Diagnostic stratégique de l’éducation

Wilaya du Hodh Chargui, Mauritanie

Décembre 2019

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Rédacteur : Mohamed Ahmed Tolba

Avis de responsabilité : Les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans le présent document sont celles du consultant et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'UNICEF.

Crédit photo : UNICEF

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TABLE DES MATIÈRES

Liste des tableaux 4 Liste des graphiques 5 Listes des sigles et acronymes 6 I - INTRODUCTION 7 II - RÉSUMÉ EXÉCUTIF 8 III - CONTEXTE RÉGIONAL 13 IV - CADRE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE DE L’ÉDUCATION 20 A) Les systèmes de planification 20 B) Gestion et coordination 23 C) Financement de l’éducation 26 V - LE PRESCOLAIRE 28 A) Cadre institutionnel et politique nationale 28 B) Analyse régionale 29 VI - L’ENSEIGNEMENT CORANIQUE 32 A) Cadre institutionnel et politique nationale 32 VII - L ’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE 35 A) Cadre institutionnel et politique nationale 35 B) Analyse régionale 37 VIII - L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE 59 A) Cadre institutionnel et politique nationale 59 B) Analyse régionale 60 IX - L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL 69 X - L’ÉDUCATION DANS LE CAMP DE M’BERRA 71 A) Le cadre politique et institutionnel 71 B) L’accès à l’éducation dans le camp 73 C) L’enseignement primaire formel 76 XI – CONCLUSION 82

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Populations urbaines du Hodh Chargui par moughataa 13 Tableau 2 : Nombre et taille des localités rurales du Hodh Chargui 14 Tableau 3 : Taux d'alphabétisation en pourcentage par moughataa et par sexe 15 Tableau 4 : Niveau d'instruction en pourcentage de la population 6 ans et plus par sexe 16 Tableau 5 : Taux brut et net de scolarisation en pourcentage au primaire et au secondaire par moughataa 17 Tableau 6 : Taux brut de scolarisation par moughataa 18 Tableau 7 : Projection des effectifs des élèves pour le préscolaire, le primaire, le secondaire, et les enfants hors de l'école du Hodh Chargui 19 Tableau 8 : Comparaison des données des services centraux (DSPC) et régionaux (DREN) 22 Tableau 9 : Nombre d’habitants et de localités par moughataa 35 Tableau 10 : Répartition du budget pour les écoles primaires incomplètes en MRU 38 Tableau 11 : Répartition du budget pour les écoles primaires complètes en MRU 38 Tableau 12 : Répartition du budget des IDEN en MRU 39 Tableau 13 : Répartition du budget des IDEN en MRU 40 Tableau 14 : Répartition du budget de la DREN du Hodh Chargui en MRU 40 Tableau 15 : Nombre d'enseignants, d'élèves et d'écoles par moughataa 42 Tableau 16 : Déficit d'enseignants par moughataa 42 Tableau 17 : Répartition des enseignants sur les écoles 43 Tableau 18 : Déficit d'enseignants par moughataa 44 Tableau 19 : Taux d'absentéisme des enseignants 44 Tableau 20 : Nombre d'écoles primaires et d'élèves par nombre d'enseignants 45 Tableau 21 : Résultats des enseignants : connaissance minimale (Pourcentage d’enseignants au-dessus de 80 %) 47 Tableau 22 : Résultats des enseignants : connaissance minimale (Pourcentage d’enseignants au-dessus de 70%) 47 Tableau 23 : Disponibilité des ressources pédagogiques 49 Tableau 24 : Écoles avec cantines par moughataa 49 Tableau 25 : Besoins en construction et en réhabilitation des salles de classe par moughataa 51 Tableau 26 : État des constructions scolaires par moughataa 51 Tableau 27 : Besoins en latrines par moughataa 52 Tableau 28 : Besoins en tables-bancs de trois places par moughataa 52 Tableau 29 : Autres infrastructures par moughataa 53 Tableau 30 : Besoins pour assurer des conditions minimales dans écoles complètes et semi-complètes par moughataa 54 Tableau 31 : Nombre d'écoles et d'élèves avec latrines et suffisamment d'enseignants et de salles de classes par moughataa 55 Tableau 32 : L'offre éducative dans les petites localités 56 Tableau 33 : Pourcentage d’acquis des élèves par discipline (SDI) 57 Tableau 34 : Budget par élèves dans cinq lycées (MRU) 60 Tableau 35 : Nombre d'élèves, d’enseignants et de sections pédagogiques par moughataa 61 Tableau 36 : Les dix établissements à grands effectifs du Hodh Chargui 61

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Tableau 37 : Déficit d’enseignants par discipline en fonction des horaires officielles de chaque discipline 62 Tableau 38 : Déficit d’enseignants par discipline en fonction des horaires officielles de chaque discipline 62 Tableau 39 : Besoins en construction et réhabilitation par établissements 63 Tableau 40 : Effectifs d’élèves de la Série C 65 Tableau 41 : Effectifs d’élèves de la Série D 66 Tableau 42 : Effectifs d’élèves de la Série A 66 Tableau 43 : Performances académiques mesurée par la moyenne au BEPC 67 Tableau 44 : Les résultats du Bac 2019 (première session) 68 Tableau 45 : Effectifs 2018-2019 des différentes filières au Hodh Chargui 69 Tableau 46 : Nombre d'inscrits et de section par écoles et par genre 76 Tableau 47 : Taux d'absents chroniques par écoles et par genre 77 Tableau 48 : Taille des classes par année 78 Tableau 49 : Taux de participation et de réussite en pourcentage 78 Tableau 50 : Nombre et expérience des enseignants 79

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 : Budget de fonctionnement des DREN en MRU 26 Graphique 2 : Taux brut de scolarisation par année scolaire 55 Graphique 3 : Résultats du concours 2018 58 Graphique 4 : Taux brut de scolarisation pour le premier cycle de l'enseignement secondaire 2015-2016 59 Graphique 5 : Effectif des élèves par année scolaire et niveaux 64 Graphique 6 : Répartition des filles et garçons par année scolaire 65 Graphique 7 : Effectifs et taux de scolarisation par année scolaire au camp de M’Berra 75 Graphique 8 : Taux de réussite par école au camp de M’Berra sur l’année scolaire 2018-2019 77

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LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

COGES Comités de gestion des écoles DPEF Direction des projets Éducation-Formation DREN Direction régionale de l’éducation nationale DSPC Direction des statistiques, de la planification, et de la coopération EPCV Enquête permanente sur les conditions de vie FMI Fonds monétaire international HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés IDEN Inspections régionales de l’éducation nationale MAIEO Ministère des Affaires islamiques et de l’Enseignement originel MAG Malnutrition aiguë globale MAS Malnutrition aiguë sévère MASEF Ministère des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille MEN Ministère de l’éducation nationale MICS Multiple Indicators Cluster Survey ODD Objectifs de développent durable OMS Organisation mondiale de la santé ONS Office national de la statistique PASEB Projet d’appui au secteur de l’éducation de base PIB Produit intérieur brut PME Partenariat mondial pour l’éducation PNDSE Plan de développement du secteur de l’éducation PTBA Plans triennaux budgétisées d’action RGPH Recensement général de la population et de l'habitat SABER Systems Approach for Better Education Results SCAPP Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée SDI Service Delivery Indicators SIGE Système d’information et de gestion de l’éducation TBS Taux brut de scolarisation TNS Taux net de scolarisation UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture UNICEF Fonds des Nations unies pour l'enfance

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I- INTRODUCTION

Le présent rapport est le fruit d’une consultation internationale commanditée par l’UNICEF pour élaborer un diagnostic stratégique de l’éducation dans la région (wilaya) du Hodh Chargui en Mauritanie, dans le cadre du processus de régionalisation de la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP) 2016-2030 que le Gouvernement mauritanien a adopté en 2017. Le Hodh Chargui a été choisi pour expérimenter à titre pilote cette régionalisation.

L’objectif de ce rapport est de dresser la situation du secteur éducatif dans la wilaya et d’identifier les principaux défis qui entravent son développement tout en proposant des pistes de solutions pouvant contribuer à l’atteinte des objectifs stratégiques que le Gouvernement s’est fixé au regard de ses engagements internationaux, notamment dans le cadre des Objectifs de développent durable en matière d’éducation. Le but est de contribuer à enrichir le corpus de connaissances permettant d’ancrer la planification sectorielle tant au niveau central que régional sur des bases solides afin de mieux définir les objectifs du futur, ainsi que les voies et moyens de les atteindre. Le moment est particulièrement opportun car le Gouvernement mauritanien entamera dès le début de l’année prochaine, le processus de préparation d’un nouveau Plan de développement du secteur de l’Éducation (PNDSE III) 2012-2030.

Le rapport comprend un résume exécutif et trois domaines d’analyse :

1. Le contexte régional et le cadre légal, institutionnel et politique dans lequel opèrent les services éducatifs.

2. Les déterminants de l’offre et de la demande d’éducation dans le Hodh Chargui par ordre d’enseignement (le préscolaire, l’enseignement coranique, le primaire, le secondaire et l’enseignement technique et professionnel).

3. L’éducation en situation d’urgence dans le camp de M’Berra.

Le rapport a été réalisé par un consultant indépendant qui a séjourné dans la wilaya pendant quatre mois. La méthodologie de travail utilisée pour l’élaboration de ce rapport est essentiellement l’analyse des données disponibles mais aussi une revue de la documentation existante, ainsi que des entretiens avec les acteurs locaux, régionaux et centraux de l’éducation. Le rapport n’a pas examiné l’enseignement privé dans la wilaya à cause d’une part, de l’indisponibilité des données concernant cet enseignement, d’autre part, de sa taille qui reste marginale par rapport à l’enseignement public et communautaire. Faute de temps disponible, le rapport n’aborde pas en profondeur les questions de discipline dans les écoles, de e-learning, d’accès à l’éducation pour les enfants à besoins spéciaux, ni de genre au niveau de la gestion des enseignants dans la wilaya du Hodh Chargui. Ces questions sont importantes et méritent d’être traitées dans le cadre de diagnostics futurs ou dans le cadre de la préparation du prochain PNDSE.

Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les politiques ou les points de vue de l’UNICEF.

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II- RÉSUMÉ EXÉCUTIF

La wilaya du Hodh Chargui est, après Nouakchott, la région la plus peuplée de Mauritanie. Elle est également la plus rurale et l’une des moins riches avec une économie agropastorale, essentiellement de subsistance, fortement dépendante de la pluviométrie et incapable de nourrir sa population. Son capital humain est très faible. La mortalité infantile des moins de 5 ans y reste très élevée avec un taux de 81 pour mille1. Le taux d’analphabétisme des plus de 15 ans est estimé à 35 % et la proportion des enfants et des jeunes en âge scolaire hors des écoles est évaluée à 38 %2.

La wilaya abrite plus de 57 000 réfugiés maliens, soit plus de 10 % de sa population, dont la présence semble s’inscrire dans la durée à la suite de la recrudescence des violences au Mali. Les réfugiés maliens ont été installés à M’Berra dans la moughataa (département) de où ils constituent plus de la moitié de la population. Ils sont pris en charge par les organisations humanitaires sous le leadership du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Leur présence accentue la précarité des conditions d’existence dans la wilaya à cause de la pression qu’ils exercent sur l’utilisation des ressources naturelles en eau et en pâturage. Pour atténuer les effets de cette accentuation et préserver la paix au sein des communautés hôtes et refugiés, les donateurs étrangers ont accru leur assistance pour les projets de développement dans la wilaya, qui est devenue une zone de convergence pour les agences du Système des Nations Unies ainsi que six ONG internationales signataires du Cadre de partenariat pour le développement durable (2018-2022)3.

Afin d’optimiser l’impact de l’aide au développement et l’aligner à la SCAPP 2018-2030 que le Gouvernement a adopté en 2017, la wilaya été choisie pour une expérience pilote de régionalisation de la SCAPP. Le présent rapport de diagnostic entre dans le cadre de l’assistance technique que l’UNICEF apporte au Gouvernement dans ce processus de régionalisation de la SCAPP. Il a pour objectif de dresser la situation du secteur éducatif dans la wilaya et d’identifier les principaux défis qui entravent son développement tout en proposant des pistes de solutions vers d’éventuelles réformes qui pourraient contribuer à l’atteinte des Objectifs de développent durable en éducation.

Les politiques et stratégies sectorielles en éducation

La SCAPP a réaffirmé les orientations stratégiques du Gouvernement pour le secteur éducatif telle qu’articulées dans le Plan national pour le développent du secteur éducatif 2011-2020 (PNDSE II). Ces orientations stratégiques sont restées les mêmes depuis le PNDSE I (2001-2010) et seront sans doute reconduites pour le prochain PNDSE (2021-2030) dont la préparation devrait commencer en début d’année 2020. Ces orientations, dont la pierre angulaire est l’universalisation de l’accès à un enseignement de base de qualité, restent pertinentes au regard des Objectifs de développent durable en éducation. La seule addition stratégique importante à recommander est l’engagement fort du Gouvernement pour évoluer vers une universalisation de l’accès à un enseignement préscolaire de qualité, sans laquelle le système éducatif risque de se maintenir à des niveaux bas de performance. La fréquentation du préscolaire est trop faible en Mauritanie (12 %) en général et dans le Hodh Chargui en particulier, elle n’est que de 3 %. Une plus grande fréquentation du préscolaire qui ferait en sorte que les enfants soient mieux préparés à l’école, pourrait avoir des effets positifs multiplicateurs sur tout le système éducatif en termes d’efficacité et de qualité.

L’opérationnalisation de ces politiques et stratégies demeure, cependant, un défi majeur. Elle est réalisée à travers des Plans triennaux budgétisées d’action (PTBA) élaborés tous les trois ans selon les standards de consultation communément admis, mais sur la base de besoins identifiés au niveau central qui ne tiennent pas compte des réalités spécifiques de chaque région. Les PTBA devront avoir une version régionale et être soutenus par un système de suivi-évaluation fonctionnel qui s’appuierait

1 MICS 2015 2 MICS 2015 3 Action contre la Faim-Espagne, Croix-Rouge française, Oxfam, Save the Children, Terre des Hommes- Lausanne, World Vision

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sur des données fiables. Cela suppose : (i) un renforcement substantiel des capacités opérationnelles des services éducatifs à tous les niveaux pour qu’ils soient en mesure d’élaborer et d’exécuter des plans d’actions en rapport avec les besoins des populations et en ligne avec les objectifs de développement du système éducatif ; (ii) une amélioration des capacités de collecte et d’analyse des données, notamment à travers le déploiement dans les régions du Système d’information et de gestion de l’éducation (SIGE) dont la phase est déjà opérationnelle au niveau central ; (iii) la mise en place d’un mécanisme de collecte des données sur le préscolaire et l’enseignement originel qui devra être intégré au SIGE.

Dispositions légales

Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place un arsenal juridique important pour accompagner les politiques et stratégies éducatives, notamment pour instituer le bilinguisme et rendre obligatoire la fréquentation de l’école pour les enfants de 6 à 14 ans. Cet arsenal légal n’a cependant pas été complété par des dispositions réglementaires permettant l’effectivité de son application sur le terrain, notamment pour l’accréditation des structures d’enseignement originel (mahadras) afin qu’elles puissent constituer une offre éducative satisfaisante au regard de la loi. Cette accréditation est particulièrement importante depuis 2015 où une disposition règlementaire limite l’ouverture des écoles publiques aux localités de plus de 500 habitants, faisant de facto des mahadras, la seule offre d’éducations disponible dans la majeure partie des localités du Hodh Chargui. Le Gouvernement a institué par décret les Comités de gestion des écoles (COGES) en 2019, mais la mise en œuvre de ce décret n’a pas été réalisée jusqu’à présent.

Financement de l’éducation

Le financement des PTBA n’est pas assuré. Le Gouvernement ne dispose pas d’une approche programmatique multi-annuelle pour ses dépenses en éducation qui garantirait des niveaux stables de ressources budgétaires pour le financement des PTBA. Les niveaux de dépenses publiques en éducation sur financement intérieur sont historiquement bas. Ils tournent autour de 15% des dépenses générales de l’État, hors service de la dette, une part substantiellement inférieure au seuil de 20 % recommandé par le Partenariat mondial pour l’éducation (PME). La dépense publique en éducation concerne essentiellement l’enseignement primaire, secondaire, et supérieur. Elle est faible (environ 2 %) pour l’enseignement technique et professionnelle et négligeable pour le préscolaire et l’enseignement originel (moins d’1 %). La dépense publique sert essentiellement à couvrir les obligations du Gouvernement sur les salaires des fonctionnaires de l’éducation nationale. Les dépenses en capital pour l’éducation sont faibles et les partenaires techniques et financiers sont de moins en moins présents dans le financement du secteur éducatif. Depuis 2018, aucun des grands bailleurs traditionnels du secteur de l’éducation, y compris la Banque mondiale et l’AFD, n’a de programme structurant en vigueur dans ce secteur, en dépit des engagements pris lors de la conférence des donateurs du G5 Sahel en 2018. L’éducation avait alors été identifiée comme secteur prioritaire d’investissement dans les 5 pays du Sahel concernés par cette conférence. Il est crucial d’assurer le suivi de ces engagements pour contribuer à lever les ressources nécessaires au financement des programmes éducatifs essentiels pour l’atteinte des ODD.

Le Gouvernement ne peut faire l’économie d’une augmentation substantielle des ressources budgétaires allouées à l’éducation comme vient de le révéler une évaluation récente du Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier estime que pour se rapprocher de l’atteinte des ODD, le Gouvernement mauritanien devra tripler le niveau de ses dépenses en éducation pour les dix prochaines années, ce qui reviendrait à une dépense publique annuelle de près 500 millions de dollars US. Au minimum, ces dépenses devront atteindre le seuil de 20 % recommandé par le PME. Il faudra en particulier des ressources adéquates pour financer des dépenses critiques pour la qualité des apprentissages comme les manuels scolaires, la formation continue des enseignants et les évaluations d’apprentissages, tout en améliorant l’environnement scolaire à travers des subventions conséquentes aux écoles et un programme de construction scolaire à la hauteur des défis.

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Gestion et coordination

Les services éducatifs du préscolaire et de l’enseignement originel ne sont pas supervisés au niveau régional et local. La Direction régionale de l’éducation nationale (DREN) assure la supervision de l’enseignement primaire et secondaire et de l’enseignement technique et professionnelle. Elle dispose de démembrements au niveau départemental qui sont les Inspections régionales de l’éducation nationale (IDEN), chargées de la supervision des écoles primaires et au niveau local qui suivent les directeurs d’écoles primaires et d’établissements secondaires. L’autonomie et le champ d’action de la DREN restent cependant limités, notamment à cause de la faiblesse de ses capacités et des ressources qui lui sont affectées. En 2019, la DREN du Hodh Chargui devrait recevoir 5 580 420 MRU (équivalent à 160 000 dollars US) dont seuls 7 % sont destinés à son fonctionnement propre. Elle ne dispose pas de personnel qualifié dans les domaines de la gestion des ressources humaines, financières et matériel, ni en planification et en ingénierie de l’éducation et sur les constructions scolaires. La DREN ne reçoit pas de crédits d’investissement, ni de ressources pédagogiques à distribuer aux écoles. Elle n’intervient pas dans le processus de constructions scolaires. Cette faiblesse des moyens et des capacités s’étend bien évidemment aux IDEN et aux directeurs d’écoles et compromet la gestion des écoles et l’encadrement de proximité des enseignants.

La réorganisation du mode de fonctionnement de la DREN devra avoir pour objectif de renforcer davantage les attributions et capacités des IDEN et des directeurs d’écoles pour assurer un encadrement de proximité adéquat aux enseignants et une gestion efficace des services éducatifs, y compris le préscolaire et l’enseignement originel. Les modes opératoires de ces trois structures devront être formalisés.

L’enseignement préscolaire

Le Gouvernement ne pourra atteindre l’objectif de 20 % de couverture préscolaire à l’horizon 2025 qu’il s’est fixé dans le cadre du PNDSE sans entreprendre une série de réformes et engager d’importants investissements visant à élargir de manière remarquable l’offre d’un préscolaire de qualité. Pour atteindre cet objectif dans la wilaya du Hodh Chargui, les taux de scolarisation préscolaire devront augmenter en moyenne de 30 % pour les cinq prochaines années. Il faudra, dans ce cadre, étudier la possibilité de rabaisser l’âge d’entrer à l’école primaire à cinq ans et d’améliorer sensiblement les conditions de scolarisation dans les mahadras qui accueillent les enfants en bas âge.

A l’heure actuelle, le préscolaire public et communautaire est presque inexistant dans le Hodh Chargui. Les enfants qui ont moins de six ans n’ont d’opportunités éducatives que dans l’enseignement originel qui est entièrement financé par les familles et les communautés et sur lequel les autorités éducatives locales n’exercent pas de tutelle effective. Les enseignants des mahadras sont des volontaires et leurs conditions de scolarisation, bien que non documentées de manière systématique, sont particulièrement pauvres. La mise à norme des mahadras est une urgence surtout pour celles, la très grande majorité, qui accueillent des enfantant en bas âge jusqu’à dix ans. Cette mise aux normes ne peut se faire de manière effective sans incitation financières de la part du Gouvernement et sans supervision de la part des autorités éducatives locales. Un système de mise sous contrat des mahadras pourrait être mis en place qui leur accorderait des subventions en contrepartie d’engagements en termes d’amélioration des environnements d’apprentissages qui seraient vérifiables par les services de la DREN.

L’enseignement originel

La loi n°2001-054, portant obligation de l’enseignement fondamental pour les enfants entre 6 à 14 ans, liste les structures de l’enseignement originel parmi l’offre éducative permettant de remplir une mission éducative avec la seule condition que ces structures soient agréées. Cependant, les dispositions règlementaires qui fixent les conditions de cet agrément, l’autorité qui le délivre et le respect de l’application de la loi n’ont jamais été promulguées. Il est opportun d’engager rapidement une concertation entre les ministères en charge des enseignements primaire et originel pour mettre en place ces dispositions

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réglementaires, notamment définir l’autorité locale qui sera responsable de la délivrance des agréments et de la supervision des mahadras.

Enseignement primaire

La wilaya du Hodh Chargui présente des retards de scolarisation significatifs par rapport aux autres régions et les conditions de scolarisation dans les écoles y sont particulièrement pauvres. Les écoles primaires ne reçoivent pratiquement pas de subvention pour maintenir l’espace scolaire dans des conditions acceptables et leur dotation en enseignants est très souvent insuffisante. En moyenne, une école primaire complète reçoit une subvention annuelle de 15 MRU (0,5 dollars US) par élève. Sur les 779 écoles que compte la wilaya, seules 127 (16 %) ont suffisamment d’enseignants. Ces 127 écoles accueillent 12 % des élèves. Moins de 10 % des élèves disposent de manuels scolaires. Seules 109 écoles qui accueillent 7 850 des élèves (9 %) ont suffisamment de salles de classes en bon état. Seules 84 écoles ont des latrines et l’accès à l’eau demeure un défi même dans le milieu urbain à cause de la difficulté de paiement de la facture. Les besoins en tables-bancs sont estimés à 7 520 tables-bancs à trois places. 190 écoles disposent de cantines scolaires et accueillent 30 % des élèves.

Il est urgent de normaliser les conditions d’apprentissages pour assurer des standards minimums d’accès, sans lesquelles il sera difficile, voire impossible, d’améliorer significativement l’attrait et le maintien à l’école, d’une part, et la qualité des apprentissages, d’autre part. Ces standards minimums devraient inclure des possibilités d’accès pour les enfants à besoins spécifiques et de e-learning pour profiter des opportunités qu’offre la technologie pour améliorer les apprentissages, surtout pour les plus vulnérables. Cette normalisation est d’autant plus urgente que la demande de scolarisation continuera d’augmenter du fait de la croissance démographique, estimée à 2,5 % en moyenne sur les dix prochaines années par l’Office nationale de la statistique (ONS) pour la population en âge de scolarisation. Cela signifie que cette population augmentera d’ici 2030 de 30 %.

L’accès à l’éducation demeure un défi dans la wilaya du Hodh Chargui du fait de l’éparpillement des populations dans des petites localités éloignées les unes des autres. Seules 97 localités sur les 2 057 que compte la wilaya égalent ou dépassent le seuil de 500 habitants fixé par la règlementation scolaire pour l’ouverture d’une école primaire. Ces 97 localités qui abritent 48% de la population sont servies par 172 écoles complètes ou semi-complètes (égales ou à plus de quatre niveaux) qui accueillent 56 % des élèves. La wilaya compte 779 écoles dont 607 sont incomplètes (moins de quatre niveaux) souvent non fonctionnelles servant des localités de moins de 500 habitants en dérogation à la réglementation en vigueur. Plus de 1 300 localités sont sans écoles.

Il est urgent de trouver une solution à l’accès à l’éducation à travers une éducation non formelle alternative de type mahadras. Aussi, il est important de prendre les dispositions réglementaires pour que les mahadras soient accréditées suivant des standards qui permettent d’assurer la qualité et la pertinence des enseignements qui y sont dispensés au regard des objectifs d’apprentissages de l’enseignement de base et en lien avec la loi sur l’obligation scolaire.

La présence d’un encadrement de proximité fonctionnel est cruciale pour améliorer la qualité des apprentissages. Dans ce cadre, il est urgent de renforcer les compétences et les moyens des inspecteurs et des directeurs d’écoles, de rénover le système d’évaluation des enseignants, et de systématiser les évaluations d’apprentissages. La consolidation de la carte scolaire autour des écoles complètes et semi-complètes devrait faciliter l’encadrement de proximité en groupant les enseignants dans des masses critiques leur permettant d’apprendre des uns des autres et en réduisant les déplacements pour les inspecteurs. Elle permettra aussi d’améliorer la proportion d’enseignantes dans les fonctions d’encadrement, actuellement minime à cause notamment de la réticence des femmes pour des raisons culturelles et sociales à servir dans les petites localités où la majorité des postes sont ceux de directeurs.

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Enseignement secondaire et technique

La faible couverture de l’enseignement secondaire au Hodh Chargui et les besoins énormes de mise à niveau de ses élèves appelle une réflexion stratégique sur la finalité de cet enseignement et les voies et moyens d’étendre de manière significative sa couverture pour améliorer les perspectives de rapprochement de l’atteinte des ODD. Les projections montrent que l’atteinte des ODD suppose un accroissement moyen annuel de 10 % des effectifs sur la prochaine décennie. Cela suppose un réexamen des finalités et des modes de fonctionnement des établissements secondaires. Ces derniers devront choisir entre servir la minorité qui se destine à l’enseignement supérieur ou la majorité pour qui les collèges sont en réalité la fin du parcours éducatif. Ces deux finalités font appel à des programmes et des méthodes d’enseignement ainsi qu’à des ressources différents. C’est une réflexion stratégique que le ministère chargé de l’enseignement secondaire devra engager rapidement pour tracer les contours d’une stratégie opérationnelle et surtout mobiliser les moyens nécessaires à des investissements massifs en infrastructures, en capacité de gestion et en enseignants.

La question des débouchées de l’enseignement secondaire devra également être également déterminée, en particulier pour évaluer leur pertinence comme voie appropriée pour la préparation à l’université compte tenu de leur coût et de leur faible efficacité. Les formations professionnelles diplômantes de longue durée (certificat d’aptitude professionnelle et brevet de technicien) et qualifiantes de courte durée devront être mieux connectées sur la demande locale de l’emploi telle qu’évaluées par les organisations professionnelles locales des métiers. Un cadre de consultation pour l’identification de cette demande devra être mis en place au niveau régional.

L’éducation dans le camp de M’Berra

Les services éducatifs dans le camp de M’Berra où résident les réfugiés maliens sont entièrement pris en charge par les organisations humanitaires qui offrent une gamme une assez large de possibilités d’éducation formelle et non formelle dans des conditions d’apprentissage relativement acceptables. Cependant, les taux de couverture restent relativement faibles pour toutes les gammes offertes, sauf l’enseignement primaire où la capacité d’accueil est substantielle et semble adéquate pour les enfants en âge d’être scolarisés qui vivent de manière permanente au camp. Une partie de la population réfugiée scolarisable vit en dehors du camp et les besoins spécifiques des enfants réfugiés, en termes de scolarisation, sont méconnus.

Les services éducatifs du camp ont adopté le programme scolaire malien, qui diffère significativement de celui en vigueur dans la wilaya, et pose un défi pour l’intégration des enfants réfugiés dans le système éducatif de la wilaya. L’IDEN ne peut techniquement pas offrir un encadrement de proximité efficace. À plus long terme, les populations devront s’ajuster au cadre de vie local, y compris se préparer à s’y insérer à travers l’éducation, notamment à travers l’apprentissage de la langue arabe. Dans ce cadre, il est opportun d’explorer les voies et moyens de faire contribuer les mahadras du camp dans les processus d’enseignement et d’apprentissage de la langue arabe et de tisser des partenariats avec les écoles afin que l’école et la mahadra puisse offrir ensemble un enseignement bilingue.

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III- CONTEXTE RÉGIONAL

1. La wilaya du Hodh Chargui est l’une des 15 wilayas (régions) que compte la République islamique de Mauritanie, l’une des plus peuplée et la plus rurale. Elle jouxte, en outre, le territoire de l’Azaouad malien, théâtre d’un conflit armé depuis plusieurs années, et constitue un refuge pour les populations maliennes à la recherche d’un territoire sécurisé. La wilaya concentre 12 % de la population du pays, la deuxième concentration humaine après la capitale Nouakchott, d’après les données du recensement général de 2013 qui indique aussi que cette population se situe essentiellement en milieu rural (79,8 %) contre 20,2 % en milieu urbain. D’après les estimations de l’Office national de la statistique, la population de la wilaya est d’environ 497 093 habitants en 2019 avec environ un tiers de cette population vivant en milieu urbain, ce qui suggère une tendance rapide vers l’urbanisation comme c’est le cas sur l’ensemble du territoire. Plus de 57 000 refugiées maliens ont été installés dans la wilaya, principalement dans la moughataa (département) de Bassiknou ou ils constituent plus de la moitié de la population. La wilaya est située à l’extrême est du pays, limitée à l’est et au sud par le Mali, au nord par l’Adrar et à l’ouest par le Hodh Gharbi et le Tagant. La wilaya du Hodh Chargui est composée de sept moughataas (, Bassiknou, Djiguéni, Néma, Walata, Dhar et Timbédra) et de quatre arrondissements (Adel , Aweinat Zbil, et ). Chaque moughataa se subdivise en plusieurs communes avec un total de 31 communes dans la wilaya.

Tableau 1 : Populations urbaines du Hodh Chargui par moughataa

Nombre de Population Moughataa Population Proportion localités urbaine urbaines

Amourj 104 860 2 14 635 14%

Bassiknou 127 342 3 94 044 74% 66 329 1 7 544 11% Néma 97 110 1 24 590 25% Walata 8 661 0 0 0% Timbedra 87 062 2 23 102 27% D’har 5 729 0 0 0% Total/Moyenne 497 093 9 163 916 33% 4 Source : Projection ONS

2. Les populations rurales du Hodh Chargui sont dispersées dans de petites localités, souvent sur la base d’affiliations familiales et claniques et sur fond de conflits latents, rendant difficile et coûteux l’accès aux services de base. La superficie de la wilaya est de 182 700 km², soit une densité de deux habitants/km². Les deux tiers de la superficie ne sont pas habités ou peu, par des populations nomades encore dispersées et d’accès difficile à Walata et Dhar. La population rurale est dispersée sur plus de 2 000 localités situées essentiellement dans la partie sud dont plus des deux tiers ont moins de 150 habitants et abritent 21 % de la population de la wilaya. Ce mouvement de fragmentation continuera probablement tant que l’administration ne lui donnera pas un coût d’arrêt par l’institution d’un cadre local pour l’aménagement du territoire avec des critères rigoureusement appliqués pour la création de nouvelles localités. Il est en tout cas largement alimenté par la politique locale où les leaders

4 Ces projections devront être considérées comme des ordres de grandeur et non des estimations précises. Pour le calcul, l’ONS applique un taux annuel d’accroissement de 2 % à toutes les localités sur la base du recensement de 2013.

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exercent des pressions favorisant la construction d’écoles dans certaines localités plutôt que d’autres. Cette situation fragmente l’offre publique de services de base, la rend coûteuse et peu efficace et la prive des bénéfices de l’économie d’échelle. Aussi, la réglementation des services publiques de l’hydraulique et de l’éducation stipule que ces services ne peuvent être offerts qu’aux localités de plus de 150 et 500 habitants, respectivement. Seules 601 et 97 localités ont plus de 150 et 500 habitants, respectivement. La réglementation n’est pas appliquée dans toute sa rigueur, mais les dérogations ne sont accordées dans la plupart des cas que pour les localités sous la coupe des hommes d’influence, ce qui exclut les communautés sans voix mais, aussi, rend difficile le partage des ressources publiques car celles-ci sont considérées être une appartenance exclusive de la communauté dans laquelle elles ont été placées. Aussi, souvent, les parents hésitent-ils à envoyer leurs enfants dans une école située dans une localité environnante et le partage des ressources en eau est souvent conflictuel.

Tableau 2 : Nombre et taille des localités rurales du Hodh Chargui

Nbre Nombre Nbre de localités Nombre de Population localités Nombre de de localités Populati Moughataa des localités de moins d'habi- Part Part plus de Population Part localités entre 150 on rurales de 150 tants 500 rurales et 500 habitants habi- habitants tants Amourj 634 90 224 432 26 865 30% 176 45 835 51% 26 17 524 19% Bassiknou 108 33 298 38 3 029 9% 55 15 757 47% 15 14 512 44% Djiguenni 308 58 785 199 11 899 20% 83 21 780 37% 26 25 106 43% Néma 462 72 520 332 18 829 26% 99 27 994 39% 31 25 696 35% Walata 53 8 661 35 2 353 27% 16 4 442 51% 2 1 865 22% Timbedra 446 63 960 313 19 502 30% 110 27 305 43% 23 17 153 27% D’har 37 5 729 28 1 858 32% 7 1 577 28% 2 2 293 40% Total/ Moyenne 2 048 333 177 1 377 84 335 25% 546 144 692 43% 125 104 150 31% Source : Calcul de l’auteur à partir des données de l’ONS

3. La wilaya du Hodh Chargui a une économie agropastorale, essentiellement de subsistance, fortement dépendante de la pluviométrie et incapable de nourrir la population. Deux zones climatiques se partagent le Hodh Chargui : une zone saharienne avec une pluviométrie annuelle inférieure à 100 mm et une zone sahélienne avec des quantités de pluies annuelles variant entre 100 et 400 mm. Les eaux de pluies permettent les cultures pluviales de mil et la régénération des pâturages pour l’élevage des bovins, caprins et caméliens, ainsi que la formation de cours d’eau pour satisfaire les besoins d’abreuvage du cheptel et l'approvisionnement en eau des populations dépourvues d’autres sources d’eau pendant une grande partie de l’année. Les cours d’eau permettent aussi de réaliser des cultures de décrue dans certains endroits. Les récoltes de mil et la production de lait contribuent à la satisfaction des besoins alimentaires de base de la population, mais pas pour toute l’année. Des périodes de soudure annuelles plus ou moins longues en fonction de la pluviométrie sont marquées par une pénurie des aliments et une accentuation de l’insécurité alimentaire. Elles coïncident avec la saison sèche, de mars à juin, mais peut bien aller au-delà avec des températures pouvant aller jusqu’à 45 °C. La pluviométrie fluctue considérablement d’une année à une autre avec des sècheresses chroniques qui déciment le bétail et limitent les opportunités de récoltes. En 2017, une grave sécheresse a causé une période de soudure exceptionnellement longue, mettant à bout les mécanismes de survie des populations vulnérables qui se retrouvent en situation d’insécurité alimentaire et de malnutrition. La présence de réfugiés accentue l’insécurité alimentaire à cause de la pression qu’ils exercent sur l’utilisation des ressources limitées en pâturages et en eau. La fréquence accrue des

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sècheresses et leurs effets de plus en plus dévastateurs place la wilaya dans une situation d’insécurité alimentaire chronique. Plus de 60 % des ménages mauritaniens en insécurité alimentaire résident dans les zones de cultures pluviales, comme le Hodh Chargui5.

4. Cette fragilité des conditions de subsistance et la chronicité de l’insécurité alimentaire qu’elle induit, cause une prévalence de la malnutrition aigüe et chronique chez les enfants de moins de cinq ans. Pendant les périodes de soudure, les enfants souffrent de malnutrition. Les taux de malnutrition aiguë globale (MAG) qui mesurent le rapport entre le poids et la taille de l’enfant et renseignent sur la qualité et la quantité de son alimentation, atteignent des niveaux préoccupants pendant les périodes de soudure dans la wilaya comme le montrent de manière régulière toutes les enquêtes SMART conduites annuellement depuis 2012. En 2019, la MAG a été estimée à 12,4 % au Hodh Chargui comparée à une moyenne nationale de 11,2 %, mais la sévérité de cette malnutrition place la région à un niveau préoccupant selon les standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : MAG>15 % et/ou malnutrition aigüe sévère (MAS)>2. Trois moughataas (Bassiknou, Djiguenni, Timbedra) des sept que comptent la wilaya ont des taux de MAG supérieurs à 15 %. Les femmes enceintes aussi sont exposées à la malnutrition, ce qui les fragilise et expose les nouveau-nés à une série de graves risques sanitaires, liés à leur faible poids à la naissance. Au Hodh Chargui, plus de 40 % des nouveau-nés ont un poids très faible, ce qui augmente de manière drastique la probabilité qu’ils meurent au cours de leurs premiers jours, mois et années. Ceux qui survivent « peuvent souffrir d’une diminution de leurs fonctions immunitaires affaiblies et d’un risque plus élevé de maladie » et « d’avoir un QI plus faible et des troubles cognitifs affectant leur rendement scolaire et leurs perspectives d'emploi à l'âge adulte6 ». Plus structurellement, la malnutrition chronique globale ou retard de croissance est à des niveaux alarmants dans la wilaya. En 2018, 41 % des enfants du Hodh Chargui souffrent d’un retard de croissance. Supérieure à 20 %, la malnutrition chronique est jugée sérieuse selon les standards de l’OMS. Elle est de 31,9 % au camp de M’Berra et les sept moughataas de la wilaya ont des prévalences de malnutrition chronique globale de plus de 30 %. Les retards de croissance ont des effets très négatifs sur la santé des enfants et sur leur capacité à apprendre et à se réaliser à l’âge adulte économiquement et socialement. Beaucoup de ces effets sont irréversibles. La persistance de la malnutrition aigüe chez les enfants pendant les périodes de soudure indique que les réponses apportées à celle-ci par les pouvoirs publics restent insuffisantes. Or, il s’agit d’une contrainte majeure qu’il va falloir lever pour arriver à une amélioration substantielle du capital humain, au sein des communautés vulnérables qui prévalent dans la wilaya. Les retards de croissance sont un frein rigide à la scolarisation des enfants et beaucoup de leurs effets sont irréversibles. D’où l’importance d’étendre et de consolider les programmes de prévention de la malnutrition surtout pour les enfants et les mères enceintes ou allaitantes.

Tableau 3 : Taux d'alphabétisation en pourcentage par moughataa et par sexe

Moughataa Masculin Féminin Total Amourj 57 51 54 Bassiknou 48 33 40 Djiguenni 54 51 53 Néma 65 57 61 Walata 44 37 40 Timbedra 50 46 48 D’har 45 36 41 Moyenne 55 47 51 Source : RGPH 2013 - ONS

5 Etude cartographique des privations et vulnérabilités chez les enfants en Mauritanie, UNICEF, 2015 6 MICS 2015

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Tableau 4 : Niveau d'instruction en pourcentage de la population 6 ans et plus par sexe

Niveau instruction Masculin Féminin Total Aucun niveau 39,5 46,6 43,3

Coranique/Mahadra 35,6 30,8 33,1

Primaire 18,2 18,3 18,2 Secondaire général 4,7 3,1 3,8 Université 0,8 0,2 0,4 Secondaire 0,1 0,0 0,1 technique/professionnel Supérieur 0,1 0,1 0,1 technique/professionnel Inconnu 1,0 0,9 0,9 100 100 100 Source : RGPH 2013 - ONS

5. La fragilité des conditions d’existence explique aussi les niveaux de pauvreté élevés dans la wilaya. Bien que la pauvreté telle que mesurée par l’indice de pauvreté de l’ONS ait fortement baissée dans la wilaya entre 2008 et 2014 passant de 58 à 28% de la population, bien plus que la moyenne de baisse nationale de 11 %, la wilaya reste parmi les régions les plus touchées avec le Hodh Gharbi, l’Assaba et le Grogol par la pauvreté multidimensionnelle, celle qui s’intéresse à l’accès aux services de base d’éducation, de logement, d’eau potable, d’assainissement et de l’information. 48 % des ménages de la wilaya continuent d’avoir comme seule source d’approvisionnement en eau de boisson les puits non protégées et 72 % des ménages n’ont pas de toilettes7. La moyenne des ménages est de cinq personnes et 79 % de ces derniers vivent dans des logements construits sur des sols précaires (sol en terre, sable, fumier) qui les exposent aux maladies. La mortalité infantile des moins de 5 ans restent très élevée dans la région avec un taux de 81 pour mille naissances à comparer avec une moyenne nationale de 54 pour mille.8 Les communes de et qui abritent chacune plus de 20 000 enfants subissant au moins une privation sévère de l’un des services précités. Plus de 5 000 enfants dans la moughataa d’Amourj n’ont pas accès a au moins trois ou quatre de ces services.

6. La population du Hodh Chargui reste en grande partie analphabète et les niveaux d’instruction y sont peu élevés. Les données du recensement général de 2013 indiquent que seuls 51 % de la population de la wilaya sait lire et écrire et que cette proportion est plus importante chez les hommes, particulièrement dans les moughataas de Djiguenni, Nema et Amourj (voir Tableau 3). L’Enquête permanente sur les conditions de vie (EPCV) de 2014 et le MICS de 2015 confirme le niveau élevé de l’analphabétisme dans la wilaya et l’évalue respectivement à 35 % pour la population des plus de 15 ans et de 60 % pour les femmes âgées de 18 à 24 ans. L’analphabétisme trouve sa cause dans le faible niveau d’instruction des populations. Ces niveaux restent faibles comme l’indique le recensement de 2013. 43 % de la population âgée de plus 10 ans n’a aucun niveau d’instruction et seuls 18 et 4 % d’entre elle ont un niveau d’éducation primaire et secondaire. Ces proportions sont respectivement de 47, 18 et 3 % chez les femmes. L’enquête MICS 2015 montre que seule l’atteinte d’un niveau d’instruction secondaire permet l’alphabétisation tout en ayant pour les femmes des effets positifs sur un ensemble d’indicateurs sociaux

7 L’étude sur la pauvreté multidimensionnelle 8 MICS 2015

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comme la santé de la mère et de l’enfant et la fréquentation scolaire. Par exemple, la probabilité de décéder avant cinq ans est de 62 pour mille pour les enfants dont la mère est sans instruction, et de 42 pour mille lorsque celle-ci a atteint le niveau secondaire. La quasi-totalité des femmes instruites de niveau secondaire ont reçu des soins prénataux, contre 83 % des femmes sans instruction et un peu moins parmi celles ayant un niveau école coranique/mahadra (80 %). La participation aux programmes d'éducation de la petite enfance dépend aussi du niveau d’instruction de la mère : elle est trois à plus de trois fois plus répandue parmi les enfants dont la mère est de niveau secondaire et au-delà (31 %) en comparaison des enfants de mères sans instruction (8 %), ayant fait l’école coranique/mahadra (9 %) ou le primaire (11 %)9.

7. L’analphabétisme et le bas niveau d’instruction des adultes constitue une contrainte majeure au développement du capital humain dans la wilaya et à la résilience des communautés agropastorales. C’est un frein à l’augmentation de la productivité du travail nécessaire à une croissance durable de la production agricole et à l’amélioration de la sécurité alimentaire. Sa persistance met en doute les stratégies de son éradication adoptées par le Gouvernement depuis près de quarante ans, notamment le maintien à bas niveaux des taux de scolarisation. Le Tableau 5 donne les taux de couverture de l’enseignement primaire et secondaire tels qu’ils ressortent du recensement général de 2013, la seule source capable de donner ces taux avec un certain degré de précision au niveau moughataa. Les taux bruts de scolarisation (TBS) pour le primaire et le secondaire sont respectivement de 46 et 7 % avec les taux les plus importants à Nema et Djiguenni. Les taux nets de scolarisation (TNS) qui rapportent le nombre d’élèves ayant un âge entre 6 et 11 ans à la population totale de cette tranche d’âge sont bien évidemment plus bas, de l’ordre de 29 % pour le primaire et de 6 % pour le secondaire. L’EPCV conduite en 2014 indique des taux de scolarisation plus élevés : 54,3 % pour le primaire et 18 % pour le secondaire, à comparer avec des moyennes nationales de 78 et 44 % respectivement. Le MICS 2015 donne un taux de fréquentation net de l’enseignement primaire de 44 et de 15 % pour le secondaire et évalue à 38 % la proportion des enfants hors de l’école.

Tableau 5 : Taux brut et net de scolarisation en pourcentage au primaire et au secondaire par moughataa

Taux brut de Taux net de Taux brut de Taux net de Moughataa scolarisation au scolarisation au scolarisation au scolarisation au primaire primaire secondaire secondaire Amourj 39,4 24,4 4,6 4,0 Bassiknou 34,2 22,1 5,1 4,3 Djiguenni 56,0 34,5 5,7 5,0 Néma 66,6 42,8 13,4 10,7 Walata 29,6 19,2 5,3 4,6 Timbedra 40,8 24,9 7,0 5,8 N’Beikett 34,9 23,2 0,5 0,3 Lahouach Total 46 29 7,1 5,9 Source : RGPH 2013-ONS

8. Les faibles niveaux de scolarisation au primaire et au secondaire sont dus en partie à l’inexistence dans la wilaya d’un enseignement préscolaire de qualité et au manque d’encadrement parental. La participation aux programmes d'éducation de la petite enfance, dont les effets positifs sur les parcours éducatifs des enfants sont bien connus, est la plus faible au Hodh Chargui avec un taux de couverture de 3 %, comparée à une moyenne nationale de 12 %. L’engagement des adultes dans des activités

9 MICS 2105

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éducatives avec les petits enfants y est aussi le plus faible au Hodh Chargui avec un taux de 28 %. De même, l’implication de la mère dans ces activités au Hodh Chargui est la plus basse. La proportion des enfants inscrits en première année d’école primaire ayant fréquenté la maternelle l’année d’avant est nulle dans la wilaya10.

9. Les données administratives des services publics de l’éducation suggèrent des taux de couverture plus élevés mais la discordance entre les sources de ces données met en cause leur fiabilité. Selon les données de 2019 de la Direction régionale de l’éducation nationale (DREN) et les estimations de population de l’ONS, le TBS pour l’enseignement primaire est de 106%. Ce taux serait encore plus important s’il incluait les effectifs des élèves dans le camp des réfugiés de M’Berra qui ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de la DREN, ce qui expliquerait la faiblesse relative du TBS à Bassiknou. Les données officielles de la Direction des statistiques, de la planification, et de la coopération du ministère en charge de l’enseignement primaire et secondaire indiquent un TBS de 87 % pour le Hodh Chargui en 2018. Les données administratives n’incluent pas les enfants qui fréquentent les structures d’enseignement originel, les mahadras dont la couverture est substantielle et prise en compte dans les enquêtes telle que l’EPCV et le MICS. C’est dire l’importance de l’écart entre les données de l’administration et celles inférées dans les enquêtes. Cet écart ne peut s’expliquer par la différence de méthodologie. Il est à noter qu’au niveau de la couverture de l’enseignement secondaire, cet écart n’est pas substantiel. Les données administratives et les enquêtes indiquent un taux de couverture pour l’enseignement secondaire aux environs de 15 %.

Tableau 6 : Taux brut de scolarisation par moughataa

Population Taux brut Nombre Moughataa Population de de d’élèves 6 à 11 ans scolarisation Nema 97 110 16 905 23 072 136% Amourj 104 860 18 476 20 163 109% Bassiknou 56 406 17 231 11 871 69% Djiguenni 66 329 11 585 13 226 114% Walata 8 661 2 444 2 534 104% Timbedra 87 062 14 861 15 571 105% D'har 5 729 1 675 1 705 102% Total/Moyenne 426 157 83 177 88 142 106% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de l'ONS et de la DREN

10. Les projections montrent que les ODD ne seront pas atteints dans la wilaya du Hodh Chargui , même sur la base des données administratives. Avec l’hypothèse que les taux de couverture actuels de l’enseignement primaire sont réels et maintenus dans la durée, atteindre des taux bruts de scolarisation aux environs de 100 % à l’horizon 2030 pour l’enseignement secondaire suppose une croissante de 20 % en moyenne des effectifs et des capacités des collèges et des lycées. Cette croissance des effectifs ne sera pas possible si l’efficacité de l’enseignement primaire ne s’améliore pas substantiellement avec en particulier une progression rapide des taux d’achèvement du primaire et une amélioration des conditions et des résultats d’apprentissage. Celle-ci ne sera pas possible sans une expansion rapide d’un préscolaire de qualité. Tout cela suppose des investissements massifs en infrastructures scolaires, en ressources humaines et en capacités de gestion et de coordination que le système ne semble pas en mesure d’aligner en même temps. Le FMI vient de conclure après une évaluation des dépenses d’éducation que pour s’approcher de l’atteinte des ODD, la Mauritanie a besoin de faire évoluer la part des dépenses d’éducation

10 MICS 2015

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de 4,1 % de son PIB actuellement à 11,3 % à l’horizon 2030 tout en procédant à des dépenses additionnelles équivalents à 7,1% de son PIB. Elle devra multiplier par six le nombre d’enseignants d’ici 2030 et donc mettre en place les mécanismes de leur encadrement pour produire des résultats.

11.

Tableau 7 : Projection des effectifs des élèves pour le préscolaire, le primaire, le secondaire, et les enfants hors de l'école du Hodh Chargui

Jusqu’à 2025 Après 2025 Pourcentage ciblé de croissance 16% 16% des effectifs du préscolaire Taux de croissance Pourcentage ciblé de croissance 2% 2% des populations en 2,27% des effectifs du primaire âge scolarité (ONS) Pourcentage ciblé de croissance 20% 20% des effectifs du secondaire

Population et TBS 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Population 5 ans 18 128 18 580 19 044 19 518 20 005 20 504 21 014 21 537 22 027 22 527 23 040 23 563 24 099 Effectifs des élèves 1 000 1 160 1 346 1 561 1 811 2 100 2 436 2 826 3 278 3 803 4 411 5 117 dans le préscolaire 500 Taux bruts de scolarisation au 3% 5% 6% 7% 8% 9% 10% 11% 13% 15% 17% 19% 21% préscolaire Population 6 à 11 ans 83 178 85 252 87 379 89 556 91 789 94 078 96 419 98 819 101 066 103 363 105 713 108 117 110 575 Effectifs des élèves 88 142 89 905 91 703 93 537 95 408 97 316 99 262 101 247 103 549 105 904 108 311 110 774 113 292 dans le primaire Taux bruts de scolarisation au 106% 105% 105% 104% 104% 103% 103% 102% 102% 102% 102% 102% 102% primaire Population 12 à 18 ans 76 127 78 025 79 973 81 965 84 008 86 104 88 247 90 443 92 499 94602 96753 98952 101202 Effectifs des élèves du 11 181 13 417 16 101 19 321 23 185 27 822 33 386 40 064 48 076 57692 69230 83076 99691 secondaire Taux bruts de scolarisation au 15% 17% 20% 24% 28% 32% 38% 44% 52% 61% 72% 84% 99% secondaire Enfants de 6 à 18 ans 159 305 163 277 167 352 171 521 175 797 180 182 184 666 189 262 193 565 197 965 202 466 207 069 211 777 Enfants de 6 à 18 ans à 99 323 103 322 107 804 112 858 118 593 125 138 132 648 141 311 151 626 163 595 177 541 193 849 212 983 l'école Enfants hors école 59 982 59 955 59 549 58 664 57 204 55 044 52 018 47 951 41 939 34 370 24 925 13 220 -1 206 Total/Moyenne 38% 37% 36% 34% 33% 31% 28% 25% 22% 17% 12% 6% -1%

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de l'ONS et de la DREN

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IV- CADRE INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE DE L’ÉDUCATION

A) Les systèmes de planification

11. La planification régionale. À l’instar des autres wilayas, le Hodh Chargui n’a pas de cadre de planification qui lui est propre, ni de dispositions juridiques particulières, qui lui permettrait de prendre en charge ses spécificités, d’adapter les politiques publiques à son contexte particulier et de capitaliser sur les expériences de mise en œuvre des politiques publiques. Bien que la wilaya soit une entité administrative dirigée par un wali (gouverneur), nommée en Conseil des ministres et qui a autorité sur l’ensemble des services déconcentrés de l’État dans la wilaya, elle ne dispose pas de services de planification qui lui sont propres, ni de prérogatives en termes de législation. La mise en place des conseils régionaux, dont l’une des principales attributions est d’élaborer et d’exécuter « un programme de développement régional en harmonie avec les stratégies nationales de développement11 », offre l’opportunité de changer cette situation. Les conseils régionaux devront être renforcés dans ce sens.

12. L’absence d’un cadre de planification régional et de suivi-évaluation est une contrainte majeure pour l’atteinte des ODD. Le constat largement partagé est que les défis se trouvent moins dans l’élaboration des politiques qui sont dans l’ensemble appropriées que dans les stratégies et moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Des dysfonctionnements majeurs en termes de capacités des acteurs, de standards d’exécution, et de reporting subsistent à tous les niveaux. En particulier, l’absence d’un processus de planification locale et régionale articulé avec le niveau national de planification ne favorise pas la capitalisation sur les expériences de mise en œuvre et l’auto-apprentissage. Aussi, une assistance technique devra-t-elle être fournie pour développer des capacités de planification au niveau de la wilaya dans le cadre du processus de régionalisation de la SCAPP que les partenaires techniques et financiers appuient en vue de l’atteinte des ODD. Ces capacités sont nécessaires, d’une part, pour appuyer les services déconcentrés dans l’élaboration des plans sectoriels régionaux et d’autre part pour consolider ces plans en un programme de développement régional qui prend en charge l’intersectorialité et exploite au mieux les synergies. Dans ce cadre, il est opportun de renforcer les capacités des services déconcentrés du ministère de l’Économie (Cellule régionale de planification et représentation de l’ONS) pour qu’elles puissent assurer le rôle de leadership et d’expertise qui est le leur dans la programmation régionale. Ces services sont actuellement peu fonctionnels à cause du manque de personnels qualifiés et de budgets de fonctionnement. La cellule devra nécessairement inclure une équipe de planificateurs pluridisciplinaires sous le leadership d’un macroéconomiste spécialiste des questions de lutte contre la pauvreté et comprenant des économistes spécialisés dans les domaines de l’agropastoralisme, de l’éducation et de la santé. Le représentant de l’ONS devra être formé et outillé pour offrir une assistance technique adéquate aux services déconcentrés dans la collecte des données selon les standards établis par l’ONS. La wilaya ou le conseil régional pourront alors s’appuyer sur ces services pour l’élaboration et le suivi-évaluation des plans régionaux de développement.

13. La planification régionale en éducation est limitée. La planification sectorielle en éducation se fait au niveau national sur la base de projections qui ne prennent pas en compte de manière systématique la réalité vécue dans les écoles et les besoins des populations. Le système de suivi-évaluation est peu fonctionnel et la mise en œuvre n’est pas documentée, privant le système des opportunités d’enrichissements que constituent les apports des acteurs de mise en œuvre et des expériences de terrain. Le système éducatif perd une occasion d’apprendre de ses échecs en documentant et analysant les lacunes à tous les niveaux pour améliorer les actions programmées dans le présent et le futur. C’est un processus continu auquel tous les niveaux de système éducatif devront s’exercer, à commencer par le niveau régional qui devra inclure dans ses fonctionnalités permanente, une planification sectorielle suivant une approche participative impliquant tous les acteurs locaux. Dans ce cadre, il faudra renforcer les capacités des services régionaux de l’éducation en planification de suivi-évaluation.

14. Le Plan national du développement du secteur de l’éducation (PNDSE). Le PNDSE I (2001-2010) qui traduit la vision du Gouvernement pour le développement du secteur éducatif, s’est inscrit dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté

11 Loi 2018.010 du 12 février 2018

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(CSLP) et s’inspire du Cadre d’action de Dakar (EPT 2000) et des Objectifs du Millénaire pour le développement. Il consacre l’approche sectorielle qui vise à favoriser un développement équilibré et harmonieux du secteur éducatif dans son ensemble. Les orientations stratégiques du PNDSE II (2011-2020) ont été réaffirmées dans la SCAPP 2018-2030 qui constitue le cadre stratégique global dont le levier 2 vise en particulier à développer le capital humain à travers le relèvement de la qualité et de l’accès à l’éducation et à la santé et aux autres services sociaux de base ainsi que le renforcement de la protection sociale. Le secteur de l’éducation fait l’objet du premier des quatre chantiers stratégiques définis pour le levier 2 : le chantier stratégique de relèvement de l’accès et de la qualité de l’éducation et de la formation professionnelle. L’objectif de ce chantier est d’accélérer la mise en œuvre du PNDSE pour atteindre les ODD en vue de promouvoir une éducation pour tous de qualité, pertinente par rapport à la demande sociale, efficace pour répondre aux besoins de l’économie en main d’œuvre qualifiée, et ce dans des conditions d’équité.

Le PNDSE est organisé en trois composantes traduisant les trois grands axes stratégiques du programme : (i) L’amélioration de la qualité des apprentissages et de la pertinence des formations à tous les niveaux du système ; (ii) La maîtrise quantitative des flux pour généraliser l’enseignement fondamental, élargir l’accès au premier cycle secondaire, réguler l’accès aux niveaux supérieurs et pour réduire les disparités géographiques ou entre genres, ainsi que les inégalités économiques dans les parcours scolaires individuels ; (iii) L’amélioration de la gestion et de la gouvernance du secteur par une meilleure gestion des ressources humaines et matérielles, une répartition équitable de l’offre éducative, la mise en place de normes, d’outils techniques et de mécanismes institutionnels et par un renforcement du pilotage du secteur, à travers la poursuite du processus de décentralisation, l’implication de tous les acteurs du système et le développement des outils de gestion et de pilotage.

15. Les orientations du PNDSE relatives aux flux d’élèves et aux conditions de scolarisation sont déclinées pour chacun des sous-secteurs du système éducatif : i) Développer un enseignement préscolaire public et communautaire accessible aux groupes défavorisés en milieu urbain et rural ; ii) Réaliser à l’horizon 2030 un achèvement universel de qualité au fondamental, en favorisant l’accès des derniers groupes non-scolarisés et en assurant une rétention complète des enfants qui y accèdent ; iii) Progresser vers l’achèvement universel du premier cycle de l’enseignement secondaire et réduire les disparités entre genres ou liées au milieu et aux conditions socioéconomiques ; iv) Réguler l’évolution des effectifs du second cycle général dans la perspective d’une meilleure adéquation de la partie haute du système avec les besoins de l’économie ; v) Développer l’offre de formation technique et professionnelle et l’adapter aux spécificités de la demande sociale et à la diversité des besoins des secteurs formels et informels de l’économie ; vi) Mettre en place une politique de développement maîtrisée et mesurée de l’enseignement supérieur et promouvoir la recherche scientifique ; vii) Intensifier la lutte contre l’analphabétisme à travers des programmes d'alphabétisation fonctionnelle et de post- alphabétisation ; viii) Promouvoir l'enseignement originel et renforcer sa contribution à l'éducation de base ; ix) Élaborer et mettre en œuvre une nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines et matérielles permettant une distribution équitable de l’offre éducative et une transformation plus efficace des intrants en résultats.

16. Le PNDSE est opérationnalisé par des Plans triennaux budgétisés d’action (PTBA) établis et validés à travers de larges consultations impliquant les services gouvernementaux en charge de l’éducation, y compris les responsables régionaux de l’éducation, les membres de la société civile et les partenaires techniques et financiers. Pour le PNDSE II, quatre PTBA ont été élaborés et mis en œuvre avec une évaluation systématique en fin de parcours pour informer le prochain PTBA. Deux revues annuelles participatives impliquant ces mêmes acteurs sont prévus pour évaluer les progrès au regard de la matrice des indicateurs du PNDSE et proposer les mesures correctives qui s’imposent.

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17. Cependant, les acteurs de mise en œuvre ne sont pas outillés pour contribuer de manière effective à ces consultations, notamment en capitalisant sur des expériences de mise en œuvre suffisamment documentées pour pouvoir influencer sur les processus de décision. Comme ces services n’ont pas de dispositifs de planification propres sur lequel ils s’exercent pour renforcer leurs capacités et dégager des priorités claires sur la base de leur connaissance des réalités du terrain, leurs voix sont marginalisées au profit du niveau central, mieux outillé sur les aspects conceptuels. Le renforcement des capacités des services régionaux de l’éducation devra avoir pour objectif d’élaborer des PTBA régionaux en larges consultations avec les acteurs locaux (directeurs d’écoles, parents d’élèves, responsables départementaux de l’éducation, associations de parents d’élèves) et sur la base d’un diagnostic et d’une analyse de la situation régionale. La Cellule régionale de planification renforcée à son tour apportera un appui technique à cette élaboration. Les PTBA serviront de base à l’élaboration du PTBA national dont les revues annuelles constitueront une occasion pour la wilaya de revoir son propre PTBA et d’identifier les leçons apprises de sa mise en œuvre. Les PTBA validés devront servir de base à l’élaboration des budgets tant au niveau national, régional que local.

18. Le Système d’information et de gestion de l’éducation (SIGE). Les systèmes de gestion et de planification ne peuvent être efficaces que s’ils s’appuient sur des données fiables, régulièrement collectées suivant des standards qui assurent leur qualité et leur pertinence dans le temps. Or, les données administratives ne sont pas systématiquement collectées suivant des standards qui assurent une qualité minimale. Ces données ne sont pas collectées sur le préscolaire, l’enseignement coranique et l’alphabétisation des adultes qui constituent pourtant des pans entiers du système éducatif avec des objectifs qui leur sont assignés dans le PNDSE. Pour l’enseignement primaire et secondaire, les données sont collectées par les services centraux et régionaux de l’éducation de manière séparée et suivant des standards différents, causant des divergences substantielles au niveau de ces deux sources de données, comme le montre le tableau ci-dessous. Les services régionaux synthétisent leurs données dans deux rapports de début et de fin d’année scolaire, mais suivant une méthodologie et un format que les services centraux de la statistique jugent peu exploitables. Ces derniers organisent un recensement scolaire annuel dont les données servent de base à la confection de l’annuaire statistique qui présentent les données administratives officielles. Les deux sources de données ne sont pas concordantes. Le tableau ci-dessous donne un comparatif des deux sources de données administratives et montre l’ampleur de leur divergence. Les services déconcentrés du ministère de l’Économie et de l’Industrie organisent aussi une collecte de données sur le terrain, le real-time monitoring (RTM), pour évaluer la couverture des services sociaux dans le cadre du suivi de la SCAPP. Cette fragmentation des sources de données multiplie les coûts sans améliorer la qualité des données et leur pertinence dans le temps.

Tableau 8 : Comparaison des données des services centraux (DSPC) et régionaux (DREN)

2017-2018 DSPC DREN Écart Nombre d'écoles primaire publiques 684 760 76 Nombre d'élèves au primaire public 70 903 80 952 10 049 Nombre d'établissements secondaires 25 26 1 publics Nombre d'élèves au secondaire publics 9 924 13 645 3 721 Source : DREN et annuaire statistique

19. Le Projet d’appui au secteur de l’éducation de base (PASEB). Ce projet financé par le Partenariat mondial pour l’Éducation et mis en œuvre entre 2014 et 2018 avait une composante de renforcement du SIGE qui a mis en place une plateforme technique pour le stockage et le traitement des données avec un focus sur la gestion des enseignants et sur les

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statistiques scolaires. La plateforme est fonctionnelle, mais reste inutilisée à cause de l’absence de connexion internet et de matériels informatiques dans les wilayas et d’un plan de formation et d’appui aux utilisateurs. Des investissements restent requis pour connecter les 14 autres wilayas et rendre le nouveau système opérationnel. L’appui de la Banque mondiale en cours de préparation devrait inclure ces investissements.

20. Recommandation 1. Il est essentiel de renforcer les capacités des services régionaux en planification et suivi-évaluation, notamment : (i) De la Cellule régionale de planification et la représentation de l’ONS pour être en mesure de coordonner la mise en place d’un programme régional de développement et d’en évaluer la mise en œuvre ; (ii) Des services régionaux de l’éducation nationale pour être en mesure d’élaborer et d’évaluer la mise en œuvre d’un PTBA régional ; (iii) Du projet SIGE au niveau du ministère de l’Éducation pour l’opérationnalisation du SIGE dans la wilaya du Hodh Chargui en dotant les services régionaux de matériels informatiques et d’appui en termes d’encadrement et de formation des utilisateurs et formaliser les processus de collecte des données en définissant en détails les responsabilités des directeurs d’écoles primaires et des inspecteurs dans ce domaine ; (iv) D’un comité technique chargé d’étudier les modalités de collecte et de traitement des données sur le préscolaire, l’enseignement originel et l’éducation des adultes analphabètes. Un comité technique comprenant des représentants des structures en charge de ces différents ordres d’enseignement tant au niveau national qu’au niveau de la wilaya du Hodh Chargui devra être constituée pour étudier ces questions et leur apporter les réponses appropriées au contexte.

B) Gestion et coordination

21. Prise en charge et coordination de l’éducation au niveau régional. Les structures de coordination régionale des services éducatifs sont multiples et dépourvues de capacités. Il y a trois services régionaux qui représentent les trois ministères suivant le schéma de configuration gouvernementale au niveau national des ministères en charge de l’éducation. La DREN a la charge de l’enseignement primaire, secondaire et de l’enseignement technique et professionnel. L’enseignement coranique et l’alphabétisation des adultes est du ressort ministère des Affaires islamiques et de l’Enseignement originel (MAIEO) qui a une représentation régionale. La petite enfance est prise en charge par le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF), représentée par la Direction régionale du MASEF. Les représentations du MASEF et du MAIEO se résument à la présence d’une ou deux personnes et n’ont donc pas les capacités de superviser les structures de ces deux ordres d’enseignement. Il n’existe pas de mécanisme de coordination régionale entre ces trois services, notamment pour mutualiser les capacités fort limitées, aucun des trois services, y compris le plus important d’entre eux (la DREN), ne dispose de professionnels aguerris capables d’impulser et d’encadrer un travail d’envergure. La DREN n’a pas de spécialistes en gestion des ressources ni en sciences de l’éducation. Elle ne dispose pas d’agents comptables et personnels qualifiés en gestion des ressources humaines et matérielles. Son personnel est constitué d’enseignants qui n’ont bénéficié d’aucune formation qualifiante dans ces domaines.

22. Le manque de capacités des structures de coordination régionale se conjugue avec une forte dose d’informalité dans les processus de travail ce qui amplifie les effets négatifs. Les procédures ne sont pas formalisées. Les règles d’affectation des enseignants, de nomination des directeurs d’écoles, d’ouverture/fermeture d’écoles ne sont pas clairement stipulées ni rigoureusement appliquées. Les attributions des divers acteurs ne sont pas formellement définies dans les détails. Les instructions sont souvent verbales et la mise en œuvre rarement documentée. Ceci laisse un champ large à l’arbitraire et au laisser aller qui se généralisent et deviennent difficiles à maîtriser. Les acteurs locaux de mise en œuvre s’en trouvent fortement affectés en termes de motivation et de résultat. Les enseignants sont affectés au milieu de l’année sans justification, laissant des écoles fermées. La performance n’est pas documentée et valorisée et l’absentéisme n’est pas sanctionné.

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23. La marge d’autonomie de la DREN est réduite. Ses domaines d’intervention se limitent à l’affectation du personnel, l’organisation des examens nationaux et la gestion de la carte scolaire, mais même dans ces domaines, ses prérogatives sont largement subordonnées à celles du wali et de l’administration centrale. Le directeur de la DREN reçoit souvent des instructions verbales qu’il est d’usage de respecter et de ne pas documenter. Par exemple, en matière d’affectation des enseignants, les directions centrales interviennent souvent, parfois en milieu d’année scolaire, déstabilisant les structures pédagogiques des écoles. De même pour la gestion de la carte scolaire, la DREN reçoit des instructions détaillées de l’administration centrale sur la structure pédagogique des écoles secondaires et sur l’ouverture/fermeture des écoles primaires. La DREN n’a aucun rôle à jouer, à part constater les travaux finis, dans le processus des constructions scolaires et de production et distribution des manuels scolaires. Elle n’intervient pas dans le développement des curricula et dans la définition du temps scolaire. La DREN ne peut pas modifier l’emploi du temps hebdomadaire d’une classe dans une école, ni a fortiori aménager les programmes pour les adapter à la réalité sur le terrain qui est pourtant déterminante dans les processus d’apprentissage. Par exemple, pour la population rurale semi-nomade, les périodes de grandes transhumances commencent en mars et souvent les enfants quittent l’école pour accompagner les troupeaux. De même, dans les périodes de grandes chaleurs, les enfants ne peuvent pas tenir en classe durant certaines heures de la journée. Finalement, l’emploi du temps devrait s’adapter à la capacité de l’école en termes d’enseignants et de salles de classe.

Le Directeur régional de l’éducation nationale travaille sous l’autorité du wali mais reste dépendant de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale pour les aspects fonctionnels. Il est nommé par arrêté du ministre de l’Éducation nationale et secondé par un DREN adjoint, nommé dans les mêmes conditions. Le DREN a des démembrements au niveau des moughataas : les Inspections départementales de l’éducation nationale (IDEN). Chaque IDEN est dirigée par un Inspecteur départemental de l’éducation nationale (IDEN) nommé dans les mêmes conditions que le DREN et auquel sont adjoints des inspecteurs de circonscriptions qui supervisent un certain nombre d’écoles. La DREN supervise l’ensemble des services éducatifs au niveau de l’enseignement primaire et secondaire alors que les IDEN s’occupent de l’encadrement de proximité des écoles primaires, notamment l’inspection des directeurs et des enseignants. Chaque DREN est dirigée par un directeur régional, le Directeur régional de l’éducation nationale (DREN).

24. La DREN dispose d’une administration pléthorique que ne justifie pas ses attributions ni ses capacités. Elle dispose de six services et de 13 divisions (deux divisions par service) mais souvent seulement un ou deux de ces services sont opérationnels, souvent en fonction des personnes qui les occupent et de leur degré d’entente avec le DREN. Le volume de travail ne justifie pas cet organigramme uniformisé par un décret sur l’ensemble du territoire national. Le service de la maintenance n’a en charge pratiquement que la distribution des dotations en craie et en ardoisine entre les écoles que la DREN reçoit chaque année du ministère en début d’année scolaire. Il n’a pas d’autres tâches. La DREN ne dispose pas de crédit pour la maintenance des écoles et n’intervient pas dans les opérations de maintenance que le ministère organise occasionnellement. Elle reçoit des dotations en fournitures scolaires et autres supports pédagogiques et didactiques que de manière occasionnelle. Il y a des chevauchements d’attribution évidents entre les autres services que les textes officiels ne permettent pas d’élucider et que le DREN en général résout en s’appuyant sur un ou deux services pour la gestion de la carte scolaire et des mouvements de personnels, ainsi que l’organisation des examens.

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25. Les IDEN n’ont pas de personnel administratif tout comme les directeurs d’écoles. Ces niveaux de supervision jouissent de facto d’une autonomie en raison de leur éloignement et de l’absence de texte régissant leurs attributions dans les détails, mais ils travaillent souvent seuls sans administration et sans encadrement. La DREN n’évalue pas leur performance, car elle n’en a pas les outils ni la capacité. Tout particulièrement, l’absence de véhicule dans une wilaya où les écoles sont éparpillées sur un large territoire pose un sérieux défi pour la supervision et l’encadrement de proximité.

26. Recommandation 2. Il faudrait renforcer et étendre les capacités de supervision de la DREN, de l’IDEN et des directeurs d’écoles primaires pour une meilleure prise en charge des structures de l’enseignement fondamental :

(i) Renforcer la supervision du préscolaire et de l’enseignement originel au niveau local en étudiant la possibilité de la confier aux structures de supervision de l’enseignement fondamental (directeurs d’écoles et IDEN), déjà présentes sur tout le territoire et disposant d’une certaine capacité de supervision. Dans le même ordre d’idée et pour mutualiser les capacités des services déconcentrés de l’éducation, il est opportun d’explorer les possibilités d’unifier ces services sur un même commandement au niveau régional au niveau de la DREN ;

(ii) Consolider les services de la DREN qui comprendrait un service pour chaque ordre d’enseignement qui assurera la gestion des affaires afférentes à cet ordre, notamment la gestion de ressources humaines et la carte scolaire. Elle aura en outre un service de planification, un service de maintenance et des constructions scolaires, un service des finances et du matériel, des services de l’enseignement primaire, de l’alphabétisation des adultes, de l’enseignement originel, du préscolaire sont pourvus parmi les enseignants ayant des dispositions pour développer des compétences dans ces ordres d’enseignement. Le service de l’enseignement secondaire et de la planification devra être pourvu par des enseignants du secondaire. Le service de la comptabilité et du matériel devrait être pourvu par un fonctionnaire du ministère des Finances, et celui de la maintenance et des constructions scolaires par un ingénieur fonctionnaire du ministère de l’Équipement ;

(iii) Élaborer des manuels de procédures doublés d’un plan de formation pour chacun des services de la DREN. En particulier, un manuel de procédure de construction et de maintenance scolaires devra être adopté pour définir les responsabilités des différents intervenants (ministères, DREN, IDEN, écoles, Conseil général, communes, associations des parents d’élèves) et les conditions de maîtrise d’ouvrage pour chaque type d’activités de construction et de maintenance des bâtiments scolaires. Il est nécessaire de revoir la politique actuelle des constructions scolaires qui adopte un seul modèle de construction pour toutes les écoles en Mauritanie. Ce modèle est coûteux et peu synchronisé aux réalités de l’habitat dans la wilaya du Hodh Chargui, spécialement dans les zones rurales ;

(iv) Développer et opérationnaliser un modus operandi pour les enseignants, directeurs d’écoles, inspecteurs de circonscription, les IDEN et le DREN, qui permettrait à chacun de ces niveaux d’avoir une idée claire de ses responsabilités et des moyens de les exercer. Ce processus devra se faire de manière consultative entre les services centraux de l’éducation, de la wilaya (wali et conseil régional) et des services de la DREN pour aboutir à des circulaires ministérielles qui définissent en détail les attributions, activités et tâches que chacun de ces acteurs est appelé à exercer et pour lesquelles il sera évalué. Dans ce cadre, il est opportun de tendre vers une meilleure responsabilisation des directeurs d’écoles auxquels il est opportun de donner le pouvoir de recruter les enseignants dans le cadre de standards, notamment en termes de nombre d’élèves par enseignants. Les IDEN devront avoir le même pouvoir pour les inspecteurs de circonscription avec des standards établis en termes de nombre d’écoles et d’enseignants par inspecteur.

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C) Financement de l’éducation

27. Le budget de l’éducation. Les dépenses courantes du Gouvernement pour le secteur de l’éducation primaire et secondaire et de l’enseignement technique et professionnel sur l’ensemble du territoire devraient en 2019 s’élever à 5 468 169 513 MRU (équivalent à 156 millions de dollars US), soit 17,6 % des dépenses courantes totale du Gouvernement. Il s’agit des dépenses de fonctionnement courant, principalement pour couvrir les salaires du personnel de l’éducation nationale et l’achat de biens et de services, nécessaires à l’opérationnalisation éducative. Les salaires, qui représentent 91 % des dépenses courantes de fonctionnement, servent à rémunérer 22 738 membres du personnel12 dont 1 985 au titre du Hodh Chargui, soit 8,7 % alors que la wilaya abrite plus de 10 % des élèves mauritaniens. Un regard plus détaillé sur les différentes catégories de personnels indique que la wilaya du Hodh Chargui est encore plus défavorisée dans la répartition du personnel enseignant et d’encadrement au primaire, mais semble trouver sa juste part dans les catégories des enseignants du secondaire et des personnels non permanents recrutés pour les besoins logistiques des écoles.

28. Le budget de fonctionnement hors personnel ne représente que 9 % des dépenses courantes du Gouvernement pour l’enseignement primaire, secondaire, technique et professionnel et sert essentiellement à l’achat de fournitures de bureau et aux travaux urgents de maintenance. Ce budget prévoit 20 millions de MRU (570 000 dollars US) pour la production et la distribution des manuels scolaires mais ignore la formation continue des enseignants, l’évaluation des apprentissages et les subventions aux écoles sont négligeables. 83 % de ce budget est consommé par l’administration centrale. Seules 17 % de ces crédits sont distribués aux DREN et de manière inéquitable. En 2019, la DREN du Hodh Chargui devait recevoir 5 580 420 MRU (équivalent à 160 000 dollars US), soit 7 % du budget de fonctionnement alloué aux 15 DREN du pays alors qu’elle abrite plus de 10 % des élèves mauritaniens. Les DREN du Gorgol et de reçoivent presque le double de son allocation pour un nombre d’élèves moins élevé.

Graphique 1 : Budget de fonctionnement des DREN en MRU

12,000,000

10,000,000

8,000,000

6,000,000

4,000,000

2,000,000

-

Budget de fonctionnement

Source : Loi des finances 2019 de la Mauritanie

12 Fichier du solde du ministère de l’Éducation nationale, mai 2019

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29. Le budget d’investissement sur fonds propres du Gouvernement en matière d’éducation, qui représente en 2019 moins de 2 % des dépenses d’investissement, finance essentiellement les constructions scolaires, et se trouve exécuté par des agences qui ne dépendent pas des ministères en charge de l’éducation. Iskan, l’agence d’exécution du ministère de l’Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement du territoire et Tadamoun, est une structure gouvernementale qui dépend de la Présidence et opère dans les zones d’éducation prioritaires dans le cadre de l’assistance publique aux populations vulnérables. Iskan a une dotation budgétaire annuelle de 100 millions de MRU (près de 3 millions de dollars US) pour son programme de constructions scolaires et pour Tadamoun entre 200 et 300 millions de MRU (près de 6 à 9 millions de dollars US) pour la construction des écoles dans les zones d’éducation prioritaires. En 2019, Iskan n’a pas construit d’écoles car il semble qu’elle ait utilisé la dotation pour payer des arriérés et Tadamoun n’a pas construit d’écoles dans les zones d’éducation prioritaires. Son programme a bénéficié à Nouakchott où l’effondrement en 2018 de deux écoles a poussé le Gouvernement à prendre des mesures d’urgence pour y améliorer l’infrastructure scolaire13. Le programme de construction scolaire est aussi appuyé par les partenaires techniques et financiers dont les investissements sont exécutés par la Direction des projets Éducation-Formation (DPEF), une structure du ministère de l’Économie chargée de coordonner la mise en œuvre du PNDSE. Les ministères chargés de l’éducation primaire et secondaire ont été totalement déchargés des programmes de constructions scolaires. La Direction du patrimoine et de la maintenance du ministère de l’Education nationale n’intervient qu’au niveau de la détermination des sites de construction pour laquelle elle ne consulte pas systématiquement la DREN. Le processus de détermination des sites de construction n’est pas basé sur des critères clairement formalisés. La DREN ne reçoit pas de budget d’investissement.

30. Recommandation 3. Il est urgent d’augmenter de manière drastique les ressources budgétaires affectées à l’éducation dans la wilaya, en :

(i) Assurant une répartition équitable entre les wilayas des ressources budgétaires à travers l’indexation sur le nombre d’élèves et les conditions sociales et économiques de la wilaya. Une répartition équitable permettra à la wilaya du Hodh Chargui de disposer de plus d’enseignants et de moyens financiers, susceptibles d’améliorer la couverture scolaire et la qualité des apprentissages ; (ii) Allouant des budgets d’investissements au titre des constructions scolaires au niveau des DREN et en explorant des prototypes alternatifs moins coûteux que ceux actuellement en vigueur pour les programmes de Tadamoun tout en y incluant des installations d’accès à l’énergie solaire ; (iii) Augmentant le budget de fonctionnement hors personnel pour couvrir les besoins essentiels de formation continue du personnel, d’évaluation des apprentissages, d’acquisition et de distribution des manuels scolaires et des subventions aux écoles. Cela reviendrait à des dépenses additionnelles représentant 5 % des dépenses courantes de l’État.

13 Entretien avec le Directeur du patrimoine et de la maintenance du MEN

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V- LE PRÉSCOLAIRE

A) Cadre institutionnel et politique nationale 31. Le Gouvernement se donne pour objectif, dans le cadre du PNDSE, de développer un enseignement préscolaire public et communautaire accessible aux groupes défavorisés en milieu urbain et rural, de promouvoir l'enseignement originel et de renforcer sa contribution à l'éducation de base. Il se donne pour objectif d’arriver à un taux de couverture de 20 % à l’horizon 2030, ce qui est peu ambitieux au regard de l’importance de l’enseignement préscolaire, non seulement pour l’atteinte des objectifs d’universalisation de l’enseignement primaire mais aussi plus généralement pour le développement futur des enfants, tant au niveau cognitif que comportemental et pour favoriser leurs capacités de contribution à l’âge adulte. La recherche est unanime sur l’importance critique de l’investissement dans le préscolaire et ses rendements ultérieurs. Il permet notamment d’améliorer l’efficacité des niveaux supérieurs d’éducation et ainsi de libérer des moyens pour améliorer la qualité. Des études ont montré que chaque dollar investi dans le préscolaire induit 17 dollars de gains directs et indirects pour les individus et les communautés14.

32. Le préscolaire sert à préparer les petits enfants à l’école primaire et à les doter de prérequis leur permettant de progresser rapidement dans les niveaux supérieurs d’éducation avec des risques minimes de redoublement et d’abandon. Il contribue ainsi à améliorer l’efficacité de l’enseignement primaire et secondaire et à libérer des moyens pour rehausser la qualité des apprentissages a tous les niveaux. Dans le Hodh Chargui, sa fréquentation permettrait aux enfants de commencer leur scolarité à un âge précoce et ainsi de mieux profiter des opportunités éducatives qui leur sont offertes en suivant des programmes et des approches pédagogiques conçus pour leur âge. Ceci est capital pour maintenir les enfants à l’école car une approche pédagogique adaptée à un âge donné peut s’avérer trop complexe pour un âge inférieur et inappropriée pour un âge supérieur. Pour la lecture en particulier, les récentes recherches en neuroscience montrent que l’âge idéal pour développer les bases de la lecture permettant d’évoluer vers des niveaux avancés de compétences cognitives à l’âge adulte se situe entre 5 et 6 ans, correspondant à la première année d’école primaire. Les enfants qui s’inscrivent tard à l’école courent le risque, par ailleurs, d’être confrontés à un ensemble de défis de nature à perturber leur scolarité comme les mariages précoces, l’instabilité psychologique liée à la puberté et le travail, surtout dans des communautés où la pratique du mariage précoce est courante et où les familles s’attendent à ce que leurs enfants contribuent aux revenus familiaux le plutôt possible, parfois dès l’âge de 6 ans.

33. Les retards de scolarisation au primaire compromettent la réussite des premiers apprentissages et contribuent à l’abandon scolaire précoce. L’élève qui ne réussit pas ses premiers apprentissages aura des difficultés d’apprentissage croissantes avec des risques élevés d’échec et d’abandon scolaires surtout quand les conditions de scolarisation sont précaires et n’offrent pas l’appui adéquat aux élèves pour surmonter les difficultés. Aussi, dans la plupart des localités du Hodh Chargui, les enfants qui vont à l’école tendent à la quitter prématurément sans avoir acquis des bases solides de lecture et de calcul, ni des aptitudes de comportements propices à la productivité, leur permettant de faire la différence avec ceux qui n’ont jamais été à l’école. Cette situation perpétue une perception négative de l’école, ce qui ne contribue pas à l’amélioration de la scolarité dans les communautés traditionnellement défavorisées en termes d’accès à l’éducation, pour qui l’utilité de l’école reste à établir. La persistance de la faible demande d’éducation dans ces communautés renforce les privations, comme l’a largement établi la recherche. L’école cesse alors d’être un ascenseur social permettant de briser les cycles intergénérationnels de pauvreté.

34. Aussi, l’amélioration de la couverture scolaire dépend-t-elle fortement de l’attention accordée aux premiers apprentissages en termes d’élargissement de l’accès et de la qualité. Les premières années doivent créer la différence chez l’élève et ses parents en donnant au premier le goût de l’apprentissage et aux deuxièmes l’espoir que leur enfant est sur un parcours qui lui fournit de sérieuses chances d’une vie meilleure. D’après les enquêtes MICS 2011 et 2015, au Hodh Chargui,

14 “Investing in Early Childhood Education: A Global Perspective”, 2012

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la première année de l’école primaire est le premier contact des enfants avec l’école, aucun des enfants qui y étaient inscrits n’avaient fréquenté un établissement préscolaire l’année précédente. Cette situation devra nécessairement changer pour mieux préparer les enfants à cette première année où la qualité des enseignements qui y sont dispensés revêt un caractère stratégique pour le raffermissement de la demande d’éducation au sein des populations, mais aussi pour le maintien des enfants à l’école, pour s’assurer que les enfants ont accès à une éducation de qualité pouvant au moins à terme faire évoluer l’appréciation des communautés des coûts d’opportunité en faveur de l’éducation de leurs enfants. Le défi est donc d’amener l’enfant le plus tôt possible à l’école et lui dispenser une éducation de qualité qui, même si elle ne convainc pas ses parents de le maintenir à l’école, lui donnera le gout d’apprendre et lui enseignera les bases de la lecture et du calcul.

35. Le Gouvernement ne pourra atteindre l’objectif de 20 % de couverture préscolaire à l’horizon 2030 qu’il s’est fixé dans le cadre de la SCAPP sans entreprendre une série de réformes et sans engager d’importants investissements visant à élargir de manière substantielle l’offre d’un préscolaire de qualité. Pour atteindre cet objectif dans la wilaya du Hodh Chargui, les taux de scolarisation du préscolaire devront augmenter en moyenne de 16 % pour les dix prochaines années. Ceci ne sera pas possible avec les moyens déployés actuellement. Le budget du MASEF, qui a la charge de l’enseignement préscolaire entre autres attributions, représente en 2019 moins d’1 % du budget de l’État. Selon l'UNESCO15, le Gouvernement mauritanien dépense 0,5 % de son budget sur l’éducation préscolaire là où la Côte d’Ivoire est à 2,7 % et le Sénégal à 2,9 %. D’autres pistes devront être explorées, notamment une baisse de l’âge de l’accès à l’école primaire à 5 ans et la mise à norme des structures traditionnelles d’enseignement coranique qui accueillent des enfants en âge préscolaire. Le MASEF pourra continuer à s’occuper des aspects normatifs, du développement des outils pédagogiques et de la formation initiale et continue des moniteurs de la petite enfance en s’appuyant sur les exemples des centres de ressources de la petite enfance. La Mauritanie a mis en place un programme national du préscolaire, des guides pédagogiques pour les écoles coraniques basés sur la théorie, sur la pratique et sur les jeux ainsi que le programme national d’éducation parentale mis en place en 2014. De plus, l’ordonnance 2006-048 du 28 décembre 2006 institue les modes d'éducation et de garde des jeunes enfants.

36. Le MASEF dispose de moyens et de capacités limités pour ses attributions diverses et les domaines variés d’intervention qui lui sont dévolus. Ce budget est en plus alloué en priorité pour l’assistance sociale. Pour le préscolaire, les ressources budgétaires permettent de financer le Centre de formation de la petite enfance qui forme des moniteurs à Nouakchott, ainsi que la rémunération des moniteurs affectés aux centres préscolaires publics. Ce budget ne permet pas d’investissement dans l’infrastructure, ni dans le développement de ressources pédagogiques de qualité et de formation continue. L’UNICEF est le seul partenaire technique et financer du MASEF et appuie ce dernier dans le développement d’un système d’information et la conception de supports pédagogiques (programmes et guides de moniteurs) et dans la formation continue des éducatrices de la petite enfance. Des modèles de préscolaires communautaires sont en cours d’opérationnalisation dans le Hodh Chargui (Bassiknou/M’Berra).

B) Analyse régionale 37. Ressources financières. Le seul centre préscolaire public dans la wilaya du Hodh Chargui ne reçoit pas de subventions. Il charge des frais de scolarité qui varient entre 100 et 300 MRU par mois (équivalent à 2,5 et 8 dollars US) selon la situation financière de la famille, d’après la directrice du centre. Les frais de scolarité dans les centres communautaires semblent plus modestes car les parents sont peu enclins à entretenir ces centres comme le suggère l’une de leurs directrices. La dotation budgétaire annuelle hors personnels de la direction régionale du MASEF est de 400 000 MRU (équivalent en 11 500 dollars US), utilisée entièrement pour le fonctionnement du bureau régional. L’UNICEF, par l’intermédiaire de son partenaire Assistance Education pour le Développement (AED), apporte une assistance financière à une vingtaine de centres préscolaires communautaires dans la moughataa de Bassiknou dont 12 dans le camp de M’Berra pour la rémunération des monitrices

15 Systems Approach for Better Education Results (SABER), 2016 Mauritanie

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(2 500 MRU soit 70 dollars US) par mois chacune, la couverture d’un goûter pour les enfants et pour l’alimentation d’un fond de roulement pour une activité génératrice de revenus pour les mères des enfants. Le principe de base est le développement d’un modèle soutenable et durable de structure préscolaire communautaire.

38. Ressources humaines. Les données recueillies durant la visite de terrain indiquent l’existence d’une seule éducatrice recrutée par le MASEF en 2014 qui anime le seul centre préscolaire actuellement fonctionnel dans la wilaya d’une capacité de 52 enfants. Cette éducatrice, détentrice d’un certificat de fin de premier cycle secondaire, a été formée pour un an dans le Centre de formation pour la petite enfance. Les jardins d’enfants communautaires n’ont pas les capacités financières de recruter des éducateurs qualifiés et opèrent souvent sur la base du volontariat avec une aide modeste de la communauté comme c’est le cas pour l’enseignement préscolaire dans les écoles coraniques. Actuellement, les 20 centres mis en place par AED emploient 40 monitrices rémunérées grâce à l’assistance de l’UNICEF.

39. Ressources pédagogiques. Les centres communautaires qui ne bénéficient pas de l’appui de l’UNICEF disposent de peu ou pas de ressources. L’UNICEF fournit un appui occasionnel, notamment en mobilier et en outils pédagogiques. De 2014 à 2015, dans le cadre d’une intervention délimitant les incidences de la malnutrition du jeune enfant, l’UNICEF a financé un programme de nutrition qui procurait aux centres de la petite enfance un supplément nutritionnel sous forme de brique de lait et de biscuits renforcés. Ce programme avait eu un impact remarquable sur la fréquentation préscolaire qui ne lui a malheureusement pas survécu. À la fin du programme, la fréquentation a chuté et certains centres ont dû fermer leur portes faute d’enfants.

40. Infrastructures. Il y au moins trois bâtiments construits dans la wilaya initialement prévus pour le préscolaire. Le premier d’entre eux est celui actuellement partagé entre les bureaux de la direction régionale du MASEF et le seul centre préscolaire public actuellement fonctionnel de la région. Les deux autres, construits sur financement libyen, l’un à Nema et l’autre à Timbedra, sont laissés à l’abandon. Celui de Timbedra a servi un moment à abriter le deuxième jardin d’enfants public du Hodh Chargui, mais n’est plus fonctionnel faute de moniteurs. Les jardins d’enfants privés et communautaires de la wilaya sont des structures informelles qui n’ont généralement pas de bâtiments propres séparées de celui de leurs propriétaires. AED utilise des bâtiments mis à sa disposition par les communes de Bassiknou et de Fassala.

41. Accès. La couverture du préscolaire est négligeable au Hodh Chargui mais semble s’améliorer grâce à l’appui de l’UNCEF. Elle était estimée à 2015 à 3 %, essentiellement le préscolaire dans les écoles coraniques16, qui accueillent un nombre d’enfants en âge préscolaire, mais ce nombre est méconnu faute de supervision. Il y a un centre public situé à Nema dans les locaux de la direction régionale du MASEF qui accueille 52 enfants de 36 à 59 mois. AED, en partenariat avec l’UNICEF, a ouvert 8 centres d’accueil de la petite enfance pour l’année scolaire 2018-2019 qui ont accueilli 400 enfants.

42. Qualité. La qualité des centres communautaires existants semble acceptable mais les conditions d’accueil des écoles coraniques restent précaires. Le MASEF a élaboré des guides pédagogiques pour les écoles coraniques basés sur les bonnes pratiques, mais en l’absence de supervision, rien n’indique que ces guides sont utilisés.

43. Recommandation 4. Il est urgent de mettre en place un programme de développement de la petite enfance en Mauritanie au niveau national et dans la région du Hodh Chargui en particulier, pour s’approcher des ODD. Afin de parvenir aux objectifs de couverture du préscolaire de 20 % à l’horizon 2030 fixés par le Gouvernement dans le cadre du PNDSE, le taux de couverture devra croître en moyenne de 16 % par an dans la wilaya. Cet objectif ne peut être atteint sans une collaboration étroite entre le MASEF, le MAIEO et le MEN pour la mise en œuvre d’une batterie de mesures dont :

16 MICS 2015

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(i) Le développement d’un curriculum et de support pédagogiques adaptés aux niveaux de compétences des enseignants volontaires des mahadras et des centres préscolaires communautaires et d’une offre publique préscolaire réduite mais de qualité pouvant constituer un modèle pour les mahadras. Dans ce cadre, la présence locale du MASEF devra être renforcée pour développer des centres préscolaires publics pilotes dans chaque moughataa pour vulgariser les méthodes pédagogiques et jouer un rôle de pourvoyeur de formation et d’encadrement pédagogiques aux centres communautaires et islamiques. Dans ce cadre, il est opportun de réhabiliter les deux bâtiments à Nema et Timbedra construits avec des financements libyens et en faire des centres de ressources pilotes pour la petite enfance dans les deux moughataas et en créer un à Bassiknou, Walata, Amourj et Djiguenni. Ces centres pourraient offrir une formation préscolaire de qualité aux enfants, notamment pour ceux issus des familles pauvres inscrites sur le registre social, et constituer en même temps des centres de ressources pour la petite enfance en offrant un encadrement de proximité aux centres préscolaires coraniques et communautaires et en développant des outils pédagogiques appropriés au contexte. Ces centres pourraient être appuyés par le programme Tekavoul qui en identifierait les bénéficiaires et utiliser les locaux délaissés par les écoles incomplètes non fonctionnelles ;

(ii) La supervision des écoles coraniques accueillant des petits enfants pour leur offrir les moyens et l’encadrement pédagogique appropriés pour se mettre aux normes déjà développées par le MASEF. Cela semble la voie la plus raisonnable pour augmenter de manière substantielle la couverture du préscolaire et exploiter les synergies entre l’enseignement coranique et primaire. Les écoles coraniques sont plus présentes sur le territoire et peuvent constituer une offre d’éducation de proximité très adaptée au préscolaire et aux premiers apprentissages en ce sens qu’elles véhiculent un savoir local très apprécié par les populations. Avec un appui approprié pour améliorer leurs conditions d’accueil, notamment en hygiène et assainissement mais aussi nutrition, elles peuvent dispenser les bases de la lecture et du calcul avec le contenu traditionnel de mémorisation du Coran et de socialisation ; (iii) La réalisation d’une étude sur les modalités de rabaissement de l’âge légal d’entrée à l’école primaire à 5 ans. Il s’agira de lier aux écoles des classes d’initiation devant relever le niveau d’encadrement en grande section pour répondre aux attentes et prérequis du primaire. Avec les écoles coraniques, les écoles primaires ont le potentiel d’améliorer de manière substantielle la couverture du préscolaire en rabaissant l’âge d’accès de 6 à 5 ans. C’est une opportunité à explorer dans le cadre de l’universalisation de l’accès à un enseignement préscolaire de qualité.

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VI- L’ENSEIGNEMENT CORANIQUE

A) Cadre institutionnel et politique nationale 44. Le Gouvernement se donne pour objectif, dans le cadre du PNDSE, de promouvoir l'enseignement originel et de renforcer sa contribution. L’enseignement originel se réfère aux mahadras, ces structures d’enseignement traditionnel dont l’offre couvre un enseignement coranique de base prolongé à des stades ultérieurs par des études avancées de la connaissance islamique sur tous ses aspects, de la théologie, au droit, et à la philosophie. La progression standard se déroule en trois étapes : (i) l’apprentissage de la lecture en arabe et la mémorisation du Coran qui peut prendre jusqu’à cinq ans et plus (5-10 ans) ; l’étude des sciences du Coran et les bases du droit islamique qui peut durer jusqu’à 6 ans et plus (11-17 ans) ; l’approfondissement des savoirs dans les différentes disciplines de la connaissance islamique (enseignement supérieur).

45. L’enseignement originel reste pertinent aux yeux de la grande majorité de la population qui y voit la voie la mieux appropriée pour offrir une éducation compatible avec ses valeurs religieuses et spirituelles. Pratiquement tous les enfants le fréquentent à un moment de leur parcours éducatif, soit avant leur entrée à l’école durant le préscolaire ou pendant leur scolarité durant les vacances scolaires et/ou en dehors des heures de classes. Un nombre significatif mais inconnu d’enfants suivent le cursus de l’enseignement originel. C’est aussi un enseignement de proximité qui est dispensé selon les aptitudes et niveaux des élèves en mode multigrade très adapté aux populations rurales éparpillées dans des zones enclavées. Ses enseignants sont des volontaires rémunérés par des dons en nature et en espèces de la communauté.

46. La loi n°2001-054, portant obligation de l’enseignement fondamental pour les enfants entre 6 et 14 ans, liste les structures de l’enseignement originel parmi l’offre éducative permettant de remplir cette mission éducative avec la seule condition que ces structures soient agréées. Cependant, les dispositions règlementaires qui fixent les conditions de cet agrément et l’autorité qui le délivre ainsi que le respect de la loi n’ont jamais été promulguées. Il est opportun d’engager rapidement une concertation entre les ministères en charge des enseignements primaire et originel pour mettre en place ces dispositions réglementaires, notamment définir l’autorité locale qui sera en charge de la délivrance des agréments et de la supervision des mahadras. L’IDEN parait être la structure outillée localement pour assurer cette supervision. L’absence de supervision des mahadras induit un manque de données préjudiciable à la planification du secteur.

47. Il ne sera possible de décliner une analyse régionale du secteur de l’enseignement originel faute de données officielles certifiées. Ce qui ressort des interviews avec les acteurs de cet enseignement est une volonté de s’inscrire dans la stratégie définie par les autorités éducatives. Les mahadras offrent des enseignements dans un environnement de dénuement total. Pour leur grande majorité, elles n’ont pas de bâtiments qui leur sont propres et leurs enseignants sont des volontaires. Leur couverture est substantielle mais méconnue faute de données et leur qualité n’obéit pas à des standards définis. Les châtiments corporels y sont courants même si ces derniers sont punis par la loi et formellement interdits par une fatwa (édit religieux) d’un ensemble de légistes mauritaniens.

48. La mise à norme et la supervision des mahadras au niveau local permettra de disponibiliser une offre éducative selon des standards minimums complémentaires à l’enseignement primaire et peut se substituer à ce dernier dans les nombreuses petites localités du Hodh Chargui non servies par les écoles publiques. Cela permettra de résoudre les problèmes d’accès, surtout pour les premiers apprentissages ou les deux ordres d’enseignement ont des contenus similaires.

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L’enseignement coranique se déroule dans des structures d’éducation connues sous le nom de mahadra dont le fonctionnement n’est pas régi par des textes règlementaires mais plutôt par des usages et des mécanismes d’auto-régulation établis à travers une pratique millénaire et que le MAIEO tend à pérenniser. Traditionnellement, une mahadra fonctionne autour d’un m’Rabit, un homme de savoir reconnu comme tel par sa communauté et dont la réputation détermine la taille et l’influence de celle-ci. Plus cette réputation grandit, plus la mahadra attire des élèves d’autres communautés et au fur et à mesure qu’elle se développe, le m’Rabit s’adjoint les services des plus dévoués de ses élèves pour l’assister dans sa fonction d’enseignant. Il n’est pas rare qu’une mahadra perdure après la mort de son bâtisseur, soit par le biais sa descendance ou de ses élèves. Près d’un demi-millier de mahadras recensées en 2010 à travers le pays étaient à des stades avancées de ce cheminement, soit parmi les 770 qui ont vu le jour avant 1960 ou les 1 750 qui ont été créées avant 199017. Ce modèle de développement des mahadras a été cependant battu en brèche par l’urbanisation rapide et la forte demande d’éducation islamique dans les classes moyennes urbaines qui a causé une prolifération de structures d’enseignement ne répondant pas aux standards traditionnellement établis pour les mahadras. L’enquête de 2010 indique que près de 90 % des structures recensées n’étaient pas éligibles au statut de mahadras tel que défini par une commission scientifique sur la base des contenus enseignés et des qualifications du m’Rabit. Parmi les structures non éligibles, une majorité est fréquentée par moins de dix élèves et opère sous l’autorité d’un m’Rabit dont les qualifications peuvent être limitées à la mémorisation de quelques sourates de Coran et la maîtrise du déchiffrage de l’écriture arabe.

49. L’enseignement originel n’est ni financé, ni supervisé par le Gouvernement. Le MAIEO qui en a la charge dispose de peu de ressources et son intervention se focalise presque entièrement sur les mahadras de renommée, à l’exclusion des petites, qui pourtant constitue la majorité du tissu et servent les populations les plus vulnérables. Selon un arrêté de 2017 de ce ministère, le titre de mahadras est réservé aux structures d’enseignement originel de plus de 20 élèves et qui dispensent des contenus allant au-delà de la mémorisation du Coran et des bases de la lecture, c’est-à-dire correspondant à un stade secondaire de la progression décrite plus haut. Le reste, qui représente plus de 90 % des structures de l’enseignement originel, est désigné sous le vocable d’écoles coraniques et ne bénéficient pas de subventions de la part du MAIEO. Le dernier recensement des mahadras qui remonte à 2010 a recensée 585 mahadras enrôlant un effectif de 21 000 étudiants et 3 219 écoles coraniques dispensant des enseignements à 116 932 élèves. Près de la moitié de ces élèves sont inscrits en même temps à l’école. Le MAIEO accorde des subventions pour les mahadras mais pas pour les écoles coraniques. Les allocations budgétaires du MAIEO représentent 1,3% des dépenses courantes du Gouvernement et sont en priorité accordées aux affaires religieuses, comme les subventions aux mosquées et aux mahadras de réputation, tenus par des grands érudits qui enseignent la jurisprudence islamique à des niveaux élevés.

17 Recensement des mahadras de 2010 organisé par le MAIEO

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50. Il y a des complémentarités et synergies évidentes entre l’enseignement coranique et l’enseignement primaire qui ne sont pas exploitées. L’enquête de 2010 a montré que près de la moitié des enfants qui fréquentent les écoles coraniques sont aussi inscrits dans des écoles primaires qui dispensent pratiquement les mêmes contenus d’enseignement (mémorisation du Coran, apprentissage de la lecture) sur une partie non négligeable du temps scolaire. Les écoles coraniques se sont adaptées en offrant leurs enseignements en fin d’après-midi et durant les vacances scolaires et donc étendent de manière significative le temps scolaire pour les enfants qui les fréquentent en même temps que l’école primaire. Cette dernière pourrait aussi mieux s’adapter en déchargeant les enfants des enseignements qu’ils reçoivent à l’école coranique pour les renforcer dans d’autres disciplines pour lesquelles l’école primaire à un avantage comparatif comme la lecture, la compréhension et les mathématiques. Les deux écoles peuvent aussi coopérer en termes d’amélioration des compétences de leurs enseignants et d’échanges d’outils pédagogiques et de supports didactiques, notamment dans les premiers apprentissages pour lesquels elles ont pratiquement la même offre et sont confrontées aux mêmes défis.

51. Les tentatives de synchroniser les deux ordres d’enseignement en créant des passerelles entre eux n’ont jusqu’à présent pas abouti, même s’il est de plus en plus clair que les contenus enseignés dans les mahadras doivent s’enrichir des disciplines scientifiques et des méthodes modernes d’enseignement. Une expérience pilote est actuellement mise en œuvre par le MAIEO pour la création de mahadras modèles qui incorporent dans leurs programmes l’enseignement des mathématiques et le français. La mahadra modèle est constituée d’une classe de 30 élèves sous la supervision d’un enseignant contractuel recruté par le MAIEO pour un salaire mensuel de 10 000 MRU (300 dollars US), le double de celui d’un enseignant contractuel de l’éducation nationale. Des bourses de 1 000 MRU (30 dollars US) sont accordées aux élèves. Cette expérience est récente et n’a pas encore été évaluée, mais elle paraît peu soutenable au regard de son coût unitaire.

52. Recommandation 5. Il ne sera pas possible d’assurer un accès universel à l’enseignement primaire dans la wilaya du Hodh Chargui sans la contribution de l’enseignement originel qui constitue la seule offre d’éducation dans les petites localités. Cette contribution ne sera effective sans :

(i) La normalisation des structures de l’enseignement originel en conformité avec la loi n°2001-054 portant obligation de l’enseignement fondamental et l’octroi de subventions publiques dans le cadre d’un partenariat avec les écoles publiques pour assurer un enseignement fondamental de qualité à tous les enfants. L’idée est d’aligner les standards des écoles coraniques sur ceux de l’enseignement primaire, surtout pour les premières et deuxièmes années, afin de faciliter la transition entre les deux ordres d’enseignement en troisième année. Les maîtres d’écoles coraniques qui travaillent souvent sur la base du volontariat devront être soutenus pour cette nouvelle orientation qui ne devraient pas aller à l’encontre de leur vocation traditionnelle qui est l’enseignement coranique. Il s’agit tout simplement de leur fournir les capacités de mieux enseigner la lecture et le calcul, déjà enseignés à titre rudimentaire, et d’inscrire ce renforcement des capacités dans une approche globale d’amélioration des rendements de l’école coranique. Les compensations peuvent être basées sur les niveaux d’acquis des élèves en fin de deuxième année comme c’est la pratique traditionnelle dans les écoles coraniques. Les directeurs d’écoles et les inspecteurs de circonscription devront fournir l’appui et l’encadrement pédagogique appropriés pour les écoles coraniques qui s’inscrivent dans cette voie. Les efforts actuels du MAIEO pour moderniser les écoles coraniques à travers le projet de mahadras pilotes pourrait s’orienter dans ce sens. Des spécialistes des premiers apprentissages peuvent être identifiés parmi les enseignants les plus aguerris des premières et deuxièmes années pour être formés afin de constituer un vivier de coordinateurs de programmes de lecture et de formateurs pour leurs collègues et maîtres d’écoles coraniques ;

(ii) Le développement des programmes communs pour les deux écoles suivant l’approche de la pédagogie structurée pour les premiers apprentissages. L’approche de pédagogie structurée a produit des résultats intéressants dans les pays où elle a été appliquée et paraît particulièrement opportune dans le contexte de faible qualification des enseignants.

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VII- L ’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

A) Cadre institutionnel et politique nationale

53. Le Gouvernement se donne pour objectif dans le cadre de la SCAPP de réaliser à l’horizon 2030 un accès universel à un enseignement fondamental de qualité, en favorisant l’accès des derniers groupes non-scolarisés et en assurant une rétention complète des enfants qui accèdent à l’école primaire. L’objectif d’universalisation de l’enseignement primaire est une constante dans les stratégies éducatives du Gouvernement depuis le premier PNDSE (2001-2010). Le PNDSE III (2021-2030) offre l’opportunité d’explorer les voies et moyens d’accélérer l’atteinte de cet objectif stratégique.

54. La loi n°2001-054 portant obligation de l’enseignement fondamental. Pour pallier les obstacles de la demande d’éducation, le Gouvernement a rendu obligatoire la scolarisation des enfants de 6 à 14 ans en instituant des pénalités importantes pour le contrevenant à la loi 2001-054 du 19 juillet 2001 portant obligation de scolarisation à l’enseignement fondamental. Cette loi prévoie des amendes allant des 10 000 à 100 000 MRO (équivalent à 30 à 300 dollars US) pour les parents et tuteurs des enfants de 6 à 14 ans hors de l’école. Cette loi n’a cependant jamais été appliquée et ses décrets d’application n’ont pas été promulgués. En particulier, les conditions d’agréments des mahadras n’ont pas été codifiées même si cette codification était inscrite dans la loi comme condition pour que les mahadras contribuent à la satisfaction de la demande d’éducation que la loi avait créée. Les mahadras sont dans les petites localités rurales les seules structures d’enseignement disponibles car l’arrêté 592 du 13 avril 2015 portant règlement intérieur des écoles primaires stipule dans son article 2 qu’une école publique ne peut être ouverte que dans des localités de plus de 500 habitants qui disposent, en plus, de l’eau courante. Or, dans le Hodh Chargui, seules 97 des 2 057 localités ont plus de 500 habitants. Les écoles coraniques ou mahadras constituent une alternative adéquate à condition qu’elles répondent aux standards minimums communément établis pour les écoles fondamentales publiques et privées.

Tableau 9 : Nombre d’habitants et de localités par moughataa

Nombre de Pourcentage Nombre de Nombre localités de Moughataa Population de localités d'habitants plus de 500 population habitants Amourj 636 93 407 19 24 447 26% Bassiknou 111 85 684 11 70 361 82% Djiguenni 309 59 007 22 26 682 45% Néma 463 85 733 25 41 076 48% Walata 53 8 462 2 1 822 22% Timbedra 448 76 206 16 30 919 41% D’har 37 5 596 2 2 240 40% Total/Moyenne 2 057 414 095 97 197 547 48% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de l'ONS

55. Bilinguisme. Par ailleurs, la Mauritanie s’est engagée depuis 1999 dans une réforme du cadre législatif régissant le système éducatif visant à offrir à tous les enfants en âge de scolarité l’opportunité d’accéder à une éducation de qualité. Une loi de 1999

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a unifié le système éducatif formel et institué le bilinguisme par le passage d’un double système d’enseignement du point de vue linguistique à un système unifié dont le bilinguisme arabe-français constitue une référence commune.

56. La loi de 1999 qui a consacré l’obligation d’utiliser le français comme langue d’instruction des matières scientifiques à partir de la troisième année du primaire a été mise en œuvre de manière inadéquate. Elle a induit, notamment, un besoin important en enseignants bilingues que le système de formation des enseignants n’était pas capable de produire à court terme. Aucune flexibilité n’était allouée aux écoles qui ne disposaient pas d’enseignants bilingues ou francisant pour enseigner, même de manière provisoire, les disciplines scientifiques en arabe. Les enseignants en arabe n’étaient plus tenus et même refusaient d’enseigner les mathématiques. Le ministère de l’Éducation nationale (MEN) a accéléré la formation des enseignants bilingues, mais cela se faisait au détriment de la qualité. Beaucoup d’enseignants sont décrétés bilingues alors qu’ils ne sont pas. Les conséquences de cette réforme se font encore sentir fortement dans les écoles du Hodh Chargui qui manquent cruellement d’enseignants bilingues dont la présence est indispensable dans le contexte d’enseignement multigrade dans les petites écoles incomplètes.

57. De même, l’adoption concomitante de l’approche par les compétences (APC) comme méthode d’enseignement dans un environnement qui ne lui sied pas (classes pléthoriques, enseignants peu qualifiés, manque d’outils pédagogiques adéquats) a encore ajouté à la complexité de la mise en œuvre de la réforme du bilinguisme, ce qui a fini par affaiblir les processus d’enseignement à un niveau où ces derniers semblent avoir perdu toute capacité de réactivité face à la baisse continue des niveaux d’apprentissage. Le PNDSE III offre l’opportunité d’évaluer la réforme du bilinguisme et de l’inscrire dans une approche globale d’amélioration des apprentissages. Dans ce cadre, il serait utile de prendre en compte les conditions réelles d’apprentissage dans la conception des programmes et des méthodes pédagogiques. Une éducation bilingue suppose un mélange d’enseignants arabes, français et bilingues suivant la structure pédagogique de l’école qui n’est souvent pas satisfaite. Dans ces nombreux cas, les écoles devront avoir plus de flexibilité dans son application.

58. Le partage des plages horaires entre le français et l’arabe, uniformisées pour toutes les écoles, ne facilite pas la maximisation de la charge de travail des enseignants et augmente les besoins en enseignants bilingues. Au vu de l’emploi de temps typique d’une école primaire, une école à six niveaux et six sections (une section par niveau) a besoin de six enseignants dont trois en arabe, deux en français et un nécessairement bilingue pour enseigner la deuxième année. Cette allocation optimale n’est possible que dans le cas d’une école complète avec six sections. Dès que l’école est incomplète ou complète avec un nombre de section qui n’est pas multiple de six, la charge des enseignants ne sera pas optimale.

Structure de l’emploi du temps. La première année dont l’horaire hebdomadaire est de 20 heures uniquement en arabe est enseignée par un enseignant d’arabe. La deuxième année de 26 heures doit nécessairement être enseignée par un enseignant bilingue car elle contient six heures pour le français. La troisième et cinquième années peuvent être prises en charge par deux enseignants (un en français et l’autre en arabe). C’est aussi le cas pour les quatrième et sixième années. Bien que cette configuration soit optimale, aucun des six enseignants n’enseignent les 30 heures statutairement requises pour chaque enseignant. Si une école a une structure pédagogique différente sauf dans les rares cas où l’école est complète avec un nombre de section égale pour chaque niveau, l’allocation des enseignants sera nettement plus optimale avec une demande plus importante pour les enseignants bilingues.

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59. L’évaluation des apprentissages. Le seul baromètre disponible pour évaluer la qualité des apprentissages à l’école primaire est l’examen d’entrée en première année de l’enseignement secondaire. Or, cet examen est biaisé et ne permet pas d’apporter des informations sur les élèves qui ont quitté l’école avant la sixième année. Cet examen est organisé à la fin de la sixième année primaire et ne donne donc pas d’indications sur les niveaux de lecture et de calcul des enfants qui quittent l’école primaire avant la fin de la sixième année. De plus, il n’est pas l’instrument le mieux indiqué pour évaluer les apprentissages car son but est de sélectionner les élèves à l’entrée du secondaire dans une optique de régulation des flux et donc peut ne porter que sur une partie du programme qui par ailleurs peut être différente d’une année à une autre, ce qui ne permet pas de faire des comparaisons sur une période donnée. Les examens ne se déroulent pas aussi dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire, empêchant une comparaison entre régions. Le laxisme dans la surveillance et la correction semblent être la norme dans la plupart des centres d’examens, surtout dans les régions reculées comme le Hodh Chargui. Un rapport de la Cellule nationale d’évaluation de 2017 a souligné que la correction du Bac, le plus important des examens, était marquée par une forte dose d’arbitraire. Le laxisme dans la surveillance est régulièrement reporté dans la presse locale.

60. Les évaluations d’apprentissage à grande échelle au niveau national qui n’ont d’autres objectifs que d’évaluer le niveau des élèves dans une optique formative ne se font que de manière occasionnelle en Mauritanie et sur financement extérieur. La Cellule nationale d’évaluation du MEN en a organisé en 2014, 2015 et 2018 avec l’appui de la Banque mondiale dans le cadre du Projet d’appui au secteur de l’éducation de base (PASEB), financé par le Partenariat mondial pour l’éducation. Elle a aussi organisé en 2018 l’enquête sur la fourniture des services scolaires (Service Delivery Indicators - SDI) avec l’assistance technique de la Banque mondiale et suivant des standards internationaux développés par le département éducation de cette dernière. Ces évaluations sont pourtant capitales pour produire des données sur la qualité des apprentissages qui sont un élément primordial dans le système d’information et de gestion de l’éducation nationale. Ces données permettent plus de redevabilité et de meilleures analyses des capacités des systèmes éducatifs à produire des résultats. Il est dès lors de la plus grande importance de prévoir des financements domestiques pour ces évaluations et d’en faire un outil de pilotage des structures éducatives en disséminant les données sur les apprentissages et en les intégrant dans le processus de décision à tous les niveaux.

61. Recommandation 6. Les autorités locales devront disposer de plus de flexibilité dans l’aménagement du temps scolaire et l’utilisation des ressources dont elles disposent avec un focus sur l’enseignement du calcul et de la lecture dans les deux langues d’enseignement (arabe et français). Elles devront aussi collecter les données sur les acquis scolaires dès les premières années et les partager avec les parents d’élèves. Les enseignants devront évaluer les élèves de manière régulière et utiliser les résultats de ces évaluations pour orienter les enseignements dispensés aux élèves afin de pallier aux lacunes observées chez les élèves. Les directeurs d’écoles et les inspecteurs de circonscription devront s’assurer que les données sur les niveaux d’apprentissage sont collectées et partagées avec les parents tout en servant à améliorer les enseignements et à informer la formation continue des enseignants. Les lacunes observées chez les élèves indiquent souvent des défis à relever chez les enseignants en termes de maîtrise des contenus enseignés et de pédagogie, constituant donc une bonne base pour l’élaboration des programmes de formation continue des enseignants.

B) Analyse régionale

Les ressources financières

62. Le budget de fonctionnement hors personnel des écoles primaires. L’allocation au titre du fonctionnement hors personnel des écoles primaires au Hodh Chargui est en 2019 d’un peu plus de 2 millions de MRU (équivalent à 57 000 dollars US), soit 37 % du budget total de la DREN. Sa clé de répartition entre les écoles est d’un tiers pour les écoles incomplètes et de deux tiers pour les écoles complètes. Les écoles incomplètes ne reçoivent pas de crédits. Leur quote-part est donnée à l’IDEN

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qui les supervisent. En moyenne, l’allocation budgétaire annuelle pour une école incomplète est de 1 089 MRU (équivalent à 31 dollars US). La part des écoles complètes est répartie en fonction du nombre de divisions pédagogiques dans chaque école. L’allocation budgétaire annuelle pour une école complète est de 8 911 MRU (équivalent à 255 dollars US), reçue en trois tranches (mars, juin, novembre). La subvention budgétaire annuelle par élève est en moyenne de 16 MRU (équivalent à 0,5 dollars US) pour les écoles incomplètes et de 29 MRU (équivalent 0,8 dollars US) pour les écoles complètes.

Tableau 10 : Répartition du budget pour les écoles primaires incomplètes en MRU (1 $US = 35 MRU)

Fonctionnement des écoles incomplètes 681 707 Nombre de Budget des Nombre divisions Nombre Budget moyen Budget moyen écoles d’élèves dans Moughataa pédagogiques Part d'écoles annuel par annuel par incomplètes les écoles des écoles incomplètes école (MRU) élève (MRU) (MRU) incomplètes incomplètes Nema 294 23% 157 441 140 1 125 8 904 18 Amourj 335 26% 179 396 180 997 12 918 14 Bassiknou 118 9% 63 190 51 1 239 3 959 16 Djiguenni 151 12% 80 862 67 1 207 4 476 18 Walata 74 6% 39 628 34 1 166 1 652 24 Timbedra 259 20% 138 698 134 1 035 8 653 16 Dhar 42 3% 22 492 20 1 125 1 113 20 Total/Moyenne 1 273 100% 681 707 626 1 089 41 675 16 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la loi des finances 2019 et de la DREN

Tableau 11 : Répartition du budget pour les écoles primaires complètes en MRU (1 $US = 35 MRU)

Fonctionnement des écoles incomplètes 1 363 413 Budget des Budget Nombre Budget Nombre de Nombre écoles moyen d’élèves dans moyen Moughataa DP18 d'écoles Part d'écoles complètes annuel par les écoles annuel par complètes complètes (MRU) école (MRU) complètes élève (MRU) Nema 353 31% 418 509 47 8 904 14 168 30 Amourj 166 14% 196 806 23 8 557 7 245 27 Bassiknou 144 13% 170 723 16 10 670 7 912 22 Djiguenni 271 24% 321 291 39 8 238 8 750 37 Walata 32 3% 37 938 5 7 588 882 43 Timbedra 166 14% 196 806 20 9 840 6 918 28 Dhar 18 2% 21 340 3 7 113 592 36 Total/Moyenne 1 150 100% 1 363 413 153 8 911 46 467 29 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la loi des finances 2019 et de la DREN

18 Division pédagogique

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63. Le budget de fonctionnement hors personnel des sept Inspections départementales de l’éducation nationale (IDEN). Les IDEN qui supervisent les écoles primaires ont reçu en 2019 des allocations pour leur propre fonctionnement hors personnel de près de 1,2 millions de MRU (équivalent à 34 000 dollars US) et 681 000 MRU (19 000 dollars US) pour le fonctionnement des écoles complètes. La répartition par IDEN est fournie par le tableau ci-dessous. Les IDEN ne tiennent pas de comptabilité des dépenses ni d’inventaires des produits réceptionnés.

Tableau 12 : Répartition du budget des IDEN en MRU (1 $US = 35 MRU)

Fonctionnement des 7 IDEN 1 186 700 Budget de Montant Nombre de Budget de fonction- Nombre annuel Moughataa Part fonctionnement nement Total DP des IDEN des écoles d'élèves par incomplètes élève Nema 647 27% 316 878 157 441 474 318 23 072 21 Amourj 501 21% 245 372 179 396 424 769 20 163 21 Bassiknou 262 11% 128 318 63 190 191 509 11 871 16 Djiguenni 422 17% 206 681 80 862 287 543 13 226 22 Walata 106 4% 51 915 39 628 91 543 2 534 36 Timbedra 425 18% 208 150 138 698 346 848 15 571 22 Dhar 60 2% 29 386 22 492 51 877 1 705 30 Total/Moyenne 2 423 100% 1 186 700 681 707 1 868 407 88 142 21 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la loi des finances 2019 et de la DREN

64. Le budget de fonctionnement hors personnel de la DREN. La DREN a reçu en 2019 des allocations pour son propre fonctionnement hors personnel de 756 320 MRU (équivalent à 22 000 dollars US). Comme les IDEN, la DREN ne tient pas de comptabilité des dépenses ni d’inventaires des produits réceptionnés.

65. Liquidation de la dépense. La DREN n’a pas de service comptable et financier pour assurer cette liquidation qui se fait au niveau du trésorier régional. In fine, les services utilisateurs des crédits (DREN, IDEN, directeurs d’écoles complètes) reçoivent un montant en cash correspondant à la moitié des crédits budgétaires qui leurs ont été alloués. Ces services ne tiennent pas de comptabilité et se trouvent ainsi dépourvus de toute capacité de gestion financière et comptable avec les risques que cela pose pour la sécurité de leur patrimoine. La moitié des crédits est retenue par le fournisseur au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à hauteur de 20% et pour les autres services rendus à hauteur de 30 %. Finalement un directeur d’école complète reçoit en moyenne un montant annuel de 4 455 MRU (127 dollars US). Beaucoup de ces directeurs disent dépenser plus qu’ils ne reçoivent sous la pression des besoins, parfois de leur propre revenu ou en faisant appel à la contribution des enseignants. Souvent, ils font appel aux parents d’élèves pour la réalisation de travaux de maintenance mineurs comme remplacer une porte ou une fenêtre cassée. Les montants annuels reçus par les IDEN sont fournis dans le tableau ci-dessous.

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Tableau 13 : Répartition du budget des IDEN en MRU (1 $US = 35 MRU)

Fonctionnement des 7 IDEN 1 186 700 Montant annuel Montant annuel en en cash reçu par Montant Budget de cash reçu par Nombre de l'IDEN pour le annuel en cash Moughataa Part fonctionnement l'IDEN au titre de DP fonctionnement total reçu par des IDEN son propre des écoles l'IDEN fonctionnement incomplètes Nema 647 27% 316 878 158 439 78 720 237 159 Amourj 501 21% 245 372 122 686 89 698 212 384 Bassiknou 262 11% 128 318 64 159 31 595 95 754 Djiguenni 422 17% 206 681 103 340 40 431 143 772 Walata 106 4% 51 915 25 958 19 814 45 771 Timbedra 425 18% 208 150 104 075 69 349 173 424 Dhar 60 2% 29 386 14 693 11 246 25 939 Total/Moyenne 2 423 100% 1 186 700 593 350 340 853 934 203 Budget de fonctionnement de la DREN (en MRU) 756 320 Montant en cash annuel reçu par le DREN (en MRU) 378 160 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la loi des finances 2019 et de la DREN

66. Répartition des crédits d’éducation. Le tableau ci-dessous donne la répartition des crédits alloués à la DREN du Hodh Chargui entre les différents services utilisateurs. Pour 100 MRU dépensés par la DREN, 12 MRU vont aux écoles primaires et 17 MRU aux IDEN. La DREN retient 7 MRU et le reste (14 MRU) va à l’enseignement secondaire.

Tableau 14 : Répartition du budget de la DREN du Hodh Chargui en MRU

Fournis- Écoles Services Montant DREN IDEN Collèges Lycées primaires seur complètes Fonctionnement des 756 320 378 160 378 160 services de la DREN Fonctionnement des 7 IDEN 1 186 700 593 350 593 350 Fonctionnement des écoles 2 045 120 1 022 560 340 853 681 707 Fonctionnement des collèges 804 200 402 100 402 100 Lycée Nema 141 120 70 560 70 560 Lycée Amourj 97 800 48 900 48 900 Lycée Timbedra 141 240 70 620 70 620 Lycée Djigueni 107 920 53 960 53 960 Lycée Excellence Nema 300 000 150 000 150 000 Total 5 580 420 2 790 210 378 160 934 203 402 100 394 040 681 707

50% 7% 17% 7% 7% 12% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la loi des finances 2019 et de la DREN

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67. Recommandations 7. Il faudra améliorer les finances des écoles, notamment en :

(i) Dotant la DREN d’un comptable détaché des services du ministère des Finances pour assurer la liquidation de la dépense selon les règles de la comptabilité publique. Ses comptes devront aussi être audités régulièrement par l’Inspection générale d’État et la Cour des comptes ;

(ii) Accordant des subventions directes aux écoles pour éviter les prélèvements qui s’exercent sur les lignes budgétaires à chaque niveau de la chaîne hiérarchique. Les écoles pourront avoir des régies d’avances pour gérer le cash. La subvention peut être indexée sur le nombre d’élèves et ne concerner que les écoles complètes qui reçoivent actuellement des subventions ;

(iii) Liant ces subventions à la mise en place d’un conseil de gestion des écoles (COGES) pour impliquer la communauté scolaire dans la surveillance de l’utilisation des fonds transférés aux écoles. Le directeur et les membres des COGES devront être formés à leur nouvelle responsabilité de gestion des fonds publics. Un module de formation devra être développé ;

(iv) Basant une partie de ces subventions sur la qualité de l’environnement scolaire et le maintien en bon état des infrastructures scolaires. Ces subventions peuvent constituer un instrument pour inciter les directeurs d’écoles à concevoir et mettre en œuvre des plans d’amélioration de la qualité des environnements d’apprentissage et pour mieux impliquer les communautés dans la gestion des écoles à travers l’activation des COGES. Elles peuvent aussi inclure un système d’incitation pour améliorer la conservation des manuels scolaires et autres mobiliers et équipements.

Les ressources humaines

68. Les personnels affectés dans les écoles primaires. Seuls les enseignants sont déployés dans les écoles qui se retrouvent ainsi complétement dépourvues de personnel d’appui (surveillants, agents administratifs et logistiques). Les données de la DREN indiquent que 1 137 enseignants titulaires ont été affectés dans les écoles primaires, ce qui fait en moyenne des ratios de 78 élèves par enseignant et de moins de deux enseignants par école. Ces ratios peuvent aller jusqu’à 116 et moins d’un enseignant dans la moughataa d’Amourj et à plus de 140 élèves dans les communes de Fassala et de Meguva dans la moughataa de Bassiknou. La norme communément établie est que le ratio élèves/enseignant ne doit pas dépasser 60, une limite au-delà de laquelle la recherche indique que les effets négatifs de la taille de classe sur les apprentissages deviennent significatifs. Les effets positifs significatifs de la taille des classes sont observés si le ratio est inférieur à 30.

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Tableau 15 : Nombre d'enseignants, d'élèves et d'écoles par moughataa

Ratio Nombre Ratio Elèves/ Moughataa Nombre d’écoles Nombre d’élèves Enseignant/ d’enseignants Enseignant Écoles Nema 187 23 072 358 64 1.9 Amourj 203 20 163 174 116 0.9 Bassiknou 67 11 871 123 97 1.8 Djiguenni 106 13 226 197 67 1.9 Walata 39 2 534 41 62 1.1 Timbedra 154 15 571 229 68 1.5 D’har 23 1 705 15 114 0.7 Total 779 88 142 1 137 78 1.5 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

69. Le manque d’enseignants. La récente enquête real-time monitoring (RTM) réalisée en novembre et avril 2018-2019 a montré que 103 écoles (13 % des écoles) dans les zones prioritaires d’éducation étaient en veilleuse en raison d’absence d’enseignants. Le manque d’enseignants est observé pratiquement au niveau de toutes les écoles du Hodh Chargui. Les DREN ont estimé le déficit d’enseignants à 952 pour l’année scolaire 2019, soit 84 % du vivier d’enseignants actuel. Le déficit est certainement plus important si des standards minimums sont considérés comme la taille de classe ne devant pas dépasser 60 élèves et la limitation des classes multigrades aux écoles rurales incomplètes comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau 16 : Déficit d'enseignants par moughataa

Nombre d’élèves Nombre Déficit Moughataa Nombre d’écoles Part dans ces écoles d'enseignants d’enseignants

Nema 187 23 072 358 250 70% Amourj 203 20 163 174 329 189% Bassiknou 67 11 871 123 172 140% Djiguenni 106 13 226 197 193 98% Walata 39 2 534 41 30 73% Timbedra 154 15 571 229 161 70% D'har 23 1 705 15 30 200% Total/Moyenne 779 88 142 1 137 1 165 102% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

70. Le déploiement des enseignants. Seules 127 écoles sur les 779 que compte le Hodh Chargui ont suffisamment d’enseignants pour faire fonctionner leur structure pédagogique selon les critères standards : nombre d’élèves par classes inférieur à 60 élèves et sections multigrades destinées seulement aux petites écoles rurales incomplètes car l’enseignement de ces sections requière des compétences spéciales que peu d’enseignants possèdent. Ces 127 écoles accueillent 10 619 élèves, soit 12 % du total des élèves de la wilaya. 233 écoles sont restées sans enseignants durant l’année scolaire 2018-2019 pour un

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effectif de 13 524 élèves, soit 15 % du total des élèves de la région. Dans les moughataas de Amourj et de D’har, près du tiers des élèves ont eu une année blanche.

Tableau 17 : Répartition des enseignants sur les écoles

Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre d’écoles avec d’élèves avec d’élèves Moughataa d’élèves dans Part d’écoles sans d’écoles suffisamment suffisamment sans ces écoles enseignants d'enseignants d'enseignants enseignants

Nema 187 23 072 39 5 324 23% 43 2 347 Amourj 203 20 163 13 1 023 5% 96 6 454 Bassiknou 67 11 871 10 436 4% 13 760 Djiguenni 106 13 226 19 869 7% 13 535 Walata 39 2 534 10 411 16% 13 606 Timbedra 154 15 571 33 2 420 16% 44 2 301 D'har 23 1 705 3 136 8% 11 531 Total/Moyenne 779 88 142 127 10 619 12% 233 13 534 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

71. La stratégie de déploiement des enseignants. Elle n’est pas articulée dans un document officiel et reste aléatoire. Un nombre indéterminé d’enseignants mis à la disposition de la DREN n’est pas déployé dans les écoles. Un examen du fichier de la paie des fonctionnaires de l’éducation nationale de mai 2019 a montré que 1 228 enseignants étaient payés par le Gouvernement et supposés enseigner au Hodh Chargui. En addition à ces 1 228 enseignants, près de 550 contractuels ont été recrutés en 2019 pour aider à combler les déficits, ce qui fait au total 1 778 enseignants mis à la disposition de la DREN dont 641, soit 36 %, n’ayant pas été déployés dans les écoles. Les entretiens avec les responsables de la gestion des ressources humaines aux niveaux central et local suggèrent que certains de ces enseignants ont été affectés à d’autres régions par notes verbales non écrites et que beaucoup de contractuels ne sont pas affectés dans les écoles à cause du retard de leur recrutement, mais aussi des interventions des hommes d’influence qui les protègent. Il est à noter que plus de 400 personnels non permanents sont affectés à la DREN mais ne sont pas déployés dans les écoles qui en ont pourtant cruellement besoin pour les fonctions de gardiennage, de secrétariat et de surveillance.

72. La stratégie de déploiement devrait répondre à des critères rationnels avec pour objectif de déployer le maximum d’enseignants dans les écoles et d’optimiser le pourcentage des élèves dans des écoles avec suffisamment d’enseignants. Il s’agirait alors d’accorder la priorité aux écoles complètes à grands effectifs. Une telle approche aboutirait immédiatement à ce que plus de 50 % des élèves soient dans des conditions minimales de scolarisation contre 12 % actuellement. Il est utile de noter que les 172 écoles de plus de quatre niveaux sont généralement situées dans des localités de plus de 500 habitants, les seules où les autorités administratives locales sont normalement habilitées à ouvrir des écoles. Ces écoles accueillent 56 % des élèves et le stock d’enseignants actuel disponible à la DREN peut les couvrir en grande partie comme le montre le tableau ci-dessous.

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Tableau 18 : Déficit d'enseignants par moughataa

Nombre Nombre Nombre d'enseignants d’écoles avec Nombre Déficit Déficit Moughataa total Part des écoles avec au moins 4 d’élèves d’enseignants d’enseignants d’élèves au plus 3 niveaux niveaux

Nema 23 072 50 14 609 63% 134 97 -37 Amourj 20 163 26 7 691 38% 108 83 -25 Bassiknou 11 871 20 8 478 71% 123 35 -88 Djiguenni 13 226 43 9 403 71% 145 52 -93 Walata 2 534 6 951 38% 11 22 11 Timbedra 15 571 23 7 437 48% 60 97 37 D'har 1 705 4 715 42% 14 8 -6 Total 88 142 172 49 284 56% 595 394 -201 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

73. L’absentéisme des enseignants. Les conditions de scolarisation ne permettent pas de s’assurer que les enseignants sont présents à l’école et en classe. C’est le rôle que doit jouer le directeur d’école mais aussi les parents d’élèves dont l’implication dans la vie scolaire a un effet positif significatif sur la présence des enseignants à l’école. L’implication des parents d’élèves est minime et se limite très souvent à une contribution financière occasionnelle pour réparer une porte ou une fenêtre et/ou entreprendre des travaux mineurs de maintenance. Les comités de gestion des écoles (COGES) que le Gouvernement a mis en place ne se sont pas encore implantés dans les écoles de la wilaya. En outre, dans près de 90 % des écoles, il y a aux plus deux enseignants dont l’un est le directeur, ce qui favorise les arrangements mutuels pour que l’un ou les deux soit absents surtout que les inspecteurs de l’IDEN ne se déplacent pas faute de moyens roulants. À partir de mars, les communautés semi-nomades entrent dans la saison des grandes transhumances et les enfants accompagnent le bétail et écourtent l’année scolaire. Selon plusieurs témoignages, les communautés s’accordent avec l’enseignant pour fermer l’école à l’insu des autorités éducatives. L’enquête SDI de 2018 qui s’est déroulée en novembre et décembre 2017 a estimé le taux d’absentéisme à 22 % au Hodh Chargui. Ce taux est probablement beaucoup plus élevé, surtout à partir de mars. Cette proportion est de 20 % au niveau national.

Tableau 19 : Taux d'absentéisme des enseignants

Hodh Taux d'absence Mauritanie Chargui De l'école (% enseignants) 11% 14% De la classe (% enseignants) 9% 8% Total 20% 22% Source : SDI 2018

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Tableau 20 : Nombre d'écoles primaires et d'élèves par nombre d'enseignants

Nombre d'enseignants Nombre Nombre % d’élèves d'écoles d’élèves Écoles sans enseignant 233 13 534 15% Écoles avec 1 enseignant 396 30 282 34% Écoles avec 2 enseignants 65 11 074 13% Écoles avec 3 enseignants 26 6 613 8% Écoles avec 4 enseignants 12 3 400 4% Écoles avec 5 enseignants 7 2 710 3% Écoles avec 6 enseignants et plus 40 20 529 23% Total/Moyenne 779 88 142 100% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

74. Dans un contexte de pénurie des enseignants, il est crucial de s’assurer de la présence de ces derniers à l’école et en classe et cela ne peut se faire sans un encadrement de proximité effectif. Or, l’éparpillement actuel des enseignants et le faible rôle du directeur d’école dans cet encadrement le rend peu ou pas effectif. Le déploiement des enseignants devrait favoriser le regroupement des enseignants dans des écoles complètes sous la supervision d’un directeur déchargé de cours dont la mission est d’assurer la gestion administrative de l’école et l’encadrement pédagogique des enseignants. Le directeur devrait avoir autorité sur son personnel, à commencer par le pouvoir de choisir ses enseignants et de leur appliquer le système de sanction/récompense en vigueur. Pour cela, il doit être choisi suivant des critères de compétences bien établis en consultation avec les enseignants afin d’être reconnu comme leader par la communauté éducative. Un directeur devra avoir au moins six enseignants sous sa supervision. Dans le contexte du Hodh Chargui où prévalent les écoles incomplètes de petites tailles, un regroupement pédagogique autour des écoles complètes et semi-complètes devra se faire avec un réseau d’écoles satellites autour de ces écoles dans un rayon donné. Toutes les écoles incomplètes non incluses dans un rayon donné seront laissées en veilleuse en attendant une réévaluation de la carte scolaire qui devrait se faire tous les trois ans en tenant compte de l’évolution démographique.

75. Ceci permettrait, en particulier, de résoudre la problématique des enseignants qui travaillent en solo dans des conditions de vie particulièrement difficiles en termes d’accès aux services de base d’eau, de nourriture et de soins et qui sont livrés à eux- mêmes sans pratiquement aucune forme d’encadrement et d’appui. Or, ils cumulent les responsabilités de directeur et d’enseignant et doivent dans la plupart des cas être bilingue et pouvoir enseigner en mode multigrade sans être adéquatement récompensés. Aussi, cherchent-ils par tous les moyens à se faire déployer ailleurs ou simplement à quitter leur poste sans se faire remarquer. Cela peut se faire sans se remarquer car il sont pratiquement leur propre superviseur, l’inspecteur de circonscription qui normalement est chargé de les superviser ne les visite pas à cause de l’absence de véhicule. Selon plusieurs témoignages, les parents s’accordent souvent avec ces enseignants pour fermer l’école plus tôt que prévu si les conditions saisonnières (fortes chaleurs, transhumance) requièrent l’utilisation des enfants pour des tâches domestiques.

76. De même, la consolidation de la carte scolaire pourrait contribuer à faciliter le travail des enseignantes et à améliorer leur présence dans l’encadrement. À l’heure actuelle et pour des raisons culturelles, les enseignantes préfèrent rester dans les centres urbains, souvent en surnombre pour éviter le déploiement dans les petites localités où la majorité des directeurs sont nommés. Elles perdent ainsi des chances de promotion. Les femmes continuent par ailleurs à être sous-représentées dans le métier d’enseignants et dans les fonctions d’encadrement. Au niveau national, elles représentent 35 % des enseignants et moins de 5%

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des titulaires des fonctions d’encadrement. Cette situation souligne le besoin d’un programme spécial de formation pour les femmes visant à rehausser leurs qualifications techniques et professionnelles dans le métier de l’éducation afin d’améliorer leur taux de réussite aux concours des écoles normales d’instituteurs et de rehausser leurs capacités de leadership et d’encadrement.

77. Recommandation 11. Il faudrait assurer un encadrement de proximité plus effectif en :

(i) Renforçant les attributions et les compétences des directeurs d’écoles pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de supervision de premier niveau. À terme, le directeur devrait pouvoir choisir son personnel et appliquer le système de récompense, notamment la suspension et sa levée. Un mécanisme financier devra être mis en place pour inciter les directeurs d’école à appliquer la réglementation en matière de suspension, par exemple des ponctions budgétaires correspondant aux retenues sur salaires des enseignants pour absentéisme ; (ii) Mettant en œuvre un programme de renforcement de capacités en leadership pour les enseignantes pour élargir le vivier des prétendants aux fonctions de leadership ; (iii) Assurant un regroupement pédagogique entre écoles incomplètes environnantes supervisées par un directeur. Dans ce cas le directeur devra disposer d’une moto pour ses déplacements dont l’achat et la maintenance devront être prévus dans la subvention accordée à l’école ; (iv) Ajoutant un COGES à tous les directeurs pour améliorer l’implication des communautés dans la vie scolaire et assister les directeurs dans la supervision des enseignants et exercer un contrôle sur eux pour la gestion financière.

78. Les qualifications des enseignants. Il n’y a pas de données précises sur les qualifications des enseignants du Hodh Chargui en particulier. Les IDEN qui sont chargées de l’encadrement de proximité ne conduisent pas d’évaluations d’enseignants de manière systématique et ne collectent pas de données à ce sujet. Les seules données disponibles sont celles de l’enquête SDI qui est nationale. Cette enquête montre que dans leur écrasante majorité, les enseignants mauritaniens ont de très faibles qualifications. Les enseignants maîtrisent peu les contenus enseignés eux élèves et leurs capacités pédagogiques sont limitées. Sur un examen qui a été administré à un échantillon représentatif d’enseignants de quatrième année primaire, en 2018, dans le cadre de l’évaluation SDI, la note en français a été de 31 % en moyenne, ce qui indique que les enseignants ne maîtrisent qu’une faible partie du programme de la quatrième année en français. Pour l’arabe et le français, les notes moyennes ont été respectivement de 56 et 41 %. Aucun des enseignants examinés n’a dépassé le seuil de 80 % en français et en arabe. Ce seuil est considéré comme correspondant aux connaissances minimales qu’un enseignant devrait posséder pour avoir les qualifications pour enseigner. En mathématiques, moins d’un enseignant sur 25 a atteint ce seuil. Si le seuil est rabaissé à 70%, les résultats des enseignants continuent à être alarmants. 10 % des enseignants dépassent le seuil en mathématiques, mais en français et arabe, cette proportion n’est que de 0,2 et 2,7 % respectivement. Il n’y a aucune raison indiquant que les résultats des enseignants du Hodh Chargui divergent sensiblement de la moyenne nationale même si la désagrégation urbain/rural montre que les enseignants dans les zones rurales performent légèrement mieux que leurs collègues urbains. Selon les mêmes données, seuls environ 10 % des enseignants ont les connaissances pédagogiques minimales.

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Tableau 21 : Résultats des enseignants : connaissance minimale (Pourcentage d’enseignants au-dessus de 80 %)

Connaissance Connaissance Connaissance Connaissance Connaissance minimale : minimale : minimale : minimale : minimale : français arabe mathématiques français et arabe et (Seuil 80%) (Seuil 80%) (Seuil 80%) maths maths (Seuil 80%) (Seuil 80%) Mauritanie 0 0 4,2 0,4 0,1 Urbain 0 0 3,3 0 0,2 Public Rural 0 0 5,0 1,4 0 Total 0 0 3,9 0,5 0,2

Privé 0 0 5,4 0 0 Source : SDI

Tableau 22 : Résultats des enseignants : connaissance minimale (Pourcentage d’enseignants au-dessus de 70%)

Connaissance Connaissance Connaissance Connaissance Connaissance minimale : minimale : minimale : minimale : minimale : français et arabe et français arabe mathématiques maths maths (Seuil 70%) (Seuil 70%) (Seuil 70%) (Seuil 70%) (Seuil 70%) Mauritanie 1,3 4,4 0,2 2,7 10,8 Urbain 1,1 2,9 0 2,0 9,8 Public Rural 1,4 7,9 0,7 5,2 12,2 Total 1,2 4,5 0,2 3,0 10,6 Privé 1,8 3,6 0 0,9 11,7 Source : SDI

La connaissance minimale des enseignants est mesurée comme étant le pourcentage des enseignants pouvant maîtriser la matière qu’ils enseignent. L’indicateur est basé sur les résultats du test de langue et de mathématiques des enseignants couvrant le curriculum du primaire. Le résultat du test est calculé au niveau de l’école comme le pourcentage des enseignants qui obtiennent une note de 80 % ou plus dans les sections de langue et de mathématiques. Ce test est effectué par tous les enseignants qui enseignent les mathématiques, le français ou l’arabe en 4e année, l’année où l’enquête a été effectuée en 2018, ou en 3e année l’année précédente. Les résultats présentés ne concernent que les enseignants qui dispensent les matières de l’évaluation de manière habituelle.

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79. Formation continue des enseignants. Elle n’existe pratiquement pas. Les seules formations qui sont organisées sont financées par l’UNICEF, souvent dans le cadre de programmes localisés de réintégration des enfants hors de l’école et sur des modules de pédagogie différenciée et de gestion des grands groupes et en réponse à un ciblage de points faibles dans les compétences des enseignants avec la création et validation d’un contenu de formation (maths/français/arabe et principes d’évaluation non enseignés dans les écoles normales des instituteurs). Ces formations sont, cependant, organisées de manière intermittente et à petite échelle ne permettant pas aux enseignants de consolider ce qu’ils ont appris

80. L’encadrement de proximité. Il a presque cessé d’exister depuis que les IDEN ne disposent plus de voitures depuis 2009. Les plus chevronnés des inspecteurs se sont finalement découragés car les notes d’inspection ne sont plus prises en compte dans la gestion des carrières des enseignants, en particulier depuis la fin de la période probatoire durant laquelle les nouveaux enseignants devaient justifier de capacités minimales d’enseigner avant d’obtenir leur titularisation. Comme le directeur d’école n’a pas de rôle dans l’encadrement de proximité, l’enseignant est livré à lui-même.

81. Les qualifications des enseignants sont le déterminant principal de la qualité des enseignements dispensés aux élèves. Leur amélioration est indispensable pour rehausser la qualité de l’éducation dans la wilaya. Pour cela, il est opportun de mettre en place des mesures qui incitent les enseignants à se perfectionner, notamment en créant une prime à la performance et en liant les promotions à cette dernière, et de leur donner les moyens de se perfectionner à travers un programme de formation continue qui répond à leurs besoins et qui exploite les opportunités offertes par la technologie (e-learning et l’apprentissage à distance). Ces besoins devront être identifiés à la suite d’évaluations formatives dont le but est de mettre les enseignants en confiance pour qu’ils se découvrent et voient là où ils ont besoin de s’améliorer. Cela suppose la remise à niveau des inspecteurs de l’IDEN et la formation des directeurs d’écoles dans l’encadrement de proximité. À plus court terme, il faudrait aider les enseignants par des plans de leçons standardisées, développées suivant une pédagogie structurée qui laissent peu de place à l’improvisation, surtout pour les deux premières années.

82. Recommandation 12 : Il faudrait renforcer l’encadrement de proximité en :

(i) Dotant les IDEN et les DREN de véhicules pour qu’ils puissent se déplacer ; (ii) Rénovant le système d’évaluation des enseignants pour le rendre plus formatif et former les inspecteurs sur le système rénové ; (iii) Systématisant la documentation des évaluations des enseignants et en les utilisant comme base pour l’élaboration des plans de formation des enseignants ; (iv) Allouant un budget pour la formation des enseignants aux IDEN.

Les ressources pédagogiques et didactiques

83. La disponibilité des outils pédagogiques dans les écoles primaires. Les outils pédagogiques et supports didactiques, essentiels à l’action éducative et dont l’impact sur la qualité des apprentissages est bien établi, manquent cruellement dans les écoles. L’absence de ces outils est marquante dans les écoles, surtout les manuels et les affiches sur les murs de classe. Les écoles ne semblent disposer que de la craie et d’ardoisine qui sont distribuées annuellement par la DREN. Elles n’ont pas de stock de fournitures scolaires de base (cahiers, stylos) qui sont à la charge des parents et que l’UNICEF distribue dans certaines écoles. Les parents sont aussi responsables de l’achat des manuels scolaires, vendus à prix subventionnés dans les kiosques de l’Institut pédagogique national (IPN). Ces kiosques ne sont pas d’accès facile car généralement loin des écoles et dans des endroits peu visibles comme par exemple le kiosque de Djiguenni, censé alimenter une grande localité, mais qui se trouve caché dans l’enceinte du lycée où se trouve un stock invendu de manuels. Les kiosques sont tenus par des fonctionnaires peu motivés pour la vente. Une enquête sur la fourniture des services (Service Delivery Indicator-SDI) conduite en 2018 indique que moins de 10 % des élèves au Hodh Chargui disposent d’un manuel scolaire, comparé à une moyenne nationale de 16 %. Selon la

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même enquête, près de 50 % des salles de classes ne disposent pas des minimas en matériel didactique et 40 % d’entre elles ont des tableaux noirs en mauvais état. Près de 15 % des élèves ne disposent pas de cahiers et de stylos. Les écoles ne disposent pas de bibliothèques et ne mettent pas en place des clubs scolaires et la lecture indépendante et le travail en groupe ne sont pas encouragés dans les classes, ce qui n’incite pas les élèves à se procurer des livres. Les populations et l’équipe pédagogique déplorent l’inadaptabilité du contenu du manuel scolaire aux spécificités socio-culturelles de la région et du milieu comme l’indique le rapport de l’enquête RTM. Le Programme alimentaire mondial (PAM) appuie les cantines dans 190 écoles dans la wilaya, couvrant 30 % des élèves.

Tableau 23 : Disponibilité des ressources pédagogiques

Hodh Matériel didactique Mauritanie Chargui Disponibilité minimale de matériel didactique 35% 54% Tableau noire de bonne qualité 58% 61% Craie 93% 100% Contraste suffisant (Suffisamment de visibilité dans la 81% 79% classe) Possession cahiers stylos 96% 86% Possession cahiers exercices 89% 86% Source : SDI

Tableau 24 : Écoles avec cantines par moughataa

Nombre d’élèves Écoles avec Moughataa Part bénéficiant de Part cantines cantines Nema 50 27% 8 055 35% Amourj 23 11% 3 495 17% Bassiknou 53 79% 5 532 47% Djiguenni 30 28% 4 721 36% Timbedra 34 22% 4 459 29% Walata 0 0% 0 0% D'har 0 0% 0 0% Total/Moyenne 190 24% 26 262 30% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

84. Les structures de coordination régionale (DREN et IDEN) n’ont pas de ressources pédagogiques à apporter aux écoles. Elles ont été complètement dessaisies de la distribution des manuels scolaires pour donner suite au constat que ces derniers n’arrivaient pas aux élèves, soient parce qu’ils moisissaient dans les stocks ou étaient revendus à travers les circuits de distribution marchands. L’IPN qui s’est retrouvé responsable de la chaîne totale du livre n’a ni les moyens budgétaires, ni les capacités techniques de la remplir. Il dispose d’un budget de 40 millions de MRU, environ un million de dollars US pour couvrir ces charges de fonctionnement et pour le développement, l’impression et la distribution des manuels scolaires sur toute l’étendue du territoire national et pour les cycles primaires et secondaire. À l’heure actuelle, sa capacité de production ne peut

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dépasser 350 000 manuels par an, ce qui est loin de suffire pour les besoins de la seule wilaya du Hodh Chargui. Les manuels sont par ailleurs médiocrement conçus, les explications et illustrations qui y sont incluses sont insuffisantes et pas assimilables par un élève travaillant seul. De même, les exercices pratiques n’y sont pas nombreux et sont séquencés de manière à permettre à l’élève d’évoluer progressivement vers la réalisation des objectifs d’apprentissage. L’IPN est, en outre, une structure peu efficace avec des coûts unitaires de 3 à 4 dollars US pour les manuels alors que les livres acquis à travers un appel d’offre international coûtent moins d’un dollar.

85. Il est critique de disponibiliser suffisamment de ressources pédagogiques et didactiques dans la salle pour favoriser l’apprentissage. Les enseignants devront être encouragés à développer et/ou à se procurer ces ressources eux-mêmes à travers des subventions octroyées aux écoles. Une mise à plat de la politique du manuel scolaire s’impose. Le Gouvernement envisage avec l’appui de l’Agence française de développement d’auditer la chaîne du livre et sur la base des recommandations, de concevoir une nouvelle stratégie de production et de distribution des manuels.

86. Recommandation 13 : La disponibilisation des outils pédagogiques, notamment les livres et les guides d’enseignants, sont une urgence qu’il faudrait traiter au plus vite en :

(i) Accélérant la réalisation de cet audit de la chaîne du livre et en s’assurant que cet audit se fasse suivant une approche participative impliquant les acteurs de base que sont les enseignants, les directeurs d’écoles et les parents d’élèves ; (ii) Donnant la priorité aux deux premières années, à la lecture et au calcul avec des manuels à riches contenus de bonne qualité et qui supportent une pédagogie structurée guidant l’élève et l’enseignant sur un cheminement d’apprentissage progressif et favorisant l’auto-apprentissage et l’auto-évaluation. Les manuels de calcul devront avoir un contenu bilingue en français et en arabe pour favoriser la transition linguistique de l’arabe au français.

Les infrastructures scolaires

87. Les constructions scolaires. Selon les données fournies par la DREN, il y a 783 salles de classes dans les 779 écoles de la wilaya, soit environ une salle de classe par école, dont 550 (70 %) sont dans un état jugé acceptable par les services de la DREN. On aboutit à une moyenne d’une salle par école et à un ratio élèves/salles de classes très élevé que les écoles compensent souvent par l’adoption du double flux ou l’utilisation de salles en mauvais état avec des risques pour les enfants en matière de santé et de sécurité. Un examen plus détaillé des besoins montre que seuls 109 écoles qui accueillent 7 850 (9 %) des élèves ont suffisamment de salles de classe en bon état. Les besoins de construction et de réhabilitation des salles de classes sont respectivement estimés à 662 et 233. Seules 84 écoles (11 %) ont des latrines et les besoins en tables-bancs sont estimés à 7 520 de tables-bancs à trois places. Les tableaux suivants indiquent la situation pour chaque moughataa.

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Tableau 25 : Besoins en construction et en réhabilitation des salles de classe par moughataa

Nombre de Nombre Nombre Ratio Besoins de Besoins de Moughataa salles en bon d’écoles d’élèves élèves/salles construction réhabilitation état

Nema 187 23 072 166 139 207 43 Amourj 203 20 163 39 517 103 96 Bassiknou 67 11 871 65 183 111 13 Djiguenni 106 13 226 121 109 106 13 Walata 39 2 534 19 133 10 13 Timbedra 154 15 571 134 116 114 44 D'har 23 1 705 6 284 11 11 Total/Moyenne 779 88 142 550 160 662 233 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

Tableau 26 : État des constructions scolaires par moughataa

Nombre d’écoles Nombre d’élèves avec Nombre Moughataa Nombre d’écoles Part dans ces écoles suffisamment de d’élèves salles en bon état

Nema 187 23 072 29 2 184 9% Amourj 203 20 163 10 827 4% Bassiknou 67 11 871 8 525 4% Djiguenni 106 13 226 29 1 816 14% Walata 39 2 534 3 146 6% Timbedra 154 15 571 29 2 000 13% D'har 23 1 705 1 352 21% Total/Moyenne 779 88 142 109 7 850 9% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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Tableau 27 : Besoins en latrines par moughataa

Nombre Nombre Nombre de Ratio Écoles sans Besoin en Moughataa d’écoles d’élèves latrines élèves/latrines latrines latrines

Nema 187 23 072 39 592 171 291 Amourj 203 20 163 106 190 186 182 Bassiknou 67 11 871 63 188 55 107 Djiguenni 106 13 226 47 281 95 142 Walata 39 2 534 14 181 36 22 Timbedra 154 15 571 10 1557 150 212 D'har 23 1 705 1 1705 22 23 Total/Moyenne 779 88 142 280 315 715 979 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

Tableau 28 : Besoins en tables-bancs de trois places par moughataa

Écoles avec Nombre Nombre suffisamment Nombre Besoins en Moughataa Part d’écoles d’élèves de tables- d'élèves tables-bancs bancs

Nema 187 23 072 62 5 608 24% 1 800 Amourj 203 20 163 53 3 589 18% 2 006 Bassiknou 67 11 871 16 1 989 17% 1 928 Djiguenni 106 13 226 42 2 587 20% 1 034 Walata 39 2 534 19 866 34% 8 Timbedra 154 15 571 72 4 285 28% 364 D'har 23 1 705 3 115 7% 380 Total/Moyenne 779 88 142 267 19 039 22% 7 520 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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Tableau 29 : Autres infrastructures par moughataa

Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre d'écoles Moughataa d’écoles avec d'écoles d'écoles d’écoles avec bibliothèque avec clôture avec bureau magasin

Nema 187 2 11 11 12 Amourj 203 0 11 5 13 Bassiknou 67 9 11 6 12 Djiguenni 106 0 8 11 15 Walata 39 0 3 3 3 Timbedra 154 2 4 3 6 D'har 23 0 0 0 0 Total/Moyenne 779 13 48 39 61 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

88. La construction et la maintenance des infrastructures scolaires. Techniquement, cette action relève de la responsabilité des communes, qui reçoivent à ce titre des crédits du fonds régional de développent, déterminés en fonction du niveau de pauvreté et du nombre d’habitants de la commune. Ces crédits ne sont pas négligeables. À titre d’exemple, la commune de Fassala a reçu 5,3 millions de MRU (équivalent 150 000 dollars US) en 2019 dont 65 % sont réservés aux travaux d’investissement et de maintenance des ouvrages municipaux, y compris la construction et la maintenance les écoles. Les communes bénéficient aussi de l’appui des partenaires techniques et financier pour la construction et la réhabilitation des écoles, en particulier la Banque mondiale et l’Union européenne, Cependant, les mairies ont des capacités de maîtrise d’ouvrage limitées et se coordonnent peu avec les services de la DREN. Il n’y a pas en particulier un plan de construction et de réhabilitation des écoles établi selon les besoins de la carte scolaire de la commune. Les réalisations physiques restent limitées et souvent déconnectées des besoins. Les communes n’accordent pas de crédits de fonctionnement aux écoles pour la maintenance. Les efforts du Gouvernement en matière de construction des écoles primaires passent par le canal de Tadamoun qui opère en priorité dans les zones de concentration des populations vulnérables dans le milieu rural. Les efforts combinés de l’État à travers Tadamoun et des communes à travers l’appui de la Banque mondiale et autres partenaires techniques et financiers a permis la construction de 29 écoles sur la dernière décennie dont 19 ont été réceptionnées (65%). Ces constructions, en particulier celles de Tadamoun, sont chères, à savoir plus de 10 millions de MRU (285 000 dollars US) pour des coûts du mètre carré de 8 800 de MRU (251 dollars US), ce qui est peu soutenable et peu aligné aux standards de constructions locaux. Leur maintenance pose déjà un problème pour les bâtiments construits il y a plus de deux ans.

89. L’état des constructions et les conditions matérielles de l’école (tables-bancs et autres mobiliers, ressources pédagogiques) sont un déterminant important de l’attrait de l’école, de la confiance que lui accordent ses différents acteurs locaux et du climat scolaire qui en découle. Aussi, des conditions minimales d’accueil devraient-elles prévaloir dans toutes les écoles, y compris des classes dimensionnées au nombre d’élèves et convenablement maintenues, des latrines fonctionnelles avec accès à l’eau, une clôture pour sécuriser les enfants, une bibliothèque pour la lecture et un magasin et un bureau pour l’administration. Ces conditions minimales ne semblent être remplies que par quatre écoles dans le Hodh Chargui qui ont suffisamment de salles de classes maintenues dans un état acceptable, des latrines, une clôture pour l’école et un bureau pour le directeur.

90. Recommandation 14 : Il est urgent d’augmenter substantiellement le pourcentage des élèves inscrits dans des écoles ayant des conditions minimales d’apprentissage, à savoir suffisamment d’enseignants pour faire fonctionner la structure pédagogique,

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suffisamment de salles de classes et de places assises, de latrines avec accès à l’eau, une clôture pour la sécurité et un bureau pour le directeur. Ces besoins sont évalués dans le tableau ci-dessous pour les écoles complètes et semi complètes (égales ou plus de quatre niveaux, au nombre de 172 et qui accueillent 56 % des élèves.

Tableau 30 : Besoins pour assurer des conditions minimales dans écoles complètes et semi-complètes par moughataa

Nombre d’écoles Nombre Déficit Déficit de Déficit de de plus Pourcentag Déficit de Déficit de Déficit de Moughataa d’élèves dans d’enseignan salles de tables-bancs ou égales e d’élèves latrines clôture bureau ces écoles ts classe (3 places) à 4 niveaux Nema 50 14 609 63% -139 -161 -1 548 -172 -40 -39 Amourj 26 7 691 38% -96 -55 -514 -35 -18 -16 Bassiknou 20 8 478 71% -89 -115 -1 474 -99 -15 -14 Djiguenni 43 9 403 71% -159 -112 -1 860 -89 -35 -29 Walata 6 951 38% -27 -13 -139 -10 -5 -5 Timbedra 23 7 437 48% -94 -81 -1 310 -105 -23 -22 D'har 4 715 42% -11 -5 -213 -9 -4 -4 Total/Moy. 172 49 284 56% -615 -542 -7 058 -519 -140 -129 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

L’accès

91. La couverture scolaire pour l’enseignement primaire dans la wilaya du Hodh Chargui reste faible comparativement aux autres wilayas du pays. Elle semble s’être même détériorée ces dernières années malgré l’accent mis par les autorités éducatives sur l’expansion de l’accès. En 2018, le taux brut de scolarisation (TBS) qui rapporte le nombre d’enfants inscrits dans les écoles primaires à la population en âge d’aller à ces écoles (6-11 ans) est de 87 % en 2018 alors que la moyenne nationale est de 103 % avec des pics de plus de 120 % dans les régions du nord, d’après les données administratives du MEN. Ce taux signifie que les capacités actuelles de écoles primaires dans le Hodh Chargui sont insuffisantes pour scolariser tous les enfants en âge d’aller à l’école. Ce taux s’est légèrement redressé en 2018 après une baisse continue sur les quatre précédentes années, passant de 104 % en 2014 à 85 % en 2017, soit une baisse de près de 20 points de pourcentage.

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Graphique 2 : Taux brut de scolarisation par année scolaire

120

100

80

60

40

20

0 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17 2017/18

TBS Hodh Chargui TBS National

Source : DREN et DSPC

92. Les enquêtes MICS confirment de manière encore plus prononcée la faiblesse de la couverture scolaire dans la wilaya et la tendance de sa détérioration sur les dernières années. Selon le MICS 2015, le taux net de fréquentation des écoles primaires par enfants en âge d’aller à l’école primaire et secondaire qui peut être assimilable à un substitut au TBS, était seulement de 67 % au Hodh Chargui en 2015 comparée à une moyenne nationale de 82 % et un pic au Tiris Zemmour, la région minière, de 109%. Ce taux était 90 % en 2011 pour le Hodh Chargui, comparée à une moyenne nationale de 94 %, d’après le MICS 2011.

Tableau 31 : Nombre d'écoles et d'élèves avec latrines et suffisamment d'enseignants et de salles de classes par moughataa

Nombre Nombre d’écoles avec Nombre d’écoles avec Nombre d’élèves Nombre latrines et Nombre Nombre d’élèves d’écoles avec suffisamment Moughataa avec suffisamment Part d’élèves sans Part suffisamment d’écoles dans ces écoles suffisamment d'enseignants d'enseignants enseignants d'enseignants d'enseignants et de salles en et de salles en bon état bon état Nema 187 23 072 39 5 324 23% 26 989 4% 0 Amourj 203 20 163 13 1 023 5% 5 250 1% 0 Bassiknou 67 11 871 10 436 4% 5 167 1% 0 Djiguenni 106 13 226 19 869 7% 15 645 5% 0 Walata 39 2 534 10 411 16% 8 297 12% 1 Timbedra 154 15 571 33 2 420 16% 19 848 5% 1 D'har 23 1 705 3 136 8% 3 136 8% 0 Total/Moy. 779 88 142 127 10 619 12% 81 3 332 4% 2 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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93. Les conditions de scolarisation ne répondent pas à des standards minimums de qualité. Ces standards incluent un nombre suffisant d’enseignants et de salles de classe en bon état pour faire fonctionner la structure pédagogique, un accès à l’eau et à l’assainissement avec des latrines fonctionnelles, une clôture et un magasin pour sécuriser les enfants et les équipements, une bibliothèque pour la lecture et un bureau pour l’administration. Ces conditions minimales ne sont réunies dans aucune école dans le Hodh Chargui. Sur les 88 142 élèves recensés comme inscrits dans une école primaire en 2019, 13 534 (15 %) sont dans des écoles qui étaient sans enseignants pendant toute l’année scolaire. Seules 81 écoles qui accueillent 3 332 (4 %) ont suffisamment d’enseignants et de salles de classes pour fonctionner. Si les latrines sont ajoutées à ces deux conditions, il n’y a plus que deux petites écoles d’une classe dans les communes de Walata et Timbedra qui offrent des standards minimums.

94. La distance reste aussi une barrière importante à la scolarisation. Près de la moitié de la population du Hodh Chargui (46 % d’après les estimations de l’ONS) vivent dans 1 316 localités de moins de 500 habitants dont seulement 607 sont servies par des écoles incomplètes, généralement de moins de trois niveaux qui accueillent 44 % des élèves. Plus des deux tiers des petites localités sont sans écoles et peuvent être éloignées les unes des autres pour se partager une école et même si les localités ne sont pas éloignées, chacune veut avoir sa propre école et ne pas envoyer ses enfants dans une école située dans une autre localité. 68 % de la population rurale vit dans des localités de moins de 150 habitants. L’enquête real-time monitoring (RTM) indique que 30 % des ménages habitent à plus de de 3 km d’une école (seuls 70 % de l’ensemble des ménages sont dans ce périmètre de 3 km de l’école).

Tableau 32 : L'offre éducative dans les petites localités

Nombre Nombre de Nombre de Population de Nombre d’élèves localités de petites localités de d’écoles de Moughataa Part Part d’écoles de Part moins de 500 localités sans moins de 500 moins de 4 moins de 4 habitants écoles habitants niveaux niveaux Nema 431 294 68% 46 824 48% 137 8 463 37% Amourj 608 431 71% 72 700 69% 177 12 472 62% Bassiknou 93 46 49% 18 786 15% 47 3 393 29% Djiguenni 282 219 78% 33 679 51% 63 3 823 29% Walata 51 18 35% 6 795 78% 33 1 583 62% Timbedra 423 292 69% 46 807 54% 131 8 134 52% D'har 35 16 46% 3 436 60% 19 990 58% Total/Moyenne 1 923 1 316 68% 229 027 46% 607 38 858 44% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

95. Accessibilité à l’école. Les opportunités d’inscription en première année de l’école primaire sont encore plus limitées dans les petites localités. Seules 20 % des écoles situées dans les petites localités ont des premières années et les enfants à ces âges sont difficiles d’une localité à une autre. Techniquement, plusieurs années peuvent s’écouler après l’ouverture d’une première année dans une école à faible effectif avant que l’administration ne se décide à en ouvrir une autre dans la même école. Les conditions d’ouverture des inscriptions en première année ne sont pas clairement articulées dans les textes et il ne semble pas y voir de directives claires régissant cette ouverture et effective mise en œuvre. En particulier, il ne semble pas y avoir un nombre minimal d’inscrits en-dessous duquel une première année ne peut pas être ouverte, le nombre d’inscrits en première année variant entre 9 et 153 et il ne semble pas y avoir d’alternance cyclique d’inscription en première année dans les écoles

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entre localités comme cela se fait dans certains pays comme au Burkina Faso où certaines régions sont caractérisées par une faible densité de population et grande dispersion des populations.

96. L’accessibilité à l’école dans le contexte d’éparpillement des populations est une contrainte majeure pour la scolarisation des enfants au Hodh Chargui qui ne pourra être levée sans une conjugaison d’efforts entre tous les acteurs (communautés locales, autorités éducatives, la société civile et les partenaires techniques et financiers) et une alternative à l’école publique qui ne peut pas être dans toutes les localités tout en assurant des conditions minimales de qualité des apprentissages.

97. Recommandation 15. Disponibiliser une offre éducative partout sur le territoire en ligne avec la loi d’obligation scolaire :

(i) Toute localité de moins de 500 habitants devra être en mesure de prendre en charge une école coranique comme c’est déjà le cas dans la plupart des localités de cette taille, y compris les formes traditionnelles de compensation des maîtres coraniques. Il s’agirait ainsi d’une obligation communautaire liée à l’obligation légale de la scolarité pour les enfants de 6 à 14 ans ; (ii) Les autorités éducatives (IDEN/directeurs d’écoles) assurent l’encadrement de proximité ; (iii) Les mahadras qui respectent les normes établies par le ministère en charge de l’enseignement fondamental devront recevoir une subvention.

98. Rétention à l’école. Les mauvaises conditions de scolarisation et la discontinuité scolaire qui caractérise les écoles dans les petites localités maintiennent la rétention à des bas niveaux. Selon les enquêtes MICS, la probabilité pour un enfant inscrit en première d’année d’arriver à la sixième du primaire au Hodh Chargui est restée pratiquement au même niveau entre 2011 et 2015. Cette probabilité était de 68 % au Hodh Chargui en 2015 alors qu’au niveau national elle était de 86 %. Le taux d’achèvement qui rapporte le nombre de nouveaux entrants en sixième année du primaire au nombre d’enfants âgés de 11 ans, aurait lui baissé entre 2011 à 2015, passant de 60 % à 46 %. Cette tendance à la baisse est aussi observée au niveau national où ce taux est passé de 76 % en 2011 à 52 % en 2015, selon MICS. Les données officielles suggèrent une amélioration du taux d’achèvement sur les dernières années qui serait passée de 50 à 62 % de 2016 à 2018.

99. Qualité des apprentissages. Les faibles niveaux de qualification des enseignants et l’absence d’encadrement de proximité et de formation, ainsi que le manque de manuels de qualité causent la faiblesse des niveaux d’apprentissage. En 2019, il y avait 6 398 candidats à l’examen de fin du cycle primaire au Hodh Chargui, seuls 667 élèves, soit 10 % des candidats ont eu la moyenne dans les trois disciplines de base (arabe, français, calcul) et 577, soit 9 % à avoir la moyenne en français, en mathématiques et en sciences. La faiblesse des niveaux d’apprentissage est aussi confirmée par l’enquête SDI de 2018 qui indique que les élèves de quatrième année primaire dans la wilaya du Hodh Chargui maîtrisent seulement 57 % des contenus du programme en arabe, 37 % du programme de calcul et 9 % du programme en français. Ils font, cependant, mieux que les élèves dans les autres wilayas en arabe et en calcul, mais pas en français.

Tableau 33 : Pourcentage d’acquis des élèves par discipline (SDI)

Hodh Disciplines Mauritanie Chargui Français 14% 9% Arabe 50% 57% Mathématiques 34% 37% Source : SDI

57

Graphique 3 : Résultats du concours 2018

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0 Candidats Admis Admis niveau Admis niveau passable faible Series1 5988 3313 2262 1051

Source : Direction des examens

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VIII- L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

A) Cadre institutionnel et politique nationale 100. Le Gouvernement se fixe pour objectif dans le cadre du PNDSE : (i) l’achèvement universel du premier cycle de l’enseignement secondaire tout en réduisant les disparités entre genres ou celles liées au milieu et aux conditions socioéconomiques et (ii) la régulation des effectifs du second cycle général dans la perspective d’une meilleure adéquation de la partie haute du système avec les besoins de l’économie. Cette politique s’est concrétisée essentiellement par une relâche des conditions d’entrée aux collèges avec des « repêchages » importants d’élèves qui n’ont pas eu la moyenne au concours, mais pas par une extension soutenue de l’offre pour répondre à cette expansion de la demande. La couverture du premier cycle secondaire en Mauritanie est restée parmi les plus basses en Afrique subsaharienne.

Graphique 4 : Taux brut de scolarisation pour le premier cycle de l'enseignement secondaire 2015-2016

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

Source : Revue des dépenses publiques en éducation, Banque mondiale, 2015

101. La régulation des flux au niveau du second cycle de l’enseignement secondaire n’a jamais été effective même si dans la réalité le collège est pour l’écrasante majorité la fin du parcours éducatif. Une partie des élèves continue son parcours éducatif dans les lycées, le brevet ne constituant pas une barrière d’entrée, mais fini par abandonner et/ou être poussée vers la sortie par l’échec au Bac. Aussi, pour cette écrasante majorité, les collèges sont-ils la dernière chance de profiter du système éducatif pour développer des compétences de bases nécessaires à leur insertion dans la vie active, en particulier les base de la lecture, de la communication écrite et orale, du calcul et de la résolution des problèmes et des compétences de vie comme la gestion des émotions et les relations sociales. C’est un changement par rapport à la situation actuelle qui met tous les élèves dans le même paquet avec des enseignements centrés sur la préparation au Bac et à l’université.

102. Recommandation 16 : Il est urgent de reconnaître cette double finalité des collèges et réorganiser l’offre du premier cycle du secondaire en conséquence, notamment en créant une offre alternative secondaire de qualité donnant aux jeunes ayant des

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difficultés scolaires l’opportunité de développer des compétences de base solides en communication et résolution des problèmes de nature à les aider à s’insérer dans la vie active.

B) Analyse régionale

Les ressources financières

103. Le budget de fonctionnement hors personnel des collèges et des lycées. Il y a 26 établissements secondaires donc cinq lycées qui disposent d’une certaine autonomie financière par rapport à la DREN. Ces cinq lycées reçoivent leur allocation séparée des autres établissements secondaires. Une allocation de 804 200 MRU (23 000 dollars US) est alloué à ces derniers et repartie en fonction du nombre de sections pédagogiques dans chaque établissement. Cela représente en moyenne une allocation de 120 MRU (3 dollars US) par an et par élève avec un maximum de 429 MRU (12 dollars US) pour le petit collège de et un minimum de 39 MRU (2 dollars US) pour le collège de Nema 1. Pour les cinq lycées, l’allocation par élèves varie de 137 MRU (4 dollars US) pour le plus grand lycée de la wilaya et 2 439 MRU (70 dollars US) pour le petit lycée d’excellence qui n’a accueilli que 123 élèves pour l’année scolaire 2018-2019. Ces crédits budgétaires sont liquidés suivant la même procédure déjà décrite pour les écoles primaires. Les petits collèges et lycées sont mieux favorisés que les grands en termes d’allocation budgétaire par élève à cause de leur petite taille (voir tableau Annexe 1 pour la distribution des crédits au collèges).

Tableau 34 : Budget par élèves dans cinq lycées (MRU)

Nombre Allocation par Lycée Budget Annuel d'élèves élève Lycée Nema 141 120 1 033 137 Lycée Amourj 97 800 835 117 Lycée Timbedra 141 240 1 112 127 Lycée Djigueni 107 920 643 168 Lycée Excellence Nema 300 000 123 2 439

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

Les ressources humaines

104. Les membres du personnel affectés dans les collèges et les lycées. Selon les données fournies par la DREN, 297 enseignants ont été affectés pour l’année 2018-2019 dans les établissements secondaires pour un effectif total de 10 961 élèves, soit en moyenne des ratios de 37 élèves par enseignants et de 53 élèves par section. Ces moyennes varient substantiellement d’un établissement à un autre. Sur les 26 établissements secondaires que comptent la wilaya, 10 accueillent 77 % des élèves dans des classes en moyenne de 67 élèves avec un maximum de 84 élèves dans le collège de Nema 1 et un minimum de 63 élèves dans le collège de Adel Bagrou.

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Tableau 35 : Nombre d'élèves, d’enseignants et de sections pédagogiques par moughataa

Nombre Nombre de sections Nombre Nombre Ratio Ratio élèves/ Moughataa d’établissements pédagogiques d’élèves d’enseignants élèves/enseignant section Nema 12 86 4 835 129 37 56 Bassiknou 2 23 1 422 32 44 62 Amourj 3 27 1 488 34 44 55 D'har 1 6 166 7 24 28 Walata 1 7 214 11 19 31 Timbedra 4 33 1 779 45 40 54 Djiguenni 3 26 1 057 39 27 41 Total/Moyenne 26 208 10 961 297 37 53 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

Tableau 36 : Les dix établissements à grands effectifs du Hodh Chargui

Nombre de Nombre Ratio élèves/ Ratio élèves/ Établissement Nombre d’élèves Part sections d’enseignants enseignant section Collège Nema 1 14 1 173 10% 24 49 84 Lycée Bassiknou 16 1 114 10% 24 46 70 Lycée Timbedra 16 1 112 10% 24 46 70 Lycée Nema 15 1 033 9% 25 41 69 Collège Nema 3 13 986 9% 19 52 76 Lycée Amourj 15 835 7% 20 42 56 Lycée Djiguenni 13 643 6% 19 34 49 Collège Nema 2 9 628 6% 15 42 70 Collège Timbedra 9 603 5% 15 40 67 Lycée Adel Bagrou 7 439 4% 9 49 63 Total/Moyenne 127 8 566 77% 194 44 67 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

105. Il y a un manque critique d’enseignants, surtout pour les disciplines scientifiques et le déploiement de ces derniers n’est pas optimal. Il y a 271 enseignants répartis sur les 25 collèges de manière peu optimale. Cinq collèges seulement peuvent couvrir leurs besoins en enseignant, souvent au prix d’une structure pédagogique ou les sections ont des tailles élevées comme dans les cas des collèges de Nema 1 et 2. Tous les autres collèges ont des déficits qui peuvent aller de modéré a très sévère. Il y a un déficit de 65 enseignants et un excèdent de 39, indiquant que la situation pourrait s’améliorer si le déploiement est plus rationnel. Bien qu’ayant des ratios élèves/enseignants faibles, plusieurs petits collèges ruraux ont un manque sévère d’enseignants à cause de la structure des emplois du temps qui exige un minimum d’enseignants de discipline différentes quelle que soit la taille du collège. L’examen par discipline fait ressortir l’existence simultanée de déficit et d’excèdent pour chaque discipline. Globalement, il semble que la wilaya a plus d’enseignants en arabe et en français qu’elle en a besoin, mais les professeurs des disciplines scientifiques manquent globalement même s’ils sont excédentaires dans un ou deux établissements.

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Tableau 37 : Déficit d’enseignants par discipline en fonction des horaires officielles de chaque discipline

Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit ens. ens. ens. ens. ens. ens. ens. ens. Total ens. arabe français anglais ICMR math physique sciences HG IC Total déficit -3 -4 -12 -6 -13 -13 -6 -8 -65 Total excédent 10 6 3 6 2 3 3 6 39 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

106. Le déficit d’enseignants est beaucoup plus important que ne le fait apparaître les données de la DREN. Une normalisation des conditions d’accueil des collèges avec des sections ne dépassant pas 60 élèves induira une augmentation substantielle des besoins en enseignants. Le tableau ci-dessous donne une simulation de ces besoins sous la seule condition que les sections ne dépassent pas 60 élèves, une barre au-delà de laquelle la recherche indique que l’apprentissage n’a pas réellement lieu. Il n’y a plus que le lycée d’excellence qui continue à pouvoir couvrir ses besoins en enseignants. Ce lycée accueille 123 élèves. Tous les autres établissements secondaires ont un déficit sévère en enseignants.

Tableau 38 : Déficit d’enseignants par discipline en fonction des horaires officielles de chaque discipline

Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit Déficit ens. ens. ens. ens. ens. ens. ens. ens. Total ens. arabe français anglais ICMR math physique sciences HG IC

Total déficit -15 -17 -17 -15 -31 -13 -12 -15 -135 Total excédent 4 0 0 1 0 3 2 2 12 Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

107. Ressources pédagogiques. Les activités d’animation culturelles et sportives ne sont jamais réalisées. Les bibliothèques et les clubs académiques sont inexistants. Les professeurs d’éducation physique et sportives ne sont pratiquement jamais affectés dans les établissements d’enseignement secondaires. Les cantines, présentes jusqu’à la fin des années 1980, n’existent plus.

108. Les infrastructures. L’état des constructions est très variable selon les localités où se trouve le collège, mais globalement il est très insatisfaisant, surtout pour les collèges se trouvant en milieu urbain. Les collèges urbains ont les besoins les plus criants en nouvelles constructions et en réhabilitation. Les deux collèges de la capitale régionale, Nema, sont particulièrement touchés. Pour le plus grand, Nema 1, seuls 21 % des salles sont jugées bonnes pour utilisation par les services de la DREN et les besoins en constructions sont évidents dans ce collège au vu de la taille moyenne des classes. Le deuxième collège de Nema n’a pas de bâtiments qui lui sont propres et ses élèves au nombre de 986 permutent avec d’autres élèves dans les écoles primaires pour leurs cours. Il partage cette situation avec trois collèges ruraux (Beribat, , Hassi). Pour le lycée de Nema, seul 43 % des constructions sont dans un état jugé acceptable par les services de la DREN, dont deux latines sur les 26 que compte l’établissement. Le plus grand lycée de la région n’a pas de bibliothèque fonctionnelle, ni de salle informatique. Sur l’ensemble de la wilaya, il y a un besoin urgent de constructions de 49 salles de classes et de réhabilitation de 49 autres.

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109. Tableau 39 : Besoins en construction et réhabilitation par établissements

Besoins de Total Pourcentage Ratio élèves/ Nombre de État des Besoins en Établissements nouvelles d’élèves d’élèves salle salles constructions réhabilitation constructions Collège Nema1 1173 14% 84 14 21% 5 11 Collège Nema3 986 11% 0 16 0 Lycée Timbedra 668 8% 56 12 50% -1 6 Collège Nema 2 628 7% 105 6 100% 4 0 Lycée Amourj 623 7% 69 9 100% 1 0 Lycée Djiguenni 543 6% 29 19 63% -11 7 Lycée Bassiknou 745 9% 57 13 46% -1 7 Collège Timbedra 603 7% 151 4 100% 6 0 Lycée Adel Bagrou 384 4% 64 6 100% 1 0 Lycée O Zbil 295 3% 98 3 100% 2 0 Collège Bousteila 220 3% 37 6 0% -2 6 Collège Vassala 253 3% 84 3 100% 2 0 Lycée Bangou 199 2% 50 4 100% 0 0 Collège Mabdoua 214 2% 54 4 100% 1 0 Collège Boukhzama 167 2% 42 4 100% 0 0 Collège Mavnadech 160 2% 53 3 100% 1 0 Lycée Walata 150 2% 25 6 0% -2 6 Collège 120 1% 20 6 100% -2 6 Lycée Excellence 114 1% 19 6 100% -3 0 Collège Beribavat 75 1% 0 3 0 Collège Agoueinit 97 1% 0 4 0 Collège Hassi Atila 52 1% 0 3 0 Collège Bousteila 64 1% 16 4 100% 0 0 Collège Diade 62 1% 16 4 100% 0 0 Collège Feireni 61 1% 15 4 100% 0 0 Total/Moyenne 8 656 140 80% 49 49 SOURCE : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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Accès

110. Accessibilité au secondaire. Le Concours, l’examen d’entrée en première année reste un obstacle majeur à la transition vers le secondaire. En 2019, il y avait 9 286 élèves en dernière année de l’école primaire dont 6 398 ont candidaté pour cet examen. 3 240 ont été admis avec une moyenne pondérée de 9/20, soit un taux de réussite de 51 %. Tous ne vont pas aller en première année du secondaire en 2020 au vu des tendances observées les années passées. Une proportion d’admis de plus de 10 % choisit d’aller ailleurs que dans les collèges publics. Soit ils s’inscrivent dans les quelques collèges privés de la wilaya dont les effectifs ne sont pas comptabilisés par la DREN et d’autres probablement sont transférés à Nouakchott, mais la proportion est suffisamment importante pour suggérer que certains élèves, notamment les filles issues des zones pauvres rurales, abandonnent l’école au cours de cette transition inter-cycle. Les données administratives évaluent le taux de transition au secondaire à 40 % au Hodh Chargui avec un léger avantage pour les garçons de 3 à 4 points même si les filles sont plus nombreuses que les garçons dans les collèges et lycées de la région.

111. La couverture du secondaire. La wilaya compte 26 établissements secondaires dont 13 lycées qui ont accueilli 2 525 élèves en 2018-2019 et dont un seul est complet (celui de Nema), c’est à dire offrant toutes les filières (A-lettres modernes, C- mathématiques, et D-sciences naturelles) aux trois niveaux. Ce lycée accueille à lui seul 1 033 élèves, soit 41 % de l’effectif total des élèves des lycées. Quatre lycées (Nema, Timbedra, Bassiknou et Amourj) accueillent 82 % de l’effectif des élèves des lycées. Les neuf autres lycées sont de petits lycées souvent en prolongement d’un petit collège suivant cette logique de proximité déjà observée au primaire et qui aboutit à un éparpillement des ressources préjudiciable à la qualité de l’enseignement surtout au secondaire. Le lycée d’excellence est une exception car il accueille seulement 9 élèves pour un budget et des infrastructures nettement meilleurs que le reste des établissements. Il y 13 collèges dont trois dans la ville de Nema accueillent près du tiers des élèves des collèges. 11 181 élèves étaient inscrits en 2019 dans les 26 établissements secondaires de la wilaya pour une population âgée de 12 à 18 ans estimée à 76 127 élèves, ce qui donne un TBS de 15 % en 2016. En 2019, les collèges ont accueilli 8 656 élèves, d’après les données de la DREN, parmi une population scolarisable dans le collège estimée à 41 561 par l’ONS, soit un TBS de 21 %. Les filles représentent 55 % des effectifs des collèges et 53 % des effectifs des lycées.

Graphique 5 : Effectif des élèves par année scolaire et niveaux

10000

1000 2015-2016 2016-2017 2017-2018 2018-2019 1AS 2382 2256 2866 3340 2AS 1944 1787 1890 2019 3AS 1535 1646 1637 1681 4AS 1449 1792 1964 1616 Total 7310 7481 8357 8656

1AS 2AS 3AS 4AS Total

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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Graphique 6 : Répartition des filles et garçons par année scolaire

8357 8656 7310 7481

4732 4023 4215 3516

Nbre Nbre filles Nbre Nbre filles Nbre Nbre filles Nbre Nbre filles Elèves Elèves Elèves Elèves 2015-2016 2016-2017 2017-2018 2018-2019

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

112. Bien que les conditions d’orientations dans les trois filières du lycée ne soient pas claires, il est certain qu’un élève qui n’a pas la moyenne en mathématiques ne peut être orienté dans la série C (mathématiques) et qu’un autre qui n’a pas la moyenne en arabe et en français ne réussira pas dans la série A (lettres modernes), s’il ne bénéficie pas d’un soutien scolaire consistant. Les conditions d’accueil dans la filière C sont les meilleures, mais seuls 7 % des élèves sont orientés dans cette filière jugée élitiste. Cela se reflète sur les taux de redoublement et de réussite au baccalauréat. Les taux de redoublement sont pratiquement nuls dans cette filière. Le lycée de Nema accueille à lui seul 73 % et des élèves orientés dans cette filière. La série D (sciences naturelles) accueille plus de la moitié des élèves car au-delà de ceux qui la choisissent pour son orientation vers la médecine et les spécialités biologiques, c’est la filière d’orientation par défaut pour ceux qui ne sont pas assez bons ni en mathématiques ni en littérature. La taille des classes y est de 79 dans le lycée de Nema, 62 à Timbedra et 64 à Bassiknou. Ces trois établissements accueillent 70 % des élèves orientés dans cette filière. La série A accueillent 40 % des élèves dans des classes de taille encore plus élevée dans les trois établissements précités qui accueillent 76 % des élèves orientés dans cette filière.

Tableau 40 : Effectifs d’élèves de la Série C

Nombre de Ratio élèves/ Nombre Nombre de Part des Taux de Établissement Part sections section d’élèves filles filles redoublement

Lycée Excellence 1 9 9 5% 3 33% 0% Lycée Nema 3 44 131 73% 52 40% 0% Lycée Timbedra 1 22 22 12% 8 36% 5% Collège Nbeika 1 18 18 10% 8 44% 0% Total/Moyenne 6 30 180 100% 71 39% 1% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

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Tableau 41 : Effectifs d’élèves de la Série D

Nombre de Ration élèves/ Nombre Taux de Établissement Part Filles Part filles sections section d’élèves redoublement

Lycée Nema 7 79 550 41% 329 60% 0% Lycée Bangou 3 19 56 4% 31 55% 0% Collège Boukhzama 1 24 24 2% 14 58% 0% Lycée Walata 2 21 41 3% 18 44% 0% Lycée Timbedra 3 62 185 14% 117 63% 37% Lycée Djiguenni 3 24 72 5% 47 65% 49% Lycée O Zbil 2 14 27 2% 23 85% 74% Lycée Amourj 3 35 106 8% 55 52% 1% Lycée Bassiknou 3 64 193 14% 123 64% 51% Collège Vassala 2 28 55 4% 30 55% 0% Collège Nbeika 1 28 28 2% 7 25% 0% Total/Moyenne 30 45 1 337 100% 794 59% 17% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

Tableau 42 : Effectifs d’élèves de la Série A

Ratio Nombre de Nombre Taux de Établissements élèves/ Part Filles Part des filles sections d’élèves redoublement section

Lycée Nema 5 70 352 35% 119 34% 0% Lycée Walata 1 23 23 2% 10 43% 0% Lycée Timbedra 3 79 237 24% 148 62% 52% Lycée Djiguenni 2 14 28 3% 24 86% 57% Lycée O Zbil 2 16 31 3% 21 68% 0% Lycée Amourj 3 35 106 11% 42 40% 0% Lycée Adel Bagrou 1 55 55 5% 38 69% 0% Lycée Bassiknou 2 88 176 17% 71 40% 56% Total/Moyenne 19 53 1 008 100% 473 47% 24% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

113. Ces conditions de scolarisation dans les établissements d’enseignement secondaires ne répondent pas aux besoins d’éducation de leurs élèves. Ces derniers arrivent de l’école primaire avec des niveaux académiques extrêmement faibles et donc avec un besoin important de mise à niveau que les collèges et lycées ne peuvent offrir à cause de la faiblesse de leurs ressources. Parmi les 3 240 admis à la première année du collège au Hodh Chargui, seuls 356 (11 %) ont obtenu la moyenne

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dans chacune des disciplines de base (français, arabe, mathématiques) indiquant leurs habilités académiques à continuer leur parcours éducatif au secondaire dans des conditions d’apprentissages normales. Le reste, c’est-à-dire près de 90 % des élèves, ont besoin d’un certain niveau de soutien académique extrascolaire et de conditions d’apprentissage spéciales en termes de ratio élèves/maître et de méthodes d’instruction. Seuls les enfants issus des familles aisées économiquement peuvent bénéficier de ces conditions à travers les tuteurs et les écoles privées. Sans ce soutien extrascolaire et ces conditions favorables, la grande majorité des élèves issus des milieux pauvres est destinée à l’échec scolaire. Aussi, la prise en charge correcte de ces élèves nécessite-t-elle des programmes de mise à niveau consistants, en parallèle de classes de petites tailles qui ne peuvent être fournies dans la situation actuelle des collèges.

114. Le même besoin de mise à niveau existe au niveau des lycées. Le brevet n’est pas un obstacle au passage au lycée et les élèves arrivent au deuxième cycle secondaire avec des niveaux académiques aussi bas que quand ils entraient au collège. Contrairement au Concours, l’échec au brevet n’empêche pas les élèves de progresser vers la première année du lycée. En principe, la note de passage au lycée est la moyenne de la note du brevet et de la note annuelle, mais les chefs d’établissements ignorent ce principe en général et font passer les élèves selon leur note annuelle seulement. Mais même s’ils passent le brevet, les élèves ont des niveaux académiques très bas. Des 1 087 admis au brevet en 2019, seuls 489 (45 %) ont eu la moyenne et seulement 42 % ont eu la moyenne dans les trois disciplines de base. Seul le quart des admis ont eu la moyenne en français et arabe, indiquant leur habilité à continuer leur parcours éducatif dans la série littéraire et un autre quart montre des dispositions à continuer dans la série scientifique.

Tableau 43 : Performances académiques mesurée par la moyenne au Brevet d'Études du Premier Cycle (BEPC)

. Résultats à l’examen Nombre d'élèves Pourcentage

Admis 1 087 100% Admis avec une moyenne de 10/20 489 45%

Admis avec une moyenne de 12/20 90 8% Admis avec une moyenne de 10/20 en français, arabe, mathématiques 42 4% Admis avec une moyenne de 10/20 en français, arabe 253 23%

Admis avec une moyenne de 10/20 en

français, mathématiques 59 5%

Admis avec une moyenne de 10/20 en français 364 33% Admis avec une moyenne de 10/20 en mathématiques 259 24% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la Direction des examens

115. Qualité des apprentissages. Les évaluations des acquis des élèves dans le secondaire sont encore plus rares que dans le primaire. La dernière évaluation conduite en 2015 avec l’appui de la Banque mondiale a montré que seuls 10 % des élèves de troisième année du collège maîtrisent plus de 60 % du programme de cette année en mathématiques et en français. Cette proportion est de 20 % pour l’arabe. Bien que des indications précises sur les résultats du Hodh Chargui ne soient pas disponibles, il est raisonnable de supposer que ces derniers sont du même ordre que les moyennes nationales sinon pires. Les

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résultats du brevet, pratiquement le seul baromètre de mesure pour la qualité des apprentissages, confirment cette faiblesse des niveaux académiques des élèves. En 2019, 40 % des candidats ont été admis mais seuls 18 % ont eu une moyenne générale supérieure ou égale à dix et seulement 2 % ont la moyenne dans les disciplines de base (arabe, mathématiques et français).

116. La qualité des apprentissages est alarmante comme l’indique régulièrement les résultats du baccalauréat. En tout, 3 % des 1 703 candidats dans la wilaya ont été admis, soit 57 élèves, parmi lesquels 52 sont des élèves du lycée de Nema et six ont obtenu une mention les plaçant sur la liste de ceux qui peuvent bénéficier d’opportunités intéressantes d’enseignement supérieur. Cinq de ces six lycées sont de la série qui jouit de conditions d’apprentissage relativement avantageuses comme cela a été mentionné plus haut. Seuls trois candidats sur 473 ont été admis à la première session du Bac 2019 série Lettres modernes. Deux lycées (Bagou et Timbedra) n’ont pas eu d’admis. Ces résultats ne changeront pas de manière significative à la deuxième session car les candidats admis à cette dernière sont seulement 118.

Tableau 44 : Les résultats du Bac 2019 (première session)

Bac C Bac A Bac D Total Établissements % % % % Candidats Admis Candidats Admis Candidats Admis Candidats Admis admis admis admis admis Lycée Bagou 35 0 0% 35 0 0% Lycée Diguent 16 1 6% 16 1 6% Lycée Nema 72 15 21% 316 0 0% 952 37 4% 1 340 52 4% Lycée Timber 44 0 0% 37 0 0% 81 0 0% Lycée Amour 28 1 4% 28 1 4% Lycée Bassinot 85 2 2% 75 1 1% 160 3 2% Total/Moyenne 72 15 21% 473 3 1% 1 115 39 3% 1 660 57 3% Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la DREN

117. Recommandation 17. La faible couverture de l’enseignement secondaire et les besoins énormes de mise à niveau de ses élèves appelle une réflexion stratégique sur la finalité de cet enseignement et les voies et moyens d’étendre de manière drastique sa couverture pour améliorer les perspectives de rapprochement de l’atteinte des ODD. Les projections montrent que l’atteinte des ODD suppose un accroissement moyen annuel de 10 % des effectifs sur la prochaine décennie. Cela suppose un réexamen des finalités et des modes de fonctionnement des établissements secondaires. Ces derniers devront choisir entre servir une minorité qui se destine à l’enseignement supérieur ou une majorité pour qui les collèges sont en réalité la fin du parcours éducatif. Ces deux finalités font appel à des programmes et des méthodes d’enseignement et des ressources différentes. C’est une réflexion stratégique que le ministère chargée de l’enseignement secondaire devra engager rapidement pour tracer les contours d’une stratégie opérationnelle et surtout mobiliser les moyens nécessaires à des investissements massifs en infrastructure, en capacite de gestion et en enseignants.

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IX- L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL

118. Le taux d’accès à l’enseignement technique et professionnel est très faible. La wilaya du Hodh Chargui compte une seule école de formation technique et professionnelle qui dispense un enseignement général technique à travers un collège et un lycée aboutissant à la délivrance d’un BEPC et d’un Bac technique ainsi qu’un enseignement professionnel à l’issue duquel les élèves obtiennent des CAP (certificat d’aptitude professionnelle) et BT (brevet de technicien). Pour 2019, l’effectif total des élèves est de 620, dont plus de la moitié sont dans le collège et le lycée technique, se destinant à continuer les études et non à s’orienter vers le marché de travail directement comme c’est le cas des élèves des CAP et BT. Cet effectif représente 5 % de l’effectif des élèves du secondaire, la même proportion qu’au niveau national. La proportion effective est cependant de moins de 3 % si seuls les élèves des CAP et BT sont considérés. Les élèves du CAP sont choisis par les jeunes qui ont obtenu un niveau de quatrième année de secondaire et ceux du BT parmi les jeunes qui ont atteint la dernière année du secondaire.

Tableau 45 : Effectifs 2018-2019 des différentes filières au Hodh Chargui

Filières 1ière année 2e année 3e année 4e année Total

Lycée 32 30 44 106 Collège 60 60 50 49 219 CAP 100 125 225 BT 45 25 70 Total/Moyenne 237 240 94 49 620 Source : École d’enseignement technique et professionnelle

119. L’École de formation technique et professionnelle (EFTP) dispose de l’autonomie administrative et financière et ses dotations budgétaires sont conséquentes comparativement à celles de la DREN. Le directeur est responsable devant un conseil d’administration et ordonnance lui-même son budget, une situation différente du celle du DREN dont la responsabilité en termes de gestion financière est limitée. Pour un effectif de 620 élèves, son budget 2019 était de 3,6 millions de MRU (103 000 dollars US), plus que la moitié du budget de la DREN et avec la différence notable que le directeur a son propre agent comptable qui assure la liquidation des dépenses et donc se soustrait à l’usage de laisser au fournisseur la moitié des allocations budgétaires comme c’est le cas pour la DREN.

120. Ses performances ne sont pas cependant à la hauteur des moyens qui lui sont alloués. Son taux de déperdition est de 20 % pour le collège et de près de 40 % pour le lycée malgré des effectifs réduits et un cadre d’apprentissage relativement favorable. Sur 118 élèves acceptés en première année du lycée, il y a trois ans, 44 sont arrivés en classe de terminale et trois ont obtenu le Bac. Les résultats du collège sont meilleurs. Sur 60 élèves acceptés en première année il y a quatre ans, 49 sont arrivés en quatrième année et tous ont obtenu le brevet. Le taux d’abandon dans la formation avoisine 20 %. À l’origine de cette mauvaise performance, on remarque l’absence d’enseignants dans les disciplines générales, surtout les mathématiques, que l’école ne peut recruter de manière permanente. Elle s’appuie sur des contractuels à faibles qualifications.

121. L’EFTP organise les formations professionnalisantes (BT, CAP) en fonction de ses capacités et non pas en fonction de la demande du marché du travail. Elle ne conduit pas des enquêtes d’insertion de manière systématique et ses relations avec les opérateurs économiques locaux sont limitées. Ses capacités lui permettent de dispenser des formations CAP en menuiserie bois, santé animale, construction métallique (soudure), froid et climatisation, mécanique auto, couture, plomberie, électricité

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bâtiment et des formations BT en mécanique auto, génie électrique et bureautique. Pourtant, son autonomie financière lui donne une certaine flexibilité qui lui permet d’établir des partenariats comme celui qu’elle a fait avec l’Institut national d’appui et de promotion de la formation technique et professionnelle (INAP-FTP) sur financement de la Banque mondiale pour la formation de 20 plombières et de maintenanciers pour les panneaux solaires. Ce programme de formation de courte durée (deux mois et demi) sur des formations identifiées par l’INAP-FTP, qui a une expertise dans ce domaine, est jugé comme une réussite par le directeur de l’école car il permet à de jeunes vulnérables faiblement scolarisés de se connecter au marché du travail et de trouver un emploi. Le directeur juge ce programme beaucoup plus efficace et efficient que les formations CAP.

122. Un nouvel établissement d’enseignement professionnel est en cours de construction avec l’appui du Bureau international du travail (BIT) au camp de refugiés de M’Berra. Ce centre offre des formations en électricité, bâtiment, soudure. La gestion de ce centre et les modalités de son financement ne sont pas encore définies mais il permettra à coup sûr d’élargir les opportunités de formation professionnelle dans la moughataa de Bassiknou.

123. Recommandation 18 : Il est opportun d’inclure aussi les collèges et lycées techniques sur la finalité de l’enseignement secondaire, en particulier d’évaluer leur pertinence comme voie appropriée pour la préparation à l’université compte tenu de leur coût et de leur faible efficacité. Les formations professionnelles diplômantes de longue durée (CAP et BT) et qualifiantes de courte durée devront être mieux connectées à la demande locale de l’emploi telle qu’évalué par les organisations professionnelles locales des métiers. Un cadre de consultation pour l’identification de cette demande devra être mis en place au niveau régional.

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X- L’ÉDUCATION DANS LE CAMP DE M’BERRA

A) Le cadre politique et institutionnel 124. La wilaya du Hodh Chargui jouxte l’Azaouad malien qui est le théâtre depuis 2013 d’un conflit armé dont la fin ne semble pas proche et qui a causé un afflux massif de réfugiés installés dans le camp de M’Berra. Une offre d’éducation a été mise en place pour prendre en charge les enfants et les jeunes refugiés. Le choix s’est porté sur le curriculum malien où le français est la seule langue d’instruction suivant une perspective de retour des réfugiés dans leur pays d’origine qui ne s’est pas encore concrétisée. Cette perspective paraît de plus en plus incertaine suite à la recrudescence des violences dans le nord du Mali et à l’afflux de nouveaux réfugiés. L’offre d’éducation dans le camp de réfugiés devra s’adapter à cette réalité en s’intégrant aux processus de planification des services éducatifs dans la wilaya. Le but est d’assurer une meilleure pertinence des services éducatifs au regard des possibilités d’insertion dans l’économie locale. Il va sans dire que l’utilisation du français comme langue d’enseignement n’est pas dénuée de pertinence car les francophones ont des avantages comparatifs importants dans le marché de l’emploi local. Dans ce cadre, il est utile d’explorer les possibilités d’emploi dans le secteur formel pour les jeunes sortants des écoles du camp de réfugiés, notamment comme enseignants contractuels de langue française tout en leur ouvrant des possibilités de formation dans les écoles normales d’instituteurs. Cependant, le système scolaire du camp devra évoluer vers le bilinguisme (français/arabe) pour s’aligner davantage sur le curriculum mauritanien. Sur ce point, il est utile de noter que l’arabe est déjà enseigné comme matière dans les écoles du camp à la demande des communautés.

125. Bien que la Mauritanie soit signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant, les politiques éducatives nationales ne permettent pas de répondre rapidement et de manière efficace aux besoins d’éducation dans les situations d’urgence. Les cadres nationaux de préparation à l’urgence sont en général faibles et n’intègrent pas l’éducation de manière systématique. Bien que le document cadre de programmation du Système des Nations Unies (SNU) prévoit l’intervention en situation d’urgence, les plans sectoriels d’éducation ne prévoient pas de stratégies pour l’éducation en situation d’urgence, ni les mécanismes de prise de décision et de coordination intersectorielle. Le système d’information de l’éducation nationale n’inclut pas des données fiables sur les zones et les populations à risques de conflits et/ou de catastrophes. Dans ces conditions, la DREN et l’IDEN qui ont la charge, sous l’autorité du wali, de réaliser le droit à l’éducation au niveau régional et local, n’ont pas de plans, ni de capacités institutionnelles pour réagir aux urgences et tentent simplement d’accompagner les agences des Nations Unies qui, de facto, prennent le lead sur les opérations d’urgence. L’appui de l’UNICEF a permis au DREN et à l’IDEN de bénéficier de plusieurs formations en éducation en situation d’urgence à Dakar.

126. Recommandation 19. Créer une unité d’éducation en situation d’urgence au niveau du ministère en charge de l’enseignement fondamental dont la mission serait de planifier et de superviser la mise en œuvre de l’éducation en situation d’urgence et d’être l’interlocuteur du SNU dans ce domaine.

127. Le HCR et l’UNICEF assure avec l’IDEN le leadership pour la planification et la coordination des activités éducatives au camp de M’Berra. Il s’agit pour ces organisations, chacune selon son mandat, d’assurer la réalisation du droit à l’éducation des enfants réfugiés vivant dans le camp afin de leur permettre d’acquérir les bases de la lecture et du calcul et les compétences élémentaires du bien-être et du vivre-ensemble. La coordination se fait à travers le groupe de travail éducation (GTE) des partenaires, qui inclut aussi les ONG partenaires de mise en œuvre. L’IDEN participe et préside les réunions du GTE. Les activités éducatives doivent être coordonnées en lien avec d’autres secteurs comme la santé et la nutrition, l’eau et l’assainissement ainsi que la protection. Les ressources financières sont utilisées pour couvrir les besoins en termes d’infrastructures physiques (construction d’écoles, latrines en nombre suffisant et fournitures de mobilier et de fournitures scolaires), le paiement des salaires et autres frais liés à la formation et à l’encadrement des enseignants. Les deux agences et leurs ONG partenaires ont des compétences techniques substantielles sur le terrain qui travaillent en symbiose dans le cadre du GTE.

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128. La participation communautaire paraît insuffisante. Bien que les parties prenantes de l’éducation tendent à consulter la communauté à travers les voix traditionnellement autorisées (chef du camp, associations des parents d’élèves, association des cheikhs de mahadras, conseil pédagogique) et à renforcer ses structures de représentation (COGES, association des parents d’élèves), celle-ci semble plus jouer le rôle de récipiendaire passif de l’aide à l’éducation que celui d’acteur actif dans la conceptualisation, la planification et la mise en œuvre des activités éducatives, notamment ses franges les plus vulnérables. La voix de la communauté est essentiellement exprimée par le conseil pédagogique, constitué de professionnels de l’éducation au sein de celle-ci qui se sont mobilisés au début des opérations d’urgence pour organiser les activités éducatives. C’est l’interlocuteur privilégié des autorités en charge de l’éducation (IDEN) et des autres parties prenantes de l’éducation. Les autres instances de représentation paraissent moins visibles. Or, les membres du conseil, les directeurs et directeurs adjoints des six écoles primaires et du seul établissement secondaire et le président de l’association des parents d’élèves, sont tous des hommes, pour la plupart des personnes âgées, dont les intérêts et motivations sont probablement différents de ceux des femmes, des jeunes et des groupes ethniques minoritaires. Les parties prenantes de l’éducation semblent être conscientes de ce déficit de représentativité et tentent d’élargir le champ de leur interaction avec la communauté sur les questions éducatives à d’autres segments de la population, notamment les groupes vulnérables (minorités, femmes, enfants, jeunes, personnes ayant des besoins spécifiques) et les autorités traditionnelles, notamment les cheikhs des mahadras19. Ces tentatives n’ont pour le moment pas abouti à la mise en place d’une instance communautaire suffisamment représentative pour porter au mieux la voie de la communauté et assurer son implication active dans la planification, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des activités éducatives.

129. L’insuffisance du niveau de participation communautaire est préjudiciable à la prise en charge effective des besoins d’éducation du camp. L’efficacité des interventions éducatives en situation d’urgence dépend en grande partie de la mobilisation communautaire et du renforcement de ses capacités pour que ces besoins réels en éducation soient correctement identifiés et adéquatement pris en charge. L’autorité en charge de l’éducation et les autres parties prenantes ont le devoir de mettre en place les mécanismes nécessaires à cette mobilisation et à ce renforcement des capacités, en particulier des processus de consultations communautaires qui permettent d’identifier au mieux les besoins éducatifs et de s’accorder avec la communauté sur les moyens de les satisfaire, y compris la contribution de celle-ci pour la mobilisation de ces moyens. Cela n’a pas été fait parce que, comme cela est souvent le cas dans les situations d’urgence, il fallait parer au plus pressé, disponibiliser des services éducatifs et répondre aux urgences humanitaires. Il y a aussi la perception que la communauté n’a pas de ressources et que celle-ci demeure sans traditions éducatives et dépourvue d’expertise dans le domaine de l’éducation. Les parties prenantes de l’éducation sont conscientes de cette insuffisance et tentent d’y remédier à travers l’organisation cette année de larges consultations avec la communauté sur les questions d’éducation dans le cadre de l’exercice Age Gender Diversity Mainstream20 dans le but de cerner les besoins et préoccupations des populations en termes d’éducation.

130. La faible implication de la communauté affaiblit la mobilisation des ressources. Bien que la communauté ne doive pas se substituer à l’autorité en charge de l’éducation qui a la responsabilité légale de fournir les services éducatifs, ses ressources constituent un complément indispensable à l’amélioration de la qualité de ces services. Elles peuvent prendre la forme d’une contribution en main d’œuvre et en matériel de construction pour la maintenance des infrastructures scolaires, ou de volontaires pour l’aide au devoir, un appui à la prise en charge psychosociale des élèves et une amélioration de l’environnement scolaire à travers des animations socio-culturelles et de présence accrue d’adultes au sein des écoles, particulièrement de femmes pour les questions de sécurité. Ces volontaires peuvent être des jeunes qui aident à identifier les enfants vulnérables afin d’encourager leur scolarisation. Ils peuvent aussi être des femmes travaillant comme aide-éducatrices pour améliorer la protection contre le harcèlement et la discrimination afin d’encourager la fréquentation des filles et des personnes ayant des besoins spécifiques. Il est impératif de documenter les différentes contributions des différentes ressources

19 Entretien avec le chef du camp 20 Entretien avec la spécialiste de la protection à base communautaire du HCR

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communautaires pour garantir la transparence et la responsabilité. À l’heure actuelle, les ressources communautaires pour l’éducation se limitent aux cuisinières des cantines scolaires qui continuent à réclamer une rémunération et montrent des signes de démotivation comme l’indiquent leurs retards chroniques21. Les associations de parents d’élèves se mobilisent parfois pour des travaux de maintenance comme le montage des tables-bancs. Les enseignants sont aussi des volontaires22 qui recevaient une prime d’incitation en plus de la ration alimentaire qu’ils reçoivent en tant que refugiés. L’exercice de ciblage prévoit cependant de réduire le nombre de bénéficiaires de ces rations. Cela pourra avoir une incidence sur la motivation des enseignants qui risquent de ne plus en recevoir.

131. Recommandation 20. Les interventions éducatives en situation d’urgence sont plus efficaces quand elles sont planifiées et mise en œuvre avec la participation active de la communauté. Elles ont alors plus de chance de répondre aux besoins de celle- ci, d’être plus pertinentes et mieux à même de renforcer les capacités des participants tout en étant plus soutenables à long terme. Aussi, serait-il opportun de créer des espaces de rencontres pour les jeunes (14 à 18 ans), séparés par genre, pour respecter la sensibilité culturelle et religieuse, où ils proposeraient et mettraient en œuvre des solutions aux défis identifiés de leur communauté en matière d’éducation. La bibliothèque peut être mise au service de la communauté dans ce cadre, notamment pour développer des clubs de lecture en public aux enfants et organiser des focus groups sur les questions d’intérêt communautaire. Le centre polyvalent de l’ONG partenaire ESD et le centre ADICOR financés par le Bureau de la population, des réfugiés et des migrations (BPRM) du département d’État américain pourraient être utilisés dans ce cadre.

B) L’accès à l’éducation dans le camp

132. Les enfants et les jeunes ont accès à une gamme assez large de possibilités d’éducation formelle et non formelle. Cette gamme couvre le préscolaire pour les petits enfants, les deux cycles d’enseignement fondamental et secondaire pour les enfants et les jeunes et les cours non formels d’alphabétisation et de formation technique et professionnelle pour les jeunes et les adultes. Cette gamme est entièrement prise en charge par les agences des Nations Unies. Le HCR assure le paiement des enseignants, directeurs et directeurs adjoints des six écoles primaires et l’UNICEF prend en charge huit centres préscolaires et un établissement secondaire, ainsi que l’enseignement non formel et l’appui pédagogique ainsi que la disponibilisation des mobiliers et fournitures scolaires pour les écoles primaires. Les deux organisations coopèrent pour la construction et la maintenance des infrastructures scolaires qui ont toutes accès à l’eau et à l’assainissement. Le PAM intervient pour les cantines scolaires. Le BIT intervient pour la formation professionnelle des jeunes avec la construction d’un nouveau centre de formation, dédié presque entièrement à la population refugiée. Les organisations déploient aussi une partie significative de leurs ressources sur la sensibilisation de la communauté pour améliorer la fréquentation scolaire de ces différents ordres d’enseignement. La langue d’instruction dans l’enseignement formel est le français comme au Mali et dans le non formel, la majorité apprend en langues locales : tamasheq, songhaï et peulh, en plus du français et de l’arabe. Les programmes d’enseignement aussi sont ceux du Mali, ce qui semble opportun dans la perspective d’un retour proche des réfugiés, mais pose des défis en termes de soutenabilité à long terme. L’enseignement de l’arabe et de l’instruction religieuse a été introduit à la demande de la communauté dans les écoles primaires et secondaire et aussi le tamashek au secondaire.

133. À cette gamme d’éducation formelle et non formelle s’ajoutent les mahadras, structures d’éducation traditionnelle centrée sur l’enseignement coranique. Les mahadras sont entièrement prises en charge par la communauté et enseignent essentiellement le déchiffrage de l’alphabet arabe, la lecture et la mémorisation du Coran. À un stade avancé, leur enseignement peut inclure la langue arabe et les bases de la théologie et du droit islamique. Le nombre de mahadras dans le camp est estimé à plus de 150 et leur fréquentation est à peu près égale à celle des écoles primaires et secondaire. En 2017, 5 574 élèves étaient

21 Entretien avec un directeur d’école 22 Les enseignants sont évalués par le conseil pédagogique avant leur recrutement

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inscrits dans ces dernières alors que 6 013 fréquentaient les mahadras, d’après une enquête23 conduite la même année sous le pilotage du GTE pour recenser les jeunes âgés de 6 à 17 ans vivant effectivement au camp. Les mahadras ne bénéficient pas d’un appui significatif des partenaires techniques et financiers. Plusieurs discussions ont été tenues pour faciliter une meilleure intégration entre les mahadras et les écoles primaires, notamment pour réduire les retards consécutifs à leur double fréquentation. L’UNICEF distribue des kits pédagogiques aux mahadras.

134. Une initiative innovante de développement du préscolaire formel est en œuvre avec l’appui de l’UNICEF. Cette initiative a démarré en 2019 avec l’appui de l’UNICEF qui a permis la création de huit centres préscolaires d’une capacité totale de 400 élèves, soit un taux de couverture de 4,58 %. Les centres sont dans des abris bien construits et adaptés à l’environnement avec des mobiliers et ressources pédagogiques conséquents. Chaque centre est animé par deux monitrices qui reçoivent une rémunération mensuelle de 3 000 MRU (86 dollars US), provenant des fonds alloués par l’UNICEF. Une activité génératrice de revenus a été créée pour la communauté de chaque centre dans le but de générer des ressources capables à terme de prendre en charge au moins une partie des frais de fonctionnement du centre. Cette initiative est de nature à améliorer la préparation des enfants pour la scolarisation au niveau primaire. Elle vient s’ajouter à une offre de préscolaire islamique dont le taux de fréquentation est méconnu. Les mahadras commencent à accueillir les enfants dès l’âge de cinq ans et dans quelques cas, des enfants un peu plus jeunes d’environ quatre ans et demi. Cependant, ces enfants de bas âge ne sont pas séparés des enfants plus âgés et étudient pratiquement dans les mêmes conditions. Le nombre de ces enfants n’est pas connu car les données sur l’enseignement coranique ne sont pas systématiquement collectées et ne sont pas incluses dans le système d’information de l’éducation du camp.

135. La couverture de l’enseignement primaire parait avoir atteint sa limite. En dépit des campagnes soutenues de sensibilisation, l’objectif de 6 000 inscrits dans l’enseignement primaire, ciblé par les parties prenantes, peine à être atteint. Les effectifs des élèves dans les écoles primaires sont un peu dans la même fourchette depuis quelques années. C’est là, probablement le signe que la limite est presque atteinte. C’est en effet ce qu’indique l’enquête de 2017 précédemment citée, qui a évalué la population des 6 à 17 ans à 8 700 au lieu de 17 343 inscrits dans la base du HCR. De ce nombre, il faut soustraire les plus de 5 000 élèves des écoles primaires et secondaires et les 3 000 enfants et jeunes fréquentant les mahadras et non- inscrits dans les écoles du camp. Ceci amène à dire que presque la totalité des enfants et jeunes de la tranche d’âge 6-17 ans vivant effectivement dans le camp semblent être pris en charge par l’une des formes d’éducation disponibles. Les conclusions de cette enquête semblent aussi conformes à l’observation empirique des acteurs locaux exprimée dans les interviews. Cette question mérite un examen sérieux pour mieux asseoir les bases de la planification des services éducatifs. Il est en effet critique de savoir où sont les enfants et jeunes enregistrés dans la base du HCR et qui ne semblent pas pouvoir être atteints par les services d’éducation.

23 Les enquêteurs ont utilisé la base de données du HCR comme référence. Celle-ci comptait 17 348 enfants âgés de 6 à 17 ans en mars 2017. Les enquêteurs ont considéré un enfant ou un jeune effectivement vivant au camp s’ils l’ont vu en personne ou rencontré un membre de son ménage qui leur a donné une information sur là où il se trouve actuellement.

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Graphique 7 : Effectifs et taux de scolarisation par année scolaire au camp de M’Berra

60% 55% 5600 5533 51% 49% 5500 50% 44% 5402 5400 40% 5375 5300

30% 5200

5100 20% 5069 5000 10% 4900

0% 4800 2015-16 2016-17 2017-18 2018-19

Taux brut de scolarisation Effectifs élèves

Source : ONG ESD

136. Les effectifs de l’enseignement secondaire restent limités, mais peuvent augmenter rapidement si la rétention s’améliore au niveau de l’enseignement primaire. Il y a actuellement un seul établissement secondaire qui a accueilli en 2019, 341 élèves dont 267 inscrits au collège, soit 78 % des effectifs. Les taux de transition de la sixième à la septième année sont corrects, de l’ordre de 70 %, mais la rétention au niveau du primaire reste particulièrement faible. Les effectifs de sixième année ne représentent que 3 % du total des inscrits dans les écoles primaires dont à peu près les deux tiers transitionnent en septième année, la première année du collège. Les effectifs du secondaire se sont améliorés sensiblement ces trois dernières années passant de 226 à 341 de 2017 à 2019, soit une augmentation de 50 %, et cette tendance devrait s’accentuer à mesure que la rétention s’améliore au primaire.

137. Une offre substantielle d’éducation non formelle est disponible pour les enfants et les jeunes hors des écoles formelles mais ses standards ne sont pas clairement définis. Les ONG partenaires de l’UNICEF conduisent des sessions de formation pour dispenser les bases de la lecture et du calcul pour les enfants âgés de 10 à 13 ans en dehors des écoles en vue de les réinsérer de nouveau à l’école et pour les jeunes de 14 à 18 ans en vue de leur insertion dans le milieu du travail. Certains de ces derniers bénéficient de formations techniques à l’emploi informel comme la couture et la teinture. Ces programmes incluent aussi souvent des formations aux compétence de vie mais dans l’ensemble, ils ne semblent pas répondre à des standards définis et ne sont pas évalués. Chaque partenaire les met en œuvre à sa façon et leur impact ne semble pas significatif.

138. Les acquis des élèves ne sont pas évalués sur la base de standards d’apprentissage bien définis. Dans les mahadras, des standards existent en Mauritanie, mais seulement pour les stades avancés de cet enseignement, notamment à partir de la mémorisation du Coran. Pour l’écrasante majorité qui n’atteint pas ces stades avancés, le niveau des acquis est inconnu. Pour l’éducation formelle et non formelle, les enseignants conduisent des évaluations périodiques des apprentissages mais sans se référer à des standards correctement définis et largement vulgarisés. Pour l’enseignement non formel, des standards ont été développés par le Gouvernement mauritanien avec l’appui de l’UNESCO, mais sont méconnus par les opérateurs de cet enseignement qui agissent chacun à leur façon. Pour l’enseignement formel, les standards maliens, s’ils existent, ne sont pas vulgarisés. Les acquis des élèves sont évalués à travers des examens périodiques conçus et conduits par les enseignants eux-

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mêmes sans système d’assurance qualité qui permet de s’assurer d’un minimum de fiabilité. Les examens servent essentiellement à déterminer les élèves qui passent en classe supérieure et peu ou pas pour une approche formative visant à calibrer les enseignements dispensés au niveau des élèves.

139. Recommandation 21. La diversification de l’offre d’éducation est convenable pour répondre aux divers besoins en éducation de la population mais elle mérite d’être mieux intégrée pour profiter des effets de synergie et assurer des standards minimums de qualité. Aussi, il est opportun de :

(i) Assurer un partage adéquat du temps scolaire entre les mahadras et les écoles primaires et secondaires pour permettre que les élèves dans les écoles formelles disposent du temps règlementaire pour les programmes maliens, notamment les disciplines essentielles comme la lecture et le calcul. Dans ce cadre, l’enseignement de l’arabe peut se faire dans les mahadras du camp ; (ii) Recenser avec plus de précision la population en âge d’aller à l’école (5 à 17 ans) vivant effectivement au camp et identifier ses besoins en éducation ; (iii) Développer des standards pour l’enseignement non formel et impliquer le service de l’éducation non formelle au MEN et la Cellule nationale d’évaluation dans l’évaluation des acquis des apprenants ; (iv) Conduire une évaluation annuelle externe des apprentissages dans les écoles primaires pour évaluer les niveaux des acquis et proposer des mesures de façon à les améliorer ; (v) Conduire des expériences pilotes d’enseignement préscolaire dans les mahadras du camp.

C) L’enseignement primaire formel

140. Les conditions de scolarisation dans les écoles primaires ne sont pas à même d’assurer les standards minimums d’éducation inclusive. Il y a en moyenne 59 élèves par classe avec des maximums de 68 et 69 élèves par classe dans les écoles 4 et 5 et des minimums de 51 et 53 dans les écoles 3 et 6. Au-delà de 60 élèves par classe, la taille des effectifs a un impact négatif sur la qualité des apprentissages, en particulier pour les élèves à besoin spécifiques et les autres enfants vulnérables qui ont besoin d’un encadrement rapproché. Dans ces conditions et pour assurer une éducation inclusive, les enseignants doivent disposer de bonnes qualifications, notamment dans la gestion des classes de grandes tailles, y compris la capacité de mobiliser des aides, soit parmi les élèves les plus performants, soit parmi la communauté afin d’offrir un enseignement différencié susceptible de bénéficier à tous les élèves. Cela n’est pas le cas dans les écoles du camp où même si les enseignants ont reçu quelques formations dans la gestion des classes pléthoriques, les écoles ne disposent pas d’aide-éducateurs. La conséquence la plus manifeste de cette situation est le fort absentéisme des élèves dont un nombre significatif abandonne et/ou redouble la classe.

Tableau 46 : Nombre d'inscrits et de section par écoles et par genre

Établissements Inscrits Part des Nombre de Nombre d’élèves par Garçons Filles Total filles section section École 1 489 399 888 45% 15 59 École 2 382 369 751 49% 13 58 École 3 362 328 690 48% 13 53 École 4 678 613 1 291 47% 19 68 École 5 381 373 754 49% 11 69 École 6 496 532 1 028 52% 20 51 Total/Moyenne 2 788 2 614 5 402 48% 91 59 Source : ONG ESD

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Tableau 47 : Taux d'absents chroniques par écoles et par genre

Inscrits Nombre d'absents chroniques Taux d'absents chroniques Établissements Garçons Filles Total Garçons Filles Total Garçons Filles Total

École 1 489 399 888 91 76 167 19% 19% 19% École 2 382 369 751 43 35 78 11% 9% 10% École 3 362 328 690 3 0 3 1% 0% 0% École 4 678 613 1 291 63 49 112 9% 8% 9% École 5 381 373 754 62 50 112 16% 13% 15% École 6 496 532 1 028 57 48 105 11% 9% 10% Total/Moyenne 2 788 2 614 5 402 319 258 577 11% 10% 11% Source : ONG ESD

Graphique 8 : Taux de réussite par école au camp de M’Berra sur l’année scolaire 2018-2019

100% 66.16 73.83 90% 88.79 76.21 66.67 71.23 53.89 80% 79.49 86.67

70% 520 3677 477 741 216 474 104 535 610 60% Taux de reussite 50% Passants 40% Participants

30% 721 730 193 4825 673 687 855 324 642 20%

10%

0% 1 2 3 4 Ex 4 5 6 Ex 6 Total

Source : ONG ESD

141. Les conditions de scolarisation sont particulièrement médiocres pour les deux premières années primaires où la majorité des élèves est inscrite, causant des taux de redoublement très élevés. 60 % des élèves sont inscrits dans les deux premières années et près de 40 % en première année. La taille des classes en première année est de 81 élèves et celle de la deuxième année est de 60 élèves. La taille des classes continue à être élevée même si l’on exclut les absents chroniques. Comme

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mentionné plus haut, ces conditions d’apprentissages ne favorisent pas la qualité de l’éducation et contribuent aux taux de redoublements élevés, près du quart des élèves qui fréquentent régulièrement l’école redoublent.

Tableau 48 : Tailles des classes par année

Nombre d’élèves Part de chaque Nombre d’élèves Années Effectifs des élèves par section année par section ajustée 1ère année 2 096 39% 81 69 2e année 1 149 21% 60 56 3e année 1 048 19% 52 39 4e année 570 11% 52 51 5e année 353 7% 39 38 6e année 186 3% 31 28 Source : ONG ESD

Tableau 49 : Taux de participation et de réussite en pourcentage

Taux de participation Taux de réussite Niveau Garçons Filles Total Garçons Filles Total 1ère année 85 87 86 76 72 74 2e année 90 95 93 81 75 78 3e année 89 91 90 70 77 74 4e année 93 94 94 81 78 79 5e année 93 92 93 80 81 80 6e année 89 81 86 87 85 86 Total 89 90 89 77 75 76

Source : ONG ESD

142. Le système d’examen est très pénalisant pour les élèves. Les élèves qui ne réussissent pas aux examens redoublent la classe, induisant des taux de redoublement très élevés, de l’ordre de 25 % en moyenne pour les élèves assidus. Cette situation contribue grandement à l’inefficience du système sans pour autant assurer de meilleurs acquis pour les élèves. Les redoublants tendent plutôt à abandonner l’école et à s’exclure de futures opportunités d’apprentissage. En effet, il n’est pas sûr que les élèves qui redoublent gagnent en efficacité d’apprentissage s’ils continuent à être exposés aux mêmes méthodes d’enseignement, et ce, dans le même environnement d’apprentissage. Une revue de la politique de redoublement devra être réalisée rapidement pour explorer des possibilités de promotion automatique pour les élèves réguliers avec des cours de rattrapage et de soutien scolaire pendant les vacances et/ou durant les après-midis.

143. Les sureffectifs dans les classes sont causés par le manque d’enseignants. Au primaire, il y a 108 enseignants dont 17 sont des arabophones qui enseignent la langue arabe pour un horaire limité par semaine dans chaque classe à la demande de la communauté. Le reste, 91 enseignants francophones, sont les principaux qui tiennent les classes. Il y a donc 91 classes soit

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autant que d’enseignants francophones. Les enseignants semblent expérimentés au regard des années passées à enseigner dans le camp et hors du camp avant la situation d’urgence. Le taux de roulement n’est aussi pas important, car près des trois quarts des enseignants enseignent depuis plus de cinq ans dans le camp, mais certains d’entre eux (10) ont plus de 60 ans et devront être remplacés. Près du quart des enseignants n’a qu’un niveau secondaire.

Tableau 50 : Nombre et expérience des enseignants

Nombre Nombre Nombre Nombre d’enseignants Nombre d’enseignants d’enseignants d'enseignants Écoles Part avec plus de 5 ans Part Part d’enseignants de plus de avec plus de 10 avec DEF d'exp. dans le 60 ans ans d'expérience seulement camp 1 20 1 19 95% 15 75% 3 15% 2 18 1 17 94% 12 67% 0 0% 3 18 1 16 89% 15 83% 4 22% 4 19 3 19 100% 15 79% 4 21% 5 16 2 11 69% 9 56% 1 6% 6 20 2 12 60% 17 85% 11 55% Ex 4 5 0 5 100% 1 20% 3 60% Ext 6 4 0 4 100% 1 25% 2 50% Tot/Moy. 120 10 103 86% 85 71% 28 23% Source : ONG ESD

144. Il est urgent de réduire la taille des classes en augmentant le nombre d’enseignants francophones, essentiels pour l’enseignement des programmes maliens. Le besoin d’enseignants arabes, non essentiels au regard des curricula maliens, a été dicté par la demande du conseil pédagogique d’introduire l’arabe dans le programme pour rapprocher l’école de la communauté. Cette demande est pertinente à plusieurs égards, mais elle pourrait être mieux satisfaite par les mahadras qui sont mieux appropriées pour enseigner l’arabe et l’instruction religieuse. Une stratégie qui n’a pas d’incidence financière serait de convertir les 17 enseignants arabes en enseignants francisant pour constituer 108 sections pédagogiques, ce qui réduirait la taille moyenne de la classe à 50 au lieu de 59 actuellement. Cela ne sera cependant pas suffisant pour un encadrement acceptable des élèves, surtout dans les premières années du primaire. Une simulation du nombre de classe avec un nombre d’élèves compris entre 22 et 44 pour les premières et deuxièmes années et entre 30 et 59 élèves pour les autres années donne un besoin en enseignants de 158, soit un recrutement net de 50 nouveaux enseignants et la reconversion des postes d’enseignants arabes en postes francisant.

145. Des défis existent au niveau du recrutement des enseignants dont le contrat de travail n’est pas formalisé. Les enseignants ne disposent pas de contrat de travail qui préciseraient leurs tâches et responsabilités, rémunération, obligations d’assiduité, heures et jours de travail, durée du contrat et code de conduite en présence des élèves, ainsi que les critères de performances et les mécanismes d’appui et de supervision et d’arbitrage en cas de conflits. Cette absence de formalisation se retrouve au niveau des critères de sélection des enseignants avec les risques que cela peut induire en termes de transparence, d’équité et d’inclusion.

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Les critères de sélection sont de deux ordres : - Le premier est lié à la personne du candidat (âge, genre, groupe ethnique et socio-économique) pour s’assurer d’une certaine diversité dans les recrutements ; - Le deuxième est lié aux qualifications professionnelles des prétendants (niveau d’études, formation professionnelle dans les métiers de l’enseignement, expérience dans l’enseignement, notamment pour l’éducation inclusive, langues parlées, y compris les dialectes locaux) pour s’assurer que le candidat dispose des qualifications minimales pour enseigner.

146. La rémunération des enseignants ne semble pas suffisante pour les mettre à l’abri du besoin et leur permettre de se consacrer entièrement à leur profession. Les enseignants des six écoles primaires se considèrent comme des volontaires, non seulement parce qu’ils n’ont pas de contrat de travail mais aussi et peut-être surtout parce qu’à leurs yeux, l’indemnité mensuelle de 5 500 MRU (157 dollars US) que leur alloue le HCR pour neuf mois de l’année est trop faible pour être considérée comme une compensation juste de leur travail. Ce point devra être examiné au vu des comparateurs locaux pour déterminer ou non sa validité. Ce questionnement n’est pas dénué de fondements dans la mesure où avec le même niveau d’études et de qualifications, les principaux employeurs du camp que sont les ONG ont donné des compensations nettement meilleures que celles des enseignants, surtout dans les premières années de la situation d’urgence. Cela dit, les niveaux de rémunération se sont améliorés, surtout en 2014, où le montant a doublé, pour arriver à son niveau actuel. Pour le HCR qui paye les enseignants, la compensation a été fixée en prenant pour comparateur les salaires des enseignants mauritaniens avec la considération que les enseignants du camp ont un accès gratuit à l’eau, à la santé, à l’éducation et reçoivent une ration alimentaire mensuelle. Le programme de ciblage a réduit le nombre de bénéficiaires recevant l’assistance alimentaire. Il a été suggéré que cette perte de soutien pour les enseignants pourrait être compensée à travers des contributions mensuelles étalées sur 12 mois au lieu de neuf mois. Si cela se confirme, cela sera un pas dans la bonne direction, mais il ne faudra cependant pas faire l’économie d’une réflexion entre toutes les parties prenantes sur les voies et moyens pour mieux rémunérer les enseignants afin de rendre ces derniers plus efficaces et améliorer l’attractivité de leur métier. Cette question de rémunération mérite plus de considération, car elle est au centre des préoccupations des enseignants et un élément critique de leur motivation.

147. Le code de conduite des enseignants en présence des élèves n’est pas formalisé. Ce code qui définit les normes de comportements que les enseignants doivent respecter en présence des élèves au risque de subir des sanctions est important pour s’assurer que les enseignants observent une éthique exemplaire pouvant inspirer les mêmes comportements chez les élèves. Ce code est aussi nécessaire pour instaurer une discipline positive de nature à garantir un environnement d’apprentissage où tous les apprenants se sentent en sécurité et en confiance et où leur droit à l’éducation est satisfait. La bonne pratique est de le formaliser dans un document annexé au contrat de travail et de le disséminer pour que tous les acteurs de l’éducation en prennent connaissance et veillent à son application.

148. Les mécanismes d’appui et de supervision des enseignants sont peu effectifs. Les enseignants peuvent s’absenter de manière répétée et pendant de longues durées sans que cela soit nécessairement documenté, ni que cela induise des sanctions à leur encontre. Ils sont en retard de manière régulière24. Les règles régissant leur absentéisme sont inexistantes et les directeurs d’écoles semblent démunis face à l’ampleur du phénomène. Comme les enseignants, les directeurs d’écoles n’ont pas de contrat de travail qui détermine leur rôles et responsabilités, notamment en termes de supervision et d’appui aux enseignants. Ils sont eux aussi souvent absents et la plupart d’entre eux sont trop âgés pour être en mesure de jouer leur rôle. Ils disposent d’adjoints sur lesquels ils se déchargent souvent, mais ces derniers n’ont pas d’assistants pour les aider à gérer les nombreuses tâches

24 Entretien avec les directeurs d’écoles

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induites par la gestion des établissements scolaires. L’IDEN intervient aussi dans le processus d’appui et de supervision des enseignants mais ses capacités sont aussi limitées. Il n’a pas de moyens de transport et ne dispose que d’un seul inspecteur fonctionnel pour toute la moughataa de Bassiknou. Il conduit occasionnellement des visites d’écoles au camp avec l’appui de l’UNICEF à travers des décaissements trimestriels réguliers et son ONG partenaire ESD, dont la présence est permanente au camp. Cependant, ces évaluations semblent ne revêtir qu’un caractère formel visant à noter les enseignants. Cette note n’a aucune incidence sur la gestion de la carrière des enseignants, ni sur leur développement professionnel.

149. Les enseignants bénéficient de formations, mais de manière peu structurée et sans lien systématique avec leurs besoins. Ces derniers sont normalement identifiés à l’issue d’un processus d’évaluation formative où l’enseignant est mis en situation de confiance pour se découvrir et percevoir lui-même les domaines dans lesquels il a besoin de s’améliorer. Ce n’est qu’ensuite qu’il est orienté vers des formations qui répondent à ses besoins. Or, la relation traditionnelle entre l’inspecteur et l’enseignant ne favorise pas un climat de confiance, car le premier est sensé juger le second et lui donner une note pour dire s’il est bon ou mauvais. C’est globalement le rôle de l’IDEN dont les observations de classes ne sont pas documentées de manière à fournir des indications précises sur les besoins en formation des enseignants. Ces observations n’aboutissent pas à un rapport écrit détaillant le déroulement des séquences du cours et relevant les points forts et les faiblesses de l’enseignant pour l’aider à se développer. Elles ne sont pas suivies par des commentaire faits à l’enseignant pour avoir sa perspective sur les observations de l’inspecteur. Pourtant, ces observations de classes conduites de manière adéquate sont essentielles pour renforcer les capacités des enseignants à travers des formations qui répondent à des besoins et pour les engager en leur donnant l’occasion de s’exprimer dans un climat de confiance et de respect au sujet de leur motivation et sur leurs besoins pour envisager avec eux les meilleures possibilités de développement professionnel. Enfin, les formations organisées tendent à s’inscrire dans des thématiques générales qui ne prennent pas en compte les besoins individuels des enseignants.

150. Les conditions de scolarisation ne garantissent pas le développement psychosocial de l’enfant et sa protection contre les abus. Bien que les acteurs locaux semblent s’accorder sur le caractère plutôt paisible de l’environnement scolaire (la culture autochtone y est certainement pour quelque chose) et que les cas d’abus ne sont pas signalés, les enfants ne sont pas engagés dans des activités récréatives à potentiel éducatif et ne sont pas orientés vers les services spécialisés de protection de l’enfance. Bien que les enseignants aient reçu des formations dans ces domaines et qu’un protocole d’identification des enfants en situation de stress ait été élaboré grâce à l’appui de la section protection de l’enfant de l’UNICEF avec les écoles, aucun cas n’a encore été documenté et référé aux services spécialisés jusqu’à présent. Avec des ratio élèves/enseignants aussi élevés, il est peu probable en effet que les enseignants, par ailleurs peu motivés et sous-qualifiés pour la plupart, trouvent le temps et les ressources pour se consacrer au développement psychosocial des enfants. Il n’y a tout simplement pas assez d’adultes dans les écoles pour fournir un appui psychosocial conséquent aux élèves, même si une formation sur la prise en charge psychosociale en classe a été dispensée à tous les enseignants.

RECOMMANDATIONS Court Moyen Long Responsables terme terme terme Mettre en place un contrat de travail et un code de conduite pour les enseignants X IDEN, UNICEF- HCR- directeurs d’écoles Recruter des enseignants et renforcer leur appui en mettant en place un système X UNICEF- HCR d’évaluation formative fonctionnel Adopter la promotion automatique pour les deux premières années X UNHCR-UNICEF Former et responsabiliser les directeurs pour l’appui et l’encadrement aux X UNICEF enseignants Renforcer les capacités de l’IDEN en nommant un inspecteur spécialement dédié X UNICEF au camp qui sera formé sur le curriculum malien

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XI- CONCLUSION

151. La situation de l’éducation dans la wilaya du Hodh Chargui est préoccupante et appelle une action d’envergure pour sa mise à niveau qui permettrait à la wilaya de s’approcher des objectifs stratégiques que le Gouvernement mauritanien s’est fixé dans le cadre de la SCAPP et plus globalement en ligne avec ses engagements au titre des ODD. Les autorités éducatives auront bientôt l’opportunité de s’engager dans des consultations d’ampleur sur les stratégies éducatives dans le cadre de la préparation du prochain plan décennal. Les recommandations proposées dans ce rapport se veulent une contribution à ces consultations et à ce dialogue stratégique pour améliorer les perspectives d’éducation pour les enfants et les jeunes de la wilaya du Hodh Chargui, et in fine le développement du capital humain et du bien-être des populations de cette wilaya.

152. Il est important de doter la wilaya de capacités solides en planification et suivi-évaluation des sévices éducatifs dont le financement devra, par ailleurs être adéquat, en augmentant de manière substantielle les ressources budgétaires affectées à la wilaya pour l’éducation. Dans ce cadre, il est essentiel de renforcer les capacités de la DREN, de la Cellule régionale de planification et la représentation de l’ONS pour l’élaboration et la mise en œuvre de Plans triennaux budgétisés d’actions articulés avec les PTBA nationaux et basés sur une collecte fiable des données sur le terrain. Il faudrait aussi renforcer et étendre les capacités de supervision de la DREN, de l’IDEN et des directeurs d’écoles primaires pour une meilleure prise en charge des structures de l’enseignement fondamental.

153. Les programmes de la petite enfance devront être accélérés pour arriver aux objectifs de couverture de 20 % à l’horizon 2030 fixées par le Gouvernement. Cet objectif ne peut être atteint sans une collaboration étroite entre le MASEF, le MAIEO, et le MEN pour (i) le développement d’un curriculum et de supports pédagogiques adaptés aux niveaux de compétences des enseignants volontaires de mahadras et des centres préscolaires communautaires et d’une offre publique préscolaire réduite mais de qualité pouvant constituer un modèle pour les mahadras ; (ii) la supervision des écoles coraniques accueillant des petits enfants afin de leur offrir les moyens et l’encadrement pédagogique appropriés pour se mettre aux normes déjà développées par le MASEF ; et (iii) réaliser une étude des modalités de rabaissement de l’âge légal d’entrée à l’école primaire à 5 ans.

154. Il ne sera pas possible d’assurer un accès universel à l’enseignement primaire dans la wilaya du Hodh Chargui sans la contribution de l’enseignement originel qui constitue la seule offre d’éducation dans les petites localités. Cette contribution ne sera pas effective sans la normalisation des structures de l’enseignement originel en conformité avec la loi n°2001-054 portant obligation de l’enseignement fondamental et sans leur offrir des subventions publiques dans le cadre d’un partenariat avec les écoles publiques pour assurer un enseignement fondamental de qualité à tous les enfants. L’amélioration de la qualité de cet enseignement passe par (i) le développement des programmes communs pour les deux écoles suivant l’approche de la pédagogie structurée pour les premiers apprentissages ; (ii) la rénovation/redynamisation de l’encadrement de proximité et la disponibilisation des outils pédagogiques, notamment des manuels scolaires.

155. La carte scolaire de la wilaya devra incorporer les écoles coraniques et le préscolaire et être rationalisée. Toute localité de moins de 500 habitants devra être en mesure de prendre en charge une école coranique comme c’est déjà le cas dans la plupart des localités de cette taille, y compris les formes traditionnelles de compensation des maîtres coraniques. Il s’agirait ainsi d’une obligation communautaire liée à l’obligation légale de la scolarité pour les enfants de 6 à 14 ans. Il est urgent d’augmenter substantiellement le pourcentage des élèves inscrits dans des écoles ayant des conditions minimales d’apprentissage, avoir suffisamment d’enseignants pour faire fonctionner la structure pédagogique, suffisamment de salles de classes et de places assises, de latrines avec accès à l’eau, une clôture pour la sécurité et un bureau pour le directeur. Ces besoins sont évalués dans le tableau ci-dessous pour les écoles complètes et semi-complètes (égales ou à plus de 4 niveaux, au nombre de 172, qui accueillent 56 % des élèves).

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156. La faible couverture de l’enseignement secondaire et les besoins énormes de mise à niveau des élèves appelle une réflexion stratégique sur la finalité de cet enseignement et les voies et moyens d’étendre de manière drastique sa couverture pour améliorer les perspectives de rapprochement de l’atteinte des ODD. Les projections montrent que l’atteinte des ODD suppose un accroissement moyen annuel de 10 % des effectifs sur la prochaine décennie. Cela suppose un réexamen des finalités et des modes de fonctionnement des établissements secondaires. Ces derniers devront choisir entre servir une minorité qui se destine à l’enseignement supérieur ou une majorité pour qui les collèges sont en réalité la fin du parcours éducatif. Ces deux finalités font appel à des programmes et à des méthodes d’enseignement et des ressources différentes. Cette réflexion stratégique devrait être menée rapidement par le ministère chargée de l’enseignement secondaire pour tracer les contours d’une stratégie opérationnelle et surtout mobiliser les moyens nécessaires à des investissements massifs en infrastructures, en capacité de gestion et en enseignants.

157. Il est urgent de reconnaître la double finalité des collèges et réorganiser l’offre du premier cycle du secondaire en conséquence, notamment en créant une offre alternative secondaire de qualité donnant aux jeunes ayant des difficultés scolaires l’opportunité de développer des compétences de bases solides en communication et résolution des problèmes leur permettant de s’insérer dans la vie active.

158. Il est opportun d’inclure aussi les collèges et lycées techniques sur la finalité de l’enseignement secondaire, en particulier d’évaluer leur pertinence comme voie appropriée pour la préparation à l’université compte tenu de leur coût et de leur faible efficacité. Les formations professionnelles diplômantes de longue durée (CAP et BT) et qualifiantes de courte durée devront être mieux connectées sur la demande locale de l’emploi telles qu’évaluées par les organisations professionnelles locales des métiers. Un cadre de consultation pour l’identification de cette demande devra être mis en place au niveau régional.

159. Il est opportun de créer une unité éducation en situation d’urgence au niveau du ministère en charge de l’enseignement fondamental dont la mission serait de planifier et de superviser la mise en œuvre de l’éducation en situation d’urgence et d’être l’interlocuteur du SNU dans ce domaine.

160. La diversification de l’offre éducative est convenable pour répondre aux divers besoins en éducation de la population mais elle mérite d’être mieux intégrée pour profiter des effets de synergie et assurer des standards minimums de qualité. Aussi, est- il opportun d’assurer un partage adéquat du temps scolaire entre les mahadras et les écoles primaires et secondaires et de recenser avec plus de précision la population en âge d’aller à l’école (5 à17 ans) vivant effectivement au camp.

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