Au Calme, Dans Son Bistrot Préféré, Renaud Nous Parle De Son "Boucan D'enfer"
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Au calme, dans son bistrot préféré, Renaud nous parle de son "Boucan d'enfer" « Boucan d'enfer » ressemble à ce que les fans languissant de Renaud attendaient : le meilleur de Renaud. Le chanteur au cœur gros a réussi, sept ans après « A la belle de mai », l'album du retour. Entre tendresse et bobos, on retrouve un Renaud désabusé mais pas complètement dégriffé (« Je vis caché », « L'entarté ») sur de jolies musiques signées Jean-Pierre Bucolo et Alain Lanty. Discussion par un beau midi ensoleillé de printemps, à sa table de la Closerie des Lilas montparnassienne. ENTRETIEN THIERRY COLJON à Paris Cet album est donc né d'un pari, en pleine crise d'inspiration...r Oui, j'avais arrêté de boire huit jours. J'étais allé passer huit jours dans une chouette clinique psychiatrique, de repos. Où j'avais mes habitudes pour y être déjà allé trois ou quatre fois en trois ans. Pour essayer de décrocher de cette drogue dure, le pastis. Et puis, au bout de huit jours de manque, un copain me fait le pari grotesque et criminel de me dire : Si t'écris une chanson, je t'autorise une muflée. J'ai écrit la chanson en une heure, « Petit pédé » en l'occurrence. Le copain était pédé, faut le préciser. Il voulait à tout prix que je lui écrive une chanson sur ça, sur sa différence. Je la lui ai dédiée, à lui et à son mec, puis j'ai pris ma cuite et j'ai replongé. En fin de compte, les textes ont mis cinq ans et quelques heures à être écrits. Avant « Petit pédé », la référence était « Comme ils disent » d'Aznavour que tu cites d'ailleurs dans ta chanson... Oui, et depuis, j'ai découvert que Zazie avait écrit « Adam et Yves » sur le même thème, mais je n'ai pas réussi à bien saisir les paroles, car c'était pas bien mixé ou je ne sais pas... Puis une autre aussi, Linda Lemay, je crois, a chanté sur ce sujet. Quand tu étais au fond de ta dépression, as-tu eu de nombreuses marques de soutien du milieu ? De tes amis Julien Clerc ou Patrick Bruel ? Ils m'ont soutenu, m'ont sermonné, m'ont fait la morale pour essayer de me faire sortir de ce trou, me faire arrêter de boire. Ils me voyaient me détruire à petit feu, grossir à vue d'œil, le verbe hasardeux, l'œil triste et la bouche tombante. Ils étaient catastrophés. D'ailleurs, la rumeur publique me disait mal. Tous mes copains médecins me disaient : continue comme ça et dans deux ans, t'es mort. Comme j'avais déjà des problèmes hépatiques, il était temps que j'arrête. Mais, bon, c'était une épreuve que je n'espère pas retraverser. Je ne pense pas, car, dans les deux ans qui viennent, j'ai trop d'activités : les médias, la tournée... C'est triste à dire mais ces malheurs donnent les plus belles chansons... Les chagrins d'amour, comme disait Sevran hier à la télé, ne suffisent pas à écrire de bonnes chansons, mais, moi, ça m'a permis d'en écrire de jolies. Un peu égocentriques, nombrilistes... Je ne parle que de moi et de mon chagrin, et pas de celui de mon épouse. Une séparation, ça se vit à deux. C'est une déchirure pour deux individus. Dans « Mal barrés », tu ne crois plus du tout au couple... Mon cœur n'est pas libre. Il est toujours occupé par la même personne. Il n'y a plus de place à prendre... Je n'envisage pas la vie de couple dans un avenir immédiat. Que pense Dominique du fait que tu exposes ainsi publiquement ce qui reste malgré tout assez intime ? Elle trouve que j'ai bien de la chance de pouvoir dire mon chagrin et d'avoir des milliers d'épaules sur lesquelles l'épancher. Elle n'a pas grand monde, à part deux, trois amies. Elle trouve ça un peu injuste. De « Ma gonzesse » à « En cloque », c'est vrai que votre histoire d'amour a dès le départ été rendue publique... Ce n'est pas que je suis impudique mais je n'ai aucune honte à dire ce qu'il y a sur mon cœur, même quand ce n'est pas drôle. Lolita aussi, on l'a vue grandir avec les chansons, de « Morgane de toi » à « Elle a vu le loup »... Oui, je dis qu'elle a 15 ans, car la chanson date d'il y a six ans. Elle n'est pas fan de cette chanson car je révèle quelque chose de très intime, très secret, très personnel (NDLR : son dépucelage). Elle ne m'en veut pas trop car elle trouve cette chanson bien écrite, donc c'est le principal. Mais elle n'aime pas que je l'implique, elle aurait préféré que je ne parle que de sa copine Marylou et pas d'elle. Dans « Docteur Renaud, Mister Renard », tu dis que tu t'en fous du monde mais quand on te connaît, on sait que tu ne pourras pas t'empêcher de l'ouvrir à propos de la première injustice venue... Oui, bien sûr, mais je ne vais peut-être pas trop m'exposer en première ligne. Je ne donnais plus aux Restos mais je donnais à d'autres. A travers les Restos, j'ai voulu exprimer mon ras- le-bol de différents engagements humanitaires dans des associations qui, contrairement aux Restos qui sont tout à fait dignes et propres, ont défrayé la chronique par des malversations, détournements de fonds et compagnie. Et puis dire le côté un peu dérisoire de ces chanteurs qui engagent leur conscience à bon compte mais qui dorment sur le magot sans en faire profiter les autres. Il y en a tellement qui sont là pour briller, pour se faire voir. Es-tu prêt à affronter les médias en parlant du monde et de ses problèmes avec la même conviction qu'auparavant ? Non. Je suis beaucoup plus désillusionné et désabusé qu'autrefois. L'âge y est aussi pour beaucoup. Le fait de m'être beaucoup engagé dans le passé et d'avoir reçu des coups en retour... je n'ai plus trop envie d'en prendre. Et puis je trouve ça un peu dérisoire qu'on demande à un saltimbanque, un artiste, de donner son sentiment sur les grands conflits du monde. Immanquablement, on passe pour un donneur de leçons. Si on me pose une question sur la situation au Proche-Orient, je vais répondre avec véhémence et conviction mais est-ce bien nécessaire ? Est-ce que ça va faire avancer les choses ? C'est pour ça que la chanson « L'entarté », qui vise ouvertement Bernard Henri-Lévy, est née ? Je trouve la chanson suffisamment moqueuse pour éviter d'en rajouter une couche chaque fois que je suis interviewé là-dessus. Je ne vais pas m'acharner. J'ai déjà été suffisamment vachard. Et puis je tire mon petit coup de chapeau au Gloupier que je trouve un personnage attachant parfois, mais son petit côté anar de droite ne me séduit pas toujours. Et l'entartage, je trouve ça un acte assez violent mais, bon, que me jette la première pierre celui qui n'a pas rigolé en voyant BHL ou Bill Gates se faire encrémer la tronche. N'avais-tu pas l'impression d'être devenu le BHL de la chanson en prenant fait et cause pour plein de causes ? Il y a des combats que je menais, moi, spontanément et d'autres sur lesquels on me demandait de prendre position. C'est un peu agaçant parfois. Je ne suis pas quelqu'un qui court après les caméras et les micros, contrairement à lui ou à d'autres. Je pense à Mgr Gaillot. Dès qu'il y a une caméra ou un chien perdu, il est là. Je pense à José Bové, que j'aime bien par ailleurs, il est partout, il va partout, il est incontournable, quoi. C'est pour ça que tu dis et chantes : « Je vis caché ». Tu en profites d'ailleurs pour te faire les « animateurs blaireaux », « crétins dégénérés », « nullos de la bande FM », etc. Je cite pas de noms mais ils se reconnaîtront ceux auxquels je pense. Ça a toujours été un peu mes boucs émissaires les médias, les journalistes de TF 1, les animateurs ringards d'émissions vulgaires, les FM à la con qui diffusent de la musique au kilomètre, insipides et robotisantes, entre trois pubs. Tu te tiens très loin des « stars académiques » et des « pop stars de mes deux qui sont un peu à la musique ce que le Diable est au Bon Dieu »... J'ai pas beaucoup apprécié de voir des artistes que j'aime bien aller se corrompre, se compromettre, servir la soupe à ces pauvres garçons et filles qui sont devenus stars en l'espace de trois semaines et dont la carrière, à mon avis, sera aussi éphémère que sont médiocres leurs talents. Loana, on l'invite partout, pour vendre quoi ? Du vent. Son image. Rien. Elle ne crée rien, elle n'écrit pas, elle ne compose pas, elle ne joue pas d'un instrument, elle n'est pas comédienne. Elle est juste blonde, voilà. Et puis, dans ces émissions, il y a le côté mise à mort que les gens aiment bien, l'élimination des candidats au fur et à mesure. C'est d'une cruauté... Le duo avec Axelle Red sur « Manhattan-Kaboul » nous fait d'autant plus plaisir que tu n'as jamais enregistré de duos, sinon aux Restos du cœur.