Promenade à dans la

VienneHAYDN . MOZART classique . BEETHOVEN FRANZ LISZT

A trip to Les scènes viennoises Salons et Hausmusik (Historic places of Vienna)

WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791) WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791) Die Zauberflöte K 620 1 | Ten Variations on ‘Unser dummer Pöbel meint’ in G major K 455 12’49 1 | Ouvertüre 6’00 Andreas Staier, fortepiano Monika May after Walter Akademie für Alte Musik Berlin, dir. René Jacobs String Quartet no.19 in C major K 465 ‘Dissonance’ JOSEPH HAYDN (1732-1809) 2 | I. Adagio - Allegro 13’47 Die Schöpfung | The Creation - Dritter Teil / Part Three 3 | II. Andante cantabile 6’54 2 | 29. Rezitativ. Uriel : Aus Rosenwolken bricht 3’54 4 | III. Menuetto. Allegro - Trio 4’29 3 | 30. Duett mit Chor. Eva, Adam : Von deiner Güt’, o Herr und Gott 9’40 5 | IV. Allegro molto 7’31 4 | 31. Rezitativ. Adam, Eva : Nun ist die erste Pflicht erfüllt 2’23 Cuarteto Casals 5 | 32. Duett. Adam, Eva : Holde Gattin, dir zur Seite 8’14 6 | 33. Rezitativ. Uriel : O glücklich Paar, und glücklich immerfort 0’25 (1770-1827) 7 | 34. Schlußchor : Singt dem Herren alle Stimmen! 3’23 6 | op.98 (Alois Jeitteles) 11’54 Julia Kleiter, soprano (Eva) | Maximilian Schmitt, tenor (Uriel) Dietrich Henschel, baritone / Michael Schäfer, piano Johannes Weisser, bass (Adam) RIAS Kammerchor | Freiburger Barockorchester FRANZ SCHUBERT (1797-1828) cond. René Jacobs 7 | Der Tanz D 826 (Kolumban Schnitzer von Meerau) 1’49 8 | Die Geselligkeit (Lebenslust) D 609 (Johann Karl Unger) 3’42 LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827) Marlis Petersen, soprano | Anke Vondung, mezzo-soprano Piano Concerto no.3 in C minor op.37 Werner Güra, tenor | Konrad Jarnot, bass 8 | I. Allegro con brio 17’03 Christoph Berner, pianoforte Rönisch 9 | II. Largo 9’30 9 | An den Mond D 259 (Johann Wolfgang von Goethe) 3’00 10 | III. Rondo. Allegro 9’31 Werner Güra, ténor | Christoph Berner, pianoforte Ehrbar Paul Lewis, piano Steinway

BBC Symphony Orchestra, Jirˇí Beˇlohlávek 10 | Heidenröslein D 257 (Johann Wolfgang von Goethe) 1’57 Werner Güra, tenor | Christoph Berner, pianoforte Rönisch

11 | Die Forelle D 550 (Christian Friedrich Daniel Schubart) 1’54 Matthias Goerne, baritone | Andreas Haefliger, piano

l’opéra de la cour, ont soutenu (mais aussi parfois combattu) des compositeurs comme Brahms, Wolf, Vienne – capitale mondiale de la musique Bruckner et Mahler, et sont encore actives de nos jours. L’un des sommets de cette évolution fut l’Exposition Universelle de la Musique de 1892 qui, au-delà de sa valeur de témoignage, n’hésita pas à mobiliser tous les Vienne est identifiée à la musique comme presque aucune autre ville au monde. Qu’il s’agissede La clichés qui, aujourd’hui encore, font vivre Vienne en tant que capitale de la musique. Flûte enchantée de Mozart, de la 9e Symphonie de Beethoven ou des valses viennoises : heureux qui peut s’abandonner à l’oubli et se laisser bercer au rythme des beaux paysages et des flots du Danube. La vie est si Haydn facile ! Et les Viennois ont un cœur d’or ! C’est dans son dernier domicile, actuellement situé au numéro 19 de la Haydngasse, que Haydn composa La Parmi ces clichés, lesquels résistent à un examen plus poussé ? Sans vouloir se prononcer sur la qualité du Création, entre octobre 1796 et avril 1798. Il avait acheté cette maison, aujourd’hui proche des commerces cœur d’or des Viennois, on s’autorisera tout de même ce constat : l’objectif des Lumières – toucher, grâce de La Mariahilfstraße, au maître tisserand Ignaz Weißgram au retour de son premier voyage en Angleterre, à l’art, tous les êtres humains et trouver un langage qui aille droit au cœur de chacun – a été parfaitement le 14 août 1793, car il en appréciait la “situation calme et isolée”, et il y vécut jusqu’à sa mort. Outre atteint par les représentants du classicisme viennois, à commencer par Gluck, qui se consacra tout entier à le couple Haydn, resté sans enfants, plusieurs autres personnes s’y installèrent cette quête. Mais aussi par Haydn, qui sut rester très populaire dans sa Création malgré la dimension savante (bien qu’après une dispute, Haydn ait envoyé sa femme habiter chez de l’œuvre, par Mozart, dont le Papageno est aimé de tous, et par Beethoven, dont l’Ode à la joie, écrite au le maître d’école Stoll à Baden): Ernestine Loder, une nièce, la numéro 5 de la Ungargasse, est l’œuvre la plus connue de tous les temps. Faut-il imputer cela à la proximité cuisinière Anna Kremmnitzer ainsi que le secrétaire et copiste du folklore alpin, aux Lumières ou à l’âme musicale viennoise ? Toujours est-il que la musique joue à Vienne Florian Elßer (le père de la célèbre danseuse). C’est là aussi que un rôle très spécifique et très populaire et que le monde entier ou presque la comprend. Haydn reçut d’aussi éminentes visites que celle de l’Amiral À partir du xive siècle, les villes gagnèrent en importance. Il est attesté que dès le Moyen Âge, Vienne connut Nelson, de Carl Maria von Weber ou de Luigi Cherubini. une riche vie musicale qui touchait de très larges couches de la population et qu’à l’instar des différents métiers Haydn mourut à l’âge de 77 ans durant l’occupation artisanaux, la musique faisait, elle aussi, l’objet d’une réglementation des plus rigoureuses. À Vienne, c’est la française, le 31 mai 1809. Napoléon fit installer une Confrérie Saint-Nicolas, une association de musiciens sise en l’église Saint-Michel, qui déterminait les règles garde d’honneur devant la maison mortuaire et les de la vie musicale de la ville, la formation des musiciens ainsi que les normes à respecter, et qui veillait au obsèques du compositeur n’attirèrent pas seulement respect des bonnes mœurs. Les musiciens étrangers devaient payer leur obole. Les étudiants de l’université, le tout-Vienne, mais aussi l’ensemble des généraux fondée en 1365, bénéficiaient d’un privilège qui les autorisait à gagner un peu d’argent de poche en chantant français. dans les rues – à la condition qu’ils s’en tiennent aux seuls chants religieux. Ils faisaient l’objet d’un contrôle À Londres, où il séjourna à deux reprises avec succès et strict, et les sanctions ne manquaient pas de tomber s’ils étaient pris en flagrant délit de chansons obscènes non sans conséquences, Haydn avait été impressionné ou trop critiques. par la culture des concerts d’oratorio. Il est étonnant Très vite, cependant, la musique se trouva au centre de la représentation impériale ; les Habsbourg eux- que le vieux Haydn ait été capable d’adapter à son mêmes firent preuve durant plusieurs générations d’un engagement personnel en faveur de la musique, propre langage musical, celui du classicisme tardif, un qui ne fut pas sans répercussions sur la vie de la cour et de la ville. On recruta des luthistes, des timbaliers genre déjà bien établi – l’oratorio baroque tel qu’il avait et des trompettistes, tous indispensables et rémunérés en conséquence, que l’on fit venir de tous les coins été défini notamment par Haendel – et de l’amener àun d’Europe. Sous le règne de Maximilien Ier, le niveau atteint par la musique de la cour en fit une des meilleures nouveau sommet durable. La Création et Les Saisons comptent du monde, et sous Ferdinand Ier et Ferdinand II, Vienne, devenue capitale d’Empire et résidence impériale, aujourd’hui encore parmi ses œuvres les plus populaires. connut un essor incroyable en matière de théâtre, de concerts et d’opéras. Ferdinand III écrivait lui-même La troisième partie de La Création traite du “couronnement” de de la musique et c’est à son successeur Léopold Ier que l’on doit l’édification du premier théâtre d’opéra, en celle-ci : de l’homme et du premier couple amoureux, Adam et Ève. La er bois. Enfin, c’est sous Joseph I puis Charles VI que la chapelle de la cour impériale connut son plus grand vision de la création divine est entièrement positive. Il convient de ne pas y Christian Ludwig Seehas, Joseph Haydn, 1783, développement, comptant désormais 300 musiciens. voir seulement l’effet de la piété personnelle de Haydn, mais aussi le résultat de huile sur toile, Schwerin, Gemäldegalerie. akg-images. Sous l’influence des Lumières, la musique cessa progressivement d’être un véhicule au service d’une l’ouverture au monde et du regard optimiste des Lumières et de leur foi dans le démonstration de la puissance politique de la cour. On continua certes à y pratiquer la musique, mais bien. Sans doute pensé à l’origine pour Haendel, le livret, que Haydn rapporta de Londres, fut traduit en Marie-Thérèse et son fils Joseph II visaient désormais l’économie et l’efficacité. Dans le même temps, de allemand par Gottfried van Swieten, fils du médecin personnel hollandais de Marie-Thérèse. Haut diplomate, nombreuses familles très fortunées issues de l’aristocratie s’engagèrent à Vienne en faveur de la musique, Swieten était lui-même poète et compositeur (bien qu’il n’ait guère connu de succès dans ce domaine), franc- subvenant par exemple aux besoins de Gluck, Haydn, Mozart et Beethoven. Schubert n’eut pas cette chance, maçon comme Mozart et surtout un infatigable défenseur de la musique. Il accompagna d’ailleurs sa version car il fallut attendre l’industrialisation pour que la bourgeoisie ait les moyens (financiers) de prendre le relai du texte de suggestions en vue de sa mise en musique, que Haydn, selon ses propres dires, trouva très utiles. de la noblesse. Au xixe siècle, la culture musicale bourgeoise connut à Vienne un nouveau sommet : toute Uriel célèbre d’abord le matin puis le “couple heureux et comblé” avançant main dans la main, un parfait la ville jouait du piano-forte et s’adonnait à la valse, la chanson viennoise avait ses quartiers dans toutes les exemple de la métaphore de la lumière si prisée à l’époque : en même temps que le jour se lève, c’est une tavernes et les concerts et les bals étaient sans fin. Des institutions fondées à cette époque, à l’image du ère nouvelle de bonheur et de confiance qui commence. Toutes les allusions à la tragédie du péché originel Musikverein ou du Konzerthaus, du nouveau Burgtheater (le théâtre de la cour impériale) et de la Hofoper, ont été effacées, il pourrait tout aussi bien s’agir de l’Arcadie antique ou de l’état naturel de l’homme décrit

3 PROMENADE DANS LA VIENNE CLASSIQUE français 4 Johann Adam Delsenbach, Le centre de Vienne vu du côté de la Leopoldstadt, 1740, huile sur toile, Vienne Musée d’histoire, akg-images. par Rousseau. Le texte suit l’Hymne du matin du Paradis perdu de Milton. Le duo entre Adam et Eve choisit l’air de Calender “Les hommes pieusement pour Catons nous prennent…”, un personnage auquel (plage 3 ) fait partie des passages les plus impressionnants de La Création, c’est même l’une des pièces les correspond l’Osmin de L’Enlèvement au Sérail. La traduction allemande qui figure dans la partition plus belles et les plus ferventes de toute la littérature musicale. Van Swieten a noté ici à l’intention de Haydn manuscrite de Gluck rend le texte ainsi : “Des hommes stupides et pieux pensent sans doute que nous vivons qu’un “timbre agréable” et une “harmonie pure” conviendraient parfaitement – et Haydn a suivi son conseil. pauvrement”, mais de toute évidence, Mozart utilisa une autre traduction, puisque dans ses variations, le Que le chœur ne vienne pas troubler ce moment intime du couple, mais bien plutôt le soutenir, est une des texte apparaît sous cette forme : “Unser dummer Pöbel meint”, littéralement : “Notre stupide populace grandes performances musicales par lesquelles Haydn parvient à résoudre un défi d’ordre psychologique, dont pense”. La création eut probablement lieu le 23 mars 1783, en bis du concert donné par Mozart en Beethoven a su tirer parti dans Fidelio. Le chœur final, grandiose dans l’effet qu’il produit, débute par un tutti présence de l’Empereur, qui avait payé à l’avance 25 ducats de droits d’entrée. C’était le premier des six avant de se déployer avec une intensité sans cesse renouvelée. La double fugue est encore surpassée par la concerts donnés au Burgtheater qui marquèrent le début de la rapide ascension viennoise de Mozart en tant tension entre les mélismes des solistes, d’une légèreté incroyable, et les puissantes exclamations sous forme que musicien “indépendant”. Depuis son piano, sur lequel il joua des pièces solistes, Mozart dirigea aussi d’accords du chœur qui culminent dans le terme “Ewigkeit” – l’éternité. la Symphonie Haffner (en deux parties : les trois premiers mouvements ouvraient le concert tandis que le La création publique – un événement mémorable – eut lieu dans l’ancien Burgtheater (situé place Saint-Michel dernier en constituait la partie finale), ainsi que diverses arias interprétées par des chanteurs qu’il appréciait. et détruit en 1888) le 19 mars 1799. Précédée de plusieurs représentations “privées”, mais spectaculaires, D’un point de vue artistique et commercial, ce concert fut un grand succès, que Mozart put relater en ces elle avait été rendue possible grâce à la “Société des associés” que Swieten avait fondée avec d’autres comtes et termes à son père : “Je crois qu’il ne sera pas nécessaire de trop évoquer devant vous le succès de mon princes comme les Esterházy, Liechtenstein, Lobkowitz, Kinsky, Auersperg, Lichnowsky, Trautmannsdorff, académie, vous en aurez sans doute déjà entendu parler. Cela suffit ; le théâtre n’aurait pas pu être plus Sinzendorf et Schwarzenberg. Ils assumèrent l’ensemble des frais, y compris un généreux cachet pour le rempli et toutes les loges étaient occupées ; ce que j’ai le plus apprécié : que sa Majesté l’Empereur ait été compositeur. Haydn exigea des effectifs considérables – si l’on s’en tient au nombre des parties séparées présent, lui aussi, et le plaisir qu’il y a pris, et les applaudissements dont il m’a gratifié…” et à leur numérotation, on arrive à 40 instruments à vents, 71 instruments à cordes et 64 chanteurs. En y ajoutant les trois solistes, Salieri au piano et Haydn à la baguette, ce ne sont pas moins de 180 musiciens qui Quatuor “Les Dissonances” participèrent à l’événement. Le vieux Haydn ne déçut personne, pas même lui-même : on le porta aux nues, et Mozart acheva son quatuor en Ut majeur le 14 janvier 1785, l’inscrivit le 15 dans au catalogue de ses œuvres et la Vienne des Lumières trouva là une occasion de se célébrer elle-même. le présenta dès le lendemain à ses amis. Il fut baptisé le Quatuor “Les Dissonances” en raison des dissonances que l’on entend dans les premières mesures de l’adagio introductif et que les contemporains ne se privèrent Mozart pas de critiquer, voulant y voir une faute ou tout au moins un élément des plus inhabituels. Conformément L’ouverture de La Flûte enchantée : six minutes de bonheur pour tout amateur de musique. Même à la tradition, Mozart recourait volontiers à cette tonalité dénuée de toute altération pour des œuvres de si le livret de ce Singspiel peut paraître relativement insensé, même si la qualité musicale n’est caractère solennel, mais aussi lorsqu’il cherchait à obtenir des effets particuliers de clair-obscur. pas toujours parfaitement homogène, La Flûte enchantée de Mozart reste, malgré son côté Ce côté sombre et ténébreux est d’ailleurs mis en avant de manière très impressionnante par parfois très ostensiblement franc-maçon et sa dimension populaire qui frise plus d’une les modulations inattendues vers la tonalité de do mineur. De la même manière, les fausses fois le folklore, un témoignage poignant d’humanité profonde qui appelle à davantage relations de l’introduction soulignent ce qui fera toute la clarté et la beauté presque de compréhension mutuelle et de générosité, peut-être parce que Mozart n’y fait envoûtante de la dimension mélodique qui se déploiera par la suite. l’économie ni de la souffrance, ni du désespoir. Nous savons qu’il assistait aux Le Quatuor “Les Dissonances” est le dernier d’une série de six quatuors écrits par représentations et qu’il les appréciait, bien que les chanteurs n’aient pas été au- Mozart durant une période heureuse et fructueuse. Il y fut incité par les quatuors dessus de tout soupçon et qu’il se soit agi là, dans le théâtre de Freihaus (ou de Haydn opus 33 et c’est à “son cher ami” que rempli de gratitude, il dédia ses Theater auf der Wieden) aujourd’hui disparu, d’un public de faubourgs. “enfants”, comme il les appelle dans sa préface. Il les y présente comme le fruit L’ouverture, de même que la “Marche des Prêtres”, furent les dernières pièces d’un long travail laborieux (“il frutto di une lunga, e laborioso fattica”) qu’il composées : elles ne furent achevés que le 28 septembre 1791, deux jours avant lâche maintenant dans le monde sous la protection du grand Haydn, qui s’était la création de l’œuvre. L’ouverture commence par les trois accords joués par montré satisfait d’eux lors de son dernier séjour à Vienne. Ces propos sont un l’orchestre au complet, le premier sur la tonique de mi bémol, le second sur peu en deçà de la vérité, car on sait que ces quatuors déclenchèrent chez Haydn la sixte – ut mineur –, ce qui ne correspond pas au déroulement traditionnel des paroles particulièrement élogieuses à l’intention de Leopold Mozart : “Je vous d’une succession d’accords parfaits, mais confère à ce début – grâce aussi aux dis devant Dieu, en homme honnête que je suis, que votre fils est le plus grand points d’orgue qui marquent chacun des accords – un caractère en suspens, plein compositeur que je connaisse, en personne ou de nom ; il a du goût et surtout la plus d’attente et d’espoir. grande connaissance qui soit de ce qu’est la composition.” La création du quatuor eut lieu le 16 janvier dans ce lieu que l’on appelle la “Maison Les variations pour piano de Figaro”, tout près de la cathédrale Saint-Étienne. C’est ici que Wolfgang Amadeus Les Dix variations pour piano K.455 furent écrites en 1784, et Mozart en choisit pour Mozart a vécu avec sa famille de 1784 à 1787 et c’est là qu’il composa, entre autres, Les thème une mélodie extraite de l’opéra de Gluck Les Pèlerins de la Mecque ou La Rencontre Noces de Figaro. C’est le seul domicile viennois de Mozart qui soit conservé et en même imprévue créé en 1764 au Burgtheater. Une œuvre à laquelle L’Enlèvement au Sérail de Mozart Joseph Lange, Mozart au piano, 1789, temps l’appartement le plus chic et le plus cher qu’il ait jamais habité. Le bâtiment, qui date huile sur toile inachevée, doit beaucoup – Mozart, d’ailleurs, doit beaucoup à Gluck, qu’il appréciait énormément. Il Salzburg, Mozart Museum. akg-images. du xviie siècle, est aujourd’hui totalement restauré et abrite un musée que l’on peut visiter.

5 PROMENADE DANS LA VIENNE CLASSIQUE français L’appartement lui-même comporte quatre chambres, deux cabinets de travail et une cuisine, dans lesquels Nous pouvons considérer que le cycle de lieder de Beethoven est lié d’une manière ou d’une autre à sa vie le quotidien des Mozart paraît très vivant. La grande pièce qui donne sur la rue invite tout particulièrement personnelle. La lettre qu’il adressa “à l’immortelle bien-aimée” est célèbre et a donné lieu à de nombreuses à se représenter Haydn et d’autres amis attendant avec impatience la première audition de ces merveilleux spéculations, mais elle témoigne néanmoins du déchirement de Beethoven entre renoncement et aspiration quatuors, mélodiquement si riches et si artistiques. à la possession, entre nostalgie, douleur et espoir. Dans une lettre à Ferdinand Ries datant de mai 1816, il écrit ceci : “… beaucoup de bonnes choses à votre épouse – malheureusement, je n’en ai pas, je n’en ai trouvé Beethoven qu’une, que je ne posséderai sans doute jamais.” La chaleur et la ferveur que Beethoven met dans ces lieder De janvier 1803 à mai 1804, Ludwig van Beethoven habita un logement de fonction au Theater an der Wien : empreints de mélancolie expriment cependant son assurance que l’amour vient à bout de “l’espace comme il devait en effet écrire un opéra pour ce théâtre, mais comme on le sait, il fallut attendre encore un peu pour du temps” ; ils ne sont en rien un renoncement, mais bien plutôt un plaidoyer pour la confiance et l’amour. que Fidelio, le seul opéra de Beethoven et par ailleurs une œuvre singulière, soit achevé et créé. Le 5 avril 1803, il put disposer de la salle du théâtre pour y organiser une académie lors de laquelle fut créé son 3e Schubert Concerto opus 37. C’est le seul concerto pour piano de Beethoven écrit dans une tonalité mineure et c’est Die Geselligkeit (La convivialité, 1818) et Der Tanz (La danse, écrit en 1828, l’année de la mort du avec cette œuvre que le compositeur fait passer définitivement le concerto de l’univers des salons à celui compositeur) comptent parmi ces pièces conviviales que l’on attendait de la part de Schubert et qui sont de la salle de concert. Il ne s’agit plus d’interventions brillantes ou aimables de la part du soliste, mais bien typiques de sa production, bien qu’aujourd’hui, on apprécie davantage son côté sombre et mélancolique. Les d’un véritable dialogue riche en tensions entre ces deux partenaires à part égale que sont désormais le piano “Schubertiades” – un terme usité par Schubert lui-même – sont devenues l’emblème de ces réunions privées et l’orchestre – un dialogue marqué tantôt par une grave émulation, tantôt par la ferveur, ou encore par un dans lesquelles la volonté artistique le disputait aux sympathies personnelles. Dans une Autriche marquée esprit des plus spirituels. Il a pourtant fallu plusieurs années à Beethoven pour achever cette œuvre, dont il par le Biedermeier, que Metternich avait transformée en un état où régnait l’espionnage permanent, l’amitié, repoussa la création à plusieurs reprises. Cette fois-ci encore, il ne put consacrer beaucoup de temps à la mise la convivialité et les échanges représentaient un plaisir peu coûteux ; d’un autre côté, la bourgeoisie, jouant au propre, car au même moment avait lieu la création de l’oratorio Le Christ au mont des oliviers. Beethoven désormais un rôle moteur dans le domaine artistique, était en train de succéder à l’aristocratie – à un moindre était au piano et jouait pratiquement par cœur, tandis que son ami et collègue, le compositeur Ignaz Ritter von degré de représentation, bien sûr, puisqu’on pouvait organiser seul des manifestations artistiques : “… je me Seyfried, tournait les pages – dirigeant sans doute aussi la représentation. Seyfried relate ainsi l’événement fais parfois des Schubertiades pour moi-même”, écrivit Kuppelwieser à Schober le 8 mars 1814. en 1833 : “Lorsqu’il dut jouer les mouvements de son concerto, il me demanda de bien vouloir lui tourner les Les deux quatuors vocaux encadrent pour ainsi dire l’ensemble de la période créatrice du compositeur viennois pages ; mais – grand Dieu ! – voilà qui était plus vite dit que fait ; je ne vis presque que des pages blanches ; tout peut-être le plus aimé de tous. Dans le cœur de tous les mélomanes, le nom même de Franz Schubert ouvre au plus sur l’une ou l’autre quelques hiéroglyphes égyptiens griffonnés çà et là, qui m’étaient parfaitement les compartiments les plus intimes, car ses mélodies comptent parmi les plus précieux joyaux des souvenirs incompréhensibles et qui ne pouvaient guère servir qu’à lui de fil rouge ; il joua en effet presque toute la partie musicaux de tout un chacun. Mais le respect qu’on lui voue aujourd’hui est à l’exact opposé de la pauvre et de soliste de mémoire, car comme toujours, il n’avait pas eu le temps de la mettre intégralement au propre. courte vie de misère qui fut la sienne. Né le 31 janvier 1797, il était le douzième de quatorze enfants ; sa mère Ainsi, il se contentait de me donner à chaque fois un petit signe discret lorsqu’il arrivait à la fin d’un tel passage Elisabeth mourut alors que Franz était encore un adolescent Schubert passa son enfance, turbulente, sans invisible, et mon inquiétude, que je ne parvenais guère à dissimuler, l’amusait visiblement beaucoup : lors des doute, dans la “Maison du crabe rouge” (Zum roten Krebs) au numéro 54 de la Nussdorferstrasse, dans ce qui dîners joviaux que nous partageâmes ensemble, il en riait encore.” était alors le faubourg de Himmelpfortgrund. Si cet édifice donne aujourd’hui une impression de tranquillité An die ferne Geliebte est considéré comme le premier cycle de lieder réussi d’un point de vue artistique – le empreinte de nostalgie (conservé, on y a aménagé un musée des plus intéressants), il grouillait sans doute à manuscrit autographe porte la date d’avril 1816. Les textes sont d’Alois Jeitteles, célèbre médecin et écrivain l’époque d’une vie bruyante : soixante-dix personnes se partageaient les seize appartements de cette petite originaire de Brünn, qui avait soutenu en 1819 son doctorat à Vienne. On ne sait pas comment Beethoven bâtisse d’un étage, qui comportaient chacun deux pièces. Au rez-de-chaussée, le père de Schubert dirigeait s’était procuré ces textes, de sorte que l’on ignore s’il les a modifiés ou non. Il n’est pas étonnant que ce grand par ailleurs une petite école élémentaire de deux classes, qui comptait en 1796 pas moins de 174 élèves. génie de la forme, ait réussi du premier coup ce coup d’éclat qu’est un cycle de lieder parfaitement accompli. Schubert marcha sur les traces de son père, suivit une formation d’enseignant à l’école Sainte-Anne dans Le parallèle entre le premier et le dernier lied, qui d’un point de vue textuel déjà, crée une sorte de grand la Annagasse et seconda son père comme instituteur adjoint de 1814 à 1818. C’est à cette époque que arc embrassant l’ensemble du cycle, et le fait que tout le matériau musical se déploie à partir du premier lied dans l’appartement paternel, il composa l’un des lieder les plus connus : Heidenröslein, la Petite Rose de garantissent l’unité du cycle et confortent l’impression de cohérence qui s’en dégage. En même temps, on la Lande, sur un poème de Goethe – le plus important des quelque 120 poètes qui fournirent à Schubert peut tout à fait prendre au pied de la lettre les propos de la 3e strophe du dernier lied, “sans artifice”, car à des textes pour ses plus de 600 lieder. Le 19 août 1815, Schubert, alors âgé de 18 ans, ne mit pourtant pas aucun moment, Beethoven ne fait étalage de son fantastique talent : ses lieder donnent une impression de seulement ce poème de Goethe en musique, mais également cinq autres, visiblement sans le moindre effort ! simplicité et de naturel, comme autant d’ “épanchements du cœur” spontanés, comme on disait alors.

6 PROMENADE DANS LA VIENNE CLASSIQUE français On compte parmi eux la première version, strophique et d’une grande simplicité, de An den Mond (À la lune), Lorsque Schubert se délia de ses obligations envers l’école de son père et envers l’état, il tenta de vivre de sa qui ne fut publiée qu’en 1850. C’est probablement deux ans plus tard que fut écrite La truite, dont on connaît musique : une vie souvent misérable, dépendant souvent de la bienveillance de ses nombreux et fidèles amis. sept manuscrits autographes et qui fut le troisième lied de Schubert à être imprimé. Ce poème relatant Si on en croit les mémoires d’Anselm Hüttenbrenner, il aurait eu ces propos dont il semblait fermement l’histoire d’un poisson finalement vaincu par la ruse parut d’abord en 1783 dans l’Almanach des muses convaincu : “L’état doit m’entretenir, je ne suis venu au monde que pour composer.” Mais l’état, comme on souabe ; il est l’œuvre de Christian Friedrich Daniel Schubart, qui l’avait écrit au cours des dix années de le sait, avait alors d’autres priorités. Largement ignoré du grand public, malheureux en amour, Schubert ne détention qu’il purgea de 1777 à 1787 dans la forteresse de Hohenasperg où il fut retenu sans condamnation pouvait compter sur l’estime et le soutien que d’une poignée de personnes, et son rayon d’action ne dépassait légale pour des motifs politiques. Il n’est pas illégitime de penser que la morale un peu simpliste de la dernière guère celui de son cercle d’amis. Beaucoup de ses œuvres ont été perdues, beaucoup d’autres ne furent strophe, qui met en garde les jeunes filles face aux dangers des vilains séducteurs et que Schubert ignora éditées que plusieurs dizaines d’années après avoir été écrites – au cours du xixe siècle, Schubert restait d’ailleurs avec raison, n’est qu’une diversion et que le destin de la truite reflète en fait le destin politique de réservé aux initiés et associé au malheur privé et aux idylles biedermeier. Il fallut attendre le xxe siècle pour Schubart lui-même. Schubert appréciait ce lied à l’atmosphère incomparable et à l’accompagnement de piano que l’on reconnaisse sa modernité et que l’on prenne la mesure de ce qu’il représente. reconnaissable entre tous – cela explique les nombreux manuscrits autographes ainsi que la réutilisation du Helga Utz motif dans le quintette du même nom. Traduction : Elisabeth Rothmund

7 PROMENADE DANS LA VIENNE CLASSIQUE français Haydn Vienna – world capital of music Haydn wrote Die Schöpfung (The Creation) in his last home, today no.19 Haydngasse and close to the popular shops of Mariahilferstraße, between October 1796 and April 1798. He had purchased the house from the master weaver Vienna is more closely identified with music than almost any other city in the world. Whether listening to Ignaz Weissgram on 14 August 1793, after his first trip to England, because he liked its ‘calm, quiet situation’, and Mozart’s Magic Flute, Beethoven’s Ninth Symphony or Viennese waltzes, happy are those who forget their lived there until his death. The childless Haydn couple moved there (although, after they quarrelled, he eventually worries and surrender to the lilting rhythm dictated by the lovely landscape and the rippling waves of the sent his wife to board with the schoolteacher Stoll in Baden) along with their niece Ernestine Loder, the cook Anna Danube. Life is so easy! And the Viennese have a heart of gold! Kremnica and the secretary and music copyist Johann Florian Elßler (father of the famous dancer Fanny Elssler). The What remains of these popular images on closer examination? We prefer not to go into the question of the composer also received such prominent visitors as Admiral Lord Nelson, Carl Maria von Weber and Luigi Cherubini. Viennese heart of gold, but one thing can already be stated: the aim of the Enlightenment, to touch all human Haydn died on 31 May 1809, aged seventy-seven, during the French occupation. Napoleon placed a guard of honour beings through art, to find a language that goes straight to the heart of all, was achieved with conspicuous outside the house, and the funeral was attended not only by the whole of Vienna, but also by the French generals. success by the Viennese Classical composers. First came Gluck, who was wholly absorbed by this endeavour, In London, where he had made two very successful and momentous journeys, Haydn had been impressed by the then Haydn, who still remained close to the people even in his learned oratorio The Creation, Mozart, tradition of oratorio performances. It is amazing that the elderly composer was able to adapt an established genre – whose Papageno is loved by everyone, and Beethoven, whose ‘Ode to Joy’, written at no.5 Ungargasse, is the Baroque oratorio in the style of Handel – to the individual musical language of the late Classical period and bring the most famous musical work of all time. Whether this is due to the proximity of alpine folk music, to the it to a new and lasting peak. The Creation and its successor Die Jahreszeiten (The Seasons) are still among his most Enlightenment or to the Viennese musical soul, it is undoubtedly true that music plays a very special and popular music. popular role in Vienna and is understood almost worldwide. Cities gained increasing importance from the fourteenth century onwards. Research has shown that medieval Part Three of Die Schöpfung deals with the ‘crown’ of the work of creation – humanity, in the persons of the first Vienna already enjoyed a rich musical life, which affected large sections of the population, and has established loving couple, Adam and Eve. The view of God’s creation is very positive, a fact due not only to Haydn’s private piety, how music too, like the other crafts, was strictly regulated. In Vienna it was the Brotherhood of St Nicholas, but also to the world-embracing, optimistic vision of the Enlightenment, with its belief in goodness. The libretto, an association of musicians based in the Michaelerkirche (St Michael’s Church), that fixed the rules of the probably originally intended for Handel and brought back from London by Haydn, was translated into German city’s musical life, supervised training and standards, and ensured morality was respected. Foreign musicians by Gottfried van Swieten, the son of Maria Theresa’s Dutch personal physician. The younger Swieten was a high- had to pay it their dues. Students at the University of Vienna, founded in 1365, had the privilege of earning ranking diplomat, himself a poet and (unsuccessful) composer, a fellow-Mason of Mozart and a tireless promoter of some extra income by singing in the streets, but were allowed to perform only hymns. They too were strictly music. He annotated his version of the text with suggestions for the musical setting that Haydn himself declared he controlled, and obscene songs or those critical of authority incurred penalties. had found very helpful. But music was soon at the very centre of imperial prestige: the Habsburgs showed a personal commitment to it Uriel hymns first the morning and then the ‘blissful pair’ walking hand in hand’, a prime example of the metaphor over many generations, which had an impact on the whole court and the city. Lutenists, drummers, trumpeters of light beloved by this ‘enlightened’ period – simultaneously with the dawning day, a new era of happiness and became indispensable and highly paid personnel. They were recruited from every part of Europe, and in the confidence appears. All references to the tragedy of the Fall of Man are removed; this might equally well be ancient reign of Maximilian I the court musical establishment (Hofkapelle) was world-class. Ferdinand I and Ferdinand Arcadia or the natural state of humanity evoked by Rousseau. The text follows Milton’s Morning Hymn of Praise II subsequently raised Vienna to the status of imperial capital city and residence, a development accompanied from Paradise Lost. The duet for Adam and Eve (track 3) is one of the most sublime passages of Die Schöpfung, by a flowering of theatre, concerts and opera. Ferdinand III composed himself, and his successor Leopold I indeed one of the most fervent moments in the entire musical literature. Swieten had noted for Haydn that here had the first opera house built (it was made of wood). Under Joseph I and Charles VI the Hofkapelle reached ‘sweet sound’ and ‘pure harmony’ would be appropriate – and the composer followed his advice. The way in which its peak forces of 300 musicians. the chorus does not interfere with the couple’s moment of intimacy, but rather reinforces it, is one of the composer’s Under the influence of the Enlightenment, music gradually lost its dimension as an instrument of power. To notable psychological achievements, brought about by musical means, which Beethoven subsequently made his own be sure, the whole court continued whistling and singing, but Maria Theresa and her son Joseph II insisted on in Fidelio. The final chorus, grandiose in its effect, begins with the full choral and orchestral forces, and rises to thrift and efficiency. At the same time many extremely rich noble houses in Vienna became committed patrons ever-greater intensity. Even the double fugue is surpassed by the tension between the incredible soaring melismas of music, providing for Gluck, Haydn, Mozart and Beethoven. In this respect, Schubert fell between two stools, of the soloists and the mighty chordal exclamations of the choir, which culminate on the word ‘Ewigkeit’ (eternity). because it was only with industrialisation later in the century that the middle classes gained the resources to The memorable first public performance in the Old Burgtheater (on the Michaelerplatz, demolished in 1888) on 19 take over from the aristocracy. Bourgeois musical culture in nineteenth-century Vienna attained a fabulous March 1799, which had been preceded by several spectacular ‘private’ performances, took place under the auspices new summit: all of Vienna played the pianoforte and waltzed, the Viennese popular song (Wienerlied) emerged of the ‘Gesellschaft der Associierten Cavaliers’, a ‘society of associated gentlemen’ that Swieten had founded with from the taverns, and there was no end to the concerts and balls. The institutions founded at this time, such other Viennese nobles, including the counts or princes Esterházy, Liechtenstein, Lobkowitz, Kinsky, Auersperg, as the Musikverein and Konzerthaus, the New Burgtheater (court theatre) and Hofoper (court opera house), Lichnowsky, Trauttmannsdorff, Sinzendorf and Schwarzenberg. The Associierten bore all costs, including a supported (but also fought with) composers such as Brahms, Wolf, Bruckner and Mahler, and all of those just generous composition fee. Haydn called for immense forces – from the quantity and numbering of the performing mentioned are still active today. The climax of this development was the 1892 Vienna World Exhibition of parts, we can conclude that there were forty wind players, seventy-one strings and a chorus of sixty-four; with the music, which not only documented but already made extensive use of all the clichés that have continued to addition of the three soloists, Salieri at the fortepiano and Haydn as conductor, the total comes to 180 musicians. nourish the musical city of Vienna right down to the present. Old Haydn disappointed no one, including himself: he was praised to the skies, and Enlightenment Vienna basked in self-celebration.

8 A TRIP TO VIENNA english Mozart The Overture to Die Zauberflöte( The Magic Flute): six minutes of sheer happiness for every music lover. Though the libretto of this singspiel may seem relatively silly and even the musical quality may not be consistently at the highest level, and despite its Masonic mumbo-jumbo and folksiness, Die Zauberflöte is a poignant testimony to deep humanity, which cries out for mutual understanding and generosity, perhaps because Mozart spares us neither pain nor despair. We know that the composer sat in on the performances and enjoyed them, even though the singers were not beyond all reproach and the audience at the (now defunct) Freihaustheater came from the suburbs. The Overture, along with the March of the Priests, was the last piece in the opera to be composed; it was completed on 28 September 1791, two days before the premiere. It begins with three chords played by the full orchestra, the first on the tonic, E flat major, but the second on the sixth degree of the scale, C minor, which does not conform to the pattern of a standard triadic fanfare but – in conjunction with the fermatas on each chord – gives the beginning an air of indeterminacy and expectancy. Mozart’s set of Ten Variations for piano solo K455 was written in 1784, and he chose as his theme a melody from Gluck’s opera La Rencontre imprévue ou Les Pèlerins de la Mecque (The unexpected encounter or the pilgrims of Mecca), first performed (in French) at the Burgtheater in 1764. Mozart’s Die Entführung aus dem Serail (The abduction from the seraglio) is in many ways indebted to this work – indeed, the younger composer owed much to Gluck in general, and greatly admired him. The song he selected, ‘Les hommes pieusement pour Catons nous prennent’, is sung by the Calender, who corresponds to the character of Osmin in Die Entführung. The German translation in the extant score by Gluck begins ‘Dumme fromme Leute zwar meinen wohl wir darbten’ (Stupid pious people of course think we are starving), but Mozart obviously used a different translation, so that his work is known as ‘Variations on “Unser dummer Pöbel meint”’ (Our stupid rabble thinks . . .). The premiere probably took place on 23 March 1783, as an encore at the concert Mozart gave in the presence of the Emperor Joseph II, who had paid for his seat by sending 25 ducats in advance. W. A. Mozart, Die Zauberflöte, “Der Vogelfänger bin ich ja…”, Papagneo’s entrance (Act. I, scene 2), Mozart’s autograph score, 1791. Vienna, Austrian National Library, akg-images. This was the first of the six concerts at the Burgtheater that launched the composer’s meteoric ascent as a freelance musician in Vienna. Mozart played solo pieces but also directed the rest of the programme from the keyboard; it included the ‘Haffner’ Symphony (split into two parts, with the first three movements and The ‘Dissonance’ is the last in a series of six quartets that Mozart wrote during a fruitful and happy period the last one respectively opening and closing the concert) and a number of arias with singers he esteemed. for him. The stimulus for them came from Haydn’s Quartets op.33, and it was to this ‘dear friend’ that he The concert was a great artistic and commercial success, and Mozart was able to report to his father: ‘I think gratefully dedicated his ‘children’, as he called them, in the preface to the printed score. He calls them ‘the it is not necessary to tell you much about the success of my academy; maybe you will have heard that already. fruit of a long and weary effort’ (il frutto di una lunga, e laboriosa fattica), which he now sends out into the Enough to say that the theatre could not have been fuller, and all the boxes were occupied. – But what pleased world under the protection of the great Haydn, who had declared himself satisfied with them during his last me most was that His Majesty the Emperor was also present, and how delighted he was, and how loudly he stay in Vienna. This is something of an understatement, for we know that these quartets prompted Haydn to applauded me.’ make his famous compliment to Leopold Mozart: ‘I tell you before God, as an honest man, that your son is the greatest composer I know personally or by name; he has taste, and, what is more, the greatest knowledge of composition.’ The ‘Dissonance’ Quartet The quartet’s first performance, as we have seen, took place on 16 January, in the so-called ‘Figaro House’, Mozart finished the Quartet in C major K465 on 14 January 1785, entered it in his catalogue of works on the very close to St Stephen’s Cathedral. Wolfgang Amadeus Mozart lived here with his family from 1784 to 1787 15th, and introduced it to his friends the next day. It has acquired the nickname ‘Dissonance’ on account of and composed Le nozze di Figaro, among other works. It is the only one of Mozart’s Viennese residences the searing clashes in the opening bars of the Adagio introduction, which were criticised by contemporaries that still survives today, and also the smartest and most expensive place he ever lived in. The building, which and regarded as a mistake, or at least as very unusual. In keeping with tradition, Mozart liked to use this key dates back to the seventeenth century, has now been lavishly restored and can be visited as a museum. The without sharps or flats for festive works, but also when he wished to produce special chiaroscuro effects. The apartment, consisting of four large and two small rooms and a kitchen, gives a vivid impression of the everyday unexpected alternations between major and minor bring out the gloomy, overcast atmosphere in particularly life and activities of the Mozart family. In particular, the large room overlooking the street prompts the visitor impressive fashion. Similarly, the false relations in the introduction throw into relief the enchantingly beautiful to imagine Haydn and other friends excitedly following the first performance of these wonderfully melodious melody and clarity of the ensuing Allegro. and consummately skilful quartets.

9 A TRIP TO VIENNA english We may well surmise that Beethoven’s song cycle had something to do with his personal life. His ‘Letter to Beethoven the Immortal Beloved’ is famous and has given rise to much speculation; however that may be, at any rate it From January 1803 to May 1804, Ludwig van Beethoven lived in an official apartment at the Theater an der clearly establishes that Beethoven was torn between renunciation and possessiveness, between yearning, pain Wien, because he was to write an opera for the theatre – but, as is well known, it took a while longer before and hope. In a letter to Ferdinand Ries of May 1816, he wrote: ‘My best greetings to your wife – unfortunately the premiere of Fidelio, his only and unique opera, finally occurred there. In the meantime, the theatre was I have no wife; I have only found one, whom no doubt I shall never possess.’ Yet the warmth and intimacy that made available to him on 5 April 1803 to organise an academy (public concert) for his own benefit, at which Beethoven gives these melancholic songs are a manifestation of the certainty that love overcomes ‘all space his Piano Concerto no.3 op.37 received its premiere. This is Beethoven’s only piano concerto in a minor key, and time’ (jeden Raum und jede Zeit); they are in no sense a renunciation, but a genuine plea for trust and and with it Beethoven finally ushered the genre out of the salon and into the concert hall. There is no longer love. any question here of brilliant or amiable interludes for the soloist; instead, piano and orchestra engage in a highly charged dialogue between equals, characterised first by earnest rivalry, then by intimate communion, Schubert and finally by sparkling wit. Die Geselligkeit (Companionship, 1818) and Der Tanz (The dance – written in 1828, the year of his death) The process of composition had dragged on for several years, and Beethoven had postponed the premiere are the kind of convivial pieces that were expected of Schubert and are typical of him, although nowadays several times. On this occasion, too, he was unable devote much time to getting the work down on paper, we value his profundity and his dark side more highly. The ‘Schubertiad’ – a term used by Schubert himself because the first performance of his oratorio Christus am Ölberge (Christ on the Mount of Olives) was to – became the epitome of private events where art and personal involvement were often elements of equal take place in the same concert. Beethoven sat at the piano and played virtually by heart, while his friend and importance. In the Biedermeier era of Austria, which had become a surveillance state under Metternich, fellow composer Ignaz Ritter von Seyfried turned the pages for him – Beethoven probably also directed the friendship and the exchanges facilitated by such social gatherings were inexpensive pleasures; at the same performance. Seyfried recalled in 1833: time, the bourgeoisie was gradually taking over from the nobility the leading role in the fostering of culture, though of course at a far less prestigious level – one could even organise artistic events alone: ‘I sometimes ‘He invited me to turn for him as he played the movements of his concerto; but Heaven help me, that was easier hold Schubertiads by myself’, Kuppelwieser wrote to Schober on 8 March 1824. said than done! I saw virtually nothing but blank pages; at the most there were a few Egyptian hieroglyphs, These two vocal quartets span almost the entire creative life of perhaps the most beloved of all Viennese wholly incomprehensible to me, scribbled here and there to serve as aids to his memory; for he was playing composers. The name of Franz Schubert opens the innermost chambers in the hearts of all music lovers, nearly the entire solo part by heart, since, as was almost the case with him, he had not had enough time to put for his melodies are among the treasures in almost everyone’s musical memories. But the respect Schubert it down fully in writing. So he merely gave me a surreptitious nod every time he had come to the end of receives today is in stark contrast to his poor, miserable and all too brief life. He was born on 31 January one of those invisible passages, and my anxiety, which I was scarcely able to conceal, greatly 1797, the twelfth of fourteen children (his mother Elisabeth died when he was still a teenager) in amused him; he would often burst out laughing at it during the jovial dinners we shared the smokehouse-kitchen of the house known as Zum roten Krebs (The Red Crayfish) at no.54 afterwards.’ Nussdorferstraße, then in the suburb of Himmelpfortgrund, where he spent what was An die ferne Geliebte (To the distant beloved) is regarded as the first artistically certainly a turbulent early childhood. Although the house radiates nostalgic tranquillity successful song cycle – the autograph bears the date ‘1816, in the month today (it is has survived intact and has been converted into a most interesting museum), of April’. The text is by the eminent physician and writer from Alois it was then certainly full of noisy life: seventy people lived in the sixteen apartments Jeitteles, who gained his doctorate in Vienna in 1819. We have no idea how of the small one-storey house, each of which consisted of two rooms. In addition, Beethoven came across the poems, and so we do not know whether he made Schubert’s father ran a two-class primary school downstairs, which had a total of any changes to the text. It is not surprising that the composer, with his 174 pupils in 1796. genius for formal structures, hit the bull’s-eye with his first attempt at a Schubert followed in his father’s footsteps, graduated from the teacher training song cycle. The parallel in the first and last poems, which already builds an college of St Anna in the Annagasse and worked with his father as an assistant arch in textual terms, and the fact that the entire musical material grows teacher from 1814 to 1818. During this time, while living in the paternal out of the first song, confer unity and an overall impression of cohesion home, he wrote one of the most famous songs of all time: Heidenröslein (The on the work. At the same time, we must take the words in the third verse little wild rose) on a poem by Goethe, the most important of the 120 or so poets of the last song, ‘ohne Kunstgepräng’ (without artful ostentation), quite who supplied Schubert with texts for his more than 600 lieder. On 19 August literally, because Beethoven never shows off his fantastic artistry: the 1815, the eighteen-year-old composer set to music not only this Goethe poem songs sound simple and natural, like spontaneous ‘Herzensergießungen’ but, seemingly without effort, a total of six of them! Among the others is the first (emotional outpourings), to use a favourite term of the period. simple, strophic version of An den Mond (To the moon), which was published only in 1850.

Willibrord Joseph Mähler, Ludwig van Beethoven, 1804, oil on canvas, The History of Vienna Museum, akg-images.

10 A TRIP TO VIENNA english Julius Schmid, A Schubert evening in a Vienna town house, 1897, oil on canvas, Vienna, Gesellschaft der Musikfreunde akg-images / Erich Lessing

11 A TRIP TO VIENNA english It was probably two years later that he composed the famous lied Die Forelle (The trout), of which seven autograph When Schubert broke his bonds of service with his father’s school and the state, he became a freelance composer, versions are known and which was his third song to be printed. The poem about the fish caught by treachery first often living in wretched circumstances and depending on the kindness of his numerous and faithful friends. appeared in 1783 in the Schwäbischer Musenalmanach (Swabian Muses’ Almanac) and is by Christian Friedrich According to the memoirs of Anselm Hüttenbrenner he is supposed to have declared confidently: ‘The state Daniel Schubart, who wrote it during his ten years of imprisonment in the fortress of Hohenasperg, where he was held must support me, I have come into the world to do nothing except compose.’ But, as we know, the state had other from 1777 to 1787 for political reasons and without a lawful conviction. One may suspect that the somewhat inane priorities. Largely ignored by the public, unlucky in love, esteemed and supported by only a few people, Schubert had moral of the final stanza, which warns girls against evil seducers and which Schubert logically ignored, is no more than a a sphere of influence essentially restricted to his circle of friends. Much of his music went astray, much was published diversionary tactic and that the fable of the trout reflects Schubart’s own political destiny. Schubert clearly appreciated only decades after it was written – during the nineteenth century Schubert remained a secret for initiates only, one this song with its distinctive atmosphere and its immediately recognisable piano accompaniment, which explains the associated with private misfortunes and Biedermeier idylls. Not until the twentieth century were his modernity and many autograph manuscripts and his later reuse of it in the ‘Trout’ Quintet. his monumental significance acknowledged. Helga Utz Translation: Charles Johnston

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