Centenaire Du Grand Prix Du Roman De L’Académie Française
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EXPOSITION CENTENAIRE DU GRAND PRIX DU ROMAN DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE Bibliothèque de l’Institut de France 15 octobre – 31 décembre 2015 1. LE ROMAN : UN GENRE ACADÉMIQUE ? Tandis qu’à la faveur d’un lectorat croissant, du rôle moteur de la presse et de la modernisation du monde de l’édition le roman prend une place considérable dans la littérature dès le milieu du XIXe siècle, la reconnaissance de ce genre par l’Académie française intervient tardivement. L’élection en 1862 du romancier Octave Feuillet constitue le premier jalon de ce long processus, et bien que son discours de réception constitue une tentative hardie de légitimation académique du roman, Ludovic Vitet, qui le reçoit, lui oppose une nette mise à distance. Bien qu’elle se montre encore peu encline à Georges Halbout du Tanney, Henri de la promotion du roman, l’Académie accueille en Régnier de l’Académie française, médaille son sein, avant la Première Guerre mondiale, un en bronze, s.d. certain nombre de romanciers : Paul Bourget (1864), Victor Cherbuliez (1881), Jules Claretie (1888), Pierre Loti (1891), Anatole France (1896), Paul Hervieu (1900), René Bazin (1903), Maurice Barrès (1906), Marcel Prévost (1909) et Henri de Régnier (1911). Mais aucun des récipiendaires n’entreprend de faire, dans son discours de réception, l’éloge du roman en tant que genre académique. Le poids de ces romanciers au sein de la Compagnie et la création du prix Goncourt (1903) et du prix Femina (1905) l’ont sans nul doute décidée à couronner, elle aussi, le roman, dont la reconnaissance académique, au début du XXe siècle, était attendue. 2 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française Liste des documents exposés Octave Feuillet, Discours de Maurice Delannoy, Maurice Barrès, réception à l’Académie française, 26 médaille en bronze, s.d. mars 1863, Paris, Institut de France, Objet 296 1863. 4°AA 24 B* n°4 p.85 Georges Halbout du Tanney, Henri de Régnier de l’Académie M. Desboutins, portrait d’Octave française, médaille en bronze, s.d. Feuillet, Portraits romantiques, Objet 1187 s.l.n.d. [1881] Objet Lovenjoul 155/3 Portraits de Jules Claretie, Pierre Loti, Paul Bourget, Anatole France, Paul Hervieu, René Bazin, Marcel Prévost, Les Collaborateurs des Annales politiques et littéraires, s.l.n.d. [19..] Objet Lovenjoul 155/1 3 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française 2. VERS LA CRÉATION DU GRAND PRIX DU ROMAN Autour de 1910, et bien que la tradition des prix littéraires décernés par la Compagnie remonte au milieu du XVIIe siècle, nul n’a encore fondé à l’Académie un prix dédié au roman. Le principe admis, quatre années sont encore nécessaires à son aboutissement. En 1909, Paul Thureau-Dangin, Secrétaire perpétuel, déplore publiquement : « L’Académie, qui prise à sa valeur ce genre littéraire [le roman] […], regrette de n’avoir pas de prix spécial qui lui soit destiné. » Aussi la Compagnie ratifie-t-elle sa proposition de consacrer le produit d’un legs qu’elle venait de recevoir à la création de ce prix : c’est l’origine, en 1911, du Grand Prix de littérature, « destiné à récompenser un roman ou toute œuvre d’imagination en prose, d’une inspiration élevée ». Si le Grand Prix de littérature n’est pas décerné en 1911, le vote n’ayant pas permis de départager les concurrents, il revient les deux années suivantes à un jeune romancier, André Lafon (1912), puis à un auteur établi, Romain Rolland (1913). Car l’Académie hésite encore sur la manière d’attribuer ce prix : encourager Robert Kastor, portrait de Paul Thureau- Dangin, L’Académie française, Paris, un jeune auteur ou consacrer la maturité. En outre, des Librairies-imprimeries réunies, s.d. tensions se font jour au sein de la Compagnie lorsqu’en [1893-1897] 1913-1914 certains de ses membres souhaitent élargir le Grand Prix de littérature à d’autres productions littéraires que le roman, au premier rang desquels la poésie, qui occupe encore la première place dans la hiérarchie des genres. L’Académie parvient à un consensus le 19 mars 1914 : le Grand Prix de littérature, maintenu, ira à une œuvre littéraire en prose ou en vers ; le Grand Prix du roman – créé à cette occasion – sera « destiné à récompenser un jeune prosateur pour une œuvre d’imagination, d’une inspiration élevée ». 4 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française Liste des documents exposés Robert Kastor, portrait de Paul charité de Jeanne d’Arc de Charles Thureau-Dangin, L’Académie française, Péguy et Le Roman du malade de Louis Paris, Librairies-imprimeries réunies, s.d. de Robert. Le vote n’ayant pas permis [1893-1897] de départager les concurrents, le Prix n’est pas décerné mais le livre de Fol. Schlumberger 74 Péguy obtient par report une autre récompense : le Secrétaire perpétuel, dans son discours d’éloge, présente ce Minute du procès-verbal de roman exactement comme le récit séance de l’Académie française, 19 d’imagination « d’inspiration élevée » mars 1914. voulu par le Grand Prix de littérature. Archives de l’Académie française, 5 B 34 André Lafon, L’Élève Gilles, Charles Péguy, Le Mystère de la Paris, Perrin, 1918. charité de Jeanne d’Arc, Paris, 8°Pierre 3257 Cahiers de la Quinzaine, 1910. Md 775 (XI, 6) Pour la première attribution du Grand Romain Rolland, Jean-Christophe, Prix de littérature, la commission Paris, Cahiers de la Quinzaine, 1904, t. I. préparatoire propose Le Mystère de la NSd 4565 5 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française 3. LE GRAND PRIX EN GUERRE Tout juste institué, le Grand Prix du roman doit satisfaire à un principe de crise : peu après la déclaration de la Première Guerre mondiale, l’Académie entreprend de l’attribuer à un écrivain tombé pour la France. En mars 1915, l’Académie résout de consacrer son palmarès entier « à la mémoire des hommes de lettres, historiens, poètes, auteurs dramatiques, morts pour la patrie » et décide en avril « de nommer une commission chargée de préparer une liste d’écrivains tués à l’ennemi pour faciliter l’attribution des prix ». Bien que l’on ait pensé, dans un premier temps, couronner Le Grand Meaulnes (Alain-Fournier reçoit finalement le prix Davaine), la Compagnie décide de récompenser Paul Acker, mort en service commandé en juin 1915 ; ce choix va à l’encontre de ce qui a été prévu l’année précédente : non seulement le Grand Prix du roman est décerné à un auteur accompli et non pas à un jeune auteur, mais encore il couronne l’œuvre en son entier. En 1916, l’Académie rend de nouveau hommage au sacrifice patriotique de l’écrivain en attribuant le Grand Prix du roman au comte Louis de Blois, blessé au combat, pour La Vocation qui présente, sous une forme romancée, une réflexion sur la formation militaire. La politique de la Compagnie s’infléchit en 1917 puisqu’elle ne réserve plus ses distinctions aux seuls auteurs combattant sous les drapeaux, au principe que, selon Étienne Lamy, Secrétaire perpétuel : « Nos soldats ne sont pas toute la France. D’autres, sans armes, la défendent aussi et, par l’intelligence, la renouvellent. » Le Grand Prix va Avesnes (pseud. de Louis de Blois), La Vocation, Paris, ainsi à Charles Géniaux, sans que l’on Plon, 1916. sache si l’Académie veut couronner Avec un envoi autographe de l’auteur au capitaine seulement son roman La Passion Maurice Bourdel. d’Armelle Louanais, ou saluer à travers celui-ci l’œuvre d’un auteur prolifique. 6 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française Liste des documents exposés Procès-verbal de séance de Paul Acker, Les Contemporains l’Académie française, 29 avril 1915. célèbres, Paris, O. Beauchamp, 1904. Archives de l’Académie française, 2 B Plats en bois gravé avec, au plat 18, fol. 41 supérieur, un médaillon incrusté représentant Sarah Bernhardt dans La Princesse lointaine d’E. Rostand d’après Paul Acker, Le Beau jardin, Paris, Mucha. Plon, 1912. 4° N.S. 7411 Avec un envoi autographe de l’auteur à Jules Claretie. Bibl. Thiers, TCL 2018 Paul Acker, Les Demoiselles Bertram, Paris, Plon, 1914. NSd 25849 Liste de commission comprenant la liste des romans concourant pour le Prix Montyon, 1916. Archives de l’Académie française, 2 D 115 Avesnes (pseud. de Louis de Blois), La Vocation, Paris, Plon, 1916. Avec un envoi autographe de l’auteur au capitaine Maurice Bourdel. 8°N.S. 54057 7 Centenaire du Grand Prix du roman de l’Académie française 4. UN PRIX D’ENCOURAGEMENT OU DE CONSÉCRATION ? Les hésitations des premières années du Grand Prix, liées a priori à des circonstances exceptionnelles, persistent au-delà de la guerre. Ainsi, jusque dans les années 1920, l’Académie module ses intentions et ajuste, en conséquence, la nature du prix entre soutien à un jeune auteur et couronnement d’une œuvre. L'immédiat après-guerre marque un retour aux principes fondateurs du Grand Prix : celui-ci va, en 1918, à un jeune auteur de 29 ans, Marianne Saint- René Taillandier, dont il distingue le premier roman. De même, en 1919 et 1920, Pierre Benoit (33 ans) pour son second roman puis Andrée Husson (38 ans) pour son cinquième roman remportent les scrutins. En revanche, à partir de 1921, l’Académie s’affranchit des critères Camille Mayran (pseud. de Marianne Saint-René initiaux d’attribution du Grand Prix en Taillandier), Histoire de Gotton Connixloo suivie de L’oubliée, Paris, Plon, 1918. distinguant Pierre Villetard, alors âgé Avec un envoi autographe de l’auteur à Gustave de 47 ans, pour son neuvième roman. Schlumberger. En règle générale, la Compagnie choisira désormais des auteurs confirmés, conférant au Grand Prix du roman valeur de couronnement.