découvertes dans la région de Dhar Tichitt et remontent à 3 000 ans A.P., mais l'espèce aurait pu être domestiquée dans de nombreux sites le long des régions de savanes qui étaient présentes il y a 5 000-4 000 ans dans l'extrémité sud du Sahara. L'espèce spontanée ancestrale du millet perlé est reconnue comme étant Pennisetum violaceum. L'analyse de sa distribution n'apporte pas de nouvelles précisions sur l'o- rigine du millet perlé, car elle s'étend des régions de l'Atlantique à celles du haut -Nil au sud du Sahara, sur une étendue d'est en ouest de plus de 6000 km. D'autres plantes cultivées de moindre importance sont aussi d'origine africaine. La palme à huile (Elaeis guineen- sis Jacq.) est présentement une espèce d'importance pour la production d'huile comestible dans plusieurs régions tropicales de l'Afrique et de l'Asie. Les lieux précis d'origine et de domestication de la palme à huile sont incertains. La plupart des experts opinent que la palme à huile est d'origine africaine, car c'est dans les régions équatoriales de l'Afrique de l'Ouest où l'on retrouve le plus d'usages et la plus grande diversité de noms et d'ex- pressions pour nommer et caractériser les différentes parties de cette plante et les étapes de sa culture et de sa récolte. C'est aussi dans cette région tropicale de l'Afrique que l'on a déterré des restes fossiles ressemblant à Elaeis guineensis qui datent du Miocène et des preuves archéologiques, remontant à 4 000-4 500 années A.P., suggèrent que la palme à huile ait été probablement cultivée dans la région du delta du Niger (territoire du Niger actuel) à cette période. D'autres espèces de millets (le tef, Eragrostis tef ; ), d'ignames (Dioscorea cayenensis, D. rotun- data ), de légumineuses (Vigna unguiculata ), pour ne nommer que les plus importantes, sont encore d'impor- tance régionale dans différentes zones climatiques d'Afrique. Le non-centre africain A2 basé sur une agriculture d'espèces d'origine indigène est celui pour lequel il n'y a encore qu'une connaissance très imprécise de l'évolution initiale du processus agricole. Pour ce qui est de l'ap- port végétal, la reconstruction du processus est basée plutôt sur les connaissances biologiques et la distribution actuelle des espèces spontanées et cultivées. Les connaissances archéologiques sont très imprécises et peu nom- breuses. Bien que de nouveaux sites archéologiques pourraient être mis à jour dans les prochaines décennies, les conditions climatiques et géologiques défavorables des régions sous tropicales et tropicales de l'Afrique centrale rendent cette possibilité peu probable pour des régions autres que celles situées dans des zones désertiques et semi-désertiques comprises entre les latitudes de 5oN et 15o N.

Le non-centre du sud-est asiatique (B2) (Harlan 1975)

Ce non-centre couvre un très vaste territoire de forme irrégulière qui s'étend d'Ouest en Est et du Nord au Sud sur des milliers de km, des régions de l'Inde et du Sri Lanka aux îles du Pacifique (Mélanésie, Macaronésie, Polynésie) et des frontières est et sud de la Chine (adjoignant le Maynmar (ancienne Birmanie), la Thaïlande, le

- 27 - Laos, le Cambodge, le Viêt-nam) à l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Un grand nombre d'espèces d'importance agricole sont originaire du sud-est asiatique: le riz (si l'on accepte deux centres d'origines pour cette espèce), la banane et le plantain, la canne à sucre, la noix de coco, les agrumes (Citrus ) à l'exception du pamplemousse, plusieurs espèces de haricots à petites graines, le taro, plusieurs espèces d'ignames, l'arbre à pain, le poivre noir, l'aubergine, le palmier sagoutier, la mangue, pour n'en nommer que quelques-unes parmi les 71 de la liste par- tielle de Harlan (l975, pp.74-75).

Les preuves sur la domestication des plantes et animaux dans cette région sont basées presque exclusivement sur les analyses comparatives de la distribution géographique, la biologie, morphologie, génétique et, plus récem- ment les analyses de biologie moléculaire des espèces cultivées et des espèces spontanées qui sont reconnues comme étant les ancêtres des formes cultivées. Très peu d'information est disponible sur les aspects temporels de l'évolution de l'agriculture dans ce non-centre. Les conditions climatiques, chaudes et humides, et les strates géologiques sont à quelques exceptions près, peu propices à la conservation des restes de plantes et d'animaux dans des sites archéologiques potentiels. De ce fait, il est très peu probable que l'on puisse améliorer cette situ- ation dans le futur. Bien que reconnaissant que plusieurs plantes d’une importance économique majeure soient très certainement originaires de cette région, Smith (1996) préfère ne pas en discuter et ne désigne pas cette région comme faisant partie des centres d'origine du processus agricole. Il considère que le manque d'informa- tions archéologiques ne permet que des explications spéculatives sur les étapes et la chronologie du processus initiale de développement agricole dans cette vaste région.

La discussion qui suit résume les propositions que Harlan (l975) a élaborées sur ce non-centre et ne men- tionne que les plantes alimentaires d'intérêt majeur décrites dans ce manuel soit le riz, la canne à sucre, les bananes et plantains, le cocotier et le taro.

Nous avons discuté sur l'origine du riz (Oryza sativa ) dans le contexte du centre chinois. Comme nous l'avons indiqué, il y a un certain niveau de discussions parmi les experts pour proposer que le riz ait été domestiqué de façon indépendante dans le sud est du continent indien et peut-être aussi dans une région imprécise délimitée par les régions frontalières entre le Laos, la Thaïlande et Maynmar (anciennement la Birmanie), le fameux trian- gle de la drogue de triste réputation. L'espèce spontanée Oryza perennis est distribuée dans ces deux régions et les conditions climatiques sont aussi favorables à la culture du riz. Le processus de domestication en Inde aurait probablement eu lieu à une période plus récente que dans le centre chinois. Les datations* issues des fouilles archéologiques indiquent que le riz aurait été cultivé dans ces régions entre 5 000 et 4 000 années A.P. En sa basant sur une "preuve" ét mologique, il a été proposé que le riz ait aussi été domestiqué initialement dans la région délimitée par les zones frontalières entre le sud-est de la Chine, le Nord du Laos et le Nord-Est de Myanmar . Le mot "Oulizz", décrivant le riz en culture par les peuples habitant cette région, est aussi utilisé dans le langage Kmer de la péninsule indochinoise pour décrire le riz bien qu'étymologiquement ce mot ne fasse pas partie du langage khmer traditionnel. Certains chercheurs y voient une preuve de la diffusion de la culture du riz à partir de ce centre hypothétique d'origine. Les bananes (Musa sp.) sont originaires l'Asie du Sud-Est, car les formes spontanées produisant des fruits non- comestibles pourvus de graines de Musa acuminata sont distribuées dans les régions tropicales humides et l'on considère que son évolution sous culture a commencé dans la péninsule malaisienne.

Les cormes souterrains (tiges modifiées en organes de réserves) de cette plante étaient probablement utilisés comme aliment par les peuples préhistoriques habitant les régions côtières de la Malaisie, mais une mutation for- tuite déterminant une stérilité des fleurs femelles et le développement des fruits sans fertilisation (par un proces- sus de parthénogenèse et de triploïdisation, voir chapitre correspondant) a rendu les fruits (baies) pulpeux, non grenus et sucrés très attrayants pour la consommation humaine. La deuxième espèce, Musa balbisiana, originaire des régions subtropicales (régions des moussons) du sud et tropicales du sud-est de l'Asie, des Philippines à la Nouvelle-Guinée, est impliquée dans l'évolution des plantains. Les formes spontanées de cette

* Smith (1996) fait mention de datations plus récentes, entre 2,400 et 3,600 ans A.P., pour les échantillons indiens de riz quand ceux ci ont été ré analysés par la méthode AMS de datation directe.

- 28 - espèce produisent des fruits grenus et relativement fibreux à maturité. Il est probable que des formes cultivées de M. acuminata diploïdes ont été mises en contact avec des plantes de M. balbisiana lors de la diffusion de la culture du bananier dans des régions subtropicales de sous-continent indien ou elles se sont croisées de façon accidentelle générant des hybrides interspécifiques entre cette espèce et M. balbisiana. Ces hybrides stériles ont produit des fruits pulpeux dépourvus de graines et leurs cormes ont été par la suite propagés de facon végétative par les premiers peuples agricoles des régions concernées.

Il n'y a pas de preuves concrètes qui permettent de dater les origines de l'utilisation et la culture de la canne à sucre, Sacharum officinarum, la canne noble qui est impliquée dans toutes les variétés de canne à sucre qui sont, en fait, des hybrides interspécifiques complexes. La distribution de cette espèce en Nouvelle-Guinée, et le fait que les peuples indigènes de cette région consommaient le jus sucré des tiges et plantaient cette espèce pour délimiter des enclos autour de leurs habitations, nous laissent croire que la canne était utilisée comme aliment depuis des temps très anciens. Des plantes de Saccharum officinarum ont du être transportées dans différentes régions de l'Asie du sud relativement tôt, car des formes hybrides de canne à sucre impliquant S. officinarum étaient cultivées en Inde à partir du 3ème millénaire av. J.C.

Plusieurs preuves circonstancielles appuient l'hypothèse que le cocotier (Cocos nucifera L.) aurait été cultivé en premier en Asie du Sud et dans les îles du Pacifique sud bien avant qu'il ne soit dispersé sur les côtes améri- caines (Pacifique) et sur les côtes africaines face à l'océan Indien. L'hypothèse de l'origine indo-pacifique est appuyée par diverses preuves telles que la plus grande diversité de formes de cocotiers dans cette région par com- paraison à l'Amérique du Sud et de l'utilisation plus diversifiée qu'en font les habitants de la région indo-paci- fique. De plus, une plus grande richesse du vocabulaire et du folklore pour désigner les différentes utilisations, phases de développement et les parties du cocotier et de son fruit a été noté en Asie et en Polynésie. Le nom malaisien "Nyiur" pour désigner le cocotier est utilisé dans beaucoup de régions du Pacifique même si, éty- mologiquement ce mot ne correspond pas à la langue parlée dans les régions les plus éloignées. La grande quan- tité d'insectes particuliers au cocotier sur les côtes malaisiennes indiquerait que cet arbre aurait été ''domes- tiqué'' en premier dans cette région particulière. La découverte récente d'espèces fossiles de Cocos, proches à Cocos nucifera, en Nouvelle Zélande et en Inde, datant du tertiaire récent, prouve que cette espèce était présente dans cette région avant que l'Homme ne la colonise. Du fait de l'absence de signes distinctifs pour car- actériser les fruits ou parties de fruits de cocotiers "cultivés" issus des fouilles archéologiques, il est aussi très dif- ficile de placer une date sur l'origine de l'utilisation du cocotier par l'homme. La preuve la plus ancienne con- firmée par les écrits, et non par des fouilles archéologiques, indique que le cocotier était planté en Inde il y a 3 000 ans. Il est cependant généralement accepté que cette plante ait été déjà cultivée depuis quelques millénaires avant cette date dans les régions du sud de l'Asie. Le taro (Colocasia esculenta ) est cultivé depuis des temps préhistoriques dans les régions tropicales de l'Est de l'Asie, particulièrement en Mélanésie et en Polynésie, mais aussi en Chine du Sud, au Japon et dans toutes les régions tropicales incluant le sous-continent indien. Du fait des conditions climatiques et des tissus mous (cormes) de cette plante qui se décomposent rapidement, il n'y a pas de preuves archéologiques sur son utilisa- tion. Harlan (l975) propose la région du sud-est de l'Inde (Assam (Inde) et le Nord du Bangladesh actuel) comme étant le centre d'origine des formes domestiquées. Les premiers explorateurs européens qui ont visité les îles du Pacifique centrale et sud, incluant les îles Hawaii, la Polynésie, Mélanésie et Macaronésie, ont documenté l'im- portance de cette plante pour l'alimentation des peuples autochtones de ces régions.

Centre nord-américain (Smith 1996)

Comparé aux autres centres d'origine de l'agriculture, le centre nord-américain est considéré comme le plus récent du point de vue chronologique, les preuves archéologiques et biologiques remontant à environ 4 600 années A.P. Les preuves les plus anciennes montrant un développement indépendant du processus agricole se situent dans le sud-est de l'Amérique du Nord. Un deuxième centre montrant un processus agricole plus récent remontant au début de l'ère chrétienne est localisé dans la région du sud-ouest nord-américain.

Dans la région du sud-est est d'Amérique du Nord, les fouilles archéologiques récentes font état de la domes-

- 29 - tication de plusieurs plantes qui ont permis le développement de l'agriculture quelques 2 000 ans avant l'apport du maïs et des courges introduites de la région méso-américaine.

Le chénopode, , fut domestiqué dans cette région et apparemment était la plante alimentaire la plus importante pendant les premières phases du développement agricole. Les preuves de sa domestication proviennent d'analyses de centaines de graines dont les testa (enveloppe extérieure de la graine) sont significativement plus minces que celles des graines de plantes de l'espèce spontanée qui pousse dans cette région. Les datations directes par la méthode AMS, réalisées au cours des derniers 15 ans sur des collections faites au 19ème siècle lors d'excavations de grottes et abris, suggèrent que cette plante à été domestiquée il y a au moins 3 500 ans. D'autres plantes sauvages ont apparemment été domestiquées dans cette région, dont le tournesol (Helianthus annus var. macrocarpus ) pour lequel les datations directes indiquent la présence de formes cul- tivées vers 4 200 années A.P. Des formes spontanées du tournesol auraient été introduites dans cette région comme mauvaise herbe accompagnatrice par les peuples nomades avant l'avènement de l'agriculture à partir de l'Ouest de l'Amérique du Nord, qui est son aire de distribution naturelle. Deux autres espèces, la courge (Cucurbita pepo ) et le sureau des marais (Sambucus aurea ) furent domestiquées par l'Homme il y environ 4 500-3 500 ans. La même espèce de courge fut domestiquée dans la région méso-américaine (centre C1) vers 7 000 années A.P., mais les analyses des restes de plantes cultivées récoltées dans la région du sud-est de l’Amérique du Nord et le fait que l'on retrouve des formes spontanées dans cette région laissent supposer que cette courge fut domestiquée de façon indépendante en Amérique du Nord. De plus, la diffusion de plantes agricoles provenant de la région méso-américaine ne se fait que beaucoup plus tard, le maïs faisant son apparition comme culture dans le sud-est de l’Amérique du Nord qu'à partir de 2 200 années A.P. La culture de cette céréale est marginale durant les 10 siècles qui suivent, mais à partir du 9ème siècle de notre ère, la culture du maïs prime sur toutes les autres plantes cultivées localement. Les analyses archéologiques de cette région démontrent qu'en- tre 7 500 et 4 500 années A.P. les groupes humains étaient nomades ou semi-nomades et leurs moyens de sub- sistance étaient associés principalement à la cueillette et à la chasse. Vers 6 000-5 000 années A.P. les condi- tions climatiques de la région deviennent plus humides et plus favorables. La végétation dans les prairies et aux abords des cours d'eau devient ainsi plus abondante et diversifiée. Cette abondance de ressources alimentaires permet aux groupes humains de devenir plus sédentaires et d'expérimenter la culture des plantes les plus abon- dantes et nourrissantes. C'est à partir de ce moment que les conditions deviennent favorables pour le développe- ment initial d'un processus agricole.

La deuxième région nord-américaine dans laquelle il y a eu un développement du processus agricole pré colombien est la région du sud-ouest qui comprend les états de l'Arizona et du Nouveau-Mexique. Entre 1948 et 1970, les fouilles archéologiques de certaines grottes de cette région, telles que ''Bat Cave'', avaient mis à jour des restes d'épis de maïs cultivés qui avaient été datées par la méthode C14 indirecte comme étant âgés de 6 000 à 4 000 ans. Les restes d'autres plantes cultivées (courges, haricots) qui avaient été récupérés lors de ces fouilles étaient situés dans des niveaux d'occupation similaires ou plus récents. De ce fait, l'on considérait à cette époque que l'agriculture dans cette région avait été importée de la région méso-américaine par des agriculteurs qui auraient migré dans cette région et auraient introduit les pratiques agricoles aux populations amérindiennes locales. Vers 1985, ces épis de maïs furent ré analysés par la méthode directe AMS et leurs âges furent estimés entre 3 200-2 800 ans, le même âge déterminé pour les restes de courge (Cucurbita pepo ) retrouvées dans cette grotte alors que pour deux espèces de haricots les datations étaient plus récentes, remontant environ à 2 500 années A.P. D'après Smith (l996), les analyses de ces fouilles archéologiques suggèrent que les peuples amérin- diens du sud-ouest de l'Amérique du Nord soient demeurés nomades et cueilleurs-chasseurs mais ont utilisé pendant un certain temps les graines de maïs, courges et haricots cultivés qui étaient introduites du Mexique pour suppléer à leur alimentation basée sur la cueillette et la chasse, sans pour autant pratiquer l'agriculture. Les recherches archéologiques montrent que ce n'est que 1 500 années plus tard, vers le premier siècle de notre ère, que l'on commence à observer des traces d'un développement agricole accompagné d'un délaissement des pra- tiques de cueillette et de chasse. Bien qu'il soit possible que les amérindiens de ces régions aient domestiqué des plantes locales avant l'introduction du maïs, courges et haricots, il n'existe à date aucune preuve archéologique que des plantes locales aient été manipulées et qu'un processus agricole indépendant se soit développé avant le premier siècle de notre ère dans cette région.

- 30 - Quelques exceptions: Trois plantes d'importance alimentaire dont la domestication n'est pas reliée à un centre d'origine précis

L'origine de la domestication et la culture de trois plantes cultivées, la betterave à sucre (Beta vulgaris ), le tri- ticale (Triticum Secale ) et le pamplemousse (Citrus paradisi ) ne sont pas associées à un centre ou non-centre d'origine tels que décrits dans les pages précédentes.

La betterave à sucre est le résultat d'une sélection effectuée au 18ème siècle en Allemagne sur des stocks de la betterave de table dans le but d'augmenter la production de saccharose des racines. Cette sélection répondait à des impératifs politiques de l'époque tel qu'expliqué plus en détail dans le chapitre correspondant.

Le est le résultat de croisements inter génériques entre le blé (Triticum sp.) et le seigle (Secale cereale) qui ont été réalisés à l'aide de la culture d'embryons et de la polyploïdisation artificielle par le biais de l'utilisa- tion de la colchicine. La plupart des recherches développées à partir de 1950 et qui ont mené à la production de variétés commerciales de triticale ont été réalisées à L'Université du Manitoba (Canada) et au Centre International d'Amélioration du Maïs et du Blé (CIMMYT) au Mexique.

Le pamplemousse (Citrus paradisii ) est le résultat d'un croisement spontané entre un de pomelo ou pummelo (Citrus grandis) et un oranger (Citrus sinensis) qui a eu lieu accidentellement dans une plantation à l'île de Barbade, dans les Caraïbes, vers la fin du 18ème siècle. Toutes les autres espèces d'agrumes cultivées, incluant les deux espèces parentales sont originaires des régions du sud-est de l'Asie où elles ont été domes- tiquées. Il est très probable qu'avec l'avènement des applications du génie génétique et de techniques utilisées en biotechnologie végétale de nouvelles ''espèces'' ou ''taxons synthétiques'' destinés à la culture seront produits dans un avenir proche dans des régions autres que les centres d'origine botanique ou de domestication des espèces parentales impliquées dans les processus d'échange génétique établis par les méthodes non conven- tionnelles.

HYPOTHESES SUR LES CAUSES DE L'ORIGINE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE: PASSAGE DE LA PÉRIODE DU PALÉOLITHIQUE AU NÉOLITHIQUE CIRCA. 10 000 A.P.

Les hypothèses A à G, à l'exception de D, ont été élaborées principalement pour "expliquer" le développement d'une société agricole au Moyen Orient ("Croissant Fertile".

A.- Changement climatique ( V. Gordon Childe): Cette hypothèse, la plus ancienne, a été proposée au cours de la première moitié du 20ème siècle, avant que les analyses palynologiques associées à la datation des sédiments au carbone 14 aient été développées. Elle proposait que le climat de la région soit devenu plus sec à partir de 12 000-13 000 A. P. Ce changement aurait forcé les tribus nomades à repenser leurs "stratégies" dans la recherche des aliments et à se réunir autour des cours d'eau ou des points d'eau en contact avec les animaux qu'ils auraient domestiqués. Les tribus nomades auraient initié des séquences de labourage et de plantations de graines de céréales et de légu- mineuses afin de palier à la réduction de ressources naturelles provoquée par la sécheresse. Les analy- ses palynologiques de Van Zeist (l968, l974) contredisent cette hypothèse, car s'il est vrai qu'il y a eu un changement climatique durant cette période, celui-ci a évolué vers des conditions plus humides et favorables. Cette amélioration climatique a déterminé une évolution de la savane vers une végéta- tion plus diversifiée de boisé (Chêne, Pistaccio) (Figure 10).

- 31 - Figure 10. Diagrammes du dépôt de pollen dans deux sites provenant du lac Zeribar (Ouest de l’Iran) et du marais de Ghab (Nord-Ouest de la Syrie) (Wright H.E.J. (1976) Science 194 : 131-133)

B.- Pression démographique (Lewis R. Binford; R. L. Cohen): Cette hypothèse propose que le nom- bre d'individus dans certaines régions ait augmenté au-delà de la capacité de l'environnement à fournir une alimentation adéquate aux populations par la cueillette, la chasse et la pêche. Ces popu- lations ou certains sous-groupes de celles-ci, auraient été déplacées vers des régions marginales et certains individus auraient essayé de reproduire les champs naturels de céréales en transportant et en cultivant des graines apportées des régions d'où ils venaient. La population lors du virement néolithique (il y a environ 10 000 A.A.) est difficile à estimer, mais d'après des calculs savants et des modèles variés, a été évaluée entre 2 et 34 millions de personnes pour le pourtour de la grande région méditerranéenne incluant le Moyen-Orient, avec un chiffre moyen plus ou moins agréé d'environ 10 millions d'individus. Cette hypothèse est intéressante et est plausible pour expliquer, en partie, le besoin du développement agricole.

C.- Développement culturel et spécialisation ( R. J. Brainwood; E. Smith; D. Rindos, Jack Harlan, en partie; McNeish 1991): D'après cette hypothèse, le développement agricole n'aurait pu se faire qu'après un certain degré de différenciation culturelle à l'intérieur des groupes et entre les groupes humains des régions. Une meilleure utilisation des outils au Paléolithique supérieur (Épi- paléolithique) et au Pro-néolithique (25 000-10 000 A.A.) ainsi qu'une spécialisation socioculturelle et le partage de travail des individus d'une bande ou d'un groupe humain auraient permis une plus grande manipulation des ressources de l'environnement et une plus grande familiarité avec les plantes et animaux utilisés pour l'alimentation. Ces conditions auraient favorisé le développement agricole sous des situations contraignantes (démographie, changements micro-climatiques).

D.- L'agriculture est "inventée" par des groupes humains ayant une source sure et con- stante d'aliments, par exemple des pêcheurs (Carl Sauer). D'après cette hypothèse proposée par le géographe Carl Sauer, les populations vivant le long des côtes (marines et lacustres), ayant une source de nourriture nutritive et abondante auraient eu le temps et les loisirs pour expérimenter d'autres sources d'aliments végétaux et de pratiquer les premiers rudiments du développement agri-

- 32 - cole. Les preuves à date n'indiquent pas que cette hypothèse devrait être retenue, car l'agriculture s'est développée dans les régions montagneuses ou intra montagneuses et l'analyse des fouilles archéologiques des populations des pêcheurs de Huaca-Prieta (côte du Pérou) ou des cotes du sud- ouest asiatique n'indiquent pas qu'ils aient "inventé" l'agriculture. Ils auraient plutôt adopté la cul- ture d'espèces végétales originaires de régions à l'intérieur des terres dans les zones écotonales des régions intra montagneuses.

E.- L'origine de l'agriculture se situe sur les accumulations de détritus autour des camps provisoires (grottes et abris naturels en support d'un semi-nomadisme ou transhu- mance) Cette hypothèse a été proposée par le botaniste américain Edgar Anderson (Hypothèse de "Dump Heap"; aussi nommée l'Hypothèse ''Eureka''). Selon cet auteur, le développement agricole aurait été inspiré par le fait que des graines non consommées de plantes se seraient accumulées avec les déchets aux abords des grottes et des lieux de rassemblement. Dans ces milieux riches en azote et en divers éléments nutritifs issus de la décomposition, ces graines auraient germé et auraient produit des plantes superbes et productives qui auraient incité certains humains à reproduire ces conditions sur une plus grande échelle.

F.- Hypothèse nécrologique-symbolique-religieuse ( E. Hahn, G. Allan et d'autres). Cette hypothèse s'efforce d'expliquer le développement de la domestication des animaux et celle des plantes. Durant la période charnière allant du paléolithique au néolithique, les sacrifices humains pratiqués pour diver-ses raisons (apaiser les dieux, les éléments ou les morts lors de rites funéraires) auraient été remplacés par des sacrifices d'animaux. L'approvisionnement par la chasse d'animaux vivants étant un processus hautement aléatoire, l'on aurait préféré garder ceux-ci dans des enclos. Éventuellement des espèces d'animaux plus grégaires auraient été reproduites en captivité et auraient été domestiquées de façon permanente. Lors de rites funéraires qui se pratiquaient depuis au moins 45 000 ans av. J.C., durant la période du paléolithique, les graines et autres parties végétatives des plantes étaient enterrées avec les morts pour les apaiser ou bien pour leur garantir un soutien dans l'au-delà. Ces graines ou tubercules pous- saient admirablement dans ce milieu riche (décomposition des cadavres) et ceci a été interprété comme un cadeau des esprits des défunts et une incitation à reproduire le processus sur une plus grande échelle. Planter les premières semences récoltées d'une espèce pour apaiser les dieux et éventuellement ramasser les graines issues de ces plantes? L'association des graines et fruits avec le concept de fécondité humaine est implicitement démontrée par la présence de statuettes d'argile au Paléolithique supérieur (35,000 à 20 000 années A.P.). Toutes ces hypothèses sont plausibles si l'on considère que les peuples du Paléolithique supérieur possédaient une culture symbolique complexe et des croyances sur l'existence d'une âme après la mort (déjà apparent vers 45 000 A. P.).

G.- Agriculture se développe à la suite de la création des premiers villages ou agglomérations "urbaines" (Jane Jacobs): Aucune preuve pour cette hypothèse dans le contexte étroit décrit par Jacobs. L'exemple proposé par cette anthropologue est le cas d'un village du Néolithique "Catâl Huyük" (en Anatolie turque). Ce cas s'est avéré être faux, car l'agriculture et la domestication des animaux y étaient déjà bien développées, même dans les premiers niveaux d'oc- cupation. Par contre, des analyses plus récentes, rapportées par Smith (1996), indiquent que dans cer- tains cas, des agglomérations très primitives composées de quelques habitations ont été construites dans la région levantine du Moyen-Orient (Syrie, Palestine, Israël ; et le cas particulier de Tell Abu Hureyra, déjà discuté dans ce chapitre) à des périodes où la cueillette et la chasse étaient encore les principales activités permettant le soutien alimentaire de groupes humains, qui évoluaient déjà vers la sédentarité.

- 33 - H.- Agriculture inventée dans la région du Moyen-Orient (Mésopotamie) est transmise aux autres continents par des peuples avancés ayant voyagé aux temps pré his- toriques (Légende de l'Atlantide) ou ''introduite'' par des extra terrestres. Aucune preuve pour ces hypothèses. Mais la ''présence'' de traces de coca et de tabac, deux plantes d'origine américaine, dans les bandelettes recouvrant des momies égyptiennes datant du 2ème et 3ème millé- naires, si elle peut être confirmée, démontrerait qu'un contact pré colombien aurait pu avoir lieu.

I.- Causes pour l'initiation du Processus agricole dans les diverses régions du globe très diverses et complexes. Développement indépendant dans diverses régions (Jack Harlan 1975, 1984, 1987; David Rindos 1984; McNeish 1992). Jack Harlan a aussi proposé un "Non-model model" pour expliquer l'origine du développement agricole; Rindos (l984) en vient à la même con- clusion. Blumer (1992), sur la base de récentes "preuves" cytogénétiques et moléculaires, propose que plusieurs cultures agricoles, surtout au Moyen-Orient et en Amérique, aient une origine unique de domestication et ce dans une région particulière et qu'elles ont diffusé par rayonnement. Ce dernier argument n'est que partiellement prouvé pour certains centres (continent américain; C1 et C2 et centre andéen) et pour l'inter relation entre le centre du Moyen-Orient (A1) et le Nord de l'Afrique, en particulier la vallée du Nil.

J.- Le processus agricole a-t-il commencé dans les régions tropicales (ou sous-tropi- cales) par une "végéculture" : transplantation d'organes ou de portions végétatives de plantes (patate douce, manioc, igname, banane, canne à sucre, etc.). Cette forme d'a- griculture est plus facile à réaliser qu'avec des semences. Les conditions climatiques et géologiques des régions tropicales ne permettent pas de conserver les preuves de ce processus initial. Mais sur la côte Nord du Venezuela ont retrouve des grattoirs pour le manioc (budares) dans des niveaux d'oc- cupation plus anciens que ceux pour le maïs (Manos, Metates), mais les dates sont aussi récentes que 900 av. J.C.

- 34 - (ORIGINES DE L'AGRICULTURE : RÉFÉRENCES)

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- 36 - ANNEXE 1 (ORIGINES DE L’AGRICULTURE)

La Méthode de datation du C14

14 La méthode conventionnelle de datation au C fut développée vers la fin de la Seconde Guerre mondiale et 14 tient compte de la présence naturelle de l’isotope radioactif de carbone ( C) qui se désintègre à un taux con- 12 stant. Tous les organismes vivants sont composés d’atomes de carbone. La forme usuelle de carbone ( C) pos- sède un poids atomique de 12, mais plusieurs autres isotopes existent qui ont des atomes qui contiennent des 14 nombres différents de neutrons. Un d’entre eux, le C, possède un poids atomique de 14. Cet isotope est formé constamment dans l’atmosphère par l’interaction des rayons cosmiques et l’azote atmosphérique. Il se désintè- 14 gre lentement avec une demi-vie d’environ 5730 ans. Le processus de formation et de désintégration du C atmo- 12 14 sphérique a lieu depuis tellement longtemps que le rapport entre le C et le C a atteint un équilibre. La quan- 14 12 12 tité de C dans l’atmosphère ne constitue qu’une partie infime de cet élément. Il y a 10 copies de C pour 14 chaque copie de C et ce rapport est retrouvé dans tous les organismes quand ils sont en vie. Après la mort de 14 12 14 l’organisme, le rapport C/ C devient encore plus débalancé, car il y a désintégration lente du C alors que, le 12 C n’est pas affecté. En principe, il est donc possible de mesurer depuis combien de temps un organisme est décédé en analysant la courbe de désintégration du C14 en fonction du temps (Figure 1). Cette méthode per- met de dater avec précision des spécimens archéologiques âgés entre 500 et 50 000 années, un laps de temps qui cou- vre bien la période d’intérêt pour les analyses archéologiques du paléolithique moyen à la période historique relativement récente. Cette technique permet l’analyse de restes de végé- taux et d’animaux qui ont été cuisinés, brûlés autour des feux et fours de cuisson ou imprégnés dans les ustensiles de cuis- 14 12 son, car le rapport C/ C n’étant pas affecté par la cuisson ou la calcination des échantillons de matériel organique.

La méthode conventionnelle de datation développée en 14 12 1948 établit le rapport C/ C en comptant les désintégra- 14 tions individuelles du C qui sont signalées par des émis- sions de particules bêta. Une période de mesure de plusieurs 14 heures est nécessaire pour estimer le nombre d’atomes de C qui demeure dans l’échantillon, et ainsi en déterminer l’âge. 14 Étant donné qu’une très petite proportion d’atomes C est désintégrée durant la période d’essai, il est néces- saire d’utiliser une masse importante d’échantillon, généralement dans l’ordre de 1 à 5 grammes, et parfois plus, dépendant du type d’échantillon et son état de conservation. Le poids de l’échantillon à analyser pose un prob- lème dans le cas de graines, morceaux de tissus de plantes ou fragments d’os d’animaux (donc le contenu en car- bone est bas) qui sont récupérés lors des fouilles archéologiques. Dans bien des cas, la quantité de carbone

- 37 - disponible par échantillon est bien en deçà du minimum requis. Ces limitations ont déterminé que jusqu’en 1980, les experts devaient estimer l’âge des échantillons de façon indirecte en analysant des échantillons de dépôts organiques plus abondants (généralement du charbon de bois) qui étaient retrouvés dans les mêmes niveaux d’occupations (couches de sols ou strates géologiques) d’où l’on avait extrait les échantillons fossiles de plantes ou d’animaux. Cette méthode indirecte pose des problèmes, car, comme il a été démontré par la suite, les déplacements verticaux des restes fossilisés de plantes et d’animaux sont chose courante dans les dépôts, repo- sitionnant les échantillons dans des couches d’âge différentes de celles auxquelles ils étaient associés au départ. Des experts ont établit qu’un échantillon de petites dimensions a une chance sur cinq d’être déplacé verticale- ment de sa strate de déposition originale dans une couche archéologique plus jeune ou plus âgée (plus proba- ble à cause de l’effet de la gravité) que son âge réel. A partir de 1980, le développement de la spectrométrie d’accélération de masse (AMS; ‘’ accelerator mass spec- trometry’’, figures 2a, 2b), issue de la technologie de la spectrométrie de masse conventionnelle, facilita

Figure 2a.- Le spectrophotomètre d'accélération de masse peut déterminer l'âge d'un échantillon fossile en calculant directement la quantité d' atomes de 14C présents dans l' échantillon. A partir de la source d'ions, les atomes de C ionisés provenant de l'échantillon sont << aspirés >> vers l'accélérateur . Lorsque les atomes passent à travers le pre- mier virage de la poutre magnétique, les atomes les plus légers tournent plus rapidement que ceux qui sont plus lourds et pénètrent à l'intérieur d'une autre poutre munie d'un filtre bloquant toutes les particules chargées à l'exception de celles possédant une masse atomique de 14. Lorsque les atomes pénètrent à l'intérieur de l'accélérateur on y retrouve plusieurs molécules d'une masse atomique de 14 qui sont indistinctes des atomes de 14C. L'accélérateur « pousse » les ions encore présents à travers une seconde poutre magnétique qui filtre les atomes autres que le 14C. Finalement, les atomes de 14C arrivent à un détecteur ultra-sensible qui compte leur nombre en fin de course. (adapté de Smith 1996).

Figure 2b. Quantité moyenne de divers matériaux nécessaires pour la datation avec la méthode AMS, comparée à la taille d’un cent américain (adapté de Smith 1996)

- 38 - grandement l’analyse d’échantillons fossiles réduits. Cette technique diffère de la méthode conventionnelle, car 14 elle mesure directement la quantité de C qui est présente dans l’échantillon. Au lieu de mesurer les émissions 14 14 bêta produites par les désintégrations du C, la méthode estime la quantité de C qui demeure dans l’échan- 14 tillon en déterminant directement le nombre d’atomes de C. De ce fait, cette technique peut déterminer l’âge d’échantillons qui sont jusqu’à 1000 fois plus réduits en poids ou en volume que ceux requis pour l’analyse con- ventionnelle. Présentement, plus de 3000 échantillons sont analysés par année par cette méthode et ces analy- ses ont décelé des erreurs de datation importantes lorsque des échantillons, dont l’âge avait été estimé par la méthode conventionnelle indirecte, furent ré analysées par la méthode AMS.

La microscopie électronique à balayage :

Le développement de microscopes électroniques à balayage (MES ou SEM en anglais) à partir de 1968 a permis de caractériser avec précision les structures de surface des restes de plantes et d’animaux retrouvés dans les dépôts archéologiques sans avoir à sectionner le matériel. En particulier, ce type de microscopie est très utile pour reconnaître les modifications structurales des fruits, graines et structures osseuses apportées par le proces- sus de domestication des plantes et animaux. L’analyse de couches de tissus régissant les zones d’abscission des structures du rachis et des épillets des céréales et des gousses des légumineuses sont facilitées par les observa- tions au SEM. De même, l’analyse des couches de l’éxine des grains de pollen et des testa des graines permettent de préciser à quelle espèce, et parfois à quelle sous-espèce, nous avons à faire (Figures 3a, 3b). L’analyse de pollen (palynologie) retrouvés dans les strates d’occupation humaine est un élément impor- tant des recherches archéologiques, car toute déviation à la hausse des proportions de pollen d’une espèce dans un échantillon archéologique par rapport aux dépôts lacustres voisins datés de la même époque suggère que cette espèce à été ramassée et utilisée de façon préférentielle pour l’alimentation des habitants de l’époque. L’épaisseur de la testa des graines est aussi un bon indicateur pour prouver leur appartenance à des plantes domestiquées ou spontanées. La testa des graines des espèces domestiquées et cultivées est généralement significativement plus mince que celle des plantes spontanées car il y a sélection inconsciente pour éliminer la Figure 3a. Le microscope électronique à balayage permet de dif- férencier la texture de surface et la forme des grains de pollen avec dormance des graines des formes spontanées une grande précision. Cette photo montre la présence de grains de qui est déterminé, dans bien des cas, par une pollen de cinq espèces différentes de plantes et celles-ci peuvent être identifiées à cause de leurs caractéristiques propres (adapté de testa renforcée imperméable. Smith 1995).

- 39 - Figure 3b. Cette photographie, issue d’une observation au MEB, montre une graine de Chenopodium berlandieri agée de 3,500 ans provenant d’un site archéologique du Kentucky. Le testa (enveloppe externe) de cette graine possède une épaisseur de 15 microns, ce qui est une preuve qu’elle provient d’une plante cultivée. Les graines de plantes spon- tanées de cette espèce ont des testa plus épaisses mesurant entre 28 et 39 microns (adapté de Smith 1995).

Références

Gowlett , J. A. J. (l987) The archeology of radiocarbon accelerator dating. Journal of World Prehistory 2: 127-170.

Smith, D. D. (l996) The emergence of agriculture. Scientific American Library. HPHLP. New York. pp. 36-47

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