L'essai De Logique De Mariotte. Archéologie Des Idées D'un Savant
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L’Essai de logique de Mariotte. Archéologie des idées d’un savant ordinaire Sophie Roux To cite this version: Sophie Roux. L’Essai de logique de Mariotte. Archéologie des idées d’un savant ordinaire. Classiques Garnier, pp.259, 2011. halshs-00806465 HAL Id: halshs-00806465 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00806465 Submitted on 2 Apr 2013 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Sophie Roux L’ESSAI DE LOGIQUE DE MARIOTTE. ARCHÉOLOGIE DES IDÉES D’UN SAVANT ORDINAIRE Denn da wir nun einmal die Resultate früherer Geschlechter sind, sind wir auch die Resultate ihrer Verirrungen, Leidenschaften und Irrtümer, ja Verbrechen; es ist nicht möglich, sich ganz von dieser Kette zu lösen. Wenn wir jene Verirrungen verurteilen und uns ihrer für enthoben erachten, so ist die Tatsache nicht beseitigt, daß wir aus ihnen herstammen. Nietzsche, Unzeitgemäße Betrachtungen, II : Vom Nutzen und Nachteil der Historie für das Leben. [L]’histoire des idées s’adresse à toute cette insidieuse pensée, à tout ce jeu de représentations qui courent anonymement entre les hommes ; dans l’interstice des grands monuments historiques, elle fait apparaître le sol friable sur lequel ils reposent. C’est la discipline des langages flottants, des œuvres informes, des thèmes non liés. Foucault, Archéologie du savoir, IV : La description archéologique ABRÉVIATIONS La référence d’un ouvrage est donnée complètement lors de sa première occurrence, puis, par la suite, sous forme abrégée, c’est-à-dire en indiquant seulement le nom de son auteur ainsi que son titre, éventuellement simplifié. Les abréviations usuelles suivantes sont de surcroît utilisées : AA : Leibniz, Sämtliche Schriften und Briefe, Preussische (puis Deutsche) Akademie der Wissenschaften éd., Darmstadt (puis Leipzig puis Berlin), 1923-. AT : Descartes, Œuvres de Descartes, C. Adam et P. Tannery éd., nouv. prés. par B. Rochot et P. Costabel, 11 vol., Paris, Vrin, 1964-1974. EL : Mariotte, Essai de logique, A. Gabbey et G. Picolet éd., Paris, Fayard, 1992. EN : Galilée, Discorsi et dimostrazioni matematiche intorno à due nuove scienze, in Le Opere di Galileo Galilei, Edizione Nazionale, A. Favaro e I. Del Lungo éd., 20 t. en 21 vol., Florence, Barbèra, 1890-1909, ici réimpr. 1964-1968. GP : Leibniz, Die philosophischen Schriften von G. W. Leibniz (1875-1890), C. I. Gerhardt éd., 7 vol., ici réimpr. Hildesheim-New York, G. Olms, 1961. OM : Mariotte, Œuvres de Mr Mariotte, de l’Académie Royale des Sciences, divisées en deux tomes, Comprenant tous les Traitez de cet Auteur, tant ceux qui avoient déjà paru séparément, que ceux qui n’avoient pas encore été publiez, Leyde, P. van der Aa, 1717. SHS : Huygens, Œuvres complètes de Christian Huygens, éd. Société hollandaise des sciences, 22 vol., La Haye, M. Nijhoff, 1888-1950. TB : Boyle, The Works of the Honourable Robert Boyle (1772), T. Birch éd., 6 vol., ici réimpr. Hildesheim-New York, G. Olms, 1966. INTRODUCTION1 De l’abbé Edme Mariotte, on sait peu de choses. Un autre abbé qui porte le joli nom de Papillon, reprendra une formule qu’on trouve dans le Dictionnaire historique de Louis Moreri pour en faire le constat laconique : « Ses écrits sont plus connus que l’histoire de sa vie »2. On sait tout de même qu’il est né en 1620, et qu’il a été membre de la section de physique de l’Académie royale des sciences de 1668 jusqu’à sa mort, en 16843. Il resta même, si l’on peut dire, membre de l’Académie un peu au-delà de sa mort : les Procès-verbaux de celle-ci notent à la date du 24 mai 1684 que Joseph- Guichard Du Verney procéda à l’autopsie de son cadavre, y trouvant « un gros polype dans l’aureillette droite du cœur et beaucoup d’eau dans la poitrine. Le pouls était fort intermittent comme il arrive souvent dans ces polypes »4. L’autopsie d’un académicien par ses confrères a quelque chose de fascinant, mais rien ne permet d’en tirer quelque conclusion que ce soit, sinon ce qu’on sait par ailleurs : dans le dernier XVIIe siècle, l’anatomie des cadavres était non seulement une pratique courante, mais un divertissement social5. On se gardera en particulier d’y voir un traitement de faveur que des collègues pleins d’égards auraient réservé à Mariotte comme au plus dévoué d’entre eux tous : à la même époque, l’Académie procéda à l’autopsie de deux autres de ses membres, Claude Perrault et Charles Le Brun6. Avant même la fondation de l’Académie, d’autres cadavres de savants avaient d’ailleurs eux aussi été l’objet d’une autopsie, par exemple celui de Marin Mersenne7. Quant à ses écrits, dont l’abbé Papillon pouvait encore supposer qu’ils étaient connus des lecteurs de son siècle, ils sont aujourd’hui oubliés — pire, périmés. Pourtant, des travaux de physique que Mariotte effectua au sein de l’Académie, on trouve trace dans les Procès-verbaux et dans l’Histoire de celle-ci. De son vivant, ils donnèrent lieu à différents ouvrages, certains publiés, d’autres 1 Pour leurs remarques sur une première version de ce livre, je remercie Frédéric de Buzon, Daniel Garber, Bernard Joly, Édouard Mehl et Pierre-François Moreau. L’orthographe et la ponctuation des citations sont conformes aux ouvrages dont elles sont tirées, à l’exception de certaines particularités typographiques contraires à l’usage actuel, par exemple l’usage abondant de majuscules. 2 P. Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, 2 vol., Dijon, P. Marteret, 1742, vol. II, p 24. 3 Les quelques éléments connus concernant la vie de Mariotte sont discutés dans G. Picolet, « Sur la biographie de Mariotte », in centre Alexandre-Koyré éd., Mariotte savant et philosophe (! 1684). Analyse d’une renommée, Paris, Vrin, 1986, p. 245-275 ; nous revenons dans la Conclusion générale de ce livre sur la biographie de Mariotte. Sur son œuvre scientifique au sein de l’Académie des sciences, voir l’ensemble des articles du recueil Mariotte savant et philosophe ; voir également A. Stroup, A Company of Scientists: Botany, Patronage, and Community at the Seventeenth-Century Parisian Royal Academy of Sciences, Berkeley, University of California Press, 1990. 4 Académie des sciences, Procès-verbaux, vol. XI, 24 mai 1684, fol. 68v. 5 Pour une introduction à l’histoire de l’anatomie, voir R. Mandressi, Le Regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident, Paris, Seuil, 2003. 6 A. Stroup, A Company of Scientists, p. 54. 7 Selon la biographie rédigée par le P. René Tuillier, rapportée in M. Mersenne, Correspondance du P. Marin Mersenne, religieux minime, P. Tannery, C. de Waard, et A. Beaulieu éd., 17 vol., Paris, Éditions du CNRS, 1932-1988, vol. XVII, p. 512. Voir également la mise au point des éditeurs sur la pratique des autopsies in ibid., p. 514-515. 1 non, mais pour la plupart ultérieurement réunis dans les Œuvres de Mr Mariotte, de l’Académie Royale des Sciences, divisées en deux tomes, Comprenant tous les Traitez de cet Auteur, tant ceux qui avoient déjà paru séparément, que ceux qui n’avoient pas encore été publiez, publiées à Leyde, chez Pierre van der Aa en 17178. Le présent livre a pour point de départ le seul ouvrage d’Edme Mariotte qui ne traite pas de philosophie naturelle ou de physique, au sens large que ce terme avait au XVIIe siècle, mais de ce que nous appellerions aujourd’hui « épistémologie » ou, plus exactement, « méthodologie ». Il s’agit de l’Essai de logique, publié anonymement en 1678, c’est-à-dire une année avant les trois premiers Essais de physique de Mariotte et apparaissant donc inévitablement comme une introduction à ces derniers. À en croire sa Préface, l’Essai se propose « de rechercher si on ne pourrait pas trouver quelque voye assurée pour établir quelque certitude dans les sciences, ou du moins pour empescher les disputes, en determinant ce qu’on peut recevoir au defaut des verités incontestables »9. Vouloir éviter les disputes, se mettre en quête d’un savoir certain et bien assuré, bref, chercher à établir les sciences, il n’y a rien de plus banal au XVIIe siècle. Quant à la décision d’écrire sous la forme d’un essai plutôt que d’un traité, on aura reconnu là un des gestes qui caractérisent ceux qui s’opposent à l’esprit de système à la fin de ce même siècle : les vérités étant prélevées dans la nature parcelle après parcelle, pour ne pas dire grain à grain, chacune d’elles doit faire l’objet d’une publication indépendante, sans souci de la somme ou du système. C’est bien ainsi que l’académicien Claude Perrault justifie le titre qu’il avait choisi pour ses Essais de physique : Je donne le nom d’Essais aux petits ouvrages contenus dans ce recueil, non seulement à cause que ce ne sont point des pieces achevées, & qui ayent assez de liaison ensemble, & assez d’étenduë pour enfermer tout ce qui doit entrer dans la composition d’un corps entier de physique ; mais aussi par cette raison que dans cette sorte de science on ne peut faire guere autre chose que d’essayer & de 10 chercher . 8 Nous nous référons, pour l’Essai de logique, à l’édition d’A.