No. 8 Septembre 2011

LA LETTRE La 3AF au Salon du Bourget Participation au 17ème Forum Air et Espace 2011

La présence de la 3AF dans le Hall sur la durée du Salon s’est avérée être : • un bon choix compte tenu de notre vocation auprès des jeunes ; • une bonne base arrière Serge Morlan et Bernard Vivier au Salon du Bourget pour des contacts avec l’industrie aéronautique et spatiale.

Le stand 3AF au Salon du Bourget

LA LETTRE • Septembre 2011 La 3AF au Salon du Bourget Participation au 17ème Forum Air et Espace 2011

LA PARTICIPATION La 49ème édition du Salon International DE LA 3AF de l’Aéronautique et de l’Espace, qui s’est déroulée AU FORUM DES MÉTIERS du 20 au 26 juin 2011 à Paris Le Bourget a connu La présence de la 3AF dans le Hall Concorde sur la durée du Salon s’est un grand succès auprès des professionnels avérée être: • un bon choix compte tenu de notre et du public, avec une fréquentation importante vocation auprès des jeunes; • une bonne base arrière pour des des industriels, un record du nombre de stands contacts avec l’industrie aéronautique et spatiale. français et étrangers (2 113 exposants et Les conférences de la 3AF 145 000 visiteurs professionnels), 200 000 visiteurs Ces conférences: grand public, plus de 3 000 journalistes • « Les Métiers de l’Aéronautique et de l’Espace », présentée par Bernard Vivier; et un nombre impressionnant de commandes • « L’Aérodynamique et ses métiers » de Jean Tensi; garantissant à l’industrie française plusieurs années • « Bientôt Ingénieur » de Gérard La- ruelle, directeur du Pôle Astech, émérite d’activité ( annonce notamment avoir 3AF, ont connu un vif succès, attirant chacune une centaine d’auditeurs. enregistré 730 commandes d’appareils). La présentation de Bernard Vivier, liée à la publication du DVD sur les Métiers

2 LA LETTRE • Septembre 2011 LA VIE DE L’ASSOCIATION

Présentation de Bernard VIVIER, président du Groupe Journée « L’Optronique au service de l’Aéronautique ». Régional « Les pays de l’Adour » et de Sylvie LAVALOU Conférence d’Antoine Robin (Onera), en présence de René « ingénieur pour l’école d’EADS », devant un public conquis. Jalin, président de la Commission « Systèmes Optroniques » de l’Aéronautique et de l’Espace nous a d’étudiants et d’institutionnels, fournis- En conclusion, la participation à ce rapprochés, sur ces thèmes, des repré- sant une bonne image de nos presta- salon, situé au cœur de notre activité, a été sentants du GIFAS et d’AIREMPLOI pré- tions et de notre expertise du milieu un bon tremplin pour le développement sents au Forum, pour d’autres futures aéronautique et spatial. de notre association. Une démarche à collaborations. La position stratégique de notre stand poursuivre dans les prochaines années. Une journée thématique dédiée à de 28 m2 à l’entrée du Hall Concorde Nous remercions particulièrement Au- « L'Optronique au service de l'Aéronau- (sous l’aile du Concorde), à proximité rélien RIGOLLET, Jean TENSI, Jacques tique », et organisée par la Commission des salles de conférence, nous a permis SAUVAGET et Bernard VIVIER pour leur Systèmes Optroniques de la 3AF, s’est de prendre de nombreux contacts et un implication, Angélique, Fabrice, Mathilde également tenue sur place le 21 juin. nombre significatif d’inscriptions à la et Séverine du Secrétariat Exécutif pour Elle a réuni plus de 80 personnes. nouvelle « Newsletter Publique 3AF » leur participation ainsi que de nombreux Après un panorama de la filière optro- (environs 200 demandes) et quelques bénévoles du Comité « Jeunes » et des nique en France, cette journée a été inscriptions de membres actifs et de membres du Groupe Régional Île de consacrée à diverses applications du do- jeunes ingénieurs. France, en particulier Annick JACQUART, maine (reconnaissance, surveillance, Des contacts ont été également pris François LAFFON, Jérôme SALOMÉ… modélisation, simulation…). avec des membres collectifs par À 2013… À la demande du GIFAS, des visites Jacques SAUVAGET, avec des de- Serge Morlan, du salon ont été organisées par des mandes de rendez-vous pour une pré- Responsable de la participation 3AF membres 3AF au profit de groupes sentation plus détaillée de la 3AF. au Salon du Bourget

Bernard Vivier et Sylvie Lavalou Jean Tensi et Bernard Vivier sur le stand 3AF

LA LETTRE • Septembre 2011 3 LA VIE DES GROUPES RÉGIONAUX • PROVENCE AIR FRANCE Industries versLa une maintenance offre de services toujours Aéronautique: plus étendue Une conférence de Jean-Louis FOREST, Directeur Programme et Support Clients, Air France Industrie (AFI) Division*

Quelques chiffres caractéristiques: opérations pour les avions et les équipements; • 650 visites de moteurs par an; • la mise en place de programmes Qualité • 330000 éléments référencés et gérés, avec: 100000 consommables; - un répertoire de satisfaction des clients et • 600000 éléments en stock. des diverses normes de qualité applicables; Par ailleurs, une activité annexe apparaît - le suivi de la qualification des personnels; en extension: les conversions et modifica- - des indicateurs de performance des tions de cabines passagers. contrôles. Les travaux de maintenance portent: Le conférencier précise pour terminer • Sur les avions: que AF Industries est le premier opérateur - les grandes visites programmées; au monde à obtenir une certification glo- - les réparations; bale et unique pour ses activités de service - les modifications; et de réparation. - les services d’ingénierie. De nombreuses questions, la plupart très • Sur les moteurs: pointues, ont été posées au conférencier - la surveillance préventive des paramè- par l’auditoire: une centaine de personnes tres de contrôle; dont une trentaine de membres de l’AAAF - les services d’ingénierie. et le reste des techniciens d’Eurocopter. • Sur les équipements avioniques et les Nous avons sélectionné quelques ré- composants hydrauliques, électroméca- ponses: AFI exécute pour l’Armée de l’Air niques, pneumatiques avec la logistique Française l’entretien des AWACS et associée pour constituer une chaîne sécu- des modifications avioniques pour les ravi- risée avec les ateliers réparateurs. tailleurs KC135. AFI est contraint comme L’activité de maintenance aéronautique De plus en plus, AF-KLM Industries pro- l’ensemble des ateliers de maintenance, de (MRO, Maintenance Reparation Overhaul) pose des contrats d’entretien à l’heure de vol suivre les procédures des manuels de main- concerne principalement la réparation non et propose également la gestion des stocks tenance des constructeurs. programmable des avions. Pour AFI, le de ses clients dans le cadre d’un schéma glo- Pour la Compagnie Air France, seuls 1,5 % client principal est Air France, mais cette bal avec un réseau mondial en croissance. des vols connaissent un retard pour une activité s’étend aussi à d’autres compa- Pour les matériels et les services, cause de maintenance. gnies extérieures au groupe. AF-KLM Industries assure non seulement Un difficile problème se pose dans la ges- Les travaux portent sur: le support logistique, mais aussi la direc- tion des logiciels des calculateurs envoyés en • les structures, principalement Boeing tion de la chaine logistique. réparation. et Airbus; Elle apporte des solutions 7/7 jours et La faible rentabilité des compagnies de • les équipements montés par ces 24/24 h pour l’acheminement des pièces transport aérien et les lourds investissements mêmes avionneurs; et ensembles dans le monde entier par son nécessaires à la maintenance conduisent, • les moteurs, CF6, GE90, la gamme réseau. Ainsi, 470000 pièces/an sont im- pour les petites compagnies, à un accroisse- CFM, les APU; portées/exportées et 900000 pièces/an ment de la maintenance sous-traitée à des AFI compte 14000 employés réalisant sont distribuées en interne. industriels du genre de AF KLM Industries. 700000 heures de travail/mois, pour un chif- Sa stratégie de développement porte sur: fre d’affaires de 3 milliards d’euros dont 35 % • l’optimisation du pool en ce qui concerne provenant de 150 clients transporteurs pour sa direction et son dimensionnement; Paul Lemuhot le support d’un total de 1200 avions. Pour • les solutions à mettre en œuvre pour cette activité, AFI dispose de 7 sites indus- réduire les temps de réparation; * Conférence présentée le 27 mai 2011, triels en France et en Hollande comportant • la constitution d’un stock central pour à Eurocopter à Marignane. Article paru 74 postes d’entretien avions en hangar, et optimiser les délais de réparation; dans la Gazette N° 142 de juillet-août 2011 2 cellules d’essai moteurs. • l’amélioration de la traçabilité de toutes les du Groupe Provence Crédits photos Air France Industries Crédits photos Air France

4 LA LETTRE • Septembre 2011 LIBRES OPINIONS

Vouloirle transport supersonique Gérard Fournier, GFIC

• l'avion d'affaires supersonique, très Un faible niveau de bruit ne peut être Lorsqu'en 2006, cher, qui, même avec un nombre de obtenu que par une vitesse d'éjection Mach de vol inférieur à 1,4, aura de des gaz modérée qui nécessite un gros grandes difficultés à avoir un bruit de débit d'air pour assurer la poussée au la Lettre 3AF m'a décollage acceptable et à être autorisé décollage. Mais la croisière supersonique à survoler les terres habitées; impose une vitesse d'éjection élevée ac- demandé un éditorial • le transport supersonique d’environ compagnée d'un débit très réduit. Ces 200 passagers à Mach 3 qui devra sur- deux valeurs de débit, correspondant à (N° 7-juillet-août 2006) voler les terres habitées en subsonique. un rapport de surface de captage d'air Cette présentation porte sur le dernier de 3 pour Mach2 et de 4,6 pour Mach3, de ces trois moyens, qui pourrait être ne peuvent pas être obtenues par un sur le transport accessible à tout un chacun. seul type de moteurs, qu'ils soient à cycle variable ou équipés d'éjecteurs à supersonique, le sujet LE CONCEPT GFIC géométrie variable. Dans une première approche, déjà si- avait déjà un caractère Notre société GFIC a pourtant défini gnalée dans notre éditorial de 2006, nous un concept d'avion de transport super- avions proposé d'adjoindre à des moteurs nihiliste ; rien sonique ayant des propriétés commer- fixes de petite section, destinés à assurer ciales et environnementales intéressantes. efficacement la croisière supersonique, Ce concept se caractérise par: des moteurs escamotables à grand taux de sérieux n'avait été • un temps de parcours très réduit de dilution destinés à assurer un décollage dans de très bonnes conditions de confort; silencieux et une croisière subsonique à fait depuis • un coût du voyage très compétitif; faible consommation. Les énormes ob- • un bruit au décollage acceptable jections au déplacement en vol de gros plusieurs années selon les normes futures; moteurs peuvent être formulées par le • un vol subsonique économiquement commun des mortels. proche de celui des transports subsoniques. Dans une deuxième approche, les et je concluais : « Alors chiffres montrent qu'il est possible de L’approche technique laisser fixes ces gros moteurs dans le aurons-nous un avion Nous avons été invités à présenter les et de les activer au moyen d'en- bases techniques de ce concept, tant trées d'air et de tuyères déployables, rafistolé très coûteux par la NASA au « Workshop on Revolu- quitte à perdre un peu sur leurs perfor- tionary Aircraft for Quiet Communities » mances. Il faut toutefois leur adjoindre mort-né en 2018 tenu du 24 au 26 juillet 2007 à Hampton, alors des soufflantes auxiliaires rétrac- que par l'Académie des Sciences de Rus- tables, sans corps chaud car alimentées sie à la conférence « West-East High en puissance par les gros moteurs fixes. (d'autres sources disent Speed Flow Field » tenue du 19 au 22 no- Les figures 1 et 2 schématisent cette vembre 2007 à Moscou. Une présentation configuration de base dans l'option 2020 ou 2025) ou un à caractère économique en a été faite Mach2. C'est sur ce nouveau concept au dernier congrès de l'ICAS (International qu'a été faite l'approche économique projet innovant sans Council of the Aeronautical Sciences) présentée à l'ICAS. qui s'est tenu à Nice du 19 au 24 sep- Figure 1. Schéma tembre 2010 (Paper 1.7.5, comptes rendus de face d'un gros risques disponibles à la 3AF); je la résume. avion à Mach2 Concorde et les projets des années 90 très peu bruyant aboutissant en 2012 ? ». étaient condamnés par leur bruit au dé- au décollage collage excessif. Une première condition Aujourd’hui, nous pour envisager le transport supersonique ! était d'abaisser son bruit au décollage en dessous des futures limites régle- Figure 2. Vue de n'aurons ni l'un ni mentaires probables de façon indiscuta- dessous d'un ble, sans recours à des hypothèses dou- avion à Mach2 l'autre. Pourquoi ? teuses, à des procédés encore purement très peu bruyant spéculatifs ou à des espérances de dé- au décollage rogation définitivement absurdes. Il y a essentiellement trois façons d'en- Il semble que nous ayons été les visager un voyage de 6 à 12000 kilomètres: seuls à proposer un concept clair et • le transport subsonique qui n'est nouveau dans nos articles de 2004 dans économique qu’avec des conditions d'in- l'International Journal of Aeroacoustics confort difficilement supportables pen- (Vol. 3, N° 3, p. 249) et de 2009 dans le @ dant une douzaine d'heures; Journal of Aircraft (Vol. 46, N° 2, p. 705).

LA LETTRE • Septembre 2011 5 Vouloir le transport supersonique(Suite)

Le cas d'étude est donc un avion de 320 La technique des structures est sup- En fait, l'étude d'un tel avion aurait tonnes au décollage transportant environ posée semblable à celle des subso- dû inclure des distances franchissables 250 passagers jusqu'à 10000 km à Mach niques pour l'évaluation des masses. allant jusqu'à 12000 km et la nécessité 2 ou 3. Il est comparé à un subsonique du ravitaillement en vol serait alors ap- usuel, de même capacité à la même dis- L’approche économique parue clairement. La consommation spé- tance, tel que l'Airbus A340-200. La meilleure Le modèle économique prend pour cifique est multipliée par environ 2 quand possibilité d'installation des gros moteurs point de départ le coût d'un billet pour on passe du subsonique à Mach 2 et est offerte par un fuselage aplati (Fig. 3). un vol subsonique usuel correspondant par 3 à Mach 3. Mais, la durée de vol Figure 3. à une certaine distance aller et retour. étant inférieure d'un facteur 2 à Mach 2 Coupe de la Son montant hors taxes est partagé en et 3 à Mach 3, il y a compensation du cabine trois parties égales (carburant, personnel surcroît de consommation spécifique navigant et frais divers d'exploitation) par la durée du vol. Finalement, c'est pour déterminer les coûts unitaires utilisés l'abaissement de la finesse aérodyna- pour l'évaluation du prix du billet en su- mique qui explique l'augmentation de personique. la consommation par passager et par # Les masses de décollage et d'atterris- kilomètre. sage sont indiquées sur la figure 4 Par contre, la figure 6 montre que les frais de personnel et de repas peuvent Les ailes placées au-dessus du fuselage être réduits de plus de moitié; cette ré- permettent un accès aisé aux moteurs duction résulte et du raccourcissement pour la maintenance, ainsi qu'un train du temps de vol et de la diminution des d'atterrissage court donc léger et peu temps de repos qui en découle. bruyant, et une grande facilité d'évacuation des passagers en cas d'urgence. Avec un diamètre de 3 m pour chacun des cylindres contigus, on peut disposer 8 sièges de front avec deux couloirs. Il y a ainsi beau- coup de place pour les voyageurs et leurs bagages de cabine mais le volume inférieur $ ne peut être utilisé que pour le carburant. La soute à bagages (9 m) et le comparti- Figure 4. Masses au décollage (TO) ment des moteurs (6 m) se trouvent donc et à l'atterrissage (L) pour différents derrière la cabine des passagers (48 m). nombres de Mach de croisière Les propriétés de l'ensemble de propulsion Pour les supersoniques, le nombre de sont rappelées dans les tableaux 1 et 2. passagers doit être réduit au-delà de ^ À noter que la masse de l'ensemble de 8700 km pour respecter la masse totale propulsion dépasse la charge utile (24 t) maximale au décollage (320 tonnes dans Figure 6. Frais de personnel navigant alors qu'elle est inférieure à sa moitié cet exemple). La consommation par pas- et de nourriture pour un subsonique. sager et par kilomètre est donnée sur la Tableau 1. Type de Diamètre Longueur Masse figure 5; elle double en passant du sub- Finalement, la figure 7 montre que le Dimensions des moteur (m) (m) (tonnes) sonique au supersonique (que ce soit à prix du ticket supersonique est très peu moyens de Faible taux Mach 2 ou Mach3) puis croit encore supérieur à celui du subsonique tant de dilution 2,3 6,6 propulsion pour plus rapidement quand il faut diminuer que le nombre nominal de passagers un transport de Grand taux de dilution 2,6 <6 4,8 le nombre de passagers. peut être embarqué. 320 t à Mach2 Soufflante auxiliaire et conduits 2,2 2,6 escamotables Total 28

Tableau 2. Type de Diamètre Longueur Masse Dimensions moteur (m) (m) (tonnes) des moyens de Sans dilution 1,8 5,0 propulsion pour Grand taux un transport de de dilution 2.6 <6 4.8 320 t à Mach3 Soufflante auxiliaire et % & conduits 2.6 3,1 escamotables Figure 5. Consommation de carburant Figure 7. Prix du ticket pour différents Total 25,8 par passager et par km nombres de Mach de croisière

6 LA LETTRE • Septembre 2011 LIBRES OPINIONS

Mais, tout comme les Américains que le supersonique offre des conditions présenté à l’ICAS, qui résout déjà beau- qui ont publié en même temps que de transport très supérieures à celles du coup de problèmes, pour voir quelles nous, nous insistons pour expliquer subsonique. étaient les difficultés restantes et leur que le prix du billet n'est pas la bonne Il n'empêche que cette sur-consom- trouver une solution permettant d’inté- base de comparaison. Un employeur mation a de fortes conséquences com- resser l’industrie, les exploitants et les doit payer le temps de voyage de son merciales et techniques. Dans le modèle usagers le plus rapidement possible; salarié (le temps c'est de l'argent). rappelé ci-dessus, il était choisi que le donc avec les techniques existantes. Comme un bon employé consacre carburant représentait environ le tiers Une initiative tirant partie de techniques une partie de son temps de voyage à du prix du billet pour un avion subso- existantes. son travail et non aux jeux vidéo, le nique. Cette hypothèse est encore d'ac- coût du temps de voyage a été limité tualité malgré les hausses récentes du ET AU-DELÀ à un modeste 50 € de l'heure pour prix du pétrole mais il est vrai que cette DE L’HEXAGONE? être ajouté au prix du ticket et obtenir fraction peut encore augmenter, ce qui ainsi le coût du voyage représenté pénalisera davantage l'avion qui À l'heure où l'on se prépare donc à sur la figure 8. consomme le plus. Du point de vue ne rien faire de concret en France à technique, dans l'exemple discuté, il court terme, rappelons tout de même faut 120 tonnes de carburant pour trans- où en sont les États-Unis grâce à deux porter 24 tonnes de charge utile à présentations de synthèse faites l'an 9 000 km. On dépense alors beaucoup dernier à la « 28th AIAA Applied Aero- plus pour transporter du carburant que dynamics Conference » de Chicago de la charge utile. L'option du ravitaille- (28 juin-1er juillet 2010). ment en vol, non complètement chiffrée pour le moment, semble a priori très Le « 2030 » de attrayante ; elle permet en outre d'envi- La première, « Advanced Concept Stu- sager des distances de vol bien plus dies for Supersonic Commercial Transports grandes. Entering Service in 2030-35 (N +3) » est * signée par quatre dirigeants de Lockheed L’obligation du survol des terres Martin (AIAA 2010-5114). Il s'agit des ré- Figure 8. Coût du voyage à différents en subsonique sultats d'un programme de 18 mois fi- nombres de Mach Une seconde objection majeure est la nancé par la NASA. General Electric, nécessité de survoler les terres en sub- Wyle labs et cinq autres industriels ont sonique. Des études auraient montré aussi contribué à ces travaux, ainsi que Au final, le transport supersonique que cette obligation, même si elle ne des experts très connus des grandes uni- est, dans tous les cas examinés, plus concernait qu'une petite fraction du nom- versités aéronautiques américaines. N +3 économique et bien plus agréable que bre de vols et une petite portion des signifie la troisième génération d'avions le subsonique. vols concernés, suffisait à anéantir le de transport après l'actuelle, ce qui n'est marché du supersonique. Je pense que certes pas du court terme. POUR UNE COMMISSION ces études pourraient être complétées La raison principale de cette étude « TRANSPORT pour: est l'examen de la situation du trafic SUPERSONIQUE » • un supersonique à Mach 3; aérien vers 2030; il y est montré que • un avion qui ne consomme guère non seulement le supersonique s'inclut Sur ces bases, j'ai proposé à la 3AF plus en subsonique qu'un subsonique bien dans le contrôle du trafic mais en de créer une commission technique usuel ; plus il en améliore la productivité. « Transport supersonique » de façon à • des compagnies de premier rang Bien que cet article comporte 55 pages amorcer une réflexion préliminaire devant qui sont focalisées de façon volontariste et 36 références, il n'accorde qu'un cha- précéder toute démarche plus formelle sur les vols transpacifiques. pitre de 3 lignes (!) à la propulsion. C'est vers l'industrie et les services officiels. pourtant là qu'on risque de découvrir le Cette proposition a été examinée par le Des objectifs difficiles à concilier point faible des concepts encore basés Haut Conseil Scientifique qui m'a invité Une troisième objection majeure sur un type unique de moteurs. à ses débats. concernait le style de travail de l'éventuelle C'est mettre la charrue avant les bœufs Il a finalement donné un avis négatif commission. Le Haut Conseil entrevoyait alors que notre concept est bâti à partir de pour les raisons suivantes. une commission destinée à recenser et son système de propulsion. Plus gravement, mettre à jour les difficultés persistantes. c'est croire encore que, sur un tel avion, le Une sur-consommation Un sous-titre envisagé pour définir l'ac- propulseur est un accessoire que l'on attache de carburants fossiles tivité de l'éventuelle commission a été: quelque part, ce qui n'a plus de sens. Dans le contexte de réduction de l’utili- « Quelles de rupture Ce travail américain a inclus et inclura sation des carburants fossiles, il serait peuvent rendre possible le vol (com- un gros effort de communication pour délicat de proposer un avion qui consomme mercial) rapide? » faire admettre la solution supersonique environ deux fois plus que les subsoniques Ma proposition, toute différente, par le public (pourvu qu'ils n'oublient actuels ou à venir. Je continue à penser consistait à se référer à l’avant-projet pas de prêcher en France).

LA LETTRE • Septembre 2011 7 Vouloir le transport supersonique(Suite)

Il comprend aussi un gros effort pour Rolls-Royce North American Technologies, décollage, des moteurs cryogéniques atténuer le bang, même sans prétendre Georgia Institute of Aircraft pour la montée supersonique et des sta- le rendre acceptable, et il inclut enfin le System Development Lab, M4 Engineering toréacteurs pour atteindre Mach 4. Une plan de travail pour développer les tech- et Wyle Laboratories, ce qui fait beau- fois de plus, le bruit a été oublié et il niques nécessaires. coup, même pour un programme de faudra rajouter une turbosoufflante, ce Ses objectifs sont un avion de 100 places 5 ans soutenu par la NASA, par rapport qui fait qu'avec quatre types de moteurs volant à Mach 1,6 sur 9000 km avec une à l'activité européenne sur la même différents, cet avion serait plutôt une consommation de 0,067 kg de fuel par période ! espèce de musée. passager-km et un bruit réduit de 20 à 30 On note d'abord le curieux créneau EPN décibels cumulés par rapport au cha- de temps: 2020-2035. Les objectifs CONCLUSION pitre 3. Ce dernier objectif n'en est pas NASA étaient, à moins de Mach 2 et vraiment un car -20 dB est assez accessible avec un bang modéré: Concorde n’a existé que sur ordre du alors que -30 ne l'est guère. Les autres ob- • pour N +1 (2010-2015), l'avion d'affaires; Général de Gaulle, sic transit gloria jectifs sont suffisamment modestes pour • pour N +2 (2020-2025), 25 à 100 mundi… Il apparaît maintenant que le être réalistes et reflètent bien les difficultés passagers avec un bruit réduit de 10 à prochain transport supersonique est qu'ont déjà enregistrées les spécialistes 20 dB cumulés par rapport au chapitre 3; aussi nécessairement en attente d’une mais, à force d'être prudents, ils finissent • pour N +3 (2030-2035), 100 à 200 décision gouvernementale exprimant la par manquer d'intérêt: charge utile, vitesse passagers avec un bruit réduit de 20 à demande du peuple. Cette demande et distance trop faibles pour susciter l'en- 30 dB cumulés par rapport au chapitre 3 sera évidemment confortée par le nombre thousiasme alors que la consommation et une diminution de la consommation. d'emplois qui en résulterait. est trop grande (nous proposons 0,05). Boeing, visiblement mal à l'aise, tente De nombreuses configurations ont été de faire passer un projet N +2 pour la Gérard Fournier, envisagées pour lancer la MDOA (Multi-Dis- période N +3. Ils disent d'ailleurs clairement GFIC ciplinary Analysis and Optimization) qui a qu'ils ne peuvent pas tenir simultanément abouti au choix de la configuration en V in- les objectifs de bang modéré et de consom- versé. Cette conclusion résulte de l'importance mation réduite pour N +2. Ils proposent Éditeur qui a été donnée à la modération du bang et pour 2035 un concept assez bâtard appelé Association Aéronautique et elle se paye très cher en termes de perfor- Icon-II. Boeing a utilisé sa propre étude Astronautique de France - 3AF mances. Par exemple, la finesse “optimisée” des marchés pour redéfinir les objectifs et 6, rue Galilée, 75016 Paris est à 8 alors que le dessin de départ était à examiné, comme Lockheed, un grand nom- Tél.: 01 56 64 12 30 10. Il est encore espéré que les améliorations bre de configurations très différentes. Les Fax: 01 56 64 12 31 futures de laminarité permettront de remonter caractéristiques d'Icon-II sont: 120 passa- Directeur de la Publication à plus de 10 en conservant le bang modéré. gers, Mach 1,6 à 1,8, un bang modéré, un Michel Scheller Leurs chiffres de bilans de masses en bruit à 30 dB cumulés en dessous du cha- Rédacteur en chef Khoa Dang Tran livres pour 100 passagers sont voisins des pitre 3, une distance de vol de 10000 km Comité de rédaction nôtres en kilogrammes pour 263 passagers et une consommation de 0,054 kg/pass.- Michel de la Burgade, avec des distances de vol similaires, ce qui km. Ces chiffres assez sympathiques ne Jacques Sauvaget, est cohérent. Comme il a déjà été dit au sont donnés qu'à l'horizon 2035 parce qu'ils Jean Tensi, Bernard Vivier. sujet de la figure 8, ces auteurs considèrent, reposent sur des hypothèses technologiques Rédaction comme nous, que le paramètre final pour complètement invraisemblables pour la pé- Tél.: 06 81 88 98 51 les comparaisons économiques n'est pas le riode N +2. En particulier, les données sur E-mail: [email protected] prix du billet mais le coût du transport, qui le bruit ne sont pas vérifiables, faute d'in- Conception en résulte après la prise en compte du temps formations sur le système propulsif. Khoa Dang Tran, Easy-to-Design passé en vol par le passager; et ils concluent [email protected] alors à l'avantage économique du superso- Le ZEHST d’EADS Imprimerie BIALEC, Nancy nique sur le subsonique. Ayant un peu tardé à terminer cet article, Dépôt légal: 3 e trimestre 2011 j'apprends que EADS va montrer au Bourget Crédits Photos : Le « 2035 » de Boeing une maquette d'avion de transport devant Air France Industries, GFIC, Snecma L'autre présentation « Supersonic Ve- voler à Mach 4 en 2050, le ZEHST (Zero hicle Systems for the 2020 to 2035 Ti- Emission High Speed Transport). Le 2035 meframe » a été faite par trois dirigeants de Boeing permettait de dire un peu n'importe Ont notamment participé de Boeing (AIAA 2010-4930). « Que » quoi, le 2050 d'EADS le met à l'abri de toute à ce numéro: 25 pages et aucune référence. La pro- critique; on peut rester zen avec le ZEHST. Serge Morlan, Paul Lemuhot, pulsion est à nouveau passée à la trappe Alors, pour parler dans le domaine du Gérard Fournier, Pierre Mouton. car une communication spécifique était rêve, retenons tout de même l'idée fon- prévue ultérieurement mais je n'en ai damentale de monter fortement en alti- pas encore connaissance. Pas moins de tude pour réduire les émissions et le ISSN 1767-0675 Droit de reproduction, textes et 35 collaborateurs Boeing sont cités plus bang tout en gagnant sur la vitesse. illustrations ceux (non chiffrés) de sous-traitants tels EADS propose d'embarquer trois types réservées pour tous pays que General Electric, Pratt & Whitney, de moteurs: des turboréacteurs pour le

8 LA LETTRE • Septembre 2011 LES histoires de L’HISTOIRE Origine et Concepts de la Régulation ATAR

Par Pierre Mouton – Ancien Snecma du secteur régulation « YLR/YZ »

Le turboréacteur ATAR a constitué le française, à Rickenbach, au bord du lac lien entre Gnome et Rhône, le grand de Constance dans une ancienne usine Aborder en l’an 2011 motoriste d’avant-guerre (celle de 1940) Dornier. L’établissement pris le titre d’« Ate- l’histoire du et Snecma (créée en 1945) le numéro 4 lier Aéronautique de Rickenbach » dont des motoristes mondiaux actuels. Sans l’ATAR tirera son nom. turboréacteur ATAR, lui, sans cet épisode qui a constitué une Le choix de M. Oestrich avait été judi- chance venue de l’extérieur, Snecma, cieux, son expérience étant fondée sur ou plutôt de son aurait certainement, de manière à faire le développement du moteur BMW 003, vivre ses usines et équiper notre Armée le plus avancé techniquement des deux système de de l’Air, été condamnée à une prise de turboréacteurs que l’Allemagne avait mis régulation, peut licence d’un moteur anglais. Une perte en service opérationnel. de capacité de conception puis une dis- surprendre, parition pure et simple en auraient cer- Le contexte de l’immédiat tainement été le résultat. après-guerre ce moteur, On peut se demander pourquoi ces L’HISTOIRE DES HOMMES: ingénieurs se portèrent volontaires pour appartenant LE GROUPE « O » une telle aventure et pourquoi les Anglais aujourd’hui au et américains ne s’opposèrent pas plus Une équipe technique très convoitée aux intentions françaises. Là encore il passé. Mais c’est Nous devons cette chance à l’idée gé- faut se replacer dans le contexte de niale, germée dans notre administration, l’époque. parce que que nous devions attirer chez nous l’élite Pour un ingénieur allemand, spécialiste des ingénieurs allemands et autrichiens, du moteur à réaction, son savoir faire cette histoire qui en 1945 avaient l’expérience de cette était le capital le plus important pouvant nouvelle technologie. le protéger, lui et sa famille, de la famine. représente Pour en comprendre l’audace, cette Seulement, l’industrie allemande étant un exemple de idée voulant que, pour en obtenir l’entière détruite, cette spécialité imposait l’expa- coopération, ces ingénieurs viennent de triation. Le choix du pays d’accueil n’était coopération entre des leur plein gré, doit être replacée dans le pas difficile, le souvenir des bombarde- contexte de l’immédiat après-guerre, ments meurtriers des B24 et autres Lan- hommes que rien ne dans lequel l’Allemagne vaincue faisait casters était encore trop récent pour ren- l’objet de tant de ressentiments de la dre l’Amérique ou l’Angleterre attirantes. rapprochait au part du peuple français. La campagne de Russie avait par ailleurs début, de La première étape a consisté à identifier causé tant de souffrances que, pour un un ingénieur en chef, dont la tâche au allemand en 1945, immigrer en URSS persévérance dans début serait la sélection puis l’engagement de son plein gré était inimaginable. des membres d’une équipe. Des person- Restait la France pour laquelle n’existait l’effort de nels français travaillant chez BMW au aucun ressentiment et qui, somme toute, titre du STO (service du travail obligatoire) ne demanderait qu’une retraversée du développement et prirent contact avec H. Oestrich, l’ingénieur Rhin en cas de changement d’avis. De en chef de BMW, qui accepta. plus le contrat proposé était limité dans le finalement de Jusqu’au début de l’année 1945 l’usine temps (5 ans), le lieu de travail, pour com- réussite technique et BMW se trouvait à Spandau près de mencer, se situait en Allemagne et M. Oes- Berlin. De là elle déménagea à Stassfurt trich devait constituer pour ces spécialistes commerciale, qu’elle dans des ateliers souterrains aménagés un écran hiérarchique, administratif et dans une ancienne mine de sel pour se technique avec les autorités françaises. mérite d’être protéger des bombardements alliés. Comme cet endroit était destiné à se Du moteur BMW 003 rappelée. trouver en zone d’occupation soviétique, au moteur ATAR les Américains, arrivés les premiers, Les autorités anglaises, en 1945, avaient conscients de la valeur que représentait obtenu des Américains le transfert tem- l’équipe technique BMW, la transférèrent poraire de M. Oestrich à Londres pour alors à Munich dans leur zone. Une pre- l’interroger, mais, sous la pression amé- mière difficulté. L’accord conclu avec les ricaine, elles lui permirent de retourner Français fut donc de déménager l’équipe en Allemagne. Sans doute pensaient- et les familles au nez et à la barbe des elles en savoir plus que lui sur les turbo- Américains pour les ramener en zone réacteurs pour lui témoigner de l’intérêt.

LA LETTRE • Septembre 2011 9 Origine et Concepts de la Régulation ATAR (Suite)

Les Américains lui offrirent alors de venir, À Rickenbach deux ingénieurs français Allemands risquaient moins de provoquer avec une petite équipe, travailler aux furent adjoints au groupe allemand, dont la jalousie des Français soumis à des États-Unis mais, l’offre française étant M. L. Jumelle, alors sous lieutenant, restrictions sévères. plus intéressante, il déclina. et qui sera, 20 ans plus tard, un acteur Par ailleurs cette usine ne faisait pas Le recrutement de 120 ingénieurs et de premier plan de la participation partie de Snecma, tout en en étant très techniciens d’origines diverses (BMW Snecma au programme Concorde. proche. En effet M. P.-L. Weiller, l’ancien principalement mais aussi Junker et administrateur de Gnome et Rhône, Heinkel) fut donc très facile et le travail Le transfert en France prétendait que Voisin, qui était une commença à Rickenbach, sous admi- et un choix de site mûrement réfléchi filiale de Gnome et Rhône, était en fait nistration française (Cdt Sneider) dès la En juin 1946, la commission quadripartite une propriété personnelle et échappait fin de l’année 1945. d’armistice de Berlin décida de taxer les donc à la nationalisation « punitive ». Il Les spécifications imposées par le mi- « exportations », au titre de prises de ne faisait cependant aucun doute nistère (DTI) au groupe “O”, comme sera guerre, de matériel allemand vers les pays qu’après règlement du litige cet éta- nommée l’équipe Oestrich, impliquaient d’occupation, ce que provoqua le transfert blissement reviendrait à Snecma, mais la conception et la mise au point d’un sans délai de l’atelier de Rickenbach vers plus tard. D’autre part, en 1946, Rateau turboréacteur de 1800 kgp de poussée la France. Le matériel (seul taxé) partira était en conflit avec Snecma pour spo- destiné à être construit par Snecma, dont en premier (267 trains!), le personnel en- liation de brevets à propos de l’exploi- le rôle, dans l’esprit des gouvernants de suite, les hommes d’abord en juillet 1946 tation qu’elle faisait de l’expérience tirée l’époque, devait se limiter, pour les turbo- puis les femmes et enfants en août. des moteurs allemands Jumo 004 et réacteurs, à une activité de fabrication. L’usine Voisin de Decize dans la Nièvre BMW 003. En attendant que ces deux Ce moteur, qui s'appellera « ATAR », constitua le point de regroupement, les affaires se règlent, le choix de Decize constituait en fait la réalisation d’un mo- familles étant logées dans une ancienne était donc judicieux. teur directement dérivé du BMW 003, caserne de gardes mobiles. Le choix de Le travail de conception continua sans sur lequel le personnel du groupe « O » ce site avait été mûrement réfléchi. Loin accroc et de nouveaux membres français possédait une large expérience. de Paris, les conditions de vie de ces du groupe arrivèrent.

Fig. 1 - Le Bureau d’accueil du Centre de Melun-Villaroche, en 1952

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La fin du groupe « O » Mais quittons l’histoire des hommes championne incontestée du turboréacteur Le groupe « O » sera dissous, comme et revenons à notre sujet, beaucoup plus à cette époque et où le compresseur cen- prévu, en 1950 et son personnel intégré technique, qu’est la grande épopée de trifuge et les chambres tubulaires étaient à la direction technique Snecma restera la régulation du moteur ATAR. d’emploi généralisé. à Decize jusqu’en 1953, année où il sera Le choix d’un compresseur axial pour déplacé à Melun-Villaroche, le centre LE PROTOTYPE ATAR l’ATAR constituait en réalité la continua- d’essais nouvellement créé de Snecma tion d’un choix judicieux qu’avaient fait (figure 1). Des choix techniques initiaux judicieux les Allemands (Junker en premier) pen- À cette époque un certain nombre d’Al- En juin 1946 l’avant-projet du prototype dant la guerre. lemands étaient retournés en Allemagne 101V de l’ATAR, était terminé (figure 2). Le choix d’une tuyère à section varia- ou avaient émigré aux États-Unis, mais la Il ressemblait beaucoup (le contraire eut ble, comme sur les Jumo 004 et autres plupart décideront de rester, leurs enfants été étonnant) au BMW 003. BMW 003, ne se justifiait pas en lui- et eux-mêmes étant devenus « français », Le prototype ATAR était un moteur de même (les moteurs anglais étaient à leur situation établie et l’industrie allemande petit diamètre, grâce à l’utilisation d’un tuyère fixe) mais offrait le moyen de du moteur n’ayant pas redémarré. La pro- compresseur axial (7 étages et un taux compenser les déficiences des chambres portion de personnel français par ailleurs de compression de 4/1). Il comprenait allemandes qui avaient beaucoup de allait croître d’une manière continue, facilitée une chambre de combustion annulaire mal à contenir leurs flammes en altitude. en cela par la proximité des centres Snecma à 20 brûleurs, une mono-étage Ces chambres génératrices de « post de la région parisienne ce qui permettra à aubes refroidies (TET 800 °C), une combustions parasites » allaient forcer, une transition douce où, dès 1975, la situation ligne d’arbre à rotule sur trois paliers et en plus de la tuyère variable, le dévelop- était redevenue nationale à près de 100 %. une tuyère à aiguille à section variable. pement d’un système de régulation de En résumé, et de l’avis même des Ces caractéristiques constituaient un la température de turbine, deux dispositifs participants, allemands et autrichiens excellent point de départ pour des déve- qui allaient permettre très tôt l’adaptation comme français, cette aventure aura été loppements futurs et s’écartaient nota- aisée au moteur d’un dispositif de post une entière réussite. blement de ce qui se faisait en Angleterre, combustion très performant.

Fig. 2 – Le prototype ATAR 101 V en 1953

LA LETTRE • Septembre 2011 11 Origine et Concepts de la Régulation ATAR (Suite)

Un succès dans la durée participe à la réalisation du cycle moteur, La genèse de la régulation ATAR De 1700 kgf de poussée après un la fonction « régulation » est beaucoup Pour comprendre la genèse de la régu- mois d’essais du prototype (avril 1948), plus abstraite car ne « produisant » rien lation de l’ATAR il faut savoir quelle était le moteur toujours conforme à ses au niveau du cycle. la base de l’expérience de ceux qui l’ima- concepts originaux de 1946, terminera Par ailleurs, son caractère « bouclé » avec ginèrent il y a près de 60 ans de cela. son développement (1975) à plus de les paramètres « interne » de fonctionnement Le premier turboréacteur que l’Alle- 7000 kgf, plus de 5000 moteurs ayant du moteur, comme les pressions et tempé- magne mit en service fut le Junker Jumo été fabriqués, un certain nombre d’entre ratures, demande pour l’appréhender de 004 qui équipa le Me 262. eux étant toujours en service aujourd’hui considérer l’ensemble de la machine. La régulation de ce moteur était relative- dans de nombreuses armées de l’air. Par opposition, l’activité « équipements », ment évoluée donnant au pilote la possibilité c’est-à-dire celle qui concerne la réalisation d’imposer un régime de rotation qui était LA FONCTION des divers composants mettant en œuvre maintenu constant par un régulateur tachy- « RÉGULATION » la fonction « régulation » est, elle, beaucoup métrique, dit « Isodrom », agissant sur le ET L’ÉTAT DE L’ART EN 1945 plus transparente, le fonctionnement d’une débit carburant et de limiter, si nécessaire, la pompe ou d’un vérin s’expliquant dès température indiquée de la turbine par action La « régulation », une activité qu’on se penche sur leurs plans. manuelle sur l’asservissement de tuyère. mystérieuse L’objectif qui est fixé au concepteur d’un Cependant ce système (figure 3), ne com- L’activité « régulation » et l’organisation système de régulation est de créer une portait aucun moyen automatique de protection qui la met en œuvre ont toujours été « interface » entre le pilote et la turbomachine contre le pompage et l’extinction ce qui imposait perçues comme relativement mystérieuses. telle que celui-ci obtiendra de celle-là une au pilote des mouvements lents de la manette Ceci provient, sans doute, qu’à la différence réponse précise et rapide à ses ordres de et par cela rendait le moteur très « mou ». des composants du moteur, comme le variation de poussée tout en la protégeant Les contraintes de la guerre conduisirent compresseur, la chambre ou la turbine, il des conditions anormales de fonctionne- les responsables de l’armement à imposer est difficile d’en visualiser la fonction. ment comme la surchauffe, la survitesse, à BMW, pour le BMW 003, la régulation Alors que pour un compresseur, par le pompage ou encore l’extinction. Junker qui était déjà en production. De exemple, il est très facile de comprendre, Ce sera au concept de régulation de petites variantes entre ces deux modèles à la simple vue de plans de réalisation, l’ATAR que cet exposé va se consacrer ont existé au niveau de la commande de le mécanisme d’élévation de pression et non pas à la description des équipe- tuyère, Junker utilisant un système hydrau- et comment cette élévation de pression ments qui la composent. lique (moteur hydraulique à engrenages et

Fig. 3 – La régulation du Junker « JUMO 004 »

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Fig. 4 – Les hommes de la régulation à Decize

mécanisme pignon/crémaillère) et BMW M. Siegfried Decher sera à l’origine la régulation tachymétrique des moteurs un système électrique (moteur électrique du régulateur 6000 ou encore de « la allemands de la guerre. et mécanisme vis/écrou). À noter aussi nouvelle Régulation » comme elle était Maintenir automatiquement la tempé- que la dernière version du BMW 003 pos- appelée à cette époque. M. Decher, ve- rature à sa valeur maximum était plus dif- sédait une protection automatique (très nant de chez Junker, avait rejoint très ficile. Pendant un temps il fut envisagé de rudimentaire) contre le pompage utilisant tôt l’équipe Oestrich en novembre 1945, mesurer la température derrière turbine comme paramètre la pression sortie com- alors qu’il était âgé de 33ans (figure 4). avec une sonde mécanique à dilatation presseur. M. Decher y restera 7 ans, puis quittera modulant une pression d’huile (figure 5), Les spécialistes « régulation » du groupe Snecma. Il était secondé par M. Bernhard la technologie de l’époque n’autorisant « O » étant MM. Stein et Decher, d’origine Hoffmann qui avait le même âge, et qui pas d’une manière fiable l’emploi de ther- Junker et M. Hoffman d’origine BMW, il prendra sa succession, à la tête des avant- mocouples qui auraient imposé l’utilisation n’est donc pas surprenant que l’ATAR projets « régulation » de Snecma jusqu’à d’un amplificateur électronique à lampes. ait repris les bases de cette régulation. son propre départ en 1959. Ces deux brillants C’est M. Decher qui, se souvenant de spécialistes, autant ingénieurs qu’ingénieux, résultats d’essais du Jumo 004 obtenus LA NOUVELLE peuvent être considérés comme les « pères » au banc d’altitude, identifiera, d’une manière « RÉGULATION » ATAR du concept de régulation de l’ATAR. pragmatique essentiellement qualitative, la loi fameuse de régulation de l’ATAR. Les pères de la nouvelle régulation La fameuse « loi de régulation » de l’ATAR Cette loi appelée « loi de régulation » Le groupe « O » se concentra au début L’idée a été de profiter des deux para- énonce que si le régime de rotation est sur le dessin de la turbomachine de base mètres que l’on pouvait faire varier, le maintenu constant, la température stabilisée et le premier moteur qui fût mis en essais débit carburant et la section de tuyère, dans la chambre le sera également, et en mars 1948 avait des commandes ma- pour obtenir, d’une manière automatique, cela pour toutes les conditions de vol, à nuelles de débit carburant et de tuyère, le maximum de poussée possible cor- condition qu’une certaine relation associant indépendantes et installées, non sur le respondant aux maxima du régime de le débit carburant à l’élévation de pression moteur, mais dans le banc d’essais. rotation permis (débit d’air maximum) dans le compresseur soit satisfaite. Ce répit devait être utilisé pour terminer et à la température maximum tolérable La modulation de la section de tuyère était la conception, sur la base de la régulation (vitesse d’éjection maximum). alors disponible pour satisfaire cette relation. Junker, d’un système beaucoup plus Maintenir le régime à sa valeur maxi- Un des avantages de cette loi de régula- performant. mum était facile, il suffisait de dupliquer tion sera de permettre, plus tard, d’adjoindre

LA LETTRE • Septembre 2011 13 Origine et Concepts de la Régulation ATAR (Suite)

Fig. 5 – au moteur un dispositif de post combustion, Avant-projet sans aucune remise en cause de son sys- de régulation tème de protection contre la surchauffe. de température (1946) La protection contre le pompage En juin 1949, la régulation tachymé- trique seule est essayée au sol sur un prototype ATAR A0, puis, en octobre, ce sera le tour d’un régulateur complet incorporant la régulation de tuyère. La protection contre le pompage ne pouvait pas se contenter du dispositif BMW limitant la pression d’injection du carburant en fonction de la pression de refoulement du compresseur. Ce principe (qui était fondamentalement mauvais, le débit aux injecteurs n’étant pas pro- portionnel à la pression d’injection) ne sera utilisé que comme correcteur, la protection de base devant venir d’un li- miteur de vitesse de la variation relative du débit carburant. Ce système qui ne prenait pas en compte la marge effective existant entre le point de fonctionnement et les limites de pompage et d’extinction dut, lui- même, être abandonné dès les premiers essais en vol sur avion monomoteur.

Un atterrissage en vol plané, à l’origine du système de « double butée » Une anecdote, qui m’a été racontée par M. Odeyer, spécialiste régulation attaché aux essais moteur au début des années 50, relate comment s’est fait (rapidement) ce changement de système. Les essais en vol du prototype Marcel Dassault Ouragan MD 450-01 équipé du moteur ATAR 101 B0-1012 (figure 6, page 15) commencèrent à Melun Villaroche le 5 décembre 1951. L’avion était aux mains du colonel Rozanoff, le fameux pilote d’essais, dont le caractère franc et la parole rugueuse étaient bien connus de tous. L’avion avait déjà essuyé plusieurs pompages et extinctions en altitude, mais lorsque le moteur s’est éteint en approche finale sur réduction de manette (sans doute de Snecma auprès des essais en vol Dassault évolueront au cours du temps mais sont trop brutale), et que l’atterrissage dût se faire imagina la solution qui allait être à l’origine toujours reconnaissables sur les ATAR qui en vol plané, c’en a été trop pour notre du système dit de « double butée » et qui volent encore aujourd’hui, signe indiscutable célèbre pilote. Il imposa que Snecma trouve sera essayée en vol sur Ouragan 02 en de la justesse des choix d’origine. immédiatement une correction au problème. septembre 1952 à la complète satisfaction La proposition faite le rendit, paraît-il, du redoutable colonel. Ce système permet La post-combustion pour un accrois- fou de rage. Il lui fut proposé par M. Bors- de limiter le débit carburant en valeur mini- sement momentané de la poussée doff, le patron des essais en vol Snecma, mum (extinction) et en valeur maximum Par ailleurs, et dès les premières études, d’installer une sorte d’amortisseur entre (pompage) proportionnellement à la pression furent envisagés des moyens devant per- la manette et le régulateur du moteur de refoulement du compresseur. mettre un accroissement momentané de de manière à, par effet « dash pot », cal- Ces trois dispositifs, la régulation tachy- poussée. L’ingestion d’eau, d’abord consi- mer la nervosité de ses commandes. métrique, la régulation de tuyère et la protection dérée, sera abandonnée au profit de la En une nuit (nécessité oblige), M. Wilhem contre le pompage et l’extinction, qui étaient post-combustion dont Snecma va devenir Jurish, le correspondant essais « systèmes » en place dès le début des années 50, le spécialiste reconnu mondialement.

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Fig. 6 – Ouragan « 01/ATAR » de Marcel Dassault

CONCLUSION Fig. 7 – La régulation Une synthèse mondialement de l’ATAR reconnue, réussie en moins de dix ans 101 G (Super Ce sera sur l’avion Marcel Dassault Super Mystére Mystère B2), B2, équipé de l’ATAR 101G, que l’ensemble de ces dis- 1953 positifs (figure 7) se trouveront rassemblés pour la première fois en service opérationnel, et que la supériorité des qualités de conduite du moteur ATAR sera démontrée, moins de 10 ans après le début des premiers essais du moteur prototype. Pierre Mouton Crédits photo : GFIC, Snecma

Pierre Mouton ([email protected]) a aujourd’hui 72 ans. Ingénieur de l’École de l'Union Syndicale de l’Industrie Aéronautique (E.F.P.I.A., promotion 1959) est Conseiller technique à Internat Technologies et proposé par le GIFAS comme spécialiste aéronautique (cadre judiciaire). Ses activités aéronautiques professionnelles à Snecma (1959-1995) ont eu lieu: - au bureau d'études régulation et systèmes « moteur » (Concorde et CFM56, 1959-1981); - au support technique en exploitation (CFM56, 1981-1988); - comme audit technique auprès de l'ingénieur en chef Snecma (1988-1995); - à la sécurité des vols (prévention, enquête technique d'accident, interface avec les experts judiciaires, 1989-1995). Ses activités aéronautiques diverses l’ont conduit à être: - pilote de planeur (1957); - sous-officier «appelé» mécanicien «avion» dans l'AAF, en Algérie (1960-1962); - intervenant à l'Institut Français de Sécurité Aérienne (1990-2010); - consultant technique «Internat Technologies» pour le groupe Safran (1997-2011)

LA LETTRE • Septembre 2011 15 ANNONCES DES GROUPES • COLLOQUES

ANNONCES DES GROUPES RÉGIONAUX ET COMMISSIONS TECHNIQUES/FORMATIONS

Année 2011 Organisateur Lieu Manifestation

« Voilure tournante: la solution du XXIème siècle », 14 septembre 18h00 GR MP ENSICA Toulouse une conférence de Michel AGUILAR, xPlorair,

19 septembre GR Provence Visite du CEM du Levant

27 septembre 14 h-17 h Commission Aérodynamique 3AF Vernon Visite de Safran-Snecma Vernon

« Terrorisme et sûreté aérienne: GR MP médiathèque José CABANIS, 27 septembre 18h00 réponses apportées par la communauté internationale », en partenariat avec l’AAE Toulouse une conférence de Bernard PESTEL, directeur de l’IFURTA « La cartographie spatiale, Capacité stéréoscopiques de SPOT GR Côte d'Azur salle de conférence Calypso 27 septembre 18h00 5 (dessin CNES/IGN) », une conférence de Jean-Philippe en partenariat avec l’AAE Thales Alenia Space CANTOU, Institut géographique national (IGN Espace) Commission Énergétique 3AF 3-4 octobre La Rochelle HEM, High Energy Materials avec l'AIAA GR MP « Les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés: le point sur 12 octobre 18h00 en partenariat avec Cité de l’Espace, Toulouse les activités officielles en France », une conférence de Yvan la Cité de l’Espace BLANC, CNES, directeur du GEIPAN « Les moteurs cryotechniques en production: Vulcain 2 et 13 octobre 18 h CT Propulsion 3AF CNES Paris HM7B », une conférence de G. DUSSOLLIER, SAFRAN-Snecma Commission Histoire 3AF Musée de l'Air et de l'Espace, 29 octobre Journée « Centenaire Morane-Saulnier, doyen des avionneurs » avec l'AAMA Le Bourget

COLLOQUES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX

Année 2011 Organisateur Lieu Manifestation

13-15 septembre Milan, Italie 37ème ERF 2011 3-4 octobre 3AF La Rochelle, France High Energetic Materials (HEM) 3-7 octobre IAF www.iac2011.com Cape Town, South Africa 62nd International Astronautical Congress 13-14 octobre CEAS-ASC/EPFL Lausanne, Suisse 15th CEAS-ASC Workshop, 1st Scientific Workshop of X-Noise EV

Commission Environnement 25-27octobre Marseille, France Aircraft Noise Reduction (ANERS) avec AIAA CEAS CEAS 2011 - 3rd CEAS (Council of European Aerospace Societies) 24 - 28 octobre Venise, Italie www.ceas2011.org/home.html Air & Space Conference

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