Bernard BRUNEL

LE VOULOIR VIVRE ET LA FORCE DES CHOSES

Augerolles , en Livradois-Forez du XVIIe cm XIXe siècle

INSTITUT D'ÉTUDES DU MASSIF CENTRAL Centre d'Histoire des Entreprises et des Communautés Université Blaise Pascal Dans l'analyse au quotidien des faits et gestes, des préoccupations et du vécu d'une communauté rurale de moyenne montagne, celui qui cherche prend vite conscience, que l'infiniment petit formé par ce cadre originel, contient la matière de toute l'histoire. Découverte exaltante, mais qui révèle tant de pistes, où excellent les spécialistes, qu'elle submerge l'entreprise par sa diversité même. Merci à ceux et à celles, si nombreux, qui l'ont senti, et qui par leur patience ou leur savoir, ont permis à la tentative ce ne pas perdre pied !

«Pour résoudre ces questions, il faudrait vivre quelque temps dans les com- munautés, suivre le genre de leurs travaux, examiner leur régime de vie, con- sulter leurs titres, s'ils en ont, faire le relevé des mariages, des naissances et des morts ; en un mot, entreprendre un long travail, qui facile pour un habitant de Thiers, ne l'est nullement pour un simple voyageur.» Lettre XXIX, à propos des communautés Thiernoises. 1788. P.J.B. Legrand d'Aussy (177) page 101.

L'auteur et l'éditeur remercient vivement les autorités et organismes qui ont généreusement accordé des subventions à cet ouurage : - le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez - la Municipalité d' - le Centre d'Histoire des Entreprises et des Communautés de l'Université Blaise-Pascal (Clermont II)

En couverture, vieille illustration de la fin de XIXe siècle concernant la vie dans les monta- gnes d'Auvergne qui, aux yeux de l'auteur, évoque parfaitement le dur labeur nécessité par le vouloir vivre.

En page de titre, dessin représentant le «char» augerollois de 12 quintaux ancien poids, aima- blement communiqué à l'auteur par M. et Mme Chassain-Merot d'Augerolles.

Le montage financier de cet ouvrage a été réalisé par la Société des Amis de l'Institut du Massif Central. Introduction

Lorsque le projet initial de cette recherche a été conçu1, la démographie historique, qui venait de traverser une période de doute, lié à sa trop haute spécialisation, "le succès même de la technique enfermant le technicien dans sa technicité !" 2 trouvait un "second souffle". La remise en question des certitudes accumulées par le "Modèle" monographique, reproduit et confirmé, amplifié et affiné, a ainsi infléchi l'itinéraire de ce travail. Indépendamment de la présentation des techniques de reconstitution et d'analyse, cette orientation3, apportait deux certitudes : que d'une part le temps consacré aux classements et aux calculs était trop long et que le recours à l'informatique, qui permet une utilisation plus rapide des données et un approfondissement de l'étude, était une nécessité, que d'autre part la méthode de découpage social était indispensable pour ouvrir d'autres perspectives à l'analyse démographique. Il fallait alors donner à la reconstitution une dimension nouvelle, incluant au XVIII° siècle seul prévu initialement, la fin du XVII° siècle et la plus grande partie du XIX° siècle, orienter la recherche vers des sources beaucoup plus sociales et économiques, dans le but d'enrichir l'information démographique: registres de taille et cadastres anciens, diverses sources seigneuriales, ecclésiastiques et judiciaires, fonds privés, et, surtout, minutiers notariaux. Une phrase d'A. Perrenoud était une confirmation de ces nouvelles options et un encouragement : "Pour ma part, je crois toujours fermement aux vertus de la monographie; seule elle nous permet d'appréhender la diversité et d'explorer tout le champ des interactions possibles" 4. Elle n'était pas en contradiction avec le constat de J. Dupâquier, évoquant ses doutes sur le modèle monographique, exprimés ici en rendement, en représentativité, voire en infirmité, la plus grave étant la "déshumanisation des phénomènes sociaux" , vite compensée cependant par " la rentrée en force des historiens dans le champ de la démographie historique Ils - les historiens - veulent tirer davantage du merveilleux instrument inventé par Louis Henry, et étendre à toutes les sources de l'histoire sociale les méthodes nominatives. Mobilisant listes de recensement, rôles de tailles, cadastres et terriers, contrats de mariage, inventaires après décès, déclarations de grossesse - que sais-je encore ? -, ils rêvent de fiches de famille comportant autre chose que des lieux, des dates et des intervalles, afin de pouvoir dire de leurs gens autre chose que : " ils naquirent, ils épousèrent, ils engendrèrent et ils moururent" 5. Il est néanmoins nécessaire de reconnaître, que si la technique rassurante de la démographie pouvait être enrichie par diverses sources, la tentation ethnographique, dans ce cadre étroit, paraissait aussi très forte. Il fallait donc lui préférer une approche globale, esquissée théoriquement dans des plans de recherches proposés par de nombreux auteurs6,

1 B. Brunel (152) sujet de thèse nouveau régime déposé en 1983, sous la direction de Monsieur Abel Poitrineau. Thèse soutenue à Clermont le 21 mai 1990. Compte tenu des impératifs de publication, quelques développements et plusieurs centaines de tableaux de données de base et de graphiques n'ont pas été repris ici. Le lecteur est averti par des notes. 2 J. Dupâquier (54) page 117. 3 Confirmée par un stage effectué au Laboratoire de Démographie Historique de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en septembre-octobre 1983, sous la direction de Messieurs J. Dupâquier et JP. Bardet. 4 Actes du XX° anniversaire de la Société de Démographie Historique, Bulletin DH dec 1983, numéro spécial 63 pages. 5 J. Dupâquier (54) page 121. 6 A. Soboul (473, 474, 475), P. de Saint Jacob (470, 471), M. Agulhon (435, 436). ou envisagée directement par certaines études7. La finalité était d'intégrer les divers éléments, qui constituent la "totalité sociale" - des indices, des taux, des valeurs, des faits, des techniques, des évolutions - à une problématique plus large. Fondamentalement cette dernière ne pouvait être définie qu'en fonction d'axes de recherches tendant vers un même but : comment expliquer le maintien, dans cet espace, d'un surpeuplement absolu pendant les deux siècles étudiés8? Quelles parts détenaient respectivement les divers paramètres démographiques, les agencements sociaux ou les techniques de production, pour assurer la survie et l'essor d'une telle communauté ? Quelles nuances enfin pouvaient apparaître, sur cette trame d'immobilisme essentiel, pour affirmer des différences a priori impossibles à cerner ? Six thèmes peuvent servir ici de point de départ. La justification du choix du lieu est le premier. Loin des terrains classiques du Bassin Parisien, de la Normandie ou de l'Aquitaine, l'Auvergne offre des espaces encore disponibles pour ce type d'étude. Les grandes synthèses qui y ont été réalisées dans le domaine de l'Histoire et de la Géographie rurales ne pouvaient qu'encourager ce choix. La grosse paroisse d'Augerolles, scindée en deux en 1833, très étagée en altitude entre la Dore et le sommet du Forez, permettant d'opposer des comportements démographiques ou des réalités économiques de bassin et de montagne, correspondant, par sa situation au voeu d'ouverture et de diversité semble-t-il souhaité9, va donc servir de base à ce travail. Dans ce choix, point de raison d'ordre documentaire, ayant servi de support à d'autres études 1°. Cet espace de moyenne montagne est peu sensible, par son isolement, aux commotions du temps, et pour qui connaît ses horizons familiers, il semble plutôt correspondre à l'appréciation portée par l'Abbé Ordinaire sur l'ensemble du peuple auvergnat :"Une sobriété générale, qui circonscrit étroitement tout le nécessaire, est ici le principe de population. L'habitant parcimonieux dans sa nourriture, dans son vêtement, dans sa manière de se loger, va jusqu'à se soustraire luy-même à son ménage quand sa présence cesse d'y être utile, pour luy profiter doublement par son absence" n. L'élargissement chronologique constitue le deuxième thème. Les difficultés de calendrier ou de lacunes, pour la période révolutionnaire, mises à part, le seul problème réel est celui du temps consacré à la mise en fiches, pour celui qui veut couvrir la longue durée, et essayer de saisir des évolutions, du début du règne de Louis XIV aux premiers pas de la Troisième République. Disposant du magnifique outil que sont les listes de recensement, la reconstitution a été arrêtée sur l'année 1872, en relevant les mariages jusqu'en 1903. Seule une lacune importante a empêché de reconstituer les familles avec certitude avant 1663. Le corpus de base repose donc sur 42.000 fiches diverses d'état civil ancien ou moderne, auxquelles il faut joindre environ 12.000 fiches dressées à partir des listes nominatives 12.

7 G. Bouchard (95) page 12, "Pour qui veut appréhender la société française d'Ancien Régime, la communauté rurale, isolée géographiquement, dotée d'une large autonomie et partiellement homogène, se donne aisément comme une cellule de base et, à ce titre, constitue une prise privilégiée." 8 L'espace de reconstitution compte en 1990 1.200 habitants. Entre le milieu du XVII° siècle et la fin du XIXo siècle, ce chiffre varie du double au triple, culminant à 3.600 personnes vers 1870. Evoquant les oeuvres d'H.Pourrat, J. Anglade ou L. Gachon, A. Fel (150) écrit page 134 : "Ils ne font tous qu'exprimer une nostalgie populaire : cette région a été jeune et vivante elle tend aujourd'hui à devenir une forêt." Ne nions pas ce sentiment. Il est le support le plus motivant de l'analyse, et le point de départ de multiples problématiques. 9 J. Dupâquier (54) chapitre 3, pages 91-159. 10 C'est le cas de L. Gachon (169) bénéficiant d'un rarissime plan cadastral de 1776 pour Brousse- Montboissier, ou de G. Bouchard (95) des mémoires du prieur Sauvageon, titulaire de la paroisse de Senely-en- Sologne pendant trente cinq ans. 11 N. Ordinaire (183a) page 1. 12 Sur ce seul plan ce corpus forme une des plus grosses reconstitutions réalisées en en milieu rural. 3212 fiches de famille sont de type MF, les plus utiles. A Tourouvre, H. Charbonneau (98) travaille sur 570 La recherche systématique, et détaillée,des mariages célébrés à l'extérieur de la paroisse de reconstitution, mais concernant un de ses administrés, dans le but de déterminer la fécondité et le comportement démographique d'une sous-population de couples, a été le troisième axe. Mais le sujet a été vite élargi. 25.000 actes de mariage ont été ainsi relevés plus succinctement dans quinze communes (soit douze paroisses) de 1737 à 1868, permettant une étude approfondie des flux matrimoniaux dans un vaste espace régional. Grâce aux données de 2.200 contrats de mariage, et à l'étude méthodique de nombreux autres actes notariés, ces flux ont pu être analysés dans le cadre de toute une organisation régionale des transmissions de patrimoines et des transferts de dots, l'analyse généalogique complétant cette recherche . Une quatrième étape a alors paru nécessaire : appuyer toutes les conclusions, tant démographiques qu'économiques sur des catégories sociales clairement définies, qui reposeraient sur des bases objectives et non sur des déclarations d'activité déformant souvent la réalité . Ici encore la seule solution était la mise en fiches de toutes les informations fiscales ou notariales : 16.000 fiches, toutes nominatives, ont été constituées, classées, puis reportées sur les quelques 5.500 fiches de famille. Travail fastidieux, certes, mais absolument indispensable pour que l'affectation à une des catégories sociales se fasse en connaissance de cause. Ces cinq catégories ont été ensuite utilisées isolément, et non plus comme un tout, pour définir des comportements. A ce stade de l'étude ne pas utiliser la masse des documents d'origine sociale ou économique, aurait été particulièrement "frustrant"! Sans avoir aucunement la prétention de parvenir à une "histoire totale" de cette communauté sur plus de deux siècles, il est certain que ces nombreuses sources ont permis de multiplier les études, en "entrecroisant" les fiches selon la demande. Les augerollois et augerolloises ont des cadres de vie différents selon leur condition; leurs relations avec l'argent peuvent être définies avec précision; ils ont des activités spécifiques que les actes suggèrent; ils se déplacent loin, surtout à plusieurs; ils réagissent aux modes et à l'histoire de leur temps. Leur sensibilité et leurs conflits de voisinage ont pu être analysés, et la sociabilité villageoise approchée par certaines sources13.

fiches MF, à Meulan (122) M. Lachiver sur 1200, à Crulai (114) L. Henry et Ê. Gautier sur 214. Avec 2982 fiches MF, JC Sangoï (137) dispose de données équivalentes à celles d'Augerolles pour ses trois paroisses du Bas Quercy. On peut comprendre les critiques de G. Leti - citées par J. Dupâquier (54) - sur l'énormité de l'investissement humain. J. Dupâquier estime (54) page 95, qu'il faut compter une demi-journée de travail par famille dans une reconstitution manuelle, sans approche économique et sociale. Il faut ajouter ici les conceptions - entièrement originales - des programmes informatiques, les autres relevés démographiques (listes nominatives et actes extérieurs), les sources judiciaires, fiscales ou notariales, sans compter l'abondance bibliographique des différents secteurs étudiés. 13 L'extension dans le temps, et l'importance de la communauté, imposaient le "détour" informatique. N'ayant pu avoir accès au seul logiciel important existant, il a été nécessaire, avec l'aide d'informaticiens, de concevoir un gros programme de saisie, et des dizaines de programmes de sortie entièrement originaux. Avec le travail de saisie des données, cela correspond à une mobilisation du quart du temps consacré à cette recherche. Voir B. Brunel (152) page 10 et 38-49. C'est le sixième axe, qui ne se perçoit qu'à travers le volume d'informations sérielles traitées, mais qui ne sera sans doute utilisé qu'une seule fois, pour ce travail (Voir réflexions de J. Dupâquier -54- pages 126-136).

1ère partie

Les bases de l'analyse monographique

1 - L'espace de reconstitution

A - L'espace régional

"Là-bas, au bout du val, par delà la plaine d', comme un immense talus épaulé de contreforts épais, s'élevaient les Monts du Forez "1. Cette perception initiale de l'espace est incomplète, c'est à travers un cheminement plus complexe et plus intime, que Gaspard des Montagnes nous fait découvrir sa réalité :"Le pays allait par montées, par descentes, sous un vent doux qui sentait la terre retournée, les feux de fanes, tout un gôut d'automne. Mais il ne regardait point le pays, ni ces bois qui se perdaient dans la montagne, ces fayards tout brouillés de jaune et de rouge, cette fontaine dans son creux d'herbe longue, ces sentiers avec leurs roches et leurs racines "2. Tout est en place : la roche granitique qui affleure souvent, la permanence de la dénivellation et du sentier qui se cache, la trilogie de la terre, de l'herbe et du bois. La zone étudiée se situe dans une région sans spécialité bien marquée, milieu tiraillé plutôt qu'original. La carte 2 de localisation montre bien sa position, aux confins de la montagne de Thiers et des Hautes Chaumes du Forez. A mi-chemin entre Thiers et Ambert, proche de la ligne de faîte à l'Est, la séparant d'un espace, qui relève d'autres attaches administratives, cette communauté échappe à l'axe de circulation de la vallée de la Dore, dont elle est coupée par un talus bien marqué. Cette marginalisation se confirme et s'amplifie par l'examen des différentes unités, qui constituent l'Auvergne orientale : l'étroite et profonde vallée de la Dore, formidable coupure entre Monts du Forez et Massif du Livradois, s'ouvre lentement, à partir de Courpière, sur les pays plus calmes des Varennes et de la Limagne. C'est donc dans la diversité, et le sentiment d'appartenir à un pays de marge, que s'inscrit en première analyse cette étude. Mais il faut se garder de trop insister sur les différences, le "glissement" humain vers les plaines - Courpière, Thiers, puis Clermont, Lyon et Paris - est tel, que les qualificatifs choisis par A. Fel, révèlent une profonde et tragique unité : "Montagneuse, forestière, dépeuplée, l'Auvergne Orientale serait-elle décrite en trois mots ?"3

B - Le milieu physique

Ainsi replacés dans un contexte régional, les cinq mille hectares de l'espace de reconstitution démographique paraissent bien modestes. Mais les règles du genre exigent des limites qu'il était impossible de franchir. Relief, géologie et hydrographie imposent ici des formes caractéristiques, d'autant plus sensibles à l'observateur, que de la Dore à la limite du département de la Loire, l'ancienne paroisse est étroitement encadrée par deux de ses affluents, le Couzon et la Faye, aux gorges profondes, qui délimitent le terroir de lacommunauté. Terroir original, puisqu'il évoque, par sa forme, ces espaces communaux alpins en lanière étroite, du fond de vallée jusqu'à l'alpage. La carte 3 indiquant la répartition des points cotés4 , montre bien une moitié occidentale située entre 500 et 700

1 H. Pourrat (585) page 122. 2 H. Pourrat (585) page 78. 3 A. Fel (150) page 133. 4 A partir des assemblages IGN au 1/25000°. CAR 2

Carte de localisation et espace régional

mètres, une courte zone de transition au centre de la commune, qui mène aux parties élevées du nord et du nord-est, comprises entre 1000 et 1200 mètres, formant l'actuelle commune de . C'est de la route du col du Béai, après , que l'observateur saisit le mieux les diverses masses étagées, qui forment ces trois niveaux. Tout l'ensemble est au coeur de la "mosaïque disloquée ", décrite par A. FeI) et par L.Gachon6. La nature granitique déjà reconnue par l'Abbé ordinaire7, présente sur les cartes géologiques des successions de failles parallèles, responsables de petits bassins - tel celui du bourg d'Augerolles - ou de rebords bien marqués de lourds plateaux. A cet étagement s'ajoutent de multiples formes topographiques correspondant à deux origines distinctes : la première évoque l'intense travail d'une érosion remontante le long

Il A F F-el ( l 50 > page,, 26-27. 6 1 (;alhon t 16X cl 170). \ UrI! 111,11 rl' < ! S> pages 15-16. du Couzon et de la Faye, se traduisant par deux torrents encaissés et grandioses8, la seconde, à l'inverse, se caractérise par des éléments plus favorables à l'installation humaine, petits bassins plats, transformés parfois en "sagnes ", où l'écoulement se fait mal, vastes replats évoquants des lambeaux de plateaux, versants arrondis dominés par la forêt et les trouées de prairies ou de pacages à bruyères et genêts. Ainsi dans cet espace, où tout est sculpture, les vallées semblent avoir été un obstacle à l'activité. Ce rôle de la topographie a été souligné pour l'ensemble de l'Auvergne par A. Fel : "c'est la topographie qui guide la répartition locale des sols, de l'eau dans le sol, comme elle modifie le climat local "9.

CAR 3

Les caractères physiques du sol de cet espace sont profondément marqués par l'origine cristalline du sous-sol, qui induit une carence très forte en chaux, et même si l'acidité peut être réduite en surface par le travail humain, elle reste importante : A. Fel cite une analyse faite à Augerolles, donnant un PH en surface de 4,9, alors que l'arène granitique sous- jacente est à 5,310. Ces sols sont en général peu épais, le socle est toujours très proche, il apparaît partout, dans les fonds de vallons, le long des versants abrupts, ou lorsque l'homme pratique des tranchées profondes - le long des routes par exemple - . Au début du XIX° siècle, l'Abbé Ordinaire avait déjà insisté sur ces dangers de l'érosion, surtout lors des orages, qui "donnent naissance à une multitude de torrents dévastateurs , parce que la masse solide et compacte de ces monts granitiques, faiblement revêtus et fréquemment lavés, ne retenant point les eaux, elles se précipitent nécessairement en presque totalité "11. Après avoir décrit la continentalité du climat médian, domaine d'abri par excellence, P. Estienne insiste sur quatre facteurs prépondérants : la sécheresse hivernale, les pluies orageuses de l'été, les chaleurs estivales, les forts minima de saison froide. Mais l'auteur nuance son propos : "On éprouve même quelques scrupules à ranger sous la bannière de

8 Le paysage que suit la D 97 entre la Pommerette et les Saignes le long de la Faye est à cet égard exemplaire: une gorge sauvage, aux versants boisés, raides, et que l'habitat a fui. Il en est de même le long du Couzon, qui, en amont d'Aubusson, ne fixe aucun village, et que les D 41 et 42 évitent parfois. La "frontière" de la communauté, a ainsi été sur ses marges nord et sud un obstacle particulièrement efficace aux relations de voisinage. 9 A. Fel (167) page 91. 10 A. Fel (167) page 86 . Ces analyses sont confirmées lors de certains comptes rendus de visites d'exploitations agricoles dans les travaux de P. Laloy (369). 11 N. Ordinaire (183a) page 51. la zone médiane les monts du Livradois et du Forez. Par son volume, par sa régularité, la pluviosité y est en partie océanique; l'herbe profite aux chaleurs de l'été et la forêt n'y souffre pas de ces incendies qui ravagent les bases pentes "12. On peut ajouter que la pluviosité s'échelonne de 1000 à 1200 m/m, que la durée du manteau de neige peut être de plus de trois mois, et le nombre de jours de gelée compris entre 100 et 150. Ces dures conditions, d'autant plus rigoureuses vers les zones élevées, imposent une longueur de l'hiver souvent excessive, qui rythme la vie agricole, et dont les descriptions ont été notées fidèlement au début du XX° siècle à , évoquant celui pratiqué autrefois dans le Forez13. Les contraintes de ce milieu intra-montagnard déterminent des aptitudes diverses : fortes pour le seigle et le pin sylvestre, elles sont plutôt médiocres pour l'herbe14. Elles seront retrouvées dans l'analyse agricole.

C - La mise en place de la communauté

De cette vaste communauté d'habitants - 50 km2, soit le double du chiffre moyen des paroisses françaises situées au sud de la Loire - qui est décrite par le vicaire Benoit Rivaud en 1782 comme "une des plus difficiles et des plus pénibles du diocèse de Clermont "15, en raison de ses mauvais chemins, de ses dénivellations et de son habitat dispersé, on ne sait presque rien des origines les plus lointaines. Le prieuré d'Augerolles était peut-être, avant l'An 1000, la propriété du seigneur "d'Ogerolles ", qui fit don de ses biens aux moines, et se retira dans le Forez à Saint-Polgues16. Sans doute assiste-t-on ainsi à ce moment là, à la naissance d'un sentiment paroissial, par le biais d'une réforme ecclésiastique, renforcée par le mouvement des restitutions d'églises par les laïcs dans le courant du XI° siècle17. L'église primitive, symbole de la communauté de prières, ou maison commune, a joué le rôle de rassembleur autour des idéaux de paix et de terre d'asile de l'An Mil : selon l'Abbé Adam18 ce sont les moines du prieuré, qui furent à l'origine de la construction du monument, qui offre, dans sa partie la plus ancienne, toutes les caractéristiques d'une église bénédictine du XI0 siècle19. Il n'existe pas d'indications sur le rôle éventuel des confréries du Saint Esprit dans l'histoire de la naissance de cette communauté. En revanche l'autorité seigneuriale, qui avait semblé céder le pas à l'autorité religieuse, s'affirme à partir de la fin du XI0 siècle, mais aussi plus tardivement20. En partant de l'idée que "la vigueur des

12 P. Estienne (165) page 143. 13 A. Fel (150) page 31 "La vie agricole ne s'éveille que dans les premiers jours de mai. Les prairies où la neige vient de disparaître, reverdissent. Tout alors se présente en même temps : il faut planter les pommes de terre, sortir pour la première fois le parc des moutons, puis conduire les vaches dans les pâturages. Juin est occupé par le long travail de la fauchaison. Puis vient en juillet et en août la moisson des seigles. A la fin d'août, on fauche les regains et l'on récolte les avoines. Tout cela déborde sur septembre, mois des semailles des seigles. Octobre voit la récolte des pommes de terre et déjà arrivent les fortes gelées et les premières neiges. Le cycle se clôt : vaches à l'étable et moutons à la bergerie quelques jours après. Le long hiver recommence." 14 A. Fel (167) pages 78-83. 15 Archives Départementales du PdD 1 G Visites de paroisses 1782. 16 Abbé Chambas. Brochure sur Augerolles page 4. Cette interprétation est cependant bien floue. Il est sans doute préférable de suivre L. Drouot (481a) page 44, qui pense à une possession initiale de tous les droits de justice sur le prieuré par les seigneurs d'; ces derniers, après avoir concédé leurs droits sur l'église, seraient alors les véritables fondateurs du monastère. 17 J.P Gutton (456) page 22. 18 Abbé Adam (517) pages 10-11. 19 Il existe d'autre part dans les procès-verbaux des visites de la Chambrerie d'Auvergne, Ordre de Cluny, à la Bibliothèque Nationale, des comptes rendus de visites par des religieux du chapitre général de l'Ordre, qui comptait 120 monastères en Auvergne et Forez. Les premières visites concernant Augerolles datent de 1280. Le compte rendu de 1294 a été publié en totalité par l'Abbé Adam (517) page 10, mais d'autres peuvent être cités : 1318, 1353. 20 L.Drouot (163) a répertorié, dans plusieurs pièces du Trésor des Chartes d'Olliergues, les liens, qui unissaient ces seigneurs à Augerolles. Mais c'est dans une pièce, écrite entre 1309 et 1315, concernant directement les droits de justice des seigneurs d'Olliergues sur Augerolles (L. Drouot -481a- pages 3945), communautés est fonction de la vigueur des seigneuries "21, et que les contraintes et banalités favorisent leur cohésion, voire le développement de véritables "cellules de convivialité ", l'organisation ancienne de l'espace montre une grande complexité. Toutes les descriptions institutionnelles des communautés d'habitants22 insistent sur le fait, qu'à l'origine la communauté est la parcelle fiscale ou collecte. Presque jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, elle constitue sa seule existence légale. La grande paroisse d'Augerolles est divisée en quatre quartiers, ou collectes, dont le rôle sera décrit plus tard, chaque quartier disposant d'institutions propres, dont l'activité dépasse souvent le simple cadre fiscal royal. Sur ce quadrillage de base se superpose, au point de vue judiciaire et seigneurial, une structure extrêmement complexe, qui évoque ce "pullulement " des justices seigneuriales auvergnates23, et qui n'est pas toujours rattachée, à Augerolles en particulier, à la parcelle fiscale. Cinq justices particulières cohabitent : le bailliage du prieuré qui avait droit de justice haute, moyenne et basse sur le bourg d'Augerolles et quelques mas voisins, et qui entre en concurrence, dans cet espace, avec les justices d'Olliergues et même d'Aubusson ; le seigneur de la Paye avait droit de justice haute, moyenne et basse sur le hameau des Grimardies et des tènements proches ; la justice de la Servilie, appartenant à l'Abbé de Montpeyroux s'exerçait sur cinq ou six hameaux du haut pays, qui relevaient en haute justice du bailliage d'Aubusson; le seigneur vicomte d'Aubusson avait droit de justice haute, moyenne et basse, sur du même nom24, sans exclure d'autres droits dans la paroisse ; enfin la parcelle fiscale de Frédeville correspondait à la justice du même nom, haute, moyenne et basse. Ainsi en 1789 seule la structure religieuse, centrée autour de la paroisse, se rapporte à la communauté entière, les autres structures perceptibles évoquent des influences concurrentes, qui ont pu induire des comportements. Cet enchevêtrement d'autorités ne sera pas résorbé rapidement après la Révolution. Certes la fiscalité s'est améliorée, même si les comptes rendus du conseil municipal révèlent des hésitations sur certains types d'impôts comme les patentes. Mais paradoxalement l'éclatement de l'unité paroissiale, avec l'apparition de deux succursales au Trévy et à La Renaudie, prélude à la partition communale25. En 1833 l'ancien quartier de la Montagne devient la commune de La Renaudie, mais ce n'est pas sans réaction de la part des autorités municipales, qui en contestent le bien fondé, dernière réaction peut-être du sentiment d'appartenance à la communauté d'habitants26.

que le processus d'affirmation seigneuriale est le mieux décrit. Le texte précise que le prieuré d'Augerolles et ses appartenances sont déclarées être d'ancienneté dans la Châtellenie d'Olliergues et en relever en toute justice, et l'auteur remarque "l'usage seigneurial de mettre à sa main le temporel du prieuré à chaque vacance ". 21 J.P. Gutton (456) page 23. 22 En particulier M. Marion (465) et R. Mousnier (467) 23 A. Poitrineau (584) page 23. Les actes notariés d'Ancien Régime indiquent, presque toujours, dans le cas d'une vente, la mouvance seigneuriale du bien de la mutation. Sans avoir été étudiée systématiquement cette information montre une grande complexité dans la répartition, les "propriétés" ne sont pas nettes ; des tènements inclus dans une seigneurie renferment de nombreux biens fonciers épars relevant d'autres seigneurs. 24 Le terrier de cette seigneurie renouvelé à partir de 1740, et conservé à la Mairie d'Augerolles, montre cependant qu'elle ne concerne que partiellement Augerolles, mais s'étend aussi sur Courpière, Aubusson et Vollore. 25 17.10.1819 le conseil municipal s'oppose à l'ouverture de la succursale de la Renaudie "bâtie depuis peu de temps par quelques novateurs considérant que la commune d'Augerolles "a été de tout temps une, entière et sans division ". 26 Conseil Municipal, réunion des 5.8.1828, 9.1.1831, 11.8.1831 et 15.1.1832. Archives municipales d'Augerolles. Pendant plusieurs années les conflits, concernant les bois communaux surtout, persisteront entre les deux communes. Ajoutons que ces incertitudes existent à d'autres niveaux : Augerolles sera ainsi de 1790 à 1800 un éphémère chef-lieu de canton, avant d'être englobé dans celui de Courpière. D'autre part c'est tout le versant auvergnat du Forez, qui est touché au XIXe siècle par ces éclatements de communes, qui séparent les sections les plus élevées, des zones de moyenne altitude : en 1789 le Brugeron se sépare d', en 1789 Vollore Montagne de Vollore, 1833 La Renaudie d'Augerolles, en 1833 de Celles, en 1866 Saint-Pierre La Bourlhonne de Marat, en 1868 Sainte Agathe de Vollore Ville, en 1874 LES DENSITES KILOMÉTRIQUES

Répartition p«r ««étions cadaslntlas Etat» aecUons de I8t«

CAR 4

CAR 5

Nombre de .alsons habitées par écart D'eprts le relevé des propriétés bath. de 1836

D - L'humanisation de l'espace

Le milieu physique de ce versant montagneux et les vicissitudes de l'espace institutionnel, ont-ils joué un rôle dans l'humanisation du paysage ? Il faut répondre principalement à la question suivante : la mise en valeur du sol a-t-elle effacé les éléments naturels du paysage ? G. Garrier en définit les composantes27 : le pourcentage de manteau forestier, la nature des toponymes, les clôtures, les chemins, le dessin des parcelles, les formes de l'habitat. L'essentiel de ces thèmes relevant de l'étude agraire, examinée par ailleurs, l'humanisation sera envisagée surtout par l'analyse de la structure de l'habitat.

La Forie de Job ; dans la Loire La Chambonie se sépare également de Noirétable en 1828, en s'agrégeant à la Chambas, quelle quitte, pour devenir autonome, au début du XXe siècle. 27 G.Garrier (113) pages 159-163. Le document le plus simple est constitué par la carte des densités, calculées à partir du cadastre de 1814, et dessinées sur la carte 4. Très peu de sections ont des densités inférieures à 10, elles correspondent à de vastes zones forestières, où à des pacages en pentes fortes ; l'essentiel se situe entre 50 et 100 h/km2, 14 sections sur 28 dépassent 60. La moyenne est de 72, chiffre très élevé pour un pays de moyenne montagne, aux pentes granitiques et aux ressources modestes28.Dans ce contexte de surpeuplement l'étude de la répartition se révèle essentielle. Plusieurs moyens sont possibles : l'étude des feux sous l'Ancien Régime, celle des maisons ou des ménages sur les listes nominatives du XIX° siècle, celle enfin des écarts29. Les deux premières sont réservées à l'analyse démographique. La carte 5 a été construite à partir des données du recensement de 1836, elle montre une grande dissémination des écarts. C'est le domaine de l'habitat dispersé, dans sa variété de l'Auvergne orientale : il est, sur le plan de l'économie agricole, l'expression du développement ultime de la petite culture vivrière, et sur le plan des paysages, le résultat d'un agencement original décrit par A. Fel30 : "les hameaux, entourés de leurs champs, de leurs prés et de leurs pacages sont installés en plein coeur de la forêt, et les différentes cellules sont presque complètement isolées les unes les autres par d'épaisses cloisons de sapinières Cette dispersion implique cependant la variété. En suivant A. Fel31, quatre types apparaissent nettement à Augerolles : la ferme isolée, presque toujours un domaine, formant ici 25% des écarts environ, les petits hameaux familiaux, où les liens de parenté sont souvent plus importants que les liens de voisinage, les hameaux ordinaires à disposition anarchique, où cohabitent des formes familiales en barriades, des formes issues d'anciens habitats domaniaux, et des ébauches de formes collectives, comme les fontaines ou les coudercs, enfin les petits villages, méritant parfois le qualificatif de bourg. En excluant du calcul le bourg d'Augerolles, on obtient en 1836 un nombre moyen de maisons par écart de 4,6, chiffre, qui, selon L. Gachon, est le résultat d'un compromis entre l'individualisme paysan et les conditions physiques qui l'entourent32 . L'armature du peuplement augerollois repose donc bien sur cette "communauté de hameaux " décrite par A. Corbin en Limousin, souvent identifiée à une section cadastrale depuis le XIX° siècle, possédant parfois des biens en communauté. Cette "cellule sociale cohérente ne constitue cependant pas une entité juridique "33. Dans la genèse de cette organisation de l'habitat le hameau familial présente une grande originalité. Il est tout d'abord patronymique, le hameau étant désigné par le nom du patronyme qui a peuplé initialement le noyau34. L'étude de l'onomastique augerolloise recoupe souvent la toponymie ; celle réalisée par H. Ponchon sur 1112 personnes, mariées entre 1680 et 1715 à Augerolles, montre que 80% des patronymes sont liés à la toponymie de la paroisse, ou des paroisses avoisinantes, en revanche 40% des écarts correspondent à un patronyme, pourcentage plus faible dû aux disparitions de noms ou aux migrations35. Le hameau familial procède souvent des anciennes communautés familiales, nées du manque de terre, nombreuses dans cette région située aux confins de la montagne de Thiers. Il est en général l'aboutissement d'une géographie de l'habitat en

28 A. Fel (150) pages 134-135 cite le cas de Valcivières, dont la densité est de 50 en 1891. L. Gachon (168) affirme "que les plateaux du Livradois portaient plus d'hommes au km2 que la fertile plaine d'Alsace". Par comparaison la densité actuelle de l'ensemble de reconstitution est de 22. 29 Selon l'observatoire économique de l'Auvergne INSEE 1977 page 4, l'écart, qui peut être un bourg, un hameau, ou un lieu-dit, se définit ainsi : "On appelle écart une habitation, ou un groupe d'habitations discernable, c'est à dire nettement séparé sur le terrain de toute autre habitation ou groupe d'habitations 30 A. Fel (167) page 53. 31 A. Fel (167) pages 31-42. 32 L. Gachon (169) obtient à Brousse-Montboissier une moyenne de 5, page 136. 33 A. Corbin (156) pages 287-291. 34 A. Collomp (99) pages 88-90, pense qu'en Haute Provence, ces types de hameaux sont peut être de fondation moins ancienne que les hameaux à dénomination toponymique. A. Poitrineau (185) p. 596, et L. Gachon (169) pages 81-91 ont insisté sur cette "communauté de sang " et sur l'enracinement ancien des familles . Elle sera mesurée à Augerolles dans l'étude sur la nuptialité. 35 H. Ponchon Noms de famille et toponymes à Augerolles BCGHAV 1983 pages 28-29. trois temps décrit par A. Fel36 : le mas-maison, siège de la frérèche, se présente comme une grande maison isolée avec son cortège de bâtiments d'exploitation, il en existe encore à La Chomette ou La Chaunias. Lorsque la communauté prolifère, les nouveaux bâtiments sont accolés, c'est la "barriade ", bien visible dans de nombreux hameaux comme le Sardier, Gourgoux, Chassonneris ; mais des familles non apparentées peuvent s'installer avec le temps. Enfin la communauté disparaît, on aboutit à un découpage de l'espace complet du hameau : du logement, avec l'apparition d'appartements distincts et de maisons doubles, des parcelles de terre, des droits d'accès à l'eau. C'est le cas le plus fréquent. On a d'autre part de la peine à retrouver, dans l'étude de la répartition de l'habitat, des créations ou des disparitions d'écarts. L'étude du terrier d'Aubusson, montre une grande permanence des lieux-dits à deux siècles de distance, au coeur pourtant de cette vague de désertions signalée par JP. Gutton entre 1560 et 172037. Aux deux extrémités de cette reconstitution, l'étude statistique du lieu d'origine des conjoints de cet espace, dénote une étonnante impression de stabilité. 159 écarts ont été répertoriés ; sur les sept périodes de trente ans, qui vont de 1663 à 1872, ils fournissent - ou ne fournissent pas - des proportions de conjoints, qui sont constantes, témoignant ainsi d'un immobilisme fondamental de la trame de l'habitat38.

36 A. Fel (167) pages 112-117.

37français. JP. Gutton (456) pages 11-13, qui insiste, par ailleurs, sur la robustesse et la pérennité des villages B. Brunei (152) Tableaux 91 et 92 en annexe, donnant les chiffres pour les 159 écarts et hameaux pour les sept périodes de trente ans. II - Les sources démographiques et leur fiabilité.

A - Registres paroissiaux et état civil. 1 - Les séries.

Le but initial est de travailler surtout sur une longue durée, afin de saisir les mutations et les évolutions dans les comportements démographiques. La recherche porte sur un inventaire complet de ce qui est disponible dans les mairies d'Augerolles et de la Renaudie, et aux Archives Départementales. L'inventaire une fois dressé permet de constater que la série est complète et les lacunes relativement rares1. La décision a été prise de commencer la reconstitution en 1663, date suffisamment ancienne pour donner un nombre correct de fiches précoces. Remonter plus loin dans le XVII° siècle aurait posé des problèmes en raison de la lacune signalée en note, à laquelle on se heurte, dans la série des baptêmes de 1653 à 1663, et qui se révèle gênante, même pour la période choisie. Elle entraîne en effet une diminution du nombre des fiches les plus fiables des trente ou quarante premières années de la reconstitution (1663-1700), par ignorance de certaines dates exactes de naissance de femmes mariées. L'état de conservation des registres est bon, aussi bien aux Archives Départementales qu'à la Mairie d'Augerolles et à la Renaudie. Jusqu'en 1668 les cahiers sont de petit format, parfois reliés sur de longues périodes, les trois types d'actes étant présentés séparément; de 1668 à 1747 un registre par année présente les trois types d'actes mélangés, mais en ordre chronologique. A partir de 1748 les sépultures sont indiquées sur un cahier à part. L'état civil enfin sépare les trois types d'actes en différents volumes par décennies2. La fréquentation des séries en minutes déposées à la Mairie d'Augerolles - dont la totalité du XVII° siècle - a été préférée aux doubles des Archives Départementales chaque fois que cela a été possible. Pour des raisons techniques, le terminus a été repoussé jusqu'à la liste nominative de 1872, permettant ainsi une reconstitution sans lacune apparente sur plus de deux siècles. L'information démographique a été complétée, par la mise en fiches de trente années supplémentaires de mariages (1873 à 1902), par le relevé systématique de toutes les informations des mentions marginales des actes de naissance, jusqu'à nos jours3, et par la mise en fiches des actes de baptêmes existants de 1632 à 1662, pour connaître davantage de dates exactes anciennes.

2 - Le contenu des actes.

a - L'influence des ordonnances.

Cette longue série d'actes doit être analysée maintenant au niveau de son contenu4. On constate de ce point de vue trois grandes coupures. Les curés d'Augerolles semblent avoir

1 L'étude du fonds Guillemot, Archives départementales PdD classé 2F, montre même que les lacunes du XVII° siècle n'existaient pas il y a cent ans. Trois petits registres correspondant aux mariages de 1636 à 1646 et aux baptêmes de 1653 à 1663, ont disparu depuis. Seule cette "disparition" a empêché la reconstitution complète du XVII° siècle. Egoïsme d'un collectionneur, hélas impossible à combler ! 2 La qualité du papier timbré à un sol la feuille est bonne, autant pour les curés que les notaires : le papier de chiffon est épais, mais l'encre noire n'est pas toujours séchée à la "poudre d'or " au moment de la rédaction et sa trop forte absorption rend l'autre côté de la feuille parfois illisible au XVIII° siècle. 3 Dépôts aux greffes du Tribunal de Clermont -1869-1985. Autorisation d'accès de Monsieur le Procureur de la République en date du 22 Mai 1984. 4 En n'oubliant pas comme le note A. Collomp (99) pages 28-29 que "notaires et prêtres, en consignant par écrit les évènements biologiques, leur confèrent une identité immédiate et une vie durable ". suivi d'assez près les instructions royales concernant la tenue des registres. L'ordonnance de St Germain en Laye (ou Code Louis) d'avril 1667 est une rupture à Augerolles; jusqu'à cette date l'ordonnance de Villers-Cotterêts, mais surtout la mise en pratique de l'article 181 de l'ordonnance de Blois de mai 1659, règlent l'organisation des registres. De grandes libertés semblent être prises dans la rédaction par les curés successifs, ce qui donne pour le XVlIo siècle un ensemble peu uniforme. L'influence du Code Louis n'est en fait sensible que sur la présentation, là aussi la richesse de l'acte dépend plus de la personnalité du curé, que de la mise en pratique des douze articles du Code5. C'est ainsi que les doubles, qui apparaissent à Augerolles à ce moment là, présentent encore des lacunes tout au début de XVIII° siècle, mais peut-être s'agit-il davantage de disparition de documents ? La déclaration royale du 9 avril 1736 semble être bien appliquée à Augerolles : les doubles sont désormais systématiques, et, dès 1737, les décès d'enfants sont enregistrés, et les premières mentions d'ondoyés-décédés apparaissent également. L'arrêt du Conseil de juillet 1746 est scrupuleusement appliqué dès janvier 1748 avec l'apparition d'un registre séparé pour les sépultures. Les décrets de septembre 1792 créant l'état civil proprement dit constituant la troisième et dernière rupture.

b - La rédaction.

Elle exprime, d'une certaine manière, le sérieux de l'enregistrement. L'inégalité est très grande dans ce domaine selon les hommes, curés, vicaires ou officiers d'état civil. Pour s'en tenir à l'essentiel, six prêtres, curés de Sainte Croix d'Augerolles, couvrent les deux derniers siècles de l'Ancien Régime, et cinq officiers d'état civil la période 1792-1872. Il faudrait ajouter à cette liste celle des vicaires, fort nombreux à Augerolles, et qui apparaissent parfois dans les registres pour une rédaction d'acte, ou, plus rarement, de série d'actes; entre 1655 et 1783 il en existe une trentaine, mais leur rôle est souvent secondaire au niveau de la rédaction des actes. Six curés vont rédiger la quasi-totalité des actes au XVII° et XVIII° siècles. Etienne Vialle est le premier de 1606 à 1652, on lui doit les très belles séries de la première moitié du XVII° siècle, bien écrites et bien conservées. Son neveu Jacques Vialle lui succède à la cure d'Augerolles le 9 novembre 1652, et exerce jusqu'en juillet 1678. Quel brutal changement pour le chercheur ! Des petits registres éparpillés, très mal écrits et présentés de manière confuse, témoignent qu'à l'exception de quelques actes effectués par des vicaires, ce quart de siècle d'actes est probablement le plus mauvais. Antoine Nozerolles devient curé en 1678 et le restera jusqu'en 1708, ses registres sont très bien tenus, très clairs et bien lisibles, c'est peut-être la série la plus "attrayante " pour le lecteur. Le quatrième curé est Jean Rivaud de 1708 à 1726, un des nombreux prêtres filleuls de la paroisse, à l'écriture large et facile; c'est sous son pastorat que l'appel aux vicaires pour la rédaction des actes est le plus important. Annet Russias est ensuite curé, d'octobre 1726 à août 1763, c'est lui qui assume avec ponctualité les réformes de 1736 et de 1746, qui permettent d'avoir des documents plus fiables. Desservis par un papier souvent de mauvaise qualité, ses actes sont parfois assez longs à déchiffrer, l'encre rendant illisibles certaines pages, corrigées fort heureusement par l'existence pour cette époque des minutes et des grosses. Son neveu - encore - lui succède en 1763 - il s agit de François Russias, il sera curé jusqu'à la Révolution; les actes sont d'une bonne lisibilité, et les registres semblent bien tenus, en particulier l'amélioration de la qualité du papier - plus rigide - a permis une bonne conservation. Les hésitations de la période révolutionnaire sont très visibles pour l'état civil, les années 1791 et 1792 sont confuses, après l échec d'un curé constitutionnel - pourtant filleul - échec perceptible par une très mauvaise qualité de l'enregistrement. On nomme un officier municipal, puis on "réquisitionne" l'ancien curé Russias, pour enfin reconnaître officiellement les difficultés

5 J. Dupâquier (51) T II pages 15-16 et G. Bernard (40) pages 29-30. rencontrées le 13 janvier 17936. Il faudra donc attendre plusieurs années avant d'avoir des actes correctement rédigés, la période de l'An IV à l'An VI étant même franchement catastrophique, l'officier d'état civil, Claude Méguin, rédigeant ses actes sans aucun souci d'orthographe, avec une écriture hésitante, les erreurs sur les dates, compte tenu du nouveau calendrier, étant souvent nombreuses. Les actes deviennent de bonne qualité avec le début du siècle et le resteront.

c - Le contenu des actes.

6 - Contenu des actes de mariage

Nota : 1= nombre de mariages; 2= filiation complète des mariés; 3= âge indiqué homme; 4= âge indiqué femme; 5= lieu habitation homme; 6= lieu habitation femme; 7= lieu naissance homme; 8= lieu naissance femme; 9= veuvàge indiqué homme; 10= veuvage indiqué femme; 11= veuvage retrouvé homme; 12= veuvage retrouvé femme; 13= dispense de consanguinité. Les aspects formels de présentation ou d'écriture des documents ne doivent pas faire oublier que l'acte ne vaut que par la richesse de son contenu. L'acte de mariage est fondamental, car il permet l'ouverture de la fiche, et les informations, même si elles peuvent plus tard être complétées, sont d'un intérêt capital. Le tableau 6 résume, par décennies, les aspects les plus importants de l'acte de mariage; sa richesse - ou sa pauvreté - varie beaucoup d'une décennie à une autre. Jusqu'en 1698 l'acte est élémentaire, ainsi cet acte de 1666 : "Le 3 mars 1666 ont étés épousés Louys Foquet fils à Antoine et Anne Chatel fille à Philibert en présence de Benoit Sugier et Antoine Sartongier ", la filiation est rare, les mères ne sont jamais citées, l'âge et le lieu d'habitation manquent totalement, et les veuvages retrouvés

6 Archives municipales d'Augerolles, registre de 1792 : "Nous, maire et officiers municipaux de la commune d'Augerolles, n'ayant point encore pu nommer d'officiers publics empêchés par le mauvais temps, et n'ayant point reçu de registres de Directoire pour y inserer les actes mortuaires de l'année 1793 An Second de la République française, avons été obligés d'insérer dans le présent, les actes mortuaires ci-dessous." concernent surtout les hommes. Une évolution positive se dessine à partir de 1699 : filiation des deux parents, un tiers des âges approximatifs indiqués, lieu d'habitation presque systématiquement porté, seul le veuvage fait encore défaut. Mais cette amélioration paraît fragile : de 1713 à 1732 aucun âge n'est indiqué ! A partir de 1737 l'influence de la déclaration royale de 1736 est très sensible, et le premier curé Russias applique les nouvelles directives scrupuleusement, il n'en est pas de même pour son neveu qui n'indique pratiquement jamais l'âge des nouveaux mariés. En 1792, on peut cependant dresser un bilan plutôt positif : en cent trente ans les actes de mariage sont devenus plus riches, les indications de filiation et de lieu d'habitation sont à peu près complètes, l'âge approximatif semble, lui, dépendre de la personnalité du curé. Les deux grosses lacunes se situent au niveau de l'ambiguïté autour de la notion de paroisse de droit et de paroisse de fait, indication si précieuse pour permettre la détermination de certains flux migratoires. Elles se trouvent aussi au niveau des indications de veuvage rarement portées pour les hommes - sauf dans les trois dernières décennies - mais bien meilleures pour les femmes; seule la reconstitution des familles peut permettre de retrouver les veuvages éventuels. A partir de 1820 les actes de mariage sont excellents à tout point de vue, donnant même - depuis le Premier Empire - des détails précis sur l'âge et le métier des parents, ainsi que leur date et lieu de décès éventuels, les veuvages sont toujours indiqués, et la distinction lieu de naissance et lieu d'habitation fréquente, (documents 1) L'acte de naissance ou de baptême sous l'Ancien Régime est probablement celui dont la formulation est la plus stable durant ces deux siècles. L'acte indique toujours un certain nombre d'informations : prénoms et noms des parents, des parrains et marraines (ou des présents à la déclaration à partir de 1792), date du baptême et écart en jours avec la naissance (même chose pour le temps de déclaration après 1792), activité du père souvent. La mention du hameau d'origine est exceptionnelle avant 1792. L'acte de sépulture est l'acte le plus décevant. Après avoir éliminé les actes d'une imprécision à la fois touchante et significative, comme ceux qui suivent : le 4 novembre 1693 "Un pauvre mort dans le domaine de la Grange Chaunias dont on ne sait point le nom, âgé d'entour 13 ans ", le 9 mars 1694 "Un pauvre du côté d'Ambert âgé d'entour 25 ans", le 10 mars 1697 "Un scieur de bois de la paroisse d'Allègre, lequel avant sa mort avait 5 soeurs et un petit frère ", le 2 février 1710 "Un pauvre que les habitants des Grimardies ont trouvé mort dans le chemin en venant de la messe, et dont ils ont déclaré ne savoir ni le nom, ni la parenté, ni la patrie ". Ces indications sont assez fréquentes au moment des crises, on en relève ainsi neuf entre 1692 et 1694, et parfois très curieuses, comme ces translations d'ossements vers le cimetière d'Augerolles, en 1636, des personnes décédées et enterrées dans leur village lors du "mal contagieux " de 1631. Pour l'essentiel la pauvreté en informations est très grande. Avant 1701, il s'agit toujours de listes n'indiquant jamais l'état matrimonial et rédigées de manière très succincte, comme l'acte suivant : "Le 19 novembre 1676 a esté enterré Clauda Jallier agée de soixante dix huit ans ou environ ". A partir de 1702 un changement notable intervient, cette date étant à rapprocher de celle de 1699 déjà relevée pour les actes de mariage : on indique le nom et la filiation des personnes présentes au décès, mentions fort intéressantes pour permettre de retrouver l'identité exacte d'une personne, on indique également, l'état matrimonial de la femme décédée (rarement de l'homme), on donne enfin, notation intéressante, le lieu de résidence du décédé. Un saut qualitatif intervient enfin en 1737 avec l 'indication, systématique désormais, de l'heure et du jour de décès - intéressant pour l étude du délai d'enterrement - de la profession du décédé, et des présents à 1 'ensevelissement; enfin, et surtout, les mentions de décès d'enfants avec âge précis en jours, semaines ou mois, et d 'ondoyés-décédés, apparaissent. Ce dernier aspect est fondamental pour déterminer la fiabilité de 1 'enregistrement aux XVIIIo et XIXO siècles, (documents 1) 3 - La fiabilité de ces sources.

Les pistes sont nombreuses. Il s'agit de déterminer la qualité de cette documentation par diverses méthodes.

a - Pourcentage des sépultures d'enfants ondoyés ou déclarés sans vie.

La défmition est difficile à donner et le législateur du XIX° siècle va souvent buter sur elle, en particulier sous la Restauration. D'après L.Henry, cette ambiguïté est grande "Il y a certainement des mort-nés parmi les ondoyés décédés et d'autre part il est possible que des sages-femmes aient ondoyé des foetus non-viables"..."Jusque vers 1840 l'enregistrement des enfants déclarés sans vie se fait sans règle définie "7. Les chiffres obtenus sur le tableau 7 sont très variables, un seul est relevé avant 1736; cet espace, avant la déclaration royale, en ignore complètement le fait ! Jusqu'à la Révolution, les taux semblent corrects sur quatre décennies, exception faite de 1753-1762. La période qui débute en 1793, et qui est caractérisée par des taux anormalement bas jusqu'en 1840 environ, démontre bien que l'état civil ignore aussi en partie cette notion de déclarés sans vie. On trouve ainsi des mentions d'enfants décédés au bout d'une heure. En comparant par exemple deux décennies on obtient:

Visiblement il y a surévaluation du nombre des décédés de 0-7 jours dans la période 1813-1822 par transfert, sur cette catégorie, d'enfants probablement décédés sans vie. La conclusion générale est plutôt optimiste : lorsqu'il se fait, l'enregistrement des ondoyés et des déclarés sans vie se fait bien, et les taux pour sept décennies rejoignent le taux théorique moyen qui est de 38 pour mille, ainsi que les chiffres obtenus dans d'autres monographies, et dans des enquêtes de l'INED8.

b - Enregistrement des jeunes enfants décédés.

L'enregistrement ne commence pour cette catégorie qu'avec la déclaration de 1736, alors que pour la France du Bassin Parisien et du Nord il est réel dès 1667. C'est un fait que des méthodes et des techniques permettront plus tard de corriger. Pour les six décennies de 1733 à 1792, les résultats obtenus sur le tableau 8 sont très homogènes, se situant entre 35 et 43 pour mille. La période 1813-1872 - six décennies également - semble confirmer, avec une sensible tendance à la baisse, ces résultats, compte tenu de la réserve faite sur les transferts, en début de période, d'enfants déclarés sans vie dans cette catégorie. Seul point d'interrogation : le très mauvais enregistrement des deux décennies 1793-1812. Comment expliquer ici ce sous-enregistrement évident, rejoignant d'ailleurs les constatations faites pour les déclarés sans vie, et qui semble très caractéristique de la région, et sans doute même de toute la France9. La mauvaise qualité n'est pas fortuite, elle peut être volontaire et cacher - en période de troubles intérieurs ou extérieurs - une réalité, qui au niveau des décès d'enfants au moins, est en continuité avec l'Ancien Régime.

7 L. Henry (67) p. 79-80. 8 L. Henry et J. Houdaille (280, 281, 282, 285). 9 J. Dupâquier (51) T III pages 68-69 et 281-283. 7-8 Ondoyés-décédés et décès de 0 à 7 jours pour mille

c - La répartition des actes de notoriété.

Bien que peu nombreux, ces actes sont le résultat d'une lacune, et pourraient être apparentés aux naissances retrouvées par des actes de mariage, de décès ou des listes nominatives. Ils sont au nombre de dix-sept, et semblent correspondre à un moment bien précis de l'histoire de la commune. Il s'agit de jugements du tribunal civil de première instance de Thiers, qui après réunion d'un conseil de famille pour authentification, devant le juge de paix, reconnaissent l'existence légale d'un individu, dont l'acte de naissance n'est pas inscrit dans les registres. Première constatation : aucun ne concerne l'Ancien Régime; serait- ce la preuve d'un enregistrement correct des naissances ? Pour les dix-sept cas relevés, la période présumée de naissance va d; 1794 à 1805, période durant laquelle a déjà été notée la médiocre qualité de l'enregistrement. D'autre part, treize requérants sur dix-sept sont des hommes; n'y a-t-il pas là un "oubli " sélectif en une période de forte demande de conscrits, les parents d'un garçon se sentant peut-être plus concernés ? Ne pourrait-on pas y trouver aussi le résultat d'une résistance locale à la laïcisation de l'état civil ?10. (document 5)

d - L'inversion de l'ordre chronologique des dates.

Cette étude, facile à mettre en place au moment de la lecture des registres, ne concerne que les sépultures et les naissances. L'inversion n'a été relevée que trois fois pour des mariages (1683,1688,1708), bien que suspectant certains actes de mariage d'avoir été rédigés avant la passation de l'acte. Peut-être s'agit-il d'espaces en bas ou en haut de page, qui ont été remplis par la suite lors d'actes postérieurs; dans ce cas, on ne peut pas taxer le curé de négligence, à

10 Ces impressions sont cependant corrigées par les relevés effectués dans les minutes de la justice de paix de Courpière entre 1800 et 1870. On constate que toutes les communes sont touchées, et que même s'il culmine sous la Révolution et l'Empire, le phénomène existe encore par la suite. une époque où le papier est si rare. Plus grave est l'oubli de transcription, que l'on peut parfois corriger en "glissant" l'acte oublié entre deux actes l'encadrant chronologiquement : l'écriture est plus fine, l'encre souvent différente dans ses nuances. Plusieurs ont été relevés principalement pour des sépultures. On peut aussi inscrire l'acte en bas ou en haut de la page, et, avec un trait de plume, indiquer l'endroit où il devrait se trouver entre deux autres actes (six fois chez le curé Rivaud); lorsque ni l'une ni l'autre de ces solutions n'est possible, on inscrit l'acte oublié dans la suite logique des actes ce qui crée une inversion. La première constatation est la faible ampleur du phénomènell : trois décennies seulement dépassant 2%, la plupart étant comprises entre 0 et 1%. C'est très loin des taux obtenus dans plusieurs monographies (entre 5 et 8% pour certains registres); la moyenne générale s'établit à 1,1% pour les naissances et 1,3 pour les décès; dans le Sud-Ouest on relève respectivement 2,4 et 3%12. Il serait intéressant aussi de savoir quel est le temps "d'attente" d'un acte oublié, avant son inscription avec inversion chronologique. Les oublis tardifs sont tout de même rares, la plupart de ceux supérieurs à 40 jours datent de la période révolutionnaire. Dans la moitié des cas, l'inversion chronologique est inférieure à dix jours aussi bien pour les sépultures que pour les naissances. A partir de la Restauration le phénomène devient rarissime. Le tableau suivant donne la totalité des cas relevés.

Les oublis révélés par l'inversion chronologique des actes ne doivent pas nous entraîner à des spéculations quant à la motivation des curés ou des secrétaires de mairie. Malgré une relecture de tous les actes concernés par une inversion, on ne trouve pas de raison objective : homme ou femme, enfant ou adulte de préférence. Ces actes appartiennent à tous les types et il ne semble pas - tout au moins à Augerolles - qu'il y ait une volonté délibérée d'essayer d'éviter de transcrire certains actes.

e - Etude des temps de déclaration des sépultures et des naissances.

Cette étude a été faite sur la totalité des baptêmes, et des naissances à l'époque de l'état civil, ainsi que sur toutes les sépultures concernant Augerolles - la Renaudie. Le but est triple: constater d'abord l'évolution des délais à travers le temps, comparer ensuite les comportements dans les deux types d'actes, en tirer enfin les conclusions sur la fiabilité des ■ sources13. L'étude porte tout d'abord sur les temps de déclaration de naissances. Sous l'Ancien Régime le temps séparant le baptême de la naissance est rapide et se raccourcit au fur et à mesure que l'on avance dans le XVIIIo siècle : en témoigne la part grandissante du jour zéro 15,2% fin XVII0, 54,1% fin XVIII0. Le baptême, pour plus de la moitié des cas a lieu désormais quelques heures après la naissance. Pour un pays de montagne, aux hivers rudes et aux mauvais chemins, cette rapidité a de quoi surprendre. Peut-être s'agit-il d'une décision de nature religieuse : dans un pays fortement croyant, les drames démographiques de la fin de la période de Louis XIV, et l'importante mortalité infantile tout au cours du XVIII° siècle, ont entraîné les parents et les prêtres à accélérer la pratique du baptême rapide, sacrement sans nul doute préférable à l'ondoiement, toujours donné dans des conditions tragiques par les sages-

11 B. Brunel (152) voir tableau 7 décennie par décennie. 12 JC. Sangoï (137) pages 26 et suivantes. 13 L. Henry (67) pages 37-41 ; graphiques d'A. Corbin (156) page 637. Pour Augerolles B. BruneI (152) tableaux 9a,b et c pour les sépultures et 10a, b et c pour les déclarations de naissances. femmes14. Pour aller dans ce sens, l'habitude de baptiser à Augerolles deux ou trois jours après la naissance (32,2% fin XVIIe) disparaît presque complètement : 1,4% milieu XVIII° et 1,6% fin XVIII0. Il y a là une évolution très caractéristique à l'égard de ce sacrement. Après l'incertitude - devenue traditionnelle - de la période révolutionnaire : 221 cas d'indéterminés et 60 cas supérieurs à trois jours sur 1007 cas pour la décennie 1790-1799, ou les faux- semblants de la période 1810-1819 (1013 naissances sur 1023 déclarées le premier jour de la naissance !), on en revient jusqu'en 1872 à des temps de déclaration très stables, proches des trois quarts du total pour le jour zéro, et un quart pour le jour un. Les déclarations très tardives concernent surtout la période 1792-1793 : pour ces deux années sur 203 naissances, 26 ont un délai indéterminé, et 37 un délai supérieur à quatre jours, dont 12 de plusieurs mois, la moyenne s'établissant pour ces 37 cas à 33 jours ! On retrouve peut-être là, la méfiance des habitants d'Augerolles à l'égard des nouvelles structures, et, sans doute, le rôle de plusieurs prêtres réfractaires, présents dans les forêts du haut pays, et qui continuaient la pratique de leur sacerdoce15. Le temps séparant la mort de la sépulture semble être sujet à beaucoup moins de variations. Dès le moment où l'acte porte les deux informations, on constate une très forte concentration sur le jour un : jusqu'en 1789 le pourcentage d'inhumations gravite régulièrement autour de 80% par décennie ce jour-là. On enterre très peu les personnes le jour de leur décès, mais attendre deux jours est rare (entre 2 et 10% selon les décennies). Avec l'état civil, les choses changent beaucoup dans le domaine de la sépulture, et dans l'ignorance du maintien ou non de la tradition religieuse, on ne peut que surveiller l'évolution du temps de déclaration à la mairie par rapport à la mort, ce qui n'est plus du tout la même chose. A partir de 1820 les taux sont stables et rejoignent tout à fait ceux observés dans les déclarations de naissances : 75% pour le jour zéro et 25% pour le jour un. Les deux décennies 1790-1809 témoignent des incertitudes de la période initiale de l'état civil, avec un assez grand nombre d'indéterminés, mais peu de déclarations tardives. Comme pour les naissances on ne doit pas accorder un grand crédit aux 98,7% de déclarations faites le jour même du décès pour la décennie 1810-1819. Un bilan final permet de porter un jugement sur la masse d'actes utilisés : une série complète sur deux siècles avec quelques lacunes extérieures aux bornes de l'étude, donc peu préjudiciables en fin de compte, des prêtres ou des officiers d'état civil, qui n'ont qu'exceptionnellement négligé leur travail, leurs attitudes correspondant plutôt à des habitudes plus auvergnates que locales ou personnelles. On peut bien sûr regretter le côté succinct de nombreux actes, obligeant à des prises de décisions douloureuses ou frustrantes pour certaines fiches antérieures à 1736, mais ce n'est pas là un aspect essentiel, la reconstitution pouvant permettre de combler de nombreux vides. La série des paramètres étudiés pour déterminer la fiabilité n'est en définitive pas mauvaise : on déclare assez vite les événements à l'autorité, et cette dernière les répercute rapidement sur les registres. C'est plutôt le manque d'homogénéité de l'ensemble qui frappe et qui doit être souligné : deux périodes où la source échappe un peu aux normes désirées de 1663 à 1736 et de 1793 à 1812, deux périodes fiables et complètes de 1737 à 1792 et de 1813 à 1872. Cet aspect dichotomique ne semble pas affecter cependant trop profondément l'étude entreprise.

14 M. Laget (287) pages 233-287 et (288) pages 958 et suivantes. Les travaux de J. Gelis (275, 276, 277) confirment également cette évolution. 15 A ce sujet aucune trace de registres clandestins, tenus par ces prêtres, n'a été retrouvée. Il est prouvé par ailleurs que leur action a été vive et les témoignages ne manquent pas. Le plus étonnant - signe évident de la mémoire longue - nous a été foumi au village de la Bournelie, à Vollore, où une descendante d'anciennes familles du lieu, nous a montré les restes d'une grande cave voûtée, cadre de réunions religieuses clandestines il y a deux siècles. B - Les listes nominatives.

La collection complète des listes nominatives existe pour les deux communes d'Augerolles et de la Renaudie. Il ne manque au total qu'une page. Huit fois deux listes sont donc disponibles de 1836 à 1872; afin de ne pas trop fragmenter l'étude, elles ont été utilisées conjointement, l'ensemble des deux communes correspondant exactement à l'ancienne paroisse16. Rien n'a été trouvé avant 1836, et on peut regretter cette absence, autant pour l'Ancien Régime que pour la période Révolution-Empire. Toutes ces listes, qui renferment des parties communes, s'améliorent avec le temps, principalement à partir de 1846, celle de 1851 apparaissant comme un modèle de genre, que les suivantes utilisent avec des modifications de détail 17 . Les deux premières présentent cependant deux défauts majeurs pour des études démographiques. Celle de 1836 n'indique pas le lieu d'origine, ce qui pose des problèmes pour le suivi des familles dans ce pays d'habitat dispersé. Celle de 1841 n'indique pas l'âge des individus recensés. L'étude spécifique des structures des familles repose alors sur les six recensements de 1846 à 1872, qui ont été analysés systématiquement. Les listes ont été dressées le plus souvent au printemps, il faut déterminer le cas échéant l'impact de ce choix sur les structures par sexe et par âge, dans des régions fortement touchées par des mouvements migratoires saisonniers. On constate que dans ces deux communes les listes ne sont authentifiées par les maires que dans le courant de l'été qui suit le recensement. La bonne qualité de ces listes peut se déterminer par l'importance et le suivi, entre chaque recensement, d'informations diverses : profession, filiation, état civil, hameau de résidence. De 1846 à 1872, ces informations ont été portées de manière très scrupuleuse, permettant une identification rapide des familles d'une liste à l'autre. Ces aspects, essentiels, ont permis de concevoir et de réaliser une longue étude sur l'évolution des ménages et les migrations, par mise en fiches de toutes les données. La dernière information contenue dans les recensements, et qui est peut-être la plus utile, correspond à l'âge indiqué pour une personne par l'agent recenseur. La question de l'âge est essentielle pour étudier la structure par sexe selon les états matrimoniaux, pour bâtir les pyramides des âges, et enfin pour reconnaître et comptabiliser les familles avec enfants de moins de 15 ans. L'analyse de leur fiabilité s'impose donc : le principe est de comparer les âges indiqués au moment du recensement, avec les âges calculés à partir des fiches de famille de la reconstitution, lorsque les deux coexistent. Ce long travail a été mené entre les deux listes de 1836 et de 1872, éloignées l'une de l'autre d'une génération. La population était respectivement de 3190 personnes en 1836, et de 3460 en 1872, pour les deux communes. Pour de multiples raisons: longueur de l'opération, familles ou personnes non retrouvées, personnes isolées, trois personnes sur quatre sont concernées.

9 - Erreurs sur les âges déclarés sur les listes nominatives.

16 Archives départementales de PdD M 0440 Canton de Courpière. 17 JN. Biraben (42) pages 305-312 et J. Dupâquier (51) T II pages 24-39 et surtout T III pages 15-52. Le tableau 9 suggère plusieurs remarques : tout d'abord le nombre des personnes dont l'âge déclaré est exact est extrêmement stable, entre les hommes et les femmes, d'un recensement à un autre, en revanche, la part des personnes d'âges exacts augmente et dépasse, pour les hommes et pour les femmes, le tiers de l'effectif contrôlé, ce qui est le signe d'un meilleur relevé. Les âges attribués aux personnes lors des recensements ont cependant plus tendance à les vieillir qu'à les rajeunir, et peut-être un peu plus les hommes que les femmes, la tendance s'accentue même entre 1836 et 1872 pour les hommes, 45,5% d'entre eux étant crédités d'un âge supérieur à leur âge exact, contre 37,3% pour les femmes. Il semble que les minorations d'âges soient en baisse autant pour les hommes que pour les femmes.

10 - Ages déclarés sur les listes nominatives. Répartition des erreurs en chiffres absolus et pourcentages.

Ces erreurs finalement modestes, mais caractéristiques, se répartissent autour des valeurs que donne le tableau 10. L'immense majorité des personnes se situe dans le groupe sans erreur, ou avec une erreur d'un an : pour les hommes 75% en 1836 et 79,7% en 1872, pour les femmes respectivement 70,6% et 81,1%. L'amélioration se manifeste ici, les quatre- cinquièmes des personnes étant situées dans ces deux groupes, où l'écart est nul ou faible. Bien que s'atténuant - mais moins pour les hommes que pour les femmes - le pourcentage des personnes ayant des écarts supérieurs à un an est loin de disparaître, et on relève même un pourcentage moyen voisin de 4% pour les écarts égaux ou supérieurs à 5 ans, avec quelques cas comportant de très grosses erreurs : Jq Matussières, âgé de 53 ans en 1836, est recensé à 65 ans, et Marie Dischamps à 87 ans, alors que le calcul de son âge sur sa fiche de famille donne 72 ans ! Mais il s'agit là de cas limites. Ce qui importe c'est la statistique globale, qui est finalement correcte. Une répartition plus détaillée des écarts observés prouve enfin que l'attraction des âges ronds reste très forte, soit pour l'agent recenseur, soit pour celui qui déclare les âges de toute sa famille, parfois nombreuse, et ces âges les connaît-il parfaitement ? En répartissant les âges déclarés année après année, on constate un groupement caractéristique de l'effectif dans les âges se terminant par cinq et par zéro : il est peut-être plus tentant de déclarer 40 que 39 ! Mais le phénomène n'est jamais excessif. Cette répartition - qui ne joue pas un grand rôle dans l'étude des groupes d'âges - explique sans doute l'importance des écarts d'un an, dont les pourcentages varient entre 43 et 48% du total18.11 semble enfin, que dans les âges jeunes, la tendance au vieillissement soit générale, et que les âges indiqués sur les listes soient en moyenne supérieurs aux âges exacts, aussi bien pour les garçons que pour les filles : ainsi pour la tranche 5-9 en 1836, 128 cas, sur 187, ont été contrôlés pour les enfants de sexe masculin, et l'âge moyen de la liste était supérieur de 0,67 à la moyenne des âges exacts. Le même calcul opéré en 1872 sur 137 cas, donne une différence de 0,48 dans le même sens. Pour les adultes, l'écart semble plus réduit

18 B. BruneI (152) , tableau 14. et même s'inverse; pour le groupe 45-49 par exemple en 1836, sur 111 cas observés pour le sexe masculin, l'écart est très faible avec les âges exacts : l'âge moyen de la liste est supérieur de 0,09, et en 1872 de 0,14. Pour le sexe féminin, la tendance est inverse puisque l'âge moyen de la liste est inférieur de 0,37 à l'âge exact en 1836, et de 0,19 en 1872. Aucune analyse systématique ne doit être tirée bien sûr de ce sondage, destiné à montrer que la qualité des listes de recensement est bonne, et que les informations qu'elles transmettent, peuvent être utilisées avec profit pour les études de typologie des familles, les indications relatives à la composition de la famille étant toujours très claires et suffisamment précises. De même, l'existence d'une série complète de recensements peut permettre une étude longitudinale portant sur l'évolution du cycle familial et sur les migrations. On peut regretter un certain manque de rigueur dans les attributions d'âges, mais l'incidence sur la structure par âges est mineure, des phénomènes compensatoires devant obligatoirement exister, dans la mesure ou le travail porte sur des groupes d'âges. C - Les autres sources démographiques.

Les registres paroissiaux et les registres d'état civil d'Augerolles, ainsi que les listes nominatives du XIX° siècle, constituent l'essentiel de la documentation de nature démographique. L'analyse a été poussée un peu plus loin, en utilisant le même matériel, mais dans d'autres paroisses ou communes entourant Augerolles. Les listes nominatives des communes voisines ont été consultées pour des informations complémentaires concernant les migrations et l'activité des migrants au XIX° siècle, mais surtout deux voies ont été plus approfondies : les mariages et certaines reconstitutions. L'existence de séries complètes d'actes de mariage dans les paroisses situées autour d'Augerolles, et le désir de retrouver un maximum de mariages concernant les personnes originaires d'Augerolles, mais mariées à l'extérieur, ont conduit à définir un espace de douze paroisses - soit quinze communes au XIX° siècle - situées autour d'Augerolles, mais pas obligatoirement jointives. Le choix concerne des paroisses de milieu physique et humain parfois différent, allant des régions élevées du Forez au Bassin de Courpière. Le relevé systématique en non-nominatif de tous les mariages de cette vaste région, s'est révélé fort utile, en prenant dans chaque acte sept informations : la date, le lieu de naissance de l'époux, le lieu de résidence de l'époux, le lieu de naissance de l'épouse, son lieu de résidence, l'activité de l'époux et celle de l'épouse. L'idée de ce travail est partie d'un "regret" exprimé par JP.Poussou : "Le seul regret que l'on puisse avoir rétrospectivement, est que l'on ne se soit pas préoccupé davantage d'étudier la mobilité proche et de considérer les villages alentours", ainsi que d'une remarque du même auteur sur des recherches à approfondir sur les notions de paroisses de droit et de paroisses de fait19. Le cadre chronologique de ce relevé a été déterminé en fonction des sources, homogènes à partir de 1738 pour tout l'espace concerné, avec un terminus en 1868, ce qui a permis de travailler sur environ 25.000 mariages, utilisés sous diverses formes. Naturellement la richesse de ce matériel varie beaucoup dans le temps et dans l'espace, les nombreux curés et secrétaires de mairie n'appliquant pas toujours les directives, certaines informations peuvent ainsi faire défaut sur de longues périodes. On distingue ainsi des continuités dans la médiocrité ou la richesse des sources; elles sont d'autant plus perceptibles ici que, pour le non-nominatif, le relevé ne porte que sur quelques informations. Ainsi le mariage idéal indiquant activités, lieux de naissance, lieux de résidence et, parfois durée de la résidence pour les époux, est-il rare dans certaines communautés, même au moment de l'état civil (Tours, Olmet), et souvent fréquent dans d'autres (Courpière, Noirétable). La tentation est forte également d'utiliser de nombreuses fiches sans descendance, et dont seul le mariage manifeste l'existence. Le but est donc de retrouver ces couples dans l'espace

19 J.P Poussou (621a) et (65) chapitre VI. où ils ont eu leur vie féconde et d'étudier leur fécondité par rapport à celle d'Augerolles. Ces couples, dont un des conjoints au moins est originaire d'Augerolles, pouvant être assimilés à de véritables couples migrants. L'entreprise est de taille. Elle a été ramenée à trois périodes trentenaires entre 1753 et 1842, afin d'avoir la certitude de trouver aux Archives Départementales la totalité des registres de naissance et de décès. Six paroisses ont été sélectionnées autour d'Augerolles (donnant neuf communes au XIX° siècle) en fonction de critères divers. Malgré ces précautions, 977 mariages ont été ainsi retenus entre ces deux dates et dans cet espace géographique, ce qui était encore beaucoup trop pour un seul homme, compte tenu des multiples directions prises par cette recherche. La reconstitution s'est alors faite sur la lettre B du patronyme masculin - soit 10% du stock environ - lettre présente partout. Cette recherche par sondage a nécessité la lecture des actes de naissance et de décès pour six paroisses ou communes jusqu'en 1868, l'existence des récapitulatifs alphabétiques a beaucoup simplifié les choses pour l'état civil, en revanche de 1753 à 1792, la lecture de tous les actes a été nécessaire. La fiabilité des sources n'étant pas à mettre en doute - les fiches sont même en théorie plus fiables, car certaines naissances enregistrées à Augerolles étaient déjà portées sur la fiche, on ne peut donc avoir ce "doute immense" dont parle J.Dupâquier20, en face d'un écart intergénésique ou protogénésique anormal - il s'agit plutôt de la fiabilité du releveur devant la masse de lecture : une naissance, qui échappe à la vigilance, peut provoquer en cascade des conséquences d'autant plus graves, que le travail se fait ici sur de petits nombres.

20 J. Dupâquier (54) page 106. III - Les sources économiques et sociales et leur critique

Dans une étude de type monographique, la recherche des sources, permettant une approche économique et sociale d'une réalité locale, est parfois plus difficile que pour de grandes enquêtes. Il faut de longues recherches pour compléter des séries qui sont souvent fragmentaires, et la quête d'une unique référence bute sur des lacunes irremplaçables. Le chercheur est, dans ce secteur, prisonnier du type d'étude choisi, et pêche plutôt par défaut, conscient que la source manquante peut exister, mais que sa "découverte" exige de multiples et souvent infructueuses investigations. Il se doit cependant d'ouvrir au maximum son éventail, et si l'approche est modeste dans l'espace, de tirer du matériel disponible le maximum d'informations. La base est constituée par la source notariale et la source fiscale, mais il faut trouver dans d'autres directions des éléments complémentaires exploitables. Ainsi conçue sur le temps long, la polyvalence de l'entreprise donne forcément naissance à des omissions et des insuffisances.

A - La source notariale.

Complexe, en raison de l'éparpillement des minutiers et de la longueur de la période à étudier, cette source a très vite révélé la grande richesse de son contenu, et l'impossibilité d'arriver à des résultats fiables, sur le plan démographique, sans la prendre en compte. Une méthode de relevé et de transcription aidant à atteindre un double but a été conçue : enrichir d'une part les fiches de famille par un plus grand nombre d'informations, permettant de mieux délimiter les catégories sociales, base de l'étude de démographie différentielle, accumuler d'autre part de multiples informations économiques, dissociables du contexte nominatif, pour une analyse sérielle économique et sociale, aussi large que possible.

1 - Les minutiers utilisés.

Trois directions se sont vite imposées : les minutiers d'Augerolles déposés aux Archives Départementales, les minutiers restant encore dans des Etudes proches d'Augerolles; les minutiers des paroisses ou communes environnantes, aux Archives Départementales, qui peuvent parfois intéresser les habitants d'Augerolles. Ces trois démarches poursuivent un seul et même but : l'accumulation d'un maximum de fiches. Les limites des relevés sont les suivantes : tous les actes passés devant les notaires d'Augerolles ont été étudiés, et après des sondages dans les différents minutiers, tous les dépôts d'Aubusson, Olmet et Vollore, en relevant tous les actes intéressant un habitant d'Augerolles. Devant la multiplicité des notaires, quelques minutiers de Courpière ont été dépouillés, l'expérience ayant en effet montré, que les augerollois y étaient fort peu présents aux XVIII° et XIX° siècles.

a - Archives Départementales du Puy-de-Dôme.

La richesse est grande lorsque l'on visualise sur un organigramme, de 1600 à 1830, la répartition des différents minutiers, les épaves contenues dans les séries 5EO une fois éliminées. Plusieurs remarques viennent cependant tempérer cette notation optimiste. La majorité des notaires de la série 5E3 concerne surtout Courpière : trente minutiers différents, bien répartis sur les XVII° et XVIII° siècles, mais peu nombreux pour Augerolles. Pour Aubusson, une excellente série avec cinq notaires de 1768 à 1823, et des minutes nombreuses et bien classées, intéressant dans une large mesure Augerolles (presque un acte sur deux), la série est peu fournie pour les trois autres notaires de la fin du XVII° et du début du XVIII° siècles. On peut faire exactement la même remarque pour Olmet : un acte sur trois, passé dans cette étude, concerne une personne ou un bien d'Augerolles; les deux notaires de la fin du XVIIo siècle cumulent peu d'actes, mais les quatre minutiers de 1739 à l'An VII sont très riches. Les notaires sont nombreux à Vollore : vingt et un minutiers au total, nombreux en particulier de 1680 à 1800, mais une part réduite des transactions concerne les augerollois (de 1 sur 7, à 1 sur 10), la concurrence d'Aubusson est forte ici, et les notaires en poste à Vollore "travaillent " plutôt avec des paroisses situées plus au nord. La grande déception est venue de l'absence presque totale de dépôts du XIX° siècle, et surtout de la rareté des minutes d'Augerolles. Pour une paroisse, qui a, sous l'Ancien Régime, plus d'habitants que celle de Courpière, on ne trouve la trace que de trois notaires : Benoit Cambray de 1650 à 1677 et son fils Pierre de 1688 à 1699, mais avec un nombre d'actes très réduit, excluant toute tentative d'étude sérielle. Seules les minutes de Jean-Baptiste Majeune, notaire de 1788 à 1823, sont nombreuses, et constituent un excellent matériel. Un bilan finalement bien maigre, l'apport des minutes d'Aubusson et Olmet pour le XVIIIo siècle étant insuffisant en face du grand vide de ce siècle pour Augerolles dans les dépôts d'archives.

b - Le minutier Croquez à Courpière.

Pour aller au bout de cette entreprise, il a fallu rechercher sur place les chaînons manquants. Une grande partie de ceux-ci ont été retrouvés chez Maître Croquez à Courpière. Après classement en liasses annuelles les séries des minutes de notaires ayant exercé à Augerolles ont pu être reconstituées : A.Pine 1733-1741, Amable Desffarges 1742-1787, Pierre-Joseph Desffarges 1823-1855, A.Chabanet 1859-1872. Comme les minutes Majeune vont de 1788 à 1822, la série est donc complète de 1733 à 1872. Seules n'ont pas été retrouvées les années 1789, 1856, 1857 et 1858. Ainsi l'étude économique et sociale repose sur une série presque continue, dont le relevé a été arrêté sur l'année du terminus démographique. La date de 1733 va obligatoirement constituer le point de départ1.

2 - Etude statistique sur les actes.

Il ne s'agit ici que d'une étude statistique portant sur les actes passés devant les notaires en résidence à Augerolles. Les chiffres obtenus concernent tous les actes, indépendamment de l'origine du contractant. Il ne faut donc pas la confondre avec les études ultérieures faites par types d'actes, qui ne concernent que les actes, où l'une des parties contractantes au moins est d'Augerolles, et qui incluent - selon la même définition - les actes retrouvés chez les notaires extérieurs. Trois niveaux sont envisagés2.

a - Répartition annuelle des actes.

De 1733 à 1872 - soit 135 années moins quatre années manquantes - 16.784 actes ont été passés devant les notaires d'Augerolles, se répartissant ainsi3:

1 Il existe sans doute un minutier plus ancien , couvrant le premier tiers du XVIIo siècle, celui d'Amable Russias , notaire à Augerolles de 1700 à 1732 , époux de Janeton Cambray , fille du notaire Pierre Cambray d 'Augerolles, à qui il succède. Ces minutes étaient à Augerolles, selon Maître Croquez, au moment de la fermeture définitive de l'Etude , il y a plus de vingt ans. Les recherches menées sur place n'ont rien donné. J.P Poisson (512) page 159 et suivantes. Les méthodes d analyse proposées par cet auteur ont été utilisées ici. 3 Ce tableau n'est peut-être pas significatif; les ruptures brutales, qui apparaissent dans les moyennes annuelles, peuvent être dues à la disparition, ou à l 'apparition, de certains notaires dans les paroisses avoisinantes. La durée de présence à l'étude est parfois longue, presque un demi siècle pour Amable Desffarges. La fréquentation des notaires semble augmenter au milieu du XIX° siècle; il sera intéressant de savoir pour quel type d'actes. Il est difficile d'expliquer les variations annuelles du nombre des actes4: au XVIIIo siècle, des augmentations sont perceptibles tous les dix ans environ, au moins pour les trois premières décennies; le phénomène n'apparaît plus dans les vingt dernières années du XVIIIo siècle, comme si la longue crise, précédant la période révolutionnaire, se faisait sentir fortement à Augerolles. Après les fortes variations de la période 1789-1797, imputables aux troubles politiques, les fluctuations sont particulièrement vives pendant la période impériale, et le niveau moyen du nombre d'actes y est élevé. Après 1815, on revient à des chiffres rappelant ceux de l'Ancien Régime, jusqu'au brutal changement de 1824, qui correspond à un changement de notaire : période plus active sur le plan économique, se traduisant par une augmentation des transactions, ou personnalité plus attractive du successeur 5. La baisse est sensible entre 1849 et 1852 correspondant aux crises économiques et politiques. A partir de 1860, la brusque et constante augmentation correspond sans doute à une plus forte activité, mais aussi peut-être à des départs plus nombreux accentuant le nombre des actes et des transactions signés devant notaire.

b - Répartitions par types d'actes.

Le tableau Il a été construit en répartissant en chiffres absolus, par périodes décennales, les actes passés devant les notaires d'Augerolles. Cette répartition est faite en tenant compte des différents types, il s'agit donc d'un tableau de base, où les chiffres sont assez difficiles à comparer. On peut opérer des regroupements, comme le propose JP.Poisson, à partir de l'exemple de Chambéry en 16986 : actes en rapport avec le crédit (obligations, quittances, rentes constituées, subrogations, baux), actes de nature économique autres que de crédit (ventes, transports, inventaires, échanges, cessions, prises de possession), actes familiaux (contrats de mariage, testaments, partages, traités). On obtient, sans tenir compte de la catégorie "autres", de toutes façons très faible, 35,6% pour les premiers, 35,7% pour les seconds, 18,8% pour les troisièmes. La différence avec Chambéry est grande, puisque les chiffres y sont respectivement de 65,4%; 18,8%; 7,7%. Les activités en rapport avec le crédit dominent largement dans ce milieu urbain; la nature rurale d'Augerolles donne une majorité aux autres actes de nature économique, et une place plus grande aux actes familiaux. On pourrait dans le détail des différentes décennies saisir des nuances, voire même des évolutions : ainsi les obligations, rarissimes jusqu'à la Révolution par le jeu des brevets, apparaissent brusquement dans les minutes à partir de 1800 environ; les rentes constituées disparaissent complètement, ainsi que les prises de possession à partir de 1800 également; certains actes connaissent des diminutions temporaires souvent difficiles à expliquer, comme les partages ou les testaments entre 1753 et 1792. La part des autres types d'actes peut varier beaucoup d'une période à une autre (de 5 à 20%) sans raison apparente.

4 B. BruneI (152) tableau 280. ^ Mais plus probablement influence de la disparition du notaire Pascal d'Aubusson en 1823, où il exerçait depuis 1788, et aussi origine authentiquement augerolloise du nouveau notaire. 6 J.P Poisson (512) pages 266 et suivantes. 11- Total des actes passés devant les notaires d'Augerolles. Total par types d'actes et par périodes de dix ans.

Nota : Cont Mar= contrats de mariage

Afin d'établir une comparaison plus facile pour les types d'actes les plus importants, des indices par périodes décennales ont été calculés, en les ramenant à 1400, le relevé portant sur quatorze périodes7. La part croissante de certains types d'actes au XIX° siècle apparaît plus nettement : les ventes et les quittances, par rapport aux contrats de mariage et même aux cessions de droits, indiquent un très net changement d'attitude à l'égard de l'acte notarié. Ainsi se saisit une évolution qui corrige l'analyse faite ci-dessus; la comparaison de deux décennies, et le calcul des pourcentages selon la classification de JP.Poisson, donnent, de 1743 à 1752, 31,4%, 25,3%, 30,1%, et de 1853 à 1862, 31,4%, 43,9%, 14,6%. Il n'y a aucun changement pour les actes concernant le crédit - le milieu rural s'oppose bien au milieu urbain sur ce thème -, mais l'augmentation des actes de nature économique est forte; les actes familiaux baissent de plus de moitié8.

c - Répartition mensuelle des actes.

Les rythmes de répartition des actes sur l'année peuvent être fortement influencés par les saisons, les migrations, la religion ou d'autres facteurs plus exceptionnels. A partir de cette répartition du tableau 12 , et pour permettre à nouveau des comparaisons, les résultats ont été ramenés en indices9. Quels sont les résultats obtenus ? Pour la totalité des actes, graphique 13 , les mois les plus actifs vont d'août à novembre, avec une petite pointe secondaire en avril-mai. Par rapport à ce schéma de base, qui correspond à une moyenne générale, les graphiques 14 permettent de distinguer quelques nuances : les quittances, les obligations, les baux et les ventes ont une répartition semblable, un peu plus large pour les ventes; mais tous ces actes se passent surtout en été et en automne, le mois de novembre étant souvent le plus actif. En revanche les rentes se signent majoritalrement en avril et juin, les

7 B.Brunel (152) six graphiques GR A 70. 8 L'existence d'un répertoire du notaire Giraud d'Olme!, dépose à l'Etude Croque/ à Courpière, permet de constater que la répartition par types d'actes est identique pour les 20X7 actes de ce notaire. Voir B.Brunel (152) pages 278-279. 9 On peut se reporter à B.Brunel (152), aux tableaux 2X3 à 289 donnant la répartition mensuelle par types d'actes et par périodes décennales, aux six graphiques 70 représentant le nombre total d'actes en indices, aux quinze graphiques 72 construits par périodes de trente ans et par types d'actes. cessions de droits sont davantage concentrées sur août et septembre; les contrats de mariage obéissent beaucoup plus au rythme liturgique, la signature du contrat intervenant peu de temps avant le mariage. L'étude plus détaillée de cette répartition montre que ce n'est qu'à partir de 1793, que s'affirme la primauté des mois d'août à novembre. Au XVIII° siècle, trois paires de mois concentrent une part importante des passages devant le notaire : janvier- février, juin-juillet, août-septembre. Seul le minimum d'avril-mai persiste jusqu'en 1872. Le même travail a été fait pour les ventes, les quittances et les contrats de mariage. L'évolution des ventes est spectaculaire, le maximum de printemps qui domine jusqu'en 1792, se transforme en un maximum d'été au XIX° siècle; les quittances sont des actes de fin de printemps et, progressivement, surtout de fin d'été et d'automne; l'évolution des contrats de mariage est plus classique : forte domination du début de l'année et de la fin de l'été sous l'Ancien Régime, affirmation ensuite de l'été, et secondairement de janvier-février.

12- Répartition par mois de la totalité des actes passés devant les notaires d'Augerolles.

Quelles explications donner à ces répartitions qui semblent bien différentes d'autres observations ? Ainsi dans quatre études parisiennes en 174910, on observe une période de grande activité au printemps et au début de l'été, alors qu'à Augerolles, la fin de l'été et l'automne prédominent largement. L'activité des foires peut être à l'origine de nombreusestransactions. Quatre avaient lieu annuellement, le prieur d'Augerolles les ayant obtenues du roi en 153511 : le mardi de Pâques, le jour des Rogations (la veille de l'Ascension) - fête religieuse qui veut attirer la bénédiction de Dieu sur les récoltes et les travaux des champs -, le 3 août, et fin septembre, le lendemain de la Saint Mathias, ce qui semble concentrer l'activité d'échange au printemps et à la fin de l'été. La relation est, semble-t-il, très nette : on profite de la foire pour aller conclure une affaire devant le notaire; ce sont surtout les ventes, les cessions de droits et les obligations qui semblent le plus liées aux dates de foires. On peut aussi constater la faiblesse des mois d'hiver, dont le chiffre est, sous l'Ancien Régime surtout, "artificiellement" grossi par le grand nombre de contrats de mariage liés à un autre calendrier. De décembre à mars, on passe peu d'actes devant le notaire, ce qui confirme la relation avec la forte diminution de l'activité agricole pendant ces mois. Il est possible aussi de voir dans l'importance des chiffres du mois de novembre, une incidence liée à des habitudes locales concernant la signature de certains baux à la Saint Martin (11 novembre). Mais le phénomène étant sensible pour de nombreux types d'actes en rapport avec le crédit ou l'économie (quittances, obligations), il est probable que les départs de nombreux jeunes hommes pour des "campagnes" étrangères, une fois l'activité agricole

10 J.P Poisson (512) pages 367 et suivantes. 11 A.Adam (517) page 11 d'après les Archives Nationales, Trésor des Chartes RJ'i > H Totalité des actes GRA 13 Répartition par n.ois GRA 14 ( ramené à 1200 ) IMpnrLition por' mois im-inu ( rumenii à 12(10 ) en indices .... I.." �� locale terminée, augmentent le nombre des transactions, par anticipation ou par nécessité. Le cycle de l'endettement des migrants - constitués ici surtout de scieurs et de sabotiers -12, semble bien prendre naissance à travers ces indices. L'augmentation des mariages du début de l'automne est aussi un indicateur de migration, cela se confirme ici avec un maximum secondaire de septembre à novembre, lorsqu'on examine la répartition des contrats de mariage. Le retour des migrants peut être à l'origine de la petite augmentation des transactions en avril-mai, on revient en effet plus tôt de la "scie" ou du "sabot", pour des raisons liées à l'arrêt partiel de l'activité à cause des interdits forestiers du printemps, mais aussi parce que la récolte des foins, qui commence assez tôt, exige un retour plus précoce. La grande activité des transactions entre juillet et novembre (indice moyen 121,4 contre 73,4 de décembre à mars pour les ventes) indique que le retour des autres migrants, intervenant avant les gros travaux d'été, conditionne aussi ces rythmes. On retrouve là cette "turbulence foncière" et les rythmes de transactions, décrits dans les communautés de forte migration13, les nombreux "transferts" d'actes du printemps à l'été, étant un signe de renforcement et de transformation du phénomène migratoire.

3 - Aire géographique d'influence des notaires.

Cette question qui touche à l'influence locale d'une étude est plus complexe qu'il n'y paraît. On a souvent décrit en effet le nombre excessif des notaires villageois, répartis parfois dans des villages de petite taille, se faisant une "concurrence" très forte, captant dans certains cas, surtout au moment des foires, des clientèles extérieures. Le maillage existant dans la région semble le confirmer : à chaque bourg ou village correspond une étude, parfois deux, exerçant une influence exclusive ou presque sur quelques kilomètres tout au plus, les zones de marges étant disputées entre deux, quelquefois trois notaires. Mais il est probable que la personnalité du notaire joue un grand rôle, son origine également et surtout la permanence de l'étude dans une même famille, impliquant souvent un rôle local important comme propriétaire, prêteur ou titulaire d'une autre charge; on distingue ainsi dans plus d'un cas des changements brutaux, qui s'expriment en nombres d'actes, au moment des prises d'études. La géographie peut aussi expliquer la permanence de flux, les facilités - ou les difficultés - de communication également. Le choix s'est porté, pour illustrer cette question, sur les études de deux notaires extérieurs à Augerolles, mais exerçant une assez forte influence sur la paroisse cartes 15 et 16. Pour le notaire d'Aubusson, sur 2156 actes, 1163 au moins concernent un habitant d'Augerolles : 398 avec un résident extérieur à Augerolles, 765 entre contractants d'Augerolles. Le bourg d'Aubusson est très près d'Augerolles, ce qui explique ce pourcentage élevé (53,9%). Sur la carte on constate que les habitants des hameaux les plus proches fréquentent essentiellement cette étude, mais on est surpris par la répartition générale: en vingt et un ans, il y a peu de hameaux qui ne fournissent pas au moins un signataire d'acte. On a même des chiffres élevés pour la partie haute de la commune : Aubusson est plus près que le bourg d'Augerolles. Pour le notaire d'Olmet, les pourcentages des gens d'Augerolles sont plus faibles (31,1%), puisque, sur 2087 actes, 460 concernent uniquement des augerollois, et 188 un habitant d'Augerolles avec quelqu'un de l'extérieur. Olmet est plus éloigné, les communications ne sont pas faciles avec le nord de la commune d'Augerolles, de ce fait la concentration est plus forte dans les hameaux entourant immédiatement la commune d'Olmet. Les chiffres sont importants pour le haut de la commune d'Augerolles, où les communications, par des "coursières", avec le bourg d'Olmet, sont plus faciles qu'avec celui d'Augerolles14.

12 A. Poitrineau (619) pages 200 et suivantes. 13 A. Poitrineau (619) pages 196-197. 14 Dans les deux cas les personnes d'Augerolles passent également des actes avec des résidents extérieurs parfois éloignés. Voir cartes 15 et 16. CAR 15

. Originedevant , desle nicomparants -iire PASCAL d'Augerolles d .... Aubusson 1928 com pornnts de l'An XII à lfJ23

Origine des comparants devant le notaire PASCAL d'Auhusson 398 comparants traitant avec un habitant d1 Auge roi 1 es CAR 16

Origine des comparants d' Ajjgerol les devant l le notnire GIRAUD Ha lea 1108 comparants de 1764 à l'An XII

Origine des comparants devant .le notaire GIRAUO d'Olmet l08 comparants traitant avec un habitant d'Augerolles 4 - La fiabilité des sources notariales.

Les minutiers d'Auvergne sont presque toujours déficitaires sous l'Ancien Régime par délivrance de brevets15. Cette habitude des notaires ne concerne cependant que quelques types d'actes, que la coutume auvergnate autorise à ne pas inscrire en minutes : les quittances, les obligations et les baux, qui ne sont pas des actes perpétuels. Cette lacune peut être mesurée, lorsque l'on possède un répertoire, le notaire inscrivant tous les actes sur celui- ci. Une partie du répertoire du minutier d'Amable Desffarges, notaire à Augerolles de 1742 à 1787 a été retrouvée16. Ce répertoire bien détaillé - sept à huit lignes d'informations sur chaque acte - a permis, de juillet 1759 à décembre 1774, ainsi que pour l'année 1780, d'établir une comparaison précise avec le contenu des liasses retrouvées. On peut remarquer sur le tableau 17, que le pourcentage exprimant la différence entre le répertoire et les liasses donne un chiffre moyen se situant à 32,1% pour les dix sept années. Rien n'autorise à affirmer que jusqu'à la Révolution, un tiers des actes environ sont, fautes de minutes, introuvables, car nous n'avons pas en main d'autres répertoires pour Augerolles. Cependant les pourcentages par types d'actes, relevés dans le minutier Giraud d'Olmet, semblent identiques à ceux d'Augerolles avant la Révolution, ce qui, implicitement, confirme l'érosion présumée. Le détail par types d'actes17 permet de vérifier la fiabilité du relevé : pour la grande majorité des actes, la différence varie entre 0 et 2%, et on constate une bonne concordance entre les deux séries. Tous les actes ou presque ont été retrouvés. Trois types d'actes échappent complètement à cette observation. Les baux tout d'abord : les baux à cheptel sont inexistants dans les minutes, 4 seulement sur 158 y figurent. Il s'agit pour la plupart de "cheteil" de brebis de faible valeur (12 à 50 livres); les gros cheptels sont moins nombreux, l'expérience montre qu'il sont en général annexés aux baux importants. 38,8% des autres types de baux ne figurent pas sur les minutes, les assances et les baux à mi-fruits semblent manquer plus que les autres catégories. Les obligations, quant à elles, sont

17 - Comparaison entre le contenu des liasses du minutier Desffarges, notaire d Augerolles de 1742 à 1787, et d'un répertoire systématique effectué dans cette même étude entre juillet 1759 et décembre 1774, ainsi que pour 1780.

15 A. Poitrineau (619) pages 170-171. Dans les minutes de la justice de paix de Courpière de nombreux litiges, nés de baux verbaux non honorés, sont également relevés, signe de continuité dans certaines pratiques. 16 Etude de Maître Croquez à Courpière. 17 B. Brunei (152) tableaux 291, 292, 293. extrêmement rares en minutes, puisque 95,1 % d'entre elles n'y sont pas portées, alors qu'à partir de l'An XII, ce type d'acte va se généraliser dans les minutiers. Enfin les quittances, absentes des minutes, représentent 51,4% du total : tandis que les quittances finales sont presque toujours en minutes - et cette présence sera fort utile - les quittances de faible valeur, ou partielles, font très souvent défaut.

B - Les autres sources.

1 - Les sources fiscales.

Le bilan fiscal de la communauté d'Augerolles a été mené à partir de sources très diverses, et relativement dispersées dans le temps. Compte tenu de la complexité de la forme que revêt l'impôt sous l'Ancien Régime, et des bouleversements de la fin du XVIIIo siècle, la recherche de séries complètes a été difficile, les données sur une seule paroisse étant rarement continues. Comme pour l'étude des sources notariales, la poursuite de l'objectif est double : rechercher d'une part, pour un maximum d'individus ayant été soumis à l'impôt, la valeur de ce dernier, ceci dans le but de déterminer partiellement leur niveau social; la mesure de l'impôt peut d'autre part permettre plus globalement de définir les types de propriété, les catégories de propriétaires, et les types d'unités productrices. C'est au moment de cette étude, que seront définies en détail les diverses sources utilisées. Les grandes lignes de la recherche peuvent cependant être précisées. La fiscalité seigneuriale a été abordée grâce à une copie du terrier de la seigneurie d'Aubusson et Montel18 et du terrier des Grimardies19, ainsi que par quelques actes notariés. La fiscalité ecclésiastique a été possible en s'appuyant sur les recherches personnelles de l'Abbé Adam20, sur les sources notariales, et sur les dépôts de la série 1G. Les impôts royaux sont plus riches, et malgré l'absence des séries anciennes, les rôles de taille retrouvés, dont le détail sera précisé par la suite, ont été fort utiles. Les séries d'impôts de la période révolutionnaire, également nombreuses, seront aussi détaillées ultérieurement. Ont été enfin beaucoup utilisés les états de section du cadastre napoléonien, datés de 1814, et les cartes de ce même cadastre, sans oublier les données du cadastre postérieur, dit de Louis-Philippe21. Cette documentation a été complétée de manière plus discontinue, par des données ponctuelles, comme des impôts exceptionnels, des actes notariés, ou quelques livres de comptes de consuls. 2 - Les autres sources.

Force est de reconnaître que pour l'exercice monographique, la difficulté d'accès aux autres sources est.grande, du fait de leur extrême diversité, et de la dilution des informations ne concernant qu'une seule paroisse. L'utilisation des renseignements recueillis n'a donc rien de systématique, et concerne essentiellement des activités économiques, permettant parfois un enrichissement des fiches de famille. La paroisse se divise sous l'Ancien Régime en cinq justices particulières, qui ont été décrites. Augerolles, étant chef-lieu de canton, a une justice de paix de 1791 à l'An VIII; après cette date, la commune est intégrée à celle de Courpière. Le bilan est maigre, pour ce qui est des justices d'Ancien Régime, on ne trouve au mieux que des épaves, dont l'intérêt est limité. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que des informations venues de la série B

18 Archives municipales d'Augerolles. 19 Fonds Provenchères, Archives départementales du PdD MI 304, VII bis, pièces 9, 12 a-d. 20 A. Adam (517) et Archives départementales du PdD 6F 51-56. 21 Archives municipales d'Augerolles et de La Renaudie. apparaîtront dans ce travail22. La période qui commence avec la Révolution est beaucoup plus riche, et les sources disponibles ont permis des études plus complètes23. La série C a été utilisée grâce aux tables chaque fois qu'une information concernait Augerolles, ou lorsqu'une activité était spécifiquement étudiée24. Les insinuations de la Sénéchaussée d'Auvergne à comportent, surtout pour le XVII° siècle, beaucoup de notations ayant trait à Augerolles; les registres de ce premier type d'insinuation possèdent des tables nominatives; grâce à la connaissance du stock patronymique augerollois, l'accès aux actes, qui sont enregistrés intégralement jusqu'à la fin du XVII° siècle, est plus facile. Mais les patronymes sont souvent trompeurs, aussi cette recherche s'est-elle révélée lente et difficile à mettre en pratique pour une communauté entière. Néanmoins, certains actes fort utiles ont pu être retrouvés dans ce grand vide notarial du dernier tiers du XVII° pour Augerolles25. Pour le premier tiers du XVIII° siècle l'information a été complétée en travaillant, dans la série Cbis, sur le fonds du contrôle des actes des notaires, les insinuations et le centième denier. Le contrôle des actes a permis surtout de trouver des valeurs de dots, qui faisaient défaut au niveau des sources notariales, et de préciser la fortune des contractants. Les actes de mutation d'immeubles, soumis au centième denier, manquent de précisions, et dans la perspective d'une recherche économique, où il faut connaître à la fois la valeur marchande, la superficie, et le lieu exact d'un bien, ils se sont révélés de peu d'intérêt. Ils n'ont été utilisés que pour enrichir la connaissance des familles étudiées dans le fichier démographique26. Les documents ecclésiastiques ont été d'un grand intérêt pour les visites de paroisses tout d'abord, qui s'échelonnent sur tout le XVIII° siècle, et qui sont riches en précisions sur la communauté tout entière, pour les dispenses de consanguinité ensuite. Pour ces dernières la lecture complète des 5175 pièces a permis de retrouver 44 demandes formulées par un prêtre d'Augerolles - ce qui est peu par rapport aux 101 demandes mentionnées sur les actes de mariage, et qui elles-mêmes ne représentent probablement pas la totalité - et de les analyser. Dans la série H, il existe quelques informations sur l'activité économique des Pères Minimes de Courpière dans la paroisse d'Augerolles27. Les documents révolutionnaires sont particulièrement nombreux pour Augerolles compte tenu d'événements survenus au plus fort de la Révolution. Trois types de documents ont été retenus dans les séries L et Q, et certains feront l'objet d'une étude spécifique : l'imposition,

22 La série B des Archives départementales du PdD n'est pas classée, elle est pour l'essentiel composée de fonds de justices royales, d'exploitation difficile pour un espace aussi restreint, et il ne reste que très peu de documents relatifs aux justices seigneuriales; pour la justice d'Aubusson et de la Servilie B 0102 (1788) et Bnc 857, pour la justice de Frédeville B 522. La série H ne renferme rien sur les justices ecclésiastiques d'Augerolles. La présence de quelques procureurs d'offices, baillis et greffiers, relevés dans la reconstitution, prouve la vitalité de l'institution. L'absence de pièces en nombre suffisant ne permet pas de dire ici, quels types de conflits caractérisent cette juridiction, ni même de répondre à l'importante question de la confusion - ou de la séparation - du territoire des seigneuries et du ressort des justices. A en juger par le petit nombre d'indices disponibles, il semble que justices et seigneuries se confondent. 23 La série L renferme les minutes de la justice de paix d'Augerolles de 1792 à l'An VIII. Les papiers du tribunal de district - puis d'intance - de Thiers se trouvent également aux Archives départementales du PdD, mais leur volume et la dispersion ou la rareté des cas pour Augerolles, rend leur étude d'un moindre intérêt pour ce travail. Le greffe du tribunal d'instance de Thiers renferme les minutes de la justice de paix de Courpière, très utiles pour le XIX° siècle. 24 Ainsi pour l'étude des forêts C 7254 et 7275 et dans de nombreux cas plus ponctuels. 25 Nous avons été aidé dans cette recherche par L. Drouot, qui nous a transmis de nombreuses copies d'actes précoces. 26 Série Cbis - Qbis Archives départementales du PdD, registres du centième denier d'Olliergues 1705-1732. Archives départementales du PdD série 1G, cinq visites de paroisse pour Augerolles, et dispenses de consanguinité IG 1677 - 1739. Série H : 48 1,2 et 3. déjà évoquée, les divers problèmes financiers et militaires, enfin les dossiers individuels d'émigrés et les ventes de biens nationaux situés sur le territoire de la commune28. Les Archives Départementales possèdent plusieurs fonds privés, auxquels il a été fait largement appel. Le fonds Guillemot renferme de nombreuses études généalogiques sur des familles de cette région du Forez, centrées surtout sur Thiers; de nombreuses paroisses sont aussi étudiées, dont Augerolles. Le fonds Adam possède un inventaire sur fiches des insinuations ecclésiastiques, permettant de retrouver les constitutions d'ingrès, et de nombreuses études sur les paroisses de cette région. Le fonds Provenchères, grâce au répertoire de Lucien Drouot, a été une indispensable référence, et il forme la base de certaines études économiques, en particulier celle menée sur le bois29. Les archives municipales enfin, possèdent avant tout des pièces se rapportant au premier cadastre, et bien sûr aux suivants. Les registres de délibération du Conseil Municipal au XIX° siècle sont d'une grande utilité, ainsi que les dossiers concernant l'aide sociale, l'enseignement, la recherche des insoumis et la liste des conscrits.

28 En plus des séries L et Q les Archives départementales du PdD possèdent, sous la cote 1 MI 195, le registre des délibérationsde la municipalité d'Augerolles du 24 février 1790 au 23 pluviose An II. 29 Archives départementales du PdD: fonds Guillemot 2F, Adam 6F, Provenchères 1 MI 304, 22 microfilms, auxquels nous avons eu accès grâce à l'autorisation de M. Charles de Provenchères en date du 11.6.1986. IV - Les méthodes.

Une telle masse de documents, exige la mise au point de techniques ou de méthodes d'exploitation, dont beaucoup sont déjà bien rodées, pour avoir été utilisées assez souvent depuis vingt ans. Quelques unes seront originales1. A - Méthodes d'utilisation du matériel démographique. 1 - La lecture des documents démographiques.

S'agissant de documents sériels et répétitifs dans leur formulation, la lecture présuppose une bonne connaissance du stock patronymique local, de ses variations, et des libellés des différents actes proposés, afin d'aller tout de suite à l'essentiel. Les pièges des différents registres ayant été répertoriés, la lecture des actes s'est effectuée dans l'ordre chronologique, permettant ainsi d'être plus sensible aux améliorations successives de l'enregistrement. Les principales difficultés rencontrées tiennent d'abord aux variations d'orthographe des patronymes. Alors que beaucoup de noms ne varient pas pendant ces deux siècles, certains subissent de grandes transformations, peu importantes en fait, si on s'en tient à la structure du nom lui-même, ainsi l'exemple suivant pour les mariages de 1663 à 1872, en fréquence pour un patronyme: DOUGEIX 64, DOUGES 10, DOUGETS 24, DOUGEST 8, DOUGAIX 9, DOUGET 2, DOUGE 2, DOUGAI 1, DOUGIER 1, DOUGAIS 1, DOUGèS 2, DOSGETS 2, DOUSGAY 1. Les problèmes sont plus difficiles pour les noms doubles, utilisés tantôt sous les deux formes, tantôt seulement sous l'une ou l'autre, ainsi GARRET FLODY 47 fois, GARRET 26, FLODY 23, sans tenir compte des variations d'orthographe. Quant aux GOUTTE, de nombreuses associations avec un autre patronyme ont été relevées. C'est sans doute l'importance de l'homonymie, qui entraîne ce développement des noms doubles, le besoin se faisant sentir à un moment de différencier une branche par rapport à une autre. Les variations de prénoms sont fréquentes, la mode du prénom double, à partir de 1800 surtout, étant à l'origine de nombreuses inversions, entre l'état civil et les listes nominatives principalement2. 2 - La transcription des relevés.

Pour toutes les opérations ultérieures les indications de L. Henry ont été suivies à la lettre3. La transcription des relevés, qui est la première étape, ne porte que sur un simple transfert des données brutes. Ces transcriptions ont permis l'élaboration de types initiaux de documents : les baptêmes et naissances, ainsi que les décès, ont été transcrits sur des fiches INED de format 21 *15, formant ainsi deux piles. Les mariages ont été recopiés sur la partie supérieure des fiches de famille format 27*21 type INED.

1 Il ne s agit que d'une présentation rapide. L'information méthodologique est trop vaste pour être mentionnée ici; elle repose sur des manuels spécialisés, des thèses, des articles. Elle prend cependant surtout naissance dans de multiples expériences exprimées par les chercheurs depuis plus de vingt ans. Compte tenu du volume des publications, elle est inévitablement lacunaire. Voir B. BruneI (152) pages 34-63 et 290-292, ainsi que les tableaux 2, 17 a-b, 18, 19, 20, 21, 22, 23. 2 Grâce à un système d'enregistrement sur micro-cassettes, directement en salle d'archives, 35 à 40 actes ont pu être dépouillés à l 'heure, temps de transcription ultérieur sur fiches compris. Ce temps a été plus long pour les mariages, les documents fiscaux et notariés. Certains types d'actes, se prêtant mal a une saisie vocale, forcément réduite à l 'essentiel, ont été étudiés directement ou photocopiés. Pour l'étude détaillée des noms et des prénoms voir Chapitre IV. 3 L. Henry (66, 67). 3 - La synthèse des informations.

Après classement alphabétique des trois types de fiches obtenues précédemment, le fichier des fiches de famille a été constitué. Ces fiches enrichies désormais des naissances et des décès, d'enfants et de parents, ont été ainsi mises en attente de tous les reports ultérieurs de nature familiale ou économique. Ce fichier ainsi constitué a été complètement recopié, mais sous une forme simplifiée, et en format 21*15, en classant le mariage par ordre alphabétique du nom de l'épouse pour la recherche des fausses familles. Pour les listes nominatives, l'approche méthodologique est spécifique. Disposant de la photocopie intégrale ou du microfilm de toutes les listes disponibles, il a été possible de passer directement du document original au document intermédiaire. Deux formes d'études ont été ainsi déterminées: transversales et longitudinales. Dans le premier cas chaque liste nominative a été étudiée séparément sur les thèmes suivants : répartition des célibataires, veufs et mariés, par sexe et groupes d'âges, répartition par âge et pyramides, répartition par catégories sociales avec l'aide des fiches de famille, composition des familles selon l'âge du chef de famille, types de familles, domestiques selon les types de familles, activités, enfants en nourrice. La comparaison des différents résultats obtenus peut permettre de détecter des évolutions. La succession régulière des listes nominatives est à l'origine d'une étude de l'évolution des ménages. En utilisant principalement les travaux d'Y.Blayo4 sur Grisy-Suisnes, et sa méthode d'investigation, la période 1846-1872 a été étudiée à l'aide de six listes. En modifiant un peu les supports proposés par Y.Blayo, des fiches de ménage de format 27*21 ont été constituées, fiches sur lesquelles se sont inscrites toutes les informations successives données par la série des listes nominatives, et concernant ce ménage. Pour chaque personne entrant et sortant dans une famille sur une liste x, une fiche spéciale a été constituée en format 21 *15, formant ainsi des piles de fiches entrées et des piles de fiches sorties. Tout ce matériel ainsi accumulé, et dont la méthode d'utilisation sera précisée ultérieurement, a permis de s'intéresser au devenir des ménages à deux niveaux différents : les migrations tout d'abord, par des calculs d'indices selon les tranches d'âges, et dans un deuxième temps les cycles familiaux, leurs types, et leur durée5.

B - Méthodes d'utilisation des sources économiques et sociales.

Au terme de la présentation des sources, utilisées dans le domaine économique et social, on peut évoquer un bilan plutôt favorable. Pour chaque information de source fiscale, une fiche de format 21*15 a été mise au point, contenant les indications essentielles : nom, prénom, filiation éventuelle, lieu, montant de l'impôt. Les registres de taille, les impôts révolutionnaires, les états de sections ont ainsi été systématiquement relevés, les fiches étant ensuite classées en vue du report sur les fiches de famille. Pour les actes notariés, tous les actes concernant au moins un habitant d'Augerolles ont été mis en fiches, même dans le cas où l'acte avait été passé chez un notaire extérieur. Des séries d'actes divers (contrats de mariage, ventes, baux, quittances, obligations, etc...) classés dans l'ordre alphabétique du contractant d'Augerolles, ont été constituées afin de permettre le report de l'information sur les fiches de famille. Beaucoup de fiches ainsi composées sont cependant à double entrée, car dans la plupart des actes les deux contractants sont d'Augerolles : ainsi pour une vente, l'acte doit d'abord être classé au nom du vendeur, ensuite à celui de l'acheteur, lorsque les deux sont d'Augerolles, afin de permettre le double report, sur deux fiches de famille. Pour l'étude

4 Y. Blayo (592). 5 On n'envisage pas ici d'étude sur le système d'exploitation des informations. La structure informatique, sa logique et son contenu ont été examinés succinctement dans B. Brunel (152) pages 38-56. Sans ce système ce travail n'aurait pas été possible : l'importance du fichier démographique analysé s'explique par la conception de ces programmes. économique en non-nominatif, les fiches ont été regroupées par types d'actes et par périodes de dix ans, de 1733 à 1872: c'est la base chronologique de l'analyse6.

C - Le bilan quantitatif

Le travail de vérification une fois terminé7, chaque fiche a été classée selon sa catégorie à partir de la terminologie classique de L.Henry, en MF, MO, EF et EO. Cela correspond aux fiches où la date du mariage est connue, et celles où elle ne l'est pas (M et E); les deux autres caractéristiques concernent les fiches pour lesquelles la fin d'observation est connue, ou fiches fermées (F), et les fiches sans fin d'observation (0). Cette procédure de fermeture de la fiche est liée à la connaissance de la date de fin d'union ou à la mention du mari et de la femme sur la liste nominative de 18728.

18 - Répartition des fiches de famille M et E. Evolution du rapport M/M+b.

Nota : avec transformation de certaines fiches E en MF.

L'étude du rapport M / (M+E) est intéressante tableau 18 , l'élévation est continue. Il ne semble pas y avoir de mouvements brutaux, la seule exception étant la première période, où la proportion de fiches M est moins importante. Un second palier apparaît entre la troisième et la quatrième période. A partir de 1693, cette proportion dépasse toujours les trois quarts du total. Ce chiffre particulièrement élevé - les chiffres relevés dans d'autres régions de France varient entre 0,50 et 0,75 - peut s'expliquer en partie par la transformation de fiches EF en fiches MF par le relevé des mariages extérieurs9. Pour approfondir ce bilan, l'étude des fiches MF s'impose donc. Cinq types fondamentaux de fiches MF existent. Les MF1 sont celles où l'âge de la femme est exact, avec date de naissance connue, les MF2a celles où l'âge de la femme est connu par l'acte de mariage, les MF2b où il est connu par l'acte de décès, les MFle où cet âge est connu de manière exacte, mais concerne des mariages relevés à l'extérieur, enfin les MF3 concernent des fiches fermées, où l'âge de la femme est inconnu. L'analyse préliminaire est de calculer le rapport des fiches MF par rapport aux fiches M, ce qui donne le tableau 19. Ce rapport (MF) / M peut être en bon indice du "rendement" de la reconstitution. L'étude sur les sept périodes donne de très bons résultats de 1723 à 1872, ce qui témoigne d'une tenue correcte - déjà en partie démontrée - des registres paroissiaux. C'est particulièrement vrai pour les décès d'adultes, dont la connaissance permet d'augmenter

6 De nombreux autres documents - parfois sériels comme les minutes des justices de paix qui sont plusieurs milliers - n'ont pas été étudiés dans ce cadre. 7 Toutes les vérifications prévues par le manuel de L. Henry ont été effectuées avant la "destruction" de l'ordre alphabétique. La plus longue a été l'élimination des fausses familles par l'utilisation du fichier classé au nom de l 'épouse: sur plus de 5500 fiches de famille, 115 ont été décelées, le plus souvent par erreur sur l'identité de l'époux. Les erreurs sur les noms et prénoms de l'épouse se déterminent plus facilement. 8 C'est l'acte fondamental lorsque la fin d'observation est possible. L. Henry (67) pages 67-68. 9 Mais l'incidence est faible. 247 fiches sont concernées par cette mutation à partir de 1738 - les relevés des mariages extérieurs ont commencé à cette date - . Le rapport M/M+E est peu modifié si l'on ne tient pas compte de la transformation. 19 - Etude du raDDort MF/M

le nombre des fins d'unions. Ce qui frappe surtout, c'est la stabilité du rapport toujours compris entre 0,72 et 0,77 pour ces cinq périodes. Les deux premières périodes ont un rendement faible. En résumé, on aboutit à un bon indice global, souvent supérieur de 10 points à ceux de nombreuses autres monographies10. L'ensemble des autres fiches E concerne des couples formés à l'extérieur d'Augerolles; les fiches EO présentent un intérêt médiocre, même si dans le cadre de petites monographies, leur étude peut être techniquement possible. Elles ont servi à déceler la part des véritables migrants par une étude des patronymes. Les fiches EF, amputées d'un peu moins de la moitié de leur nombre total, par les transferts en types MF le, présentent une série relativement homogène regroupant 323 fiches au total, bien réparties dans les sept périodes. Il s'agit de familles, dont les mariages ont été célébrés à l'extérieur, et qui sont venues s'installer rapidement à Augerolles, parfois plus tard. Pour les premières périodes, il peut s'agir de couples MF, dont le mariage est célébré avant le début de la reconstitution; il peut aussi s'agir de couples mariés autour d'Augerolles, dont les mariages n'ont pas été relevés, la collecte des mariages extérieurs ne commençant qu'en 1738. -En revanche pour les fiches EF, débutant en 1739 et allant jusqu'en 1872, l'hypothèse peut être émise qu'il s'agit là d'habitants d'Augerolles mariés à l'extérieur avec des conjoints originaires de paroisses ou communes plus lointaines, leurs mariages n'ayant pas été relevés autour d'Augerolles. De ce fait l'étude de leur comportement démographique peut se révéler plus intéressant. Selon les principes de L.Henry, la date approximative du mariage a été déterminée par rapport à la première naissance du couple. Le nombre de fiches de famille ainsi déterminé va donner pour l'étude démographique le bilan suivant : 3212 fiches MF de types divers, 1433 fiches MO, 323 fiches EF, 780 fiches EO. Soit 5748 fiches pour 210 années de reconstitution. Ces fiches ont été alors classées en sept périodes de trente ans en fonction de la date de mariage de 1663 à 187211. Quand aux documents, qui ont été utilisés, soit pour l'enrichissement du fichier démographique, soit pour former la base de l'analyse économique qui va suivre, ils constituent la masse suivante: 3874 fiches de type fiscal se décomposant comme suit, 1394 pour les tailles, 865 pour les impôts révolutionnaires, 798 pour les états de section de 1814,

10 Cela se traduit dans l'étude détaillée des pourcentages des différents types de fiches MF, par une spectaculaire montée de la place des fiches MF1, qui sont 29% dans la première période et 91% dans la dernière. A partir de 1813 les MFla, MF1b et MF3 disparaissent. Voir B. Brunel (152) tableaux 21 et 22. Par ailleurs les fiches MO, qui restent ouvertes pour de multiples raisons, ont peu fait l'objet d'une analyse démographique en raison de l'importance du fichier (voir plus loin). 11 Pour obtenir ces 5748 fiches de famille, 42011 fiches diverses ont été constituées: 18891 baptêmes ou naissances, 12812 décès, 4275 mariages. Il faut ajouter 1859 mariages d'augerollois relevés à l'extérieur, 1601 baptêmes relevés de 1633 à 1663 eî 716 mariages de 1873 à 1903. A ce total il faut adjoindre 24597 mariages extérieurs, 1625 fiches de ménage constituées à partir des listes nominatives de 1846 à 1872, et 10773 fiches individuelles de déplacements sur ces mêmes listes. C'est donc plus de 55000 fiches qui ont été constituées et 25000 actes qui ont été sommairement relevés. A titre de comparaison C. Perronin à (184) travaille sur une population trois fois plus faible, J. Baudino à (155a) dispose de 380 fiches MF utiles pour le XVIIIo siècle, et B. Sasso (155e) de 283. De nombreuses références quantitatives sur d'autres travaux en France se trouvent dans J. Dupâquier (54), page 97, démontrant l'importance des études publiées à partir d'effectifs réduits, et affirmant que "la précision apparente des résultats relève (de ce fait) de l'illusion technique ". Le passage par le traitement informatique des données est alors indispensable dans l'étude présente. et 817 pour les informations cadastrales postérieures. La majorité de ces fiches a pu être utilisée par report sur les fiches de famille. 11.580 fiches, portant sur des actes notariés, et concernant au moins une personne originaire d'Augerolles, ont aussi été établies. La répartition de ces fiches est la suivante : baux 659, ventes 3301, partages 257, testaments 464, cessions 645, obligations 1044, rentes 233, contrats de mariage 2200, inventaires 92,traités 127, procès verbaux 49, autres 251. Pour les quittances, seules ont été relevées les quittances finales : quittances finales de dot 378, quittances finales d'obligation 561, quittances finales de rente 73, quittances finales de cession 325, quittances finales de vente 921, soit 2258 cas de quittances finales. Dans le domaine fiscal et notarial, la masse de documents est importante puisque le nombre total de fiches est de 15.454, certaines d'entre elles étant de véritables petits dossiers sur une famille (les inventaires et les partages). Pour certains types d'actes (baux, ventes), l'indication précise du bien - lieu exact, superficie, prix - a permis un regroupement de toutes les fiches par section cadastrale : ainsi, grâce à un autre type de classement des fiches, des nuances micro-régionales ont pu être décelées, dans un espace fortement étagé en altitude.

D - La détermination des groupes sociaux.

Cette détermination est fondamentale dans la problématique de la recherche. De nombreux aspects de la vie démographique peuvent en effet être analysés avec un éclairage social. Même si dans un milieu presque exclusivement rural les stratifications sociales paraîtront peut-être superficielles, ce travail a été organisé à partir de sources diverses12 : le tarif de la première capitation de 1695-96, les catégories économiques déjà définies ont été la base de départ13. Il s'est surtout agi du refus d'un classement exclusif par mentions d'activités, qui semble a priori trop vague. Le système choisi consiste à regrouper un maximum d'informations de nature économique sur la fiche de famille d'un couple, ayant vécu tout ou partie de son existence à Augerolles. Ceci impose alors une approche du document économique qui est double - et qui va se révéler fort utile - : l'aspect économique lui-même que représente ce document (une valeur, une superficie, un poids, un lieu, etc...), et le nom de la personne concernée par ce document, qu'il faut identifier de manière sûre par d'autres paramètres contenus dans le document (lieu-dit, prénom, noms de témoins, date, etc...). Cette double démarche impose une mise en fiche du document. Le fondement de l'étude repose sur la source notariale : la "collection" de fiches d'actes divers, dont les contractants sont le plus souvent bien identifiés, est très complète, sauf pour les premières décennies, où elle a été heureusement complétée par certaines indications du contrôle des actes. Cette masse sera étudiée dans la partie consacrée à l'économie, mais il est évident que l'utilisation première concerne son classement alphabétique en vue de la détermination des groupes sociaux. A cette première source s'ajoutent les nombreuses sources fiscales, elles aussi - et peut- être plus que d'autres - affectées à un individu facilement repérable dans la reconstitution. Aussi les registres de taille retrouvés, les indications de deux terriers, les dîmes, les listes d'impôts de la période révolutionnaire, les confiscations de biens au profit de la nation, les impôts exceptionnels, et les impôts fonciers du XIX° siècle (cadastre napoléonien et cadastre de la Restauration), constituent-ils de nombreuses références très utiles pour définir des niveaux de fortune, indépendamment de toute autre utilisation économique générale. La mise en parallèle des fiches de famille, encore classées en ordre alphabétique, et de ces diverses fiches de nature économique ou fiscale, a permis le transfert de ces informations des secondes sur les premières. Cinq classes ont été distinguées en fonction de tous les

12 F. Bluche et JF. Solnon (498), P. Goubert (505), G. Augustins (497). 13 E. Labrousse (21), A. Poitrineau (185) pages 429-437. paramètres possibles, et les grilles de classement, ont été exprimées en valeurs : valeur de l'impôt aux diverses périodes, superficie possédée en hectares, valeur de la dot de l'épouse (ou de l'époux) et de celles de certains enfants, valeur des baux, valeur des ventes et des achats, valeur des emprunts ou des prêts. De nombreuses informations tirées des partages, des inventaires, des traités, ainsi que des fréquences de mentions d'activités, ont été utilisées. Chaque fiche de famille devenant ainsi un microcosme, où tout ce qui peut être un élément de prise en compte apparaît désormais. On constate une notable évolution des différentes catégories la rupture s'opérant pendant la période révolutionnaire et impériale; la catégorie 1 - la plus pauvre - voit son quota diminuer des 2/3, signe non pas d'une disparition de la pauvreté, mais d'une diminution des personnes classées comme prolétaires. Alors que les catégories 2 et 5 restent stables, les catégories 3 et 4 connaissent un accroissement rapide. On peut attribuer cette évolution au grand morcellement des propriétés et des héritages, attesté par de nombreux actes notariés, la part, faible, des indéterminés s'explique par certains mariages célébrés avec des conjoints de l'extérieur, dont on ignore les caractéristiques sociales par manque d'informations. Le classement peut s'organiser de la manière suivante : le groupe 1 correspond à des familles qui n'effectuent aucune transaction, dont l'imposition est nulle ou très faible, et qui ne possèdent rien ou très peu de choses; sous l'Ancien Régime l'imposition peut aller de 1 à 10 livres et après la Révolution, la superficie possédée - pour ceux qui possèdent quelque chose - est inférieure à 1 hectare. La femme ou l'homme ne sont pas dotés, et ces couples ne sont jamais héritiers; les seules dots relevées sont amassées à partir de gains personnels, le plus souvent en qualité de domestique, et leur somme n'excède pas 20 livres; les enfants du couple ne sont jamais dotés, et on ne relève dans ces catégories que de rares mentions d'emprunts en nature ou en argent. Les activités, le plus souvent indiquées sur les fiches, sont celles de manouvriers, journaliers surtout; après la Révolution le mot cultivateur ne veut pas dire grand chose. La catégorie 2 qualifie des couples qui ne sont plus des purs prolétaires, mais des personnes à activités mixtes : de tous petits propriétaires situés sans nul doute en-dessous du quantum d'autonomie, avec une activité d'appoint indispensable à la survie de la famille, s'accompagnant ou pas d'une activité saisonnière; l'imposition de ce type se situe entre 10 et 30 livres sous l'Ancien Régime, et porte sur des valeurs équivalentes en francs au XIX° siècle; la propriété de la famille est comprise entre 1 et 3 hectares, et les dots des épouses comprises entre 20 et 50 livres (même valeur en francs); ces couples font peu de transactions, mais prennent souvent des biens en baux; c'est dans cette catégorie que les emprunts de petites sommes sont le plus souvent signalés. Ce sont là les activités les plus nombreuses : à l'activité agricole de base - laboureurs, métayers ou cultivateurs - s'ajoutent souvent les activités de sabotiers, de tisserands ou de scieurs de long, avec quelquefois des indications sur la valeur de leur "industrie" toujours relativement faible (20 à 30 livres). La catégorie 3 regroupe une masse de couples très importante, en forte augmentation (elle triple sur deux siècles passant de 11 à 35%); sans doute s'agit-il là du milieu le plus caractéristique, situé à la limite, parfois inférieure parfois supérieure, du seuil d'autonomie. Les petits, ou le plus souvent les moyens propriétaires, qui cotisent pour la taille entre 30 et 60 livres, et sur les listes d'impôts révolutionnaires ou du XIX° siècle jusqu'à 100 francs, peuvent posséder de 5 à 8 hectares sur toute la période. Parfois de fréquentes mentions d'activités annexes témoignent de la nécessité d'avoir recours à des apports d'argent extérieurs, avec souvent de fortes présomptions de migrations. Les indications d'activités indiquent de fréquents passages de la condition d'agriculteur à celle de sabotier ou tisserand selon les déclarations, mais on peut suspecter la fiabilité de déclarations, qui ne correspondent peut-être pas toujours à la réalité; le maire d'Olmet n'écrit-il pas le 9 juin 1861 en signant la liste nominative de sa commune : "Le maire fait observer que les professions de tisserands, sabotiers, scieurs de long et ouvriers charrons ne sont pas des professions spéciales pour chacun d'eux qui les exercent, ils n'y travaillent que comme journaliers pour remplir leurs journées et gagner leur vie Remarque - ou aveu - que l'on peut bien entendu étendre aux deux catégories précédentes, sans doute plus caratérisées encore par cette instabilité du travail. Les couples de cette catégorie 3 peuvent effectuer des transactions, qui portent toujours sur des biens de petite superficie, ou des prises de baux de valeur moyenne; les dots varient entre 50 et 100 livres et peuvent aller jusqu'à 200 francs, un ou plusieurs enfants peuvent être dotés, et les institutions d'héritiers y sont fréquentes. Le plus souvent ce sont des laboureurs ou des sabotiers, parfois, au XIX° siècle, des cultivateurs-propriétaires. Mais ils demeurent toujours dans des catégories d'emprunteurs. Avec la catégorie 4, on entre dans un espace social plus restreint mais en essor, puisqu'il passe de 7 à 14% en deux siècles. Ce sont des propriétaires, moyens ou plus que moyens, possédant entre 10 et 25 hectares, souvent issus d'une "maison" bien implantée dans un hameau, où ils sont de loin les propriétaires les plus importants - la liste de l'imposition foncière de 1814 par hameaux est très éclairante à ce sujet -. L'imposition du couple varie de 60 à 100 livres ou de 100 à 300 francs; les dots d'Ancien Régime sont comprises entre 100 et 200 livres et peuvent aller jusqu'à 400 francs. Les transactions relevées sont assez nombreuses et diverses dans leurs types, avec une prédilection pour les achats de prés et de bois. Ces couples prêtent de l'argent et donnent des biens en bail. Plusieurs enfants peuvent être dotés et l'institution d'héritier y est systématique. Les couples de la catégorie 5, au nombre plus restreint - et de ce fait aux comportements démographiques plus difficiles à interpréter - correspondent à plusieurs dizaines de familles bien implantées selon un maillage régulier sur tout l'ensemble de la paroisse, parfois centrées sur une série de domaines, dont ils sont sur de longues périodes les inamovibles propriétaires. On peut citer ici les limites inférieures des différents paramètres relevés : l'imposition 100 livres et 300 francs, la superficie possédée 25 hectares, les dots 200 livres et 400 francs. Les transactions sont fort nombreuses, ainsi que les baux de toute nature et les activités de prêts. C'est dans cette catégorie - parfois aussi dans la catégorie 4 - qu'apparaissent les marchands, et plus particulièrement pour la région les marchands de bois, qui forment des dynasties assez puissantes - Morange, Chomette, Provenchères, Carton, Theillol, ... - impliquées autant dans l'agriculture que dans le négoce du bois, et dont les stratégies matrimoniales sont intéressantes à étudier. Chaque fiche de famille possède désormais un chiffre allant de 1 à 5 (ou indéterminé), qui caractérise sa catégorie sociale. Pour approfondir ce travail d'analyse, une dernière inscription est indispensable : sur les parents de l'époux et de l'épouse sont reportés, leur catégorie sociale, si elle existe, et leur activité, ceci afin de déterminer plus tard les caratéristiques sociales et professionnelles d'un homme marié et de son père, et d'un homme marié et de son beau-père; sur les enfants du couple, on inscrit de manière succincte le contenu de leurs contrats de mariage, s'ils existent, notation utile pour l'étude de la transmission des patrimoines. Ainsi les bases de l'analyse démographique, telles qu'elles ont été présentées, entraînent trois réflexions. Le corpus ne présente pas de lacunes graves et peut permettre une étude longue englobant la quasi-totalité des XVIIIo et XIX° siècles, et une bonne partie du XVII° siècle. De plus les divers paramètres de contenu et de fiabilité les situent dans un ensemble auvergnat-type, réagissant sans zèle excessif aux obligations des ordonnances, et imposant des programmations de corrections. Enfin le bilan de la reconstitution elle-même, compte tenu de ces méthodes de lecture, de tri ou de calcul sans doute plus rapides que dans un travail manuel, permet de mettre en analyse un nombre plus important de fiches. Les reports sur fiches de toutes les informations économiques et sociales disponibles pour une famille, permettent de faire apparaître des différences de comportement. Chaque fois que cela sera possible, cette voie sera considérée comme prioritaire. 2 ème partie

L'évolution démographique 1 - Le mouvement de la population

Des informations sont à rechercher tout d'abord dans un simple comptage des actes passés à Augerolles et la Renaudie. Les mariages relevés dans les quinze communes entourant Augerolles donnent aussi - de 1738 à 1868 - des informations intéressantes. Il s'agit d'étudier le mouvement de la population indépendamment des analyses sur la nuptialité, la fécondité et la mortalité. Le but est de déterminer le mouvement général et l'accroissement éventuel de la population par le calcul des taux bruts. Avant le recensement de 1792, le chiffre de la population de la paroisse n'est pas connu de manière précise, il faut donc le calculer par diverses méthodes.

A - Le mouvement des mariages. 1 - Le mouvement annuel.

L'approche du mouvement annuel des mariages est complexe. Les chiffres année par année montrent, pour le seul espace d'Augerolles, une série très irrégulière des origines de l'enregistrement jusqu'à nos jours. Les moyennes décennales des mariages varient, pour une année, du simple (10,6) au triple (30,4). Jusqu'en 1740 et depuis le début du XVII°siècle, les moyennes calculées sont les plus faibles, et sans doute les plus fluctuantes de la série, mais ces fluctuations sont comprises entre des extrêmes de valeur modeste (12,4 et 19,1), donnant l'impression d'une période de grandes difficultés. Dès 1741, un palier apparaît nettement et la moyenne décennale atteint et dépasse le plus souvent 20 mariages par an jusqu'en 1910. A l'exception de la décennie 1921-1930, la chute est constante ensuite. Le détail, année par année, est révélateur, même si les variations aléatoires perturbent en partie l'analyse. En essayant de comparer plutôt les minima et les maxima aux moyennes décennales, l'étude précise des séries montre des oscillations nombreuses. Cette méthode est grossière, mais elle permet de constater la présence des creux et des pointes dans la nuptialité, et la fréquente association de deux années, parfois même plus. Les creux sont presque toujours suivis de reprises nettesl. Les explications doivent être globales et inclure l'étude des naissances et des décès, ce qui sera fait plus loin, mais les difficultés économiques peuvent être un élément explicatif essentiel : on se marie peu en périodes de crises et le phénomène de rattrapage joue ensuite. La forte nuptialité serait donc le résultat de mariages différés. Elle peut être aussi liée à des problèmes politiques ou militaires. Le phénomène est complexe car par contrecoup les années suivantes présentent souvent des étiages. Il ne faut pas négliger non plus l'influence sur la nuptialité des phénomènes d'échos, engendrés de vingt ans en vingt ans par des classes creuses. Mais là aussi l'explication doit être globale. Une source nous permet d'échapper en grande partie aux mouvements aléatoires liés aux petits nombres : il s'agit du relevé des mariages extérieurs. Cette étude porte sur quinze communes et 24.597 mariages de 1739 à 1868, le corpus est donc plus fiable. Les chiffres du tableau suivant permettent de constater que sur quatre périodes trentenaires l'augmentation est constante, avec cependant une pointe beaucoup plus forte entre 1799 et 1828 (+14,1%).

1 Ainsi sur les 130 années de la période 1630-1740, le seuil minimal de 10 mariages par an est atteint 21 fois; entre 1741 et 1910 - soit 170 ans - il ne l'est que 11 fois. Ceci n'est qu'une indication grossière, la population ayant augmenté entre temps. C'est cependant par l'étude des chiffres décennaux que l'évolution est la plus intéressante; en prenant toujours comme référence la décennie précédente, on peut constater sur le graphique 20 que les variations sont importantes. Il existe des décennies où la baisse relative de la nuptialité est forte : 1759-68, 1789-98, 1819-28, 1849-58. On est frappé par la périodicité, très régulière; constaté sur une aussi grande échelle, le phénomène repose sur des explications de nature économique ou politique déjà citées précédemment. Le graphique 21 de 1740 à 1868, pour ces 25.000 mariages, montre bien cette succession de flèches et de creux de types divers mais d'amplitude souvent identique, et auxquels les phénomènes d'échos ne sont probablement pas étrangers. Seule tranche la charnière des deux siècles et la période 1811-1815, marquées par de brutales accélérations de la nuptialité liées au contexte politique2.

GRA 20 Evoiut ion des mariages dans quinze communes par périodes décennales de 1749 fc 1868

Espace régionol : évolution annuelle des mariages 1740 - JAII8 Totnliti4 rirî.i cpmmùnes

GRA 21

2 Voir aussi B. Brunei (152), les trois graphiques détaillés GRA 4, année par année, pour Vollore, Courpière, Augerolles, Tours et Noirétablc entre 1754 et 1831. La juxtaposition parfois parfaite des courbes est à noter. De toutes manières l'analyse des variations de la nuptialité dans le court terme, montre que celles-ci obéissent à des facteurs complexes, qui se manifestent par d'importantes fluctuations selon le contcxte (prospérité, crises, conscriptions). Voir A. Poitrineau (183b) note 1 page 120. Evolution des mariages dans douze paroisses (quinze communes). périodes de trente ans.

2 - Le mouvement saisonnier.

Transformée en nombres journaliers proportionnels, la répartition mensuelle des mariages permet une étude intéressante, que l'on peut comparer à celle d'autres régions. Le mouvement des mariages est bien "gouverné par la liturgie catholique "3, même si des modifications apparaissent à Augerolles, ce ne sont que des atténuations de tendances qui subsistent. Aussi le mouvement est-il classique avec un sommet très important en février, et deux creux très marqués en décembre et mars, ces temps clos correspondant à l'avent et au carême; le maximum de février étant aussi le résultat d'une plus grande disponibilité en temps et en nourriture pour des festivités de noces. La pointe secondaire de novembre est très nette, avec le temps il semble que le mois d'octobre voit aussi sa part augmenter; mais à partir du XIX° siècle, le maximum secondaire peut se situer en septembre. Une petite pointe peut aussi avoir lieu en juin, avant la grande période de creux des travaux d'été. Ce ne sont pas ici les maxima d'été observés dans certaines études comme Saint Clément en Livradois en pays de forte migration4. On peut cependant s'interroger sur la part importante des mariages de fin d'été entre septembre et octobre. Ne s'agit-il pas là de mariages se célébrant avant un départ pour une campagne de sabotiers ou de scieurs de long ? De même les mois de juin - et mai à partir de 1800 - ont-ils seulement ce rôle anticipateur qu'on peut leur faire jouer avant les gros travaux d'été ? Ne seraient-ils pas aussi des mariages célébrés au retour des migrants ? La comparaison des indices avec d'autres régions démontre une assez grande identité pour quelques périodes-test, tableau 22.

22 - Indices mensuels des mariages.

Nota : Tour. = Tourouvre.

Les modifications concernant la distribution au XIX° siècle témoignent d'un moindre respect des obligations religieuses : affaiblissement de la pointe de février, forte augmentation du mois de mai et de décembre. Mais Augerolles se distingue nettement de Tourouvre-au-

3 A. Poitrineau (185) page 85. Voir pour Augerolles le tableau des données brutes par mois et pour les sept périodes dans B. Brunei (152) tableau 27. 4 M. Rostan (599) pages 253-254. Perche et du Bas Quercy5, et surtout de la France rurale dans son ensemble, par une part élevée des mois d'automne. C'est sans doute une des grandes originalités de cet espace. Seuls les résultats de Limons, dans les pays de la confluence Dore-Allier, présentent au XIX° siècle - mais pas avant - des similitudes avec les indices d'Augerolles6. Disposant des mêmes calculs pour l'espace régional, il faut essayer de voir si le comportement des augerollois correspond à celui des quinze communes circumvoisines. Le graphique 23 donne le mouvement saisonnier pour tout l'espace en quatre courbes, toujours en nombres journaliers proportionnels. Les évolutions décelées à Augerolles s'y retrouvent comme les transferts de mariages de janvier-février sur d'autres mois : entre 1739- 1768 ces deux mois représentent 621 mariages, soit plus de la moitié, entre 1829 et 1858 353, soit une diminution considérable. C'est le phénomène essentiel. Sur quels mois s'opèrent ces transferts ? Mai-juin passent de 106 à 204 et septembre-octobre de 168 à 237, manifestant par là, pour un vaste ensemble, des modifications de la dynamique démographique en liaison avec des travaux agricoles ou des mouvements migratoires, dont la nature a peut-être changé. Sans doute y a-t-il surtout une désaffection partielle à l'égard du calendrier liturgique, ou un rôle plus important de la migration temporaire7.

GRA 23 Mouvement mensuel des mariages pour quinze communes ( indices )

3 - Le mouvement hebdomadaire.

Les graphiques 24 montrent jusqu'en 1783 une relative stabilité. La part de la "fin de semaine" - vendredi, samedi et dimanche - est très faible : entre 1663 et 1692 elle représente

5 H. Charbonneau (98) page 56, JC. Sangoï (137) page 230. 6 C. Perronin (184) pages 46-51. Remarque intéressante aussi, G. Garrier (113) pages 61-62, signale le maintien au XIXo siècle, dans les communes de montagne du Beaujolais et du Lyonnais, des deux minima de décembre et mars, et des deux mêmes maxima de février et novembre. A Arconsat (155a) la concentration sur février est énorme. A Allègre (155e) les phénomènes migratoires donnent des indices bien supérieurs en automne par rapport à l'hiver, pages 69-71 et 181-187. Voir B. Brunei (152) les quatre tableaux 29a et les deux tableaux 29b. La forte baisse des écarts-types est très caractéristique: pour les quatre périodes de trente ans, allant de 1739 à 1858 on calcule les chiffres suivants: 111; 97,7; 61,7; 51,2. Le phénomène est encore mieux marqué sur de plus vastes périodes: de 1739 à 1798 l'écart-type est de 102, de 1799 à 1858 de 57,2. L'homogénéité est plus grande au XIX° siècle, donnée soulignée pour toute la France par J. Dupâquier (51) T II, pages 296-299, T III, pages 423-425. 1 La détermination du chiffre de la population 66 2 Le calcul des taux 67

II La nuptialité 70 A Mesure de la fréquence du célibat 70 B L'âge au premier mariage 74 1 La fiabilité des âges 74 2 L'âge au premier mariage 76 C L'origine géographique des conjoints et les migrations matrimoniales 81 1 Les renseignements tirés des mariages 82 2 Les turbulences démographiques liées aux mariages d'Augerolles 83 3 Les migrations matrimoniales dans l'espace régional 87 D Le remariage 94 1 La durée d'observation des mariages 95 2 La fréquence du remariage 96 3 Etude de l'âge au remariage 97 4 Intervalle veuvage-remariage 100 5 Le "marché matrimonial" du remariage 102 III La fécondité et le temps de constitution de la famille 105 A Une fécondité constante mais nuancée 105 1 Les corrections : l'évaluation des naissances perdues 105 2 La fécondité selon les groupes d'âges 107 3 La fécondité selon l'âge au mariage et la durée de mariage... 115 4 L'arrêt de la fécondité 119 5 Peut-on cerner à Augerolles l'apparition de la limitation des naissances? 126 B Les aspects démographiques de la famille 127 1 Le temps de constitution de la famille 127 2 Forme et évolution de la famille 146 IV La mortalité 155 A La mortalité des jeunes 155 1 La mortalité infantile non corrigée 155 2 La mortalité des jeunes non corrigée 160 3 Le problème des corrections 163 B La mortalité des adultes 170 1 La mortalité des couples féconds 171 2 La mortalité des adultes selon les listes nominatives 172 3 La mortalité maternelle 174

Troisième partie : L'immobilisme technique et la production économique ...... 181 1 Les unités de production 181 A Métrologie et activités : les anciennes mesures agricoles 181 B Les types d'unités productrices 183 1 Les domaines 183 2 Les héritages 186 II L ,es conditions de la production 190 A L'outillage 190 B Les techniques agricoles 193 1 La structure agraire ...... �� 19-4 2 Contraintes et techniques de production selon les produits de la terre et les animaux d'élevage 200 C Les autres éléments concernant la production 212 1 Les moyens de communication 212 2 La force motrice et l'artisanat 214 III L'évolution des prix à travers les transactions de biens fonciers 216 A Etude et évolution par mode d'occupation du sol 217 1 Transactions comportant plusieurs biens à superficie connue 218 2 Transactions concernant des types précis 219 B Etude et évolution par secteur géographique 223 1 Les principes 223 2 Les résultats 224 C Le mouvement des prix des transactions 227 1 Le bilan du mouvement annuel et tendanciel 227 2 Le mouvement saisonnier 230 3 La mesure du prix réel 230 IV La place particulière du bois 234 A La crise forestière et l'évolution des idées 234 B La situation des bois en Auvergne 235 C Les forêts d'Augerolles-La Renaudie 236 1 Localisation des forêts 237 2 Les propriétaires 238 3 Etude des transactions 240 D Le travail et le négoce du bois 242 1 L'activité de sciage 242 2 L'activité de transport 244 3 L'activité de négoce 246

Quatrième partie : La réalité sociale 251 1 La mesure de la propriété par l'imposition 251 A Le bilan quantitatif 252 1 Sous l'Ancien Régime 252 2 A partir de la Révolution 264 B L'aspect qualitatif : propriétaires, activités, mobilité sociale 269 1 Les grandes catégories de propriétaires 269 2 Les types d'activités 275 3 Endogamie sociale et professionnelle 278 II La transmission de la propriété 287 A L'étude des ménages 287 1 Les résultats d'ensemble 287 2 Les familles complexes et les communautés familiales 290 3 Les cycles familiaux 298 B La transmission des patrimoines 300 1 Le mariage auvergnat : point de départ stratégique 300 2 L'affirmation du régime dotal 306 3 L'installation du nouveau ménage 311 4 La transmission des patrimoines 313 III Enrichissement et appauvrissement : la mesure et les solutions 325 A Riches et pauvres : quelques essais de mesure ...... 325 1 L'intérêt sur le capital foncier 325 2 La mesure du salaire ...... 327