octobre 2015 Prévention de la radicalisation Des outils pour les maires COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

Madame, Monsieur le Maire,

Bienvenue sur notre site www.prevention-delinquance.gouv.fr

Le Comité interministériel de prévention de la délinquance vous permet de prendre connaissance de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance et de prévention de la radicalisation menée en liaison étroite avec les préfets de départements. Son équipe de chargés de mission peut aussi, sur sollicitation des collectivités territoriales en collaboration étroite avec les préfectures, vous apporter un appui méthodologique de terrain tel qu’un accompagnement à la mise en place d’un plan local de prévention.

N’hésitez pas à nous contacter par courriel : [email protected]

RETROUVEZ-NOUS AU SALON DES MAIRES PORTE DE VERSAILLES DU 17 AU 19 NOVEMBRE www.salondesmaires.com

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Des collectivités pleinement engagées contre le fanatisme

otre pays fait face à une me- afin de sensibiliser les élus locaux et nace terroriste inédite, tant leurs équipes aux dispositifs à l’œuvre : N par son ampleur que par sa na- les cellules de suivi pilotées par les ture. le gouvernement prend toutes les préfets dans chaque département, mesures pour protéger les Français, la plateforme téléphonique nationale, en renforçant les moyens humains, ou encore l’équipe mobile d’interven- matériels et juridiques dont disposent tion qui prend en charge les situations nos services de sécurité et de rensei- individuelles les plus difficiles. er TI

gnement pour lutter contre le terro- u la pleine coopération de tous les ac- GA . risme. le Plan de lutte contre la radi- S teurs mobilisés est bien sûr la clef de calisation violente et les filières terroristes adopté en l’efficacité.a u plus près de nos concitoyens, les col- avril 2014 a permis la mise en œuvre d’une stratégie lectivités territoriales, et notamment les communes, globale et cohérente, qui articule objectifs de répres- peuvent détecter des cas concrets de basculement et sion et de prévention. ainsi jouer un rôle décisif. Elles doivent être pleine- la dissémination des vecteurs de l’endoctrinement ment associées à la réponse publique auprès des fa- de jeunes ayant grandi en , et de leur bascule- milles et des jeunes. ment dans le fanatisme et la violence armée, exigent la stratégie novatrice que nous avons arrêtée té- de notre part des réponses nouvelles et adaptées. moigne de notre détermination à garantir aux Fran- Notre tâche est d’autant plus délicate que les recru- çais un haut niveau de protection et de sécurité. teurs cherchent à manipuler un public souvent fragi- la situation à laquelle nous sommes confrontés est lisé, en rupture familiale ou sociale, parfois en quête un véritable défi pour notre société, pour la répu- d’un idéal confus et morbide. blique et pour la cohésion de la Nation. Pour le rele- aussi, je me félicite que Le Courrier des maires ver, il est important que chacun, dans le rôle qui est consacre un numéro spécial à cette problématique le sien, s’engage dans cet effort collectif. Bernard Cazeneuve

Les enjeux La réponse pubLique La formation des professionnels. Une formation pluridisciplinaire du phénomène Repères. repérage, prise en charge déployée à grande échelle p. 34 Repères. des individus et formation des Prévention de la radicalisation : professionnels : les piliers du plan les acteurs locaux cherchent national de prévention p. 14 Les coLLectivités (encore) leur place p. 4 Entretien. Pierre N’Gahane, préfet en action le profil de la jeunesse (djihadiste) et secrétaire général du CiPd p. 16 Entretien. roger Vicot, président française passée au crible p. 6 Les organismes. repérage et prise du FFSU p. 36 des propositions pour en charge des situations de Pratiques locales. conduire « l’intégration » radicalisation : acteurs a Nice, une cellule d’écoute pour et la « reconquête républicaine » et actions p. 18 les familles en détresse p. 38 des jeunes Français p. 7 Les acteurs. le CNaPr p. 19 Un protocole d’échange Entretiens. Fiche pratique. les indicateurs d’informations Serge Blisko, président de radicalisation p. 21 sur la radicalisation dans de la Miviludes p. 8 Les acteurs. les cellules les alpes-Maritimes p. 39 est édité par le Groupe Moniteur dounia Bouzar, directrice de suivi p. 22 Grenoble-alpes Métropole : Antony Parc 2 générale du CPdSi p. 9 Les acteurs. l’équipe mobile la collectivité mise 10, place du Général de Gaulle sur la formation des personnels BP 20156 - 92186 Antony Cedex olivier Bobineau, politologue d’intervention p. 24 Tél : 01.77.92.92.92 et sociologue p. 10 pour affirmer les valeurs SAS au capital de 333 900 euros. Questions-réponses. les moyens de la république p. 39 Président - Directeur de la publication : Opinions. d’action des acteurs locaux p. 26 Christophe Czajka Xavier Crettiez, professeur Vu d’ailleurs. Bruxelles prévient Entretien. Mathieu Guidère, Impression : Imprimerie de Champagne, de sciences politique p. 12 la radicalisation afin de renforcer ZI Les Franchises, 52200 Langres professeur des universités p. 32 la cohésion sociale p. 40 Dépôt légal : octobre 2015 Benjamin ducol, chercheur Les actions. des centres de posdoctorant CiCC p. 13 Ressources. livres et sites Ont collaboré à ce numéro : déradicalisation internet p. 42 Pascal Weil, de djihadistes p. 33 Catherine Coroller (pp. 10 et 39) et le SG-CIPD

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 3 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE REPÈRES Prévention : les acteurs locaux cherchent encore leur place

Face à l’ampleur des départs de djihadistes français en Syrie et en Irak, le gouvernement a réagi par une action déterminée de lutte contre les filières et de prévention de la radicalisation. Le combat contre l’endoctrinement et l’embrigadement ne pourra pas être mené sans la mobilisation des acteurs locaux.

inq mille Européens Ainsi, loin d’être marginal, ce phé- cales mises en œuvre dans le cadre se trouveraient par- nomène a conduit le gouvernement des cellules de suivi départemen- mi les 20 000 djiha- à adopter en avril 2014 un plan na- tales au titre de la prévention de la 1818 distes étrangers pré- tional de lutte contre la radicalisa- radicalisation et de l’accompagne- Françaisourésidentsétrangers C enFrance(+42%depuis sents dans les zones de conflits tion violente et les filières djiha- ment des familles (lire pages 14 et ledébutdel’année2015)sont syro-irakienne. Combien sont is- distes consistant en une batterie 15). Mais face à l’ampleur du phé- impliquésdanslesfilières djihadistesenSyrieetenIrak, sus du territoire national ? Selon de mesures administratives et ju- nomène, force est constater que l’un dont475setrouventdans les derniers chiffres communiqués diciaires destinées en particulier à des enjeux majeurs est de mobili- leszonesdecombats. par le rapport de juillet 2015 du enrayer les départs de djihadistes. ser les acteurs locaux – collectivi- 154femmessontlocalisées enSyrieouenIraket député socialiste Sébastien Pietra- tés locales, associations, etc. – dans 74enTurquie. santa, depuis 2013, 1 818 Français Prévention et répression la mise en œuvre du plan de pré- ou résidents étrangers en France Dans le même temps, un plan na- vention. Son efficacité en dépend. sont impliqués dans les filières dji- tional piloté par le secrétariat gé- Depuis avril 2014, un numéro vert 290 hadistes en Syrie et en Irak, dont néral du comité interministériel de national peut être composé par les individusontquittélaSyrie dont220sontrevenussur 475 se trouveraient dans les zones prévention de la délinquance (SG- familles et les proches pour signa- leterritoirefrançais.322sont de combats ; un dernier chiffre en CIPD) a organisé l’action publique ler la présence d’individus radica- entransitentrelaFranceet hausse de 20 % depuis le début de en matière de prévention de la radi- lisés ou en voie de radicalisation. laSyrie.608ontmanifesté desvelléitésdedépart. l’année 2015. calisation autour des signalements Au cœur du dispositif de l’Etat, Recrutés par les terroristes, ces in- et de la prise en charge des indivi- ce Centre national d’assistance et dividus participent aux exactions et dus radicalisés, ainsi que de leurs de prévention de la radicalisation 121 actions de propagande. 608 actuel- familles, et de la formation des (CNAPR), piloté par l’Unité de coor- individussontmortsaucours lement sur notre territoire auraient, agents de l’Etat et des profession- dination de la lutte antiterroriste decombats. quant à eux, manifesté des velléi- nels chargés d’intervenir auprès (Uclat), a notamment permis de Source : rapport du député Sébastien tés de départ. Un bilan qui place mettre au jour un grand nombre de Pietrasanta (PS), données établies au 2 juillet 2015. aujourd’hui la France en tête des personnes radicalisées, d’affiner la pays européens contributeurs de Des jeunes fragiles perception du phénomène de radi- combattants, devant le Royaume- et marginalisés mettent calisation, d’en mesurer sa montée Uni, l’Allemagne, la Belgique, les en avant une quête en puissance et, aujourd’hui, per- Pays-Bas, le Danemark et l’Espagne. identitaire et l’adhésion met d’en suivre l’évolution. Début Au-delà des chiffres, le danger pour à un projet politique. juillet 2015, 4 634 personnes radi- la sécurité du territoire est réel, si calisées ou en voie de basculement l’on considère les djihadistes fran- vers la radicalisation, dont 25 % de çais qui pour différents motifs re- de ces personnes. La construction mineurs et 35 % de femmes, avaient viennent sur notre territoire. Cer- d’une stratégie de contre-discours a été signalées à cette plateforme té- tains ont été rejetés par les groupes été confiée au service d’information léphonique (lire pages 19 et 20). de combattants. D’autres sont bles- du gouvernement (SIG). 60 millions sés ou traumatisés par la dureté des d’euros pour les trois années à venir Qui sont les jeunes entraînements et des combats. Sus- ont été débloqués après les attentats djihadistes ? ceptibles de planifier ou de com- de janvier 2015 à Paris, pour abon- Le dispositif a également largement mettre un attentat sur notre terri- der le Fonds interministériel de pré- contribué à révéler leur « profil ». toire, certains représentent ainsi vention de la délinquance (FIPD) Les observateurs et experts de la ra- potentiellement un risque majeur déjà doté de moyens pour financer dicalisation islamiste actuelle, en- pour le pays et font donc l’objet ce plan. 6 millions d’euros de cré- tendue comme un changement de d’une surveillance des services de dits supplémentaires ont permis, comportement qui peut conduire renseignement. en 2015, de financer des actions lo- à l’extrémisme ou au terrorisme,

4 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE REPÈRES

Répartition des signalements des individus radicalisés par départements

Les signalements au Centre national d’assistance Les signalements aux états-majors Nombre de signalements : Aucun et de prévention de la radicalisation (CNAPR) de sécurité (EMS) De 1 à 5 (depuis avril 2014) (depuis avril 2014) De 6 à 10 De 11 à 15 De 16 à 20 De 21 à 29 30 et plus

Guyane Guyane

Martinique Martinique

Guadeloupe Guadeloupe

La Réunion La Réunion

Mayotte Mayotte : UCLAT- Réalisation : P. Distel / Le Courrier des maires des Courrier Le / Distel P. : Réalisation UCLAT- : e Sourc

considèrent qu’elle ne se réduit pas comme un facteur d’accélération à une question religieuse, parfois de la radicalisation. « Dans une Un site internet pour contrer peu présente dans le phénomène. grande majorité de cas, l’internet Ils observent une diversification opère ainsi comme un catalyseur le discours des djihadistes des profils et des origines sociales plus que comme une cause pre- « Internet est le canal de recrutement privilégié par les terroristes », des personnes. Il s’agirait à la fois mière de l’adhésion à une cause ex- indique le site www.stop-jihadisme.gouv.fr, mis en ligne par le gouver- de jeunes fragiles et marginalisés trémiste », explique Benjamin Du- nement en février 2015. Sites d’apologie du terrorisme, forums, ser- mais qui, aujourd’hui, n’hésitent col, chercheur post-doctorant au vices de messagerie directe, vidéos, réseaux sociaux : tous ces moyens sont utilisés massivement pour attirer et recruter des candi- pas à mettre en avant une quête Centre international de criminolo- dats au djihad, explique le site gouvernemental qui décrypte la propa- identitaire et l’adhésion à un projet gie comparée (CICC) de l’université gande djihadiste et fournit les moyens d’agir contre la menace terro- politique (lire pages 6 et 7). de Montréal. Ayant pris conscience riste. L’objectif est bien d’empêcher l’embrigadement de nouvelles Autre caractéristique mise en évi- de l’influence que constituent in- victimes en pointant la réalité de ce qui se déroule dans les zones de conflit. Ainsi une vidéo, vue plus de deux millions de fois, déconstruit dence : la force de l’emprise men- ternet et les médias sociaux, les le discours des terroristes et des djihadistes recruteurs, répondant tale des djihadistes recruteurs sur pouvoirs publics font de l’élabora- à leurs arguments qui attirent les jeunes : « Tu découvriras l’enfer sur leurs cibles. Les jeunes se retrou- tion d’un contre-discours à la pro- terre et mourras seul, loin de chez toi », « Tu élèveras tes enfants dans vent dans un processus d’endoctri- pagande des djihadistes, en par- la guerre et la terreur », « Tu seras complice de massacres de civils »… nement et d’embrigadement qui les ticulier sur le web, l’un de leurs « Comme seules vérités, tu découvriras l’horreur et la tromperie ». fait rompre avec leur famille, leur principaux chevaux de bataille. environnement social et scolaire et leurs loisirs (lire page 21). Certains Mobilisation des acteurs mener des individus versés dans le terrorisme », remis au Premier pensent, à présent, que l’islam ra- locaux l’extrémisme à faire le chemin ministre le 16 juillet dernier. Parmi dical s’apparente à une dérive sec- Dans ce contexte, la probléma- inverse en supprimant les idées ses 37 mesures, l’ancien rapporteur taire (lire pages 8 et 9). tique de la déradicalisation des mortifères et les comportements du projet de loi de lutte contre le « Support principal de communi- djihadistes de retour des zones violents » (lire pages 32 et 33). Et terrorisme préconise l’ouverture de cation de l’embrigadement », se- de conflits apparaît à présent es- face à ce chantier immense qui centres de déradicalisation tournés lon Dounia Bouzar, anthropolo- sentielle. Pour Mathieu Guidère, s’annonce, des pistes concrètes vers la réinsertion des individus ra- gue et directrice générale du Centre professeur à l’université de Tou- d’actions ont été identifiées par dicalisés qui ne font pas l’objet de de prévention contre les dérives louse 2-Jean Jaurès, il s’agit du le député socialiste Sébastien Pie- poursuites judiciaires. Une prise en sectaires liées à l’islam (CPDSI), « processus contraire à la radica- trasanta, dans son rapport « La dé- charge individuelle y serait effec- l’utilisation d’internet est pointée lisation, c’est-à-dire le fait d’em- radicalisation, outil de lutte contre tuée après la décision d’un juge. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 5 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE REPÈRES Le profil de la jeunesse djihadiste française passé au crible

Un rapport du député socialiste Malek Boutih dresse le portrait de la génération de jeunes djihadistes français. Certes, une partie d’entre eux sont fragiles et marginalisés, souligne le député. Mais le basculement dans la radicalisation s’explique aussi par l’adhésion de certains à un « projet de vie ».

our répondre au défi posé tie. « Mais cette défiance est sans par une partie de la jeu- commune mesure avec le phé- nesse qui bascule dans nomène de rupture totale avec P la radicalisation, un plan la République auquel on assiste de reconquête républicaine doit avec le basculement de centaines être mis en œuvre. C’est ce que de jeunes Français dans le djiha- préconise le député socialiste de disme », indique-t-il. Et ceux là qui l’, Malek Boutih, dans un se radicalisent ne sont pas seule- rapport de juillet dernier intitulé ment des individus marginalisés et « Génération radicale » portant sur fragiles. « Le phénomène se répand la prévention de la radicalisation dans toutes les catégories de la jeu- et du djihadisme, commandé par nesse, y compris chez des étudiants le Premier ministre, , ou des jeunes filles de milieux ca- qui dresse le portrait de la jeu- tholiques favorisés par exemple », nesse djihadiste française. Le dis- affirme le rapport. ` positif de prévention de la radica- lisation à l’œuvre depuis 2014 est L’adhésion à un projet P

efficace pour détecter et prendre o politique MY

/ en charge les individus qui bas- Ensuite, la radicalisation ne peut culent, mais n’est pas conçu pour se réduire à un phénomène reli- E. Alcock E. empêcher les jeunes de basculer, Impossiblederéduirelaradicalisationàlareligion.Idéologiepolitiqueet gieux : « La dimension politique constate le député. Selon lui, cette dynamiquesectaireformentleterreauprincipaldel’endoctrinementdjihadiste. et géopolitique, de combat contre réponse publique nécessaire cor- l’oppresseur occidental, et la lé- respondait au temps de l’urgence Mais de quels jeunes s’agit-il ? des « questionnements identi- gitimation de la violence érigée et, à présent, une action de long Ceux qui basculent sont d’abord taires » et « des structures fami- en programme politique, sont dé- terme doit être engagée et « s’atta- des individus fragiles et margina- liales défaillantes ». En revanche, terminants dans l’attractivité du quer aux enjeux de cohésion so- lisés. « Les jeunes en diffi culté et cette approche n’est qu’une partie djihadisme ». Il s’agit ainsi d’une ciale et surtout redonner corps au fragiles font bien partie des proies de la réalité et l’on ne peut s’ap- génération de djihadistes caracté- pacte républicain ». des recruteurs djihadistes qui ex- puyer seulement sur une explica- risée par une diversification des ploitent leurs failles en leur offrant tion sociologique et psychologique. profils des personnes qui bas- Individus marginalisés une nouvelle communauté et en ré- Le rapport le souligne, « si les pre- culent. La carte des signalements, « Près de 65 % des individus im- mières vagues de djihadistes com- qui montre que toutes les régions pliqués dans les filières djihadistes portaient essentiellement des in- françaises sont concernées, en est ont moins de 25 ans », indique-t-il. La carte des dividus fragilisés, plus faciles à à cet égard l’une des preuves. Si, Raison pour laquelle les réponses signalements montre recruter, désormais les recruteurs sans surprise, les métropoles d’Ile- structurelles envisagées visent cette que toutes les régions ciblent des proies au profil plus de-France, du Nord, du Sud-Est nouvelle génération de jeunes di- françaises stable et moins détectable et on et du Sud-Ouest du pays sont les rectement concernée par le radica- sont concernées. peut penser que ce phénomène va plus touchées, « des départs ont lisme islamiste qui, selon lui, est un s’amplifier ». lieu également depuis des zones phénomène qui impacte toute une rurales et des villes moyennes », génération et apparaît aujourd’hui pondant à leurs doutes d’individus Une diversification souligne Malek Boutih. nettement comme « le plus dange- en construction », indique le rap- des profils Le député de l’Essonne considère reux, du point de vue de son em- port. D’après les spécialistes ren- Surtout, Malek Boutih pointe la dé- que l’on ne peut pas ignorer, dans prise et des failles qu’il creuse au contrés par le député, beaucoup de fiance forte de la jeunesse vis-à-vis le même temps, le basculement de sein de notre société ». jeunes radicalisés ont par ailleurs des institutions et de la démocra- certains jeunes par une adhésion

6 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE REPÈRES

à un projet politique et à un pro- La force du discours et des argu- « Elles détiennent une partie de jet de vie. Il y aurait « un facteur ments des djihadistes auprès d’eux la clé parce qu’elles sont le pre- positif, volontaire, dans l’engage- s’explique « par le recours à des mé- mier socle de socialisation et de ment des jeunes dans le djihad ». canismes qui relèvent de l’endoc- construction du jeune ». La grille Certains jeunes seraient attirés et trinement. Les recruteurs uti lisent d’indicateurs d’évaluation du ni- séduits par les perspectives pro- en effet des techniques qui relèvent veau de radicalisation joue aussi fessionnelles, le statut social et des dynamiques sectaires ». un rôle essentiel dans l’efficacité le projet de vie offerts par Daech. Dans le même temps, le député du dispositif. « Il est indispensable Un autre facteur d’engagement vo- pointe le faible encadrement de la d’adapter régulièrement cet outil lontaire et positif au djihadisme se- jeunesse, au regard de la quasi dis- pour l’enrichir de l’expérience ac- rait, selon le rapport, « l’adhésion parition des associations de proxi- quise auprès des premières co- ss E

à un projet politique, à une idéo- mité qui ne résistent pas sur le ter- r hortes d’individus suivis et contrer P /IP3

logie de rupture avec les sociétés rain au manque de moyens. Face E les stratégies de dissimulation occidentales décadentes », poin- à cela, un « réseau social humain » mises en place par les recruteurs V. Isor V. tant ici l’importance de la dimen- d’islamistes se développe avec afin de contourner la vigilance des sion géopolitique du phénomène. une méthode pour s’implanter et familles », explique le rapport. Ces jeunes seraient-ils manipulés ? élargir sa sphère d’influence, sou- MalekBoutIh Enfin, le député insiste sur la né- > Député de la 10e circons­ ligne le rapport. L’objectif n’étant cription l’Essonne cessité de s’appuyer sur le maillage pas seulement de recruter des > Membre du Haut conseil de professionnels pour renforcer « Professeurs, combattants. à la vie associative la vigilance et la détection des in- > Auteur du rapport dividus dès les premiers signes de médecins, infirmières, « Génération radicale », S’appuyer sur les familles radicalisation. « Les professionnels assistantes sociales juin 2015 et les professionnels qui travaillent auprès des jeunes sont de plus en plus Par ailleurs, le rapport présente et des familles, professeurs, mé- nombreux parmi les premiers enseignements du decins, infirmières, assistantes so- les signalants plan de prévention mis en œuvre serve-t-il. En revanche, le député ciales, sont d’ailleurs de plus en au numéro vert. » depuis 2014. Trop récent pour pou- souligne l’importance des familles plus nombreux parmi les signa- Malek Boutih voir en tirer « des conclusions dé- dans le dispositif de détection et lants qui contactent le numéro finitives sur son efficacité », ob- de prise en charge des individus : vert », indique-t-il. ◆

Des propositions pour conduire « l’intégration » et la « reconquête républicaine » des jeunes Français

n complément du plan nos déficiences, faire les choix qui ticipation du plus grand nombre gène des territoires, développer le de prévention de la radicali- seront partagés par nos concitoyens aux activités associatives, sportives, parrainage des jeunes et les dispo- E sation mis en place en 2014, et surtout par la nouvelle généra- culturelles qui créent du lien avec sitifs de deuxième chance, ou en- le député socialiste de l’Essonne, tion, cette jeunesse française qui notamment le service civique et la core s’appuyer sur le numérique Malek Boutih, propose une série est la première victime des forces réserve citoyenne. L’objectif est éga- pour créer de nouveaux métiers. de mesures qui s’inscrivent dans radicales islamistes », explique Enfin, le député propose des me- une logique de reconquête de la Ré- le député. sures à « forte valeur symbolique » : publique. « Un combat sans pers- L’action de long terme solenniser les cérémonies d’ac- pective est un combat perdu. L’ac- Un établissement public envisagée par cueil dans la nationalité, soutenir tion quotidienne des services de aux manettes le député de l’Essonne les médias de proximité et gagner l’Etat ne prend son sens que dans L’action de long terme envisagée concerne d’abord la bataille des idées sur internet. un mouvement général qui attaque concerne d’abord l’éducation : en- l’éducation. Pour mettre en œuvre ce plan de à la racine les causes de la radica- seigner les valeurs essentielles, ren- grande ampleur, Malek Boutih sou- lité. Cette action profonde est sans forcer la maîtrise de la langue, ren- haite la constitution d’un établis- doute la plus difficile car l’urgence forcer la mixité sociale à l’école. Des lement « de faire vivre la promesse sement public national placé sous mobilise les énergies alors que la mesures visent à accélérer l’intégra- républicaine de permettre à chacun l’autorité directe du Premier mi- restructuration républicaine devra tion et à renforcer la cohésion na- de bâtir son projet de vie » : lutter nistre, doté d’antennes locales, ou- faire face à toutes les inerties, tous tionale : développer la mixité dans contre les discriminations à l’em- vert aux forces sociales et cultu- les égoïsmes. Si l’esprit du 11 jan- l’habitat de chaque quartier, favo- bauche, faciliter un accès égal à la relles et bénéficiant d’une «marge vier a un sens c’est celui-là, recons- riser la mixité sociale dans les col- fonction publique, travailler au dé- de manœuvre décisionnelle et truire l’idéal républicain, affronter lèges et les lycées, favoriser la par- veloppement économique endo- budgétaire ». ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 7 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE EntrEtiEn

Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) « La radicalisation est une dérive sectaire, mais pas comme les autres » Serge Blisko, président de la Miviludes, décrit le processus d’emprise mentale et de sujétion psychologique auquel sont confrontés des jeunes gens fragiles via les réseaux islamistes et leurs « gourous ».

partir de 2012, la Mi- un individu vulnérable et en ques- Concrètement, quelles sont viludes a été saisie de tionnement qui se trouve happé par les caractéristiques de cette plusieurs signalements un gourou qui le manipule et lui dérive sectaire ? A de familles concer- propose une réponse inadéquate La mise en état de sujétion psy- nant la radicalisation de leurs en- l’exposant à des dangers, une perte chologique se déroule en plu- fants mineurs et jeunes majeurs d’intégrité physique et psychique, sieurs phases. La personne se re- de 14 à 25 ans. Dans un premier des abus, des violences ou encore trouve d’abord dans une phase de temps perplexe, quant au pos- un pillage financier. Tous ces indi- séduction puis de déconstruction sible rapport existant entre le pro- vidus ont une « mauvaise » réponse de ses repères antérieurs qui sont cessus de radicalisation et les dé- à un mauvais moment. remis en question. Enfin, une re- N

rives sectaires, elle a finalement construction s’opère consistant o N tig

analysé les convergences entre les Quel est le dénominateur en la réécriture du passé de l’in- A M

/ deux phénomènes en coopéra- commun entre les deux ? dividu. Au terme de ce processus, tion avec le Centre de prévention Il s’agit de l’embrigadement et de l’individu aura transformé sa lec- contre les dérives sectaires liées à l’emprise mentale qui se met en ture du monde. MALENFERY. l’islam (CPDSI). place dans de très nombreux cas par l’intermédiaire des réseaux so- Quelles sont, selon vous, SergeBliSko Peut-on aujourd’hui affirmer ciaux. Ils ont en particulier pour les différences entre la radicali- > Président de la Mission interministérielle de vigilance que la radicalisation jihadiste but de couper le jeune de sa famille sation et une dérive sectaire ? et de lutte contre les dérives est une dérive sectaire ? et du milieu scolaire. Le contact Une première divergence entre sectaires (Miviludes) Les signalements de radicalisa- amical qui s’est créé entre le lea- les deux concerne les gourous et > Docteur en médecine tion dont nous avons connais- der jihadiste et le jeune mineur ou les prédateurs qui, dans le cadre > Ancien député-maire du 13e arrondissement sance s’apparentent à des dérives majeur se transforme en contrôle d’autres dérives sectaires, jettent de Paris sectaires. Nous pouvons ainsi dire social. Dans les faits, on remarque très rarement leur dévolu sur des aujourd’hui que la radicalisation un contrôle à distance de la per- mineurs. Ensuite, les voies de sor- est une dérive sectaire, mais pas sonne. La fréquentation des lieux tie de cette emprise mentale jiha- comme les autres. Le schéma clas- de cultes est rare dans ce proces- diste sont très différentes des autres quance (CIPD), nous avons formé sique de cette dernière consiste en sus de captation. dérives sectaires. Nous avons ici les écoutants de la plateforme té- à faire à des mineurs extrêmement léphonique du Centre national fragilisés. Les situations sont très d’assistance et de prévention de Dérive sectaire, emprise mentale : douloureuses et le retour pour ces la radicalisation (Numéro vert : personnes à un état antérieur est 0.800.005.696) et les agents de vérifier la concentration des indices très complexe. Cela passe par un l’Etat dans les préfectures et dans Pour évaluer la réalité d’une dérive sectaire, la Miviludes utilise encadrement psychothérapeutique les départements chargés de suivre un faisceau de dix indices de dangerosité : emprise mentale, carac- sérieux. et d’accompagner les familles. Nous tère exorbitant des exigences financières, rupture avec l’environne- sommes aujourd’hui pleinement ment familial, amical et scolaire, atteintes à l’intégrité physique, em- Comment la Miviludes mobilisés sur ce volet de la forma- brigadement des enfants, discours antisocial, troubles à l’ordre public, démêlés judiciaires, détournement des circuits économiques agit-elle face à ce phénomène tion des professionnels. Les forma- traditionnels, tentatives d’infiltration des pouvoirs publics. Selon Phi- de radicalisation ? tions se démultiplient dans l’ob- lippe-Jean Parquet, docteur en psychiatrie et addictologie, plusieurs La Miviludes a dans un premier jectif de mailler le territoire. Nous critères permettent de déterminer si une personne est sous emprise temps eu un rôle de détection et considérons aussi que les collectivi- mentale : rupture dans la cohérence avec la vie antérieure, accepta- de lanceur d’alerte. Ensuite, sous tés locales et leurs services (CCAS, tion que sa vie soit modelée par les doctrines imposées par un tiers ou une institution, adhésion et allégeance inconditionnelle à une per- l’égide du Premier ministre et du jeunesse etc.) ont un rôle à jouer sonne ou à un groupe, dépossession des compétences avec anesthé- ministre de l’Intérieur et à la de- dans la prévention de la radicali- sie affective et perte du sens critique, imperméabilité aux avis. mande du comité interministé- sation et l’accompagnement des riel de prévention de la délin- familles, souvent désemparées. ◆

8 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE entretien

Dounia Bouzar, directrice générale du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) « Les rabatteurs djihadistes ont affiné leurs méthodes d’embrigadement » Dounia Bouzar décrypte la technique d’embrigadement utilisée par les djihadistes recruteurs, le rôle joué par internet, et présente les signes de radicalisation qui doivent alerter les familles.

e Centre de prévention lation et d’endoctrinement rencontres physiques. Mais avant, contre les dérives sectaires utilisées ? pendant et après la rencontre phy- liées à l’islam (CPDSI) ac- Le premier objectif des djihadistes sique, les rabatteurs communiquent L compagne plusieurs cen- est de donner aux jeunes le senti- et alimentent les jeunes par des vi- taines de familles dont l’enfant ment que leur malaise est dû au déos et des conversations sur inter- s’est radicalisé. Présentation de sa fait qu’ils vivent dans une socié- net. Il s’agit d’une sorte d’exaltation méthode de « désembrigadement ». té où tout leur ment : sur de groupe virtuelle. Ce n’est plus la nourriture, les vaccins, les mé- l’individu qui pense mais le groupe. Vous rencontrez des familles et dicaments, l’histoire, la politique La « tribu numérique » devient une des jeunes radicalisés. Quelles etc. Puis ils leur disent qu’il ne sorte d’addiction. Les idéologies de sont les personnes concernées s’agit pas de simples mensonges rupture reposent toujours sur des par la propagande djihadiste ? mais de sociétés secrètes (les « Il- exaltations de groupe, mais là, elle SIGNATURES

/ Pendant des années, le discours luminati ») qui organisent tous ces est double : dans le monde réel et de l’islam radical faisait autorité dysfonctionnements pour garder dans le monde virtuel. D. GOUPYD. sur des jeunes plutôt fragiles au ni- la science et le pouvoir pour elles veau social et familial, ceux qu’on et endormir les peuples. Le jeune Quels sont les signes de radica- appelait « sans pères ni repères ». enchaîne les liens sur Youtube en lisation qui doivent alerter ? Dounia Bouzar > Anthropologue Aujourd’hui, ils ne sont plus les étant à la fois terrorisé et galvani- Il faut d’abord repérer les signes de du fait religieux-gestion seuls à être touchés. Les rabatteurs sé. On lui dit qu’il est élu par Dieu rupture qui correspondent au ren- de la laïcité ont affiné leurs méthodes d’embri- pour détenir la vérité et régénérer forcement de la vision du monde > Directrice générale gadement et sensibilisent une po- ce monde corrompu. Voilà pour- paranoïaque du jeune : rupture du Centre de prévention contre les dérives sectaires pulation plus large. Ils ont indi- quoi il se sent en décalage avec avec ses anciens amis en préten- liées à l’islam (CPDSI) vidualisé leur processus. Chaque « les autres ». Ensuite, après avoir dant qu’il n’a plus rien à voir avec > Auteur de « Comment sortir jeune trouve sa raison de s’engager mené le jeune à rejeter le monde eux, rupture de toutes les activités de l’emprise “djihadiste” », Les éditions de l’Atelier, 2015 pour le djihad : sauver les enfants de loisirs puisque toute musique, et de « Désamorcer l’islam gazés par Bachar Al-Assad, faire sa toute image, toute mixité le détour- radical. Ces dérives sectaires hijra (immigrer sur une terre sainte « Là, l’exaltation nerait de sa mission, rupture sco- qui préfigurent l’islam », Ivry-sur-Seine, Les éditions où règne la solidarité et la frater- de groupe est double : laire puisqu’il voit ses professeurs de l’Atelier, 2014 nité), combattre les soldats de Ba- dans le monde réel et comme des complices des socié- char Al-Assad, régénérer le monde, dans le monde virtuel ». tés complotistes payés pour em- venger les musulmans, etc. Ce sont pêcher les jeunes de se révolter, et Dounia Bouzar d’abord des jeunes, plus particu- enfin rupture fami liale puisque Selon vous, comment les collec- lièrement ceux qui sont sensibles le groupe radical lui a proposé tivités peuvent-elles intervenir aux injustices ou qui ressentent un réel et après lui avoir donné envie un groupe d’appartenance de pour prévenir la radicalisation ? malaise passager. Mais ils peuvent de le fuir, arrive la dernière étape substitution. En formant tous les interlocuteurs appartenir à n’importe classe so- où les djihadistes délivrent leur avec la même grille de lecture. ciale, habiter dans un petit village message final qui va faire basculer Comment prévenir le phéno- Cela évitera que les uns traitent ou dans le 16e arrondissement de certains jeunes : seule une confron- mène de radicalisation ? les autres de laxistes pendant que Paris, avoir des parents catholiques tation ultime avec ce monde cor- Ne pas attendre le quatrième ni- ces derniers les traitent d’islamo- ou athées, être enfant de professeur rompu pourra le régénérer. veau de rupture pour réagir ! Mieux phobes. L’amalgame profite tou- ou de chômeur. vaux prévenir que guérir. Tous les jours aux radicaux. C’est ce qu’ils Quel rôle joue internet dans jeunes qui arrêtent toute activité ne veulent, se faire passer pour de Votre analyse du phénomène ce processus ? sont pas embrigadés. En revanche, simples musulmans orthodoxes, montre l’emprise mentale exer- C’est le support principal de com- je ne connais pas de personnes em- et bénéficier du droit à la liberté de cée sur les personnes. Quelles munication de l’embrigadement. brigadées qui aient maintenu une conscience alors qu’ils « raptent » sont les techniques de manipu- Cela ne signifie pas l’absence de activité de loisirs. la conscience des plus fragiles. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 9 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE entretien

Olivier Bobineau, spécialiste de la laïcité « Les élus doivent clarifier ce que sont la laïcité et un culte » La radicalisation de certains jeunes peut venir d’un sentiment d’exclusion et d’un malaise identitaire, parfois liés à une mauvaise compréhension de ce que sont la laïcité et l’islam. Pour Olivier Bobineau, les élus devraient œuvrer pour surmonter l’incompréhension de part et d’autre.

onsultant après avoir tils et supports : charte, règlement cadrées par l’ordre public. La deu- été enseignant – ayant intérieur, création d’un conseil xième ignorance concerne l’islam. notamment participé à de citoyenneté et de laïcité… Un ou plusieurs islams ? En France C la formation des imams Concernant la distinction entre on voit cette religion au prisme de à la laïcité, à l’Institut catholique pratique assidue et radicalisation, la culture catholique : un seul chef, de Paris –, Olivier Bobineau insiste il y a pour cela des services spé- un seul droit et une théologie domi- sur la nécessité de sortir du « choc cialisés, notamment de rensei- nante. Or, l’islam, c’est une galaxie des émotions ». gnements. Ils sont de très bonne de sensibilités, d’écoles juridiques. qualité puisqu’ils arrivent à dia- On devrait parler d’islams. Leur Derrière la défense de la laïcité gnostiquer et repérer les personnes point commun : l’absence, voire se cache parfois un rejet en voie de radicalisation. le refus de la hiérarchie. La troi- de l’islam et des musulmans. Au quotidien, les élus doivent gé- sième ignorance porte sur les re- Cela peut-il expliquer la radica- rer la montée des revendications vendications, en apparence reli- lisation de certains jeunes ? religieuses, dont celles des musul- gieuses, des musulmans. En fait, Marais

Le fait d’être rejeté d’un groupe so- mans, bien sûr, et les diffi cultés P. elles té moignent d’un malaise cial est l’un des facteurs conduisant sont multiples. Le directeur de identitaire. Ces jeunes sont reje- à la radicalisation. Quand la laïci- cabinet d’une mairie m’a dit que tés par leur groupe familial d’ori- OlivierBOBineau té n’est plus inclusive, ce qu’elle certains enfants refusaient de dé- > Politologue et sociologue, gine, ou « groupe des pères », et est à l’origine, et devient facteur jeuner pendant le ramadan. Sa ré- expert de la laïcité, par le groupe de référence, groupe de stigmatisation et d’exclusion, ponse a été, au nom de la laïcité, des questions religieuses et idéal auquel chacun aspire, car ils du lien social. de les forcer à manger, ce qui est ont peu accès aux bonnes écoles, cela provoque un malaise chez les > Il dirige The Olive Branch, jeunes qui la perçoivent comme un contresens : la laïcité est là pour un cabinet d’études à la propriété, à la consommation une arme dressée contre leur foi et permettre l’expression de la liber- et de conseils en sciences de loisirs savants. Reste le groupe humaines appliquées leurs pratiques. Cela étant, il existe té de conscience dès lors qu’elle ne à la pacification des liens. d’appartenance, ou « groupe des bien d’autres facteurs de margi- trouble pas l’ordre public. > Il est l’auteur avec pairs », avec sa langue, sa mu- nalisation contribuant à la radi- Autre exemple : un directeur de Bernadette Sauvaget de sique, ses vêtements, son alimen- calisation religieuse : problèmes collège m’a raconté que de plus en « Notre laïcité ou la religion tation et les revendications qui en dans l’espace public », familiaux et scolaires, chômage, plus de jeunes filles, lors de séjours entretiens avec Emile Poulat, dé coulent. La conséquence de ce logement, violence et agressivité scolaires, portent le voile dans le octobre 2014, Editions Desclée « choc des ignorances » est une in- de Brouwer. dans les relations quotidiennes, bus et se mettent à prier. Deux atti- compréhension de part et d’autre. combats entre les bandes… tudes sont possibles : l’interdiction, d’où un pourrissement de l’am- Comment voyez-vous l’avenir ? Comment les élus peuvent-ils biance, ou le dialogue. On peut Plus qu’à une guerre de religions, distinguer une pratique assidue, faire remarquer que prier dans attachés à la laïcité. Non : la laï- nous assistons à un « choc des émo- voire rigoriste de l’islam le bus met en cause leur sécurité, cité est complexe, en théorie et tions » du fait d’un « choc des igno- que la laïcité autorise, d’une donc est contraire à l’ordre public. en pratique. D’autant plus qu’un rances et des identités ». L’an- radi calisation dangereuse pour On peut aussi leur rappeler qu’il « choc des ignorances » s’opère à thropologue Marcel Mauss a été la société ? est possible de repousser l’heure trois niveaux. visionnaire en concluant ainsi son Déjà, ils peuvent se saisir de la des prières et de les faire le soir. Tout d’abord, nous avons tous Essai sur le don : « Soit les hommes question en amont. En clarifiant du mal à savoir ce qu’est la laï- s’écartent, se méfient et se défient, ce que sont respectivement la laï- Les élus sont-ils bien armés cité. Un principe ? Une valeur ? c’est la guerre, soit ils se traitent cité et un culte, dont l’islam. Une pour gérer le respect de la laïci- Il s’agit pour moi d’un cadre poli- bien, se confient et c’est la paix ». fois définie une ligne claire et co- té au quotidien ? tique et juridique ayant pour prin- Nous avons toute une génération hérente de la laïcité, ils peuvent ré- Oui et non. Oui : eux-mêmes, avec cipe la liberté de conscience dont de citoyens et citoyennes à former pondre concrètement avec des ou- leurs cadres et équipes, sont très les manifestations sociales sont en- à la paix. ◆

10 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 SSMCL.indd 1 7-210x272.indd 1 M C L . i n d d

1 - Télécommunications| d’espaces verts| - Sécurité| 01 Transports - Véhicules | 11 17 >1819NOVEMBRE 2015 Vers desterritoires connectés 08 Tourisme -Culture | 09 11 Edition-Presse -Communication | 860 EXPOSANTS RÉPARTIS D’ACTIVITÉ EN13SECTEURS : 06 05 Bâtiments- Travaux publics- Voirie | 02 Institutionnel-FinancesServices| ÷= x+ 02 09 04 Développementéconomique| 12 / PARIS >PORTEDEVERSAILLES 08 12 Environnement -Energie | 03 06 Enfance-SantéSocial| 03 05 Aménagementurbain| 10 Matériels d’entretien de voirie et Matérielsd’entretien devoirieet salondesmaires.comsalondesmaires.co Inscription gratuite sur 10 une société une société 13 13 04 Sport -Loisir 07 07 Informatique Informatique Prévention Prévention 01 m 228/08/2015 11:10 30/07/15 14:23 8 / 0 8 / 2 0 1 5

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Comprendre le processus et les « routes » de la radicalisation

militant un socle de référence l Les logiques de la radicalisation La socialisation militante est unique et structurant l’ensemble répondent selon nous à trois fondamentale. Rare est le « lone de ses comportements. dynamiques complexes mêlant wolf », venu de nulle part et sans E y – Le deuxième concerne les trois dimensions d’analyse : relais activistes. La violence LA n- E moyens d’action privilégiés par – Le contexte (la dimension s’apprend et nécessite pour ce n- l’acteur militant pour faire entendre macro). Il s’agit ici de prendre en faire, tuteurs et maîtres à penser GERMAI sa croyance au reste du monde. compte le contexte général dans qui vont à la fois en favoriser nt- SAI La radicalisation est donc aussi lequel évolue l’acteur violent. l’usage et mettre à mal les freins PO

CE une pratique qui fonde cette Même si à notre sens n’existe au- moraux à son épanouissement. n

SCIE croyance sur l’usage de moyens cun élément structurant une « per- Enfin, on pourra parfois parler Xavier Crettiez, violents n’hésitant pas à attenter sonnalité terroriste », on pourra d’incitations à la radicalisation professeur de science aux vies humaines pour asseoir s’intéresser au cadre familial et violente lorsque celle-ci rapporte politique, directeur sa vérité. économique de l’acteur devenu soit financièrement, soit le plus adjoint de Sciences Po – Le troisième est la transmutation violent, au régime politique dans souvent symboliquement en valo- Saint-Germain-en-Laye de son idéologie « vérité unique » lequel il évolue, au niveau de ré- risant le soi grandiose de celui en grille de lecture de son environ- pression entretenu par des forces qui l’embrasse, transformant pour nement conduisant à percevoir de l’ordre aux pratiques pas tou- quelques heures un délinquant le monde de façon duale entre jours démocratiques, aux perspec- sans perspective en combattant ceux qui partagent la cause tives économiques et au niveau d’une cause transcendantale. et ceux qui, ne la partageant pas, – Les cadres cognitifs et émo- sont appelés à mourir. Cette lec- tionnels (la dimension micro). ture binaire du monde constitue L’agneau devenant Contrairement à une parole le dernier élément de la radicalisa- de façon soudaine commune les acteurs violents tion qui amplifie et justifie à la fois loup solitaire par ne sont pas fous. Ils répondent le cadre cognitif de l’acteur à une vraie idéologie qui fait sens a notion de radicalisation (la cause) et les moyens utilisés l’effet d’internet ? et détermine leurs actes. connaît un succès phéno- pour le défendre (la violence). Une illusion Comprendre la radicalisation c’est ménal au point de sup- technologique… s’efforcer de saisir les logiques L planter dans les moteurs l Comprendre les phénomènes de séduction à l’œuvre dans de recherche le terme même de de radicalisation implique en tout les cadres cognitifs mobilisés : terrorisme auquel elle est souvent premier lieu de se défaire d’une de frustration qui sont les siens, le nationalisme ou le marxisme à associée. Cette évolution est approche causale et d’une inter- aux encouragements culturels une certaine époque, comme intéressante par ce qu’elle atteste prétation en termes de bascule- à l’usage de la violence ou à l’exis- l’islamisme de nos jours, emprun- le succès d’un terme pourtant très ment pour adopter une vision tence d’alliés opérationnels dans tent des références grandioses, mal défini et qu’elle témoigne processuelle. Il importe en consé- son apprentissage. des raccourcis séduisants, d’une prise en compte anticipée quence de penser en termes – Les trajectoires biographiques des identifications sublimes qui des phénomènes de violence poli- de « routes » (plus que de « roots »), et les incitations (la dimension valorisent et autorisent les actes tique, déplaçant le curseur bien de refuser l’idée de profils types mezzo). On mettra en avant plu- les plus extrêmes. en amont de la réalisation des ou de déterminants lourds qui « ex- sieurs éléments qui insistent sur Au-delà, les émotions mises actes violents dans une logique pliqueraient » la radicalisation mais les trajectoires singulières des en scène sur internet ou ailleurs, de surveillance et de prévention. privilégier l’approche par les pro- acteurs violents. La disponibilité sont porteurs de logiques d’action, cessus c’est-à-dire l’apprentis- biographique – vécue comme que ce soit la haine, la colère, l Le terme de radicalisation sage, la socialisation, la lente l’absence d’ancrage professionnel la peur ou à l’inverse l’amour ou renvoie à trois phénomènes progression dans la voie radicale. ou familial – est ainsi une des la fierté. La radicalisation favorise concomitants. A ce titre, l’usage récurrent marques des acteurs violents. également un « bovarisme mili- – Le premier est l’adoption d’une du terme « basculement » dans La mémoire et la validation fami- tant », une tentation « escapiste » idéologie dont la logique devient la violence n’a aucun sens et ré- liale peuvent aussi jouer un rôle où l’acteur développe un roman- un véritable cadre de vie, d’action pond le plus souvent à une illusion important, singulièrement sur tisme activiste dans un monde et de signification, embrassant technologique qui voudrait qu’on les terrains algériens, irakiens fantasmé, s’offrant une part la raison d’être de l’individu et devienne terroriste sous l’effet ou syriens ou dans le cas du de rêve en se transformant en hé- du groupe. Que cette idéologie d’internet, de façon soudaine, bas- djihadisme pakistanais, où l’en- ros d’une communauté maltraitée soit d’origine religieuse ou poli- culant du statut d’agneau à celui couragement à l’engagement vient et renouant avec la fierté recou- tique, elle devient pour l’acteur de loup solitaire. souvent des soutiens familiaux. vrée dans le crime. ◆

12 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 LES ENJEUX DU PHÉNOMÈNE opinion

Internet : cause ou catalyseur des phénomènes de radicalisation ?

extrémiste, il serait erroné de faire réponses à ce qui constitue chez comptant les arguments et justifi- d’internet un facteur explicatif eux une quête de sens, un ques- cations croisés sur internet. en soi suffisant pour comprendre tionnement identitaire, ou tout Face à cette problématique, les phénomènes actuels de radi- simplement à une sensibilité les pouvoirs publics possèdent calisation, fussent-ils djihadistes exacerbée face à certaines néanmoins plusieurs leviers d’ac- ou associés à d’autres formes problé matiques politiques, tion. A l’échelle locale, les maires de radicalités violentes (extrême sociales ou internationales. ont un rôle à jouer non seulement droite groupusculaire, écologisme Dans une grande majorité de cas, dans la mise en œuvre des initia- radical, etc.). Dans une vaste l’internet opère ainsi comme tives nationales, mais également

CICC majorité des cas, les environne- un catalyseur plus que comme dans la mise en place d’interven- Benjamin Ducol, ments numériques ne sont une cause première de l’adhésion tions complémentaires. chercheur qu’un élément parmi d’autres à une cause extrémiste. Pour A titre d’exemple, l’instauration de postdoctorant, dans l’équation complexe les individus déjà convaincus projets au niveau municipal visant Centre international qui sous-tend les trajectoires ou en voie de l’être, le web à renforcer la « littératie numé- de criminologie individuelles de radicalisation. devient un terrain où peut se dé- rique » (en anglais : digital literacy) comparée (CICC), En effet, les racines premières velopper librement un fantasme et l’éducation aux médias université de Montréal de la radicalisation se nouent identitaire : celui de faire partie numériques devrait constituer une le plus souvent aux confins d’une cause collective grandilo- priorité. Dans la mesure où l’adhé- des expériences et des parcours quente (le djihad, la défense sion aux discours extrémistes biographiques des individus eux- d’une pureté identitaire, etc.) se fonde en partie sur une lecture mêmes. Ainsi, derrière tout nécessitant un engagement faiblement critique des contenus processus de radicalisation, il plein et entier. Parce qu’il offre et discours croisés en ligne, il existe un terreau fertile qui rend des contenus et des discours convient de mieux éduquer les certains individus plus (pré)dispo- souvent décontextualisés, individus à l’utilisation d’internet, sés que d’autres à s’engager le web constitue, à bien des ainsi qu’à ses risques et ses sur le chemin de la radicalisation. égards, un terrain favorable à dérives. Ce terreau fertile est toutefois l’endoctrine ment. Cette perspective s’avère d’au- lors que les derniers extrêmement variable d’un individu tant plus importante chez les chiffres du gouverne- à un autre, fruit des conditions jeunes pour qui le web constitue ment font état de près sociales, familiales, culturelles, Les maires ont un canal majeur dans la formation Ade 1 800 ressortissants relationnelles et psychologiques un rôle à jouer pour de leurs opinions et de leurs français impliqués dans les filières propres à chacun. sensibiliser les croyances face au monde social. djihadistes en Syrie et en Irak, C’est à partir de ce terreau fertile, Offrir des ateliers de formation se pose la question du rôle que l’internet favorisera, dans familles et renforcer à destination des jeunes visant d’internet et des médias sociaux certains cas, les processus de l’éducation aux à favoriser chez eux les réflexes en ce qui a trait à ce phénomène. radicalisation. Chez certains indi- médias numériques d’une consommation critique Qu’on évoque les termes de radi- vidus psychologiquement vulné- des contenus, des discours calisation violente, de radicalisa- rables, parfois naïfs, tout et des produits rencontrés sur tion en ligne, voire d’auto-radicali- simplement crédules ou attirés Personne ne devient toutefois le web s’avère aujourd’hui plus sation, l’internet est aujourd’hui par les discours manichéens, djihadiste par le seul effet du web que jamais primordial. régulièrement pointé du doigt pseudo-contestataires et souvent et des médias sociaux. Cette éducation aux médias nu- comme l’un des facteurs explica- fortement conspirationnistes dont Ce que le web produit, c’est cet mériques passe également par tifs de ces phénomènes. Souvent le web regorge, le cyberespace amalgame monstrueux entre un une sensibilisation des familles décrit comme un Far West numé- peut constituer un lieu de décou- narratif idéologique fantasmé du aux dangers de l’utilisation d’inter- rique, le rôle du web en matière verte de narratifs à tonalité monde (le djihadisme, l’extrême net et des réseaux sociaux chez de radicalisation s’avère néan- extrémiste qui peuvent entrer droite identitaire, l’ultranationa- les plus jeunes. A plusieurs moins beaucoup plus complexe, en résonance avec leurs propres lisme exacerbé, etc.) et des égards, l’éducation aux médias et surtout plus contextuel, vécu ou expérience. individus souvent vulnérables, numériques constitue une forme qu’il n’y paraît au premier abord. En découvrant ces discours naïfs ou prédisposés à croire aux de prévention importante face aux Si le web constitue bel et bien professés par des prédicateurs, discours auxquels ils s’exposent phénomènes de radicalisation un espace massif de diffusion gourous et autres personnalités en ligne. En l’absence de tout et aux aspects divers que prend pour une vaste gamme de dis- charismatiques, certains individus recul critique, les individus aujourd’hui l’embrigadement cours et de contenus à caractère vont ainsi trouver en ligne des en viennent à prendre pour argent extrémiste. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 13 la réponse publique REPÈRES Un plan national pour repérer et prendre en charge les individus

Le repérage des situations de radicalisation et la prise en charge des personnes sont les principaux piliers du volet « prévention » du plan de lutte contre le terrorisme. En 2015, 6 millions d’euros ont abondé le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour financer les actions locales.

’est dans un contexte de développement du phénomène de départs 8,6M€ de ressortissants fran- sontdestinésaufinancement C desactionsdeprévention çais vers la syrie et l’irak que le delaradicalisationen2015. gouvernement a adopté un plan national de lutte contre la radica- lisation violente et les filières dji- 6,5M€ hadistes. présenté en Conseil des sontaffectésaurenforcement delavidéoprotectiondessites ministres, le 23 avril 2014, par le sensibleset2,5millionsd’euros ministre de l’intérieur, bernard Ca- àlasécurisation(horsvidéo) zeneuve, ce dispositif s’appuie sur decessites.2,4millions d’eurosvontaufinancement 24 mesures combinant, en particu- d’équipementsdespolices lier, le renforcement des capacités municipales(giletspare-balles etterminauxportatifs judiciaires pour lutter contre les fi- deradiocommunication). lières, la mise en œuvre de moyens pour contrarier et empêcher les déplacements de djihadistes vers pICTURETANK la syrie, et ceux destinés à lutter Lesadministrationsdoivents’employeràmieuxcernerlapsychologiedesjeunes contre la diffusion de contenus illi- concernésetlesméthodesdesrecruteurs. cites sur les réseaux sociaux. la loi du 13 novembre 2014 est venue nistériel de prévention de la délin- former les familles sur les dangers renforcer l’arsenal administratif et quance (sG-CipD), est chargé de de la radicalisation islamiste et judiciaire de lutte contre le terro- piloter et de coordonner ce plan les renseigner sur les dispositifs risme : création du délit d’entre- stratégique, ainsi que de recenser d’accompagnement. un numéro prise terroriste individuelle, du et diffuser les bonnes pratiques au vert a été ouvert au sein du minis- délit spécifique de provocation moyen de campagnes de commu- tère de l’intérieur, le 29 avril 2014, directe et d’apologie publique des nication. articulé autour du repé- pour recueillir les signalements actes terroristes (article 421-2-5 du rage des situations individuelles d’individus radicalisés. au sein Code pénal), interdiction de sortie d’une plateforme téléphonique pi- du territoire, blocage et déréféren- lotée par l’unité de coordination et cement des sites faisant l’apologie Après filtrage des de la lutte antiterroriste (uclat), des du terrorisme (lire encadré p. 15). signalements, les cas opérateurs sont dans une écoute de radicalisation bienveillante des familles et les Signalement, prise avérés sont transmis conseillent. en charge et formation aux préfets. l’organisation d’une prise en des professionnels charge des familles et des jeunes a côté de ces moyens répressifs, radicalisés ou en voie de radica- un volet portant sur la prévention de basculement dans la radicali- lisation est le deuxième axe de ce du phénomène de radicalisation et sation et sur la prise en charge des plan. après un filtrage des signale- sur l’accompagnement des familles familles et des personnes concer- ments, effectué au niveau central, a été élaboré et présenté dans la cir- nées, il s’appuie sur quatre axes afin les cas de radicalisation avérés sont culaire du 29 avril 2014 qui en fixe d’empêcher que des jeunes s’inscri- transmis aux préfets des départe- les modalités d’organisation. le se- vent durablement dans cette voix. ments chargés de les orienter vers crétariat général du comité intermi- premier axe de cette stratégie : in- un soutien et un accompagnement

14 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique REPÈRES

social, psychologique et d’insertion Côté financement, une circulaire attentats de janvier 2015 à paris, professionnelle. l’action auprès sur les orientations pour l’emploi le gouvernement a décidé d’abon- des individus radicalisés est ain- des crédits du fonds interminis- der de 60 millions d’euros sur trois LESCIRCULAIRES si organisée au niveau local dans tériel de prévention de la délin- ans l’enveloppe de crédits initiale > Circulaire du 29 avril 2014 relative à la prévention une logique partenariale associant quance (FipD) 2015 adressée fin accordée aux acteurs locaux au de la radicalisation et l’accom­ les services déconcentrés de l’etat, 2014 aux préfets par le secrétaire titre de la prévention et de la lutte pagnement des familles les collectivités et les associations. général du comité interministériel contre le terrorisme. > Circulaire du 4 décembre 2014 relative à la prévention la formation au phénomène de ra- de prévention de la délinquance une circulaire du 25 mars 2015 de la radicalisation et au dicalisation des agents des services (sG-CipD), pierre n’Gahane, fai- est venue détailler la répartition fonctionnement des cellules de l’etat, des professionnels et des sait de la prévention de la radicali- des 20 millions d’euros destinés départementales > Circulaire du 19 février 2015 élus des collectivités locales et des sation une priorité. les préfets ont à financer quatre priorités. ainsi, relative aux cellules de suivi associations constitue le troisième 8,6 millions d’euros sont consacrés dans le cadre de la prévention axe du plan et apparaît comme un aux actions de prévention de la ra- de la radicalisation enjeu majeur pour la bonne mise 2,6 M€ sont réservés dicalisation, dont une enveloppe > Circulaire du 19 février 2015 relative à la lutte contre le en œuvre de l’ensemble du disposi- à la formation de 2,6 millions d’euros réservée au terrorisme – mesures relevant tif. Car, pour bon nombre d’acteurs des acteurs locaux niveau national notamment pour le du ministère de l’Intérieur locaux, l’appréhension du phéno- financement de la formation des ac- > Circulaire du 23 mars 2015 et à l’équipe mobile sur les orientations des crédits mène est récente. « le phénomène d’intervention. teurs locaux pilotée par le sG-CipD du FIPD en 2015 dans le cadre de radicalisation constitue pour les ainsi qu’à la mise en œuvre d’une du renforcement du dispositif pouvoirs publics français, et singu- équipe mobile d’intervention, opé- de lutte contre le terrorisme > Circulaire du 20 mai 2015 lièrement pour les administrations donc été invités, dans le cadre des rationnelle depuis mai 2015. relative à la prévention de terrain, un sujet nouveau : mé- crédits qui leur sont délégués et l’autre partie de l’enveloppe d’un de la radicalisation – équipe connaissance des mécanismes psy- du plan de lutte contre la radicali- montant de 6 millions d’euros est, mobile d’intervention chologiques des jeunes concernés, sation violente et les filières terro- quant à elle, appelée à financer méconnaissance des méthodes em- ristes du gouvernement, à « finan- au plan local les actions engagées ployées par les recruteurs, mécon- cer des actions de prévention de dans le cadre des cellules de suivi naissance de la culture musulmane la radicalisation en direction des au titre de la prévention de la radi- restent conditionnés au bon fonc- sont autant de facteurs qui font que jeunes concernés et d’accompagne- calisation et de l’accompagnement tionnement des cellules de suivi les administrations sont démunies ment de leurs familles » et à mettre des familles. départementales. sur ce champ largement étranger en place des « actions spécifiques et Concrètement, les préfets sont in- à leurs domaines traditionnels d’in- innovantes en la matière ». vités à soutenir cette année les ac- Prise en charge tervention. la principale difficulté tions de prise en charge psycho- de la déradicalisation est donc, pour les acteurs engagés 60 M€ supplémentaires logique, sociale et d’insertion pour le secrétaire général du CipD, dans ce dispositif, qu’il leur faut ap- sur 3 ans professionnelle des personnes ra- pierre n’Gahane, le dispositif reste prendre tout en agissant », explique les actions de prévention de la dicalisées, telles qu’elles sont dé- perfectible et devra être en « ca- le député de l’essonne, Malek bou- radicalisation ont vocation à être crites dans les fiches repères d’ex- pacité de ramener les jeunes ra- tih (ps), dans son rapport « Généra- financées sur le FipD. suite aux périmentation. Des crédits qui dicalisés dans le giron de la ré- tion radicale » remis au premier mi- publique ». en ligne de mire : les nistre début juillet 2015. Déployé à actions de déradicalisation qui de- l’échelle nationale depuis juin 2014 vront compléter le plan de préven- par le secrétariat général du comi- Des mesures administratives pour tion mis en œuvre actuellement. té interministériel de prévention de lutter contre le terrorisme Dans un rapport intitulé « la déra- la délinquance (sG-CipD), le cursus dicalisation, outil de lutte contre le Pour lutter contre le terrorisme, le ministère de l’Intérieur dispose de formation a d’ores et déjà été dis- de plusieurs outils dont certains sont issus de la loi du 13 novembre terrorisme », remis au premier mi- pensé à 2 500 personnes. 2014. Des mesures peuvent être prises pour neutraliser les mouve­ nistre le 16 juillet dernier, le dé- ments des personnes et limiter leurs moyens d’action. Pour les per­ puté des Hauts-de-seine, sébas- Lutter contre sonnes majeures, il peut s’agir d’une interdiction de sortie du terri­ tien pietrasanta, envisage une série la propagande djihadiste toire vers des zones de combat, décidée par le ministre de l’Intérieur. de mesures pour déradicaliser des Pour protéger les mineurs particulièrement vulnérables, une mesure enfin, le plan veut agir contre d’opposition à sortie du territoire peut être prise notamment à la de­ personnes de retour des zones de la propagande violente des djiha- mande des parents. Concernant des ressortissants étrangers, une me­ combat en syrie et en irak. se- distes qui utilisent internet – no- sure d’interdiction administrative du territoire et des expulsions lon les cas, la prise en charge in- tamment les forums, les réseaux peuvent être décidées par le ministre de l’Intérieur. Afin de lutter dividuelle se déroulerait en mi- contre la propagande djihadiste sur le web, le ministère dispose sociaux etc. – comme moyen d’em- lieu ouvert, en prison ou au sein de leviers pour retirer, bloquer et déréférencer des sites internet. brigadement et de recrutement, en Enfin, un gel des avoirs terroristes peut être mis en œuvre pour préve­ de centres de déradicalisation qui favorisant l’émergence d’un contre- nir la commission d’actes, et la dissolution d’associations et de grou­ accueilleraient des individus sous discours tant public que sur le web pement de faits prononcée par décret du président de la République. contrainte, après le prononcé d’une djihadiste. décision judiciaire. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 15 la réponse publique entretien

Pierre N’Gahane, préfet et secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) « La mécanique préventive est articulée autour de la détection »

Le préfet Pierre N’Gahane insiste sur le rôle pivot des préfets dans les réponses sécuritaires et préventives à apporter. Il estime que l’implication des communes dans les cellules de suivi reste à améliorer.

e secrétaire général du sG- En quoi, la prévention de la radi- un groupe de travail interministé- CipD, chargé de piloter calisation est-elle un enjeu ? riel a défini des indicateurs de bas- le plan national de préven- Le modèle français a-t-il des culement permettant d’identifier les pierreN’GahaNe tion de la radicalisation, spécificités par rapport à celui personnes à risque : indicateurs de > Préfet et secrétaire général L du comité interministériel de fait le tour de ses enjeux après plus des pays étrangers ? rupture, de comportement, d’en- prévention de la délinquance d’un an de mise en œuvre. aujourd’hui, la radicalisation vironnement, parcours de la per- (SG-CIPD). touche tous les pays et, s’il n’est sonne. Chaque traitement des situa- > Ancien préfet territorial dans Vous pilotez le volet préventif les Ardennes (2011-2013) et pas un phénomène nouveau, tions débute à partir de là, et donc les Alpes-de-Haute-Provence du plan national de lutte contre il a cependant pris une dimension la mécanique préventive est articu- (2008-2011), et préfet délégué la radicalisation violente exceptionnelle depuis quelques lée autour de la détection. pour l’égalité des chances auprès du préfet des Bouches- et les filières terroristes. Quel mois et ceci, quel que soit le pays, du-Rhône en 2007. est votre rôle ? le riche d’europe ou le plus pauvre De quelle nature est la réponse le secrétariat général du comi- d’afrique centrale. Cet enjeu est publique en matière de préven- té interministériel de prévention tion de la radicalisation ? de la délinquance (sG-CipD) a trois le traitement de l’information est missions. « Les conseils confié à l’autorité préfectorale. D’où tunité de rencontrer ont manifesté premièrement, coordonner la mise départementaux sont le rôle de pivot dévolu aux préfets le souhait d’être parties prenantes, en œuvre du plan de prévention majoritairement dans la réponse publique mise en ce que le dispositif autorise. au niveau local qui relève de la œuvre. ils organisent à la fois la ré- responsabilité de chaque préfet de impliqués dans ponse sécuritaire et celle non sé- Le SG-CIPD a mis en place département. Dans ce cadre, notre les cellules de suivi. » curitaire. pour cette dernière, les une instance interministérielle rôle consiste en un soutien et un Pierre N’Gahane préfets sont amenés à avoir une de référencement des bonnes appui, d’autant plus que nous dis- approche partenariale avec les ac- pratiques. Qu’en est-il ? posons d’un fonds spécialement teurs de la société civile, les élus les modèles de prises en charge dédié aux actions menées par les mondial et se caractérise par une locaux et à échanger sur des pré- doivent être confortés. nous avons préfets au titre de la radicalisation. idéologie politique à connotation occupations devant conduire à ap- dû travailler, dans un premier notre deuxième rôle est de former religieuse portée par des groupes porter une réponse publique adap- temps, par expérimentation sur les acteurs locaux à la compréhen- extrémistes et radicaux qui ont une tée à chaque individu. un certain nombre d’axes et avons sion du phénomène et à la prise ambition affichée très nette. D’où dans cet objectif créé une instance en charge des familles et des per- la difficulté de l’exercice car cette Avec les cellules de suivi interministérielle pour partager les sonnes concernées. Dans un pre- idée séduit manifestement un cer- départementales, le niveau local initiatives et les expérimentations mier temps, nous avons formé les tain nombre de nos ressortissants. de traitement est privilégié. Quel mises en place par les préfets. en- écoutants de la plateforme télépho- les spécificités du modèle français rôle les collectivités peuvent- suite, au regard des succès obtenus, nique pilotée par l’unité de coor- reposent sur le mode de détection elles jouer dans ce cadre ? nous avons tenté de modéliser ces dination et de lutte antiterroriste des personnes en voie de radicali- il est évident que les personnes dé- prises en charge au bénéfice de tous (uclat), les responsables de l’admi- sation. l’enjeu est de pouvoir re- tectées appartiennent à des bassins les territoires. enfin, nous avons nistration centrale et certains mé- pérer l’individu concerné avant de vie sur lesquels les collectivités isolé une dizaine de situations par- dias. enfin, nous faisons connaître le basculement. territoriales, les maires, ont une ticulières au profit des personnes et le numéro vert 0.800.005.696 et, à responsabilité directe. les conseils des recommandations de prise en cette fin, avons produit et diffu- Justement, quelle place le repé- départementaux sont majoritaire- charge se sont traduites sous forme sé plusieurs supports à l’échelle rage des situations de radicali- ment impliqués dans les cellules de fiches de bonnes pratiques pour nationale afin de promouvoir sation occupe-t-il dans le dispo- de suivi mises en place par les pré- permettre aux préfets une mise en cette nouvelle politique publique. sitif de prévention ? fets. les communes le sont moins œuvre plus efficace. Ces fiches J’anime une task-force interminis- le repérage est l’élément essentiel. et cela demeure un point à amé- visent, par exemple, la situation térielle qui porte ses trois axes. il est placé sous l’autorité de l’uclat. liorer. les élus que j’ai eu l’oppor- d’un jeune mineur dont le projet

16 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique entretien IS Mara

P.

est de faire de l’humanitaire en sy- sur le plan de la prise en charge atteindre cet objectif, des moyens rie et qui a récemment basculé dans des familles ou des personnes ra- « Il reste à compléter ont été mis à disposition pour tra- la radicalisation et agit au grand dé- dicalisées, le gouvernement a dé- le dispositif concernant vailler. a ce jour, près de 4 600 si- sarroi de sa famille. ou bien, com- cidé de consacrer près de 10 mil- la situation des gnalements ont été enregistrés et ment prendre en charge un jeune lions d’euros sur 3 ans, soit près personnes en retour 930 personnes sont actuellement radicalisé au parcours délinquant, de 30 millions, pour financer les de la zone prises en charge. le gouvernement multirécidiviste sans cadre familial, actions réalisées par les acteurs des combats. » sait qu’il reste encore à complé- qui a envie de se réaliser à travers locaux. les préfets ont reçu une ter le dispositif concernant la si- un combat en syrie ? ou encore, ce partie de ces dotations pour des Pierre N’Gahane tuation des personnes en retour qu’il faut faire vis-à-vis d’une fa- actions locales. les associations des zones de combat. le premier mille dont tous les membres sont en sont les principales bénéficiaires des lieux sensibles. Cette dernière ministre a décidé que pour ces voie de radicalisation et qui com- des subventions accordées dans mission est notamment portée par personnes, qui ne font pas l’objet prend des mineurs, ou avec le pa- le cadre de l’abondement du fonds le préfet Thierry Coudert, délégué d’une réponse judiciaire, une so- rent qui appelle la plateforme télé- interministériel de prévention de aux coopérations de sécurité. lution serait proposée. Cette solu- phonique alors que son enfant est la délinquance (FipD) au titre de tion pourrait être étendue à celles déjà parti ? Ces situations m’ont été la prévention de la radicalisation. Quel bilan peut-on tirer du dis- qui font l’objet d’une action judi- souvent directement racontées par Certaines communes ont aussi dé- positif national de prévention ciaire, mais l’enjeu pour elles reste les familles concernées que nous posé des projets qui sont soute- après plus d’une année de mise entier. Des expérimentations sont tentons d’accompagner au mieux. nus par ce fonds via les préfets. en œuvre ? également lancées en milieu car- en outre, 30 millions d’euros sont aujourd’hui, la réponse publique céral qu’il s’agisse de la mise à Quels sont les crédits aujour- consacrés au financement des gi- couvre tout le territoire national et l’écart des détenus les plus radi- d’hui disponibles pour lets pare-balles au profit des col- la montée en puissance du dispo- caux jusqu’à la possibilité de tra- accompagner le plan de préven- lectivités territoriales pour leur po- sitif se caractérise par des interven- vailler en groupes dans une pers- tion de la radicalisation ? lice municipale et à la sécurisation tions multiples et adaptées. pour pective de désengagement. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 17 la réponse publique les organismes

Repérage et prise en charge des situations de radicalisation : acteurs et actions

Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD)

Pilotage et coordination du plan national de prévention (volet non répressif) Formation des professionnels Capitalisation des bonnes pratiques www.prevention-delinquance.gouv.fr

SignalementS deS individuS radicaliSéS Signalements au CNAPR Centre national d’assistance Services et de prévention centraux Par les familles, les proches de la radicalisation de lutte contre ou les institutions (CNAPR) * le terrorisme (numéro vert ou site internet) Recueil des signalements Par les états majors Ecoute et conseil des familles et des de sécurité (EMS) (repérage par les services proches des individus radicalisés de police)

traitementS Avis deS SituationS Préfet Procureur de Saisine Equipe mobile Cellule de suivi la République d’intervention départementale Soutien Groupe méthodologique d’évaluation Prise en charge Orientation des psychologique familles, des proches (services de des personnes et et des personnes renseignement) des familles radicalisées ou en et déradicalisation voie de radicalisation

actionS d’accompagnement et de priSe Partenaires en charge (psychologique, sociale, insertion Associations, collectivités locales, professionnelle, psychologues, maison des adolescents, etc.). établissements de santé, réseaux Ces actions sont éligibles d’écoute d’appui et d’accompagement au financement du fonds des parents (Reaap), organismes d’insertion interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). professionnelle, etc.

* Pilotage de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). realisation : p. distel / la gazette

18 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique Les acteurs

Le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) Repérer les cas de radicalisation et renseigner les familles

rière les concernant. la plate- apparents des individus, leur stra- descriptive détaillée de la situa- Pourquoi ? forme n’existe pas pour “faire du tégie et profil, leur environnement, tion est rédigée. relue puis vali- un Centre national d’assistance et de prévention chiffre”. ainsi, toutes les condi- leurs comportements, les théories dée par des officiers de police spé- de la radicalisation (CNAPr) tions sont réunies pour qu’ils éta- et discours qu’ils tiennent, sont pris cialisés de l’uclat, elle est ensuite – plateforme téléphonique – piloté par l’unité blissent une relation de confiance en compte pour évaluer le degré de adressée à la préfecture du dépar- de coordination de la lutte avec les appelants, leur permet- radicalisation. « la stratégie la plus tement de domicile de la personne antiterroriste (uclat) a été mis tant de prendre en considération prisée chez les individus radicali- appelante ; préfecture qui est char- en place en avril 2014. la souffrance exprimée par la fa- sés ou en voie de radicalisation est gée d’évaluer et d’orienter la prise Pour qui ? mille ou les proches et la situa- celle de la duplicité ou de la dissi- en charge psycho-sociale de cette il réceptionne les signalements tion dans toute sa complexité », mulation. lorsqu’elle se sent obser- dernière. de radicalisation effectués par les familles, les proches et explique eliane Theillaumas, psy- avant tout orientée vers l’écoute les institutions. on y écoute, chologue clinicienne, conseillère et le soutien des familles, la pla- rassure et renseigne les familles technique à l’uclat. teforme du Cnapr collecte aussi, inquiètes et en détresse. de fait, des renseignements opé- a l’écoute des familles 2 489 rationnels utiles au déclenche- et des proches signalements de radicalisation ment ou à la poursuite d’investi- u cœur du disposi- au téléphone, ils dialoguent avec sur 11 000 appels reçus gations des services de police. Dans par la plateforme téléphonique tif de signalement des les familles, les renseignent et ten- d’avril 2014 à fin juin 2015, certains cas, l’entretien télépho- personnes radicalisées tent de les rassurer. avec discerne- correspondant à 2 403 nique peut avoir permis d’identi- A ou en voie de radicali- ment, ils trient les situations selon personnes signalées. fier des situations de danger ou de sation, une plateforme télépho- les récits des appelants, s’efforçant menace pour la sécurité des per- nique d’appel (numéro vert gra- de distinguer ce qui relève davan- 56 % sonnes. C’est pourquoi la fiche tuit 0.800.005.696) a été ouverte tage d’un processus de radicali- des signalements proviennent synthétique rédigée par les opé- le 29 avril 2014. baptisée Centre sation plutôt que d’une pratique des membres de la famille dont rateurs est également envoyée aux national d’assistance et de préven- religieuse. « Ce numéro, c’est très 25 % sont les mères. services départementaux du ren- tion de la radicalisation (Cnapr), bien, c’est une sécurité. on m’a seignement territorial (sDrT) et elle est pilotée par l’unité de posé énormément de questions sur 25 % directions départementales de la coordination de la lutte antiter- l’environnement familial, le mode des signalements concernent sécurité intérieure (DDsi) de la po- roriste (uclat) rattachée au direc- de vie. ils sont très empathiques des mineurs. Sur les 75 % lice nationale. un autre intérêt du teur général de la police natio- et rassurants », se souvient Marie de signalements de majeurs, dispositif est d’avoir permis d’af- 57 % sont des garçons et 43 % nale (DGpn). Cet outil innovant qui les a contactés fin avril 2014. des filles. 56 % du total sont finer la connaissance et l’analyse créé dans le cadre du dispositif na- « beaucoup de familles nous de- des personnes converties à du phénomène de radicalisation tional de lutte contre la radicali- mandent : “qu’est-ce qui fait que l’islam. Environ 12 % sont déjà violente et des filières djihadistes. partis, principalement en Syrie. sation violente et les filières dji- mon enfant est en train de se radi- hadistes, initié par le ministre de caliser ?” bien souvent, elles expri- 25 % des signalements l’intérieur en avril 2014, permet ment un vrai sentiment de culpa- concernent des mineurs de centraliser les informations au bilité. Certaines ont également des Conçu essentiellement comme un travers de la remontée de signale- difficultés à faire la différence entre vée par son environnement proche, outil de mesure du phénomène, ments liés à la radicalisation. une conversion et un processus de la personne radicalisée atténue un le Cnapr a donc permis de ré- Concrètement, l’enjeu du repé- radicalisation », explique un des tas de choses et s’adapte », explique véler son ampleur. Concrètement, rage des situations de radicalisa- opérateurs de la plateforme. eliane Theillaumas. environ 65 % des signalements à tion est de taille. C’est donc pour pour les guider dans leur apprécia- l’un des objectifs de la plateforme l’échelle nationale proviennent y répondre que huit opérateurs ré- tion, ils s’appuient sur une grille téléphonique est de permettre une des appels téléphoniques vers servistes de la police nationale, d’indicateurs de radicalisation écoute et un suivi social concret la plateforme. Depuis sa mise en se relaient du lundi au vendredi construite en commun par l’uclat des familles et des individus ra- place en avril 2014, ce sont près de 9 heures à 18 heures sans relâ- et le secrétariat général du comité dicalisés. De sorte qu’au terme de 11 000 appels qui ont été traités. cher leur vigilance. « leur statut interministériel de prévention de la de chaque entretien, qui souvent Fin juin 2015, la plateforme avait fait qu’il n’y a pas d’enjeu de car- délinquance (sG-CipD). les signes dure plus d’une heure, une fiche reçu 2 489 signalements. en

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 19 la réponse publique Les acteurs

janvier et février 2015, immé- Trois questions a... diatement après les attentats com- Eliane Theillaumas, psychologue clinicienne, conseillère technique à l’Uclat * mis à paris, son activité a même connu des pics. pendant cette pé- « Les écoutants instaurent un lien de confiance et riode, selon l’uclat, nombreuses doivent conseiller et rassurer les familles démunies » étaient les familles qui ont contac- té le Cnapr afin d’être rassurées. en effet, entre un tiers et la moitié des appels, dans les jours qui ont suivi les attentats, n’ont finalement pas donné lieu à la rédaction d’une fiche de signalement. une majorité de convertis autres données significatives : plus de la moitié des appels (56 %) pro- vient des membres de la famille dont 25 % sont des mères. les 44 % restant sont effectués par des « connaissances » ou des « institu- tionnels » en contact avec la per- sonne soupçonnée de radicalisa- tion. le Cnapr observe également que 75 % des signalements concer- nent des personnes majeures dont 57 % sont des garçons et 43 % des IA filles. sur la totalité des signale- h EC v ments, 56 % sont des personnes ALCA C converties à l’islam. F. une autre partie des signalements, Vous supervisez la plateforme d’appels télé- L’échange ne doit ainsi pas être perçu comme un environ 11 % de l’ensemble, par- phoniques. quel est précisément votre rôle ? interrogatoire de police. Les écoutants sont tous vo- vient à la plateforme par le biais Une grille d’indicateurs permet aux écoutants de lontaires, et en tant que réservistes de la police na- d’un formulaire rempli par les fa- la plateforme d’analyser les situations de radicalisa- tionale, ils ont une longue expérience qui leur permet milles, accessible sur une page tion portées à leur connaissance par les appelants. également de relayer les informations recueillies lors dédiée du site internet stop-djiha- L’un de mes rôles est, au gré des signalements, de l’entretien aux services de police opérationnels, disme.gouv.fr, « agir contre la me- d’actualiser et de structurer les indicateurs afin dès lors qu’elles s’avèrent utiles et qu’elles ont un nace terroriste », et sur le site du de permettre à tous de mieux appréhender la pro- caractère d’urgence pour la sécurité des personnes. blématique et ainsi d’enrichir l’écoute des familles Ils communiquent à la fois des informations et des ministère de l’intérieur. Dès sa ré- démunies qui nous contactent. Lors d’un appel, conseils aux familles et constituent au final un relais ception, les opérateurs contac- il m’arrive de prendre le relais de l’opérateur quand précieux des préfectures et des cellules d’évaluation tent par téléphone les familles l’échange avec l’appelant présente des difficultés de la radicalisation et de prise en charge des per- pour évaluer la situation. enfin, particulières. J’ai également un rôle de supervision sonnes radicalisées. Ainsi, contrairement à une idée d’autres signalements remontent auprès des écoutants afin qu’ils expriment leur res- qui a été véhiculée à tort, la plateforme est une struc- à la plateforme par les services de senti face aux situations très douloureuses qu’ils ture où la délation n’a pas sa place. traitent. Enfin, je peux être contactée par une cellule police et de gendarmerie. au-delà Avec plus d’un an de recul, pouvez-vous dire de suivi départementale pour donner des conseils du Cnapr, d’autres signalements qu’il existe des profils d’individus radicalisés ? sur l’opportunité de mettre en place l’accompagne- proviennent des états-majors de sé- Il est essentiel de préciser que parmi l’ensemble ment psychologique d’une personne radicalisée. curité (eMs) départementaux, as- des signalements reçus depuis plus d’une année, sociant à leur tête les préfets et les quelles sont les qualités que doivent avoir chaque situation est individuelle et différente de procureurs de la république. les écoutants de la plateforme ? toutes les autres. C’est pourquoi je préfère ne pas au total, fin juin 2015, le Cnapr et Ils ont été recrutés pour leurs qualités humaines, parler de profils. Même s’il y a une problématique les eMs comptabilisaient 4 634 in- car il est nécessaire d’être dans une écoute empa- identique et si la radicalisation présente des carac- thique avec les familles et les proches qui font téristiques communes, les indicateurs de repérage dividus radicalisés ou en voie un signalement. Ils sont sollicités par des appelants que nous avons élaborés sont des renseignements de radicalisation. pour pierre n’Ga- confrontés à la radicalisation d’un proche qui les apparents qui doivent être pris avec précaution. hane, le secrétaire général du co- inquiète et fait souffrir, car souvent, la démarche est Ce qui est certain, c’est que ce phénomène appelle mité interministériel de la délin- culpabilisante. Ils instaurent un lien de confiance et une vigilance de tous et de tous les instants. quance, ces chiffres traduisent doivent conseiller et rassurer les familles démunies. * Unité de coordination de la lutte anti-terroriste « une vraie demande sociale ». ◆

20 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique fiche pratique

Les indicateurs de radicalisation

Des indicateurs ont été définis pour permettre d’identifier un processus de radicalisation. Tous les professionnels concernés s’appuient avec discernement sur un faisceau d’indices, les uns extérieurs ou flagrants, les autres plus dissimulés.

l Les changements d’apparence sionnels ou affectifs peuvent entraîner un lance des services spécialisés de la police physique et la modification besoin de se voir reconnaître une place et de la gendarmerie. vestimentaire dans la société et d’endosser un rôle que ils sont un des premiers indicateurs vi­ l’on peut traduire par la volonté de sauver l Les théories et les discours sibles de basculement dans la radicali­ le monde. l’individu radicalisé répercute de fa­ sation mais ne peuvent à eux seuls être les traits de personnalité sont à prendre çon stéréotypée une rhétorique radicale un signe de radicalisation sous peine en considération : il s’agit de jeunes et propagandiste souvent trouvée sur de porter un jugement stigmatisant sur de 15 à 25 ans, fragiles et influençables internet. il agite des théories complotistes la pratique religieuse. et souvent en quête d’idéal ou de répa­ et conspirationnistes. ration. ils sont les premiers touchés par il manifeste souvent un changement l une pratique religieuse hyper le phénomène de la radicalisation, sur­ de comportement identitaire en tenant ritualisée tout lorsqu’ils sont en situation d’instabi­ des discours de rejet ou de remise en il s’agit de signes montrant un intérêt lité, de recherche de reconnaissance affec­ cause de l’autorité, de rejet de la démo­ soudain et exclusif pour une pratique tive et de valorisation. enfin, les réseaux cratie, ainsi que des propos antisémites, religieuse en rupture avec la pratique relationnels fréquentés (familles, amis, antisionistes, anti­israéliens, des discours familiale. par exemple : interdits alimen­ collègues) inscrits dans la radicalisation de défense et de soutien à des groupes taires étendus à l’entourage, retrait ou peuvent influencer et inciter une per­ djihadistes, des propos asociaux. destruction de photos ou représentations sonne à ce basculement. il tient généralement un discours prosé­ humaines, obsession autour de rituels. lyte dans l’objectif de convertir son entou­ l L’usage d’internet rage et sa famille, ou de recruter de nou­ l une rupture avec et de réseaux humains velles personnes, de les inciter de manière l’environnement les personnes radicalisées utilisent dévoyée à aller dans les zones de conflits et les habitudes de vie différentes techniques. elles visitent voire de passer à l’action violente. l’individu modifie complètement ses ha­ des sites internet radicaux, puissants bitudes quotidiennes et rompt toute rela­ vecteurs de communication, l Les antécédents judiciaires tion avec ses amis, l’école et la commu­ de propagande et de recrutement pour il s’agit là d’indicateurs propres aux nauté scolaire, voire avec la famille et les les départs vers les zones de conflits. prisons, celles­ci pouvant être consi­ proches pour se consacrer à une relation les individus se connectent souvent dérées comme un environnement pro­ exclusive avec un groupe et à sa mission. à l’insu de la famille et de l’entourage pice à la propagation de la radicalisation, et s’efforcent de ne pas laisser de traces. au recrutement de terroristes ou d’extré­ l une fragilisation par ailleurs, ils peuvent aussi fré­ mistes violents : de l’environnement personnel quenter des réseaux humains plus – une ou plusieurs condamnations pé­ une situation familiale difficile – pré­ ou moins constitués, en lien sou­ nales et incarcérations, notamment pour carité du lien intrafamilial – ou des vio­ vent avec des groupes criminels ou des faits de terrorisme ; lences intrafamiliales peuvent conduire délinquants, qui les initient, les incitent, – des antécédents judiciaires, notamment un jeune à rechercher une nouvelle fa­ par leur discours et une aide matérielle, pour les personnes qui ont fait l’objet mille et à s’inscrire dans un proces­ à la radicalisation. d’un signalement par les services de l’ad­ sus de radicalisation. l’image paternelle ministration pénitentiaire ; et/ou parentale peut être défaillante ou l une stratégie de dissimulation – la commission de certaines infractions dégradée. l’environ nement social et sco­ les personnes radicalisées utilisent comme l’acquisition de moyens pour par­ laire, marqué par plusieurs échecs ou des modes opératoires et des stratagèmes tir dans des zones de conflits ; par un abandon de formation, peut aus­ visant à dissimuler leur état transgres­ – le comportement en détention, notam­ si favoriser la radicalisation. Vécus alors sif et leur velléité de départ vers des zones ment l’influence ou les tentatives d’in­ comme une injustice, ces échecs profes­ de conflits afin d’échapper à la surveil­ fluence sur d’autres détenus. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 21 la réponse publique les acteurs

Les cellules de suivi Un accompagnement local opérationnel, mais qui doit encore mieux associer les collectivités

le 19 février 2015, afin de leur rap- alors d’une prise en charge des fa- probation (spip), les collectivités PoURqUoI ? Une cellule de suivi est peler que son organisation dans les milles concernées et des personnes locales, en particulier, les services mise en place dans chaque départements revêtait un caractère radicalisées ou en voie de radicali- sociaux du conseil départemental, département sous l’égide impératif. sation. « les cellules de suivi doi- ainsi que les caisses d’allocation fa- du préfet, associant police, justice, éducation nationale, vent, après détection des situations miliale (CaF) et des associations. collectivités et associations. le rôle majeur des préfets particulières, accompagner les fa- lors de réunions mensuelles, elles « le rôle de cette cellule est cru- milles dans les difficultés qu’elles analysent précisément les situa- PoUR qUI ? Elle analyse les signalements cial », indique le ministre de l’in- rencontrent car souvent elles sont tions de radicalisation dont elles transmis par la plateforme térieur dans ce texte, considérant démunies, dépassées, isolées et de- ont connaissance. avec ce disposi- téléphonique nationale, et que les préfets jouent par consé- mandent à être aidées », explique tif, le gouvernement mise sur l’orga- décide d’orienter les personnes radicalisées et/ou les familles quent un rôle majeur dans le dis- pierre n’Gahane, secrétaire général nisation d’échanges d’informations vers une prise en charge positif de prévention de la radica- du comité interministériel de pré- entre les membres de la cellule per- adaptée (sociale, psychologique, lisation. pratiquement, ces cellules vention de la délinquance. mettant une prise de décision ef- insertion professionnelle). départementales sont d’abord sur le terrain, la composition des fective de prise en charge des per- chargées d’examiner les signale- cellules – à présent toutes instal- sonnes. la cellule de suivi désigne près une mise en route ments de radicalisation transmis lées – varie selon les départements. la structure la plus adaptée pour progressive, les cel- par la plateforme téléphonique le plus souvent, elle comprend prendre contact avec la famille et lules de suivi dirigées du Centre national d’assistance sous la présidence du préfet, le pro- la personne radicalisée et pour as- A par les préfets dans les et de prévention de la radicalisa- cureur de la république, la police surer un suivi de l’accompagne- départements sont à présent opé- tion (Cnapr). après avoir véri- et la gendarmerie nationales, l’édu- ment individualisé dans la durée. rationnelles. selon un bilan du fié que les situations signalées ne cation nationale, la protection ju- secrétariat général du comité in- relèvent pas d’une approche poli- diciaire de la jeunesse (pJJ), le ser- Développer la coopération terministériel de prévention de cière et judiciaire, la cellule décide vice pénitentiaire d’insertion et de avec les collectivités la délinquance (sG-CipD) chargé Dans ce cadre de travail à voca- de la coordination de ces cellules, tion partenariale, le rôle des col- plus de 1 000 jeunes individus ra- lectivités apparaît essentiel. la cir- dicalisés ou en voie de radicalisa- Quelle prise en charge pour culaire du 4 décembre 2014 avait tion et plus de 500 familles sont ac- déjà précisé que la participation tuellement pris en charge dans le les familles ? des conseils départementaux était cadre de ces cellules départemen- La réponse publique en matière de prévention de la radicalisation « incontournable » afin de mettre tales chargées de proposer des ac- requiert une approche pluridisciplinaire et une mobilisation de com- en place à destination des mineurs pétences variées. Les prises en charges des personnes radicalisées compagnements spécifiques. les mesures relevant de la protec- relèvent du champ psychologique. Dans ce cas, les cellules de suivi Dans un premier temps, leur dé- sollicitent le réseau des maisons des adolescents dont l’expérience tion de l’enfance. avec la même ploiement a été variable selon les dans l’accueil et le traitement de jeunes en souffrance psychologique volonté de mobiliser les collectivi- territoires. une circulaire du mi- est acquise, ou encore des établissements de santé avec qui des par- tés, celle du 19 février 2015 avait nistre de l’intérieur du 29 avril tenariats s’élaborent. Un accompagnement éducatif, social et profes- demandé, quant à elle, aux préfets sionnel peut être mis en œuvre par des associations de prévention 2014 avait demandé aux préfets spécialisée et les missions locales. Le soutien à la parentalité est de « veiller à ce que les collecti- « de mettre en place un dispositif un des leviers d’accompagnement que les cellules peuvent proposer vités territoriales, partenaires in- local d’accompagnement vers le- en s’appuyant sur les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement dispensables en matière de poli- quel seront orientés ceux qui sou- des parents (Reaap). Dans le champ de l’aide aux victimes, les asso- tiques sociales, y soient associées ». ciations généralistes de l’Institut national de l’aide aux victimes et haiteront bénéficier d’un soutien le texte demandait également aux de médiation (Inavem), les réseaux associatifs de défense des fa- de proximité ». au lendemain des milles et de l’individu (ADFI) et les centres contre les manipulations préfets de veiller à articuler l’action attentats de paris, le ministre de mentales (CCMM), qui interviennent pour lutter contre les dérives de leur cellule de suivi, d’une part, l’intérieur, bernard Cazeneuve, sectaires, peuvent être sollicités. avec les conseils locaux de sécurité a adressé une note aux préfets, et de prévention de la délinquance

22 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique les acteurs Trois questions a... Taline Aprikian, conseillère technique chargée de la prévention de la délinquance, 1000 cabinet du préfet de police de Paris jeunesindividusradicalisés ouenvoiederadicalisation « La cellule répond à un besoin des familles, son etplusde500familles sontactuellementprisesen objectif est de les aider à maintenir le lien familial » chargeparlescellulesdesuivi dirigéesparlespréfetset déployéessurtoutleterritoire.

(ClspD) présidés par les maires et, d’autre part, avec les programmes de réussite éducative. le partena- riat devant alors, en pratique, fa- voriser des réponses adaptées et de proximité. chartes déontologiques Mais force est de constater que « cette implication des communes, qui est fondamentale, reste moins développée à ce jour », indique le secrétariat général du CipD. « les marges de progrès en ma- tière de collaboration opération- s AI r nelle sont importantes », précise- A M t-il. une position confirmée par le P. rapport de juillet 2015 du député La préfecture de police a mis en place une un accompagnement préventif est l’information des Hauts-de-seine, sébastien pie- cellule de suivi des personnes radicalisées. et la volonté des familles. Toutefois, l’expérience trasanta : « l’association des acteurs quel est son rôle ? montre que la grande majorité d’entre elles répond institutionnels locaux reste à par- A Paris, la cellule de prévention et d’accompagne- favorablement à l’offre d’accompagnement qui leur faire. la mobilisation des services ment des familles (Praf), mise en place en juin 2014, est proposée. En effet, la cellule répond à un besoin de l’etat ne suffira pas pour enga- est composée du cabinet du préfet de police, des familles qui signalent leur détresse en appelant ger un véritable suivi des indivi- de la préfecture de région Ile-de-France et préfec- le numéro vert piloté par l’Uclat. Il s’agit alors dus signalés ». ture de Paris, de la ville de Paris et notamment de les aider à faire face à une situation qui les dé- de la direction de l’action sociale enfance et santé passe. L’objectif de l’action préventive est de les ai- afin de faciliter le travail des par- (Dases), du parquet de Paris, de l’éducation natio- der à maintenir le lien familial, ce qui permet d’éviter tenaires, plusieurs préfectures nale et de la direction territoriale de la protection l’isolement des enfants en voie de radicalisation. ont adopté des chartes déonto- judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces participants ont C’est par les familles que nous agissons sur ces logiques s’inspirant de celle éta- une double mission. D’une part, ils apportent jeunes et tentons d’éviter leur basculement et une blie par le sG-CipD en juin 2014 un éclairage sur la situation signalée, ce qui permet rupture totale. dans le champ de la prévention d’écarter de simples conversions et de partager Y a-t-il un lien entre l’action de la cellule un diagnostic. D’autre part, ils sont les vecteurs de la délinquance et qui avait de prévention et d’accompagnement d’une réelle capacité d’action, via les services so- fait l’objet d’un avis favorable du et l’équipe mobile d’intervention ? ciaux, l’action judiciaire ou les services de l’éduca- Conseil supérieur du travail social L’équipe mobile d’intervention a deux objectifs. tion nationale, pour intervenir auprès des parents du 17 juillet 2014. en outre, se- D’une part, elle participe à la formation des acteurs ou du jeune avec les outils du droit commun. lon le sG-CipD, l’abondement du locaux sur le sujet de la radicalisation. D’autre fonds interministériel de préven- Dans quel champ agit-elle ? part, elle accompagne les préfectures pour une tion de la délinquance (FipD) en La cellule de prévention et d’accompagnement des première prise en charge de signalements, avant 2015, dont 6 millions d’euros ont familles est l’outil social sur le sujet de la radicalisa- une reprise du suivi par les acteurs locaux, ou tion. En la matière, la prévention consiste à proposer sur des cas spécifiques. Aujourd’hui, le dispositif été délégués aux préfets au titre des un accompagnement aux familles, de nature sociale parisien est suffisamment construit et outillé pour actions de prévention de la radica- ou psychologique. Elle peut se réaliser par deux répondre aux besoins de suivi et d’accompagne- lisation, a donné un coup de pouce moyens : la mobilisation des outils de droit commun ment des familles en la matière, mais la préfecture aux partenariats locaux permettant ou la mobilisation d’associations spécifiquement de police ferait appel à l’équipe mobile d’intervention ainsi de rendre les prises en charge mandatées. La condition sine qua non pour réaliser si un cas devait se présenter. plus effectives. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 23 LA r é P o NSE PUBLI q UE les acteUrs

L’équipe mobile d’intervention Le désendoctrinement des jeunes radicalisés en ligne de mire

n appui des préfets dans en matière de discernement puis sus de déconstruction qu’elle met Pour Quoi ? leur action de suivi des de prise en charge et notamment en œuvre. L’objectif est de facili- une équipe mobile jeunes radicalisés ou en sur le désengagement au sens de ter le soutien ainsi que les actions d’intervention intervient voie de radicalisation, retournement de la personne dont de remobilisation et de réinsertion en soutien des cellules E de suivi pilotées par les préfets une équipe mobile d’interven- le projet est de partir et qui adhère des jeunes dans la durée. En outre, à qui elle apporte un tion intervient depuis mai 2015 à cette idéologie », précise Pierre l’équipe assure le soutien des fa- soutien méthodologique. sur tout le territoire national. Pilo- N’Gahane, secrétaire général du milles et des proches. L’accompa- Pour Qui ? tée par Dounia Bouzar, directrice comité interministériel de préven- gnement peut consister en sémi- Saisie par les préfets ou du Centre de prévention contre tion de la délinquance (SG-CIPD). naires d’échanges et en séances directement par les familles, les dérives sectaires liées à l’islam de groupes de parole dans un but elle intervient pour désen- doctriner les jeunes radicalisés (CPDSI), cette équipe est chargée Une méthodologie de reconstruction par le dialogue ou en voie de radicalisation d’apporter un soutien aux cellules d’intervention partagée et le partage d’expériences. et soutenir psychologiquement de suivi départementales qui orien- Saisie par les préfets ou les familles Autre mission de l’équipe mobile : leurs parents. tent vers des professionnels le trai- directement, l’équipe mobile inter- sensibiliser à sa méthodologie de tement des situations dont ils ont vient concrètement auprès des mi- prise en charge les acteurs locaux eu connaissance. « L’équipe mo- neurs et majeurs de 12 à 30 ans lors membres de la cellule, dans l’objec- autonomes », explique Dounia Bou- bile a vocation à venir sur place, de séances d’accompagnement ré- tif que les prises en charge puissent zar. Un comité de pilotage inter- en renfort, et à travailler avec les gulières qui consistent en une prise être prolongées au-delà de son in- ministériel animé par le SG-CIPD équipes locales en apportant un en charge psychologique indivi- tervention. « Nous leur transmet- assure le suivi et l’évaluation de soutien méthodologique qui a fait duelle. Elle associe les membres tons notre méthode de désembri- l’action de cette équipe mobile ses preuves depuis un an. Elle agit de la cellule de suivi au proces- gadement pour qu’ils deviennent d’intervention. ◆ Trois questions a... Dounia Bouzar, directrice générale du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) « Nous avons sauvé une cinquantaine de jeunes qui nous aident à sauver d’autres jeunes »

Vous avez mis en place une méthode au jeune ce qu’on appelle la « Madeleine pentis dont les embrigadements ont été opérés pour combattre l’endoctrinement. Quelles de Proust ». Il s’agit ici de rechercher « les petits sur le même mode que le jeune qu’on veut sau- en sont les étapes ? riens » de sa vie quotidienne, a priori négli- ver. L’objectif est d’amener le jeune embrigadé La première chose est de ne pas essayer de rai- geables, qui pourraient provoquer une remontée à réaliser le décalage entre le mythe présenté sonner le jeune puisqu’il est persuadé d’être élu émotionnelle chez le jeune, en lui rappelant des par le discours radical, c’est-à-dire faire de l’hu- pour détenir la vérité. On tente donc de le remo- éléments de son histoire. Alors que le discours manitaire et son motif personnel – se sentir biliser en tant qu’individu qui pense, en passant radical a opéré une sorte « d’anesthésie des utile –, et la déclinaison réelle de l’idéologie, par les affects. Etant donné que l’embrigade- sentiments » du jeune, la répétition de micro- à savoir exterminer tous ceux qui ne font pas ment propose une communauté de substitution événements, qui ont rythmé sa petite enfance, allégeance à Daesh. Dans la phase de recons- sacrée pour se substituer à l’autorité parentale, fait resurgir des sentiments provisoirement truction, je parle aussi de « traversée du désert » il s’agit au départ de réaffilier le jeune au sein refoulés. L’objectif est de replacer le jeune, mal- pour ces jeunes car le « post-désembrigade- de sa famille. Ensuite, nous cherchons à ce que gré lui, dans son histoire et dans sa filiation pour ment » est difficile. Nous avons construit un club le jeune prenne conscience qu’il fuit le monde retrouver une sorte de réveil, même éphémère. des rescapés où les récits en miroirs aident réel, pour qu’il y revienne. les jeunes à rendre visibles les fils invisibles Pour le confronter à la réalité, vous tendus par Daesh. Nous avons sauvé une cin- Face à un jeune radicalisé, vous parlez faites notamment appel au témoignage quantaine de jeunes qui maintenant nous aident de « retracer le fil de l’histoire » de l’enfant de repentis. Quel est l’objectif ? à sauver d’autres jeunes. avec les parents. De quoi s’agit-il ? La deuxième étape consiste à susciter un retour Lors de cette première étape, on applique au monde réel à travers des témoignages de re- Le site du CPDSI : www.cpdsi.fr

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1 SANS ATTENDRE RADICALISATION

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1 5 : 4 3 la réponse publique questions-réponses Acteurs locaux : des repères et des moyens d’action

Le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) a élaboré à ce jour 5 fiches repères d’expérimentation à destination des acteurs locaux pour une prise en charge des familles, des personnes mineures et majeures inscrites dans un processus de radicalisation. Tour d’horizon de leur contenu. Ces 5 fiches sont disponibles sur le sitewww.prevention-delinquance.gouv.fr

1. 2. 3.

Comment agir pour soutenir Qui est chargé d’actionner Quels professionnels la cellule une famille dont l’enfant est parti l’accompagnement des familles ? de suivi peut-elle solliciter ? en zone de conflit ?

lorsqu’un signalement a été effectué auprès la cellule de suivi (circulaire du 29 avril la cellule de suivi peut solliciter le ré- de la plateforme téléphonique du Centre na- 2014) dirigée par le préfet du département seau d’écoute, d’appui et d’accompagne- tional d’assistance et de prévention de la ra- de domicile de la famille est saisie du si- ment des parents (reaap) du département. dicalisation (Cnapr) concernant un jeune gnalement par la plateforme téléphonique il permet la mise en réseau d’actions visant qui est parti dans une zone de conflit, l’en- du Centre national d’assistance et de préven- à conforter à travers le dialogue et l’échange, jeu est d’accompagner la famille concernée. tion de la radicalisation (Cnapr). la cel- les compétences des parents et la mise Face à ce phénomène de radicalisation de lule doit désigner un professionnel chargé en valeur de leurs capacités dans le res- leur enfant, la famille n’a souvent pas perçu de la recevoir afin de l’écouter et d’évaluer pect et le soutien. par ailleurs, il constitue le sens des premiers signes et n’a pu empê- avec elle les réponses les plus appropriées un cadre de partenariat entre les différentes cher un départ. en détresse, elle se sent sou- à la situation du mineur ou majeur concerné. institutions et associations intervenant dans vent désemparée et démunie face à ces si- la cellule est composée d’acteurs de terrain le champ de la parentalité, essentiel pour tuations et aux moyens à mettre en œuvre – travailleurs sociaux, policiers, gendarmes, le développement de synergies et la mutua- pour récupérer l’enfant. les prises en charge éducateurs, psychologues, associations, per- lisation des pratiques et des connaissances. possibles peuvent rencontrer des obstacles. sonnels de l’éducation nationale et de la jus- le reaap peut proposer des actions de plu- De sorte qu’elles nécessitent un suivi des fa- tice, etc. sieurs ordres. milles sur la durée, afin de permettre l’amé- lioration de la situation et le retour à l’équi- Ficherepèred’expérimentationn°1 Ficherepèred’expérimentationn°1 libre familial. Soutien des familles dont l’enfant est parti Soutien des familles dont l’enfant est parti en zone de conflit. en zone de conflit. Ficherepèred’expérimentationn°1 Soutien des familles dont l’enfant est parti en zone de conflit.

26 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique questions-réponses

4. 5. 6.

De quelle nature sont les actions Comment mettre en place Une action judiciaire peut-elle être à proposer aux familles ? une action de prévention à l’égard mise en œuvre ? d’une famille en partance pour une zone de conflit ? un accompagnement psychologique est il s’agit de familles dont le père ou la mère une réponse judiciaire sur le plan pénal peut d’abord proposé aux parents. il peut être réa- présente des signes de radicalisation ou être engagée. s’agissant des parents, le préfet lisé par un professionnel sensibilisé au phé- de familles entières qui émettent l’in- qui a été saisi par la plateforme téléphonique nomène de la radicalisation. le psychologue tention de partir en zone de conflit avec du Centre national d’assistance et de préven- propose un accompagnement et une prise leurs enfants. la plateforme téléphonique tion de la radicalisation (Cnapr) a vocation en charge des familles sur la durée. il évalue du Centre national d’assistance et de préven- à consulter préalablement le procureur le degré d’évolution de la situation et adapte tion de la radicalisation (Cnapr) a été saisie de la république qui appréciera si une ses interventions. Cet accompagnement et de ce signalement qu’elle a transmis à la cel- enquête judiciaire doit être diligentée à l’en- cette prise en charge s’effectuent sur la base lule départementale compétente. l’enjeu contre de la famille. une réponse adminis- de l’adhésion de la famille. ensuite, l’accom- est, d’une part, d’empêcher la famille et no- trative ou judiciaire dans le champ de la pagnement peut se poursuivre par un tra- tamment les enfants de quitter le territoire protection de l’enfance peut aussi être enga- vail de renforcement de la communication national en prenant toutes les mesures né- gée. Dans une telle situation, la réponse sera au sein de celle-ci, qui permettra notamment cessaires, d’autre part, de proposer un ac- le plus souvent de nature judiciaire. le pro- d’améliorer le dialogue entre les parents compagnement à la famille. Ce type de prise cureur de la république peut soit solliciter et les enfants sur leurs questionnements en charge nécessite un suivi et un accom- des renseignements complémentaires notam- existentiels et leurs éventuelles difficultés. pagnement des familles dans la durée afin ment auprès du conseil départemental, soit la participation à des groupes de paroles de permettre qu’ils prennent conscience si le danger auquel est exposé le mineur lui entre parents ayant un enfant qui est parti de la gravité de leurs actes. paraît avéré, saisir directement le juge des en zone de conflit ou en difficulté peut aussi enfants dans le cadre d’une procédure d’as- prolonger l’accompagnement psychologique. Ficherepèred’expérimentationn°2 sistance éducative. en cas d’urgence, il peut en effet, la libération de la parole passe aussi Action de prévention en direction aussi prendre une mesure immédiate de pla- par l’échange et le dialogue avec des familles d’une famille en partance pour une zone cement provisoire du ou des enfants mineurs qui vivent la même situation, et se sentent de conflit. au vu de la situation de danger, à charge démunies face à ce phénomène de radicalisa- pour lui de saisir le juge des enfants dans tion de leurs enfants. Ces groupes de parole les huit jours. permettent ainsi aux participants de parta- ger leurs expériences, leurs vécus, leurs émo- Ficherepèred’expérimentationn°2 tions mais aussi leurs difficultés. D’autres ac- Action de prévention en direction tions de soutien à la parentalité peuvent être d’une famille en partance pour une zone envisagées dans le champ de la thérapie fa- de conflit. miliale permettant de relancer un processus de reconstruction du lien familial.

Ficherepèred’expérimentationn°1 Soutien des familles dont l’enfant est parti en zone de conflit.

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 27 la réponse publique questions-réponses

7. 8. 9.

Quel est le rôle du juge Un soutien psychologique Quelles sont les jeunes filles des enfants ? est-il préconisé ? mineures concernées par la radicalisation et dont l’intention est de rejoindre une zone de conflit ? une fois saisi, le juge des enfants procède un accompagnement psychologique au vu des situations d’ores et déjà traitées, à une audition des parents et du mineur des enfants peut être proposé et réali- plusieurs caractéristiques apparaissent chez capable de discernement, puis peut déci- sé par un professionnel sensibilisé au phé- les jeunes filles concernées par un proces- der d’une éventuelle mesure d’investigation. nomène de la radicalisation. le psycho- sus de radicalisation djihadiste. sans définir s’il estime le danger établi, et en cherchant logue propose un accompagnement et une un profil type, pour un grand nombre, ces à obtenir l’adhésion des parents, il peut or- prise en charge des enfants sur la durée. jeunes filles ayant dans l’ensemble de bons donner un accompagnement par le conseil il évalue le degré d’évolution de la situation résultats scolaires vivent au sein de familles départemental, une association habilitée ou et adapte en fonction les solutions. sans difficulté apparente.e lles ont pour la la protection judiciaire de la jeunesse (pJJ) un accompagnement de la famille sur plupart une appétence pour l’aide humani- dans le cadre d’une mesure d’assistance édu- le plan de la responsabilité parentale peut taire et la solidarité. elles sont réceptives au cative en milieu ouvert (aemo). il peut dé- être proposé dans le cadre des réseaux discours de groupes extrémistes sur les ré- cider du placement du mineur ou le pro- d’écoute, d’appui et d’accompagnement seaux sociaux via les groupes Facebook, les longement d’une telle mesure auprès d’un des parents (reaap) mais, également, dans messages privés et les comptes Twitter qui autre membre de la famille, d’un tiers digne le cadre des conseils des droits et devoirs les incitent à venir en syrie. Dans cette situa- de confiance ou d’un établissement éduca- des familles (CDDF). tion, le processus de radicalisation s’appa- tif. Tout en étant modifiables à tout moment rente fortement à celui d’une dérive sectaire. et renouvelables, ces mesures ne peuvent Ficherepèred’expérimentationn°2 l’emprise mentale est très prégnante dans ce dépasser une durée de deux ans, et en toute Action de prévention en direction processus, dans la mesure où il s’exerce une hypothèse l’âge de la majorité. au titre des d’une famille en partance pour une zone ascendance intellectuelle ou morale sur la prestations d’aide sociales, le président de conflit. jeune fille et un dévoiement de sa liberté de du conseil départemental peut quant à lui pensée, d’opinion ou de religion. pour per- proposer la mise en place d’un accompa- mettre à la jeune fille une sortie d’emprise, et gnement administratif, sous la forme d’une de revenir à l’état dans lequel elle se trouvait mesure d’aide à domicile prévue à l’ar- avant le processus de radicalisation, il appa- ticle l.222-2 du Code de l’action sociale raît essentiel qu’un déclic se produise chez et des familles. Mais cette intervention sup- elle. il peut se produire suite à une séance pose la demande, ou au moins l’accord, thérapeutique spécifique relayée par un ac- de l’un au moins des deux parents. compagnement et un suivi psychologique.

Ficherepèred’expérimentationn°2 Ficherepèred’expérimentationn°3 Action de prévention en direction Prise en charge psychologique d’une famille en partance pour une zone d’une mineure, devant faire l’objet de conflit. d’une information préoccupante.

28 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique questions-réponses

10. 11. 12.

Peut-on empêcher l’enfant mineur Comment déclencher une prise Quel type de prise en charge de sortir du territoire national ? en charge ? actionner ?

la plateforme téléphonique du Centre Ce type de profil doit être pris en charge la prise en charge de ces jeunes filles national d’assistance et de prévention au niveau local dans le cadre de la cel- se conçoit en plusieurs phases. il est d’abord de la radicalisation (Cnapr) a été infor- lule de suivi animée par le préfet de dé- possible de mobiliser l’équipe mobile d’in- mée par un proche de l’intention de la jeune partement. Cette cellule examine la situa- tervention pour organiser une séance de dé- fille de partir dans une zone de conflit. tion de la jeune fille.e t après avoir saisi sendoctrinement, véritable séance théra- sur le plan administratif, une opposition le procureur de la république afin d’exami- peutique dont l’objectif est de faire prendre à la sortie de territoire peut être demandée ner si la situation, compte tenu notamment conscience à la jeune fille du décalage entre par les titulaires de l’autorité parentale et du degré d’urgence, ne relève pas de l’in- le discours des groupes radicaux et la réali- décidée par le préfet afin de protéger l’enfant tervention judiciaire, elle saisit la cellule té de ce qui se passe sur le terrain des hosti- mineur, en l’empêchant de gagner des zones de recueil des informations préoccupantes lités, notamment les violences et les crimes de conflits, notamment sous l’influence (Crip) du conseil départemental pour une commis. ensuite, un accompagnement psy- de mouvements radicaux armés. Cette pro- éventuelle prise en charge au titre de l’en- chologique et/ou pédopsychiatrique doit cédure trouve son fondement dans l’exercice fance en danger par le service de l’aide so- être en mesure de prendre le relais. il a vo- de l’autorité parentale et l’interdiction pour ciale à l’enfance (ase). Cette prise en charge cation à permettre à la jeune fille d’identi- l’enfant de quitter la maison familiale sans nécessitera d’être complétée par un ac- fier ses propres souffrances, de les évacuer l’autorisation des père et mère (article 371-3 compagnement spécifique de la famille et et de s’inscrire dans un processus de dé- du Code civil). de la jeune fille au titre de la prévention construction/reconstruction. en situation de la radicalisation – à laquelle il faut parti- d’urgence, la cellule d’urgence médicopsy- Ficherepèred’expérimentationn°3 culièrement veiller. Dans toutes les phases chologique (CuMp) peut être mobilisée pour Prise en charge psychologique du parcours, l’un des principaux enjeux une prise en charge rapide de la jeune fille. d’une mineure, devant faire l’objet consiste à obtenir l’adhésion de la jeune D’autres actions doivent être engagées ra- d’une information préoccupante. fille et des parents ou des personnes titu- pidement auprès de la jeune fille en fonc- laires de l’autorité parentale, d’où l’intérêt tion de ses besoins : intégration de la jeune que la cellule de suivi désigne un référent fille dans une structure médicale d’accueil de parcours, en particulier un psychologue. du type centre thérapeutique et maison des les parents doivent être pleinement associés adolescents, dans un chantier humanitaire à toutes les phases du processus et doivent c’est-à-dire une mission de solidarité interna- par ailleurs bénéficier d’un accompagnement tionale qui réunit un groupe de jeunes venus psychologique spécifique.i l paraît utile d’horizons différents qui souhaitent échan- à ce titre d’organiser régulièrement des ger et vivre ensemble ; réinscription à terme séances psychologiques associant la jeune de la jeune fille dans un parcours scolaire fille et ses parents. en vue d’une insertion sociale et profession- nelle durable.

Ficherepèred’expérimentationn°3 Prise en charge psychologique Ficherepèred’expérimentationn°3 d’une mineure, devant faire l’objet Prise en charge psychologique d’une information préoccupante. d’une mineure, devant faire l’objet d’une information préoccupante.

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 29 la réponse publique questions-réponses

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Des mineurs en situation Quelles actions proposer ? Des jeunes majeurs inscrits dans d’échec et de fragilité sont un parcours délinquant non placés concernés par la radicalisation. sous main de justice sont De qui parle-t-on ? concernés par la radicalisation. Qui sont-ils ? il s’agit souvent de jeunes qui présentent une les actions mises en place dans le cadre il s’agit souvent de jeunes hommes âgés certaine fragilité psychologique résultant de la cellule de suivi doivent s’inscrire dans de 18 à 30 ans, qui, sans être placés sous d’une perte de repères ou d’une perte d’iden- un processus de remobilisation du jeune. main de justice, ont commis un ou plusieurs tité. Ces jeunes ont pu connaître un évé- une prise en charge psychologique voire délits (passant parfois d’une petite délin- nement tragique (décès d’un proche) ou thérapeutique par un professionnel formé quance à l’adolescence à une délinquance se trouvent dans une situation familiale dif- ou sensibilisé au phénomène de radicali- plus organisée à l’âge adulte), et qui ont pu ficile ou bien encore subissent des violences sation est indispensable. un accompagne- faire l’objet d’une ou plusieurs condamna- intrafamiliales les conduisant parfois à re- ment individuel et de libération de la pa- tions par la justice et le cas échéant d’une chercher une « nouvelle famille ». ils peuvent role apparaît nécessaire en s’appuyant par incarcération dans un ou plusieurs éta- être également dans un parcours d’échec sco- exemple sur les centres médico-psychopé- blissements pénitentiaires. ils ont souvent laire et social qu’ils vivent comme une injus- dagogiques (CMpp) qui accueillent des ado- pu connaître une situation familiale diffi- tice et ont souvent besoin de se voir recon- lescents présentant des troubles psychiques cile et un parcours scolaire très chaotique. naître une place dans la société et un rôle et nécessitant un accompagnement ponctuel lors de leur détention, ils ont pu avoir qui peut se traduire par une volonté de « sau- ou régulier ou sur les maisons des adoles- des contacts avec des groupes islamistes ver le monde ». Comme pour les jeunes filles cents, lieux d’accueil gratuit, d’information, radicaux qui les ont amenés sur la voie mineures, sur le plan administratif, une de prévention, de prise en charge médicale de la radicalisation. opposition à la sortie de territoire peut être et de suivi des difficultés durant l’adoles- demandée par les titulaires de l’autorité pa- cence. en situation d’urgence, la cellule d’ur- Ficherepèred’expérimentationn°5 rentale et décidée par le préfet afin de pro- gence médico-psychologique (CuMp) peut Prise en charge d’un jeune majeur téger l’enfant en l’empêchant de gagner des être mobilisée pour une prise en charge ra- inscrit dans un parcours délinquant, zones de conflits (article 371-3 du Code ci- pide du jeune. la mise en place d’un service non placé sous main de justice. vil). la cellule de suivi est saisie pour exami- civique dans le champ humanitaire peut aus- ner la situation du mineur. après avoir saisi si être proposée. Dans ce cadre, il bénéficie le procureur de la république afin d’exami- aussi d’une formation civique et citoyenne ner si la situation, compte tenu notamment et d’un tutorat individualisé permettant du degré d’urgence, ne relève pas de l’inter- de construire et d’être acteur de son projet vention judiciaire, elle saisit la cellule de re- d’avenir. enfin, il est nécessaire d’inscrire cueil des informations préoccupantes (Crip) le jeune dans un parcours d’insertion sociale du conseil départemental pour une éven- et professionnelle, ce qui suppose d’enga- tuelle prise en charge au titre de l’enfance ger une réflexion sur sa radicalisation et sur en danger par le service de l’aide sociale le sens qu’il souhaite donner à sa vie. l’ob- à l’enfance (ase). jectif est de l’insérer dans une formation ou de l’aider à trouver un emploi.

Ficherepèred’expérimentationn°4 Prise en charge d’un mineur en situation Ficherepèred’expérimentationn°4 d’échec et de fragilité devant faire Prise en charge d’un mineur en situation l’objet d’une information préoccupante. d’échec et de fragilité devant faire l’objet d’une information préoccupante.

30 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique questions-réponses

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Comment agir ? Quelles sont les actions éducatives Ces actions peuvent-elles être susceptibles d’être proposées ? évaluées ?

la plateforme téléphonique du Centre na- Deux types d’action éducative peuvent être les 5 fiches repères d’expérimentation pro- tional d’assistance et de prévention de la ra- proposés : posent une méthode d’évaluation des ac- dicalisation (Cnapr) a été informée par un – un séjour éducatif ou un séjour de rup- tions engagées pour prévenir la radicalisa- proche de l’intention du jeune de partir dans ture encadré par des éducateurs qui permet tion des familles et des mineurs et majeurs. une zone de conflit.i l convient d’abord de aux jeunes dans un environnement nouveau Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs véri fier si la situation relève d’une interdic- et distinct de leur milieu de vie habituel de ont été définis afin de mesurer les effets des tion de sortie du territoire prévue par la loi réapprendre la vie en collectivité avec des prises en charges mises en œuvre. du 13 novembre 2014. la situation doit être règles, des valeurs, d’entrer dans une phase Concernant les familles, il s’agit d’évaluer examinée et prise en charge par la cellule de questionnement, de reprendre confiance le nombre de familles reçues et effectivement de suivi départementale qui peut aussi s’ap- en eux et de leur faire prendre conscience accompagnées et prises en charge (nature puyer sur les compétences des conseils lo- qu’ils ont un avenir et qu’ils en sont les prin- et type), le nombre de situations familiales caux de sécurité et de prévention de la dé- cipaux acteurs ; améliorées. sur le plan qualitatif, il s’agit linquance (ClspD). l’enjeu est de réussir – un chantier éducatif ou des activités de mesurer la remise en confiance des fa- à obtenir l’adhésion de la personne. il est né- du type entretien d’espaces verts, peinture milles et le renforcement des liens des pa- cessaire que la cellule de suivi désigne un de cage d’escaliers réalisés par des jeunes rents avec les enfants. référent de parcours (éducateur spécialisé, encadrés par des éducateurs ayant pour ob- pour les jeunes filles mineures radicali- psychologue, représentants de cultes, etc.). jectif la modification des comportements, sées ou en voie de radicalisation, il s’agit en lien avec celui-ci, un travail sur le rap- la réduction des risques d’exclusion ou de prendre en compte le nombre de si- port à la loi, les interdits, dans le cadre d’un de marginalisation. ils constituent un trem- tuations d’endoctrinement traitées, celui projet où le jeune a une place, apparaît né- plin vers une insertion professionnelle (for- de jeunes désendoctrinées, celui de séances cessaire. les actions proposées doivent mation, apprentissage, emploi). ils permet- de soutien et d’accompagnement psycho- s’inscrire dans un processus de réinsertion. tent notamment au jeune de canaliser son logique, et enfin le nombre de jeunes ins- préalablement, une prise en charge psycho- énergie en expérience positive et de donner crites dans un séjour éducatif et un chantier logique doit être envisagée. ensuite, à court une image valorisée de soi et d’apprendre humanitaire. terme, la participation à des actions à forte le rapport à l’autorité. pour l’ensemble des mineurs, il s’agit d’éva- valeur pédagogique et encadrées doit per- enfin, à plus long terme, il est nécessaire luer le nombre de situations prises en mettre l’éloignement du jeune du milieu in- de proposer un parcours de sortie de délin- charge, celui de jeunes faisant l’objet d’un fluent.i l peut s’agir d’inscrire le jeune dans quance, de désistance (la désistance désigne soutien psychologique, celui des réunions un établissement public d’insertion de la dé- l’arrêt d’un parcours de délinquance ou de groupes de parole et celui des jeunes fense (epide) destiné à l’accompagner dans de criminalité) par l’insertion profession- inscrits en service civique. pour les majeurs la réussite d’un projet social et profession- nelle et par la construction ou la reconstruc- inscrits dans un parcours délinquant, il faut nel, grâce à un parcours adapté et individua- tion d’un entourage susceptible de placer quantifier les situations prises en charge, lisé d’une durée moyenne de 10 mois. Ces le jeune dans une situation plus confortable. les types d’actions proposées et les solutions établissements fonctionnent selon un prin- en lien avec le référent de parcours et en trouvées. cipe d’internat et reposent sur une discipline mobilisant les acteurs du service public pour tous les individus, il faut aussi appré- et un règlement intérieur stricts ainsi que sur de l’emploi, il convient de l’inscrire dans cier la sortie du processus de radicalisation, le port de tenues uniformes. le rapport à la une formation qualifiante ou de l’aider la prise de conscience du jeune, l’implica- loi et le cadre sont donc au cœur du projet à trouver un emploi. tion dans un projet à forte valeur éduca- social et professionnel. tive et citoyenne et la réintégration dans

Ficherepèred’expérimentationn°5 la société. Ficherepèred’expérimentationn°5 Prise en charge d’un jeune majeur Prise en charge d’un jeune majeur inscrit dans un parcours délinquant, Fichesrepèred’expérimentation non placé sous main de justice. inscrit dans un parcours délinquant, Les 5 fiches repères d’expérimentation. non placé sous main de justice.

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 31 L A r é PO n s E P u b LIQ u E entretien

Mathieu Guidère, professeur des universités « La solution n’est pas Guantanamo, elle est éducative et culturelle »

Mathieu Guidère, professeur des universités, présente les différents types de programmes de « déradicalisation » et explique l’intérêt de se doter d’une structure dédiée.

éradicalisation » et « désendoc- trinement ». MathieuGuidère Cette opposi- > Agrégé, professeur «D des universités tion de termes renvoie en réalité à > Chaire d‘islamologie deux conceptions et formes d’ac- et géopolitique tion complémentaires de la préven- > Université de tion de la radicalisation. Toulouse 2 - Jean Jaurès

Que recouvre le terme de déradicalisation ? Le terme est apparu après les atten- Concrètement, existe-t-il une tats du 11 septembre 2001 comme méthode efficace pour déradi- une solution alternative ou com- caliser des jeunes de retour plémentaire à la lutte répressive de zones de conflit ?

contre le terrorisme. Aujourd’hui, hia Etant donné la diversité des pro- C ave la déradicalisation indique le pro- C fils et des motivations, il n’existe Cal

cessus contraire à la radicalisation F. pas de méthode unique qui serait c’est-à-dire le fait d’emmener des efficace dans tous les cas. L’effica- individus versés dans l’extrémisme divine, de complot international ou cité des programmes dépend des à faire le chemin inverse en sup- « Quelles que soient encore de persécution victimaire. causes identifiées chez chaque in- primant les idées mortifères et les ses idées, l’individu est dividu. On sait seulement que les comportements violents. Cela peut sommé de respecter Une autre approche est dite jeunes de retour de zones de conflit intervenir dans le cadre d’un pro- les règles de vie « comportementale » ? Comment sont ceux qui n’ont pas « réussi » gramme institutionnel ou dans une commune et les lois aborder la radicalisation dans leur intégration sur place et, par ce cadre ? structure associative, avec un sou- en vigueur. » conséquent, qu’il existe un espoir tien psychologique ou en ayant re- Dans les programmes de déradi- de les remettre sur le chemin de cours à des autorités religieuses. Mathieu Guidère calisation à dominante comporte- leur vie antérieure. De ce point Il se distingue du radicalisme po- mentale, les spécialistes s’intéres- de vue, la simple expression pu- litique en ce sens qu’il va au-delà triner » l’individu en travaillant sur sent prioritairement à la manière blique du « repentir » ou du « re- de l’expression des idées en inté- sa psychologie et sur son environ- d’agir et d’interagir en société gret » est une victoire en soi parce grant la violence physique. nement immédiat, l’objectif étant de l’individu radicalisé, l’objec- qu’elle ouvre la voie du retour à la de « changer les idées ». Dans ce tif étant de « changer d’attitude ». vie normale. Certains insistent sur la dimen- désendoctrinement, la radicalisa- Quelles que soient ses idées, il est sion doctrinale et sur le profil tion religieuse est conçue comme sommé de respecter les règles de Le gouvernement a annoncé psychologique des individus une dérive sectaire et l’individu est vie commune et les lois en vigueur. en avril dernier l’ouverture radicalisés. En quoi consiste traité comme la victime sous in- Le programme traite davantage prochaine d’un centre un programme de déradicalisa- fluence d’un groupe sectaire, qui le comportement que la doctrine, d’encadrement pour les jeunes tion les concernant ? l’aurait isolé puis influencé dans en visant à supprimer les attitudes djihadistes. Un centre Dans les programmes de déra- un sens extrémiste et violent. Dans violentes ou agressives à l’égard spécialisé de ce type est-il dicalisation à dominante doctri- ce type de programme, on essaie de d’autrui. Pour ce faire, un système un moyen adapté pour faire face nale, les spécialistes s’intéressent réintégrer l’individu dans son en- de sanctions et de récompenses est à la radicalisation ? prioritairement au processus psy- vironnement familial et lui refaire mis en place en fonction des pro- Dans un pays de tradition jaco- chologique qui conduit à la radi- acquérir les réflexes de la vie nor- grès comportementaux réalisés par bine, une telle structure a sa raison calisation et tentent de « désendoc- male, loin des théories d’élection l’individu radicalisé. d’être, d’autant plus qu’il n’y avait

32 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 L A r é PO n s E P u b LIQ u E les actions

rien jusqu’ici, la France ayant ac- cumulé un retard considérable en Des centres de déradicalisation la matière. Mais l’on sait que la ra- dicalisation se fait dans la proxi- pour djihadistes mité et qu’il faudrait, par consé- quent, la traiter avec les moyens Un rapport au Premier ministre préconise la création de structures de la proximité institutionnelle et de prise en charge des personnes radicalisées. associative. En tout état de cause, il faut à tout prix éviter un « Guan- es structures d’encadre- tanamo à la française » car l’expé- ment des djihadistes rience américaine de déradicali- D pourraient voir prochai- sation a démontré ses limites avec nement le jour. L’idée fait en tous plusieurs anciens détenus devenus les cas son chemin et a été dé- des leaders djihadistes aussitôt li- taillée par le député socialiste bérés, en raison de la « haine de des Hauts-de-seine, sébastien l’Amérique » accumulée au cours Pietrasanta dans un rapport inti- de leur « traitement » en détention. tulé « la déradicalisation, outil de lutte contre le terrorisme », rendu Aujourd’hui, en France, dans au Premier ministre le 16 juillet quel cadre, avec quels acteurs 2015. En effet, le parlementaire et moyens, un programme de préconise de créer des centres déradicalisation peut-il être mis de déradicalisation qui seraient en œuvre et être efficace ? pour les juges une voie inter- Il n’existe pas de solution mi- médiaire entre l’incarcération et ia racle à la radicalisation des jeunes le contrôle judiciaire. Ils concer- D n a / français. On sait qu’il existe un neraient des individus radica- contexte national et internatio- lisés qui ne font pas l’objet de Delaporte

nal favorable à cette radicalisa- poursuites judiciaires et la prise D. tion. Entre les formes de discri- en charge individualisée serait mination islamophobe subie par tournée vers la réinsertion et l’ac- gner et de les aider à se réinsérer les jeunes issus de l’immigration compagnement psychologique. « Pour être dirigé vers dans la société en leur permettant et les interventions militaires de cette structure, de développer un projet person- la France dans les pays d’Afrique Permettre la sortie l’individu devra faire nel et professionnel », indique et du Proche-Orient, les raisons de la radicalisation l’objet d’une décision le rapport. La mise en œuvre de du basculement dans la violence Le Premier ministre, Manuel judiciaire d’alternative cette prise en charge serait ef- et le terrorisme ne manquent pas Valls, l’avait annoncé le 29 avril : à la prison. » fectuée par une équipe pluridis- aux yeux de ces jeunes. La solu- une structure chargée de prendre ciplinaire constituée d’éduca- tion passe d’abord par une cohé- en charge des jeunes jihadistes Sébastien Pietrasanta teurs spécialisés, professionnels rence du discours politique sur revenant de zones de conflit et de santé, enseignants, anciens la scène intérieure et par une po- ne faisant pas l’objet de pour- France qu’à son balbutiement ». militaires ou représentants des litique extérieure moins interven- suites judiciaires sera créée d’ici selon lui, parmi les préconisa- forces de l’ordre ayant une ex- tionniste qui mette à l’honneur la fin 2015. selon lui, l’encadrement tions destinées à la rendre opéra- périence dans l’encadrement des diplomatie plutôt que l’usage des doit compléter l’action menée par tionnelle, ces centres de déradi- jeunes. Elle serait accompagnée armes. Enfin, du point de vue fran- certaines collectivités pour réin- calisation accessibles après une par les familles, dont le rôle est co-français, un programme de dé- sérer les individus radicalisés at- décision du juge permettraient essentiel, selon le député. radicalisation ne peut réussir que tirés par le djihad. Pour Manuel une sortie de la radicalisation des Pour être dirigés vers cette struc- s’il s’attaque à la culture de la vio- Valls, la volonté est d’explorer de individus de retour de zones de ture, les individus radicalisés lence et de la radicalité qui occupe nouvelles pistes d’action. conflit, dans le but d’éviter l’im- – seulement ceux ne présentant le champ politique et social depuis Ce rapport de 91 pages com- portation sur le territoire national pas de menaces pour la sécurité des décennies au point de rendre prenant 37 mesures vient donc de pratiques terroristes. publique – devront faire l’objet banal et justifié, aux yeux d’une conforter la position de Manuel d’une décision judiciaire d’alter- certaine frange de la jeunesse, ses Valls, qui l’avait commandé en Une action native à la prison. « Le juge s’ap- propres actes de violence et de ter- février 2015. Convaincu qu’elle pluridisciplinaire puiera sur des éléments factuels rorisme. C’est donc prioritairement peut être utile pour les individus « L’objectif serait de leur incul- pour éviter toute volonté de dis- dans le domaine éducatif et cultu- les moins radicaux et les moins quer une vision de leur religion simulation sur les véritables in- rel que se trouvent les meilleures fanatisés, le député constate que compatible avec les valeurs de tentions des individus », précise solutions. ◆ « la déradicalisation n’est en la république, de les accompa- le rapport. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 33 la réponse publique la formation des professionnels Une formation pluridisciplinaire déployée à grande échelle

Le cursus de formation « prévention de la radicalisation » élaboré par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) se déploie avec un véritable succès. Grandes écoles, instituts publics et associations dédiées, conscients de l’enjeu, organisent des sessions.

epuis sa mise en place et les dispositifs et réponses adap- paris, Centre de prévention des nismes qui conduisent les jeunes en juin 2014, près de tés aux situations individuelles. dérives sectaires liées à l’islam à basculer dans la radicalité et de 2 500 personnes ont l’objectif est de donner les compé- (CpDsi), Convention nationale donner les outils aux acteurs afin D suivi la formation sur tences aux acteurs locaux garants des associations de protection de qu’ils puissent conseiller les fa- la prévention de la radicalisa- de la bonne mise en œuvre de la ré- l’enfance (Cnape). milles. Des études de cas détaillent tion conçue par le secrétariat gé- ponse publique. Concrètement, ce cursus pluridis- les réponses qui peuvent être mises néral du comité interministériel initialement destinée aux opéra- ciplinaire aborde le phénomène en place en termes de prise en de prévention de la délinquance teurs de la plateforme téléphonique sectaire et la problématique spéci- charge des jeunes et d’accompa- (sG-CipD). Directeurs de cabinet fique de l’emprise mentale, les fi- gnement des familles. et agents en préfecture, policiers lières terroristes existantes et le et gendarmes nationaux, fonction- Enjeu : inclure ces conflit ens yrie, les enjeux géopo- Coordonner l’offre globale naires des ministères de la justice modules « prévention litiques et sociologiques de l’islam du secteur public et de l’éducation nationale, person- de la radicalisation » contemporain, l’histoire et la géo- principalement dispensées à paris, nels des collectivités territoriales, dans les formations politique du djihad avec ses inci- ces formations ont également été professionnels des associations de des grandes écoles dences en France, l’état du radi- organisées en province. Des ses- prévention spécialisée, des asso- du service public. calisme islamique en France, les sions spécifiques ont eu lieu à ciations de victimes de dérives sec- mesures administratives d’opposi- l’ecole nationale de la magistra- taires, médiateurs sociaux : autant tion à la sortie du territoire visant ture, à la direction de l’adminis- de professionnels qui ont partici- du Centre national d’assistance et à protéger les enfants mineurs en tration pénitentiaire, ou encore pé à ce programme de grande am- de prévention de la radicalisation les empêchant de gagner les zones au ministère des affaires étran- pleur qui passe au crible les diffé- (Cnapr) et aux membres des cel- de conflit, le traitement des cas de gères. en outre, des séminaires de rentes facettes de la radicalisation. lules de suivi départementales di- mineurs en danger. sensibilisation d’une demi-jour- pour ces professionnels et les pou- rigées par les préfets, la formation un module permet aussi d’iden- née auxquels ont participé plus voirs publics, l’enjeu de la forma- s’est finalement déployée pour tou- tifier et de comprendre les méca- de 2 000 personnes se sont dérou- tion est de taille. « le déploiement cher le plus largement possible les de la formation à destination de agents de l’etat et les profession- l’ensemble de ces acteurs est donc nels susceptibles d’intervenir au- essentiel et l’effort initié par le CipD près des familles et des personnes La protection judiciaire de doit se poursuivre et s’amplifier, radicalisées. un « kit » de formation d’autant plus qu’il y a une réelle a d’ailleurs été conçu par le sG- la jeunesse (PJJ) forme ses cadres disponibilité et une véritable de- CipD et au fur et à mesure diffusé et éducateurs mande chez les agents des services depuis 2015. L’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) de l’etat notamment, qui souhai- Durant deux jours, les participants a élaboré un dispositif national de formation pour ses personnels afin tent contribuer au combat natio- voient se succéder plusieurs ser- de les soutenir dans leur action auprès des jeunes et des familles. nal contre le djihadisme », explique vices et organismes pour présen- Objectifs : approfondir les connaissances pour mieux appréhender Malek boutih dans son rapport ter les enjeux et caractéristiques de la complexité du phénomène. Directement au contact des jeunes – principales cibles vulnérables des recruteurs djihadistes – les per- « Génération radicale » remis au la radicalisation : Mission intermi- sonnels de la PJJ et du secteur associatif habilité suivent depuis premier ministre début juillet 2015. nistérielle de vigilance et de lutte mars 2015 des sessions de 3 jours intitulées : « Comprendre et préve- contre les dérives sectaires (Mivi- nir les processus de radicalisation : un enjeu éducatif et de politique Boîte à outils : identifier ludes), unité de coordination de publique ». Une cinquantaine de formateurs de l’école et des pôles territoriaux de formation ainsi que 69 référents laïcité-citoyenneté, la lutte antiterroriste (uclat), bu- les services et membres des cellules de suivi départementales, des directions inter- les mécanismes reau central des cultes du minis- régionales et territoriales ont été formés. Par session de 50 places, ambition de cette formation : faire tère de l’intérieur, direction des les professionnels suivent ce module dans les directions territoriales comprendre le phénomène, présen- libertés publiques et des affaires au titre de la formation continue. ter les indicateurs de radicalisation juridiques (DlpaJ), sciences po

34 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 la réponse publique la formation des professionnels Trois questions a... Patrick Debut, ancien directeur de l’Institut national spécialisé d’études 2500 territoriales d’Angers (CNFPT-INSET) agentsdel’Etat,des collectivitésetprofessionnels « Une offre de formation continue intersectorielle d’associationsontsuivi, depuisjuin2014,laformation et par métier » de2jours«préventionde laradicalisation»duSG-CIPD. 2000 personnesontparticipédepuis début2015,dansplusieurs départements,àdesséminaires desensibilisationd’une demi-journée.

lés au premier semestre 2015 dans plusieurs départements : seine-et- Marne, Gard, Vaucluse, saône-et- loire, savoie, Marne, Côte-d’or, indre-et-loire, ardennes, par exemple. pour le sG-CipD, l’enjeu au- jourd’hui est de coordonner l’offre INSET globale de formation dans l’ob- - jectif que des modules « préven- CNFPT tion de la radicalisation » soient La formation des agents territoriaux en de repli identitaire, car nous considérons que proposés dans les formations ini- matière de prévention de la radicalisation la radicalisation notamment en est une consé- tiale et continue des organismes et correspond-elle à une de leurs attentes ? quence, comprendre les mécanismes d’emprise grandes écoles du service public : Plusieurs métiers de la fonction publique territoriale mentale, s’interroger sur les processus d’exclu- ecole nationale de l’administration sont concernés par les problématiques posées par sion, de marginalisation, d’assimilation et d’intégra- (ena), instituts régionaux d’admi- le phénomène de radicalisation : travailleurs sociaux, tion, et sur les processus de construction nistration (ira), Centre national éducateurs spécialisés, animateurs socioculturels, des représentations et des stéréotypes. Il devra de la fonction publique territoriale policiers municipaux, médiateurs, coordinateurs pré- permettre aussi aux professionnels de s’approprier (CnFpT), etc. « le dispositif de for- vention-sécurité. Le CNFPT s’est interrogé, les outils dans le domaine interculturel et juridique début 2015, sur la façon dont tous ces agents pour accompagner les jeunes et les familles. mation répond à une commande des collectivités, face à ce phénomène, peuvent Quels sont les agents qui pourront publique. partout où des besoins, aider les familles, protéger les jeunes, les repérer y assister ? ou une insuffisance d’offre se fe- et mieux les accompagner. Bon nombre nous ont Cette offre de formation continue aura une dimen- ront sentir, nous poursuivrons cette questionnés et ont exprimé un besoin de formation. sion intersectorielle et pourra être suivie par métier, formation et ceci tant que le relais Notre rôle est de les faire monter en compétences. à la demande. Aujourd’hui, le CNFPT a aussi n’aura pas été pris. C’est notre de- Quel dispositif de formation sera proposé la volonté de continuer à travailler avec le secrétariat voir de structure interministé- à ces professionnels ? général du comité interministériel de prévention rielle », indique pierre n’Gahane, Une offre de formation spécifique «prévention de la délinquance (SG-CIPD) ainsi qu’avec d’autres secrétaire général du CipD. de la radicalisation » sera opérationnelle au dernier partenaires institutionnels – Ecole nationale D’ici fin 2015, des sessions seront trimestre 2015. Pour l’élaborer, le CNFPT n’est pas de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mises en place par des réseaux na- parti de rien. Nous disposons d’un bouquet de res- Convention nationale des associations de protection tionaux qui ont pris conscience de sources dans les champs de la lutte contre les ex- de l’enfance (CNAPE), par exemple – dans l’objectif l’enjeu, en lien avec le sG-CipD : clusions et les discriminations, la protection de l’en- de mixer les publics lors de prochaines formations. fance, l’animation et la jeunesse, la prévention Par ailleurs, une sensibilisation à la « prévention la Convention nationale des asso- de la délinquance et la politique de la ville, la laïcité, de la radicalisation » pourrait être proposée aux ciations de protection de l’enfance les dérives sectaires. Plusieurs pôles de compé- agents de catégories A et B lors de la seconde (Cnape), Citoyens et Justice, qui tences des différents instituts se sont réunis pour semaine de formation d’intégration. Enfin, le CNFPT, intervient auprès des personnes concevoir une offre coordonnée et pérenne. Ce dis- par le biais de ses délégations régionales, répondra sous main de justice, France mé- positif de formation aura plusieurs objectifs. Tout à la demande des collectivités qui nous solliciteront diation et le Conseil national des d’abord, permettre de comprendre les phénomènes pour des formations en « intra ». missions locales. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 35 les collectivités en action entretien

Roger Vicot, présidentduForumfrançaispourlasécuritéurbaine(FFSU) « Les collectivités sont en alerte sur les signes de fragilité des familles »

Comment anticiper le phénomène de radicalisation et donc le prévenir ? Pour les 130 collectivités du FFSU, il faut s’appuyer sur les réseaux et les partenariats existants dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

e Forum français pour les villes engagées au Forum fran­ la sécurité urbaine (FFsU) çais sont convaincues que la vio­ se mobilise pour accompa­ lence radicale doit trouver une ré­ RogeRVicot gner les collectivités et les ponse répressive forte alliant des > Président du FFSU depuis L juin 2014. élus locaux dans leur action pré­ mesures de police et des sanctions. > Maire de Lomme (59). ventive du phénomène de radicali­ cette action répressive, pour la­ > Président du Collectif des sation. son président, Roger vicot, quelle il faut saluer le travail de villes sur la sécurité urbaine est convaincu qu’il faut agir sur ses toutes les forces de l’ordre doit s’ac­ (Covisur). causes en redonnant en particulier compagner d’une politique de pré­ corps aux valeurs républicaines. vention active. l’origine, le par­ cours de vie des jeunes engagés Le Forum français pour la sécu- dans le djihadisme nous inter­ tion. il faut œuvrer d’arrache­pied rité urbaine a adopté une pellent sur nos capacités à appor­ au renforcement de la citoyenneté résolution sur la radicalisation. ter des réponses quotidiennes aux et de la cohésion sociale. De quoi, s’agit-il ? inquiétudes de nos concitoyens. nous avons adopté une résolution la question qui nous est clairement Certains jeunes radicalisés en février 2015 qui est l’aboutisse­ posée est de savoir comment tra­ ont eu un parcours judiciaire. ment et la synthèse d’une réflexion vailler sur l’anticipation du phé­ Quelle analyse fait le Forum que notre réseau de collectivités nomène et donc sur la prévention. de cette dimension ? a entamée immédiatement après Beaucoup de ces jeunes sont passés les attentats de janvier. nous nous Quelle analyse faites-vous par le stade de la délinquance. leur sommes interrogés sur le rôle que de ce phénomène ? radicalisation marque un échec de nous pouvons jouer dans cette vaste notre réflexion a d’abord por­ notre politique de sanction et de entreprise de prévention de la radi­ té sur les causes de la radicalisa­ sa capacité à ouvrir les voies d’une calisation des familles, des adultes tion et la question de savoir com­ réinsertion. nous ne devons plus et des jeunes qui se développe de ment avoir une action préventive laisser les seules institutions pé­ plus en plus sur notre territoire. sur elles. nous considérons que nales réparer les dégâts que la vie la radicalisation est un échec inflige à beaucoup de jeunes délin­ de nos institutions dans l’offre à quants. Une mobilisation des res­ nos jeunes d’un imaginaire répu­ sources présentes dans les villes Renforcer le réseau européen blicain construit pour eux. si des s’impose, mais plus encore, tous les Le Forum européen pour la sécurité urbaine (FESU) dont le Forum fran- individus se tournent vers un autre lieux de renfermement doivent être çais est membre propose une série d’actions pour renforcer imaginaire, celui de la radicalisa­ aussi des lieux du débat républi­ la capacité des collectivités à prévenir et combattre la radicalisa- tion, c’est que notre République cain. l’instruction civique doit être tion menant à l’extrémisme violent et au terrorisme. Depuis sep- n’arrive pas à indiquer des pers­ menée de manière adaptée mais tembre 2014, un programme d’échange européen « Local institutions against extremism » (LIAISE), cofinancé par la Commission européenne, pectives en matière d’insertion et à vigoureuse et de façon cohérente. réunit notamment huit villes européennes afin de développer des for- poser un cadre d’instruction de ses le dialogue entre les policiers et les mations sur la radicalisation. « C’est une plus-value importante pour nos valeurs. ainsi à un moment don­ jeunes doit être systématisé. villes et l’un de nos objectifs est de renforcer le réseau avec les villes né, il y a très probablement une dé­ européennes », indique Roger Vicot. Une première session de formation faillance. et le travail de nos institu­ Quel rôle les collectivités et les a eu lieu à Londres en juillet. D’autres se dérouleront à Vilvoorde (Bel- gique), Malmö (Suède) et Augsbourg (Allemagne). La demande des tions n’a pas porté ses fruits auprès élus locaux peuvent-ils jouer ? villes de travailler sur cette problématique est forte. Le FESU a ainsi dé- de certains jeunes. il faut travailler les élus locaux sont une pierre cidé d’ouvrir la formation aux collectivités non partenaires du projet. à remplacer l’imaginaire de mort et du réseau et du travail collectif de terreur proposé par la radicalisa­ à mener qui permettra d’enrayer

36 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 les collectivités en action entretien Motiv  Light  /  n U br E L  E.

la radicalisation. les villes ont un eux qui ont le plus besoin d’être se mettre au service d’une action rôle complémentaire de celui de mobilisés. nous pensons pouvoir « Tous les lieux collective. l’etat parce qu’elles sont le pre­ les valoriser et créer et renforcer de renfermement mier échelon de proximité. nous le dialogue entre les acteurs locaux. doivent aussi En quoi le Forum français peut- sommes aujourd’hui le niveau po­ D’ailleurs, beaucoup de clsPD ont être des lieux il avoir un impact ? litique auquel les citoyens font le mis à l’ordre du jour la prévention du débat républicain. » le Forum français qui rassemble plus confiance. c’est en raison de de la radicalisation. 130 collectivités a un rôle à jouer cet atout et au titre de la proximité Roger Vicot en matière d’expertise et d’échange que nous, élus locaux, souhaitons Les élus ont-ils pris pleine- de pratiques entre les élus. son rôle nous inscrire dans la stratégie na­ ment conscience de la réalité et la volonté des acteurs de com­ est essentiel pour renforcer les tionale de prévention de la radica­ du phénomène ? prendre le phénomène, de réflé­ connaissances du phénomène et lisation. au Forum français, nous le phénomène de radicalisation chir et d’agir est réelle. il y a une par conséquent les actions de pré­ pensons que les collectivités occu­ est difficile à appréhender. il y a volonté très affirmée de se mobi­ vention à mettre en œuvre. nous pent une position centrale. elles chez de nombreux individus ra­ liser et de s’intégrer dans les dis­ mettons aussi en place une forma­ ont la capacité de mobiliser l’en­ dicalisés ou en voie de l’être une positifs mis en œuvre par l’etat et tion sur la radicalisation pour les semble des acteurs de la prévention stratégie de dissimulation. Face d’être, en particulier, en alerte sur élus et les collectivités du réseau. car elles sont au cœur des réseaux à cela, notre prise de conscience les signes de fragilité des familles nous avons besoin de pédagogie de professionnels – police, sécuri­ est aujourd’hui générale. les élus et des jeunes. en ayant pris le par­ pour appréhender le phénomène. té, éducation, santé – qu’elles ani­ étaient déjà interpellés par la ra­ ti de s’appuyer sur les réseaux lo­ la formation très bien construite ment. nous devons nous appuyer dicalisation, mais les attentats ont caux dans une démarche qui asso­ mise en place par le sG­ciPD sur les réseaux et les partenariats été un déclic étant donné leur ca­ cie les élus, l’etat fait ce qu’il faut va justement dans ce sens de la existants tels que les conseils lo­ ractère tellement perturbant pour en la matière. cette démarche est pédagogie. elle présente les outils caux de sécurité et de prévention toute la société. il y a eu une accé­ cohérente, légitime et intelligente. disponibles pour agir et ainsi en­ de la délinquance (clsPD). ce sont lération de la prise de conscience, aujourd’hui, les élus souhaitent trer dans le quotidien des élus. ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 37 les collectivités en action pratique locale

NICE (ALPES-MARITIMES) 250 000 hAbITANTS Une cellule d’écoute pour les familles en détresse Depuis octobre 2014, est de mettre en place un accom- la cellule d’écoute pagnement personnalisé de per- de Nice a enregistré sonnes désemparées qui cherchent du soutien et des réponses à leurs une quarantaine interrogations. son caractère opé- de signalements de rationnel donne satisfaction. Des personnes radicalisées. accompagnements sociaux et psy- chologiques ont d’ores et déjà été ’est pour répondre déclenchés, des démarches juri- à la détresse de fa- diques engagées, et des signale- milles niçoises, que ments à l’antenne départemen- C le maire de nice, tale de recueil, d’évaluation et de christian estrosi, a mis en place en traitement des informations pré- octobre 2014 une cellule d’écoute occupantes (adret) du conseil dé- et d’action face aux dérives fon- partemental des alpes-Maritimes damentalistes. concrètement, une effectués. la municipalité souligne ligne téléphonique peut être utili- également le caractère concret du C. Chevallier sée 24 heures sur 24 par les niçois Principalemissiondesécoutants:évaluerleniveauderupturedujeuneavec travail entrepris avec les familles pour signaler des situations de ra- l’environnementfamilialpourétablirundiagnosticsurledangerdelasituation. qui se met en place de manière dicalisation. Une équipe pluridis- confidentielle avec tous les par- ciplinaire de 8 agents municipaux mettant d’être en alerte et de diffé- dicalisation, comment l’endiguer, tenaires : conseil départemental, se relaie pour écouter, évaluer et ac- rencier les signaux faibles de ceux comment éviter un départ. et par- préfecture, police nationale et compagner les familles confrontées plutôt alarmants. fois, malheureusement, il est déjà associations. à ces épreuves. « Depuis sa mise Depuis sa mise en route, la cel- trop tard : les proches sont en sy- en outre, une Maison pour l’ac- en œuvre, la cellule a reçu envi- lule d’écoute et d’action a enre- rie. Un long processus d’attente et cueil des victimes d’infractions ron 300 appels concernant des si- gistré une quarantaine de signale- de soutien débute à ce moment-là », pénales devrait ouvrir fin 2015. tuations liées de près ou de loin au ments et accompagne aujourd’hui explique Monique Bailet. la cellule d’écoute et d’action face djihad », indique Monique Bailet, 25 familles. « Une trentaine de si- aux dérives fondamentalistes inté- directrice générale adjointe de la gnalements ont été faits aux auto- un dispositif opérationnel grera ce lieu unique ayant vocation proximité, sécurité et vie des quar- rités judiciaires. il s’agit essentiel- selon la ville, le dispositif répond à offrir aux victimes un dispositif tiers, membre de cette cellule. lement de familles ou de proches à une situation d’urgence nécessi- de proximité efficace et pluridisci- de familles qui souhaitent des in- tant de prendre des mesures de pré- plinaire alliant une aide juridique 25 familles formations sur le processus de ra- vention et de protection. l’intérêt et un accompagnement psycholo- accompagnées gique. elle y organisera des ateliers issus de plusieurs services muni- d’information et d’orientation pour cipaux, les membres de cette cel- 14 mesures pour lutter contre les familles touchées par le phéno- lule sont d’abord dans une écoute mène de radicalisation. active de parents qui les contac- le terrorisme et la radicalisation enfin, dans l’objectif d’apprendre tent inquiets et qui s’interrogent sur La cellule d’écoute et d’action face aux dérives fondamentalistes s’in- à identifier les signaux d’alerte, de des attitudes de leurs enfants ou de tègre dans un plan pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation, renforcer la vigilance et la détection leurs proches. lors de l’entretien, adopté par le conseil municipal de Nice en janvier 2015. Côté « préven- des comportements de radicalisa- tion », la ville souhaite développer dans les quartiers sensibles et les ils évaluent le niveau de rupture de écoles des actions de sensibilisation des enfants aux valeurs républi- tion, la ville a également lancé en la personne radicalisée ou en voie caines, notamment pendant la pause méridienne, en partenariat avec mars dernier un programme de for- de radicalisation avec son environ- l’éducation nationale. Le dispositif comprend au total 14 mesures par- mation des cadres et des agents nement afin d’établir un diagnostic mi lesquelles le renforcement de la vidéoprotection dans le tramway, de terrain municipaux. Un cycle l’organisation de patrouilles communes police municipale-police sur le danger de la situation. Pour de formation qui a, en particulier, nationale, l’équipement de gilets pare-balles des policiers municipaux cela, ils s’appuient sur une grille et des agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Enfin, été suivi sous la forme de petits d’indicateurs spécifiques. ils ont des restrictions et des contrôles d’accès à internet seront mis en place « groupes métiers » : policiers mu- d’ailleurs suivi une formation des- dans les cyberespaces mis à disposition du public dans la ville. nicipaux, assistantes sociales, tra- tinée à leur fournir les outils per- vailleurs sociaux etc. ◆

38 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 les collectivités en action pratique locale

ALPES-MARITIMES 1 MILLIon d’hAbITAnTS Un protocole d’échange d’informations sur la radicalisation

n protocole relatif à la pré- risque de radicalisation signalée. tement transmettra au préfet les si- lule de veille ou instance de pilo- vention, au recueil et au concrètement, en vue de la mise en gnalements de cas de radicalisation tage – composée de la préfecture, U partage d’informations, à la œuvre d’une mesure de protection recensés par l’adret. du département, de l’education lutte contre les risques de radicali- de l’enfance, l’etat s’engage à trans- nationale, et des services de po- sation des jeunes, et à l’accompa- mettre à l’antenne départementale une cellule de veille lice – a été créée. les maires des gnement des familles a été signé de recueil, d’évaluation et de trai- opérationnelle communes concernées sont systé- le 4 juin entre l’etat et le départe- tement des informations préoccu- concernant le traitement des situa- matiquement informés des cas d’in- ment des alpes-Maritimes. en ve- pantes (adret), interface entre les tions repérées, l’etat et le départe- dividus accompagnés et peuvent nant prolonger la mise en place, ment s’engagent à mettre en œuvre être invités à y participer. ainsi le 19 mars, de la cellule départe- en synergie les mesures relevant de chaque semaine, les partenaires mentale de suivi, l’objectif visé Chaque semaine, leurs compétences. Pour le dépar- se réunissent pour suivre chacune par les partenaires est clairement la cellule de veille tement, il s’agit de mesures admi- des situations signalées, veiller à la opérationnel. se réunit pour suivre nistratives (contrat d’accompagne- bonne articulation des actions en- a partir de cet échange d’informa- au cas par cas les ment parental, assistance éducative gagées et répondre aux évolutions tions, principal volet du protocole, situations signalées. renforcée à domicile etc.) relevant des cas de radicalisation traités et il s’agit d’organiser la cohérence de l’aide sociale et médico-sociale aux diffi cultés rencontrées. opérationnelle des interventions des jeunes et de leurs familles, ainsi en outre, des actions d’informa- de l’etat et du département. l’in- services départementaux et les ju- que de mesures judiciaires confiées tion, de sensibilisation et de for- tention des acteurs locaux est de ridictions, les signalements n’appe- par les juridictions. Un plan dépar- mation des professionnels sont renforcer le maillage des actions lant pas de mesure de sûreté inté- temental de lutte contre la radica- organisées à l’échelle départemen- préventives et de garantir la qua- rieure des mineurs et des parents lisation devrait d’ailleurs voir le tale, en particulier autour des col- lité et l’effectivité de l’accompa- avec enfants recueillis par la cel- jour prochainement. le dispositif lèges situés en zone d’éducation gnement de chaque situation de lule de suivi. Quant à lui, le dépar- se voulant opérationnel, une cel- prioritaire. ◆

GREnobLE-ALPES MéTRoPoLE 49 coMMunES 440 000 hAbITAnTS La collectivité mise sur la formation des personnels pour affirmer les valeurs de la République

es élus locaux sont-ils dému- sitif de « formation-action » à l’éga- mais 49 communes représentant tats de janvier, que les contrats de nis face à la radicalisation re- lité et à la laïcité à l’intention de près de 440 000 habitants. concer- ville comprennent à l’avenir un vo- L ligieuse de certains jeunes ? ses salariés et de ceux des com- nant le respect de la laïcité, la nou- let sur les valeurs de la République, comme toutes les collectivités munes membres de la communau- velle équipe se place dans la conti- la Métro a également « inscrit » dans territoriales, la métropole de Gre- té d’agglomération. Un guide pra- nuité de la précédente. Marie-Jo cet engagement « signé le 6 juillet, noble – la Métro – est confrontée tique censé aider les personnels à salat, vice-présidente de la mé- un certain nombre de grands prin- à la montée des sollicitations fon- répondre aux difficultés d’appli- tropole chargée de la lutte contre cipes dont la lutte contre les discri- dées sur des prescriptions ou des cation du principe de laïcité a par les discriminations, entend ainsi minations et pour l’égalité homme- interdits religieux. Pour permettre ailleurs été rédigé et mis en ligne. « poursuivre et réaffirmer ce qui femme, et le respect de la laïcité », à ses agents d’y répondre, elle a a été entrepris par l’ancienne Mé- rappelle Marie-Jo salat. conçu des outils de réflexion et respect de la laïcité, lutte tro ». Une nouvelle série de « for- cette élue considère en revanche d’action permettant de mieux for- contre les discriminations mation-action » va être proposée que la lutte contre les dérives is- mer les personnels au principe de en avril 2014, une nouvelle équipe à l’intention notamment des per- lamistes n’est pas de son ressort : laïcité. en 2010-2011, la ville de a été élue à la tête de la Métro. et en sonnels des communes ayant re- « en tant que citoyenne et élue lo- Grenoble avait organisé une pre- janvier 2015, la communauté d’ag- joint la Métro, et le guide pratique cale, je dois rester extrêmement vi- mière session de formation inti- glomération de Grenoble est venue sera réédité très prochainement. gilante, comme nous devons tous tulée « Gérer le fait religieux sans métropole. s’inspirant du souhait de la secré- l’être, mais je ne suis pas flic, je ne discriminer ». en 2012, la Métro cette collectivité disposant de taire d’etat à la Politique de la ville, suis pas aux RG et je n’ai en l’oc- a mis à son tour en place un dispo- compétences élargies gère désor- Myriam el Khomri, après les atten- currence aucun pouvoir ». ◆

Octobre 2015 l Guide de prévention de la radicalisation 39 les collectivités en action vu d’ailleurs

BRUXELLES (BELgiqUE) 178 000 haBitantS Prévenir la radicalisation afin de renforcer la cohésion sociale A Bruxelles, de au long de la prise en charge », ex- nombreux agents plique le chef de projet. Dans le cas de la ville spécialement de personnes très radicalisées où la rupture sociale et familiale est formés interviennent importante, le service propose à la pour prévenir personne une rencontre. « lors du la radicalisation. rendez-vous, nous leur faisons part de notre inquiétude et celui de leur n mai 2014, un attentat au entourage. l’un des objectifs est Musée Juif de Bruxelles de voir comment reconstruire des faisait quatre victimes. liens avec la famille et la société », E engagé depuis 2012 dans indique-t-il. la prévention de la radicalisation, le bourgmestre de Bruxelles, Yvan une formation de grande Mayeur, a formalisé l’action de la ampleur ville en instituant une plateforme Un plan de la formation a été mis andia

/ interservices. les objectifs sont E en place à l’échelle de la ville pour de faire prendre conscience aux tous les services présents sur le t. monass t. services de la ville de l’enjeu que Pouraiderlesjeunesenvoiederadicalisationàreconstruiredesliensfamiliaux terrain. au programme : un socle revêt la radicalisation, d’objecti- etsociaux,lacapitalebelgeaforméetmobiliséagentsetéducateurs. commun de connaissances sur le ver la problématique, d’assurer une phénomène et un rappel des dif- parfaite transmission d’informa- de « prévention secondaire ». enfin, delin Feront. elle s’appuie sur férents niveaux d’intervention de tions entre eux, et de coordonner la « prévention tertiaire » relève de des « indices de vigilance » élabo- l’etat, des enseignements adaptés les actions. chargée d’initier les la prise en charge des personnes et rés pour objectiver les situations à chacun des métiers selon les mis- prises en charge individuelles des des familles. Pour agir, le bourg- rencontrées et sur un protocole sions, destinés à expliquer ce qui personnes en voie de radicalisation mestre dispose des informations pour initier la prise de contact et est attendu de chacun et comment violente et de leur entourage, et de rapportées via la plateforme inter- les prises en charge des personnes il peut agir. s’assurer de leur accompagnement, services et les services de police. concernées. « le diagnostic de la si- De septembre 2014 à juin 2015, une cellule de suivi des situations Par ailleurs, un numéro de télé- tuation et du degré de radicalisation 700 personnes ont ainsi été for- a aussi vu le jour. phone et un site web ont également permet de définir la manière dont mées : assistantes sociales, agents été mis en place pour permettre au nous allons approcher la personne. de la prévention, des centres de un service de prévention public concerné de s’informer et de la prise en charge se fait soit direc- jeunes et des maisons de quar- de 300 professionnels solliciter une aide. tement au niveau de la cellule, soit tier, éducateurs de rue et média- en venant en aide aux individus concrètement, la cellule analyse les en nous appuyant sur le service de teurs, stewards chargés de rensei- en voie de radicalisation violente situations au cas par cas. « le but prévention lequel compte 300 pro- gner le public sur la voie publique, et à leur entourage, le but de la ville fessionnels dans différentes disci- directeurs et éducateurs dans les est de « répondre à la détresse in- plines et avec lesquels nous tra- écoles et agents de l’insertion dividuelle de ces personnes, de Une coordination vaillons au quotidien », précise-t-il. professionnelle. renforcer la cohésion sociale et régionale regroupe selon le degré de rupture sociale cette approche préventive s’ins- de lutter contre la polarisation au les chefs de projet de la personne, soit une approche crit dans un dispositif national niveau communautaire », explique radicalisme des directe soit indirecte est envisa- dans lequel l’etat fédéral, la région Hadelin Feront, chef de projet ra- communes les plus gée. « Pour les personnes en dé- Bruxelles-capitale (19 communes) dicalisme de la ville. « notre ac- touchées. but de processus de radicalisation et la ville de Bruxelles agissent de tion couvre trois domaines de ma- violente, la famille ou des profes- concert. Une coordination régio- nière égale », précise-t-il. Premier sionnels habituellement en contact nale regroupant les chefs de projet niveau : les actions de « prévention est d’analyser selon les éléments en avec elles vont agir dans le cadre radicalisme des communes les plus primaire » consistant à sensibiliser notre possession, les points d’en- d’activités socialisantes. Dans ce touchées a d’ailleurs été constituée. les Bruxellois au phénomène de ra- trée nous permettant d’établir un cas, notre service intervient in- « nous formons une équipe car cer- dicalisation. la formation des ac- contact avec ces personnes et les directement en accompagnant et tains cas peuvent se recouper », teurs de terrain constitue le niveau moyens pour agir », indique Ha- conseillant ces professionnels tout précise Hadelin Feront. ◆

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Comprendre analyser Une méthode de désembrigadement Deux rapports du « djihadisme » parlementaires Dans son dernier ouvrage, nomène et sur la base de l’accompagnement qu’elle Deux rapports ont été remis au Pre- Dounia Bouzar, anthropologue a effectué auprès de cinq cents familles dont « les en- mier ministre début juillet 2015. et directrice du centre de pré- fants ont été entraînés dans cette spirale morbide ». celui du député socialiste de l’es- vention des dérives sectaires Les différentes étapes et méthodes de l’embrigade- sonne, Malek Boutih, intitulé « Gé- liées à l’islam (cPDsI), ana- ment ainsi décryptées fournissent des repères pour nération radicale », dresse le por- lyse les mutations des discours permettre une meilleure prévention de cette em- trait de la jeunesse et de ceux qui des deux principaux groupes prise djihadiste chez les adolescents et les jeunes sortent de son sein pour devenir terroristes, Daesh et Al-Nos- et « pour construire une chaîne humaine plus forte des djihadistes. Face à l’ampleur du ra, destinés à convaincre de que la chaîne terroriste et convaincre chacun d’entre phénomène de radicalisation et au jeunes Français de rejoindre nous qu’il est possible d’en finir avec l’emprise “dji- défi posé par son développement, leurs rangs. elle explique la méthode pluridiscipli- hadiste” ». ce livre a été récompensé du prix de l’es- il propose un plan à long terme de naire, qu’elle a conçue et expérimentée, de désem- sai 2015 de l’express. reconquête républicaine qui vien- brigadement du « djihadisme » qui touche les jeunes drait compléter le dispositif de pré- et les adolescents. L’auteure a élaboré cette méthode n « Comment sortir de l’emprise “djihadiste” ? », Dounia Bouzar, vention de la radicalisation mis en en étant au plus près des jeunes touchés par ce phé- Les Editions de l’Atelier/Les Editions ouvrières, 2015 œuvre depuis 2014. celui du dépu- té socialiste des Hauts-de-seine, sé- bastien Pietrasanta intitulé « La dé- débattre radicalisation, outil de lutte contre le terrorisme », propose 37 me- Radicalisation, déradicalisation sures pour « déradicaliser » les dji- hadistes, et principalement ceux et contre-radicalisation de retour des zones de combats sur Le numéro 30 des cahiers de la sécurité et de la justice, revue de L’Institut national des hautes études le territoire national. Le processus de la sécurité et de la justice (INHesJ), porte sur « La radicalisation violente ». une vingtaine d’ar- de déradicalisation doit consister ticles d’universitaires, d’experts et de responsables institutionnels, analysent la complexité du phé- en l’élaboration d’un contre-dis- nomène et de son processus. Les contributions portent sur plusieurs mouvements – politiques, re- cours visant la propagande djiha- ligieux, sectaires – radicaux, et sur les vecteurs de la radicalisation tels que l’utilisation d’internet. diste, un accompagnement psycho- Il présente également les dimensions sociétales et historiques ainsi que les profils psychologiques logique individualisé et un suivi des personnes radicalisées, et enfin les réponses institutionnelles et les réponses publiques. pluridisciplinaire en vue du réta- n La radicalisation violente, Cahiers de la sécurité et de la justice, numéro 30, 4è trimestre 2014, La documentation Française blissement des liens familiaux et sociaux. Parmi les mesures phares, l’ancien rapporteur du projet de loi Comprendre de lutte contre le terrorisme préco- nise la création de centres de déra- Eclairages sur la radicalisation dicalisation sous contrainte après et sur cette nouvelle ère terroriste une décision du juge. n « Génération radicale », de Malek Boutih, député Dans l’un de ses derniers livres et les réseaux sociaux dans la vague actuelle de ter- de l’Essonne, rapport de la mission de réflexion sur paru en 2015 intitulé « Terreur. rorisme. Pour l’auteur, « la radicalisation s’impose l’analyse et la prévention des phénomènes de radicalisation et du djihadisme en particulier. La nouvelle ère. Des Twin dans le débat public comme l’un des défis majeurs n « La déradicalisation, outil de lutte contre Towers à charlie », Mathieu pour la sécurité et la justice dans les pays démocra- le terrorisme » de Sébastien Pietrasanta, député Guidère, agrégé d’arabe et pro- tiques ». Il présente notamment les acteurs de la ra- des Hauts-de-Seine. fesseur des universités, donne dicalisation islamiste, la manière dont on peut pré- des repères pour mieux saisir venir cette dernière et les méthodes existantes pour les tenants et les aboutissants « désendoctriner » et « déradicaliser » les djihadistes Sur le web de cette nouvelle ère où le ter- qui reviennent des zones de combats sur notre terri- Un site internet a été mis rorisme connaît un nouvel es- toire national. Par ailleurs, il explique l’importance en ligne par le gouvernement sor. spécialiste du monde musulman, il apporte de développer une stratégie de contre-propagande, en février 2015 pour décrypter en particulier un éclairage historique permettant de avec un véritable « contre-discours » : « une action et contrer le discours et la pro- mieux comprendre l’essor du djihadisme anti-occi- nécessaire et urgente ». pagande des djihadistes . dental et sa volonté d’expansion territoriale, et dé- n « Terreur. La nouvelle ère. Des Twin Towers à Charlie », http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/agir.html crit la place centrale occupée désormais par internet Mathieu Guidère, Autrement, 2015

42 Guide de prévention de la radicalisation l Octobre 2015 COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

Rôle et moyen des partenaires Madame, Monsieur le Maire, dans le domaine de l’habitat + fi ches pratiques N’hésitez pas à consulter nos publications Le premier tome est l’occasion de rappeler le Le Comité interministériel de prévention de la délinquance rôle des partenaires locaux conçoit avec ses partenaires interministériels des documents, des de la prévention de la ouvrages, qui représentent autant d’outils mis au service de votre action délinquance. Le second tome dédié aux infractions locale et que vous pouvez vous procurer par téléchargement directement en matière de tranquillité sur le site : www.prevention-delinquance.gouv.fr publique reconstitue les étapes de la chaîne judiciaire ou demander par voie postale : en cas d’échec de la phase CIPD - Place Beauvau - 75800 PARIS CEDEX 08 amiable lorsque les modes d’intervention en amont sont épuisés et que les troubles et nuisances persistent.

Recensement des dispositifs Stratégie nationale de prévention Charte déontologique type de droit commun concourant de la délinquance sur l’échange d’information à la stratégie nationale de Politique du Gouvernement La charte permet en prévention de la délinquance en matière de prévention de la particulier de constituer des délinquance, validée par une traitements de données Un recensement, circulaire du Premier ministre du 4 à caractère personnel aussi exhaustif que juillet 2013, la stratégie nationale au sein des groupes de possible, des moyens de prévention de la délinquance travail des CLSPD/CISPD. et dispositifs de droit décline en trois programmes les A la demande du SG- commun concourant priorités de l’Etat dans ce domaine : CIPD, la CNIL a établi, par à la mise en œuvre - actions à l’intention des jeunes délibération du 26 juin du programme en exposés à la délinquance 2014, une autorisation direction des jeunes - actions pour améliorer la prévention des unique concernant les traitementsmentsmmeeenntts dde e a été établi grâce violences faites aux femmes données relatifs aux personnes faisant l’objet à la coopération - actions pour améliorer la tranquillité d’un suivi par le maire dans le cadre de ses de l’ensemble des publique. missions de prévention de la délinquance. ministères membres du CIPD.

Boîte à outils « aide aux victimes Référencement des bonnes Le maire et la prévention et accès aux droits » pratiques de la délinquance Ce guide se propose Référencement actualisé Avec la mise en place de réaliser un inventaire des bonnes pratiques issues de la stratégie nationale exhaustif des dispositifs du terrain. Modélisées et 2013-2017, la politique d’aide aux victimes présentées sous la forme de de prévention de la disponibles actuellement. fi ches pratiques, les bonnes délinquance connaît Réalisé dans le cadre d’un pratiques ont vocation à d’importantes évolutions, travail interministériel servir d’appui à la réfl exion notamment dans sa il présente les aspects des acteurs de terrain déclinaison au niveau local. théoriques et pratiques de pour la mise en place de L’ouvrage développe l’accès aux droits. dispositifs de prévention de plusieurs parties : le rôle du mmaireaia rere enen la délinquance. matière de prévention de la délinquance, la gouvernance locale de cette politique, l’approche individualisée, les moyens d’action de la politique de prévention de la délinquance…

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33ee dede couv.inddcouv.indd 1 008/09/158/09/15 17:0317:03 Madame, Monsieur le Maire, N’HÉSITEZ PAS À Vous trouverez sur le stand du ministère de SOLLICITER L’ÉQUIPE DU l’Intérieur de l’information sur les politiques COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE PRÉVENTION DE publiques de prévention de la délinquance LA DÉLINQUANCE. et de la radicalisation. © Ministère de l’Intérieur / DICOM © Ministère

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