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Les Cahiers - printemps 2016 n°12 du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN

été 2016 13Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN www.anaj-ihedn.org

N°13 - été 2016 n°ISSN : 2274-4460 avec un Dossier spécial Corée À propos de l’ANAJ-IHEDN

Parce que la Défense ne doit pas être la préoccupation des seules Armées, le Premier ministre a confé à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN) la mission de sensibiliser tous les citoyens, « afn de leur donner une information appro- fondie sur la défense nationale comprise au sens le plus large ». À l’issue de ces séminaires, les nouveaux auditeurs jeunes de l’IHEDN sont accueillis au sein de l’Association Nationale des Auditeurs Jeunes de l’IHEDN : l’ANAJ-IHEDN.

L’ANAJ-IHEDN, c’est aujourd’hui un réseau dédié à la défense et à la sécurité de plus de 1 800 étudiants, jeunes professionnels, élus et responsables d’associations.

Reconnue « Partenaire de la réserve citoyenne » par le ministère de la Défense, l’ANAJ- IHEDN est là pour dynamiser et synthétiser une réfexion jeune, imaginative et imperti- nente, autour des problématiques de défense, regroupant les sphères économiques, civiles et militaires, et de relations internationales.

Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN

Force est de constater que l’Asie a pris, notamment depuis la fn des années 1990, une part croissante dans l’économie et la politique internationale. Sur les questions des fux fnan- ciers internationaux, des ressources énergétiques, comme sur celles des revendications maritimes ou territoriales, des points chauds militaires et des grands marchés émergents, nos regards ne peuvent ignorer l’Asie.

L’ANAJ-IHEDN compte parmi ses membres des personnes qui se sont plus particulière- ment attachées à comprendre certains pays de ce vaste ensemble géographique. Nous avons donc voulu créer un groupe d’étude et de réfexion afn de partager, approfondir et diffuser les connaissances sur l’Asie. Le Comité Asie est ainsi né à l’hiver 2011.

Cette revue est le résultat des recherches, des réfexions et du dynamisme des membres du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN ainsi que de nos partenaires. Je tiens à exprimer ma gratitude à chacun des membres pour leur implication et aux experts qui ont contribué à ce numéro pour leur soutien, leurs conseils avisés et leurs précieuses relectures.

Igor Yakoubovitch | Auditeur-jeune de la 69ème session IHEDN, 2011 | Responsable du Comité Asie, co-rédacteur en chef des Cahiers du Comité Asie.

Retrouvez toute l’actualité de l’ANAJ-IHEDN sur son site Internet : www.anaj-ihedn.org

Pour toute question sur les Cahiers du Comité Asie : [email protected]

ANAJ-IHEDN - 10, place Jofre - 75007 Paris - France - n°ISSN : 2274-4460 SOMMAIRE Les Cahiers du Comité Asie été 2016 | numéro 13

ÉDITORIAL 5 L'opportunité du développement Par Dr Coline Ferro

ENTRETIEN­ 7 ’s vision as a Sharing City Avec Won-soon Park, maire de Séoul Réalisé par Erwan Berger et Rakyung Park

ANALYSE­ 12 L’industrie de défense sud-coréenne : quand le « royaume ermite » est devenu « l’étoile montante » Par Valentin Maricourt coordonné par Erwan Berger Erwan par coordonné

ANALYSE­ 19 L’Hallyu, les enjeux économiques du soft power sud- coréen Par Victoria Luc

ANALYSE­ 26 L’essor des cosmétiques coréens : vers un rééqui- librage de la beauté mondiale Par Victor Rouault

ANALYSE­ 31 Korean Contemporary Art Par Erwan Berger Dossier spécial Corée spécial Dossier

ENTRETIEN­ 42 , its roots, its present, its future, its challenges and its plan to achieve its objectives Avec H.E. Mr Dato’ Ibrahim Abdullah, Ambassadeur de Malaisie en France Réalisé par Erwan Berger et Romain Bartolo Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

ANALYSE­ 13 58 L’Asie et les objectifs de développement durable 2015-2030 Par Florence Geoffroy

ANALYSE­ 62 Le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) : objectifs, enjeux et faisabilité Par Mathilde Roustan

ANALYSE­ 67 Homeland, saison 4 : de la série TV à la géopolitique du Pakistan (2e partie) Par Pauline Lovera

ANALYSE­ 75 The next big thing: Indo-US ties equal to an alliance Par Brij Khindaria

PUBLICATIONS 85 Revues, essais et trauvaux de recherche Sélectionnés par le Comité Asie

RÉSUMÉS / ABSTRACTS 94 Résumés des articles

CONTRIBUTEURS 98 Les contributeurs du n°13

PUBLICATIONS 101 Les publications des Comités de l'ANAJ-IHEDN

Les opinions exprimées dans les différents articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. ÉDITORIAL L'opportunité du développement

L’AUTEUR ANAJ-IHEDN célèbre cette année son 20ème anniversaire. Deux décennies de réfexion sur les enjeux de la Défense, et plus lar- Dr Coline Ferro L'gement sur la géopolitique, la diplomatie et la marche du monde. Auditeur-jeune de Les Cahiers du Comité Asie sont l’un des fruits de cette dynamique que les l’IHEDN membres bénévoles du Comité Asie, étudiants ou professionnels, ont su (69e session, Paris, 2011) insufer à l’ANAJ-IHEDN. Ce 13ème opus ne dérogera pas à la qualité des Membre du Comité Asie productions à laquelle nous espérons vous avoir habitués. Dans ce numéro, nous consacrons un dossier spécial à la République de Corée, coordonné par Erwan Berger. Petit état en superfcie (99.618 km²) certes, mais déjà beaucoup moins si l’on considère sa population (51,4 millions d’habitants), et encore moins petit lorsqu’il s’agit d’économie. Car la Corée s’est révélé être un dragon asiatique. Elle a su se hisser au 13ème rang parmi les puissances économiques mondiales avec un PIB de 1 411 milliards de dollars en 2014.

Séoul, la capitale, est à l’image de ce dynamisme économique mais aussi L’opportunité de l’essor du développement durable dans les sociétés modernes. Dans du dévelop- une interview menée par Erwan Berger et Rakyung Park, le maire de Séoul pement Park Won-soon présente son plan de développement urbain avec l’ambi- tion d’en faire une « sharing city ». Il en dresse un premier bilan, quatre 5 années après son lancement. Valentin Maricourt s’intéresse à l’évolution spectaculaire de l’industrie de défense sud-coréenne, faisant de la Corée un acteur clé du marché mondial de l’armement.

La Corée, c’est aussi un soft power qui prend une importance considé- rable, notamment en Occident. Cette « vague » baptisée Hallyu touche le cinéma, la musique, la gastronomique… Victoria Luc étudie l’engouement pour la culture coréenne mais aussi ses retombées économiques. Victor Rouault s’intéresse plus particulièrement au secteur des cosmétiques et Erwan Berger à celui de l’art contemporain alors que se déroule les Années croisées France-Corée.

Autre pôle économique de la région, la Malaisie qui afche 4,7% de crois- sance en 2015. L’Ambassadeur de Malaisie à Paris Dato’ Ibrahim Abdullah, interviewé par Romain Bartolo et Erwan Berger, détaille l’évolution écono- mique de son pays et ses objectifs de développement. Il évoque aussi la place de la Malaisie au sein de l’ASEAN et la collaboration entre les Etats- membres, la géopolitique en Mer de Chine du Sud, les relations franco-ma- laisiennes ou encore la problématique de l’environnement quelques mois après la COP 21.

L’Asie du Sud sera ensuite notre point focal. A cet égard, Florence Geof- froy analyse les enjeux de l’Agenda 2015-2030 dans cette vaste région, au regard des défs de la pauvreté, la pollution et les inégalités qui cristallisent Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

les tensions. Mathilde Roustan, quant à elle, s’intéresse au Corridor économique Chine-Pakistan 13 (CPEC) et son intégration dans la stratégie économique de la « nouvelle route de la soie » mise en place par le gouvernement chinois. Reliant la ville de Kashgar dans la province chinoise du Xinjiang au port pakistanais de Gwadar aux abords du golfe Persique, ce corridor pourrait changer la conf- guration géostratégique de la région.

Pauline Lovera poursuit son étude de la série étasunienne Homeland dont la saison 4 se déroule au Pakistan. Soulignant les expressions des préoccupations sécuritaires américaines post-11 sep- tembre 2001 dans les diférents épisodes de la saison, elle met en exergue la manière dont le Pakis- tan est devenu un sanctuaire de violence, d’islamisme radical et de terrorisme.

Enfn, Brij Khindaria montre à quel point le pays de Narendra Modi s’est engagé dans un tournant politique, économique et diplomatique. Il se traduit notamment par le rapprochement de l’Inde avec les Etats-Unis et ses principaux alliés. Il se réalise aussi dans la volonté indienne de s’afrmer face la Chine, tant sur le plan diplomatique qu’économique. Les défs sont de taille pour les deux prochaines années. Il s’agit pour le Premier Ministre Narendra Modi, qui reste populaire au terme de deux ans de pouvoir, de poursuivre les réformes socio-économiques au sein de son pays et de répondre aux attentes des jeunes et des entrepreneurs qui aspirent à voir des changements plus rapides.

En vous souhaitant une bonne lecture !

L’opportunité du dévelop- pement

6 ENTRETIEN Seoul’s vision as a Sharing City

INTERVIEW oth concerned by sustai- There is no other city like Seoul that WITH nable development, energy has achieved an economic growth in Btransition, circular econo- such a short period of time that we Won-soon Park my, etc, we had the idea to inter- all know as the “Miracle of Hangang Elected as Seoul’s 35th view Mayor Park about the project River” following that trail of miracle; Mayor, in 2011 and re- of Sharing City that he launched today it has taken the world focus elected in 2014 as Seoul’s in 2012. Thus, we are really grate- with its leading innovation as a “Sha- 36th mayor. ful and honored that he accepted ring City.” In 2012, he launched the our interview request and thus, Common sense, principles, reason “Sharing City are pleased to share with you this and balance as its foundation, col- Seoul Project”. interview, expecting that, like us, you are going to fnd this initiative laborative governance and innova- modern and innovative. tion as its stepping stone, Seoul’s core spirit lies upon the security AUTORS Rakyung Park and Erwan Ber- and welfare for citizens. With these principles in mind, we make eforts ger : May we ask you to provide Seoul’s vision to put the future provisions forward Erwan Berger us with an overview of Seoul City as a Sharing Member of Committee and to create jobs. (history, economic fgures, its City Asia of ANAJ-IHEDN status, …)? How would you des- cribe Seoul, its citizens, its envi- RP&EB : You have launched the “Seoul, a Blooming Flower” 7 Rakyung Park ronment and its quality of life1? Campaign. Can you, please, Member of Committee tell us more about this cam- Asia of ANAJ-IHEDN Park Won-soon : Seoul has three valuable treasures - history, nature paign (Purpose, Expected out- and people. come, Progress and etc.)? We also noticed that Yongsan-gu The history of Seoul as a capital is was awarded as the best dis- 2 000 years old, ‘Joseon Dynasty’s trict for the 2015 “Seoul, a Bloo- 600 years’ and ‘Baekje Dynasty’s ming Flower” Project Evalua- 500 years’, hence the city is a his- tion. Would it be any chance that toric city. Also rarely in other mega Yongsan-gu, a district where a cities, you will fnd mountains in the large-scale US Military Base is city as in Seoul, not to mention the located in, soon see a major and river, Hangang which fows through beautiful park? Seoul, forming a natural ecosystem. PWS : This project, deployed in Seoul is “People’s Capital city” with 10 2013, enables the people to create million people, a testbed for the recent a green space in their own neighbo- Go match with AlphaGo, the city is rhoods which also enables people dynamic and creative. Seoul also has to have a space that they can share an administration that is owned and and converse with neighbors as a centered by the people living in it. citizen-led green campaign.

1. Seoul ranks 72th on the 2015 Quality of With citizen participation, we are Living rankings from Mercer. planting fowers and trees around Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 © DR parks, alleys, apartments and schools for the 13 greener district.

RP&EB : On September 20th, 2012, you pro- claimed the “Sharing City Seoul Project.” Can you, please, tell us more about this project? May you share some results and examples of this project? What are the next steps of this project? How has this project changed the life of the Seoul’s citizens?

PWS : ‘Sharing city, Seoul’ project not only conveys the purpose of sharing space, resources and talent, but it also aims to convert the pa- radigm of ‘consumption’ to ‘sharing’ to help people’s lives realistically and to address urban problems and solutions.

For instance, the solution to the lack of lodging Night view of Seoul city from Bukaksan mountain, which is for tourist is not to build more hotels but to utilize one of the major peaks surrounding Seoul. already vacant rooms in the city through sharing.

After the declaration of the vision of ‘Sharing city, the districts, alleys, apartments and schools to Seoul’ on Sept. 20th 2012, we are now 4 years frst enhance the community environment, se- into the project, and sharing culture is taking pre- cond to encourage the communication between sence in people’s lives in the city. the citizens in order to enhance the community spirit, and third to steer the way for emotional sta- In the past 3 years, Seoul Metropolitan Govern- bility and social healing. We launched “Seoul, a ment has selected 64 sharing enterprises and or- Blooming Flower” Campaign with three expected ganizations, and funded 730 million won (KRW). benefts, which not only has a concept of Green As a result, these enterprises and organizations Seoul’s vision welfare for people at its basis, but also inculcates had a growth rate up to ten folds. SOCAR, a car as a Sharing citizen participation in the green campaign. sharing frm has secured investments of tens of City billions won (KRW). For the past 3 years, 920 thousand people have participated in planting 1 088 trees in Seoul. At 8 25 Gu ofces (district administrative ofces), this very moment, 500 communities are partici- Ofce of Education and schools have worked pating and committed to this campaign. We also together to share 3000 parking lots and to run an education program growing 1387 of land- solve the deep rooted problem of lack of parking scaping leaders from 120 over educational pro- spaces in the city. 1145 spaces in 2 years were grams and attracted private investments from 79 opened up to citizens in need, resulting in 230 companies amounting to 8.9 billion won (KRW). thousand usages. ‘Room sharing between ge- nerations’ which is a program connecting youth The campaign fundamentally needs the citizen par- to share housing with elderly has been identi- ticipation as its core value, as well as the support fed as a good example of sharing since it does and participation of autonomous districts, which are not only provide a solution for boarding for the crucial factors for the campaign’s success. younger generation but also a way for them to In the case of Yongsan-gu, it was not only cho- be connected with the elderly.Sharing parking sen as the best green district last year, but also spaces (1260 spaces), baby clothes sharing received credits for its participation in the city’s (290 thousand usages), tool library (118 loca- “Green Campaign.” The district runs its own pro- tions), room sharing between the generations grams independently, such as cultivating “dis- (185 people). trict gardeners” done by private and civil groups, The task in future would be to fnd a coexistence creating greener alleys through the project like with the today’s more established economic sys- “Huam-dong forest pathways,” which visualizes tem. And as such, the city is activating ‘Seoul Sha- its “green eforts” as a real scenery and brings ring Economy advisory board’ not only to fnd solu- them closely to the neighborhoods. tions to this problem but also to enhance policies Yongsan-gu will continue its eforts in the future towards sharing economy of the 7 areas including to expand this green campaign to roadsides, transportation, lodging, parking spaces etc. ENTRETIEN

Also through the formation of Sharing city PWS : Seoul Upcycle Plaza is to promote the consultative council locally and operation of upcycling industry, spreading the culture of re- Seoul Sharing Economy advisory board inter- using and recycling to people, a Seoul version of nationally, Seoul Metropolitan Government will upcycling hub. cooperate with other sharing cities in sharing ideas. It is designed as a one stop center to compile, distribute and resell, addressing the issue where RP&EB : In your opinion what are the interests the upcycle businesses have limited work spaces. or motivations of the Seoul citizens We expect it to be a to support the story telling tool with Sharing City Seoul its existence alone Project? as we plan to use recycled and reused PWS : I think the materials for the buil- citizens are res- ding itself including ponding to ‘Sharing the exterior with fu- City, Seoul’ be- ture energy sources cause it 1) is conve- such as solar, geo- nient 2) is cheap 3) thermal and energy gives a satisfaction savings through the that they are making installed LED lights. social and environ- mental contribution. The plaza is expected to provide opportuni- If we take the car ties to students and sharing service as an citizens immersing example, it’s sharing themselves in the full cars in the neighbo- process of upcycling, rhoods so it’s more and gaining a larger convenient, not to perspective on the Seoul’s vision mention 1.9 million potential value of re- as a Sharing won (KRW) cheaper cycling as it is crucial City yearly for owning that the people of the city understand the and maintaining a 9 vehicle. The reduc- value of recycling so tion of consump- the culture gets em- tion of energy and bedded into daily life. resources is to the Infographic overview on “Sharing City, Seoul” project (June 2015). beneft of the envi- RP&EB : In 2012, ronment. 76,5% of the Ko- rean GDP was made by 10 large companies or In the example of baby clothing sharing sites, “Chaebols”. How do these Chaebols support it’s 70% cheaper than the purchase price which the Sharing City Project or the idea of Circular saves money for households and reduces green- Economy? How do Chaebols infuence the life house gases. Studies show that if we share 500 of Seoul citizens through Circular Economy? thousand baby clothes, then we can reduce 1 000 tons of CO gas released. PWS : It is true that sharing economy or circular 2 economy was thought to be an exclusive area of So the point is that sharing economy has a direct start-ups and smaller to mid-size businesses. impact on peoples’ lives and is no longer just the banter of politicians. Hence people of Seoul are But recently even large companies have adopted attracted to it. the model of sharing economy through afliations which as a result, improves their proft level and RP&EB : What is the Seoul Recycle Plaza2? also gives a reason for the larger companies to Is there any institution or policy to promote cooperate and to coexist with start-ups and small the Circular Economy to the public? businesses. Last year, there was a case whereby a car sha- 2. Picture scan be seen on following website : http://www.e- architect.co.uk/korea/seoul-recycle-plaza ring frm, SOCAR had a business agreement Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 © DR

On top, Solar panels installed at a Seoul citizen’s home balcony. On left, Mobile solar panel trucks can travel around the city and promote citizens’ recognition toward renewable energies, and on right, Street lights in Seoul’s yangjaecheon Stream park can also function as solar panels. Seoul’s vision as a Sharing with SK networks. Since SK networks provides produce energy” with citizen participation, lea- City simple car maintenance services, when there is a ding to “One Less Nuclear Power Plant.” simple maintenance issue with a vehicle working 10 for SOCAR, a conveniently located SK networks It should be noted that this practice was led by provider will perform the maintenance. Eventually the citizens. 9.7 million light bulbs throughout the it is more convenient for the consumers using city were changed to LED lights. We have also SOCAR services. This would be a good example created self-sustaining energy districts to save the of that cooperation between people, start-ups energy. One sixth of the city’s population, 1.7 mil- and larger companies. lion people, is members of the Eco Mileage and 24 thousand students act as energy guardian angels. RP&EB : Could you explain the energy port- folio of Seoul? During the last Davos forum, With the dedication of children to elderly people, you talked about a “One Less Nuclear Power the city has managed to achieve an energy saving Plant” initiative. Could you, please, tell us of 2 million TOE (tons oil equivalent) to one power more about this initiative? In your opinion, plant in only 2 years after the start of this initiative. which energy(ies) do you think would be At the same time, the energy source of Seoul is best for Seoul? How does Seoul support in the middle of its changes to new renewable new energy innovation? energies such as solar and geothermal energy.

PWS : With the recurring blackouts and Fuku- The development and deployment of mini solar shima nuclear disaster in 2011, we are in the era energy system (200~500W) in balconies of stan- where cities must change from mere consump- dard housing, is also an example of new re- tion of the energy to more self-reliant energy sys- newables trend in Seoul. The fgure in December tem. And it is crucial to have cities to cooperate 2012 indicated that 10 929 units (17.7MW) were beyond the borders in order to achieve this. activated and utilized. As such, the energy saving policies will take the “citizens” into their major Seoul Metropolitan Government has started an considerations in the future as well, since citizens initiative to “save energy+ improve efectiveness+ are in the center of the policies. ENTRETIEN

RP&EB : What is about the citizens that be- the quality of lives, aligned with history, nature come electricity “prosumers”, which means and liberal values, with aims of reviving the sense that they consume and produce electri- of community, social welfare and security. And city? How does it change Seoul citizens’ the result of this contemplation was deployed in consumption behavior? the “2030 Master Plan for Seoul” in May 2014. PWS : I think a formation of social consensus will Noticeably diferent from the plans and policies of empower the people to become ‘prosumers’ and urban planning in the past, where public ofcials even ‘producers’ of energy. There are 35 energy and experts may have led the foundation of urban saving districts which could prove this idea. An planning, ‘2030 Master Plan for Seoul’ is desig- apartment in Dongjak-gu (Sindaebang Hyundai ned in a way for citizens to plan and participate in apt.) has managed to save 13.6% of electricity, the urban planning, naturally realizing the benefts saving 76.42 million won (KRW) in comparison of each district. to the previous year. It has installed solar energy It does not only dwell on growth and expansion system (102kW) on the rooftop of the apartment, but goes beyond it, taking continuity and connec- generating in the past 6 months 76 179kWh ener- tivity as an important goal. It is the true futuristic gy saving (electricity bill 17.43 million won (KRW)) urban planning with the moto of ‘communication through a plan acted by the residents. and consideration of others in the pursuit of a city The Women’s group among the residence will with happy citizens’. also visit households with elderly living alone to The master plan does not only indicate the use help them in fnding ways to save energy for them. of land or development but also, with 5 key plans They also run an energy supermarket, which sells such as ‘People-oriented city of equal opportuni- insulated electrical appliances cheaper, and do- ty’ and ‘Global city of cohabitation, with abundant nate the proft to neighbors in need. These are jobs and vibrancy’, it has expanded its horizon. the proofs that by getting the people to partici- pate, the behavioral change from ‘consumption’ The status as of today is that we are in detailed to ‘production’ could take place. planning at 140 district levels and looking beyond the efectiveness and speed, to achieve an out- RP&EB : During this World Economic Forum, come as a true meta city in the future through you also talked about the “2030 Master Plan cooperation and coexistence. Seoul’s vision for Seoul”. May we, please, ask you to tell us as a Sharing about how this plan was created, its purpose RP&EB : In your speeches, you often men- City and its current status? tion innovation and big data? Do you have any plan to promote them in your policies? PWS : Not only with a mere focus of an end result 11 of growth, the city has contemplated over a plan PWS : Last year in the Davos forum, I have advo- of setting a goal, the process of meeting it, and cated to meet the complex and diferent adminis- © DR

Seoul’s big data-oriented trafc system, “Owl Bus,” ope- rates every night in 8 routes from 23:40 to 06:00. On the right, the route map of Seoul’s Owl Bus. Total 8 routes are operated by 47 buses. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 trative needs of today. We must implement the nal Council for Local Environment Initiatives 4th industrial revolution with citizen participation, (ICLEI) and you attended World Mayors Sum- to promote the real-time and customized policies. mit on Climate Change in Paris. How would you comment this Paris Agreement? How One main example of the big data-adopted poli- can cities support this Paris Agreement? cy is the night buses (‘Owl Bus’) in Seoul, which What would Seoul’s future contributions or started from the ideas of citizens, using analytical commitments to Paris agreement be? technology from big data and cooperative exe- cution with a private telecommunication compa- PWS : The Paris Agreement of COP21 has signi- ny. This enables identifying the areas of the city fcant meanings since it ofcially stated the role of which have large volume of mobility during the cities in climate change. hours from 1am to 5am, and then to develop the bus routes accordingly to ensure they met resi- Cities which take up 2% of Earth, use 70% of dents’ needs. Earth’s resources and emit 70% of GHG (green- house gas). This is why “city” is the main reason Last February, we also started a service called of climate change and also the action owner to ‘market analysis of our local stores’ with coope- fnd the solution to the problem. rative efort with private companies that analyzed 210 billion big data, providing free data to the The Paris Agreement outlines the efort and coo- smaller and poorly funded local businesses to peration extending to non-Party stakeholders improve their chances of a success in the mar- including cities. ket. As such, innovations through big data have Even prior to the Paris Agreement, we ac- cooperation and sharing of information as a pre- knowledged the role and actioned on a Compact condition. As shown in ‘Seoul Digital Plan 2020’ of Mayors with the outline of detailed goals of I intend to share big data that the city has and GHG (green-house gas) reduction, and also the achieve an innovative social ecosystem. action plans and results to be shared. As a Pre- Seoul will establish and run ‘Seoul big data cam- sident city for ICLEI, the biggest network of local pus’ to share with the public the analysis of big governments, Seoul announced a goal of 25% data, realizing benefcial innovation for the public. GHG reduction in comparison to 2005 by 2020 and 40% by 2030. Seoul’s vision Also, we utilize channels such as The World e- Governments Organization of Cities and Local as a Sharing Together with our citizens, we want to be a model Governments (WeGO) to share innovative digital City in GHG reduction to the world. usage with other cities, enforcing the position as 12 a global digital capital. RP&EB : How do you share Seoul’s expe- rience with other cities in the World? What RP&EB : You are the President of Internatio- are the experiences that these cities could learn from Seoul? Any specifc recommen- dation? Mayor Park is making a speech in “Smart Cloud Show 2014,” one of the most famous conference in Korea on the PWS : Seoul is a city that has overcome a disas- issues relevant to state-of-the-art technology and cloud services. trous war just in half a century and has transfor- The conference has long been supported by Seoul Metropolitan med into a mega city with a 10 million population, Government with the aim of promoting “smart” policies and accumulating the “know-how of urban growth.” system establishment in Korea and abroad. Currently, we share our experience and best

© DR practices with other cities by providing policy consultation and transferring technologies; 6,200 government ofcials per annum visit Seoul to learn our policies per annum. Best policies and prac- tices of Seoul have been or are in the progress of being exported to 31 cities in 23 countries, such as policies on public transport, public rail, water and sewage systems, e-government etc.

The public transport card system in Seoul has contributed to the solution for Kuala Lumpur’s people in using public transportation and the sys- tem also contributed to the city life in Wellington, New Zealand. ENTRETIEN © DR Another example, the e-civil complaint system of Seoul (Eng dap so) is being adopted in Mum- bai now, letting the people in Mumbai to register, process and resolve civil complaints in real time through their mobile devices.

The solutions and experience of Seoul as a place with high urbanization and relevant problems are summarized and readily available in a policy ar- chive (www.seoulsolution.kr).

We also share these experiences through interna- tional platforms such as ICLEI, Citynet, UN-Habitat. Mayor Park is also in charge of leading and planning ICLEI Seoul will continue to grow internationally in the events as the 2015-2018 ICLEI President future with the enterprises which contributed a lot for the city’s lively economy, giving hope to deve- loping countries, and becoming a stimulus to the worldwide cities. Park Won-soon

RP&EB : Is there any message you would In 1975, Park Won-soon entered Seoul National University like to share as the Mayor of Seoul? What and was expelled. Then, in 1985, Park Won Soon received are your vision and dreams for this city? a bachelor’s degree in history from Dankook University. In 1980, he passed the 22nd bar exam and, in 1982, started PWS : Being elected the Mayor of Seoul at the to serve as a prosecuting attorney for the Daegu District end of Oct 2011, I have dreamt to reduce the Prosecution ofce Court despair of the citizens and I have found a way through collaborative governance to achieve the In 1992, he earned an International Law diploma from LSE city’s innovation. (The London School of Economics and Political Sciences) “Think globally, act locally.” and in 1993 he worked as a visiting fellow at the Law School of Harvard University in the USA. Seoul’s vision Going beyond the borders, pursuing the colla- as a Sharing boration between people, between regions and From 1995 to 2002, he served as a General- secretary for City between cities is the only answer, which is well- the People’s Solidarity for a Participatory Democracy. From illustrated in the above phrase. 2001 to 2010, he served as the Executive Director of the Beautiful Foundation, a philanthropic group that promotes 13 People are the source of energy, and they them- volunteerism and community service and addresses issues selves are the innovation and the future. of income inequality. In parallel, from 2006 to 2011, he served as the Executive Director of Hope Institute, a think Seoul Metropolitan Government, with the tank designed to promote solutions arising from grass roots participation and eforts of people, will make a suggestions for social, educational, environmental, and better tomorrow, share the inspiration of “citizen political problems. innovation” with worldwide cities, and share its hope as a global city. § Finally, in 2011, he was elected as Seoul’s 35th mayor, and re-elected in 2014 as Seoul’s 36th mayor © DR

Park Won Soon has also received awards 2003: Activist of the Year Award from Citizen’s News and the Citizen’s Award for contributing to the people 2006: Received the 10th Manhae Award (activist category) Received the Magsaysay Award in the public service category

He also wrote some books or thesis such as: Korea’s Civil Movements: The Bed of Procrustes, Dangdae, 2002 ‘The Condition of the Beautiful World’, Hankyoreh Newspaper, 2010 1,000 Jobs That Changed the World, Munhak Dongne, 2011 Mayor Park is having a photo time with a young girl during the Ecology Is the Answer for Villages, Geomdungso, 2011 civil event, “Seoul’s pledges on climate change actions.” “In Seoul, the Citizens are the Mayor”, in PAR, Volume 74, Issue 4, July/August 2014, Pages 442–443 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 L’industrie de défense sud-coréenne : quand le « royaume ermite » est devenu « l’étoile montante »

a République de Les origines de la base L’AUTEUR Corée semble être industrielle et technolo- l’étoile montante de «L gique de défense (BITD)4 Valentin l’industrie de défense de l’Asie- sud-coréenne Maricourt Pacifque ». Ainsi était qualifée Membre du Comité 1 la Corée par IHS Jane’s en 2015, Jusqu’à la fn des années 1960, Asie de l’ANAJ-IHEDN dans son Global Defense Trade il n’y avait aucune industrie de dé- Etudiant en Master 2 2 Report , suite à la rapide percée fense en Corée. Ravagé, le pays Défense, Sécurité et de Séoul dans le secteur. Selon est alors, contrairement à la Corée Gestion de Crise à l'IRIS la Sipri Arms Transfers Data- du Nord, sans ressources et sans Sup' (Paris) base3, la Corée est le 15ème plus industries. De plus, victime du clien- grand exportateur d’armes sur la télisme et de la corruption du pré- période 2011-2015. sident Syngman Rhee, le pays aura du mal à se relever économique- Longtemps dépendante militai- ment, maintenant son PIB au niveau rement de son puissant allié améri- L’industrie des pays africains5. Du fait de sa cain, Séoul a vite compris l’impor- de défense position d’avant-poste de la guerre tance de posséder une industrie de sud-coréenne froide, la République de Corée va défense nationale. Sur le plan inté- recevoir l’aide des Etats-Unis, qui rieur, cette industrie garantit en pre- 14 applique à l’époque la politique de mier lieu son autonomie stratégique, « containment » du président Tru- sécurisant ses approvisionnements 6 en armement et la mettant à l’abri man . A la suite de la signature du des embargos. Ensuite, elle stimule Traité de défense mutuelle en oc- la recherche et l’avance techno- tobre 1953, les soldats américains logique, militaires comme civiles. prennent position en Corée. Le pays Au-delà de la demande intérieure, sera donc complètement dépendant les exportations d’armes sont un de son allié pour sa défense jusqu’à instrument de la politique étrangère la fn des années 1960, où plusieurs d’un pays, dans la mesure où elles événements régionaux et mondiaux ont des retombées économiques et vont modifer le paysage géopoli- sociales, bien sûr, mais aussi poli- tique et conduire, dans les années tiques, stratégiques et sécuritaires. 1970, au développement de l’indus- trie de défense sud-coréenne.

1. Maison d’édition anglaise publiant sur les thèmes de la défense, la sécurité, les trans- 4. Base Industrielle et Technologique de Défense. ports et la police. 5. Jin Sato & Yasutami Shimomura, The Rise 2. Rapport sur le commerce mondial défense, of Asian Donors: 's Impact on the Evo- un rapport examinant les tendances sur le lution of Emerging Donors, Routledge, 2012, marché mondial de la défense. p134. Dans les années 1950 en Corée, le PIB par habitant s’élevait à 60 dollars. 3. Base de donnée contenant les information de tous les transferts des principales armes 6. Politique de l’« endiguement », mise en conventionnelles depuis 1950. URL: http:// place par les Etats-Unis pour contenir l’expan- www.sipri.org/databases/armstransfers sion de l’infuence soviétique dans le monde. ANALYSE

En 1968, un commando de soldats nord-co- niste de Mao, symbolisé par la rencontre entre réens, qui avait pour mission de tuer le président Nixon et Mao en 1972. Puis en 1977, le pré- Park, réussit à s’infltrer dans Séoul et à s’appro- sident Jimmy Carter souhaite rapatrier toutes les cher à 100 mètres de la Maison Bleue, la rési- troupes américaines de la péninsule, sans avoir dence ofcielle des présidents sud-coréens. Un consulté Séoul. Le projet sera fnalement aban- simple contrôle policier mettra en échec l’opéra- donné en 1979. tion. Cette attaque, appelée « incident du 21 jan- vier » en Corée, montrera les premières faiblesses Le développement d’une industrie de l’engagement sécuritaire des Etats-Unis. Deux soutenue par l’Etat jours plus tard, Pyongyang capture un navire américain, l’USS Pueblo7, ainsi que son équi- En contrepartie du retrait des troupes, les Etats- page, en mer du Japon, déclarant que le navire Unis vont ofrir une aide économique et technique voguait dans ses eaux territoriales. Réfutant dans vitale pour le développement de l’industrie de dé- un premier temps les accusations de Pyongyang fense de leur allié sud-coréen. L’échange d’ingé- et déclarant que le navire était dans les eaux nieurs, de scientifques, des licences de fabrication internationales, les Etats-Unis vont fnalement ou encore les transferts de technologie ont permis présenter des excuses ofcielles et les marins aux Sud-Coréens de produire une large gamme seront libérés. Moins d’un an plus tard, en 1969, d’armes allant des fusils et de leurs munitions aux la Corée du Nord abat en mer du Japon un EC- véhicules, aux navires et aux avions. L’Etat sud- 121 Constellation, un avion de reconnaissance, coréen va prendre le contrôle direct de l’ensemble entraînant la mort de 31 soldats américains. de l’industrie de défense. Contrairement à la Corée Malgré le choc de cette attaque, Washington ne du Nord, la République de Corée mène une poli- mènera aucune représaille et se contentera d’une tique d’exportation depuis l’arrivée au pouvoir du dénonciation verbale. général Park en 1961 : la main d’œuvre bon mar- ché sud-coréenne ofre alors un avantage compé- Mais ce sera surtout la «Doctrine Nixon»8 qui titif indéniable et permet le retour de la croissance. déclenchera la prise de conscience des dirigeants Les recettes et les capitaux étrangers vont notam- sud-coréens. Alors que les Etats-Unis soufrent ment servir dès les années 1970 à investir dans la d’une crise du dollar et sont embourbés dans la recherche et le développement des capacités de guerre du Vietnam, le président Richard Nixon dé- défense, à créer les infrastructures nécessaires et cide, en juillet 1969, de redéfnir la politique étran- à servir de moteur à la modernisation du pays. L’industrie gère de son pays : il souhaite réduire l’engagement de défense militaire américain dans le monde et déclare que Dès le début des années 1970, le ministère de sud-coréenne ses alliés asiatiques doivent assurer leur propre la Défense sud-coréen (Ministry of National De- fense) va, avec une aide américaine de 1,5 milliards défense9. De fait, la 7ème division d’infanterie US 15 de dollars, lancer le Korean Military force moderni- quitte la péninsule, ce qui représente une réduc- zation project pour établir les bases des infrastruc- tion de 20 000 soldats, au grand dam de Séoul. tures de l’industrie de défense nationale et équiper Craignant que ce retrait n’encourage la Corée du les troupes sud-coréennes. L’une des premières Nord à mener une ofensive, le gouvernement sud- mesures fut la création de l’Agency for Defense coréen décide, en réaction, de créer une industrie Development (ADD) en 1970, qui marque le point de défense nationale, afn d’atteindre l’autosuf- de départ de l’aventure de l’industrie de défense sance militaire et assurer sa sécurité. sud-coréenne. L’ADD était directement impliquée La suite des événements ne fera que renfor- dans les programmes de développement et de cer cette position : suite aux accords de Paris de production de nouveaux systèmes d’armement. 1973, les Américains évacuent la même année En charge d’améliorer la R&D du pays en soute- le Sud-Vietnam, qui tombera deux ans plus tard nant les entreprises privées, l’Agence était aussi avec la prise de Saïgon. Les dirigeants sud-co- responsable de l’acquisition des technologies de réens font évidemment le parallèle avec leur défense étrangères. En tant que « pierre angulaire propre situation, encore sous le choc du rappro- de l‘indépendance de la défense nationale », l’ADD chement entre les Etats-Unis et la Chine commu- a joué – et joue toujours – un rôle central dans le développement de la science et de la technologie 7. Le Pueblo était un navire espion et disposait d’appareils élec- de défense nationale. En 1971, sous supervision troniques permettant de déchifrer les télégrammes codés. du gouvernement américain et avec l’accord de 8. Autrement appelé « Doctrine de Guam », en référence au Colt Industrie, la Corée commence la production lieu où fut prononcé le discours. de fusils M-1610, puis suivront grenades, mines, 9. Cela se traduit notamment par la « Vietnamisation » de la guerre du Vietnam, le désengagement américain se fait en 10. Kwang Sub Kwak, The US-ROK Alliance, 1953-2004: confant la poursuite du confit à des forces sud-vietnamiennes. Alliance instittionalization, Southern Illinois University Carbon- Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

mortiers, munitions et autres. La même année, des industries clés comme l’acier, la pétrochi- 13 le président Park fait savoir qu’il souhaite doter mie, l’automobile ou la construction navale. Park le pays de missiles de production nationale, afn soutiendra les chaebols – conglomérats d'entre- d’avoir la capacité de frapper plus en profondeur prises aux activités diverses – qui seront au cœur la Corée du Nord. L’ADD va donc lancer un pro- de ce projet, leur taille et force leur permettant gramme de missile balistique basé sur le missile de mener de tels projets. Il leur accordera des américain Hercules, qui aboutira au NHK-1, mis- accès faciles aux crédits et des avantages fnan- sile balistique sol-sol de courte portée, testé avec ciers17. La compagnie Hyundai, l’un de ces chae- succès en 197811. bols, va construire le premier char sud-coréen, le K1 ROKIT (Republic of Korea Indigenous Tank), Puis de 1974 à 1981, la Corée va mener le basé sur le M1 Abrams de l’américain General plan Yulgok12, aussi appelé Force Improvement Dynamics. Il entrera en service dans l’armée sud- Plan, afn d’améliorer la qualité des équipements coréenne dès 1986. Grâce à un partenariat amé- sud-coréens, de remplacer l’équipement usé et ricano-coréen avec Northrop Grumman Corpo- de construire des avions d’attaque rapide13, le but ration (avions) et Hughes Aircraft (hélicoptères), la étant de rééquilibrer les forces avec Pyongyang, République de Corée a pu développer ses com- que l’URSS fournit en armement. Le gouverne- pétences aéronautiques18. Afn de faire face à la ment sud-coréen va mener une politique d’auto- menace sous-marine nord-coréenne, Séoul ins- fnancement en imposant une taxe, la Defense taure un projet de lutte sous-marine et construit, Tax Law 14, afn d’assurer un fnancement adéquat en 1980, sa première frégate de conception co- pour la défense nationale15. Durant cette période, réenne19. Dorénavant, Séoul ne se contente plus les décisions concernant l’industrie de défense ne de produire des armes légères mais une grande sont prises que par trois personnes : le président variété d’armes et d’équipements pour une Park lui-même, le directeur de l’ADD Shim Mun- guerre globale : sur terre, sur mer ou dans le ciel. taik, et le deuxième secrétaire pour les Afaires économiques Oh Won-chul16. Contrairement aux Un nouveau concurrent autres sujets économiques qui sont débattus, ce sur la scène mondiale système permet de mettre en place rapidement les plans et réformes. En 1976 est fondée la Korea Au milieu des années 1980, les besoins de Defense Industry Association, qui aura pour rôle l’armée sud-coréenne étant satisfaits, la produc- L’industrie de favoriser le développement, la coopération et tion a commencé à chuter, menant à la faillite de défense l’harmonisation des industries de défense et, plus plusieurs entreprises. Afn de préserver la survie sud-coréenne tard, de renforcer leur compétitivité, de faciliter de son industrie de défense, Séoul s’est tourné l’exportation et de participer aux recherches. vers l’exportation d’armement. La République 16 de Corée s’est rapprochée de nombreux pays, Dans la même période, l’administration Park notamment les pays possédant des réserves lancera le plan de développement économique de pétrole comme le Nigéria, l’Arabie saoudite HCI (Heavy-Chemical Industry Drive), confé à Oh et l’Indonésie. Malheureusement, son industrie Won-chul, afn de faire prendre pied au pays dans de l’armement soufrait de la concurrence des Occidentaux, qui pouvaient produire des armes dale, June 2006, p.146. plus puissantes. De plus, elle était bridée dans ses exportations du fait de certaines restrictions 11. [en ligne], consulté le 21/04/2016, URL: http://www.nti. org/learn/countries/south-korea/delivery-systems/. NTI est sur les licences et les accords de coproductions, une organisation apolitique fondée en 2001 par deux Amé- notamment de la part des Etats-Unis. ricains : Ted Turner, patron de presse, et Sam Nunn, avocat et politicien, qui lutte pour la réduction des armes nucléaires, Mais ces dernières années, les réussites com- biologiques et chimiques via des projets à destinations de merciales du pays sont encourageantes. Celles-ci gouvernements ou de groupes privés. se manifestent sur des marchés autrefois réservés 12. Du nom d’un érudit confucéen de la dynastie Joseon. aux industries américaines, comme par exemple 13. South Korean Ministry of National Defense, Defense White des membres de l’OTAN : la Turquie et la Pologne Paper 1995-96, p 94. 14. Ministry of Strategy and Finance Korea, Korean Taxation, 2012, p 14. [en ligne], consulté le 21/04/2016, URL: 17. Pyŏng-guk Kim & Ezra F. Vogel, The Park Chung Hee Era: https://www.nts.go.kr/eng/data/KOREANTAXATION2012.pdf The Transformation of , Harvard University Press, 2011, p. 178. 15. Chung-in Moon & Jin-Young Lee, The Revolution in Mili- tary Afairs and the Defence Industry in South Korea, 2008. 18. Lee Yong Hak, Defense Industry and its impacts on eco- nomic growth in Korea, Naval Postgraduate School, Monte- 16. Lee Yong Hak, Defense Industry and its impacts on eco- rey, California, 1992, p.44. nomic growth in Korea, Naval Postgraduate School, Monte- rey, California, 1992, p.46. 19. Ibid., p. 48. ANALYSE © KAI (2011) Appareil TA-50.

se sont tournées vers Hanwha Techwin (autrefois avion de combat léger dérivé du T-50, avion Samsung Technwin) pour acheter des obusiers d’entraînement et premier aéronef superso- autopropulsés20. Même réussite pour Daewoo nique construit par la République de Corée ; Shipbuilding & Marine Engineering (DSME), qui L’industrie s’est vu confé, en 2012 par la Royal Navy, la • en 2014, c’est la Colombie qui a acheté des de défense C-Star (SSM-700K), missiles antinavires éla- construction de 4 navires de ravitaillement21, au sud-coréenne borés par l’ADD, reprenant les modèles Har- grand désarroi de certains politiciens de l’opposi- poon américain ou Exocet français ; tion londonienne. L'année suivante, c'est la Nor- 17 vège qui commandera le même type de navire • en septembre 2015, Bangkok signe un à DSME, notamment à la suite des recomman- contrat avec KAI pour la livraison de quatre dations du Royaume-Uni22. Mais en dehors de T-50TH, avions d’entraînement superso- l’OTAN, les réussites se succèdent aussi : niques24. D’un montant de 110 millions de dol- lars, ce contrat comprend aussi un transfert • en 2013, la Thaïlande a signé le plus gros de compétences et la formation des pilotes, contrat naval de son histoire avec l’achat de ofrant ainsi l’opportunité d’un partenariat de navires de classe Gwanggaeto (ou KDX-I) de long-terme avec la Thai Air Force. la compagnie DSME, pour un montant de 486 millions de dollars23 ; De plus, Séoul développe de nombreux parte- nariats. Avec la hausse des coûts de développe- • la même année, Korea Aerospace Industries ment et de production d’armes modernes, la plu- (KAI) signe un contrat de 1,1 milliard de dollars part des pays, notamment occidentaux, cherchent avec l’Irak pour la vente de 24 avions FA-50, à mettre en place des coopérations interétatiques. Autrefois réduits à l’allié américain, les partenariats de la Corée se sont diversifés. En 1995, Israël 20. Joe Katzman, « The "Hyundaization" of the global arms industry », The Wall Street Journal, 2015. signe avec la République de Corée un mémoran- dum d’entente25 (memorandum of understanding) 21. « South Korea wins Royal Navy tanker deal worth £452m », BBC News, 2012. 22. « La marine norvégienne commande un bâtiment logis- 24. Le T-50TH a aussi été vendu en Indonésie, en Irak et aux tique chez Daewoo », Mer et Marine, 2013. Philippines. 23. Shipbuilding Tribune Staf, « to Acquire South 25. Accord entre deux pays ou plus, déclarant que les pays Korean-Made Frigate », World Maritime News, 2013. concernés vont mener une ligne d’action commune. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

sur l'industrie de défense afn d’échanger des in- sement avec 5,6% des parts, la République de 13 formations sur la technologie militaire. C’est le cas Corée ambitionne de rattraper ses concurrents : aussi avec Airbus Helicopters pour le LAH (Light Séoul a annoncé s’être fxé l’objectif d’atteindre Attack Helicopter). Cette coopération permet à les 4 milliards de dollars d’exportations d’ici 2020 l’entreprise européenne de pénétrer le très fermé – un chifre qui permettrait à la Corée de faire marché sud-coréen et à Séoul de développer son partie des 7 plus gros exportateurs mondiaux28. industrie grâce aux transferts de technologies ac- Ajoutons que sa politique de R&D – la plus élevée cordés par Airbus Helicopters. Autre exemple, en des pays de l’OCDE – porte ses fruits : le dernier janvier 2016, la République de Corée s’est asso- rapport de la Defense Agency for Technology and ciée à l’Indonésie pour le développement du KFX Quality, publié fn 201529, place la technologie de (Korean Fighter Experimental), avion de combat de défense sud-coréenne à la 9ème place mondiale. génération 4.526, afn de remplacer ses F-4 et F-5 Une prouesse qui confrme que la République de américains vieillissants. Corée est désormais un acteur incontournable de l’industrie de l’armement mondial. § Alors qu’il y a moins d’un demi-siècle, le pays du Matin calme était incapable de construire un simple fusil, il est désormais l’un des leaders ring/copy2_of_at-images/top-10-arms-exporters_2011-15 mondiaux de l’industrie de l’armement. Même s’il 28. [en ligne], consulté le 20/04/2016, URL : http://gbr.mofa. reste loin derrière les principaux leaders comme go.kr/webmodule/htsboard/template/read/new_legengread- board.jsp?typeID=16&boardid=9814&seqno=703986&c=&t= les Etats-Unis ou la Russie, qui pèsent respecti- &pagenum=1&tableName=TYPE_ENGLEGATIO&pc=&dc=& vement 33% et 25% des exportations mondiales wc=&lu=&vu=&iu=&du= 27 ème d’armement , ou même la France, 4 du clas- 29. [en ligne], consulté le 20/04/2016, URL : https://www. google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1 26. Autrement appelé 4++, les générations 4.5 ne bénéfcient &cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwik9JfjlbTMAhXKCcAK pas des qualités furtives des générations 5. HYlCBt8QFggdMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.arirang. co.kr%2FNews%2FNews_View.asp%3Fnseq%3D185857&u 27. [en ligne], consulté le 21/04/2016, URL: sg=AFQjCNGXYbMaRRzErLcosS1tkXVsdRBpsg&sig2=GFIv http://www.sipri.org/research/armaments/transfers/measu- X2ojuv2KrIBKg5O6UA&bvm=bv.120853415,d.ZGg

L’industrie de défense sud-coréenne

18 ANALYSE L’Hallyu, les enjeux économiques du soft power sud-coréen

L’AUTEUR our célébrer le 130ème anni- Chinois, le caractère «lyu» ne signife versaire de l’établissement pas un simple « efet de mode » mais Victoria Luc P des relations diplomatiques un véritable « paradigme culturel3 ». Auditrice jeune entre la France et la République de Le gouvernement coréen a très vite de l’IHEDN Corée, Paris a décidé de mettre pressenti les enjeux du « lyu» pour (9e séminaire Grandes Séoul à l’honneur en organisant redresser un pays mutilé par des Ecoles – Paris 2015) l’Année France-Corée 2015-2016. années de domination et fait de la Membre du Comité Plus de cinquante événements se- culture un des piliers de son écono- Asie de l’ANAJ-IHEDN ront ainsi proposés sur l’ensemble mie. Kim Gu, président du gouverne- Diplômée de l’EM de l’Hexagone pour promouvoir la ment provisoire de Corée, l’annonçait Grenoble en Finance, culture coréenne1. déjà en 1948 : Analyste junior en Private Equity. Véritable découverte pour les « ...I want our nation to be the Français ? Loin de là ! L’Hallyu ou most beautiful in the world. By this I L’Hallyu, 2 «vague coréenne» , qui depuis les do not mean the most powerful na- les enjeux K-Drama jusqu’à la K-Pop propage la tion. Because I have felt the pain of économiques culture du Royaume du Choson dans being invaded by another nation, I do du soft power le monde entier touche notre territoire not want my nation to invade others. sud-coréen depuis plusieurs années. L’engoue- It is sufcient that our wealth makes our lives abundant; it is sufcient that ment massif des jeunes Français pour 19 les cours de coréen, qui ont triplé en our strength is able to prevent foreign quatre ans, passant de moins de 500 invasions. The only thing that I desire étudiants en 2008 à plus de 1500 en in infnite quantity is the power of a 2012, témoigne de la force de cette noble culture. This is because the vague. L’Institut national des langues power of culture both makes us hap- et civilisations orientales (INALCO) est py and gives happiness to others...». même aujourd’hui obligé de refuser Kim Gu, Président du gouvernement des étudiants ! provisoire de République de Corée, 1er mars 1948. Excerpt from Baek- Cette frénésie pour la culture du beomilj4. dragon asiatique n’est pas le fruit du hasard. Dans le terme Hallyu employé Le leadership culturel en Asie, pour la première fois dans les années zhonghua ou sino-centrisme, a tou- 1990 par le journal chinois Beijing jours été l’objet de rivalités entre les News Daily pour désigner la popu- puissances régionales et a été tour larité croissante des séries et de la à tour revendiqué par les Chinois, musique coréennes chez les jeunes les Japonais, les Coréens et les Viet-

1. Année France-Corée 2015-2016, http:// 3. Kim Bok-rae, Professor at Andong National anneefrancecoree.com/fr/propos University, “Past, Present and Future of Hal- lyu ()”, in American International 2. Terme popularisé par les médias chinois Journal of Contemporary Research. Vol. 5, dans les années 2000 pour caractériser la No. 5; October 2015. 154 popularité internationale des contenus mé- diatiques sud-coréens et le phénomène de 4. Kim Koo, Journal of Baekbeom: Autobio- leur circulation massive. graphy of Kim Koo, Dolbegeh,1971 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

namiens, tous arguant de la suprématie de leur Après une douloureuse domination japonaise et 13 culture. Mais le phénomène de globalisation des au sortir d’une guerre meurtrière et ravageuse, le économies au cours du XIXème siècle a déplacé pays afchait un PNB de moins de 2 milliards de le centre de gravité vers l’Europe, sans toutefois dollars8, ce qui le plaçait au rang des pays les moins complétement éclipser les traditions régionales. avancés du monde. Sa situation était telle que la L’Hallyu se développe alors dans une Asie où se Banque mondiale avait conclu en 1960 à la nature côtoient modernité et tradition, en s’appuyant sur incurable des faiblesses économiques coréennes9. l’essor des nouvelles technologies de l’information Séoul se hisse aujourd’hui au quinzième rang des et de la communication (NTIC), des mouvements puissances mondiales et, surtout, dispose d’une migratoires et de la libéralisation progressive des infuence culturelle majeure dans le monde. médias. Après des années de domination chinoise puis japonaise, la culture coréenne s’afrme enfn. Ce « miracle asiatique » résulte de diférents L’Hallyu est avant tout une renaissance culturelle. facteurs parmi lesquels le soft power : contraire- ment à d’autres puissances, la Corée n’y a pas Mais, à l’heure où hégémonie économique va vu un prolongement au « hard power » mais une de pair avec domination culturelle, l’Hallyu est au véritable alternative, ce dernier lui lui faisant défaut. cœur des stratégies politiques de Séoul. La Pré- L’importance donnée au « soft power » dans la stra- sidente Park Geun-ye dans son discours inaugu- tégie de redressement du pays est aussi sympto- ral en février 2013, déclarait ainsi que « La culture, matique d’une volonté de revanche d’un pays qui c’est le pouvoir ». fut tour à tour terrain de jeu et cible des ambitions

5 européennes, russes et japonaises, et victime des Si le succès planétaire de Gangnam Style campagnes d’acculturation tristement célèbres du témoigne du succès d’une logique de long terme colon nippon10. Par la difusion de sa culture à tra- soutenue par des politiques ambitieuses et com- vers le monde, l’empire du Choson pouvait enfn plexes, il a aussi fait naître des craintes quant à recouvrer son identité et son prestige. la nouvelle suprématie afchée du Royaume de Choson. La « vague coréenne » serait-elle en train Le gouvernement coréen a très rapidement saisi de se briser ? l’importance stratégique de son rayonnement ré- L’Hallyu, gional pour redresser une économie meurtrie. Son les enjeux L’Hallyu ou la revanche d’années de engagement militaire dans la guerre du Vietnam, en économiques domination réponse à la volonté des Etats-Unis d’internatio- du soft power naliser le confit, fut alors l’occasion d’accélérer la sud-coréen Le concept de « soft power » est relativement stratégie de promotion des exportations déjà initiée récent. Défni durant la guerre froide en 1977 par : en 1965, le Vietnam comptait pour plus 8% de Joseph Nye, sous-secrétaire d’Etat américain 20 ses exportations. L’échec des Américains à Hanoi sous l’administration Carter, dans « Power and ne freina pas cette dynamique. Hyundai remporta 6 Interdependence » (1977) , il désigne le pouvoir un appel d’ofres de la Banque mondiale pour la d’attraction ou de séduction d’un pays pour construction de la route Pattani-Narathiwat en Thaï- parvenir à ses fns. « Co-opt people rather than lande dans les années 1960, et ce premier contrat coerce them »7. Cette forme de domination est amorça un véritable engouement pour les entre- une puissance difuse et non palpable fondée prises coréennes en Asie du Sud-Est. Elles y réa- sur la propagation de la culture, des valeurs po- liseront 70% de leurs contrats entre 1965 et 1973, litiques et morales d’un pays. A l’heure du tout avant de s’imposer au Moyen-Orient. médiatique, le soft power devient un élément clé. Ces projets industriels accompagnés de fux L’Hallyu n’est pas la première manifestation de migratoires importants ont conduit au développe- son usage sur la scène asiatique. Déjà dans les ment d’une diaspora coréenne en Asie du Sud- années 1970, Hong-Kong en avait usé en difu- Est, notamment aux Philippines, qui a difusé de sant massivement sa Pop-culture avec ses flms de kung-fu et sa Cantapop dans la région. Mais les 8. Evolution du PNB de la République de Corée de 1953 à succès inégalés de l’Hallyu en font un cas d’école. 2002, http://www.senat.fr/ga/rapport_coree/rapport_coree4. html

5. 18e single du chanteur sud-coréen PSY. 9. Jean Raphael Chaponniere, « Corée du Sud : généa- logie d’un miracle », Asialyst, 2015, https://asialyst.com/ 6. Selon Joseph Nye, la culture se défnit comme l’ensemble fr/2015/08/17/coree-du-sud-genealogie-d-un-miracle/ des valeurs et pratiques qui créent du sens pour une société, Culture et « soft power » , http://www.inaglobal.fr/idees/note- 10. Patrick Cockburn, « South Korea refuses to forgive Ja- de-lecture/joseph-s-nye-jr/soft-power/culture-et-soft-power pan’s wartime atrocities », The Independent, 5 novembre 2013, http://www.independent.co.uk/news/world/asia/ 7. Joseph Nye, Soft Power : The Means to Success in World south-korea-refuses-to-forgive-japan-s-wartime-atroci- Politics, Public Afairs, 2004, p. 5 ties-8923279.html ANALYSE

facto la culture coréenne. Fait anecdotique mais vertissement et exportations de produits culturels signifcatif, des instructeurs de Taekwendo, art à hauteur de 4,5 milliards de dollars en 201115. martial national, étaient envoyés auprès des sol- Le ministère de la culture a aussi afrmé en 2012 dats stationnés au Vietnam pour former les recrues que les bénéfces économiques tirés de la vague étrangères aux techniques de combat ! Ce sport coréenne atteignaient 83,2 milliards de dollars. sera introduit à l’Académie militaire de West Point aux Etats-Unis en 1962. Il compte aujourd’hui plus Fondamentale également, la visibilité de la Co- de 80 millions de pratiquants à travers le monde11. rée à l’étranger a été promue en particulier avec la création en 1971 du ministère de la Culture, Il est important de souligner que les produits des sports et du tourisme et la multiplication culturels n’ont constitué une priorité pour le gou- des centres culturels coréens à travers l’Europe, vernement coréen qu’à partir des années 1990. l’Afrique, l’Amérique et l’Asie (29 aujourd’hui16). Certes, jusque-là, des quotas étaient mis en place pour protéger le marché domestique, mais Si le gouvernement a joué un rôle primordial la liberté d’expression était encore très limitée et dans ce mouvement, celui des chaebols a été la politique culturelle plus orientée vers la conser- décisif. Véritables pivots de l’économie nationale vation du patrimoine culturel que vers la créa- (76,5% du PIB de la Corée en 2011), ils ont re- tion artistique. Le rapport du Conseil consultatif layé, par leurs moyens colossaux, les avancées de la Présidence sur la science et la technologie de la Corée notamment dans le domaine des de 199412 eut un efet retentissant. Il insistait sur NTIC, participant de facto à la reconnaissance e l’importance stratégique des industries audio-vi- mondiale du pays. Samsung est ainsi la 11 suelles, notamment en comparant les recettes du marque mondiale selon le classement Forbes de flm Jurassic Park à celles de Hyundai. Les ventes 201617 et le premier vendeur de smartphones au du blockbuster hollywoodien étaient équivalentes monde depuis 2012 devant Apple. Les dirigeants à l’exportation de plus de 1,5 million de véhicules ! ont compris l’importance du secteur privé pour L’occupation de l’espace immatériel est peu coû- l’expansion culturelle et le comité interministé- teuse et permet un haut retour sur investisse- riel de promotion de la vague coréenne (Koran ment tout en permettant une difusion à l’échelle Wave Promotion Taskforce) compte parmi ses mondiale, outrepassant les barrières médiatiques membres la Fédération des industries coréennes, L’Hallyu, nationales propres à chaque pays. Séoul a très chargée de représenter leurs intérêts. Un fond les enjeux vite saisi ces opportunités économiques et dota d’investissements d’environ 1 milliard de dollars économiques l’Hallyu de relais institutionnels. Un Bureau des a aussi été mis en place afn de promouvoir et du soft power industries culturelles, au sein du ministère de la fnancer la culture pop coréenne. Regroupant les sud-coréen Culture et des sports, fut mis en place en 1994, capitaux de banques d’investissements, de l’Etat et une loi sur la promotion du cinéma édictée en (à hauteur de 20% ou 30% selon les estimations), 21 1995. Kim Dae-jung, président de 1998 à 2003, et de groupes privés, les placements sont gérés accéléra la marche : augmentation du budget du par la structure publique KVIC (Korea Venture secteur culturel, incitation aux chaebols13 pour Investment Corporation). investir dans les industries audio-visuelles, créa- Fédérateur, l’Hallyu dépasse les clivages tion en 2001 de la Korean Culture and Content politiques, sociaux et idéologiques et symbolise 14 (budget annuel de 50 millions de dollars )… Son la réussite nationale. Elle est un instrument de objectif : faire de la Corée une « superpuissance conquête et, au dire de certains analystes, elle culturelle » et la hisser au cinquième rang mon- est loin d’avoir déployé tout son potentiel. Les dial des fournisseurs de contenus médiatiques. dirigeants de Séoul en ont bien conscience. Les retombées économiques de cette politique furent à la hauteur des attentes : multiplication « This is part of their economic strategy. They par cinq du poids économique du secteur du di- want to be the producer of the most popular cultural products in the world. » Jim Yong Kim, actuel président de la Banque mondiale18. 11. Source : Fédération mondiale de Taekwendo (WTF), http://www.worldtaekwondofederation.net/ 15. Christian Olivier, «South Korea's K-Pop takes of in the 12. The Korea Foundation, Koreana - Winter 2012, https://is- West”, Financial Times, 10 février 2012, https://next.ft.com/ suu.com/the_korea_foundation/docs/2012_koreana_winter_en content/ddf11662-53c7-11e1-9eac-00144feabdc0 13. Grands conglomérats coréens regroupant diférentes 16. http://www.mcst.go.kr/ activités, très puissants sur la scène économique coréenne et mondiale. Samsung, Hyundai, LG Group, Group SK, POSCO, 17. http://www.forbes.com/powerful-brands/list/ GS Group et Lotte sont les plus importants et les plus connus. 18. Sudeep Reddy, « Poverty Fight Risks Setback, World Bank Chief 14. Euny Hong, The Birth of Korean Cool: How One Nation Warns », Wall Street Journal, 11 octobre 2012, http://www.wsj.com/ Is Conquering the World Through Pop ..., Paperback, 2014. articles/SB10000872396390444799904578049662744484212 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

De l’Hallyu 1.0 à l’Hallyu 3.0, les Dans le même temps, l’industrie cinématogra- 13 vagues successives de l’Hallyu phique s’est développée, stimulée par la création en 1973 de la KOFIC (Korean Film Council)19. Plus Depuis les années 1990, l’Hallyu a su s’adap- d’un million de dollars de subventions a été alloué ter et se transformer pour s’inscrire dans la conti- aux producteurs et de nombreux événements nuité et évoluer. organisés à l’étranger pour promouvoir le cinéma coréen. Les « Korean Film Nights » à Londres ont L’Hallyu a commencé à la fn des années 1990 ainsi lieu chaque année depuis 2008 : des flms co- avec l’exportation de K-Drama, les séries télévi- réens y sont projetés gratuitement au Centre cultu- sées, d’abord vers la Chine, Taïwan et le Vietnam rel coréen de Londres. Le thème de cette année, « puis progressivement vers l’ensemble de l’Asie. Le Ha Ha Ha : Translating the Korean Humour », pro- succès d’Autumn in my heart de Yoon Seok-ho pose de s’interroger sur l’universalité de l’humour marqua le point de départ de cette frénésie. Winter au-delà des diférences culturelles en difusant neuf Sonata, et Spring Waltz, du même flms dont In Another Country, de Hong Sang-soo, réalisateur, suivirent, devenant des succès non avec l’actrice française Isabelle Huppert. plus seulement asiatiques mais mondiaux. Un site anglophone, KoBiz20 (Korean Film Biz Cette popularité repose sur des scénarios Zone) a aussi été mis en place pour présenter les longuement réféchis qui s’appuient sur des dernières productions en salle. thèmes au caractère universel, facilement ex- portables : amour pur et innocent, format com- Si l’on a pu douter, dans un premier temps, de pris entre 20 et 30 épisodes retraçant la vie la capacité des Coréens à passer des dramas au du personnage principal depuis son enfance cinéma, la multiplication des prix remportés par jusqu’à l’âge adulte, trios amoureux entremê- les réalisations coréennes dans les festivals euro- lés d’intrigues familiales et autres diférends so- péens du cinéma ne permettent plus d’en douter : ciaux sont des sujets qui plaisent autant en Asie Le chant de la fdèle Chunhyang de Im Kwon-taek qu’aux Etats-Unis et constituent le cœur de ces (Prix de la mise en scène au Festival de Cannes dramas. Le tout est porté par des valeurs confu- en 2000), Old Boy de Park Chan-woo (Grand Prix L’Hallyu, cianistes. Une attention particulière est donnée du Festival de Cannes en 2004), Thirst, ceci est les enjeux également aux scènes sensuelles et violentes : mon sang de Park Chan-woo (Prix du jury ex- économiques elles sont limitées au strict minimum, permettant æquo au Festival de Cannes 2009), Printemps, du soft power leur difusion au Moyen-Orient et proposant ainsi été, automne, hiver… et printemps de Kim Ki-duk sud-coréen une alternative aux séries américaines : Jewel in (Prix du jury Junior au Festival international du flm the Palace, par exemple, a fait un véritable tabac de Locarno 2003), Samaria de Kim Ki-duk (Ours 22 en Iran et en Afghanistan. d'argent du meilleur réalisateur au Festival de Ber- lin 2004), Locataires de Kim Ki-duk (Lion d'argent La machine dramas est en marche et les du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise exportations hors Asie ne cessent de croître. En 2004)… En 2016, trois flms coréens sont à l’af- 2011, elles ont connu une hausse de 37% et de fche du Festival de Cannes dont Handmaiden de plus en plus de spectateurs en Europe et Amé- Park Chan-wook et The Wailing de Na Hong-jin. rique du Sud s’attachent à ces personnages. Boys over Flowers a ainsi été distribué en France, au La K-Pop prendra le relai et impulsera l’Hallyu Mexique, au Pérou, en Argentine et au Kenya ; les 2.0. La fèvre Gangnam Style qui a explosé les droits de difusion de Naught Kiss ont trouvé des compteurs de Youtube en dépassant les 2 mil- acquéreurs en Israël ; ceux de Dae Jang Gueam liards de vues n’est que le sommet de l’iceberg. en Roumanie et au Bangladesh. Les stars co- Les Coréens ont défnitivement le vent en poupe. réennes des dramas sont aujourd’hui connues à Les flles du groupe « Girls Generation » ont sus- travers le monde et comptent parmi celles qui sont cité plus de 65 millions de vues sur Youtube avec le mieux payées hors Hollywood. Les fans de dra- leur clip Gee et Kim Jae-jong est suivi par plus mas, conquis par la culture coréenne, sont alors de 730 000 followers sur Twitter. Il est considéré de plus en plus nombreux à visiter le pays. Une comme l’un des plus beaux hommes d’Asie… corrélation a ainsi été constatée entre les expor- tations de programmes sud-coréens et le nombre De nouveau, ce phénomène découle de stra- de touristes étrangers. Entre 2003 et 2004, les tégies complexes et réféchies qui traduisent des contenus médiatiques coréens ont fait un bond ambitions internationales. Les futures stars sont de 70% pour atteindre 71,4 millions de dollars et, recrutées dès l’âge de 12 ans et suivent un entraî- sur la même période, le volume de visiteurs a aug- menté de 32%, passant de 2,8 à 3,7 millions. 19. www.koreanflm.or.kr 20. www.koreanflm.or.kr ANALYSE

nement intense pour devenir de véritables athlètes A travers la K-Pop et les K-Drama, c’est toute artistiques, à la fois chanteurs, danseurs et acteurs. la culture coréenne qui est promue. L’Hallyu 3.0 Une fois sur le devant de la scène, leur image est est enclenché. Un véritable engouement va naître exploitée au maximum. Ces stars sont omnipré- pour elle à travers le monde depuis la gastrono- sentes : elles donnent des concerts, jouent dans mie jusqu’à l’art de vivre. Le kimchi, le kimbap et les dramas, animent des shows font du mannequi- autres bibimbap23 sont aujourd’hui bien connus nat… A l’instar des dramas, le contenu des chan- des cuisines occidentales et leur popularité va sons est fnement étudié pour assurer un engoue- grandissante avec la tendance aux produits ment mondial. Le message confucianiste plaît et est « healthy ». Michèle Obama a même vanté les ver- exportable. Dès lors, tout est calculé pour reféter tus du kimchi sur Twitter ! Le plus grand ambas- ce sentiment d’harmonie propre à l’Asie. Depuis sadeur de la gastronomie coréenne est le chef les paroles chantées sur un fond de mix entre de américano-coréen David Chang, qui propose la J-Pop (Pop japonaise) et de la Pop américaine une cuisine coréenne aux saveurs occidentales jusqu’à l’organisation du groupe (leader plus âgé et multiplie l’ouverture de restaurants. qui joue le rôle de modèle pour les autres membres plus jeunes), Confucius est partout ! La planète mode surfe également sur la vague avec des designers tels que Kathleen Hanhee Kye Cette stratégie paye ! La K-Pop a dynamisé le et Lie Sang Bong, qui déchaînent les passions lors secteur culturel, faisant tripler la valeur des exporta- des Fashion Week. Et les fashionistas s’emballent tions entre 1997 et 2011, qui sont passées de 268 pour les vertus des cosmétiques coréens. Les tou- millions de dollars à plus de 800 millions. Séoul est ristes afuent massivement pour vivre l’expérience aujourd’hui le 2ème exportateur de musique en Asie coréenne, et Séoul devient un petit Hollywood. Le et le 8ème au monde ! United Asia Managament, Korean Wave Express propose un pass TGV pour qui regroupe les six principales agences artistiques se rendre sur tous les lieux de tournage des dra- coréennes (SM, AM, YG, JYP, Star J et KeyEast), mas populaires et visiter le quartier de Samseong- a réalisé un chifre d’afaire de 140,243 millions dong où vivent les stars coréennes. de dollars en 2013, et celui de 2015 est estimé à 277,920 millions de dollars21. Les ventes de produits coréens à l’étranger connaissent aussi une forte hausse. D’après une L’Hallyu, Il est intéressant de s’attarder sur le succès étude menée par la Banque de Corée en 2012, les enjeux de la K-Pop en Amérique latine. En avril 2013, une augmentation des exportations de produits économiques ils étaient plus de 10 000 fans présents à Lima culturels coréens entraînerait une multiplication du soft power pour assister au concert du coréen Super Junior, par 4 des exportations de produits coréens. sud-coréen et l’Argentine est le 5ème demandeur de concerts Cette corrélation s’explique en partie par l’utili- de K-Pop au monde. La pop coréenne modife sation des stars coréennes pour promouvoir les 23 même le paysage du secteur du divertissement marques à l’international. LG a par exemple lancé latino-américain : Caracol TV en Colombie a créé des campagnes de publicité avec le groupe Kara K-Pop Reality Show, une émission de télé-réalité pour ses smartphone Optimus. qui met en compétition des chanteurs de K-Pop. Les groupes de K-Pop feurissent dans la région Dans le cas coréen, le soft power a bien été à l’instar des Warrior Angels en Colombie. Le un smart power permettant de générer des Time, dans un article intitulé « Forget Politics. Let’s revenus gigantesques. Mais Séoul a toujours Dance : Why K-Pop is a Latin America Smash »22, pris garde de ne pas précipiter les choses, de a essayé en 2013 d’expliquer cette frénésie. Il cite difuser petit à petit sa culture en évitant toute Patrick Messerlin qui souligne que ce style musical stratégie pouvant être perçue comme agressive, 24 véhicule l’idée d’une certaine modestie et retenue, afn de préserver son image de « global cool » d’un travail intense et d’un respect de la hiérarchie qui séduit tant aujourd’hui. L’Occident, qui s’est qui séduisent les sociétés latino-américaines. La toujours targué de sa domination culturelle, se musique est aussi un formidable relai économique. voit aujourd’hui progressivement concurrencé En efet, Maristol Espinoza, la vice-présidente du Pérou, reconnaît que la K-Pop a participé au ren- 23. Le Kimchi est le plat de base de la cuisine coréenne, il est forcement des relations bilatérales avec Séoul. composé de chou fermenté aux épices. Le Kimbap est l’un des plats les plus populaires de Corée, il ressemble à un long maki. Le Bibimbap est un plat très connu. Il n’y pas de recette 21. http://www.zonebourse.com/S-M-ENTERTAINMENT- très précise pour le Bibimbap. C’est en fait un mélange de CO-LT-6491662/agenda/ viande, de riz, de légumes sautés, d’un œuf au plat, assai- sonnés au piment. On peut y ajouter du soja, du Kimchi, ou 22. Anjani Trivedi, « Forget Politics, Let’s Dance: Why K-Pop Is encore d’algues… a Latin American Smash »,Time, Aug. 01, 2013, http://world. time.com/2013/08/01/forget-politics-lets-dance-why-k-pop- 24. Désigne le développement du soft power et son intégra- is-a-latin-american-smash/ tion dans une stratégie plus large. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

par un mode de vie résolument coréen dont les ces manifestations « anti Hallyu » au Japon doivent 13 valeurs confucianistes répondent davantage aux semble-t-il se comprendre dans le cadre de mou- attentes de « slow life » (contre-culture prônant vements nationalistes28. une attitude de bien-être et de rythme de vie sain en opposition au mode de vie actuel jugé Ce même rejet se fait ressentir en Chine. Les stressant) et autres tendances « healthy » (mode dramas coréens étaient très populaires dans les de vie sain). années 1990 auprès des jeunes Chinois. Pour contenir cet engouement, le gouvernement de L’Hallyu s’essoufe-t-il ? Pékin a mis des réglementations en place qui encadrent leur difusion. Les médias chinois pour Mais l’expansionnisme culturel du dragon co- leur part multiplient les articles déplorant la mé- réen efraie et les vagues « anti-Hallyu » se multi- diocrité de la culture coréenne. Mais, encore une plient. Cette contestation se traduit, entre autres, fois, le mouvement est davantage alimenté par le par des limitations de difusion comme à gouvernement que par la population elle-même. ou en Chine25, mais aussi par des manifestations au Japon, où les mouvements « anti-Hallyu » ont Pour y répondre, les producteurs coréens été les plus virulents, comme le montre un article envisagent des parades comme le recrutement de CNN26. Cependant, ce rejet de l’Hallyu est en d’acteurs chinois pour interpréter les rôles princi- réalité plus symptomatique de la peur que suscite paux dans les séries. le rayonnement grandissant de la Corée chez ses Malgré ces tendances, le soft power reste au voisins. En efet, elle se place, selon un classe- cœur de la stratégie de Séoul. Une nouvelle stra- 27 ment proposé par Portland Communications , tégie d’« économie créatrice »29 s’appuyant sur en quatrième place des pays d’Asie-Pacifque en les NTIC et la culture a été récemment mise en matière de soft power après l’Australie, le Japon place. Pour répondre à ces ambitions, des fonds et la Nouvelle-Zélande. Sa politique protection- sont massivement injectés avec notamment une niste est aussi contestée et Séoul se voit accusée augmentation de la part du secteur de la culture d’impérialisme culturel. de 1,2% à 2% dans le budget de l’Etat, et 5,12 milliards de dollars alloués en 2014. Les institu- L’Hallyu, Cette vague anti-coréenne est particulièrement tions sont également mises à contribution. Le mi- les enjeux intense au Japon et alimente les rivalités entre les nistère de la Culture, des sports et du toursime, économiques deux puissances. Le manga Ken Kanryu (Vague le ministère du Commerce et les ambassades du soft power anti-coréenne), qui attaque la culture coréenne, ont mis en place des politiques pour soutenir la sud-coréen allant même jusqu’à accuser les Coréens d’avoir volé la culture japonaise, s’est vendu à plus de 300 Hallyu. Des rapports sont régulièrement rédigés 000 exemplaires le mois de sa sortie en 2016 à par des centres de recherche pour optimiser les 24 30 Tokyo. En juillet 2011, l’actrice japonaise Takao- politiques . Le Korea Creative Content Agency ka Soske a écrit sur Twitter que l’Hallyu était à (KOCCA), le Korea Culture & Tourism Institute l’origine de la crise qui touchait le secteur cultu- (KCTI), la Korea Communications Commission, rel japonais et a appelé au boycott des contenus et la Korea Foundation for International Cultural coréens. Il convient de rappeler les tensions entre Exchange (KOFICE) se sont aussi réorganisés les deux pays, depuis la douloureuse occupation afn de mieux comprendre et exploiter l’impact japonaise de la Corée de 1910 à 1945 jusqu’à la économique du secteur de la culture. revendication des îles Takeshima/Dokdo en 2012, Quatre priorités ont été défnies à l’issue du et le scandale autour des « femmes de récon- 5ème séminaire sur l’Hallyu organisé par le KOFICE fort » (terme désignant les femmes qui, durant la en 2015 : Seconde Guerre mondiale, ont été contraintes de se prostituer pour l’armée japonaise). Néanmoins,

28. Yuka Hayashi, « Anti-Korean Voices Grow in Japan », The 25. http://www.koreatimes.co.kr/www/news/ Wall Street Journal, 16 mai 2013, http://www.wsj.com/articles/ culture/2015/06/386_170866.html SB10001424127887324031404578482570250163826 26. http://travel.cnn.com/seoul/life/anti-korean-wave-japan- 29. Depuis 2013, la Corée promeut « l’économie créative » turns-political-141304/ par la mise en place d’un environnement favorable à l’inno- vation et à la prise de risque, et par une politique d’ouver- 27. Portland Communications est une agence de communi- tures de « centres innovants » associant des PME et un grand cation et d’afaires publiques qui a mis en place l’indice « The groupe « Chaebol » dans les principaux secteurs d’activité Soft Power 30 » qui classe les pays en fonction de leur mai- de l’économie. 12 centres sur 17 prévus ont déjà été créés trise du soft power. L’indice se fonde sur six champs d’évalua- (https://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/coree-du-sud). tion : l’engagement à l’international, le rayonnement culturel, le système politique, le niveau d’éducation, l’infrastructure 30. Won, Yong-jin, « Hallyu: Numerous Discourses, One Pers- digitale et l’attractivité du pays (www.softpower30.portland- pective », Asian Journal of Journalism and Media Studies, communications.com/ranking). 2015, http://www.jmscom.org/en/ajjm/pdf/won_yong_jin.pdf ANALYSE

• le développement de nouveaux contenus duits électroniques. En efet, l’infuence diploma- • la protection des artistes (protection contre tique du dragon asiatique devient de plus en plus la copie notamment) prégnante, au travers non seulement de nomina- • l’implication des Chaebols tion de personnalités coréennes à la tête de pres- • le développement d’une infrastructure me- tigieuses institutions internationales mais aussi dia locale pour ne plus dépendre de Youtube. par un activisme en matière de politique d’aide au développement. En 2003, Lee Jong-wook avait Elles ont déjà trouvé des échos. Dans la mu- été élu directeur général de l’OMS. Jim Yong-kim sique, les contenus digitaux sont par exemple est devenu le 12ème président du Groupe de la privilégiés pour soutenir la croissance du secteur. Banque mondiale le 1er juillet 2012 et Kitack Lim L’augmentation des revenus du marché musical a été élu en 2015 au poste de secrétaire géné- en Corée à hauteur 19,2% en 2014 (à noter que ral de l’Organisation maritime internationale pour ceux du marché asiatique ont connu une baisse un mandat de quatre ans. Pour fnir, son ancien de 3,6% sur la même période) s’explique en par- ministre des Afaires étrangères Ban Ki-moon est ticulier par les revenus liés au streaming. l’actuel secrétaire général de l’Organisation des nations unies. Enfn, en 2009, la Corée a été le En janvier 2016, Kakao Corp, l'entreprise 2ème pays asiatique à rejoindre le comité d’aide qui édite KakaoTalk, la populaire application de au développement de l’OCDE. Depuis 2010, la messagerie instantanée en République de Corée, République de Corée mène une politique active annonçait l'acquisition de Loen Entertainment, le d’aide au développement au travers de la Korea groupe qui détient MelOn, la principale plateforme International Cooperation Agency (KOICA). sud-coréenne de musique en téléchargement et en streaming. L'opération serait de l'ordre 1,5 Conclusion milliard de dollars. Véritable renaissance du Royaume du Cho- On peut également rappeler que, depuis son, l’Hallyu a permis la revanche d’un pays dont 2010, la Corée a monopolisé la première place la culture a été annihilée pendant des années. Il de l’index de développement des technologies a transcendé ses objectifs économiques initiaux de l’information et de la communication31 (clas- pour contribuer pleinement à hisser Séoul au L’Hallyu, sement des pays en fonction de leurs résultats en rang des plus grandes puissances mondiales. termes d’infrastructures et d’utilisation des TIC et les enjeux économiques des compétences associées). Malgré les contestations qu’elle peut susciter, du softpower la vague coréenne est loin d’avoir atteint son point sud-coréen Encore une fois, le gouvernement est derrière le plus haut, et le gouvernement est bien décidé à ce succès. Il faut rappeler que la République de exploiter toutes ses potentialités en capitalisant sur Corée s’est dotée d’un Ministère des Sciences, l’avance technologique de ses géants nationaux et 25 des technologies de l’information et de la com- de sa maîtrise maintenant parfaite du soft power. munication, et de la planifcation32 en 2013 pour maintenir son avance dans ce secteur et surfer Néanmoins, si la République de Corée a su sur la vague digitale. s’afrmer sur la scène internationale, elle reste un pays divisé qui devra faire face à de nombreux Les chifres de 2015 tendent à calmer les défs, et notamment à celui d’une possible réuni- Cassandre qui annonçaient l’essoufement de fcation avec Pyongyang, avec qui le dialogue est l’Hallyu. En 2015, les exportations liées à la vague rompu depuis 2013. § coréenne ont représenté 7,03 milliards de dollars (+2,2% y-t-y)33, celles de contenus musicaux ont totalisé 354 millions de dollars (+30,7% y-t-y), celles des dramas et programmes télé coréens 403 millions de dollars (+30,7% y-t-y), les pro- ductions cinématographies, $79 millions de dol- lars (+222% y-t-y).

Par ailleurs, l’expansion de la Corée ne se limite plus aux K-Pop, aux dramas ou autres pro-

31. http://www.itu.int/net4/ITU-D/idi/2015/ 32. http://english.msip.go.kr/english/msipContents/contents. do?mId=Mjgx 33. y-t-y : year-to-year (« d’une année à l’autre »). Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 L’essor des cosmétiques coréens : vers un rééquilibrage de la beauté mondiale

n proverbe coréen dit « la Cette recherche de la perfection L’AUTEUR perfection est un che- cutanée ne connaît pas de limites : U min, non une fn ». Ce les Coréens, de sexe féminin comme Victor Rouault proverbe ne pourrait pas mieux masculin, sont les plus grands Membre du Comité s’appliquer au fameux rituel consommateurs de cosmétiques au Asie de l’ANAJ-IHEDN beauté que s’infigent quotidien- monde. Les produits milieu de gamme Etudiant en Master 2 de nement des millions de Coréens avec leurs prix abordables (de 10 à 20 Relations internationales et Coréennes en quête de ce US$ contre 50 à 200 US$ pour des à l’Université Paris 1 - teint de porcelaine autrefois ré- produits américains) encouragent les Panthéon-Sorbonne servé à la peau asiatique et qui Coréennes à dépenser environ deux En alternance aux rela- tend de plus en plus à s’adapter fois plus en cosmétiques que les Amé- tions institutionnelles de à tous les types d’épidermes. ricaines, et à utiliser en moyenne une Suez R&V. dizaine de produits par jour, soit deux Fameux rituel ? Inconnu il y a à trois fois plus que les Françaises. une décennie, la mondialisation et une jeunesse en quête de consom- La sollicitude des produits cosmé- L’essor des mation et de nouvelles découvertes tiques en Occident, confortée par l’in- cosmétiques ont mis, grâce aux outils contempo- térêt nouveau des hommes à prendre coréens rains de communication combinés davantage soin de leur apparence à l’ancestral bouche-à-oreille, ce (avec notamment les phénomènes dit 26 rituel beauté sur un piédestal incon- du métrosexuel ou de l’hipster), ajou- tournable de la beauté coréenne. tée à la curiosité persévérante des Cette « K-beauty » désigne le ver- Occidentaux pour la culture asiatique, sant « beauté » de la « Hallyu », vague ainsi que l’image d’innovation que re- culturelle coréenne déferlant sur les fètent les entreprises coréennes, ont côtes occidentales. amené ce rituel beauté long et com- plexe à s’exporter mondialement. Les Evoluant constamment depuis chifres donnent le tournis : les expor- le Moyen Age, ce cérémonial est tations de cosmétiques coréens ont aujourd’hui un processus quasi plus que doublé en seulement quatre codifé, suivant un processus com- années, de 1 milliard de US$ en 2012 posé de plus ou moins une dizaine à un record de 2,64 milliards en 2015 d’étapes, du démaquillage à l’hy- d’après le Korean Customs Service2, dratation, suivi à la lettre par les rééquilibrant depuis 2014 la balance Coréens dès leur plus jeune âge. commerciale dans le secteur des pro- Une à deux heures hebdomadaires duits de beauté, désormais excéden- sont ainsi consacrées à porter des taire selon la KITA, la Korean Interna- masques de visage à base d’algue tional Trade Association3. censés hydrater la peau et en élimi- ner les taches1. 2. Korea Customs Service, consulté le 12/04/16, URL : http://www.customs.go.kr/ kcshome/site/index.do?layoutSiteId=english 1. BBC, consulté le 20/03/16, URL : http:// 3. Korea International Trade Association, www.bbc.com/news/business-35408764 consulté le 12/04/16, URL : http://www.kita. ANALYSE

La première destination des exportations co- • massage de la peau, utilisation de patchs et réennes de cosmétiques est les Etats-Unis, où le de masques de visage (à base d’algue), succès de ces produits remonte à 2011, avec le • contour des yeux, lancement américain du concept phare de la BB • hydratation, cream pour « Blemish Balm Cream », baume anti- • crème de nuit. imperfections en français : une crème multifonc- tions popularisée par les marques coréennes. Les nouveaux adeptes (pas encore addicts) Trois années plus tard, le seul marché des BB peuvent également faire un choix dans ces cas- cream aux Etats-Unis est estimé à 164 millions cades de crèmes et autres lotions miraculeuses, US$4 d’après la société de statistiques Mintel5. grâce aux forissants blogs tels que Soko Glam, Peach&Lily ou Glow Recipe, qui mêlent conseils La BB cream incarne pleinement le symbole beauté, forums de discussion, mais aussi es- de la locomotive qui entraîne l’ensemble du train, paces de vente en ligne. Ces blogs et start-ups emportant dans ses bagages le rituel beauté en sont souvent l’œuvre d’Américains d’origine dix étapes, qui a dû s’adapter aux comporte- coréenne, dont certains ont auparavant travaillé ments des consommateurs américains. et appris auprès de grands groupes de cos- métiques occidentaux, avant de se lancer dans La diférence est frappante entre les cérémo- l’aventure de l’auto-entreprenariat7. C’est le cas nials beauté occidental et coréen : le rituel beauté des deux fondatrices de Glow Recipe, qui se sont occidental ne comporte grosso modo que trois rencontrées chez L’Oréal en Corée. étapes, qui sont généralement les suivantes : • l’exfoliation pour enlever les cellules dites Aidés par ces nouveaux sites Internet, les mortes, consommateurs tentent initialement de suivre les • l’assainissement, pour lutter entre autres dix étapes, mais choisissent rapidement celles contre les éruptions cutanées, qui leurs correspondent le mieux ; les étapes ou • l’hydratation. les produits ayant eu un efet cutané visible. De plus, le coût d’achat de cette multitude de pro- C’est bien peu comparé à la dizaine d’étapes du duits importés étant relativement élevé (souvent rituel coréen, qui désoriente facilement les consom- des dizaines de dollars américains par produit), mateurs occidentaux devant tant de procédés et les clients ciblent après plusieurs essais les pro- les centaines de références de produits existants. duits qui leur semblent les plus efcaces. Ainsi, L’essor des Afn d’aider les nouveaux consommateurs après une période d’assimilation des dix étapes cosmétiques à mieux appréhender cette déferlante de « K- et des diférents produits correspondants, la plu- coréens beauty », Charlotte Cho, co-fondatrice de Soko part des consommateurs garde leur propre rou- Glam, blog de e-commerce proposant des pro- tine beauté, enrichie par les gestes et produits 27 duits coréens importés à la vente aux Etats-Unis, coréens qui leur plaisent. a livré à la version américaine du magazine Elle sa Seul hic à ce succès des cosmétiques co- variante du rituel coréen en dix étapes6 : réens : le marché américain de la « K-beauty » est tiré en très grande majorité par les jeunes améri- • préparation de la peau et pré-nettoyage cains d’origine coréenne (voire asiatique au sens • nettoyage de la peau, large) qui se détournent des produits cosmé- • exfoliation de la peau, tiques classiques édités par les grands groupes • renforcement de la peau et préparation aux occidentaux, attirés par des produits novateurs prochains produits, et proches de leurs racines identitaires. • revitaliser la peau une première fois avec un extrait riche en nutriments, En France, le phénomène a aussi fait des • revitaliser la peau une seconde fois en ajou- émules, faisant naître quelques aventures entre- tant une ampoule vitaminée nutritionnelle, preneuriales prêtes à satisfaire une clientèle avide d’exotisme dans un pot de crème. org/about/newsView.do?id=&no=1616&searchWrd=beauty& La plus connue d’entre elles est Erborian pageIndex=1 (dont le nom provient de l’union entre herbes 4. BBC, consulté le 20/03/16 : http://www.bbc.com/news/ et orient). Elle résulte de la rencontre en 2007 business-35408764 entre Hojung Lee, scientifque coréenne, et Kata- 5. Mintel, consulté le 12/04/16, URL : http://www.mintel. lin Berenyi, au fait des savoir-faire cosmétiques com/ français. Le concept est simple : allier les pro- 6. Elle, consulté le 22/03/16, URL : http://www.elle.com/ beauty/makeup-skin-care/tips/g8901/korean-beauty-skin- 7. BBC, consulté le 20/03/16, URL : http://www.bbc.com/ care-routine-10-steps/?slide=1 news/business-35408764 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

priétés singulières des feurs coréennes aux tech- l’un de ses fls, Suh Sung-Whan, qui étudie les 13 niques scientifques françaises afn de reproduire fcelles du commerce. Il rapporte de nouvelles visuellement la beauté de porcelaine coréenne formules de ses nombreux voyages, et se lance chez les femmes caucasiennes. Le succès est dans la conception de crèmes, à l’origine de la au rendez-vous (la marque a été rachetée par le marque Taepyeongyang (dont la traduction an- groupe L’Occitane en 2012), mais reste surtout glaise est AmorePacifc) qu’il fonde en 1945, au européen : si les points de vente se multiplient en lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Europe occidentale, il n’en existe que deux à ce jour en Corée. D’une petite entreprise, AmorePacifc10 est devenu un groupe éponyme d’une trentaine de La deuxième marque à surfer sur la « K-beau- marques, numéro un coréen des cosmétiques et ty » est Leclora, dont l’histoire est liée à celle de 14e mondial, pesant plus de 3,6 milliards d’euros son fondateur. Kim Seung Pil est né à Séoul en de chifre d’afaires et 20 milliards d’euros de ca- 1980, où ses parents le placent en orphelinat. pitalisation boursière (la capitalisation de L’Oréal Adopté deux ans plus tard par un couple fran- s’élève à quelque 90 milliards d’euros pour 25,3 çais, il devient Laurent Marmié. En 2013, il décide milliards d’euros de chifre d’afaires en 2015)11. de retourner à ses origines. Il entreprend alors un La société a été reprise en main par Suh Kyung- voyage en Corée, d’où il revient avec l’idée de Bae, petit-fls de la créatrice des huiles capillaires. fonder une marque de cosmétiques franco-co- réenne. Leclora voit ainsi le jour en 2014 dans la Les marques du groupe AmorePacifc sont région toulousaine. distribuées aux quatre coins de la Corée, dans les grands magasins et galeries marchandes où Laneige ? Un nom certes à consonance bien elles sont présentes grâce à leurs corners. Cer- française, mais une marque 100% coréenne. In- taines marques (Sulwhasoo, Mamonde, Innisfree connue en France, la marque premium du groupe ou Etude House…) sont également distribuées de cosmétiques coréen AmorePacifc s’afrme dans leurs propres boutiques, installées les unes un peu plus comme la nouvelle marque phare de à côté des autres dans les quartiers commer- cosmétiques pour les peaux asiatiques dans le çants des villes asiatiques. monde. Ainsi, après avoir conquis le continent asiatique (Chine et pays de l’ASEAN), Laneige Aussi l’entreprise ne compte-t-elle pas s’arrê- ter en si bon chemin. Après avoir fait ses premiers L’essor des vise désormais le marché américain, où elle mul- pas avec succès en Amérique du Nord, le groupe cosmétiques tiplie l’ouverture de points de vente (environ 70 s’intéresse au marché européen. La numéro un coréens à ce jour) dans les grands magasins tels que Bergdorf Doogman ou Bloomingdales. Même coréen a ainsi racheté la marque française Lolita Sephora (groupe LVMH) élargit au fur et à mesure Lempicka en 1997, puis en août 2011, le fran- 28 la gamme de produits coréens présentés dans çais Annick Goutal, renommé pour ses parfums ses boutiques8 : des produits du groupe Amore- subtils et sa position très haut-de-gamme sur la Pacifc, avec les marques AmorePacifc et Tony marché de la parfumerie, où le groupe n’est que Moly, mais aussi des produits des marques May peu présent. Les maisons françaises peuvent Coop ou encore Too Cool for School. Cette der- alors lui servir de fers de lance afn d’aborder le nière a par ailleurs ouvert ses premiers points de marché européen connu pour sa saturation et de vente français en novembre 2015 aux Galeries permettre une montée en gamme. Il avait bien Lafayette de Paris et Montpellier9. tenté une montée en gamme au début des an- nées 2000 avec sa propre marque AmorePacifc, L’histoire du groupe AmorePacifc est digne mais il s’était vite heurté à la féroce concurrence d’un conte et rappelle celle de L’Oréal. Il faut des marques occidentales très haut de gamme et revenir 80 ans en arrière et imaginer Yun Dok- luxe déjà bien ancrées en Asie. jeong, mère de six enfants, mettre au point une formule à base d’huile de camélia qu’elle vend Le groupe AmorePacifc semble ainsi placer ensuite aux femmes bourgeoises qui l’utilisent subrepticement ses pions en Europe, entre rachat pour se coifer. Un produit issu de l’extraction des de marques confdentielles et développement à propriétés bienfaitrices d’une feur, technique au partir de réseaux de distribution multinationaux, commencement des cosmétiques coréens. Fruit exploitant l’engouement pour la « K-beauty ». du succès, une boutique voit le jour, reprise par

8. Sephora, consulté le 04/04/16, URL : http://www.sephora. 10. AmorePacifc, consulté le 15/04/16, URL : http://group. fr/Marques amorepacifc.com/ 9. Galeries Lafayette, consulté le 04/04/16, URL : http:// 11. L’Oréal, consulté le 15/04/16, URL : http://www.loreal.fr/ haussmann.galerieslafayette.com/la-beaute-fait-peau-neuve/ groupe/nos-activit%C3%A9s/chifres-cl%C3%A9s ANALYSE

Un engouement indissociable de la vague à base de plantes. La marque Mac, du groupe « Hallyu » d’autant plus qu’elle est soutenue par américain Estée Lauder, s’en est par exemple ins- le gouvernement coréen qui prend très au sérieux pirée pour lancer une lotion à base de riz… cet intérêt occidental pour la culture nationale. Les autorités coréennes suivent de près le suc- Les centres de recherche créent alors de cès des entreprises locales à l’international (dont nouvelles formules à base de ces matières inha- celles de cosmétiques), et se montrent actives bituelles dans de tels produits. dans la promotion de leurs produits. La technique du « layering », consistant à Ainsi, la Korean Cosmetic Association (KCA)12, superposer les couches de crèmes, est donc dont la création en 1940 avait alors pour simple bien originaire de Corée. Les cosmétiques co- but de réunir les entreprises et de difuser men- réens ont également mis au goût du jour la BB suellement des publications sur la cosmétique, cream. L’invention est allemande mais sa com- voit en 2002 son importance décoller avec la mercialisation coréenne. La première BB cream a signature d’un accord de partenariat avec son été conçue par le Professeur allemand Christine homologue chinois, la Chinese Cosmetic Asso- Schrammek dans les années 1950 pour soigner ciation. Depuis la KCA multiplie publications, sé- la peau des femmes après avoir subi des opéra- minaires, salons annuels… tions chirurgicales. Le produit, épais, n’est alors utilisé qu’à des fns thérapeutiques. Un derma- Elle est aujourd’hui le principal relais entre les tologue coréen s’y intéresse cinquante ans plus industries de cosmétiques et les autorités co- tard et change la composition de la crème qu’il réennes. En plus de la collecte de données, l’as- allège et parfume : la BB cream est née, et son sociation se charge désormais de représenter les succès en Corée est si fulgurant que les marques industries auprès de l’administration nationale. occidentales lui emboîtent très rapidement le Elle est aussi force de proposition d’évolutions de pas, développant elles-mêmes leurs propres BB la législation, veille à la bonne régulation et au bon cream (Clarins, Lancôme…). déroulement des échanges commerciaux, fournit des instructions quant aux législations nationales Ainsi, le mouvement coutumier de l’innovation sur les exportations et importations de produits cosmétique de l’occident vers l’orient ralentit, les cosmétiques… grands groupes européens et américains s’inspi- rant aujourd’hui de plus en plus des tendances Un nouveau tournant a lieu en 2006 alors que coréennes en matière de produits du visage en L’essor des l’association coréenne inaugure la toute première capacité de s’exporter, les adaptant ensuite loca- cosmétiques conférence commune sur l’industrie cosmétique lement aux exigences et styles de vie des difé- coréens Chine-Corée-Japon, où le thème central abordé rents marchés. est l’évolution des règlementations et du mar- 29 ché des cosmétiques. La formation de ce trip- Les couleurs tendance en Corée comme le tyque des champions asiatiques de la beauté corail débarquent dorénavant en Amérique du ébranle l’hégémonie des groupes occidentaux, Nord et en Europe, développées par exemple incarnée par L’Oréal, Estée Lauder, Unilever et par Yves Saint Laurent (groupe L’Oréal). D’autres, Procter&Gamble, et repositionne plus à l’est le comme Lancôme (groupe L’Oréal), s’intéressent curseur de l’infuence. aux « cushion creams », crèmes infusées dans une éponge que l’on applique délicatement sur la Seul phare d’alors de la beauté asiatique, le peau en tapotant, sensées aider à l’absorption du groupe japonais Shiseido voit son infuence dimi- produit dans l’épiderme13. nuer au proft de nouvelles marques chinoises et sud-coréennes, mêlant culture, innovation, créa- Les masques pour le visage rencontrent par tivité, rapidité. ailleurs un immense succès outre-Atlantique avec des taux de croissance de 40% en 2013 Les laboratoires sud-coréens se veulent à la puis 30% en 2014 aux Etats-Unis. C’est peu dire pointe de la modernité et de la recherche scienti- que le succès est fulgurant, après la longue tra- fque, multipliant les prospections de matières sus- versée du désert des géants des cosmétiques au ceptibles d’être bénéfques à la peau, testant ainsi cours de la dernière décennie, L’Oréal et Estée des matériaux comme le placenta, le fltrat d’es- Lauder ayant auparavant essayé d’introduire les cargot, les champignons, la pomme de terre ou masques aux Etats-Unis et s’y étant alors cassés l’or, mais toujours dans le respect du « Hanbang », les dents quelques années avant. les théories de la médecine traditionnelle coréenne 13. Wall Street Journal, consulté le 22/03/16, URL : http:// 12. Korea Cosmetic Association, consulté le 16/04/16 https:// www.wsj.com/articles/cosmeticsindustryappliesasiantrends- www.kcia.or.kr/ENG/_Document/About/about01.html towest1430838068 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Il est certain qu’un cap a été franchi par les nécessité pour les entreprises coréennes parfois 13 consommateurs occidentaux qui, inspirés par de modifer et adapter leurs produits destinés à leurs propres expériences, une culture person- l’export. nelle ou un voyage, n’hésitent plus à se détour- ner de leurs produits cosmétiques fétiches et à Enfn, la beauté coréenne ne se limite pas aux diversifer leurs routines beauté habituelles. cosmétiques ; elle comprend aussi la chirurgie esthétique. La pratique est tellement courante en Malgré les excellents chifres des exportations Corée que les jeunes flles se verraient ofrir pour coréennes de produits cosmétiques, le marché leur 18ème ou 20ème anniversaire une première européen est encore très fermé à ces types d’im- chirurgie du visage14… La pratique de la chirurgie portations. La réglementation européenne sur les est courante en Corée et aux Etats-Unis. Elle est cosmétiques est en efet très ferme, répondant à cependant loin de faire l’unanimité en Europe… la question de la santé publique qui peut, dans Jusqu’à quand ? § certains cas, constituer une barrière à la vente de produits coréens importés en France (notamment 14. Tchintcha, consulté le 17/04/16, URL : http://tchintcha. ces fameux produits à base d’ingrédients incon- com/la-chirurgie-esthetique-en-coree-du-sud-veritable-phe- nus dans les cosmétiques en Occident). D’où la nomene-de-societe/

L’essor des cosmétiques coréens

30 ANALYSE Korean Contemporary Art

L’AUTEUR e often talk about South of the South Korean Cultural Center Korean soft power and in Paris and events from the Year Erwan Berger its K-Pop and drama; France / South Korea. Membre du Comité Asie W however South Korean art is also de l'ANAJ-IHEDN potteries, paintings, etc. South In the Korean painting, we can Korean cinema, museums, distinguish the painting of lands- contemporary art fairs and inter- capes, the Sansuhwa (san meaning national biennales contribute to ‘mountain’ and su ‘water’), portraits the exceptional active and vigo- and painting of birds and animals, rous artistic scene and cultural Yeongmohwa. dynamism in South Korea. 7000 years BC, Koreans were This paper looks to provide a brief already making potteries from li- overview of the South Korean art mestone. through the eras and then to focus Korea possesses a long tradi- on Korean contemporary art and the tion of landscape painting (Sansu- Korean Korean art market. In this purpose, hwa), tracing back to the tomb mu- Contempo- it mainly relies on two books, “Park rals of the Goguryeo kingdom (37 rary Art Seo-bo” from “Galerie Perrotin” and B.C.–668 A.D.). “Séoul Paris Séoul” from Cernuschi 31 Museum, websites such as Artprice Then, the Goryeo Dynasty or Theartro.kr, but also conferences (918-1392) had an extremely rich production of artistic work, espe- cially pottery, largely infuenced by Chinese tradition. The patronage of the Goryeo's leading families resul- ted in the production of the high quality Buddhist paintings like ref- ned and detailed paintings of Budd- hist saints or monks.

Later, the Joseon Dynasty (1392-1897)1 was a key period in the history of Korean art, since art production was characterized by the infuence of Confucianism. Painting styles of that era tended toward realism. The period from the middle to the end of the Joseon Dy-

1. https://www.metmuseum.org/toah/ht/08/ PARK Seo-Bo,Vue de l'exposition Écriture à la Galerie Perrotin New York, 2015, eak.html & https://www.metmuseum.org/ Courtesy Galerie Perrotin © Galerie Perrotin toah/ht/09/eak.html (Consulted on 2016, April 2nd) Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 nasty is considered as the golden age of Korean commoner2. It shows evidence of the vibrant and painting. Indeed, during this period, the Chinese “Korean” artistic expressions of this period. artistic infuence decreased, allowing the Korean Minhwa art, literally "painting of the people" or art to develop itself into an idiosyncratic way and "popular painting", appeared during this Joseon to distinguish itself. Dynasty. These paintings showed fgures from During the eighteenth century, the so-called folk mythology and legends, symbols of happi- “true-view landscape painting” (jingyeong sansu- ness, wealth and health, and scenes of everyday hwa) was developed, depicting famous sites in life. With the Japanese colonization and the Ko- Korea and the daily lives of people. This was a rean War, Minhwa art declined. But in the 1980’s, shift away from the yangban (ruling elite) to the there was a revival of Minhwa, its interest and popularity still persisting today.

With the Japanese colonization (1910-1945) Exchange with Ms CHUN Sang-a (guest and the Korean War (1950-1953) the traditional curator of the Paris Art Fair 2016) value system collapsed3. Artists looked for a new Since 2011, in parallel of other projects, I have direction in art, and many believed that traditional been curator at the South Korean Cultural Center forms could no longer meet these new emerging of Paris to organize their exhibitions and promote demands. Thus, they looked to the abstract forms the South Korean art, especially exhibitions of and non-traditional expression of international art. promising young Korean artists. Thus, it has been an honour to be proposed as the guest curator of These young artists were attracted by the Art Fair Paris 2016. styles, materials and techniques of the West, these paintings being called later “Soyanghwa”. For this Art Fair Paris 2016, I have tried to ofer Although Soyanghwa was supported by the Ja- the visitors a great overview of the richness of paneses, the colonization imposed isolation and Korean art and its evolution, and so develop their awareness about the Korean contemporary art. In forced Korean artists to turn to Japan. Several this purpose, I have selected South Korean art gal- Japanese artists settled in Korea and educated leries and artists1, including historical artists such Koreans to oil and watercolor paintings. Nume- as Youn Myeung-ro and emerging artists such as rous Korean artists also came to study in Japan Korean KDK (Kim Do-kyun) or Kim Yun Soo, but also and stayed several years in Japan. Contempo- diferent techniques with the use of rice paper, cal- rary Art ligraphy, hanji, photography, video, etc. Last but After 1945, Korea saw the return of traditional not least, these selections also presented features of Korean painting, but the Korean War caused the 32 South Korea such as the partition of the peninsu- excitement of abstract expressionism. la, the tradition that endures alongside modernity and cutting-edge technology, the quest of identity, The second half of the 20th century was dis- the urbanization, etc. tinguished by the development of the abstract. From the late 1950s, real movements of abstract As this is the France / South Korea Year, it is expressionisms emerged as the "conceptualist also important to recall that since the 20’s many sculpture”. This dominant abstractionism after Korean artists have been spending time in Paris. Nowadays, some French artists also go to South the Korean War encouraged the new generation Korea, so the relationship is more balanced. In ad- of artists to bridge the gap between traditional dition, many events are organized in South Korea, Korean art and modern Western art, in order galleries do open and South Korea is becoming a to focus the Korean contemporary art towards recognized art player, thus artists can get an inter- themes that inspired them. It is also referred to national recognition even from South Korea. Korean informal realism. In 1957, the Hyeunn- Dae group or Modern art group was created with On my side, I arrived in France in the 90’s and work on the promotion of Korean art and artists in artists such as Park Seo-bo, Kim Tschang-yeul, France but also on the promotion of some French Lee Ung-no, etc artists in South Korea. It is a daily excitement to work in one of the most popular cities in today’s Under the informal art, the attraction for a art world and participate to the awareness about both tactile and visual way emerged. The Hanji, a Korean art and the strengthening of the art rela- traditional Korean paper material, was then used. tionships between our two countries.

2. https://www.metmuseum.org/toah/hd/kgnr/hd_kgnr.htm 1. http://www.artparis.com/fr/gallery_virtual_visit/D10, but also F9, F10, F11, F12, G1, G2 and G19 instead of D10 (Consul- (Consulted on 2016, April 2nd) ted on 2016, April 2nd) 3. http://www.keulmadang.com/blog/l-art-contemporain-co- reen-charlotte-rolland/ (Consulted on 2016, April 2nd) ANALYSE

CHUNG Chang-Sup,Vue de l'exposition Méditation à la Galerie Perrotin Paris, 2015, Courtesy Galerie Perrotin © Galerie Perrotin

Numerous Korean artists also spent few years of many contemporary Korean artists were spi- in Paris (Kim Whanki, Nam Kwan, Park Seo-bo, rited by the inherited legacy of landscape pain- Korean etc) and even some settled defnitely in Paris (Lee ting (Sansuhwa). Although they recognized the Contempo- Ung-no, Rhee Seund, etc). It is often mentioned intrinsic cultural tradition they shared and their rary Art about a “Parisian boom”. Lee Ung-no even crea- connection with nature, they opted to distin- ted the Eastern Painting Academy of Paris at guish their output with an expansive range of in- 33 Cernuschi Museum in 1964. dividual expressions. We speak about contem- In the 1970s, the Korean artists were no lon- porary Sansuhwa4. ger attracted by liberated forms of expression, Photography really started to be considered but were looking for new directions of expression, as an art discipline in the 90’s. and looked to the abstract geometric forms. This desire to return to the themes and forms of tra- The past few years have seen artists targe- ditional art is recurrent in the history of Korean ting downtrodden, gritty neighbourhoods, with contemporary art. A group of artists wanted to inspiration to shift Korea’s prejudices about restore the values and original forms of Korean these slums by ‘beautifying’ their streets with art. Their desire to reduce contemporary art in colourful murals on fences, walls and houses. its traditional forms was going to draw a minima- Many of these areas are daldongnae (‘moon vil- list and monochromatic movement called Dan- lages’) – a name derived from their hilltop loca- saekhwa (Tansaekhwa). tions, traditionally thought to ofer a better view 5 In 1970, the Gallery Hyunday, the oldest one of the moon than the cities below . It is reminis- in Korea, opened in the “gallery street” within the cent of the trend " urban art / street art " which heart of the art scene of Seoul. Then, in 1973, the other countries have been knowing for several Korean Culture and Art Foundation was created. years and which has taken a real development It became the Art Council of Korea in 2005. 4. http://www.artasiapacifc.com/Magazine/WebExclusives/ From 1980, we started to speak about Ko- ContemporarySansuhwa (Consulted on 2016, April 2nd) rean contemporary art and the Korean art star- 5. https://www.lonelyplanet.com/south-korea/travel-tips- ted to gain an international exposure. The works and-articles/a-guide-to-south-koreas-most-charming-mural- villages (Consulted on 2016, April 2nd) Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

In 1984, some Korean galleries were present in the artistic world and the auction rooms since 13 at the Paris International Contemporary Art Fair 4 or 5 years in France. (FIAC) and in 1986 some Korean artists pres- The Korean contemporary art really took its ented some of their works at the Venice Bien- development in the 80s with a change in the nale. Specialists agree to say that the Korean art culture feld, the social system and the ways really started to assert itself on the international of life and the end of the borders between the scene in the mid 90’s. Ten years later, the deve- various arts (painting, sculpture, photography, lopment of the Korean art scene prompted the etc). Three events6 were going to support this inauguration of the Korean pavilion at the Venice development: Biennale in 1995 and the invitation of South Ko- - The democratic uprising of June 1987, as rea as guest of honour to the 1996 FIAC. the one of May 68 in France Founded in 1995 in memory of spirits of civil - The success of the summer Olympic Games uprising of the 1980 repression of the Gwangju of 1988 which gave confdence to the Koreans Democratization Movement, the Gwangju Bien- - The Korean economic politics supported by nale in South Korea is Asia's oldest biennale the IMF program during the fnancial crisis of of contemporary art. In 1998, the frst auction 1996-1997 company, Seoul Auction, opened in Seoul and Founded in 1983, the Gana Art7 gallery has remained the only one untill 2005 and the ope- the largest foor space in Korea. This gallery has ning of K-Auction. also been hosting since 2001 the yearly Interna- Korea’s premier fair event may be the Korea tional Photo-Media Festival. International Art Fair (KIAF). Launched in 2002, it is the biggest art fair in the country. It takes place 6. https://www.youtube.com/watch?v=lLOEuGCbXBk every fall in Seoul under the auspices of the Gal- (Consulted on 2016, April 2nd) leries Association of Korea. One of its biggest 7. https://www.youtube.com/watch?v=lLOEuGCbXBk features is the selection of a guest country each (Consulted on 2016, April 2nd) year, with galleries from that region invited in. A

Korean Exchange with Mr Musée Cernuschi, Paris, hibition in Paris dedicated exhibited the original foun- Contempo- GATEL Raphaël France (16 October 2015 to Park Seo-bo1. ding members of the group (Director of “Galerie - January 2016). called “Origin”; CHOI rary Art Then, from May 28th to Perrotin” Paris) Myoung-young, SUH In France, even if some July3rd, 2015, we pres- Seung-won, and LEE artists such as Park Seo-bo ented the second solo exhi- 34 While not being planned, Seung-jio. This group has spent some years in Paris, bition in New York dedica- several circumstances have contributed in refreshing the awareness about the ted to Park Seo-bo2. recently contributed to in- and broadening the boun- South Korean contem- crease the interest towards From November 3rd to De- daries of abstract art. porary art is quite recent. South Korean contempo- cember 23rd, 2015, we ex- This explains that Korean In South Korea, you rary art. We can mention hibited Chung Chang-sup, artists’ works are not yet have collectors with deep events such as: displaying his “Meditation” available in the French knowledge, thus they resale - 2011 Guggenheim Mu- series (works begun in the auctions houses such as their pieces of Art between seum retrospective of Lee 1990s that consist of see- Artcurial, Cornette de themselves and not via Ufan, an artist associa- mingly minimalist tableaux Saint Cyr, etc. Indeed, auctions houses. They have ted with Tansaekhwa (or in monochrome tones). they are currently exhi- important collections and Dansaekhwa), bited in some galleries, From January 9th to Fe- sometimes they exhibit - Dansaekhwa, Palazzo at the Korean Cultural bruary 27th, 20163, we them in Museums. Contarini-Polignac, Ve- Center and through some nice, Italy (6 May - 15 Untill now, we had only an events of the France / August, 2015), in paral- ofce in Seoul and were South Korea Year. 1. https://www.perrotin.com/ lel of the 56th Venice presse_expo/CP_Park-SEO- managing it from our gal- Biennale, Within “Galerie Perrotin”, BO_2070_486.pdf (Consulted on lery in . Howe- - Dansaekhwa was also we exhibit artists from the 2016, April 2nd) ver, end of April (2016), we featured at Art Basel frst period. These artists 2. https://www.perrotin. enjoyed the opening of our in Miami Beach and at were born in the frst half com/presse_expo/CP_ gallery in Seoul. Park-SEO-BO_2262_509. London’s Frieze Masters of the 20th century. pdf ?2015092474914. (Consulted (October 2015), on 2016, May 16th) From November 6th to - "From Lee Ung-no to Lee December 20th, 2014, we 3. https://www.perrotin.com/ Ufan: Korean Artists in France", presse_expo/CP_Myoung- pdf ?2016011083834. (Consulted presented the frst solo ex- Young-CHOI_2454_530. on 2016, May 16th) ANALYSE

LEE Seung Jio, Vue de l’exposition Origin à la Galerie Perrotin Paris, 2016 Courtesy Galerie Perrotin © Galerie Perrotin steady rise in visitors number has helped KIAF to In terms of total turnover from art sales, South grow into Korea’s leading art event. Korean auctioneers generated $23.5 million in Korean 2013 (from 878 lots sold) which represents 0.2% Contempo- 8 In 2004, Leeum, Samsung Museum of Art , of total proceeds from Fine art sales in the world rary Art opened its doors in its magnifcent new facility in compared with 3% in 2010. In 20th place on the Hanam-dong, Seoul. global market, Korea is ahead of Spain but very 35 far behind the global leaders of the art market like Christie’s and Sotheby’s have incorporated China and the United States (both posted totals Korean Contemporary art into their sales catalo- above $4 billion in 2013), the United Kingdom gues since 2007. ($2.1 billion) and France ($549 million)9. In 2008, the Espace Louis Vuitton in Paris Only four Korean artists have managed to ge- hosted an exhibition entitled “Métamorphoses, nerate 7-fgure auction results (in dollars) in Seoul. Trajectoires coréennes”. The following year, They are Park Soo-Gun, Whanki Kim, Jung Sup Contemporary Korean art frmly established it- Yi and Lee Ufan. self on the agenda of the globe’s major cultural capitals with a high-profle exhibition in London The combined hammer prices made by Ko- entitled “Korean Eye: Moon Generation”, fruit of rea’s two major auction houses -- Seoul Auction a collaboration between Korean Eye, Standard and K Auction -- jumped twofold from 97 billion Chartered and the Saatchi Gallery. The event was won ($84.731 millions) in 2014 to 188 billion won so successful that it was repeated in 2010 with a ($164.221 millions) in 2015. The two are domi- show entitled “Fantastic Ordinary”. nant in the market, taking about 93 percent of auction sales in Korea. G-Seoul, which was launched in 2011, has stated the goal of becoming a “premium art fair”: Seoul Auction saw its sales soar from 45.6 the number of participating galleries is small, but billion won ($39.832 millions) in 2014 to 108.1 they are assigned relatively spacious booths, with billion won ($94.427 millions) in 2015 thanks to mostly larger, high-ticket items on display. 9. http://www.artprice.com/artmarketinsight/990/Overview+o 8. http://leeum.samsungfoundation.org/html_eng/introduc- f+South+Korea%25E2%2580%2599s+art+market (Consul- tion/welcome.asp (Consulted on 2016, April 2nd) ted on 2016, April 2nd) Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 List of some artists Kyung Soo, LEE Sang (1912-1965), Whan-Ki KIM in 2013 his works generated Hyun, PARK Seung Hoon, (1913-1974), Jung Sup YI the best local artist turnover “Galerie Perrotin”, a French KIM Sohee, NOH Sun- (1916-1956), Ufan LEE total (over $3,6 million from international contemporary tag, WON Won Seoung, (1936 - ). Here under is an 59 lots sold). art gallery having galleries YOON Dorothy. They extract of the Artprice web- w Three 7-fgure (dollar) in Paris, New-York, Hong also exhibit some artists: site from April 2014 that results have been genera- Kong and Seoul, exhi- AHN Chul-hyun, KIM provides some sales fgures. ted for works by Yi Jung bits several South Korean Myeongbeom, BAHK w Soo-Gun PARK’s auc- Sup since 2008, all ham- artists and has dedica- Seon-ghi. tion record currently stands mered in Seoul, including ted several exhibitions to “Opera Gallery”, a French at $5,3 million for a work the 5th best Korean auc- them: CHUNG Chang- international contempora- entitled “A wash place”, an tion result ever recorded (A sup1, PARK Seo-bo2, CHOI ry art gallery, exhibits seve- oil-on-canvas from 1950 bull fetched the equivalent Myoung-young, SUH ral South Korean artists4: that sold at Seoul Auction of $2,9 million on 29 June Seung-won, LEE Seung-jio BAE Joon-sung, BAHK on 22 May 2007 2010 at Seoul Auction) The Gallery “Paris-Beijing”, Seon-ghi, KIM Dong-yoo, behind Park Soo-Gun, w In Seoul, Whan-Ki KIM’s of which a gallery is located KIM Tschang-yeul, LEE Whanki Kim, Andy Wa- record is equivalent to $3,6 in Paris, publishes a book Dong-uk, LEE Jae-hyo, rhol and Gerhard Richter. million (“The Flower and called “New Photogra- LEE Ufan, SEO Young- Jar”, Seoul Auction, 22 May LEE Ung-no6, HAN phy in Korea”3 with some deok, SON Bong-chae, 2007). In 2013, Whanki Mook7, KIM Kwan-ho, photographers such as: SUH Jeong-min. Kim generated the second JOO Kyung, NA Hye-seok, KIM Ayoung, IN Hyo Jin, According to Artprice, the best sales total for a Korean KOO Bon-woong, YOO YOON Jeongmee, KIM most recognized Korean artist sold in Seoul, behind Young-kuk, LEE Jung-seob contemporary artists on Lee Ufan and ahead of are also often mentioned in

1. https://www.perrotin. the international scene, Kim Tschang-Yeul. the main Korean contem- according to their auction porary artists. com/biography-Chang-Sup_ w Lee Ufan – champion of Chung-232.html (Consulted on sales5, are: Soo-Gun PARK 2016, April 2nd) the Mono-Ha group – is one of the most in-demand 6. http://ungnolee.daejeon. 2. https://www.perrotin.com/ go.kr/english/ungnolee/01/un- biography-Seo-Bo_Park-203.html 4. http://www.operagallery.com/ artists at Korean sales, and gnolee.01.001.action (Consulted (Consulted on 2016, April 2nd) ang/artist/ (Consulted on 2016, on 2016, April 2nd) April 2nd) 3. http://www.galerieparisbeijing. +South+Korea%25E2%2580%2 7. http://www.koreaherald.com/ Korean com/fr/publications/ (Consulted 5. http://www.artprice.com/art- 599s+art+market (Consulted on view.php?ud=20120819000226 Contempo- on 2016, April 2nd) marketinsight/990/Overview+of 2016, April 2nd) (Consulted on 2016, April 2nd) rary Art

36 its increased in the share of foreign sales made in - Set the artists’ wages based on their expe- Hong Kong from 34 percent to 60 percent. rience and reputation, - Implement an online service on artwork In 2015, K Auction realized 60 billion won prices similar to the French website Artprice, ($52.411 millions) in combined hammer price, up which will be ofered in three languages, En- from 27 billion won ($23.585 millions) in 2014. glish, Chinese, and Korean, Foreign sales made up 49 percent of the total - Sponsor events like art fairs at home and hammer price. abroad.

The successful sales records are underpinned With this government policy support and the by strong sales of Dansaekhwa market recovery, expectations continue to grow10.

Korea’s art market has been called “local” and At the moment, it is mainly the artists from “limited” when compared to the country’s eco- Dansaekhwa “movement” who are under the nomic scale and the size of its art community. spotlights, artists who were born in the frst half The “Mid- to Long-Term Arts Promotion Plan” of the 20th century. announced by the Ministry of Culture, Sports and Tourism in September 2014 includes a commit- However, there is a longstanding relation- ment to building the market to a scale of KRW ship between France and South Korea on the 630 billion ($550.315 millions) by 2018. art scene. Indeed, as well reminded in the book “Séoul Paris Séoul” from Cernuschi Museum in This plan, which is the very frst of its kind and has an allocated 2015 budget of 7.5 billion won 10. http://eng.theartro.kr/issue/issue.asp?idx=49 ($6.551 millions), encompasses three measures: (Consulted on 2016, April 2nd) ANALYSE

particular, many South Korean artists spent se- French Minister of Cultural Afairs, claimed about veral years or settled in Paris. Lee Ung-no even the beauty of Park Seo-bo’s paintings at the 3rd created the Eastern Painting Academy of Paris at Biennale of Paris in October 1963. Cernuschi Museum in 1964. New artists generations, but also Korean art, The book “Park Seo-bo” from “Galerie Perro- may beneft from and leverage on the increasing re- tin” also well traced back the links of this artist cognition of their elders and on events such as Year with France. It highlights that André Malraux, France / Korea, various gallery exhibitions, etc. §

Korean Contempo- rary Art

37 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 Malaysia, its roots, its pres- ent, its future, its challenges and its plan to achieve its objectives

is Excellency Dato’ Ibrahim elections to the Federal Council INTERVIEW Abdullah, Ambassador of efectively placed Malayan leaders WITH H Malaysia in France, has in charge of their destiny. Under the answered to questions of the Asia dynamic leadership of Tunku, UMNO H.E. Dato’ Ibrahim Committee. He has shared about his and the Alliance, Malaya thus began Abdullah analyse of the economic evolution to move towards independence at a Ambassador of Malaysia of Malaysia, its development targets pace far ahead of the British "time- in France and the cooperation between the table". ln this context, the views of ASEAN members, the environmen- Tunku and UMNO concerning the tal issues and some other topics. Malaya- merger and the Malaysia, its wider Colonial Malaysia Scheme AUTORS Erwan Berger : Peninsular Malaya roots, its became decisive. gained its independence as a present, its Erwan Berger constitutional monarchy in 1957. Initially, Tunku lent support to the future, its Member of Committee In 1965, Singapore withdrew from idea of a Colonial Malaysia Scheme challenges Asia of ANAJ-IHEDN. 1 in 1955 but the idea was actually to and its plan Malaysia, reducing it to 13 states . form a "Greater Malaya", which was to achieve its Could you, please, tell us a bite Romain Bartolo to be established after Singapore, objectives more about Malaysia, its origins, IHEDN Young Auditor its unity, its culture but also its Sarawak, and North Borneo (84th session, Lyon, 2014) had achieved independence. 38 challenges? Member of Committee Asia of ANAJ-IHEDN. HE Dato’Ibrahim Abdullah : The However, in 1956, Tunku was more idea of Malaysia came to fruition in concerned in winning independence 1963 as a culmination of the combi- for Malaya quickly and did not want ned forces of decolonisation and ex- to prioritise the Greater Malaya idea panding South-East Asian nationa- that may derail this priority. But the lisms. On 27 May 1961, Tunku Abdul idea of Malaysia remained alive both Rahman, the then Prime Minister of in the minds of the British and Tunku, the Federation of Malaya, called for and fnally came to fruition in 1963 forging closer political and econo- as a culmination of the combined mic cooperation between Malaya, forces of decolonisation and expan- Singapore, North Borneo, Brunei ding South-East Asian nationalisms. and Sarawak. It is generally taken as the starting point for the formation of Culture Malaysia on 16 September 1963. A myriad of cultures have been mee- The struggle towards Malaya's inde- ting and mixing in Malaysia since the pendence began with the formation very beginning of its history. More of the Alliance Party comprising than ffteen hundred years ago a UMNO, MCA and MIC in 1954 and Malay kingdom in Bujang Valley wel- its resounding victory in the 1955 comed traders from China and lndia. With the arrival of gold and silks, Buddhism and Hinduism also came 1. https://www.fas.org/sgp/crs/row/R43505. pdf and http://www.pmo.gov.my/home. to Malaysia. A thousand years later, php?menu=page&page=1926 Arab traders arrived in Malacca and ENTRETIEN © Naim Fadil

Kuala Lumpur at night. brought with them the principles and practices meticulously. A city like Penang, for example, can Malaysia, its of Islam. By the time the Portuguese arrived in often give one the impression of being in China roots, its Malaysia, the empire that they encountered was rather than in Malaysia. present, its more cosmopolitan than their own. future, its Another example of Malaysia's extraordinary challenges Malaysia's cultural mosaic is marked by many dif- cultural exchange is the Malay wedding cere- and its plan ferent cultures, but several in particular have had mony, which incorporates elements of the Hindu to achieve its especially lasting infuence on the country . Chief traditions of southern India; the bride and groom objectives among these is the ancient Malay culture, and dress in gorgeous brocades, sit in state, and feed the cultures of Malaysia's two most prominent each other yellow rice with hands painted with 39 trading partners throughout history--the Chinese, henna. Muslims have adapted the Chinese cus- and the Indians. These three groups are joined tom of giving little red packets of money (ang pau) by a dizzying array of indigenous tribes, many of at festivals to their own needs; the packets given which live in the forests and coastal areas of Bor- on Muslim holidays are green and have Arab wri- neo. Although each of these cultures has vigo- ting on them. rously maintained its traditions and community structures, they have also blended together to You can go from a Malaysian kampung to a rubber create contemporary Malaysia's uniquely diverse plantation worked by Indians to Penang's Chinese heritage. kongsi and feel you have travelled through three nations. But in cities like Kuala Lumpur, you will One example of the complexity with which Malay- fnd everyone in a grand melange. In one house, sia's immigrant populations have contributed to a Chinese opera will be playing on the radio; in the nation's culture as a whole is the history of another they are preparing for Muslim prayers; in Chinese immigrants. The frst Chinese to settle the next, the daughter of the household readies in the straits, primarily in and around Malacca, herself for classical Indian dance lessons. gradually adopted elements of Malaysian culture and intermarried with the Malaysian community. Perhaps the easiest way to begin to understand Known as babas and nonyas, they eventually the highly complex cultural interaction which is produced a synthetic set of practices, beliefs, Malaysia is to look at the open door policy main- and arts, combining Malay and Chinese traditions tained during religious festivals. Although Malay- in such a way as to create a new culture. Later sia's diferent cultural traditions are frequently Chinese, coming to exploit the tin and rubber maintained by seemingly self-contained ethnic booms, have preserved their culture much more communities, all of Malaysia's communities open their doors to members of other cultures during Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

a religious festival--to tourists as well as neigh- 6) Establish unity clubs in primary and secon- 13 bours. Such inclusiveness is more than just a way dary schools, colleges and public and private to break down cultural barriers and foster unders- universities to foster unity among students. tanding. lt is a positive celebration of a tradition of tolerance that has for millennia formed the basis Whilst national unity is the responsibility and obli- of Malaysia's progress. gation of every individual, political is required to ensure the country is united in making Vision Malaysia's Unity 2020 a reality. The peace Malaysians now enjoy can only be sustained if every Malaysian strives to National Unity is very vital and is the key to Malay- ensure harmony. sia's success. Whether Malaysia will become a fully developed nation by the year 2020 will de- Challenges pend on a number of important factors, the most important being national unity. In 2016, it is apparent that the two major chal- lenges the nation are facing relate to the econo- Unity is the basis of all programmes and activities my on the one hand and integrity on the other. for nation building. Malaysians are conscious of Both have serious implications for national unity their role and contribution towards national unity and social cohesion. which is paramount to the nation's growth and development. National development would not For most Malaysians, the increasing cost of living be meaningful without understanding, harmony, is their greatest worry. In a situation where the goodwill and trust among the multiracial people. nation's revenue has shrunk mainly because of the global fall in oil prices, it goes without saying In this regard, policy makers, planners and imple- that both the public and private sectors will not menters have to be committed to the principle be able to sustain their current level of employ- that their thoughts and deeds would always be ment. Growing unemployment will further erode Malaysia, its guided and governed by the objectives and stan- the economy. While the increasing cost of living roots, its dards of Rukunegara and the sacrosanctity of the and growing unemployment have little to do with present, its Federal Constitution. ethnicity, prevailing economic patterns lend them- future, its selves to perceptions that can impact negatively challenges Another important facet of unity is education. upon ethnic relations. and its plan Education plays a crucial role in sowing the seeds to achieve its of unity among the people particularly among the In situations like this, the media, i.e. both traditio- objectives young generation. ln order to unite the young nal and non-traditional, have a huge responsibility people through education, the following mea- to convey honest, and accurate information to 40 sures need to be sustained and reinforced: the people. They have no reason to play to the communal gallery. Educating the public with facts 1) Ensure that educational programmes and and fgures accompanied by knowledgeable ana- teachers' training at all levels from school to lysis should be their mission. college and university are directed towards national unity. Supporting and strengthening the role of small and medium-sized enterprises (SME) through 2) Enhance the integration of students of va- assistance for research and development, and rious races in co-curricular activities and asso- enabling cooperatives to participate more mea- ciations, in class and at hostels; ningfully in various sectors of the economy 3) Enhance the teaching of universal values and will help ameliorate the situation. Monopolistic local traditions of various races in all schools; strangleholds should be broken. But sustained economic recovery will not be possible unless 4) Reject the formation of race-based clubs or there is a sincere endeavour to eradicate corrup- associations or disallow the conduct of race- tion and strengthen integrity. Corruption not only based activities in schools as well as in public undermines the confdence of domestic and and private universities; foreign investors in any economy but also sub- verts the people's assurance and trust, factors 5) Eradicate inter-racial and intra-racial polari- that afect a government's image and credibility sation among students in primary and secon- and its moral. dary schools; colleges; and public and private universities by implementing activities which EB : In 1967, the Association of Southeast encourage them to interact among each other, Asian Nations (ASEAN) was created around including the sharing of hostels at university; Malaysia, Thailand, Indonesia, Singapore and and Philippines. In 2015, Malaysia was lea- ENTRETIEN

ding the ASEAN. How important is the Asso- I wish to also echo my Prime Minister's call that ciation for Malaysia? there is a need to prioritise the launch of the ASEAN Business Travel Card as well as streng- HE Mr DIA : The short answer is that ASEAN is then ASEAN's internship programmes. As the the cornerstone of Malaysia's foreign policy. Thus name suggest, a business travel card will faci- ASEAN is indeed important to Malaysia. ASEAN litate travel among investors in the region and plays a vital role in propagating peace and stabi- accelerate ASEAN connectivity. Currently, most lity in the region since its inception in 1967. We business travellers may only obtain a two to have always managed to resolve difcult issues four-week temporary visa when travelling to through negotiations and discussions. We have other countries in ASEAN. ASEAN festivals and now moved on from a loosely based organisa- cross cultural ties must also be promoted. The tion to a rules-based organisation in 2007 with governments of ASEAN should ensure that no three community pillars i.e. political and security, student leaves school without having been frst economic and socio-cultural pillars. We have ex- taught about ASEAN's history and its impact to panded ASEAN's role from just addressing the the region. Instilling greater awareness at an early political and security aspects of relations within age will ensure the future generations of ASEAN the region to developing our economies and to appreciate and understand the benefts of being share socio-cultural aspects between the ten in ASEAN. ASEAN Member States (AMS) as well as with its ten Dialogue Partners. Other areas in which AMS need to work towards are the harmonisation of domestic laws so that Some of the notable highlights of Malaysia's the implementation of an ASEAN single market Chairmanship last year were honouring ASEAN's and production base can be realised. There is a individuals and organisations for their community- need to ensure the free movement of goods, ser- building eforts at the inaugural ASEAN People's vices, skilled labour, capital and investments or Awards. Malaysia had also hosted the 1st ASEAN an ASEAN Single Window Gateway. However, at Malaysia, its Entrepreneurship Summit, a week-long assem- present, there are still signifcant non-tarif barriers roots, its bly of 15 000 young entrepreneurs from all over among AMS that afect the daily life and employ- present, its ASEAN. The launching of the GOASEAN TV, a new ment opportunities across AMS. Lastly, I believe future, its English-language, ASEAN-focused travel channel ASEAN should act to fnd solutions to environ- challenges that will serve as a platform for ASEAN member mental problems such as the haze, natural disas- and its plan countries to jointly promote tourism in ASEAN ters including foods and the earthquakes, and to achieve its - both to the world and to each other. The esta- crises of migration. objectives blishment of an ASEAN Micro and SME Growth Accelerator Exchange for SME fnance that is a Internationally, ASEAN needs to act cohesively practical as well as tangible example of ASEAN in a way that makes it plain that together we are 41 making a real diference to the hard-working com- far stronger than as individual nations, and that panies which are the backbone of its economies. others around the world recognise and respect The ASEAN Leaders signed the ASEAN Conven- our rise and what we have achieved so far. That tion Against Trafcking in Persons, and especially includes maintaining peace, security and stability Women and Children that goes to show how im- in the South China Sea. We stress the impor- portant are its women and children in the region. tance of resolving disputes through peaceful means, in accordance with international law In seeing how ASEAN should move forward, at including the United Nations Convention on least from Malaysia's perspective, I believe ASEAN the Law of the Sea3. We call on all parties to should work towards having special lanes for exercise self-restraint, and avoid actions that ASEAN citizens at every international port, road would complicate or escalate tension. That is and airport. This will have a direct impact on the the ASEAN way. To conclude, ASEAN remains people when they travel within ASEAN. This will Malaysia's priority and as I alluded earlier, you address the issue of awareness and how ASEAN will note that ASEAN and Malaysia's history are benefts the people on the street. Something that intertwined for almost half a century and will li- ASEAN still has a lot to do and needs to work on kely be so for the next 50 years. constantly. Again, on awareness, perhaps there should be banners celebrating ASEAN food in EB : 2015 was also the deadline for the cafes, warongs2, food courts and supermarkets. ASEAN Economic Community (AEC). How This will increase the visibility and raise aware- does Malaysia consider the AEC and what ness of the organisation. are the expectations of Malaysia towards

2. https://en.wiktionary.org/wiki/warung 3. This sentence was highlighted by the ANAJ Asia Committee Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

• Inconsistent Regulations and Policies Across Economic Indicators of Malaysia and ASEAN 13 ASEAN Indicators (2012) Malaysia ASEAN • Weak Infrastructure Links Among ASEAN Nations Market Size 30 million 617 million • Diverse Levels of Market Maturity Total Trade US$424 billion US$2.4 trillion • Restrictions on Foreign Investment and La- GDP US$305 billion US$2.3 trillion bour • Shortages of the Right Types of Workers GDP Growth 5.1% 5.7% • Cultural Diversity Across ASEAN

The beneft of the AEC to Malaysia is the intra- AEC? What are the main AEC objectives ASEAN trade i.e. with the Single Duty Free Market which have been already achieved? What is of AMS, which is 20 times of Malaysia's domestic about the new AEC Blueprint4? market, becoming accessible. Furthermore, the region has a vibrant and increasing middle class HE Mr DIA : ASEAN leaders endorsed the AEC population with excellent manufacturing and in- 2015 Blueprint in 2007, which sets out some 600 vestment facilities to export worldwide. ASEAN is initiatives to be implemented. The main objec- also rich in natural resources and human capital. tives of the AEC are to reduce the development gap among ASEAN Member States (AMS); to ln the immediate term, Malaysia would therefore promote equitable and sustainable economic like to see ASEAN addressing the following: growth in the region; and to enhance connecti- • Working on structural and regulatory barriers vity towards a highly integrated ASEAN. Some of and instituting greater trade facilitative mea- the notable achievements are that approximately sure; 96% of import duties have been removed on all • Promoting investment in the services sector goods traded within ASEAN. However, as with Malaysia, its by streamlining domestic regulations and re- the other blueprints and the establishment of the roots, its moving impediments; Community at the end of last year does not mean present, its • Promoting new and improving infrastructure that all the work is done. Actually these action future, its facilities; lines are still work in progress. challenges • Enhancing fnancial services liberalization; and its plan • Promoting the adoption of new technologies For example, in some ASEAN countries, compa- to ensure sustainable development; to achieve its nies have also begun using a "self-certifcation" objectives • Adopting a regional comprehensive IPR (Intel- system that streamlines tarif procedures but lectual Property Rights) and competition poli- other AMS still needs to put in place the relevant cies; and 42 infrastructures to do so. Agreements are also • Strengthening human resource development being drawn up to enable engineers and other and enhancing greater mobility among skilled professionals to move freely within the region for workers in the region. employment without having to go through com- plicated visa procedures. The ASEAN Business The AEC Blueprint 2025 comprises fve interre- Travel Card is such a collaboration that would lated and mutually reinforcing characteristics as make investors freely travel in ASEAN. follow: • A highly integrated and cohesive economy faci- ASEAN’s economic integration has created op- litating the seamless movement of goods, ser- portunities for Malaysian businesses in Agricul- vices, investment, capital, and skilled labour wit- ture, Mining, Real Estate, Healthcare, Tourism, hin ASEAN in order to enhance ASEAN's trade Aviation, Education, IT & Telecommunication, and production networks, as well as to establish a Energy, Banking and Manufacturing. ASEAN's more unifed market for its frms and consumers; pace of economic integration has to be acce- • Competitive, innovative and dynamic ASEAN lerated to tap on these opportunities. However, focusing on elements that contribute to increa- ASEAN still continues to face many challenges sing the region's competitiveness and pro- which must be overcome through deeper inte- ductivity by: (i) engendering a level playing for gration. The challenges that ASEAN faces can be all frms through efective competition policy; indicated as follows: (ii) fostering the creation and protection of • Tarif and Non-Tarif Barriers and Local Pro- knowledge; (iii) deepening ASEAN participation tectionism in GVCs (Global Value Chains); and (iv) streng- thening related regulatory frameworks and ove- rall regulatory practice and coherence at the 4. http://www.asean.org/storage/images/2015/November/ regional level; aec-page/AEC-Blueprint-2025-FINAL.pdf ENTRETIEN

Mulu Caves in Sarawak. Considering Muluís unique scenery and its biological signifcance, it was successfully listed as a World Heritage site in November 2000.

© DR • Enhanced economic connectivity and sec- strategic engagement to pursue economic Malaysia, its toral integration through enhanced economic partnerships with emerging economies and/or roots, its connectivity involving various sectors, namely, regional groupings; (v) continue strongly sup- present, its transport, telecommunication and energy, in porting the multilateral trading system and acti- future, its line with and in support of the vision and goals vely participating in regional fora; (vi) continue challenges of the Master Plan on ASEAN Connectivity to promote engagement with global and regio- and its plan (MPAC) and its successor document, as well as nal institutions. to achieve its to further integrate and cooperate in key sec- objectives tors that complement existing eforts towards RB/EB : Malaysia is part of the countries creating an integrated and sustainable eco- which signed the Transpacifc Partnership 43 nomic region, with the aim to maximise their trade agreement (TPP)5. What are the ex- contribution in improving the overall competi- pectations of Malaysia towards this agree- tiveness of ASEAN and strengthening soft and ment? Do you foresee any impact on Malay- hard networks in the region; sia’s trade relationships with China? Only a • Resilient, inclusive and people-oriented, part of the ASEAN members are involved in people-centred ASEAN through enhancing this agreement, thus is there any foreseen "Equitable Economic Development" by: (i) impact within ASEAN members? strengthening the role of Micro, Small and Me- HE Mr DIA : Malaysia views the TPP as an im- dium Enterprises, (ii) strengthening the Role of portant initiative as it seeks to expand market the Private Sector, (iii) promoting Public-Private access opportunities, enhances our competi- Partnership, (iv) narrowing the Development tive advantage, builds investor confdence in the Gap and (v) enhancing contribution of stake- country which draws foreign investments and holders on regional integration eforts; and builds capacity through FTAs. • Global ASEAN through continuing the work towards integrating the AEC into the global Consultations with various stakeholders have re- economy by: (i) Developing a more strate- vealed an increasing need by Malaysian compa- gic and coherent approach towards external nies for more open markets and trade facilitative economic relations; (ii) continue to review and measures. Malaysian products have met world improve ASEAN FTAs (Free Trade Agreement) standards and are able to compete at the global and CEPs (Comprehensive Economic Partner- ship); (iii) enhancing economic partnerships with non-FTA Dialogue Partners; (iv) engaging 5. http://www.themalaymailonline.com/malaysia/article/ with regional and global partners to explore malaysia-finally-signs-ambitious-trans-pacific-partnership- agreement Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 World Bank Ease of Doing Business Report 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Malaysia's Ranking 21 25 34 20 23 21 18 12 6 17* 18* *The drop in ranking is due to a change in methodology, where some indicators had wider scopes while some others were either updated and/or revised.

level. Malaysian companies are also increasingly While acknowledging these benefts, the govern- becoming global investors and they require a ment will ensure that the cost to the government level of transparency and predictability that can will not outweigh the benefts. The government only be guaranteed efectively through binding will continue to strongly protect Malaysia's inte- agreements like FTAs. rest in this important negotiation. We will not sacrifce the right of the government to continue There is also interest from foreign companies in to chart our own course in pursuit of economic non-TPP countries that are increasingly explo- growth, socio economic restructuring and deve- ring Malaysia as a base of their operations to loped nation status. enjoy the benefts of the TPP. ln addition, there are Malaysian companies that export to the US We will embrace the positive proposals in the ne- and Canada who are increasingly interested gotiations while fnding ways to address the dif- to see the negotiations concluded, especially cult issues in a manner that brings about beneft since the graduation of Malaysia from the list of for Malaysia and its people. countries that enjoy from the General System of Preferences {GSP). There have been concerns raised by certain Malaysia, its organisations on Malaysia's participation in the roots, its The TPP will also allow Malaysia to continue to TPP. The government has been engaging stake- present, its be an integral part of the deepening economic holders, both from the business sector and the future, its integration taking place within the Asia Pacifc non-governmental organisations, to update and challenges region including ASEAN, but also enable Malay- explain to them the positions taken and how and its plan sia to engage in a more concrete way important Malaysia is dealing with issues of concern in the to achieve its trading partners such as the US, Canada, Mexico negotiations. objectives and Peru, with which we currently do not have any structured framework, such as trade agree- EB : Malaysia is also involved in the Regio- ments. As a member of the TPP, Malaysia will nal Comprehensive Economic Partnership 44 6 also be able to participate as an important link in (RCEP) . What does Malaysia expect from the whole regional supply chain including China. these trade agreements? Europe and Malay- In my opinion, it will enhance as well as provide sia have engaged discussions about a Free positive impacts to trade links between Malaysia- Trade Agreement. What do you expect from China and Malaysia-ASEAN. this agreement?

ln the long run, the TPP will bring benefts of HE Mr DIA : The RCEP will allow a more com- lower cost of goods and more efcient produc- prehensive economic integration within the tion by taking advantage of the competition and region in addition to TPP. This is important to economies of scale. The successful conclusion strengthen Malaysia's foothold as a trading of the TPP will form an unprecedented market nation globally. ln 2013, Malaysia's trade to of 793 million people, with a combined GDP of RCEP members covers 63.24% (USD434 bil- USD27.5 trillion. This far surpasses the limited lion) of the nation's global trade. RCEP also domestic market of 29.5 million people and a aims to simplify and harmonize the current GDP of USD 300 billion in Malaysia. With the ASEAN+1 FTAs. Currently ASEAN+1 FTAs im- TPP, we aim to open up new market opportu- plement different rules and procedures. This nities and horizons for Malaysians to go on the has resulted in difficulties to utilize the FTAs ofensive and take advantage of the international especially for SMEs. Through better gover- market place. 6. https://www.mti.gov.sg/MTIInsights/SiteAssets/Pages/ The TPP will provide such an opportunity to a FACTSHEET-WHAT-YOU-NEED-TO-KNOW-ABOUT/ seamless market with preferential access, far Factsheet%20on%20RCEP%20(June%202014).pdf and beyond our population and also provide invest- http://economictimes.indiatimes.com/news/economy/ ment opportunities globally and regionally. foreign-trade/rcep-may-turn-into-a-reality-soon-mea-secre- tary-anil-wadhwa/articleshow/51023553.cms ENTRETIEN

IMD World Competitiveness

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Malaysia's Ranking 22 23 19 18 10 16 16 14 12 14

nance and risk management, the RCEP is en- per capita from 3 150 USD in 1990 to 7300 visaged to create a more conducive business USD in 2014. Dato’ Sri Najib has launched environment. the Economic Transformation Programme (ETP)7. Could you, please, tell us more about Integration of businesses in the region through this programme and share what has already the global supply chain will increase the region's been achieved? How does this programme attractiveness as an investment destination. The deal with the foreign companies and make involvement of India and China in RCEP will allow them invest in Malaysia instead of any other better access to these markets. These develo- countries in Southeast Asia (SEA)? ping economies ofer huge potential for Malay- sian businesses to tap into opportunities provi- HE Mr DIA : The Economic Transformation Pro- ded through the FTA. The Minister of International gramme (ETP), which was launched in 2010, is a Trade and Industry (MITI) Datuk Seri Mustapa Mo- focused, inclusive and sustainable initiative that hamed is confdent that RCEP will be concluded will transform Malaysia into a high-income nation by end of 2016. At the 11th round of negotiations by 2020. The ETP was designed to create a more in Brunei, all 16 countries wanted the outstanding diversifed and resilient economy. issues resolved and concluded by year end. The RCEP comprises ASEAN countries plus India, The ETP is anchored by two pillars, Focus and China, Republic of Korea, Japan, Australia and Competitiveness. The Focus Pillar is operatio- Malaysia, its New Zealand. nalised through 12 National Key Areas (NKEAs) roots, its while the Competitiveness Pillar covers 6 Strate- present, its As to the Malaysia and European Union (EU) gic Reforms Initiatives (SRIs). The 12 NKEAs are future, its Framework Agreement on Partnership and expected to be driven by the private sector while challenges Cooperation (MEUPCA) which Malaysia initial- the SRIs are designed to boost Malaysia's global and its plan led on 6 April 2016, I am of the view that it competitiveness. to achieve its covers a broad spectrum of common interest objectives in economic and non-economic sectors for The goals of ETP to be achieved by 2020 were as follows: Malaysia and the EU. It serves as a catalyst to 45 the strengthening of bilateral relations between • GNI per capita of US$15 000; Malaysia and the EU and the enhancement • Job creation of 3.3 million jobs; and of cooperation in wide-ranging areas inclu- • Investment of US$444 billion. ding political relations, trade and investment, energy, transport, agriculture, fnance, mari- 7.http://www.pmo.gov.my/home.php?menu=page&page time afairs and other areas through dialogue =1926 and http://etp.pemandu.gov.my/ and exchanges of information. As such it is an umbrella agreement that will pave the path for the conclusion of other agreements.

The conclusion of the MEUPCA will provide for Malaysia to pursue the Malaysia-EU Free Trade Agreement (MEUFTA) negotiations which will al- low Malaysia to take advantage of the EU market estimated to be worth more than USD40 billion. MEUFTA would give access to Malaysian pro- ducts and services in the EU's huge market base of 500 million people. No doubt, the EU could be the number one platform to get Malaysia integra- ted into the global economic chain with TPP and RCEP as well.

EB : In the past decades, Malaysia has known a great development, getting its GDP Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Major ETP's Achievement in the past 5 years on new foreign unit trust management compa- 13 (2010- 2015) nies entering Malaysia, the removal of the manda- • ln 2015, Key Performance Indicators (KPIs) tory credit ratings, the liberalisation of equity sha- of the ETP's National Key Economic Areas reholding for credit-rating agencies and allowing (NKEAs) recorded 111 per cent achievement; full foreign ownership of international credit-rating • Gross National Income per capita rose by agencies in the market. With all these pragmatic 30.4 percent to RM36 285 (US$ 8 868) in 2015 policies, Malaysia recorded a sustainable trend from RM27 819 (US$ 6 799) in 2010; of net FDI fow amounted USD10 119 million in • A total of 1.8 million new jobs have been 2015 {2014: USD10 799). This shows that inves- created since 2010; tors are still confdent in investing in Malaysia. • Realised investments accelerated with a compounded annual growth rate of 8.3 percent Additionally, international endorsements have also between 2011 and 2015 compared to 5.3 been given to Malaysia. Over the years, Malaysia percent between 2006 and 2010; and competitiveness improves in term of international • Malaysia's ranking improved in the World ranking. Malaysia was ranked 18th “in the "Ease Bank's Ease of Doing Business from 21th in of Doing Business 2016" report by the World 2010 to 18th in 2015. Bank (see p.44). Malaysia was also ranked 14th out of 61 countries in the IMD's World Competi- The ETP is expected to be driven by the private tiveness Yearbook 2015” (see p.45). This refects sector as the engine of economic growth as well the confdence of the international community, as providing the roadmap for the implementation especially the business community, towards the of business opportunities in the key economic business conditions in Malaysia. areas. Thus, Malaysia welcomes investments and joint ventures in the identifed 12 NKEAs areas, es- EB : Malaysia develops its traditional sec- pecially in higher value added industries such as: tors such as tourism, electronics, oil and gas Malaysia, its • Liberalised services subsectors, such as the but also looks to new and advanced sec- roots, its business services, environmental services, tors such as chemistry, biotechnology and 9 present, its educational services, health services, transport aeronautics . How does Malaysia support future, its services and Islamic fnancial products such as and promote these industries? How does challenges the Sukuk8; Malaysia support the creation of Malaysian and its plan • Manufacturing sector, such as higher value- companies and attract foreign companies in to achieve its added activities in fast-growing products seg- these felds? ments for E&E as well as halal products; objectives HE Mr DIA : Malaysia through the Malaysian In- • Agriculture sector, such as higher value-ad- vestment Development Authority (MIDA), the go- ded downstream activities for palm oil, where 46 vernment's principal agency for the promotion of currently exports were concentrated mainly in manufacturing & services sectors has adopted a upstream and low value-added downstream more focused and targeted approach in attracting products; and quality investments. The aim is to generate higher • Mining sector, such as in renewable and sus- economic returns and growth for individuals and tainable energy sectors. the country, creating a lasting impact on the eco- In line with government eforts to attract and retain nomy which would lead to a more attractive busi- foreign investors, the government will continue to ness environment. MIDA adopts an ecosystem provide a conducive investment ecosystem, in- approach whereby concerted eforts have been cluding investor-friendly policies and competitive put in place to promote the entire value chain of investment incentives. These include streamlining industry clusters and enhance delivery enablers existing and introducing new regulations (at fede- to support the value chain. ral and state levels) for greater transparency and To illustrate how this works, I can relate it to how certainty. Malaysia engages with French companies at the The government also implement various reforms moment i.e. by identifying new growth areas within to ease domestic regulations to attract invest- the emerging technologies, high technology, capi- ment as well as to allow investors to continuously tal intensive, high value-added, knowledge-based, grow their businesses. For example, the govern- skills-intensive, export oriented, capital intensive, ment recently announced further liberalisation which among others, provide high income jobs measures to strengthen the economy and pro- for Malaysians, before making an incentive-rich mote investment. This includes lifting the barrier

9. http://www.lemoci.com/wp-content/uploads/2014/06/ 8. https://en.wikipedia.org/wiki/Sukuk MO1971_Guide-Malaisie.pdf ENTRETIEN

ofer. Once identifed, those French companies • increasing access to healthcare services; that are interested can use Malaysia as a base for • introducing an integrated and comprehensive conducting their regional and global operations to social safety net; and manage, control, and support their key functions. • enhancing fnancial and debt management The Principal Hub scheme is intended to comple- programmes. ment and strengthen the country's position as a preferred regional investment destination as well iii. Enhancing delivery system in B40 programmes as cater to the increasing trend of global of-sho- by: ring activities by encouraging foreign companies to • strengthening support to B40 households; leverage on Malaysia's position in the ASEAN and and Asia Pacifc regions. This scheme will also support • complementing the Poverty Line Income (PLI) Malaysia's continuous growth in the services sec- measurement with the Multidimensional Pover- tor as well as positioning Malaysia as part of the ty Index (MPI). global integrated supply chain with the assistance Under the 11MP, eforts will also be accelerated of French companies. to achieve universal access to quality healthcare EB : The Malaysian states do not have the by targeting underserved areas as well as impro- same capabilities and development levels10, ving health system delivery to enhance efciency thus how do you manage these diferences and efectiveness . Access to quality afordable and how do they infuence the ETP and your housing will be further enhanced by expanding politics? and strengthening existing programmes. Housing support will be maintained for the poor, low and HE Mr DIA : As Malaysia is a very open eco- middle-income households, including youths and nomy, it is not immune from the impact of volati- young married couples. lity in the external environment, including a global At the same time, a comprehensive and sustai- slowdown in growth. Malaysia has also success- Malaysia, its fully eradicated absolute poverty (the poverty rate nable social protection system will be established to protect the needs of the vulnerable. roots, its was 0.6% in 2014), so the government is now present, its focusing on the well-being of households with The National Policy on Science, Technology and future, its bottom 40% of income group (B40). Innovation (STI), which was formulated in 2013, challenges The initiatives under the Eleventh Malaysia Plan, charts the directions to guide the implementation and its plan 2016-2020 (11MP) to elevate the livelihood of the of STI in creating a scientifcally advanced nation to achieve its B40 households are as follows: for socio-economic transformation and inclusive objectives growth for all states in Malaysia. i. Raising the income and wealth of the B40 47 households by: ln the 11MP, innovation has been identifed as • reducing school dropouts; one of the game changers to drive the economic • enhancing accessibility to higher education growth towards a developed economy by 2020, and skills training; focusing on both economic and social aspects. • increasing productivity through adoption of Several measures have been outlined in the 11MP modern technology; to enhance the national innovation ecosystem by • enhancing adoption of information and com- strengthening relational capital to foster stronger lin- munications technology; kages, collaboration and trust among stakeholders. • enhancing integrated entrepreneurship sup- One of the important measures is to improve port; collaboration between the industries and resear- • developing community- and social-based chers as well as academicians in promoting the enterprises; use of technology in companies. Research & • incentivising investment in majority B40 development (R&D) output generated from this households areas; and collaboration will assist the industries to produce • increasing wealth ownership through invest- more innovative products, improve processes, ment programmes. technologies, enhance the value chain and solve ii. Addressing increasing cost of living by: the industries' problem whilst it encourages more • strengthening the monitoring and enforce- demand-driven research from the researchers. ment of price control regulations; In terms of the STI governance structure, the • increasing the provision of afordable housing; government has set up the National Science Council in 2015, a single council to oversee all 10. https://www.statistics.gov.my/images/stories/fles/Lates- STI-related matters and set the directions for tReleases/gdp%20negeri/GDP_State2005-2013BI.pdf Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

STI development. With the establishment of a • Modern services 13 research management agency in the future, it will - Islamic fnance act as an operational arm to manage all research, - Information and communication technology (ICT) development, commercialisation and innovation - Oil and gas (R&D&C&I) initiatives to ensure higher return on - Private healthcare investment and optimisation of resources. - Private higher education - Ecotourism ln terms of fnancial assistance, the government is - Professional services also providing funds in the form of grants and soft - Halal industry loans to related ministries, agencies, research institutes, institutions of higher learning and com- • Complex and diverse panies, including small medium enterprises, to - Electrical & electronics manufactured pro- promote R&D&C&I activities from basic R&D to ducts the commercialisation stage. Besides the private - Machinery & equipment fnancial institutions, access to fnancing will be - Chemicals strengthened through venture capitalists and - Aerospace angel investors to widen the fnancial options, - Medical devices reduce dependency on government resources and increase the fnancing of R&D&C&I projects. • Agrofood industries

On the transformation of Malaysia into a Realising the potential of these sectors in trans- knowledge economy, some of the industries forming the country into a knowledge-based eco- being promoted under the 11MP are as follows: nomy, intervention programs will be carried out in the 11MP to accelerate process and product innovation at the frm level to increase producti- © Erwan Berger vity and competitiveness. It is imperative that a conducive environment is in place for domestic frms to move up the knowledge value chain and translate the knowledge into economic wealth.

The 11MP emphasises on driving the knowledge economy by focusing on highly skilled and capable workforce while utilising technology and ICT to drive innovation, creativity and productivity. It is important to equip the workforce with specialised skills to facilitate growth in the various sectors, while inculcating innovation as a culture. This will ensure the nation not only benefts from but also contributes to global advancements. These stra- tegies will give Malaysia a competitive edge in the global landscape through increased innovation and productivity, while catalysing the achievement of an advanced economy and inclusive nation.

EB : In 2013, China frst propagated the idea of a Modern Silk Road. This initiative deals with a Maritime Silk Road and an Econo- mic Silk Road11. It is often mentioned about a high speed railway from China to Singa- pore12. What is the position of Malaysia to- wards these initiatives?

HE Mr DIA : Malaysia is blessed with a strate- gic location along the Straits of Malacca, in its heyday the most important seaborne trade lane

11. http://www.dw.com/en/chinas-ambitious-silk-road- strategy/a-18933290 Petaling Street in Kuala Lumpur 12. http://nextbigfuture.com/2015/03/southeast-asia-regu- lar-and-high-speed.html ENTRETIEN

along the ancient Spice Route, that links East and West trade. This puts it in an excellent position to capitalize on the projected increase in seaborne trade volumes and investment in maritime infras- tructures that will arise from the 21st Century Maritime Silk Road (MSR) initiative proposed by © Hafz Noor Shams China. Under China's economic initiative, "One Belt, One Road", the Chinese Government plans to increase its involvement in Southeast Asia via its investment in the infrastructure and linkages associated with the region.

MSR, a brainchild of Chinese Premiere Xi Xinping, is a strategic proposition to link China with nations along the ancient 12th century Silk Route which acted as the prelude to global trade. The modern day MSR envisions a vast region along the route linked by infrastructures and telecommunication networks that facilitate business to business, business to consumers and people to people connectivity to foster unimpeded trade between The famous Masjid Jamek in Kuala Lumpur. The mosque China and nations along the route and catalyse was built in 1907 and ofcially opened by the Sultan of economic growth, promote peace, prosperity Selangor on 23 December 1909. The Masjid Jamek is the and exchanges within the people in the region. oldest mosque in KL.

Malaysia therefore stems to beneft economically vity and cooperation not only between the two Malaysia, its on China's initiative as it is located in the middle countries but also among countries within the Silk roots, its of the world's busiest shipping lanes and at the Road region. He reiterated that Malaysia's strate- present, its heart of one of world's fastest growing economic gic location provides it with an "incomparable ad- future, its regions. Putrajaya and Beijing are enjoying very vantage" realizing the vision of the initiative. The challenges strong trade, economic as well as cultural ties Malaysian Government believes that the MSR and its plan which are set to strengthen further with the MSR and the Trans-Asian railway will be instrumental in to achieve its initiative. Both sides have signed a fve-year plan expanding the economy and will present new op- objectives to boost bilateral trade value ta USD160 billion by portunities to Malaysia and other countries in the 2017 through the expansion of trade, investment, region. Malaysia should therefore leverage on its 49 tourism, education, fnancial exchanges and in- strengths to play a vital role in support of China's frastructure development between them. China economic initiative, as well as, beneft from the is also expected to open up the ASEAN route opportunities created. of the Trans-Asian Railway aimed at connecting Southeast Asian countries and facilitating the fow The MSR initiative also provides an excellent of cargos between the regions of Central Asia opportunity for ASEAN countries to expedite the and Russia through the Middle Kingdom. establishment of the ASEAN Economic Commu- nity (AEC) to create a unifed marketplace within With Malaysia's premier and the world's 12th Southeast Asia featuring free fow of goods, capi- busiest container port by volume handled, Port tal, labour and information. The region will act as Klang is ideally located to beneft from the growth the starting point for MSR. Chinese entrepreneurs in trade and investment and the huge opportu- can make use of Malaysia's strength of "Going nities arising from MSR. Port Klang has already Global" strategy and use Malaysia as a geta- established strong linkages through 'sister port' way for China through the AEC, discover more relationships / alliances with seven Chinese ports, business opportunities and create win-win situa- namely Shanghai, Ningbo, Guangzhou, Xiamen, tions. Last year, trade between the two countries Dalian, Fuzhou, Beibuwan, Taicang, Shenzhen stood at USD59.12 billion and Malaysia remained and Hainan. This is aimed at fostering and boos- China's largest ASEAN trading partner for seven ting trade, logistics and tourism between Malay- consecutive years since 2008. sia and China. RB : Slowdown of Chinese economy and Oil Malaysia's Minister of Transport Data' Sri Liow prices are impacting Malaysian economy13. Tiong Lai has reiterated the Malaysia's support towards the MSR initiative to boost connecti- 13. http://www.eastasiaforum.org/2016/01/09/can-malay- Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

How does it afect the 2016 budget, and trade partner and ofer opportunities such 13 among all, the defence budget in this period as the maritime silk road14. Thus, how does of strong threats? Malaysia consider these challenges in South China Sea? Could there be a common po- HE Mr DIA : I always believe that we must fnd sition of the ASEAN members towards this opportunities in the face of threats. The econo- confict? What is the impact of this confict mic slowdown in the region will of course afect on the ASEAN members relationships? How the economies of any country and Malaysia is no do you consider the involvement of external diferent .The Prime Minister on 28 January 2016 countries such as Japan, the United States, made a revision to the 2016 budget and these the European Union? recalibration would be more "realistic" to suit the present economic situation. HE Mr DIA : Malaysia-China bilateral relations have been described as its best in history. lt has As you would be aware that when the Prime been elevated from "Strategic Cooperation" to Minister announced the RM267 billion budget a "Strategic Comprehensive Partnership" during for 2016 last October, RM7 billion less than what the Ofcial Visit of President Xi Jinping to Malay- Malaysia had allocated in 2015, it was based on sia in 2013. In 2014, Malaysia and China celebra- the oil price hovering approximately USD40/bar- ted the 40th Anniversary of the establishment of rel and Putrajaya had based its projections on Diplomatic Relations. YAB Dato' Sri Mohd Najib a USD48/barrel price. The price per barrel had Tun Abdul Razak, Prime Minister of Malaysia un- since dropped to around USD30/barrel. Despite dertook an ofcial visit to China from 28 May- 1 the necessity to recalibrate the Budget, however, June 2014 to commemorate this celebration. The the Prime Minister announced the government momentum of the close relations between both remains committed to reduce the defcit to 3.1% leaders are continued with the attendance of of GDP, while government debt is still manageable Premier Li Keqiang during 27th ASEAN Summit Malaysia, its at 55% of the GDP. It is expected that Malaysia's and Related Summits in Kuala Lumpur and his roots, its economy will remain stable for 2016, with a pro- Ofcial Visit to Malaysia on 23 November 2015. present, its jected growth of 4 to 4.5%. Infation is expected During this ofcial visit, both leaders witnessed future, its to hover within the safe zone of 2 to 3%. the signing of eight Memorandum of Understan- challenges It is only pragmatic and realistic that Malaysia dings between the two governments and a joint and its plan makes this recalibration to match the challenges statement was issued. to achieve its facing global markets as well as continue working objectives Economic and trade relations between Malay- to remain competitive and attractive to inves- sia and China have also grown from strength to tors. ln the end, these changes must beneft the 50 strength, contributed by healthy and close politi- people. The people of Malaysia must be the focus cal and business exchanges at the highest level. as well as priority of these initiatives as they are China was Malaysia's largest trading partner in the heart and soul of the country. 2015, a position maintained since 2009. Trade As to defence spending, I would like to hi- with China accounted for 15.8% of Malaysia's ghlight that Malaysia's expenditure on defence total trade in 2015, amounting to USD59.12 bil- has always been very modest and is based on lion (RM230.89 billion), an increase of 11.1% (in a percentage of annual government expendi- Ringgit terms) from 2014. China was also Malay- ture rather than on GDP or GNP. Therefore the sia's largest source of imports at RM129.36 bil- defence budget depends on the afordability of lion (USD33 .14 billion), an increase of 12.0%, the government and is not pegged otherwise. and second largest export destination with ex- Based on previous years' defence expenditure, ports valued at RM101.53 billion (USD25.98 bil- Malaysia's defence has always remained below lion), an increase of 10.0% from 2014. Malaysia 2 percent of the country's GDP. The fact that the hopes that both sides would refrain from taking defence budget is not pegged to the GDP or the measures that may hinder trade. The role of the GNP of Malaysia means that there is greater fexi- government authorities should be to facilitate and bility in the allotment of funds in the event of any not to create unnecessary barriers to trade. new and imminent threat to the territorial integrity The maturity of the bilateral relations has seen and safety of the country. dialogue at various levels between Malaysia and RB/EB : China’s South China Sea intrusions China. Both sides have always underscored the have been more frequent over the past years. importance of peace and stability in the region. On the other hand, China is Malaysia’s major 14. http://english.mofcom.gov.cn/article/newsrelease/signif- sia-revive-its-economy-in-2016/ cantnews/201509/20150901112394.shtml ENTRETIEN

As such, any issues that may arise in the South It is easy for the media to make its assessments China Sea will be brought for discussions and ne- and evaluations but to me, it is more important gotiations at the various levels from ministerial to to fnd an enduring solution to the crisis. Peace ofcials. This serves as a platform for continuous and stability in Syria must be the core priority of dialogue despite the challenges and diferences. the international community to achieve. The lon- ger the confict, the more difcult it will be to fnd In ASEAN, the main concern for all ASEAN compromises between the various actors. ln my Member States (AMS) is the recent and ongoing opinion, divides based on religion are never a las- developments in the South China Sea and the ting solution. We need to work together, putting early conclusion of the code of conduct between aside religious and political diferences, focussing ASEAN and China. Recently, some AMS have on rebuilding and ensuring everyone is given a expressed concern on the land reclamations and voice. It is hoped that the voice of moderation will escalation of activities in the South China Sea gain traction and slowly but surely drown out the and that continuing Chinese activities have ero- voice of extremism. Managing perspective and ded trust and confdence, increased tensions and understanding the dynamics of the political divide may undermine peace, security and stability in in Syria is key to success. The key would be sin- the region. Not all AMS share the same concern cerity and building confdence. Trust is in defcit and it is difcult to get a strong view on this as and this needs to be addressed. My country has there are diferent levels of engagement and ties also expressed concern that instead of building between AMS and China. confdence to encourage the parties to the talks, there has been a sudden increase in aerial bom- I believe that external parties' involvement to the bings and fghting on the ground. negotiations as well as discussion would only add to the already tensed situation with China. As you would know, ofcially, Malaysia maintains However, at the same time, you cannot dismiss a policy of non-interference in the domestic afairs the role of Japan and the US in the region due to and respect for the sovereignty and territorial inte- Malaysia, its their proximity and strategic interest which afects grity of another country as stated in the Charter roots, its their freedoms of navigation and overfight as well of the United Nations. Malaysia in addition to the present, its as safety concerns over the disputed area. For current setback in the Geneva talks, calls for the future, its the EU, I would hazard a guess that due to the unhindered, unconditional and sustained huma- challenges distance, the only interest it would have relates to nitarian access to remain unheeded. Malaysia ap- and its plan shipping routes as well as its sizeable investments preciates all of Mr. Stafan de Mistura's initiatives to achieve its within the region. A destabilised Southeast and and eforts to listen to the views of all the par- objectives East Asia region would not be good for all parties. ties to the confict as well as other stakeholders. Malaysia calls for a proposal on how to move RB/EB : You have been Ambassador in Syria. 51 forward in fnding a political solution to the Syrian Thus, what is your position on the current confict that can be expedited. situation? Malaysians are also joining the so called “Islamic State”, Malaysia is under EB : In 2015, a global ranking about educa- terrorism threats15 and Malaysian Govern- tion placed Malaysia at the 52nd position. ment passed a law on April 2015 against ter- On the same year, Malaysia released its rorism16. What is the approach of Malaysia education blueprint for 2015-202517. How is regarding these threats? How would this ap- education considered in Malaysia and in the proach be diferent than some countries in Government’s budget? Would you share the Europe? How can Southeast Asian countries main stakes of this blueprint? and European countries cooperate on terro- rism? HE Mr DIA : Education is a major contributor to the development of our social and economic capi- HE Mr DIA : Personally, my views are as fol- tal. It inspires creativity and fosters innovation; pro- lows: It is sad to see a country like Syria under- vides our youth with the necessary skills to be able going this still unfolding tragedy. It is never easy to compete in the modern labour market; and is to identify the real cause or why certain events a key driver of growth in the economy. ln order to develop in such a manner that leads to violence. place Malaysia frmly on the path of achieving its fully developed nation status by 2020, the Malay- sian government has put in place measures under 15. http://www.japantimes.co.jp/news/2016/01/25/asia-pa- the New Economic Model, Economic Transforma- cific/malaysia-seized-7-suspected-islamic-state-followers- groups-infuence-grows/#.VwWIZPmLTIU 16. http://www.wsj.com/articles/malaysian-parliament- 17. http://monitor.icef.com/2015/11/internationalisation- passes-anti-terrorism-bill-1428387620 continues-to-shape-the-malaysian-education-brand/ Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 © Stefan Fussan operational changes in the ways the Ministry 13 implements its policies. Collectively, all the shifts address the main concerns of the public regar- ding English education.

EB : According to the EF study about English profciency, Malaysia ranks #2 in Asia, and #14 within the 70 countries studies by EF18. What is the place of international within the Malaysian’s education? What is about the relationships between France and Malaysia regarding education?

HE Mr DIA : Shift One in the Malaysia Educa- tion Blueprint (2013-2025) focuses on providing equal access to quality education of an interna- tional standard to Malaysian students. This is a twelve-year plan in which the Ministry of Educa- tion hopes to achieve the following:

The Rafesia is a fower that blooms in Borneo. The 1. Benchmark the learning of languages to inter- fower blooms regularly at Gunung Gading National Park in national standards with every student receiving Sarawak, on the slopes of Mount Kinabalu, and the interior strong grounding in literacy. Students are taught of Sabah using a curriculum benchmarked to standards of high performing education systems, and vali- tion Plan and Government Transformation Plan to dated by independent parties to build the com- Malaysia, its ensure that this will be achieved and one of the munities confdence in Malaysia's English prof- roots, its key focus areas is ensuring the education system ciency; present, its continues to progress in tandem. By doing so, our future, its country will continue to keep pace in an increasin- 2. Launch a new language curriculum which is challenges gly competitive global economy. embedded with a balanced set of knowledge and and its plan skills such as creative and critical thinking, inno- to achieve its Malaysia has always allocated a high percentage vation, problem solving and leadership in line with objectives of its budget to education. ln 2016, for example, the needs of the 21st century. This new curricu- 20% of Malaysia's total budget was for education lum will also support and accelerate learning pa- 52 and the development of educational services. thways for high performance in ; The main aim of the Malaysian Education Blue- print (Higher Education) 2015-2025 is to prepare 3. Revamp assessment system to gradually in- the country's tertiary education to meet the chal- crease higher order questions. The Blueprint as- lenges of the future. The blueprint rests on three pires to include 80% higher order questions in the pillars- talent, benchmarking and balance. This primary national assessment, 80% in its Form 3 includes generating talent in order to have Malay- central assessment and 75% in the Form 5 public sians who are globally competitive, benchmar- examination. Students will be trained to think criti- king them against international standards, and cally and apply knowledge in diferent settings; and producing graduates who are well-rounded and 19 balanced, and able to use their knowledge for the 4. Strengthen STEM (Science, Technology, greater good. Engineering and Mathematics) education by revi- sing its curriculum and assessment. To this end, The main aim of the Malaysian National Educa- Malaysia hopes to introduce top-up curriculum tion Blueprint 2013-2025, on the other hand, is to modules to address the largest content and skill transform the national education system to be on gaps amongst students identifed in the TlMSS20 par and comparable to that of developed nations, (Trends in lnternational Mathematics and Science through the realization of its eleven shifts. The ele- Study) and PISA21 (Program for International ven shifts help to deliver step by step changes in Student Assessment) assessments. the outcomes of the Malaysian education system. These shifts address the fve system outcomes 18. http://www.ef.fr/epi/regions/asia/malaysia/ within the Blueprint which are access, quality, 19. http://www.stemedcoalition.org/ equity, unity and efciency. Some of the shifts represent the changes in strategies and direc- 20. http://timssandpirls.bc.edu/ tions for Malaysian education. Others represent 21. https://www.oecd.org/pisa/ ENTRETIEN

Shift Two focuses on ensuring that every Malay- Jacques Chirac and YAB Datuk Seri Abdullah sian child is profcient in Bahasa Malaysia and Ahmad Badawi and the organisation of Malaysian- English language as well as encouraged to learn French Technical Committees further enhanced an additional language. The Ministry's imme- the proposed cooperation, which culminated with diate priority is to boost students' profciency to the creation of the Malaysia-France University achieve 100% basic literacy by upskilling prof- Centre (MFUC) on 27th April 2006, a joint body to ciency of English teachers against international foster links in the feld of Higher Education. Malay- standards for English language profciency. The sia intends to create a knowledge-based economy standards are benchmarked against the Com- or k-economy by 2020. With 21 public universi- mon European Framework of Reference (CEFR). ties, 23 private and 5 International University cam- puses, the Malaysian government has decided to In 2012, the Ministry conducted a CPT testing for diversify its collaborations and thanks to the wide 61 000 English option and non-option teachers range of French educational ofer as well as the as well as ELT ofcers. The results showed 75% reputation of competencies in many felds from of the teachers (24 000 English option teachers) arts to sciences, Malaysia is very keen to develop were at Band B level of the CEFR. In 2013, the more and more collaborations with France to fulfl Ministry announced a minimal of Band C1 prof- these objectives. ciency level for all English language option tea- chers. In order to assist teachers on Band B to EB : Malacca is known for its cultural heri- attain C1 level an intervention programme was tage. Could you, please, comment on the developed. This is the Professional Upskilling cultural heritage of Malaysia and the way of English Language teachers (Pro-ELT) pro- Malaysia promotes culture? gramme. The Pro-ELT is an initiative in the Blue- print. From 2012 to 2016, 15 500 English option HE Mr DIA : Heritage in Malaysia is about history teachers have been trained on Pro-ELT. 3 000 and culture combined and evolves through time. It more teachers will be trained until 2019. Out of is what gives Malaysians a sense of belonging and Malaysia, its the 15 500 teachers who were trained, 7 269 of national pride. It encapsulates the nation's soul and roots, its them obtained a Band C. The remaining 11 910 spirit whilst underpins its identity and sovereignty. present, its on Band B will be given further support under the Consequently, heritage is priceless and an irrepla- future, its Pro-ELT refresher course to achieve the targeted ceable asset to the country. It comprises tangible challenges standard set by Ministry. and intangible, natural and cultural and is a fragile and its plan phenomenon. The uniqueness of Malaysia's heri- to achieve its Malaysia is also retraining 50% of the English tea- tage stems from its multi-racial and multi-cultural. objectives chers nationwide to ensure that they are equip- It creates assimilation and unity among the various ped with innovative pedagogies and best prac- racial groups with one, identity -1Malaysia. tices in the teaching of English in order to stay 53 relevant and meet the demands of the 21st cen- In an efort to protect our heritage, Malaysia esta- tury skills. To bridge the gap between rural and blished its own National Heritage Act 2005 (Act urban performance, Malaysia is taking measures 645). It is a comprehensive act covering wide to deliver impactful training to teachers located in rural schools. Schools are also being equipped with facilities needed to create conducive and © DR supportive learning environments.

Education is one of the priority sectors between France and Malaysia relations. As such, on 3 No- vember 1972, the Governments of Malaysia and France signed a cultural and technical cooperation agreement in an efort to enhance bilateral relations between the two countries. Following that agree- ment, and subsequent visits by the leaders of the two countries, a Memorandum of Understanding was initiated in the year 2000 to enhance the coo- peration in the feld of education between Malay- Commemorative stamps printed in 2008 depicting Malaysian sia and France. In 2003, Malaysian Prime Minister Premier Schools that are more than 100 years old. These YAB Datuk Seri Dr Mahathir Mohamed and French schools have produced many national leaders, corporate fgures, President Mr Jacques Chirac agreed to streng- professionals, sportsman and scholars of Malaysia who have then the bilateral cooperation in the feld of higher contributed signifcantly to the growth of Malaysia in this era education. Further meetings between President of globalisation Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

range of heritage sectors: natural heritage, tan- seven (7) galleries in important sites. There are a 13 gible and intangible cultural heritage, underwater number of important books as well as numerous cultural heritage and living human treasures. This booklets and DVDs that DNH has also published act is the guiding force of Malaysia's heritage po- to disseminate as much as information about the licies. Following the Act, the Department of Natio- nation's heritage. nal Heritage (DNH) was established in 2006. To date, Malaysia has inscribed 278 Heritage Sites, EB : Feedbacks about the COP21 / Paris 102 objects/artefacts and 331 intangible cultural Agreement are mostly positive. What is the heritages. It is an ongoing process to identify our position of Malaysia about this agreement? priceless heritage which has been transmitted Could you, please, share with us the main through generations. items of the 11th Malaysia Plan 2016 – 202022 and its Green Growth Thrust? How does this In addition, Malaysia has also ratifed two Conven- plan deal with environment care and econo- tions in order to protect, safeguard and preserve mic growth? Would you mind sharing some its heritage as follows: initiatives?

i. UNESCO Convention Concerning the Protec- HE Mr DIA : The Paris Agreement's key points tion of the World Cultural and Natural Heritage are as follows; 1972 in 1988. As a State Party, Malaysia was elected a World Heritage Committee Member in • Limiting emissions to ensure that the rise in 2011 for a four-year term 2012- 2015. Until now, global temperature is below 2°C, compared to Malaysia has four World Heritage Sites as follows: pre-industrial levels (It has been reported ear- a. Gunung Mulu National Park (2000) lier by IPCC that a rise of temperature more b. Kinabalu Park (2000) than 2°C would have adverse climate change c. Melaka and George Town, Historic Cities of consequences); the Strait of Malacca (2008) Malaysia, its • A target to limit the global temperature rise d. The Archaeological Heritage of the Leng- roots, its to 1.5°C above pre-industrial levels, if possible; present, its gong Valley (2012) • Countries to review their progress towards future, its ii. Convention for the Safeguarding of the Intan- this target every 5 years; challenges gible Cultural Heritage 2003 in 2013. Mak Yong and its plan has been inscribed as a Representative List of the • Developed countries promises to contribute to achieve its Intangible Cultural Heritage of Humanity in 2008. towards a USD100 billion fund to help develo- objectives Furthermore, Malaysia is always visible and in line ping countries achieve this target; and with the individual and communities in regard to 54 preserve and safeguard our heritage. Malaysian • Countries afected by climate change-related involvement in these particular arena are such as: disasters, especially island nations to receive fnancial aids. i. Asia-Europe Meeting (ASEM) Member State Malaysia, which was involved in the COP 21, is ii. ASEAN Member State fully committed to ensure that the country will play its role to ensure that the Paris Agreement iii. Islamic World Heritage Committee for the Isla- goals are met. In November 2015, Malaysia had mic Educational, Scientifc and Cultural Organiza- submitted its Intended Nationally Determined tion (ISESCO) for 2014-2018 term Contributions (INDC) to the UNFCCC, with a iv. International Centre for the Study of the Pre- commitment to reduce GHG (Greenhouse Gas) servation and Restoration of Cultural Property emissions by 45% by 2030. (ICCROM) Member State This will be achieved through reductions from the ln creating and promoting cultural heritage awa- energy, agriculture and the land use change and reness, the Ministry of Tourism and Culture Ma- forestry (LULUCF) sectors. The Green Growth laysia through the DNH has organised various Agenda takes a broad approach that includes programmes, talks, seminars, workshops and conserving Malaysia's biodiversity. I wish to hi- publicity activities e.g. cultural performances, ghlight that Malaysia's forest cover to date stands traditional games and heritage food demonstra- at 54.5 %. Here Malaysia reafrms its commit- tions and competitions, heritage trails, etc. aimed at specifc target group and the public at large. 22. http://www.my.undp.org/content/malaysia/en/home/ To keep heritage alive, it has to be visible, docu- presscenter/pressreleases/2015/04/21/undp-leads-policy- mented and accessible. Hence, the DNH has built and-technical-support-for-malaysia-s-green-growth-agenda. html ENTRETIEN © Stefan Fussan

Panoramic shot of Kuala Lumpur from Lake Titiwangsa, Kuala Lumpur ment to maintain at least 50% level of forest and in line with the voluntary target announced by the tree cover in perpetuity through "zero net defo- Prime Minister at the 15th Conference of the Par- restation and degradation" thus halting net forest ties to the United Nations Framework Conven- loss by deforestation and stopping net decline in tion on Climate Change in 2009, and secondly, forest quality. This would be achieved by refores- to conserve at least 17% of terrestrial and inland tation and enrichment of degraded lands to in- water areas, as well as 10% of coastal and ma- crease carbon sequestration and mitigate climate rine areas as protected areas in line with the Aichi change efects. Biodiversity Targets.

Green growth will be a fundamental shift in how To achieve these outcomes, the government will Malaysia sees the role of natural resources and the introduce a transformative green growth strategy environment in its socio-economic development, framework. This framework reinforces the go- protecting both development gains and biodiver- vernment's commitment to address the impact sity at the same time. Building a socio-econo- of climate change and manage natural resources mic development strategy that will increase the in a comprehensive and sustainable manner. The resilience to climate change and natural disasters government will strengthen the supportive envi- Malaysia, its remains critical. To pursue green growth, the ena- ronment for this transformation to take place. roots, its bling environment will be strengthened particu- Development in environmentally sensitive areas present, its larly in terms of policy and regulatory framework, and dependency on stressed natural resources future, its human capital, green technology investment, and will be reduced signifcantly. A comprehensive challenges fnancial instruments. This enabling environment disaster risk management approach will be put and its plan will facilitate a shift in the economy, particularly in in place to respond to the increased frequency to achieve its the private sector, towards more sustainable pat- and intensity of climate-related disasters, with an objectives terns of consumption and production. This trans- important reorientation from a cost to an invest- formation will ensure sustainability of the nation's ment for the future. 55 natural resources, minimise pollution, and streng- then energy, food and water security. By conser- In addition, food mitigation approaches with ving biodiversity, the continuity of their function as multifunctional purposes will be explored to a natural bufer against climate change and natural attract investments in value-generating econo- disaster can be strengthened. This bufer, comple- mic activities. Management of waste will shift mented by structural approaches such as innova- towards a comprehensive reuse, reduce, and tive food mitigation and green infrastructure, as recycle (3R) approach that will reduce deve- well as non-structural approaches like hazard risk lopment of new landflls. ln the area of ener- maps and warning system, will strengthen disas- gy security, there will be a shift from a focus ter risk management and ultimately improve the on supply-side solutions towards a stronger wellbeing and quality of life of the Malaysian public. balance of both supply-side and demand side management measures. To achieve these, the Building upon the initiatives launched in the Tenth government will focus on four key areas in pur- Plan to address issues in environmental protec- suing green growth for sustainability and resi- tion, climate change and biodiversity, the Eleventh lience as follows: Malaysia Plan (11MP) continues to strengthen the • Focus area A: Strengthening the enabling nation's resilience to natural disasters, and more environment for green growth fundamentally, charts a paradigm shift towards • Focus area B: Adopting the sustainable green growth. For 11MP, two principal outcomes consumption and production concept have been set. • Focus area C: Conserving natural resources for present and future generations Firstly, to reduce GHGs emission intensity of GDP • Focus area D: Strengthening resilience by 40% compared to 2005 levels by year 2020, against climate change and natural disasters Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

EB : As the Ambassador of Malaysia in France, oil tax at the National Assembly. I understand that 13 could you, please, share about your main ob- there are concerns in France about deforestation, jectives? French exported 2588M€ to Malaysia biodiversity and impact on health which is, to my and imported 1953M€ in 201323. According to understanding, the genesis of this palm oil tax ini- you, what are the main felds in which Malay- tially proposed by the greens and now backed by sia and France can cooperate or improve their the socialist and communist parties after the Se- current cooperation? What are the stakes and nate's Committee on Sustainable Development's challenges of this cooperation? decision to remove the palm oil tax in a vote on 11 May 2016. I am made to understand that the HE Mr DIA : As Ambassador of Malaysia to said Biodiversity Bill will nevertheless be passing France, it is of course my intention to increase through several stages in the French Parliament trade and investment for the mutual beneft of our in May and June 2016 respectively. These stages two countries. As the world becomes saturated are the “Comité Mixte Paritaire” and the National with products and services, it becomes more Assembly where the reintroduction of the palm oil pertinent for us to identify and explore areas tax could be made. where our companies can thrive over niche mar- kets where either French or Malaysian companies The tax on palm oil as part of the Biodiversity could take advantage of. At present, Malaysia's Bill will impact over 500 000 small farmers and niche market that could be of interest to France families in Malaysia who are engaged in oil palm lies in the following sectors where both sides can cultivation. The tax will defnitely have a negative further improve: impact on the social and economic progress • Electrical and electronics (integrated circuits, throughout Malaysia. 40% of all palm oil planta- semi-conductors, transistors, printers and its tions in Malaysia are owned or farmed by small components and parts, vacuum cleaners, air- farmers, who have benefted from oil palm culti- conditioners); vation. Palm oil has been a major factor in Ma- Malaysia, its • Rubber products mainly rubber gloves for laysia reducing poverty from 50% in the 1960s, roots, its industrial and medical use; down to less than 5% today. The palm oil industry present, its • Optical and medical instruments such as pa- directly employs more than 570 000 people, with future, its cemakers, orthopaedic parts, catheters, need- another 290 000 people employed downstream. challenges les, measuring and checking instruments; and its plan • Crude palm oil; Malaysia has committed to retaining at least 50% to achieve its • Parts and components for aircrafts and heli- of total land in Malaysia as forest area. This was objectives copters for French aerospace industry; a commitment frst made by Malaysia in 1992 at • Furniture and bedding mainly comprised of the Rio Earth Summit; Malaysia is still meeting this commitment today, as recognized by the 56 wooden furniture; • Building material and engineering services; United Nations. This commitment places Malay- • Lifestyle including ready to wear clothes and sia above almost all other countries worldwide, in fashion accessories; and the seriousness and scope of our forest protec- • Computer engineering services, creative & tion. Malaysia also has strong laws to protect bio- multimedia content. diversity and endangered species. Orang-utans and other iconic species are protected under Malaysia on the other hand would like to see Malaysian law. Any harm brought to such spe- more collaboration on the following sectors with cies is met with prosecution and penalties. I wish France: to emphasise there are misperceptions on palm • Airplanes and helicopters and related parts oil that are unfounded, and based on regrettable and components; misunderstandings about palm oil production in • Electrical machinery Malaysia. • Motorcars, parts and accessories; • Medical instruments; The Malaysian palm oil community is one of the • Pharmaceutical products; best-regulated in the world. Malaysians have de- • Wines and liquors, veloped and implemented good agricultural prac- • Whey; and tices for decades, and Malaysia is a model for • Dairy products. well-regulated and sustainable palm oil. I wish to assure the French people that Malaysian institu- One of the main challenges and a good example tions could also explore cooperation with French to date is the proposed introduction of the palm institutions such as CIRAD (Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement) to mutually recognize that Ma- 23. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Malaisie_cle8c- laysian palm oil utilizes the latest innovations that 8cb3.pdf ENTRETIEN

would increase yield without requiring new lands (Genetically Modifed Organism), and has been to be opened. Malaysia is committed to fnd new used as a replacement for dangerous trans-fats, ways to conserve our environment, and to achieve in Europe. Multiple researchers and experts in the necessary balance between development and France and across Europe have confrmed that conservation. Furthermore, the Malaysian Sustai- palm oil is safe. A study from the French Foun- nable Palm Oil (MSPO) standard is a prominent dation for Food & Health, explained that palm oil example of Malaysia's ongoing commitment to is not hazardous, and the amounts consumed palm oil sustainability. The MSPO is a scheme in Europe are perfectly normal. Similarly, a study designed to ensure that all palm oil in Malaysia - in 2014 from the Mario Negri Institute in Milan, including the 500 000 smallholding farmers - will authored by Drs Elena Fattore and Roberto Fa- have a path to sustainable palm oil certifcation. nelli, confrmed this point. The study found no MSPO is designed as the clear proof and promise evidence that palm oil is harmful. to the world of Malaysia's commitment to, and enforcement of, sustainability principles. I am hopeful that after my explanation, the French Government would welcome progress Malay- As to health, palm oil is a balanced oil, with 50% sia has made thus far, and I sincerely hope that saturated and 50% unsaturated fatty acids. This public opinion in France on palm oil would be balance provides excellent qualities for baking grounded on facts and science and not fallacies and food production. Palm oil is free of GMOs derived from smear campaigns. §

Malaysia, its roots, its present, its future, its challenges and its plan to achieve its objectives

57 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 L’Asie et les objectifs de développement durable 2015-2030

près plus de deux ans nent asiatique représente en efet L’AUTEUR de négociations, les 62% de la population globale3 – soit A 193 États membres des 4400 millions de personnes, près Florence Nations unies ont adopté il y a de 40% du PIB mondial et 50% de Geoffroy six mois un programme consti- la consommation en énergies fos- Auditrice-jeune tué de 17 « Objectifs de Déve- siles. Une question s'impose alors : de l’IHEDN loppement Durable » (ODD)1 à quels ont été les progrès réalisés (90e session, Paris, 2015) atteindre au cours des 15 pro- jusqu'à présent en Asie et quels Membre du Comité Asie chaines années. Adoptés le 25 seront les défs à relever dans les de l'ANAJ-IHEDN septembre 2015, les ODD suc- années à venir ? Senior Program Ofcer cèdent aux huit « Objectifs du au Center for Diversity Millénaire pour le Développe- Le bilan asiatique des and National Harmony ment » (OMD) 2000-2015 et sont objectifs du Millénaire (Rangoon) et Junior L'Asie et les notamment destinés à promou- Research Fellow à Asia objectifs de pour le développement voir la paix, éradiquer la pau- 2000-2015 Centre (Paris). développe- vreté et la faim, lutter contre les ment durable inégalités et les changements Depuis l'année 2000, des résul- 2015-2030 climatiques. Plus spécifques tats remarquables ont été enregis- que les précédents, ils incluent trés sur la planète en matière de 58 cette fois-ci tous les pays, déve- santé, d’éducation et d’alimen- loppés ou non. tation. Plus important encore, le nombre de personnes vivant dans Afn de mettre en œuvre cet l'extrême pauvreté4 a diminué de Agenda 2015-2030, la Secrétaire plus de moitié, passant de 1,7 générale adjointe de la Commission milliard en 2000 à 836 millions en Économique et Sociale des Nations 20155. C'est en Asie, région qui en- Unies pour l'Asie et le Pacifque registre le taux de pauvreté le plus (UNESCAP), Shamshad Akhtar, a élevé, que ces améliorations ont été exposé le 18 avril 2016 les priori- les plus signifcatives, en particulier tés et les ressources à mobiliser en Asie, peu après avoir signé un accord de coopération régionale 3. Insee, Évolution de la population dans le monde jusqu'en 2015. URL : http://www.in- 2 avec la Chine le 11 avril . Le conti- see.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_ id=CMPTEF02153 1. Nation unies, Assemblée générale 70ème 4. Le seuil d'extrême pauvreté était estimé à session, « Transformer notre monde : le 1,25 dollar par jour par la Banque mondiale Programme de développement durable à de 2005 à octobre 2015. Il est désormais de l'horizon 2030 », A/RES/70/1, 2015. URL : 1,90 dollar par jour pour préserver le pouvoir http://www.un.org/en/ga/search/view_doc. d'achat réel du précédent seuil dans les pays asp?symbol=A/RES/70/1 les plus pauvres. 2. Ministère des Afaires étrangères chinois, 5. Nations unies, Groupe interinstitutions Conférence de presse du 12 avril 2016 tenue par et d'experts, Rapport 2015 sur les objectifs le porte-parole du Ministère des Afaires étran- du Millénaire pour le développement, 2015. gères Lu Kang, 2016. URL : http://www.fmprc. URL : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/ gov.cn/fra/xwfw/fyrth/lxjzzdh/t1356573.shtml. reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf ANALYSE

en Chine. Pays le plus peuplé de la planète, la Malgré ces progrès considérables, l'Asie Chine a joué un rôle essentiel dans la réduction du Sud (en particulier l'Inde, le Bangladesh et de la pauvreté mondiale : la diminution de son le Népal), la Chine et l'Afrique subsaharienne taux d’extrême pauvreté (61% en 1990, 6% en concentrent toujours 60% des personnes les 2011, 4% en 2015) a été suivi de près par l'Asie plus pauvres au monde. La pauvreté étant la L'Asie et les du Sud-Est (46% en 1990, 12% en 2011, 7% cause immédiate de la faim et de la malnutrition, objectifs de en 2015). le nombre de personnes sous-alimentées a aug- développe- menté en Asie de l'Ouest, même si l'Asie du Sud ment durable En Asie du Sud, la population disposant de reste la région la plus touchée avec 280 millions 2015-2030 moins de 1,25 dollar par jour a également di- de personnes sous-alimentées. Elle enregistre minué, passant de 52 % en 1990 à 17 % en également un taux de mortalité élevé chez les 59 2015. Par ailleurs, la région a enregistré de nets moins de cinq ans et des disparités marquées progrès en matière de réduction de la mortalité entre les hommes et les femmes au travail. En- maternelle, de scolarisation, et l'alphabétisation fn, la proportion d'enfants non scolarisés a aug- des jeunes, en particulier chez les flles, s'est menté de 6% en dix ans dans les pays d'Asie du nettement améliorée. En Asie de l'Est et du Sud afectés par les confits. Sud-Est, la croissance économique rapide des dernières décennies a permis de réduire signi- Les priorités asiatiques du dévelop- fcativement la proportion de jeunes sous-ali- pement durable 2015-2030 mentés, en particulier en Chine. D'une manière générale, l'Asie a atteint ses objectifs d'accès Dans les années à venir, les leaders asia- à l'eau potable et de parité hommes-femmes tiques devront s'attaquer à plusieurs problèmes dans l'enseignement. majeurs : les disparités d'accès à l'éducation (objectif 4) et les inégalités hommes-femmes Dans son dernier rapport, la Banque mon- (objectif 5) qui devront être réduites signifca- diale a également salué les bienfaits du numé- tivement afn d'éradiquer la pauvreté et la faim rique sur le développement : l’identification (objectifs 1, 2) ; la propagation de maladies in- numérique par exemple, peut donner aux po- fectieuses telles que le paludisme (objectif 3) et pulations les plus pauvres d'Asie la possibilité l'accroissement des inégalités au sein et entre d'être reconnues, de voter, limiter les fraudes les pays (objectif 10) notamment du fait de et les intimidations grâce à un meilleur sys- l'urbanisation, qui pourraient mettre en danger tème de contrôle. Par ailleurs, l'internet favo- la cohésion sociale, la stabilité et la croissance rise la démocratie participative, comme c'est (objectif 8) ; la compétition intense pour les res- le cas en République de Corée et à Singapour sources naturelles de plus en plus rares telles par exemple. que l'eau (objectif 6), liée au développement Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

industriel (objectif 9) ; la pollution (objectifs 7, Ces défis non exhaustifs pourraient exa- 13 11, 12), son incidence sur les changements cli- cerber les tensions actuelles, notamment en matiques (objectif 13), sa menace pour l'agri- Chine7, en Inde 8, en Corée9, au Pakistan10, en culture et l'environnement (objectifs 14, 15) ; Afghanistan11, en Irak, au Kirghizstan, en Indo- la mauvaise gouvernance et la faiblesse des nésie, aux Philippines, au Laos, au Bangladesh capacités institutionnelles (objectifs 16 et 17). 12, au Myanmar13 et créer de nouveaux conflits Près d'un milliard de personnes soufrent qui menaceraient la sécurité régionale et in- aujourd'hui de faim chronique, dont deux tiers ternationale. Les conclusions du Rapport sur en Asie. À eux seuls, l'Inde, le Pakistan et le le développement mondial en 2011 semblent Bangladesh regroupent la moitié des enfants en effet se confirmer : sous-développement et 14 malnutris du monde. Pourquoi ? Une des expli- violence sont intrinsèquement liés . Aucun cations se trouve peut-être dans l'insufsance État fragile et à faible revenu ou affecté par les pondérale : environ un tiers des nourrissons en conflits n’avait atteint un seul objectif du Mil- Inde et la moitié au Bangladesh naissent avec lénaire pour le développement en 2012. Leurs un poids insufsant, contre un sur dix en Afrique populations sont deux fois plus menacées de subsaharienne. Un faible poids à la naissance malnutrition et de manque d'eau potable que indique que le fœtus a été mal nourri pendant la dans les autres pays en développement, leurs gestation ou que sa mère a soufert de malnu- enfants ont trois fois plus de risque de ne pas trition au cours de sa vie. Cela soulève un autre être scolarisé et de mourir avant l'âge de 5 problème : la condition des femmes en Asie, ans. Et ces cycles répétés de violence, de leur santé pendant leur grossesse, mais sur- faible gouvernance et d’instabilité affectent in- tout tout au long de leur vie. Le rapport entre directement les populations des pays non tou- l'espérance de vie des hommes et des femmes chés par un conflit : la planète compte environ en Asie est en efet inférieur aux normes mon- 50 millions de personnes déplacées en raison diales – 66 ans pour les hommes contre 68 de la violence et des conflits, dont 3,8 millions ans pour les femmes au Pakistan ; 69,5 ans de personnes en Asie-Pacifique et 3,5 millions 15 pour les hommes, 70,5 ans pour les femmes au en Europe . L'Asie et les Bangladesh ; 68 ans pour les hommes, 70 ans objectifs de pour les femmes au Népal. Conclusion développe- ment durable Parallèlement à la malnutrition, un autre En considérant la taille de sa population, 2015-2030 problème a vu le jour : l'agro-industrie a en- l'Asie pourrait concentrer les problèmes de traîné une dégradation des écosystèmes, une pauvreté dans les prochaines années. Or d'ici à 2030, 75% des personnes vivant dans 60 surconsommation d'eau, des émissions de gaz à effet de serre, et la surface cultivable l'extrême pauvreté vivront dans des pays aux disponible par personne a été réduite à envi- niveaux de violence élevés. Il est donc essen- ron 0,23 hectares. Or la croissance démogra- phique et la hausse des revenus par personne 7. Confit du Cachemire avec l’Inde notamment pour l'Aksai dans les pays émergents tels que la Chine et Chin, la vallée de Shaksgam, le Gilgit-Baltistan et l'Azad Ca- l'Inde vont accroître la demande alimentaire et chemire ; tensions internes avec la minorité ouïghoure ; ten- sions en Mers de Chine orientale et méridionale. énergétique mondiales de manière préoccu- pante. Ces pays ont donc un rôle clé à jouer 8. Confit du Cachemire avec la Chine et le Pakistan ; insurrec- tion de l'armée naxaliste. en Asie pour équilibrer croissance, dévelop- pement et environnement durables. La Chine 9. Tensions entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. a été proactive dès 2013 sur ces questions 10. Insurrection islamiste au Pakistan ; confit du Cachemire dans les négociations de l'agenda post-2015, avec l'Inde pour le Jammu-et-Cachemire ; violences à Karachi. en proposant de réformer la gouvernance 11. Insurrection essentiellement pachtoune des talibans en Af- économique globale afin de lutter contre la ghanistan. 6 pauvreté . Lors du Sommet des Nations unies 12. Respectivement : confit avec l'organisation État isla- sur le développement, le pays s'est engagé à mique; tensions entre les Kirghiz et la minorité ouzbèke ; mettre en place un fonds de 3,1 milliards de Tensions en Papouasie occidentale. Tensions à Mindanao. Insurrection Hmong.Violences politiques. dollars pour la coopération Sud-Sud et l'aide aux pays en développement. 13. Confit interne entre l'armée birmane et principalement huit groupes armés des minorités ethniques. 14. Banque mondiale, World Development Report, 2011, 6. Ministère des Afaires étrangères chinois, Note de position p.62. URL : http://wdr2011.worldbank.org/ sur l'Agenda du développement post-2015, 2013. URL : http:// www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/ 15. Il y a dix ans, le nombre total de déplacés et de réfugiés t1078984.shtml s'élevait à 37,5 millions, il atteint aujourd'hui 60 millions. ANALYSE

tiel que les États asiatiques, mais également en favorisant la transparence, en examinant la les organisations non gouvernementales, s'at- circulation des armes et des fnancements illé- taquent aux facteurs de confits et d'insécurité gaux. En ce sens, l'objectif 16 sur l'avènement afn de favoriser le développement et la stabilité de sociétés pacifques, inclusives et bien gou- globale. En luttant contre les inégalités, la cor- vernées, est une occasion unique pour qu'une ruption, en mettant l'accent sur l'accès à la jus- action collective axée sur les personnes per- tice et l'inclusion de tous dans la vie politique, mette d'instaurer une paix globale et durable. §

L'Asie et les objectifs de développe- ment durable 2015-2030

61 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 Le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) : objectifs, enjeux et faisabilité

es relations entre la Répu- confguration géostratégique de L’AUTEUR blique Populaire de Chine la région. Les deux États devront L et le Pakistan ont toujours néanmoins surmonter quelques Mathilde été très amicales, le Président Xi obstacles avant que cet ambitieux Roustan Jinping ayant même qualifé le Pa- projet ne soit un succès. Auditrice jeune de kistan de « frère » (hao xiongdi)1. l’IHEDN Un terme qui n’a été utilisé que Les objectifs économiques (Séminaire Master 2 pour le Pakistan dans les discours du CPEC Défense-Géopolitique, ofciels chinois. Paris, 2016) Comme son nom l’indique, le Membre du Comité Asie En efet, le Pakistan a été l’un CPEC a avant tout des objectifs de l'ANAJ-IHEDN Le Corridor des premiers pays à reconnaître la d’ordre économique. Il servira à économique RPC dès sa création en 1950, et la relier la Chine avec l’Afrique et l’Eu- Chine- relation des deux pays est depuis rope notamment. Pakistan : restée remarquablement stable. La objectifs, Chine trouvant dans le Pakistan un Pour acheminer ses marchan- enjeux et contrepoids à l’Inde et un allié sur dises jusqu’en Afrique ou en Eu- faisabilité la scène internationale, elle a tou- rope, la Chine doit aujourd’hui tra- jours été relativement généreuse verser le continent eurasiatique en 62 dans ses compromis avec lui, en camion, ou emprunter la voie mari- échange de quoi le Pakistan est time, en passant par les détroits de devenu un allié indéfectible. Il est Singapour et de Malacca. La route donc naturel que la Chine ait intégré maritime actuelle reliant Pékin au le Pakistan comme un acteur ma- golfe Persique est d’environ 12 900 jeur dans son projet de «Nouvelle kilomètres. Le CPEC permettrait à route de la Soie ». Le Corridor éco- la Chine de réduire considérable- nomique Chine-Pakistan (CPEC) ment cette distance. En efet, la reliera la ville de Kashgar, dans la distance entre Kashgar et le golfe province du Xinjiang chinois, au Persique sera de 2 000 kilomètres, port pakistanais de Gwadar, proche et celle de Pékin au golfe Persique du golfe Persique. Les objectifs ne sera donc plus que de 6 300 économiques liés à ce corridor sont kilomètres. La distance parcourue de taille, et les enjeux, en termes par les marchandises hors des fron- de géostratégie, conséquents. tières chinoises sera alors réduite En efet, ce corridor pourrait non de plus de 10 000 kilomètres. Cela seulement servir à développer les permettra de réduire les coûts tem- deux régions les plus concernées, porels et fnanciers des entreprises à savoir le Xinjiang et le Baloutchis- et du gouvernement chinois. tan, mais également à changer la Mais le CPEC n’est pas une simple route. C’est surtout un vaste 1. Discours du Président Xi Jinping lors plan de développement des régions de sa visite au Pakistan le 24/04/2015. les plus pauvres, que ce soit du côté http://news.xinhuanet.com/world/2015- 04/21/c_1115044392.htm chinois ou pakistanais. ANALYSE

Le projet sera fnancé pour environ 46 milliards bénéfcieront quant à elles d'importants investis- de dollars par la Chine et servira à développer sements, afn de mettre en place des systèmes les infrastructures pakistanaises et à faire du Xin- de transports urbains. Enfn, Karachi, située au jiang une région clé de l’économie chinoise. Les sud du pays, devrait bénéfcier de fnancements constructions toucheront à plusieurs domaines. pour la construction d’un métro souterrain6. Le domaine de l’énergie tout d’abord. Le Pa- Sur le plan national, un réseau autoroutier al- kistan fait face à une carence en énergie qui lui lant de Gwadar à Kashgar devrait voir le jour, de ferait perdre entre 2 et 2,5% de son PIB, et la même qu’une voie de chemin de fer, afn de facili- Chine est en besoin croissant d’énergie. La ma- ter les échanges entre les deux villes. Le fnance- jeure partie des investissements chinois seront ment de ces projets sera respectivement de 5,9 consacrés à des projets énergétiques dont des 7 projets en énergies renouvelables et en énergies milliards et 3,69 milliards de dollars . De plus, une fossiles. Les constructions comprendront deux ligne de fbre optique de 820 kilomètres devrait barrages hydro-électriques, six centrales élec- être construite, mais les détails n’ont pas encore 8 triques au charbon, une centrale photovoltaïque, été précisés . deux parcs éoliens, et environ 3 000 kilomètres Selon les autorités chinoises, les construc- de gazoducs qui permettront d’acheminer du 2 tions seront confées à des entreprises chinoises, gaz depuis l’Iran . Afn d’assurer la viabilité des qui favoriseront l’embauche d’une main d’œuvre projets en énergies renouvelables, le Pakistan locale pakistanaise, excepté pour les postes stra- s’est engagé de façon contractuelle à acheter tégiques. Ainsi, le CPEC bénéfciera économi- 3 l’électricité produite à un prix prédéfni . Les cen- quement aux deux pays. trales électriques au charbon sont en cours de construction, ainsi que le gazoduc, dont la partie Les conséquences géopolitiques iranienne est terminée. induites par un tel projet Le Corridor La ville de Gwadar est elle aussi un projet à Les conséquences pour la Chine part entière, avec un budget de plus d’un milliard économique et demi de dollars4. Elle devrait ainsi devenir un Bien entendu, la Chine est la grande gagnante Chine- pôle d’activité majeur et l’une des grandes villes du CPEC sur le plan géopolitique. Les retombées Pakistan : du Pakistan. Le gouvernement pakistanais a devraient efectivement être de plusieurs ordres. objectifs, confé la gestion du port et son développement enjeux et à la China Overseas Port Holding Company, une Sur le plan national tout d’abord, le CPEC de- faisabilité entreprise d’état chinoise, pour une durée de vrait permettre à Pékin de justifer une présence quarante ans 5. Cette cession, un compromis pa- renforcée de l’armée sur le sol tibétain. Pékin 63 kistanais, permet à la Chine de s’assurer que ses espère également lutter contre les mouvements approvisionnements en énergies en provenance séparatistes ouïghours en muselant les protesta- des pays du Golfe pourront transiter par le Pakis- tions par l’attrait du développement de l’activité tan sans mauvaise surprise. Lahore, Gujrawala, et la perspective d’une vie meilleure. L’instabi- Multan, Faisalabad et Rawalpindi, villes de la pro- lité de la province du Xinjiang est considéré par vince du Punjab, dans le nord-est pakistanais, le gouvernement chinois comme une menace prioritaire pour son intégrité territoriale et pour son identité nationale, et sa lutte propagandiste 2. « La Chine et le Pakistan ouvrent un corridor de développe- et militaire n’a pas suft à endiguer le problème. ment mutuel », Solidarité et Progrès, http://www.solidariteet- progres.org/chine-pakistan-couloir-developpement.html Pékin tente aujourd’hui d’étendre son soft power sur son propre sol afn de venir à bout des reven- 3. Ahsan Iqbal, ministre pakistanais au Plan, au Développe- dications locales. ment et aux Réformes, a annoncé que la transaction serait de nature commerciale et contractuelle (http://www.brecor- der.com/top-news/108/238832-1st-phase-of-cpec-to-bring- $35bn-investment-in-energy-ahsan-iqbal.html) 6. Wali Zahid, « $46B China-Pakistan Economic Corri- dor: 15 years, 3 routes, 51 projects », https://walizahid. 4. Les investissements serviront notamment à fnancer la com/2015/02/46b-china-pakistan-economic-corridor- construction d’une ligne expresse reliant le port et le litto- 15-years-3-routes-51-projects/ ral, d’un aéroport international. http://tribune.com.pk/sto- ry/870183/china-gets-40-year-management-rights-on-gwa- 7. « La Chine et le Pakistan ouvrent un corridor de développe- dar-port-access-to-arabian-sea/ ment mutuel », Solidarité et Progrès, http://www.solidariteet- progres.org/chine-pakistan-couloir-developpement.html 5. « Economic zone : government hands Gwadar land over to China », Business Recorder, http://www.brecorder.com/ 8. Wali Zahid, « $46B China-Pakistan Economic Corri- market-data/stocks-a-bonds/636:/1245670:economic- dor: 15 years, 3 routes, 51 projects », https://walizahid. zone-government-hands-gwadar-land-over-to- com/2015/02/46b-china-pakistan-economic-corridor- china/?date=2015-11-12 15-years-3-routes-51-projects/ Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Au niveau régional, la Chine devrait voir un sera donc en mesure de résister aux pressions 13 renforcement de son infuence sur les pays du américaines et de mettre d’autant plus à mal Golfe en créant un sentiment de proximité qui leur statut de superpuissance mondiale. faciliterait la coopération. Ceci permettrait du même coup à la Chine de stabiliser son envi- Les conséquences pour le Pakistan ronnement en établissant des relations écono- Bien que les conséquences du CPEC miques et de bon voisinage en Asie centrale. Elle pour le Pakistan soient essentiellement éco- devrait également voir sa supériorité renforcée nomiques, le pays devrait cependant bénéf- dans sa relation avec l’Inde, en renforçant sa cier de certains avantages géostratégiques, présence économique et militaire au Pakistan, notamment dans ses relations avec son voisin mais également aux abords du Golfe persique. indien. En efet, les relations indo-pakistanaises Le CPEC est un moyen pour la Chine de s’afr- ne se sont jamais apaisées depuis l’indépen- mer en tant qu’acteur majeur dans les relations dance des deux pays en 1947. Or l’armée in- multilatérales régionales. dienne est quantitativement et qualitativement Sur la scène internationale enfn, la Chine supérieure à l’armée pakistanaise et, même si devrait s’afrmer en tant qu’acteur incontour- cette dernière a développé l’arme nucléaire, nable, tant sur le plan des politiques étrangères, elle doit compter sur le soutien de son voisin qui devront prendre en compte le facteur chinois chinois pour dissuader les velléités d’invasion pour chaque décision, qu’au niveau des orga- indiennes. Grâce au CPEC, les liens entre la nisations internationales, au sein desquelles la Chine et le Pakistan devraient être renforcés, y voix chinoise devrait prendre de l’importance. compris dans le domaine sécuritaire. La Chine Le CPEC servira également la Chine dans sa ne pourra en efet pas se permettre une mise confrontation indirecte avec les États-Unis. En en danger de son nouveau carrefour d’approvi- efet, les États-Unis ont engagé un processus sionnement en énergies. de retrait de leurs troupes en Afghanistan, dimi- D’un point de vue national, le développement Le Corridor nuant leur présence tandis que la Chine aug- économique de la province du Baloutchistan, où économique mente la sienne. La très impopulaire présence se situe la ville de Gwadar, devrait également Chine- militaire américaine est remplacée par une pré- permettre de stopper les revendications sépa- Pakistan : sence chinoise économique appréciée en tant ratistes baloutches, qui posent un véritable pro- objectifs, qu’aide au développement, qui contraste avec blème pour l’intégrité territoriale pakistanaise. enjeux et l’image impérialiste des États-Unis. Les deux En favorisant l’embauche des Baloutches et faisabilité tiers des investissements américains au Pakis- en augmentant le niveau de vie de la province, tan depuis 2002 ont été consacrés à la guerre Islamabad espère régler de façon pacifque ce 64 contre le terrorisme plutôt qu’au développe- problème de sécurité intérieure. Le gouverne- ment du pays. La présence chinoise est donc ment n’exclut cependant pas le recours à la considérée comme amicale, contrairement à la force dans sa lutte contre la branche la plus présence américaine, plus invasive. Le CPEC belliqueuse du mouvement. Le Baloch Libera- permettra également à la Chine de sécuriser tion Front (BLA) se bat pour la création d’un État ses approvisionnements en énergies, dont 80 indépendant sur les territoires iranien, afghan et % transitent aujourd’hui par l’océan Indien, le pakistanais. Il a revendiqué les crimes ethniques détroit de Malacca et les mers de Chine méridio- de masse des résidents punjabis du Balout- nale et orientale. Les tensions sino-américaines, chistan, ainsi que les tentatives de sabotage du dans les mers de Chine principalement, se sont gazoduc du CPEC. Le BLA a été déclaré « orga- considérablement accrues avec les construc- nisation terroriste » par le gouvernement pakis- tions d’îles artifcielles chinoises et les installa- tanais en 2010. La présence militaire chinoise 9 tions militaires qui sont allées de pair . En cas dans la province devrait être renforcée pour lut- de dégradation des relations, d’une escalade ter contre cette menace, mais également contre armée et d’un blocus naval américain, la Chine la menace des talibans. Ceux-ci se sont efec- devrait pouvoir conserver son approvisionne- tivement rapprochés du mouvement baloutche ment énergétique en empruntant le corridor pour renforcer leur présence dans le sud du pakistanais et ainsi réduire à néant les eforts Pakistan. Or, ni Pékin ni Islamabad n’ont inté- américains. Une fois le CPEC fnalisé, la Chine rêt à laisser se développer un mouvement tali- ban. C’est pourquoi les autorités chinoises ont 9. Saint-Paul Patrick, « Mer de Chine : la tension monte entre afrmé leur soutien militaire au gouvernement Washington et Pékin », Le Figaro, 22/05/2015, [consulté le 04/04/2016] le plan sécuritaire. ANALYSE

12 Du point de vue de l’Inde raineté, un sous-marin afn de lutter contre la piraterie. Comme nous l’avons rappelé, les relations entre l’Inde et le Pakistan sont tendues depuis Les conditions de réussite du CPEC l’indépendance des deux pays. Leur méfance mutuelle rend difcile la normalisation de leurs La réussite du vaste projet de Corridor écono- échanges. En efet, les deux États se disputent mique Chine-Pakistan et ses bénéfces géopoli- la souveraineté sur le Cachemire. Bien que les tiques ne sont cependant pas encore acquis. Ils deux gouvernements y trouvent un catalyseur dépendront de plusieurs facteurs, plus ou moins d’identité nationale, cette rivalité est un frein indépendants des volontés combinées de la important à toute forme de coopération. Chine et du Pakistan.

Les relations entre la Chine et l’Inde sont Tout d’abord, la réussite économique dépen- également marquées par de forts différends. dra de la réceptivité des groupes rebelles, à la Les deux pays connaissent une expansion dé- fois au Pakistan et en Chine, et de leur accep- mographique et économique remarquable qui tation encore incertaine de privilégier un confort en fait naturellement des puissances concur- économique au détriment de leur indépendance. rentes au niveau régional mais également des La capacité de la Chine à régler ce problème de partenaires de choix en termes de relations façon pacifque déterminera d’une certaine façon bilatérales. Bien qu’elles connaissent des dis- sa crédibilité dans la région et son image inter- putes territoriales encore prégnantes et des nationale de puissance responsable. De même, rivalités en ce qui concerne les ressources ce succès s’évaluera à l’aune de l’efcacité de la lutte contre la pauvreté. Il faudra pour cela que en eau 10, Inde et Chine sont de plus en plus la Chine respecte son engagement d’employer économiquement interdépendantes. Cepen- le personnel local plutôt que de faire venir son dant, l’Inde est encore très en retard sur le 13 plan du développement en comparaison avec propre personnel de Chine , et que le Pakistan son voisin chinois. Elle se sent naturellement réinvestisse efcacement les bénéfces retirés Le Corridor menacée par la nouvelle politique étrangère des investissements chinois sur le long terme. économique Chine- active de la Chine, qui empiète sur sa zone De plus le développement économique de d’influence. Pakistan : l’Asie centrale est sujet à des efets secondaires objectifs, Il n’est donc pas étonnant qu’elle voie d’un négatifs puisqu’il attise les tensions entre puis- enjeux et mauvais œil le rapprochement sino-pakistanais sances régionales (Chine et Inde) et internatio- faisabilité et le projet de Corridor économique Chine- nales (Chine et États-Unis). La bonne volonté Pakistan. Entre le CPEC, la route de la soie chinoise de montrer des intentions pacifques 65 maritime, qui fait passer les bateaux chinois au ne sufra pas à apaiser les craintes de ses puis- large de l’Inde, et la présence chinoise grandis- sances rivales, et il faudra que toutes les parties en présence déploient des trésors de diploma- sante au Sri-Lanka et au Bangladesh11, l’Inde tie afn d’éviter une escalade des tensions ou un se sent oppressée par la puissance chinoise, quelconque malentendu. Il serait dommage que qui s’étend en Asie du Sud et se renforce à des populations pauvres et déjà politiquement mesure que les capacités chinoises de fnan- instables soient soumises à de nouveaux risques cement augmentent. A cette puissance éco- sécuritaires. Cela dépendra non seulement de la nomique s’ajoute la puissance militaire de la diplomatie chinoise mais aussi de la capacité des Chine, qui a déployé, dans un océan Indien que États-Unis à accepter la présence d’une seconde l’Inde considère comme relevant de sa souve- superpuissance mondiale, et celle de l’Inde à ou- blier ses diférends avec la Chine et le Pakistan 10. Des tensions sont apparues notamment fn 2008 quant pour miser sur une coopération avancée avec aux projets hydrauliques chinois sur le feuve Brahmapoutre. ses deux voisins. § Il prend sa source au Tibet avant de traverser l’Inde et le Ban- gladesh. La Chine projetait de construire un barrage hydro- électrique un peu avant que le feuve ne passe en Inde. Le 12. Vraisemblablement un sous-marin nucléaire de la classe projet a été concrétisé en 2014 avec la mise en service de la Shang, type 094, selon les autorités indiennes, qui ont ajouté que première unité dudit barrage, ce qui inquiète l’Inde et risque la présence d’un sous-marin nucléaire dans le cadre d’une mission de provoquer une course dans l’exploitation des ressources de lutte contre la piraterie ne se justifait pas sur le plan logistique hydrauliques. (source : Le portail des sous-marins, http://rpdefense.over-blog. com/article-la-marine-indienne-s-inquiete-de-la-presence-de- 11. La Chine a fnancé des ports dans plusieurs pays fronta- sous-marins-chinois-au-large-de-ses-cotes-116911986.html ). liers de l'Inde, dont le dernier en date, Port City au Sri Lanka, projet d’1,4 milliard de dollars. (http://www.bloomberg.com/ 13. Comme elle le fait notamment en Afrique (http://geopolis. news/articles/2016-03-15/china-back-to-work-as-sri-lanka- francetvinfo.fr/afrique-les-chinois-ne-font-plus-rever-sur-le-conti- unblocks-1-4-billion-port-city). nent-noir-82507) Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 Biblogaphie

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Homeland, saison 4 : de la série TV à la géopolitique du Pakistan (2e partie)

1 L’AUTEUR our la deuxième fois , la décryptés sont, dans un premier série américaine d’espion- temps, le fait que le Pakistan soit Pauline Lovera 2 Pnage Homeland , qui met devenu un sanctuaire de violence, Auditrice jeune de en scène Carrie Mathison, of- d’islamisme radical et de terrorisme, e l'IHEDN (81 session, cier traitant à la CIA, nous donne puis, le rôle prééminent de l’Inter- Toulouse, 2014) l’occasion d’aborder la géopo- Services Intelligence (ISI, les ser- Membre du Comité Asie litique du Pakistan, où se situe vices de renseignement pakistanais) de l'ANAJ-IHEDN. l’action de la saison 4. dans les afaires du pays. Si cette saison date de fn 2014 – Le Pakistan, l’islamisme et que, depuis, une nouvelle saison a été difusée – les préoccupations radical et le terrorisme qu’elle évoque sont toujours très Dans la série : actuelles. Mais, faut-il le rappeler, Homeland n’est pas et ne prétend • Épisode 1 – The Drone Queen pas être un reportage documentaire. Il s’agit d’une fction particulièrement L’ennemi numéro un de la saison Homeland, empreinte des préoccupations sé- fait son apparition : il s’agit de Hais- saison 4 curitaires américaines de l’après-11 sam Haqqani, un important leader taliban. septembre 2001, dont la « guerre 67 contre le terrorisme » est l’emblème • Épisode 5 – About a Boy principal. Cette saison a déclen- ché de nombreuses critiques de la Les régions montagneuses du part du Pakistan. En efet, l’image Pakistan sont qualifées par Peter d’Islamabad, de l’armée, des ser- Quinn, collègue de Carrie Mathison, vices de renseignement pakistanais de « pays des talibans » puis de « y est particulièrement écornée. Par zone de non-droit ». ailleurs, un certain nombre d’inexac- titudes sont à noter quant à la repré- • Épisode 6 – From A to B and Back sentation de la culture pakistanaise. Again

Les Cahiers du Comité Asie n°11 Carrie Mathison rappelle que Ha- ont abordé les sujets de la « guerre qqani est parmi les noms qui fgurent des drones » au Pakistan et du au sommet de la « liste noire ». Cette « double jeu» pakistanais dans le liste, établie par les États-Unis après confit afghan. Cette fois, les sujets le 11 septembre 2001, est compo- sée des noms des terroristes consi- 1. « Homeland, saison 4 : ou comment une dérés comme les plus dangereux et série permet de faire le point sur la géopoli- qui doivent être éliminés (elle porte le tique actuelle du Pakistan », Les Cahiers du nom de « kill list »). Comité Asie, novembre 2015 : http://www. anaj-ihedn.org/cahiers-du-comite-asie-n11- Haqqani n’hésite pas à assassi- ete-automne-2015/ ner son propre neveu qui a collaboré 2.http://www.sho.com/sho/homeland/sea- avec la CIA. son/4#/index Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

• Épisode 10 – 13 Hours in Islamabad 13 l’islamisme radical et la violence terroriste se sont Haqqani et ses hommes perpètrent un attentat exacerbés à la suite du 11 septembre 2001. Alors contre l’ambassade des États-Unis qu’ils infltrent que le pays subit une « talibanisation » d’une par- afn de récupérer la liste des contacts que la CIA tie de son territoire à la fn des années 2000, les s’est constitués dans les zones tribales et que autorités sont pressées – à la fois par la population, Haqqani considère comme des traîtres et des inf- première victime des actes terroristes, et par ses dèles. L’attentat se solde de manière sanglante : voisins – de mettre en place des politiques et des après une prise d’otages et des négociations peu actions de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. fructueuses, près de quarante personnes sont tuées et les terroristes réussissent à s’échapper. L'analyse :

Dans la réalité : • Le Pakistan, l’islam et l’instrumentalisation poli- tique de la religion En nommant l’un des personnages principaux de la saison 4 « Haissam Haqqani », la production S’il ne faut pas simplifer à outrance, il convient de Homeland fait clairement allusion au bien réel de se rappeler que dès lors qu’il s’agit de poli- réseau Haqqani, organisation dirigée par Jalalud- tique pakistanaise, aborder la question religieuse din Haqqani et son fls Sirajuddin. Elle est liée aux est légitime. « Après tout, le Pakistan a été créé talibans et opère depuis le Waziristan pakistanais [en 1947] sur la “théorie des deux nations”, selon et la province afghane de Khost. laquelle les hindous et les musulmans sont trop diférents pour pouvoir vivre ensemble »6. Ainsi, cette saison de la série permet de reve- nir sur les féaux auxquels se trouve confronté le Toutefois, si le Pakistan est né d’une identité Pakistan presque depuis sa création : l’islamisme religieuse, et se défnit volontiers – à l’instar d’Israël radical militant – incarné par divers groupes dont – comme un État « idéologique », le maintien de les talibans (afghans et pakistanais) et le réseau l’unité de son socle islamique constitue une «ten- Haqqani sont les plus connus – et l’insécurité sion existentielle »7 car il n’existe pas de consensus latente provoquée en majeure partie par le terro- sur le rôle de l’islam dans le projet pakistanais. risme. Si les deux ne doivent pas être confondus systématiquement, l’un peut alimenter l’autre. Sur ce point, deux visions s’opposent dès le XIXe siècle. D’un côté, se situent les partisans 3 Homeland, Selon le Global Terrorism Index 2015 , en d’une communauté territorialisée rassemblant les saison 4 2014, le Pakistan est, à l’échelle internationale, le musulmans ourdouphones de l’Inde du Nord et quatrième pays le plus touché par le terrorisme 4. pour laquelle on peut parler d’identité musulmane. 68 Le pays doit notamment ce rang à sa proximité Cette conception correspond à celle dévelop- avec l’Afghanistan : la plupart des attaques se pée par les sciences sociales, qui indiquent que produisent à proximité de la frontière (35 % ont l’identité nationale est à la fois reçue et construite. lieu dans la province de Khyber Paktunkhwa, au Cette identité est pluraliste et se fonde à la fois Nord-Ouest) et impliquent les talibans. En 2014, sur des facteurs religieux et non religieux8. alors qu’environ la moitié des attaques n’est pas revendiquée, l’autre moitié est le fait de trente- De l’autre côté, se trouvent les premiers fon- cinq groupes diférents. Parmi ceux-ci, si une pe- damentalistes, issus du séminaire de Deoband9, tite part est composée de groupes séparatistes, qui prônent le retour aux origines de l’islam. Ils tels que les Baloutches ou les Sindhis, la plupart sont des groupes islamistes. L’organisation la plus meurtrière est celle du Tehrik-e-Taliban Pa- 6. « Of course, when discussing Pakistan, the religious issue kistan (TTP)5 : elle est responsable de 31 % des is a legitimate one. The country was after all founded on the morts et de 60 % des attaques revendiquées. “theory of two nations”, declaring Hindus and Muslims to be too diferent to live together (…) ». Jean-Luc Racine, « Pakis- tan’s strategic paradigm: escaping the complexities of the reli- Revenir sur le rôle de l’islam dans l’identité du gious factor », Paris Papers, IRSEM, n°13, July 2015. pays et sur son instrumentalisation à des fns poli- tiques permet de comprendre en partie comment 7. Christophe Jafrelot, « Le syndrome pakistanais : trajectoire nationale et facteurs externes », Questions Internationales n°66 : Pakistan. Un État sous tension, mars-avril 2014. 3. Global Terrorism Index 2015: Measuring and Understanding the Impact of Terrorism, Institute for Economics and Peace : 8. Jean-Luc Racine, op. cit. http://www.visionofhumanity.org/sites/default/fles/2015%20 9. École de pensée réformiste qui s’est développée dans la Global%20Terrorism%20Index%20Report_1.pdf. seconde moitié du XIXe siècle autour de la madrasa de Deo- 4. Après l’Irak, l’Afghanistan et le Nigéria. band, ville située dans l’État de l’Uttar Pradesh dans le nord de l’Inde, et qui se caractérise par le rejet du culte des saints, 5. Mouvement des talibans du Pakistan. entre autres pratiques issues de l’hindouisme et du chiisme. ANALYSE

Outre ces facteurs religieux internes qui me- 10 s’identifent à l’Oumma dans son ensemble et nacent sa stabilité, le Pakistan est aussi confronté réclament la reconnaissance du droit islamique. à des dynamiques religieuses externes dont la Cette conception se rapproche plus de l’idée de plus caractéristique est celle du djihadisme. Cette « choc des civilisations » de Samuel Huntington : menace se trouve accentuée du fait de son ins- les fondamentalistes revendiquent un « islam glo- trumentalisation par les autorités pakistanaises 11 bal », sans concessions . à des fns (géo)politiques. En efet, le Pakistan mène depuis des décennies une politique ambi- Cette opposition se renforce avec la partition guë à l’égard des groupes islamistes armés : l’In- de l’Inde britannique en 1947. La Ligue musul- 14 mane, à la tête de laquelle se trouve Muham- ter-Services Intelligence (ISI) les utilise pour sou- mad Ali Jinnah, qui devient alors le premier chef tenir les objectifs stratégiques du pays chez ses d’État du Pakistan, est partisane de la première voisins afghan et indien, entre lesquels il s’estime 15 vision. Ainsi, elle s’engage à faire respecter un « pris en tenaille » . certain multiculturalisme au sein de la société En Afghanistan, dès les années 1970, les pakistanaise où les minorités religieuses doivent dirigeants pakistanais sont les premiers à aider disposer des mêmes droits que l’ensemble des les islamistes afghans car ils les considèrent citoyens. Les oulémas et les fondamentalistes de comme utiles pour lutter contre le nationalisme l’organisation de la Jam’at-e-Islami, quant à eux, pachtoun16. Cette politique se poursuit après revendiquent l’instauration d’un État islamique l’invasion soviétique en Afghanistan en 1979 : le voire versent dans un islamisme sans frontières. Pakistan devient alors la base arrière des mou- Si les trois constitutions pakistanaises12 éta- djahidin afghans, dirigés par le commandant blissent à chaque fois une sorte de compromis Massoud, Burhanuddin Rabbani, Gulbuddin en faveur de la première option, la pratique com- Hekmatyar et Jalaluddin Haqqani. Puis, le Pa- mence à dévier sous la présidence de Zulfkar Ali kistan, espérant que l’Afghanistan lui ofre une Bhutto et empire sous la dictature du général Mu- profondeur stratégique en cas de confit avec hammad Zia-ul-Haq13. Ce dernier fait de l’islam l’Inde, aide à la montée en puissance du mouve- sunnite deobandi la religion ofcielle et lance une ment fondamentaliste des talibans qui fnissent politique d’islamisation de grande ampleur tou- par prendre le pouvoir à Kaboul, en 1996. Isla- chant le droit, l’éducation et la fscalité. Puis, il mabad estime ce gouvernement favorable à ses intérêts. décide de punir certains cas de blasphème de la Homeland, peine de mort. En Inde, pour lutter contre la présence in- saison 4 En plus de confronter une nouvelle fois les dienne au Cachemire, l’ISI entraîne des milices partisans de l’héritage idéologique qui défnit une telles que le Lashkar-e-Taiba (LeT, « Armée des 69 communauté culturelle islamique à ceux qui font purs ») et le Jaish-e-Mohammad (JeM, « Armée de la religion de la majorité – du fait de son carac- de Mahomet ») dont les éléments sont poussés tère sacré non négociable – un facteur d’exclu- à infltrer cette province dans le but de « saigner 17 sion des minorités, cette politique d’islamisation l’Inde » . En 1999, alors que les infltrations at- contribue à exacerber le clivage entre les sunnites teignent la ville indienne de Kargil, les autorités et les chiites. Cet élément constitue une très forte indiennes découvrent l’implication des militaires source d’instabilité interne. Il est même question pakistanais et réagissent : cela donne lieu au de « confit sectaire ». Celui-ci est, de plus, ac- confit armé de Kargil. centué dans les années 1980 par le soutien ap- porté aux chiites pakistanais par l’Iran souhaitant exporter sa révolution. À cela, l’Arabie saoudite 14. Services de renseignement pakistanais. répond en aidant les sunnites pakistanais. 15. Cf. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN n°11 où « le paradigme stratégique pakistanais entre Inde et Af- 10. Communauté des croyants. ghanistan » est décrit dans la deuxième partie (« Du rôle du Pakistan dans le confit afghan et du double jeu pakistanais ») 11. Jean-Luc Racine, op. cit. de l’article « Homeland saison 4 : ou comment une série per- met de faire le point sur la géopolitique actuelle du Pakistan », 12. À ce jour, c'est la constitution adoptée en 1973 qui est p. 67-72. en vigueur au Pakistan. Les deux constitutions précédentes datent de 1956 et 1962. 16. La cause d’un « Grand Pachtounistan », État qui che- vaucherait la ligne Durand et rassemblerait l’ensemble de la 13. Le général Zia-ul-Haq arrive au pouvoir en 1977 par un population pachtoune, au détriment d’une partie – environ un coup d’État. Il suspend la Constitution de 1973, impose la cinquième – du territoire pakistanais, refait périodiquement loi martiale jusqu’en 1985, interdit les partis d’opposition et surface dans le discours de Kaboul et des Pachtounes. lance une politique d’islamisation systématique de la société pakistanaise. 17. Christophe Jafrelot, op. cit. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

• Islamisme radical et exacerbation de la violence quences sur les voisins du Pakistan. En efet, ce- 13 terroriste lui-ci n'est plus seulement une base arrière et de repli pour les islamistes armés mais devient aussi Le revers de cette stratégie d’instrumentali- leur cible. À partir de fn 2001, en prenant part à la sation des groupes islamistes armés vient avec « guerre contre le terrorisme », les autorités pakis- le choc mondial que provoque le 11 septembre tanaises entreprennent de réprimer les groupes 2001 et la chute des talibans en Afghanistan. Le que leurs services soutenaient auparavant. Cer- Pakistan ayant été le soutien des groupes djiha- tains groupes militants se retournent alors contre distes en Afghanistan – dont Al-Qaïda – devient leur ancien sponsor devenu selon eux le « laquais logiquement leur base de repli. Cependant, le des États-Unis ». général Pervez Musharraf, alors à la tête du Pa- kistan, fnit par se ranger fn 2001 du côté de la Ce tournant est particulièrement marqué en « guerre contre le terrorisme » lancée par George 2007, lorsque l’armée lance un assaut contre la W. Bush. Mosquée rouge d’Islamabad20, occupée alors par un groupe d’islamistes radicaux. Cet assaut Au même moment, l'attaque suicide menée et les afrontements qui s’ensuivent, en plus de contre le Parlement indien par un groupe djiha- la centaine de morts qu’ils provoquent, amènent diste pakistanais18 met une nouvelle fois l'Inde et la plupart des groupes à se fédérer sous la ban- le Pakistan au bord de l'afrontement. Toutefois, la nière d’une organisation nouvelle : le Tehrik-e- retenue et le dialogue l'emportent et l'apaisement Taliban Pakistan (TTP). Cette dernière devient est de mise le long de la Ligne de contrôle. Un l’ennemi intérieur pour les autorités pakistanaises dialogue institutionnalisé s’instaure même entre puisqu’elle est à la fois opposée à la politique les deux gouvernements. Cette « infexion stra- d’Islamabad de soutien à la coalition de l’OTAN tégique »19 du régime dresse contre lui une par- en Afghanistan et à la nature du régime pakista- tie des groupes extrémistes. Si des tentatives de nais, jugé trop peu islamique. Le bastion de ce négociation avec eux sont même lancées, elles mouvement se situe dans les zones tribales sous ne remportent pas de succès. Le général Pervez administration fédérale (Federally Administrated Musharraf est même la cible d'attentats à partir Tribal Areas, FATA) et plus particulièrement dans de 2003. Puis, alors que sa politique de dialogue les Waziristan du Nord et du Sud. avec l'Inde devant mener à un compromis sur la question du Cachemire est sur le point d'aboutir • De la « talibanisation » d’une partie du Pakistan Homeland, en 2007, elle est stoppée net à la suite des atten- Les talibans du TTP multiplient dès lors les saison 4 tats de Bombay de novembre 2008. Perpétrés attentats de grande ampleur dans les principales par le Lashkar-e-Taiba (LeT), ils font plus de 170 villes du pays que sont Islamabad, Rawalpindi, 70 victimes. Lahore et Peshawar. Ils réussissent, par ailleurs, à Si le dialogue indo-pakistanais a été réengagé gagner du terrain au point de prendre le contrôle 21 depuis 2011, les mêmes reproches sont de mise de la vallée de Swat fn 2008-début 2009, après vis-à-vis des autorités pakistanaises : les struc- avoir tenu en échec environ 12 000 soldats du tures djihadistes à l'origine du terrorisme anti- gouvernement venus les combattre à partir de indien ne sont pas démantelées, ce qui laisse 200722. La vallée se « talibanise » : la charia y est planer le doute quant à la volonté politique pakis- imposée et la violence se banalise, rappelant les tanaise d'en fnir avec le terrorisme. Parfois, elles pires moments de l’Émirat islamique de Kaboul. sont interdites mais fnissent par se reconstituer Les talibans du TTP « invitent » la population à sous d’autres noms. La milice du Lashkar-e-Tai- des séances publiques d’amputations, de fagel- ba est, par exemple, encore active. Son chef a lations et d’exécutions 23. même été blanchi par les tribunaux, et, alors que les Nations unies et les États-Unis placent son 20. Lieu réputé pour ses enseignements radicaux. mouvement parmi les organisations terroristes, il 21. La vallée de Swat est située dans la province de Khyber continue à multiplier les activités publiques anti- Pakhunkhwa. Elle était auparavant la destination touristique indiennes. phare du Pakistan, notamment pour la pratique des sports d'hiver (elle était notamment souvent appelée la « Suisse En outre, dans le contexte post-11 septembre pakistanaise »). 2001, la présence de groupes extrémistes sur le 22. Entre 2007 et 2009, dans cette région, soixante-dix poli- sol pakistanais n'a pas seulement des consé- ciers ont été décapités, cent quatre-vingts soldats pakistanais ainsi que mille deux cents civils ont été tués. Cf. Jean-Charles Jaufret, Afghanistan 2001-2010, chronique d’une non-vic- 18. Cette attaque, menée le 13 décembre 2001, fait 14 vic- toire annoncée, Autrement Frontières, Paris, 2010, p. 153- times. 154. 19. Jean-Luc Racine, op. cit. 23. La vie sous les talibans dans la vallée de Swat à cette ANALYSE

Ce sont les femmes qui pâtissent le plus de les attentats kamikazes commencent à mettre ce gouvernement local des talibans : une inter- en place des milices afn de lutter contre les tali- diction d’éduquer les flles est imposée, ainsi 180 bans, en appui aux forces de l’ordre. Toutefois, écoles sont détruites et 80 000 fllettes et adoles- ces actions contribuent à renforcer encore plus 24 centes restent sans éducation ; les jeunes flles les tensions au sein de la société́ pakistanaise, et ne peuvent plus sortir sans être accompagnées face à la menace de l'exacerbation d'un véritable d’un homme ; les couples qui circulent dans confit civil, l'armée se voit tenue d'intervenir. l’espace public doivent se munir de leur certifcat de mariage ; les familles ayant des flles en âge • Politiques et actions de lutte contre le terro- de se marier doivent les déclarer aux mosquées risme et l’extrémisme afn qu’elles épousent des talibans ; le retour des mariages forcés s’accompagne de sévices et de Ainsi, au printemps 2009, l'armée pakista- meurtres sur les femmes. naise conduit des opérations militaires sans pré- cédent pour tenter de « nettoyer » la région de Forts de leur succès dans la vallée de Swat, Swat (opérations Rah-e-Haq III et Rah-e-Rast) les talibans pakistanais se lancent dans une cam- et le Waziristan du Sud (opération Rah-e-Nijat). pagne de déstabilisation de l’État en multipliant Cette contre-ofensive permet de ramener partiel- les attentats et attaques contre des bâtiments lement la vallée de Swat sous l'autorité de l'État, publics et les assassinats et les enlèvements mais le coût humain est élevé : deux millions de de membres de forces de l'ordre. Puis, ils envi- personnes sont déplacées et de nombreuses sagent de quitter la vallée de Swat et d'entamer exactions et disparitions sont signalées. En août une progression vers Islamabad. Là, Richard Hol- 2009, le leader des talibans pakistanais, Baitullah brooke25, alors représentant spécial des États- Mehsud, est tué par un tir de drone américain28 Unis pour l'Afghanistan et le Pakistan, indique au Waziristan du Sud. Hakimullah Mehsud lui que la victoire des talibans « serait une menace succède à la tête du TTP. directe »26 pour tous les États de la région. Hillary Clinton, secrétaire d'État américaine, considère À cela, les talibans répliquent en perpétrant que les avancées continues des talibans consti- de nouvelles attaques terroristes contre les ins- tuent une « menace existentielle [pour le] Pakis- tallations militaires du pays. En octobre 2009, le quartier général de l'armée de terre à Rawalpindi tan »27. En efet, la loi islamique imposée par les fait l'objet d'une attaque qui dure plus de vingt talibans contribue à étayer leur ascendant moral : heures. En mai 2011, le TTP revendique un pre- d’un côté, ils interdisent aux femmes de sortir Homeland, mier attentat contre une académie paramilitaire chez elles seules et contraignent les hommes à saison 4 qui tue 80 personnes dans la province de Khyber porter la barbe, en instaurant des tribunaux isla- Pakhunkhwa, puis un deuxième (quatorze morts miques ; de l’autre, ils combattent le même mal 71 et deux avions endommagés) contre la base na- endémique qu’en Afghanistan : la corruption. vale de Mehran à Karachi. En 2012, c'est la base Montrer leur force et défer l’État fait aussi par- aérienne de Kamra qui est visée par une attaque tie d’une même stratégie cherchant à gagner la 29 population. terroriste .

Aux critiques, le général Kayani, chef d’état- Prenant (enfn) la mesure de la gravité de la major de l’armée de terre pakistanaise, répond menace, les autorités pakistanaises procèdent que le fait de laisser les talibans établir leur loi progressivement à un changement de discours : permettrait de faire connaître leurs excès à l’opi- la menace intérieure que constituent les talibans nion publique. Cet objectif semble atteint dès juin est jugée existentielle par les politiques et l'armée 2009. Les habitants exaspérés et horrifés par partage désormais ce point de vue. Le général Kayani, dans son discours à la nation de 2012, indique que « la guerre contre l'extrémisme et le période est très bien décrite dans I am Malala, The girl who stood up for education and was shot by the taliban, coécrit terrorisme n'est pas seulement celle de l'armée : par Malala Yousafzai et Christina Lamb.

24. Jean-Charles Jaufret, op. cit., p. 154. 28. Sur la position du gouvernement pakistanais quant aux 25. Richard Holbrooke a inventé en 2008 le concept d'AfPak frappes de drones menée par les États-Unis sur son territoire, (pour Afghanistan Pakistan) pour souligner l'existence dans voir Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN n°11 et la cette région d'« un théâtre de guerre chevauchant une fron- première partie de l’article « Homeland saison 4 : ou comment tière mal défnie, la ligne Durand ». Ce terme a, quelques an- une série permet de faire le point sur la géopolitique actuelle nées après, été abandonné par l'administration Obama. du Pakistan » qui traite de « la guerre des drones au Pakistan», p. 63-68. 26. Richard Holbrooke, Der Spiegel, 21 février 2009, in Jean- Charles Jaufret, op. cit., p. 155. 29. Isabelle Saint-Mézard, « Insécurité et terrorisme au Pakis- tan », Questions Internationales n°66 : Pakistan. Un État sous 27. Los Angeles Times, 24 avril 2009. tension, mars-avril 2014. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

c'est celle de la nation tout entière, le déf qui le pays. Ce Plan comporte vingt dispositions au 13 nous menace le plus est celui de préserver l'unité sein desquelles quatre grandes thématiques se 30 et l'intégrité nationales » . dégagent : renforcement du contre-terrorisme, Les autorités tentent de mettre en place un réglementation des institutions religieuses, res- processus de négociations avec le TTP dès pect de la Constitution, dialogue entre les institu- 2010. Elles s'appuient notamment sur le fait que tions démocratiques. Parmi les mesures phares le TTP est une organisation réunissant une di- de ce Plan se distinguent notamment l'implanta- zaine de groupes avec des intérêts disparates et tion de tribunaux militaires antiterroristes et la ré- des priorités parfois diférentes. Toutefois, la mort glementation des madrasas. Toutefois, ce dernier de Hakimullah Mehsud, en novembre 2013, du point ne semble pas jusqu'ici constituer la priorité fait d'une frappe de drone américaine, porte un du gouvernement : les madrasas ne font tou- coup dur au « processus de pacifcation ». jours pas l'objet de réglementations particulières. Ainsi, la question de la déradicalisation continue À partir de juin 2014, l'opération Zarb-e-Arb de poser problème. Or, à l'heure où l'organisation est mise en place. Il s'agit de la plus importante État islamique tente, elle aussi, de s'implanter au opération antiterroriste jamais réalisée en Asie Pakistan, elle est plus que jamais essentielle pour méridionale. L'armée pakistanaise mène notam- que le Pakistan puisse envisager de sortir du ment une ofensive centrée sur le Waziristan du cycle de violence et d'extrémisme dans lequel il Nord. En réponse à celle-ci, le TTP attaque, le 16 se trouve, les opérations militaires n'étant qu'une décembre 2014, une école publique de l'armée partie de la solution. à Peshawar. 141 personnes – dont 132 enfants – sont tuées, faisant de cet attentat le plus meur- Quelques éléments sur le plus puis- trier de l'histoire du Pakistan 31. sant des services de renseignement pakistanais : l’Inter-Services Intelli- À la suite de cela, l'opération Zarb-e-Arb se poursuit évidemment en 2015. Elle entraîne des gence conséquences positives dont la plus visible est Dans la série : une diminution des actes terroristes de 48 % par rapport à l'année précédente32, en particulier à • Épisode 3 – Salwar Kameez Karachi. De plus, au-delà des territoires recon- Des éléments de l’ISI prennent en flature la Homeland, quis par le gouvernement dans les zones tribales, voiture de Carrie Mathison dès sa sortie de l’am- saison 4 Zarb-e-Arb a pour conséquence d'afaiblir pro- gressivement les talibans du TTP qui, chassés de bassade des États-Unis. Selon elle, les rues d’Is- lamabad « grouillent d’agents de l’ISI ». 72 leurs sanctuaires, se trouvent sur la défensive, à défaut d'être éradiqués. Toutefois, le fait qu'Isla- Ces mêmes agents brutalisent Ayman, le ne- mabad envisage de prolonger de plusieurs an- veu de Haissam Haqqani, chef taliban, afn qu’il nées l'opération indique que le chemin à parcou- se taise et ne fasse pas échouer des opérations rir est encore long, d'autant plus qu'une majorité en cours. des talibans n'est pas éliminée mais est passée de l'autre côté de la ligne Durand. • Épisode 7 – Redux

Parallèlement à la poursuite de l'ofensive mili- Lockhart, directeur de la CIA, lors d’une négo- taire antiterroriste, un Plan d'action national (NAP, ciation particulièrement houleuse avec les autori- National Action Plan) est établi par les autori- tés pakistanaises, lance à ses interlocuteurs : « tés pakistanaises en janvier 2015 (à la suite de Cela n’est pas un secret que parmi les agents l'attaque sanglante de Peshawar, donc) et vise de vos services de renseignement et de vos à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme dans forces armées certains soutiennent Haqqani, tout comme ils avaient soutenu Ben Laden aupara- 30. « Full Text of General Kayani's speech on Pakistan In- vant ». dependence Day », 14 août 2012 (https://lubpak.com/ar- chives/227063). • Épisode 10 – 13 Hours in Islamabad

31. Cf. « Des nouvelles du Pakistan », émission Le Dessous Tasneem, agent civil de l’ISI, empêche son des Cartes difusée sur Arte le 19 mars 2016. collègue Aasar Khan, ofcier de l’armée pakis- 32. Cf. Pakistan Institute of Peace Studies (PIPS) Annual tanaise, de lancer une intervention en appui aux Security Record, Terrorism declined by 48% but TTP remai- ned major actor of instability in 2015, 5 January 2016: « With Américains qui subissent une embuscade tendue 625 terrorist attacks across Pakistan, the number of terrorism par les talibans. Les services de renseignement incidents in 2015 marked a decline of 48 percent from the prennent, dès lors, le dessus sur l’armée. previous year. » ANALYSE

Dans la réalité : pakistanaise35. Pourtant, l’ISI est, depuis, le plus infuent et le plus redouté – tant en interne qu’à Cette saison permet de revenir sur le rôle de l’étranger – des services pakistanais. l’Inter-Services Intelligence (ISI) au Pakistan. Ce service de renseignement a, généralement, une L’ISI assume les missions de recueil du rensei- image négative et est particulièrement redouté, gnement, de mise en œuvre des actions clandes- tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. tines aussi bien à l’étranger que sur le territoire national36, de contre-espionnage et d’entraîne- La puissance et l’infuence de cette agence ment au renseignement 37. Pour mener ces acti- tiennent notamment au contexte particulier dans vités, l’agence de renseignement, dont le siège lequel s’est construit l’État pakistanais. Bernard appelé « Point zéro » se situe dans le quartier du Guetta, dans sa chronique radio Géopolitique du marché d’Aabpara à Islamabad, est structurée en 30 mars 2016 33, indiquait que « le poids prépon- huit départements. dérant des militaires et des services de rensei- gnement sur la vie politique du pays » s’expliquait Parmi ceux-ci, il est intéressant de noter que par la « paranoïa » que connaît le Pakistan depuis trois ont explicitement certaines de leurs activités toujours : « la peur permanente que l’Inde veuille centrées sur les voisins du Pakistan. En efet, le reconquérir son territoire qu’elle estime perdu avec Joint Intelligence Bureau (JIB), qui est respon- la partition de l’Empire des Indes britanniques ». sable du renseignement humain, est doté d’un Aujourd’hui, des explications complémentaires volet action composé de trois bureaux, dont l’un peuvent être apportées à un rôle aussi important est chargé de l’Inde, le deuxième du contre-terro- de l’ISI : la montée en puissance de l’idée d’un en- risme et le troisième de la protection des person- nemi intérieur, incarné par les groupes terroristes nalités. Le Joint Intelligence North (JIN) a, quant à locaux, et la relation particulière que le Pakistan lui, pour mission de maîtriser les confits au nord entretient avec la démocratie. du Pakistan – en particulier celui du Cachemire – et en Afghanistan. Le Counter-Intelligence Bu- L’ISI est un service de renseignement parfois reau (CIB) est en charge du contre-espionnage, qualifé de tentaculaire : sa structure et son or- en particulier contre les services indiens. ganisation lui permettent d’imprégner la société pakistanaise dans son ensemble. Il n’est donc Les cinq autres départements sont plutôt des « pas surprenant de constater que ce service joue, classiques » que l’on retrouve – sous d’autres dé- depuis toujours – mais de manière plus ou moins nominations – dans la plupart des autres agences Homeland, assumée selon les périodes et en fonction de qui de renseignement à travers le monde : le Joint saison 4 gouverne le pays – un rôle dans la politique inté- Intelligence Miscellaneous (JIM) est en charge rieure du Pakistan. À l’étranger, c’est surtout vis- des opérations clandestines ; le Joint Intelligence 73 à-vis des voisins afghan et indien que le rôle de X (JIX) exploite le renseignement recueilli par les l’ISI est connu et ses interventions ne sont pas autres bureaux et le difuse vers les autorités gou- toujours en phase avec le discours du gouver- vernementales et militaires ; le Joint Intelligence nement. Souvent qualifé d’« État dans l’État », Technical (JIT) est responsable du soutien logis- l’ISI semble parfois incontrôlable par le pouvoir tique des opérations ; le Joint Signal Intelligence politique. Bureau (JSIB) recueille le renseignement d’origine électromagnétique et le Special Wing forme les L’analyse : ofciers de renseignement pakistanais. • L’ISI, plus puissant service de renseignement pakistanais : structure/organisation 35. Cette guerre, aussi appelée « première guerre du Cache- mire » a duré du 21 octobre 1947 au 31 décembre 1948. Les services de renseignement pakistanais Depuis cette guerre, le Cachemire est de facto partagé entre sont composés de trois branches : l’Intelligence l’Inde (province du Jammu-et-Cachemire), le Pakistan (terri- toires de l’Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan) et la Chine Bureau (IB), le Military Bureau (MB) et l’Inter-Ser- (région de l’Aksai Chin et vallée de Shaksgam). vices Intelligence (ISI)34. Alors que les deux pre- 36. Cf. Alain Rodier, « Pakistan. Rôle réel de l’Inter-Services miers ont été mis en place dès la naissance de Intelligence (ISI) », Note d’actualité n°144, Centre français de l’État pakistanais en 1947, l’ISI est né un an plus recherche sur le renseignement, octobre 2008. tard, dans le contexte de la première guerre indo- 37. Alain Chouet, ancien chef du renseignement de sécurité à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), écrit 33. Bernard Guetta, Émission Géopolitique sur France Inter, le dans La Sagesse de l’Espion que nombre d’appareils de ren- 30 mars 2015, « Les apprentis sorciers du Pakistan ». seignement sont divisés en deux : le renseignement interne et le renseignement extérieur. Il indique que « la confusion des 34. Cf. Isabelle Saint-Mézard, « Le rôle trouble des services deux fonctions est en général la marque des dictatures »… de renseignement », Questions Internationales n°66 : Pakis- Alain Chouet, La Sagesse de l’Espion, L’œil neuf éditions, tan. Un État sous tension, mars-avril 2014. Paris, 2010, p. 79. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 Très structurée, l’ISI est aussi une organi- Lorsque le pays est aux mains des militaires, sation très hiérarchisée. À sa tête se trouve un l’ISI use de tous les moyens pour contenir les directeur général qui est, la plupart du temps, un opposants politiques : chantage, intimidation, général trois étoiles de l’armée de terre. Depuis campagne médiatique, torture, arrestation, fn 2014, il s’agit du général Rizwan Akhtar. Ce emprisonnement40. Lorsque des élections sont dernier est assisté par trois directeurs généraux organisées, l’ISI en modife le cours ou en mani- adjoints dont l’un est chargé de la politique, le pule les résultats. C’est notamment le cas en deuxième des actions extérieures et le troisième 2002 sous Pervez Musharraf que l’ISI a, aupa- de l’administration. ravant, aidé à se constituer une base politique en créant un parti de soutien fantoche : la Ligue En 2008, les efectifs de l’agence sont estimés musulmane du Pakistan branche Quaid-e-Azam à 25 000 personnes, qui sont principalement des (PML-Q). En 2008, alors que les années de militaires. Toutefois, des personnels civils, prin- dictature militaire du général Pervez Musharraf cipalement des policiers, composent aussi ses ont, par ses dérives, quelque peu décrédibilisé rangs. À ces efectifs s’ajouteraient environ 30 l’armée (qui dit vouloir se mettre en retrait du jeu 000 collaborateurs38 externes et occasionnels : politique), l’ISI intervient dans le jeu des scru- agents, honorables correspondants, contacts tins du mois de février pour empêcher la victoire locaux, etc. qui permettent à l’ISI d’infltrer en massive du PPP 41. profondeur la société pakistanaise. Toutefois, cette méthode ne fonctionne pas • L’ISI et la politique intérieure du Pakistan toujours. À la fn des années 1980, alors que le général Zia-ul-Haq accepte l’organisation d’élec- À l’origine, l’ISI est créé comme service de tions, l’ISI est chargée de contrer la montée en renseignement interarmées : il a pour mission de puissance du PPP de Benazir Bhutto, seul véri- coordonner les fonctions de renseignement des table parti de masse et d’opposition dans le pays forces terrestres, aériennes et navales. Toutefois, à l’époque. L’agence crée de toutes pièces, en son rôle s’accroît considérablement avec la dic- invitant une dizaine de partis religieux et conser- tature militaire d’Ayub Khan (1958-1969) : dès 42 lors, son champ d’action implique non seulement vateurs à se regrouper, une coalition : l’Islami d’analyser la menace extérieure, mais aussi de Jamhoori Itterad (IJI). Malgré cela, Benazir Bhutto participer au contrôle de la société civile en sur- remporte tout de même les élections de 1988, Homeland, veillant les opposants politiques et d’appuyer le ce qui marque le retour des civils au pouvoir et le saison 4 maintien de l’autorité militaire. Ce rôle est repris début de la « décennie de la démocratie ». durant les deux autres dictatures militaires que Durant les périodes de pouvoir civil, l’ISI reste 74 connaît le Pakistan : sous le général Zia-ul-Haq, fortement impliquée dans la politique interne entre 1977 et 1988, et sous le général Pervez pakistanaise. Si cela est rare, certains dirigeants Musharraf, entre 1999 et 2008. civils ont essayé de l’utiliser à leur avantage, à À partir des années 1970, l’ISI devient vérita- l’instar de Zulfkar Ali Bhutto, président de la Ré- blement une agence infltrée dans le jeu politique publique entre 1971 et 1973 puis Premier ministre entre 1973 et 1977, qui a installé par décret, au intérieur du Pakistan39. 1970 est une année de sein de l’ISI, une branche politique spécialement campagne électorale. 1971 est l’année où, après dédiée à la surveillance intérieure. de vives tensions et une guerre, la partie orien- tale du Pakistan acquiert son indépendance et Le plus souvent, l’ISI s’attelle à déstabiliser devient le Bangladesh. Dans ce contexte, l’ISI les gouvernements civils. C’est le cas durant la se voit confer par le pouvoir militaire en place « décennie de la démocratie » : le but de l’ISI est la tâche de produire des rapports sur le climat qu’aucun gouvernement civil – qu’il ait à sa tête politique au sein des diférents échelons admi- un membre du PPP ou de la Ligue musulmane nistratifs du pays. C’est à cette occasion que l’ISI commence à infltrer les partis islamistes et à les utiliser notamment contre le Parti du peuple 40. L’utilisation de certaines de ces méthodes est très bien décrite dans l’autobiographie de Benazir Bhutto : Fille pakistanais (PPP) de Zulfkar Ali Bhutto, alors en d’Orient : 1953-2007, Une vie pour la démocratie, Éditions campagne. Durant la dictature du général Zia-ul- Héloïse d’Ormesson, 2008. Haq, ces liens avec les partis religieux deviennent 41. Cf. Isabelle Saint-Mézard, « Pakistan : une démocratie en systématiques. trompe-l’œil », Questions Internationales n°50 : AfPak (Afgha- nistan-Pakistan), juillet-août 2011.

38. Cf. Alain Rodier, op. cit. 42. Dont la formation de Nawaz Sharif, actuellement Premier ministre du Pakistan (qui l’a aussi été entre 1990 et 1993 ainsi 39. Cf. Isabelle Saint-Mézard, op. cit. qu’entre 1997 et 1999). ANALYSE

du Pakistan – ne soit sufsamment solide pour Force est de constater que ces guerres me- contrecarrer l’infuence omniprésente de l’esta- nées secrètement en Afghanistan et en Inde ont blishment militaire sur les afaires du pays. des conséquences sur l’organisation de l’ISI elle-même : une culture du djihad se développe • L’ISI et la politique pakistanaise envers ses voi- au sein même de ses rangs. Ainsi, à la fn des sins afghan et indien années 1990 mais surtout après les attentats du L’action de l’ISI prend une dimension nouvelle 11 septembre 2001, une purge des éléments en 1979 avec l’invasion de l’Afghanistan par les les plus islamisés de l’agence est entreprise par Soviétiques. La guerre qui s’ensuit jusqu’en 1989 l’état-major de l’armée de terre. est, sans nul doute, la période qui contribue au Les attentats du 11 septembre 2001 renforcement de l’agence. Le Pakistan reçoit des marquent un tournant. Dans un premier temps, fnancements massifs de la part des États-Unis et l’ISI et les services saoudiens demandent aux de l’Arabie saoudite pour soutenir les moudjahi- talibans de livrer Oussama Ben Laden. Face au dines contre l’Armée rouge. C’est l’ISI qui s’im- refus catégorique du mollah Omar et sous la pose comme coordinatrice des opérations grâce pression des États-Unis, le Pakistan rejoint alors à son « bureau afghan ». Forte d’une grande la « guerre contre le terrorisme ». Si, au départ, aisance fnancière, l’agence acquiert une autono- l’ISI écarte ses cadres connus pour leurs sym- mie et une infuence particulière par rapport aux pathies à l’égard des talibans – dont le directeur autres institutions pakistanaises. Sur le terrain, les général de l’époque, le général Mahmud Ahmed chefs de guerre afghans qui bénéfcient du fnan- – et contribue à tuer ou à arrêter des centaines cement, des armes et des formations de l’ISI sont de djihadistes sur son territoire – dont Khaled les plus radicaux comme le Hezb-e-Islami de Cheikh Mohamed, « cerveau » des attentats du Gulbuddin Hekmatyar et le réseau Haqqani, qui 11 septembre –, l’agence ne cesse de protéger est aussi en contact avec des organisations ter- les chefs talibans afghans et de soutenir les dif- roristes plus internationalisées telles qu’Al-Qaïda. férents groupes insurgés combattant les troupes L’ISI aurait, en outre, participé à la formation de de l’International Security Assistance Force (ISAF) plus de 10 000 combattants qui auraient ensuite de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord 43 rejoint l’Afghanistan . (OTAN) intervenant en Afghanistan.

La montée en puissance de l’ISI dans les af- En outre, l’ISI continue de soutenir les groupes faires du Pakistan avec ses voisins ne se termine terroristes anti-indiens, notamment le LeT, res- Homeland, pas avec le départ des Soviétiques en 1989. ponsable des attentats de Bombay de novembre saison 4 Au contraire : dans les années 1990, l’agence 2008. L’Inde accuse aussi l’ISI d’être à l’origine marque de son empreinte les relations du Pakis- de l’attentat contre l’ambassade d’Inde à Kaboul 75 tan avec l’Inde et l’Afghanistan. qui, en juillet 2008, a tué 58 personnes (dont l’at- taché militaire indien) et fait plus de 140 blessés. En Inde, l’ISI s’appuie sur son expérience de combat sur le terrain afghan et puise dans son ré- • L’ISI incontrôlable ? Un « État dans l’État » ? servoir de combattants djihadistes pour soutenir et attiser les revendications cachemiries côté in- L’importance des interférences de l’ISI dans dien. Ainsi sont constitués de véritables groupes le jeu politique pakistanais ainsi que le maintien de combattants militants tels que le Jaish-e- de son soutien à diférents groupes islamistes Mohammad (JeM, « Armée de Mahomet ») et le armés – alors même que cela va à l’encontre de Lashkar-e-Taiba (LeT, « Armée des purs ») qui la politique actuelle du gouvernement – valent à contribuent, par leurs actions terroristes ponc- l’agence d’être souvent qualifée par les journa- tuelles en territoire indien, à « saigner » les forces listes et observateurs d’« État dans l’État » tant de sécurité indiennes et à rendre les relations les instances civiles gouvernementales ont des indo-pakistanaises très tendues. difcultés à la maîtriser.

En Afghanistan, l’ISI œuvre pour tenter de En théorie, les services de renseignement mettre en place un régime stable et ami d’Islama- n’ont, au Pakistan, aucune autorité spécifque qui bad à Kaboul. Ainsi, après avoir estimé que les leur confère des pouvoirs extraordinaires ou ex- diférents chefs de guerre soutenus jusqu’alors trajudiciaires. Selon l’article 90 de la Constitution, n’agissent qu’à leur propre proft, l’agence sou- ils sont censés intervenir dans le cadre général tient, dès 1994, les talibans dans leur conquête qui s’applique au pouvoir exécutif du gouverne- du pouvoir, puis les aide à s’y maintenir. ment fédéral. Ni la Constitution ni aucune loi spé- ciale ne les autorise à se soustraire du droit com- mun pour agir contre les citoyens. L’ensemble 43. Cf. Alain Rodier, op. cit. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

des agences de renseignement est, en théorie, de contenir les militaires et les services de ren- 13 soumis aux juridictions ordinaires et, en dernier seignement en prenant l’ascendant sur eux. En recours, à la Cour suprême44. 2008, le gouvernement du président Asif Ali Zar- dari cherche à faire passer l’ISI sous la houlette En pratique, les activités menées par les ser- du ministère de l’Intérieur. L’armée lui oppose son vices de renseignement ne font que peu de cas veto et menace de déstabiliser le gouvernement du droit et de ce qui fgure dans la loi. Aujourd’hui s’il ne revient pas sur sa décision. encore, l’ISI a une image très négative car elle use de méthodes brutales : elle arrête et détient L’armée demeure donc présente dans le jeu des personnes sans aucune autorisation légale, politique pakistanais, mais elle n’est pas (plus) se sert de la torture pour soustraire des informa- omnipotente. En efet, pour la première fois, en tions et est soupçonnée d’être responsable de 2008, un consensus s’est formé parmi les prin- nombreuses disparitions. L’agence fait, en outre, cipaux partis politiques – la Pakistan Muslim preuve de beaucoup de mépris envers les institu- League-Nawaz faction (PML-N) et le Pakistan tions étatiques, y compris la Cour suprême. People’s Party (PPP), qui sont, il faut le souligner, rivaux depuis toujours – pour veiller à éviter toute Avant la première guerre d’Afghanistan, les manipulation du pouvoir par les militaires. Dans ofciers de l’armée de terre, considérant une ce contexte, il est possible que l’armée essaie afectation à l’ISI comme une mise à l’écart, d’autant plus de s’appuyer sur l’ISI pour infuer étaient peu enclins à en rejoindre les rangs45. sur la vie politique pakistanaise. Depuis, la donne a changé et un passage par l’ISI est plutôt un tremplin : nombre des ofciers Établir un contrôle démocratique et citoyen afectés aux postes les plus élevés sont passés sur les activités de l’ISI suppose dans un pre- auparavant par le service de renseignement. mier temps que le Pakistan se démocratise to- C’est notamment le cas du général Ashfaq talement, que les pouvoirs soient séparés et se Kayani, directeur général de l’ISI entre 2004 et contrôlent les uns les autres. Le rôle de la Cour 2007, puis chef d’état-major de l’armée de terre suprême peut être accentué : elle peut devenir entre 2007 et 2013. l’alliée de tout gouvernement qui s’attellera réel- lement au contrôle de ses services de renseigne- Ce passage des ofciers de l’ISI vers l’état-ma- ment, en tant que plus haute autorité chargée du jor de l’armée de terre (ou inversement) renforce contrôle constitutionnel des politiques publiques. les collusions entre les deux structures et, de fait, Homeland, Si elle ne peut forcer le respect de la loi, elle peut rend encore plus difcile tout contrôle par le pou- saison 4 rendre publiques les violations de celle-ci, notam- voir civil. Alors que dans les textes, la nomination ment lorsque les services de renseignement sont du directeur de l’ISI revient au Premier ministre, concernés. 76 dans les faits, seuls Benazir Bhutto et Nawaz Sharif ont, alors qu’ils étaient à la tête du pays, Toutefois, au regard du contexte politique et nommé des directeurs généraux de l’ISI issus de géopolitique actuel du Pakistan, avec la menace leurs réseaux. Ces derniers ont été, par la suite, terroriste au premier plan des préoccupations de marginalisés par l’armée. En 2009, c’est le géné- sécurité, il paraît peu probable qu’un contrôle ral Kayani – et non le Premier ministre Youssouf démocratique et institutionnel soit imposé à l’ISI Raza Gilani – qui choisit Ahmed Shuja Pasha pour dans un avenir proche, puisque l’une des mis- prendre la fonction de directeur général de l’ISI46. sions de l’ISI est le contre-terrorisme. Ceci d’au- tant plus que la réforme des services de rensei- Depuis 2008, les autorités civiles sont au gnement ne semble pas faire partie des priorités pouvoir et, alors que le pays expérimente une du gouvernement de Nawaz Sharif actuellement phase de « transition démocratique »47, essayent au pouvoir. §

44. Cf. Frédéric Grare, « The Challenges of Civilian Control Over Intelligence Agencies in Pakistan », Carnegie Endow- ment for International Peace, 18 décembre 2015. (http:// carnegieendowment.org/2015/12/18/challenges-of-civilian- control-over-intelligence-agencies-in-pakistan/inad). 45. Cf. Isabelle Saint-Mézard, « Le rôle trouble des services de renseignement », Questions Internationales n°66 : Pakis- tan. Un État sous tension, mars-avril 2014. 46. Ahmed Shuja Pasha est directeur général de l’ISI de 2009 à 2012. 47. « Pakistan can be labeled as a transitional democracy at best ». Cf. Frédéric Grare, op. cit. ANALYSE The next big thing: Indo-US ties equal to an alliance

L’AUTEUR n current indications, While moving closer to Washing- the budding partnership ton, it would be unwise for Modi to Brij Khindaria O between India and the give Putin and Xi further cause for Membre du Comité Asie United States may become the coming together. Delineation of an de l'ANAJ-IHEDN most signifcant power equa- informal line between those in Asia Journaliste économique tion in Asian and world geopoli- favoring the US and others trying to et politique, spécialiste tics if Prime Minister Narendra counter its infuence would be an des questions de sécurité Modi presides over two electoral undesirable outcome. et de maintien de la paix. terms, ending in 2024. This essay ofers some perspec- It would be a very likely outcome tives looking beyond the frst two if China fails to temper its: military years of Modi’s energetic rule. The expansionism in the North, East and emerging power politics is charged South China Seas; inroads into the with heavily emotion-flled history The next big Indian Ocean; push in Central Asia; and short on cool-headed percep- thing: growing military alliance with Pakis- tions. Examples include the fraught Indo-US ties tan; and stratagems in Afghanistan, emotions between China and Japan, equal to an Myanmar and Sri Lanka. intense hostility between Pakistan alliance and India, sectarian animosities in Currently, Modi’s India is on a South Asia, and truculence between 77 favored track in military and eco- Beijing and Washington. nomic ties with the United States. Whether that is a good thing or a An anti-authoritarian subject for great concern depends bulwark in Asia? partly on whether hubris or diplo- matic astuteness rules in Washing- US Presidents are always so ton after the November 2016 Presi- engrossed in their domestic politics dential elections. that their initially moderate embrace of foreign friends can turn into over- At this time, both contenders for bearing pressures to join coalitions US presidency -- Donald Trump for built mainly to serve the Washing- the Republicans and Hilary Clinton ton Beltway’s reading of its interests. for the Democrats – sound uncom- What the Pentagon means by goals promising and militarist towards when working with foreign partners China and Russia. So, Modi’s closer often turns out to be quite diferent ties with Washington might put India from the partner’s expectations. on course for greater militarism in What it means by negotiation turns South Asia, the wider sub-continen- out to be pressure to accept its views tal region and the Indian Ocean. That rather than participation as equals. might fatter his nationalist mindset but should give pause for thought, This is not surprising in light of especially as Russia’s Vladimir Putin the huge power asymmetry between is assiduously wooing China’s Xi the US and the partner. But it does Jinping with some success. make placing trust in US intentions Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

no longer one of avoiding military alliances or col- 13 lective defense systems that might go to war. The choice now is between committing to law-based democracies or leaning toward various types of authoritarianism.

Modi recognized this in an address to a joint session of US Congress on June 8, 2016. He of- fered extended defense partnership to strengthen the US-backed international system in exchange for American participation in his long to-do list to achieve prosperity and security for Indians. Sus- tained economic success would truly turn India into an anti-authoritarian bulwark in Asia. But that will also depend on Washington’s open-minded- ness toward Indian needs.

Despite his modest beginnings and advan- cing years, Modi, 65, rejects Indian traditionalists who are held back by their distrust of the US and the West. He is a risk-taker with a grand project. He wants to build an open and technologically advanced nation capable of playing a leading role and consistency harder to achieve. So the par- in the 21st century, yet preserving India’s excep- tnership rests on fragile bases and the one with tionality in line with his convictions about culture India may be no diferent. It remains to be seen and history. whether Modi’s warm welcome in US Congress is the start of an enduring meeting of minds Hurdles may arise from his own hubris in the between the two nations and their rambunctious seat of power as well as the maneuvers of ent- The next big political systems. renched elites struggling to prolong the past thing: that worked in their favor. Modi has deeply-held Indo-US ties Despite his convivial bear hugs, Modi is a convictions – including on nationalism and faith -- equal to an street-smart populist politician who, like Ameri- but he also displays political bravery and readily alliance can leaders, looks to his own goals frst. His poli- challenges himself. He tries to do what he says. tical survival is partly hostage to growing anger For instance, he set aside age-old religious supers- 78 among middle class Indians at the lack of decent tition when he said in a 2013 pre-election speech jobs despite his repeated boasts about high GDP that India should build “toilets before temples”. growth rates under his administration. Young people who worked hard to get the education Among his frst acts as Prime Minister was a required for upward mobility are especially irate “Clean India” campaign that includes building mil- and have already rioted several times in various lions for toilets. More than 53 percent of Indian parts of India. homes, including about 70 percent in villages, lack toilets. Since independence in 1947, Indian Modi’s performance will depend partly on whe- leaders, bureaucrats and intellectuals, who clai- ther he succeeds in evading the intellectual elites med to be more socialist, tolerant and secular who embedded deep distrust of US intentions to- than Modi, have completed many plans for the ward India in most foreign, trade and military poli- people’s social uplift. But none were bold enough cies for over six decades. His convincing electoral to explicitly attack the cultural practices that dis- capture of Delhi in May 2014 weakened them but suaded rural Indians from building safe sanitation, they still dominate state-subsidized think tanks, although it is a vital for preventing disease-related top bureaucracy and mainstream media. poverty in their communities. Citing India’s decades-long skills in non-align- Modi, America’s new close friend ment, infuential Delhi strategists are confdent of extracting military favors from the US without ha- In his speech to the joint session of US ving to bend to Washington's wishes. They may Congress, Modi stepped of India’s customary face rude awakening since current power plays fence and made common cause with the US among the US, Europe, Russia and China are and its allied democracies. He triggered the frst much more complex than the two-sided Cold War steps in the process but change is never easy for that allowed non-alignment to exist. The issue is Indians. It falls to America and its friends to make ANALYSE

Indian opinion makers and politicians feel comfor- those political ambitions but Modi remains formi- table with the emerging new situation. dably popular with voters. That has helped him to meet President Barack Obama seven times in That could include negotiated changes to some just two years. He calls the world’s most power- of the international institutions set up in the mid- ful leader “my friend” and, at a summit before twentieth century to build the post-World War II addressing Congress, he agreed to several goals global order. Modi indicated as much to Congress. that Obama wants to achieve as legacy before Very signifcantly, Modi declared that the US is leaving ofce in January 2017. India’s “indispensable partner”. The Modi-Obama Chief among them was a commitment to ratify joint statement after their summit was entitled, the Paris Climate Change agreement this year, “United States and India: Enduring Global Par- well before the fnal deadline of April 2017. The tners in the 21st Century”. accord could come into force almost immediately These are giant leaps for Indian politics. For- because ratifcation by India and the US would mer Prime Ministers Rajiv Gandhi and Manmohan cross the threshold of 55 countries represen- Singh – both friends of the US – did not dare to ting at least 55% of global emissions. However, venture so far. doubts remain whether Obama will succeed in getting bipartisan Congressional support in time. On June 13, 1985, Rajiv Gandhi pleased US Congress by saying India supported independence In turn, Obama agreed to a Modi initiative to for Afghanistan, which was a step forward because launch an International Solar Alliance (ISA) at a his government had been quiet about Soviet pres- founding conference in September 2016 in India. ence there. But he went no further. Goals include mobilizing $100 billion per year by 2020 to help developing countries. On July 19, 2005, Manmohan Singh, who won historic support from Congress for India’s The big gain for both sides was fnalization of civil nuclear program while possessing nuclear a text for The Logistics Exchange Memorandum weapons, promised only that “We have never of Agreement (LEMOA) to share military logistics. been, and will never be, a source of proliferation”. It will enable India’s navy and armed forces to The next big operate far from shores in the Indian Ocean and thing: In 1949, Jawaharlal Nehru spoke passionately elsewhere while providing reciprocal support for Indo-US ties about how the US Constitution inspired India’s American forces. equal to an new Constitution. But added: “Yet, it is true that alliance India’s voice is somewhat diferent; it is not the The text was blocked by long debates in India voice of the old world of Europe but of the older about non-alignment and strategic autonomy. It world of Asia.” took Modi two years to build the support nee- 79 ded to overlook old-school advisers and better India’s subsequent tilt toward the Soviet Union leverage India’s heft as a nuclear power with the justifed American fears in the early years of the world’s third largest armed forces, sixth largest Cold War. The hearts of old-school Indians in- defense spending and third largest economy (in fuenced by Nehru’s Indian Congress Party still PPP terms). beat faster for Russia. The US now recognizes India as a Major Other Prime Ministers who addressed US Defense Partner and will remove constraints on Congress were Narasimha Rao on May 18, 1994, weapons and technology exports, putting it on and Atal Bihari Vajpayee on September 14, 2000. par with NATO allies and Israel. The US will also Rao, a veteran Indian Congressman, enginee- red the country’s turn away from Soviet-inspired socialism towards open markets and more trade with the US. Vajpayee continued market friendly reforms but defed the US by transforming the nation into a nuclear weapons state in 1998. Like Modi, he belonged to the right-leaning Bharatiya Janata Party (BJP) that thoroughly routed the In- dian Congress in 2014.

The rout opened opportunities for political change, which Modi is exploiting to position the BJP as India’s unbeatable political force. State- level elections since 2014 have not comforted Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

support Modi’s “Make in India” initiative to deve- India is adding to its 21 indigenously developed 13 lop robust defense industries and integrate them reactors and two from Russia’s Rosatom because into global supply chains. Collaboration on cyber it wants to use nuclear power for 25% of electri- security will be tightened. city by 2050. The NSG waiver is sufcient for these purchases but full membership would speed up To set the legal bases, US Congress approved matters considerably and more efectively block an amendment in May 2016 to the National Defense technology leakages for weapons development. to Authorization Act (NDAA) on "Enhancing Defense and Security Cooperation with India". It also autho- Thus, Modi has begun Indo-US defense and rized a special ofce in the Pentagon for the US- civil nuclear alliances in all but name, driven by India Defense Technology and Trade Initiative (DTTI) apprehensions about China’s growing military launched in 2012 but left to linger until Modi took and naval ambitions. power in Delhi. Now, DTTI will help to strengthen Indian naval systems, air systems, aircraft carrier In exchange for this embrace, he expects ge- technologies and other weapons systems. nerous US economic support for his complex to- do list (see below) to raise Indian living standards. Both sides already have a new Joint Strategic An astute and populist politician, he realizes that Vision for the Asia-Pacifc and Indian Ocean Re- his political survival depends on delivering eco- gion as well as a 10-year Framework for the U.S.- nomic gains to voters. He wants to rule not only India Defense Relationship. They were concluded in Delhi but also in enough States to control the when Obama visited Delhi in 2015 as Chief Guest Rajya Sabha (upper house) of parliament. His at India’s Republic Day celebrations. BJP coalition’s weakness in the Rajya Sabha has blocked much of his pro-economic liberalization In April 2016, India agreed to allow the US to agenda despite an overwhelming majority in the use its land, air and naval bases for resupplies, Lok Sabha (lower house). repair and rest under certain conditions. The two sides are also discussing anti-submarine warfare, Persuading US Congress a sensitive area shared only by allies. The next big In US Congress, Modi announced: “Today, Modi secured another key diplomatic goal thing: our relationship has overcome the hesitations when Obama confrmed US support for India’s Indo-US ties of history ... Comfort, candor and convergence May 12, 2016 application for full membership of equal to an defne our conversations… Our relationship is pri- the 48-member Nuclear Suppliers Group (NSG). alliance med for a momentous future … The constraints China is reluctant but its spokesperson said on of the past are behind us and foundations of the June 23, 2016 that it “will play a constructive role future are frmly in place … In every sector of In- 80 in the discussions”. dia's forward march, I see the U.S. as an indis- pensable partner…”. India obtained a waiver to NSG rules in 2008 after President George W. Bush persuaded Signifcantly, he called for a new agreed security Congress to approve an India-US Civil Nuclear architecture in Asia to reduce uncertainty. In a war- Agreement that permits nuclear trade for peaceful ning to China, he said, “India is already assuming purposes and leaves India’s nuclear weapons pro- her responsibilities in securing the Indian Ocean gram unhindered. It also lifted sanctions imposed region. A strong India-U.S. partnership can anchor after India’s frst nuclear weapon test in 1974. peace, prosperity and stability from Asia to Africa and from Indian Ocean to the Pacifc. It can also Beijing abstained in the NSG vote on the wai- help ensure security of the sea lanes of commerce ver although India has not signed the Nuclear Non and freedom of navigation on seas.” Proliferation Treaty, which is a key requirement for full membership. Delhi now hopes Beijing will However, he noted that the efectiveness of permit full Indian membership of the NSG as a this cooperation would increase if international nuclear weapons power, following the precedent institutions framed in the 20th century were to set by the fve recognized nuclear states. refect the realities of today. Threats of terror are expanding, and new challenges are emerging in India is moving quickly to acquire six AP-1000 cyber and outer-space. But global institutions nuclear power reactors from Westinghouse Elec- seem unable to cope with new challenges or take tric, a Japanese-owned American conglomerate. on new responsibilities. The fnal contract for the project, among the largest of its kind, will await June 2017. Areva of Underlining India’s rejection of any kind of France is expected to supply two reactors under authoritarianism, he insisted: “800 million of my a 2009 agreement. countrymen may exercise the freedom of fran- ANALYSE

chise once every fve years. But, all the 1.25 billion bor, support and sponsor terrorists. of our citizens have freedom from fear, a freedom they exercise every moment of their lives.” He spoke of his dream of transforming India through an ambitious to-do list to be achieved by Thus, he clearly made common cause with 2022, modern India’s 75th anniversary. all the US-led democracies dedicated to rule of law, equality of all before the law, and freedoms He wants to: of expression and faith. · Build a vibrant rural economy with robust farm sector; Trying to disarm critics who claim that Modi · Put a roof over each head and deliver electri- loves power too much and tends toward into- city to all households; lerance or autocratic leanings, he insisted, “For · Teach skills to millions of young people through my government, the Constitution is its real holy vocational training; book. And, in that holy book, freedom of faith, · Build 100 smart cities; speech and franchise, and equality of all citizens, · Provide broad band communications for a bil- regardless of background, are enshrined as fun- lion people and connect all villages to the digital damental rights.” This was music to American world; ears. · Create a twenty-frst century rail, road and port infrastructure. He drove in the point by emphasizing his resolve for close defense ties with the US: “In Reaching Modi’s goals may sound unrea- defense, India exercises with the United States listic especially within six years in light of India’s more than we do with any other partner. Defense cumbersome decision-making processes and purchases have moved from almost zero to ten bureaucratic red tape. But he insisted, “These are billion dollars in less than a decade.” not just aspirations; they are goals to be reached in a fnite time-frame” -- with a light carbon foot Modi did not mince words on terrorism. Wit- print and greater emphasis on renewable energy. hout naming Pakistan, he noted, “In the territory stretching from West of India's border to Africa, it Thus, he defned the challenges for which he The next big may go by diferent names, from Laskhar-e-Taiba, expects to be held accountable by Indians, the thing: to Taliban to ISIS. But, it’s philosophy is common: US and others. Indo-US ties of hate, murder and violence… Although it's sha- equal to an dow is spreading across the world, it is incubated Iran, Afghanistan and Pakistan alliance in India's neighborhood.” In a bold security move to isolate Pakistan, He pledged anti-terrorism cooperation with Modi visited Tehran in late May 2016 to sign 81 the US on measures that do not distinguish agreements with President Hassan Rouhani and between "good" and "bad" terrorists; delink reli- Afghan President Ashraf Ghani. They agreed on gion from terrorism; and isolate those who har- unprecedented project to expand Iran’s Cha- Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

bahar harbor and build a trade corridor through Islamabad is trying to use its informal alliance 13 Afghanistan to Central Asia. with China as a bargaining chip with Washing- ton to retain hold on US fnancial and military aid, Modi committed to providing $500 million in which is at risk because of Washington’s increa- the frst phase for harbor facilities and helping to sing disenchantment with Pakistan. The disen- raise up to $16 billion for the trade corridor. Much chantment is caused mainly by the safe havens of the technology and work would come from In- that the Islamabad army still provides for Afghan dia and help to signifcantly boost Indian industrial and Pakistani Taliban despite the manifest harm capacities. to American forces and interests in Afghanistan.

A central goal is to make it unnecessary for The past year brought signal changes in any regional player to depend on Pakistan, which Washington’s views. It realized that Modi’s India is now a very close economic and military friend has the makings of a reliable partner. It also ad- of China. It is also a politically unstable country mitted that neither Pakistan’s politicians nor army that some see as a nearly failed state mired in are trustworthy despite the nearly $80 billion it an existential struggle with Islamic jihadists, the has spent since the 1950s to buy their loyalty. Taliban, al Qaeda and the Islamic State. The army also remains riddled with jihadist sym- pathizers. If completed, the Chabahar developments will signifcantly reinforce the US Navy’s position The best outcomes from Modi’s move would in the Indian Ocean through closer collaboration include acceptance by Pakistan, Afghanistan, with the Indian Navy. Above all, the Iranian port Iran, and China that region-wide collaboration on under Indian infuence would serve to ofset an trade and economic issues ofers viable paths out emerging naval threat from China in the Indian of grave local perils. Ocean that is causing much apprehension in Washington. Those include the wars that have devastated Afghanistan for more than 40 years; India’s 1962 The threat stems from a 2013 Chinese deal with war with China and frequent border skirmishes; Pakistan to develop a $46 billion economic, trade The next big Pakistan’s three wars with India and use of jiha- and military transport corridor from China to Gwa- thing: dists to destabilize Kashmir; and the anti-Indian dar port, which would give the Chinese navy a very Indo-US ties fervor that has held Pakistani prosperity down for signifcant foothold in the Indian Ocean. China’s mili- equal to an nearly all its existence, reducing it to an almost tary would also get strong footholds inside Pakistan alliance failed state. through weapons sales and joint exercises. Chinese battleships and submarines already visit an exclu- Pakistan can greatly enhance its own econo- 82 sive base in the Gwadar port area. mic and trade prospects by taking advantage of both Chabahar and Gwadar. But it would have to The distance between Chabahar and Gwa- renounce its anti-Indian military collaboration with dar is just 72 nautical miles by sea and 450km China while preventing the Afghan Taliban from by road. Both are on the Arabian Sea in the Gulf using safe havens inside Pakistan. Or it could of Oman, which is the entrance to the strategic enter China’s sphere of infuence, provoke US Persian Gulf. Gwadar is in Baluchistan, one of censure and become isolated. Pakistan's most unstable provinces with a long history of disafection with Punjabi Pakistanis who India is also acquiring more hard power fol- dominate Islamabad. lowing Modi’s Act East policy introduced in No- vember 2014 just six months into his regime. A Baluchistan is also being used by the Afghan new Indian maritime strategy document “Ensu- Taliban as a safe haven for attacks inside Afgha- ring Secure Seas” looks forward to turning the nistan. That is where a US drone strike killed Tali- Indian Navy into a “net maritime security provi- ban leader Mullah Akhtar Mohammad Mansour der.” In February 2016, the Indian Navy conduc- on May 21, 2016. Chabahar is in the peaceful ted a second international Fleet Review with 52 side of Baluchistan in Iran. countries and over 100 warships to position itself as an indispensable partner in the region. In efect, the Chabahar deal places Islamabad on notice that India is encircling Pakistan by de- A ballistic missile was test-fred in March 2016 veloping close economic partnerships, supported from a nuclear-powered stealth submarine, INS by Washington, with Iran and Afghanistan. It tells Arihant, that began operations a few weeks ear- Beijing that Delhi cannot be brushed aside in the lier. It is the frst of an expected fve in the Arihant region because it is now leans willingly towards class designed by the Indian Navy’s Advanced the US as a friend. Technology Vessel (ATV) project. In addition, the ANALYSE

Navy expects to commission its frst Scorpene- The International Monetary Fund and others class submarine by September 2016. India is say India’s economy is one of the few bright spots also studying submarine designs by France, Ger- in an otherwise gloomy world economy. The in- many and Japan. ternationally respected governor of the Reserve Reasons for the Indian naval buildup include Bank of India (central bank), Raghuram Rajan, is China’s escalating claims and military activities credited with minimizing the impacts of external in and near sea lanes vital for India. Almost 90 shocks on the India’s fnancial system, improving percent of India’s sea-bound trade goes through the country’s attractions for foreign investors, and the Indian Ocean and about 25 percent through forcing companies and banks to reduce high le- the South China Sea. vels of debt.

New Boeing P-8 maritime surveillance aircraft However, Rajan is cautious. Responding to are being deployed at Indian air and naval bases questions in April 2016, he said: “We have this in the Andaman and Nicobar saying — ‘In the land of the blind, the one-eyed Islands, which overlook the man is king’. We are a little Straits of Malacca, a key choke bit that way.” His frankness point linking the Indian and brought sharp attacks from Pacifc Oceans. Strategic and critics and may have caused military cooperation is being in- Modi’s support for him to creased with Japan, Australia, waver leading to his sudden South Korea, Seychelles, Viet- announcement that he will re- nam, Myanmar, and the Philip- sign when his contract ends pines – all of which are allies or in September 2016. friends of the US. Modi’s “Make in India” However, India’s comp- campaign is also bringing troller and auditor general results, including a June 2016 reports that much of India’s announcement by Amazon The next big naval feet is obsolescent. For that it will invest an additio- thing: instance, it has only 14 diesel nal $3 billion in India; sepa- Indo-US ties submarines and one nuclear- rate billion-dollar investment equal to an powered submarine. Half of plans reported in May 2016 alliance them have already completed by Apple and Microsoft; and 75% of their lifespans. There $5 billion dollars by Foxconn is a severe shortage of anti- in 2015. 83 submarine helicopters and In late June 2016, Modi the navy needs about 1,400 surprisingly bypassed parlia- more ofcers. So, realizing ment to announced administrative measures that Indo-US marine security ambitions will require a amount to the most signifcant investor-friendly lot of support from Washington. liberalization in decades.

Economic growth and social unrest Other similarly dramatic changes will fow from a Modi victory expected in the Rajya Sabha India is reported to have world-beating econo- in July 2016 after a two-year battle of a law for mic growth reaching an estimated 7.9 percent in a uniform nation-wide goods and services tax. It the January-March 2016 quarter from a year ear- would replace disparate state-by-state taxation, lier, according to ofcial data. The annual growth which currently blocks businesses from opera- rate to March 2016 was 7.6 percent, up from 7.2 ting nationally. percent in the previous 12 months. The new measures allow 100 percent foreign The Modi government has taken credit for ownership of companies in defense, civil aviation this performance, which many top analysts say and food products, and 74% in pharmaceuticals. is highest of any major economy in the world. Major single-brand retailers like Apple and Ikea Some critics allege that India’s ofcial statisticians will now receive a holiday of up to eight years have changed the way in which GDP growth is from rules that force such retailers to source 30 calculated and the correct rate might be around percent locally. These changes are extraordinary 5 percent. Some insist that the one million people and would have met stif resistance from the op- entering the work force each month are unlikely to position-dominated Rajya Sabha. fnd jobs even at a 7.6 percent growth rate. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Indian defense giants like Tata Advanced Sys- beneft from the quotas, despite a 1992 Supreme 13 tems and Hindustan Aeronautics will now face Court judgement capping maximum reservation tough competition since the government is likely at 50%. to conclude over 800 contracts worth $76.5 bil- In the summer of 2015, riots broke out among lion within 10 years for combat aircraft, tanks, upper class youth in Modi’s home State of Guja- anti-submarine equipment and other equipment. rat. Their 22-year-old leader expressed the frus- Small Indian companies might beneft as sub- tration of all his peers in India. "Our people don't contractors of foreign investors like BAE Sys- get jobs despite scoring 80-90% marks … either tems, General Dynamics and Dassault. free the country from reservation or make eve- But fragility persists. India Ratings and Re- rybody a slave of reservation," he demanded. search reported that one third of India’s 500 Nobody was killed but millions of dollars were largest non-fnancial companies failed to earn lost in looting and destruction of vehicles and enough to make interest payments on debt in property. In Rajasthan, at least 26 people were the fnancial year ended March 2015. The State killed in similar riots by middle class communities Bank of India, the country’s largest bank, said the between 2008 and 2015. Indian banking system’s stressed assets rose to 14.5 percent in December 2015 from 9.8 percent Such growing and violent rage helps to explain in March 2012. Modi’s urgency in US Congress about his to-do list. Rajan’s vigorous campaigns to force restruc- What’s next? turing of corporate debt may have turned many large companies and banks against him because The challenge for Modi is to achieve his to-do they have enjoyed decades of operations without list without falling into hubris and manipulating being held accountable for debts. India’s institutions to retain power. He correctly as- serts common interests between the US and India However, the most severe challenges to Mo- because of shared democratic and ethical values. di’s electoral success may emerge from growing But India is a very diferent country by history, anger among middle class Indians at the slow The next big culture, beliefs and geographical neighborhood. thing: pace of economic betterment in their lives. As Indo-US ties in West, economic growth has failed to create The partnership is likely to remain fragile equal to an enough jobs but has widened income disparities. however strong the commitments to defense cooperation with the US. Much more engage- alliance Frustrations are so acute that middle class ment and work will be needed to sustain it, going youth are angrily rejecting constitutionally pro- well beyond disarming opponents who disdain tected social compacts within Indian society. For 84 “subservience” to Washington. example, in February 2016, violence by hundreds of thousands of middle class protestors in towns It will require careful American diplomacy. in Haryana State near Delhi blocked the supply The ways of life of most ordinary Indians are very of water to the capital. At least 16 people were distant from American culture. Indian elites may killed as rioters attacked railway stations, set fre sound accessible to Americans because of simi- to buildings and looted shops. Authorities sent lar education but they sit atop hundreds of mil- thousands of troops with shoot-on-sight orders lions who fnd it hard to understand them, not to to buttress the police. mention Americans. Modi is closer to those ordi- nary people and shares more of their customs Ironically, rioters want to reclassify their com- than many of the ofcials and intellectuals Ameri- munities as “backward” to beneft from afrma- cans encounter. tive action enshrined in India’s Constitution to help poorer people who have been oppressed as In efect, challenges to the Indo-US partner- untouchables or backward for centuries. Some ship could emerge not only from strategic coun- estimates put such people at more than half of ter maneuvers by China and Russia but also India’s population of about 1.3 billion people. incomprehension among the people Modi needs the most: Indian voters. Favors include reserved quotas in educational institutions and government jobs for groups clas- Signing desirable agreements is not a suf- sifed as "Other Backward Classes," "Scheduled cient condition for the new partnership. The trust Castes," and "Scheduled Tribes". About 49% of of Indian voters will also have to be won repea- quota-related jobs and admissions are set aside tedly through better direct communication with for them. Now young people from higher commu- them about American intentions and reliability. § nities also want to be classifed as backward to PUBLICATIONS Les derniers ouvrages

Quand les entreprises chinoises se mondialisent : Haier, Huawei et TCL Geneviève Barré, CNRS Editions, 2016

es entreprises chinoises fgurent aujourd’hui parmi les leaders de l’éco- nomie mondialisée. Mais quels en sont les secrets et les ressorts pro- L fonds ? L’auteur mène l’enquête au sein de trois géants mondiaux d’origine chinoise : Haier dans l’électroménager, Huawei dans les télécommu- nications, et TCL dans la télévision et le multimédia. Elles sont les pionnières d’une nouvelle voie chinoise de mondialisation : un soutien massif de l’État à l’innovation et à l’internationalisation – c’est la politique du go-global lancée par Deng Xiaoping – avec l’accueil des investissements étrangers sur le sol chinois et le soutien aux investissements chinois à l’étranger. Ambitieuses, fexibles et offensives, elles misent sur le potentiel humain, le mana- gement des connaissances et les technologies de pointe.

Les fls de princes. Une génération au pouvoir en Chine Jean-Luc Domenach, Fayard, 2016

partir de 1927, les leaders communistes ne sont plus en sécurité et leurs enfants, sur lesquels reposent les espoirs politiques, doivent être proté- Revues, essais À gés. Mao, Zhou Enlai et les autres les envoient en URSS. Ce n’est qu’en et travaux de 1949 qu'ils rejoignent Pékin, après des années de privations, de souffrance et recherche d’exil. S’ouvrent alors pour eux les portes des Murs rouges de Zhongnanhai, où les clans familiaux des plus grands révolutionnaires sont réunis. Ils y font l’objet des 85 plus grands soins : ce sont les princes de la nouvelle aristocratie rouge. Ils seront formés dans les meilleures universités et le réseau colossal qu’ils ont développé dans la cour de Mao leur permettra de prétendre aux meilleurs postes

Scythe and the City. A Social History of Death in Shanghai Christian Henriot, Stanford University Press, 2016

a question de la mort s’est imposée dans des villes chinoises à l'ère moderne. Pendant la période républicaine, Shanghai a avalé des vies L par les milliers. Les corps exposés, jonchant les espaces publics, étaient une menace à l'ordre social aussi bien qu'à la santé publique. Dans une ville où chaque groupe avait ses propres croyances et ses propres pratiques funéraires, comment la population s’est-elle adaptée à un environnement moderne, urbanisé ? Comment l’action combinée des organisations sociales et des autorités de l’Etat ont-elle gèrent-elles ces nouveaux modes de pensée et d’action ? L'historiographie récente a presque complètement ignoré les immenses changements sociaux que la mort a induit en Chine. Cet ouvrage pionnier et original analyse, à travers le Shanghai des années 1865 à 1965, la manière dont cette ère tumultueuse a radicalement redéfni la relation des Chinois avec la mort. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Black Island : Two Years of Activism in Taiwan 13 J. Michael Cole, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2015

ien avant que le mouvement des Tournesols, conduit par les étudiants, n’éclate le 18 mars 2014 à Taipei, suscitant la crise politique la plus sé- B rieuse dans l'histoire moderne de Taïwan, le journaliste J. Michael Cole faisait la chronique d'un activisme civique en hausse dans cette jeune démocratie, nous avertissant ainsi des problèmes à venir. Dans ce recueil d'essais, l'auteur nous plonge au cœur de cet extraordinaire activisme et montre qu'il n'y avait rien de « spontané » dans ce mouvement. Grâce à des observations sur place et à un accès unique aux protagonistes, Black Island nous conduit sur les lignes de front de l'agi- tation civile – les boucliers de la police, les gangsters pro-Pékin, les victimes d'injustice, les représentants gouvernementaux et les idéalistes qui résistent et nous explique pourquoi la société civile s’affrme.

Tokyo face aux désastres naturels : leçons, enjeux et défs Jean-François Heimburger, Ifri Centre Asie, coll. Asie. Visions, 83, mars 2016

lors que Tokyo s’apprête à accueillir en 2020 les Jeux olympiques d’été, la probabilité qu’un puissant séisme secoue la métropole est estimée à A 70 % dans les trois prochaines décennies. Le Japon s’est appuyé sur les défaillances constatées lors des désastres passés pour améliorer son dispositif de prévention et de gestion des risques. Plusieurs faiblesses ont été identifées à différents niveaux : infrastructures pas asse résistantes, secours peu effcaces, information insuffsante de la population ou encore restauration imparfaite des liens sociaux. Le pays et les collectivités comme Tokyo ont pu rebondir en renfor- çant l’arsenal législatif et en augmentant les budgets consacrés à la prévention des désastres. Les systèmes Revues, essais de prévision et de surveillance ont été améliorés et les constructions renforcées. Les services de secours et travaux de ont été perfectionnés et l’information de la population intensifée. Si bien que le Japon est aujourd’hui recherche considéré dans le monde comme un modèle en termes de prévention et de réponses face aux désastres naturels. Il reste cependant un certain nombre de points noirs au tableau. La poursuite et l’intensifca- 86 tion des efforts seront indispensables et de l’anticipation des autorités comme des citoyens dépendra l’ampleur des prochaines catastrophes. Consultable en ligne gratuitement : http:.ifri.orgsitesdefaultflesatomsflesav8toyorisso1.pdf

Leçons de l'expérience japonaise. Vers une autre po- litique économique ? Sébastien Lechevalier et Brieuc Monfort, Editions Rue d’Ulm, coll. du CEPREMAP, 2016

epuis la crise de 2008, la lenteur du retour aux taux de croissance pas- sés a fait naître la crainte que l’Europe ne suive, peu ou prou, la trajec- D toire économique du Japon durant les années 1990-2000. Cet ouvrage revient sur l’expérience japonaise depuis 1990 jusqu’à la politique dite des Abe- nomics conduite depuis 2012, afn de discuter la pertinence d’une transposition dans un contexte autre que japonais. Le Japon n’a pas « perdu » vingt-cinq ans et son évolution a été étu- diée de très près aux États-Unis par les macroéconomistes et les responsables politiques, mais beaucoup moins en Europe. Il serait exagéré d’y voir une expérience de politique économique non conventionnelle dont pourraient s’inspirer les économistes européens à la recherche d’une « autre politique ». Mais les Abenomics incarnent, aussi, une forme de volontarisme politique et une tentative pertinente de mettre en œuvre de façon cohérente différents instruments de politique économique. PUBLICATIONS

Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation Philippe Pons, Gallimard, 2016

a Corée du Nord est le pays le plus haï, mais aussi le plus mal connu de la planète. Kim Il Sung au pouvoir a élevé la lutte de libération au rang de L récit fondateur et organisé le pays sur le modèle d'une unité de guérilla, entretenant la population dans une mentalité d'assiégé permanent. La Corée du Nord évolue néanmoins vers une économie hybride, où la frontière entre secteur public et initiative privée est de plus en plus foue et qui génère de profondes mutations sociales. Cette évolution interne a pour toile de fond des enjeux géos- tratégiques : les risques entraînés par les ambitions nucléaires de Pyongyang, les visées hégémoniques du puissant voisin chinois et le retour de la Russie dans le Grand Jeu diplomatique.

Les patients experts dans la lutte contre le sida au Cambodge. Anthropologie d’une norme globalisée Eve Bureau-Point, Presses Universitaires de Provence, 2016

a plupart des programmes de lutte contre l’épidémie à VIH impliquent les patients pour la mise en œuvre des activités les concernant ou la dis- L cussion des choix collectifs. La participation des patients est une norme globalisée promue par l’ensemble des institutions de lutte contre le sida. Au Cam- bodge, cette norme a un impact considérable depuis le milieu des années 2000. Des centaines de personnes vivant avec le VIH sont recrutées par les institutions pour assurer des tches diversifées allant du ménage à la toilette de patients hospitalisés, en passant par la préparation des dossiers médicaux, l’éducation thérapeutique... Cet ouvrage met en lumière l’applica- tion concrète de la participation des patients au Cambodge et ses signifcations locales. Revues, essais et travaux de Indonésie contemporaine recherche Rémy Madinier (dir.), Irasec / Les Indes Savantes, 2016 87 État le plus peuplé de la planète, premier pays du monde musulman, seule e véritable démocratie d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie demeure un géant 4 méconnu. Au carrefour des infuences indienne et chinoise, les frontières de ce vaste archipel furent dessinées au gré des heurts entre impérialismes euro- péens (Espagne, Portugal, Angleterre et surtout Pays-Bas). L’ouvrage, fruit de la collaboration entre vingt-sept spécialistes reconnus est une synthèse à la fois rigou- reuse et accessible des dernières recherches en sciences sociales sur l’Indonésie.

En route pour l’Indonésie. Chroniques culturelles autour d’un archipel émergent Franck Michel, GOPE, 2016

omade dans l’âme et libre comme l’air, Franck Michel est anthropologue et auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur l’Asie et le voyage. Ses terrains N d’études se situent prioritairement en Asie du Sud-Est et notamment en Indonésie qu’il parcourt depuis bientôt trois décennies. Ces chroniques sont autant d’invitations à voyager au fl de l’Archipel, de ses cultures et de ses populations. Voyager en Indonésie, c’est découvrir un autre espace-temps, un autre monde que le nôtre, des lieux magiques nourris de fortes traditions où les choses avancent parfois bien plus vite qu’en Occident. L’Indonésie nouvelle est en marche ; le pas reste incertain, mais le chemin prometteur. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

The Vernacularization of Labour Politics 13 Sabyasachi Bhattacharya et Rana P. Behal (éds.), Tulika Books, 2016

a baisse de syndicalisme et l'absence de syndicats dans la sphère pu- blique indienne comme au niveau mondial a été beaucoup discutée. L A l'ère du néolibéralisme, les syndicats sont perçus comme margina- lisés et ineffcaces, remplacés par dautres institutions et des formes alter- natives d'organisation du travail. Cet ouvrage réunit des contributions qui interrogent la politique du travail aujourd'hui, loin du paradigme classique tiré de l'expérience historique européenne. Il s’intéresse plus particulièrement à un discours « vernaculaire » développé dans des organisations bénévoles de substitution, y compris dans des associations sociales et culturelles, des organisations non gouverne- mentales, ou qui mènent des activités organisées autour d’identités primordiales incluant l'apparte- nance ethnique, et dans beaucoup d'organisations qui ne sont pas explicitement commerciales ou ne relèvent pas des syndicats de travailleurs.

L'économie de l'Inde Jean-Joseph Boillot, La Découverte, 2016 (3ème édition entièrement refondue et mise à jour)

lors que la Chine connaît en 2015 les premiers soubresauts de sa mu- tation post-décollage, certains voient l’Inde prendre le relais pour les A trente prochaines années. Est-ce crédible ? En dépit d’une croissance qui s’est accélérée, l’Inde bute sur un ensemble de contradictions qui obèrent le développement, comme la pauvreté de masse et les inégalités. Il en résulte Revues, essais une lenteur de la transition industrielle et des forts goulets d’étranglement et travaux de dans les infrastructures. Faut-il pour autant ignorer l’Inde ? Certainement pas. recherche À la différence de nombreuses économies émergentes, les structures de la plus grande démocratie du monde lui confèrent une forte résilience face aux tensions internes comme externes. Le modèle 88 indien continuera de s’affrmer comme un modèle de développement unique, qu’il faut connatre et comprendre pour se repérer dans le monde de demain. Au-delà des notions d’innovation frugale, de gradualisme dans les réformes ou de tension entre démocratie et société de castes, quelles sont les caractéristiques de ce modèle qui suscite trop souvent des jugements extrêmes ?

Contemporary Demographic Transformations in China, India and Indonesia Christophe Z Guilmoto et Gavin W Jones, Springer, 2016

e livre étudie la transformation démographique profonde qui affecte la Chine, l'Inde et l'Indonésie, où vit 40 % de la population mondiale. C Il offre une approche systématique et comparative qui aidera des lec- teurs à mieux comprendre la recomposition sociale et régionale changeante de la population dans ces régions. Les chapitres présentent une enquête dé- taillée et une cartographie des tendances régionales en termes de mortalité, de fertilité, de migration, d’urbanisation, d’éducation et de vieillissement. Sont également mises en évidence les voies singulières suivies par chacun de ces trois pays pour réaliser leur transition démo- graphique. Si les tendances démographiques semblent linéaires et susceptibles d’être anticipées, l'évolution de la mobilité humaine en Chine, en Inde et en Indonésie reste étroitement liée au chan- gement des conditions économiques, offrant un déf majeur pour les décennies à venir. PUBLICATIONS

Metamorphosis. Studies in Social and Political Change in Myanmar Renaud Egreteau et François Robinne (éds.), IRASEC Series on Contem- porary Asia, 2015

vec une population jeune de plus de 52 millions d’habitants, une feuille de route ambitieuse pour la réforme politique et à l'aube d’un déve- A loppement économique rapide, le Myanmar (la Birmanie) retient de- puis 2010 l'attention du monde. Mais sous les transitions politiques récentes se cachent des changements sociaux profonds, un ensemble de transformations qui n’a pas clairement été étudié. Les relations entre les groupes ethniques et religieux, dans le contexte du modèle politique de la Birmanie, avec un Etat multi-ethnique, sont une équation « non résolue particu- lièrement importante ». La notion de « métamorphose » est ici convoquée pour observer le Myanmar d’aujourd'hui et de demain. Divisé en quatre sections (politique ; identité et relations ethniques ; chan- gement social dans des champs comme l'éducation et la médecine ; évolutions dans les institutions reli- gieuses), l’ouvrage combine une approche anthropologique avec celles des politologues et des historiens.

Les Rohingya de Birmanie. Arakanais, musulmans et apatrides Gabriel Defert, Editions Arkuiris, 2016

es Rohingya de Birmanie sont considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Privé de nationalité, ces musulmans de la partie occidentale L du pays sont victimes d'agressions de leurs voisins bouddhistes et des brimades que leur impose le gouvernement. Ils sont contraints de fuir par milliers, Revues, essais afn de tenter de chercher refuge au angladesh, en Australie ou dans les pays et travaux de voisins d'Asie du Sud-Est. Après des décennies de silence médiatique, ils sont recherche désormais davantage sous les feux de l'actualité, mais leur situation reste dramatique. Par-delà la tragédie contemporaine, le livre remonte aux sources des tensions pour s'efforcer de les expliquer et de mettre 89 en lumière l'histoire d'un peuple en détresse. Fruit d'un travail de recherches et d'enquêtes de plusieurs années en Birmanie, il permet de comprendre pourquoi le mouvement de démocratisation en Birmanie dans les années 2010 se traduit paradoxalement par un regain de tensions. Ce livre est la deuxième édi- tion remise en perspective d'un ouvrage publié en 2007.

L’Organisation de coopération de Shanghai et la construction de la « nouvelle Asie » Pierre Chabal (dir.), Peter Lang, 2016

et ouvrage s’interroge sur une institutionnalisation multilatérale de la coopération intégrative entre ‘les’ Asies : 1) celle qui est en son cœur, C l’Asie ‘centrale’ des cinq républiques indépendantes (Kazakhstan, Kirghi- zstan, Tadjikistan, Turkménistan, puis Ouzbékistan) ou l’Asie ‘du Centre’ à six ou sept avec l’Afghanistan et le Pakistan ; 2) celle qui ‘triangule le grand jeu’ contem- porain : l’Asie de l’Est avec la Chine, celle du Nord avec la Russie, celle du Sud avec l’Inde ; 3) celle qui ‘achève’ ce continent renouvelé, l’Asie de l’Ouest avec l’Iran et la Turquie, voire une partie du Moyen Orient. L’ouvrage mêle les approches et les disciplines (histoire, diplomatie, science politique, confict studies etc.) avec un point focal : placer la dimension régionale au centre des relations internationales d’après la guerre froide. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Les Mongols. Insoumis 13 Antoine Maire, Ateliers Henry Dougier, 2016

rise en étau entre la Russie et la Chine, la Mongolie cherche à consolider son indépendance, acquise après 1990. Entre l’accroissement des tensions géo- P politiques et la richesse en matières premières de son sous-sol, les convoi- tises de ses deux puissants voisins ne cessent de s’attiser. Misant sur ses ressources considérables, le pays du ciel bleu met en œuvre une stratégie de désenclavement pour poursuivre son développement économique rapide et consolider sa jeune démocratie. Chaque Mongol cultive la liberté comme un art de vivre hérité du nomadisme pastoral. Cet attachement à la liberté se retrouve partout, à chaque échelon de la société, à chaque moment de la vie. Mais sauront-ils préserver cette indépendance face aux appétits de leurs voisins ? Et sauront-ils garantir l’équilibre social et environnemental déjà mis à mal ?

Palau and its Neighbors in the Pacifc Collectif, avec une préface de Jean-François Sabouret et Christian Lechervy, CNRS Editions, 2016

es eaux de locéan Pacifque abritent des Etats insulaires innombrables, riches chacun de sa propre culture et de son histoire. L'archipel des Palaos (Palau, en L anglais) est une partie de cette Voie lactée, placée dans la constellation Micro- nésienne, au nord de l'Équateur, à 800 km de l'archipel oriental des Philippines. Paradis pour les plongeurs, cette république jeune et indépendante œuvre pour sensibiliser le monde à la fragilité des océans et a pris des mesures effcaces et exemplaires pour protéger son incroyable biodiversité. Cet ouvrage aborde les dimensions géopolitique, diplomatique et touristique de Palau et apporte des infor- mations précieuses sur ses voisins dans le Pacifque. Il apporte également un éclairage intéressant sur les Revues, essais territoires d’outre-mer français. et travaux de recherche 90 Les dernières revues

Essai photographique sur une réforme avortée : Beida, Tiananmen et la défaite de Deng Xiaoping en 1975-76 Perspectives chinoises, 2016/1

u milieu des années 1970, avec la bénédiction de Mao, Deng Xiaoping lan- ça des réformes qui s’attaquaient aux effets négatifs de la Révolution cultu- A relle. Pour l’aider dans ses efforts, Mao plaça Deng au poste de deuxième dirigeant le plus important du régime, lui conférant une autorité majeure sur le Parti, le gouvernement et l’armée. Toutefois, en octobre 1975, Mao se retourna contre Deng et, en tout juste cinq mois, Deng se vit écarté du pouvoir par Mao et les radicaux. À l’époque étudiant étranger à l’Université de Pékin, David Zweig a pu observer et photographier quatre moments cruciaux de cette lutte historique : 1) l’ouverture d’une enceinte réservée aux daibao (ou affches à grands caractères) dans l’Université de Pékin ; 2) les manifestations de deuil sur la place Tiananmen peu après la mort de Zhou Enlai ) l’intensifcation des assauts contre Deng sur ces daibao en février 19 à l’niversité de Péin et 4) l’immense manifestation sur la place Tiananmen les 3 et 4 avril en opposition aux maoïstes radicaux. C’est ce document photographique rare et inédit que nous propose ce nouveau numéro. PUBLICATIONS

La Chine, la modernisation encadrée d'un terri- toire global Thierry Sanjuan (dir.), Géo-confuences, février 2016,

e dossier vise à faire le point sur des questions très actuelles sur la Chine. Il comprend les contributions de chercheurs confrmés, de C jeunes docteurs et de doctorants et réunit ainsi sept articles : « »La fn des trois Chine », par hierry Sanjuan « L’image de propagande dans la ville », par Léo loecner « La métropolisation chinoise et les villes nouvelles », par Carine Henriot ; « Les autorités publiques et la modernisation agro-industrielle », par Étienne onin « Les réactions sociales face aux défs environ- nementaux », par Sébastien Goulard ; « La puissance chinoise après la crise de 2008 », par Jean-Pierre Cabestan ; « Les Chinois, faiseurs de villes africaines », par David Bénazéraf. Consultable en ligne : http:// geoconfuences.ens-lyon.frinformations-scientifquesdossiers-regionauxla-chinepresentation-generale- du-dossier/@@aws-content-pdfbook

« Le Xinjiang et la question ouïghoure » Rémi Castets, publié sur le site de GIS Etudes Asiatiques / Réseau Asie et Pacifque, janvier 2016

aste comme trois fois la France, le Xinjiang a longtemps été un des principaux carrefours des fameuses routes de la soie. Il se situe à la confuence entre le monde des steppes dans sa partie V nord et celui des oasis centrasiatiques dans sa partie sud. Le paysage ethno-religieux qui le carac- térise est le fruit des interactions ancestrales entre ces deux mondes, le puissant voisin chinois à l’est et les marges voisines du sous-continent indien au sud. Soulevée par de nombreuses insurrections et de brefs épisodes d’indépendance, la région est dans l’imaginaire politique chinois un territoire instable et sensible. La stratégie de stabilisation que l’État chinois met en œuvre s’accompagne ainsi d’un contrôle politique étroit et d’une répression sévère face à toute remise en question des politiques promues par ce dernier. Consultable Revues, essais en ligne : http://www.gis-reseau-asie.org/les-articles-du-mois/xinjiang-question-ouighoure et travaux de recherche

« L'accession sociale à la propriété à Hong Kong : réversibilité d'une 91 politique entre les mains de la "coalition de croissance » Nicolas Douay, Urbanités, 2015

onsultable en ligne : http://www.revue-urbanites.fr/laccession-sociale-a-la-propriete-a-hong-kong- C reversibilite-dune-politique-entre-les-mains-de-la-coalition-de-croissance/

« Développement et sécurité en Chine » Juliette Genevaz, publié sur le site de GIS Etudes Asiatiques / Réseau Asie et Pacifque, janvier 2016

e projet chinois de Nouvelle Route de la Soie, annoncé en 2013, propose d'ouvrir des routes terrestres et maritimes pour faciliter le transport et l'investissement international de la Chine à L l'Europe. Xi Jinping parle d'un contrat « gagnant-gagnant » pour les économies situées sur le tracé de la Route de la Soie. Sur fonds de déclin des institutions de Bretton Woods qui n'ont pas su intégrer les nouvelles puissances telles que la Chine à leur processus de décision, le projet propose un décentrage de notre carte du monde. Mais l'enjeu principal du projet chinois est cependant d'abord d'ordre intérieur : en menant des politiques de développement régional spécifques aux provinces situées à ces extrémités géographiques, le Parti Communiste Chinois (PCC) maintient une position de force. Consultable en ligne: http://www.gis-reseau-asie.org/les-articles-du-mois/developpement-securite-chine-juliette-genevaz Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

Arts et intercultures. Les mutations silencieuses de la Chine 13 Béatrice Bouvier-Laftte et Anne Pauzet (dir.), Cahiers du CIRHILL, n°41, Les Editions de l’UCO/ L’Harmattan, janvier 2016

ans un contexte où la Chine s’expose – s’impose dans l’économie mon- dialisée, où les pratiques consuméristes évoluent, à l’heure du numé- D rique, des métissages culturels, de l’alternance entre ouverture et fer- meture de l’espace public chinois, les contributeurs de ce numéro s’interrogent tous sur les mutations silencieuses à l’œuvre, que ce soit dans le domaine de l’art ou dans celui des signes et des traces culturelles considérées comme matière discursive et indicateur fable du changement tonnements, faux départs, dia- logue intense, médiation transculturelle, métissage des cultures, fonctions de l’art, politique, réfexion esthétique, imaginaire, mobilité... sont autant de mots-clés qui ponctuent ce recueil. Cet ouvrage aborde ces problèmes à travers diverses approches théoriques et réunit des chercheurs venus de plusieurs pays.

« Histoire connectée, histoire partagée : un tournant de l’historiographie du Vietnam » Pierre Brocheux, publié sur le site de GIS Etudes Asiatiques / Réseau Asie et Pacifque, février 2016

onsultable en ligne : http://www.gis-reseau-asie.org/les-articles-du-mois/histoire-connectee-his- C toire-partagee-tournant-historiographie-vietnam

Revues, essais Le Cambodge au confuent des ruptures, des espaces et des temps culturels et travaux de Jacques Népote (dir.), Revue Péninsule [Études Interdisciplinaires sur l’Asie du Sud-Est Pénin- recherche sulaire], n° 70, mars 2016

92 e numéro s’articule autour de cinq axes : I. Fondements eurasiatiques ; II. Symbolique royale et sacralisation spatiale ; III. Approches ethnologiques du Cambodge ; IV. Approches historiques ; V. C L’analyse à l’épreuve de l’actualité.

« Maruyama Masao et la pensée japonaise d’après-guerre » Bernard Stevens, publié sur le site de GIS Etudes Asiatiques / Réseau Asie et Pacifque, mars 2016

onsultable en ligne : http://www.gis-reseau-asie.org/les-articles-du-mois/maruyama-masao-pen- C see-japonaise-apres-guerre

Regards sur l’Eurasie – L’année politique 2015 Anne de Tinguy (dir.), Sciences Po-CERI, n°219-220, février 2016

egards sur l’Eurasie propose des clefs de compréhension des événements et des phénomènes qui marquent de leur empreinte les évolutions d’une R région, l’espace postsoviétique, en profonde mutation depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Consultable en ligne [gratuit] : http://www.sciencespo. frcerisitessciencespo.fr.ceriflesEtude219-220.pdf PUBLICATIONS Les dernières sorties dvd

Tianjin au temps des concessions étrangères sous l’objectif d’André Bontemps (1931-1935) Un récit visuel entre micro et macro-histoire, Fleur Chabaille, mars 2016

ette étude s'inscrit dans le cadre de la réalisation d'un « Dossier d’histoire du temps présent » pour l'Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP) en collaboration avec la plateforme Virtual C Tianjin, partie intégrante du projet « Virtual Cities » mis en place par l'Institut d'Asie orientale (IA). Il s’agit de l’analyse sous la forme d’un récit visuel d’un fonds photographique et flmique versé à l’IHP (cote IHP ARC 022) en 2011 par le petit-fls d’André ontemps (1888-199), substitut du juge dinstruction militaire (grade doffcier de justice militaire adjoint) ayant vécu dans la Concession franaise de Tianjin de 1931 à 1935.

Revues, essais et travaux de recherche

93 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 Résumés Dossier spécial Corée

Séoul et son projet de “Sharing City” principalement les K-Dramas et la K-Pop, Interview avec Park Won-soon, Maire de Seoul mais aussi le cinéma coréen, la gastronomie Par Rakyung Park et Erwan Berger coréenne et tout ce qui touche à la culture coréenne contemporaine. L’article retrace Dans cette interview, le maire de Séoul, Park en efet l’histoire de cette vague et explique Won-soon, nous dépeint sa ville et son dyna- le soft power et les retombées économiques misme et partage son plan de développement que celle-ci ofre à la Corée. Il évoque égale- pour Séoul. Surtout, il nous parle de son projet ment certains mouvements de protestation qui de « Sharing City » pour Séoul qu’il a lancé en sont apparus en réaction dans les pays voisins 2012 et des retombées de celui-ci en termes ces dernières années, les points forts qui ont d’amélioration de qualité de vie, de protection de permis à la Corée de développer cet engoue- l’environnement et d’implication des citoyens. ment, mais surtout la forte implication du gou- vernement coréen pour soutenir cette vague L’industrie de défense sud-coréenne : coréenne. quand le «royaume ermite» est devenu «l’étoile montante» L’essor des cosmétiques coréens : vers Par Valentin Maricourt un rééquilibrage de la beauté mondiale Par Victor Rouault La République de Corée, petit Etat d’Extrême- Orient, est surtout connue pour sa puissance Longtemps les standards de beauté ont été économique, portée par le « miracle de la ri- occidentaux, mais l’émergence de nouveaux vière Han », et plus récemment pour sa culture, acteurs asiatiques et plus particulièrement symbolisée par l’Hallyu, la « vague coréenne». coréens, bouleverse la traditionnelle infuence Cependant la République de Corée com- de l’Ouest et rééquilibre l’innovation et les ten- mence aussi à s’imposer dans un secteur dances vers l’Orient. autrefois réservé aux «Occidentaux» : l’indus- Résumés trie de défense. Comment, en un demi-siècle, L'art contemporain coréen l’un des pays les plus pauvres et ravagés du Par Erwan Berger 94 monde est-il devenu un acteur majeur du mar- ché mondial de l’armement ? En cette période d’année France/Corée, cet article retrace brièvement l’histoire de l’art L’Hallyu, les enjeux économiques du soft sud-coréen pour s’arrêter sur son art contem- power sud-coréen porain. Il rappelle aussi les relations artistiques Par Victoria Luc entre la France et la République de Corée au travers de nombreux artistes coréens qui se Cet article analyse en détail la vague coréenne, sont rendus en France à partir de la première aussi appelée Hallyu, dans laquelle on inclut moitié du 20ème siècle.

La Malaisie, ses racines, son présent, view afn de partager avec nous les réalisations son futur, ses challenges et son plan pour de la Malaisie et de l’ASEAN mais aussi leurs atteindre ses objectifs challenges à venir. Cette interview évoque des Interview avec S.E.M. Dato’ Ibrahim Abdullah, sujets aussi variés et fondamentaux que l’évo- Ambassadeur de Malaisie en France lution économique de la Malaisie, ses objec- Par Romain Bartolo et Erwan Berger tifs de développement et les moyens mis en œuvre pour y parvenir, l’ASEAN et la collabo- Son Excellence Dato’ Ibrahim Abdullah vient ration entre ses membres, ses relations avec la de prendre ses fonctions récemment en tant France, l’environnement quelques mois après qu’Ambassadeur de la Malaisie en France. Il la COP 21, les discussions en Mer de Chine nous fait l’honneur de nous accorder une inter- du Sud, etc. RÉSUMÉS

L'Asie et les objectifs de développement devenu un sanctuaire de violence, d’islamisme durable 2015-2030 radical et de terrorisme. Puis, un éclairage est Par Florence Geofroy apporté sur le rôle prééminent de l’Inter-Ser- vices Intelligence (ISI, les services de rensei- Après deux ans de négociations, les 193 États gnement pakistanais) dans les afaires du pays. membres des Nations unies ont adopté il y a six mois un Agenda 2015-2030 pour le développe- Le prochain tournant : vers une alliance ment durable, qui succède aux huit objectifs du entre l'Inde et les Etats-Unis Millénaire pour le développement 2000-2015. Par Brij Khindaria Malgré des progrès considérables en Asie en matière de santé, d’éducation et d’alimentation, L'Inde a amorcé un tournant historique en de nombreux défs persistent en particulier en resserrant ses liens économiques et militaires Asie du Sud, tels que la pauvreté, la faim, la pol- avec les États-Unis et ses alliés, après plus de lution et les inégalités, cristallisés par les tensions. 60 ans de politiques socialistes et de méfance envers les États-Unis. Les motivations priori- Le Corridor économique Chine-Pakistan taires du Premier ministre Narendra Modi sont (CPEC) : objectifs, enjeux et faisabilité d’ofrir plus de bienfaits économiques à l'élec- Par Mathilde Roustan torat. Il désire également trouver des ripostes à la puissance militaire et navale grandissante Le CPEC (Corridor économique Chine-Pakis- de la Chine. Si elle ne rencontre aucune oppo- tan) a rapidement été intégré dans la stratégie sition, cette dernière pourrait limiter en moins de la « nouvelle route de la soie » mise en place d’une décennie l'infuence de l'Inde en Asie par le gouvernement chinois. Il reliera la ville de du Sud et son infuence diplomatique dans Kashgar, dans la province du Xinjiang chinois, les afaires internationales. Des changements au port pakistanais de Gwadar, proche du importants sont également en cours dans les golfe Persique. Les objectifs économiques relations entre l'Inde, l'Iran, l'Afghanistan et le liés à ce corridor sont de taille, et les enjeux, Pakistan, suite à la levée des sanctions écono- en termes de géostratégie, conséquents. En miques contre Téhéran par les Nations unies. efet, ce corridor pourrait non seulement servir Les 12-24 prochains mois seront cruciaux pour à développer les deux régions les plus concer- Modi, l’Inde et la stabilité régionale. La plupart nées, à savoir le Xinjiang et le Baloutchistan, des analystes conviennent que, dans les pro- Résumés mais également à changer la confguration chaines années, l'économie indienne connaîtra géostratégique de la région. Les deux États des taux de croissance plus élevés que dans 95 devront néanmoins surmonter quelques obs- d'autres pays, y compris la Chine. Beaucoup tacles avant que cet ambitieux projet ne soit d'Indiens sont optimistes quant à leur avenir un succès. et semblent avoir confance en Modi, qui vient d’achever en mai 2016 sa deuxième année au Homeland, saison 4 : de la série TV à la pouvoir. Cependant, le mécontentement com- mence à croître parmi la classe moyenne, en géopolitique du Pakistan (Deuxième partie) particulier chez les jeunes, qui se sentent frus- Par Pauline Lovera trés par la lenteur avec laquelle leur niveau de vie s’améliore. Cette frustration est dangereuse La saison 4 de la série américaine d’espionnage pour Modi et pour l’Inde car les plus en colère Homeland se déroule au Pakistan. Elle refète sont ceux qui ont travaillé dur pour obtenir une un certain nombre de préoccupations sécuri- éducation qui leur permette de monter sur taires américaines post-11 septembre 2001, en l’échelle sociale. La déception augmente éga- particulier sur le théâtre afghano-pakistanais. lement dans le monde des afaires en raison Elle constitue une formidable opportunité pour de la lenteur avec laquelle les réformes écono- analyser certains aspects de la géopolitique miques sont mises en œuvre. actuelle du Pakistan. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN n°11 avaient abordé la « guerre des drones » menée par les Etats-Unis à la frontière afghano-pakistanaise ainsi que le rôle du Pakistan dans le confit afghan. Cette fois, il est question, dans un premier temps, de décrire et d’analyser comment le Pakistan est Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

13 Abstracts Special Feature on Korea

Seoul’s vision as a Sharing City and K-Pop, but also the Korean movies, the Ko- Interview with Park Won-soon, Mayor of Seoul rean gastronomy and everything related to Ko- By Rakyung Park and Erwan Berger rean culture, from its origin to now. It highlights the consequences of this Hallyu on the Korean In this interview, Park Won-soon, Mayor of Seoul, soft power and economy. Then, it refers to some tells us about his city and its dynamism, and his “anti Hallyu” within Korea’s neighbors from these plan in term of development for Seoul. Last but last years, to the Korean strengths that have not least, he explains us the Sharing City Seoul supported this enthusiasm, but among all to the Project that he launched in 2012 and the outcome high Korean Government’s involvement to sup- of this one, in term of quality of life improvement, port and sustain this Korean wave. citizens’ involvement and environment care. The rise of Korean cosmetics : towards a The South Korean defense industry: from the rebalancing of global beauty "Hermit Kingdom" to the "Rising Star" By Victor Rouault By Valentin Maricourt Beauty standards were driven for a long time The Republic of Korea, a small country located by Westerns. However the emergence of new in the Far East, is best known for its economic Asian players, Korean ones especially, shakes power, boosted by the "Miracle of the Han Ri- the traditional Western infuence towards a ver", and recently for its culture, symbolized by rebalancing of innovation and fashion trends the so-called "Korean Wave", the Hallyu. Howe- in favor of the East. ver the Republic of Korea is also emerging in a sector which used to be dominated by western Korean Contemporary Art countries: the defense industry. After nearly half a By Erwan Berger century, how did one of the poorest and ravaged countries in the world become a major player of As an echo of the France/Korea year, this pa- Abstracts the global market of the defense industry? per traces back briefy the history of the South Korean art and focuses upon the contempo- 96 L'Hallyu : Economic challenges of the rary period time. Then, it reminds that there South Korean soft power is a longstanding artistic relationship between By Victoria Luc France and the Republic of Korea and that many South Korean artists have been visiting This paper goes through the Korean wave, Hal- France or settled in France since the frst half of lyu in Korean, which mainly includes K-Dramas the 20th century.

Malaysia, its roots, its present, its future, and its means to achieve them, the ASEAN and its challenges and its plan to achieve its the cooperation between its Members, its rela- objectives tions with France, its attention to environmen- Interview with HE Dato’ Ibrahim Abdullah, tal issues few months after COP 21, the South Ambassador of Malaysia to France China Sea confict and etc. By Romain Bartolo and Erwan Berger Asia and the Sustainable Development His Excellency Dato’ Ibrahim Abdullah assu- Objectives 2015-2030 med his post recently as Ambassador of Ma- By Florence Geofroy laysia in France. We are honored to interview him and thank him for this opportunity. This After two years of negotiations, the 193 United interview deals with a range of topics, both Nations member states adopted six months varied and fundamental, such as the economic ago the 2030 Agenda for Sustainable Develop- evolution of Malaysia, its development targets ment, succeeding the Millenium Development ABSTRACTS

Goals 2000-2015. Despite signifcant progress turning away from over 60 years of socialist po- in Asia in terms of health, education and food, licies and distrustful coolness towards the US. there are still many challenges, particularly in The motivators are Prime Minister Narendra South Asia, such as poverty, hunger, pollution Modi’s urgent needs to deliver more economic and inequalities, crystallized by tensions. benefts for the electorate and realization that India must fnd ripostes to China’s burgeoning The China-Pakistan Economic Corridor military and naval power. Unchecked, it could (CPEC) : objectives, stakes and feasibility constrain India’s infuence in South Asia and By Mathilde Roustan diplomatic clout in international afairs within a decade. Signifcant changes are also underway The CPEC, (China-Pakistan economic Corri- in relations among India, Iran, Afghanistan and dor) has quickly been included in the Chinese Pakistan following the lifting of United Nations strategy of a « New Silk Road ». It will connect economic sanctions against Tehran. The next Kashgar, a city in the province of Xinjiang, and 12-24 months will be crucial for not only Modi the Pakistanese harbor of Gwadar near the Per- and India but also for regional stability. Most sian Gulf. The economic objectives of the CPEC analysts agree that the Indian economy is likely are huge, and the geostrategic stakes substan- to register higher growth rates than others, in- tial. The CPEC could indeed help to develop the cluding China, in coming years. Many Indians, most afected concerned regions, namely Xin- too, are optimistic about their future and seem jiang and Balochistan, but it could also lead to to have confdence in Modi, who completed changes in the geostrategic confguration of the two years in ofce in May 2016. However, rum- area. But both states will have to overcome a blings of discontent are growing among the few obstacles before stating lound and clear the middle classes, especially young people who success of this ambitious project. feel frustrated by the slow pace of improve- ments in their lives. This frustration is dange- Homeland, 4th season : from the TV rous for Modi and India because the angriest series to Pakistan’s current geopolitical are those who have worked hard to obtain situation (Second part) education and other skills to become upwar- By Pauline Lovera dly mobile. Disappointment is also increasing in the business community, which had welcomed The 4th season of the US spy television series Modi’s rise, because of his repeated stumbles Abstracts Homeland takes place in Pakistan. It expresses in implementing vital economic reforms. a lot of the post 9/11 US security concerns, in 97 particular on the Pakistani-Afghan theatre. So this television series is a great reason to analyse some aspects of the geopolitical situation of Pa- kistan. A frst article published in Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN n°11 dealt with the « drones’ war » at that the United-States is conducting at the Pakistani-Afghan border and ofers an analysis of the Pakistan’s role in the Afghan confict. Time time, this article, frst discribes and analysis how Pakistan became a sanctuary of violence, radical islamism and ter- rorism. Then, it gives an overview of the impor- tant role that the Inter-Services Intelligence (ISI) plays in the Pakistan’s political afairs.

The next big thing: Indo-US ties equal to an alliance By Brij Khindaria

India has begun turning a history-making cor- ner towards much closer economic and milita- ry ties with the United States and its allies. It is Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 Les contributeurs

Dato’ Ibrahim Abdullah | Il a étudié l'administration d'entreprises en relation avec l'agriculture en Malaisie. Après avoir été diplômé à Oxford, il a rejoint le service public. Puis, il a travaillé dans des entre- prises publiques, au Ministère des Finances et au Ministère des Affaires étrangères où il a par la suite servi en Argentine, en Turquie, au Soudan, au Japon, en Algérie, en Syrie et en Allemagne. Début 2016, SEM Dato Ibrahim Abdullah est devenu l'Ambassadeur de Malaisie à Paris.

Romain Bartolo | Auditeur-jeune de l’IHEDN, 74e session, 2011), membre du Comité Asie de l’ANAJ- IHEDN | Diplômé d'un Master en relations internationales (Université Lyon 3) et d'un Master en études du contre-terrorisme (Monash University, Australie), Romain Bartolo est Responsable des relations inter- nationales (Europe) à la SolBridge International School of Business en République de Corée. Il a aussi été chercheur junior à la S. Rajaratnam School of International Studies (Singapour, 2011-2013) sur la radica- lisation islamique en Indonésie.

Erwan Berger | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplomé de l’ECAM-EPMI et de l’ESSEC en Génie Industriel et Supply Chain, il est aujourd’hui Directeur de Projets de Transformation dans le domaine de la Supply Chain (Etats nis, Singapour, ) et est également professeur vacataire en « reverse logistics» (économie circulaire) en master 2 dans une université française. A titre personnel, il a fait de nombreux voyages en Asie (Shanghai, Hong Kong, Seoul, Jakarta, Kuala Lumpur, Bangkok, Singapour, Viet- nam, Japon).

Coline Ferro | Auditeur-jeune de l’IHEDN (69e session, Paris, 2011), membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Docteur ès Sciences de l’information et de la communication, Coline Ferro est journa- liste et analyste géopolitique, spécialiste de la diplomatie internationale et des questions de sécurité. Elle a co-signé plusieurs ouvrages sur le renseignement et les relations internationales, notamment Géopolitique Les de l’Ouzbékistan, SPM, 2010. contributeurs Florence Geofroy | Membre du Comité Asie | Auditrice jeune de l’IHEDN (90e session, Paris, 2015)| 98 Senior Program ffcer au Center for Diversity and National Harmony (Rangoon) et Junior Research Fellow à Asia Centre (Paris). Diplômée en Relations internationales de Sciences Po Toulouse et de l'INALCO, elle a également travaillé aux Nations unies, au Consulat de France à Shanghai et au Minis- tère de la Défense.

Brij Khindaria | Né en Inde et aujourd’hui basé à Genève, Brij Khindaria est analyste, journaliste éco- nomique et éditorialiste pour plusieurs revues étasuniennes, britanniques et indiennes. Il s’intéresse aux questions de sécurité et de consolidation de la paix avec une approche globale, incluant les droits de l’homme, l’équité sociale, l’énergie, l’eau, la pauvreté et la démocratie.

Pauline Lovera | Auditrice jeune de l’IHEDN (81e session, Toulouse, 2014), membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Elle est diplômée de Sciences Po Toulouse et du Master 2 recherche Sécurité et Défense de l’Université Paris II Panthéon-Assas, au cours duquel elle a rédigé un mémoire sur Le Pakistan et le confit afghan, et s’intéresse en particulier à la géopolitique de la one Inde-Paistan-Afghanistan. Elle a travaillé à la Mission militaire de l’Ambassade de France en Inde, à la Chancellerie politique de l’Ambas- sade de France au Vietnam, à l’État-major des armées et au Service de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Cameroun.

Victoria Luc | Auditrice jeune de l’IHEDN (9ème séminaire Grandes Ecoles – Paris 2015) | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplômée de l’EM Grenoble en Finance. Analyste junior en Private Equity. Victoria a séjourné six mois en République de Corée et un an à Singapour dans le cadre de ses études. Elle est passionnée de culture asiatique. AUTEURS

Valentin Maricourt | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Etudiant en Master 2 Défense, Sécu- rité et Gestion de Crise à l'IRIS Sup' (Paris)

Rakyung Park | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Etudiante en relations internationales à SciencesPo et à l’Université de Péking (double diplôme). Son domaine d’étude est l’énergie internationale et la politique économique mondiale. Elle a par ailleurs participé à la COP 21 en décembre 2015 à Paris pour son pays, la République de Corée.

Won-soon Park | Il est diplômé en Droit international de la « London School of Economics and Political Sciences ». De 1995 à 2002, il a servi comme Secrétaire général pour la « People’s Solidarity for a Partici- patory Democracy ». De 2001 à 2010, il a servi comme Directeur exécutif de la « Beautiful Foundation », un groupe philanthropique qui promeut le bénévolat et les travaux d'intérêt général et aborde les questions d'inégalité de revenu. En parallèle, de 2006 à 2011, il a servi comme Directeur exécutif de la « Hope Institute », un groupe de réfexion conu pour promouvoir des solutions résultant de suggestions de base pour des problèmes sociaux, éducatifs, environnementaux et politiques. En 2011, il a été élu comme le 35ème maire de Séoul et réélu en 2014 comme le 36ème Maire de Séoul.

Mathilde Roustan | Auditrice jeune de l’IHEDN (9ème séminaire Master 2 Défense-Géopolitique, 2016)| Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplômée INALCO d'un master en Relations Internatio- nales, avec une spécialisation en Affaires européennes d'une part et sur la zone Asie d'autre part, ainsi que d'une licence de chinois, Mathilde est actuellement basée à Pékin. Elle a beaucoup voyagé en Asie et s'intéresse en particulier aux questions de géopolitique et géostratégie régionales.

L’équipe de rédaction La rédaction 99 ■ Directeur de publication Ingrid Lamri | Présidente de l’ANAJ-IHEDN.

■ Rédacteurs en chef Stéphane Cholleton | Auditeur-jeune de l’IHEDN (60ème session, 2008), membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplômé l’Université Paris 1 en géographie des pays émergents et de HEC en mana- gement des risques internationaux, Stéphane Cholleton a étudié le chinois à l’INALCO et à l’Institut de diplomatie de Pékin. Il s’est notamment intéressé à la politique chinoise en Asie centrale et a travaillé à Pékin pour International Crisis Group en 2008. Fondateur du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN, il en a été le responsable de 2012 à 2016. Il est aussi membre du Comité de lecture de la revue Monde Chinois, nouvelle Asie et conseiller éditorial de la revue Géoéconomie. Igor Yakoubovitch | Auditeur-jeune de l’IHEDN (69ème session, 2011), membre du Comité Asie de l’ANAJ- IHEDN | Ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon, agrégé de Lettres classiques et docteur en Langues et littératures anciennes, Igor Yakoubovitch est enseignant et membre associé d’une unité de recherche à l’Univer- sité de Strasbourg. Ses travaux portent sur la représentation du pouvoir dans le Haut-Empire romain. Il s’intéresse également aux questions de géopolitique et de défense, et en particulier à l’Asie, où il s’est rendu à plusieurs reprises. Il a enseigné le français pendant un an à l’Université des Langues et Cultures de Pékin (BLCU) et travaillé à l’Ambassade de France à Washington. Il est responsable du Comité Asie de l'IHEDN depuis 2016. Il est égale- ment Président du groupe de travail sur la réserve citoyenne de la Défense à la Commission Armées-Jeunesse. Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016

■ Conseil scientifque 13 Erwan Berger | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplomé de l’ECAM-EPMI et de l’ESSEC en Génie Industriel et Supply Chain, il est aujourd’hui Directeur de Projets de Transformation dans le domaine de la Supply Chain (Etats nis, Singapour, ) et est également professeur vacataire en « reverse logistics» (économie circulaire) en master 2 dans une université française. A titre personnel, il a fait de nombreux voyages en Asie (Shanghai, Hong Kong, Seoul, Jakarta, Kuala Lumpur, Bangkok, Singapour, Vietnam, Japon). Sophie Chevaleyre | Auditeur-jeune de l’IHEDN, 74ème session, membre du Comité Asie de l’ANAJ- IHEDN | Diplômée de Sciences-Po Paris. Sandrine Dalban-Tabard | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Étudiante à l’Institut de rela- tions internationales et stratégiques (IRIS Sup’), Sandrine Dalban-Tabard est docteur en langue et civilisation japonaises (INALC, Franceniversité de suuba, Japon) et offcier de réserve dans l’Armée de terre française. Elle travaille actuellement sur la politique japonaise de défense et d’armement. Coline Ferro | Auditeur-jeune de l’IHEDN, 69ème session, 2011, membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN| Docteur ès Sciences de l’information et de la communication, Coline Ferro est aujourd’hui journaliste et analyste géopolitique, spécialiste de la diplomatie internationale et des questions de sécurité. Elle s’intéresse aussi aux puis- sances émergentes, et notamment à l’Asie centrale. Elle a co-signé plusieurs ouvrages sur le renseignement et les relations internationales, notamment Géopolitique de l’Ouzbékistan, SPM, 2010. Philippe du Fresnay | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Economiste formé aux Etats-Unis et en Asie, membre actif du réseau INSEAD, il est spécialisé en Intelligence Economique et en Economie du Développement, disciplines qu’il a étudiées à Harvard, au Centre Chine du CNRS/EHESS, à l’Uni- versité d’Economie et de Finance de Shanghai et à l’Ecole Normale de Taiwan. Egalement diplômé de l’Insead et du MAI, il a exercé des fonctions de direction en entreprise en France et en Asie, combinant ainsi approche théorique et expérience de terrain. Il est aujourd’hui conférencier (Forum économique de Rennes, Forum de Paris...) et consultant pour plusieurs frmes anglo-saxonnes. Alexandre Heim | Auditeur-jeune de l’IHEDN, séminaire Master 2 « Sécurité-Défense » (2009), membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Diplômé en Relations Internationales/Etudes Stratégiques de l’Université Paris Nord. La rédaction Denis Lambert | Membre du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN | Ancien élève de l’École normale supérieure, 100 docteur ès Sciences, offcier supérieur de réserve, il est responsable d’études géopolitiques et stratégiques pour la Défense. Il est l’auteur de deux livres de géopolitique de l’Asie (Inde et Chine) et de nombreux articles sur la dissuasion.

■ Directrice artistique Coline Ferro

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101 Les Cahiers du Comité Asie de l’ANAJ-IHEDN été 2016 13 Les Comités de l'ANAJ-IHEDN

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N°13 - été 2016 n°ISSN : 2274-4460 avec un Dossier spécial Corée