Fiche filmique du film “” de Richard LaGravenese

1/ Biographie du réalisateur Né le 30 octobre 1959 à , New York, aux États-Unis, Richard LaGravenese commence sa carrière en écrivant des sketchs et des monologues pour une petite troupe de théâtre, après avoir étudié le théâtre expérimental à New York. Il débute au cinéma en 1989 et coécrit le script “Rude Awakening”; mais ce n’est qu’en 1991 que sa situation évolue, où adapte son scénario “Fisher King” sur grand écran. Le film, ayant un succès critique et public, rapporte à LaGravenese une nomination à l’Oscar du meilleur scénario. Sa carrière cineaste lancée, il travaille tout au long des années 90 aux côtés des grands acteurs comme (“Sur la route de Madison”) et (“L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux”). En 2007, le cinéaste réalise “Freedom Writers” (“Ecrire pour Exister”) et “P.S. I Love You”, tous deux ayant pour personnage principal l’actrice Hilary Swank (“Freedom Writers” marque la deuxième collaboration entre Hilary Swank et Patrick Dempsey, après “Iron Jawed Angels” en 2004). Jusqu’aujourd’hui, il a tourné 24 films et possède huit nominations, incluant deux aux BAFTA Awards ou Orange British Academy Film Awards, un aux Emmy Awards et quatre aux Festival du Film de Cabourg.

2/ Résumé du film (en 10 lignes approximativement) Erin Gruwell, enseignante novice de 25 ans, tente de prendre comme premier poste un lycée difficile de Long Beach, à Los Angeles en Californie dans les années 1990, dans lequel il y a un énorme contraste entre les classes d’élites et les classes avec des difficultés, et où se côtoie des élèves de toutes origines sociales et ethniques. Elle hérite une classe d’élèves ayant des problèmes scolaires et liés à d’insertion, qui l’ignorent, se regroupent en clans, et sont présents en cours contre leur volonté. Malgré des tentatives sincères et maladroites de leur prendre en main, l’ambiance se dégrade au fil des mois – pas à pas, à travers l’initiation de la parole, la lecture et l’écriture, Erin parvient à instaurer avec la classe un vrai rapport de confiance. En leur libérant de leurs contraintes, ils créent chacun un journal intime, intitulé “Freedom Writers” et évoquant les conditions dangereuses, violentes et injustes de la discrimination et des gangs aux Etats-Unis en 1992.

3/ Cadre spatio-temporel (du film et du moment) Le contexte historique du film est celui des Etats-Unis en 1992, pendant que les lois de discrimination à l’école furent passées. Au début des années 1990, les Etats-Unis connaît une détérioration de ses revenus économiques. Elle se traduit par les suppressions d’emplois massives et une réduction des dépenses militaires (ces années marquent la fin de la Guerre Froide, le 12 décembre 1990 étant la signature du traité d’unification allemande). Or, à la même période, la Californie connaît des flux migratoires venant d’Amérique Latine et d’Asie très élevés – de nombreux citoyens voient l’immigration comme un lien avec la baisse productive, en voyant “qu’en 1995, les Hispaniques et les Asiatiques représentaient respectivement 25% et 10% de la population californienne, laquelle comprenait également 7% de Noirs, et comptait donc, au total, 42% des habitants des Etats-Unis”. Mais dès 1971, la Cour Suprême autorise le “busing”, c’est-à- dire l’affectation des élèves dans des écoles éloignées de leurs quartiers d’origine pour favoriser la mixité raciale, car la diversité était considérée comme une chose positive pour tous les corps sociaux. Cette loi suscita des oppositions violentes, situées vers le début des années 1990 et donc le cadre spatio-temporel du film. Un lien peut être fait entre le désir de vivre dans une société égale sans discriminations, montré à travers les répliques des élèves d’Erin (“Les Blancs veulent toujours qu’on les respecte, comme si c’était un truc qui leur était gratuit. Ils pensent qu’ils sont les maîtres du monde et qu’ils ont le droit de tout faire” ou “La ville c’est comme la prison, c’est toujours la guerre pour nous”) et les actions du Black Panther Party, un mouvement révolutionnaire afro-américain, formé en Californie en 1966 par Bobby Seale et Huey P. Newton. L’organisation est connue pour son utilisation du terme “pigs” (cochons) pour décrire les agents de police Blancs ainsi que pour avoir apporté des armes à feu à l’assemblée législative californienne. En janvier 1967, quand le parti ouvre officiellement son premier bureau à Oakland, il crée une campagne de patrouilles visant à surveiller les agissements de la police de la ville. L’action est censée répondre au septième point de son programme, “Nous exigeons la fin immédiate des brutalités policières et des assassinats des Noirs”. La Seconde Guerre Mondiale, avec les camps de concentration, les totalitarismes et l’explosion de la bombe atomique, peut être comparé au sentiment d’absurdité, d’oppression et de désintégration que sentent les élèves d’Erin, confrontés à une violence quotidienne, discriminatoire et tragique, avec des assassinats et des meurtres de personnes innocents faites par les policiers Blancs. Les élèves possèdent une existence similaire à celle des Juifs persécutés et déportés à cause de leur origine religieuse. Le film est basé sur un livre publié en 1999, “The Freedom Writers Diary: How a teacher and 150 teens used Writing to change Themselves and the World around them”. Cette oeuvre non-romanesque est composée de différents journaux intimes qu’Erin Gruwell demande à ses élèves d’écrire sur les troubles de leur passé, leur présent et leur futur. Son groupe de 150 élèves à Woodrow Wilson High School à Long Beach, en Californie, arrivent à ingénieusement retrouver un parallèle entre leurs vies et celle d’Anne Frank, en lisant son journal, “Anne Frank: The Diary of a Young Girl”. En fidèlement enregistrant leurs pensées et leurs sentiments, il font hommage au groupe de droits civiques des années 1960 nommé les “Freedom Riders”, qui voyagèrent entre différents états du sud avec des groups raciaux mixtes pour défier les lois locales de ségrégation aux Etats-Unis. Les “Freedom Rides” renforcèrent la crédibilité du “American Civil Rights Movement” (nom regroupant les différents mouvements des Etats-Unis des années 1960, dont l’objectif fut d’arrêter la ségrégation raciale et la discrimination contre les afro- américains, mais aussi de mettre en vigueur leur droit de vote – leurs campagnes étaient majoritairement basées sur la résistance civile, caractérisée par des manifestations pacifiques) à cause des reactions violentes qu’ils provoquèrent.

4/ Les personnages Le personnage principal du film est Erin Gruwell, une jeune enseignante qui est attribuée une classe de deuxième année, “endommagée” et “incapable de lire”. Son courage augmente peu à peu, à travers le film, et son investissement dans la classe est un acte de charité qu’aucun des élèves n’oubliera. Furieuse d’avoir intercepté une caricature à caractère raciste d’un des élèves, faisant parti d’un gang, elle compare le dessin à la propagande utilisée par les Nazis, et instruit la classe sur le racisme: “Si les Latinos, les Noirs ou les Asiatiques n’étaient pas là, tout ce passerait mieux, n’est-ce-pas? Les Nazis ont supprimé tous ceux qui l’ont gêné: ils se rapprochaient des animaux. Vous croyez que ça changerait quelquechose si vous auriez passé dans un gang? Si vous êtes morts respectés, comme des guerriers?” En comprenant que le monde extérieur est ignorant de leurs situations (“Le collège, ce n’est qu’une garderie pour qu’ils partent”) et qu’il y a un manque de solidarité, et sachant pertinemment que ses élèves n’aiment ni l’anglais, ni la lecture, mais connaissent intimement la violence, elle leur propose de lire le “Journal d’Anne Frank”. Elle incarne la vertu, le respect, le dynamisme et la révolte, et au fur et à mesure, en découvrant l’environnement violent et injuste dans lequel évoluent ses élèves, elle réalise que les textes sur lesquels les élèves travaillent sont le reflet de leur propre expérience, et leur propose alors de tenir chacun un journal – en leur donnant de l’espoir, avec des voyages, excursions culturelles et rencontres qui rythment leurs cours, les opinions méprisants des élèves commençent à changer: “Toutes les raisons de croire que rien ne changera jamais, s’évanouissent; maintenant, c’est votre tour de briller. Mais si tu demandes aux gens du respect, tu dois en avoir envers eux”. Un autre personnage important est le père d’Erin, Steve Gruwell. Un ancient militant des marches pour les droits civiques afro-américains, avant l’assassinat de son chef, Martin Luther King, le 4 avril 1968, ses expériences auront une influence importante sur les décisions d’Erin. Même s’il demeure extrêmement réticent dès que sa fille accepte son poste (“Tu n’es pas responsable de leur vie dehors – ce n’est jamais qu’un boulot” ou “La réussite résulte de l’expérience et il y a déja un système en place”), son personnage évolue à travers le film – ses avis très arrêtés changent à partir du moment qu’il commence à aider Erin à transporter ses élèves en voiture pour les sorties, ou à les récupérer de leurs lieux d’habitation (“Tu es une prof extraordinaire – la vie t’a fait ce beau cadeau de vertuosité et de courage extrêmes, et je t’admire. Ce genre de courage est inimaginable”). Erin et Steve partagent une relation paternelle admirable et importante, car son père lui sert de support pendant ses moments traumatisants et difficiles. En la soutenant dans ses choix, ils possèdent une des relations intimes essentielles dans le film. Margaret Campbell, la principale du “Woodrow Wilson High School”, joue un rôle primordial dans la concrétisation des projets qu’Erin possède pour sa classe. Totalement contre la volonté d’intégration et les droits civiques, la directrice est un personnage raciste et discriminatoire, qui affirme “Le collège a perdu son prix et sa renomée à cause de l’intégration. On avait un lycée excellent avant qu’ils ne débarquent”. À la demande d’Erin concernant l’achat de livres pour sa classe, elle est négligente des élèves pauvres: “Ils ne sont pas capables de lire ça – ils sont endommagés. Afin de préserver l’économisation correcte des écoles, il ne se produira aucun achat de livres pour eux. Personne ne peut forcer quelqu’un à s’instruire”. Elle est l’une des seules personnes dont le caractère n’évolue pas – quand Erin propose qu’elle enseignera la même classe en troisième année, la principale, égoïste et ne voulant que croire ses opinions, refuse cela, disant “Vous êtes amatrice, vous n’avez qu’enseigné que pour un an, vous ne pouvez pas entreprendre des élèves de troisième année! Quel rapport de confiance peut-on assimiler avec un groupe d’élèves négligents? Ils n’ont aucune confiance en personne, vous n’avez pas assez d’expérience, de toute façon!” Une des élèves de la classe, qui est d’ailleurs la narratrice et dont le caractère est prédominant est Eva Benitez. Une jeune fille, dont le père innocent fut arrêté et mit en prison par des policiers blancs, elle est résistante, et possède des avis très arrêtés: traumatisée par l’expérience de canons pendant son enfance, son image de l’espoir et des blancs est colorée et negative, et elle symbolise la colère et la fatalite (“On se tue pour des questions de race, de fierté et de respect. Tout le monde pense qu’on devrait être heureux, sans rien savoir de notre vie quotidienne. Vous n’avez aucun respect pour notre façon de vivre! Vous êtes là avec vos cours de grammaire à la con. Ça ne changera rien à notre vie. Qu’est-ce que vous avez à m’apprendre, qu’est-ce que vous foutez ici qui pourrait entraîner le plus petit changement dans ce que je vis ? C’est la guerre pour nous!” ou “L’école comme la ville, la ville comme la prison est divisée en quartiers selon des tribus : le petit Cambodge, le ghetto, le pays de Blanche Neige et le sud de la frontière, le petit Tijuana”). Mais au fur et à mesure, son respect pour Erin mûre et ses opinions sur sa situation changent: “La guerre s’arrêtera. Un jour, on gagne. À travers ce chaos, cette souffrance, ces morts, j’ai le sentiment que tout va s’arranger. J’ai toujours regardé vers le ciel, en espérant que quelquechose se passe – maintenant, je suis sûre que que quelquechose va se passer”. Un autre élève important est Marcus, un adolescent noir. Plutôt timide au début du film, sa confiance et son expression se développent à travers la fierté que produit l’écriture de son journal; ayant quitté sa maison à un jeune âge pour des raisons économiques mais aussi à cause de la colère, il décide de rentrer chez lui, un jour, en aperçevant sa mère rentrant chez elle: “Je peux changer, je veux rentrer vivre avec toi, maintenant”. La relation maternelle entre Marcus et sa mère n’évolue pas, mais montre à quel point la famille et l’amour sont importants, dans toute condition sociale ou émotionnelle. Quand Erin lance un “toast au changement” à ses élèves, il est le premier à parler, disant “Ma mère luttait pour respire sa dernière bouffée d’air. Mais la seule personne qui me redonne de l’espoir, c’est vous, Madame Gruwell – tous les problèmes de la vie ne sont plus si importants avec vous. Le journal m’a donné plein d’espoir; ma colère n’était qu’un bouquin ouvert”.

5/ La critique (technique, des comédiens et du thème) Le thème: L’autobiographie, et en particulier le journal intime du témoignage, est l’un des thèmes principaux de ce film. Dans la société contemporaine aux Etats-Unis, l’individu privé de voix, revendique le droit à la parole ou à une identité obtenue grâce au champ littéraire: c’est à travers l’écriture du soi que le silencieux a pu s’exprimer. Les minorités, piégées dans une classe sociale, cherchent à sensibiliser le public à leur combat quotidien afin d’inaugurer une nouvelle justice sociale. Ils font cela à travers l’énonciation de leur expérience personnelle. L’écriture devient un moyen de mener un combat pour un monde meilleur. D’après Georg Gugelberger et Michael Kearney, dans leur article “Voices for the Voiceless: Testimonial Literature in Latin America”: “L’oeuvre du témoignage peut donc se définir en deux temps: d’une part, il s’agit de la nécéssité de dénoncer une situation inacceptable et, d’autre part, de donner une voix à une mémoire, une identité collective jusque-là réduite au silence. Le journal intime se caractérise par sa diversité, car il embrasse tous les domaines de la vie, les travaux et les jours, les espoirs et les doutes, l’autre et le moi: dépositaire des secrets du rédacteur, il lui sert de confident et le rassure de ses facultés créatrices. Dans “Freedom Writers”, les élèves d’Erin sont des témoins présentant leur expérience en tant que membres d’une collectivité souffrant d’une injustice sociale. Leurs récits, bien que relatant d’abord une histoire intime et servant à la reconnaissance de soi, font partis d’un projet destiné à persuader les lecteurs de s’engager à restaurer la justice sociale. Le journal prend le rôle d’un confident, permettant aux adolescents d’exprimer leurs idées et leurs ressentis les plus sombres. Ils possèdent un sentiment d’inadéquation (“Et puis, il y a les autres, comme moi, qui sont entre les deux. Je me demande comment j’ai atterri ici. Je ne suis pas un transfert disciplinaire, et même si l’anglais n’est pas ma langue maternelle, je sais que je n’ai rien à faire ici”), sont confrontés à une violence quotidienne qu’ils ne peuvent comprendre (“J’ai perdu beaucoup d’amis, des amis qui sont morts dans cette guerre clandestine. Une guerre qui existe depuis des années, mais n’a jamais été reconnue. Une guerre entre race et douleur. Une guerre qui ne finira jamais. Une guerre qui a vu des familles et des amis pleurer pour ceux qui sont morts”) et sont mécontents de leur image personnelle (“Cher journal, tu vas être tellement déçu de moi. En fait, je me déçois plutôt moi-même par la façon dont je trompe les gens en leur faisant croire que je suis ce que je ne suis pas”). Il s’agit d’une quête de son identité, d’un besoin de s’exprimer et de pouvoir reconnaître son existence propre; cependant, nous voyons apparaître une conscience collective, une sorte de mission commune qui les pousse à agir ensemble à la construction d’un monde meilleur, dès qu’ils commençent à s’appeler les “Freedom Writers” (“Ils disent que l’Amérique est ‘Le pays de la Liberté et la Terre des Braves’ mais est-ce un pays libre, un pays où les gens se font tuer? (…) Tant que cette guerre clandestine n’aura pas cessé, je ne serai pas libre!”). Un parallèle peut être fait entre l’écriture de résistance de la classe et celle d’Anne Frank. Dès le 6 juillet 1942, l’adolescente commence à tenir son journal, quand les Frank emménagent à l’Annexe. À partir de mai 1944, elle recopie son journal, après quelques regroupements et remaniements, sur des feuilles volantes destinées à former le livre qu’elle projette sur l’Annexe, “Het Achterhuis”. La famille Frank est déportée quelques mois plus tard, et de sa famille, Otto Frank fut le seul à survivre la déportation, libéré par l’armée russe le 27 janvier 1945 – vers la fin de juillet, Miep et Jan Gies lui remettent les écrits de sa fille. Il en fait une première copie dactylographiée qui se perdra, puis une deuxième. La première édition du “Journal” paraît en Hollande en 1947 et plus de vingt millions d’exemplaires furent diffusés dans le monde. La vie quotidienne du huit reclus est l’un des thèmes communs aux adolescents: primitivement destiné au rôle de confident, Anne y incorpore, sous la pression des circonstances, une chronique de l’Annexe. Mais la cohabitation de huit personnes dans un espace restreint et dans des conditions draconiennes de silence entraîne rapidement frictions et disputes. L’atmosphère de cordialité qui devait régner au sein d’une famille se détériore et la promiscuité devient intolérable car chacun doit vivre sous le regard d’autrui. À chaque alerte, autant pour la classe que pour Anne, une angoisse viscérale ressoude le groupe et le renvoie à une évidence: malgré leur précarité, l’abri les préserve de la violence, et ils sont encore en vie. Anne est une adolescente en quête de son identité et, poussée par la passion de se connaître, elle affirme sa volonté de “sonder son coeur”. Ce besoin naît du sentiment d’être incomprise par ses parents, un aspect commun à tous les adolescents – Anne découvre avec ravissement les transformations de son corps et de son esprit (“Je me sens grandir intérieurement, je sens ce besoin de parler enfin pour de vrai à quelqu’un” ou “Il m’a toujours traitée comme une enfant qui passe par l’âge ingrat (…) – je me suis sentie affreusement seule pendant longtemps, seule, exclue, abandonnée, incomprise”). L’analyse de soi révèle les multiples visages des élèves et d’Anne: ils arrivent à formuler leurs ambitions, refuser l’insignifiance et découvrir leurs valeurs (pour Anne, “La paresse séduit. Le travail satisfait”). Mais si l’adolescent garde toute la fraîcheur de l’enfance, il montre aussi une sagacité et une maturité; c’est l’enfant qui s’apitoie sur lui- même et qui s’entête dans ses résolutions. Leur maturité éclate surtout dans le jugement porté sur le monde et sur eux-mêmes: Anne sait que “l’instinct de détruire, de massacrer” habite le coeur de l’homme, mais elle ne désespère pas de la vie. Elle se donne pour devise: “L’homme doit avoir de l’élan” et, aux heures les plus sombres, elle s’exhorte du bonheur: “Pense à la beauté qui se trouve encore en toi et autour de toi, sois heureuse!” À travers le film, les élèves apprennent à se connaître, ce qui est le rôle de l’autobiographie; Anne intitule un paragraphe de son journal, “Cette conscience de moi- même dne me quitte jamais”. Elle affirme, “Le trait le plus marquant de mon caractère (…) est la connaissance de moi-même. (…) Les parents ne peuvent que nous conseiller et nous indiquer le chemin à suivre, mais la formation essentielle de notre caractère se trouve entre nos propres mains”, une conception importante pour la classe dans “Freedom Writers”. Elle détaille son “extraordinaire courage de vivre”, ce que les élèves ne croient qu’après les efforts d’Erin: “Je me sens toujours si forte, si prête à prendre sur moi n’importe quoi, je me sens si libre et si jeune!” Le professeur leur donne la conception qu’ils existent, comme le donne Peter quand Anne se confie à lui: “Je serais incapable de me confier à quelqu’un qui ne me dit pas tout de lui-même (…) et il m’est donc impossible de me hasarder toute seule sur le chemin de l’intimité”. Pour la classe autant que pour Anne, l’écriture est une liberté d’expression qui permet de laisser une trace: Eva affirme, “On était des auteurs avec notre propre voix et cela nous à permis de nous donner un nom” et Anne explique, “La chose la plus merveilleuse (…), c’est que je peux écrire tout ce que je ressens, sans cela j’étoufferais (…) Je suis reconnaissante à Dieu qui, dès ma naissance, m’a donné une possibilité, celle de me développer et d’écrire, donc d’exprimer tout ce qui se passe en moi”. Le rôle essentiel de l’éducation et de l’école est un thème important du film, renforcé par les efforts incessants de Mme Gruwell qui s’identifie avec les élèves et qui leur donne envie de lire: “Vous tous vous passez en troisième année. Chacun de vous peut décrocher son diplôme. Vous aurez tous votre chance!” Afin de former un groupe ou une conscience collective, pour permettre une expression préalable du vécu des élèves, Erin manifestera un intérêt veritable pour eux: “Combien d’entre vous ont le dernier Snoop Dog, (…) vivent dans une cité, (…) ont un ami ou un parent en prison, (…) connaissent quelqu’un dans un gang, (…) savent où on peut trouver de la drogue, (…) ont perdu des amis dans une guerre de gang?” En les adressant positivement, ses questions permettent de découvrir le semblable dans l’autre, au-delà des différences ethniques ou territoriales. Cette reconnaissance en l’autre, outre les diversités superficielles, est le début d’un cheminement vers l’accès à l’universel – elle les montre que leur souffrance l’intéresse et qu’elle les reconnaît dans leur singularité personnelle. Mme Miep Gies, une survivante de l’Holocauste, en visitant la classe, leur affirme, “Nous sommes tous des gens ordinaires, vous et moi; nous utilisons des modestes moyens pour que la lumière luise où il fait sombre. C’est vous qui êtes des héros au quotidien”. Par contre, il y a aussi une remise en cause du statut de l’enseignant et donc des objectifs pédagogiques – André Bryant, un des élèves afro-américain, affirme “Pourquoi je devrais vous respecter, vous? Parce que vous êtes prof? Je ne vous connais pas? Qu’est-ce qui me dit que je n’ai pas une menteuse devant moi?”

La technique: La musique est essentielle dans “Freedom Writers”, car le rap américain ponctue toutes les scènes. Les chansons symbolisent le triomphe et le changement, et apparaîssent régulièrement, comme des intervalles entre des évènements importants. Quelques unes, comme “Colors”, “Bus Ride” ou “A Dream”, sont interprétées par le chanteur et musicien Will.i.am, l’un des membres fondateurs du “Black Eyed Peas”; et d’autres, comme “Keep Ya Head Up” ou “Papa’z Song” sont crées par Tupac Amaru Shakur, plus connu sous les noms de scène “2Pac” et “Makaveli”. Assassiné le 13 septembre 1996 à Las Vegas, il fut un rappeur, activiste, poète et acteur américain. Issu d’une famille qui a milité dans les rangs des “Black Panthers” – il est né juste un mois après l’acquittement de sa mère sur plus de 150 accusations de “complot contre le gouvernement des États-Unis et les monuments de New York”, et celle-ci fut l’une des Panthers 21 arrêtées en 1969 - son activisme social fait que la plupart de ses chansons parlent de la lutte, d’une enfance au milieu de la violence et de la misère dans les ghettos, du racisme et des problèmes de société – il a milité tout au long de sa carrière pour l’égalitarisme racial, un thème récurrent du film. Il fut donc cible de poursuites judiciaires à cause de cela, et en 1994, il se fait tirer dessus à cinq reprises et se fait voler dans le hall d’un studio d’enregistrement à New York. Le 7 septembre 1996, Shakur est à nouveau le cible d’une fusillade, mais celle-ci est fatale et il en meurt d’une insuffisance respiratoire. Le temps qui passe est montré à travers une ellipse temporelle de trois années, au tout début du film après un flashback d’une vente d’armes illégales, mais aussi avec des journaux dont les dates évoluent et les feuilles tournent, et des écrans qui deviennent flous. Chacune des histoires des élèves est représentée avec un flashback d’un incident négatif qui leur est arrivé pendant leur enfance; celle-ci est racontée par la voix de l’élève lui- même, qui apparaît dans l’imagination d’Erin en étant présent dans la classe, pendant qu’elle lit leurs journaux (“Les amis sont des soldats, ils sont de la guerre: ils vous donne leur vie, tu leur redonnes une nouvelle”). De nombreux plans d’ensemble ou plans américains sont utilisés, avec des plongées (l’angle de prise de vue est incliné vers le bas et le sujet est vu par en haut), car la plupart des scènes comportent un groupe de personnages nécéssaire au déroulement de l’histoire. Les plans rapprochés ou les gros plans sont donc rarement utilisés, sauf pour montrer des expressions de personnages qui fixent un élément hors-champ, que le spectateur ne voit pas. L’axe de la caméra s’agit majoritairement d’une panoramique horizontale, car la caméra pivote sur son axe sans qu’il y ait déplacement au sol; par exemple, de nombreuses scènes de classe sont vues par des panoramiques, afin de simultanément montrer les expressions similaires des élèves face à Erin. La présentation du collège est éfficacement aussi vue par cela, et le spectateur assimile la separation extrême des gangs et leurs endroits dans le terrain. Aujourd’hui, après la publication de son livre “Freedom Writers” en 1999, Erin Gruwell est l’un des membres fondateurs du “Freedom Writers Foundation”, une organisation à but non lucrative créee pour “inspirer les jeunes ou les étudiants défavorisés à ramasser les stylos au lieu des armes à feu”. L’organisation affecte positivement les communautés en “diminuant les taux de décrochage scolaire à travers la réplication et l’amélioration de la méthode des Freedom Writers”, d’après Mme Gruwell. Son objectif global est de “créer des opportunités pour les étudiants à atteindre leur plein potentiel académique; publiquement et systématiquement promouvoir une philosophie de l’éducation qui valorise, soutient et honneur les diversités; et finalement inciter les élèves à réaliser leurs rôles en tant que membres vitaux de leur communauté”. Et comme le disent les élèves dans l’épilogue du film, “Cette classe c’est un peu comme une famille – notre confiance vient de cette chambre 203”.