Communiqué CHINAWATCH Vendredi 27 mai 2016 LE FIGARO Ce supplément est produit par le Daily de la République populaire de Chine, qui assume l’entière responsabilité de son contenu. CHINA DAILY Un instrument qui doit se faire entendre sur la scène mondiale

Ci-dessus : Mei Baojiu, célèbre artiste de l’opéra de Pékin. PHOTO PROVIDED TO CHINA DAILY, XINHUA, ZOU HONG / CHINA DAILY Par Chen Nan Ci-dessous : Mei Baojiu interprète la pièce classique Farewell My Concubine (« Adieu ma concubine ») en 2010. ZHANG WEI / FOR CHINA DAILY Ils ont tous les deux des cordes et tous les deux se jouent avec un archet, mais au-delà, l’erhu (er = « deux » en chinois – l’instrument n’a que deux cordes) et le violon semblent appartenir à des planètes diff érentes. Pour autant, le très chevronné joueur chinois d’erhu, Guo Gan, affi rme qu’il n’y a aucune raison pour ne pas faire tout autant apprécier, par les publics du Une grande voix de monde entier, l’un et l’autre instrument. Âgé de 48 ans, Guo Gan, qui a commencé à jouer de l’erhu quand il avait quatre ans à , dans la province du au nord-est de la Chine, a sorti 40 albums en tant que soliste ou membre d’un orchestre dans toute une variété de genres musicaux, rock, jazz et musique l’opéra s’est tue classique compris. Il a également fait entendre les sons peu familiers de cet antique instrument chinois dans le cadre de près de 2 000 concerts de par le monde, travaillant avec des centaines de musiciens internationaux, Mei Baojiu avait succédé à son père. Il a passé la baguette à son tour. Reportage de Chen Nan. notamment le violoniste de jazz français et le pianiste chinois . Le 25 avril dernier, M. Guo, qui vit à depuis plus de 15 ans, a été fait l faisait partie d’un groupe restreint de « Mon père a éliminé la distinction entre pra- Selon lui, la technologie moderne était de Chevalier des Arts et des Lettres par M. Maurice Gourdault-Montagne, comédiens chinois qui, bien avant que le tiquement tous les types de rôles féminins », nature à rendre l’opéra de Pékin visuellement l’ambassadeur de France en Chine. Cette distinction créée en 1957 a été terme transsexuel soit adopté, s’étaient a dit Mei Baojiu un jour. « C’était un chanteur, plus attrayant et au goût du jour. « Il convient de accordée à d’autres artistes chinois, notamment l’actrice Zhang Ziyi et le engagés dans cette voie au nom de la gran- un danseur et un acteur très talentueux. Il était mettre tout ce qui peut être fait pour innover au réalisateur Feng Xiaogang. Elle récompense celles et ceux qui se sont dis- deur artistique. aussi très novateur en matière de conception service du contenu sans l’écraser. Il ne faut ja- tingués par leurs productions artistiques ou littéraires en France et au-delà. ICependant, l’infl uence de Mei Baojiu, mort scénographique, de partition musicale et de mais trafi quer les racines de l’opéra de Pékin », Formé par son père Guo Junming (1940-2010), Guo Gan indique que à Beijing à l’âge de 82 ans, et de son père maquillage ». disait-il. l’apprentissage de l’erhu est une tradition dans sa famille. « Mon père me Mei Lanfang va bel et bien au-delà de leur Mei Baojiu était tout aussi doué pour l’inno- Même en traduction, cette expression artis- disait que l’instrument communiquait des sentiments humains, en parti- personnage de nan dan, c’est-à-dire d’un vation. Au cours du festival d’opéra de Pékin tique doit rester fi dèle à son identité chinoise, culier la tristesse et la solitude. Pour moi, il est mon lien avec mon père. Où homme qui joue le rôle d’une femme dans l’art dans la ville de Tianjin en 2014, ses méthodes confi a-t-il lors d’un entretien en 2014, l’année que j’en joue, je suis en conversation avec lui ». de l’opéra de Pékin. L’un et l’autre ont prêté leur de mise en scène au goût du 21ème siècle le où il s’est rendu aux États-Unis avec un groupe Guo Gan joue aussi du violon, du violoncelle et du piano. « Mon père ne nom à un registre dramatique qui remonte à un conduisirent à utiliser des images virtuelles en d’interprètes d’opéra de Pékin appartenant à la m’a jamais destiné à être comme lui un joueur d’erhu. Il avait l’esprit très siècle, soit la moitié de l’existence de l’opéra de 3D et une sono en stéréo, tout en restant fi dèle Jingju  eater Company de Beijing, à l’occasion ouvert et il me soutenait dans mes choix ». Pékin lui-même. au style d’interprétation vocale de son père. du 120ème anniversaire de la naissance de son À l’époque où Guo Gan terminait ses études au conservatoire de musique Dans la splendeur de ses costumes somp- fondateur. de Shenyang, ayant obtenu une licence de percussion en 1991, la musique tueusement brodés, de son art du maquillage Comme pour tant de choses que faisait pop et le rock commençaient à être très connus en Chine. Aussi, pendant et de l’acrobatie, l’opéra de Pékin incarne le Mei Baojiu, sa tournée américaine ne man- la période de 1994 à 1999 où il enseigna l’erhu et la percussion au conser- style théâtral national chinois. Il conjugue ces qua pas d’évoquer vatoire de musique de Liaoning, il fonda ses propres orchestres de jazz et caractéristiques avec une conception unique son père, qui alla aux de rock. du récit, des arts martiaux, du chant et de la États-Unis dans les En 2000, Guo Gan est parti en France étudier la percussion à l’École natio- danse. années 1930, deve- nale de musique de Fresnes près de Paris, où il fonda un autre orchestre de Mais dans les premières années qui ont suivi nant le premier acteur jazz, Dragon Jazz, qui remporta le deuxième prix d’un concours de musique la création de la Nouvelle Chine en 1949, cet d’opéra de Pékin à pré- européenne et chinoise en Belgique en décembre 2002. Mais malgré ces art était considéré comme un « vestige de la senter cet art traditionnel quelques succès, il avoue qu’arriva un moment où il aurait volontiers tour- féodalité », et pendant la « révolution culturelle » chinois hors du pays lors né le dos à l’erhu. « Avant de quitter Shenyang, je ne voulais même pas le (1966-76), ceux qui le pratiquaient étaient de représentations dans des prendre avec moi. Mais mon père a insisté pour que je l’emporte ». sanctionnés. Il réapparut après la politique villes telles que New York, Une fois en , luttant comme beaucoup d’étudiants pour joindre les d’ouverture et de réformes des années 1980, Chicago et San Francisco. deux bouts, Guo Gan commença à se produire dans des manifestations où les femmes commencèrent à monter sur Lors de ce voyage, il organisées dans les communautés chinoises de l’étranger. scène grâce à la création plus fréquente d’écoles se lia d’amitié avec La chance se présenta en 2002 lorsque le compositeur , d’opéra chinoises. Charlie Chaplin et ren- lauréat d’un Oscar et d’un prix Grammy pour son œuvre relative au fi lm Mei Baojiu vit sa carrière rapidement contra les stars hol- Le patient anglais, l’invita à enregistrer de la musique pour L’idole, ce qui tracée. Né à Shanghai en 1934, il prenait lywoodiennes entraîna d’autres occasions de faire des enregistrements pour des fi lms des cours sous la tutelle du grand maître de l’époque français. Sa dernière commande est venue de la société Dreamworks Wang Youqing dès l’âge de 10 ans, et son q u ’ é t a i e n t pour le fi lm d’animation Kung Fu Panda. Guo Gan s’est par ailleurs produit père profi tait de la moindre pause dans Douglas Fair- comme soliste invité à la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes son programme de tournées chargé pour banks père et en 2002, et en 2005, le réalisateur chinois Zhang Yimou l’a convié à don- prendre le garçon sous son aile. Mary Pickford. ner une série de concerts pour la promotion du fi lm  e House of Flying La pratique du nan dan prit forme à une Le seul disciple Daggers (« Le Secret des poignards volants ») en Europe. époque où la bienséance empêchait les nan dan de « L’un des aspects les plus gratifi ants d’être associé à un nouveau pro- femmes de monter sur scène, un inter- Mei Baojiu, Hu jet, c’est la rencontre de musiciens divers et la recherche de possibilités dit qui n’allait être levé que bien plus tard. Wenge, âgé de de collaboration », dit Guo Gan. « Je suis heureux de voir que l’erhu, qui Pendant la première moitié du 20ème 48 ans, a indi- est rarement apprécié en Occident, peut être employé dans un si grand siècle, les acteurs nan dan étaient au qué qu’il était aux nombre de styles musicaux diff érents. Je suis persuadé que la meilleure faîte de leurs pouvoirs et Mei Lanfang côtés de son maître façon de préserver l’héritage de mon père concernant l’erhu est d’en faire (1894-1961), Shang Xiaoyun (1900- le 25 avril, jour de sa mort. revivre le son et de l’adapter à diff érentes cultures. Je vis dans une culture 76), Cheng Yanqiu (1904-58) et « Il m’a dit que son grand- diff érente de ma culture natale, ce qui m’ouvre à d’autres formes. J’ac- Xun Huisheng (1900-68), que l’on père avait communiqué son cepte volontiers et je mesure les diff érences ». a nommés les Quatre Grands Dan, savoir et la technique théâtrale de Guo Gan, dont la femme – pianiste – et les deux enfants vivent avec lui à ont institué les quatre styles dan qui l’opéra de Pékin à son fi ls, qui la lui Paris, dit qu’il prévoit de se produire plus souvent en Chine et de travailler portent leur nom de famille. Dans ce avait alors enseignée », a-t-il déclaré avec des musiciens chinois. panthéon, Mei Lanfang est considéré dans un entretien avec le journal Beijing News. comme le plus grand artiste d’opéra « Il espérait que je pourrais… transmettre cet de Pékin de tous les temps, et recon- héritage. C’est une grande responsabilité pour nu comme celui qui l’a fait connaître moi ». en Occident dans les années 1930. Sun Ping, une actrice chevronnée d’opéra de L’école Mei d’opéra de Pékin attire Pékin âgée de 55 ans, a rendu hommage à Mei des milliers d’élèves et d’adeptes Baojiu. « Sa mort est une grande perte non depuis plus d’un siècle. seulement pour l’opéra de Pékin mais aussi Mei Lanfang a eu neuf enfants pour la culture chinoise », a-t-elle dit. mais parmi eux, le poids du rôle de « Mei Baojiu a fortement appuyé mes projets. nan dan et de l’interprétation des Comme son père, il s’est beaucoup eff orcé de classiques de l’Opéra de Pékin, promouvoir et de transmettre sa connaissance tels que Farewell My Concubine de l’opéra de Pékin aux jeunes générations », a (« Adieu ma concubine »),  e ajouté Mme Sun, auteur de  e English Trans- Drunken Beauty (« La beauté ivre lation Series of 100 Peking Opera Classics, ») et Mu Guiying in Command une publication en dix volumes de la Foreign (« Mu Guiying au comman- Language Teaching and Research Press. dement ») a échu aux seules Mei Baojiu a aussi joué un rôle dans la sphère épaules de Mei Baojiu. politique. Il a été membre de la Conférence Celui-ci fi t ses débuts sur scène consultative politique du peuple chinois à la- à l’âge de 13 ans et devint l’un des quelle, en 2009, il a proposé que l’opéra de principaux promoteurs de l’école ar- Pékin soit enseigné dans les écoles élémen- tistique de son père. Trois ans après taires. En mars 2012, il a présenté une propo- ses débuts à Shanghai, il commença sition visant à créer une version en animation à faire des tournées avec la troupe de l’opéra de Pékin pour attirer un plus grand Mei Lanfang d’opéra de Pékin et nombre d’adolescents vers cet art. quand son père mourut en 1961, Guo Gan fait entendre le son de l’erhu à la cérémonie où il a été fait c’est lui qui en prit les rênes. Avec la collaboration de Chen Weihua et Xinhua. Chevalier des Arts et des Lettres. FENG YONGBIN / CHINA DAILY