La Bourgogne, Terre Nourricière D'hydrauliciens
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Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 La Bourgogne, terre nourricière d’hydrauliciens Burgundy, mother Earth of hydraulicians Michel PAUTY Professeur émérite, Université de Bourgogne Département de Physique, Bâtiment Mirande 21000 Dijon (France) Président de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Dijon Résumé Les sources de la Seine et toutes les eaux salvatrices de Bourgogne pourraient laisser supposer que la capitale de la Bourgogne qui accueille aujourd’hui un colloque « OH2 : "Origines et Histoire de l’Hydrologie’’ », était une ville où l’eau avait droit de cité. Il n’en était rien, et il fallut attendre le milieu du XIXe siècle et Henri Darcy pour que Dijon eût un réseau d’eau qui en fit l’une des villes les plus propres de France, avec une fontaine chaque cent mètres. Peu de provinces, pourtant, peuvent s’enorgueillir d’avoir eu autant de spécialistes de l’hydraulique et des propriétés de l’eau. Le premier dont on trouve la trace au milieu du XVIe siècle sera Hugu es Sambin, certes plus connu pour le « Chou bourguignon » que par ses travaux d’hydraulique ; Edmé Mariotte, une centaine d’années plus tard, écrira un « Traité du mouvement des eaux et des autres corps fluide » et reprendra les travaux de Perrault sur le bilan hydrologique de la Seine à Paris à partir de l’estimation des pluies et des débits sur le bassin de la Haute-Seine à Aignay-le-Duc et Dijon. Encore un siècle de plus, et il faudra évoquer les tribulations du canal de Bourgogne avec Perronnet, Gauthey, Antoine, Forey. Le Beaunois Monge réalise la première synthèse de l’eau et peu de temps après, Thénard découvre l’eau oxygénée. L’eau n’a pas encore droit de cité dans la ville de Dijon, les projets abondent et n’aboutissent pas (Chapus, de Chézy, Le Jolivet, l’abbé Audra, Arnollet…) ; pourtant, de brillants ingénieurs se penchent sur le problème du comportement d’un liquide en mouvement dans une canalisation, et en 1742, le premier sujet de concours proposé par l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Dijon était : « Déterminer la différence des vitesses d’un liquide qui passe par des tuyaux inflexibles et de celui qui passe par des tuyaux élastiques ». Parmi les travaux les plus originaux qui vont ensuite venir, ceux d’Henri Navier qui aboutiront à la formule de Navier-Stokes utilisée couramment aujourd’hui. Rapidement, les Dijonnais vont donner d’autres formules et nous aurons les formules de Darcy pour la filtration, puis de Bazin pour les égouts, tous les deux seront associés pour leurs études sur le mouvement des eaux dans les canaux. Dijon a beaucoup d’eau depuis le 6 septembre 1840 où, grâce à Darcy, sept mille litres arrivent par minute au réservoir de la place Guillaume. Les bases de l’hydraulique sont bien 1 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 établies ; d’Estoquois, professeur à la Faculté des Sciences de Dijon publie, en 1874, un mémoire sur les « Recherches d’Hydrodynamique », notamment sur les mouvements d’un liquide dans un vase de forme donnée ; les travaux sur les canaux continuent, et Galliot s’illustre dans cette voie et innove dans l’emploi de l’électricité en navigation intérieure, et quelques centrales électriques au fil de l’eau sont créées… Eiffel procède à des essais sur modèles pour déterminer les pressions exercées par le vent ; on peut le considérer comme le père de l’aérodynamique, mais il s’occupe aussi du canal de Panama. Actuellement, l’aventure théorique se poursuit à Dijon avec l’étude des ondes solitaires esquissée par Bazin. * * * « Mets de l’eau dans ton vin ». Ce dicton populaire pourrait peut-être symboliser notre Bourgogne, car si elle est bien connue pour ses crus réputés, elle n’a pas été épargnée, cette année, par les crues de ses rivières ; si l’on connaît de par le monde les Corton Charlemagne, les Romanée Conti, on ignore même à Dijon que notre Bourgogne a été aussi Terre nourricière pour de nombreux hydrauliciens, et je vous invite maintenant à les découvrir en suivant une chronologie très partiale et très partielle de l’Histoire de l’Hydrologie bourguignonne. 1. Quelques eaux de Bourgogne et de Dijon en particulier Comme point de départ, nous évoquerons les Fontaines Salées proches de Vézelay où, mille ans avant notre ère, un culte était célébré autour des sources situées au bord de la Cure ; les fouilles furent conduites à partir de la chanson de geste de Girart de Roussillon (1). Quant aux origines de Bourbon-Lancy, ce nom celtique se rapproche de Borvo, dieu gaulois et dieu des sources ; la station figure sur la carte de Peutinger parmi les thermes médicaux de l’Empire Romain, et Catherine de Médicis y vint soigner une stérilité. Grégoire de Tours (538-594 ?) dans son « Historia Francorum » (2) parle en ces termes des rivières dijonnaises : « Au midi, coule la rivière d’Ouche, qui est très poissonneuse ; du nord vient une autre petite rivière qui entre par une des portes, passe sous un pont, ressort par une autre porte et entoure les remparts de son eau paisible ; devant cette dernière porte, elle fait tourner des moulins avec une merveilleuse rapidité ». Ainsi était le tour de Dijon au VIe siècle ; cependant, le problème de l’eau à Dijon a été, pendant des siècles, cause de nombreuses démarches. Darcy, dans son ouvrage sur « L’Histoire des Fontaines Publiques de Dijon » (3), paru en 1856, en a donné la chronologie. On peut apprendre ainsi que si, au VIe siècle, le Suzon était une vraie rivière, la Chambre de Ville délibéra le 22 juin 1418 pour que « L’eau du dict Suzon vienne plus souvent à Dijonct qu’elle ne faict » ; torrentiel lors des orages et à la fonte des neiges, il envahissait rues et caves. Spécialiste 2 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 d’hydraulique, Hugues Sambin est en Bourgogne plus connu comme sculpteur sur bois, graveur, architecte que comme ingénieur. Il est probablement né en 1520 à Gray, et est fils d’un menuisier de cette ville. Il s’occupe de la circulation du Suzon qui, à l’époque, était à ciel ouvert et servait d’égout et de dépôt d’ordures. Avec Aubert Fleutelot (4), juré arpenteur pour le Roi en Bourgogne, il propose le 10 octobre 1561, un nettoyage complet, la condamnation de toutes les ouvertures donnant sur la rivière et l’érection de hautes murailles avec regards, mais les guerres de Religion ne permettent pas de mettre tout le programme en œuvre. Ils étudient aussi la possibilité d’utiliser les eaux du Val Suzon ; cette solution ne pouvant être retenue, l’utilisation de la fontaine de « Rozay », maintenant du Rosoir, est envisagée, mais ils ne savent pas s’il faut amener l’eau « dans des rivières simantées ou dans des cors en boys, ce qui est chose de grands frais et de peu de profits ». Étienne Tabourot, que rapidement, suivant la tradition, nous appellerons le Rabelais bourguignon, va dresser la première carte du Duché. En effet, dans le prologue du « Theatrum orbis terrarum » d’Abraham Ortelius, édition de 1584 (5), apparaît le nom d’Étienne Tabourot. Cette carte est orientée comme les cartes modernes avec le nord en haut de la feuille et l’échelle est donnée en lieues de Bourgogne de cinq mille quatre cent quarante-quatre mètres. Dijon est signalé par un ensemble de monuments. Le tracé des rivières est assez correct. Ce sera donc la première représentation de nos voies de communication bourguignonnes, et comme l’a indiqué Jean Richard dans son article consacré à Tabourot, cartographe : « le réseau hydrographique qui va servir de trame à toutes les représentations cartographiques est déjà singulièrement serré ». En 1606, Antoine de Menay s’ aperçoit que, si le Suzon se perd, c’est que son lit est composé de « roc pourry et entremêlé de sable mouvant », et il propose de creuser un canal latéral pour amener les eaux, non pas pour donner de l’eau à boire, mais pour assainir la ville. Comme on peut le voir sur le plan Bredin (6), le Suzon arrivait par la tour aux Ânes , formait le bief des moulins communaux et pénétrait dans l’enclos des Jacobins, puis il partait vers la rue de la Grande Boucherie (du Bourg), la rue Poulaillerie (Piron) puis la place du Morimond (Émile Zola), faisait tourner les moulins de l’Hôpital du Saint Esprit, gagnait la rue du Sachot et finalement sortait par la Tour de la Porte d’Ouche. 2. Les premiers hydrologues Notre région intéresse ensuite les chercheurs de la fin du XVIIe siècle. C’est ainsi que Claude Perrault, frère du célèbre conteur, publie en 1674 un traité intitulé : « De l’origine des fontaines » (7). Certes, Claude Perrault (1608-1680) n’est pas bourguignon, puisque né à Paris, mais, grâce à l’estimation des pluies et des débits sur le bassin de la Haute- 3 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Seine, à Aignay le Duc notamment, il est le premier à démontrer que le volume des précipitations sur un bassin était bien supérieur au volume qui s’écoulait à l’exutoire de ce bassin.