RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

Initiées par le Ministère de la Communication au profit des journalistes

Juin 2014 n Septembre 2016

SOMMAIRE

n Extraits du message de son Excellence le Président de la République Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse (Alger, 3 mai 2015) ...... 7

n Extraits des déclarations du Ministre de la Communication M. Hamid Grine (Radio chaine III - 21 mai 2014) (Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 19 février 2015) ...... 11

n RACHID ARHAB / «Ethique et déontologie» ...... 15

n PIERRE PÉAN / «Le journalisme d’investigation» ...... 19

n MOHAMED RIDHA NADJAR / «La déontologie du journaliste à l’épreuve du scoop et du sensationnel»...... 23

n JEAN-JACQUES JESPERS / «L’autorégulation, une réponse prometteuse aux défis actuels du journalisme ?» ...... 37

n BOUZIANE BENACHOUR / «Le journalisme de proximité. Quelques principes de terrain et un ensemble de principes de pratiques moraux sur lesquels il ne faut pas transiger»...... 41

n ABDESLAM BENZAOUI / «Géopolitique des médias : L’Algérie et les enjeux internationaux» ...... 47

n ABDERRAHMANE AZZI / «Les nouvelles tendances de l’éthique et les lois de l’information»...... 63

n DANIEL CORNU / «Ethique, déontologie et pratique du journalisme au temps de l’internet» ...... 67

n AHMED ABDELLI / «Liberté d’expression des médias : connotation historique et philosophique» ...... 83

n LEILA FILALI / «Manifestations des valeurs démocratiques : liberté d’opinion et d’expression dans la législation algérienne sur l’information» ...... 87

n BASSIM TWEISSI / «Le professionnalisme et la crédibilité dans les médias arabes» ...... 91

n DOMINIQUE VON BURG / «La déontologie garante d’un journalisme crédible» ...... 95

n AHMED ESSAYED ENNADJAR / «Les considérations professionnelles et éthiques dans le journalisme : une nécessité pour la modernisation et le développement» ...... 107

n SADOK HAMMAMI / «Le journalisme à l’ère des médias sociaux» ...... 111

n RICARDO GUTIERREZ / «Ethique et déontologie du journalisme : la responsabilité sociale du journaliste et des médias» ...... 115

n MOHAMED KIRAT / «Ethique et déontologie du journalisme: défis et enjeux» ...... 119

n FATMA BENSAAD DUSSEAUT / «Le journalisme au défi des mutations technologiques : quelle place pour l’éthique ?» ...... 123

n CHADLI BOUFAROUA / «La radio dans le futur» ...... 133

n PAULE BEAUGRAND-CHAMPAGNE / «Le conseil de presse du Québec : 40 ans de déontologie appliquée» ...... 137

n LARBI TIMIZAR / «La formation continue, clé de la professionnalisation éthique des journalistes» ...... 141

n ANDRE VITALIS / «La révolution numérique en question : ce que nous apprennent cinquante ans d’informatisation sociale» ...... 145

n NICOLAS BECQUET / «Le boom du web mobile, une chance pour les journalistes»...... 149

Extraits du Message de son excellence le Président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse (Alger, Dimanche 3 mai 2015)

Notre société a plus que jamais besoin, aujourd’hui, de parachever l’œuvre de modernisation du système d’Information et de communica- tion pour permettre aux médias d’assumer pleinement le rôle qui leur incombe dans la transmission d’une information authentique et crédible à travers une ana- lyse objective des faits de sorte que le citoyen puisse entrevoir les progrès de la société et appréhender les mutations survenues dans son environnement régio- nal et international et les enjeux décisifs qui en découlent.

Nos efforts d’encadrement de l’acte de presse doivent être sous-tendus par l’engagement réel des professionnels du secteur de créer des en- treprises pérennes, en investissant dans la ressource humaine et en contribuant par leurs productions, à l’enrichissement des connaissances et au rayonnement culturel, dans l’indépendance la plus totale.

Un tel projet peut assurément prendre forme à travers l’encouragement des com- pétences en intégrant le potentiel jeunesse et en privilégiant la formation et la spécialisation dans un contexte international concurrentiel où il n’y a pas de place à l’improvisation.

Des extraits du Message de son excellence le Président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika A l’occasion de la Journée Mondiale de la liberté de la Presse, 03 mai 2015.

Extraits des Déclarations du Ministre de la Communication M. Hamid Grine

n (Radio chaine III - 21 mai 2014) n (Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger / 19 février 2015)

... Ma feuille de route est simple et claire. Je l’ai déjà dit. Elle se résume en un point, à savoir : suivre les orientations du Président de la Répu- blique contenues dans son message du 3 mai dernier adressé à la presse. Ces orientations se résument en un mot : professionnaliser la presse nationale.

… pas de distinction entre la presse publique et privée, mettant en avant qu’il n’y a qu’une seule presse : elle est nationale et professionnelle.

… l’Algérie n’a pas assez communiqué sur sa stabilité, qui est un atout extraor- dinaire … nous n’avons pas communiqué, assez, sur la richesse et la diversité de la presse algérienne. C’est la presse la plus libre dans le monde arabe et en Afrique, avec l’Afrique du sud.

... il importe d’accorder davantage d’intérêt à la formation continue du journaliste en Algérie, notamment dans les régions du Sud et des Hauts Plateaux.

... le projet de professionnalisation de la presse que mon département envisa- geait de concrétiser conformément aux nouveaux défis dictés par la géopolitique des médias s’articule autour de la formation continue et régulière des journalistes des secteurs public et privé

... J’ai perçu lors de mes sorties dans 29 wilayas du pays un désir d’apprentissage et de spécialisation chez les professionnels qui demandent à chaque fois à la tutelle d’organiser des cycles de formation afin d’améliorer leurs compétences et de les doter des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le contexte des développements des médias internationaux

... Ces sessions sont organisées dans le cadre des principes de bonne gouver- nance du processus d’information et de communication au niveau local.

Extraits des Déclarations du Ministre de la Communication, M. Hamid Grine n (Radio chaine III - 21 mai 2014) n (Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger, 19 février 2015)

RACHID ARHAB

L’éthique et la déontologie

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger / 12 juin 2014 Rachid Arhab, né le 26 juin 1955 à Larbaâ Nath Irathen en Algérie, est un journaliste franco-algérien. Diplômé du centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej) de l’université de Strasbourg, il devient journaliste à FR3 en 1977. En 1985, il rejoint le service Politique in- térieure d’Antenne 2, dont il devient le chef de service en 1990. En octobre 1997, il est nommé rédacteur en chef ad- joint du journal de 2. De septembre 1998 à sep- tembre 2000, il assure la présentation du journal de 13 heures de en duo avec Carole Gaessler. À partir de 2000, il anime sur France 2 l’émission «J’ai rendez-vous avec vous», dont il est également le concepteur. Rachid Arhab a présenté l’émission quoti- dienne «Ecomatin» sur et, deux ans plus tard, l’émission «Dans la lumière» sur France 2. De 2007 à 2013, il est nommé membre du Conseil su- périeur de l’audiovisuel. Il obtient le Sept d’or du meilleur présentateur de jour- nal télévisé en 2000. Pour la promotion de Pâques 2006, Rachid Arhab est promu au grade de Chevalier de la Légion d’honneur. Ouvrages n Pourquoi on ne vous voit plus, Michel Lafon, 2015. n Quatre nuances de France, Salvator, sortie le 21/01/16, avec Xavier Driencourt, Nacer Safer et Ka- rim Bouhassoun. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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L’ÉTHIQUE ET LA DÉONTOLOGIE

voquant l’historique de la création des instances de régulation de l’autre côté de la méditerranée, ERachid Arhab a souligné que le chemin a été 4l’éthique est une somme très long, en expliquant que le processus de création de valeurs personnelles d’une autorité de régulation a été, en fait, déclenché et elle se forge au gré en 1981, à la fin du monopole de l’Etat sur l’audiovi- de l’expérience. suel. Ces différentes instances ont vu leurs compé- 4Une réflexion entre tences précisées au fur et à mesure par le législateur, au gré des alternances politiques. les pays sur l’utilisation des moyens de diffusion S’attardant sur le statut du CSA, Rachid Arhab a si- de l’information par gnalé que jusqu’à une date récente, le Conseil supé- internet, est suggérée. rieur de l’audiovisuel était une autorité indépendante. 4On doit défendre notre Rachid Arhab a estimé nécessaire la mise en place identité par l’audiovisuel. d’une autorité de régulation en Algérie «je pense qu’il faut mettre en place une autorité de régulation. Rachid Arhab a affirmé que si celle-ci est bien structu- rée et organisée, elle va assurer la liberté au journaliste. Il a ajouté «je suis venu pour témoigner sur les points communs qu’on peut partager pour préserver la crédibilité du journaliste lu par le public. Il est aussi question de trouver les méthodes de travail du journaliste professionnel». Il s’agit de la nécessité de respecter la déontologie professionnelle en tant que condition essentielle à la garantie «la pérennité humaine». Rachid Arhab a noté qu’en France la question est gérée par la loi, en soulignant que l’éthique n’est pas une question de textes seulement, mais de comportement et de conduite de journaliste. Il a affirmé que l’éthique est une somme de valeurs personnelles et elle se forge au gré de l’expérience. Rachid Arhab a ajouté que le vrai journaliste est celui qui est toujours à la recherche de l’information sur le lieu ou elle se déroule et non pas sur le desk. Il a souligné que la clause de conscience «fait partie des dispositions de déontologie. C’est un élément défensif, plutôt constructif», utilisé par les journalistes qui s’ajoutent à la lutte dans le cadre des syndicats et de différentes commissions régissant le secteur. En plus d’introduire la notion du «droit à l’oubli», en cours de maturation, Rachid Arhab a suggéré le lancement d’une réflexion entre les pays sur l’utilisation des moyens de diffu- sion de l’information par internet (réseaux sociaux, blogs et autres) estimant que «si on ne défend pas notre identité par l’audiovisuel, nous allons nous retrouver obligés à tirer nos informations et nos photos sur Google».

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 17

PIERRE PÉAN

Le journalisme d’investigation

Palais de la culture Moufdi Zakaria - Alger 26 juin 2014 Pierre Péan, né dans la Sarthe le 5 mars 1938, est un journaliste d’investigation fran- çais, à étudié le droit, section sciences éco- nomiques, à Angers. Après 1968, il devient journaliste, tout d’abord pour l’Agence France-Presse, puis pour l’hebdomadaire généraliste L’Express en 1970 et enfin pour l’hebdomadaire éco- nomique Le Nouvel Économiste. Il traite alors plus particulièrement les questions concer- nant l’énergie, révélée en octobre 1979 par l’hebdoma- daire satirique Le Canard enchaîné. Il obtient son premier grand succès éditorial avec Affaires africaines où il dénonce les réseaux mis en place par Jacques Foccart. Depuis 1979, il intervient dans différents journaux (Libé- ration, Actuel, Le Canard enchaîné) en tant que pigiste extérieur, en choisissant ses sujets, et publie au rythme d’environ un livre par an. Pierre Péan a publié une vingtaine d’ouvrages depuis 1975. Certains ont été des succès, comme TF1, un pouvoir, écrit en collaboration avec Christophe Nick, ou l’Argent noir ou encore Une jeunesse française – François Mitterrand, 1934-1947. Et d’autres ouvrages, à savoir : n 1975 : Réédition revue et augmentée, sous le titre «Pétrole, la troisième guerre mondiale». n 1990 : L’Homme de l’ombre : éléments d’enquête autour de Jacques Foccart, l’homme le plus mystérieux et le plus puissant de la Ve République. n 1994 : Une jeunesse française : François Mitterrand, 1934-1947. n 2005 : Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda. n 2009 : Le Monde selon K., une biographie critique de Bernard Kouchner. n 2013 : Kosovo : Une guerre «juste» pour un État ma- fieux. n 2015 : Jean Moulin, l’ultime mystère, avec Laurent Ducastel. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE JOURNALISME D’INVESTIGATION

ierre Péan a tenu à préciser que «le journa- liste d’investigation est un citoyen tenu par P une éthique», en notant que le professionnel 4Le journaliste profes- de la presse est «avant tout, un citoyen». Ce profes- sionnel est tenu par la sionnel est tenu par la limite de «l’éthique» et de la limite de l’éthique et de la «conscience». conscience. Pierre Péan a ajouté : «il m’est arrivé d’avoir des 4Il m’est arrivé d’avoir scoops et que j’ai décidé de ne pas publier par sou- des scoops et que j’ai dé- ci d’éthique aux motifs par exemple, de présomption cidé de ne pas publier par d’innocence des mis en cause ou de risques phy- souci d’éthique. siques que cette publication pouvait entraîner pour eux». 4La non diffusion d’une enquête peut être justifier La non diffusion d’une enquête peut être justifiée quand le journaliste quand le journaliste et auteur à succès évoque «les secrets de l’Etat», notant qu’il «croit que toute institu- et auteur à succès évoque tion a droit au secret à condition que cela ne soit pas «les secrets de l’Etat». motivé par des magouilles. 4«Je croit que toute ins- Répliquant à une récurrente inquiétude des journa- titution à droit au secret à listes, à savoir les risques de manipulation, Pierre condition que cela ne soit Péan a estimé qu’il appartient à l’auteur de l’article pas motivé par des d’accepter ou pas «d’être manipulé», considérant que magouilles.» cela fait partie des «risques de métier». Affichant sa réticence quant à la nouvelle forme du journalisme telle qu’exercée par Edward Snowden, auteur de fuites sur des documents américains de surveillance sur internet, Pierre Péan a remis en cause «la notoriété» dont jouit l’ex-agent de l’Agence américaine de sécurité NASA. Pierre Péan a reconnu s’être adapté tardivement aux nouvelles technologies qui ouvrent la voie à une plus grande manipulation. Pierre Péan a estimé que la collaboration entre l’homme des médias et les services de sécurité s’évalue selon le cas dès lors qu’elle se fait dans un cadre «propre», arguant du fait que ces contacts peuvent avoir «une bonne information à rendre publique».

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 21

MOHAMED RIDHA NADJAR

La déontologie des médias à l’épreuve du scoop et du buzz

Théâtre régional «Abdelkader Alloula» - Oran 20 octobre 2014 Mohamed Ridha Nadjar, né le 9 février 1946 à Gabès en Tunisie.

n Doctorat de 3ème Cycle (Sociologie, Télé- vision), Université René- Descartes, Paris V, juin 1978.

n Directeur Général du Centre Africain de Perfectionnement des Journalistes et Communicateurs de Tunis (CAPJC), entre septembre 1983 et janvier 2007. n Expert - Consultant auprès de l’ASBU, l’UNESCO, de l’ALECSO, de l’Organisation Internationale de la Fran- cophonie (OIF). n Membre Fondateur de l’ATUCOM (Association Tuni- sienne de Communication). n Fondateur et General Manager du Bureau de conseil en médias NADJAR MEDIA CONSULTING (NMC), Tunis. Parmi ses ouvrages TIC et médias au Maghreb (avec J. NAJI), UNESCO, en 2005. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA DÉONTOLOGIE DES MÉDIAS À L’ÉPREUVE DU SCOOP ET DU BUZZ

INTRODUCTION Parler de déontologie professionnelle aujourd’hui, à l’heure où la com- munication a noyé l’information et où l’Internet et les réseaux sociaux ont fait exploser le temps et l’espace, démultiplié les sources et fait sus- citer des vocations de journaliste citoyen et de blogueur militant, appa- raît comme une nostalgique et vaine tentative de restituer ses lettres de noblesse à un métier en pleine crise d’identité, de doute et de crédibilité, dévoyé qu’il est par l’argent, la politique, la publicité et les relations pu- bliques (PR), la sauvagerie de la concurrence et la course effrénée au scoop et à l’information - spectacle («infotainment»). Rappeler aujourd’hui aux jeunes qui n’ont pas été formés - ou mal for- més - certaines règles «de base» du métier vous met dans la posture de «dinosaures» dépassés par l’époque ou celle de «vieilles filles» effarou- chées par les nouvelles mœurs de plagiat éhonté, de non vérification de l’information et de croisement des sources, d’injure et de diffamation, de non respect du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence ainsi que de la vie privée... Sans parler de l’inconsciente et irresponsable offre de tribunes aux défenseurs du terrorisme, sous couvert de liberté d’information et de respect du pluralisme. En un mot, parler, aujourd’hui, de déontologie professionnelle des jour- nalistes et des médias paraît comme une bataille d’arrière garde sans espoir de retour aux véritables règles professionnelles. J’insiste sur la distinction entre «déontologie des journalistes», pour parler de la corporation, et «déontologie des médias», comme entre- prises, pour mieux mettre en évidence le fait que les organes d’informa- tion eux-mêmes, quelle que soit leur plate-forme technique, devraient avoir leur propre charte déontologique interne. Les deux sont distinctes, mais complémentaires car il serait vain que les journalistes s’engagent à respecter une charte déontologique quelconque alors que leurs em- ployeurs, de leur côté, n’acceptent pas un socle commun minimal en la matière. Mais quelles sont-elles ces règles déontologiques, qui les a édictées et qui peut prétendre veiller à leur respect ? Tout d’abord, fxons les concepts: Morale, Ethique, Déontologie.

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CONCEPTS 4Les réseaux sociaux sont Trois substantifs reviennent pour exprimer ce champ : Morale, éthique, Déontologie. devenus indispensables, incontournables, à la fois Voisins, mais pas tout à fait synonymes, alors qu’ils sont souvent indifféremment utilisés, y compris par comme source de veille les professionnels. et source d’informations n Le concept de «Morale» (du latin «moralis» de de proximité et comme «mores», les mœurs) concerne les règles de relais de diffusion conduite pratiquées et admises par une société don- et d’interactivité avec née. Le concept charrie une large charge du champ les lecteurs, auditeurs religieux dans le sens qui distingue les valeurs du et téléspectateurs. «bien» du «mal», qui définit ce que la religion dicte 4La déontologie est comme devoirs, connue actions à faire ou à bannir pour être un bon croyant. Il en est ainsi des trois reli- le combat permanent gions du Livre. Les philosophes des Lumières du et l’immense terrain à XVIIIe siècle, dans leur vision humaniste, en ont fait conquérir ou à reconquérir une «morale» universelle, applicable en tous lieux et par le seul combat pour en tous temps. Ce qui est, évidemment, parfaitement une production profes- utopique. sionnelle, soucieuse de n «L’éthique» (du bas latin «ethica», du grec servir plutôt que de se «éthiké, éthikos», de «éthos» mœurs) est plutôt, la servir, respectueuse de son partie de la philosophie qui envisage les fondements lectorat et de son public et de la morale. Contrairement à la «morale», elle est d’elle-même. particulière et non universelle. Dans un sens plus commun, l’éthique est l’ensemble de principes mo- raux qui dictent la conduite de quelqu’un. Le concept reste, donc, chargé dune dimension morale au sens du premier concept (comme dans le mot «bioé- thique»). n La Déontologie (du grec «deon», «ontos», de- voir et «flogie», discours, doctrine), représente plutôt l’ensemble des valeurs et les devoirs que se dicte à elle-même une profession particulière. Cu- rieusement, le mot, dans ce sens, a été réimporté de l’anglais alors que les anglo-saxons ont préféré, eux, adopter le mot de «ethic», plus proche de la morale. Pour trancher le débat, la distinction entre «éthique» et «déontologie» est bien marquée par Daniel Cornu dans son ouvrage «Journalisme et vérité, pour une éthique de l’information». Citation : «Alors que l’éthique intervient comme puissance de questionnement de l’ensemble du processus de l’infor- mation, la déontologie revêt une portée limitée d’une morale propre à l’activité journalistique. Elle renvoie à des règles professionnelles qui constituent les conditions ordinaire- ment admises d ’une information correcte, au sens prag- matique. Elle est, en jouant sur les mots, une morale au quotidien» (Ed. Labor et Fides, 1994, p.48).

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HISTORIQUE Historiquement, l’abolition de la censure en Grande-Bretagne date de 1695, la première loi libérale sur la presse en France remonte au 29 Juillet 1881, mais la première Charte du Journaliste n’a été adoptée qu’en 1918, en France, par le Syndicat National des Jour- nalistes (révisée en 1938). Aux Etats-Unis, c’est l’association la plus représentative, Sigma Delta Chi, qui est à l’ori- gine du Code of Ethics en 1926. Enfin, en Grande-Bretagne, le premier Code de conduite, élaboré parle Syndicat National des Journalistes, date de 1938. Pour l’audiovisuel, The Code of Broadcast News Ethics de l’association des directeurs de l’information à la Radio-TV aux USA remonte à janvier 1966 (depuis il a été modifié plusieurs fois).

De la déontologie journalistique : essai de défnition Le combat pour la Liberté de presse a pour corollaire un souci permanent d’auto contrôle de la presse sur elle-même. Les médias qui ont lutté pour la liberté de la presse, de- puis la naissance de la presse à grande diffusion, ont toujours essayé de constituer un contre-pouvoir au service de la démocratie et de la liberté d’expression. En contre partie, pour mériter leur crédibilité et la confiance de leurs lecteurs, il leur fallait mener un autre combat : la moralisation de leur propre profession. Historiquement, ce souci de moralisation, s’il s’est manifesté dès le IXXe siècle, n’aboutira à une certaine concrétisation qu’au début du XXe siècle grâce à l’action d’associations de journalistes. n Au-delà des lois et règlements qui régissent l’exercice de la profession ou celui des libertés publiques - le droit à l’expression faisant partie intégrante des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, n Au-delà des codes de l’information et de leurs décrets d’application qui régissent les publications, le dépôt légal, la responsabilité du directeur de la publication, n Au-delà des définitions qui sont données par le code de l’information ou par le code penal des délits de presse - comme la diffamation ou l’injure - ou qui imposent des droits de réponse ou de rectification, n Au-delà de tous ces textes de lois, il existe des lois et règlements, écrits et non écrits, des règles de conduite, que la profession s’impose à elle-même... un ensemble de va- leurs, de principes ou d’ambitions que la profession a forgés, souvent dans la douleur, et qu’elle ne cesse de réviser, d’amender, d’améliorer, de défendre. Ainsi donc, la déontologie du journaliste recouvrirait à la fois le champ réglementé par la loi - et que chaque citoyen ne peut outrepasser sans risquer d’en payer le prix - et celui, plus flou, de l’éthique professionnelle qui serait, elle, définie par la profession elle-même. Il s’agit donc essentiellement non de lois mais de pratiques professionnelles concrètes que la profession s’impose à elle-même pour : n Mieux pouvoir défendre la liberté de presse, n Transcender la recherche et le respect de la vérité, n et se tracer volontairement des limites comme le respect de la vie privée et de la per- sonne humaine.

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Le flou qui règne sur ces règles, écrites ou, surtout, non écrites, détenues et défendues par des gardiens anonymes, permet parfois toutes les dérives et toutes les entorses. Les objecteurs de conscience n’étant aimés par personne, les faiblesses individuelles expliquent par ailleurs la passivité de la majorité. Qui serait, en effet, assez irréprochable pour oser juger ses confrères ? («Que celui qui n’a pas péché, me jette la première pierre» !). Par ailleurs, est-il toujours possible de respecter la déontologie dans une ère de concur- rence sauvage et du dictat des impératifs commerciaux ? Ces règles ne sont pas sans soulever de vrais débats, des conflits même, portant sur la re- lativité des notions déontologiques, relativité dans le temps - évolution selon les époques et les mœurs -, dans l’espace - «vérité au delà des Pyrénées...» - et même en fonction de la technologie qui permet aujourd’hui d’accéder à des données et informations jadis inaccessibles ou de manipuler à loisir sons et images numériques... Souvenons nous, pour souligner cette relativité, que la presse écrite ne publiait pas les photos de morts au début du siècle ! Débats soulevés par l’évolution de la presse, d’un côté vers le sensationnalisme mercan- tile et, d’un autre, vers un journalisme d’investigation générateur de conflits éthiques tel celui soulevé, par exemple, par le journaliste allemand Günter Wallraff («Tête de turc») obligé de déguiser son identité ou par l’emploi, aujourd’hui de caméras cachées pour pouvoir accéder à l’information. Débat déontologique également quand il s’agit de décider, en cet été 2014, s’il faut diffuser les vidéos ou les images de la décapitation en direct des otages des islamistes (James Foley, Steven Sotloff, Alan Henning, Hervé Gourdel). Vieux débat soulevé par la mort, en direct, de la petite colombienne Omayra Sanchez, s’enfonçant le 16 Novembre 1985 dans la boue du volcan d’Amero. Dans la même armée, et dans le domaine du domaine sportif, rappelons le débat qui a concerné la retrans- mission de la finale Liverpool-Juventus (30 Mai 1985), au stade du HEYSEL, drame de l’écroulement des tribunes que la télévision allemande a refusé de diffuser. Plus ancien encore, mais plus proche de nous Maghrébins, la retransmission ou non du massacre de Sabra et Chatila entre le 16 et le 18 septembre 1982. Voyez, aujourd’hui, comment l’on étale à souhait ce genre d’images ou de vidéos remplies de morts et de cadavres mutilés ou déchiquetés. La banalisation du terrorisme et de la mort, en quelque sorte !

ELÉMENTS DE DÉONTOLOGIE Le texte qui fait aujourd’hui référence (après la Charte française de 1938), et dont on re- trouve de nombreux éléments dans les valeurs de nombreuses associations, syndicats ou ordres de journalistes, est celui de la Charte des devoirs et droits du Journaliste adoptée à Munich en Novembre 1971 par les associations de journalistes européens. Après avoir affirmé le droit à l’information, à la libre expression et à la critique connue«une des libertés fondamentales de tout être humain», cette Charte rappelle que «la respon- sabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics» et définit les limites que comporte cette mission d’information et que «les journalistes euxmêmes s’imposent spontanément».

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Et d’énumérer les dix devoirs essentiels que «tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir de respecter dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements» : 1. Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité. 2. Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique. 3. Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent; ne pas supprimer les informations essen- tielles et ne pas altérer les textes et documents. 4. Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents. 5. S ’obliger à respecter la vie privée des personnes. 6. Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte. 7. Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement 8. S ’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation et les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la sup- pression d ’une information. 9. Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagan- diste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs. 10. Refuser toute pression et n ’accepter de directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction». Les cinq droits du journaliste, selon cette Charte de Munich sont : 1. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des aflaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception et en vertu de motifs clairement exprimés. 2. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’en- gagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale. 3. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou a sa conscience. 4. L équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute decision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licen- ciement, mutation et promotion de journalistes. 5. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi a un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu ’a une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son independence économique.» La déclaration des principes sur la conduite des journalistes de la FIJ (Fédération Internationale des Journalistes) de 1954, amendée à son Congrès de 1986, a identifié 9 valeurs premières dans «Les règles de conduite des journalistes dans la recherche, la

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transmission, la diffusion et le connnentaire des nouvelles et de l‘information et dans la description des événements». 1. Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primor- dial du journaliste. 2. Conformément à ce devoir, le journaliste défendra, en tout temps, le double principe de la liberté de rechercher et de publier honnêtement l’information, du commentaire et de la critique et le droit au commentaire équitable et à la critique loyale. 3. Le journaliste ne rapportera que les faits dont il/elle connaît l‘origine, ne supprimera pas les informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. 4. Le journaliste n’utilisera que des moyens équitables pour obtenir des informations, des photographies et des documents. 5. Le journaliste s’efforcera par tous les moyens de rectifier toute information publiée et révélée inexacte et nuisible. 6. Le journaliste gardera le secret professionnel concernant la source des informations obtenues confidentiellement. 7. Le journaliste prendra garde aux risques d’une discrimination propagée par les médias et fera son possible pour éviter de faciliter une telle discrimination, fondée notamment sur la race, le sexe, les mœurs sexuelles, la langue, la religion, les opinions politiques et autres et l’origine nationale ou sociale. 8. Le journaliste considèrera comme fautes professionnelles graves : n le plagiat n la distorsion malveillante n la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement n l’acceptation d’une quelconque gratification en raison de la publication d’une information ou de sa suppression. 9. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus. Reconnaissant le droit connu de chaque pays, le journaliste n’ac- ceptera, en matière professionnelle, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute intrusion gouvernementale ou autre.» Autres règles puisées dans le Code éthique des USA : n La recherche et la publication de la vérité qu’elles qu’en soient les conséquences pour le journaliste n La liberté de conscience n L’honnêteté intellectuelle n La lutte contre la vénalité et la corruption n Le respect de l’avis d’autrui, surtout s ’il est contraire à ses propres convictions n Le refus des cadeaux de valeur, des voyages gratuits et des traitements de faveur qui peuvent compromettre l’intégrité des journalistes et de leurs employeurs n La stricte distinction entre le fait et le commentaire n Le respect de la vie privée des personnes n Le devoir de corriger rapidement et complètement les erreurs... Et dans le code de conduite des journalistes anglais : n La défense de la liberté de la presse n La vérification de la véracité et de l’exactitude de l’information n Le respect de la dignité, peine et de la détresse humaine n La lutte contre la discrimination raciale, religieuse ou sexuelle...

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Régulation : qui doit définir la déontologie ? A travers ces exemples, l’on constate que la définition de la déontologie a souvent été le fait et l’initiative de la profession. Cette sorte de chasse gardée lui est reconnue... jusqu’au moment où elle pèche par son absence et son laisser-aller. Alors, dans de nombreux pays, devant la détérioration des pratiques professionnelles, différentes commissions, adminis- trations ou instances ont été tentées de se substituer aux professionnels pour essayer de leur dicter les règles morales de l’exercice de la profession. Aux Etats-Unis, la FCC (Federal Connnunication Commission) a essayé de lutter contre la course effrénée au sensationnel que se livrent les différentes chaînes de télévisions en mettant au point, en 1988, sa fameuse Fairness Doctrine, bloquée par le veto du président Ronald Reagan. En Tunisie, pour ne pas aller trop loin, en 1981, l’ex-Ministère de l’information voulait im- poser aux journalistes un code moral dicté par l’administration. Cette constatation ne rend que plus importante la responsabilité des professionnels qui doivent veiller eux-mêmes au respect de l’éthique et à la moralisation de leur profession. Mais la question n’est pas si simple car la profession concerne à la fois les journalistes, l’entreprise de presse, les patrons et les autres métiers impliqués dans sa fabrication, sa duplication et sa distribution. En allant encore plus loin, l’on peut dire que les publics eux-mêmes sont concernés par ce débat, eux à qui, en définitive, est adressée la «mar- chandise» presse. C’est en ce sens que je distinguais en début de communication «la déontologie des jour- nalistes de celle des «médias». Chaque entreprise d’information, et quel que soit son sup- port, se doit, en effet d’avoir une Charte déontologique interne, voire, pour aller jusqu’au détail de l’écriture de presse, un Style Book. C’est le cas de la BBC, de Radio Canada, de l’AFP et de nombreuses autres entreprises. Radio Mosaïque, la télévision publique tunisienne et l’agence TAP ont la leur en Tunisie. Les associations de journaux, de radios ou de télévisions devraient avoir une plate-forme minimale commune. L’implication ou l’interaction avec les publics se fera au travers de médiateurs, «om- budsmen» chargés d’être à l’écoute et de répondre aux plaintes des lecteurs ou audi- teurs-téléspectateurs. Régulation, Auto régulation ou Co-régulation ? Telle est la question fondamentale. Si pour l’audiovisuel qui s’invite directement dans les foyers, les professionnels ont ad- mis partout le principe d’autorités de régulation édictées par la loi mais dans lesquelles ils sont représentés, la querelle demeure en ce qui concerne la presse écrite (qui n’est consultable que par un acte d’achat volontaire, ce qui n’est pas, entre autres, le cas de la presse électronique !). De nombreux professionnels plaident pour un dispositif de veille sous forme de «Conseil de presse». Ils veulent suivre en cela l’exemple de nombreux pays démocratiques. Au Québec, le Conseil de presse est paritaire entre représentants de journalistes et ceux des patrons. Des citoyens y ont été ensuite associés. Il fait office de«tribunal d’honneur». En Belgique, un «Conseil de déontologie journalistique» regroupe journalistes, éditeurs de journaux et représentants de la société civile. En Suisse, six membres sur 21 du Conseil de presse sont issus du public.

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En Grande-Bretagne, dix sept membres, pour la plupart non professionnels, forment la «Press Complaint Connnission» fondée en 1991. Idem pour l’Australie. En Inde, c’est le parlement qui a créé le Conseil de presse. La France, sur ce plan, est en retard. Seule existe à ce jour une Association de préfigura- tion d’un Conseil de Presse (http://apcp.unblogfr/). C’est l’objet même du différend qui oppose actuellement el Syndicat National des Jour- nalistes en Tunisie à l’Associations des Directeurs de Journaux. Le SNJT souhaite une auto régulation complètement gérée par les journalistes alors que les patrons de presse, tout en adhérant au principe d’un conseil, souhaitent que celui-ci soit édicté par la loi et garanti par l’Etat. Le débat demeure également sur la question des pouvoirs de ce Conseil de presse. Simplement symbolique et moral ou autorité contraignante et exécutive susceptible, par exemple, de faire retirer la carte de presse ? En Algérie, et depuis la promulgation de la Loi Organique 12-05 du 12 Janvier 2012, sur- tout, en 2014, vous avez franchi du terrain sur le plan de la réglementation : libéralisation de l’espace audiovisuel (Loi 14-03 du 24 Février 2014), décret du 30 Avril 2014 sur la composition de la Commission de la Carte de presse, installation de l’autorité de régula- tion de l’audiovisuel. Reste le Conseil de presse (une fois les journalistes professionnels identifiés) et la dépé- nalisation des «délits de presse». Mais canal incontournable Où en sonnnes-nous aujourd’hui de ces valeurs minimales ? Force est de reconnaître que nous en sommes bien loin. Le développement et la démo- cratisation des télécommunications (satellites, téléphone portable), de l’informatique et l’irruption de l’Internet et des réseaux sociaux dans la «sphère publique» ont bouleversé la donne. Espace et temps ont été réduits à néant. Les sources de l’information ont échappé aux medias traditionnels. Le simple citoyen est devenu producteur/diffuseur de l’information et a inversé le sens du flux de la communication. Mieux, les citoyens, au travers des réseaux sociaux, ont tissé la toile de l’agora publique que les médias lourds n’ont pas réussi à édifier. Résultat. du bon et du moins bon. Du bon dans la multiplication des sources, dans le libre accès du citoyen aux sources de son choix, dans les possibilités d’expression offertes aux citoyens, aux démunis et aux minorités. Dans l’immense gisement de connaissances et de savoir de la toile à la portée d’un clic... Désormais, les pouvoirs traditionnels n’ont plus le monopole d l’information! Mais le revers de la médaille est plus sombre. Exemple. En Tunisie, Le seul acquis de la «révolution» est une réelle liberté de l’information qui va, hélas, jusqu’aux dérives les plus condanmables. La concurrence, la course au scoop sont tels que les «animateurs» des radios et télévisions, propulsés journalistes du jour au len- demain, multiplient les bévues, les fausses nouvelles, les dérives déontologiques.

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Le recours sans vérification aucune aux rumeurs des réseaux sociaux (essentiellement Facebook, a un degré moindre pour Twitter) est devenu la règle pour les médias électro- niques et les radios télévisions qui ont moins de recul que la presse écrite. Cette dernière n’est pas pour autant entièrement innocente. Certains titres sont vénaux, ou dépendent de financements occultes de partis politiques. Ils déclenchent sur connnande des cam- pagnes de calomnies et de mensonges. En pleine campagne électorale actuelle (Octobre 2014), les Réseaux sociaux sont deve- nus le lieu de l’insulte, de la diffamation, du mensonge et des règlements de compte. Les partis et les hommes politiques recourent de plus en plus aux réseaux sociaux. Qui n’a pas sa page Facebook ? Ce canal devient même un porte-parole officiel utilisé par les individus, les partis et les ministères. Mais il est également le circuit de connnunication, à chaud et en direct, de la société civile de plus en plus vigilante, de plus en plus active. Mais également ignorante des règles les plus élémentaires du métier de journaliste. Devant la pression des événements, devant l’agitation de la rue et les crimes du terro- risme, même le ministère de l’intérieur et la Grande muette (l’armée) sont obligés d’avoir leur porte parole. Débutants dans le métier, tiraillés entre l’obligation d’informer et le souci du secret sécuritaire, ils tombent souvent dans la vieille langue de bois qui a fait tant de mal à la communication de nos institutions. Ne parlons pas du regrettable «copier-coller» qui gangrène nos rédactions et même notre recherche universitaire ! Le véritable problème ne réside pas dans cette profusion des sources autant qu’il réside dans la marginalisation des organes d’information traditionnels ! La presse écrite n’est plus lue. Le quotidien a perdu sa fonction d’information. Ses titres, le matin, paraissent dé- passés car l’information est déjà parvenue au citoyen au travers de la presse électronique, des réseaux sociaux et de la radio. La presse écrite quotidienne, sous peine de disparaître, devra donc repenser ses fonc- tions, se trouver de nouvelles vocations et obligatoirement s’engager dans la convergence des médias. Le quotidien papier, obligatoirement décliné en version électronique, s’attachera non plus à l’information brute, mais à sa muse en perspective, son explication, son commentaire et à l’investigaüon en profondeur. Il ne s’agit nullement, pour nous journalistes professionnels, d’ignorer les réseaux sociaux ou de les boycotter. Comment ignorer le milliard de web sites et les 3 milliards d’inter- nautes (statistiques de septembre 2014 parle site Internet Live stats) ? Comment ignorer nos jeunes qui ne lisent plus sur papier et qui regardent peu la télévision ? Bien au contraire. Les réseaux sociaux sont devenus indispensables, incontournables, à la fois comme instrument de veille et source d’informations de proximité et comme relais de diffusion et d’interactivité avec les lecteurs/auditeurs/téléspectateurs. A charge pour nous de vérifier et de recouper ce qu’ils diffusent avant de le relayer à chaud. A charge pour nous de réhabiliter ce métier par une offre crédible, de qualité qui fait la différence avec l’amateurisme des blogueurs et l’irresponsabilité de certains internautes. Pour cela, il est nécessaire de former les journalistes et de réglementer leur utilisation.

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NÉCESSITÉ DE LA FORMATION De grands médias internationaux ont, enfin, compris le défi que leur posaient les réseaux sociaux, de l’extérieur comme concurrents, mais également de l’intérieur comme sources viciées et tentations de paresse et de plagiat pour leurs employés. Sans parler d’une autre concurrence, plus surnoise et plus néfaste celle-là puisqu’il s’agit de la concurrence de leurs propres employés qui produisent blogs et pages personnelles sans référence à leur organe d’appartenance. BBC, Radio Canada, France Télévision ou l’agence AFP ont réglementé l’usage des ré- seaux sociaux pour accompagner leurs journalistes et pour baliser leur production sur la toile. Le Centre Européen de Journalisme de Maastricht a publié en Février 2014 un «Verification Handbook», en anglais pour le moment. Tous s’accordent sur un certain nombre de principes d’utilisation : n Oui à l’utilisation des réseaux sociaux connue veille, source de l’information, des centres d’intérêts, mais aussi comme support de diffusion (en particulier sur Twitter et Facebook, mais aussi sur LinkedIn, Flickr, Google+ ou Tumblr). Des organes comme Le Monde ont même hébergé les blogs de leurs collaborateurs pour ouvrir plus d’espace d’expression à une matière qui déborde parfois. n Mais vérification très rigoureuse l’identité de la source et de sa crédibilité : plus le sujet est polémique et grave, plus l’identification de la source devient une nécessité. n Identification indispensable des personnes et des institutions émettrices. n Recoupement systématique de l’information auprès d’autres sources, en particulier en s’adressant directement aux premiers acteurs, concernés ou impliqués. n Examen minutieux des photos, sous et vidéo pour déceler les trucages. n Profonde réflexion logique sur la crédibilité des faits eux-mêmes : cela peut-il être pos- sible ? n Oui à la participation active et non anonyme des journalistes sur ces réseaux pour élargir leurs contacts et être en interaction avec le public, mais avec le respect le plus strict de l’image et de la ligne éditoriale de l’organe. n Réserver la primeur des informations à l’entreprise et ne pas critiquer les confrères. n Renvoyer par liens vers la production de son organe. n Rectifier immédiatement toute information erronée. n Toute information personnelle devra être nettement distinguée des informations profes- sionnelles. De nombreux outils existent pour cela. La formation à l’utilisation des réseaux sociaux par les journalistes est donc indispensable, tant au niveau de la formation initiale dans les écoles de journalisme qu’à celui de la formation permanente des professionnels en place.

CONCLUSION : RÉHABILITER IE PROFESSIONNALISME Notre confrère, le ministre de la connnunication, Hamid GRINE, milite pour une «presse professionnelle», et «pour une presse de l’exactitude et non de l’objectivité» car «il y a toujours une part de subjectivité dans l’objectivité». Pour aller dans son sens, je préfère ajouter la notion «d’honnêteté» du journaliste et non «d’objectivité», celle-ci n’existant pas du fait même de la traduction d’une réalité au travers d’un prisme personnel, forcément déformant.

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Il serait vain et prétentieux de vouloir clore un débat aussi vaste et aussi mouvant que celui de la déontologie. Le combat pour une presse de qualité, crédible, libre parce que responsable, est un com- bat permanent. Dans cette lutte, un immense terrain est à conquérir ou à reconquérir, à défendre pouce par pouce, par le seul combat pour une production professionnelle, sou- cieuse de servir plutôt que de se servir, respectueuse de son public et par là d’elle même. Personnellement, je ne suis pas loin de penser que le respect de la déontologie est la meilleure défense de la liberté de la presse et qu’il signifie, très souvent, qualité du jour- nalisme.

RÉSUMÉ

Mohamed Ridha Nadjar, a mis l’accent sur la place de la déontologie professionnelle à l’heure où la communication a noyé l’information et où l’internet et les réseaux sociaux ont fait explorer le temps et l’espace, démultiplier les sources et susciter des vocations de journalisme citoyen et blog militant apparaît comme une nostalgique et vaine tentative de restituer ses lettres de noblesse à un métier en pleine crise d’identité, dévoyé qu’il est par l’argent, la politique, la publicité, les relations publiques, la concurrence, la course effrénée au scoop et à l’information-spectacle. Mohamed Ridha Nadjar a constaté «qu’on assiste aujourd’hui à une marginalisation des organes d’information traditionnels. La presse n’est plus lue et parfois dépassée par les événements», tout en plaidant pour une utilisation judicieuse des réseaux sociaux. «Ces réseaux sont devenus indispensables, incontournables, à la fois comme source de veille et source d’informations de proximité et comme relais de diffusion et d’interactivité avec les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs», tout en développant les droits et devoirs du journaliste professionnel, tels que définis dans la charte de Munich, adoptée, en novembre 1971, par les associations de journalistes européens, a t-il indiqué. Le Pr Mohamed Ridha Nadjar a noté la notion d’honnêteté du journaliste et non d’objecti- vité. Celle-ci n’existant pas du fait même de la traduction d’une réalité à travers un prisme personnel, forcément déformant il serait vain et prétentieux de vouloir clore un débat aussi vaste et aussi mouvant que celui de la déontologie, et le combat permanant, un immense terrain à conquérir ou à reconquérir par le seul combat pour une production professionnelle, soucieuse de servir plutôt que de se servir, respectueuse de son lectorat et de son public et d’elle-même.

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JEAN JACQUES JESPERS

L’autorégulation, une réponse prometteuse aux défis actuels du journalisme ?

Forum d’Annasr - Constantine 16 décembre 2014 Jean-Jacques Jespers, né en 1946, est docteur en Droit (1969) et licencié en Jour- nalisme et communication (1971) de l’Uni- versité Libre de Bruxelles (ULB). Il a été journaliste, de 1970 à 2003, à la RTBF (ra- diotélévision publique belge de langue fran- çaise). Il a exercé diverses fonctions, à la radio et à la télévision, notamment au journal parlé, au journal télévisé et dans les services d’enquêtes et de reportages télévisés. Il a aussi participé à l’élaboration du code de déontologie interne des rédactions de la RTBF et de la Charte des valeurs de l’entreprise. Simultanément, Jean-Jacques Jespers a exercé, de 1980 à 2003, les fonctions de chargé de cours (à temps par- tiel) au département des Sciences de l’information et de la communication de l’Université libre de Bruxelles, où il a enseigné la méthodologie et la pratique du journalisme télévisuel. Ayant cessé ses activités journalistiques en juin 2003, il est devenu à cette date, et jusqu’en septembre 2012, professeur à temps plein à l’ULB. Il a enseigné di- verses matières liées au journalisme, notamment la déon- tologie de l’information et de la communication, l’analyse de l’actualité, l’analyse critique des médias et la pratique du journalisme radiophonique et télévisuel. Depuis septembre 2012, il porte le titre de professeur de l’université et dis- pense à l’ULB le cours de déontologie de l’information et de la communication. Il a été président de l’École universitaire de journalisme de Bruxelles de 2008 à 2012. Depuis le 1er janvier 2014, il est vice-président du Conseil de déontologie journalistique (CDJ), organe officiel d’au- torégulation («conseil de presse») créé en 2010 pour les médias belges de langues française et allemande, et dont il est membre depuis le 1er janvier 2010. Il a rempli plusieurs missions en tant qu’expert, au niveau national et interna- tional. Outre ses cours et de nombreux articles dans des revues spécialisées consacrées aux médias, Jean-Jacques Jes- pers est l’auteur d’un ouvrage intitulé Journalisme de té- lévision : enjeux, contraintes, pratiques, paru en 2010 et d’autres ouvrages. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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L’AUTORÉGULATION, UNE RÉPONSE PROMETTEUSE AUX DÉFIS ACTUELS DU JOURNALISME

ean Jacques Jespers a fourni des repères utiles pour la compréhension de la déontologie, ses J objectifs, les conditions de son existence, les 4La déontologie est «un devoirs et les droits des journalistes dans l’exercice mot magique» derrière de leur métier, le tout appuyé d’une série d’exemples lequel on s’abrite souvent illustrant quelques dérapages de la presse belge. pour excès dans un sens Il a défini la déontologie comme étant «un mot ma- ou un autre. gique» derrière lequel on s’abrite souvent pour excès 4Malheureusement, les dans un sens ou un autre. médias ne répondent pas Jean Jacques Jespers a observé que «L’intérêt gé- toujours aux conditions néral ne se rapporte pas forcément à la curiosité du requises dans le respect public. L’information est l’intérêt général lorsqu’elle de la déontologie. apporte un savoir collectif, elle sert donc à celui qui la reçoit, contrairement à la communication qui sert à celui qui la conçoit. Malheureusement, les médias ne répondent pas toujours aux conditions requises dans le respect de la déontologie». Il a jugé que la mise en place d’un organe d’autorégulation, comme cela a été décidé en Algérie, permettra de clarifier les droits, les devoirs ou les interdictions de la profession, avec comme objectifs de «garantir l’exercice par des tiers de droits fondamentaux, limiter l’emprise de l’Etat sur leur activité et protéger celle-ci contre les menaces réelles ou po- tentielles et contre l’opprobre social». Cependant, l’existence même d’une déontologie est soumise à certaines règles telles que la garantie des libertés fondamentales et d’institutions démocratiques, d’un marché médiatique pluraliste, ainsi que de bonnes conditions socioprofessionnelles. Concernant le dispositif de régulation du conseil de déontologie belge en matière de sanc- tion en cas de dérapage ou de diffamation constatés, Jean Jacques Jespers a affirmé qu’en Belgique la sanction est purement morale. «On montre du doigt et on dit aux journaux vous avez commis une faute. Les médias sanctionnés sont obligés, dans ce cas, de publier un communiqué dans lequel ils avouent leur erreur», a-t-il expliqué.

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BOUZIANE BENACHOUR

Le journalisme de proximité Quelques principes de terrain et un ensemble de principes de pratiques moraux sur lesquels il ne faut pas transiger

Musée régional colonel Mohemed Chaabani - Biskra 5 janvier 2015 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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Bouziane Benachour Directeur de quotidien national «EL Djamhouria», journaliste depuis 30 ans, a exercé son métier dans des journaux prestigieux comme «La République», édité à Oran en langue française, «EL Djamhouria» en langue Arabe (1975-1987), l’heb- domadaire «Algérie Actualité» (1987- 1996), et «EL Watan» en tant que rédac- teur en chef de la région Ouest. Bouziane Benchour qui à été artiste professionnel avant de rejoindre le journalisme, a écrit 9 pièces de théâtre et deux publications sur le théâtre algérien : n «Le théâtre algérien : une histoire d’étapes». n «Le théâtre en Algérie d’octobre 88 à ce jour». n Et un autre livre sur les figures emblématiques de l’art musical en Algérie intitulé «figures du terroir». n «Dix 10 ans de solitude» paru en 2002 aux éditions Dar El Gharb. n «Sentinelle Oubliée» 2004. n «Hogra» septembre 2005. fusil d’Octobre 2006. n «Hallaba» 2007. n «Medjnoun» 2008.

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LE JOURNALISME DE PROXIMITÉ

Quelques principes de terrain et un ensemble de principes moraux sur lesquels il ne faut pas transiger

est un fait que la tâche première d’un jour- naliste de proximité (un correspondant lo- C’cal) quel qu’en soit le support de transmis- 4Le journal de proximité sion (parlé, filmé, écrit) est de présenter des faits de est un moteur stratégique son environnement immédiat, des faits qui lui parlent, dans la prise en charge des faits qui l’interpellent dans sa mission d’informer des préoccupations quoti- au mieux et au plus vite le citoyen de sa ville, de sa ré- diennes du citoyen, il est un gion, des faits qui touchent la majorité de la population témoin actif dans la conso- dans la vie de tous les jours. lidation du sens civique. La clarté et l’accessibilité dans la répercussion de l’in- formation se doivent de guider sa mission de commu- 4le rôle du correspondant nicateur. A la base, l’intérêt public guide les choix du local est de sensibiliser ce journaliste correspondant, dicte ses orientations avant lecteur à la sauvegarde du même celles qui lui viennent de sa rédaction centrale. bien public qui est commun Localement, le journal de proximité est un moteur stra- à tout le monde. tégique dans la prise en charge des préoccupations 4Le journaliste localier est quotidiennes du citoyen, il est un témoin actif dans la là pour informer l’opinion consolidation du sens civique, il est acteur privilégié publique de manière juste de la vie sociale dans l’amélioration de la gestion des et non exagérée sur ce qui projets pour un développement local harmonieux, inté- gré, consensuel. Par ailleurs, le rôle du correspondant va dans sa ville. local est de sensibiliser ce lecteur à la sauvegarde du 4L’honnêteté dans la bien public qui est commun à tout le monde, un bien transmission de l’infor- de la communauté, un bien qui sert la ville, la région, mation locale exige de la ceci bien sûr sans parti-pris ni attitude de supériorité. rigueur dans le compte Le journaliste localier est là pour informer l’opinion pu- rendu journalistique. blique de manière juste et non exagérée sur ce qui va 4La liberté de la presse dans sa ville et ce qui ne va pas mais ceci ne veut pas dire qu’il doit s’ériger en professeur donneur de leçons pour un journaliste géné- ou en censeur distribuant des sanctions à tout bout raliste ne veut pas dire la de champ, en homme qui sait tout, en homme qui se liberté de faire pression. place au dessus de tout. Ce n’est certainement pas son profil. Le correspondant est avant toute chose un employé de l’écoute sereine, un transmetteur de nouvelles qui nourrissent l’opinion publique, la mettent en éveil. Le journaliste de proximité n’a aucun parti pris et n’a pas d’attache partisane excepté celle qui le lie aux aspirations de sa région, aux attentes de ses habitants, à son éthique basée avant toute chose sur le respect de l’intelligence du lecteur, spectateur, auditeur, sur son

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discernement. Tous les citoyens de sa ville sont égaux devant l’information. Une informa- tion dont l’origine est connue, une information qui n’est pas dans l’altération mais dans le croisement des sources. Le journaliste localier ne fait pas de ségrégation dans le recueil de l’information, ne défend aucune chapelle politique, administrative ou autre. Zorro est un héros de film pas un jour- naliste. Pour mériter la confiance du lecteur, télé-spectateur ou auditeur il se doit d’éviter l’alignement d’une partie au détriment d’une autre. Porte parole de la majorité dans ses différentes composantes, une majorité qui n’est pas partante dans le maquillage des faits, c’est le spectateur, l’auditeur ou lecteur qui reste son seul juge, c’est lui son interlocuteur principal, son interface, son écho favori, son retour d’écoute à qui il rend compte. Il incarne le service public au service de tous sans rejet de qui que ce soit et il se doit de refuser à toute forme d’alignement ou d’allégeance qui ligoterait ses initiatives, aliènerait sa neutra- lité positive, anesthésierait sa perspicacité, et battrait en brèche le triptyque qui justifie son rôle et guide sa mission: «Morale, Ethique et Déontologie», des concepts contenus dans toutes les chartes internationales adoptées autour des droits et devoirs du journaliste dans l’exercice de son travail depuis 1918, date de la première charte adoptée (révisée en 1938) par Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) français. A travers ses écrits, sa voix ou ses images, il peut être également indicateur sur les forces et faiblesses du développent local. Une sorte de baromètre des attentes du public. Mais un baromètre avisé. Tout compromis constaté avec une puissance locale, toute sympathie marquée pour un lobby agissant dans le sens contraire des désirs de la majorité, tout penchant excessif pour les tutelles locales (parti politique, syndicat patronal) peut com- promettre sa crédibilité, ternir sa réputation auprès de ses pairs, ses lecteurs et de ses responsables hiérarchiques. Pour prétendre donc au respect de tout le monde, il se doit d’observer une stricte retenue à l’égard de ces puissances locales. Des puissances qui peuvent avoir des avis divergents sur la notion d’intérêt public. Le journaliste correspondant est avant toute chose un médiateur. Il n’est ni ami ni ennemi à l’administration locale. Il peut être son accompagnateur. Il est plus porteur de préoccu- pations partagées par beaucoup de gens qu’adversaire, plus interface que concurrent qui veut à tout prix semer le trouble. Versé dans le journalisme de terrain, le journalisme de proximité se doit de s’intéresser aussi bien aux sujets dits mineurs (le fait divers) qu’aux dossiers lourds (développement local, vie en société, conflits locaux, dilapidation de deniers publics etc…) mais ce travail de terrain ne lui permet pas pour autant de «s’immiscer» corps et esprit dans l’affaire rap- portée, ne l’autorise pas à faire valoir son opinion propre sur le sujet abordé, ne l’encou- rage pas à émettre ses lectures subjectives sur le fait rapporté, ne libère pas son jugement personnel très souvent plus basé sur des intuitions non fondées que sur des faits avérés, vérifiés. Dans ces cas de figure, le préjugé peut s’avérer extrêmement dommageable dans l’acte d’informer. La notion de contre-pouvoir, une attitude plus que louable dans l’acte d’informer ne veut cependant pas dire qu’on est contre tous, contre tout ce qui se réalise. Pour faire face à toute erreur d’appréciation -une erreur qui aurait des conséquences fâcheuses sur une carrière, un itinéraire professionnel- l’intégrité morale est le premier grand socle, la va- leur-refuge, sur lequel doit s’appuyer le journaliste régional, l’intégrité et une vigilance à toute épreuve. Il est interdit au journaliste localier de faire de la publicité à une personne morale ou physique et se refuser d’utiliser le journal à des fins personnelles, des fins

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autres que professionnelles. Le journaliste local n’est pas une agence de publicité et son entreprise ne l’emploie pas pour faire le commercial d’une agence de Pub rémunérée pour célébrer le produit de telle ou telle enseigne. L’enseigne du correspondant local c’est l’intérêt de la majorité. Il est son porte-voix, il est son porte-plume. Dans cette optique il est déconseillé d’accepter des cadeaux. L’accep- tation d’une gratification matérielle nuit à l’image du journaliste, nourrit la suspicion et dé- crédibilise l’employeur. Un journaliste de proximité est aussi un journaliste qui accorde beaucoup de place à la mise en valeur des figures sportives, artistiques, historiques, pa- trimoniales, civilisation elles de la région. Il se doit également d’accompagner les festivités qui mettent en relief la dite région. A ce niveau il est guide éclairé car il donne plus de visibilité à sa région, il donne plus de chair à la diversité culturelle, plus de poids à l’unité nationale. La valeur «précision» doit guider le travail de terrain dans l’approche du sujet. L’honnêteté dans la transmission de l’information locale exige de la rigueur dans le compte rendu jour- nalistique. L’envoi doit être simple dans l’énoncé, concis dans le contenu, irréprochable dans les informations avancées dans le corps du «papier» journalistique, parlé, rédigé ou filmé. La concision est aussi importante dans les chiffres. Unzéro de plus ou de moins peut totalement dénaturer un papier, créer toute une polémique, engendrer pleins de tracas au journaliste et à son entreprise. L’usage de formules ampoulées et des phrases emphatiques pour une information de proximité est à bannir. Le style pédant ne sert ni le journaliste ni le lecteur. L’écriture litté- raire n’est pas l’écriture journalistique. C’est deux genres différents et ne se rencontrent qu’en de très rares exceptions. Pour remplir véritablement sa mission d’informer il faut avoir son carnet d’adresses bien chargé, d’adresses utiles, s’éloigner des papiers d’humeurs qui n’apportent rien au sujet. Le lecteur d’aujourd’hui, généralement pressé, saoulé d’informations qui lui tombent de partout, a besoin d’informations précises sur tel ou tel fait et pas d’humeur. L’humeur du journaliste ne l’intéresse pas. Par ailleurs, toute information susceptible de créer un litige ou nourrir des controverses entre deux parties adverses se doit d’être vérifiée avant publi- cation avec exactitude. Dans les couvertures journalistiques, il faut éviter de s’appuyer sur des rumeurs, il faut se méfier des ragots, ne pas trop faire confiance aux appels téléphoniques soit disant désin- téressés. Il faut également s’éloigner des suppositions et autres supputations non fondées par le visu, confrontées au terrain concret, non authentifiées par des documents crédibles, sour- cées comme on dit dans le jargon journalistique. Il faut savoir aller à l’essentiel, l’infor- mation, et surtout savoir apprécier les soubresauts de sa proximité, être conscient des soubresauts qui s’opèrent. Nous ne le disons jamais assez : éthiquement il est condamnable d’utiliser des méthodes déloyales pour obtenir des informations, des documents, des aveux. Dans l’exercice du métier, il est nécessaire d’être à la fois courageux et prudent. Téméraire et responsable devant l’acte d’écrire, de filmer, de parler à travers les ondes de la radio. Dans le compte rendu de la vie quotidienne, du vécu dans ses manifestations journalières, il est préférable de s’éloigner des clichés qui noient le sujet plus qu’ils ne l’aident, des for- mules passe-partout, des emprunts pas nécessairement justifiés.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 45 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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Pour être efficace dans son travail, traduire par l’image, le son et l’écrit une situation, et surtout apporter du neuf, du nouveau, il est impératif de se poser des questions avant l’entame du papier, cultiver la curiosité journalistique, se montrer lucide, éviter les plagiats du confrère ou de la consœur d’à côté, développer le sens du devoir vis-à vis de la com- munauté qui vous regarde, vous écoute, vous lit. En d’autres termes, il ne faut s’inscrire dans des opérations manipulatrices afin d’utiliser la liberté de la presse à des fins intéressées. La liberté de la presse pour un journaliste généraliste ne veut pas dire la liberté de faire pression. Le respect du métier est le premier levier de la liberté d’expression, la première exigence d’un journalisme de qualité. Etre journaliste de proximité, c’est faire du service public son seul et unique sacerdoce, c’est se monter humble devant les évènements et les hommes ; c’est respecter la vie privée et de la personne humaine, c’est éviter la médisance s’interdire la calomnie, la diffamation et les accusations non fondées, c’est ne pas confondre le métier de journaliste avec celui de procureur, juge, imam, fonctionnaire de police ou mégère du coin. Dans cette optique il se doit de se tracer des limites à ne pas franchir. Ce n’est pas là de l’autocensure mais plutôt de l’autocontrôle face aux déferlements des canaux de commu- nications «démocratisés» à grande échelle par les réseaux sociaux et les chaines satel- litaires. Le journaliste de proximité est un journaliste qui informe mais ne juge pas. C’est un journaliste qui cherche la manifestation de la vérité et non la manœuvre. C’est un jour- naliste d’abord soucieux de servir le lecteur avant de se servir. C’est un journaliste qui respecte l’intelligence du lectorat de sa ville, de sa région, de son pays.

RÉSUMÉ

Le Directeur du quotidien national El Djamhouria, Bouziane Benachour a souligné que le cor- respondant doit en premier lieu parler de son environnement immédiat en intervenant dans l’intérêt général. Il a souligné que le journaliste doit développer un sens civique, notamment celui lié à la citoyen- neté et que son information doit être à la portée de tout le monde. «Un journaliste doit défendre l’intérêt public. Il ne faut pas qu’il fasse de discrimination. Il ne faut pas qu’il est d’attache partisane également» souligne t-il en mettant l’accent sur le devoir du journaliste local à se mettre en évidence avec son interlocuteur direct et le public et s’abstenir de faire de ce métier un commerce du fait que cette pratique touche à la crédibilité et à l’image du journal et par voie de conséquence, à celle du journaliste. Bouziane Benachour a insisté sur le respect du métier car c’est le premier levier de la liberté d’expression, la première exigence d’un journalisme de qualité. Etre journaliste de proximité, c’est se monter humble devant les évènements et les hommes ; c’est respecter la vie privée et la personne humaine, c’est éviter la médisance s’interdire la calomnie, la diffamation et les accusations non fondées, c’est ne pas confondre le métier de journaliste avec celui de procureur, juge, imam, fonctionnaire de police ou mégère du coin. Dans cette optique, il se doit de se tracer des limites à ne pas franchir. Ce n’est pas là de l’au- tocensure mais plutôt de l’autocontrôle face aux déferlements des canaux de communications « démocratisés » à grande échelle par les réseaux sociaux et les chaines satellitaires. Le journaliste de proximité est un journaliste qui informe mais ne juge pas. C’est un journaliste qui cherche la manifestation de la vérité et non la manœuvre. C’est un journaliste d’abord sou- cieux de servir le lecteur avant de se servir. C’est un journaliste qui respecte l’intelligence du lectorat de sa ville, de sa région, de son pays.

46 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux ABDESSALEM BENZAOUI

Géopolitique des médias : l’Algérie et les enjeux internationaux

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 19 février 2015 Abdeslam Benzaoui, né le 07 Octobre 1953 à Biskra. Il est Directeur de l’Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de L’Information, et Profes- seur dans cette école. Obtenu un diplôme en Doctorat d’Etat en Sciences de l’Information et de la Commu- nication «Université d’Alger» décembre 2007. n Doctorat «Université Panthéon Assas-Paris II» 2005- 2007. n Magistère en Sciences Politiques «Option Relations In- ternationales - université d’Alger» Avril 1982. Il a occupé plusieurs postes dont : n Directeur adjoint chargé de la Post-Graduation et de la Recherche «Ecole Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information» Juin 2013 n Vice Doyen chargé de la pédagogie «Faculté des Sciences politiques et de l’Information» 2000-2005 n Chargé d’Etude et de Synthèse «Ministère de l’Ensei- gnement et de la Formation Professionnelle» 2003-2004 n Directeur adjoint chargé de la Formation Continue et des Relations Extérieures «Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information» 2010-2013 n Directeur adjoint chargé de la Formation Continue et des Relations Extérieures «Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information» 2010-2013 Parmi ses ouvrages n les Enjeux de la Communication : Transnationalisation de l’audiovisuel en Méditerranée n Codes télévisuels hégémoniques et illusion stéréosco- pie : quand l’image devient partie de l’interaction sociale. n Les réseaux mondiaux d’influence: Entre culture globale et cosmopolitisme. n Les enjeux de la communication globale «Recherches» Université d’Alger 7 Décembre 2007. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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GÉOPOLITIQUE DES MÉDIAS : L’ALGÉRIE ET LES ENJEUX INTERNATIONAUX

es médias sont à la fois reflets et acteurs des mutations géopolitiques. Reflets dans la me- L sure où ils sont le plus souvent les miroirs fi- 4La géopolitique des dèles des espaces géographiques, des entités écono- médias participe également miques et politiques et des contradictions des sociétés à recomposer les rapports humaines au sein desquelles ils se sont implantés et de force entre les conti- fonctionnent. nents et les Etats. Plus encore, ils sont de bons révélateurs des inégali- 4La définition de la tés qui existent entre les hémisphères, les continents, géopolitique des médias les blocs, les aires culturelles et les nations et donc renvoie à celles de les grands déséquilibres du monde d’aujourd’hui. la géopolitique. La géopolitique des médias consiste en l’étude des 4l’étude des flux rivalités de pouvoir sur un territoire entre les acteurs d’information permet de médiatiques et de la représentation de ces luttes d’in- comprendre les stratégies fluence par les médias. d’influence des acteurs. QUELLES SONT CES RIVALITÉS 4La capacité de connaître DE POUVOIR ENTRE ACTEURS et de communiquer consti- tue l’un des enjeux MÉDIATIQUES ET COMMENT essentiels pour tout acteur. INFLUENCENT ELLES LES MUTATIONS 4Les médias sont des GÉOPOLITIQUES MONDIALES ? rouages essentiels de QUELLE EST LA PLACE DE L’ALGÉRIE la diplomatie des Etats. DANS CES ENJEUX INTERNATIONAUX QUI PRÉFIGURENT LE MONDE DE DEMAIN ? Cette problématique peut être appréhendée à travers trois axes fondamentaux. 1. Géopolitique, mondialisation et médias 4 Il s’agit, en fait, d’expliciter l’approche géopolitique des médias à travers ses concepts, sa méthodologie et ses réflexions en cours. 4De mettre en évidence le déplacement des centres de gravité du développement et du rayonnement des médias à l’échelle mondiale. 2. Les rapports entre la mondialisation, les rivalités de pouvoir et les médias. 4La mondialisation met en évidence la prédominance des médias américains dans la géopolitique mondiale et le rôle de la communication dans la logique d’influence mondiale et la conception et mise en oeuvre de la Globale Information Dominance.

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La géopolitique des médias participe également à recomposer les rapports de force entre les continents et les Etats. A l’instar de la Chine, de l’Inde ou du Brésil, les pays émergents s’appuient sur les médias pour étendre leur influence régionale ou mondiale. L’impact des médias s’observe, en outre, dans bien d’autres domaines comme ceux du rayonnement de la politique religieuse et linguistique. 3. La place des médias dans les relations internationales et les conflits. Les médias sont des rouages essentiels de la diplomatie des Etats. Dans les conflits armés, l’information et la communication constituent de nouveaux enjeux pour gagner la guerre du sens et la bataille de l’influence au sein des populations parallèlement à la manière de représenter les conflits et d’influencer l’opinion publique. 4. Le Paysage médiatique Algérien, ses défs et enjeux. 4 Il s’agirait en fait de recenser les défis qui se posent au l’Algérie. Quel est le rôle de ce pays dans cette nouvelle configuration ? 4 Cette nouvelle phase du mouvement vers l’intégration mondiale pose la problématique de l’appropriation locale des flux transnationaux. Les médiations, les formes de résistance ou d’adaptation, les nouveaux mécanismes de l’hégémonie sont des défis fondamentaux.

GÉOPOLITIQUE, MONDIALISATION ET MÉDIAS 4L’approche des médias en géographie s’est surtout concentrée sur les réseaux de télé- communication dès les années 1950. 4Statistiques : cartographie des flux téléphoniques. Les réseaux de télécommunication participent à aménager le territoire, créer un lien entre un centre urbain et ses périphéries, transformer la notion de distance. L’approche cultu- relle reste encore très secondaire. 4En revanche l’école anglo-saxonne approfondit la relation entre l’idéologie, les médias et la culture populaire, l’environnement cognitif et l’organisation, le rôle des médias sur l’image de la ville. Jacquelin Burgess et John R. Gold (1985) «Geography the Media and the Popular Culture». Brunot Moriset (2005). «Réseaux de télécommunication et aménagement du territoire, vers une fracture numérique» met en évidence la fracture spatiale et les territoires privés d’accès à internet à haut débit en France. Qu’est ce que la géopolitique des médias ? 4 La définition de la géopolitique des médias renvoie à celles de la géopolitique. 4 La géopolitique : associe géographie et politique et s’intéresse aux enjeux de pouvoir sur des territoires. Stéphane Rosière (2008) «Dictionnaire de l’espace politique» met en évidence l’étude de l’interaction espace-Etat, les rapports de pouvoir (plan interne) et de puissance (plan externe), les éléments matériels et immatériels, l’importance du discours sur le monde à travers les représentations. 4 La géopolitique des médias consisterait ainsi en l’étude des rivalités des pouvoirs entre les acteurs médiatiques, de la représentation de ces luttes d’influence par les médias, du discours des médias comme révélation des mutations géopolitiques en cours.

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Elle permet de comprendre les grands déséquilibres du monde actuel puisque les médias en sont les acteurs et les reflets. 4 Les sources et les outils d’information, la captation des audiences sont à la fois des enjeux de domination de l’opinion comme des moyens privilégiés de comprendre les stra- tégies de contrôle, les tensions et les rivalités entre les acteurs.

LES QUATRE CRITÈRES DE LA GÉOPOLITIQUE DES MÉDIAS La géopolitique des médias repose sur quatre critères : 1. Les infrastructures. 2. La production médiatique. 3. La consommation. 4. Les flux d’information.

1. Les infrastructures Les infrastructures des médias permettent de comprendre l’évolution des nouvelles tech- niques à différentes époques et de mesurer leur impact sur les activités humaines. La notion de réseau de communication est au coeur de cette approche. Exemples : 1. L’usage des câbles téléphoniques sous-marins au XIX siècle a bouleversé le marché mondial du coton (L’utilisation du télégraphe transatlantique, à partir de 1858, met en liaison les producteurs américains avec les villes manufacturières du nord de l’An- gleterre). 2. La géographie des câbles en fibre optique qui servent à la circulation des flux numé- riques entre les continents révèle l’importance des routes stratégiques de l’information et des hubs qui centralisent les flux à l’échelle mondiale. (Hub maritime dans l’Etat de Virginie concentre la moitié des flux mondiaux permet le contrôle et la surveillance de l’information). En 2013, 49 des 265 câbles sous-marins se rejoignent en Angleterre. NB. Les révélations sur le programme de cyberespionnage Prism (2007) rendu possible par un accord entre la National Security Agency (NSA) et le Government Communications Headquarters britannique (GCCH).

2. La production médiatique 4La production médiatique s’est fortement développée dans le monde qu’elle reste diffi- cile à inventorier et à cartographier. 4La production cinématographique se concentre principalement en Asie et en Occident. 42005-2010, la géographie de la production annuelle moyenne des longs métrages : 3. La consommation 4La consommation s’intéresse aux groupes de sondage et aux publicitaires. 41. Son étude consiste à mettre en évidence les différents groupes mondiaux de la publi- cité, les stratégies, les messages, les cibles. 2. Elle permet d’aborder les dynamiques d’influence à différentes échelles géographiques et d’approcher une géographie sociale et culturelle des comportements, des goûts, des hiérarchies sociales et des usages. La dimension géopolitique se rencontre dans les stra- tégies d’influence des acteurs.

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Inde 1150 Chine 526 Etats-Unis 500 Europe (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) 480 Japon 448 Indonésie 102 Philippines 70

(Source Unesco, 2010)

4. Les flux d’information 4Avec l’extension des réseaux de télécommunication et des réseaux numériques, l’étude des flux d’information permet de comprendre les stratégies d’influence des acteurs. 4L’analyse de la géographie de la répartition des câbles sous-marins et des flux Internet dans le monde révèle les grandes autoroutes qui relient surtout l’Amérique du Nord à l’Europe et l’Asie (Japon). Dans les années 2000, elle met en évidence la fracture entre le Nord et le Sud (80% des utilisateurs sont dans les pays développés). 4A partir de ces quatre critères, la géopolitique des médias identifie trois catégories de concepts fondamentaux et permanents : 1. Les réseaux d’information et de communication. 2. Le centre et la périphérie. 3. La représentation géopolitique.

1. Les réseaux d’information et de communication Marie Claude cassé, (1992) «Réseaux de télécommunication et construction territoriale» 4L’impact des réseaux d’information et de communication a une influence variable selon les types d’activité : 4Economique : concentration spatiale des entreprises dispersion des activités, forme d’organisation du travail, intégration d’une zone géographique à des échanges, production de nouveaux territoires fonctionnels. 4Politique : construction des territoires politiques des Etats modernes, le télégraphe au XX siècle ou le satellite à partir des années 1960 sont des moyens d’affirmation de la puissance sur la scène internationale et des facteurs de renforcement de la cohésion de la communauté et de la nation. 4Social et culturel. Influencent une pratique et une représentation de l’espace. 4Les réseaux médiatiques dynamisent des liens matériels (images, sons) et immatériels (idées, idéologie), structurent l’espace et répondent à une stratégie globale de contrôle de territoire.

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2. Le centre et la périphérie. 4La notion de centre et de périphérie permet de mesurer le degré d’intégration média- tique dans un espace, de comprendre la maitrise du territoire par la couverture médiatique. 4Dans l’organisation du réseau Internet mondial dans les années 2000 une logique de centres et de périphéries se remarque. 4Les villes côtières des Etats-Unis sont le centre historique, l’intérieur des Etats-Unis, la semi-périphérie, les autres aires du monde constituent la périphérie. 4Gabriel Dupuy (2002) «Internet, géographie d’un réseau» Le réseau Internet se dé- veloppe en plaques avec des zones d’ombres à l’échelle planétaires depuis les 1970 jusqu’au début des années 2000, mais se caractérise par une centralité forte à partir des Etats-Unis, notamment des hubs Internet des côtes Ouest et Est (2/3) des ordinateurs connectés, de l’Europe, du Japon vers des périphéries faiblement intégrés. 4La relation entre le centre et la périphérie révèle des dynamiques géopolitiques liées au jeu des acteurs (individus, opérateurs, Etats, Institutions supranationales). 4Le concept centre périphérie permet de repérer les stratégies de connexion de ces acteurs pour enserrer un territoire dans un maillage médiatique à travers une série de supports comme la télévision numérique, la radiophonie ou Internet. Voir René Naba (1998) «La guerre des ondes… guerre des religions, la bataille hertzienne dans le ciel méditerranéen.»

3. La représentation géopolitique Elle désigne la structure cognitive du traitement médiatique, la conceptualisation des faits évènementiels. Son analyse porte sur les discours, les images, les supports médiatiques utilisés dont l’objectif consiste à comprendre les enjeux que constituent le territoire et les stratégies territoriales des acteurs auprès de l’opinion publique.

PUISSANCE, STRATÉGIE ET GUERRE DE L’INFORMATION. Loup Francart (2002) «Infosphère et intelligence stratégique.» Le statut de puissance est étroitement lié aux capacités d’influence pour s’imposer à l’autre : l’avoir (richesse, po- pulation, culture), le pouvoir (NTIC comme source de puissance, médias en réseau), le savoir (connaissance et anticipation, le vouloir (idéologie, gouvernance). La capacité de connaitre et de communiquer constitue l’un des enjeux essentiels pour tout acteur qui tend à s’étendre. Nouveaux concepts 4Infodominance : Mil = consiste à employer des moyens techniques pour connaitre le champ de bataille et plonger l’adversaire dans le brouillard afin de la paralyser. 4Désigne la gestion du monde par les techniques de l’information, la propagation d’une vision du monde à travers le contrôle des moyens de communication. 4Guerre de l’information (infoware) : François Bernard Huygues (2010) «La cyberguerre et ses frontières» L’information est désirable, vulnérable et redoutable. 4La guerre de l’information renvoie à la propagande, et à la manipulation dans un cadre international. Elle signifie aussi subversion (rumeur), surveillance électronique (Echelon 1947)

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Les principaux centres de gravité des médias dans le monde depuis la fin du MoyenAge

L’inégale intégration des Médias à la mondialisation des échanges

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Médias et dynamique intégration à la mondialisation des échanges

LES RAPPORTS ENTRE LA MONDIALISATION, LES RIVALITÉS DE POUVOIR ET LES MÉDIAS La mondialisation met en évidence la prédominance des médias américains dans la géo- politique mondiale et le rôle de la communication dans la logique d’influence mondiale et la conception et mise en oeuvre de la Globale Information Dominance. La géopolitique des médias met l’accent trois paramètres fondamentaux. 1. La doctrine américaine de la libre circulation de l’information. 2. La puissance politique soutenue par les médias. 3. la puissance économique des grands groupes de médias.

1. La doctrine américaine de la libre circulation de l’information Kent Cooper (1942) directeur de l’Agence Associated Press, «Barriers Down» appelle les futurs vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale à inclure le principe de la libre circula- tion de l’information dans les négociations de paix. 1964 : La commission des Affaires étrangère du Congres considère que la finalité pre- mière vise à imposer le leadership américain dans le monde en prônant l’adhésion volon- taire aux valeurs soutenues par les Etats-Unis.

2. La puissance politique soutenue par les médias Promouvoir l’intérêt national par les médias. 1942, l’Office of War Information est confié à un journaliste (Elner Davis), OWI est à l’ori- gine du lancement Voice of America : faire adhérer les Médias et l’opinion publique in- ternationale aux valeurs des Etats-Unis, La United States Information Agency, créée par

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D. Eisenhower en 1953v devenue La United State International Communication Agency en 1978 est chargée de développer l’image de l’Amérique par le renforcement du rôle des médias d’influence. 42001 un sous secrétariat d’Etat à la Diplomatie publique, dont la direction est assurée par une publicitaire (charlotte Beers) est crée pour transmettre une nouvelle image des Etats-Unis, notamment dans le monde musulman. 42009 «Communication stratégique» sous la présidence Barack Obama.

Les cinq premiers groupes de médias selon leur chiffre d’affaires en 2009 et 2012

Médias Rang Chiffres d’affaires Rang Chiffres d’affaires en 2009 en 2009 en 2012 en 2012 (Milliards de dollars) (Milliards de dollars) Time Warner 1 46,9 4 36,4 Walt Disney 2 37,8 2 78,4 New Corporation 3 32,9 3 48 Bertelsmann 4 25,6 / / Maruhan 5 20,1 / / DirecTV 5 / 5 33,3 Comcast 5 / 1 81,2

Source : Financial Times Global 500, 2013

Les dix premières entreprises mondiales de technologies de l’information et de la communication ayant la plus grosse capitalisation boursière en 2010 et 2012

Entreprises Rang Capitalisation boursière Rang Capitalisation boursière en 2010 en 2010 en 2012 en 2010 (en milliards de dollars) (en milliards de dollars)

Microsoft 1 256,8 2 270 Apple 2 213 1 560 China Mobile 3 192,9 4 220 IBM 4 166,59 3 241 ATT 5 152,5 5 185 Cisco Systems 6 149 11 113,9 Google 7 138,8 7 165,4

Oracle 8 129 8 145

Hewlett Packard 9 124,6 / /

Intel 10 123,1 9 140

Samsung Electronics / / 6 181,7

Quelcomm / / 10 115

Source : Financial Times Global 500, 2013

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LA PLACE DES MÉDIAS DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LES CONFLITS Les médias sont des rouages essentiels de la diplomatie des Etats. Dans les conflits armés, l’information et la communication constituent de nouveaux enjeux pour gagner la guerre du sens et la bataille de l’influence au sein des populations parallèlement à la manière de représenter les conflits et d’influencer l’opinion publique.

1. Des instruments au service de la politique étrangère des Etats et des acteurs non étatiques Les fondements de la diplomatie publique. 1. La capacité technologique à diffuser = maitriser la connaissance de l’autre et savoir l’exploiter. 2. L’influence = L’art de faire vouloir à autrui ce que vous voulez, par l’image, le message et les réseaux (Huygues, 2005). 3. La stratégie d’information et de communication. 4Stratégie de la forteresse. Protection de son opinion. (Chine) 4Stratégie de la croyance. Diaboliser l’adversaire. (Saddam Hussein) 4Stratégie de l’image. Soft power (étendre sa zone d’influence). (Guerre froide) 4Soft power de nouveaux géants émergents : 4Reliance of Sahara (Inde) 4Rotana, MBC Arabie saoudite. 4Al jazeera (Quatar) 4TV Globo (Brésil) 4Televisa (Mexique) 4Naspers (Afrique du Sud) 4Stratégie des vecteurs. Imposer son interprétation du monde, donner une représenta- tion construite et idéalisée de son environnement. (RFA- RDA) 4Stratégie de l’accès. Diriger l’attention. Prospérité pour le développement numérique (Clinton)

2. la dimension géostratégique du Net 4Hillary Clinton lance la diplomatie par Twitter en février 2011 «Internet accélère le chan- gement politique, économique et social». 422,3 millions d’euros est réservé pour divers associations travaillant dans le contourne- ment des murailles électroniques. 4Plateforme «Sounding Board» pour favoriser les échanges information. 4Le département d’Etat a ouvert 230 comptes Facebook, 50 chaines sur Youtube, 80 comptes Twitter (Washington Post, 22 aout 2011.

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GUERRE CIVILE NUMÉRIQUE Des tactiques d’influence ou de désinformation sont employées pour déstabiliser les pou- voirs en place. (Tactique Astro Turf, mimer l’émergence spontanée d’un courant d’opinion d’origine citoyenne sur les réseaux sociaux, en créant de faux individus pour qu’ils éta- blissent des «liens amicaux» avec des personnes ou des services en vue de les discré- diter).

LE PAYSAGE MÉDIATIQUE ALGÉRIEN, SES DÉFIS ET ENJEUX Il s’agirait en fait de recenser les défis qui se posent au l’Algérie. Quel est le rôle de ce pays dans cette nouvelle configuration ? Cette nouvelle phase du mouvement vers l’intégration mondiale pose la problématique de l’appropriation locale des flux transnationaux. Les médiations, les formes de résistance ou d’adaptation, les nouveaux mécanismes de l’hégémonie sont des défis fondamentaux. L’Algérie reste en enjeu communicationnel triptyque : économique, politique et civilisa- tionnel. 4L’économie se recentre non plus sur le savoir-faire, le savoir produire, mais sur l’intelli- gence, la matière grise, mots compris au sens de capacité de traitement de l’information, de capacité d’innovation, de conception, d’organisation et d’adaptation. mie se recentre non plus sur le savoir-faire, le savoir produire, mais sur l’intelligence, la matière grise, mots compris au sens de capacité de traitement de l’information, de capa- cité d’innovation, de conception, d’organisation et d’adaptation.

1. les infrastructures 4Les enjeux du numérique. (Internet. TNT) C’est à la télévision de service public qu’il re- vient de satisfaire trois conditions essentielles pour assurer démocratiquement la mutation numérique : 4Le maintien d’une offre en clair accessible à tous. 4Le pluralisme de l’offre audiovisuelle. 4La continuité du service public. 4La téléphonie.

2. La production médiatique En Algérie où la majorité de la population a accès par satellite à de nombreuses chaînes étrangères, les chaînes françaises influencent l’imaginaire collectif mais non point d’im- pact profond sur l’imaginaire intime. Mais c’est au plus profond de l’imaginaire intime que s’adressent les chaînes arabes comme Al Jazeera ou Al Mannar en s’inscrivant dans la dimension religieuse des sociétés magrébines où la production et la diffusion du sacré sont partie intégrante de la communication sociale. Les émissions de ces chaînes ne sont pas prise en compte dans toute leur dimension politique, elles participent pourtant à la visibilité de questions de société, de morale, de modes de vie différents, d’interprétation inattendues de sujets de sociétés et de culture. Elles traduisent par ailleurs l’orientation politique et idéologique de leurs opérateurs. Et les points d’audience en dépendent de plus en plus.

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Révoltes arabes, liberté de l’information et internet

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STANDARDISATION ET MÉMÉTISME Dans son étude sur le journalisme télévisuel, Pierre Bourdieu identifie un système dans le- quel, en substance, «toute la production se propose de préserver des valeurs préétablies et où la concurrence, plus qu’engendrer originalité et diversité, tend à favoriser l’unifor- mité.» En effet, une tendance assez nette émerge de la part des émetteurs à se montrer extrêmement mémétiques, par suite de phénomène de copiage, par rapport aux modèles d’inspiration anglo américain qui conditionnent le monde entier. «Quand une personne ou une institution en imite une autre, il se transmet quelque quelque chose entre elles, qui peut ensuite être retransmis plusieurs fois, jusqu’à revêtir une identité propre. Nous pouvons penser que ce quelque chose est une idée, une instruction, un comportement, une information.»

LA MODALITÉ MÉMÉTIQUE EST FORTEMENT RÉPANDUE DANS LES LANGAGES AUDIOVISUELS Cette présentation graphique et sémiotique de l’écran organise l’espace narratif de chaînes satellitaires aux objectifs diamétralement opposés en apparence à l’exemple de CNN et Al Jazeera, et visant des audiences culturellement différentes. La façon de s’ha- biller des journalistes et les toiles de fond évoquent constamment ce continuum culturalo idéologique auquel le monde globalisant tend si ardemment. «Que les images aient une forte valeur culturelle, et non universelle, est un concept que semble ignorer beaucoup de producteurs télévisuels, qui lancent des signaux souvent culturellement trop marqués dans l’océan des télévisions satellitaires.» CONOSCENTI Michelangelo, Les medias en Méditerranée. L’Algérie, comme territoire de réception subit cette culture standard, l’intègre de plus en plus dans ses codes télévisuels à travers la présentation graphique et sémiotiques de ses écrans, texte électronique diffusant une information continue qui défile en bandeau sur l’écran, décors en arrière plan calqué sur le schémas des chaînes satellitaires inter- nationales ou encore dans le mimétisme qui consiste à copier les émissions phares des chaînes françaises. Aujourd’hui, les processus identitaires et culturels se déroulent, pour reprendre Jesùs martin Barbero, dans un nouvel écosystème globalisé. Ses enjeux sont les codes culturels de la société. «A l’ère de la mondialisation, et dans un univers consumériste où la valeur tient d’avantage à la dimension symbolique que matérielle des biens, les batailles les plus importantes sont bien des batailles culturelles.» (Jesùs Martin, L’approche culturelle de la globalisation).

L’ALGÉRIE : ENJEU IDENTITAIRE ET ENJEU CIVILISATIONNEL (Prorblématique de la programmation nationale) Une assimilation passive du Maghreb aux pays du Proche et du Moyen Orient reviendrait à occulter par ignorance, par désintérêt ou par des biais idéologiques l’histoire spécifique, profonde et complexe de cette région et interdire l’appropriation par les populations ma- ghrébines de leur propre destin. Le Maghreb est pleinement inséré dans l’histoire médi- terranéenne par l’étroit rapport qu’il entretient depuis l’empire romain avec l’Europe, et par son identité musulmane qui le rattache à l’orient. Il n’en est pas moins unique par son origine et son identité amazighe. C’est ce carrefour d’identités et d’appartenance qui peut préparer cette région à un avenir politique et social plus apaisé, davantage conforme aux aspirations de ses sociétés.

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LA CONSOMMATION. RÉSUMÉ 4Les Audiences TV Le Dr Abdeslam Benzaoui, a plaidé pour le lancement 4Les études d’audience sont à de médias algériens à destination de l’extérieur pour faire entendre la voix de l’Algérie. l’état embryonnaire en Algérie pour plusieurs raisons. «Il est nécessaire d’avoir des chaînes d’information et des radios à destination de l’extérieur. Nous apparte- Au niveau de la méthode, l’objet nons à un espace vital (pays du Sud) où il y a des en- de la recherche est mal identifié jeux très importants et où la voix et l’identité de l’Algérie en tant qu’individu voire même en doivent être prises en charge», a t il a ajouté que «tant tant que groupe. Il n’existe pas de qu’on aura pas mesuré l’enjeu identitaire (véhiculé no- traditions de stockage de bases de tamment par les médias) et compris que nous sommes dans une situation de passivité par rapport aux pays du données fiables sur les habitudes Proche-Orient et de l’Occident, on ne jouera aucun rôle de consommation, ni d’indicateurs sur le plan géopolitique». précis sur les rapports qu’entre- «Nous avons une politique internationale avec des en- tient le public avec ses médias. jeux régionaux, d’où la nécessité de mettre en place En fait, il subsiste une réelle crise une politique d’influence et c’est notamment aux mé- de confiance entre les médias et dias que revient cette mission», a-t-il expliqué. leurs publics dans des formations Il s’agirait en fait de recenser les défis qui se posent à sociales passant rapidement d’un l’Algérie. Quel est le rôle de ce pays dans cette nou- spectateur sujet d’une communi- velle configuration ? Cette nouvelle phase du mouve- ment vers l’intégration mondiale pose la problématique cation autoritaire et hiérarchisée de l’appropriation locale des flux transnationaux. Les à celui d’un individu libre dans médiations, les formes de résistance ou d’adaptation, ses choix. La lecture des données les nouveaux mécanismes de l’hégémonie sont des quantitatives n’aurait aucun an- défis fondamentaux. crage avec le vécu social. Le paysage médiatique algérien est révélateur des L’absence de veilles stratégiques enjeux futurs de la mondialisation. Il met en exergue les interactions entre plusieurs types de messages sur les uses et habitudes du télévisuels qui se croisent et s’affrontent au gré des consommateur ne permet pas de circonstances politiques. L’Algérie reste en enjeu com- construire des panels représenta- municationnel triptyque : économique, politique et civi- tifs des publics des médias. lisationnel. Il faut donc penser différemment la question de la liber- CONCLUSION té et de la démocratie. La liberté politique ne peut se résumer au droit d’exercer sa volonté. Elle réside aussi Il faudrait repenser la notion de so- dans le droit de maîtriser le processus de formation de ciété de l’information et lui préférer cette volonté. celle de société de la connaissance M. Benzaoui a donné l’exemple de la chaîne de télé- car les modes d’appropriation des vision française «France 24», qui a été pensée depuis nouvelles technologies sont plu- l’époque de l’ancien président François Mitterrand pour riels et se négocient à partir de diffuser l’image de la France, en la forgeant grâce à réalités sociales, culturelles et his- une politique audiovisuelle. toriques qui sont incontournables. «Il est indispensable de repenser la notion de société de l’information et la remplacer par celle de la connais- sance», a insisté Dr Abdeslam Benzaoui, soulignant que les modes d’appropriation des nouvelles technolo- gies «sont plurielles et se négocient à partir des réalités sociales, culturelles et historiques qui sont incontour- nables».

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ABDERRAHMANE AZZI

Les nouvelles tendances de l’éthique et les lois de l’information

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 12 mars 2015 Abderrahmane Azzi est un universi- taire et théoricien en communication Algé- rien, né en 1954 à Béni ouartilène (Algé- rie). Il a étudié le journalisme à l’Université d’Alger. Il a eu son doctorat en 1985 à l’Université NTSU en Amérique, là où, il a occupé le poste de maître assistant entre 1982-1985. Il est connu par sa théorie «Le déterminisme théorique de la valeur morale de l’information». Il a enseigné dans de nombreuses universités : Université de North Texas, Université d’Alger, Université islamique internationale de Malaisie, université du Roi-Saoud, United Arab Emirates University. Actuellement, professeur de communication de masse à la faculté de communication de l’Université Sharjah de l’Émirates Arabes unis. Il se distingue par sa pluridiscipli- narité : sa culture religieuse, sa compétence en science de l’information et de la communication et ses connais- sances de la pensée sociologique moderne. Il a réalisé plus de 60 études et recherches sur les diffé- rentes spécialités des sciences de l’information et la com- munication comme, le journalisme, la communication de masse, les relations publiques, la technologie de commu- nication, les théories de communication, traductions…etc. Ouvrages n Etudes sur la théorie de la communication, vers une pensée spécifique de l’information, Centre des études union arabe Liban 2003. n Ethical Competence in the Information Age. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LES NOUVELLES TENDANCES DE L’ÉTHIQUE ET LES LOIS DE L’INFORMATION

e Professeur Abderrahmane Azzi, a affirmé que «L’éthique est une science qui exige beau- coup de connaissances. Plus on devient pro- 4L’éthique est une science L qui exige beaucoup de fessionnel, plus on s’y approche. Ne pas faire mal aux autres ou du moins, faire le moins possible, c’est le connaissances. Plus on de- principe le plus important de l’éthique». vient professionnel, plus on Ne pas tomber dans la diffamation, respecter la vie pri- s’y approche. Ne pas faire vée, la propriété privée et ne pas inciter à la violence, mal aux autres ou se comptent parmi les autres principes de l’éthique. du moins, faire le moins «Le rôle des médias, c’est d’apporter des solutions, possible, c’est le principe et non d’inciter à la violence et traiter d’une façon né- le plus important de gative les faits et les évènements comme cela se fait l’éthique. aujourd’hui. L’éthique, c’est construire quelque chose 4Le rôle des médias, c’est de positif dans une réalité négative», a-t-il soutenu, d’apporter des solutions, faisant référence aux guerres et aux conflits qui tra- et non d’inciter à la vio- versent le monde. lence et traiter d’une façon Les médias ont un rôle important à jouer dans le rè- négative les faits et les glement de ces conflits. «Même les matchs de football évènements comme cela sont retransmis et commentés comme s’il s’agissait de guerre ! Il ne faut pas s’étonner devant tant de vio- se fait aujourd’hui. lence autour de ce sport», constate-t-il, pour lui, un 4Même les matchs bon journaliste doit se poser ces questions : «fait–il un de football sont retransmis travail dans le respect de l’éthique ? Est-ce que son et commentés comme s’il travail aide à rendre l’autre meilleur ? Est- ce que ses s’agissait de guerre ! Il ne informations sont construites sur des sources sûres? faut pas s’étonner devant Est-ce que ses informations sont diffamatoires ? tant de violence autour de Est-ce que son travail répond à un intérêt personnel?» ce sport.

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DANIEL CORNU

L’éthique, déontologie et pratique du journalisme au temps de l’internet

Université - Oran 19 avril 2015 Daniel Cornu, né le 5 août 1939, à Ge- nève. A commencé sa carrière de journa- liste au Journal de Genève (1962-1966) puis rejoint La Tribune de Genève où il di- rigea la rubrique politique, (1982-1992) ré- dacteur en chef de La Tribune de Genève. n Aujourd’hui médiateur (ombudsman) de ce même quotidien, ainsi que des autres publications francophones du groupe Ta- media. n Directeur du Centre romand de formation des journa- listes (CRFJ), à Lausanne (1993-2004). n Professeur associé à l’Université de Neuchâtel (1988- 2004) et professeur invité à Université de Genève (2000- 2004). n Membre et vice-président du Conseil suisse de la presse (1994-2003). n Ancien président (2009-2103) et actuel membre du Co- mité d’éthique et de déontologie de l’Université de Ge- nève. Parmi ses publications n Journalisme et vérité. L’éthique de l’information au défi du changement médiatique, n 2009 : Les médias ont-ils trop de pouvoir, n 2010 : Tous connectés ! Internet et les nouvelles fron- tières de l’info, 2013. n En 2012 il est fait Docteur honoris causa de l’Université catholique de Louvain. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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L’ETHIQUE, DÉONTOLOGIE ET PRATIQUE DU JOURNALISME AU TEMPS DE L’INTERNET

INTRODUCTION Cette conférence n’a pas pour objet de 4Le journalisme de com- présenter une analyse de la déontologie munication se distingue du professionnelle des journalistes ni d’en journalisme d’opinion et du offrir des illustrations. Le contenu et la journalisme d’information. formulation de ce texte attestent une forte proximité avec la Déclaration des devoirs 4Le Web ne produit pas la et des droits des journalistes de 1971, re- même vision du monde et connue par la Fédération internationale de la société que les médias des journaliste, déclaration qui me sert traditionnels. ordinairement de référence. 4Les internautes se L’objet de cette conférence est en effet fondent sur une autre légi- moins de s’intéresser à la substance ac- timité que les journalistes. tuelle de la déontologie qu’aux conditions 4Sur Internet, le magis- de sa mise en œuvre, alors que le journa- tère du journalisme tend à lisme doit s’adapter à des changements s’effacer au profit du choix sociaux et techniques importants, notam- opéré par le public des ment depuis le développement de l’Inter- internautes. net. Que devient le journalisme au temps 4L’Internet cristallise de l’Internet ? Que devient-il sous l’effet donc une perte de pouvoir de l’irruption massive d’acteurs nouveaux journalistique. dans les circuits de la communication ?

UN JOURNALISME DE COMMUNICATION A LA MESURE DE L’INTERNET es observations menées sur les médias et le journalisme pendant les années d’ap- prentissage de l’Internet permettent, avec le recul, de mesurer aujourd’hui l’intérêt L et la pertinence d’analyses et de réflexions proposées avant même ce qu’il faut bien appeler «la révolution du Web 2.0» : soit l’ouverture à tous des voies de circulation des informations et des idées. Il s’agit là d’un changement décisif. Le développement de l’Internet apparaît aujourd’hui moins comme une cause que comme un révélateur d’une transformation repérée dans les médias traditionnels eux-mêmes. Il convient d’accorder ici une place décisive aux travaux de Jean Charron et Jean de Bonville, deux chercheurs québécois de l’Université Laval. Ces travaux ont été publiés en 1997, dans les tout premiers temps de l’«Internet grand public». Ils ne concernent donc pas spécifiquement le réseau des réseaux ni les pratiques au- jourd’hui identifiées du «webjournalisme».

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Ils portent pour l’essentiel sur la définition d’un nouveau paradigme de journalisme : le journalisme de communication, appelé à se substituer selon Charron et de Bonville comme paradigme dominant au journalisme d’opinion et au journalisme d’information.

Journalisme de communication : l’expression peut surprendre. Elle est habituelle- ment utilisée pour dénoncer une dérive du journalisme d’information, à l’écoute trop peu critique des «communicants» qui transmettent les messages de Gouvernements, d’admi- nistrations ou d’entreprises. Un journalisme qui se contenterait de passer les plats. La définition du journalisme de communication parCharron et de Bonville part du modèle linguistique proposé par le linguiste américain, d’origine russe, Roman Jakobson1. Elle prend en compte les six fonctions du langage distinguées par Jakobson. Non seulement les fonctions directement liées au contenu du discours (fonction référen- tielle : l’information) ou à l’expression du locuteur (fonction expressive : l’opinion, l’hu- meur), fonctions qui renvoient aux modalités traditionnelles du journalisme. Mais aussi d’autres fonctions qui visent à faire agir (fonction conative), à simplement main- tenir le contact (fonction phatique), à mettre en scène ou en histoire le contenu du discours (fonction poétique), à s’assurer du bon fonctionnement de la communication par l’usage d’un code commun (fonction métalinguistique). Le journalisme de communication se distingue du journalisme d’opinion et du journalisme d’information, qui ont prévalu jusqu’à des temps récents. Il intègre des fonctions du lan- gage jusqu’alors peu ou pas exploitées. Il suppose un changement de paradigme au sens où l’entend l’historien et philosophe des sciences américain Thomas Kuhn1. Sans doute ce changement s’effectue-t-il sans la «rupture» qu’évoquaient Charron et de Bonville dans leurs premiers travaux. Il se produit plutôt en douceur, dans la continuité, sans rejet brutal des pratiques et références anciennes. Mais il n’en est pas moins claire- ment perceptible. Les nouvelles technologies de la communication, l’intervention du public dans la circu- lation des informations et des opinions, produisent des changements dans les pratiques journalistiques et dans la diffusion de l’information. Les éléments constitutifs du paradigme journalistique subissent donc aujourd’hui de visibles mutations : n Le Web ne produit pas la même vision du monde et de la société que les médias tradi- tionnels. n Le réseau ne se prête pas au même agencement ni à la même présentation des événe- ments ; il n’observe pas la même temporalité. n Il propose d’autres modèles et un autre savoir-faire. n Les internautes se fondent sur une autre légitimité que les journalistes. La mise en évidence de l’un de ces éléments constitutifs permet sans doute de bien perce- voir le changement de paradigme : il s’agit du renvoi à des références exemplaires - sans connotations positives ou négatives.

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Les références exemplaires ne sont plus (ou plus seulement) : n Les reportages quasi mythiques d’Albert Londres ; n Les investigations de Woodward et Bernstein, du Washington Post, sur le Watergate (1972) conduisant à la démission du président Richard Nixon (1974) ; n Le couronnement en direct de la reine d’Angleterre Elisabeth II (1953), l’assassinat de John Kennedy (23 novembre 1963) et les premiers pas en direct de Neil Armstrong sur la Lune (21 juillet 1969) ; n Ou encore, comme dernières occurrences, les images du faux charnier de Timisoara (décembre 1989) et la couverture de la première guerre du Golfe par CNN (1990-1991). Les nouvelles références exemplaires sont : n Les images d’amateurs des attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York, les enregistrements sur téléphone portable des sévices dans la prison ira- kienne d’Abou Ghraib en 2004, les photos et vidéos du tsunami de décembre de la même année ; n Ce sont le réseau de sites altermondialistes Indymedia, le succès fulgurant du site par- ticipatif sud-coréen OhMyNews, lancé en 2000, la plate-forme de blogs Huffington Post ; n Ce sont Julian Assange et les révélations de WikiLeaks, Edward Snowden et ses divul- gations sur les opérations de la NSA (National Security Agency) américaine ; n Ce sont aussi les premières heures du «printemps arabe» en 2011, racontées sur Face- book et Twitter. Le réseau offre désormais un formidable espace à l’expression libre de chacun. Il ne fait plus des médias un passage obligé. Il ouvre de nouveaux canaux de communication, d’information et de débat. L’Internet fait ainsi place même à ces «opinions informelles» ou «opinions non publiques», à ces convictions personnelles ou récits d’expériences individuelles, dont le philosophe al- lemand Jürgen Habermas peinait à concevoir le rôle critique dans le débat public. Il élargit le champ de manifestation des «sans voix», de dénonciation de dysfonctionnements, de demandes de légitimation des divers pouvoirs politiques ou sociaux.

DES CHANGEMENTS DANS LE STATUT ET LES PRATIQUES DES JOURNALISTES Le journaliste exerçait une influence certaine sur ses lecteurs à l’époque de la presse d’opinion. C’est lui qui dit «ce qu’il faut penser». La notion de magistère était alors fonda- mentale. Elle a subsisté dans le journalisme d’information par les opérations de sélection des nou- velles (la fonction de gate keeper), par leur cadrage, par la proposition d’un ordre du jour de l’actualité. Le journaliste d’information ne dit plus «ce qu’il faut penser», mais «à quoi il faut penser». Sur Internet, le magistère du journalisme tend à s’effacer au profit du choix opéré par le public des internautes. Les propositions d’opinions et d’informations émanant du public entrent en concurrence (et même parfois en opposition) avec celles des médias.

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Elles manifestent «une autre manière de penser» et révèlent «d’autres sujets auxquels penser». Le choix des nouvelles a été longtemps tenu comme l’expression de la liberté du jour- nalisme. Il n’est plus une prérogative. Ni sur le Web, ni même sur les sites d’information issus de médias. L’audimétrie permanente, grâce à des outils de plus en plus performants, concourt à l’in- version progressive du rapport de force entre les rédactions et leur public. Elle donne naissance à une «culture du clic». Dans les rédactions en ligne des médias, des «websis- mographes» permettent à tous les collaborateurs de suivre sur écran, minute par minute, la fréquentation des contenus d’actualité installés sur le site. Cette surveillance entraîne deux effets : le premier est de décider de la durée de vie d’un contenu affiché sur le «mur» du site ; le second, plus important et à plus long terme, est de dessiner le contour des intérêts et des attentes manifestés par les internautes et donc d’inciter à proposer les informations qui leur correspondent. Dès lors, le choix des infor- mations s’opère de plus en plus par plébiscite. Que signifent ces changements depuis l’avènement de l’Internet, et en particulier du Web 2.0 ? En termes de «pertes» : n Les journalistes ne sont plus seuls à «raconter le monde». n La hiérarchisation des contenus leur échappe de plus en plus. n Les journalistes s’effacent comme analystes des événements ; des experts leur dis- putent ce privilège en s’exprimant à leur place sur leurs blogs et sur les sites participatifs. n Les journalistes sont moins présents comme témoins directs des faits ; le réseau est inondé de témoignages et d’images recueillis par des informateurs amateurs, participant ou assistant à l’événement, transmis instantanément grâce aux fonctions désormais mul- tiples des téléphones portables. n L’Internet cristallise donc une perte de pouvoir journalistique. Le réseau tend à effacer les différences entre les sources d’information. Donc à mettre les journalistes sur le même pied que n’importe quelle autre source (voir le succès sur la Toile de tous les sites dévolus à la théorie du complot). Faut-il comprendre cette perte de magistère comme l’indice d’une disparition annoncée du journalisme ? Dans l’ensemble, la survie du journalisme semble assurée, mais son rôle change : il était pilote, il se fait plutôt aiguilleur. En termes de «renforcement» : n Sur l’Internet, la surabondance des informations nécessite toujours des opérations de tri, de recoupement, de mise en forme, de synthèse des innombrables contenus livrés par les internautes, témoins, acteurs ou experts. Le journaliste a pour fonction de valider et donner du sens. n De la même manière, la diversité extrême des opinions offre un terrain d’exploration nouveau. [Comme l’écrit Benoît Grevisse, «les technologies contemporaines permettent de recher- cher l’originalité et la pertinence dans un foisonnement d’opinions.

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Le journaliste donnant des leçons du haut de sa tour d’ivoire n’a plus lieu d’être. Par contre, le découvreur de représentations nouvelles, celui qui donne à son public la possi- bilité de prendre le monde à contre-pied a sans doute un avenir dans ce nouvel univers3».] Le journaliste a pour fonction d’étendre et renouveler les points de vue. n Il appartient aussi au journaliste d’organiser le débat, d’animer les conversations, ainsi que le percevait voilà plus d’un siècle déjà le psychosociologue français Gabriel Tarde. «Il suffit d’une plume, écrivait-il alors, pour mettre en mouvement des millions de langues4.» Le journaliste a pour fonction de susciter et d’entretenir le débat démocratique. n Du journalisme d’information subsiste une fonction majeure : l’enquête, qui constitue peut-être la dernière véritable poche de résistance du magistère journalistique. Elle prend aujourd’hui la forme nouvelle du data journalism, du journalisme de données. Elle consiste à accéder à des banques de données pas nécessairement protégées ou secrètes, mais si complexes que leur exploitation suppose des compétences particulières. Lorsque les informations présentent un intérêt public, le journaliste joue alors pleinement son rôle : rendre accessibles au plus grand nombre des informations d’intérêt général5. n Enfin, propre au journalisme en ligne, l’accueil et la modération des diverses formes de commentaires apportés par le public lui-même en réaction aux informations publiées par les médias. Le journaliste est alors l’éditeur des contributions du public. Les modes d’intervention du public Les déploiements sur l’Internet du journalisme de communication, dont nous accepterons ici de retenir le paradigme, se traduit principalement par l’entrée en jeu du public. Sous quelle forme, sous quelles conditions ? Il est possible d’en retenir au moins trois : n les interventions sous forme de commentaires spontanés par les internautes, sur les sites web des médias traditionnels ou sur les sites dits «pure players», soit exclusivement installés sur le Web ; n les réponses à participer aux activités des médias et donc à la circulation des informa- tions et des opinions (journalisme participatif) ; n des activités autonome par la création de sites et la tenue de blogs. Cela signifie que nous ne prenons pas en compte ici l’ensemble des activités des inter- nautes sur le réseau, mais seulement celles qui sont directement attachées à des sites d’information et exploitées par eux. Il s’agit en quelque sorte d’un «premier cercle». Les connexions sont cependant nombreuses entre ces mêmes sites et les réseaux so- ciaux, comme Facebook ou encore Twitter, dont les acteurs présentent par ailleurs de nombreux points communs avec les blogueurs. L’entrée en jeu du public représente un enjeu capital en termes de communication et d’in- formation. Dans un papier destiné à préparer un colloque à Ottawa au mois de mai 2016, un spécialiste canadien de la déontologie journalistique, Marc-François Bernier décrit ce contexte nouveau. Plusieurs points sont repris d’un article paru en 2013 dans la revue Ethique publique, publiée au Québec.

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[Marc-François Bernier6 confirme que «grâce aux blogues, aux espaces d’interactivité que l’on retrouve sur les médias en ligne et, surtout, grâce aux médias sociaux (Twitter, Facebook, YouTube, etc.) les citoyens, de façon concertée ou spontanée, réagissent aux contenus journalistiques produits et diffusés par les médias».] [Les citoyens ne livrent pas seulement leurs propres contenus. Pour la première fois de l’histoire de la presse, ils peuvent «intervenir directement et exprimer leurs doléances, agissant ainsi comme des corégulateurs spontanés en exigeant davantage de transpa- rence et d’imputabilité de la part des médias d’information et de leurs journalistes».] [Bernier avance l’hypothèse que cette façon directe pourrait être «plus efficace que les dispositifs traditionnels que sont les conseils de presse, ombudsman et médiateurs de presse».] [Par «imputabilité» (en anglais accountability), il faut entendre la responsabilité des jour- nalistes de remplir leur contrat envers la société, qui tient en trois points7 : n assurer la représentativité des citoyens (ils posent les questions en leur nom, cherchent l’information en leur nom, critiquent en leur nom, etc.) ; n user de manière responsable de leurs libertés et de leurs privilèges pour assurer l’infor- mation nécessaire aux citoyens, selon leurs valeurs éthiques et leurs normes déontolo- giques articulées autour de leurs devoirs et de leurs droits ; n rendre des comptes sur la façon dont ils se sont comportés : auprès de leurs pairs, des conseils de la presse, des tribunaux lorsque ces comportement violent une disposition légale. Et désormais donc auprès du public, qui demande des comptes.] La participation accrue et constante du public à la communication ne se limite [donc] pas à la production médiatique, déjà signalée plus haut : comme sources plus ou moins in- fluentes, comme créateurs de contenu ou comme journalistes amateurs. Elle s’étend désormais à la critique publique. Cette fonction était traditionnellement attri- buée aux médias : la critique des pouvoirs, politiques, économiques et sociaux. C’est à ce titre en effet que les médias ont pu être qualifiés de«4 ème pouvoir», s’ajoutant aux trois pouvoirs traditionnels en démocratie : législatif, exécutif et judiciaire. On les a considérés aussi comme les «chiens de garde» de la démocratie. Mais qui assurait la surveillance des «chiens de garde» ? Quel «5ème pouvoir» était en mesure de contrôler le «4ème» ? La fonction de surveillance des chiens de garde de la démocratie est revendiquée par des organes d’autorégulation des médias eux-mêmes (conseils de presse, ombudsman, etc.). Elle l’est aussi par des institutions de recherche et de formation indépendantes (l’Univer- sité de Columbia, aux Etats-Unis a dénoncé au printemps 2015 le récit mensonger par le magazine Rolling Stone du viol collectif d’une étudiante ; publiée par le bimensuel cinq mois plus tôt, fondée sur le seul témoignage de le jeune femme, cette histoire a échappé aux procédures les plus élémentaires de recoupement et de vérification8) . Au cours des dernières décennies se sont développés par ailleurs des mouvements ou associations voués à la critique des médias (le mouvement ATTAC, Acrimédia), voire des initiatives individuelles (Arrêt sur images de Daniel Schneidermann).

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Les citoyens intéressés à la vie des médias et au journalisme n’occupaient cependant que peu de place dans ces diverses instances. [Leurs éventuelles démarches, note encore Bernier, «étaient traitées, filtrées, acceptées ou rejetées sur la base d’une grille d’analyse fortement influencée par des intérêts, des valeurs et des traditions journalistiques que contestaient parfois ces mêmes citoyens9.»] Cette «absence» des citoyens lambda dans les organes censés assurer le bon fonc- tionnement du journalisme apparaît comme un prolongement des relations des mêmes citoyens avec les médias eux-mêmes : un accès limité à l’espace médiatique (bref temps d’antenne, espace réduit du courrier des lecteurs, etc.). [«Leurs messages étant soit igno- rés par les médias, soit filtrés par ceux-ci en fonction de critères journalistiques10».] Or, voici l’effet le plus puissant de l’irruption du public dans le circuit de la communication : «Avec Internet et le Web 2.0, les citoyens ont spontanément entrepris d’agir comme un 5e pouvoir, celui qui observe, critique, invective même le 4e pouvoir, celui des médias et de leurs journalistes. [Il ne faut pas s’étonner de l’irruption des publics (…) : les citoyens sont loin de partager la même conception de l’information que celle mise de l’avant par les mé- dias et leurs journalistes. De nombreuses enquêtes ont mesuré l’écart, parfois le gouffre, qui séparait le jugement éditorial du public et celui des journalistes11 (…)».] La divergence entre les médias et leur public peut aller dans certaines situations jusqu’à la récusation même de la fonction critique systématique : le public affirme alors sa préfé- rence pour l’aménagement de rapports de communauté harmonieux et pacifiés entre les divers acteurs sociaux12. Enjeux éthiques et déontologiques de l’internet Cela nous amène à quelques réflexions conclusives sur les enjeux éthiques et déontolo- giques mis au jour par le développement de l’Internet. Ces enjeux concernent aussi bien la valeur de liberté que les valeurs de vérité et de respect de la personne. Nous tenons en effet ces trois valeurs pour fondatrices de l’activité journalistique, ainsi que nous pensons l’avoir établi dans Journalisme et vérité (2009). Ce sont ces valeurs qui sont en somme «questionnées» par l’évolution des techniques et des pratiques de la communication et du journalisme. Et c’est à partir de ce questionnement que peut se concevoir une nouvelle formulation des normes et donc de la déontologie. En référence à la liberté, un élargissement de la sphère publique La mission du journalisme en démocratie nourrit l’essentiel des chartes déontologiques et la jurisprudence des conseils de presse en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde. [Elle se trouve confirmée par la Convention européenne des droits de l’homme et les ar- rêts de la Cour européenne. Prise à la lettre, elle semble dessiner une frontière nette entre le journalisme et d’autres pratiques liées à la communication. Du fait de l’entrée en jeu du public dans la circulation des informations et des opinions, la séparation est désormais moins marquée.] L’attention portée aux affaires publiques est tenue pour un critère discriminant de l’identité journalistique, telle qu’elle s’est affirmée dans l’histoire.

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Elle s’est élargie aux affaires rencontrant un fort écho social. Les unes et les autres se réclament d’un intérêt public. Celui-ci continue d’apparaître comme un critère d’agrégation ou de rejet des pratiques, d’intégration ou d’exclusion des divers agents d’une communication protéiforme en activité dans l’espace public. [Pourtant, tout ce qui est publié par les médias ne répond pas nécessairement à l’intérêt public, même entendu au sens large. De nombreux contenus affichent l’ambition plus mo- deste de satisfaire les intérêts du public, des intérêts supposés, divers et variables, qu’il n’est pas toujours aisé de circonscrire. Cette information se situe dans l’ombre du discours de légitimation du métier, essentiellement fondé sur le «noyau dur» des nouvelles, les hard news.] [La diversité des pratiques journalistiques et l’hétérogénéité des statuts professionnels répondent à des comportements «éclatés» du public autant qu’elles contribuent à les façonner. Le service de l’intérêt public n’apparaît pas partout comme l’un de ses traits dominants.] Le Web élargit le domaine des affaires publiques. À la perte de capital symbolique des médias d’information s’ajoute la secousse provoquée par l’arrivée d’une myriade d’«édi- teurs» de tout acabit, dont le premier souci apparent est d’assurer leur liberté d’expression individuelle. Parmi les blogueurs, il s’en trouve même qui se défendent de répondre à un quelconque souci d’intérêt public. [Le piège serait cependant d’apprécier leur fonctionnement en le référant nécessaire- ment à l’aune des comportements attendus des journalistes. Ne faut-il pas admettre au contraire que l’activité des blogueurs et autres internautes est précisément l’un des élé- ments constitutifs du bien commun en démocratie ?] Le fait d’attirer l’attention de la communauté virtuelle sur des causes ou des intérêts qui leur seraient propres est aussi une manière de faire émerger ces causes et ces intérêts dans la sphère publique, de les soumettre à des échanges d’arguments, à des témoi- gnages, à des récits d’expériences. Et d’élargir ainsi le domaine des affaires considérées comme «publiques». En référence à la vérité, une question de fabilité La recherche de la vérité reste le noyau de l’éthique journalistique, mais elle est soumise à un nouveau régime. La fabilité des informations L’enjeu est énorme en raison de la masse des informations en circulation et de l’état de bouclage permanent. Quand faut-il considérer que l’information est constituée, donc fiable? Comment s’assurer, sur le vaste marché du Web, de l’origine d’une information : qui s’exprime, sur quel site, avec quelle intention ? [Un journaliste du New York Times a établi une échelle d’évaluation de la fiabilité des sites selon les noms de domaines (.gov ; . edu ; .org ; etc.), la Data Internet Integrity Scale.] La stabilité incertaine des images Envoi d’amateurs, contexte incertain (risque manipulation), manque du premier «chaî- non» (le photographe ou caméraman professionnel sur place).

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[Cas Chris Stevens (septembre 2012), ambassadeur américain mort lors de l’attaque du consulat de son pays à Benghazi (Libye).] La tentation de la rumeur et le journalisme de pari L’exploitation immédiate d’une nouvelle mise en ligne, dans le meilleur des cas après une vérification rapide sur d’autres sites d’information (ou simple tweets !) donnés comme sources… quitte à rectifier plus tard. Mais alors, souvent trop tard. Les relations avec les sources et la loyauté des méthodes La nécessité de s’annoncer comme journaliste lors d’une participation à des forums de discussion, de demander l’autorisation d’exploiter un contenu sur un réseau social (voir plus loin, à propos de la vie privée, la différence entre visible et public). Les nouveaux développements Le Data journalism (journalisme de données) et le Fact checking (vérification des faits) prennent une nouvelle ampleur. La participation du public La participation du public à l’élaboration de la vérité s’effectue sous l’exigence éthique de la meilleure aptitude à la justification, qui relève d’une approche pragmatique, mais aussi au risque de la transparence pouvant mettre en cause des tiers, sans véritables raisons nécessaires à la constitution de l’information.] En référence au respect de la personne, des responsabilités longues Le respect de la personne renvoie à un volet de l’éthique journalistique étroitement lié au droit. Les médias sont depuis longtemps directement concernés par un certain nombre de biens directement attachés à la notion juridique de «personne» ou de «personnalité». [Le droit à l’honneur et à la réputation, qui inclut le droit à l’oubli, le droit à la vie privée, le droit à l’image et à la voix sont particulièrement mis en jeu par le traitement médiatique.] L’Internet les soumet à des conditions nouvelles, sur lesquelles il semble nécessaire de réfléchir. De manière concrète, mais nullement exhaustive, mon expérience de médiateur conduit à nous pencher sur deux aspects. Quelle exploitation journalistique des réseaux sociaux ? Le plus important tient aux nouvelles frontières de la vie privée. [C’est un aspect sur lequel, en quelques lignes introductives à son chapitre sur l’élargis- sement de l’espace public, Dominique Cardon nous paraît particulièrement lumineux13.] [Cardon oppose la conception spatiale de l’espace public et sa conception normative.] [Selon l’approche spatiale, «est public ce qui est visible et accessible à tous».] [Le droit et la jurisprudence s’en sont inspirés lorsque s’opèrent les distinctions entre le public et le privé, voire l’intime, appliquées aux publications dans les médias.] Selon la conception normative de l’espace public, que Jürgen Habermas définit comme un espace symbolique, c’est la référence à l’intérêt général qui confère aux contenus mé- diatiques leur caractère public.

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Les médias traditionnels se référaient à ces deux conceptions, dont Cardon note qu’elles se superposaient approximativement : «Les propos rendus visibles par les médias d’infor- mation, selon la première définition, avaient aussi un caractère public, selon la seconde». Or, poursuit-il, «avec Internet, certaines choses visibles ne sont pas pour autant pu- bliques». C’est notamment le cas sur les réseaux sociaux. La question est donc : Les médias sont- ils légitimés à rendre public (sur leurs sites, sur papier, à la radio ou à la télévision) ce qui est mis en ligne sur Facebook ou Twitter ? [Le Conseil suisse de la presse, dans une prise de position14 de septembre 2010, s’est penché sur la question. Le propos est nuancé. Des individus de plus en plus nombreux publient sur l’Internet des informations et des images de caractère privé. Cela ne signifie pas qu’ils renoncent pour autant à la protection de leur sphère privée. Ni que les médias soient autorisés à reproduire et répandre sans autre ces contenus.] [Les journalistes sont invités à s’interroger sur l’intention de la personne qui s’expose ainsi dans l’espace public numérique, sur la nature du contenu, sur le contexte de sa mise en ligne. L’examen est désormais facilité par des opérations de filtrage qui permettent à un internaute disposant par exemple d’un profil sur Facebook de moduler la destination de ses messages, selon qu’ils sont adressés à un large public ou à un cercle de proches.] Quelles que soient les précautions prises par l’internaute, les journalistes sont tenus de procéder, dans ce cas comme dans d’autres, à une pesée des intérêts. Quel est l’intérêt qui prédomine, celui du public à être informé ou celui de la personne à une protection de sa vie privée ? La situation peut paraître paradoxale. Même s’il prétend à un caractère privé, un message sur l’Internet est offert en théorie à une audience planétaire. Selon une conception spa- tiale, il fait tomber de lui-même toute protection. C’est cependant la publication dans un média proche, un journal local par exemple, qui lui assure un véritable écho social et qui, selon le contenu, peut alors constituer une violation de la vie privée. [A cela s’ajoute les classiques distinctions déontologiques concernant le statut et l’identité des personnes ainsi «médiatisées» : selon que l’internaute est un citoyen lambda ou qu’il est une personnalité connue du grand public, des propos ou des images diffusées sur un réseau social ne sont pas également exploitables par les médias traditionnels, en vertu de la conception normative de l’espace public.] Quel droit à l’oubli ? Le second aspect de la protection de la personne nécessitant une réflexion nouvelle porte sur le droit à l’oubli. Au sens strict, le droit à l’oubli concerne un délinquant en voie de purger sa peine ou s’en étant déjà acquitté. Il découle de l’un des buts essentiels de la répression : la réinsertion dans la société. Il s’étend à des personnes qui ont eu des attitudes contraires à l’honneur, en termes toutefois moins catégoriques15. [Les médias traditionnels n’ont pas à réveiller d’anciennes affaires, à moins que leur évo- cation ne corresponde à un intérêt public prépondérant. Qui cherchait autrefois à s’en enquérir malgré tout, pour des motifs personnels, devait mener dans leurs archives des recherches souvent longues et compliquées.]

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Par son étendue et la pérennité de ses contenus, l’Internet accroît les risques de dom- mages provoqués par une publication portant atteinte à la réputation ou à la vie privée des gens. Contrairement aux archives des médias traditionnels, les archives électroniques des jour- naux ou autres médias se consultent aisément à propos de quiconque, de n’importe où et pendant une durée indéterminée. Du coup, la protection d’un «droit à l’oubli» tend à s’appliquer à toute personne reven- diquant simplement de vivre tranquillement sa vie, quel qu’en ait été le cours. Sans que soient rappelés, à partir de la simple inscription de son nom sur un moteur de recherche, des épisodes de son existence sans relation avec la situation présente. [Jusqu’au printemps 2014, on pouvait ainsi considérer que Google et Yahoo ignoraient tout du droit à l’oubli. Ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui. Une évolution très impor- tante s’est produite en Europe.] [Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mai 2014 relance en effet le débat sur le droit à l’oubli, aussi bien dans les cercles juridiques que dans les milieux journalistiques.] [Il est d’ailleurs plutôt question aujourd’hui d’un droit à l’effacement. Davantage encore depuis cet arrêt, d’un droit au non-référencement ou encore à la désindexation.] Selon la Cour de justice européenne en effet, il appartient au moteur de recherche de s’interdire d’afficher un lien vers un contenu contesté pour de justes motifs par l’intéressé. [L’arrêt n’impose donc pas d’interventions directes dans les archives électroniques des journaux ou d’autres sources de données ; il met à la charge du moteur de recherche la suppression du référencement au lien qui y conduit.] Il suffit que les données personnelles contestées soient considérées comme inadéquates, non pertinentes, excessives ou obsolètes. Les droits fondamentaux de la personne prévalent donc sur tout autre. Il n’en reste pas moins qu’est explicitement réservée une recherche justifiée par un intérêt public prépon- dérant à accéder à l’information. [La Cour admet donc des «raisons particulières» de maintenir le référencement à des données personnelles. Ainsi le rôle joué par le personne concernée dans la vie publique. C’est une manière de retomber sur les critères déontologiques jusqu’ici appliqués par les journalistes et les médias.] La capacité des moteurs de recherche de dénicher dans le passé d’une personne tout faux pas ou simplement tout comportement bizarre qui auraient été rendus publics par un média, parfois du fait même de leur auteur, interpelle de toute manière le journalisme. Elle engage un sens des responsabilités «longues» lorsqu’il s’agit de relater ou reproduire pour la première fois un fait dans les médias, d’en décrire en détail les protagonistes, de publier les identités ou toute autre donnée permettant de les reconnaître. Il ne s’agit plus seulement de veiller à la protection immédiate de la personne, en lui épar- gnant une atteinte illicite. Il s’agit aussi de garder à l’esprit que la permanence de certaines données, de manière prévisibles ou non, pourrait lui porter un jour un préjudice dispropor- tionné. L’Internet impose à coup sûr des examens à nouveaux frais.

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CONCLUSION : POUR UNE ÉTHIQUE PARTICIPATIVE La démocratisation de la communication crée un malentendu. Un irrépressible enthou- siasme a promu dans les premières années du 21e siècle le slogan «Tous journalistes». Comme s’il suffisait d’assurer une maîtrise technique des modes de transmission, de par- tager un champ commun d’intérêts, de copier des procédures d’écriture ou de mise en scène pour revendiquer instantanément et pleinement un statut professionnel. Le malentendu dissipé, l’équivoque demeure. Sur l’Internet, il est difficile au journaliste de brandir un coupe-file ou de sortir une carte de presse. Il ne peut plus se réclamer de son statut comme d’un privilège. Une appartenance visible à un média en ligne n’est qu’un in- dice. Le journalisme n’a jamais été exclusivement attaché à une organisation médiatique. Désormais, les fonctions qui le désignent sont également assumées en tout ou en partie, de manière plus ou moins cohérente et conséquente, par nombre d’internautes participant à la vie du Web. Qu’est-ce que le journalisme ? Qui est journaliste ? L’impossibilité de répondre sûrement à ces deux questions conduit à s’en poser une autre : en quoi est-ce du journalisme ? Dans le débat actuel, la formulation est décisive. Elle fait tomber les barrières corporatistes. Contre un réflexe protectionniste souvent observé, elle restaure l’ouverture qui a toujours caractérisé le métier. Elle envisage que les conditions principales d’un journalisme au service de la communauté en démocratie soient également remplies par des citoyens qui ne sont pas des journalistes. Elle suppose alors que soient satisfaites certaines conditions : n un attachement à l’actualité et à son suivi, par des publications régulières ; n une intention de partage (médiation, communication) et non seulement d’expression personnelle. n la démonstration d’une indépendance ; n l’adhésion à un projet de journalisme justifié, par une information respectueuse des faits et des personnes, autrement dit conforme aux valeurs éthiques du métier. C’est ouvrir la voie à une responsabilité partagée. Dans un essai déjà ancien, Éthique de l’information (1997), j’ai suggéré une participation des citoyens, plus largement du public, à un projet de défense et d’illustration de la liberté de l’information comme bien commun, dans une perspective communautaire. J’y évoquais des devoirs et des droits nouveaux. C’était une manière de tisser les liens d’une responsabilité collective, associant les médias et leur public. Les conditions ont changé, profondément. L’Internet élargit l’espace public, il supprime les prés carrés et les privilèges. Il reconnaît à tout citoyen un usage concret de la liberté de l’information et de la communication. En même temps, il met à la charge de chacun la responsabilité de contribuer à la préser- vation de ce bien commun. La voie est ouverte à une éthique participative. Aux médias, aux journalistes de montrer l’exemple en commençant par appliquer à eux- mêmes cette affirmation de leur identité : Non par «ce qu’ils sont ou même par ce qu’ils font», mais par « comment et pourquoi ils le font16». ! Partir d’un constat, le professeur Daniel Cornu a développé que l’internet déclasse par sa réactivité et sa rapidité les médias.

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RÉSUMÉ (1)- Roman Jakobson, Linguistique et poétique. Essais de linguistique générale, Paris 1963 ; trad. de Closing Statements : Linguistics and Poetics, A partir d’un constat, le Pr. Daniel Cornu a développé Style in Language, New York, 1960. le thème «éthique, déontologie et pratique du journa- (2)- Thomas Kuhn, La structure des révolu- lisme au temps de l’internet». Internet déclasse par sa tions scientifiques (1962), Paris, Flammarion réactivité et sa rapidité les médias traditionnels et cette («Champs»), 1983. «nouvelle» pratique journalistique qui surfe sur l’instan- (3)- Benoît Grevisse, Déontologie du journalisme. tanéité est portée sur le net par le net par les acteurs Enjeux éthiques et identités professionnelles, Bruxelles, De Boeck, 2010, p. 247. La métaphore nouveaux dans les circuits de l’information. Un simple de la tour d’ivoire apparaît comme pertinente en citoyen muni d’un téléphone est en mesure aujourd’hui matière d’expression de l’opinion. Elle ne l’est pas de poster une photo, une vidéo qui fait le buzz. dans le domaine de l’information, de nombreux journalistes des médias traditionnels continuant «Le web offre une autre vision du monde, un autre de cultiver les contacts sur le terrain et s’exposant agencement et une autre présentation des événe- immanquablement à des «retours» de la part des acteurs et du public. ments, il se réclame de références exemplaires diffé- (4)- Gabriel Tarde, L’Opinion et la foule, Paris, rentes». Editions du Sandre, 2009, p. 68. Nous avons briè- vement explicité le caractère précurseur de Tarde, Des mutations s’opèrent dans les pratiques journa- annonçant les compétences «conversationnelles» listiques» juge le Pr. Daniel Cornu, en guise d’intro- aujourd’hui requises des journalistes sur la Toile, duction à son sujet. Historiquement, il a rappelé qu’il dans Les médias ont-ils trop de pouvoir ?, y a eu d’abord le journalisme qui devait certainement Paris, Seuil, 2010, p. 44-46. (5)- Benoît Raphaël a proposé un inventaire pro- penser aux débuts violents de la presse durant la ré- visoire, mais d’emblée pertinent des nouvelles activi- volution française quand les intellectuels ont pris leur tés du journaliste numérique sur son blog demain plume pour défendre les idées de Robes Pierre, Marat tous journalistes ?, à la suite des deuxièmes Assises et autres penseurs polémistes. Ensuite vient le jour- du journalisme de Lille, en 2008 : http://benoit-ra- nalisme d’information, celui-là soucieux de rigueur et phael,blogspot.com/2008/05/journalistes-rvolu- tion-ou-cholra.html (consulté le 28 novembre 2011). d’une relative objectivité dans la restitution des faits. Benoît Raphaël est le fondateur de «Le Post» en 2007, site participatif du Monde. Il l’est aussi de «Le Aujourd’hui, sous la poussée du web, un nouveau pa- Plus», en mai 2011, pour le Nouvel Observateur. radigme s’ajoute aux premiers: le journalisme de com- (6)- «Les médias face à leurs publics : la nouvelle munication. «Ce grand changement est le fait d’une imputabilité», Agence universitaire de la francopho- intervention inédite et puissante du public depuis l’avè- nie, Organisation internationale de la francophonie, Université d’Ottawa (papier d’appel de propositions nement du web 2.0 au milieu de la première décennie en vue d’un colloque prévu du 18 au 20 mai 2016), ème du 21 siècle. Les citoyens réagissent directement mars 2015. aux contenus journalistiques diffusés par les médias, (7)- Présentation librement adaptée de Marc-Fran- sans devoir nécessairement passer par eux ni se sou- çois Bernier : «La montée en puissance d’un “5ème mettre à leurs filtres», tranche le Pr. Daniel Cornu. pouvoir“ : Les citoyens comme acteurs de la corégu- lation des médias ?», Ethique publique, vol. 15, no Il est de tradition de conférer aux médias la fonction et 1, 2103, Editions Nota bene, Québec, p. 171-172. la classification de «quatrième pouvoir». Avec le web, (8)- Le Monde, 8 avril 2015. un cinquième pouvoir est apparu : la société civile et (9)- Ibid. p. 182. son recours massif, généralisé, instantané aux ré- (10)- Ibid. p. 179. (11)- Ibid. p. 179-180. seaux sociaux. «Les changements dans les pratiques (12)- Bernier parle à ce propos d’une fonction de de communication mettent à jour de nouveaux défis «bon voisin». éthiques (quelle légitimation ?) et de nouveaux enjeux (13)- Toutes les citations qui suivent, y compris les déontologiques (quelle régulation ?)… expressions entre guillemets insérées dans le texte, sont reprises de La démocratie Internet, op. cit., p. Les réflexions s’articulent sur les trois valeurs éthiques 35-36. dominantes du journalisme : la liberté de l’information, (14)- La prise de position du 1er septembre 2010 la recherche de la vérité et le respect de la personne du Conseil suisse de la presse est disponible sur humaine, telles qu’elles se dégagent de la plupart des http://www.presserat.ch/28350.htm (consulté le 30 novembre 2011). chartes déontologiques. Elles ouvrent la voie à une (15)- Voir notamment Denis Barrelet, Droit suisse éthique participative, élargie à tous les acteurs de la de la communication, Berne, Staempfli, 1998, p. 380. communication, citoyens et journalistes. (16)- Cecilia Friend et Jane B. Singer, Online Jour- nalism Ethics. Traditions and Transitions, Amonk (New York), Londres, M. E. Sharpe, 2007, p. 41.

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AHMED ABDELLI

La liberté d’expression : Connotation historique et philosophique

Université des sciences islamiques - Emir Abdelkader - Constantine 9 mai 2015 Ahmed Abdelli, né le 8 Décembre 1976 à Alger, est maître de conférence «A» à l’Université de l’Emir Abdelkader (Constantine). n Doctorat en Sciences de l’information et de la communication, Titre de la thèse: l’utilisation de l’Internet et le changement culturel chez les jeunes algériens. Dépar- tement de la Daâwa, Information et Com- munication, Université de l’Emir Abdelkader des Sciences islamiques - Constantine - Algérie. n Chef de département de la Daâwa, Information et Com- munication, Université de l’Emir Abdelkader Sciences islamiques - Constantine. n Ayant participé à de nombreux séminaires nationaux et internationaux. n Il a publié plusieurs ouvrages communs. n Des articles dans des revues nationales et internatio- nales. n Membre de l’Association algérienne des études philo- sophiques. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA LIBERTÉ D’EXPRESSION : CONNOTATION HISTORIQUE ET PHILOSOPHIQUE

e combat pour la liberté de la parole est très ancien et les différentes civilisations ont connu L plusieurs formes et couleurs de lutte pour ça, 4 La liberté des médias l’histoire humaine est pleine d’histoires passionnantes est possible dans le cadre sur le sacrifice pour la liberté d’expression. de la perception de l’Etat Cependant, les débuts réels de l’adoption du principe et de sa politique et de son de la liberté d’expression est lié à la révolution qui a idéologie. renversé le roi Jacques II d’Angleterre en 1688 où il a 4 La liberté des médias reconnu, plus tard, la loi de la liberté d’expression au est possible dans le cadre Parlement. de la responsabilité sociale, Dans ce sens, les efforts se succédèrent en s’amé- c’est-à-dire la concentra- liorant avec la Révolution française en 1789 pour se tion sur la considération développer plus tard en chartes et lois avec la Dé- nationale et les intérêts claration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Organisation des Nations Unies, de laquelle se suprêmes de l’Etat dérive le droit à l’information, considéré comme droit et de la société. fondamental égal au droit à la vie. Du point de vue philosophique le droit à l’information est lié à la nature des régimes politiques au pouvoir et leur conception à ce droit, la théorie libérale considère que la liberté d’expression des médias est garantie sans restrictions ou contrôles et est inviolable, alors que les partisans de la théorie autoritaire considèrent que la liberté des médias est possible dans le cadre de la perception de l’Etat et de sa politique et de son idéologie, et il a le droit d’exercer un contrôle sur les publications, et il a le droit d’ annuler les licences… en plus d’autres pratiques qui peuvent atteindre la répression par- fois. Alors qu’une autre partie estime que la liberté des médias est possible dans le cadre de la responsabilité sociale, c’est-à-dire la concentration sur la considération nationale et les intérêts suprêmes de l’Etat et de la société. Ce document aborde les différents aspects historiques de l’évolution du concept de la liberté d’expression en général et les médias en particulier, ainsi que diverses théories de l’information qui lui sont associées.

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LEILA FILALI

Manifestations des valeurs démocratiques : La liberté de pensée et d’expression dans la législation algérienne sur l’information

Université des sciences islamiques - Emir Abdelkader - Constantine 9 mai 2015 Leila Filali, née le 10 Juillet 1972 à la wi- laya de Constantine, maître de conférence «A», à l’Université de l’Emir Abdelkader des Sciences islamiques Constantine - Al- gérie, depuis le 2 Novembre 2000, facul- té de théologie de la charia et de la civi- lisation islamique, actuellement appelée faculté de théologie, département de la Daâwa, l’information et la communication, et responsable de l’équipe de formation dans la spéciali- té journalisme, depuis le début du deuxième semestre de l’année universitaire 2012-2013 à ce jour. Les diplômes obtenus : n Baccalauréat Mathématiques. Juillet 1991, Constantine. n Licence Juin 1995, Université d’Alger, Institut des sciences de l’information et de la communication, spécia- lité communication et relations publiques. n Magistère en sciences de l’information et de la com- munication, 30 Avril 2000, département des sciences de l’information et de la communication. n Doctorat en sciences de l’information et de la commu- nication, 21 Septembre 2013, université d’Alger 3, Faculté des sciences de l’information et de la communication, dé- partement des sciences de l’information et de la commu- nication. Titre de la thèse : «la mondialisation médiatique et communicationnelle et les valeurs démocratiques en Algérie : étude prospective». RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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MANIFESTATIONS DES VALEURS DÉMOCRATIQUES : LA LIBERTÉ DE PENSÉE ET D’EXPRESSION DANS LA LÉGISLATION ALGÉRIENNE SUR L’INFORMATION

a liberté d’opinion et d’expression a connu des changements ininterrompus à travers les constitutions et les lois en Algérie, surtout que 4La liberté d’opinion et L d’expression a connu des l’Algérie a vécu d’importantes haltes médiatiques après l’indépendance. changements ininterrom- pus à travers les constitu- Cependant l’état de la législation médiatique en Algérie ne diffère pas beaucoup des situations qui prévalent tions et les lois en Algérie. dans la plupart des Etats modernes ayant adopté les 4L’état de la législation principes libéraux, bien qu’elle se distingue par des médiatique en Algérie ne tentatives de rassembler toutes les règles relatives à diffère pas beaucoup des l’information, en tant que droit humain et une activité sociale, culturelle et commerciale, dans une ossature situations qui prévalent appelée «la loi de l’information», qu’il s’agisse de l’ère dans la plupart des Etats du parti unique (loi de 1982), ou l’ère de l’expérience modernes ayant adopté les pluraliste (loi de 1990) et (Loi de 2012). principes libéraux. Il est à noter que la plupart des constitutions du Maghreb consacrent, à peine, une seule phrase sur la liberté de la presse, stipulant «la liberté de la presse et d’expression est garantie dans les limites de la loi», ensuite l’application et l’interprétation de cette loi varient d’un extrême à l’autre. Est-ce que les réformes politiques et médiatiques annoncées en 2011 ont donné lieu à des mesures pour garantir réellement le droit à la liberté d’opinion et d’expression dans la législation sur les médias en Algérie ? Parce que cette dernière pose la problématique d’incompatibilité avec les répercussions de la mondialisation médiatique et communica- tionnelle en tant que principes de circulation de l’information, des idées et des opinions dans le marché médiatique. En fait, quand on parle de législation sur les médias dans sa relation avec la circulation de l’information, vient à l’esprit ces restrictions que les pouvoirs publics œuvrent à mettre en place sous forme de lois donnant la légitimité aux actes qui restreignent la liberté de la presse et de l’information. A partir de ce qui précède, quelles sont les manifestations les plus importantes, telles que la liberté d’opinion et d’expression, dans la législation algérienne sur les médias dans le processus de transformation démocratique ?

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 89 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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Pour répondre à cette problématique, Leila Filali a divisé sa recherche en deux axes consistant à décrire deux étapes : étape de la législation avant le pluralisme médiatique et le deuxième axe décrit la législation après le pluralisme médiatique, qui, à son tour, est divisé en deux phases : avant et après la promulgation de la loi instaurant l’état d’urgence. Docteur Leila Filali s’est concentrée sur ces deux phases dans l’élucidation des valeurs démocratiques contenue la législation algérienne sur les médias.

90 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux BASSIM TWEISSI

Le professionnalisme et la crédibilité dans les médias arabes

Palais de la culture «Moufdi Zakaria» - Alger 10 juin 2015 Bassim Tweissi, né en 1967 en Jorda- nie, doyen de l’Institut jordanien de l’Infor- mation, a un doctorat en études d’infor- mation de l’université du Caire et études spécialisées en information post doctorat de l’Université Florida. Il a été Directeur d’études et de conseil à l’université Hussein Ben Talal et conseiller du recteur de l’université pour les affaires culturelles et des médias et professeur participant en études des médias et stratégiques et fondateur de radio Sawt El Djanoub. Chroniqueur au quotidien jordanien EL GHAD et ancien membre du haut conseil de l’information jordanien. Il a publié six ouvrages et il est le chercheur principal dans le projet «développer les normes professionnelles et la qualité des médias». RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE PROFESSIONNALISME ET LA CRÉDIBILITÉ DANS LES MÉDIAS

r. Bassim Tweissi, a relevé «une crise de pro- fessionnalisme» chez les médias satellitaires D dans le monde arabe depuis les perturbations 4L’explosion quantitative de 2011, soulignant l’explosion quantitative du conte- du contenu médiatique. nu médiatique au détriment de l’apport qualité et la 4La pollution des chaînes pollution des chaînes spécialisées dans «le journa- spécialisées dans «le jour- lisme religieux». nalisme religieux. «Le volume quantitatif des médias arabes a augmenté 4Le volume quantitatif des de trois à quatre fois depuis 2011, passant de 400 à 1400 chaînes satellitaires en quatre ans», a t-il affir- médias arabes a multiplié mé. «Une explosion médiatique qui ne rime pas tou- de trois à quatre fois depuis jours avec la qualité» a t-il poursuivi. 2011. S’appuyant sur les données de l’Union des radios 4l’investissement poli- arabes, Dr. Bassim Tweissi, qui est également fonda- tique dans le journalisme teur de la radio Sawt El Arab, a indiqué qu’environ une religieux est une réalité que centaine de chaînes de radios agrées dans les pays nul ne peut nier. arabes sont spécialisées dans le «journalisme reli- 4Le professionnalisme est gieux». un enjeu à cultiver. «Au moins 16% de ces stations diffusées par satellite alimentent le sectarisme et le charlatanisme religieux et dirigent de façon directe ou indirecte les conflits re- ligieux. Elles sont là pour véhiculer des messages des extrémistes et terroristes», a t-il ajouté, en citant comme exemple, la transmission de l’exécution du pilote jordanien enlevé par le groupe autoproclamé «Etat islamique Daech», poursuit-il «en procédant à l’émis- sion de telles atrocité les médias ont rendu service à ce groupe terroriste», a t-il estimé. Dr. Bassim Tweissi, a noté que «les investissements en matière de journalisme religieux s’élèvent à 20 milliards de dollars» tandis que «la recette publicitaire ne dépasse pas les 2 milliards de dollars», ajoutant que l’investissement politique dans le journalisme religieux est une réalité que nul ne peut nier. Il n’a pas manqué également d’expliquer «comment les pays n’ayant pas connu de pertur- bations au passage du Printemps arabe, à l’instar de l’Algérie et de la Jordanie ont pu redorer l’image de leurs médias nationaux et gagner à nouveau le capital confiance de leurs publics respectifs», jugeant qu’après 2011, les médias nationaux ont pris le dessus sur ceux appartenant au paysage médiatique régional. Ces médias dont certaines chaînes de télévisions satellitaires se sont transformées en des «outils de conflit au lieu de jouer leur rôle d’observateur, d’aucuns étaient parties prenantes du Printemps arabe, ce qui a donné lieu à une dégringolade du professionnalisme et de la crédibilité des médias arabes», a t-il mentionné Dr. Bassim Tweissi a conclu que «le professionnalisme est un enjeu à cultiver dans la du- rée, mettre l’intérêt général au dessus de toutes autres considération, former davantage les journalistes, leur inculquer les principes de métier à savoir, l’exactitude et la vérification».

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DOMINIQUE VON BURG

La déontologie garante d’un journalisme crédible

Palais de la culture «Moufdi Zakaria» - Alger 20 septembre 2015 Dominique Von Burg, né en 1946. Après une licence en histoire et en français obtenue à l’Université de Fribourg, il entre en 1969 à la Tribune de Genève comme journaliste stagiaire. Il est engagé comme journaliste avant d’être détaché, de 1974 à 1977, à Washington (USA), en qualité de correspondant permanent. Il est nommé responsable de la rubrique Suisse. Fin 1979, il entre à la Télévision Suisse Romande où il travaille d’abord, comme correspondant parlementaire à Berne, puis comme reporter à l’émission «Temps Pré- sent». Il est ensuite promu co-producteur du magasine «Écho» puis producteur de «Temps Présent» avant d’être nommé rédacteur en chef du télé-journal. Il poursuit son activité en qualité de producteur des émis- sions «Tell Quel» «2001 et «Droit de cité». Il est rédacteur en chef responsable de la Tribune de Ge- nève de 2000 à 2006. Depuis le 1er janvier 2008, il est le Président du Conseil suisse de la presse. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA DÉONTOLOGIE GARANTE D’UN JOURNALISME CRÉDIBLE

a déontologie, c’est l’ensemble des règles ap- pliquées par une profession. On connaît celle L du corps médical par exemple, ou encore celle 4Le respect de la déontolo- des avocats. Alors pourquoi une déontologie pour les gie par les journalistes est journalistes ? Parce que les journalistes remplissent une manière de se distin- un rôle indispensable à une société libre et démocra- guer. tique : livrer une information crédible. 4Le jour où l’information De nos jours, le respect de la déontologie par les jour- des journalistes ne bénéfi- nalistes est une manière de se distinguer. Le public ciera plus d’un surcroît de est soumis à une surinformation permanente, et sur crédibilité, elle aura perdu l’Internet et les réseaux sociaux, n’importe qui peut son utilité. informer le public dans son ensemble. Le jour où l’in- formation des journalistes ne bénéficiera plus d’un 4Le rôle du journaliste est surcroît de crédibilité, elle aura perdu son utilité. de rechercher la vérité, en toute indépendance et dans L’autocontrôle au moyen de la déontologie évite des contrôles extérieurs, notamment de la part de l’Etat. le respect des personnes. L’histoire de la fondation du CSP suisse le montre 4l’information est d’un bien. Dans un premier temps, les journalistes suisses intérêt public important ; et ont adopté une Charte, mais quant à la création d’un elle ne peut être obtenu par Conseil de la presse, ils étaient très divisés. Il a fallu, les moyens conventionnels. au début des années 1970, que le monde politique envisage une forme de contrôle du contenu des mé- dias pour que les journalistes se décident et créent le Conseil de la presse. Ils ont ainsi échappé à un contrôle étatique.

LA DÉCLARATION DES DEVOIRS ET DES DROITS DES JOURNALISTES Dans son préambule, elle revendique pour les journalistes un rôle social imminent : «Le droit à l’information, de même qu’à la libre expression et à la critique, est une des libertés fondamentales de tout être humain. Du droit du public à connaître les faits et les opinions découle l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes. Aussi la responsa- bilité de ces derniers envers le public doit-elle primer celles qu’ils assument à l’égard de tiers, pouvoirs publics et employeurs notamment.» Le rôle du journaliste est de rechercher la vérité, en toute indépendance et dans le respect des personnes. On peut lire la Déclaration selon ces trois éléments clés.

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RECHERCHER LA VÉRITÉ Chiffre 1 : «Rechercher la vérité, en raison du droit qu’a le public de la connaître et quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même.» Ça veut dire ne pas se contenter des informations qu’on nous sert. Vérifier les informa- tions. Multiplier les points de vue (l’objectivité est une notion philosophique, je préfère parler de multiplicité des points de vue). Chiffre 3 : «Ne publier que les informations, les documents, les images et les sons dont l’origine est connue ; ne pas supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels ; ne dénaturer aucun texte, document, image et son, ni l’opinion d’autrui ; don- ner très précisément comme telles les nouvelles non confirmées ; signaler les montages photographiques et sonores.» Chiffre 5 : «Rectifier toute information publiée qui se révèle matériellement inexacte.» Chiffre 6 : «Garder le secret rédactionnel ; ne pas révéler les sources des informations obtenues confidentiellement.» Ce secret rédactionnel est capital. On ne peut pratiquer le métier de journaliste sans un lien de confiance avec ceux qui nous informent. Donc il convient de ne pas citer une source si elle ne le souhaite pas. Mais il faut auparavant essayer de la convaincre d’être citée, ou pour le moins située (p ex : un membre du gouvernement, ou : un industriel im- portant, etc) pour le bénéfice de la compréhension du public.

L’INDÉPENDANCE Chiffre 2 : «Défendre la liberté d’information et les droits qu’elle implique, la liberté du commentaire et de la critique, l’indépendance et la dignité de la profession.» Chiffre 9 : «N’accepter aucun avantage, ni aucune promesse qui pourraient limiter son indépendance professionnelle ou l’expression de sa propre opinion.» Pour que les cadeaux qui sont souvent offerts aux journalistes, je propose une règle simple : N’accepter que ceux dont on peut parler librement sans rougir. Un repas, oui. Une montre de luxe ou une semaine dans les îles tous frais payés à l’invitation d’une marque automo- bile, non. Chiffre 10 : «S’interdire de confondre le métier de journaliste avec celui de publicitaire; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs publicitaires.» Il faut que les annonces publicitaires soient clairement séparées des textes rédactionnels. Aucune prestation rédactionnelle ne doit être offerte en contrepartie d’une annonce pu- blicitaire. Chiffre 11 : «N’accepter de directives journalistiques que des seuls responsables désignés de sa rédaction, et pour autant que ces directives ne soient pas contraires à la présente déclaration.» Donc ne pas accepter de directives directes de son éditeur (à moins qu’il soit aussi rédac- teur en chef) et encore moins d’un annonceur.

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LE RESPECT DES PERSONNES Chiffre 4 : «Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des sons, des images ou des documents; ne pas manipuler ou faire manipuler des images par des tiers en vue de les falsifier; s’interdire le plagiat.» Un cas particulier intéressant concerne les «recherches cachées» (caméra cachée ou journaliste ne révélant pas sa profession). Elles ne sont en principe pas autorisées. Pour qu’elles soient licites d’un point de vue déontologiques, deux conditions doivent être rem- plies : l’information est d’un intérêt public important ; et elle ne peut être obtenu par les moyens conventionnels. Chiffre 7 : «Respecter la vie privée des personnes, pour autant que l’intérêt public n’exige pas le contraire; s’interdire les accusations anonymes ou gratuites.» Je reviendrai plus en détail sur la protection de la personnalité, car elle prend une impor- tance croissante. Chiffre 8 : «Respecter la dignité humaine ; éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son, à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion, à son sexe ou à l’orientation de ses mœurs sexuelles, ainsi qu’à toute maladie ou handicap d’ordre physique ou mental, qui aurait un caractère discriminatoire; le compte rendu, par le texte, l’image et le son, de la guerre, d’actes terroristes, d’accidents et de catastrophes trouve ses limites dans le respect devant la souffrance des victimes et les sentiments de leurs proches.» En ce qui concerne l’interdiction de la discrimination, il faut faire une pesée d’intérêt entre la valeur informative et le risque de discrimination. Le Conseil de la Presse suisse ne constate que très rarement une discrimination coupable, car il attache une très haute importance à la liberté de l’information et d’expression. Pour qu’il y ait discrimination aux yeux du CSP, il faut viser un groupe de personnes par des qualificatifs dégradants. Mais dévoiler par exemple la nationalité d’un criminel, alors qu’un débat politique s’est instauré sur le renvoi des délinquants étrangers de Suisse, le CSP considère que c’est licite.

LES DROITS DES JOURNALISTES La deuxième partie de la Charte déontologique des journalistes suisses consacre leurs droits. Ils doivent pouvoir en jouir pour pouvoir remplir la mission qui leur est assignée. «a. Libre accès à toutes les sources d’information et droit d’enquêter sans entraves sur tous les faits d’intérêt public ; le secret des affaires publiques ou privées ne peut être op- posé que par exception, dûment motivée de cas en cas. b. Droit de n’accomplir aucun acte professionnel - et en particulier de n’exprimer aucune opinion - qui soit contraire aux règles de la profession ou à la conscience du journaliste. Il ne doit encourir aucun préjudice du fait de son refus. c. Droit de refuser toute directive et toute subordination contraires à la ligne générale de l’organe d’information auquel le journaliste collabore ; cette ligne doit obligatoirement lui être communiquée par écrit avant son engagement définitif ; elle n’est pas modifiable ni révocable unilatéralement sous peine de rupture de contrat.

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d. Droit à la transparence quant aux participations de l’employeur. Droit pour le/la journa- liste membre d’une équipe rédactionnelle d’être obligatoirement informé à temps et enten- du avant toute décision propre à affecter la vie de l’entreprise ; l’équipe des journalistes doit notamment l’être avant décision définitive sur toute mesure modifiant la composition ou l’organisation de la rédaction. e. Droit à une formation professionnelle et à une formation permanente adéquates. f. Droit pour de bénéficier de conditions de travail garanties par une convention collective, y compris le droit d’avoir, sans encourir de préjudice personnel, une activité au sein des organisations professionnelles.»

LE CONSEIL DE LA PRESSE Le Conseil de la presse est composé de 21 membres, divisé en trois Chambres (suivant des critères linguistiques). 15 membres sont journalistes, les 6 autres représentent le public. Les membres du Conseil sont élus par le Conseil de fondation, qui regroupe des représentants des syndicats de journalistes, des organisations d’éditeurs, des rédacteurs en chef et de la radiotélévision de service public. Tout le monde peut saisir le Conseil de la presse, sans être nécessairement personnelle- ment touché par l’article ou l’émission incriminée. Le Conseil de la presse n’a aucun pouvoir de sanction. Il ne fait qu’émettre des avis, mais tous sont publics (voir le site www.presserat.ch). Il représente donc une autorité morale, qui n’est pas sans influence. Il n’est pas rare que des plaignants préfèrent saisir leConseil de la presse plutôt que de saisir les tribunaux, Et surtout, au fil de ses avis, le Conseil de la presse nourrit la réflexion déontologique et adpate cette déontologie à l’évolution des médias. (voir plus bas le chapiter sur les avis concernant le journalisme en ligne).

LES DIRECTIVES RELATIVES À LA DÉCLARATION Au fil de sa pratique, leConseil de la presse précise sa doctrine et la fixe dans les«direc - tives relatives à la Déclaration des devoirs et des droits. Voici quelques exemples : Directive 3.1 : Traitement des sources «L‘acte premier de la diligence journalistique consiste à s‘assurer de l‘origine d‘une infor- mation et de son authenticité. La mention de la source est en principe souhaitable dans l‘intérêt du public ; sous réserve d‘un intérêt prépondérant au respect du secret de la source, celle-ci doit être mentionnée chaque fois qu‘elle constitue un élément important de l‘information.» Directive 3.8 : Audition lors de reproches graves «En vertu du principe d‘équité (fairness) et du précepte éthique général consistant à en- tendre les deux parties dans un conflit («audiatur et altera pars»), les journalistes ont pour devoir d‘entendre avant publication une personne faisant l‘objet de reproches graves. Ce faisant, ils doivent décrire avec précision les reproches graves qu’ils comptent publier. Il n‘y a pas d‘obligation de donner à la partie touchée par des reproches graves la même place, en termes quantitatifs, qu‘à la critique la concernant. Mais la prise de position doit être reproduite de manière loyale dans le même récit médiatique.»

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Directive 4.5 : Interview «Une interview journalistique repose sur un accord entre deux partenaires, qui en fixent les règles. Le respect de ces règles est affaire de loyauté. Dans une situation d‘interview, il doit être rendu évident que la publication de l‘entretien est prévue. Dans des conditions normales, une interview doit faire l‘objet d‘une autorisation. Sans accord explicite de l’in- terlocuteur les journalistes ne sont pas autorisés à construire après coup une interview sur la base d’un simple entretien. Toutefois, la personne interviewée ne pourra apporter de modifications substantielles, de nature à donner une autre orientation à l‘entretien (changement de sens, suppression ou rajout de questions, etc.) ; dans ce cas, le journaliste est en droit de renoncer à la publication ou de rendre transparente cette intervention. Lorsque les deux parties se sont entendues sur une version, il n‘est plus possible de revenir après coup sur des versions antérieures. Les déclarations de personnalités de la vie publique, qui sont faites en public, sont pu- bliables sans qu‘il soit nécessaire d‘en référer à leur auteur.» Directive 4.6 : Entretiens aux fns d’enquête La personne interrogée doit connaître le contexte, donc dans le cadre de quel enquête on lui demande son avis. Elle a le droit de demander qu’on lui soumette les citations. Il faut rendre attentif à ce droit les personnes qui n’ont pas l’habitude des médias. Elle a le droit de retirer sa déclaration.

DIRECTIVES CONCERNANT LE CHIFFRE 7 (protection de la vie privée) Ces directives sont très détaillées. Directive 7.1 : protection de la sphère privée. A quelles conditions peut-on pénétrer dans la sphère privée d’une personne ? Directive 7.2 : quand peut-on identifer un protagoniste ? Directive 7.3 : protection particulière des enfants Directive 7.4 : Présomption d’innocence Directive 7.5 : Droit à l’oubli Directive 7.6 : non lieu et acquittement Directive 7.7 : affaires de mœurs Directive 7.8 : Situations de détresse Directive 7.9 : Suicides (voir le détail sur www.presserat.ch)

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Une directive particulière détaillée : 7.2 : identifcation 4si on a l’accord explicite ou implicite de la personne (exemple d’accord implicite : la personne s’est exprimée publiquement) 4si la personne jouit d’une grande notoriété 4si elle exerce un mandat politique ou une fonction dirigeante (donc aussi dans la vie économique et sociale) 4pour éviter les confusions 4s’il y a un autre intérêt public. Suite à l’accident de la Germanwings, où le copilote a volontairement précipité plus de cent personnes dans la mort, le Conseil de la presse va préciser ce point : une identification est autorisée dans le cas dans événement de grande ampleur et ayant eu un grand retentissement. 4Si aucune de ces conditions n’est remplie, la protection de la vie privée l’emporte, et on ne nomme pas le protagoniste.

QUELQUES AVIS MARQUANTS DU CONSEIL DE LA PRESSE Indiscrétions (prise de position 1/97) En janvier 1997, un journal suisse («Sonntags-Zeitung») publie des extraits d’un rap- port stratégique confidentiel de l’ambassadeur suisse aux Etats-Unis. L’ambassadeur y dit notamment qu’on ne peut faire confiance aux juifs américains et que la Suisse doit agir comme si elle était en état de guerre. On se trouve en plein crise des fonds en dés- hérence. Le lendemain, deux autres journaux suivent, avec des extraits plus larges. Le gouvernement suisse lui-même saisit le Conseil de la presse. De telles fuites sont-elles légitimes ? Jugement du Conseil suisse de la presse : Par la présentation tronquée et le classement insuffisant du rapport stratégique la «Sonntags-Zeitung» a, d’une manière irresponsable, rendu l’opinion de Jagmetti dramatique et scandaleuse. De ce fait, elle a violé la «Décla- ration des devoirs et des droits du / de la journaliste» en omettant des éléments essentiels d’information (chiffre 3 des devoirs). Mais la publication elle-même était légitime. (1997/1) De fait, les deux autres journaux ne sont pas condamnés. Leur publication était plus équi- librée. Cet avis est à la base de la directive a.1 - Indiscrétions «Les médias sont libres de publier des informations qui leur sont transmises grâce à des fuites aux conditions suivantes : 4la source des informations est connue du média ; 4le sujet est d’intérêt public ; 4la publication ne doit pas toucher des intérêts extrêmement importants dignes de pro- tection, tels que des droits, des secrets, etc. ; 4il n’y a pas de raison prépondérante de surseoir à la publication ; 4l’indiscrétion a été commise à dessein et de plein gré par l’informatrice ou l’informateur.» Caricatures de Mahomet (prise de position 12/2006) En 2006, la publication des caricatures de Mahomet par un journal danois fait beaucoup de bruit. Certains journaux suisses publient à leur tour certaines caricatures, d’autres pas. Fallait-il le faire ? Le Conseil de la presse s’autosaisit. Voici en résumé ses conclusions :

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1. On peut publier des caricatures sur des thèmes religieux potentiellement blessants afin de documenter un débat public en cours, pour autant que cette publication se fasse de manière proportionnée et que le sujet soit présenté et analysé de façon journalistique. 2. La liberté de la satire s’étend aussi à des thèmes religieux. Elle n’est ni restreinte par des interdictions d’illustration religieuses, ni ne doit se conformer à la sensibilité de croyants fondamentalistes. (…) Mais elle doit respecter le principe de la proportionnalité et se tenir aux grands principes de la vérité, de l’interdiction de discriminer et du respect de la dignité humaine. La liberté de la satire doit être maniée de manière responsable également eu égard aux communautés religieuses. Mélange publicité / rédactionnel (prose de position 1/2007) Saisi de la problématique de la confusion croissante entre articles journalistiques et pro- motionnels, le Conseil de la presse rédige un avis détaillé. Cet avis sera à la base de nouvelles directives, que voici : Directive 10.1 : Séparation entre partie rédactionnelle et publicité Une nette séparation entre la partie rédactionnelle, respectivement le programme, et la publicité est impérative pour la crédibilité des médias. Les annonces et émissions publi- citaires doivent se distinguer de façon claire et visible des contributions rédactionnelles. Dans la mesure où elles ne peuvent être reconnues optiquement/acoustiquement de façon univoque en tant que telles, elles doivent être déclarées explicitement comme «annonces», «publicité», «publireportages», «spots publicitaires» ou toute autre mention courante pour le public. Les journalistes s‘abstiennent de transgresser cette séparation en intégrant de la publicité clandestine dans leurs articles ou émissions. Directive 10.2 : Sponsoring, couplage de comptes rendus rédactionnels et publicité Dans les articles et émissions parrainés, il convient de faire apparaître clairement le nom du parrain et de garantir le libre choix des thèmes et de leur traitement par la rédaction. Des contributions rédactionnelles (p.ex. des comptes rendus «accompagnants» de la part de la rédaction) à titre de contrepartie d‘une annonce ou d‘une émission publicitaire ne sont pas admissibles. Directive 10.3 : Comptes rendus «Lifestyle», mention de marques et de produits La liberté de la rédaction dans le choix des thèmes qu‘elle entend traiter dans des ru- briques «Lifestyle» ou «bon plans» est à préserver intégralement. Les règles déontolo- giques s‘appliquent aussi aux comptes rendus présentant des biens de consommation. La présentation non critique ou dithyrambique d‘objets de consommation, la mention plus fréquente que nécessaire de marques de produits ou de services ainsi que la simple res- titution de slogans publicitaires dans la partie rédactionnelle compromettent la crédibilité du média et des journalistes Directive 10.4 : Relations publiques Les journalistes ne rédigent pas de textes liés à des intérêts (publicité et relations pu- bliques) pouvant restreindre leur indépendance journalistique. Il est particulièrement dé- licat d‘aborder des thèmes qu‘ils traitent aussi sur le plan rédactionnel. Ils relatent selon les critères professionnels habituels les événements dans lesquels leur média est engagé comme parrain ou partenaire.

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AVIS SUR LE JOURNALISME EN LIGNE Une des fonctions importantes du Conseil de la presse consiste à adapter les règles déontologiques à l’évolution des médias et du métier de journaliste. Ainsi le Conseil de la presse suisse a-t-il émis plusieurs avis concernant le journalisme en ligne. 36/2000 : les mêmes règles déontologiques s’appliquent au journalisme en ligne 43/2010 : L’Internet et Vie privée Voici les conclusions de cette prise de position : 1. Les informations et les documents mis en ligne sur les réseaux sociaux, les sites per- sonnels et les blogs, qui sont accessibles librement à chacun, relèvent de l’espace public. Néanmoins, une information reprise de l’Internet peut garder sa nature privée suivant son contenu. Dès lors, une telle information ne doit pas être considérée a priori comme pou- vant être publiée dans un autre média. 2. Le cas échéant, les journalistes doivent soupeser avec soin les intérêts en jeu (droit du public à être informé, protection de la vie privée) et vérifier si une des conditions permet- tant l’identification est remplie (accord de la personne concernée, exercice d’une fonction dirigeante etc.) 3. Pour cette pesée des intérêts le contexte dans lequel les informations sont mises en ligne est déterminant. Par contexte il faut entendre : la nature du site (réseau social comme Facebook, blog personnel, forum, site institutionnel, etc.), l’identité de l’auteur (in- dividu lambda, personnalité publique, journaliste, etc.) et son intention dans la mesure où elle est évidente (communication large ou s’adressant à un milieu restreint). Le seul fait qu’une information ou une photo se trouve sur internet ne permet pas de pré- sumer que son auteur autorise une diffusion dans un autre média. 29/ 2011 : archives numériques Sur demande, on doit pouvoir corriger -anonymiser- après coup. Par ailleurs, Le Conseil de la presse appelle les journalistes à vérifier leurs sources d’un œil critique, notamment lors de recherches sur Internet et dans les archives, et de se faire confirmer les informations contenues. Il est capital de s’assurer que des rectificatifs et des droits de réponse soient toujours reliés électroniquement aux articles originaux. 52/2011 : commentaires anonymes en ligne A signer, comme les lettres de lecteurs (sauf exceptions justifiants l’anonymat)

VIOLATIONS LES PLUS FRÉQUENTES Les violations les plus fréquentes des règles déontologiques constatées par le Conseil de la presse suisse concernent la protection de la vie privée, l’obligation de donner la parole à la personne qui fait l’objet d’un reproche grave, et l’obligation de rechercher la vérité. Voici trois exemples de telles violations constatées par le Conseil de la presse. 73/2012 : Vie privée Suite à l’accident tragique d’un autocar belge en Suisse, ou des dizaines d’enfants ont perdu la vie, des journaux publient les portraits des victimes.

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Le Conseil de la presse s’autosaisit de l’affaire pour conclure que les journalistes ne doivent pas rendre publiques des photos de victimes décédées lors d’un accident sans l’approbation formelle des proches. Cela vaut également pour des images de victimes rendues publiques dans une chapelle ardente ou lors d’une cérémonie funéraire. De même, les médias ne sont pas autorisés à diffuser sans nouvelle autorisation des images reprises sur le blog d’un camp de ski. 38/2010 : Sources, auditions reproches graves Ludwig Minelli dirige «Dignitas», une organisation qui pratique l’aide au suicide, notam- ment pour des étrangers qui n’ont pas le droit de recourir à ces méthodes dans leur pays. Un hebdomadaire fait état d’accusations graves à l’encontre de Minelli, selon lesquelles il n’aurait pas respecté les dernières volontés d’une défunte. Le journal contacte certes Minelli, mais sans le confronter aux reproches précis formulés dans l’article. Il n’évoque que des thèmes généraux comme la volonté du gouvernement de réglementer l’aide au suicide, et la question de savoir si Dignitas avait quelque chose à voir avec les urnes retrouvées au fond du lac de Zurich. Pour le Conseil de la presse, le périodique n’a pas respecté la charte déontologique. 26/2013 : Rechercher la vérité Deux semaines de suite, un hebdomadaire ressuscite le passé politique du rédacteur en chef d’un quotidien concurrent. Photo de police vieille de trente ans à l’appui et en cou- verture, l’hebdomadaire stigmatise la «proximité irritante» du rédacteur en chef avec «des poseurs de bombes et des extrémistes de gauche». Le Conseil de la presse reconnaît que le passé politique d’un rédacteur en chef qui vient d’être nommé à ce poste peut être scruté de manière critique. Toutefois, l’intérêt public à connaître sa biographie politique ne justifie pas la publication de photos de police anciennes en combinaison avec les portraits d’auteurs de violences et de terroristes condamnés, du moment que la thèse d’une «proximité irritante» n’est pas étayée.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 105 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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RÉSUMÉ

Le Président du Conseil Suisse de la Presse, Dominique Von Burg, a estimé que la profes- sion de journaliste en Algérie avait besoin de se structurer davantage, soulignant l’impor- tance d’améliorer les conditions socioprofessionnelles des journalistes. «La profession de journaliste en Algérie existe et la presse est apparemment très libre, mais cette profession a besoin de structurer parce que beaucoup de journalistes, semble-t-il, ne jouissent pas de conditions matériels suffisantes pour bien exercer leur métier», a-t-il ajouté Dans ce cadre, M. Von Burg a mis en exergue l’importance d’améliorer» les conditions socioprofessionnelles des journalistes à même de leur permettre de se consacrer «pleine- ment» à leur mission pour donner une information de qualité. Dominique Von Burg a mis en avant le rôle «éminemment social» d’une presse libre, ajou- tant que le journaliste «ne doit pas s’interroger systématiquement sur les conséquences de ses écrits». Il a indiqué, en outre, qu’à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication, le journaliste «doit nécessairement donner un rendu crédible pour se distinguer des autres informations diffusées à travers les réseaux sociaux notamment». «Avec l’internet et les réseaux sociaux, le public est soumis à une surinformation perma- nente et le journaliste doit se distinguer en donnant une information crédible respectant la déontologie, sinon, la profession de journaliste disparaîtra», a-t-il averti. Il a ajouté que dans ce flot d’information, le journaliste «ne survivra que s’il informe de ma- nière indépendante dans le respect de la vérité et des personnes». Dominique Von Burg a relevé, que pour assurer cette crédibilité, les journalistes suisses ont adopté une charte déontologique et institué un Conseil de la presse.

106 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux AHMED ESSAYED AN-NAGAR

Les considérations professionnelles et éthiques dans le journalisme : une nécessité pour la modernisation et le développement

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 21 octobre 2015 Dr. Ahmed Essayed An-Nagar est né le 31 octobre 1959 au village Horine (Monoufia) en Egypte, a obtenu un bacca- lauréat en économie, Faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire en 1984. De Janvier 2014 (à ce jour) il est nommé président du conseil d’administration du groupe Al-Ahram. 2013-2014 président du Comité permanent de l’économie du Haut Conseil à la Culture. Expert en économie et président de l’unité économique au Centre Al-Ahram pour les études politiques et straté- giques, intéressé par les questions de l’économie égyp- tienne et arabe et en particulier les questions d’investisse- ment et la croissance, les questions de politique financière et les relations économiques internationales et de la coo- pération économique régionale. Il a été élu membre au Conseil de Syndicat des journa- listes et rapporteur du Comité du développement de la profession et la formation et le centre d’information, de 2003 jusqu’à 2007. Il a obtenu plusieurs prix dont : n Le prix d’Etat pour excellence dans les sciences sociales (Économie) en 2012, décerné par le Ministère égyptien de la Culture. n Le prix du penseur mondial Samir Amine de l’économie politique de l’année 2012. Il a édité plusieurs publications dont : n «L’effondrement économique à l’ère Moubarak ...Faits de corruption, chômage, cherté, récession et dette...» n «Le coût économique et social de la discrimination contre la femme dans l’enseignement et le marché du travail» En outre, plus de 81 études des rapports stratégiques égyptien et arabe, et 31 chapitres de livres communs en Egypte et dans des pays arabes et étrangers et 30 études dans des revues scientifiques égyptienne et arabe. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LES CONSIDÉRATIONS PROFESSIONNELLES ET ÉTHIQUE DANS LE JOURNALISME : UNE NÉCESSITÉ POUR LA MODERNISATION ET LE DÉVELOPPEMENT

e Président du Conseil d’administration d’Al- Ahram (Egypte), Ahmed Essayed An-Nagar, L a évoqué notamment les règles que le jour- 4Prendre en considération naliste doit respecter en exerçant sa profession, tout la sécurité et la souveraine- en soulignant la nécessité d’éviter la diffamation et le té du pays. sensationnel et de s’appuyer sur des sources sûres. 4La mise en œuvre des Il a insisté dans le même contexte sur la nécessité valeurs de la concurrence de «prendre en considération la sécurité et la souve- loyale. raineté du pays» dans le travail journalistique, citant plusieurs expériences dans ce sens. M. An-Nagar a insisté sur la protection à assurer au journaliste lors de la couverture des événements notamment dans les régions de tensions et de conflits. Concernant le code d’honneur journalistique, il stipule l’interdiction de tout équivoque entre la publicité et le journalisme et interdit aux journalistes de procurer des annonces publicitaires, car ceci les rendra dépendant et au service des parties qui leur ont attribué les annonces publicitaires. Il est possible de comprendre l’aide des journalistes à leurs collègues dans le secteur de la publicité dans la résolution de certains problèmes de pro- ductivité et de rendement avec les sources sur lesquels ils travaillent, si cela ne porte pas atteinte à l’indépendance et la crédibilité du journaliste. Il a souligné que le code d’honneur journalistique insiste sur la mise en œuvre des valeurs de la concurrence loyale sans que celle-ci ne soit transformée en guerre et sensibilités génératrices de violence, spécialement dans le domaine sportif. Le Président du Conseil d’administration d’Al-Ahram (Egypte), Ahmed An-Nagar, a évo- qué les principales fonctions de la presse, qui sont de fournir les faits politiques et éco- nomiques et sociales dans toutes ses branches aux lecteurs et l’utilisation des avis des experts dans le traitement et l’analyse des faits et viser l’intérêt national afin de réaliser le rayonnement et l’unité nationale et le développement politique et économique et l’indé- pendance nationale.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 109

SADOK HAMMAMI

Le journalisme à l’ère des médias sociaux

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 23 novembre 2015 Docteur Sadok Hammami est maître assistant et enseignant associé, départe- ment de presse, Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI), Universi- té de Manouba, Tunisie (1996-2007, 2013- 2014)

n Doctorat en sciences de l’information et de la communication, Stendhal University, France. n Habilitation universitaire en sciences de l’information et de la communication, Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI), Université de Manouba, 2013 n Publication d’un certain nombre d’articles et de livres en arabe et en français sur les médias, la communication et les nouveaux médias dans le monde arabe Ses livres : n «Les médias tunisiens : nouvel Horizon ?», Perspectives Editions, Tunis, 2012». n «Les nouveaux médias : épistémologie, problématique et contextes», Editions de l’Université Manouba, Tunis, 2012. n «Extension du domaine des médias. Analayse des mé- dias et de communication en Tunisie et dans le monde arabe», Sahar éditions, Tunis, 2010. n «L’Internet et les médias audiovisuels» Editeur de mo- nographies, vol. 67, Tunis : ASBU 2009. n Encadrement de plusieurs ateliers au profit de journa- listes et communicateurs au Centre africain pour la for- mation des journalistes et communicateurs (Tunis) ; au Centre Tariam Omrane pour la formation et le développe- ment médiatique (EAU) et au Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche CAWTAR Docteur Sadok Hammami a enseigné au département communication de masse à la faculté de communication de l’université sharjah (EAU) de 2007 à 2013 n Membre du comité de rédaction de la Revue tunisienne de communication, Institut de Presse et des Sciences de l’Information, université de Manouba. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE JOURNALISME À L’ÈRE DES MÉDIAS SOCIAUX

expert tunisien, Sadok Hammami, a esti- mé que l’autorégulation reste le meilleur L’ moyen à même de permettre au journaliste 4L’autorégulation reste d’exercer sa profession en toute «responsabilité» et le meilleur moyen à même «indépendance», relevant qu’il n’était pas possible de de permettre au journaliste réguler les médias sociaux. d’exercer sa profession en M. Hammami, a expliqué que l’autorégulation «de- toute responsabilité meure le meilleur moyen pour défendre le journa- et «indépendance. lisme, à travers la mise en place de chartes éditoriales 4L’éthique journalistique à même de permettre l’exercice de la profession en demeure-t-elle valable pour toute responsabilité et indépendance». les médias sociaux. Les expériences à travers le monde entier «ont dé- montré qu’il n’était pas possible de réguler les médias sociaux». M. Hammami, a abordé notamment les conséquences des médias sociaux sur l’environ- nement culturel et sur les manières avec lesquels sont consommées les news. Il a également tenté d’apporter des réponses aux questions : «Doit-on réguler les médias sociaux à l’instar de la télévision et de la radio?», «Est ce que les chartes éditoriales sont la solution adéquate ?» et «L’éthique journalistique demeure-t-elle valable pour les médias sociaux ?». Dans ce contexte, il a expliqué que certains grands groupes médiatiques mondiaux qui sont arrivés à élaborer des chartes, lesquelles stipulent entre autres, que les médias so- ciaux «sont des outils et non pas des jeux» et soulignent la nécessité de vérifier les infor- mations qui y sont véhiculées.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 113

RICARDO VELASQUEZ GUTIERREZ

Ethique et déontologie du journalisme : la responsabilité sociale du journaliste et des médias

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 15 décembre 2015 Ricardo Velasquez Gutiérrez, né à Bruxelles, en 1966 est le secrétaire géné- ral de la Fédération Européenne des Jour- nalistes, depuis le 1er septembre 2013. Il est maître de conférences à l’université libre de Bruxelles (ULB) et membre effectif du Conseil belge francophone de déonto- logie journalistique (CDJ). n Il siège depuis 2013 au Comité exécutif de la confédéra- tion européenne des syndicats (CES) et au Conseil d’ad- ministration de l’Institut syndical européen (ETUI). n Depuis mars 2015, il est membre de la commission chargée de «faire des propositions au gouvernement en vue de favoriser le développement et la reconnaissance d’un islam moderne de Belgique en fédération Wallo- nie-Bruxelles». n Il a été journaliste à la rédaction du journal belge fran- cophone «Le Soir» pendant plus de 23 ans. Il y couvrait l’actualité belge dans le domaine des politiques de santé et des libertés individuelles (convictions religieuses et phi- losophiques, ...). n Il est auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages et pu- blications dont le «Vade-mecum d’écriture journalistique» (éd Presses universitaires de Bruxelles). n Il est auteur, au nom de la Fédération européenne, de multiples rapports sur la situation de la presse en Europe, sur l’état de l’audiovisuel public en Europe sur le discours de haine, sur le statut des journalistes en Europe... RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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ETHIQUE ET DÉONTOLOGIE DU JOURNALISME : LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DU JOURNALISTE ET DES MÉDIAS

icardo Velasquez Gutierrez a abordé la res- ponsabilité sociale du journaliste et des mé- dias face à la dissémination du discours de 4Les journalistes sont R appelés à promouvoir les haine, notamment sur les plateformes numériques. standards d’éthique et une Description du phénomène, «étude de cas, analyse déontologie profession- d’avis déontologiques et guide de bonnes pratiques face au phénomène». nelle face à la montée du discours de haine dans «Les journalistes sont appelés à promouvoir les le monde. standards d’éthique et une déontologie profession- nelle face à la montée du discours de haine dans le 4Il est de la responsa- monde», a souligné le Secrétaire général de la Fé- bilité des journalistes de dération européenne des journalistes, Ricardo Velas- promouvoir les standards quez Gutierrez. d’éthique et une déonto- «Il est de la responsabilité des journalistes de pro- logie professionnelle dans mouvoir les standards d’éthique et une déontologie un monde marqué par une professionnelle dans un monde marqué par une mon- montée de l’extrémisme, de tée de l’extrémisme, de l’intolérance et de la discrimi- l’intolérance et de la discri- nation contre différentes communautés et minorités mination contre différentes religieuses et ethniques», a affirméM. Gutierrez. communautés et minorités Il a relevé que «le combat contre le discours de haine religieuses et ethniques. constitue un nouveau défi pour les journalistes». 4La tâche des journa- C’est un problème qui suscite une «grande inquié- listes «n’a jamais été aussi tude» au niveau des politiques et des juristes, notam- difficile qu’aujourd’hui» ment, quant à la manière d’y faire face, car ce dis- à cause du nombre im- cours de haine, a-t-il expliqué, «fait partie aussi de la pressionnant des espaces liberté d’expression». d’expression et le déve- Pour Ricardo Velasquez Gutierrez, la tâche des jour- loppement fulgurant du nalistes «n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui» numérique notamment à cause du nombre impressionnant des espaces l’Internet. d’expression et le développement fulgurant du numé- rique notamment l’Internet. Il a cité, à cet égard, l’essor des réseaux sociaux devenus, dans nombre de cas, «des canaux véhiculant des discours haineux et choquants», non seulement pour les médias, mais aussi pour des simples internautes dans leurs réactions et leurs commentaires sur un tel ou tel sujet.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 117 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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Le rôle central du journaliste contre la propagation de discours haineux, «Notre société a besoin aujourd’hui de médias qui s’inscrivent dans le respect impératif de la déontologie», a-t-il insisté, en mettant en avant le rôle central que peuvent jouer les journalistes pour contrer ce genre de discours et les dénoncer. Dans l’exercice de son métier, le journaliste doit, en premier lieu, «vérifier» la source de l’information, «réfléchir à l’impact» et les «conséquences» que peut avoir son écrit sur le lecteur, comme il doit, aussi, a-t-il expliqué, «éviter de tomber dans le sensationnel et de travailler dans la précipitation». «Le journaliste doit se sentir responsable. Il a toujours une responsabilité face au dis- cours de haine», a ajouté M. Gutierrez, qui a regretté le fait que des médias occidentaux soient «peu éthiques» dans le traitement de certaines questions, notamment celles liées à l’Islam, en créant l’amalgame et en n’utilisant une terminologie juste. Ricardo Velasquez Gutierrez, a plaidé, à ce propos, pour l’adoption d’une approche basée sur le dialogue pour avoir «une perception plus mesurée», tout en appelant les acteurs concernés à «éviter la propagation des discours de haine, à utiliser les mots justes, à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour modérer les commentaires des lecteurs et signaler toute dérive». «Il s’agit de veiller à la déontologie journalistique à travers l’autorégulation et la co-régu- lation», a-t-il fait valoir.

118 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux MOHAMED KIRAT

Ethique, déontologie et pratique du journalisme : défis et enjeux

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 28 janvier 2016 Docteur Mohamed Kirat, né en 1957 à El Aouana (Jijel) a obtenu une licence en sciences de l’information et de la commu- nication de l’université d’Alger en 1981 et un master en communication de masse de l’univesité d’Indiana des Etats Unis d’Amé- rique en 1984 et plus tard il obtient un doc- torat dans la même spécialité et dans la même université en 1987. Mohamed kirat a enseigné et occupé plusieurs postes à l’université d’Alger et les facultés des Emirats Arabes Unis comme : doyen de la Faculté de communication de Sharjah entre 2008 et 2011 et il enseigne actuellement les relations publiques et la communication de masse à l’université de Qatar. Il a marqué sa participation dans plusieurs séminaires scientifique et conférences et il a été membre dans plu- sieurs commissions d’arbitrage et des prix de la presse et il a édité plusieurs publications en langues arabe, fran- çaise et anglaise, notamment : n Mohamed Kirat et Noureddine Miladi (rédacteurs), les Médias et les crises…art de le manipulation, la désinfor- mation et la propagande, Oman 2015 n Former la conscience sociale : rôle des medias dans la construction de la réalité et la fabrication de l’opinion publique, Oman 2007 n Fabrication de l’opinion publique, première édition. Oman : Beirut 2007. n Mohamed Kirat et Wael Ismail Abd Bari (rédacteurs), les actes du séminaire sur les relations publiques dans le monde arabe à l’ère de la mondialisation: réalité ac- tuelle et perspectives futures, Sharjah, université Sharjah, centre des recherches et des études 2006. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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ETHIQUE, DÉONTOLOGIE ET PRATIQUE DU JOURNALISME : DÉFIS ET ENJEUX

i les professionnels de l’information et les ac- teurs des médias mettent l’accent sur la néces- 4 saire liberté de la presse, ils peuvent être en Les changements dans S les pratiques de la commu- porte-à-faux dans leur pratique avec la philosophie et les règles de la profession. Ce paradoxe a été mis nication qui mettent à jour en avant par Mohamed Kirat, enseignant à l’Univer- de nouveaux défis éthiques sité du Qatar, lors d’une conférence organisée, jeudi et déontologiques. dernier, à Alger, dans le cadre des cycles de forma- 4Les réflexions qui s’arti- tion au profit des professionnels de la presse sous le culent sur les trois valeurs thème : «Ethique, déontologie et pratique du journa- lisme : défis et enjeux». dominantes du journa- lisme: liberté de l’informa- L’intervenant a mis l’accent sur les changements dans tion, recherche de la vérité les pratiques de la communication qui mettent à jour et respect de la personne de nouveaux défis éthiques et déontologiques. Les ré- flexions qui s’articulent sur lestrois valeurs dominantes humaine. du journalisme : liberté de l’information, recherche de 4Le journalisme a une la vérité et respect de la personne humaine, ouvrent importante mission sociale la voie à une éthique participative, élargie à tous les et démocratique et ses acteurs de la communication, citoyens et journalistes. conditions d’exercice sont «Le journalisme a une importante mission sociale et déterminantes. démocratique et ses conditions d’exercice sont déter- minantes», fait valoir Dr. Kirat. Dans un contexte dominé par des événements importants, complexes et souvent drama- tiques, «une mission de réflexion sur la déontologie journalistique ne peut que rencontrer des interrogations vives et nombreuses», selon Mohamed Kirat. Dans un second volet, le Professeur a insisté sur la liberté d’expression et la responsabi- lité des médias vis-à-vis de leurs informations. Les journalistes doivent se plier, selon lui, à une charte de conduite pour encadrer leur liberté d’opinion. «Les journalistes rappellent souvent que leur activité se situe dans un cadre juridique précis dominé par le lien de subordination», fait-il savoir. Il serait temps de créer, d’après lui, une instance qui puisse réunir les professionnels des médias pour délimiter, par un code de déontologie, les responsabilités et les libertés de la profession.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 121

FATMA BEN SAAD DUSSEAUT

Journalisme au défi des mutations technologiques : quelle place pour l’éthique ?

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 28 février 2016 Fatma Ben Saad Dusseaut est une enseignante et chercheuse. Elle a obtenu un doctorat en sciences de l’information et de la communication en 2010 de l’université Michel de Montaigne, Bordeaux 3. Elle est enseignante - formatrice à l’ISEG Marketing & Communication School - Bordeaux entre 2015/2016 Fatma Bensaad Dusseaut a occupé plusieurs postes, à savoir : n Conférencière - Intervenante, depuis 2013 à l’Université des Sciences Humaines et Sociales. Tunisie. n Consultante, 2013 à INTERNATIONAL INSTITUTE FOR CULTURAL DIPOMACY – Dubaï n Journaliste correspondante, 2010/2011, Magazine Réforme. France n Enseignante, 2010-2012 à l’Institut des Sciences de l’In- formation et de la Communication - ISIC - Bordeaux Parmi ses publications : n «La consommation des réseaux numériques en Tunisie : un usage socio-culturel dans un pays en mutations». n «Les Médias font-ils les révolutions ? Regards critiques sur les soulèvements arabes». Fathallah Daghmi, Farid Toumi, Abderrahmane Amsiddere (Dir.), Éditions l’Har- mattan, Coll. Communication et Civilisation, Septembre 2013, pp. 183-196. n «Le rôle des réseaux numériques dans l’accélération des mouvements populaires ? Le cas de la Tunisie». n «Les régimes arabes dans la tourmente: «révolutions», communications et réactions internationales». Serge Re- gourd, Saïd Hamdouni (dir.), Publisud, 2012, pp. 135 n «Une révolution de la jeunesse du monde arabe». Réforme. Décembre 2010-mars 2011. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE JOURNALISME AU DÉFI DU NUMÉRIQUE : QUELLE PLACE POUR L’ÉTHIQUE ?

e journalisme subit une profonde mutation de- puis l’arrivée des nouvelles technologies de L l’information et de la communication. La diffu- 4Internet lance de grands sion de l’information sur le web renouvelle de façon défis aux médias. aiguë la question de l’éthique de l’information. For- 4 Le Web brouille ainsi midable moteur du journalisme, par les nouveaux es- les frontières entre journa- paces d’enrichissement des contenus et des libertés qu’il permet, Internet porte aussi les germes de nou- lisme et public. velles dérives à la fois commerciales, manipulatoires 4La question qui se pose voire massificatrices et contraint ainsi à redéfinir de est comment conserver façon éthique la mission du journalisme et les compo- son rôle de journaliste au santes de la posture du journaliste. respect de ses valeurs et En effet, Internet lance de grands défis aux médias, normes. les faisant passer de l’économie de l’offre à l’écono- 4Le risque principal est mie de la demande, avec des conséquences éco- de faire passer une opi- nomiques et sociales considérables. Il lance aussi nion pour une information de grands défis aux journalistes, en les sommant de re-justifier leur utilité sociale. recoupée et vérifiée. 4Tous les médias au- Cet outil (Internet) entre dans le grand public vers 1995. Ce réseau mondial ne semble pas alors exposer jourd’hui, radio, télévision, le journalisme ni les médias à de profonds bouleverse- presse écrite sont devenus ments. Il est perçu comme un changement d’échelle des bi-médias avec une de la communication, non comme un changement place de plus en plus de nature. grande sur le Web. La conception d’Internet comme nouvel outil domine jusqu’à l’avènement du Web 2.0, qui consacre l’ac- cès de tous à l’expression publique. Le Web social se développe alors avec l’élargissement de l’ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line), le déploiement des moteurs de recherche, l’irruption des plateformes de partage de sons et d’images, etc. Le tournant décisif s’opère avec la naissance des réseaux sociaux Face- book (2004) et Twitter (2006). Le Web brouille ainsi les frontières entre journalisme et public. Il fait intervenir de nouveaux acteurs. De nouveaux rôles sont distribués. Des responsabilités jusqu’alors identifiées et circonscrites se portent sous des habits neufs. Les sites des médias traditionnels ne sont pas les seuls à produire du contenu d’actualité. D’abord les journalistes professionnels créent leurs blogs. Ensuite, des sites d’information participatifs conçoivent l’information en recourant à la collaboration de leur public. Des sites contributifs, qui se nourrissent d’apports d’internautes, ajoutent à l’information d’actualité.

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Le décor ne cesse de se modifier. Les fonctions déjà existantes dans les médias tradi- tionnels se voient modifiées, enrichies ou combinées par l’intervention d’autres acteurs et la création d’autres circuits. Bref, cette logique de production de contenus a entraîné les journalistes dans une rivalité avec des entreprises dont l’activité est centrée sur la com- mercialisation de services et orientée vers le divertissement, l’entertainment : Facebook, Google, Yahoo ou Microsoft. Quelle est donc la place du journaliste au sein d’une société hyperconnectée où domine une surabondance, presque indigeste, d’informations se déversant chaque seconde sur la toile ? Pourquoi payer pour des informations que l’on peut trouver aisément et gra- tuitement sur Internet ? Comment réagir face à l’appétit insatiable des internautes et à la marchandisation des contenus ? Quelle attitude le journaliste doit-il adopter face à la concurrence des blogs ou des réseaux sociaux ? Ce qui est sûr, c’est que le journaliste n’est plus le seul à raconter le monde, il a définiti- vement perdu le monopole de l’information et c’est un tournant majeur dans son histoire. L’ère numérique contraint le journalisme à se repenser et à se réinventer pour survivre. En effet, plusieurs enjeux sont liés à la digitalisation des contenus. Il y a d’abord le double mouvement, technologique et économique, qui déstabilise et remet en cause le modèle économique industriel des médias (toutes catégories confondues mais notamment la presse écrite). Ensuite, il y a l’émergence de ce qu’on appelle les «digital natives», désignant les citoyens nés avec la culture du web, et les «journaliste-citoyen», entendus comme des citoyens ordinaires ou experts qui diffusent des informations non produites par les mass media. Et enfin, c’est le rôle du journaliste à l’aune des nouvelles contraintes et des nouveaux espaces de liberté induits par l’ère numérique qui reste à redéfinir. Je ne vais pas trop m’attarder sur l’impact de la révolution numérique sur le modèle économique des médias. Je dirai seulement que le premier facteur de déstabilisation du modèle économique est la gratuité de l’accès à l’information. La digitalisation et la diffusion massive des contenus sur le web ont rompu la dépendance des publicitaires vis-à-vis de la presse conduisant ainsi à un écroulement des revenus publicitaires. Conséquence, l’information journalistique est devenue un contenu parmi tant d’autres et voit sa valeur marchande se modifier. Parallèlement, la gratuité a ouvert la porte à la surabondance de l’offre disponible. La démocratisation des moyens de pu- blication et de diffusion de l’information a en effet entraîné une production massive de contenus tant du côté des professionnels que des particuliers. Au-delà de la nature même de l’information qui est remise en cause, c’est toute la légitimité du journaliste et de son rôle qui est mise à l’épreuve du numérique. Dans ce paysage en mutation, la discussion sur les responsabilités éthiques prend un tour nouveau. Mais avant d’aborder cette question essentielle j’aimerai revenir au fondement même du journalisme. Qu’est-ce que donc le journalisme et qu’est-ce qu’un journaliste ? Le journalisme professionnel s’est constitué à la fin du 19e siècle pour protéger le métier des turbulences de l’industrialisation de la presse. Il s’agissait avant tout de définir un statut social et d’assurer des conditions économiques décentes. L’occasion était donnée aussi d’établir un cadre déontologique adéquat, en vue d’assurer la dignité du métier et de mettre autant que possible le journalisme à l’abri des foudres de la loi.

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Les journalistes professionnels ont entrepris du même coup de se distinguer des ama- teurs nombreux et souvent prestigieux, qui occupaient jusqu’alors largement les colonnes des journaux et s’employaient à y construire leur carrière. Aujourd’hui, en observant la Toile en cette deuxième décennie du 21e siècle, on se prend à trouver quelques corres- pondances avec la situation de l’époque. Les journalistes professionnels s’interrogent sur leur place dans les nouveaux réseaux de communication. La presse, au sens large, est considérée depuis plus de deux siècles en démocratie comme nécessaire au bon fonctionnement des institutions démocratiques, par l’exercice reconnu d’une liberté d’informer, de commenter et de critiquer. Pour reprendre une ex- pression courante les médias sont les «chiens de garde» (watchdogs) de la démocratie. Ils sont souvent qualifiés de «quatrième pouvoir», quand bien même ils ne disposent eux- mêmes d’aucune force d’exécution. Aujourd’hui, la présence d’acteurs nouveaux dans l’espace public interroge plus que ja- mais la nature du journalisme et l’identité des journalistes. Un retour en arrière permet de revisiter des questions posées peu avant l’apparition d’Internet dans le grand public. En effet, le journalisme, face aux nouvelles technologies numériques, est certes confronté à des questions inédites, mais qu’il en prolonge de nombreuses autres, quitte à les poser en des termes plus radicaux. Donc qu’est-ce qu’un journaliste ? Il serait illusoire de chercher à cerner l’identité du jour- naliste en recourant à une approche fonctionnaliste : la mission d’informer. D’abord, parce que cet univers est désormais ouvert à la participation du public et rend plus incertaine encore toute définition essentialiste du métier (Charon et Le Floch, 2011 : 5-6). Ensuite, une telle approche masquerait les conditions réelles de l’exercice du métier. Les jour- nalistes ne seraient pas nécessairement attachés comme individus à l’idée de l’intérêt commun. De même pour la recherche d’une identité particulière par rapport à la détention de la carte de presse. Celle-ci n’a jamais empêché le journalisme de rester une pratique ouverte. Le journaliste ne fonde pas non plus son identité professionnelle sur la connais- sance d’un savoir-faire. D’abord, parce que les techniques du métier sont d’une diversité croissante ; il est impossible de les maîtriser toutes. Ensuite, parce que les savoir-faire pris isolément sont accessibles à n’importe qui (la vidéo, l’écriture numérique, par exemple). La déontologie se poserait-elle dès lors en ul- time recours identitaire ? Personnellement je pense que oui, si bien évidemment, elle est additionnée à une prise de conscience du rôle social que joue le journaliste, de l’utilité de la formation requise pour l’exercer et des procédures et normes changeantes d’un métier en perpétuelles mutations qui font la dynamique et la spécificité du journalisme. Le caractère imprécis et changeant du journalisme n’est pas une découverte d’Internet. La «ductilité» du métier est de s’adapter sans jamais rompre (Grevisse, 2010) c’est à mon sens ce qui fait la force du journa-lisme et qui participe à sa pérennité. Deux chercheuses américaines ont fait une étude remarquable publiée dans un ouvrage intitulé Online Jour- nalism Ethics qui offre à ce jour, entre traditions et transitions, l’un des panoramas les plus étendus des modifications et évolutions de la pratique journalistique à l’ère du numé- rique. Dans cet ouvrage les chercheuses ouvrent d’emblée la porte au débat éthique en suggérant que les journalistes trouvent leur meilleure définition non par«ce qu’ils sont ou même par ce qu’ils font», mais par «comment et pourquoi ils le font» (Friend et Singer, 2007 : 41).

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 127 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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COMMENT SE STRUCTURE L’ÉTHIQUE JOURNALISTIQUE À L’ÈRE NUMÉRIQUE ? L’éthique journalistique -comme d’ailleurs toute éthique appliquée- se structure en trois niveaux : le niveau supérieur des valeurs, le niveau intermédiaire des normes, le niveau concret des pratiques. Elle n’est pas statique, mais soumise à une dynamique produite par une tension perma- nente entre des valeurs stables et des pratiques changeantes. Les valeurs expriment les grandes orientations du métier. La valeur de liberté : son objectif est de répondre au droit de savoir des citoyens et assurer la discussion sur les affaires d’intérêt public. La valeur de vérité renvoie au fondement de l’activité du journaliste, comme observateur et interprète des faits, engagé dans leur mise en contexte et la recherche de sens mais aussi comme narrateur soucieux d’assurer la véracité du récit. La troisième valeur du jour- nalisme concerne le respect de la personne humaine, l’attention à l’autre, afin de répondre dans le domaine particulier de la communication sociale à une intention de justice. Ces trois valeurs tiennent en une maxime : un journalisme libre, responsable et respectueux des personnes. Les normes quant à elles ont pour fonction de traduire le respect des valeurs dans des situations usuelles du journalisme. Elles sont directement rapportées aux pratiques. La norme n’agit pas comme une obligation morale, à la façon d’un impératif catégorique. Ni comme simple mode d’emploi. Elle sert de balise à la délibération éthique en situation. L’appareil normatif est contenu dans les codes ou chartes de déontologie, ainsi que dans la jurisprudence des instances de régulation internes à la profession, comme les conseils de presse. Il existe des codes dotés d’une reconnaissance internationale, par exemple la Charte de Munich. D’autres, très nombreux, sont propres à des communautés profession- nelles nationales. D’autres encore s’adressent à des journalistes de médias spécifiques, comme la télévision, ou sont élaborés au sein d’entreprises médiatiques. Les normes sont donc les normes d’une société de ses valeurs. Dans le contexte actuel, il me semble que la norme à laquelle on doit le plus s’attacher en tant que journalistes est celle du vivre ensemble dans le respect de l’autre, de sa dignité et de sa différence. Le respect des valeurs et des normes est donc censé distinguer les journalistes de métier de la «constellation des communicateurs». La question qui se pose est comment conserver son rôle de journaliste au respect de ses valeurs et normes lorsqu’on est secoué par l’arrivée sur le Web d’une myriade d’«édi- teurs» de tout acabit, dont le souci apparent est d’assurer leur liberté d’expression indivi- duelle, d’attirer l’attention de la communauté virtuelle sur des causes ou des intérêts qui leur sont propres ? Certes l’arrivée de cette communauté virtuelle constitue un bien commun en démocratie qui participe au débat public via les blogs, les forums de discussion ou les réseaux so- ciaux. Cependant, cette communauté fait appel à des pseudonymes, peut se cacher der- rière des masques et ne semble pas se soucier des recommandations de transparence imposées aux journalistes professionnels. Il est certain qu’il existe aujourd’hui une tension éthique entre la liberté d’expression du citoyen comme un aspect du bien commun et la mission de la presse censée servir l’intérêt public dans le respect de valeurs et de normes. Le journaliste ne risque-t-il pas de perdre la main ?

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Une hypothèse, souvent formulée, est celle d’un décalage entre les intérêts des journa- listes et ceux de leur public. Les médias traditionnels privilégieraient la politique et les faits divers ; les internautes s’intéresseraient en priorité à la science, à la technologie, à la vie quotidienne. Les journalistes ont tendance à favoriser la couverture des affaires «pu- bliques», les internautes préfèrent les affaires «non publiques» (Boczkowski, Mitchelstein et Walter, 2011). Sur Internet, les nouvelles circulent librement, aussitôt portées à la connaissance de tous. La tâche du journaliste est d’aider les citoyens non seulement à trouver mais aussi à comprendre des informations. Il n’est plus un «gardien», mais un donneur de sens, un indicateur. Ce n’est plus l’information elle-même, déjà présente dans l’espace public, qui est en jeu. Ce sont sa fiabilité, sa validité et surtout le sens qu’on lui donne. Il incombe au journaliste d’éprouver l’une et l’autre c’est pour cela que l’éthique journalistique demeure au centre des défis qui se présentent au journaliste. Elle devrait le distinguer de la nuée d’«éditeurs» de contenus présents sur la Toile, dont l’internaute ignore les liens d’intérêts, les relations avec telle officine ou tel groupe de pression, les visées stratégiques person- nelles. L’opacité de la plupart des éditeurs de contenus numériques tranche avec la transparence ordinairement attachée à la présence sur le réseau de journalistes appartenant à des médias reconnus, situés par une ligne éditoriale, par une orientation politique. Le Web est ouvert à la circulation immédiate de toutes les observations sur un événement donné. Les conditions nouvelles d’instantanéité et d’universalité rendent illusoire toute préten- tion à l’exactitude d’une information. Il s’agit donc d’offrir l’assurance que le «cahier des charges» du journalisme est respecté par l’identification de la source, le recoupement et la vérification du contenu. Avec le Web 2.0, des témoins, des acteurs sont présents sur le terrain quand les profes- sionnels n’y sont pas ou pas encore. Il appartient aux journalistes de rendre fiables les nouvelles et les images, d’en assurer la sécurité et la stabilité, contribuant du même coup à la crédibilité des sites médiatiques auxquels ils sont affectés. Ces exigences supposent aussi que les rumeurs circulant sur la Toile soient soumises à un traitement particuliè- rement rigoureux, qui ne les crédibilise pas à bon marché. La recherche de la vérité est liée à des normes qui accompagnent depuis longtemps les pratiques journalistiques. Ces normes ne sont pas bouleversées par Internet, mais elles sont exposées à des interpréta- tions adaptées aux réalités du Web et de la communication numérique. Cependant, Internet favorise aussi des pratiques nouvelles, comme la vérification des faits (fact checking) ou le journalisme de données (data journalism). Dans le premier cas, la vérification mobilise des moyens de recherche jusqu’alors inconnus, d’une grande ef- ficacité en termes d’étendue et de rapidité. Le défaut du fact checking est cependant de laisser entendre que les faits et les chiffres auraient en toute circonstance le dernier mot. Le monde vécu est souvent plus complexe. Quant au journalisme de données, il se déploie sur les trois registres de la vérité journa- listique : l’observation des faits, par la mise au jour d’informations peu accessibles, l’inter- prétation des événements, par l’apport de données permettant de les mettre en contexte et de les comprendre, leur narration enfin, dans la mesure où l’accessibilité des matériaux dépend largement d’une mise en scène, assurée par des spécialistes de l’imagerie nu- mérique. Ces deux pratiques concourent à établir la validité des éclairages apportés sur les événements.

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On l’a compris, la qualité des informations diffusées peut être sujette à caution. L’ab- sence de respect d’une déontologie journalistique et des responsabilités qui en découlent constitue une limite qui interdit tout rapprochement avec le métier de journaliste. Le risque principal est de faire passer une opinion pour une information recoupée et vérifiée. Il est difficile d’adhérer à la croyance d’une vaste démocratisation grâce auweb même si après Gutenberg, qui a permis la reproduction et l’accès au savoir, Internet permet potentielle- ment à chacun de prendre une place et de se faire entendre sur la place publique. Quoi qu’il en soit, le journaliste doit prendre en compte cette nouvelle donne et adapter sa façon de travailler. La fonction sociale du journaliste prend alors tout son sens dans cette société éclatée. Se pose alors inévitablement la question de la formation des journalistes. En effet, tous les médias aujourd’hui, radio, télévision, presse écrite sont devenus des bi-médias avec une place de plus en plus grande sur le Web. Certains ont même franchi le pas en supprimant la publication papier, à l’exemple de Newsweek, ou ont été créés exclusivement dans une forme numérique, ce sont les pure players comme Rue89. Le journaliste est censé «posséder un savoir et doit être capable de le restituer de façon crédible, compréhensible, transmissible». A bien des égards la fonction noble de ce métier peut être rapprochée de celle de l’enseignant. Car l’irruption du numérique dans la société, la place qu’il occupe aujourd’hui chez les jeunes, citoyens de demain, interpelle voire déstabilise tout autant le journaliste que l’en- seignant par la rapidité de cette intrusion et la révolution des pratiques et des comporte- ments que cela génère. C’est évidemment par la formation des journalistes et des ensei- gnants que l’on peut espérer rester maître de ces bouleverse-ments. Les changements numériques et les évolutions technologiques, pour clore mon interven- tion, n’appellent pas à la disparition du journalisme, au contraire, on n’a jamais eu autant besoin d’être accompagnée intelligemment dans la compréhension d’un monde en muta- tion accélérée. Le tri, la vérification, la hiérarchisation, la mise en perspective et l’analyse sont des sa- voir-faire précieux dans un environnement où les lecteurs ont plus que jamais besoin de filtrer et de digérer la masse informations qui parvient jusqu’à eux. Pour montrer ce qui se «cache derrière le paravent», l’investigation et l’éditorialisation continuent à jouer un rôle fondamental dans un espace public et démocratique pollué par des contenus plus en plus formatés et «low cost». Par beaucoup d’aspects, l’intégration de tous les usages d’Internet dans le métier de journaliste relève donc d’un triple défi : 4Défi technique et culturel d’apprentissage d’un savoir-faire particulier supplémentaire. 4Défi professionnel de justification d’un métier, et de ses qualités spécifiques par rapport à «l’amateurisme» des nouveaux intervenants sur la toile, et à la «débrouillardise» indivi- duelle des usagers. 4Défi déontologique de la maîtrise renforcée des cloisons entre information et communi- ca-tion, information et propagande...

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RÉSUMÉ

Les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont remis en cause la «légitimité» du journaliste, lequel n’a plus le «monopole» de l’information, a estimé Docteur Fatma Bensaad Dusseaut. «L’information n’est plus livrée par des professionnels seulement, mais aussi par des particuliers et au-delà de la qualité de cette information, c’est toute la légitimité du jour- naliste qui est remise en cause», a indiqué Docteur Fatma Bensaad Dusseaut A ce propos, elle a observé que le journaliste n’a plus le «monopole» de raconter le monde mais de le «faire comprendre et ce, à l’aune des difficultés et des libertés» in- duites par internet. L’arrivée des nouvelles technologies de communication a conduit à une «richesse dans le contenu informatif, a brouillé les frontières entre le journaliste et le public et a distribué de nouveaux rôles», a poursuivi la spécialiste. S’agissant sur la place qu’occupe, par conséquent, un journaliste dans une société mar- quée par une «indigeste abondance» de l’information, elle souligne: «Pourquoi continuer à payer une information que l’on peut avoir gratuitement»?. A ce propos, elle a avancé que l’invasion du numérique a contraint le journaliste à «justi- fier et à repenser son utilité sociale» et l’a conduit à «rivaliser avec des entreprises dont le souci principal est la rentabilité économique». Aux yeux de la conférencière, la formation des professionnels des médias «s’impose» à l’ère de la suppression du papier qui contraint ces derniers à «acquérir de nouvelles techniques afin qu’ils restent maîtres des bouleversements» entraînés par internet. En effet, face aux dérives qui ne manquent pas d’accompagner l’utilisation des NTIC, les médias classiques sont appelés à «s’adapter, sans jamais rompre», plaide Dr Dusseaut. A ce propos, l’éthique se place «au cœur de la démarche identitaire» du journaliste, considère la conférencière, citant trois règles faisant la différence entre «les gens de la plume des autres sources d’information», à savoir la «liberté, la vérité et le respect de la dignité humaine». «Les normes sont une balise pour le respect du vivre-ensemble, de la différence», note- t-elle, relevant l’intéressement des professionnels des médias davantage pour les sujets politiques et les affaires publiques alors que les internautes sont plus attirés par l’actua- lité liée aux technologies, aux faits divers, etc… En dépit de la place grandissante d’internet dans les sociétés contemporaines, la presse traditionnelle n’est pas prête pour s’éclipser, dès lors que, paradoxalement, on «n’a ja- mais eu autant besoin d’être accompagnés d’une meilleure compréhension du monde et d’une maîtrise des cloisons entre l’info et l’intox», conclut-elle.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 131

CHADLI BOUFAROUA

La radio dans le futur

Centre culturel Aissa Messaoudi de la Radio nationale - Alger 24 Mars 2016 Chadli Bouferoua, Directeur de la chaîne III et ancien journaliste et cadre de la radio. Il a occupé plusieurs postes dont celui d’assistant du Directeur général de la Ra- dio, directeur des relations extérieures et ancien directeur de la Chaîne III.

n Ancien journaliste sportif à la Radio na- tionale d’expression Française «Alger chaîne 3», Boufa- roua travaille dans la rubrique sportive de cette chaîne en se spécialisant en Athlétisme couvrant toutes les grandes manifestations internationales. n Animateur de «Sport Matin» sur la chaîne III, M. Bou- faroua, avait occupé auparavant, le poste de directeur de l’information, avant d’être nommé directeur de cette chaîne en juillet 1994. n Il est directeur de la Radio international entre 2008 et 2011. n En juin 2014, Chadli Boufaroua est nommé directeur de la Chaîne III de la Radio nationale. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA RADIO DANS LE FUTUR

arler de la Radio dans le futur (ou du futur de la Radio) est d’abord une question indissociable 4La Radio dans le futur de celle du développement économique de P (ou du futur de la Radio) tout le pays, cependant l’évolution de la Radio en tant que média lourd de service public est une question est d’abord une question cruciale pour ce qu’elle est déjà, à savoir d’abord un indissociable de celle du instrument puissant de cohésion nationale. développement économique de tout le pays. LE MULTIMÉDIA, UN AXE STRATÉGIQUE 4 L’évolution de la Radio DE DÉVELOPPEMENT en tant que média lourd de service public est une Naturellement, on ne peut débattre de la question question cruciale pour ce du futur de la Radio sans évoquer la révolution des qu’elle est déjà, à savoir technologies de l’information et de la communication d’abord un instrument qui continue, chaque jour, à opérer des chagements profonds à la fois rapides et touchant à tous les as- puissant de cohésion na- pects de la vie quotidienne. Des bouleversements tionale. aussi profonds, sinon plus, que ceux engendrés par 4La numérisation de la la Révolution industrielles du XIXème siècle. Radio permettra la dif- C’est pourquoi, l’évolution de la Radio nationale c’est fusion de plusieurs pro- d’abord sa volonté «de réformer, d’innover tout en grammes en simultané. conservant son noyau dure, à savoir le son». Parce 4La création d’une chaîne que la Radio est aujourd’hui de plus en plus reçue d’information continue est sur les smartphones avec des contenus multimédia, impérative. le conférencier développe son argumentaire en citant diverses expériences de par le monde et qui font res- sortir, si besoin est, à quel point il est déterminant d’anticiper les changements afin de mieux s’y adapter, se maintenir et transmettre le legs aux générations futures. D’abord au Japon, «il a été décidé depuis quelques années déjà d’arrêter la fabrication des transistors classiques tout en initiant d’autres types de récepteurs tels que la radio hybride qui reçoit à la fois les programmes en FM et en numérique». «Rien n’empêche les investisseurs, aujourd’hui et pas demain, qu’ils soient privés à Bordj Bouariridj ou publics à Sidi Bel Abbès, d’investir dans la fabrication de la radio hybride». Autre fait saillant, les résultats d’un sondage réalisé dernièrement à l’occasion du 20ème anniversaire de la création de France Info. Ces derniers font ressortir que pas moins de 60% des auditeurs habituels écoutent désormais la radio via internet, et seulement 40% par voie classique. Une tendance qui ne fera naturellement que s’accentuer.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 135 En Allemagne, «un pays de plus de 70 millions d’habitants, 25 millions de smartphones ont été vendus en 2013, et sans doute autant sinon plus, en 2014 et 2015». C’est dire l’im- pératif changement auquel il faudra s’adapter dès à présent et anticiper d’autres à venir.

C’est clair, la vision du futur doit s’appuyer sur le multimédia dont il faut faire un axe stra- tégique de développement.

LA NUMÉRISATION DE LA RADIO POUR PLUS D’ATTRACTIVITÉ Autre axe à développer, la numérisation de la Radio qui permettra la diffusion de plusieurs programmes en simultané et de meilleure qualité de son. A noter que à ce sujet que la Ra- dio nationale a déjà entamé la numérisation de ses programmes dans la partie Production en attendant la numérisation de la Diffusion.

LE DÉVELOPPEMENT DU CONTENU Incontestablement, le développement ne peut se limiter aux aspects techniques qui ne sont que le support d’un contenu constamment amélioré et adapté aux besoins des audi- teurs. La création d’une chaine d’information continue est impérative. PAULE BEAUGRAND-CHAMPAGNE

Le Conseil de Presse du Québec : 40 ans de déontologie appliquée

Bibliothèque Nationale d’El Hamma - Alger 25 avril 2016 Paule Beaugrand-Champagne, née le 8 mai 1943 à Outremont, Montréal est une journaliste et écrivaine québécoise. Elle commence sa carrière en journalisme étudiant au début des années 1960 alors qu’elle est directrice du journal «Le Bour- geoys» du Collège Marguerite-Bourgeoys.

n En 1962, elle devient l’une des quatorze membres du groupe humoristique Les Cyniques. n Entre 1963 et 1966, elle est journaliste pigiste pour le magazine MacLean. n En mars 1965, elle fait une entrée remarquée au journal La Presse grâce à une entrevue exclusive avec la femme du criminel Lucien Rivard. n En 1974, elle anime la deuxième saison de l’émission de télévision «J’ai le goût du Québec» produite par le Parti québécois. n En 1976, elle fonde le journal Le Trente, magazine de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec dont elle est aussi la présidente. n En 1983, elle est recherchiste à l’émission «Dossier de presse» à la télévision de Radio-Canada, puis journaliste pigiste pour le magazine Protégez-vous. n En 1986, elle devient directrice du Devoir économique, et en 1989 rédactrice en chef adjointe du magazine Châ- telaine, puis du Journal de Montréal. n En 2001, elle est rédactrice en chef de RDI et en 2002, elle devient la Présidente-directrice générale de Télé- Québec ainsi que membre du conseil d’administration de Reporters sans frontières Canada. n En 2014, elle devient présidente du Conseil de presse du Québec, la première femme à occuper ce poste. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE CONSEIL DE PRESSE DU QUÉBEC : 40 ANS DE DÉONTOLOGIE APPLIQUÉE

écrivaine et journaliste québécoise a indiqué que l’objectivité doit constituer la règle de L’ base pour le journaliste dans toute informa- 4Il ne faut pas verser dans tion ou reportage, soulignant qu’il ne faut pas verser le commentaire dans le commentaire et laisser paraître ses opinions, et laisser paraître ses le bon journaliste est donc celui qui vise l’objectivité opinions, le bon journa- dans ses textes d’information et dans ses reportages. liste est donc celui qui vise Il ne peut pas faire de commentaire et laisser paraître l’objectivité dans ses textes ses sentiments et ses opinions dans ses textes d’in- d’information et dans formation factuels. ses reportages. Elle a ajouté que dès qu’une personne se rend l’au- teur d’un commentaire ou fait part d’une opinion au 4L’information présentée Canada, dans un papier factuel, elle «se fait taper du aux lecteurs se devait d’être doigt», précisant que «comme les partons de presse fidèle à la réalité, rigou- sont d’accord, ça n’existe plus». reuse, impartiale, sans parti Elle a rappelé que l’information présentée aux lec- pris, équilibrée et complète. teurs se devait d’être «fidèle à la réalité, rigoureuse, 4Un consensus existe au impartiale, sans parti pris, équilibrée et complète», Canada au sein de la cor- dans l’intérêt du citoyen pour assurer le service pu- poration de la presse pour blic. dénoncer toute personne Evoquant la presse québécoise, Mme Beaugrand- qui ou fait part d’une Champagne a relevé qu’il y avait eu 176 plaintes dé- opinion dans un papier posées en 2014-2015, auprès du Conseil de presse factuel. du Québec. «Quand les plaintes sont jugées recevables, un comi- té décide de porter un blâme à l’égard du journaliste ou du journal en question» a-t-elle dit, ajoutant que 64 jugements avaient été rendus durant la même période. Mme Beaugrand-Champagne, qui est spécialiste et consultante en information et jour- nalisme et membre du Conseil d’administration de TV5 Québec Canada, a relevé qu’un consensus existe au Canada au sein de la corporation de la presse pour dénoncer toute personne qui «se rend auteur d’un commentaire ou fait part d’une opinion dans un papier factuel».

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 139

LARBI TIMIZAR

La formation continue, clé de la professionnalisation éthique des journalistes

Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information de Ben Aknoun - Alger 29 mai 2016 Larbi Timizar est né le 15 Janvier 1947 à la Wilaya de Boumerdes, Président Di- recteur Général du journal «HORIZONS».

n Diplômé de l’ENA-CFA Il a occupé plusieurs postes :

n Chargé des relations publiques au mi- nistère de l’information fin des années soixante. En outre, il a passé de longues années au journal El Moudjahid, à travers lesquelles il a occupé plusieurs postes, notamment : n Journaliste n Directeur de rubrique n Chef de Département n Rédacteur en Chef n Directeur de Rédaction n Conseiller à la Direction Générale, puis rédacteur en chef jusqu’en 2011 n Président Directeur Général du Journal «HORIZONS» depuis 2011. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA FORMATION CONTINUE, CLÉ DE LA PROFESSIONNALISATION ÉTHIQUE DES JOURNALISTES

arbi Timizar a axé sur la problématique de la formation, vue comme une exigence éthique L et professionnelle à laquelle, et le journaliste 4 L’Algérie a pris et l’entreprise de presse doivent accorder une impor- conscience de l’importance tance au niveau des mutations et des défis qui carac- du journaliste profession- térisent cette profession. nel dans l’accomplisse- Larbi Timizar cite entre autres, les évolutions tech- ment de cette nouvelle nologiques, sociologiques et culturelles notamment mission constitutionnelle depuis l’avènement de l’Internet. «Quelle est la part «qui consiste à assurer au du journaliste et celle de l’entreprise de presse dans citoyen le droit à l’infor- la mise en place d’un système de renouvellement des mation au même titre que connaissances indispensables à un exercice profes- les autres droits, la santé, sionnel et responsable du métier de journaliste ?», l’éducation, la culture. s’est-il interrogé. 4 La réalité de la forma- Il a affirmé que l’Algérie a pris conscience de l’impor- tion de nos journalistes tance du journaliste professionnel dans l’accomplis- appelle un effort particulier sement de cette nouvelle mission constitutionnelle «qui consiste à assurer au citoyen le droit à l’infor- de la part des entreprises mation au même titre que les autres droits, la santé, de presse qui doivent l’éducation, la culture», a-t-il noté. contribuer à améliorer et à perfectionner les connais- Il a annoncé, à l’occasion, que les universités algé- riennes ont formé, durant les années 2011 et 2014, sances et les compétences 18.286 licenciés en sciences de l’information et de la des jeunes journalistes. communication et 388 diplômés en post-graduation. Larbi Timizar a précisé que la Constitution amendée a placé le droit du citoyen à l’information au rang de droit constitutionnel. Le conférencier a relevé l’attachement du ministre de la Communication à la réussite de l’œuvre de pro- fessionnalisation de la presse qui passe inévitablement par des actions de formation du journaliste pour lui permettre d’être au niveau de la mission sociale qui est la sienne. S’agissant de la formation, il a insisté sur la déontologie, l’éthique et la liberté de pensée et d’expression en tant qu’«atouts qui font la force et le professionnalisme d’un journaliste.» Il a ajouté que beaucoup estiment que le métier de journaliste a évolué et doit se consa- crer à une professionnalisation poussée, d’où l’idée de former des journalistes «soldats de l’information» aguerris aux pratiques des techniques du journalisme, avec comme fil conducteur, le souci de répondre aux fameuses questions Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Pourquoi ? Comment ?

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 143 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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Le paysage médiatique algérien est marqué par l’ouverture et le pluralisme qui induisent de nouvelles exigences éthiques et professionnelles que le journaliste ne saurait assumer sans un effort de formation et de renouvellement des acquis intellectuels. Sur un autre plan, Larbi Timizar a estimé que l’ouverture du champ des médias audio- visuels laisse transparaître un grand besoin de formation non seulement aux principes professionnels de la pratique du journalisme mais également aux fondements éthiques et déontologiques de la profession. «Nous constatons tous au niveau de certains médias des façons de se comporter avec l’information qui interpelle le rôle et la place du journa- liste et rendent plus qu’impératives sa formation et l’amélioration de ses connaissances, comme rempart éthique aux dérives.» Toutefois, la formation est confrontée à la réaction des journalistes. «Il y a ceux qui ad- hèrent au programme de formation, ceux qui refusent la formation au prétexte qu’ils sont diplômés de l’université, ceux qui pensent constituer l’élite. Et il y a ceux qui suggèrent de former plutôt les responsables.» La réalité de la formation de nos journalistes appelle un effort particulier de la part des entreprises de presse qui doivent contribuer à améliorer et à perfectionner les connaissances et les compétences des jeunes journalistes, «le plus souvent bien formés aux concepts théoriques mais sans aucune emprise sur la réalité du journalisme et des médias», a-t-il constaté. Enfin, il a plaidé pour la création de liens structurés et permanents entre l’université et les entreprises de presse pour l’accueil des stagiaires. «Cela pourrait également être un moyen pertinent d’implication des jeunes journalistes diplômés et leur intégration dans le monde professionnel du journalisme.» «Nous sommes interpellés pour trouver les moyens d’améliorer notre formation, nos compétences et nos connaissances dans une démarche purement éthique capable non seulement d’aider le journaliste à mieux exercer son métier mais aussi à lui éviter des dérives et des pratiques nuisibles à notre profession», a recom- mandé le PDG de Horizons.

144 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux ANDRÉ VITALIS

La révolution numérique en question, ce que nous apprennent 50 ans d’informatisation sociale

Bibliothèque Nationale d’El Hamma - Alger 20 juin 2016 Diplômé des sciences politiques à Paris et docteur d’Etat dans la même spéciali- té. André Vitalis est également habilité à diriger des recherches en sciences de l’information et de la communication Enseignant depuis 1973, il a été Directeur du Centre d’étude des médias de l’Univer- sité de Bordeaux de 1996 à 2005 il a été pendant la même période, responsable de la formation doctorale en sciences de l’information et de la communication. Il a encadré de nombreux travaux de recherche et assure la codirection d’une collection «Médias et nouvelles tech- nologies» aux Editions Apogée/PUF. André Vitalis a été Consultant auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (1987/1994), du Conseil de l’Europe (1995/1996) et du Commissariat gé- néral au plan (1998/1999). Il est membre-fondateur du CREIS (Centre de coordina- tion de la recherche et de l’enseignement en informatique et société et du CECIL (Centre d’études sur la citoyenne- té, l’informatisation et les libertés). Parmi ces ouvrages : n l’incertaine révolution numérique, ISTE, 2016, 117p n La vie privée à l’heure des médias (dir. Avec P.Baudry, C. Sorbets), - Presses universitaires de bordeaux ; 2002, 197p. n L’ordinateur et après (avec collab) ED.G.Morin/Eska, 1989, 302p RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN QUESTION, CE QUE NOUS APPRENNENT 50 ANS D’INFORMATION SOCIALE

e Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Bordeaux, L André Vitalis, a indiqué que c’est la révolution 4C’est la révolution numérique qui nous contrôle et non l’inverse. numérique qui nous «C’est une révolution incertaine car nous la subis- contrôle et non l’inverse. sons et nous ne pouvons pas savoir où elle va nous 4Nous sommes vraiment mener. C’est pour cela que j’utilise souvent, dans ce loin d’avoir tout prévu dans contexte, le proverbe qui dit que quand on ne sait pas où l’on va, il vaut mieux savoir d’où l’on vient. cette révolution. Nous sommes vraiment loin d’avoir tout prévu dans 4Aujourd’hui, tous cette révolution», relève-t-il, rappelant l’impact impré- les 18 mois, le nombre vu des réseaux sociaux et la découverte qui a secoué de données double ainsi le monde relatif au fait que les USA détiendraient des que la puissance de leur fichiers d’informations électroniques pour espionner la planète. traitement. Les optimistes considèrent cette révolu- André Vitalis, qui a supervisé bon nombre de thèses tion comme une révolution d’étudiants algériens, a dégagé plusieurs probléma- industrielle qui favorise tiques liées à cette révolution qui met en réseau les individus et le monde, tout en donnant l’accès aux la communication, bases de données. la démocratie. «Aujourd’hui, tous les 18 mois, le nombre de données double ainsi que la puissance de leur traitement. Les optimistes considèrent cette révolution comme une révolution industrielle qui favorise la communication, la démocratie…, tandis que les critiques indiquent qu’elle est un facteur de chômage et qu’elle est dominée par les USA», dit-il. Le professeur André Vitalis explique, dans ce contexte, que ce pays a le contrôle des banques des données des individus dans le monde entier. Le monopole de ces banques de données, selon lui, ouvre la voie à la manipulation. «Les Etats-Unis détiennent un système d’informations planétaires. N’importe qui peut être à l’écoute et dans n’importe quel autre Etat», indique-t-il en signalant la marchandisation des données personnelles. Il a fait savoir à ce propos que les monopoles économiques américains offrent des ser- vices de qualité gratuitement au maximum d’usagers pour les exproprier de leurs données personnelles.

Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux 147 RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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«Google et Facebook détiennent le plus grand nombre de données et les transfèrent vers les annonceurs. L’internet a permis aux puissances privées économiques de menacer les puissances économiques publiques», affirme-t-il. Pour ce qui est de l’impact de cette révolution sur les médias, André Vitalis pense que «le journaliste n’a plus le monopole de l’information et ne peut plus la commercialiser comme avant». «La révolution numérique menace aussi le secret professionnel de la presse, le secret de la source. Un gouvernement peut faire une enquête sur celui qui divulgue des informations en vérifiant l’historique de son téléphone»,affirme-t-il, tout en conseillant aux journalistes, pour préserver leur métier, de donner des informations fiables et de respecter la déonto- logie. André Vitalis s’est étalé, principalement, sur l’utilisation croissante des techniques numé- riques et du réseau internet qui a généré de grands bouleversements (tout particulière- ment dans le monde du journalisme et des médias) désignés sous le nom de révolution numérique. Cette révolution fait l’objet de différentes appréciations en général positives même si cer- tains considèrent que les progrès qu’elle apporte s’accompagnent de graves inconvé- nients comme un contrôle social accru et la domination de monopoles américains ou que d’autres estiment qu’elle ne fait que prolonger un mouvement machinal engagé depuis longtemps et qui n’a rien de révolutionnaire.

148 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux NICOLAS BECQUET

Le boom du web mobile, une chance pour les journalistes

Ecole nationale supérieure de journalisme de Ben Aknoun - Alger 25 septembre 2016 Nicolas Becquet est journaliste et dé- veloppeur éditorial pour le site du journal économique belge l’Écho. Passionné par les nouvelles technologies appliquées au journalisme, Nicolas Bec- quet, après sa formation au Celsa, l’Ecole de journalisme de la Sorbonne, a travail- lé pendant trois années pour la radio Bel RTL, avant d’entreprendre une formation d’un an pour devenir développeur web. Au terme de cette formation, celui-ci a intégré la rédaction de l’Écho. Fasciné par la révolution opérée par le web sur le mé- tier de journaliste (et sur les modes de vie), il a scruté le paysage médiatique et technologique afin d’en déceler les tournants majeurs. Il donne également des formations en storytelling web, journalisme mobile et gestion des réseaux sociaux. Ac- tuellement, cet homme de médias gère une équipe com- posée de journalistes multimédias, de data-journalistes et de développeurs. Ils élaborent ensemble des contenus multimédias et des applications web. L’autre partie de sa fonction consiste à faire le lien avec l’équipe IT qui développe les plateformes et le CMS de l’Écho. RECUEIL DES CONFERENCES FORMATION

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LE BOOM DU WEB MOBILE, UNE CHANCE POUR LES JOURNALISTES

INTRODUCTION

Passionné par impact du numérique sur notre 4Le journalisme vit une mode de vie, le journalisme vit une intense pé- riode de remise en question qui s’accompagne intense période de remise de formidables opportunités. en question qui s’accom- pagne de formidables Le numérique a appris à Nicolas Becquet l’im- portance d’une approche transversale, itérative opportunités. et multidisciplinaire du travail journalistique. 4Le web est un média Pour Nicolas Becquet, le web est un média à à part entière à traiter part entière à traiter comme tel. Il s’intéresse comme tel. donc à tous les formats et les outils au service 4Les plateformes so- de l’information et des lecteurs / internautes. ciales -réseaux sociaux et Nicolas Becquet est pleinement satisfait dès messageries- sont devenues qu’un contenu rencontre son audience. des médias à part entière L’objectif est de présenter les possibilités of- et donc des concurrents fertes par la combinaison d’un smartphone, de déclarés des médias quelques applications et des plateformes so- d’information. ciales, principalement Twitter.

Depuis 2015, les recherches effectuées depuis un smartphone sont plus nombreuses que celles faites depuis un ordinateur. La consultation des vidéos suit le même chemin. L’audience des médias est, elle aussi, toujours plus «mobile». Dans le même temps, les plateformes sociales -réseaux sociaux et messageries- sont devenues des médias à part entière et donc des concurrents déclarés des médias d’information. Face à cette nouvelle donnée, il n’est pas déraisonnable de penser que l’information peut être produite avec des appareils mobiles et diffusée sur les plateformes «mobile-friendly». Les journalistes ont une occasion unique de nouer une relation directe avec les inter- nautes, sans toujours passer par de lourds et coûteux sites web. Le smartphone est en effet un formidable outil pour produire des photos, des vidéos et couvrir des événements en direct.

LE JOURNALISME MOBILE EST DONC UNE OPPORTUNITÉ POUR : n Se rapprocher de l’audience, en utilisant les mêmes supports et les mêmes canaux n Enrichir les reportages, en mettant la puissance du web au service du journalisme de terrain n Profiter de la popularité de l’image et de la vidéo en ligne n Devenir son propre média, sans obligatoirement passer par un site web. Mettre le power point (diapo)

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RÉSUMÉ

Le manager en multimédia et journaliste, Nicolas Becquet a indiqué que 60% des recherches mondiales sur Internet étaient faites depuis un mobile, souli- gnant qu’il y avait une «explosion» de la consommation. «Il y a une explosion de la consommation mobile. 60% des recherches mon- diales sur Internet étaient faites depuis un mobile», a-t-il estimé. Il a ajouté que cette tendance ne faisait que croître, précisant que «c’est la même chose également pour la vidéo». M. Becquet a relevé qu’aujourd’hui la vidéo était majoritairement consommée dans les appareils mobiles, ce qui selon lui, doit «nous pousser à réfléchir si nous ne voulons pas perdre notre influence». Nicolas Becquet a ajouté, dans le même sillage, que si «on ne s’intégrait pas dans le renforcement des réseaux sociaux, nous allons perdre en visibilité». Le manager en multimédia a estimé que ces réseaux sociaux sont devenus, des médias à «part entière», expliquant que Facebook comptabilisait 1,7 mil- liards d’utilisateurs dans le monde, plus que toute la presse et les médias réu- nis, en terme d’audience.

152 Ethique et déontologie … pour un journalisme vertueux Ethique et déontologie Le journalisme La déontologie du L’autorégulation, une par Rachid Arhab d’investigation journaliste à l’épreuve du réponse prometteuse par Pierre Péan scoop et du sensationnel aux défis actuels du par Mohamed Ridha Nadjar journalisme ? par Jean-Jacques Jespers

Le journalisme de Géopolitique des médias: Les nouvelles tendances Ethique, déontologie et proximité. Quelques L’Algérie et les enjeux de l’éthique et les lois de pratique du journalisme principes de terrain et un internationaux l’information au temps de l’internet ensemble de principes par Abdeslam Benzaoui par Abderrahmane Azzi par Daniel Cornu de pratiques moraux sur lesquels il ne faut pas transiger par Bouziane Benachour

Liberté d’expression des Manifestations des valeurs Le professionnalisme La déontologie garante médias : connotation démocratiques : liberté et la crédibilité dans d’un journalisme crédible historique d’opinion et d’expression les médias arabes par Dominique Von Burg et philosophique dans la législation algé- par Bassim Tweissi par Ahmed Abdelli rienne sur l’information par Leïla Filali Les considérations Le journalisme à l’ère Ethique et déontologie Ethique et déontologie professionnelles et éthiques des médias sociaux du journalisme : du journalisme : dans le journalisme : par Sadok Hammami la responsabilité sociale défis et enjeux une nécessité pour du journaliste par Mohamed Kirat la modernisation et des médias et le développement par Ricardo Gutièrrez par Ahmed Essayed An-Nadjar

Le journalisme au défi des La radio dans le futur Le conseil de presse La formation continue, clé mutations technologiques: par Chadli Boufaroua du Québec : de la professionnalisation quelle place pour 40 ans de déontologie éthique des journalistes l’éthique? appliquée par Larbi Timizar Fatma Bensaad Dussaut par Paule Beaugrand- Champagne

La révolution numérique Le boom du web mobile, en question : ce que nous une chance pour apprennent cinquante ans les journalistes d’informatisation sociale par Nicolas Becquet par André Vitalis