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Du même auteur dans la même collection

L’ART D’ÊTRE GRAND-PÈRE. . LES CHANSONS DES RUES ET DES BOIS. (édition avec dossier). . . LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNÉ (édition avec dossier, précédée d’une interview de Laurent Mauvignier). LES FEUILLES D’AUTOMNE.LES CHANTS DU CRÉ- PUSCULE. (édition avec dossier). L’HOMME QUI RIT (deux volumes). HUGO JOURNALISTE. Articles et chroniques. LA LÉGENDE DES SIÈCLES (deux volumes). LUCRÈCE BORGIA (édition avec dossier). LES MISÉRABLES (trois volumes). NOTRE-DAME DE PARIS. .. QUATREVINGT-TREIZE (édition avec dossier). (édition avec dossier). THÉÂTRE I : Amy Robsart. . Hernani. Le roi s’amuse. THÉÂTRE II : Lucrèce Borgia. Ruy Blas. . Angelo, tyran de Padoue. LES TRAVAILLEURS DE LA MER (précédé d’une interview de Patrick Grainville). WILLIAM SHAKESPEARE (édition avec dossier). Meta-systems - 12-02-18 16:07:36 FL2984 U000 - Oasys 19.00x - Page 3 Les Châtiments - GF Dossier Relook - Dynamic layout 108x × 178x

HUGO

Les Châtiments •

CHRONOLOGIE PRÉSENTATION NOTES DOSSIER BIBLIOGRAPHIE (mise à jour en 2018) INDEX par Jean-Marc Hovasse

GF Flammarion Meta-systems - 12-02-18 16:07:36 FL2984 U000 - Oasys 19.00x - Page 4 Les Châtiments - GF Dossier Relook - Dynamic layout 108x × 178x

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© Flammarion, Paris, 1998. Édition corrigée et mise à jour en 2018. ISBN : 978-2-0814-2780-8 SOMMAIRE

CHRONOLOGIE 6

PRÉSENTATION 25

AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS 45

Les Châtiments

DOSSIER

1. Petit Traité de versification 389 2. La satire 400 3. Le mélange des genres 419 4. Les Châtiments dans « l'année ter- rible » (1870) 429

BIBLIOGRAPHIE 449

INDEX DES NOMS DE PERSONNAGES 453

TABLE DES CHÂTIMENTS 473 0, P00000011100000000 REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE

Le 2 août, Bonaparte est proclamé Consul à vie. Le 26 février à 22h30, naissance à Besançon de Chateaubriand, Le Génie du christianisme, René. Victor Hugo, troisième fils (après Abel et Eugène) du futur général d'Empire Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet.

Naissance d'Adèle Foucher, future épouse de Victor Hugo.

Le 21 mars, promulgation du Code civil des Fran- çais (Code Napoléon). Le 18 mai, Bonaparte devient Napoléon I", empereur des Français. Le 2 décembre, sacre de Napoléon à Notre-Dame.

Le 19 octobre, victoire d'Ulm. Le 2 décembre, vic- toire d'Austerlitz.

Le 14 octobre, victoire d'Iéna. Naissance de Julienne Gauvain, future . Le 8 février, victoire d'Eylau. Le 14 juin, victoire de Friedland.

Le 20 avril, naissance à Paris de Louis Napoléon Bonaparte.

22 mai 1809 : victoire d'Essling. Victor Hugo s'installe, avec sa mère et ses frères, 5-6 juillet 1809 : victoire de Wagram. aux Feuillantines (à Paris). Dans le jardin, les enfants jouent avec Adèle Foucher.

Le 20 mars, naissance à Paris du fils de Napoléon, Séjour à Madrid. Eugène et Victor sont placés au le roi de Rome, Napoléon II. «Collège des Nobles ».

Campagne de Russie. Le 7 septembre, victoire de Retour aux Feuillantines. la Moskowa. Napoléon entre dans Moscou où il restera un mois. Le 19 octobre, début de la retraite de Russie. Les 27-29 novembre, passage de la Bérésina. La Grande Armée est décimée.

Campagne d'Allemagne. 03 • • • • • • • • 111• • • • • • . REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO I

Campagne de France. Le 6 avril, Napoléon abdique sans condition. Le 20 avril, adieux à Fon- tainebleau. Le 3 mai, arrivée du roi Louis XVIII à Paris. Le 4 mai, arrivée de Napoléon à l'île d'Elbe. Première Restauration.

En mars-juin, retour de Napoléon : Les Cent-Jours. Eugène et Victor sont mis en pension à Paris. Le 18 juin, défaite de Waterloo. Le 22 juin, abdi- cation de Napoléon. Retour de Louis XVIII. Le 15 juillet, départ de Napoléon pour Sainte-Hélène.

Le 25 août, mention d'encouragement obtenue à un concours de l'Académie française, pour le poème « Bonheur que procure l'étude dans toutes les situa- tions de la vie ».

Première édition des oeuvres d'André Chénier. Victor Hugo remporte le Lys d'or au concours poé- tique des Jeux floraux de Toulouse. Il fonde avec ses frères le Conservateur littéraire. Le 14 février, assassinat du duc de Berry, fils du Roman: Bug-Jargal, première version. comte d'Artois, neveu de Louis XVIII. Lamartine, Méditations poétiques.

Le 5 mai, mort de Napoléon. Le 27 juin, mort de la mère de Victor Hugo.

Poésie : Odes et poésies diverses. Le 12 octobre, mariage avec Adèle Foucher.

Nicéphore Niepce invente la photographie. Roman: Han d'Islande. Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène.

Le 16 septembre, mort de Louis XVIII. Son frère, Poésie : Nouvelles Odes. Le 28 août, naissance de le comte d'Artois, lui succède sous le nom de Léopoldine Hugo. Charles X.

Le 29 mai, sacre de Charles X à Reims, auquel Victor Hugo assiste.

, Vigny, Poèmes antiques et modernes. Roman: Bug-Jargal, seconde version. Poésie : Odes et ballades. Le 2 novembre, naissance de Charles Hugo.

•0 • • • • • • • • • • • • • • • • REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Poésie : L'Ode à la colonne de la place Vendôme consacre le mythe napoléonien. Théâtre : Cromwell et sa Préface, principal manifeste du romantisme.

Le 29 janvier, mort du père de Victor Hugo. Le 21 octobre, naissance de Victor, dit François-Victor, second fils de Victor Hugo.

Balzac, Les Chouans. Alexandre Dumas, Henri III Poésie : Les Orientales. Roman: Le Dernier Jour e et sa cour. d'un condamné. Théâtre : Marion de Lorme.

Le 5 juillet, prise d'Alger par les troupes fran- Théâtre : Hernani. Le 24 août, naissance d'Adèle, çaises. Les 27-29 juillet, les Trois Glorieuses. La seconde fille de Victor Hugo. Début de la liaison révolution de Juillet met un terme à la Restaura- entre Sainte-Beuve et Madame Victor Hugo. tion. Le 2 août, abdication de Charles X. Le 9 août, Louis-Philippe d'Orléans devient Louis- Philippe I", roi des Français. Charles X est exilé. Berlioz, La Symphonie fantastique. Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses. Stendhal, Le Rouge et le Noir. Balzac, La Peau de Chagrin. Auguste Barbier, Roman: Notre-Dame de Paris. Poésie : Les Iambes. Auguste Barthélemy, Némésis. Feuilles d'automne.

Les 5-6 juin, obsèques du général Lamarque ; Installation 6, place Royale à Paris (actuelle Maison insurrection républicaine à Paris. Louis Bonaparte Victor Hugo, place des Vosges). Théâtre : Le Roi publie son premier livre : Rêveries politiques. s ' amuse. Le 22 juillet, mort du duc de Reichstadt (Napoléon II) à Schönbrunn (Vienne).

Balzac, Eugénie Grandet. Louis Bonaparte, Consi- Théâtre : Lucrèce Borgia et Marie Tudor. Début de dérations politiques et militaires sur la Suisse. la liaison entre Victor Hugo et Juliette Drouet, qui a joué dans ces deux pièces.

Musset, Lorenzaccio. Sainte-Beuve, Volupté. Essai : Littérature et philosophie mêlées. Roman: Claude Gueux.

Le 28 juillet, attentat (manqué) de Fieschi contre Théâtre : Angelo, tyran de Padoue. Poésie : Les Louis-Philippe. Chants du crépuscule. Balzac, Le Père Goriot. • • • • • • • • • • • • • • • • REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Le 30 octobre, tentative de soulèvement de Louis Bonaparte à Strasbourg. Il publie le Manuel de l'artillerie à l'usage des officiers d'artillerie de la République helvétique. Le 6 novembre, mort de Charles X en exil à Goritz.

Poésie : Les Voix intérieures. Premier voyage en Belgique avec Juliette Drouet.

Théâtre : Ruy Blas.

Louis Bonaparte, Des Idées napoléoniennes. Stendhal, La Chartreuse de Parme.

Le 6 août, tentative de soulèvement de Louis Poésie : . Voyage avec Bonaparte à Boulogne. Il est arrêté, puis incarcéré Juliette Drouet sur les bords du Rhin et dans la au fort de Ham. Il publie L'Idée napoléonienne. Forêt noire. Le 14 décembre, le poème Le Retour Le 15 décembre, retour en France des cendres de de l'empereur est publié en brochure. Napoléon, qui sont déposées aux Invalides. Le 7 janvier, élection à l'Académie française.

Le 23 mars, mort de Stendhal. Louis Napoléon Récit de voyage: . Bonaparte, Analyse de la question des sucres.

Wagner, Le Vaisseau fantôme. Théâtre : Les Burgraves. Le 15 février, mariage de Léopoldine Hugo avec Charles Vacquerie. Le 4 septembre, mort des deux époux, noyés dans la Seine, à Villequier.

Louis Napoléon Bonaparte, L'Extinction du pau- périsme. Alexandre Dumas, Les Trois Mousque- taires, Le Comte de Monte-Cristo. Eugène Sue, Le Juif errant. Le 13 avril, le roi nomme Victor Hugo pair de France. Le 5 juillet, flagrant délit d'adultère avec Léonie Biard. Début de la rédaction des futurs Misérables et nouvelle édition du Rhin, augmentée de quatorze lettres.

Mort du pape Grégoire XVI ; avènement de Pie IX. Louis Bonaparte s'échappe du fort de Ham. • • • • • • • • • • • • • • • • REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Le 21 décembre, reddition d'Abd el-Kader. Le 14 juin, discours à la Chambre des pairs sur « La Lamartine, Histoire des Girondins. Michelet, His- famille Bonaparte », dont Hugo réclame la fin de toire de la Révolution française (1847-1853). 1 ' exil. Louis Blanc, Histoire de la Révolution (1847- 1862).

Les 22-24 février, révolution. Le 24 février, abdi- Le 4 juin, aux élections complémentaires, Victor cation de Louis-Philippe. Fin de la monarchie de Hugo est élu député de Paris, comme Louis Napo- Juillet. Début de la IF République. Le 23 avril, léon Bonaparte. Le 1" août, Hugo inspire L'Evé- élections à l'Assemblée constituante, au suffrage nement, journal politique fondé par ses fils, qui sou- universel. En juin, soulèvement populaire écrasé. tiendra la candidature de Bonaparte à partir de fin Le 10 décembre, Louis Napoléon Bonaparte est octobre. élu président de la République. Marx et Engels, Manifeste du parti communiste. Le 4 juillet, mort de Chateaubriand. Début de la publication des Mémoires d'outre-tombe. Le ler janvier, mise en vente, en France, des pre- Élu député conservateur à l'Assemblée législative miers timbres-poste. le 13 mai, Hugo va soutenir de plus en plus les Le 9 février, proclamation de la république à positions de la gauche. Le 9 juillet, discours sur Rome, que Pie IX a dû fuir précipitamment. Sur « La misère ». En août, présidence du Congrès la demande du pape, la France envoie ses troupes, international de la Paix. Le 19 octobre, discours sur occupe Rome à partir du 3 juillet, chasse les répu- l'« Affaire de Rome ». blicains, et rétablit .

Lancement du Napoléon, premier vaisseau de Le 15 janvier, discours sur «La liberté de l'ensei- guerre à vapeur à hélice. gnement ». Le 21 mai, discours sur « Le suffrage Le 18 août, mort de Balzac. universel ». Le 9 juillet, discours sur « La liberté de la presse ». Hugo est définitivement passé à gauche de l'Assemblée.

Le 2 décembre, coup d'État de Louis Napoléon Le 10 février, Hugo visite les caves de Lille où vit Bonaparte. Le 4 décembre, massacre des boule- une population misérable. Le 17 juillet, discours à vards. Le 21 décembre, ratification du coup d'État l'Assemblée législative contre «La révision de la par le plébiscite. Constitution ». Les deux fils Hugo sont mis en pri- Romieu, Le Spectre rouge de 1852. son pour délit de presse. Du 2 au 11 décembre, Vic- tor Hugo rentre dans la clandestinité et tente d'or- ganiser la résistance au coup d'État. Le 11 décembre, Hugo quitte Paris pour Bruxelles. Juliette Drouet le suit. 0, 011101,00004,0000000 REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

En janvier, promulgation de la nouvelle constitu- En juin, le mobilier de Victor Hugo est vendu aux tion. Le 21 novembre, plébiscite approuvant le enchères à Paris. Le 1 eraoût, Hugo et les siens rétablissement de l'Empire. Le 2 décembre, Louis quittent la Belgique pour Jersey; ils s'installent à Napoléon Bonaparte est proclamé empereur des Marine-Terrace. Pamphlet: Napoléon le Petit. Français sous le nom de Napoléon III. Karl Marx, Le Dix-huit Brumaire de Louis Bona- parte. Proudhon, La Révolution sociale démontrée par le coup d'État du Deux Décembre. Victor Schœlcher, Histoire des crimes du 2 Décembre. Théophile Gautier, Émaux et camées. Leconte de Lisle, Poèmes antiques.

Les 29-30 janvier, mariage de Napoléon III et Écrits politiques : CEuvres oratoires. Début des d'Eugénie de Montijo. En septembre, la France séances de spiritisme à Jersey. Le 21 novembre, occupe la Nouvelle-Calédonie. poésie : Châtiments, publiés à Bruxelles. Victor Schœlcher, Le Gouvernement du Deux Décembre. Nerval, Sylvie, souvenirs du Valois.

Le 27 mars, début, pour la France, de la guerre de Crimée. Le 20 septembre, victoire de l'Alma. De mai à novembre, exposition universelle à Paris. Le 9 avril, «Lettre à Louis Bonaparte » à propos de Le 8 septembre, après un siège de onze mois, prise son voyage à Londres. Le 31 octobre, chassé de de Sébastopol. Jersey, Hugo s'installe à Guernesey avec les siens. Le 26 janvier, mort de Nerval.

Le 16 mars, naissance du fils unique de Poésie : Les Contemplations. Victor Hugo devient Napoléon III et de l'impératrice Eugénie, le prince propriétaire pour la première fois en achetant Hau- impérial. Le 30 mars, le traité de Paris met fin à teville-House. la guerre de Crimée. Flaubert, Madame Bovary.

Le 2 mai, mort d'Alfred de Musset. Le 16 juillet, mort du chansonnier Béranger. Baudelaire, Les Fleurs du mal. Théodore de Banville, Odes funam- bulesques. Procès des Fleurs du mal et de Madame Bovary.

Le 14 janvier, attentat (manqué) d'Orsini contre Napoléon III. Paul Féval, Le Bossu. Offenbach, Orphée aux enfers. ii , 0000000000000000 REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO I

Le 3 mai, déclaration de guerre à l'Autriche. En Le 18 août, Hugo refuse l'amnistie de Napoléon III. juin, victoires de Magenta et de Solférino. Le Poésie : La Légende des siècles (Première Série). 11 juillet, paix de Villafranca entre Napoléon III et François-Joseph. Le 16 août, décret d'amnistie sans condition à tous les condamnés politiques. Mistral, Mireille. Wagner, Tristan et Isolde. Gou- nod, Faust.

Le 24 mars, traité de Turin: la France gagne Nice et la Savoie, soit trois nouveaux départements.

Le 18 février, Victor-Emmanuel roi d'Italie. Début Hugo laisse pousser sa barbe. Séjour en Belgique. de la guerre de Sécession aux États-Unis. Aboli- À Waterloo, il achève Les Misérables. tion du servage en Russie.

Guerre du Mexique. Siège de Puebla. Roman: Les Misérables. Leconte de Lisle, Poésies barbares. Flaubert, Salammbô.

Le 8 mai, prise de Puebla. Le 25 mai, la loi sur les coalitions légalise la Essai : William Shakespeare. grève.., et autorise sa répression. Offenbach, La Belle Hélène.

Fin de la guerre de Sécession aux États-Unis ; abo- Poésie : Les Chansons des rues et des bois. lition de l'esclavage. Le 10 mars, mort du duc de Morny.

Le 3 juillet, victoire des Prussiens sur les Autri- Roman: Les Travailleurs de la mer. chiens à Sadowa : première manifestation de la puissance de l'armée prussienne. Publication du premier Parnasse contemporain. Verlaine, Poèmes saturniens. Théodore de Ban- ville, Les Exilés. Dostoïevski, Crime et Châtiment. Offenbach, La Vie parisienne.

D'avril à novembre, exposition universelle à Paris. Victor Hugo écrit Paris, introduction au Paris- Le 19 juin, l'empereur Maximilien est fusillé au Guide publié pour l'exposition universelle. Poésie : Mexique. Le 3 novembre, Garibaldi est vaincu à La Voix de Guernesey. Mentana. Le 31 août, mort de Baudelaire. Offenbach, La Grande-Duchesse de Gérolstein. — •0 • • • • •• • •• •• ••• •• REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Le 27 août, mort de Madame Victor Hugo à Bruxelles.

En novembre, inauguration du canal de Suez. Les fils Hugo fondent Le Rappel, journal politique Napoléon III, Progrès de la France sous le gou- d'opposition. Roman: L'Homme qui rit. vernement impérial. Le 28 février, mort de Lamartine. Le 3 octobre, mort de Sainte-Beuve. Flaubert, L'Éducation sen- timentale. Verlaine, Les Fêtes galantes. Offen- bach, Les Brigands.

Le 8 mai, plébiscite en faveur de «L'Empire libé- Le 17 août, Hugo arrive à Bruxelles. Le 5 sep- ral ». Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la tembre, retour triomphal à Paris. Le 20 octobre, o Prusse. Le 6 août, défaites de Frœschwiller et de poésie : Les Châtiments, première édition française. Forbach, malgré la charge de Reichshoffen. Le 2 septembre, capitulation de Sedan. Le 4 sep- tembre, fin du second Empire. Début de la Ille République. Siège de Paris. Le 18 janvier, Guillaume Fr est proclamé empereur Le 8 février, Hugo est élu député de Paris. d'Allemagne. Le 28 janvier, armistice franco-alle- Le 8 mars, il démissionne de l'Assemblée à Bor- mand. Le 13 février, l'Assemblée nationale siège deaux. Le 13 mars, mort brutale de Charles Hugo. à Bordeaux. Le 16 février, Thiers est nommé chef Victor Hugo passe quelques mois à Bruxelles, d'où du pouvoir exécutif. Du 18 mars au 28 mai, il se fait expulser pour avoir offert l'asile aux commune de Paris. Le 10 mai, traité de Francfort : communards. Installation à Vianden (Luxembourg), la France perd l'Alsace et la Lorraine. Le 23 mai, puis retour à Paris. Paris brûle (l'Hôtel de Ville, le Louvre, les Tui- leries, etc.).

Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts Adèle Hugo, définitivement folle, est internée à 'ours. Le 23 octobre, mort de Théophile Gautier. Saint-Mandé (elle y mourra en 1915). Poésie : L'Année terrible. Hugo repart à Guernesey pour tra- vailler.

Le 9 janvier, mort de Napoléon III en exil à Le 26 décembre, mort de François-Victor Hugo. Chislehurst. Le 24 mai, Thiers est renversé par « l'Ordre moral » (l'expression était de Napoléon III), coalition monarchiste et conserva- trice. Le maréchal de Mac-Mahon est élu président de la République. ,00001,0000000001110 REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Flaubert, La Tentation de saint Antoine. Verlaine, Roman: Quatrevingt-treize. Romances sans paroles. Rimbaud, Les Illumina- tions.

En février, Constitution de la III' République. Écrits politiques : I: Avant l'exil Bizet, Carmen. et Actes et Paroles II: Pendant l'exil.

Le 8 juin, mort de George Sand. Le 30 janvier, Victor Hugo est élu sénateur de la Seine. Il intervient en faveur de l'amnistie des communards. Ecrits politiques : Actes et Paroles III: Depuis l'exil.

Crise gouvernementale. Mac-Mahon, le «maré- Poésie : La Légende des siècles (Nouvelle Série). chal-président », prépare le retour des Bourbons. L'Art d'être grand-père. Histoire : Histoire d'un Zola, L'Assommoir. crime.

Exposition universelle à Paris. Mort du pape Poésie : Le Pape (écrit en 1875). Discours pour Pie IX; avènement de Léon XIII. « Le centenaire de Voltaire ». Le 28 juin, conges- tion cérébrale. Après un dernier séjour à Guernesey, Hugo s'installe avenue d'Eylau. "e-reeenie''

Démission de Mac-Mahon. Jules Grévy est le pre- Poésie : La Pitié suprême (écrit en 1857). mier républicain élu président de la République (jusqu'au 2 décembre 1887).

Ministère Jules Ferry. Le 14 juillet devient fête Poésie : (écrit de 1856 à nationale. Le 1 1 juillet, la loi d'amnistie que 1872). L'Âne (écrit en 1857-1858). réclame Victor Hugo depuis dix ans est votée. Le 8 mai, mort de Flaubert. Le 4 octobre, mort d' Offenbach.

Ministère Gambetta. Grande fête pour l'anniversaire de Victor Hugo; la Verlaine, Sagesse. Offenbach, Les Contes d'Hoff- partie de l'avenue d'Eylau où il habite porte doré- mann. navant son nom. Poésie : Les Quatre Vents de l'Esprit (poèmes écrits entre 1843 et 1875).

Le 8 janvier, Victor Hugo est réélu sénateur. Théâtre : (écrit en 1869). 10 000000000000000 REPÈRES HISTORIQUES ET CULTURELS VIE ET ŒUVRES DE VICTOR HUGO

Second ministère Jules Ferry. Maupassant, Une Le 11 mai, mort de Juliette Drouet. Poésie : La Vie. Mort de Richard Wagner et de Karl Marx. Légende des siècles (tome cinquième et dernier, couramment appelé Série complémentaire).

Verlaine, Jadis et Naguère, Les Poètes maudits. Leconte de Lisle, Poèmes tragiques. Huysmans, À rebours.

Le 22 mai, à 13 h 27, mort de Victor Hugo. Le 1" juin, funérailles nationales : deux millions de personnes suivent le corbillard des pauvres jusqu'au Panthéon.

Principales publications posthumes : La Fin de Satan (1886), Le Théâtre en liberté (1886), Choses vues (1887-1899), (1888-1893), (1891), Les Années funestes (1898), qui regroupent la plupart des poèmes consacrés par Victor Hugo au second Empire entre 1853 et 1870, et enfin Der- nière Gerbe (1902). Présentation

uand un président de la République se fait proclamer Qempereur, quand il supprime toutes les libertés et que le peuple s'endort sans protester, rien n'oblige les poètes à réagir. Victor Hugo, que les caricatures traitent d'égoïste, voire d'hugoïste 1, n'hésite pourtant pas une seconde sur la conduite à suivre. Il renonce d'un seul coup à tout: au confort de sa vie bourgeoise, à son siège de député, à son fauteuil d'académicien. Pourquoi ? Par bêtise, diront ceux qui le chasseront : « Il ne sera proscrit que s'il se proscrit lui-même 2. » Par idéal, diront ceux qui le connaissent, car cet homme politique est un poète ; et, chose impensable pour hier comme pour aujourd'hui, il croit à ce qu'il dit. Il est intimement persuadé qu'un jour, bientôt peut-être, les tyrans périront, les guerres ces- seront, l'esclavage disparaîtra, les hommes seront libres. Alors quand il voit revenir, soixante ans après la Révo- lution française, la violence des régimes anciens, il écoute ce que lui dicte sa conscience, et sait où se trouve son devoir : dans la lutte pour le droit, qui peut aller contre la loi, qui doit aller contre la loi même, si la loi est mau- vaise. Charles Péguy faisait parler, dans Clio, la muse de l'Histoire, pour établir ce constat : « De tous les livres du monde, vous le savez, il n'y a pas dans les livres de l'humanité un seul livre qui soit certainement aussi pam- phlétaire, aussi polémique [...] que Les Châtiments. »

1. Charles Baudelaire, Fusées : « Hugo-Sacerdoce a toujours le front penché ; — trop penché pour rien voir, excepté son nombril. » Ce même Baudelaire écrivait, trois mois après le coup d'État: « LE 2 DÉCEMBRE m'a physiquement dépolitiqué (sic) f...] Si j'avais voté, je n'aurais pu voter que pour moi. » 2. Propos du comte de Morny le 6 décembre 1851, rapportés par Arsène Houssaye dans ses Confessions, souvenirs d'un demi-siècle, 1830-1880. 26 Présentation

C'est dans un poème écrit vers 1875 et publié dans Les Quatre Vents de l'Esprit que Victor Hugo s'expliquera sur les raisons de cette violence: Parfois c'est un devoir de féconder l'horreur. Il convient qu'un feu sombre éclaire un empereur. J'ai fait Les Châtiments. J'ai dû faire ce livre. Moi que toute blancheur et toute grâce enivre, Je me suis approché de la haine à regret. J'ai senti qu'il fallait, quand l'honneur émigrait, Mettre au-dessus du crime, en une ombre sereine, Le resplendissement farouche de la peine, Et j'ai fait flamboyer ce livre dans les cieux. Haïr m'est dur. Mais quoi ! lorsqu'un séditieux Interrompt du progrès les glorieuses tâches, Tue un peuple, et devient l'infâme dieu des lâches, Il faut qu'une lueur s'allume au firmament. J'ai donc mis des rayons dans un livre inclément ; J'ai soulevé du mal l'immense et triste voile; J'ai violé la nuit pour lui faire une étoile. La clarté qui tombe de cette étoile nous parvient avec un décalage d'un siècle et demi. Elle resterait très obscure si l'on ne présentait pas l'histoire mouvementée de ces années 1850 1 ; et ce serait vraiment dommage que des Châtiments écrits pour réveiller les vivants et les morts restent lettres mortes. Alors qu'il suffit de rappeler qu'un certain Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon I", est devenu Napoléon III à la faveur d'un coup d'État cri- minel. Et qu'un certain Victor Hugo, entré dans l'exil comme on entre en religion, a composé à cette occasion, après la prose-combat de Napoléon le Petit, sa première oeuvre poétique d'une dimension nouvelle, agrandie par la sincérité de la colère et le voisinage de l'Océan. Le crime est du côté de l'Histoire, Les Châtiments de la poé- sie.

1. Charles Péguy, Clio: « Hugo a toujours beaucoup invoqué l'histoire. Ça faisait partie de sa grandeur. Mais il ne l'a jamais autant invoquée que dans Les Châtiments.» Présentation 27

NAPOLÉON LE PETIT

La première fois que Victor Hugo vit Louis Napoléon Bonaparte, il trouva qu'il ressemblait à un acteur. C'était le 26 septembre de cette année 1848 qui avait commencé par la chute du dernier roi de France, et qui se terminerait par l'élection du premier président de la République. L'entrée du neveu (et filleul) de Napoléon f er à l'Assemblée est racontée dans Choses vues

Il paraît jeune, a des moustaches et une royale 2 noires, une raie dans les cheveux, cravate noire, habit noir boutonné, col rabattu, des gants blancs. [...] Il est monté à la tribune (3 h 1/4) redingote noire, pantalon gris. Il a lu, avec un papier chiffonné à la main. On l'a écouté dans un profond silence. Il a prononcé le mot compatriotes avec un accent étranger. Il ressemble à Lockroy 3. Quand il a eu fini, quelques voix ont crié : — Vive la République ! À quarante ans, ce piètre orateur revient de loin. Élevé en Suisse (ce qui explique son accent étran- ger) après la chute du Premier Empire qui avait banni tous les Bonaparte du sol français, il a fait ses premières armes d'officier d'artillerie auprès des patriotes italiens. À la mort de l'Aiglon (Napo- léon II, fils unique de Napoléon I"), il s'est consi- déré comme le véritable chef du parti bonapartiste. Le 30 octobre 1836 à Strasbourg, puis le 6 août 1840 à Boulogne, il tente de renverser le roi Louis- Philippe. La première fois, il est exilé aux États-

1. Choses vues, « Le Temps présent III, 1848 », Œuvres complètes de Victor Hugo, sous la direction de Jacques Seebacher et de Guy Rosa, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1987. 2. Une barbiche (aussi appelée une impériale). 3. Joseph-Philippe Simon, dit Lockroy, créa le rôle de Don Alphonse dans Lucrèce Borgia puis celui de Gilbert dans Marie Tudor en 1833, c'est-à-dire un duc de Ferrare et un ouvrier ciseleur. La ressemblance physique entre l'acteur et le député se double d'une étrange parenté avec les rôles que Hugo lui fit incarner... Le fils de cet acteur, Édouard Lockroy, futur ministre de la Troisième République, épousera la veuve de Charles Hugo le 3 avril 1877. 28 Présentation

Unis ; la deuxième fois, il est condamné à la déten- tion perpétuelle au fort de Ham. Il y reste cinq ans, le temps d'écrire quelques livres à tendance socia- liste, puis s'enfuit à Londres en empruntant les habits d'un maçon du nom de Badinguet. Ce sur- nom lui restera. Le 28 février 1848, quatre jours après la pro- clamation de la République par Lamartine, il revient en France, mais n'y reste guère plus de quarante-huit heures : la loi qui le proscrit tient toujours. Il se présente à distance aux élections à l'Assemblée Constituante et, premier coup de théâtre, est élu le 4 juin dans quatre départements. Il préfère ne pas venir siéger. Le temps joue pour lui: la He République perd tout son prestige en donnant les pleins pouvoirs au général Cavaignac, ministre de la Guerre, pour réprimer dans le sang l'insurrection populaire du mois de juin. En sep- tembre, Louis Bonaparte se présente à nouveau aux élections complémentaires ; il est encore mieux élu. Cette fois, l'Assemblée est forcée d l'accueillir. Il ne lui reste plus qu'une étape à fran- chir: qu'on lui permette, malgré son nom, de se porter candidat à la première élection du président de la République au suffrage universel. En vertu des principes, Hugo réclame cette autorisation. L'Assemblée hésite, on demande à Louis Bona- parte de venir s'expliquer. « Il n'a dit que quelques mots insignifiants et est redescendu de la tribune au milieu d'un éclat de rire de stupéfaction », raconte Victor Hugo dans Choses vues à la date du 9 octobre 1848. Décidément, il ne présente aucun danger: l'amendement visant à lui interdire de se présenter est retiré. Deux mois plus tard, à la faveur d'un véritable raz de marée, il obtient plus de 74 % des suffrages exprimés. Il a fait l'unanimité autour de son nom dans les campagnes, autour de son programme dans les villes. Depuis un mois et demi, L'Évé- nement, journal fondé par le clan Hugo, milite pour lui, autant par élimination que par convic- Présentation 29

tion : plutôt l'auteur de L'Extinction du paupé- risme que son seul rival sérieux, l'apprenti dic- tateur Cavaignac aux méthodes expéditives. Le 20 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte est donc proclamé président de la République et prête serment à la Constitution devant l'Assemblée. Vic- tor Hugo rappellera ce moment dans le premier chapitre de Napoléon le Petit: Enfin le silence se fit, le président de l'Assemblée frappa quelques coups de son couteau de bois sur la table, les dernières rumeurs s'éteignirent, et le président de l'Assemblée dit: — Je vais lire la formule du serment. Ce moment eut quelque chose de religieux. L'Assem- blée n'était plus l'Assemblée, c'était un temple. Ce qui ajoutait à la signification de ce serment, c'est qu'il était le seul qui fût prêté dans toute l'étendue du territoire de la République. [...] Le président, fonctionnaire et servi- teur, jurait fidélité au peuple souverain. Incliné devant la majesté nationale visible dans l'Assemblée omnipo- tente, il recevait de l'Assemblée la Constitution et lui jurait obéissance. Les représentants étaient inviolables, et lui ne l'était pas. Nous le répétons, citoyen respon- sable devant tous les citoyens, il était dans la nation le seul homme lié de la sorte. De là, dans ce serment unique et suprême, une solennité qui saisissait le coeur. Celui qui écrit ces lignes était assis sur son siège à l'Assemblée le jour où ce serment fut prêté. Il est un de ceux qui, en présence du monde civilisé pris à témoin, ont reçu ce serment au nom du peuple, et qui l'ont encore dans leurs mains. Le voici : « En présence de Dieu et devant le peuple français représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique une et indivisible et de remplir tous les devoirs que m'impose la Consti- tution. » Le président de l'Assemblée, debout,' lut cette formule majestueuse ; alors, toute l'Assemblée faisant silence et

1. Programme social de Louis Bonaparte, publié en 1844 (Cf. Chronologie). Un de ses « livres empreints, malgré une certaine ignorance de la France et du siècle, de démocratie et de progrès ». (Napoléon le Petit, I, 5.) 30 Présentation

recueillie, le citoyen Charles-Louis Napoléon Bona- parte, levant la main droite, dit d'une voix ferme et haute: — Je le jure. Le mandat présidentiel étant prévu pour une durée de quatre ans, celui que l'on appelle déjà le « Prince-Président » est en place jusqu'au deuxième dimanche de mai 1852. Ses relations avec Victor Hugo commencent gar être assez cor- diales: ils dînent ensemble à l'Elysée trois jours après la prestation de serment. Le récit qu'en fait Hugo dans Choses vues s'achève par cette remarque : Et tout en m'en allant je songeais. Je songeais à cet emménagement brusque, à cette étiquette essayée, à ce mélange de bourgeois, de républicain et d'impérial, à cette surface d'une chose profonde qu'on appelle aujourd'hui le président de la République, à l'entourage, à la personne, à tout l'accident. Ce n'est pas une des moindres curiosités et un des faits les moins caractéris- tiques de la situation que cet homme auquel on peut dire et on dit en même temps et de tous les côtés à la fois : prince, altesse, monsieur, monseigneur et citoyen. Les trois années qui vont suivre seront marquées par une double évolution : d'une part, le durcis- sement d'une politique gouvernementale qui renonce progressivement à tous les articles de son programme social, d'autre part, le lent et régulier glissement de la politique de Victor Hugo de la droite qui l'avait élu vers la gauche qui va l'ac- cueillir. Il est ici nécessaire de rappeler que Victor Hugo n'a jamais voulu, ni même pensé, être ministre de Louis Bonaparte; à cette calomnie qui court depuis cent cinquante ans', toujours iden- tique, il a lui-même répondu. Mais les insultes ont

1. De Louis Veuillot à Jean Tulard : « Il aspire à devenir ministre et espère le portefeuille de l'Instruction publique. Louis Napoléon l'écarte. Faute impardonnable. Il se fait de Victor Hugo un ennemi. Celui-ci passe à l'opposition.» Jean Tulard, article « Victor Hugo » du Dictionnaire du second Empire, Fayard, 1995. Présentation 3!

la vie dure, et sont dans une certaine mesure la preuve du désarroi dans lequel le poète plonge ses anciens pairs. À l'Assemblée, ils ne le comprennent plus: il est applaudi par la gauche! M. de Montalembert le lui reproche ; il lui répond dans un profond silence (20 octobre 1849) : Messieurs, hier, dans un moment où j'étais absent, l'honorable M. de Montalembert a dit que les applau- dissements d'une partie de cette Assemblée, des applau- dissements sortis de coeurs émus pu les souffrances d'un noble et malheureux peuple, que ces applaudisse- ments étaient mon châtiment. Ce châtiment, je l'accepte (sensation), et je m'en honore. (Longs applaudissements à gauche.) I À cette époque, Hugo est encore loin de se dou- ter qu'il vient de trouver le titre de son futur recueil, mais il s'en souviendra dans son poème consacré à Montalembert (V, 10) : « Toi, leur chef, sois leur chef! c'est là ton châtiment ! » C'est toujours à l'Assemblée, où il passe ses journées pour tenter de combattre la réduction de toutes les libertés, qu'il invente un autre titre appelé à faire fortune. Le 17, juillet 1851, Louis Bonaparte, décidé à rester à l'Elysée, demande une révision de la Constitution qui l'autorise à se représenter. Victor Hugo, qui voit dès lors se pro- filer l'empire, développe une comparaison entre Napoléon I" et son neveu, et lance à la tribune: « Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit ! » La « Note pre- mière » que Victor Hugo a placée avant « La Fin » des Châtiments retranscrit la majeure partie de cette séance à l'Assemblée à l'ambiance survoltée. Elle marque une double victoire pour Victor Hugo: le projet de révision de la Constitution est rejeté, et l'idée de comparer systéMatiquement Napoléon Ier à son neveu est trouvée. Le principe

1. Actes et paroles I, « Réponse à M. de Montalembert ». 32 Présentation

sera toujours le même : présenter le premier en meilleur, et le second en pire. Mais c'est tout de même une victoire relative: Louis Bonaparte, qui n'a pu forcer la loi par le droit, va prendre le droit... de force.

L'HISTOIRE D'UN CRIME

Le 9 novembre 1799 (18 Brumaire an VIII dans le calendrier républicain), le futur Napoléon Ier avait renversé le Directoire ; le 2 décembre 1851, le futur Napoléon III va renverser la II' Répu- blique. Le parallèle entre les deux actions s'impose à tous, et restera dans les mémoires par la première phrase du pamphlet de Karl Marx dont le titre même, Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, mélange les deux putschs : Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l'histoire mon- diale surgissent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. Cette farce est jouée par ces hommes dont les noms vont revenir comme une litanie démoniaque infiniment déclinée tout au long des Châtiments : Saint-Arnaud, Morny, Maupas, Magnan, Fould et Rouher ; ajoutons à ceux-là Troplong, Parieu, Basoche, Dupin et Sibour, et la liste des acteurs prin- cipaux sera presque complète. Comme ils ont été cloués au pilori par Victor Hugo, ils sont mis à l'index de cette édition. Faire leur connaissance dès maintenant faciliterait une lecture « historique », même si, on l'a souvent fait remarquer, ils sont si peu individualisés qu'ils paraissent interchangeables. La valeur phonétique seule de leurs noms nous est res- tée. C'est déjà beaucoup, car Hugo en joue en per- manence ; que ce soit pour la musique du vers, Vers l'Élysée en joie, où sonne le tambour, Tous se hâtent ; Parieu, Montalembert, Sibour, Présentation 33

Rouher, cette catin, Troplong, cette servante... (« Nox » iv)

ou pour un calembour :

Que l'or soit le seul culte, et qu'en ce temps vénal, Coffre-fort étant Dieu, Gousset soit cardinal... (VII, 13) Gousset n'est pas ici une simple allégorie : c'est le nom du cardinal archevêque de Reims qui avait, dit-on, proposé à Napoléon III un sacre équivalent à celui des rois d'autrefois. La valeur phonétique des noms propres se doublait bien, pour les contempo- rains de l'auteur, d'un jeu permanent avec l'actua- lité. Pour en avoir une idée aujourd'hui, il suffirait de prendre quelques vers au hasard, de remplacer les noms propres, à partir de la fonction qu'ils recouvrent, par leurs équivalents contemporains, et d' observer l'effet produit. Le rôle de l'index, associé à cette présentation historique, est de permettre de porter sur Les Châtiments le regard de leurs premiers lecteurs. On s'aperçoit alors que la farce dénoncée théoriquement par Marx est parfaitement mise en scène par Hugo dans une épopée grotesque ; à l'in- verse de « la grandeur du petit », qui sera exaltée tant dans Les Contemplations que dans Les Misérables, c'est ici le triomphe du minable. Tous ces hommes politiques, quand ils ne jouent pas ouvertement les grands rôles bouffons du répertoire (Scapin, Fal- staff, etc.), ont pour doublures les brigands et les cri- minels les plus célèbres de l'Histoire : Mandrin., Cartouche, Lacenaire, Mingrat, Soufflard, Poul- mann, Schinderhannes... Péguy l'avait déjà péda- gogiquement fait remarquer dans Clio : « Toutes les fois qu'on ne sait pas ce que c'est qu'un nom propre dans Les Châtiments (et quelquefois généralement dans tout Hugo), c'est un nom d'assassin 1 . »

1. Son explication est essentiellement phonétique : « Hugo aimait les assassins, c'est un fait. Il y était certainement poussé par son goût des noms propres singuliers et qui rendaient (or nous venons de voir que ces assassins avaient justement des noms d'assassins). » 34 Présentation

Comment mieux souligner l'obsédante présence du crime, cette tache originelle du second Empire? Le 2 décembre au matin, Paris est placardé d'affiches qui annoncent que l'Assemblée natio- nale et le Conseil d'État sont dissous, que le suf- frage universel est rétabli et que l'état de siège est décrété. Des élections sort prévues pour approuver ou réprouver le coup d'Etat. Pendant la nuit, dix- huit députés sont arrêtés, ainsi qu'une soixantaine d'opposants potentiels. Dans la journée, les Pari- siens ne réagissent pas: les ouvriers n'ont aucune envie de se battre pour une Assemblée qui les a fait massacrer en juin 1848. Les troupes militaires occupent les points stratégiques de la ville. Pen- dant ce temps, deux cent cinquante députés de droite se réunissent à la mairie du Xe arrondisse- ment (aujourd'hui le VIP, à l'entrée de la rue de Grenelle). Ils ont à peine le temps de proclamer la déchéance de Louis Bonaparte qu'ils se laissent emprisonner, avec moins de résistance que de complaisance. Les arrestations se poursuivent dans la journée. Un Comité de résistance est nommé par les républicains, au premier rang desquels se trouve Victor Hugo. Il signe de son seul nom, sur des affiches adressées « Au peuple », la mise hors la loi de Louis Napoléon, tente de soulever les sol- dats, va de réunions clandestines en domiciles pro- visoires. Quelques barricades surgissent sans enthousiasme le lendemain ; elles ne résistent pas très longtemps. Le 4 décembre au matin, l'année enlève toutes les poches de résistance qui s'étaient formées rive droite. L'opération semble être ter- minée. Mais dam l'après-midi, alors qu'une foule de badauds a envahi les grands boulevards pour admirer les uniformes, une fusillade éclate. C'est le début de la fin: l'armée s'acharne longuement contre la foule désarmée, et termine — ou baptise — ce coup d'État dans un véritable bain de sang. Vic- tor Hugo se rend, rue Tiquetonne, chez la grand- mère de l'enfant qui vient d'être tué (II, 3). Ce Présen tation 35 massacre, involontaire selon la police, froidement calculé selon les républicains, sera sans cesse rap- pelé tout au long des Châtiments comme le chef d'accusation le plus grave. Le lendemain, le Comité de résistance est traqué, les exécutions sommaires se multiplient, la bourgeoisie reprend confiance et la Bourse remonte. En province, trente-deux départements sont mis en état de siège, mais avec des méthodes sévèrement répressives, l'ordre revient vite. Victor Hugo, de plus en plus activement recherché pm la police, est contraint d'abandonner l'espoir de réveiller le pays: il faut fuir. Juliette Drouet lui procure un faux passeport Le 11 décembre à 20 heures, sous l'identité de Jacques-Firmin Lan- vin, compositeur d'imprimerie à livres, il prend à la gare du Nord le train pour Bruxelles. Il franchit la frontière de la Belgique vers minuit ; il ne remettra pas les pieds en France avant dix-neuf ans. Un plébiscite (on dirait aujourd'hui un référen- dum) est organisé aussitôt. Il porte sur cette phrase: « Le peuple français veut le maintien de l'autorité de Louis Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans la pro- clamation. » On a beau contester les conditions dans lesquelles le vote s'est déroulé et souligner le nombre des abstentions (1 700 000), le résultat, qui tombe à la fin de l'année, est sans appel : près de 7 500 000 oui contre 650 000 non. Le ler janvier 1852, l'archevêque de Paris, Mgr Sibour, célèbre à Notre-Dame de Paris un Te Deum à la gloire du Prince-Président (I, 6), qui demande dorénavant qu'on l'appelle lui aussi « Monseigneur ». Le temps de faire disparaître de tous les édifices la devise Liberté, Ég4ité, Frater- nité, de débaptiser symboliquement quelques noms de rues et d'expulser officiellement soixante-six députés dont Victor Hugo, et la nouvelle Consti- tution est promulguée. Le président de la Répu- Meta-systems - 12-02-18 16:07:37 FL2984 U000 - Oasys 19.00x - Page 36 Les Châtiments - GF Dossier Relook - Dynamic layout 108x × 178x

36 Présentation

blique, dorénavant élu pour dix ans, détient tous les pouvoirs. Il prend l’initiative des lois et désigne les membres du Sénat, « inamovibles et à vie », sans limitation ni justification de son choix. Le 25 décembre 1852, les sénateurs se votent une dotation de 30 000 francs par an 1. Les opposants au nouveau régime (vingt-six mille arrestations en France) passent devant des « commissions mixtes » (IV, 3), qui déportent à tour de bras entre février et mars, qui vers Cayenne, qui vers l’Algérie… « La moitié de la France dénonce l’autre », écrit George Sand. Victor Hugo fera régulièrement allusion aux pon- tons, ces navires qui, sur les eaux d’un océan com- plice, emportent les condamnés vers les bagnes. Après un voyage bien organisé du Prince-Prési- dent dans les grandes villes de France, un nou- veau plébiscite est soumis en novembre à la population : « Le peuple veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa des- cendance directe […]. » Les réponses affirmatives frôlent cette fois les huit millions, pour à peine 250 000 non (et deux millions d’abstentions). Le 2 décembre 1852, premier anniversaire du coup d’État et accessoirement quarante-huitième anni- versaire du sacre de Napoléon Ier, Louis Bona- parte devient l’empereur Napoléon III. Il n’avait pas attendu ce couronnement pour quitter l’Élysée, résidence présidentielle depuis 1848, et s’installer au palais des Tuileries, résidence royale depuis Louis XIV.

CONCEPTION DES CHÂTIMENTS

Arrivé à Bruxelles le 12 décembre 1851, Victor Hugo se met aussitôt à écrire le témoignage qui, sous le titre Histoire d’un crime, sera publié en

1. Victor Hugo ne manque pas de le rappeler dans les notes qu’il ajoute à sa Note I (p. 360, par exemple). Meta-systems - 12-02-18 16:07:37 FL2984 U000 - Oasys 19.00x - Page 37 Les Châtiments - GF Dossier Relook - Dynamic layout 108x × 178x

Présentation 37

1877. Ses déclarations à Paul Meurice, au début de l’année 1852, sont encore optimistes : « Je trai- terai le Bonaparte comme il convient. Je me charge de l’avenir historique de ce drôle. Je le conduirai à la postérité par l’oreille. » Quelques mois plus tard, le ton a changé : les documents se sont amassés, les pages se sont multipliées, mais le livre n’est toujours pas achevé. Hugo écrit à son épouse le 17 mai : Je me réfugie de toutes mes tristesses dans le travail, travail le matin, travail le jour, travail la nuit ; mais c’est encore une tristesse que ce travail-là, labeur austère de châtiment et de justice. Quand nous serons réunis, je ferai des vers, je publie- rai un gros volume de poésie, je m’y dilaterai le cœur, et il me semble que nous aurons des heures charmantes. Que ne suis-je à ce temps-là ! Les Châtiments, qui sont encore nettement du côté de la prose, naîtront à peu près de la surim- pression de ces deux paragraphes. Si la forme n’est pas encore trouvée, la position de l’auteur ne changera plus, comme en témoigne ce projet de préface non utilisé de l’Histoire d’un crime : Je n’ai pas l’intention de faire un livre, je pousse un cri. Il y a dans ma fonction quelque chose de sacerdotal : je remplace la magistrature et le clergé. Je juge, ce que n’ont pas fait les juges ; j’excommunie, ce que n’ont pas fait les prêtres. Ses deux cibles principales sont dévoilées : les faux juges et les faux prêtres ; de Rouher à Tro- plong, tous les magistrats qui ont rédigé la nou- velle Constitution ; d’Ignace de Loyola à Antonio Escobar, tous les jésuites sans distinction. Mais comme la future Histoire d’un crime n’avance pas, Hugo préfère interrompre son travail de chroni- queur pour rédiger d’une seule traite, en vingt- huit jours selon ses indications, Napoléon le Petit. Cette fois, la publication de ce pamphlet le chasse 38 Présentation

de Belgique: on ne l'accueillait en effet qu' à condition qu'il se tût. Il arrive dans l'île de Jersey, possession anglaise, au début du mois d'août 1852, et s'ins- talle à Marine-Terrace. Les trois années qu'il y passera seront une période de création poétique intense sans équivalent dans son existence, comme s'il avait une revanche à prendre contre la desti- née. L'écriture des Châtiments marque la première étape de cette production fébrile et continue. Au début, comme il l'expose à son éditeur Hetzel le 7 septembre 1852, il pense en faire la seconde par- tie des futures Contemplations : « l er volume: Autrefois, poésie pure, 2e volume: Aujourd'hui, flagellation de tous ces drôles et du drôle en chef. » Mais le 18 novembre déjà, le projet a changé. Hetzel reçoit cette information: Je fais en ce moment un volume de vers qui sera le pendant naturel et nécessaire de Napoléon-le-Petit. Ce volume sera intitulé : les Vengeresses. Il contiendra de tout, des choses qu'on pourra dire, et des choses qu'on pourra chanter. C'est un nouveau caustique' que je crois nécessaire d'appliquer sur Louis Bonaparte. Il est cuit d'un côté, le moment me paraît venu de retourner l'empereur sur le gril. Je crois à un succès au moins égal à celui de Nap.-le-Petit... [...] Le volume (environ 1600 vers) sera fini dans trois semaines ou un mois. Le titre ne plaît guère à Hetzel ; Hugo lui en propose un autre : Le Chant du vengeur. Hetzel avoue préférer encore le précédent. Le 9 janvier 1853, Hugo hésite entre Vengeresses ou Châti- ments, pour finalement opter, le 23, en faveur du second « Ce titre est menaçant et simple, c'est- à-dire beau. » Hetzel craint que le livre qu'il édite soit trop violent. Le 6 février, Hugo lui répond par une apologie de la colère biblique : Jérémie, David et Isaïe sont violents. Ce qui n'em- pêche pas tous ces punisseurs d'être forts. Être violent,

1. Substance qui attaque les tissus organiques. Étymologiquement, le mot signifie brûlant. Présentation 39 qu'importe ? être vrai, tout est là. Laissons donc là les vieilles maximes, et prenons-en notre parti. Oui, le droit, le bon sens, l'honneur et la vérité ont raison d'être indignés, et ce qu'on appelle leur violence n'est que leur justice. Jésus était violent; il prenait une verge et chas- sait les vendeurs, et il frappait de toutes ses forces, dit saint Chrysostome. Vous qui êtes l'esprit et le courage même, abandon- nez aux faibles ces sentiments contre les forts. Quant à moi, je n'en tiens nul compte, et je vais mon chemin, et comme Jésus, je frappe de toutes mes forces. Nap.- le-Petit est violent. Ce livre-ci sera violent. Ma poésie est honnête, mais pas modérée. J'ajoute que ce n'est pas avec de petits coups qu'on agit sur les masses. J'effaroucherai le bourgeois peut- être, qu'est-ce que cela me fait si je réveille le peuple ? On ne peut donner ici qu'un aperçu des innom- brables problèmes posés par la publication des Châtiments. Hetzel est exilé à Bruxelles, Hugo à Jersey, et la police impériale surveille autant l'un que l'autre. De plus, la Belgique a voté la loi Fai- der le 20 décembre 1852, qui réprime sévèrement toute offense publiée sur son sol contre des sou- verains étrangers. Faut-il publier à Londres, en Hollande ou à Jersey ? Faut-il publier, malgré tout, à Bruxelles? Mais alors comment trouver un imprimeur qui accepte d'enfreindre la loi? Pour la contourner, le principe d'une double édition est accepté : sortir en même temps une édition offi- cielle censurée qui soit une couverture auprès des autorités belges, et une édition clandestine complète. Mais tout le monde se dérobant, Hetzel doit se résoudre à fonder sa propre imprimerie, avec la participation financière d'Hugo, d'un imprimeur et de quelques proscrits. Il faut aussi trouver un prête-nom en cas de' procès. Hugo, quant à lui, pressé de publier, s'est adressé à un imprimeur de Jersey. On s'accorde pour composer la version clandestine à Jersey, la version censurée à Bruxelles... Mais cette combinaison finit par froisser des susceptibilités des deux côtés, si bien que la décision de tout publier à Bruxelles est prise 40 Présentation

au début du mois de juin. Hugo résume la situation dans une lettre à Louise Colet, datée du 28 juin : « Je fais en ce moment une oeuvre de titan: ce n'est pas d'écrire un livre contre un homme, c'est de le publier. » Et encore n'a-t-on rien dit du pro- blème du format du livre (minuscule, pour qu'il puisse passer en contrebande), des caractères microscopiques de la typographie pour que les vers ne soient pas coupés sur la page, ni de la soudaine défection, sur un malentendu, du prête- nom belge, qui refuse d'encourir les risques liés à l'application de la loi Faider... Les choses finiront par s'arranger, mais la publication a pris du retard. Pendant ce temps, les 1600 vers prévus au départ sont devenus 6700... Enfin, après toutes ces déconvenues, les deux éditions paraissent à Bruxelles le 21 novembre 1853. L'édition complète porte comme lieu d'édi- tion, pour brouiller les pistes, « Genève et New York ». L'édition expurgée, que Victor Hugo appelle « l'eunuque », est marquée « Bruxelles ». Son format est un peu plus grand; dans la moitié de ses poèmes, des vers entiers ou des noms propres sont remplacés par des lignes de points. Tout le monde se désintéresse de son destin, et son auteur le premier; elle n'aurait trouvé que deux cent soixante-trois acheteurs en cinq mois... L'autre se vend mieux, mais finalement beaucoup moins bien que Napoléon le Petit, et la cause n'e est pas uniquement une sévère répression poli- cière: la guerre de Crimée s'annonce, les esprits sont ailleurs.., et l'Empire est plébiscité. Or, à bien lire Les Châtiments, on s'aperçoit que la cible principale n'est pas celle que l'on croit. Certes, la collection des injures attribuées à Napo - léon III est plus riche et variée que dans les meil- leurs passages de Shakespeare, pourtant spécialiste du genre: scélérat, chacal, espèce de perroquet, forban, maroufle, drôle, bandit, faussaire, maraud couronné, monarque de cire, césar à moustaches, escroc de scrutin, embryon, filou, nain, gueux, lar- Présentation 4 1

ron, loup, traître, parjure, pirate, vautour, satrape ivre-mort, démon, incube... Pourtant, le champ des invectives s'élargit assez vite, au-delà du pape, des ministres et des sénateurs, à tout le genre humain : les Corses, les Hollandais, les Auvergnats, les juifs, les jésuites, les généraux, les soldats, les curés, les évêques, les juges, les rentiers, les bour- sicoteurs, les journalistes, les badauds, les bour- geois, etc. Cette comédie inhumaine est comme le négatif de cette première période euphorique et colorée du règne de Napoléon III que les historiens ont appelée « la fête impériale ». Il faudra attendre la transformation de la fête en défaite, la chute de l'Empire dans le désastre de Sedan (2 septembre 1870) pour que Les Châtiments, écrits contre une foule endormie, soient enfin plébiscités par un peuple réveillé.

DE « NOX » ÀLux»

Des Odes et poésies diverses de 1822 jusqu'aux Rayons et les ombres (1840), les recueils de Victor Hugo avant l'exil se présentaient comme une simple série de poèmes numérotés. C'est à partir des Châtiments que les choses se compliquent : le volume est organisé en plusieurs livres, selon une loi qui ne doit rien au hasard. Un coup d'oeil sur la table des poèmes en fin de volume permet de comprendre le mouvement général : de la nuit (« Nox ») du coup d'État vers la lumière (« Lux ») de la République à venir, de l'ingérence du passé dans le présent (le retour à la dictature) vers un futur idéal, de la violence indi- viduelle à l'amour universel. Les sept livres portent des titres distinctifs. Les six premiers reprennent, ironiquement, des décla- rations de l'Empire, énoncés minimaux d'une langue de bois éternelle : « la société est sauvée », « l'ordre est rétabli », « la famille est restaurée », « la religion est glorifiée », « l'autorité est sacrée », « la stabilité est assurée ». La progression 42 Présentation

semble chronologique, du retour à l'ordre jusqu'à l'Empire, consolidé par le droit divin. Avec son passage au futur prophétique et son jeu de mots, le septième livre, « les sauveurs se sauveront », marque dans le même mouvement une rupture et un retour au premier livre : ceux qui prétendent avoir sauvé la société prendront la fuite, et c'est leur fuite qui sauvera vraiment la société. Ce der- nier titre répond aussi à la demande réitérée de clémence par Victor Hugo pour le jour de la vic- toire : les faux sauveurs sauveront leur peau, car la peine de mort sera abolie. Jusque-là, on peut s'exclamer comme Hetzel le 24 juin dans une lettre à l'auteur : Votre plan est superbe. C'est une charpente, un sque- lette splendide. Quand la chair, les os, la peau et la peau... ésie y seront, que sera-ce donc ? 6200 vers ! Ce sera le seul poème épique qu'on ait fait en France. Quelle chance qu'il soit fait pour la république, pour la liberté et contre un Bonaparte. Quand on rentre dans le détail, la répartition des poèmes à l'intérieur des sept livres est moins démonstrative : si le premier semble bien traiter davantage des événements de décembre, si le qua- trième semble bien répondre à son titre en mettant l'accent sur les questions religieuses, l'ordre, la famille, l'autorité et la stabilité ne sont pas des thèmes qui organisent vraiment les livres qu'ils annoncent. De la sorte, Hugo dénonce le monoli- thisme de l'Empire. Mais la position d'un poème dans un livre est toujours significative, ne serait- ce que dans le rapport qu'il entretient avec ceux qui l'entourent. Il convient aussi d'être sensible aux multiples jeux d'écho des poèmes entre les livres : ceux qui portent le même titre (« Au peuple », II, 2 et VI, 9), ceux qui parlent de la même personne, ceux qui semblent dire la même chose, etc. L'immobilité du régime n'occulte pas, pour qui sait regarder derrière une première impression de ressassement et de piétinement, la Présentation 43

marche du progrès. Le dernier livre de Napoléon le Petit, sous le titre « Le Progrès inclus dans le coup d'État », tentait déjà de surmonter ce pro- blème d'un régime statique dans une Histoire dynamique. On croit que le progrès s'est arrêté, mais il se repose un instant pour reprendre haleine. La force du poème « L'expiation » (V, 13), qui se trouve au coeur des Châtiments, est aussi politique que poétique : la France doit se purger, une bonne fois pour toutes, de ses habitudes de totalitarisme, expier Napoléon ier par Napoléon III, pour avoir accès à la grande République. Et cette expiation est aussi celle de Victor Hugo: car c'est lui qui, depuis « L'Ode à la colonne » de 1827, a soutenu le développement en France d'un culte nostalgique et sans nuance pour le premier Napoléon. A tel point que l'on pourrait presque voir, dans l'accession de Louis Napoléon Bonaparte au pouvoir, un résultat du processus d'identification de Victor Hugo à Napoléon Pr. Les portraits du poète en empereur, la main dans son giron, à Jersey-Sainte-Hélène, témoignaient assez d'une vieille obsession' qui atteint en même temps son sommet et son achèvement dans « L'expiation » de 1852. L'exil a permis à Victor Hugo d'en finir avec le culte impérial pour devenir lui-même. C'est pourquoi, de « Nox » à « Lux », ou plus exactement encore du début du livre I à la fin du livre VII, Les Châtiments sont aussi le trajet d'une parole anonyme, fondue dans la collectivité des « rebelles », à un moi individualisé, respon- sable : une voie pour une voix. Écho lointain, mais clair, du « Lui » des Orientales, le dernier livre des Châtiments devait s'intituler, sur un brouillon de plan, « Moi ». En déformant le i en: x, un écho plus sonore a répondu : « Lux ». À force d'entendre

1. Toujours lui! lui partout ! — ou brûlante ou glacée, Son image sans cesse ébranle ma pensée. Il verse à mon esprit le souffle créateur. (« Lui », poème de 1827, Les Orientales, XL). 44 Présentation

louer ces faux dieux nommés Napoléon, Dieu a puni la France en lui envoyant le second Empire; mais ce châtiment allait consacrer la naissance, dans un désert océan, d'une nouvelle étoile et d'un nouveau prophète. Aussi, au chapitre « la quantité de bien que contient le mal » (Napoléon le Petit, VIII, 1) comme à la liste des qualités prêtées à Louis Napoléon Bonaparte par ceux qui tentent périodi- quement de le réhabiliter, il ne faut pas manquer d'ajouter la principale : celle d'avoir permis, non seulement l'existence des Châtiments, mais aussi celle des Contemplations, de La Légende des siècles, de La Fin de Satan et de Dieu... Victor Hugo, bon prince et beau joueur, aura d'ailleurs été le premier à en convenir ; ce début d'un poème jamais achevé en porte encore le témoignage après l' exil : Écoute, je te dois, Sire, un remercîment. Sans toi je n'aurais pas fait ce livre inclément ; Sans toi je n'aurais pas écrit cette oeuvre juste ; Sans toi je n'aurais pas montré la haine auguste Que le méchant inspire au vers mystérieux.

Jean-Marc HOVASSE. AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS

La première édition française des Châtiments paraît le 20 octobre 1870 à Paris. Victor Hugo a suivi sa publi- cation d'assez près, les notes de son carnet l'indiquent. De dimension deux fois plus grande que l'originale, elle est augmentée aussi d'un « Avertissement de l'éditeur » (reproduit ci-dessous), de cinq poèmes (marqués par des astérisques dans la table des matières), d'une note (qui renferme soixante-dix-huit notes: la partition de « Patria »), et enfin d'un article: Les Châtiments (1870) ont remplacé Châtiments (1853), façon de montrer que le pamphlet interdit est en train de devenir une référence publique, le brûlot individuel une affaire nationale. Son succès est effectivement immense et immédiat 1 : alors que l'édition belge n'avait guère été lue que par les poètes et les républicains, l'édition française est un livre popu- laire, consacré plus tard par des éditions illustrées ; ces Châtiments-là sont aux poésies d'Hugo ce que Les Misé- rables sont à ses romans. C'est cette édition de 1870, parue chez Hetzel avec la mention « seule édition complète », que nous reprodui- sons. Les quatre cent soixante-huit personnages cités dans Les Châtiments, antiques ou modernes, réels ou fictifs, hommes ou dieux, sont réunis dans l'index qui se trouve à la fin de ce volume, accompagnés de la liste des poèmes où ils apparaissent. La référence d'un poème, quand ce n'est pas « Au moment de rentrer en France », « Nox »,

1. Voir, dans le Dossier, le chapitre « Les Châtiments dans "l'année terrible" (1870) », p. 438. 475

VI. ÉCRIT LE 17 JUILLET 1851, EN DESCENDANT DE LA TRIBUNE 178 VII. UN AUTRE 179 VIII. DÉJÀ NOMMÉ 181 IX. Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent... 184 X. AUBE 185 XI. yicomte de Foucault, lorsque vous empoignâtes... 186 XII. A QUATRE PRISONNIERS 188 XIII. ON LOGE À LA NUIT 189

LIVRE V L'AUTORITÉ EST SACRÉE

I. LE SACRE (sur l'air de Malbrouck) 194 II. CHANSON 197 III. LE MANTEAU IMPÉRIAL 197 N. TOUT S'EN VA 199 V. Ô drapeau de Wagram ! ô pays de Voltaire !... 202 VI. On est Tibère, on est Judas, on est Dracon... 203 VII. LES GRANDS CORPS DE L'ETAT 204 VIII. Le Progrès, calme et fort et toujours innocent... 207 IX. LE CHANT DE CEUX QUI S'EN VONT SUR MER 208 X. A UN QUI VEUT SE DÉTACHER 209 XI. PAULINE ROLAND 214 XII. Le plus haut attentat que puisse faire un homme... 218 XIII. L'EXPIATION 219

LIVRE VI LA STABILITÉ EST ASSURÉE

I. NAPOLÉON III 234 II. LES MARTYRES 236 III. HYMNE DES TRANSPORTÉS 237 N. ÇHANSON 239 V. p3LOUISSEMENTS 240 VI. A CEUX QUI DORMENT 250 VII. LUNA 252 VIII. Aux FEMMES 253 IX. Au PEUPLE 256 X. Apportez vos chaudrons, sorcières de Shaks- peare... 258 XI. LE PARTI DU CRIME 259 476

XII. Qn dit: — Soyez prudents... 265 XIII. A JUVÉNAL 266 XIV. FLORÉAL 274 XV. STELLA 277 *XVI. LES TROIS CHEVAUX 279 XVII. APPLAUDISSEMENT 281

LIVRE VII LES SAUVEURS SE SAUVERONT

I. Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée... 286 II. LA RECULADE 287 III. LE CHASSEUR NOIR 293 W. L'ÉGOUT DE ROME 295 V. C'était en juin, j'étais à Bruxelle ; on me dit... 299 VI. CHANSON 300 *VII. PATRIA 302 VIII. LA CARAVANE 304 IX. Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute... 310 X. Ce serait une erreur de croire que ces choses... 311 XI. Quand l'eunuque régnait à côté du césar... 314 XII. PAROLES D'UN CONSERVATEUR À PROPOS D'UN PERTURBATEUR 315 XIII. FORCE DES CHOSES 318 XIV. CHANSON 328 *XV. Il est des jours abjects où, séduits par la joie... 331 *XVI. SAINT-ARNAUD 332 XVII. ULTIMA VERBA 342

LUX 345

NOTES 354 NOTE PREMIÈRE 354 NOTE II 368 NOTE III 369 NOTE IV 372 NOTE V 373

LA FIN 385