La Moselle et l’Allemagne : 1945-1951 Bernard Meddahi

To cite this version:

Bernard Meddahi. La Moselle et l’Allemagne : 1945-1951. Histoire. Université Paul Verlaine - , 1979. Français. ￿NNT : 1979METZ004L￿. ￿tel-01775604￿

HAL Id: tel-01775604 https://hal.univ-lorraine.fr/tel-01775604 Submitted on 24 Apr 2018

HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.

AVERTISSEMENT

Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale.

Contact : ddoc-theses-contact@univ-.fr

LIENS

Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm ,t /a, t t'rz / '9r/ UlIIUERSITE DETIETZ 4 FACUTTEl|ES TETTRES ETSCIE]ICES HUTIAIlIES T,a

BernardtEDllAHl

LAMI|SETLE ET L'ALLEMAGIIE 1945- lgSl

,JtBr-iùTHEOUeur.rrvensrrÀËË',

E ,111?ur,i t- | Llnzlyl+ TomeI

Thèsede doctorat de lllGmcycle Directeurt. Raymond Pl|IlIEYIlI t979 AVANT-PROPOS

Au terme de ces recherches sur la MoseIIe et I'Allemagne de 1945à 1g51, il m'est bien agréable d'exprimer ma gratitude à ceux qui en ont permis ou facilité I'exécution. Que lvlonsieurle Professeur Raymond poIDEViN veuille bien trouver ici I'expression de ma reconnaissance i ses conseils et son appui m'ont guidé dans le présent travail. VoiIà bien- tôt dix ans déjà, son enseignementm'avait initié à I'Histoire des Relations Internationales. Je la découvrais à travers ses cours sur les relations franco-allemandes. Mon regret est de présenter aujourd'hui une étude aussi som- maire sur un sujet dont il m'a révéIé i'intérêt et que j'aurais aimé plus di- gne de ses enseignements. F' Je suis grandementredevable aussi à lr{essieurswolF CUELLE, et au Docteur BURGER, d'avoir manifestéde I'intérêt pour mes travaux et tiens à faire une place particulière aux membres de notre sémi- naire de recherche du Centre d'Etudes Relations internaticnales de Metz. Mes remerciements vont égaiement à Messieurs HIEGEL' MORtTZ, TRIBOUT DE MCREMBERT et BECOURT, et Mesdames BEAUMONT et SARY qui ont laissé à ma disposition une bonne part de la documentationqui m'était indispensable. Ils vont enfin à mon épouse qui s'est montrée une collabora- trice zélée en partageant mes soucis et mes veilles ; je dois à son aide et à sa gentillesse d'avoir pu achever cette thèse.

A tous, j'exprime ma sincère reconnaissance. 1.

INTRODUCTION

Avec la défaite de la France en I9L0,le problème de "I'AIsace- Lorraine" renait aux frontières de I'Est. Fendant toute la durée de la seccn- de Guerre Monrliale, les nazis appliquent dans les trois départements du Haut- Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, des mesures qui laisseront de profondes séquelles dans ia mentalité collective et les réalités de Ia vie d'après-guerre de leurs habitants. pour I'AIsace, la question de ses rapports avec I'ancien agres- (1). seur après le conflit a déjà fait l'objet de recherches approfondies L'étude des relations entre Ia Moselle et I'Allemagne à la même époque, qui est notre propos, ne Peut naturellementpas se limiter à une sim- ple énumération descriptive de tous les malheurs qui se sont abattus sur ce départementpendant les annéesde guerre et à leurs conséquencesimmédiates. En fait, notre travail s'oriente à partir de deux pôles qui sont d'une part' I'ob- servation des questions de contentieux et des échangescommerciaux, d'autre part, la prise en compte de I'opinion publique qui fait face aux conséquences de I'annexion et au redressement de I'Allemagne.

Une incursion dans Ie proche passé et le rappel de toutes les hu- miliations subies par Ia population et dont le souvenir reste cuisant, nous aide à bien saisir les mentalités justifiant Ies prises de position mosellanes à l'égard de I'Allemagne. Les vagues d'expulsion complétéespar la colonisation des paysans du Banat et de Bessarabie, I'incorporation de force dans la Wehrmacht et les mesures de répression sont autant d'applications de la théorie de la "con- quête par Ie vide" qui devait affirmer I'emprise de la germanisation. La répon- se des expulsés, spoliés, déportés, Malgré-Nous mosellans ne tarde pas à Ia Libération.

(1) P. SCHAEIFER : "L'Alsace et I'Allemagnel9L5-i9L9" Thèsede 3ème Cycte sous la direction du Professeur RaymondPOIDEVi N. Centrede Rêcherches Relations lnternationales. Irletz i976 ' Mêmesi I'expression et la déterminationdes Lorrains à obtenir réparation des désastres nés de I'annexicn, reste Ia trame de notre étude, les réactions de la population moseilaneau travers des médias, sur les ques- tions économiques et politiques soulevées par les relations entre la Irance et I'Allemagne ou la France et Ies Alliés sur la politique allemandeà suivre, ne dcivent pas passer au secondplan.

Par ailleurs, si la date de 1945, à laquelle débute nctre travail n'a guère besoin d'être justifiée, le choix de 195i nécessite certaines expli- catiens. Fourquoi avoir ainsi délimité notre champd'étude ? Nous avons tenu compted'un grand nombre de facteurs déterminants en Moselle, aussi bien sur le plan cie 1'appréciation des reiations franco-allemandes que dans la vie quc- tidienne des habitants, mêmesi cette date ne marque pas de changementsradi- caux en ce qui concerne les prises de position de I'opinion publique. Sur ie plan des relations franco-allemandes, on peut percevoir de très faibles indices d'un rapprochementqui n'est guère du goût des Mosei- Ians, car, dans ce domaine affectif et moral, ni la constitution de 1'Allemagne de I'Ouest en RépubliqueFédérale, ni la création de Ia C.E.C.A. qui devien- dra une réalité Ie 18 Avrii 1951, ne pourront combler Ies iossés entre Moselle et Allemagne que de r,ouveauxproblèmes semblentopposer: Ia question de la C.E.D., de la Sarre et celle de la canalisationde Ia rivière Mcselle. En ce qui concerne leur vie quotidienne, les Mosellans entrevoient en 1951 la guérison des séquelles laissées par la péricde d'annexicn allemande. S'il n'est pas admis, le sort des Malgré-Nousmanquants est ccnnu. Le prcces- sus d'amnistie est engagéen matière d'épuraticn et les derniers textes juridi- ques se rapportant aux spoliations et dommagesde guerre, entrent en vigueur. D'autre part, au point de vue économique,la relance a donné des résultats honorables et, dans tous les secteurs, le niveaude 1938 a pu être re- joint. Le ravitaillement est supprimé, aucun priscnnier de guerre ne travaille plus sur Ie territoire mosellan et le systèmede procédure de I'Office de Compen- sation des Chambres de Commerceest rernplacépar un accord frcntalier. a

On le voit, 1951est une date déterminante dans l'évoiution de la vie intérieure et des rapports des Mosellans avec leurs voisins allemands, mêmesi elle n'est oas encoreperçue comme telle par I'opinion publique.

Les moyens de parvenir au terme de ce travail ncus ont été four- nis par la documentation qu'une longue recherche et de multiples démarches nous ont permis de rassembler. Elie comprenddes sources imprimées, des documentsd'archives et des études d'cpinion publique. La littérature qui constitue une partie des sources imprimées, comptecent cinquante livres environ, d'inégale valeur. Aucun des ouvrages que nous avons consultés n'aborde la question dans son ensemble. Les grandes synthèsesnous font défaut mais les témcignagesabondent. Il ncus a fallu com- bler de trop nombreuseslacunes par la recherche d'éléments plus spécialisés. Les textes législatifs et documentsadmirristratifs contenusdar,s les diverses rubriques du Journal Officiel, dans les rapports et déiibérations du Conseil Général, dans le Builetin Officiei de Ia Moselle, dans les rapports annuels des Chefs de Service au Préfet et dans les comptes-renduset Bulletins Mensuels de la Chambre de Commerce, ont satisfait notre curiosité en matière juridique. L'ouverture des archiveq.de 1'Office des Bierrs et intérêts Frivés et de Ia Chambrede Commerce et d'Industrie de la Moselle nous ont permis d'étayer solidementde nombreuxcommentaires, et de faire le point sur quei- ques aspects non négligeables de notre thème de réflexion. Enfin, I'étude systématiquede I'opinion publique mosellane, qui n'a pu se réaliser qu'au travers de "médias" - presse d'information, d'opinion, presse économique,déclarations des élus locaux -, aussi représentatifs que possible des jugementsde la populationdu département, nous a donné la possi- bilité d'apprécier I'empreinte laissée par I'annexion dans I'esprit des hommes ainsi que la puissance du courant anti-allemand. La presse est faiblement char- pentée. Les jcurnaux d'information, déjà peu nombreuxavant Ia secondeGuerre Mondiale, connaissentune chute vertiqineuse darisles années qui suivent la lr.

Libération (2). La presse d'opinion et la presse économique(3), quasi inexis- tantes du tait de la monotoniede la vie politique et économique,ne déchaîneront pas de grandes passions. L'activité de la Chambrede Commerce(4) ne suffit pas à encadrer efficacementI'opinion. La tiédeur des déclarationsde tous Ies élus mosellans,sans exception, empêchera Ies problèmesnés de I'annexion

(2) La presse d'information est constituée principalement par LE REFUBLI- CAiN LORRAiN. LE COURRIER DE METZ, LE MESSiN (qui cessera de paraftre dès Mars 1947), LE LORRAIN (qui sera racheté en 1949 par L'EST REPUBLICAIN) sont des quotidiens de second ordre édités à Metz. LE COURRIER DE LA SARRE est le seul journal paraissant hors de Metz, il est édité irrégulièrement à Sarreguemines. Cette presse.d'informaticn est exclusivement favorabie aux partis de la droite.

(3) La presse d'opinion est très clairsemée et ne connaft de surcroft, qu'une existence éphémère et une faible diffusion- ElIe est Ie ieflet d'une vie politique monotonedominée par les partis de droite (démocratie chrétienne dirigée par Robert SCHUMAN) et gauilistes. Les socialistes sont absents de la".orpétition. En effet,le socialisme, faute d'un syndicalisme ouvrier important, a pris un départ très ient et ne connaft qu'une diffusion sporadique. Par ailleurs, les communistesont en- registré un succès dans le Bassin Houiller oir Pierre MULLER, de Freyming, esi député de 1945 à 1946 ; devenu Conseiller de Ia République, iI est rem- placé à Iu Churbre par Anna SCHEEL. L'implantationdu communisme,dont ies résultats sont en dessous du taux national, n'est guère facilitée du fait des épreuves subies par Ies Malgré-Nous mosellans dans les camps sovié- tiques. L'indigence de la presse d'opinion est flagrante : les socialistes éditent, mais pour 1947 uniquement,un journal intitulé LA MOSELLE SOCIALISTE' ies gàuliistes font paraître de façon épisodique L'AVENiR ET LE RASSEM- BLEMENT DE L'EST entre Novembre 1947 et Octobre 1951. Le but de ces parutions est avant tout éIectoral. Elles s'intéressent assez peu aux ques- iions de politique extérieure. Les communistes s'ex,priment encore dans LA voIX op r'n MosELLE qui paraÎt entre 1945et 1946' et dans LE PATRIoTE MOSELLAN, hebdomadairebilingue régulièrement édité du28 Juillet au 3 Fé- vrier 1951. La presse économiqueest encore plus mal représentée: la Chambre de Com- n"ice pubiie des Builetins Mensuels et Comptes-rendusde Travaux ; 1'or- gane dés milieux de la sidérurgie est Ia revue "LES ACTUALITES INDLIS- TRIELLES LORRAINES'"

(I) Sous Ia présidence d'liyppolite MATTHIEZ, HOUPERT étant Secrétaire Général, ta CframUrede Commerce enflamme Par son action, à propos de tous les problèmes menaçantles intérêts locaux, Ies organismes officiels, Mairie de Metz et Conseil Général. de connaître une audience méritée auprès de I'ensemble de Ia population fran- çaise, des milieux parisiens et, qui plus est, de Ia population mosellane elle-même(5). L'opinion mosellane n'a ni envergure nationale, ni attitude origi- nale. Le ieitmotiv qui transparaft dans toutes les manifestations de son état d'esprit est un violent courant anti-allemand. Ainsi, face à un danger dont elle guette avec angoisse Ia moindre résurgence, obnubilée par sa sécurité exté- rieure, I'opinion ne sait ou ne peut amorcer la première, une tentative d'ou- verture et de rapprochement avec I'Allemagne, mais se contente simplement de suivre scrupuleusement les grandes lignes de la politique française.

Les faiblesses d'une étude traitant d'une période aussi contempo- raine sont étroitement liées, on le voit, au manque de documentation que I'inac- cessibilité de la majeure partie des archives existantes vient encore renforcer. Notre ouvrage aurait sûrement pris une dimension nouvelle si les Archives des Domaines, de la sidérurgie etc. . . avaient pu combler les lacunes qui y subsis- tent. Quoi qu'il en soit, notre propos initial n'est pas de fournir la réponse dé- finitive aux nombreusesquestions soulevées, mais de faciliter Ia compréhension d'une période troublée et par là, d'ouvrir la voie aux recherches futures.

(5) Les six ou sept Députés - Ieur nombre varie selon les législatures - et les quatre Conseillers de la République, ne prennent pas souvent Ia paro- Ie, ni en Moselle, ni à , laissant à leurs coilègues alsaciens le sou- ci d'exposer et de défendre les problèmes particuliers aux départements annexéi. Robert SCHUMAN, qui cumule Ie rnandatde Député mosellan du M.R.P.,les portefeuillesdes Finances, des Affaires Etrangères, ainsi que Ia charge de Président du Conseil, est un cas particulier. Et bien que liopinion s'accorde souvent avec sa politique, les probièmes spécifiquement moiellans ne sont que rarement abord.ésdans ses nombreuses déclarations. A aucun momentiI n'animera les forces du département. Au contraire, on pourra constater que c'est en Moselle que son Plan rencontrera les plus fortes oppositions. 6.

Le plan adopté nous a été imposé par la diversité des problèmes abordés. La première partie s'articule autour du thème de I'annexion de 'fait de Ia Moselle par I'Allemagne et de ses conséquencesimmédiates. Les Lorrains espèrent la guérison des blessui'es laissées par le conflit et dont nous voyons L'importance. La deuxième partie traite des contingences frontalières. Le dé- partement de Ia Moselle est au contact direct de la Sarre. Malgré le trauma- tisme récent, il ne peut ignorer ce voisin, et mêmes'il consent à des échan- ges frontaliers avec le territoire sarrois d'une part, et la Z.F.A. par Ie biais de I'Office de Compensationdes Chambresde Commerced'autre part' iI reste londamentalementhostile à ia politique sarroise de Ia France. La troisième partie enfin est consacrée au probième allemand tei qu'il est perçu dans Ie département, par une opinion que dominent I'inquié- tude et la méfiance. La Moselle réclame alors une politique dure vis-à-vis de I'Allemagne, accueille avec scepticisme Ia_naissancede la République Fédé- rale qu'e}}e aurait voulu éviter et désapprouve l'ébauche d'un rapprochement franco-allemand qui, dès son amorce' est bien compromis en dépit du Plan SCHUMAN.

Toutefois , Ia canalisation de la rivière ivloselle qui constitue pour I'avenir un espoir de réconciliation entre Mosellans et Allemands, ncus permet de ne pas terminer ce travail de recherche sur une note trop pessi- mi ste . 7.

1ère PARTIE : L'ANNEXION DE FAIT ET SES CONSEQUENCES IMMEDIATES 1945.1951

Arraché pour la seconde fois à la France vaincue, le départe- m ent de Ia Moselle soumis pendant quatre années à I'arbitraire de I'occupant nazi est tibéré après de longs combats livrés sur son sol par ies troupes amé- ricaines. Meurtri, détruit, spolié, sa population évacuée et déportée, il rede- vient français. La légalité républicaine s'y réinstalle avec son cortège de tex- te.sde lois et les difficultés administratives, sociales et politiques qui en dé- coulent.

Ce rattachement du territoire au Reich entre 1940 et 1945 a laissé dans |a conscience mosellane des stigmates qu'un avenir de paix et de justice pourra seul effacer. Mais la France sera-t-elle capable de le forger ? La guer- re et I'annexion, toujours présentes dans les reiations entre la Moselle et la France, et, a fortiori, entre la Moselle et I'Allemagne, doivent ainsi figurer à leur juste place dans notre étude.

Evoquer la réintégration de Ia Moseile au sein de la communauté française, c'est faire de constantes allusions à I'Histoire que ce département a vécue pendant ces terribles années et retrouver à travers Ia littérature et Ia documentationd'après Ig45,les vues de i'opinion publique mosellane, en cette période, sur les problèmes de Ia guerre et les réalités de I'après-guerre.

A ta Libération, la France retrouve d'abord sa souveraineté en Moselle ; iI lui faut dresser un bilan de la guerre, et prendre les dispositions nécessaires pour faire face à Ia situation catastrophique du département.

Toutefois, Ies mesures imposées par I'Etat pour Ia réparation des préjudices subis par les Mosellans pendant la guerre, ne sont pas toujours accueillies avec bienveillance dans ce département davantage occupé à Ia recher- che d'un nouveau souffle de vie qu'ouvert aux problèmes intérieurs et extérieurs d'intérêt national. A. UN LOURDHERiTAGE 9.

A la suite de la libération de son territoire, de Septembre 1944 à Mars 1,945,Ia Moselle réintègre Ia communautéfrançaise.

Tout au long de ces annéesd'immédiat après-guerre, la France doit tenir compte des changements apportés par f introduction des mesures na- zies pendant la période d'annexion de fait allemande.

C hapitre Premier

L'annexion de fait

La Moselle, départementfrançais depuis 1919, connait en 1940 une deuxième annexion, totalement différente et beaucoup plus tragique que la première. De Juillet 1940 à taLibération, en Novembre L9/+/+poutIa région messine et Mars 1945 pour le "Bitcherland", le département souffre des mesu- res politiques, économiqueset administratives prises par les nazis.

La germanisation de la Moselle a fortement marqué I'après-guerre et I'importanée de cet héritage ne nous échappe Pas.

Annexion de fait ou de droit ?

t. Qénégalitjs Avec I'annexion des trois départementsfrançais du Haut-Rhin' du Bas-Rhin et de la Moselle, les Allemands violent les engagements con- tractés, d'une part,lors de I'accord international de LA HAYE d'Octobre 1907 (1) et d'autre part, lors de I'armistice franco-allemand de iuin L940'

(1) A Ia suite de la DeuxièmeConférence de la Paix qui s'est tenue à LA HAYE, le 18 Octobre IgO7, une convention concernant Ies lois et couturnesde la guerre sur terre a été signée entr€ la France et I'Allemagne. 10.

L'article 3 de la Convention d'Armistice Franco-Allemande du 25 Juin 1940 : "Dans toutes les parties de Ia France occupée, I'Allemagne exercera tous les pouvoirs de la puissance occupante" (2) Peut se prêter à deux interprétations différentes. La France ayant omis de mentionner dans ce texte qu'il s'agissait de I'exercice des pouvoirs définis dans la Conven- tion de LA HAYE, on peut comprendre la rigueur de I'interprétation alleman- de, surtout si I'on admet que le droit international national-socialiste est régi par cette seule expression : "Recht ist v/as dem Staate niitzt, Unrecht was dem Staate schadet" (3). L'annexion de I'ancienne Alsace-Lorraine est ainsi justifiée à leurs Yeux.

Toutefois, la France,estimant qu'elle a le droit international pour elle, considère cette annexion comme une annexion de fait et non de droit ' ce qui lui facilite grandement les choses à laLibération (4).

L,Allemagne ne pouvant obtenir une annexion de droit se contente d,une annexion de fait. Ces ambiguités juridiques ne I'empêchent nullement d'évincer les préfets, les sous-préfets et les maires mosellans de leurs postes respectifs, mettant ainsi fin à la tégalité française (5). Le 15 Juillet I9/+O,Ia frontière de 1871 est intégralement rétablie et le 7 Août, Joseph BUERCKEL (6) est nomméGauleiter de la Lorraine rattachée au Gau de Sarre-?alatinat (7). L'évêquede Metz, Mgr. HEINTZ, est chassé de son diocèse.

(2) Eugène SCHAEFFER : I'Alsace et la Lorraine 191+0-1945.Leur occupation en fait et en droit, PARIS i953. (3) "Est juste ce qui profite à I'Etat' est injuste ce qui lui nuit"' (t-) En cas d'annexion de droit et commeaucun traité de paix n'a été signé avec I'Allemagne, les départementsannexés n'auraient pû redevenir français. (5) Charles BOURRAT, préfet de la Moselle, est arrêté par-I'armé-e allemande le 17 Juin 19lr1 . Séquestré pendant sept semaines, il est recon- duit à la nouvelle frontière Ie 8 Août L9/+0. lI raconte son aventure dans son ouvrage : "Agonie dé tvtetz- 2 Mai I9t+O-8Août 1940". Editions LE LORRAIN 1947. page 2$. (6) Note biographique sur JosephBUERCKEL : ancien instituteur, ami personnel I'Anscfr- d'HITLER, ii fàit ,"s preuu"s commeGauleiter de I'OSTMARK après luss et comme Gauleiter de SAARPELAZ avec résidence à NEUSTADT-an- der-WEINSTRASSE (Palatinat) au momentde I'attaque allemande sur Ia Fran- ce. (marches de O Le Gau Sarre-Palatinat-Lorraine est appelé Gau WESTMARK 1'Ouest). L'Alsace entre dans le Gau de Bade avec IIIAGNERpour Gauleiter, SIMON est Gauleiter du Luxembourg. '1 1 ra.

Le droit civil allemandest introduit et toutes Ies associations existant avant I'invasion de la Wehrmachtsont dissoutes. Tous les travail- leurs mosellans sont contraints de donner leur adhésion à la D.A.F. (Deutscher Arbeitsfront). Les Allemands sanctionnent impitoyablement les réfractaires lorrains au service militaire obligatoire.

Le programme d'intégration entrepris par les Allemands en Mosel- le, vise à opérer une véritable annexion de ce territoire au Reich'ressentie par Ia France comme une annexion de fait, c'est-à-dire une occuPation dé- guisée. VoiIà pourquoi nous emploierons indifférernm ent, dans la suite de notre travail, les termes d'annexion et d'occupation pour la désigner.

2. Le olan de sermanisation de BUERCKEL - J - - --

L,armistice avec Ia France n'est pas encore signé lorsque, Ie 15 la ger- Juin 19/+0,BUERCKEL envoie à HILTER le mémorandumdemandant manisation totale de la MoseIIe (8). Une lettre sensiblementidentique mais non datée, parvient au Generalfeldmarschal Hermann GOERING, grand chef militaire, membre influent du Parti et surtout maftre tout puissant de I'in- dustrie lourde allemande, qui a des vues sur la sidérurgie mosellane.

Dans sa lettre à HITLER, BUERCKEL trace son plan, intégrale- ment adopté par le Fûhrer. Ii y affirme que I'Alsacien-Lorrain a été induit en erreur par les méthodesd'assimilation utilisées Par I'administration prusso-allemande après 1870 et qu'il est à nouveau prêt à choisir "la clef définitive pour I'avenir" (8). Entre Ia France et l'Allemagne, le choix n'est pas difficile pour Ie Mosellan: "d'un côté,Ie peuple allemand, sain, éveillé à la conscience nationale (vôlkischerwacht) et plein de vitalité, de I'autre côté, 1e peuple français enjuivé, dégénéré ( Verniggert) et intérieurement malade" (8).

(8) J. ANNESER: Les vautours sur la Lorraine. Metz I9/-7. De larges extraits de cet ouvragesont publiés, par ailleurs, dans le LORRAIN de Novembre I9/+7à Février 1948. L2.

L'assimilation ne devra pas se faire par des mesures policières, "les futurs représentants du Fûhrer au milieu du peuple Alsacien-Lorrain ne devront pas se présenter d'après I'exemple du fonctionnaire prussien de liEmpereur qui défendit les intérêts du Reich à l'égard des Alsaciens-Lorrains par la force de police, mais iIs interpréteront Ie mandat du Fûhrer en ayant soin, en son nom, de faire traiter ces territoires exactementcomme le reste du Reich" (8).

Fourtant, il n'est pas question d'accorder immédiatementaux Alsa- ciens-Lorrains les mêmesdroits qu'aux Ailemands. Le N.S.D.A.P. ne sera d'abordouvert qu'à un nombreinf:initési- mal d'arrnexés.Pour favoriser I'assimilation, BUERCKEL veut toutefoisfaire entrer les Lorrains dans une 'rcommunautédu peuple allemand". "Nous formons une communautéailemande ; Ia voie à cette communautéest ouverte en Alsace- Lorraine à chacun qui est de sang allemand et qui se sent allemand. . . " (9) Il pense que 90 % dela population s'adjoindront à cette communauté(9). ses seules craintes viennent de I'autorité de I'Eglise cathoiique en Lorraine. II la menace: "l'Etat et le Parti exécutantla vclonté duCréateur dans Ia vie sociale, politique et économique, I'Eglise devra prier Pour ce travail t' . Four briser définitivementI'unité politique de I'AIsace-Lorraine, le Gauleiter veut éviter la résurrection de I'idée de Reichsland. En outre, il pense étendre 1'annexionaux bassins de et de Nancy d'une part ' et à Epinal, Belfort, Montbéliard, la Bourgogne et une partie de la Suisse aié- manique d'autre part. ll voit grand,exige d'aiileurs pour lui-même des pou- voirs illimités (10).

(9) Marcel NEIGERT : La répression allemandeen Moselle. Revued'Histcire de la 2ème Guerre ii4ondialeno 105 Janvier 1977 page 80, rappelle que les Lorrains ont été obligés d'adhérer "pour la forme" à la Comnunautédu Feu- ple Allemand(Deutsche Voiksgemeinschaft) D.V .G. créée en Acût I94O, ce qui explique le chiffre de 95 % d'adhérents, signalé aussi par charies- Henri HIEGEL : Ia Moselle, terre française de I'Est, Sarreguemines 1945.

(10) J. ANNESER op. cit. p. 16, appeile BUERCKEL,qui oDtiendratoute sa- tisfaction sur ce point, le "satrape mégaIomane". 13.

Dans sa lettre à GOERING, il insiste spécialementsur la néces- sité de compromettre, autant que possible, les Alsaciens-Lorrains, en les engageantdans 1'organisation du Parti, et en attribuant à certains éléments locaux des postes de confiance dans leur pays ou mêmedans les pays limi- trophes (11). La regermanisation des hommesde souche allemande, mais par- lant le français , est, à ses yeux , la plus importante de ses tâches politiques . II parle "d'éliminer fortement les éléments de race et de sang purement fran- çais", et veut "opposer au nombre des gens parlant français: pour le moins le triple de gens parlant allemand". Au travers de ces expressions, on voit se dessiner nettement Ies futures expulsions dont seront victimes les l.orrains.

Le plan de germanisationde BUERCKEL, déjà en place avant Ia signature de Ia Convention d'Armistice franco-allemande, sera adopté par HITLER qui freine pourtant, dans un premier temps, les vastes ambitions annexionnistesdu Gauieiter (12).

(11) Ainsi BUERCKELva jusqu'àsolliciter Robert SCHUMAN,alors em- prisonné à Metz, et dont iI pense faire un orateur-prcpagandiste de marque.

Q2) Il sernbleque ce soit I'intervention d'Otto ABETZ, farouchement opposé à la création d'une Austrasie Germanique, qui ait fait reculer le projet BUERCKEL sur ce point, du moins jusqu'au "Endsieg". Mais, ccmmeIe rappelle Jacques FREYMOND "Les industriels allemandsde I'acier et Ie Bassin minier Lorrain - I94O-I9/*2 -" (Revue d'Histoire Mcderne et Contempcraine Tome XIX I972 p. 39) Ie Gauleiter continue à adresser jusqu'à tin 1941 à diverses autorités allemandes, des mémoires incluant les bassins de Briey, Longwy et Nancy dans les territoires nouvellementanne- xés. Par ailleurs, Fierre BARRAL "La Lorraine pendantla Guerre" (Revue d'Histoire de Ia DeuxièmeGuerre Mondiale - no 105 - Janvier 7977 - p. 5) fait justement remarquer que les départementsde la Meurtheætlt4osel- Ie, de la Meuseet des Vosges, où I'administrationfrançaise est restée en place sous le contrôIe des Feldkommandanturen, sont englobés dans une zone interdite au retour des réfugiés. "Il n'y a pas de doute que les nazis veulent ainsi réserver l'éventualité d'une annexionultérieure jusqu'à la li- gne de I'Argonne envisagéedans certains plans de paix". TL.

3. laggo1t1e _d_Hllt E-R-

Les ordres d' HITLER arrivent à BUERCKEL le 6 Août I9/*0, par I'entremise d'une lettre du Reichsleiter Martin BORMANN. La forme de cette lettre est très sèche, intransigeante, voire expéditive, mais I'es- prit en comble les désirs du Gauleiter (13). BORMANN y affirme que les Allemands, surtout les représentants de la Wehrmacht'etles membres du Parti, ne doivent avoir aucune relation sociale avec "la soi-disant haute volée" en Alsace et en Lorraine. L'expul- sion est maintenant à I'ordre du jour : "celui qui serait de sentiments français ou qui même, ne ferait que grogner contre I'occupation allemandeou contre les mesures prises par le Reich, serait à charger immédiatementsur un des camions et à expédier en France, au delà de notre frontière de I'Ouest". Toute manifestation de la civilisation et de la culture françaises doit être combattueet anéantie. D'ici à trois mois, "il ne devra plus subsister un monumentfran- çais quelconque, ni une affiche française, ni une inscription française". La germanisation devra être poussée Ie plus ioin possible : "la Poste alleman- de ne devra par ailleurs, connaÎtre que des noms allemands. Le courrier qui porterait des indications de localités en français, même s'il émaned'Al- saciens ou de Lorrains, devra absolumentêtre retourné à I'expéditeur avec la mention : inconnu". Il n'est pas jusqu'auxuniformes français des pompiersr QU'onen- visage de remplacer' au plus tôtr par des uniformes allemands.

(13). La lettre est adresséeà Monsieurle Gauleiter et Reichstatthalter Joseph BUERCKEL. Le titre de "Reichstatthalter" est donné à BUERCKEL officiellement pour la première fois. Celui-ci est devenu commissaire du Reich pour I'a!similation de Ia Lorraine annexéeau Gau Saar-Pfalz'.. Il est ainsi considéré commeune autorité suprême, dépendant-qlrecternent de HITLER. BUERCKEL lui-même se présentera à ses nouveauxsujets lor- fains sous le titre de "Chef der Zivilverwaltung" (C . d .2.) dans son or- donnancedu 12 Août 1940, publiée dans Ie No 1 du "Verordnungsblatt fûr Lothringen" du 2/+Août 1940. 15.

Les ordres sont donnés. Le plan est en place. Commentva-t-il être appliqué en MoseIIe ? Pour créer, le fait accompli, une situation irréversible, BUERCKEL va faire déferler une vague de germanisation sur Ie département annexé.

I I . Les mesures administratives

Deux thèmes sont soulevés dans la lettre d'instructions de BORMANN à BUERCKEL :

- interdire la langue française

- faire disparaître en trois mois tout souvenir de l'époque [ran- çaise.

1 . I3tsryli1eJllql gu"_f lagcai 1e La langue française est interdite dans Ia vie publique, dans les rapports courants et dans les relations postales. Un autodafé de symboles et de livres français a iieu pendantles "Journées Allemandes" des 21 et 22 Septembre 1940, Flace du Fiihrer (Place de la République) à Metz (14). La presse française ou en français est remplacée. Les Allemands font paraftre à partir du ler Âoût 1940, un quotidien imprimé à Sarre- bruck : "DIE DEUTSCHE FRONT, ORGANDER DEUTSCHENLOTHRIN- - EEIJ" - Ausgabe Metz amtliche Tageszeitung Le 30 Novembre 1940, à Ia suite de la création du Gau WESTMARK, la "N. S . Z . WESTMARK" iui succède, s'intallant dans les locaux du "REPU- BLICAIN LORRAIN" qui s'était sabordé le 14 Juin 1940. Un autre quotidien, la "METZER ZEIfIJXç:' paraÎt pendant I'occupation.

une ordonnancedu 10 septembre 1940impose I'allemand comme Iangue juridique (15).

oL) D'après le Courrier de la sarre du 25.7.46,des drapeauxet livres fran- çais ont été brûlés Ie 12 Septembre1940 à Sarreguemines.

(15) Pierre CEZARD : "L'annexionde fait de I'Alsace-Lorraine (Juin 1940- septembre 19L2)" (Revue d'Histoire de la seconde Guerre Mondiale no 5 F.U.F. Janvier 1952 - p. 40). 16.

La mesure est poussée à I'extrême : Ies Allemands ont fait éta- blir Ie 28 Novembre 1940 (16), des listes de traductions des noms et pré- noms français auxquelles les Mosellans devront se conformer Sous peine d'être transférés à I'intérieur du Reich. C'est ainsi que Claude DUPONT devient KLAUS BRÛCKNER, et Nicolas PERNET, Nickel BERNER. Les noms des villes et des villages de Lorraine sont égalementgermanisés. Dans une première version, Ies Allemands utilisent les noms de Ia première occu- pation, mais une deuxième traduction est rapidement mise au point, et MONTIGNY devient MONTENICH après avoir été MONTENNINGEN de 1.870à 1918 (.7).

Les encouragementset les efforts prodigués pour étendre I'usage de Ia langue allemande, apparaissent parallèlement à I'interdiction de la langue française. Peut-on s'étonner ainsi que, dès la première année d'oc- cupation, la germanisation soit très active dans les écoles ? La Hitlerjugend est introduite (18), Ies instituteurs et les professeurs allemandsenvahissent la Lorraine.

(16) J. LORRAiNE "Les Allemandsen France" Faris 7945.

QD Les services allemands ont pris soin de pubiier un fascicule des noms de communesmosellanes et de leurs traductions. Ce fascicule est conservé auxArchives Départementalesde la Moselte, 738 communesy sont débapti- sées. Citons queiques exemples pour en apprécier la traduction aberrante et sans intérêt toponymiquefaite par les nazis. Ainsi :

Noms allemands Noms francais

Berthelming I Berthelmingen Bertol sfingen Clouange I Kluingen Kluigen Donnelay I Dunningen Karpfendorf

et surtout Diane-Capeile, qui devient Dianenkappelavant 1918 puis Jâgers- dorf en 1940(vitlagede chasseurs, sans doute par allusion à Diane Chasse- resse).

(18) La Hitler-Jugend (H.1.) groupe tous les garçons de 10 à 18 ans et Ie Eund der MâdeI (B.d.M.) est instituépour les filles du mêmeâge. F. CEZARD op. cit.) affirme que ces institutions sont introduites à Metz le 20 AvriI IgLT. 1a

L'autorité allemandeprocède à une "umschulung" (19) des ins- tituteurs alsaciens-Iorrains déjà tortement épurés (20). Le corps des ins- pecteurs est entièrement allemand et I'organe supérieur de I'enseignement en Moselle annexéeest le Ministère du Culte et de l'Enseignement du Gau Westmark(21).

g : or'rv-eng-de-I' égoAu1 f1a nçgi 2 . lalra d: spataft ry n t ryi e qol s logt 1e

BUERCKEL veut faire du zèIe. En réponse à celle de BORMANN' le Gauleiter enverra au Reichsleiter une lettre le 13 Août 1940' dans laquel- le iI affirmç que les ordres du Fûhrer seront intégralement exécutés. Ce- pendant, iI met en garde les collaborateurs de HITLER afin qu'ils ne se mê- lent pas de son gouvernementen Lorraine. "DanS touS leS cas, mon Cher camarade BORMANN, ne vous laissez induire en erreur par Personne dans Ia conviction que je germaniserai ce Pays selon des méthodesbien arrê- tées" (22).

(19) EugèneSCHAEFFER (op. cit.) constateque le terme "Umschulung" litËralement "donner une éducation nouvelle", est sPécialementréser- vé aux nouveauxterritoires annexés.

est de- Qù P. CEZARD (op. cit., p. 40) rappelle que,dès Juillet I94O, il mandé aux instituteurs ei institutriées d'Alsace-Lorraine de signer Ia déclaration suivante : "Je suis résolu à rester activement au service du Fûhrer et de la Grande AllernagneNational-Socialiste' au cours et en dehors de mon service". Ceux qui refusent de signer ce texte n'ont plus le droit d'enseigner.

langue n'est QD Malgré toutes ces mesures draconniennes, le problème de la pas"résolu car la Metzer Zeitung am Abend écrit,fin octobre 194L: "Les Lorrains qui s'accrochent au français, jouent un rôle de traitres envers leurs compatriotes". La langue française est un des véhicules de I'esprit de ta Résistance en Moselle annexée.

personnalités QD ll sembie que c'est pour éviter ce genre d'affrontements de et de pérogatives qu" HtfLeR tint à investir lui-même Ie Gauieiter dans sa fonttion. D'apiès M. NEicERT (op. cit. p. 83) BUERCKEL et WAGNERsont convoquésà la Chancelleiie le 25 Septembre1940- HITLER Ieur donne Ies pleins pouvoirs et leur indique les grandes lignes d'un plan de g"*unirution à appiiquer en Alsace et en Lorraine. Rappelons qu'à cetie date, un grand-nbmUrede mesures ont déjà été prises par le Gauleiter dans ce sens. 1R

BUERCKEL s'intéresse en premier lieu aux noms de rues. Dans leur hâte, les Allemands ont simplementrepris les dénominationsde la pre- mière occupation en collant des bandes de papier sur les plaques françaises (23). C'est alors qu'on peut trouver à Metz une "Kaiser l,tlilhelmStrasse" ! Mais Ies noms des dignitaires nazis remplacent rapidement ces premières dénominations. L'Avenue Serpenoise devient la "Hitlerstrasse", 1'Avenue Foch Ia "Gôringstrasse", I'Avenue de Nancy et l'Avenue Ney la "Buerckel- strasse" et d'autres nazis moins notoires sont égalementmis à 1'honneur sur Ies plaquesde rues messines (2D. Dans les premiers jours d'Août, les Allemands s'acharnent sur Ies enseignes commerciales d'aspect français. Les vespasiennes sont suppri- mées Qû. Les statues sont déboulonnées : celles de La Fayette, Déroulède et Mangin sont brisées et fondues pour servir à I'industrie de guerre alleman- de. Les statues de Ney et de Fabert sont sauvées grâce à des compiicités lorraines et reléguées dans le jardin du couvent des Pères Franciscains en attendant la fin de Ia guerre. Guillaume i I , le prophète Daniel du portail de la cathédrale de Metz, voit ses moustachesrasées. Saint Louis, en pierre de Jaumont,dis- paraît pour la durée de Ia guerre. Les monumentssubissent un sort semblable. Ainsi, à Metz, Ie monumentaux morts, oeuvre de NICLAUSSE, amputéde ses bas-reliefs, (Ils porte en lettres gothiques I'inscription : "Sie starben fûr das Reich" sont morts pour Ie Reich). Les inscriptions de la Porte Serpenoise raP- peiant Ie siège de 1552 et relatant I'acte courageux du boulanger IlARELLE (un nom français !) sont effacées.

Q3> Les plaques définitives en émail bleu ne sont posées à Metz qu'€.nété 1944. Les piuqu"r aux dénominationsfrançaises sont soigneusementdévissées,par les ôuviiers de la vilie et cachées. Elles resserviront immédiatementà la Libération.

initiatives eD J. ANNESER (op. cit. p. 60) s'amusedu ridicule de certaines àllemandesen ce domaineà Metz : "Avant lui, on cherchait en vain dans Ia catalogue des saints, une Sainte Amie ; d'un trait de plume, le Stadt- kommissar Richard IMBT remédie à cette carence en baptisant "Sankt Amie Pfad" une petite ruelle du Sablon que les messins connaissent sous la dénominationde "Sent à My" (Sentier à My)".

Q9 Tout souvenir de l'époque française disparaÎt effectivement. Rien n'est négligé dans ce sens, on pense même, en Décembre1940, à faire dispa- 'Frr raftre la lettre sur les automobiles. 19.

Pourtantr pâr peur d'effaroucher la popuiation dans son sentiment religieux, on ne touche pas aux monumentset aux inscriptions dans les égli- ses. De même, la statue de Notre Damede Metz, élevée au lendemain de la victoire de 1918 au milieu de Ia Place Saint Jacques' et au pied de laquel- le se sont déroulées les premières manifestations de protestation des Messins, les 14 et 1,5Août I9/r0, est égalementépargnée .

Voyons maintenantcomment Ia "furor teutonicus" (26) s'abat sur Ie reste de Ia Moselle. (Château- Dès le 27 JuIIIet L9/+0, le Kreisleiter de Salzburgen Salins) déclare dans son rapport (27) que le changementdes noms de rues est déjà commencé. Il s'achèverale 9 Août 1940. Le 2I Août 1940, tous les monumentsde Château-Salins sont enlevés ou transformés. A Boulay, le Kreisleiter est moins rapide. Il faut avouer que ies populations évacuées commencentseulement à rentrer en Août 19/10. Les plaques françaises sont enlevées le 31 Août I9tO. A Thionvitle, Sarrebourg et Sarreguemines, les Kreisleiter font preuve d'un grand zèle.

Pourtant, Ies Allemands ne peuvent pas crier victoire trop tôt.

"si le but de HITLER et de ses complicesavait été de donner en quelques semaines un asPect germanique aux rues et aux places de Metz et des autres villes, il faut avouer qu'ils réussirent ce camouflage tromPeur' mais sans atteindre Pour autant l'âme de Ia Lorraine" Qg). Les Ailemands vont s'efforcer, tout au long de leur occupation, d'atteindre l'âme de la Lorraine.

QO J. ANNESER(op. cit. p. 66). (2D Les rapports des Kreisleiter (sous-préfets), hebdomadairesau début, puis mensuels,permettent de reconstituerle climat réei qui règne en Lorraine pendantcette Période.

Q8) J. ANNESER(op. cit. p.67). 20.

3. L.5rnouvelle grgqliga1io3 admiqisJrative (29)

Le pouvoir exécutif est rapidement remis par Ie Général en Chef de I'armée à une Zivilverwaltung (30). Le systèrneadministratif français et tou- tes les autorités françaises sont remplacés. Le principe administratif de 1'oc- cupation d'avant 1918, qui consistait à considérer I'Alsace et la Lorraine com- me une unité, est aboli. Les deux territoires sont administrés distinctement. L'Alsace est rattachée au Gau Baden et Ia Lorraine au Gau Westmark (31). A Ia tête du Gau Westmark se trouve un Gauleiter' responsable du Parti, qui est en mêmetemps "Reichsstatthalterin der Westmark", "Chef der Zivilverwaltung",.responsable de I'administration du territoire autonome. ll relève directement du Fthrer et se trouve à Ia tête de I'administration de I'Etat et de I'administration autonomeavec toutes les compétencesdes minis- tres du Reich. En temps que chef der Zivilverwaltung, BUERCKEL détient le pouvoir exécutif et ie pouvoir législatif, et légifère à coups d'ordonnances êt de règlements contenus dans Ie "Bulletin des Ordonnances du Chef de I AdmÈ nistration Civile" (3D.

Q9 Georges SAMUEL "Aperçu de I'administration de la Stadt Metz sous I'an- nexion de fait 1940 à 7944" (Metz 1947)' Maurice TOUSSAINT "Rema- niementsadministratifs de la Moseile 1940-4r" (Paris 1951)'

(30) Avant I'arrivée de BUERCKEL à Metz, le pouvoir en Lorraine était aux qui mains d'un certain MAR: eui se prétendait remplaçant du Gauleiter, et de son propre chef et par voie depresse, voulait ouvrir Ie Parti à tous les d'une Lorrain!. On sait la position de BUERCKEL à ce sujet. .A la suite Iettre signée FRIEDRICHS, responsabledu parti, et datéedu 26.7 .I9lr0, qui signite qu'une "concurrence de Ia Gauieitung" s'était ouverte en Lor- iaine, gUfnCXEL net rapidement bon ordre à èe flottement qui règne, au début, dans le camp nazi. Ce MAR, industriel mosellan de Châtel Saint Ger- . main; précédemrunt interné pour troubles mentaux, aidé de FRUD'HOMME, MULLER àt gOpgN, avait constitué une administration fantoche pour accueil- lir les Allemands. MAR fut condamnéen Février 1947, à huit ans de réclu- sion, 20 ans d'interdiction de séjour, et à Ia confiscation de ses biens par la Cour de Justice de Metz (Républicain Lorrain du 14 Février 1947).

(31) Le Gau Westmark, avec Sarrebruck commecapitale, est officiellementcréé le 30 Novembre 1940, mais il existait en réalité depuis Ie début de I'occu- Pation version Q2) Ce "Verordnungsblatt des Chef der Zivilverwaltung" se trouve en originale et intégrale aux Archives Départementalesde la MoseIIe. ll en exiéte égalementune version française simplifiée 2r.

a) La structure administrative en Lorraine s'appuie sur un découpage en districts : arrondissements ruraux (Landkreise) et urbains (stadtkreise), à la fois districts administratifs de I'Etat et des corps territoriaux de I'administration autonomeavec, à ieur tête, un Landkommissar(Landkreis) et un Oberbtrgermeister (Stadtkreis). Le Chef de la Zivilverwaltung y in- troduit Ia légisiation du Reich. L'administration allemande a divisé le ter- ritoire en arrondissements ruraux : THIONVILLE (33)' METZ' CHATEAU- SALINS, SARREBOURG,SARREGUEMINES Ct SAINT-AVOLD,(3/T)AUX- quels vient s'ajouter I'arrondissement urbain de METZ. Le Chef de la Zivilverwaltung chapeaute I'ensemble .

b) L'organisation de Ia Gauleitung, Ia plus haute instance du Parti en Moselle, dirigée par le Gauleiter BUERCKEL, est simple. Le Parti secon- de et double I'administration civile. tI doit lui donner I'impulsion motrice. sa hiérarchie (35) débute avec le Blockleiter, chargé d'un pâté de maisons, sous la tutelle du Zellenleiter, animateur d'un quartier, qui en réfère au Ortsgruppenleiter, dirigeant local du Parti, dont le rôle est de contrôler Ie Maire sur Ie ptan politique et qui cumule d'ailleurs très souvent ies deux fonctions. Le Kreisleiter, pendant du Landkommissar' est son chef hiérarchique. Cette organisation s'appuie sur Ie systèmepolicier allemand in- troduit en bloc, tels Ia Schutzpolizei, la Gestapoet le Sicherheitsdienst (S.D.). La Gestapoet le 5.D. ont une direction centrale à Sarrebruck pour le Gau Westmark tout entier. Les rapports mensuelsdes responsablesdu Parti et du s.D. de Metz (36) inforrnent BUERCKEL de I'opinion des Mosellans.

(33) Le 1er Décembre lgt+O, création de I'arrondissement de Saint Avold for- mé par les deux arrondissements supprimés de Boulay et de Forbach' QD Création d'un arrondissement de Thionville comprenant les arrondissements supprimés de Thionville-Est et de Thionville -Ouest' (35) EugèneSCHAEFFER (op. cit.) Cf . aussi P. CEZARD (op. cit. p. 39). (36) Le Sicherheitsdienst de Metz se trouvait près de l'avenue Foch, dans un grand immeuble faisant face à I'Hôtel Royal. 22.

c) Au niveau municipal (37), Ia dernière séance du Conseil messin a lieu le 17 juin 19/10. Pendant l'occupation militaire de Ia ville, la Kom- mandantur affirme dans un rapport du 6 Juillet L9/+0vouloir la continuité de Ia vie économique et reconnaitre Ia nécessité d'une administration ré- gulière. Metz doit avant tout être traitée commeune ville allemande. De ce fait, I'occupant militaire a dissout le Conseil Municipal français et I'a remplacé Par une commission municipale allemande. Un maire commissionné et un adjoint sont nommés. Le 3 Juiliet les fonc- - tions de Maire sont assurées par un Stadtkommissar administrateur mu- nicipal - en Ia personne de I'ancien Oberbiirgermeister de Kaiserslautern IMBT. Un messin, HOUPERT, devient Stellvertretender Kommissarischer Bûrgermeister. L'administration municipale comprend l-80 fonctionnaires issus du milieu de souche allemande à Metz. Peu de temps après, Ie pouvoir exécutif est remis par I'armée au Chef de la Zivilverwaltung. L'ordonnance du 2L Décembre 1940 introduit Ie statut communal allemand en Lorraine. D'après les principes de Ia constitution communale national-socialiste, Ie maire n'est plus éIu par Ies habitants, mais appelé à sa charge. I1 dirige I'administration de la communed'une manière indé- pendante, n'est lié à aucune décision et ne relève d'aucun contrôle des corps municipaux. C'est un ressortissant allemand dans les centres impor- tants de la MoseIIe. Aux côtés du maire, sont placés des conseillers muni- cipaux, nommés par lui parmi Ia population' avec I'approbation du déIégué local du Parti, et qui Ie conseilleront sous leur Propre responsabilité dans toutes Ies affaires importantes. Ils n'ont d'ailleurs que de simples attributions consultatives. Les communesrurales relèvent des arrondisse- ments de campagne(Landkreise), dirigés par des commissaires d'arrondis- sement (Landkommissare). Les municipalités urbaines sont administrées selon leur importance, soit par un maire assisté d'adjoints et entouré d'un

$7) Ainsi que nousle verrons, I'article 2 de I'ordonnance du 15 Septembre L9l+/r,relative au rétablissement de la tégatité républicaine dans Ies dé- partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, déclare nuls et non avenus les textes édictés en toutes matières par la puissance occu- pante. zJ.

Conseil Municipal, soit par un Oberbiirgermeister et un Bûrgermeister. En Moselle, le nombre des mairies est réduit de764 à 166, celui des communesà 213. Le Ler Décembre1940 et Ie Ler Avril 1941, des modifications territoriales affectent 55 communes. La carte administra- tive de la Moselle est profondément transformée par les Allemands. Pour- tant ces mesures arbitraires ne répondent à aucune nécessité vitale. Pour bien comprendre ce phénomène, nous étudierons l'évolution de laconstitution de Ia "GossstadtMetz"r Qui en est une illustration frap- Pante. L'ordonnance du 10 Septembre 1940' avec effet au Ler Octobre 1940,. introduit dans la "Grossstadt Metz" les communessuivantes :

Montigny-lès-Metz 16.789 Habitants r' Longeville-Iès-Metz 3.874 'l Ban-Saint-Martin 2.5L3 rr Saint-Julien-1ès-Metz 1.572 rr Vallières I.073 L'ordonnance du 25 Mars I94I, avec effet au ler Avril 1941' aI- longe cette liste :

Borny 2.399 Habitants i, Magny 8gi 'l La Maxe 67 Moulins-lè s-Metz r.745 '' 'i, Plappeville 749 '!, Ste Ruffine 288 scy 1.006 " Woippy 1.959 ',

L'ordonnance du 4 Novembre 1943, avec effet au 1er Avril 791+4, clos Ia liste en y incluant ces dernières communes :

Lessy Châtel-Saint-Germain Rozérieulles AugnY MarIY

Soit au totai 18 communesqui sont concernées par ces mesures. Metz comptealors 117.55i habitantset a Ie rang de grande ville : Grossstadt. 2L.

L'incorporation de ces communessubsiste jusqu'à IaLibération (37). Le 1er Octobre 1940, l'Oberbûrgermeister KLEEMANN de LUDWIGHA- FEN AM RHEIN succèdeà l'Oberbtirgermeister IMBT.

d) La communauté du Peuple Allemand L'organisation de la Gauleitung et de la Zivilverwaltung ajoutée à I'application des lois communalesallemandes ne suffit pas' aux yeux de BUERCKEL, à affirmer I'intégration de Ia Moselle annexée au Reich. Pour asseoir son oeuvre, il publie I'ordonnance du 13 Février 1941 (38) qui ouvre aux Lorrains le droit d'apPartenir au "Peuple Allemand Lorrain" (39) (Volksdeutscher Lothringer). Un stage dans une organisation prépa- ratoire spéciale, la DeutscheVoiksgemeinschaft (D.V.G.) en Lorraine, est I'ultime étape avant la citoyenneté de plein droit. L'entrée dans la D.V.G. constitue une adhésion de principe au Reich allemand et au Fthrer. Sous Ia menaced'expulsion, Ies Mosellans doivent signer la déclaration suivante (40) : "Je fais profession de foi envers le Fûhrer et le peuple. Je demandeà être admis au sein de Ia Communautédu Peuple Allemand". Les membres de cette communautésont soumis à un "statut spécial" et ne peuventdevenir Volksdeutscher-Lothringer que s'iIs remplissent les conditions suivantes z GI)

- avoir une attitude d'esprit adéquate(Gesinnungsmassige Haltung) - confesser le germanisme - déployer une activité en sa faveur.

(38) Eugène SCHAEFFER (op. cit.) pubtie I'ordonnance et en analyse les im- plications. (39) Encore une violation de Ia Convention d'Armistice. Le problème de Ia natio- nalité des Alsaciens-Lorrains était apparemment rég1é au paragraphe I de I'annexe à Ia section V. duTraité de V-ersailles, prévoyant leur réintégra- tion de plein droit dans Ia nationalité française. Le statut n'ayant pas été modifié par la Convention d'Armistice, Ies Alsaciens-Lorrains restaient français. (40) J. LORRAINE (op. cit. p. 2o8-2où. (41) i. LORRAINE (oP. cit. P. 2LÙ. Les Lorrains, estimênt que cela n'a que peu d'importance, entrent dansIa D.V.G. à pius de95%. BUERCKELmetFOULE (42) àla tête de I'organisation qu'i] divise en 234 groupes locaux dirigés par des Leiter. Les signatures d'adhésion sont exploitées par les Allemands commeun vé- ritable piébiscite, mais cette tent'ativedemeure sans lendemain, et I'on en reste au statu quo jusqu'au 25 hoÛ.tL942, .Iorsque BUERCKEL décide de supprimer Ie " statut spécial" et d'ouvrir aux Lorrains Volksdeutsche la porte de Ia citoyenneté intégrale pour en faire des Reichsdeutsche. La vague de germanisation, qui déferle sur le territoire annexé de 1940 à Ig/'L, ne donne lieu qu'à de timides protestations du Gouverne- ment de Vichy (43). La Moselle se sent abandonnéeface à un occupant qui poursuit ses mesures d'intégration au delà de toute limite.

GD Nous retrouverons ce Personnage au banc des accusés au moment de l'épuration . (43) Eugène SCHAEFFER (op. cit.) et Louis CERNAY "Le Maréchal PETAIN' I,Alsace-Lorraine" (Editions Les iles d'Or - Pari.s 1955). Le Gouverne- ment de Vichy n'émet qu'une suite de protestations secrètes, dont Ia plu- ;, part nu r"çoiuent mêmàpas de répons-edes Allemands. Ainsi, au fur et à me- sure de I'introduction dès lois allemandes, en Moselle et en Alsace , le Général BEYNE T ou son successeur; Ie Général BERARD, Président de Ia Délégation Française auprès de la CommissionAllemande d'Armistice de Wies-baden,enuoient vainement protestation sur protestation au Prési- dent de Ia Commission Allemande d'Armistice. Les Mosellans annexés ne connaftront pas I'existence de ces "protestations .solennelles" et se senti- ront à juste iitre, abandonnéspar le Gouvernementde Vichy, malgré les affirmalions contraires du Général WEYGAND : "Le sort de I'Alsace- Lorraine fut avec Ie sort des prisonniers, l'objet de Ia préoccupation cons- tante du Maréchal PETAIN pendant la durée de I'occupation". (Préface de I'ouvrage de Louis CERNAY). D'ailleurs, Louis CERNAY, PseudonymePour A. LAVAGNE, Chef du Cabinet Civil du Maréchal PETAIN, publie intégra- Iement Ie texte des 1L2 protestations éIevées pour I'Alsace et la Lorraine (pp. Zl à 3/, incluses)et soutient qu'il ne-srest jamais trouvé en France un hïmme de gouvernement, euel qu'il ait pû êtrer pour abandonner nos trois départemen"tsde I'Est" (op. cit. P. 19)êt que "les vains-appels, vaines dé- marches diplomatiques et juridiques en face d'une volonté de domination et de vengeanêe, servie par la puissance des armes, ont tout de même contri- bué à retarder les mesures d'annexion" ! Il ressort toutefois du procès d'Otto LBETZ. ouvert à Faris Ie 18 Juillet 1949 (Lorrain - 20 Juittèt Lg49 - Editorial de Paul DURAND) que celui-ci avait conseillé à LAVAL de protester publiquementcontre Ies expulsions de Lorraine. Or, LAVAL n'en â rien fait. Hormis I'allocution du Maréchal PETAIN du 30 Novembre 1940, où le chef de l'Etat Français signalait au monde les "Français de grande race" qu'étaient les Lorrains' aucune Pro- testation publique, aucune communicationofficielle ne fut prononcée pour la défense'de laLorraine. Paul DURAND rappelle d'ailleurs la réponse de LAVAL à Gabriei HOCQUARD' venu à vichy en octobre r9L2 pour essayer d'arracher une protestation pubiique contre I'incorporation des jeunes lor- rains dans la wehrmacht: "oui, je sais, Monsieurle Maire, Ia jeunesse d'aujourd'hui n'aime plus servir". 26

Chapitre Second

Les victimes de I'annexion

Nous ne ferons pas ici, i'étude systématiquede toutes les catégo- ries de victimes de I'annexion. Des travaux plus spécialisés y ont déjà été consacrés (1). Notre propos est de dresser un bilan global des expulsés, spo- liés, Malgré-Nous, déportés, incarcérés et des décès liés, directement ou in- directement, à I'occupation nazie, en nous aidant de la documentationexistante après L945 (2). Cette démarche "d'historien-observateur" n'est destinée qu'à une meilleure compréhensiondes problèmes nés de I'annexion de la Moselle.

Les victimes civiies

ParailèIementà leurs mesures administratives, les Allemands s'emploient, par de massivesexpulsions et transplantationsdans les lvlarches Orientales, à vider le territoire annexéde tous les opposantspotentiels. La répression allemande face à une active résistance, augmentera encore le chif- fre déjà impressionnantdes victimes civiies mosellanesde cette période.

(1) Marcel NEIGERT Internement et déportation en Moselle 1940-1945. Thèse de 3e cycle Publication du Centre de Recherche Relations lnternationales de Ia MoseIIe - No 10 - 1978.

(2) Nous nous sommesréférés à la presse, auxouvrages locauxtrès spécialisés et parfois aussi aux rapports de responsablesaliemands publiés après 19/5 par des organismes mosellans (ex. : rapport BERKELMANN dans les bulle- tins de la C.C.l .M.). 27.

. L_e1e"pll:iql1

a. Les premières vagues d'expulsions et les interdictions de séjour.

Dès la mi-juitlet 1940, Ies Allemands commencentI'élimination des éIémentsindésirables (3). C'est d'abord au tour des Français, dits "de I'intérieur" r puis à ceux d'Afrique du Nord, aux Juifs de toutes les nationalités (4), aux Asiatiques et gens de couleur. Soit près de 20.000 Personnes (5) au total . Avant te 15 Août 1940, Ies nazis empêchent 60.000 personnes de "race ou de langue étrangère" (5), implantées en Moselle avant la guer- re. mais évacuéesà I'intérieur de la France, de revenir dans le Gau (6).

(3) Marcei NEIGERT (op. cit. p. 80) distingue quatre vagues d'expulsions.

(4) Le recensementde 1936dénombre 8.606 israélites en MoseIIe. Beaucoup sont des juifs allemandsexpulsés d'Allemagne. En Juin 1940, il n'y en a plus que fort peu dans le département. Les Allemands ont expulsé ceux qui étaient restés. Les Juifs se sont réfugiés surtout dans Ies régions lyonnai- se, bordelaise et sur Ia Côte d'Azur. 2.000 d'entre eux environ, ont été massacrés par les nazis.

(5) Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselle, séancedu 13 Octobre 1945, Compte-rendudes travaux 1945. Rapport du chef supérieur des S.S. et de ia police dans Ia Westmark, S.S. ObergruppenftihrerBERKELMANN. Ce rapport a été envoyé en Juin 1942au Commissaired'Empire pour la Con- soiidation du Germanisme.

(6) Les évacués de 1939-40, commencentà revenir en Moselle dès Août 7940. Ils sont soigneusementépurés, d'abord avant la frontièr9,_9t, plus tard, dans leur liéu d'origine. ParallèIement, les Allemands libèrent les Mosel- lans prisonniers de guerre en Allemagne. De retour chez eux, ils subiront eux aussi I'épuration, et beaucoupseront expulsés. Mais par ailleurs, les Allemandsveulent, par diverses pressions sur les familles en Lorraine ou sur le Gouvernementde Vichy, forcer les Lorrains encore réfugiés en zone libre, à revenir chez eux. Pierre CEZARD (op. cit. p. 41) nous parle de tractations des Allemands qui cherchent à récupérer en 1942, de jeunes Alsaciens-Lorrains, réfugiés en France et accomplissantleur service légal dans l'Armée Française ou dans les Chantiers de Jeunesse. Ceux-ci sont, en effet, susceptiblesd'alimenter la Wehrmachtet le Service du Travail du Reich. A la suite de I'ultimatum du Général MIETH, président de la sous-commission "Forces Terrestres" de la CommissionAllemande d'Armistice, au Général DOYEN, successeur du Générai HUNTZIGER, Ie gouvernementfrançais doit cèder et livrer ces jeu- nes gens aux nazis. 28.

A la suite de la manifestation du 15 Août 194.0 Q), Ies Allemands expulsent vers la France les personnalités de marque comme Monseigneur HEINTZ, Ies fonctionnairesfrançais, les conseillers municipaux, les membres de sociétés patriotiques, les communisteset leurs familles, et pour finir, toutes les personnes soupçonnéesde sentiments français. "Des policiers en armes se rendent dans les villes et dans Ies vii- Iages au moyen de camions conduits par des hommes en uniforme des di- verses organisations du Parti, Parvenus sur les lieux, ils procèdent à la prise de corps des personnes désignées à qui iIs commencentpar re- mettre un avis d'expulsion (...) Les expulsés sont alors transportés par camions dans un centre de rassemblement où ils restent 2 à 3 jours, couchant sur la paille et très mal nourris. Des camions viennent ensui- te les reprendre pour les conduire à Ia gare. Là, on les installe bien souvent dans des fourgons à bestiaux, et ils sont conduits jusqu'à la Iimite de la zone occupée" (8). Les expulsions marquent un temps d'arrêt à la fin de Septembreet durant tout le mois d'Octobre. Peut-être Ies AÏlemands veulent-ils faire preuve de bienveillance à l'égard des Français au moment de ltentrevue de MONTOIRE du 24 Octobre I94O ?

b. Les expulsions de Novembre 1940.

Du.11 au 2I Novembre 1940, la Moselle est véritablement saignée à blanc. BUERCKEL entreprend de vider systématiquementcertains vil- Iages situés à l'Est de la voie ferrée Sarrebourg-Metz-Thionville dont les habitants parient français , 225 villages sont concernés. Une affiche

(7) Nous reviendrons sur cet aspect de la résistance messineà I'occupant.

(8) J. LORRAINE (op. cit. p. 164) reproduit un de ces avis d'expulsion en da- te du 21 Août 1940 et qui concerne un chef de bureau français (voir annexe No 1). Par ailleurs, Joseph ROHR : "la Lorraine mosellane I9L8-7946" - Notes et Documents- Sarreguemines1973 - p. 55 - et le COURRIER DE LA SARRE du 25.7.46, nous apprennentque Ie 12 Septernbre1940, une commis- sion d'expulsion des indésirables siégeait à la Mairie de Sarreguemines. ,o

rouge, bilingue, est apposée, à la veille des expulsions, dans le village désigné. signé de BUERCKEL, ce documentest un chef-d'oeuvre d'hy- pocrisie (9). Jamaispersonne n'a, commeiI I'indique, invité les Lorrains à choisir entre la France et la Pologne ! Jamais personne ne les a pré- venus de leur expulsion ! Jamais non plus, il n'y eut d'accord entre le Chef de I'Administration Civile et le Gouvernementde Vichy (10). Par villages entiers, les Lorrains sont expulsés.vers la zone Ii- bre. On compte cinq à six trains par jour en direction de Dijon, Châlon' Mâcon et Lyon. Un hébergementdans les zones d'accueil, puis Ie départ vers les villes et les villages du Midi de la France, voilà le périple des Lorrains ! Avant de partir, Ies expulsés sont contraints_de signer la décla- ration.suivante: (11) "II m'a été signifié aujourd'hui que je ne suis plus autorisé à retourner en territoire Lorrain ni en territoire du Reich. En cas de retour sans autorisation préalable de la police de sûreté ' je dois m'attendre à être interné pour une durée de 10 ans et astreint à travail- ler dans une carrière de piqi're"'

ce problème des expulsions va de pair avec le drame des spolia- tions que nous traiterons ultérieurement.

Nonobstantles biens des entreprises et des banqueslorraines, transportés en Allemagne, les biens des agriculteurs et des simples par- ticuliers sont également spoliés . "Après le départ des expulsés Q2), leurs maisons furent vidées et tout leur contenu fut amené en Allemagne ou vendu sur piace aux en- chères".

Nous (9) J. LORRAINE (op. ôit. p. 166) nous en donnele texte intégral. ieproduisons ici ce document unique (Cf. annexe No 2).

(10)LeGouvernementdeVichyémetle14Novembre1940,une''protestation'' concernantles expulsions.

(i i) J. LORRAI NE (op. cit. p. 167).

Q2) Le MESSIN11 Juillet1946. Les paysans sont parmi les plus touchéspar ces mesures. En effet, après avoir engrangé le foin, rentré les récoltes, fait les se- mailles d'automne, tué et salé le cochon, Ie paysan se trouve "à Ia porte de I'hiver" dans I'obligation de quitter sa ferme pour partir vers la Pologne ou la France. "A la porte de I'hiver, c'était cela le plup dur : tout quitter jusqu'à ses victuailles, ce salé qu'on avait préparé ; Penser que d'au- tres allaient se mettre à tabie, ils en avaient gros sur le coeur. Les femmes, pendantce discours, restaient muettes, révoltées. Elles lais- saient parler les hommes. Mais si elles avaient dit quelque chose, on sent bien que ce qui leur pesait, c'était un autre sentimentplus subtil et plus délicat, une pudeur farouche, I'horreur de voir un intrus fourra- ger leur linge, Ieurs affaires, I'indignation de leur secret, de leur inti- mité, étaiés au grand jour. Ce n'était pas commepour les hommes, Ia coière de I'injustice et ie dégoût de Ia rapine, mais Ie sentiment Person- nel d'un viol (13)".

Les expulsions se poursuivent au cours de I'année 1941.

Le 16 Mars, le Gauleiter demandeà tous les Lorrains se recon- naissant Français et désirant partir en France, d'en faire la déclara- tion avant Ie 19 Mars. II y a foule. BUERCKEL prolonge le déiai jus- qu'au 22 Mars. Après cette date, plus aucun départ ne se fera pour Ia France, malgré les nombreusesinscriptions tardives. Les trains par- tiront dans le courant du mois d'Avril QD.

(13) Louis GILLET : "La grande pitié des Alsaciens-Lorrains" Albin MICHEL Octobre 1945.

OD MarcelNEIGERT (op. cit. p. 81). 31

64.000Lorrains de ianguefrançaise sont ainsi expulsés(15). HITLER semblecautionner la politiquedu Gauleiter en visitant Metz au lendemainde Noëi 1940 (16).

gleigé les qeguleg plrre: a l_egcgnlre_dg mosellan_so31I'oc_cWqJien gazie_ i gn;r sjacllar!_iclll_e 1 à_I1 It!91e [e

a. Donnéesgénérales

L'occupant nazi s'est particulièrement acharné sur cette force indéniable que représente Ie clergé en Moselle : force poiitique d'abord, mais surtout puissant promoteur et animateur de la pensée et de la cul- ture françaises- Des 690.000 habitants de la MoseIIe, 625'000 environ sont catholiques et 35.000 protestants (17). Le diocèse de Metz, placé sous I'autorité directe du Saint Siège, compte 880 prêtres séculiers dont

(15) Rapport du S.S. Obergruppenfûhrer BERKELMANN(déjà cité). Les chif- fres mentionnés dans ce rapport sont confirmés par les statistiques de I'1.N.S.E.E. publiéespar Ie REPUBLICAIN LORRAIN du 13 Septembre 1957 z 2I % de la population mosellane de 1936 ont été touchés par ces diverses mesures d'expulsion.

(16) Le Chef des S.S. et de la poiice dans la Westmark, I'Obergruppenfiihrer BERKELMANNn'est pas de cet avis. Dans son raPPort de Juin 1942 au Commissaire d'Empire pour la Consolidation du Germanisme, il critique ces interdictions de séjour, expulsions et transplantations' qui se sont succédées au cours de 1940. Ce "cadeau" de 744.000 Lorrains à la Fran- ce au momentdes négociations et de I'entrevue de Montoire, n'est certes pas tait pour améliorer les relations entre Ia France et I'Allemagne. La politique de BUERCKEL est impitoyablement jugée : il est hors de doute (ue cette transplantation a rendu plus diificile I'améIioration des relations entre la France et le Reich, tant en ce qui concerne Ie choix du moment que le choix des individugelle fournit la preuve d'un manqueabsolu du moindre instinct politique. Notons que WAGNER ne procèda jamais à des expulsions massives. L'Alsace ne compteque 40.000 expulsés ou inter- dits de séjour.

QD Lettre du Ministre des Cultes du Reich à BUERCKEL le 2 Juillet t9/*0, publiée par J. ANNESER (op. cit. p. 89) qui reprend les statistiques du recensement de 1936 sur ce point. ô2.

59 curés, 588 desservants eT I28 vicaires. II existe en outre, de nom- breuses communautésreligieuses : Franciscains à Metz, Longeville- les-5aint-Avold et Phaisbourg ; Capucins à Bitche, Sainte-Fontaine et Moulins-Iès-Metz ; Rédemptoristes à Teterchen et Blauberg près de Sarreguemines ; Frères des Ecoles Chrétiennes à Metz et Guénange i Oblats de Marie-Immacuiée à Metz, Augny et Burtoncourt ; Lazaristes à Cuvry et Metz ; Assomptionnistes à Scy ; Maristes à Morhange et Sierck ; Pères du Saint-Esprit à Neufgrange ; Missionnaires de Lyon (Missions africaines) à Vigneulles, auxquelles il faut ajouter les cou- vents de congrégations féminines. Fortement implanté en Moselle catholique, conservateur des tradi- tions latines, le clergé lorrain ne peut être favorable à l'éthique panger- manique et athée des nazis. Pour germaniser la Lorraine, il faut ruiner I'influence prépondérante du catholicisme dans cette région' et lutter contre Ie "fanatisme généralisé de ia population lorraine en matière de religion" (18). A cet effet, Martin BORMANN pense, dès Août 1940, à un échange du clergé lorrain avec des prêtres du Palatinat et de la Sarre (19). Mais il abandonnecette idée et s'en justifie dans une note du 6 Mars 1941 adres- sée à BUERCKEL : "...Le danger existe que les prêtres mosellans, excités contre nous, poursuivent leur activité subversive plus facilement dans une région où ils sont inconnus, que dans leurs anciennes paroisses. Autant laisser à leur ancien poste ces ecclésiastiques qui nous sont hos- tiles, et ne pas leur donner I'occasion drexercer leur influence dans un milieu nouveau".

(18) EugèneSCHAEFFER (op. cit.).

(19) Pierre WOLFF "Attitude du clergé mosellanet des congrégationsreli- gieusespendant I'occupation nazie de Juin 1940 à Novembre7944" àrticles parusdans LA VOIX LORRAINE 7 Novembre1976 14 No- vembre1976. Pourquoi ce revirement ? Est-ce à cause des différentes protestations émises, au nom du pape Pie XII, par Ie Nonce Apostolique à Berlin (20)' ou du fait du soutien qu'elles rencontrent auprès des évêques allemands, notammentceux de Trêves et de Spire, dont les mandementscritiquant le régime nazi circulent en Lorraine ? QI) Quoi qu'il en soit, ceci n'empêche nullement les Ailemands de s'acharner par d'autres moyens sur le clergé mosellan.

b. Les expulsions

C'est à la suite du mouvementde Protestation émis par la popula- tion messine, ie 15 Août L940, lors de la procession de I'Assomption, de la cathédrale à la Statue de la Vierge, Place Saint-iacques, que les

(2ù Pierre WOLFF (article cité) résume Ie livre du Colonei Charles KLEIN : "Pie XI I face aux nazis" Editions S .O. S. Celui-ci précise les multiples difficultés rencontrées par Ie Pape Pie XII et le Saint-Siège face aux au- torités nazies au sujet des diocèses de Metz et de Strasbourg. A titre d'exemple, signalons que le Nonce Apostolique à Berlin Monseigneur ORSENIGO, intervient auprès du Ministre des Affaires Etrangères alle- mand, Ie 1er Novembre 1940, à propos de I'expulsion de Monseigneur HEINTZ. Le 13 Janvier 794I, c'est une nouvelle intervention, car, Ie problème des diocèses de Metz et de Strasbourg n'étant pas résolu, iI àvait été question de confier I'administration du diocèse de Metz à I'Evêque de Spire et celle du diocèse de Strasbourg à I'Evêque de Fribourg ; cette solution étant illégale car envisagée sans I'accord du Saint Siège. Une série de notes (Ie 5.2./+I, le 30 .5./*1, Ie 29,8 -41 et le t8.L.t*2) con- cernant ce problème sont échangéesentre Ie Ministre des Affaires Etran- gères et le Nonce Apostolique et entre I'Ambassadeur d'Allemagne auprès du Vatican et le Secrétariat du Saint Siège. Elles débouchent sur une dé- cision sévère d'HITLER en Juin 1942. Puisque le Saint Siège ne croit pas devoir nommer de nouveaux évêques à des sièges épiscopaux en terri- ioire occupé avant la conclusion d'un traité de paix,--Monseigneur ORSENIGÔ ne pourra traiter avec le Ministre des Affaires Etrangères que des problèmes concernant I'ancien empire (Altreich). Pour les terri- toires oécupés, 1es représentants locaux et les autorités allemandes seuls débattront des problèmes d'Egiise.

QD Pierre WOLFF (article cité) explique que MonseigneurBORNEWASSER' Evêque de Trêves, s'éIeva en chaire, le 31 Août 1941' et Protesta contre ia luite brutale menée par les nazis à I'endroit du christianisme, de I'Egli- se et de ses institution!. Il rappelle notammentles expulsions pratiquées en Moselle ainsi que la confiscation des biens des congrégations religieu- ses. nazis amorcent leur action. Le 16 Août, MonseigneurHEINTZ, évêque de Metz, est expulsé de Lorraine QD. L'expulsion de Mgr. HEINTZ marquele début d'une véritable vin- dicte allemande à I'endroit du clergé mosellan. Ainsi, entre le 16 et le 21 Août 1940, 287 prêTres séculiers et 150 prêtres réguiiers sont expul- sés en zone libre (23). De plus, 50 prêtres lorrains, évacuésen 1939' se voient interdire de regagner leur paroisse. Le Grand 5éminaire est fermé, et les services de ia police s'y installent. Les jeunes prêtres' avec leurs professeurs, sont envoyés à Spire dans un but de germanisa- tion. Les religieux et religieuses sont pour la piupart expulsés et leurs couvents confisqués et mis à la disposition des autorités militaires pour servir d'hôpitaux, ou bien encore à celle des organisations nazies (24). Le 28 Juillet L94I, 99 prêtres séculiers sont rassemblés dans di- vers centres, transportés en cars et déposésdans les départementsde Meurthe-et-Moselleet des Vosges.

La "chasse aux prêtres" en Lorraine annexée est violemment dé- noncéepar le LIEN, journal clandestin polycopié, créé en Octobre 1940 en Zone libre. Celui-ci paraÎt tous les mois, puis tous les deux mois et enfin tous les trimestres, sous la direction d'Eugène HOCQUARD, curé, archiprêtre de Morhange, et s'adresse aux expulsés lorrains, leur [our- nissant des nouvelles de la Moselle.

Q2) J. ANNESER (op. cit. pp. 83 à 88) publie le récit fait par Monseigneur HEiNTZ de son éxpulsion. L'Evêque de Metz, réveillé à 6 heures 30 par des policiers allemands, dispose de deux heures pour faire ses prépara- tifs. Avec 50 kg de bagageset la sommede2.000 Francs, il est emmené, malgré ses protestations' en zone iibre.

Qg ANNESER(op. cit - pP.94à97) et aussiIe rapportdu Chanoine P. SIMONdu 20 Septembre1972.

QD Pierre WOLFF (articie cité). c. Les autres mesures

Poursuivant sa lutte contre le clergé mosellan, I'autorité alleman- de prend une série de mesures arbitraires. Le Ministre des Cultes du Reich, dans une lettre à BUERCKEL en date du 2 Juillet 1940 (25), annule purement et simplement le Concordat. "Sous le régime français, le Concordat de Napoiéon du 15 iuillet 180L et les Articles Organiques du 8 Avril 1802, étaient toujours en vigueur pour 1'Eglise Catholique en Alsace-Lorraine. Ces accords ne peuvent pius lier les autorités allemandes". D'autre part' I'ordonnance du 8 Oc- tobre Lg4O, institue Ie préièvement et la perception directe par I'Etat' d'une cotisation cultuelle (Kirchenbeitragsordnung)' Ie système de coti- sation étant proportionnel au revenu du cotisant se déclarant croyant(25), Les nazis s'ingèrent mêmedans les affaires internes de I'Eglise en édic- tant une réforme du statut des conseils de fabrique d'églises, institués par le Concordat pour Ia gestion des biens d'Egiise. La nominationdes membres des conseils est désormais soumiseau contrôle de 1'Administra- tion Civile, dont Ie Chef ratifie le décret de composition. Le Clergé Lor- rain maté, Ies Allemands mettent sur pied leur dernière mesure d'inté- gration.

3. Les transplantationsvers I'Est

Par sa "Proclamation de Metz", grand discours politique tenu en cette vilte Ie 29 Août 7942, BUERCKEL annonce "l'ultime épuration po- litique". Tout en accordant la citoyenneté intégrale aux Lorrains = oous reparlerons de cette question ultérieurement - le Gauleiter précise que "ce fait n'implique pas pour autant le droit de continuer à habiter Ia Lorrai- ne. (...) Ce droit ne sera accordé qu'aux seuls ressortissants présentant toute sécurité politique. Les autres seront exclus de la communautétout en bénéficiant d'une procédure d'appel" QO.

Qû EugèneSCHAEFFER (op. cit . p. 70.

(2O MarcelNEIGERT (op. cit. P. 83). JO.

Ainsi, pour avoir le droit de résider en Lorraine; le nouveau ci- toyen est tenu de posséder un certificat de nationalité qui ne lui sera déIi- vré qu'à Ia condition d'être politiquement sûr. Celui qui ne 1'obtient pas peut faire appel de cette décision devant un Tribunal d'Honneur d'Arrondis- sement, un "Kreisehrengericht", composé de trois membres dont un juge. Si sa demandeest rejetée, iI est déporté. Dans les trois jours qui suivent le discours de BUERCKEL à Metz, de nombreux Lorrains reçoivent notification de leur exclusion. Des dizaines de milliers de personnes se portent volontaires pour partir en France. Le 5 Septembre7942, BUERCKEL se déclare prêt à respecter "le voeu de la minorité, dont il apparaît qu'elle ne désire pas la nationalité allemande" (26). Les illusions des Mosellans seront de courte durée. Le Reich ne veut plus autoriser Ie départ vers la France des Lorrains,qui pri- verait I'industrie de guerre de Ia main d'oeuvre indispensable à son bon fonc- tionnement. D'autre part, des espacesimmenses restent à coloniser à 1'Est.. . De Septembreà Décembre 7942, BUERCKEL essaie, par divers moyens, d'obtenir le retrait des demandesde départ. Des affiches alleman- des sont posées, indiquant que les départs vers la France sont remplacés par des départs vers Ia Pologne. De très nombreuxMosellans cèdent. Les proscriptions débutentle 15 Janvier L9L3, 850 travailleurs de la sidérurgie et des mines sont arrêtés par le S.D. et transportés au camp de Bad-Blankenberg (26). En plein hiver 1943, des milliers de famiiies sont chasséesde chez elles dans des conditions plus brutales et plus inhumaines encore gue celles des expulsions de 79rr0.

La Lorraine perd ainsi plus de 10.000 de ses habitants, coupables d'avoir opté pour la France, proscrits et incarcérés dans 80 camps spéciaux en Basse-Saxe, en Thuringe, en Prusse, en Autriche, en pays Sudète et dans le Warthegau. En outre, I'ordonnance du 28 Janvier 19/r3(27), place sous séquestre les biens des transpiantés, et celle du 15 Février leur in- terdit tout séjour et tout retour en Lorraine.

(27) MarcelNEIGERT (op. cit. p.84). 37.

La déportation vers Ie pays Sudète et la Silésie s'achève en (Bereinigungsaktion), Janvier L943 Qù. Au cours de cette action d'épuraticn neuf prêtres mosellans sont transplantés dans I'Est européen (29).

Toutes ces mesures d'expulsion prennent fin au début de I'année 1.9/+4.La "réponse à ces mesures, c'est Ia résistance mosellane" (30), à laquelle va faire suite I'inévitable et terrible répression allemande.

g 4 . Lj r é : i gt al gr o-sg-It a n g v i q t rm e-s g- ry p: e J s r o g {l m a n! e- 1e -- -L 1s -{ "-t

a. La résistance mosellane : un cas particulier.

Du fait de I'annexion, la résistance revêt ici un aspect particulier : "toute action, si minime soit-elle, qui est de nature à porter atteinte au prestige et à l'effort de guerre allemand, est considérée Par eux, ici, en territoire annexé, non seulementcomme un acte de résistance, mais com- me une trahison" (31). Le Mosellan s'exposeà des sanctions plus graves que celles qui menacentle Français ; par ailleurs, la surveillance exer- cée par Ie double appareil de 1'Etat et du Parti est certainement plus étroite qu'en France occupée. Tout ceci n'empêche nuilement Ia résis- tance mosellanede commencertrès tôt sousles formes les plus diverses. Ainsi, dès Juin 1940, des lycéens et des apprentis forment un mou- vement de résistance dans ie but de s'opposer à la restauration de la sou- veraineté allemande en Lorraine. Des sabotagesont lieu, des injures sont proférées contre I'occupant et le Fiihrer. Les Mosellans continuent à parler français, à porter le béret basque (emblème français pour les Allemands), à bouder les informations, les actualités cinématographiques et les réunions nazies.

QÙ LE REPUBLICAINLORRAIN 30 Janviert948.

Q9 j. ANNESER(op. cit. pp.94 et 95) arrive à un totalde 599prêtres et religieux chassésde Lorraine.

(30) MarcelNEIGERT (op. cit. p. 8D-

(31) MarcelNEIGERT (op. cit. p. 84). 38.

La résistance est le fait de Ia grande majorité de Ia pcpulation, commele montre Ie rapport de Février L942, émanantd'un responsable syndicai de Montigny-lès-Metz : "des 16.000 habitants que compte le groupe local , 50 % sont des adversaires déciarés du germanisme (. . .) /r0 % sont des hypocrites (...) les 10 % qui restent Peuventêtre consi- dérés comme partisans du régime allemand" (32).

b. La résistance mosellane : des formes diverses.

La première manifestation résistante est celle du 15 Août l-940, sur la Place Saint-Jacques, devant Ia statuede Notre-Dame de Metz où des quantités de fleurs sont disposées de manière à figurer un grand drapeau tricolore (33). Coupés du reste de la France par une frontière qu'iIs ont malgré tout coutume de franchir, Ies Lorrains deviennent "passeurs", d'abord, pour Les prisonniers de guerre français évadés des Stala-gs; puis, après ,de Juin 1941r pour permettre à jeunes mosellansde se soustraire à f incorporation dans ie Service du Travail du Reich et dans la Wehrmacht. De nombreuseschaînes d'évasion s'organisent, plus ou moins efficace- ment, mais toujours au péril de la vie de ceux qui se révoltent contre la domination germanique. La pius célèbre en Moselle est celle de Soeur Héiène STUDLER, Supérieure de l'l{ospice Saint-Nicolas de Metz, qui fait évader, entre autres, le Générai,GIRAUD. Arrêtée et condamnée par Ie Tribunal Spécial en l.vril 41, Soeur STUDLER meurt en déporta- tion (34).

QD Marcel NEIGERT (op. cit. p. 35). il faut rester très méfiant à l'égard des chiffres et des statistiques de cette période. Affirmer que 1.0% de Ia population est entièrement acquise au germanisme et au nazisme, relè- ve de la pure fantaisie. En effet, commeIe soulignentGilbert GRANDVAL et JeanCOLL]N : "Libérationde I'Est de ]a France" HachetteI974,la coliaboration en Moselle revêt un aspect particulier : "Les Moselians doivent compter avec les maftres qui se proclament leurs compatriotes et Ies faibles ont ici plus d'excuses qu'ailleurs".

REMY : "La résistance en Lorraine" Editions de Cremille - Genève L972- Tome I p. 185.

$D REMY (op. cit. p. 184 Tome I) cf . aussi Pierre Wolff (article cité). 39.

La résistance mosellane se structure et se durcit sous les or- dres de Jean BURGER, alias MARIO (35), membredu Parti Communis- te et fondateur en Moselle d'une section de la LICA (Ligue Internatio- nale Contre I'Antisémitisme). Outre l'évasion de nombreux prisonniers de guerre, déserteurs ou réfractaires, }e groupe MARIO entreprend, à la fin de 1941, la mise au point de sabotagesindustriels d'usines sidé- rurgiques et de mines de charbon. Organisé en unités de combat, iI syn- thétise I'action,jusque là isolée et spontanée, des militants communistes' cégétistes des chemins de fer, de la sidérurgie et des mines. Il comprend environ 1.500 personnes, des ltaliens, des Polonais, des Russes, qui font équipe avec les Lorrains. Leur chef, MARIO, est arrêté une Pre- mière fois par la Gestapo le 20 septembre 1942 et parvient à s'échapper' Refait prisonnier le 12 Novembre, il récidive. A la suite de I'opération d'envergure "VALMY", des 19 et 20 SePtembre I9I*3, visant à détruire les denrées destinées à I'Allemagne (36), Jean BURGER est repris le 21-Septembre 1943, enfermé au Fort de Queuleu et déporté à Buchenwald- Nordhausen où il meurt Ie 4 Avril 1945. 900 membres du grouPe MARIo sont arrêtés par la suite , 244 ne rentreront pas (37). Les autres rejoi- gnentles F.F.l. de la Moselle, piacées sous les crdres du Commandant KRIEGER, alias GREGOR(38).

La résistance armée joue par ailleurs un grand rôle en Moselle annexée. L'activité militaire y commencedès 19LO. Au début de I'anne- xion, Just SCHARFF (39) crée le mouvementde : La Mission Lorraine. ll assume aussi la fonction de chef départernentalde I'Armée Secrète (4.S.). Le7 Octobre 1943,1'4.S. est absorbéepar I'Organisationde Résistancede I'Armée en Moselle (O.R.A.), commandéepar SCHARFF '

(35) Dr. Léon BURGER : "Le groupe MARIO, une page de Ia résistance lor- raine" - Metz 1965 - (36) Gilbert GRANDVAL (op. cit. p. 1'2O. QD Gilbert GRANDVAL (op. cit. p.I2O. Nous en parlerons dans notre par- tie consacrée à la libération du territoire moseilan. (38) Marcel NEIGERT - thèse - (op- cit. P. 95). de (39) J. SCHARFF "La libération de I'Est de Ia France,le Département ia Moselle" brochure éditée en Novembre 1975 en réponse à I'ouvrage de Gilbert GRANDVAL "La libération de I'Est de la France", qui négli- ge Ia Moselle. /-0.

L'action de ces organismes se limite, au début, à porter aide aux pri- sonniers de guerre et déportés français évadés. La Mission Lorraine se transforn:e en réseau de renseignements et d'action (40). Le 20 Janvier L944,1' O.R.A. fusionneavec les F.F.l. mosel- lanes, et Ie 25 Juillet, KRIEGER est nomméresponsable des F.F.I. pour la Moselle. SCHARFF devient adjoint déPartemental. Un grand flottement apparait alors dans ie commandemententre Ie 25 Juillet et Ie 2L Novembre I9l,/+car KRIEGER n'assumesa charge qu'à partir de cette date ; encore n'est-il reconnu que Par les brigades du secteur I I de Metz. I1 sembieque ce soit grâce à I'action de SCHARFF que le "ras- semblement,la mise sur pied des brigades F.F.I. s'établisseen un tempsrecord" (41). D'ailleurs, la brigade du secteur I de Metz et les douzebrigades des trois secteurs de I'Est mosellan : I'Orne, la Fensch et Thionville, ainsi que la brigade du secteur de Bitche, n'ont aucun con- tact avec KRIEGER et demeurentsous les ordres de SCHARFE U+2). Les brigades des secteurs de Forbach, Sarreguemines, Sarrebourg, Longeville-Iès-Saint-Avold, Abreschviller et Moselle Sud, naissent dès 1943 de f initiative de patriotes locaux, de même que la brigade de Rom- bas : le groupe BOLIS (43). SCHARFF peut ainsi affirmer que "Ia résistancemosellane, 1'A.S. puis 1'O.R.4., enfin les F.F.l., s'as- suma seule et s'organisa dès Ia fin de I'année I9/r0, en formations mili- taires véritablementencadrées, qui surent se doter, jour après jour, d'un armement relativement important dont elles étaient en mesure de se servir efficacement au momentdécisif" (44). L'effectif total des quator- ze brigades officielles s'élève à 563 combattants(45). Il faut y ajouter

(40) J. SCHARFF (op. cit. p. 48) Lettre du Général ALLEMANDET, chef du groupe "Lorraine" de 1'O.R.A.

GD l. SCHARFKop. cit. p. 12) cite I'annexe I de "l'Historique de la Ré- sistance en Moselle" publié en Novembre 1950 par le Ministère de Ia Guerre dans son Bulletin Officiel - Edition Méthodique- volume 328 - 3.

G2) j. SCHARFF(op . cit., p.I/). (op. \4J.i J. SCHARFF cit. p . ID.

U-4) J. SCHARFF(op. cit . p. 15).

(4û J. SCHARFF (op. cit. p . 2Ù. L'organigrammedes F. F.l . , officiellement homologuépar les autoiités militaires est reproduitaux Pages27 et 28 de I'ouvrage. 41..

plusieurs miliiers d'auxiliaires, de membres de réseaux commela Mis- sion Lorraine, de combattants de brigades nÔnhomologuées par les au- torités militaires commeunités combattantes,maisqui luttent pourtant avec une vaillance jamais démentie ; sans compter quelques dizaines de prisonniers de guerre russes. Les brigades de I'Ouest mosellan dispo- sent de nombreuses armes Provenant en grande partie de la récupération d'armes françaises abandonnéesdans les fortifications de la Ligne MAGINOT. Leurs activités sont essentiellement constituées de sabota- ges sur le matériel ferroviaire et fluviai' et sur les convois des princi- pales lignes de chemin de fer mosellanes.

Le clergé mosellan participe activement à la résistance dans le département. L'exemple magnifique de Soeur Hélène n'est nullement isolé. Les Allemands en sont parfaitement iriformés, car la Gestapc affirme dans un rapport du 17 luin L942 : "Les grands responsables de I'opposition anti-allemande des Lorrains sont les membres du clergé ca- tholique" (46). De mênre, les rapports de 1'Etat Major du Service de Sécurité (Sicherheitsdienst) et Ies sondagesd'opinion (Stimmungsberichte) faits par les "Ortsgruppenleiter" et les "Politischeleiter" et transmis (47). au "Kreispropagandaleiter" sont éloquents à ce sujet L'influence des curés dans les villages semble incontestable aux Allemands qui les reconnaissent commechef s de 1'opposition. L'exenple ie pius frappant est celui du village lorrain de Kalhouse, arrondissement de Sarregue- mines, totalement germanophone, où, grâce au curé qui ne cache pas sa "forte tendance francophile", 8O % de la population affiche des sentiments francais (48).

pendant (4O Cités Par P. WOLFF dans son articie sur I'attitude du clergé I'occuPation.

(4D Citésdans J. ANNESER(op. cit. Pp. 98 à 1I2 incluses)'

lui-mêmeI'ordre (48) J. ANNESER (op. cit. p. 111) BUERCKELsignera d'exoulsion de ce curé. 42.

c. L'impitoyable répression allemande et ses victimes.

La répression s'exerce très durement contre ces religieux qui osent braver I'autorité allemande. Outre les expulsés et transplantés, 34 prêtres sont emprisonnés ou déportés dans les camps de concentra- tion après jugement par le Tribunal Spécial (Sondergericht), siègeant à Metz et présidé par un juge venant de Sarrebruck, assisté d'un autre magistrat sarrois et d'un juge lorrain. Cinq prêtres sont exécutés (49).

Un grand nombre de mosellans sont égalementtouchés par les me- sures allemandes de répression. Les nazis instaurent la pratique de la délation : chacun peut s'attendre à être arrêté et même à passer devant Ie Tribunai 5péciat, fut-ce Pour un déIit mineur. D'ailleurs, après le ler Janvier 1944, le Tribunal siège en permanenceet distribue des mois de prison pour "non-déclaration de cochons ou de volailles" ou pour écoute de Ia radio étrangère (50). Au début de I'occupation, les Allemandsarrêtent 181 Personnes, dont 43 Mosellans et 138 étrangers habitant le département, en raison de leur activité d'avant Juin 1940(51). Robert SCHUMAN est du nombre. Les arrestations pour activités de résistance en Moselle sont à mettre au compte de deux organismes essentiellement : la Gestapo qui a son siè- ge Rue de Verdun à Metz, et le Sicherheitsdienst qui occupe des bureaux près de I'Avenue Foch. Deux articles du Lorrain (52) ncus renseignent sur I'organisation de la section IV, appelée "Stapo-Gegner und Abwehr" (Police d'Etat et lutte contre ses adversaires). EIle est dirigée Par un Sturmbannfiihrer SS. Des Hauptsturmfûhrer SS sont à la tête des sous- sections. La sous-section A s'occupe des délits suivants : communisme'

@9 Rapport du Chanoine P. SIMON 20 Septembte1972.

(!0) Paul PIQUELLE : "La vie à Metz pendant Ia guerre 1939-1945", série d'articles publiés dans Ie REPUBLICAIN LORRAIN de Janvier à Mars 1949. "L'occupation vue à travers le récit d'un vieux Messin: Ia vie, la lutte et le danger quotidien face à un adversaire implacable".

(51) M. NEIGERT (op. cit. p.8D nous fournit des statistiquesprécises con- cernant ces cas.

$D LORRAIN des 12 ianvier et 2 Février 1945. 43.

marxisme, crimes de radio, affaires de sabotage, activités de faussai- res, détention et usage d'explosifs, réactions, mouvementsde résistan- ce, propos défaitistes, service de protection et de renseignements enne- mis. La sous-section B s'intéresse aux églises, sectes, juifs, Francs- maçons, Russes, Polonais, opère des confiscationsde biens. Le servi- ce de renseignements, vérifications et questions relatives à I'internement, affaires économiques, attitudes sociales, affaires d'étrangers, déporta- tions expulsions, émigrations et immigrations, font partie des tâches de la sous-section C . Aucun renseignement sur la -sous-sectionD. La sous- section E s'occupe de contre-espionnage (allgemeine Abwehr), Protectio; de I'industrie, affaires de prisonniers de guerre' Passeurs, désertion, aide à désertion et faux papiers ; la sous-section F, de la police des frontières, des correspondances clandestines. La section VI dispose d' "Aussenstellen" à Saint-Avold, à Thionville à Sarrebourg et à Sarre- guemines.

Ces organismes fonctionnent à merveille. 584 Mosellans sont em- prisonnés pour propagande anti-allemande (53), 141 pour écoute d'une radio étrangère , 177 arrestations sont cpérées pour infraction aux lois de 1'économiede guerre (refus de travailler Ie dimanche, refus d'aller travailler en Allemagne, opposition aux ordres de réquisition). 594 per- sonnes sont incarcérées pour avoir aidé à l'évasion de prisonniers de guerre français et aliiés, 28 autres Pour avoir secouru des prisonniers de guerre soviétiques, deux aviateurs américains et un Anglais, I42 jeunes gens et jeunes filles, opposants au Service du Travail du Reich soqt arrêtés, de même que 527 réfractaires à I'incorporation dans la Wehrmacht. 45 incorporés les rejoignent pour avoir tenu des propos dé- faitistes, refusé de prêter serment, etc... Par ailleurs, I'aide aux ré- fractaires et déserteurs est cause de I'arrestation de 227 Mosellans, de mêrneque I'appartenance à des mouvementsde résistance qui concerne 752 personnesdu groupe MARIO et une centainede membresd'autres groupes. Un millier d'autres encore est déterminé par divers motifs

(53) M. NEIcERT (thèseop. cit. p .75 et suivantes) fait une étude complète desarrestations. 44.

tels : actions de représailles, otages et rafles' suspects dans la zone de contacts (54).

A I'issue de ces arrestations, les Mosellans Ies plus favorisés passent devant les tribunaux allemands, les autres étant directement envoyés en prison ou en camp d'internement Pour "instruction" de leur affaire. Le procès qui marque le plus la période d'annexion est celui qui se déroule à Sarrebourg du 17 au 19 Septembre 1941 (55). Le Sonder- gericht de Metz, "Tribunal Spécial", compétentpour crimes et déIits politiques, y juge J1 incutpés accusés de faciliter et de réaliser Ie passa- ge clandestin de prisonniers de guerre français et d'écouter des Postes étrangers. Six sont acquittés, un seul est condamnéà 3 ans de travaux forcés, deux à 2 ans et 6 mois, les autres à des peines rninimes. Tous les Lorrains arrêtés n'ont pas autant de chance' 4.600 dé- portés auront passé plus de trois mois dans les camps de concentration et 1.000 y seront morts (56). Par ailleurs, la Moselle comPteaussi un village-martyr. iI s'agit de Longeville-lès-Saint-Avold, où, le 3 Juin 7913, une compagniede S.S. arrête tous les maquisards, réfractaires et déserteurs de |a Wehrmacht. Bilan de la journée : 110 arrestations suivies de déporta- tions et 7 exécutions sommaires.

L'incarcération des Lorrains dans la prison et son complément, le camp d'internement - car Ies prisons ne suffisent plus à héberger Ie-nombre croissant des résistants - se fait sous deux formes : I'interne- ment, c'est-à-dire Ia détention en pays annexé (Moselle, Alsace, Luxem- bourg, France et étranger, Allemagne exclue), et Ia dépcrtation qui est

$D M. NEiGERT (thèseoP. cit. p. 109) tabieau récapitulatif des arresta- tions par motif (reproduit en annexeno 3).

(55) LORRAIN du 20 au 26 Juillet 7946.

(56) U.N.A.D. i . F. "Aux déportés mosellans" (plaquette) Octobre 1957. une détention en Allemagne. Les Mosellans qui habitent I'Allemagne du flait d'une mutation ou dlune Proscription, et qui y sont arrêtés et em- prisonnés à l'endroit, comptent commeinternés. Le nombre des inter- nés s'élève à 1.978, celui des déportés à 5.8I2 (57). L'incarcération dans un camp de concentration est toujours une déportation quel que soit le lieu où se trouve le camP.

- Les internés et les lieux d'internement(58).

Les 5.8t2 déportés mosellans passenttous par les campsd'inter- nement oir 96 d'entre eux meurent. En Moselle ces camps sont au nombre d,e27 dont 12 sont célèbres. A Metz, la Gestapoa transformé à cet effet le Grand Séminaire, ouvert le camp de Woippy (59) au Nord près des Usi- nes HOBUS et Ie Fort de Queuleuqui devient camp spécial s.s. La pri- son militaire, rue du Cambout, le Fort de Plappeville et les caves de I'immeuble de la GestaPo, rue de Verdun, complètent Ie répertoire des lieux d'internementdes messins. Les prisons de Sarreguemines, Sarre- bourg, Thionville et Ia Nouvelle-Brême ou Brême d'Or (60), près de Ia frontière actuelle entre Forbach et Sarrebruck' servent à I'internement des autres prévenus mosellans. Le camp de Queuleu est certainement le plus dur. Il fonctionne du 12 Octobre 1943au 17 Août I9L4(6f), et dépendde la Gestapo' Le personnel de surveillance est fourni Par une unité de la Waffen S . S. de Metz. Son commandant,I'Adjudant-Chef Georg HEMPEN, nomméà la mi-Novembre 1-943, le dirige avec cruauté, 36 des 1'500 à 1'800 dé- tenus y meurent. Lors de leur arrestation, les résistants, membresdu

(57) M. NEIGERT (op. cit. p.96). D'après l'U.N.A.D.I.F. le total des in- ternés serait de 622 et èelui des déportés de 4.036 (détails en annexe no4).

(58) M. NEIGERT (thèseop. cit. p. 113et suivantes). camP. \f y., M. NEIGERT (thèseop. cit. p.1,29 donnedes précisions sur ce

(60) M. NEIGERT (op. cit. P. 137)-

(61) Dr. LéonBURGER "TragédiesMosellanes : Ie Fort de Queuleu" Impri- merieHELLENBRAND - MetzI973 -. Cf. aussiThèse M. NEIGERT (op. cit. pP. 119et 120). 46.

groupe MARIO notamment, y sont incarcérés. Sitôt I'instruction de leur affaire terminée, Ies femmes sont transférées à Schirmeck et les hommesau Struthof-Natzweiler.

- Les déportés (62).

Des 5.8L2 déportés, 2.96C-meurent en déportation. Les Mosel- lans sont incarcérés dans 1-66prisons et camps d'internement en Allema- gpe, 16 camps importants se détachent du lot. En Sarre les détenus mo- sellans sont rassemblés à la prison de Sarrebruck qui porte le nom poéti- que de Lerchesflur (Champaux alouettes). Le Struthof , seul camp de concentration situé sur le territoire français, voit passer 800 Moseilansdont 60 ne sortent pas vivants. Par ailleurs,les Nlcsellanssont dirigés vers tous les camps de concentration d'Allemagne.

L'évacuation de la moitié de la population mosellane ne semble pas avoir suffit à réaliser I'intégration de la Lorraine annexée au sein du Reich allemand. En effet, et bien que réprimée plus sévèrement que dans le reste de la France, la résistance y demeuretrès active et nombre de ses membres viennent allonger la liste des victimes civiles des nazis. Une autre catégorie de victimes, plus particulière à ia région, f€- tiendra notre attention dans 1e paragraphe suivant, il s'agit des Malgré- Nous qui vont être incorporés de force dans I'armée allemande.

II Les "Conscritss1ry91-q1J::

Pour hâter I'intégration de la Moselle au nouveau monde germani- gu€, BUERCKEL est amenéà prendre une série de mesures exposéesdans la fameuse "proclamation de Metz"r grand discours prononcé par Ie Gau- Ieiter à Metz le Samedi 29 Août L9/r2, et qui changent le destin des Lorrains

6D M. NEIGERT(thèse op. cit. p. I32 et suivantes) donne de nombreux détails sur Ies déportés et les camps. 47.

demeurés sur place. Deux points importants réunis en une seule idée, s'en détachent : donner aux Lorrains la nationalité allemande à part entiè- re pour les faire participer activement à I'effort de guerre allemand, c'est- à-dire, introduire en Moselle annexée Ie service militaire obligatoire.

1. L'introduction du service militaire gbligntg-lqg

a. Les Lorrains obtiennent la "civitas" (63)

Après avoir arrêté les départs volontaires pour la France, en Mars 1941, BUERCKEL publie I'ordonnancedu 23 Avril I9/*7, qui pré- voit que tous les Lorrains des deux sexes âgés de 17 à 25 ans ' seront incorporés dans le Service du Travail National du Reich 6D. Dès No- vembre IgL1,,Ies jeunes gens de Ia classe 1922 et les jeunes filles de Ia classe 1923 prennent Ie chemindu Reich (55)' Les autres classes sui- vront au fil des mois. BUERCKEL prépare ainsi I'incorporation des jeunes Lorrains dans la wehrmacht' Le 25 Aoû't7942, un décret du Minis- tre de I'Intérieur du Reich accorde la "civitas" aux Lorrains et aux Alsa- ciens. Dans son discours de Metz, BUERCKEL le fait savoir aux Lor- rains. La Communautédu Peuple Allemand - la D.V.G. - est dissoute, Ie statut spécial supprimé. Tous les Lorrains considérés comme Volks- deutsche deviennent Reichsdeutsche. Leur nationaiité est soumise à une hiérarchisation scrupuleuse mais non statique. C'est 1à que réside I'es- prit machiavélique des ordonnances concernant ce probième. En effet' par son action et sa conduite future en faveur du Germani$nte, le Mosel- lan peut passer d'une catégorie à une autre ; chaque catégorie ayant ses privilèges propres.

(63) J. LORRAINE (op. cit. P. 218).

6D La législation d'empire sur le Service National du Travail n'est applica- ble que dans I'esprlt en Lorraine. Une grande liberté est laissée au Gau- leiter.

(65) M. NEIGERT (oP. cit. P. 81). 48.

Le "dessus du panier" est formé de citoyens du Reich (Deutsche Reichsbrirger) titulaires d'u! droit de citoyenneté intégrale. Dans un premier temps, ce droit ne peut être acquis que par arrêté spécial du Chef der Zivilverwaltung et cela à Ia condition de prouver que ie réqué- rant "s'est comporté en bon Allemand". Il est ensuite conféré à tous les Alsaciens-Lorrains incorporés dans les forces armées allemandes, et de plein droit aux Alsaciens-Lorrains inscrits au N.S .D.A.P. Les citoyens à titre révocable forment la deuxième catégorie. Ils jouissent sur leur demandeet par décret, d'une citoyenneté complète pour dix ans mais révocable. Passé ce délai, elle leur est reconnue sans réserve. Outre ces deux classes on crée , Le 25 Février 1943 en Lorraine, les "Hôtes Membres de Ia Communautédu Peuple Allemand", ressortis- sants allemands ayant un droit acquis de citoyenneté mais appartenant ethniquementà un autre peuPle. Une dernière catégorie, les "sans-droits", doit, pour obtenir une promotion, faire la preuve de ses mérites. EIIe compte bon nombre de Lorrains (66).

Le Parti Nazi : Ie N.S.D.A.P., s'ouvre aux Mosellans. Lors d'une grande fête présidéepar BUERCKEL, la section N.S.D.A.P. de Metz est crée le 30 Août 1942 (67). Nous le voyons, dans I'esprit du Gauleiter, toutes ces mesures tendentvers un but unique: I'introduc- tion du service militaire obligatoire en Lorraine.

b. Le service militaire aliemand, obligatoire en Lorraine

L'ordonnance prise Ie 19 Août 1942 6Ù est portée à la connais- sance des Mosellans par la proclamation de Metz : "Dans Ia lutte contre le bolchevisme, le soidat allemand lutte et meurt pour sauver les hommes

(66) Nous avonsdressé une liste d'après Ies renseignementsfournis Par EugéneSCHAEFFER (op. cit.) et J. LORRAINE (op. cit. PP.208- 209 eT 2I8-2I9). (op. 8D. (67) J. LORRAINE(op. cit. p. 209) cf . aussi M. NEIGERT cit . p. (68) EIIe est complétéepar celle des 25 et 29 Août I9tZ. /,4

du continent. Le momentest donc venu pour la jeunesse lorraine de se Iever aux côtés du soldat allemand. Voilà pourquoi il fallait instituer Ie service militaire obligatoire dont je vous annonce I'établissement". BUERCKEL favorable,dès sa prise de pouvoir, à I'introduction du service militaire obligatoire en Lorraine, se heurte à I'opposition de I'Etat Major de la Vrlehrmacht.Mais les pertes subies en u.R.s.s. après la chute de Stalingrad et la reddition de Ia VIème armée de VON PAULUS, actualisent le problème. HITLER, après une réunion avec Ies Gauleiter Ie 8 Août L942, ordonne f incorporation (69). Le service (70)' militaire touchera 14 classes de 1914 à7927 soit 30.000 Mosellans En Octobre L942les jeunes des classes 1922, 23 et24 doivent se sou- mettre aux formalités du Conseil de Révision. En Janvier 1943' les clas- ses 1920 et 21 reçoivent leur ordre d'incorporation ; en Juillet, six nou- velles classes de I9I4 à 1919 sont à leur tour incorporées dans Ia idehr- macht.

L'annonce de ces mesures provoque un toilé général en Lorraine. Les jeunes ne pensent plus qu'à se soustraire aux différents services. Les évasions pour échapper à l'obligation du Service du Travail sont si nombreusesque BUERCKEL, le 31 iuitlet 194L, engagela responsabilité des parents et les menaces de déportation : "sur la frontière doivent habiter des gens dignes de confiance. C'est pourquoi toutes les familles des jeunes gens soumis au Service du

(69) L'incorporation des Lorrains dans Ia Wehrmachtdevait faciliter Ia germa- nisation. BUERCKEL semble déçu sur ce point car les Lorrains ne se pré- cipitent pas dans ia WaffenS.S., malgré I'acharnementdes Allemands' Mosellane 1918-1946" lusterneni observé par Joseph RCHR "La Lorraine itlotes et Document; - Sarreguemines 1973 - (p. 61).

(70) LE REPUBLICAIN LORRAIN du 13 Septembre 1957, qui rappelle que 1-! classes ont été mobilisées en Alsace, les effectifs mosellans mobilisables ayant été fortement réduits du fait du grand nombre d'expulsés. M. NEi- GERT, Ie Dr. BURGER et M. GUlLLAUME, Secrétaire Général, Chef du Service du Département des Anciens Combattantsde Ia Moselle, estiment que 15.OOOà t'O.OOO-Mosellansont effectivement été incorporés, tenant Ëomptedu iait que la moitié de la population mobilisabie srest révoltée contre."tte r"rure, commele signale une statistique de la Fédération des lnsoumis. 50.

Travail seront déportées dans le Reich si les jeunes gens ne se présen- tent pas à I'appel (...) Je suis convaincuque dans tous les cas, ils avaient approuvé I'acte de leur fils. Malgré cela, je veux offrir encore la possibilité de réparer. Si ces jeunes gens rentrent avant le 15 Août ' on renoncera à déporter leurs parents. 5inon, les parents en question partiront pour le Reich Ie 16 Août" (71). La menace est mise à exécution car les jeunes Lorrains ne sont Pas rentrés. ElIe pèse également sur les autres membres des familles d'in- soumis aux obligations militaires (72). Des mesures de surveillance exceptionnelles sont prises tout au long de la frontière et beaucoupde jeunes Lorrains paient de leur vie le refus de servir dans I'armée alle- mande(71).

En 1920, les Mosellans incorporés de force dans 1'armée alleman- de, Iors de la Première Guerre Mondiale, avaient pris Ie nom de "MALGRE-NOUS" pour dénoncer tout I'arbitraire de leur incorpcration et montrer leur attachementà la France. Après 1945' les victimes de l'ordonnance du 19 hoût 7942 reprennent I'expression à leur compte pour les mêmesraisons.

jeunes \/ L) M. NEIGERT (op. cit. p.86). ll souiigned'autre Part que les Mosellans ont adopté trois autres solutions Pour ne pas servir Ie Reich : la première consiite à présenter une bonne.excuse : certificat médical' ceitificat de I'employeur, certificat du Maire ; la deuxième est de se cacher sur place ce qui donne naissance à des maquis dont les meilleurs exemples sont ceux de Longeviile-Iès-Saint-Avold et Vittersbourg ; Ia troisième solution réside dans Ie fait d'une désertion à la première occa- sion après incorporation. Nous en verrons les implications ultérieure- ment. Q2) D'après I'ordonnancedu 1er Octobre t9/*3, qui réprime I'insoumission au service militaire, les membres de la lamille seront punis. L'article 52, alinéa 2 précise que "sont à considérer comme membres de Ia famil- Ie, au sens de la présente loi, les ascendantset les descendantsdirects et par alliance, lés parents et les enfants adoptifs, les parents nourri- ciers et les enfants (ui leur sont confiés, les frères et soeurs et leurs conjoints, ainsi que Ies fiancés et fiancées". -1

2. lagr1erye_e!la eaptryi!_é

Conscients des risques qu'une insoumission fait peser sur leur famille, nombre de Mosellans acceptent de se laisser incorporer. Mais ils ne veulent pas servir dans I'armée d'un pays ennemi, se battre Pour une idéologie qui n'est pas la leur. Le désespoir de vivre une tragédie les pousse souvent à déserter. Mais quand trouver I'occasion favorable ? Se rendre aux Russes ? La peur en dissuade la majorité. Ceux qui franchissent le pas paient souvent un échec de leur vie : repris par les Allemands, ils sont fusillés. Quand à ceux qui ont réussi à passer les lignes soviétiques, de terribles épreu- ves les attendent. Du fait des exhortations des hauts-parleurs soviétiques lors des combatsde positions, les déserteurs mosellansPensent que de I'autre côté ieur problème est connu : "Alsaciens, Lorrains ' venez chez nous ! Désertez cette armée hitiérienne qui vous a pris de force et que vous hai's- sez I Désertez ! Venez chez vos amis soviétiques. Vous pourrez combat- tre les nazis ! Vous aurez le droit de vous engager dans I'armée de DE GAULLE ! N'hésitez pas !" (73) De graves désillusions attendent les Lorrains au contact des Rus- ses. Après les avoir débarrassés de tout objet personnel, ceux-ci essaient de leur extorquer des renseignements sur les positions allemandes. Les Mosellans collaborent loyalement, réussissent à prouver leur nationalité française, mais se heurtent à I'incompréhensiontotale des Soviétiques. Traités en prisonniers de guerre allemands, ils doivent, avec les débris de la hlehrmacht, rejoindre à pied à travers toute Ia Russie, leur camp de prisonniers. Certains voyagent dans des wagons à bestiaux surpeuplés où Ia dyssentrie fait des ravages (7D.

Q3) H. ALLAINMAT "La Nuit des Parias" Presses de Ia Cité - Paris 1974 - (p. 135).

Paui FiSCHER "Tambow- Camp188 - Le tempsde Ia persuation" lmprimerie GUEBLEZ- Metz 1952- Ce campdevient rapidement,après la guerre, Ie symboledes Malgré-Nousprisonniers des Soviétiques. Pour beaucoupde Mosellans, déserteurs ou tombés volontairement aux mains des Soviétiques, le terme de ce calvaire s'appelle TAMBOhJ I88QD, dans la forêt de Rada, à environ 350 km au Sud-Est de Moscou. Long de 800 mètres, large de 400, Ie camp, entouré de barbeiés, se compose d'une centaine de baraques. Une seule entrée en Permet 1'accès (75). Le premier Alsacien-Lorrain y entre Ie 26 Août 1943. Le 6 Juillel1944, i.500 Alsaciens-Lorrains, 1es seuls à en sortir au cours de la guerre rega- gnent la France-Libre à Alger (76). Sur les registres du camp, figurent les noms de 8.000 prisonniers, la plupart de nationalité française, mais onze autres nationalités y sont re- présentéesQD z des Hongrois, des Allemands, des Roumains, des Polonais, des Autrichiens, des Tchèques, des Luxembourgeois,des Belges, des Ita- liens, deux Américains et un Danois. La vie dans ce camP s'organise rapidement. Les Français majori- taires, évitent le contact avec les autres prisonniers, sauf lors de manifes- tations sportives qui, avec la baraque-bibliothèque et le cinéma en plein air, sont les seuls "agréments" de Tambow. La nourriture est le souci principai des prisonniers. EIIe est nettement insuffisante et se comPosede soupe : 60 c|. matin, midi et soir enrichie de trois cuillerées de "cacha" : aliment à base de petits pois, millet et mai's(78) . "La vraie, la seule nourriture des prisonniers de Tambow, c'était le pain". Le nombre des calories journaliè- res ne dépassepas 1.340 par individu (79). La soif n'est pas apaisée non

Qù Gustave DEGEN "Malgré-Nous, de la Wehrmachtà Tambow" Editions Alsacia - Paris 1951 -.

QO H. ALLAINMAT (op. cit. pp. 199et suivantes)donne un aperçu sur les tractationsentre Soviétiqueset Français, qui aboutirentà la libération de ce contingent.

Q7) c. DEGEN (op.cit. p. 135).

Q8) G. DEGEN (op.cit. p. I4I).

\/9) H. ALLAINMAT (op. cit. p. 191) comparele chiffre des calories jour- nalièresde Tambowà celui des campsde concentrationallemands: Auschwitz1942 : 1.500 i 1943 : 2.500, 1944 : 2.000 ; Buchenwald 1944: 1.250, 7945: 1.050 ; Dachau1944 z L'077, 1945: 530 i TambowI.3L0. 53.

plus, Tambow manqued'eau : "la faim avait la soif pour ailiée contre le prisonnier" (80). L'hygiène déplorable - pour se laver, Ie prisonnier ne dispose que d'un litre d'eau tous les vingt jours - (81) favorise les infec- tions. Les maladies contagieuses prolifèrent. Le travail dans les commandos, à I'extérieur du camp, occupe la pius grande partie du temps du prisonnier-bagnard qui doit respecter les normes soviétiques dans I'extraction de la tourbe et dans le travail de Ia forêt ou du kolkhose (82). Les infractions au règiement en vigueur sont pu- nies de corvées éprouvantes voire mêmemeurtrières (83). La faim, la soif, le manque d'hygiène, les travaux dans les comman- dos et les corvées sont responsables d'une mortalité effrayante. La Croix- Rouge aliemande(84) dénombre d'Août à Septembre 1943, 30 décès par jour. Pour l'été 1944,le chiffre de 45 décès par jour est cité. Durant I'hiver 1944-45, 4.000 Français meurent ainsi que 1.000 autres avant l'évacuation du camp. Parmi ces morts, on compte beaucoupde soldats de 1940 déIivrés par les Russes des camps ailemands. "Tambow n'était pas un camp de ras- semblementdes Français mais d'extermination des Français" (85).

Les prisonniers non-allemands sont évacués du camp Ie 8 Octobre i945 (86). Le voyage, long et meurtrier, durera pour beauccup jusqu'au 22 Novembre 7945.

(80) c. DEGEN (op. cit. p. 149).

(81) c. DEGEN (op. cit. p. 153).

(32) c. DEGEN (op. cit. p. 168).

(83) G. DEGEN (op. cit. p. 163) Cf. aussi A. ZAHNER "Survivreà Tambow" Salvator Editions, et H. ALLAINMAT (op. cit. p. 186) qui estimentque 60 % des décès sont dus à la "corvée de chiottes".

(8D H. ALLAINMAT(op. cit. p. 180) "Au 1er Septembre1944, 17.000pri- sonniersétaient enterrés dans Ia forêt de Rada, dansdes charniers ren- fermantde 300 à 500 cadavres'I.Ce chiffre nousparaît excessif.

(85) G. DEGEN (op. cit. p. 156).

(86) H. ALLAINMAT(op. cit. p. 193). Les Malgré-Nous, prisonniers de I'Armée Rouge, connaissent d'autres camps, antichambresde la mort : STALINO' KURSK' SMOLENSK' MANSCHANSK, TSCHERNIKOW, MINSK, RUDENSK' les minesde charbon de KÂRAGANDA capitale du Kazakhstan (87), mais aucun ne sym- bolisera mieux I'horreur de cette période que celui dont le nom résonne commeun glas aux oreilles des Malgré-Nous : TAMBOW 188. Comment rester indifférent à ce spectacle décrit Par une infirmiè- re de Ia Croix-Rouge française dont la mission après L945 consiste à retrou- ver et à rapatrier en France les incorporés de force dans I'armée alleman- de : "Nous les avons cherchés dans Ies camps et les hôpitaux ; tous étaient dans un état lamentable. Plusieurs sont morts dans nos bras. Certains étaient ou sont devenus fous. Je ne reconnaissais même plus mes camara- des, la plupart étaient chauves, édentés, tous sous-alimentés, souffrant de dyssentrie aigûe, d'inflammation des ganglions du cou et de I'aine. Sou- vent ces ganglions étaient à découvert et suintaient. Beaucoup étaient cou- verts d'énormes abcès, surtout aux hancheset dans le dos ; des pieds gelés, souvent les plaies grouillaient de vers. D'autres souffraient de gale infec- tieuse. ll fallait gratter les croûtes sur tout le corps pour empêcher f in- fection complète de I'organisme. Bon nombre étaient tuberculeux et dans un état tellement déficient que je doute qu'ils aient pû retrouver la santé et le moral nécessaires à tout individu pour mener une vie normale" (87).

L'incorporation de force, Ia captivité des Malgré-Nous, les trai- tements auxquels iIs ont été soumis par les autorités soviétiques, lais- seront des marques profondes dans I'esprit de milliers de Mosellans, tous concernés par ce problème né de la plus inhumaine des mesures prises par les nazis en Alsace et en Lorraine.

La politique d'assimilation des Allemands, bien que d'une sévérité extrême et parfois pousséejusqu'à I'exaction, n'appcrte pas les résultats escomptés,malgré les modificationsadministratives, l'éviction systématique des opposants, Ia répression impitoyable d'un important mouvementde résis- tance et I'incorporation de force des jeunes Mosellans. Qu'en est-il alors des résultats de leur emprise sur l'économie de la région ?

(87) H. ALLAINMAT(op. cit. p.20D, Chapitre Troisième

Les conséquences économiques de la mainmise allemande

Politiquement anéanti et totalement restructuré, le département de la MoseIIe, intégré au Gau Westmark, subit une profonde transformation économique. Le bilan de la guerre est, à ce sens, catastrophique. Tous les secteurs économiques sont atteints par la volonté d'intégration de I'occupant allemand. Les destructions et les spoliations enregistrées après guerre, font de la Moseile, le départementle plus sinistré de France.

PendantI'occupation, Ie but recherché par I'Allemagne, en matiè- re économique,est double. Celle-ci veut se concilier, autant que possibie, I'opinion publique en octroyant aux habitants des avantages matériels et, en particulier, en maintenant la consommationà un niveau relativernent éIevé D'autre part, elle s'attache à intégrer Ia totalité de l'économie des régions annexéesdans I'effort de guerre du Reich, pâr une mainmise complète sur les richesses du sous-sol, sur I'industrie, I'agriculture, la main d'oeuvre, le commerce et I'artisanat. Les Allemands vont se doter de tout un arsenal de mesures destinées à réaliser leur politique économique.

I . Les me sure s al_1_e_g1q{91_alftt_é_Cg1lgL-é-c9l9gi-qle

L'opération est menéeen deux temps : une phase négative de main- mise sur le secteur économiqueayant appartenu aux Français et aux ennemis, et une phase positive de création et de développementdes établissements.

néeative : la déclaration des biens ennemis (1) L. La-J---X ohase

En vertu de I'ordonnancedu 14 Juiliet 1940' sontdéclarés biens ennemis(2) :

(1) NotesDocumentaireset Etudes no /+0,Ju 26 Mars 1945. Occupationallemande en Alsace-Lorraine : tentatives de germanisation L9L0-I9L4. Notes et Etudes Documentairesno 1039 du 20 Décembre 191'8: Les départe- ments de I'Est sous I'occupation allemande. (2) Notes Documentairesno 40 Annexe I I I . fo.

- ies biens de tous les partis politiques et de leurs organisations de secours. - les biens des Loges et de toutes les organisations semblables. - les biens des Juifs. - les biens des Français qui ont gagné leur fortune en Moselle après Ie lL Novembre 1918. - Ies biens de tous les ressortissants des autres Etats ennemis.

L'ordonnance du 16 Décembre 194L (3), concernant les biens enne- mis en Alsace et complétant I'ordonnance du 14 Juillet 1940, qui codifie et harmonise toute une série de textes antérieurs, est appliquée en Lor- raine. L'article 1 définit les Etats ennemiset dresse une liste en sent points où figurent ceux qui sont' ou ont été en guerre avec le Reich. L'article 2 définit tout ce que les Aliemands considèrent comme ennemi : - Les Etats ennemis, Ieur entité territoriale et autres personnes morales de droit public. - Les personnes physiques ressortissant d'un Etat ennemi ou ayant sur le territoire d'un de ces Etats, leur domicile ou leur résidence per- manente. - Les personnes morales de droit privé, ainsi que Ies associations de personnes, les institutions, fondations et autres patrimoines d'affec- tation, lorsque leur siège ou leur établissementprincipal se trouve sur le territoire d'un Etat ennemi. - Les personnes autres que celles désignéespar les deuxièmeet troisième points, pour ce qui est des étabiissementsqu'elles possèdent sur le territoire d'un Etat ennemi.

L'article 3 stipule que les Aisaciens et les Lorrains, sont pas con- sidérés commeennemis, dans les cas suivants :

(3) Notes Documentairesno 40 Annexe lll - S'ils étaient de nationaiité ailemande antérieurement au 11 Novembre 1918, et s'ils ont acquis, ainsi que leurs descendants, Ia nationalité française en vertu du Traité de Versailles. - S'ils sont mariés à un conjoint Allemand de i'Empire, Alsacien ou Lorrain et que les époux vivent sur le territoire de I'Empire' en Alsa- ce ou en Lorraine. - Si, appartenant au peuple allemand ou étant Allemand de I'Em- pire, ils ont acquis la nationalité française postérieurement au lL No- vembre 1918et s'ils ont leur domicile ou leur résidence Permanente en Alsace ou en Lorraine. Les personnes visées par les dispositions ci-dessus sont tautefcis consi- dérées commeennemies par le biais de 1'Article 4 : - si le séjour en Alsace ou en Lorraine leur a été interdit - si elles ont émigré en Irance postérieurementau 19 Juin 1940. - si I'autorité compétente leur a interdit le retcur. L'article ! compièteI'ordonnance du 14 juillet 1940en définissant la notion de biens appartenant en droit ou en fait à des ennemis. 11s'agit : - des biens fonciers, droitsréels ainsi que des biens mobiliers se trouvant en AIsace-Lorraine. - des titres, parts et certificats de jouissance de toute nature se trouvant en Alsace-Lorraine, des titres obligatcires souscrits par des débiteurs ayant ieur siège ou leur établissementprincipal en Alsace- Lorraine, mêmelorsque les documentsIes concernant ne s'y trouvent pas. - des moyens de paiement se trouvant en Alsace-Lcrraine. - des participations à des entreprises ayant, en Alsace-Lcrraine, leur siège ou leur établissement principal, que ces participatic'ns fas- sent ou non I'objet de titres et que les documentsles ccncernant se trouvent ou non en Alsace-Lorraine - des créances sur les débiteurs ayant leur dcmicile ou leur rési- dence permanenteen A-lsace-Lorraine, et des créances nées de I'exploi- tation d'un établissementalsacien ou lorrain du déb'iteur. - des droits inscrits dans un livre ou registre alsacien ou lcrrain. - des autorisations d'exercer une profession commerciale, indus- trieile ou artisanale délivrées en Alsace-Lcrraine. 58.

- des droits de propriété industrielle et des droits d'auteur, tels qu'ils existaient en Alsace-Lorraine ie 3 septembre1939' ou s'iIs ont pris effet postérieurement à cette date. - de tous Ies autres biens servant à I'exploitation d'un établisse- ment ou à I'exercice d'une profession en Alsace-Lorraine, et qui ne tombentpas sous I'application des dispositions ci-dessus. Ces biens appartiennent au Reich et sont administrés par un Délégué Général aux Biens Ennemis du Peuple et de I'Empire "Ueberleitungsstelle ftir das volks und reichsfeindliche Vermôgen" pour Ies biens qui ne sont pas la propriété d'Etats ennemisou d'entités de droit public ennemies, et par des Commissaires Gérants (Kommissarischer Verwalter) pour les entreprises et Ies exploitations.

Les articles 10 et 21 de I'ordcnnance du L6 Décembre t9L1,, dcn- nent des précisions supplémentairesquant à ces deux institutions alle- mandes. Le DéIéguéGér,éral peut disposer des biens saisis et procèder à toute opération juridique les concernant. ll est 1e supérieur hiérar- chique du Commissaire Gérant, révocable à tout momentpar Ie Chef de I'Administration Civile dans les cas prévus à I'article 12 alinéa 1, et par le DéIéguéGénéral lui-même dans tous Ies autres cas. Les attribu- tions du Kommissarischer Verwalter sont définies dans I'article 13 : il est habilité à effectuer "tous les actes et cpérations juridiques' judi- ciaires et extra-judiciaires, Qu€ comporte I'exploitation de i'entrepri- se", mais, iI ne peut ni modifier I'objet ou la nature juridique de I'entre- prise, ni aliéner ou liquider tout ou partie de I'exploitation sans I'auto- risation de ses supérieurs. C'est un salarié dont les frais et indemni- tés sont supportés par I'entreprise qu'iI administre. i'I est responsa- ble de cette entreprise et, en cas de faute, peut encourir de graves sanctions (Article 18 : sanctions pénales).

La DéIégationGénérale s'appuie en Lorraine sur les services administratifsdu séquestreailemand qui comprendIes divisions sui- vantes(4):

(4) NotesDocumentaires et Etudes N" 1039 20 Décembre1948' - Le groupe i. dont Ie siège est à Sarrebruck, s'occupe des séquestres concernant les biens ayant apPartenuà I'Etat français.

- Le groupe II. "S.5. Bodenamt" dont le siège est à Metz, et }e groupe I Ia. de Sarrebruck gèrent les biens agricoles, fores- tiers et les étangs.

- Le groupe tII. "gewerbliches vermôgen" (biens commerciaux), sis à Metz, est chargé du séquestre des entreprises industrielles, commerciales et artisanales, et comPrendIes sous-sections suivan- tes : . Bi. industries . BI I . commerces de gros, restaurants, hôtels et transPcrts . BIII. commercesde détail . BlV. artisans.

- Le groupe IV. "Privates vermôgen" (biens des particuliers), est subdivisé à Metz en : . BI. immeublesbâtis . BIi. créanceshYPothécaires . B i I I . objets de valeur, d'art, bijoux et argenterie . BIV. argent saisi . BV. valeurs mobilières . BVI . livrets de Caisse d'EPargne . BVII. créancesciviles et commerciales . BVl l I . dettes des "ennemis" . BIX. parts successorales.

La "Ueberleitungsstelle" déiègue ses pouvoirs d'administration du séquestre des biens mobiliers à I'Oberbûrgermeister de Metz' pour ceux qui sont situés sur Ie territoire de la circonscription de Ia Gross- Stadt Metz ; et aux Landrâte territorialement compétents pour ceux qui se trouvent dans le reste du département. Ces autorités scnt également chargées de la liquidaticn d'entreprises commerciales et artisanales de faible importance (5). Quant aux immeublesbâtis ne faisant Pas partie

- (5) Les autres connaissentle régime de I'adrninistrateur gérant. 60.

d'une entreprise commerciale ou industrielle (6), Ieur gestion, d'abord assurée par les "Landrâte" ou le "Bûrgermeister" de Metz, estaffermée par Ia "Ueberleitungsstelle" à diverses sociétés à responsabilités li- mitées allemandes, selon les modalités suivantes : - A partir du 12 Décembre 19/r2,Ies immeublessitués sur le ter- ritoire des arrondissements de Metz-Campagne,Château-Salins et Sar- rebourg, sont gérés par la "HeimstâtteWestmark C.m.b.H. " ' - A partir du 1er Avril 1943, ceux situés sur Ie territoire de Ia Grossstadt Metz, le sont par Ia "Metzer Grundstiickgesellschaft", et ceux du territoire des arrondissements de Saint-Avold, Sarreguemines et Thionville, par la "Neue Heimat". - et à coripter du ler Avril 1944, ceux situés sur le territoire du "Gross Diedenhofen" sont gérés par la "DiedenhofenerGrundstiick- gesellschaft" .

En ce qui concerne Ies exploitations agricoles, nous verrons que Ies propriétés foncières devenues vacantes à la suite de I'expulsion de leurs exploitants sont confisquées pour permettre la constitution d'une nouvelle paysannerie allemandeen Lorraine, et prises en charge par une société à responsabilité limitée allemande, La "Bauernsiedlung \,{estmark" qui les iait exploiter par des salariés, les "siedler".

En revanche, les propriétés foncières appartenantaux ennemis du Reich, mais qui sont exploitées par des fermiers demeurés en Mosel- le, sont placées sous séquestre d'un organisme, Ie "S . S . Bodenarnt" qui dépenddu "Hôhere s.s. u. Polizeifûhrer westmark", lui-même placé sous I'autorité directe de HIMMLER. C'est au "S.S. Bodenamt" que les fermiers versent leur fermage.

- (6) MOUCHONNAT: DéIégué de I'Office des Biens et Intérêts Frivés Ser- vice de Metz : "Cinq années au service des spoliés de la Moselle" Mars 1950 Plaquette. b1.

Toutes les associations, dotées ou non de la personnalité civi- le, unions ci'associations, congrégations, fondations, QUi, dès }e mois d'Août 7940, ont été placées sous I'autorité d'un fonctionnaire du Parti Nazi, le "stillhaltekommissar ftir das Organisationswesen in Lothrin- gen" (Commissaire Conservateur pour Ies Associations en Lorraine), nommépar BUERCKEL, sont dissoutes en octobre 1940' Leur patrimoi- ne est, par décisiondu Commissaire Conservateur, réalisé au profit de 1'Etat ailemand, ou attribué à des associations allemandes poursui- vant un but similaire. Les Allemands en sont arrivés à adopter cette so- lution de gestion car Ia vente des biens r:'a pas donné le résultat escomP- té. Par ailleurs, I'Administration Civile allemande se réserve le droit de les attribuer, après Ia guerre, à des candidats particulièrement dignes : membresdu Parti, anciens combattants, mutilés, etc. . . Ainsi, des 926 entreprises mosellanesqui ont été mises sous séquestre' 2/r4 sont gérées par des Français , 67I par des Allemands et 11 par des étrangers à ces deux nationalités (comme I'indique Ie tableau en annexe No 5). La mainmise allemandesur l'économie lcrraine passe aussi par la fermeture d'établissementset I'anéantissementPur et simple de cer- taines firmes. Les fermetures sont généralementmotivées par des argu- ments économiques : manquede charbon, d'électricité, de matières Pre- mières. L'exploitation des établissementsqui ne présentent plus aucun intérêt est abandonnée' Au total, près de 3'400 entreprises industriel- Ies, commerciales et artisanales sont liquidées ou en cours de liquida- tion au moment de ia Libération (7).

Le mécanismed'anéantissement de certaines firmes consiste à installer, dans Ies affaires lorraines, Ies industries de guerre alleman- des qui ont été sinistrées lors de bombardementsaériens. Si la produc- tion de Ia firme ainsi visée ne correspond pas à celle des entreprises de guerre allemandes, I'autorité nazie décide I'enlèvementimmédiat des ma- chines et leur renplacement par d'autres, utilisables par Ies fabricants de guerre.

(7) Archivesde I'O.B.l.P. (Archives départemental'es série Q) Situation juridiquedes entrePrisesindustrielles, artisanales et commerciales pla- - cées sous séquestre par I'ennemi - Dossier du 15 Octobre 1951 Voir annexeNo 6). 62.

D'autres mesures négatives sont adoptées par les Allemands : - La fixation arbitraire du Reichsmark à 20 Francs, soit Ie tiers de sa valeur réelle, qui entraîne un appauvrissement des établis- sements industriels et commerciaux, contraints à se placer sous la tu- telle de l'économie allemande. - La déportation de main-d'oeuvre qui sert à alimenter f industrie de guerre allemande. II est évident que Ies Allemands préfèrent dépor- ter les ouvriers de I'usine dont ils souhaitent Ia fermeture. - L'échange des devises et de I'or, qui font entrer des miilions dans Ies caisses de la Reichsbank. - La livraison des titres et des créances françaises et étrangères. - La liquidation des sociétés d'assurances françaises et étrangè- res. - La mainmise sur les banqueset le remaniementdu système ban- caire par I'installation d'un "Commissaire des Banques". Les Allemands contraignent en premier lieu à la disparition, Ies banques dont le siège social se trouve à Paris. Ainsi, la succursale de la Banque de France à Metz liquide ses affaires jusqu'en 194t' Le Crédit Lyonnais doit ven- dre son immeubleà la "Bank der Deutsche Arbeit", la B.N.c.l. à la "Dresdener Bank" Ie Crédit Commercial de France est absorbé par deux banquesallemandes: la "Commerzbank" et la "Deutsche Bank", etc...Jusqu'au22Novembtel'94L,I'2T0maisonsdecommercepassent aux mains des Aliemands (8). L'avoir de 43 Caisses d'Epargne de la MoseIIe, soit 7OOMiilions de Francs' est transféré dans 7 Caisses d'Epargne d'Arrondissement allemandes. - Le contrôle du commerce et de I'artisanat : le secrétaire géné- ral de la Chambre de Commerceet d'lndustrie à Metz est évincé au pro- fit d'un Allemand. Un rapport doit être publié chaque mois par la Cham- bre, destiné à 1'Administration Civile qui le transmet au Ministère du Commerce.

(8) D'après H. CH. HIEGEL op. cit. p. ll oJ.

A Ia tête de chaquearrondissement, un Chef de I'Artisanat est nommé,ainsi qu'un Chef de Métier pour chaquemétier' tous deux étroi- tement dépendantsdu Gau. Tout commerçant,artisan ou ouvrier doit s'inscrire au "DeutscheArbeitsfront" (D .4. F.).

Les Allemandsn'emploient cependant pas que des moyensaux conséquencesnégatives pour imposer la germanisationdes infrastruc- tures économiques. La phasepositive de ces mesures se caractérise surtout par Ia création d'établissementsindustriels et commerciaux' et par des prêts à moyenterme aux industriels et commerçantslorrains favorables au national-socialisme.

(9) 2. Lu_pbs_elorilivg

La création des étabiissementsindustriels et commerciaux sous I'occupation, est le résultat des spoliations et-expulsions de proprié- taires "ennemis". La législation allemande, introduite en ce domaine, précise que "toute acquisition, location, extension ou transfert d'un établissementcommercial, industriel ou artisanal, ainsi que toute par- ticipation à une entreprise de guerre, est soumiseà une autorisation accordée par le Chef de I'Administration Civile, ou par le "Sous-Pré- fet" ou Ie Bourgmestre pour la Ville de Metz. Les demandesconcernant commercede détail, débit de boisson' restaurant ou hôtel, commerce d'intermédiaire, commerce ambulant ou établissementartisanal sont adressées au "Sous-Préfet" ou au Bourg- mestre. Le Chef de I'Administration Civile peut se réserver la décision, compétence dans certains cas Particuliers, qui sont régulièrement de la du "Sous-Préfet" ou du Bourgmestre. Il s'occupe aussi des demandes concernant les établissementsindustriels, Ies commercesde gros, les entreprises de transPort, maisons d'expédition, coopératives d'usines,

(9) paragraphes'insPire surtoutd'une lettre du PrésidentDE WENDEL Ce - au Préfet de Ia Moselle. Compte-rendudes Travaux8 Janvier 1945 Chambrede Commerceet d'Industriede la MoseIIe. 61.

sociétés coopératives, grands magasins' maisons à succursales multi- ples, établissementsde crédit, entreprises d'assurance, théâtres, cinémas, journaux, Iibrairies, marchands de musique, cabinets de lecture, agencesde concert ' etc. . .

L'intéressé présente sa demande écrite à I'autorité administrati- ve qui la transmet, pour avis, à Ia Charnbred'Economie du District (Gauwirtschaft skammer), établissement d'utilité pubiique comportant deux sections bien distinctes : la Chambre de Commerce et d'Industrie (Handels und Industriekammer) et Ia Chambre des Métiers (Handwerks- kammer). Les demandes sont examinées en petit comité par les fonction- naires allemands de la Chambre. L'avis rendu par écrit doit être dûment motivé. La demandeest d'autre part soumise Par l'autorité administra- tive à I'autorité politique nazie. Une décision différente de cette derniè- re peut, pour une raison tenue secrète, modifier I'avis de la Chambre. Le Chef de I'Administration Civiie statue en dernier recours. L'autori- sation n'est en générat accordée que si le projet présente un caractère d'utilité publique. Il est tenu compte du nombre d'établissements simi- laires déjà existants dans la localité ou Ie quartier de la ville concernée. il ne doit existerr pâr exemple, Qu'undé.bit de boissons ou restaurant pour 400 habitants, une épicerie pour 500 habitants, un débit de tabac pour 3.000 habitants, un magasin de chaussures pour 4.000 habitants' etc. . . on exige, en outre, bon nombre de qualités de la part du tenan- cier d'une exploitation, mais il semble que ces conditions draconniennes ne soient pas appliquées à la lettre en Moselle, oir iI faut combler les Iacunes créées par le départ de nombreux commerçants. Une ordonnan- ce qui con- ce du 6 luillet 1942, apporte néanmoins des restrictions en cerne Ia qualité des personnes qui Peuvent créer ou étendre un de ces établissements, stipulant que Ies autorisations ne peuvent être accor- dées qu'aux blessés et rnutilés de guerre' aux veuves de guerre' aux (Ailemands anciens combattants ayant des fils au front, aux "Siedler" transpiantés), et aux membresactif s et méritants du Parti. Quand le demandeur a enfin obtenu 1'autorisation de créer, de transférer ou d'étendre un établissement industriel ou comrnercial, iI doit procèder à sa déclaration auprès du tribunal, section du Registre du Commerce ou Registre des Métiers. Une nouvelle consultation et un nouvel avis de Ia Gauwirtschaftskammer sont nécessaires à cet effet, car Ia législation allemande distingue entre le "Vollkaufmann" (commer- de çant majeur) qui est supposé réaliser un chiffre d'affaires annuel 80.000 à 100.OOOR.M., posséder un local de vente correspondant et employer un certain nombre de personnes' et Ie commerçant mineur, Ie "Minderkaufmann", petit boutiquier. Seul le "Vollkaufmann" a le droit d'être inscrit au Registre du Commerce' d'employer et de former des apprentis, de créer une société en nom collectif ou en commandite simple.

Les inscriptions au Registre du Commerce sont publiées pour la Westmark,etdepuissacréationenAvriI|943,dans''l@j'', builetin officiel de I'Administration Civile. La publication a un effet constitutif , alors qu'en droit commercial [rançais ' son caractère est déclaratif .

4.000 établissementsbénéficienr d'une autorisation de création, de transfert ou d'extension. En ce qui concerne les prêts à moyen terme aux industriels et commerçantslorrains, 1'action est engagéetrès rapidement par Ies Allemands, deux mois après I'occupation. Déjà' courant Octobre, Ies premiers prêts sont injectés dans 1'économielorraine. L'intervention des fonctionnaires dans la répartition de 1'aide financière accordée par le Reich, est réduite au strict minimum ; la commission d'examen ne comprenantqu'un seul Conseiller de Gouvernement,qui en est président. Les membres sont des représentants de Ia Chambrede Commerce, des banqueset des caisses d'épargne' et un déléguéde Ia Société Fiduciai- re d'Empire. Cette commissionest compétentepour toutes les demandes sans limite de plafond. 66.

Cette aide financière est en outre caractérisée par I'importance des crédits accordés pour réparer les dommagescausés par l'évacua- tion et les faits de guerre r pour attirer ies entreprises dans I'orbite allemande, et enfin, pour faciliter I'établissementde commerçantset d'industriels allemands dans les entreprises dont les proPriétaires français ont été spoliés. Le taux d'intérêt en est faible et les frais accessoires réduits. Considérons cette opération d'une manière plus détaillée : le 17 Août Lg4O, le Ministre des Finances du Reich met un crédit de 60 millions de marks à ta disposition de I'Administration Civile : crest I'aide économi- que de I'Empire à la Lorraine (Reichswirtschaftshilfe fiir Lothringen). Le Reich se déclare prêt à donner sa garantie partieile (jusqu'à 85 % de Ia sommeengagée) ou totale, aux avances à faire par des banques ou des caisses d'épargne, quand elles ont pour but de raviver l'écono- mie éprouvée par les mesures d'évacuation et les opérations militaires, ou de faciliter I'adaptation de I'économie lorraine à celle du Reich et d'encourager l'établissement d'entreprises allemandesen Lorraine. Les crédits garantis par le Reich peuvent être accordés comme prêts de démarrage pour une période de deux ans' pour permettre I'achat de matières premières et de marchandises, le règlementdes salaires et traitements, ou bien, commecrédit d'investissementpour reconstruire ou réparer des locaux d'entreprises ayant subi des dommagesde guer- re. Enfin, des crédits d'investissementpeuvent être attribués aux Alle- mands acquéreurs d'entreprises ayant appartenu précédemmentà des "Juils ou à des étrangers".

ces crédits d,investissementdoivent être remboursés dans un délai maximumde 10 ans. Le taux d'intérêt en est de 4,5 % quand la garantie du Reich les couvre à 1OO%, eÏ de 5,5 ?6quand elle ne s'étenà qu'à 85% de I'emprunt. La Commission siégeantà la Chambre de Com- merce instruit 1.O94affaines entre le 9 Octobre 1940 (date de Ia premiè- re réunion) et Ie 30 Avril 1943 (fin de la Commission). Ses avis sont envoyés au Chef de I'Administration Civile à Sarrebruck, à qui appar- tient la décision. Le 31 Décembre 1940, 286 demandestotaiisant 15.158.000R.M. sont liquidées. Le 28 Février 194I, 484 candidats o/.

ont déjà reçu près de 67 millions de R.l,t. Un nouveau crédit est débloquépar Ie Reich, les I.094 dossiers qui s'y raPPortent repré- sententI'avance d'un montantde I25.366.000 R.M. (10). En principe, les avances ne Peuventêtre inférieures à 300 R.M., mais aucunelimite maximalen'est fixée. De plus, les frais d'étude et les frais de service financier sont nuls, car inconnus dans le système allemand. Une exonération des droits de timbre et d'enregistrement de tous les actes concernant ces avances intervient également Ie 30 ianvier 1941. Les droits d'inscription des hypothèques dans Ie livre foncier sont réduits de 75 % àla même date. Les honoraires des notaires doi- vent néanmoins être payés intégralement.

Les Allemands utilisent des moyens expéditifs pour régler la question de la germanisationde la Moselle. Les phases négative et positive de leur plan d.'intégration de l'économie mosellane à celle du Reich, se déroulent parallèlement aux transformations de structure dans les secteurs-clés, ce qui s'avère être un garant d'efficacité opti- male.

II. Les transformationsdans 1essecteurs-ciés de l'économie mosellane

l. !'glicullu1e

La première mesure nazie en ce domaineest I'institution de 1'Or- ganisation Agricole du Parti (Reichsnâhrstand). A Ia tête de chaque Gau se trouve un "Landbauernfûhrer", et chaque arrondiSsement eSt régi, en matière agricole, pâr un "Kreisbauernfûhrer" (11). Dans un

(10) Soit 2 .507.320.000 Francs 1940,au tauxde 20 Francspour un R.M.' soit encore92.770.82*0 Francs 1971.

(11) RenéHABY : Les Houillèresde Lorraine et leur Région - 2 volumes - EditionsSABRI Paris 1965. Cl aussi Notes et Etudes Documentaires No1039(ouvrage cité). 68.

doubie but de propagande et d'augmentation des rendements' les AIIe- mands distribuent largement engrais, machines agricoles et bétail. Pourtant, la mainmise allemande sur I'agriculture mosellane ne passe pas toujours par d'aussi heureuses voies. Ainsi, dans le Pays de Bitche, Ie territoire d'une vingtaine de villages est transformé en zone militaire, et vidé de ses habitants. Dans le Sud-Ouest du dépar- tement, 80.000 colons, Bitchois de langue allemande, Allemands du Palatinat, Polonais Slovéniens et BessaraDiensoccuPent les 6.600 ex- ploitations enlevées à leurs propriétaires.

a. La colonisation allemande :

L'installation des Siedler - colons ruraux - sur les terres des Lorrains expulsés, s'inscritr pouf BUERCKEL, dans la ligne du plan de germanisation en Moselle annexée.

!a1h! ss {e- B-UE LCE E-l- Au début de 1941, BUERCKEL crée un Comité, chargé de la "recolonisation" de la Lorraine (12). Le Directeur du Travail à Lud- wigshafen, MINZEMAY, élabore un projet prévoyant la création de petites exploitations de culture intensive. La main-d'oeuvre allemande qui y sera amenée, travaillera en même tenps dans I'industrie de guer- re de Lorraine. Les hommesauront |e statut d'ouvriers-paysans (13). Les régions agricoles seront réorganisées, de façon à assurer, $râce à une exploitation plus intensive des terres, des moyens d'existence au plus grand nombre possible de familles paysannes. On y créera des en- treprises industrielles qui occuperont de nombreux ouvriers-Paysans. VoiIà la boucle bouclée.

o2) J. LORRAINE op. cit . p. 233.

(13) J. LORRAINE op. cit. p. 23L 69.

BUERCKEL veut obtenir une relation nouvelle entre colonisa- tion industrielle et colonisation agricole, par la création de petites villes d'environ 5.000 habitants, centres de gravité de noyaux compo- sés d'une dizaine de villages d'un miiiier d'habitants chacun. Pour- quoi 1.000 habitants par village ? parce que "dans les petites aggio- mérations de 200 âmes, il n'y a pas de vie sociale cu culturelle possi- ble. Aucune vie coilective ne peut prospérer dans un tel terrain. Les petites communes, Ies hameaux, les fermes isolées, donnent naissance, en général, à quantité d'individus de caractère bizarre". "L'ouvrier- paysan est la synthèse qui permettra d'obtenir une population passion- némentattachée au sol qu'elle habite" ... et on évitera ainsi la prolé- tarisation toujours dangereuse (I2).

En outre, chaque colon ouvrier-paysan reçoit, en fermage, à son arrivée, un lopin de terre de 3 hectares au maximum, à proximité de son domicile. il peut en devenir propriétaire grâce à son travail. La terre est donnée en priorité aux Anciens Combattants des deux guer- res, aux victimes de la guerre et des expropriations (terrains de ma- noeuvre), viennent ensuite Ies Allemands rapatriés de l'étranger. Pour mettre ce systèmeen place avant le "Endsieg", BUERCKEL applique la méthode sui'rante (14) : "Jusqu'à la fin de la guerre actuel- le, le colon déjà installé est tenu de cultiver deux ou trois lots. Il n'en gardera qu'un après la guerre. II cèdera I'autre ou les deux autres aux nouveauxayant-droit, et ne saura qu'à ce moment-là, lequel des lots dont il a actuellement la charge iui incombera, ceci pour I'obliger à donner les mêmes soins à toute la terre qui lui a été confiée". Les colons doivent être agriculteurs ou faire preuve de leur vo- lonté et de leurs capacités de s'adapter à ce travail et être politique- ment sûrs.

(.4) J. LORRAINE op. cit . p. 235. 70.

Le plan prévoit, une densitéde 150 habitantsau km2 (contre 140pour le Reich), soit 935.000habitants pour les 6.229 km2du territoire mosellan. Commela ldoselle comptait 696.246habitants au recensementde 1936, et que I4/+.0OOMosellans ont été expulsés en1940-41,on peutestimer à 500.000au maximum,le nombrede Siedler autorisésà s'installer en Lorraine (15). Ce plan sera-t-il appliqué?

b. L'installation des Siedler 2

Ce plan est annoncé à la population lorraine lors d'un discours de BUERCKEL à Metzen Novembre1940 (16). "(...) La Lorraine doit réaliser cette condition pour être le glacis occidental du Reich (...). Pour cela, iI faut éliminer tout ce qui est français, ne laisser en Lorraine que des éléments germaniqueséprouvés. Les territoires vidés de leur popuiation dangereuse pour le Reich, seront repeuplés par d'anciens lutteurs éprouvés dans la cause du germanisme, tels les paysans allemands du Banat et de la Transsylvanie". Le plan de recolonisation foncière est appliqué au maximum dans le sud-ouest du département : sur Ies 5.000 exploitations enlevées à leurs propriétaires (I7), I'autorité allemande place 80.000 colons dont de nombreux Bitchois de langue allemande (18), des Ailemands du Palatinat, de Poiogne, des Slcvènes et des Bessarabiens.

(15) J . LORRAINE op. cit . p. 236donne le chiffre de 700.000Allemands à y installer.

(16) E. SCHAEFFERop. cit.

R. HABY op. cit.

(18) H.CH. HIEGELrappelle qu'en Décembre I9L0, 18 communesdu cantcn de Volmunsteret dè-gitcne ont été évacuéespour que leurs oans puissent être réunis au champde manoeuvrede Bitche. 7I

Les candidatssont recrutés par voie d'annonces(19). En 1943, des colons du Tyrol du Sud sont transplantésen Lorraine par priorité.

Finalement, Ie plan de colonisation de BUERCKEL n'est que partiellement appliqué. Nous manquons de statistiques pour en chiffrer les résultats, mais on peut estimer à une centaine de milliers, le nom- bre des Siedler venus en Lorraine annexée sous I'occupation.

L'agriculture ruinée par la guerre :

Zone de combats dès 1940, la Moselle a perdu la totalité de son équipementagricole, 2I.O00 chevaux sur 42.00O, 89.000 bcvins sur 179.000, 57.000 porcs sur 181.000 et 14.000ovins sur 40.000 ; 40 % des terres cultivables sont en friches, 20Omillions de kg de pom- mes de terre, autant de betteraves, de paille et de foin sont détruits (20). La campagne de libération donne le coup de grâce à cette agricul- ture moribonde, car, après avoir atteint presque d'emblée Ia Moselle et les abords de Metz et occupé le Sud du départernentdès le début de Septembre 1944,les troupes alliés doivent s'arrêter et même se replier. Ce répit permet aux Allemands de se ressaisir militairement. La guer- re de position qui en résulte, est la cause de destructions éncrmes dans les arrondissements de Château-Salins et de Metz, pendantles deux ou trois mois qu'il faut aux troupes alliées pour repartir vers I'Est. Pen- dant ce temps,les travaux d'automnene peuvent être exécutés, et les Allemands assurent l'évacuation des récoltes, du cheptel, du matériel agricole, du mobilier et mêmed'une partie des cultivateurs. La libéra- tion du territoire mosellan s'achève en Mars 1945. Les agriculteurs,

(19) J. LORRAINE op. cit. p. 236 nousdonne un exemplede ce genre d'an- nonces parues dans le "Strassburger NeuesteNachrichten" du 10 Février l9/.2. "D'accord avec le Fijhrer des S.S. du REICH, commissairedu Reich pour Ia consolidation de Ia race ailemande, Ia possibilité est offerte aux paysans et aux fermiers du Pays de Bade, de prendre la direction d'une ferme en Lorraine. L'immigrant travaillera là-bas, tout d'abord en qualité de fermier, et recevra en échangeIe logement, la nourriture et une indemnité appropriée. Dès que les travaux de planification seront ter- minés, un tranfert de propriété de 1'exploitation sera exercé, sous condi- tion que le fermier soit sans reproche au poini de vue politique, idéologi- que et technique et quril obtienne un certificat de néo-paysan". Qù H.CH. HIEGEL op. cit. p. 12 cite un article du WESTMARKdu 10 Ié- vrier 1941 sur cette question. 1a

dont un grand nombreont été expulsésdès 1940' ne rentrent que très lentement,tout au long de 1945. A Ia fin de I'année, la plupart d'entre eux sont réinstallés, à I'exceptionde près de 50 % de ceux de Ia région de Bitche-VolmunsterQL) qui a été transforméeen champde ntanoeuvre allemandpendant la guerre. Nombred'entre eux retrouvent des exploi- tations sans matériel ni cheptel' et souventdes bâtimentsanéantis et des terres incultes. Des 60.OO0agriculteurs concernés, 35.000sont sinistrés(21). Par ailleurs, 5.600 exploitationsagricoles (22) ont été gérées par des colonsallemands après I'expulsiondes Lorrains. A leur retour' les propriétaires et les fermiers se trouvent démunisde ressources Ieur permettantde procéder à la reprise des cultures '

Le bilan catastrophique de I'agriculture nrosellane se concrétise par la constitution de nombreux dossiers ouvrant droit aux indemnités de "dommages de guerre" et de spoliations. On ne retrouve pas une situation de la même ampleur dans ies secteurs industriels mosellans '

2. Le: mineseJ lindgslrç gid-é1urytgqg

Elles souffrent aussi de la guerre, de I'annexion et des cornbats oour la libération.

Les houillères :

A la suite des évacuationsde 1939, I'arrondissement de Forbach étant entièrement vidé de sa population, I'activité minière est interrom- pueentreSeptembrelg3getJuinlg4O(23).Lespuitssontmêmenoyés

Qt) ConseilGénéral 1945. Rapport du Directeur des Services Agricoles p. r.uo.

Q2) ConseilGénéral IgL5. Rapport de I'Ingénieur en chef du Génie Rural p- 52-

Qg RenéHABY oP. cit aa

au début de I'occupation, et les biens des sociétés minières Sarre et Moselie, Faulquemont, et Folschviller confisqués par I'autorité alLe- mande et rattachés aux mines de la Sarre. Les biens de la société DE WENDEL sont cédés aux "Reichswerke HERMANN GOERING". Les puits remis en état, la production recommence vers I9/+2. La gestion allemande rencontre de nombreuses difficultés de fonctionne- ment à la suite de Ia promulgation de I'ordonnance concernant le Ser- vice National du Travail qui envoie un tiers des effectifs en Allemagne (5.500 mineurs sur 15.000). L'ordonnance rendant le service militaire obligatoire touche, au total, 1.000 mineurs des cantons de Forbach et de Saint-Avold. Enfin, les expuisions et déportations concernent 3 à 4.000 habitants de ces cantons. Les houillères souffrent par ailleurs, fortement des cornbats pour IaLibération. Début Décembre 1944, celles de Faulquemont, Folsch- viller, Saint-Avold et Sarre-et-Moselle se trouvent déjà en territoire tibéré. Les mines de Petite-Rosselle ne le sont qu'après le 11 lvlars 1945QD. Les charbonnagesrestent donc longtempsen zone de ccmbat et les sabotagesdes Allemands avant leur retraite, les bombardements répétés et les pillages laissent cette industrie lorraine dans une situa- tion des plus précaires.

b. La situation des mines de fer

L'occupation ailemande substitue aux nombreusessociétés exploi- tant les 70 concessions de Moselle et de Meurthe-et-Ploselle, un orga- nisme à direction unique, qui englobe en outre les 65 concessions luxem- bourgeoises. Les Allemands dépassentainsi Ie cadre du Gau pour une réorganisation à une échelle plus vaste, donc plus rentable. A la tête de cet organisme, se trouve le "Generalbeauftragter fûr die Eisenerz- gewinnung und Verteilung fûr die Gebiete Luxemburg, r.othringen und Ivleurtheet Moselle". Ce déIéguégénéral est H. nôCHf iNG puis Paul

QD Conseii Général de Ia Moselie 1945- Rapport de I'Ingénieur en Chef du Service des Mines. 74.

RAABE à partir de 1941et jusqu'àla fin de I'occupation. Ses bureaux sontinstallés à Metz. Les mines sont réparties en cinq groupesayant chacunà sa tête un déIégué (Beauftragter), et subdivisésen sous-groupesdirigés par des "sous-déIégués" (Unterbeauftragter)allemands. \roici ie schéma de cette organisationpour la Moselle qui comptetrois groupes (25) : GroupeII MoseIIe Nord siège : Audun-le Tiche Groupellbis Fensch Nord siège: Knutange Groupe III Mines entre Fensch et Orne siège s Havange En Lorraine annexée, tous les propriétaires sont dépossédés et remplacés par des "Kommissarische Verwalter" ; les directions fi- nancières et techniques sont confiées au DéIéguéGénéral, chaque ex- ploitation étant dirigée par un Chef d'Exploitation. Un service central d'approvisionnementest installé à Metz et dessert toutes les usines mo- sellanes : tous les achats importants en matériel, combustibles, pro- duits contingentés, se font par son intermédiaire. Le Délégué Général dirige un Comptôir de Vente à Metz. La répartition du minerai produit en Moselle, Meurthe-et-Moselle et au Luxembourglui incombe, c'est la "Liefergemeinschaftder Eisenerzgruben".

La production met du temps à atteindre un rythme acceptable (26). De nombreusesmines sont noyées, les transports inorganisés. Le man- que de maind'oeuvre se fait cruellement sentir ; ceIIe qui reste' sous- alimentée, est épuisée par les cadences de travaii imposées par Ies Al- Iemands. L'importation d'une main-d'oeuvre étrangère, littéralement i:éduite à I'esclavage, ne parviendra pas à faire remonter la production.

(2û Ce schémaest reproduit intégralement dans Notes Documentaireset Etudes N0 1039 (ouvrage déjà cité).

QO P. GERARD Le protectorat industriel en l,ieurthe-et-Moselle. Revue d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale- No 105 Janvier I9i7 - publie des statistiques de production pour les mines de Meurthe-et- Moselle. La situation se retouve en Moselle. --

c. La situation dans Ia sidérurgie mosellane

A partir de Mai-juin 1940' toutes les usines sont arrêtées' On ne note aucun sabotage de la part des autorités militaires et civiles fran- le potentiel sidérurgi- çaises. Les Allemands ont donc entre les mains que lorrain dans son intégralité (27)' Les propriétaires français sont chassés de leurs usines au début de I'occupation' et Hermann nôCUf tNC en assure Ia gestion jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée ' II porte le titre de Délégué Général pour le Fer et I'Acier en Lorraine annexée et Meurthe-et-Moselle : "Generalbeauftragter fiir Eisen und Stahl in Lothringen und Meurthe-et-Moselle". Les frères DE WENDEL' qui se refuseront toujours à une cession de gré à gré de leurs biens à des firmes allemandes, sont interdits de séjour en Lorraine QÙ. D'ail- leurs, depuis Ie 24 juin 1940, les Allemands ont pris la décision d'expro- prier les DE WENDEL. Les usines seront néanmoinsgérées jusqu'en Ig41, par leur ancien directeur général français : DECKER '

Les Allemands cherchent une solution qui leur permette de gérer d'une façon rentable I'industrie sidérurgique lorraine. Après Ia défai- te de la France, ils se laissent bercer par une douce illusion : étendre I'annexion aux bassins de Briey, de Longwy,etde Nancy. Mais leur Mi- nistre de 1'EconomieWalter FUNK, recommandede "contenir tout désir d'annexion" (2g). Le grand maître de Ia sidérurgie allemande, GOERING' tient à avoir les coudées franches dans les territoires fraÎchement anne- xés. 11 charge Ie Generalmajor Hermann VON HANNEKEN, de lui faire un rapport sur les probièmes d'avenir du bassin Iorrain. A Ia suite de

(2D C. PRECHEUR La Lorraine sidérurgique ThèsesLettres 1957 SABRI Paris 1939.

- Q8) Jean-NoëI JEANNENEY : Françoisde WENDELen RéPublique L'argent et Ie Pouvoir I9I4-I94+0 L'Univers Historique Editions du Sèuil 1976 PP. 599 et 600.

de I'Acier et Ie Bassin Mi- (2g- J. FREyMOND : Les lndustriels Allernands ni"r Lorrain {Gg4O-fg4D Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine Tome XIX 1972. /o

rencontres entre HANNEKEN et les industriels allemands de Ia WIGRU- EISEN (Wirtschaftsgruppe Eisenschaffende lndustrie), un projet prend naissance Ie 19 Juillet 1940, qui aboutit à un rapport définitif le 5 Sep- tembre Ig4O. Il y apparaft quer pour les régions annexées, Ie statut dé- finitif sera réservé jusqu'à la fin du conflit' et que les diverses exploi- tations mosellanes reviendront à ceux qui les possèdaiènt avant 1919. Plusieurs exceptions s'imposent : ainsi, les anciens propriétaires des hauts fourneaux de Rombas (30), la familie SPAETHER de Coblence' ne sont plus considérés, en raison de difficultés financières' commeca- pables de les gérer. L'ancien propriétaire des usines de Hagondange(31), Fritz THYSSEN, émigré hors d'Allemagne, s'étant mis de lui-même au ban du Reich, I'ensemblê de ses possessions est confisqué au profit des Reichswerke Hermann GOERING. La famille DE WENDEL' qui possédait avant 1914 Hayange et Moyeuvre-Grande, en est expropriéeG2).

La lutte pour le contrôIe de toutes les exploitations est ouverte. Les grandes entreprises cherchent à faire valoir leurs droits auprès des autorités et tout particulièrement de GOERING, maftre de la décision finale. Les Reichswerke Hermann GOERING revendiquent les propriétés des DE WENDELet de THYSSEN, Friedrich FLICK est particulièrement intéressé par Rombas, mais d'autres entreprises sont sur les rangs . les Vereinigten Stahlwerke 4.G., les RôchlingscheEisen und Stahlwerke G.rn.b.H. et HOESCH A.G. La décision de GOERING intervient à la fin de Janvier 1941' ll relève Hermann nôCHltNG de ses fonctions de gestion des entreprises

(30) En 1939,les usinesde Rornbasétaient aux mainsde Ia SociétéLorraine des aciéries de Rombas. (31) En 1939,les usinesd'Hagondange étaient la propriété de I'union de Consommateursde produitsmétallurgiques et industriels(U.C.P.M. I .) $2) Elle en avait conservéia propriété jusqu'en1939 ! 77.

lorraines (33), et attribue ces dernières à leurs ancienspropriétaires allemands. Les ReichswerkeHermann GOERING obtiennent les pro- priétés des DE WENDELet de THY55EN, Friedrich FLICK obtient Rombas. Ces nouveauxgestionnaires Pourront acquérir après la guerre, Ies entreprises dont ils auront jusquelà assuré le fonctionnement. Le24Mars 1942,Ies ReichswerkeHermann GOERING se décen- tralisent et créent en Moselleannexée, une société nouvelle : la "HiittenverwaltungWestmark G.m.b.H. der ReichswerkeHermann GOERING" qui a son siègeà Hayange(Hauptverwaltung). En Mai 1942,BUERCKEL centralise sous une mêmedirection tou- tes les entreprisesmétallurgiques sous séquestrerdela Moselle. Jus- qu'à la Libération,le "RegierungsPrâsident" Friedrich WENNER' s'occupede la gestioncommune. Les bilans d'activitéde ces sociétés entre I94I eT1943 révèIent tous un déficit qui va croissant (34)-

Le bilan angoissant de cette période s'étale dans tous les quoti- diens d'après-guerre (35). L'expulsion de plus de 100.000 Mosellans en France et ]a proscription dans le Reich, en Janvier 1943, de 10.000 au- tres habitants de la Moselle annexée, I'incorporation de force dans la Wehrmacht de 15.000 "Malgré-Nous" dont beaucouP sont morts au front ou dans les camps soviétiques pour une cause qui n'était pas la leur, 7 .76I arrestations, 151 exécutions sur place, 7.798 internements et 5.8I2 déportés dont 3.056 ne sont pas rentrés, nous font mesurer I'am- pleur du martyr des Lorrains. Pourtant, plus que les chiffres, les té- moignages émouvants de toutes les mesures nazis qui se sont abattues sur la population, aident à mieux comprendre toute l'étendue du calvaire enduré par Ie département.

(33) L'activité de ROCHLING se trouve alors réduite à la Meurthe-et-Moselle. Dans Ie courant de L942, il devient DéIégué Général du Reich pour 1'en- semble de la zone occupée "Generalbeauftragte fûr Eisen und Stahl in der besitzten Gebieten", poste qu'il occupera jusqu'à ia fin de Ia guerre. (34) On peut trouver tous les renseignementsstatistiques de I'exploitation de ces usines aux Archives Départementalesde Ia MoseIIe série Q. Archives de I'C.B.l.P. - Mines et usines métallurgiques- que nous avons consultées (35) Des chiffres fantaisistessont publiés. Ainsi, le Messindu 18 Iévrier 1946' parle-t-il de 3O0.OOOMosellans expulsés et de 500.000 colorrsvenus com- bler.les vides. 40.000 Mosellans auraient été incorporés dans la Wehr- macht et plus de 20.OO0internés dans les camps de concentration allemands. B. LE RETOURDE LA FRANCE 79.

La situation intérieure de la Moselie, à la Libération, traduit parfaitementI'héritage de I'annexionet de la guerre. La reconstructicn mobilise l'énergie des habitantsdu département. Mais 1'épurationet ia lut- te pour Ia reconnaissancede leur état et de leurs droits de certaines caté- gories de la popuiation : Malgré-Nous, spoliés et sinistrés, qui s'organi- sent pour revendiquerla réparation des préjudices qu'ils ont subis, par les autorités françaises de retour, sont d'autres preuvesde la volonté mosella- ne d'arriver à boutdes séquellesqu'ont laissées les épreuvesendurées.

Chapitre Premier

Le rétablissement de la souveraineté française

ll marque la première étape du retour de la France en Moselle. La Libération dure de Septembre I9/+4 à Mars i945 et de ce fait, vient encore alourdir le bilan démographique et matériel déjà accentué par I'occupation allemande. Les premières mesures françaises sont scrupuleusementanaly- sées par I'opinion publique mosellane attentive à la reconstruction de scn Pays.

I . La lente libération 9g_a_Ésgrt_"jlu_ttr_9_up1gs!15_!2L!_-_\y'_]2!5:

A partir du 28 Août 1944, Ia Moselle se trouve à nouveaudans une zone de combatsparticulièrement violents. II faudra sept mois aux armées françaises et américainespour libérer I'ensembledu territoire mosellan. Tout au long de cette dure épreuve, la populationfait preuve de courage. Malgréla densitéde I'occupationallemande, Ies F. F. I . parvien- nent à apporter un concoursprécieux aux 3èmeet 7èmearmées américaines. 26 F.F.I. mosellanssont tués au combat,fusillés ou massacrés(1).

de la (1) Just SCHARFF "La libération de I'Est de Ia France, Ie Département Moselle" (Brochure éditée en Novembre 1975 - Pp. 33 et suivantes). Il dé- crit. jour pour jour, les ooérationsmenées par les F.F.l. en Moselle du 28 noôt au'25Dêcembre titt. Fin l.lovembre,Ies F.F.I. encore engagés dans les secteurs du Luxembourget de Saint-Avold, sont démobilisés, et les volontaires versés dans les unités françaises en voie de reconstitution- 80.

En Septembre-octobre I9LL,, I'avancée américaine est bloquée plusieurs semaines sur Ia Seilie. EIle reprend fin Octobre et progresse lentement avec un imPortant coefficient de destructions. Entretemps, le Gauleiter BUERCKEL disparaît mystérieusement Ie 28 Septembre (2) "Pour la Lorraine, son bourreau disparaît au moment où sa libération commence" (3). Metz est libérée le 22 Novembre 1944 par les trouPes américai- nes de la troisième armée de PATTON. Le XXème Corps d'Armée se trou- ve sous les ordres du Général WALKER qui remet les clefs de la ville aux mains des autorités françaises (4). Une demi-brigade de chasseurs fran- dans cette opération. çais et les F. F . I . locaux ont appuyéIes Américains La troisième armée poursuit alors sa marche vers I'Est, et, le 27 Novembre, Saint-Avold tombe (!). Début Décembre, les Français et Ies Américains entrent à Merlebach, Carling, Forbach et Sarreguemines. Le 30 Novembre 1944,Ia septièmearmée de PATCH vient à bout de I'ensem- ble fortifié de Bitche. Mais I'offensiveRUNDSTEDT, dans les Ardennes, oblige PATTON à se porter au secours de HODGES. La septième armée élargit son charnp de manoeuvre en remplaçant Ia troisième armée, mais ne peut garder Ies régions délivrées sans risquer d'être encerclée. Forbach, Ia région de la Blies et une grande Partie du Bitcherland sont évacuées'

(2) N. Z.S. Westmarkdu 30 Septernbrel9/+4, annonce sa mort Par "un arrêt aigu de la circulation du sang à Ia suite d'une pneumonie". Cf ' aussi de l.'nNllpspn (op. cit. - p. 17)qui rapprocheIa mort de BUERCKEL êelle de ROMMEL, soupçonnéde trahison envers le Fthrer. Le RépublicainLorrain du 1OJuin 194.6,laisse entendreque BUERCKEL se seiait suicidépour échapperà la Gestapovenue 1'arrêter. HITLER Iui aurait reproché d'avoir donnéI'ordre drévacuerMetz au lieu de défen- dre Ia place jusqu'audernier homme.

(3) Thèsede MarcelNEIGERT (op. cit. - P. 55)'

(4) G. GRANDVAL(op. cit. -p.l7T donnetous ies détaitssur la libération de Metz. cf . aussi Le RépublicainLorrain

On peut aisément concevoir les ressentiments des habitants de ces régions. Une illustration nous en est donnée par les Forbachois (6) mais elle est valable pour tous Ies autres mosellans concernés. "D'abord dans Ia joie, à la vue des Siedler fuyant les régions de Metz, Delme et Château-Salins", Ies habitants de Forbach attendent : "Encore quelques jours et nous serons tibérés par les Américains" (6). Les Allemands de Forbach et la Wehrmacht ont fuit la ville. Dans la région de Sarrebruck, iI n'y a pas de concentration de troupes. "Les Américains, s'ils l'avaient voulu, auraient pu pousser jusqu'au Rhin" (6). Les Américains arrivent ! C'est I'allégresse malgré ies bombes sur la ville, maigré I'obligation de se réfugier dans Ies caves fortifiées et malgré le ravitaillement devenu Ie,problème essentiel à cause du narché noir et des obus qui font des ravages parmi les queues devant Ies magasins. Enfin, début Décembre L94/*, Forbach est libérée. Mais la joie des Forba- chois sera de courte durée. Avec I'offensive VON RUNDSTEDT, Ies Alle- mands reviennent : "A la Noël 1944 , le drapeau allemand flotte sur le Schlossberg" (6). Le 19 Février Ig45,les Américains envahissentIa ville où sont concentrées d'importantes troupes allenrandes. Le 2L Février, ils s'en rendent maîtres mais Forbach reste, pendant un mois encore' sous bombar- dernentailemand. Le 16 Mars 1945, Sarreguemines et Bitche sont libérées. Et le 21 Mars, tout le départementde Ia Moselle redevient français.

Metz iibérée, I'administration française s'installe dans des lo- caux provisoires et entreprend la dégermanisaticn de la MoseIIe. lI s'agit d'une part, de revenir à 1'état antérieur en annihilant toute manifestation de l'époque d'annexion, et d'autre part, de renforcer la présence française. Les deux actions parallèles sont menées rapidement au niveau législatif.

- (6) Louis JACOBI "La Bataille de Forbach Hiver 1944-45" 82

tl !-gr{o-rtst-:919-9:e!s!19-l-%t-"Json développementen Moselle.

A Ia Libération, la situation juridique en Mosellene se présente pas de la mêmefaçon qu'à Ia suite de la première annexion;Ie territoire a été annexéarbitrairement, et iI n'y a aucuntraité à annuler en 1945. La France revient à Ia situationantérieure en annihilantpurement et sim- plementles acteset les mesuresallemandes.

L'ordonnancedu 15_S_ep_tgnb_r1Qa! !)_

Elle concerne le rétablissement de Ia légalité républicaine dans Ies départements annexés. L'article 2 en résume parfaitement I'esprit : "Tous Ies textes édictés en toutes manières par Ia puissance occupante dans ies départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, quelle que soit leur forme et leur dénomination sont et demeurent nuls et non-avenus". L'article 3 affir- ne que la législation en vigueur dans ces trois départements au 16 Juin 1940, est restée seule applicable. L'article 5 prévoit Ies dispositions à prendre en période transitoire, soit avant I'installation des services fran-

çais. Enfin, I'article 6 proroge jusqu'au 1er Janvier I9L7 1'application rrniforme de Ia législation française dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, prévue par la loi du 1er Juin 1924, prorogée par I'article I de Ia loi du 23 Décembre 7934.

La Moselle est redevenue française par une simple ordonnance, de même qu'el1e s'était trouvée ailemande, au lendemain de 1'occupation miiitairer pâr la simple volonté de la puissance occupante. une déclaration de DE GAULLE confirme la réintégration (8) : "Le Gouvernement français rappelle solennellement aux autorités alleman- des que les mesures d'annexionde fait qui ont été prises en Alsace et en Lorraine par Ie Gouvernement du Reich, n'ont aucune valeur. Les popula- tions d'Alsace et de Lorraine nront jamais cessé d'être françaises".

(7) Builetin Officiel de Ia Moselle - 15 Septembre I94L -

(8) Lorrain 11 Janvier 1945. 83.

2. La France "revient" en Moselle

Dès Ie 6 Décernbre19lr4, Ia justice française siège à nouveau à Metz(9). DébutDécembre, tous Ies emblèmesnazis, les inscriptions en allemand,sont enlevéset brûlés. A Metz, les plaquesfrançaises des nomsde rues, gardées pendantI'occupation par les employésmunicipaux, sont immédiatementremises à leurs anciennespiaces (10) ; mais la rue PETAIN deviendra Ruedu XXèmeCorps Américain en souvenir des troupes libératrices américaines. En Février, le barèmedes salaires français est appliquéen Moselle(11). DébutSeptembre, la Chambrede Comnterceet d'Industrie de Ia Mosellea repris ses séancessous ia présidencede HumbertDE WE}IDELQD. En Octobre, I'organisation judiciaire française est réintroduite. Un tribunal cantonalsiègera dans chaquecanton ; celui de Metz couvrira les cantonsde Metz-Ville, Metz-Campagne,Verny et Vigy. De même,les ressorts territoriaux des tribunaux de Première lnstance de Metz et Sarregueminessont à nouveaudélimités (13). La liquidationdu passés'étend aussi aux impôts. L'ordonnance du 15 Octobre 1945, veut apurer les impôts en Alsace et en Lorraine pour Ig45, et fournir des ressourcesaux communeset aux divers organismes(i4). "Les contribuabiesqui se sont conformésà la législation en matiè- re d'inrpôtsdirects instauréeà partir du 16 Juin 1940rpâf les autorités d'occupationdans ces trois départements,sont dégagés, en ce qui concerne les revenus auxquelss'appliquent Ies impositionsqu'ils ont régulièrement soldées, de toute obligationà i'égard du Trésor. IIs restent cependant passibies de I'impôt de solidarité nationaleet, le cas échéant, de la confis- cationdes profits illicites".

(9) Lorrain 14 Déc.embre1944

(10) ConseilMunicipal de Metz. Délibérationsdu 12 Décembre1944.

(11) Lorrain 20 Février L945.

QD Lorrain 8 Septernbre1945.

(13) Messin /* Cctobre 1945.

(14) Messin 17 OctobreL945. 81.

!'Lescommunes percevront à leur profit en 1945, à l'exclusion de tous les autres irirpôtsdirects ou taxes assimilées : - La contribution foncière des propriétés bâties et la contribu- tion foncière des propriétés non-bâties(Grundsteuer und Gebâudesteuer). - L'impôt sur les professions (Gewerbesteuer) - Les taxes qu'elles étaient autoriséesà percevoir à leur pro- fit au cours de I'occupation, à I'exceptiondes redev.ances perçues pour frais administratifs (15). Le régime français entrera en vigueur le 1er Janvier 1946. Les impôts sur le revenu seront établis en Moselle à cette date, pour Ies re- venusperçus en 1945(16). L'applicationde I'ordonnancedu 15 Septembre1944 semble pré- senter quelquesdifficultés en Moselle. En effet, une circulaire préfecto- rale largementpostérieure : datéedu 25 Mars 1946, rappelle que la germa- nisation des nomspatronymiques et des prénomsest un acte nul en vertu d'unede cesdispositions (17).

3. Les Allemands chassés de la Moselle

"Les Allemandsayant envahiI'Alsace et la Lorraine, il est nor- mal que Ia France libère ces territoires occupésen chassantles Alle- mands"(18). Les ressortissantsallemands sont avisésde leur prochaindépart de MoseIIe. Les autoritésfrançaises refoulent d'abord les personnesde sexemasculin, de 16 à 60 ans, domiciliéesà Metzet dansla banlieue. CelleS-cidoivent se présenter, muniesd'une couverture,d'un nécessaire de toilette, et de vivres pour deux jours, le Vendredi 22Décembre L944 8 heuresdu matinà la caserneChambière (19).

(15) Conseil Général 19L5.Rapportdu Directeur des ContributionsDirectes (p. 13). (16) ConseilGénéral 1945.Rappcrt du Directeur des ContributionsDirectes g. 12). (r7) B.O.M. 1946. (18) RépublicainLorrain 9 Décembre194L. (19) Lorrain 21 DécembreIg/r4. Rtr

Un autre avis concerne les ressortissantes allemandes, céliba- taires, veuves, divorcées ou mariées à un Allemand actuellementinterné, parti en Allemagne, ou mobilisé dans la Wehrmacht. Elles devront se pré-

senter avec leur famiile, Ie Dimanche 28 Janvier à t h 30 au Fort de Queu- leu. Chaque personne devra être munie de couvertures, linge de corps, nécessaire de toilette et d'un jour de vivres (20). Le refoulement des Ailemands vers leur pays concerne quelques centaines de personnes (21). Ce sont; pour la plupart, des sujets venus en Moselle après I9/+0, mais il y a aussi parmi eux des Allemands étabiis dans le départementdepuis pius longtemps. L'opinion publique s'étonne des mesures de bienveillance dont ont pu bénéficier une cinquantaine d'entre eux. "Nous ne ccmprenons pas qu'on puisse encore tolérer sur notre territoire des gens qui n'ont plus rien à y faire et qui ne pourront qu'être à la base de discorde. Si I'cn veut épurer, iI faut aller jusqu'au fond et vider I'abcès" (22). Les Allemands expulsés ont droit à 30 kgs de bagageset 2.500 Francs ou 150 Marks en espèces par personne (22). La langue allemanden'est plus toiérée en Mcselle. L'enseignement de I'allemand est entièrement éliminé des écoles, avec I'accord des mai- tres (23). De même, la surface occupée par Ies textes en allemand est régle- mentéedans la presse mosellane. Une première régiementationprovisoi- re (2D indique que le bilinguisme subsiste, mais que les textes allemands ne peuvent pas occuper plus de 25 % de ia surface consacrée aux textes français. Les titres des journaux, communicationsd'état civil, rubriques

QO) Lorrain 26 Janvier 1945.

(2I) Le Lorrain du 31 Octobre 1945parle de 280Allemands expuisés de Metz. I-e Messindu 31 Octobre 1945avance les chiffres de 300 Allemandsde Metzet 350d'autres régionsde la Moselle,notamment de Forbach.

(22) Lorrain 30 Octobre1945 et Messin 3i Octobre1945

(29 JulesS ENGERet Faul BARRET "Le problèmescolaire en ê.lsace-Lor- raine" (Editionsdu TempsFutur - Faris 1948).

(2D Lorrain du 12 SeptembreL945. 86.

sportives et articLesdestinés à la jeunessedoivent être rédigés en fran- çais. Cependant,une traduction succintede ces rubriques pourra être donnéeen allemand. Une réglementationmoins draconienne intervient par la suite (25): elle autorise les journaux bilinguesà comporter 40 % de textesen allemand. Toutefois,les titres de ces journaux,Ies mentions figurant de part et d'autre du titre et à sa hauteur, ainsi que les sous- titres développéssur plus de ia moitié de la largeur du journal doivent être composésen français, de mêmeque tous les textes pubiicitaires et Ies communicationsd'état civil. Ces mesuresaffectent peu de mondeen Moselle car le problème du bilinguismene s'y posepas de la mêmemanière qu'en Alsace.

Le biian de la guerre et de I'annexion de fait, en hommes et en biens, dressé par I'administration française, révèle la situation intérieure catastrophiqueque Ies Moseilans doivent assumer.

4 . 9tbt_tun galgsjryphiqug

a) Les destructions de biens

La Moseilecompte plus de 100.000bâtiments endommagés ou com- plètementdétruits (26). Les destructionsdans Ies communesrurales, et plus particulièrementde bâtimentsagricoles, représententla part Ia plus importantede ce total. Mais I'industrie a égalementsubi de graves dommages. Les dévastationssont généraliséesdans la vallée de Ia Seille, entre Dieuze et Metz, et au Nord d'une ligne Forbach - Sarreguemines- Rohrbach- Bitche, et plus localiséesdans les autres régions du département. Le Messin(27) annonceque les régions de Sarreguemines,Bitche et Volmunstersont les plus éprouvéesde France par la guerre. En effet, le pays de Sarregueminesà Bitche, qui n'est libéré que Ie 13 Mars 1945,après 93 jours de batailles, compte$0 %

Qû Lorrain du 11 Février 1947. QO Conseil Général i9/,5 - R.apportdu DéléguéDépartemental du ivlinistère de la Reconstructionet de I'Urbanisme(ivl.R.U -). QD Le MESSINdu 23 Mars IgL6. Q1

de bâtimentsdétruits à plus de 50 %. En Moselle, sur les 764 commu- nesdudépartement, 61 soit 8% sontdétruites de 75 à 100 %, II2 soit 14,6 % sontdétruites de 50 à 75 %, et 357 soit 46,7 %, de 10 à 50 %. 98 communessont détruites à moinsde 10 %. Une première estimationen 1945, du nombredes bâtimentsdétruits donneles résul- tats suivants(28) :

Totalementdétruits 17.580

de /5 a 5uh t4.700 de 50 à 1.0% 25.370 moins de 1,0% 19.050

En 1948, 31.316 bâtimentsdétruits sont recensés, ainsi que 102.055 Iocaux endommagésQù. Le bilan final de 1951 donne 44.600 bâtiments totalement détruits et 1,4L.009bâtiments partiellement détruits (30).

Les destructions mobilières dues à la guerre ou du fait des spo- liations ne sont pas imrnédiatementchiffrables, mais leur importance donne naissance à la pénible question des spoliations.

Ces données peu engageantes se doublent, au lendemain du con- flit, des pertes en vies humainesdont Ie recensementde Mars 1946 va permettre de mesurer 1'ampleur et de mettre à jour les incidences.

Q8) Rapportdu Déléguédu M.R.U. déjàcité - p. 100.

Qù NotesDocumentaires et Etudesno 1039 20 Décembre1948 - p. 13.

(30) Pierre CORTESSE : Les difficultésd'une administration nouvelle, la DélégationDépartementale du M.R.U. de la MoseIIeet les probièmes qu'ellesimpliquent. Stage E.N.A. Décembrei951. RR

b) Le recensementgénéral du l-0 Mars 1946et ses implications

II révèIe une nette diminution de la population mosellane par rap- port au dénombrementde 1936 (31).

1936 696.2/-'6habitants Cf. Annexe Nô6 A 19/+6 622.If+5habitants

Ce bilan démographique est particulièrement lourd et éloquent. La perte de 74.IOI mosellans , soit approximativement LI % de la popu- lation est le résultat de I'annexion et de la guerre. Tirons les conclusions d'une étude démographique plus détaillée au niveau des arrondissements et des cantons. Ainsi, les cantons de Bitche et de Voimunster, qui ont particuiièrement souffert pendant la guerre voient leur population diminuer respectivement de 41,9 % et /r7,6 % de 1936 à 1946. Les cantons francophonesde Château-Salins, Delme, D,ieuzeet Vic-sur-Seille, presque entièrement dépeuplés par les Allemands, ont subi des pertes respectives de 14,3 %, 13,5 %, 15,L % et 20,3 % de leur population. Les cantons industriels de Moyeuvre et l{ayange, n'enregistrent, en revanche, gu'une baisse de 2,8 % du chiffre de Ia population. Il est vrai qu'ici Ia guerre a fait moins de ravages et I'on devine la prédominance d'un souci économique dans le problème de ces régions sidérurgiques qu'il a fallu ménager. Le cas du premier canton de Metz (Quartiers Devant-les-Ponts et Metz-Nord) déficitaire à 35 % alors que les 2 autres ne le sont qu'à 8,6 % (2e canton) et 9,9 % (3e canton), présente un aspect particulier qu'iI ne nous a pas été possible de définir. Le canton de Phalsbourg reste le seul excédentaire, de I,2 %.

L'évacuation des zones militaires autour de la ligne ivlaginot, dans Ies années 1939-1940, vide la MoseIIede la moitié de ses habitants. Bon nombre d'entre eux préfèrent s'instalier définitivement dans les dé- partementsd'accueil du Sud et du Centre de la France. Par ailleurs, I'expulsion des personnes étrangères fixées en Moselle, chasse du dé- partement près de 20.000 personnes dont Ia plupart ne reviendront pas après la Libération.

(31) Statistiquedénographique de I'I.N.S.E.E. : Populationdu département de la MoseIIeaux recensementsde 1896à 1954. En L954, Ia population atteint le chiffre de 769.388habitants. Ro

L'expulsion des Mosellans en Novembre 1940, touche près de 64.000 personnes dont beaucoup succombent sur Ies routes de l'exil. Et si I'on compte les décès lors des transplantations dans les provin- ces orientales du Reich, les exécutions lors de Ia répression alleman- de (32), Ies déportations en camps de concentration, les internements et tous les morts dans les combats ou dans les camps alliés de prison- niers de guerre, on comprend bien mieux tout ce que représente de douleur et de désespoir, la diminution de LI % de la population de Ia Moselle entre 1936 et 1946.

Face à un bilan dérnographiqueet matériel aussi tragique, I'opi- nion mosellane est particulièrement attentive aux mesures politiques prises par I'administration française en vue de la remise sur pied des structures du département.

I I I . Llop11i911sg!!i_qy_e_gpj3lletg_el_l9j_pl9gÈI991!9:9t99_pglili9t9j:

P_o!!tyqge lalio3ql e_et poli t igu e Légt o1ral"

En ces années d'immédiat après-guerre, les Mosellans s'étonnent des proportions de 1'aspect législatif de la réintégration. "Qu'cn veuille bien nous prendre pour ce que nous n'avons jamais cessé d'être: des Fran-

çais" (33). La poiitique nationale les indigne lorsqu'elle vient troubler leurs préoccupations. Ainsi, au sujet d'une loi qui précise que Ies Lorrains pourront voter par correspondance lors des éIections municipales et dépar- tementales de Février 79115,Paul DURAND s'emporte (33) : "De grâce, qu'on ne pousse pas la plaisanterie jusqu'à Ia bouffonnerie ! Nos gens se

QD On peut craindre qu'une série d'exécutions sommairesou de massacres sur place n'aient été perpétrés par I'autorité nazie. Le MESSIN du 16 Novembre 1945 nous apprend I'existence de charniers en Moselle. La plupart d'entre eux contiennentles cadavres de prisonniers russes ayant travaiilé dans Ies mines, mais bon nombre des morts ne peuvent être iden- tifiés. Ainsi, à Creutzwald, 77 fosses communes regroupent plusieurs milliers de corps. A Rombas, une fosse de 13 cadavres est découverte, et les charniers du Ban-Saint-Jean, près de Boulay, de loin les plus im- portants, comptentplus de 30.000 cadavres dont une grande najorité de prisonniers russes. Mais qui sont les autres ? (33) Lorrain 10 DécernbreI9L4 (article signé Paul DURAND). 90.

moquentdes élections en un temps aussi grave. Ce qu'ils veulent, crest être administrés. Le ravitaillement, le travail, la réfection des immeu- bles qui peuvent être sauvés, voilà I'urgent, du pratique, de I'indispen- sable !". Suit une petite réflexion ironique, invitant Paris à mieux s'in- former du problème mosellan : "Réfugiés du Sud de Ia France, déportés de Silèsie ou de Pologne, Malgré-Nous perdus en Russie, ni les uns ni les autres ne pourront faire entendre leur voix" (34). Paris reste bien loin de Metz ! La Moselle veut panser ses plaies, effacer ce lourd passé et évi- ter des heurts d'intérêts entre les expulsés et transplantés et ceux qui sont restés, entre les internés et déportés et les autres, entre Ies résis- tants et ies indifférents légèrement collaborateurs. Tous les Mosellans doivent être associés dans Ia reconstruction de leur département. "Au jourd'hui, une identique volonté nous anime , que nous reve- nions du Sud de la Loire ou que nous soyions restés là, à Metz, refaire une Lorraine plus belie et plus unie que jamais". Tous les Mosellans doivent s'associer à I'hommagerendu aux victimes de I'annexion : "Nous nous inclinons devant la mémoire des victimes de I'im- monde Gestapo. Nous saluons tous Ies persécutés, dépcrtés, et avons un souvenir particulier pour nos pauvres Malgré-I.lous" (35). La politique régionale passionne les Lorrains qui y relèvent avec indignation tout ce qui peut nuire à leurs intérêts. Ainsi, au sujet de la rumeur de création d'un Ministère d'Etat "de I'Afrique du Nord et de 1'Alsa- ce-Lorraine" confié à André IACQUINOT, la Moselle entière, Ia presse, les mouvementsde iibération et de résistance protestent "contre cette dé- cision qui institue à nouveau, sans tenir compte des erreurs passées, cette en-tête "Alsace-Lorraine" de création allemande. Par le fait, on assimile nos deux provinces aux colonies, on cherche à créer un fossé entre la France et nos provinces, I'on remet à nouveau en question le grave problè- me du statut spécial, obstacle à ce désir d'unification de notre pays" (36).

QD Paul DURAND Le Lorrain 23 DécembreI94L.

(35) PauI DURAND Le Lorrain 10 Décenbrel9LL.

(36) Messindu 29 Novembre1945. 91

L'affaire fait tant de bruit que le gouvernement dément immédiate- ment ces informations par un communiquéspécial (37). "il va de soi que les trois départements dont il s'agit, continueront à dépendre dans les mêmes conditions que les autres, des divers ministères intéressés".

D'autres croisades politiques auront lieu en Moseile, soucieuses d'unification totale avec Ia France. Le Républicain Lorrain (38), effectuant un retour dans le passé, lance une campagneen vue de RECONSTITUER L'ANCIEN DEPARTEMENT DE LA MOSELLEd'avant 1870. II demande I'intégration du bassin de Briey et affirme que les maires du canton de Briey sont partisans de cette initiative, à la condition que les lois françaises soient entièrement rétablies en Moselle. Cette campagnereste sans lende- main (39), mais ouvre Ia voie à un autre débat beaucoup plus âpre, celui de I'unification de la législation française.

2 . f]uni[lcgtioqflaqçai1e

Après Ia première guerre mondiale et la réintégration de ia Moselle dans la communautéf rançaise, le problème le plus grave était ce- Iui de I'unification de la législation en vigueur en Alsace-Lcrraine avec celle qui régissait la France. La difficulté résidait dans le fait que cer- taines lois allemandesoffraient plus d'avantagesaux Mosellans que les lois françaises correspondantes. En France, il n'était évidemmentpas question de modifier une légisiation, mêmedéficiente, par des apports ailemands. Par ailleurs, il ne fallait pas léser la Moselle qui venait de subir une dure annexion. De débatsendébats, I'article 14deIa loi du 1er Juin 1$24qui mit en vigueur la législation française dans les départementsdu Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la MoseIIe, fut voté par le Cartel des Gauches désireux de mettre un terme à ces discussions. (Nous savons toutes les difficultés qu'ii avait rencontré avec Ies lois scolaires et le Concordat en Moselle).

Q7) Lorrain du 30 Novembre1945.

(38) RépublicainLorrain des 8 Août,29 Août et 2 Octobre1945.

(39) Mais sera tout de mêmeévoquée lors de Ia séance du Conseil Général du 3 Novembre 1945. a,

Cet article L4, prorogé par I'article I de la loi du 23 Décembre 1934 I'est à nouveau, nous I'avons vu' par I'article 6 de 1'ordonnancedu 15 Septembre 794L, et ceci jusqu'au 1er Janviet 1947. Le débat n'est pas clos pour autant et s'installe d'abord au Con- seil Général de la Moselle (40) qui affirme sa volonté de faire cesser le régime d'exception. Il ne s'oppose pas à la révision de I'accord interna- tional sur le Concordat et s'élève même contre les écoles confessionnelles communalesoir I'on oblige les enfants à faire leur prière au début et à la fin de chaque demi-journée de classe. Cependant, iI met un frein à son enthousiasme dès qu'on aborde Ia question de I'intrcduction des lois laiQues et des lois communalesfrançaises. Robert SCHUMAN n'est pas partisan de I'introduction des lois iaiQuesen Moselle : "l'existence d'une loi loca- le n'a pas porté atteinte au patriotisme de nos populations". lI affirrne aus- si que la loi municipale votée par les Alsaciens-Lorrains à Strasbourg en 1895, assure aux communesune plus large autonomieque la lci française. "Imposer aux municipalités Ia loi française serait revenir en arrière et se- rait préjudiciable aux communes". Toutes ces remarques conduisent au voeu suivant : "Le Conseil Générai demandeI'unification de toutes ies lois et institutions sur I'ensemble du territoire français. Il considère toutefois qu'iI faut, afin qu'une telle mesure ne Prenne Pas pour notre département }'aspect d'une régression, qu'elle soit précédée cu accompagnéedes réfor- mes indispensablesdans I'intérêt de toute la France, réformes à l'éIabora- tion desquelles Ies élus du département apporteront le concours de leur ex- périence particulière" (40).

A I'A.ssembléeNationale Ia lutte se fait plus rude. Pierre MULLER, député communiste de Ia MoseIIe, veut en finir avec la législation d'excep- tion (41). "Les élections du 21 octobre 1945ont permis de constater que, dans les départementde la McseIIe, ia majorité des éIecteurs se prononçait pour Ia suppression de ia législation d'excepticn". Il réclaïIl€ url€ unifica- tion sur Ie plan des cultes et sur le plan scolaire et propose Ia suppression

(40) Conseil Général 3 NovernbreI9/.5- Voeu no 69 concernantI'introducticn intégraledes lois françaisesen McseIIe. (pp.451-461). (LD J.O. AssembléeNationale Constituante 28 Décembre1945 o2

de tous les crédits prévus pour la dépense des cultes dans les trois dépar- tements : "des centaines de miliiers d'Alsaciens et de Lorrains, évacués au début de Ia guerre, ont pu constater, dans les départementsdu repli,

que le clergé n'est pas payé par I'Etat, QUeI'application des lois de la Ré- publique ne porte aucune atteinte à la liberté de conscience et au libre exer- cice de la religion. Ceux qui sont restés en Alsace et en Moselle ont pu constater qu'il a fallu l'arrivée d'HITLER pour interdire les organisations catholi- ques, et que cette interdiction était édictée avec I'approbation des ennemis de la République" (41). Alfred KRiEGER, députégaulliste de la Moselle, est lui aussi favorable à une unification législative; iI veut éviter un nouveau développe- ment de I'autonomismefavorisé par un régime spécial (42). "(...) Si les Boches, en occupant notre pays, nous ont traités d'une autre façon que Ie reste de la France, (...) c'est qu'en arrivant, ils ont retrouvé leurs lois, leur langue et certains de leurs hommesqui ont pu s'installer impunément, couverts par un autonomismemalsain, lui-même favorisé par nctre régime spécial". Robert SCHUMAN demandela prorogation jusqu'au ler Jan- vier 1948 de la législation en vigueur dans I'ancienne Alsace-Lorraine (43). Il affirme que la législation appiicable dans les trois départements présente un caractère complexeet que, depuis la Libération, une ccmmission d'uni- fication législative composée de membres du barreau, du notariat, de la ma- gistrature, I'enseignementet des diverses administrations, étudie toutes les questions en suspens. En raison des difficultés qui s'accumulent, cette commissiondemande un déiai. Au conseil de la République (4L), André RAUSCH, rapporteur de la Commissionde Ia justice et de la Législation Civile Commerciale et Cri-' minelle, est favorable à une assimilation des lois, supérieures par certains points aux lois françaises. Devant la tâche énorme à accomplir par Ia Com-

G2) J.O. Assemblée Nationale Constituante- 22 Août 194b -

(43) J.O. Assemblée Nationale - 20 Décembre 1946 -

G/.) J.O. Conseilde la République- 30 Décembre1.947 - 94

missionchargée de mettre sur pied "une oeuvre moderne,applicable à la France entière, y compris les trois départements",iI demandeIa pro- rogationde Ia loi de1924 jusqu'auler JuiIIett949. Lors du mêmedébat, Ie groupe communistedemande Ia prorogation jusqu'au31 Décembre1948 et souhaiteque les lois iaiQuessoient appliquéesen MoseIIeà cette date. RaymcndMONDON, à I'AssembléeNationale demande une nouvel- Ie prorogation de deux arrsqui lui sera accordée(45). Ainsi la loi du 1er Juiilet L924 aura-t-eile été prorcgée quatre fois au cours de Ia période qui nous occupe:

- Une première fcis par I'ordonnance du 15 SeptembreL944 dont I'article 6 proroge Ia loi du ler Janvier 47. - Une seconde fois par un projet de loi déposé par Robert SCHUIvIANen Décembre 19L6 jusqu'au ler Janvier 48. - En Décembre 47 A. RAUSCFi obtient une troisiè1neproroga- tion jusqu'au 1er Juiilet 49. - R. MONDON,une quatrième, jusqu'au 1er Juillet 195i.

On sait ce qu'iI en est actuellement.

L'opinion publique mosellane se passionne tout aussi intensément pour un autre probième dont on verra aisémentI'intérêt pour l'économie de Ia région.

3 . !e _re1 a b I1s 1e qe nt è Uglz _dL s1ège _d un e Bég i gn _l\A 4 i 1atg e_

L'affaire débutepar la parution du décret du 21 Octcbre 194L G6), pcrtant'créatiorr sur Ie territoire métropolitain de la XXIème Région Mili- taire qui aura son chef-Iieu à Metz et ne comprendra que le départemer.t de la Moselle. Le 7 Septembre I9L5, un communiquéde presse du Ministre de la Guerre DIETHELM, annonceque les Régions Militaires existantes de la France et de I'Algérie sont regroupées en 14 nouvelles Régions. Metz perd Ie siège de la 21èmeRégion au prolit de Nancy, qui rassemble Ies anciennes 6ème, 2Oèmeet 21ème Régicns. L'opinion publique mosellane proteste auprès

(15) J.O. AssembléeNationale- 23 Juin L949- (p. 3679)

GO B.o.M. 21 octobre r9Llr- Article I - 95.

des hautes autorités intéressées Q7). "Metz a, de tout temps, été la place forte par excellence"(48). Elle attire I'attention sur les répercussions que ce transfert des servi- ces militaires pourra entrainer pour I'ensemble de l'économie régionale et se demande si Metz et la Moselle ont mérité un tel traitement, surtout après les tragédies de I'occupation. "Aux yeux des Allemands qui, pendant longtemps encore, continueront à voir les choses sur un plan purement mi- litaire, ce déclassement de Metz sera comme un premier recul de la position militaire de Ia France. Celail faut I'empêcher à tout prix" (48). La réponse à la lettre de li. DE WENDELparvient le 15 Septembre 1945, signée par le Contre-Amiral ORTOLI , Chef du Cabinet Militaire du Général DE GAULLE (49). Elle annonceque le groupementdes Régions n'est pas définitif, et que Metz pourra conserver "Le titre et les préroga- tives auxquels eIIe tient si justement". A Ia suite d'une démarche de la municipalité, le Général DE GAULLE déclare: "dites aux messins que sur le plan militaire, je ne ferai aucun tort à Metz"(SO). L'affaire sembledonc se régler favorablement, d'autant plus que les Américains mettent fin au cantonnementde leur garni- son, et que le 151èmeR.I. et Ie 2èrneGénie reprennent le leur dans la viile (51). Mais la décision se fait attendre. Le Maire de lvletzenvoie,le

2! Janvier 1946runelettre au Ministre des Armées MICHELET. Le prési- dent de la Chambre de Commerceet d'Industrie de la Moselle, Hippolyte MATHIEZ, s'associe à cette demandeet souhaite mêmevoir s'implatiter à Metz ie siège de I'Ecole de Guerre qu'iI est questiorrd'installer en provin- ce (52).

(47) Lettre adressée au Général DE GAULLE, Chef du GcuvernementProvi- soire de la République Française, le 11 Septembre 1945, pâr Humbert DE WENDEL, Frésident de Ia Chambre de Commerceet d'Industrie de Ia Moselle. Compte-rendudes Travaux 1945. Cf . aussi presse messine du 7 au 11 Septembre 1915 pour protestations du Conseii Général de la Moselle, de la municipalité de Metz, et du Comité Départementalde Libé- ration. (18) H. DE WENDEL (Lettre citée). (49) Réponsedu Contre-Amiral ORTOLI, Chef du Cabinet Militaire du Général DE GAULLE - 15 Septembre 1945 - Compte-rendudes Travaux -1945 - (50) Lorrain 21 Septembre 1945. (51) Républicain Lorrain 2 Février I9L6. (52) Intervention du Président auprès du Ministre des Armées - L4 Iévrier 1946 - Compte-rendu des Travaux 1946 - 96.

Le décret du 18 Février 1946, relatif à I'organisation territoria- le militaire de la Métropole et de 1'Algérie (53), fixe à Nancy le siège de Ia 6ème Région Militaire. Metz perd définitivement la 21ème Région et de- vient le siège d'une subdivision. Emotion parmi les personnalités messines qui font pression sur Ie GouvernementGOUIN. La lettre envoyée par Ie président de Ia Chambre de Commerceet d'Industrie, H. MATHIEZ (5D, est une réplique de celle qui avait été envoyée à DE GAULLE par son pré- décesseur FI. DE WENDEL. La réponse cette fois est PromPte à venir. Metz devient siège de Ia 6ème Région, par décret du 13 Mars 1946 (55). Le choix de Metz donne lieu à une violente discussion à I'Assem- blée Nationale Constituante, entre Maurice KRIEGEL-VALRIMONT, député de Nancy et BAUME'Let SCHUMAN députés de la Moselle : "Enlin, iI reste un probième essentiel, qui n'est pas seulement poiitique mais national. Nancy a une Cour d'Appel, Strasbourg une Univer- sité, il faltait que Metz puisse justifier son rang dans le pays'(56).

La 6ème Région Militaire englobeles départementsde la Marne, Ia Meuse, la Moselle, la Meurthe et Moselle, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, les Vosges, Ia Haute-Marne et I'Aube (57). Elle comprend cinq subdivisions militaires : Metz, Nancy, ChâIons-sur-Marne, Strasbourg et Colmar, et dispose d'un tribunal rnilitaire (58).

(53) J.o. du23 Février 1946(p. 1600). (54) Nouvelledémarche auprès de Félix GOUiN, Président du Gouvernement Provisoire de la République.Lettre de H. MATHIEZ, Ptésidentde la Chambrede Commerceet d'Industrie de Ia Mosellele 11 Mars 19/-t6. Compte-rendudes Travaux 1946.

(55) Réponsedu 20 Mars 1946,du Chef du Cabinetdu Président du Gouverne- nent Provisoire de la République.Compte-rendu des Travaux L946. Cf. aussi Lorrain du 15 Mars 1946.

(56) Lorrain du 8 Juin 1946.

$7) Messindu 16 Mars 1946. - - (5S) J.O. AssembléeNationale Constituante L avril 1946 97.

Le rétablissement de Ia 1égalité républicaine et de Ia souveraine- té française en Moselle est perçu par les Mosellans comme une suite d'actes nécessaires et destinés à effacer, à chasser de leur mémoire tous les sou- venirs de cette période honteuse, hormis peut-être le Souvenir. La France entretient cette volonté de recueillement. Ainsi, la plupart des villes et villages mosellans qui ont particulièrement souffert, sont cités à I'Ordre de Ia Nation et de I'Armée. La Croix de Guerre avec Palmes est remise à Sarreguemines, "meurtrie par le bombardement (152 tués - 480 blessés - l-86 maisons détruites et 800 endommagées)et soumise à Ia haine implacable d'un ennemi féroce qui n'hésite pas à déporter : 283 habitants dont 23 furent tués. . ." (59) A I'occasion de la fête du tricentenaire de son rattachement juri- dique à Ia France, et en présence de Vincent AURIOL, Président de ia Ré- publique, de Robert SCHUMAN, Président du conseil et du Général DE LATTRE DE TASSIGNY, Inspecteur Générai de I'Armée (60), Metz est décorée de ia Croix de Guerre avec Palmes (61).

"Par son attitude exemplaire sous Ie joug allemand pendant quatre années d'occupation, malgré une brutale annexion de fait et une terreur sans précédent;par sa confiance en Ia Victoire, malgré ses blessures et le mar- tyr imposé à sa population, plusieurs dizaines de milliers de Messins, ex- pulsés par I'ennemi, 2.500 déportés ; par son dévouementet son aide à des miiliers de prisonniers évadés, METZ la Lorraine, bastion de la France de I'Est, dont la Iibération donnée comme but à la France combattante marqua I'indéniable défaite du Germain, a été à 1'heure de Ia résistance et du combat, I'exemple du devoir patriotique, se montrant digne de ses glorieuses tradi- tions" (61).

La France reconnaît la situation particulière de la MoseIIe et rend hommageà I'attitude des Mosellans sous le joug allemand. Mais l'entrée dé- tinitive du département dans la communauté[rançaise oblige ses habitants à juger et condamner ceux qui se sont comPromis avec I'occupant nazi.

(59) Courrier de Ia Sarre du 16 Juillet 1948. (60) RépublicainLorrain du 4 Juillet 1948. (61) l.O. Du 2 JuilIeT1948. 98. Chapitre Second

L'épurationen Moselle

L'épurationen Moseile, et là peut-être plus qu'ailleurs, consti- tue urr épisodeimportant de I'immédiataprès-guerre : elle revêt un aspect particulier à la région, étroitementlié à I'histoire tragique des annéesd'an- nexion La complexitédes questionsd'épuration est souventla conséquen- ce directe des situationsdifficiles dans lesquelles se sont trouvés les Lorrains pendantla guerre. En effet, les mesuresallemandes imposèrent à Ia pcpula- tion la nécessitéd'affecter un "conformismede façade"(1) qu'iI n'est pas im- possible de confondreavec ia collaboration. Rappeionsque Ia populationmo- sellane restée après les expulsions, est généraiementcontrainte d'adhérer aux formationsnazies et à la N.S.D.A.P. De plus, Ie départementn'est entièrementlibéré qu'en Mars 1945. Ainsi peut-on se demandersi les autori- tés chargéesde l'épuration en Moselle : Ia Sûreté Militaire de Septembreà NovembreI9/r4, puis le Ministèrede I'Intérieur et Ie Fréfet de la Moselle, sont pleinementconscientes des. réalités loeales et de Ia nécessitéd'adapter les procéduresd'épuration à la situation très spécialedu département? En outre, I'opinion publiquemoseilane est-elle toujours satisfaite par la répression de Ia collaborationtelle qu'elle est menéeen Moselle?

t . E-prggÉgsrg-qt-l = rpe-r*

1 . !a31oc_éa_u1ejeJ iép!ætlol polit igue .

a) La répression des crimes de collaboration

Elle débuteen Mosellede façon anarchiqueet arbitraire. De trop nombreusesarrestations ont lieu sur la foi de listes de suspectsdres- séespar les expulsésmosellans à Faris et à Lyonpendant la guerre (2).

(1) RapportHIEGEL: La répressionde ia collaboraticnà la Libérationen Mosel- le. Sourceset résultats. 1976, (2) Entretienavec Maftre Pierre WOLFI'le 3 Décembre1976. Cf . aussi Robert ARON : Histoire de 1'épuration.Les grandesétudes contemporaines. FAYARD1967. Tomei pp. 543et544. 99.

Après Ie départ des Âllemandsde Metz, Robert SCHUMANaidé de Maître WOLFF, désignépour être Ie Directeur de la Police, mettent un terme aux arrestations de Messins, qui prennentun essor alarmant dansles premiers jours de la Libération. Les suspectset les personnes dénoncéessont internés au Fort de Queuleudont ce sera Ia deuxième "heure de gloire" (3).

Dans les premiers mois de L9t*5,Ie Comitéde Libération (C.D.L.) essaiede diriger 1'épurationen Moselle,en donnele ton (4) : "Il faut épurer. Il faut vacciner le pays pour I'immuniser contre le mal de collaboration et Ie virus de la cinquièmecolonne", en précise I'es- prit (4) : "L'épurationest unemesure d'auto-protection de Ia nation(...) iI faut procéder avec justice et équité", et en énonceles principes di- recteurs (4) : "II est indispensableque des hommesrestés sur place examinentchaque cas individuellement". "Il est évidentque les délateurs, dansleurs dénonciationsqui sont Ia cause d'un préjudice matériel ou moral pour leurs compatriotes seront inexorablementpunis". Voilà prévenusles épurateurs ! Les directives concernantles "épurés" restent exemplairesde sévérité et de justice : "Tomberont sous le coup des mêmessanctions ceux qui sciemment,se sont mis au service de Ia police politique alle- mande,de même,ceux qui se sont distinguéspar Ia propagandede I'idéo- logie germaniqueet nazie'r. Ainsi, passerontdevant les commissionsd'épuration "Tous les ressortissants français nés français avant 1940ou en ayant acquis Ia nationalitéde plein droit en 1918en vertu des stipulationsdu traité de

(3) Les suspectset les dénoncésenfermés dans Ie Fort de Queuleu,sont in- terrogéspar Ia D.S.T. : selonMe WOLFF,un "ramassis"de "policiers" venusde tous les coins de I'hexagone,aux méthodesqui n'ont rien à envier à celles de Ia sinistre Gestapodont elle occuped'ailleurs Ies locaux, Rue de Verdunà Metz. La SécuritéMilitaire effeètue,eIIe aussi, des enquêtes.

(L) C.D.L. Moselle. Quelquesdirectives concernant l'épuration en Moselle. Rapport1945. 100.

Versailles et qui ont fait partie d'une des formationshitlériennes sui- vantes: Membredu Parti Nazi, Aspirant du Parti, PolitischeLeiter, S.S. à l'exclusiondes WaffenS.S. à moinsd'y avoir été volontaire, S.A'., N. S . K. K. (Kraftfahr-Korp),N. S . F. K. (Flieger-Korp),N. S .F . S . (Frauenschaft),de mêmeque les Chefsde la D.A.F., de la N.5.V., de Ia H.J. et du B.D.M. ; ne sontPas comPris les membresde la D.V.G.' de la D.A.F., de Ia N.S.V., H.J. et B.D.M., à moinsque, dansces formations, ils n'aient témoignéd'une attitudenotoirement Pro-germani- que" (5). Toutes les organisationsprofessionnelles mosellanes sont tenues de constituer leur commissiond'épuration. "Toutefois, il faut éviter soigneusementles apParencesmême d'une erreur judiciaire". D'ailleurs, ceux qui estimerontfaire I'objet d'uneinjustice, pour- ront se pourvoir en cassationet faire réviser leur procès auprès du ComitéDépartemental de Libération(C.D.L.) ou de la Commissiondes Vérifications. Une vaste gammede sanctionss'avère nécessaire Pour faire face à Ia complexitédu problèmed'épuration en Moselle. Ainsi, Ie C.D.L. en institue-t-il Ia liste suivante(6).

1. Blâmeprivé ou public par voie de presse ou affichage 2. Résidenceforcée 3. Mesuresd'éloignement du départementou du territoire 4. Internement 5. Suppressiondu droit d'électeur ou d'éligibilité

(5) ComitéDépartemental de Libération. Séance plénière du 10 Janvier 1945. Sur proposition du Président de la Commissiond'Epuration.

(6) C.D.L. Moselle. Rapportcité. 1945. 101.

6. Indignité nationale(7) 7. Mise à pied pour une durée déterminée 8. Retard dans I'avancementou déplacement 9. Congédiementavec ou sans pension l-0. Retrait de la licence de commerce 11. Mise sous séquestreet confiscationdes biens

Placer I'indignité nationaledans I'attirail de ces sanctions, n'est-ce pas aller à I'encontre des résolutionsde justice et d'équité précédemmentprises ? (B) Ces résolutions sont-elles d'ailleurs tou- jours et partout respectéesen Moselle ? Ces questionssont suscitéespar Ie ccmportementdes adminis- trations dont Ia Préfecture de Ia Moselle qui prend des mesurescontrai- gnanteset arbitraires. L'arrêté préfectoral du 20 Janvier I9/+5e) précise que "toutes Ies personnesayant apPartenupendant I'occupation allemandeà une formation militaire ou politique nazie ou au parti, devront se présenter une fois par semaineà la gendarmerie,au commissariatde poli-c_gou, à défaut, à la mairie de leur domicile, à I'heure et au j+r indiquéspar les autorités locales". De pius, ces individus ne pourront ni circuler sur la voie publiqueentre 18 heures et 7 heures du matin, ni changerde domicile sans autorisation.

(7) Pour réprimer les faits de la collaborationqui ne tomberaientpas directement sousIe coup des lois pénales, le gouvernementa institué i'indignité nationa- le par les ordonnancesdes 26 Août et 26 Décembrel9t+t+. Aux termes de I'article premier de ces ordonnances,est condamnable: "Tout Français qui est reconnu coupabled'avoir, postérieurementau 16 Juin 1940, soit sciem- mentapporté volontairementen France ou à 1'étrangerune aide directe ou in- directe à 1'Allemagneou à ses alliés, soit porté volôntairementatteinte à }'unité de la Nation, à la tiberté et à I'égalité des Français ou à l'égalité entre ces derniers". L'article 21 précise que "la dégradationnationale est une peine infamantequi comportè : - I. La privation de tous les droits civiques et politique et du droit de porter une décoration. - 2. La destitutionet I'exclusion des condamnésde toute fonction, emploi, office public et corps constituéet la perte de tout grade. - (8) JosephROHR : La Lorraine Mosellane1918-L946 - Notes et Documents Sar- reguèmines I973. Il précise que les ordonnancesde 1944sur f indignité na- tionale sont en contradictionavec I'article 13 de la Constitutionde 1793: "La ioi qui punirait des déIits commisavant qu'elle existât serait une tyrannie et I'effet rétroactif donnéà cette loi serait un crime". D'autre part, 1'article 4 du Code Pénal dit: "Nulle contravention,nul déIit, nul crime ne peuventêtre punis de peinesqui n'étaient pas prononcéesavant qu'ils fussent commis". G) JosephROHR op. cit. p. 90. Cf . aussi LE LORRAINdu 25 Janvier 1949et le Courrier de la Sarre du 3 Février 1945 p. r.) \ uerz7 \_--l 1,02.

Par ailleurs, I'autorité préfectorale examineles dossiers indivi- duels constituéspar les commissionsd'épuration, dans des conditions renduestrès difficiles par Ie manquede personneladministratif et de police (10). Commela justice est plus lente que le rythme des arresta- tions, il n'y a rien d'étonnant-àce que 600 personnessoient internées pendantplusieurs mois au Fort de Queuleuet 500 autres au camp'de Suzange(11). En ces premiersmois de 1945,la Mosellecompte 4.092 internés(12). Pour faire face à cette situation,le C.D.L., bien que conscientd'une notableamélioration dans la procédure d'épuration, pen- se qu'il y a lieu d'accélérerI'enquête des affaires en instance(13) et préconise la fixation d'un délai de forclusion pour Ie dépôt des plain- tes (14)

b) La répression judiciaire

De Décembre1944 à fin 1945, Ia répressicn judiciaire est exer- cée par Ie Tribunal Militaire de Metz. Suppriméëen Octobre 1945, cette administrationest rétabiie en Juin 1946avec pour ressort la 6ème RégionMilitaire (McseIIe,Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges, Marne, Haute-Marne,AuDe, Bas-Rhin et Haut-Rhin)éIargi en Novembre1947 à la deuxièmeRégion Militaire (Nord, Somme,Cise, Aisne, Ardennes, Seine-Maritime,Fas-de-Calais) . Le Tribunal Militaire-continue à juger des affaires de collabora- tion impliquantdes Français et des Allemandsjusqu'en t962 |1Û. Dans Ies premiers mois de 1945, celui-cirrapidementdébordé, rend la justice d'une façon piutôt expéditive. En ce qui concernela répression judiciaire

(10) Rappelons que .l'effectif des formations nazies en Moselle est estimé à 15.000membres .

(11) Le Lorrain des 14 et 15 Janvier1945 : 300mosellans sont détenusau Fort de Queuleudepuis Ia Libération de Metz.

Q.2) RapportFiiEGEL déjà cité.

(13) C.D.L. Moselle- Considérationsjournalières sur l'épuration- Motion No 1 - 20 Avril 1945.

OD C.D.L. MotionNo 2 - 20 Avril 1945.

(15) RapportHIEGEL déjà cité. 103.

touchantles civils mosellans, le Tribunal Militaire de Metz est rempla- cé très tardivement,en Juin 1945, par la Cour de Justicede Ia Moselle. Instituée par 1'ordonnancedu 14 SeptembreI94L au chef-lieu de chaqueressort de Cour d'Appel (16), la Cour de Justice comprendautant de sectiorisqu'iI y a de départementsdans la circonscription. La section est eIle-mêmedivisée en sous-sections. Danschaque Cour siègentun magistrat-présidentet quatre jurés, tirés hebdomadairementau sort sur une liste de cent nomsdressée par les Comitésde Libération, puis par les Conseils Générauxrecoristitués (17). Un Commissairedu Gouverne- ment, magistratprofessionnel, assisté de Commissairesdu Gouvernement Adjoints, exerce les fonctionsdu ministère public. L'inculpé choisit Ii- brementson avocat(18). Le travail des Cours de Justicesera terminéen Juillet 19/*6, sauf pour celles de Faris, Lyon, Colmar et Toulou,se(19) supprimées par la Loi du 2! Juillet L949.. Les affaires jugéesbénignes sont envoyées à la ChambreCivique qui ne peut prononcerque la peine de dégradation civique assortie ou non de I'interdiction de séjour, de I'inscription au casier judiciaire et de la confiscationtotale ou partielle des biens (20). Le condamnépeut, danstous les cas, introduireun pourvoien cassaticn dansles 24 heures. Ce pourvoiest jugé par Ia Chambredes misesen accusationde la Cour d'Appel.

(16) Article I de l'ordonnancecitée par J. ROFTRop. cit. p.75.

(17) Le Courrier de la Sarre du 10 Mai 1946.

(18) Notes Documentaireset Etudes No 245 du 26 Février 1946 "La répres- sion des faits de collaboration".

(19) Marcel BAUDO1 : "La RésistanceFrançaise face aux problèmesde répressionet d'épuration" Revued'Histoire de la DeuxièmeGuerre Mondiale F.U.F. NoSL JanvierL97I.

Qù J. SCHAEFFER op. cit. p.I2I. 1,0L.

La Cour de Justice, section de la Moselle, comprenddeux sous- sections : celle de Metz et celle de Sarreguemines. La première session de Ia sous-sectionde Ia Cour de Justicede Metza lieu en Juin 1945,Ia dernière en Décembre79/*7. EIIe est présidéepar SADOULou KRIER, selonles procès, POTTECHERou LANSACen sont les Cômmissaires du Gcuvernement(21). Les audiencessont présidéesà Sarreguemines par le Présidentdu Tribunal de PremièreInstance DEMANGE, parfois remplacéirar le juge GOETTLE. Les Commissairesdu Gouvernement en sont KRUG, nommédès SeptembreL945, Conseiller à Ia Cour d'Appel de Colmar, KASTNER Substitutà Sarreguemines,FRANTZ et SADOUL, Conseillersà la Cour d'Appel de'Metz. La première sessicn de la sous- sectionde la Cour de Justice de Sarregueminesa lieu le 18 Juiilet 1945, et celie de la ChambreCivique le 12 SeptembreL945. Les dernières au- diences se placentvers la mi-Février 19L7. Les affaires en instance sont jugées par la suite devantla Cour de Justice deMetz (22). De 7948 à 1949, les affaires en instancede la Cour de Justicede Ia MoseIIese- ront jugéesauprès de Ia Cour de Justicede Colmar.

2. L"t Urg.*-d"_tEpfrytion pclitigue 1n lagsg.llg

La Moseilene connait pas de procès politiques spectaculaires. La mort du GauleiterBUERCKEL, en Septembre1944, ne laisse aux juges mosellansque des personnalitésnazies moinsimportantes, gibier pourtant très difficile à saisir Q9. Certes, après I9/*8,le Chefde la police de Ia

QI) RapportHIEGtrI déjà cité.

(22) j. ROHRop. cit. p. 95.

(29 Conseil Générai - Séancedu 13 DécembreI9l+8 - p. 250 - Le compte- rendu rappelle que le Docteur BURGER s'évertue depuis 1945à faire juger les criminels de guerre locaux : Ie "Befehlshaberder Sicherheits- polizei in SaarPfalzund Lothringen",Ie Chefde Ia Gestapoà Metz: SCHMIDT,et le CommissaireMEHL, "Hauptsturmfûhrer",Chef du S.D. à Metz, détenuspar Ies Américains.Le 3 Novembre1949, I'ex-commis- saire MEHL, originair'e de Landau, est condarnnéà mcrt par ccntumace (Le Lorrain du 4 Novembre1949). 105.

Westmark,le Brigadefûhrer DUNKERN(24), estemprisonné à Metz, mais son procès, réclamé à cor et à cri par l'opinion publique(25) ne s'ouvreque le 31 Mai 1951. Le Tribunal Militaire de Metz poursuit I'inculpé, défendupar MaîtreEISELE, pour complicitéd'assassinats et complicitéde séquestra- tions. Dès faits graves lui sont reprochés. II s'est occupétrès activement des expulsionsdès Août i940; chargé de régler les questionsreligieuses, ila expulsé 10/*prêtres lorrains. Il dirigea d'autre part, I'opération de Longeville-1ès-Saint-Avolden 1,944,qui se solda par Ia mort de 10 person- nes et Ia déportationde 26 autres. Vers Ia mêmeépoque, il fit déporter de nombreuxhabitants de Boulay. Enfin, DUNKERNest accusé, en tant qu'amipersonnel d'HIMMLER, d'avoir_été le mauvaisgénie de BUERCKEL. Malgré de nombreuxtémoignages qui I'accabient, DUNKERNréfu- te toute part de responsabilitédans les affaires évoquéeset se réfugie derrière les ordres de ses supérieurs. L'inculpé bénéficiede circonstan- ces atténuanteset est condamnéà vingt ans de travaux forcés et à vingt ans. d'interdiction de séjour (26). Mais ce procès tardif ne suscite plus aucune réaction de Ia part de I'opinion publique.

Ce n'est pas le cas du procès d'FlermannRÔCHLING qui passion- ne les Mosellansreconnaissant en lui leur plus vieil et plus terrible adver- saire.

QD On trouvera des renseignementsbiographiques sur Arthur DUNKERN, né à Munichen 1905et ami d'enfanced'HIMMLER, dans Ie livre du Docteur BURGER : "Tragédies Mosellanes, le Fort de Queuieuà Metz".

QO Le Lorrain du 27 Décembre1948 - Une informationest ouverte contre Ie GénéraiDUNKERN, emprisonnéà Metz. Le Lorrain demandeà ses lec- teurs de I'aider à apporter Ia preuve de Ia culpabilité de I'accusé.

(2O Le RépubiicainLorrain des 1er et 2 Juin 1951. 106.

a) L'opinion publiquemosellane et le procès de H. ROCHLINGà Rastatt.

HermannnôCHf lNG est jugé en Février 19/*8par le Tribunal International de Rastatt en Zone Française d'Occupation. Celui-ci se composede jugesfrançais, belges, hollandaiset polonais, siégant dansle châteaudes Ducs de Bade. Le procès s'ouvre le 17 Février 1.9/+8(27) sur une évocationde la vie de I'industriel sarrois (28). La famille RôCHLiNG, d'origine prussienne, propriétaire des "Rôchling'scheStahlwerke" dont le siège social se trouve à Vôlklingen en Sarre, s'intéressetrès tôt à I'industrie de la Lcrraine. Fangerma- nistes convaincuset favorablesau thèmede la Grande Allemagne,Ies RÔCHLINGy développentleur activité expansionnisteentre 1870et 1.91.4.Hermann nôCHt lNG, né en 1871à Sarrebruck, participeaux entreprises de sa farnille en territoire lorrain, et construit I'usine de la "Carlshiitte" près de Thionville. Chargéavec son cousin Robert, par le Quartier Général allemand,deia destructiondes usines du Nord- Est de la France, iI accomplitsa tâcheavec un zèle tel qu'aprèsI'ar- mistice, le Conseilde Guerre d'Amienscondamne ie 23 Décembre1919 Ies deux cousinsà dix ans de réclusion, dix millions d'amendeet quinze ans d'interdiction de séjour pour destructiond'édifices et piilage de matériel industriel. HermannRôCUf lNG est condamnépar défaut, Robertemprisonné. Le 12 Octobre1920, le Conseilde Guerre de Nancyrend une ordonnancede non-lieu en leur faveur.

Q7) Le RépublicainLorrain du 18 Février 1948- Dès I'ouverture du procès, MaîtrèFierre LEROY, avocatfrançais de H. nôCHt-tNG, souligneI'in- compétencedu Tribunal qui n'a pas été constituéen conformité avec les ordonnancesportant créatiôn des Tribunaux de GouvernementMilitaire puisqu'iIcomprend des jugesalliés. En outre, MaîtreLEROY affirme que les inculpés sont sarrois et que la Sarre bénéficiedepuis le 17 Sep- tembre 1947, d'une nouvelleconstitution en vertu de iaquelle aucunSar- rois ne peut être soustrait à son juge légal. Le Tribunal arguant que la ConstitutionSarroise n'a pas été ratifiée par le Parlement, se déclare régulièrementconstitué et compétent.

QÙ Le Lorrain des 14 et 18 DécembreL947. r07.

SeuI, Robert peut bénéficier de ce non-lieu et de la libération. Hermann,qui s'est enfui en Allemagne, n'obtient pas sa grâce du gou- vernementfrançais (29). Installé à Heidelbergpendant I'occupation française de la Sarre, il y mène une grandeactivité anti-française qui se concrétise par Ie retour de la Sarre à i'Allemagneen 1935. Le rôle joué par HermannnôCUf tXG en Lorraine annexée,est loin d'être négligeable. II est, jusqu'enJanvier 794I,le Grand-Maîtrede la sidérurgie et I'adjoint au DéléguéGénéral, responsabiede la répartition de la pro- ductiondes minesde fer. Certes, après I9lrI, sa fonctionse limite à la présidencede la Chambrede Commerceet d'Industrie de Metz. Il n'y joue d'ailleurs qu'unrôle effacé, se contentantde présider Ies séan- ces plénières, Ia direction effective des affaires restant entre les mains du DocteurDECKER, Commissairedu Gouvernementet Geschâftsfiihrer (gérant). Mais I'influenceae nôCUtING se fait sentir iorsqu'à ses fonctionsofficielles, il joint celles de membredu Conseil d'Administra- tion de la Reichsbanket de Conseiller de I'Armement, à partir de Mai I9/+2. "Avec lui, la Lorraine compteun maître de plus" (30). Par ailleurs, le 15 Juillet Ig4O,nôCUftNG donneun coupde pouceau destinde la Lorraineannexée (31). Dansune lettre à HITLER (32)avec communicationd'une copie à BUERCKEL,il préconiseI'anne- xion au Reich de la Moselle et de Ia Meurthe-et-Moselle. Les deux dé- partementslorrains seraient englobésdans le Gau Saarpfalz et les éIé- mentsfrançais chasséset remplacéspar des Sarrois : "Placez-nous devantla tâche Ia plus granded'être les porteurs de I'idée allemande dansces territoires...". Il évoquele plan économique,soulignant la complémentaritédes gisementsde houille et de fer, qui rend possible

r, l'

Q9 11lui faudra attendreIa loi du 18 Mai 1942pour obtenir I'annulation du jugementrendu contre.Iui à Amiens.

(30) P. GERARD op. cit. P. 16.

(31) J. ANNESER op. cit.p.29. 108.

l'édification d'une forte industrie métallurgiqueen mêmetemps qu'elle permetde satisfaire les besoinsde Ia sidérurgie lorraine en charbon et en coke. Il insiste surtout sur I'attribution au Gau, du bassin de Briey où les minerais sont les plus riches en fer. Naturellement,i} n'ometpas d'enrichir son propre patrimoine. Son rêve étant de réunir les usines sidérurgiquesde Hayange, propriété de la famille DE WENDEL, à la "Carlshiitte" de Thionville, il lui faut détruire la puissancede cet- te maisond'industriels lorrains (33). Il répandalors I'idée que Ie norn de DE WENDELest le symbolemême de I'idée française en Lorraine, et ceci par I'intermédiaire d'une lettre, datéedu 19 Août 1940, signée de MichaeiJ. REINARTZ, correspondantdu'Î.{.S.2. Rheinfront" et adresséeau GauleiterBUFRCKEL. Celui-ci y rappelleque les DE WENDELont toujours été hostiies à I'Allemagne, dès avant la première guerre mondiale; qu'il ont toujours travaillé dans Ie "sens français, avec une tendanceanti-aiiemande". Faisantpartie de ces 200 famiiles qui gouvernentla France, ils sont les élémentsde Ia ploutocratie fran- çaise qui doit être combattuepar le national-socialisme. L'intérêt de I'Allemagneest que "f influencede la famille DE WENDELsoit radicale- mentexterminée" (...) "La destructionde la maisonDE WENDELsera Ie coup le plus terrible qui puisse être infligé au chauvinismefrançais" (...) "Le nomde DE WENDELdoit disparaftreentièrement de la sphère d'influenceet de puissanceallemande". Les formulessont percutantes. RôCHLINGne ménagepas sa peinepour conquérir I'usine de Hayange,mais un autre concurrent est en lice : le ReichsmarschailHermann GOERING. En Juillet 7940, un entretien à Neustadt-an-der-Weinstrasse,entre HermannnôCUlttrtC assistéde HansLothar von GEMMINGEN-I{ORNBERGson gendre(34),

G3) J. ANNESER op. cit. chapitreIV.

(34) Dr. Jur. HansLOTHAR "Freiherr von Gemmingen-Hornberg",membre du Conseild'Administration des "Rôchlings'cheEisen und Stahlwerke", était le gendrede H. RÔCHLINGet le fiis de I'ancien"Bezirksprâsident" de Metzjusqu'en 1918. 109.

et le Staatsrat MEINBERGaccompagné du représentantdu groupe des "HerrnannGCERING Werke", Paul RAABE, agissantpour le compte du StaatssekretârifônnPn, représentantpersonnel de Hermann GOERING, marqueIe débutdu "matchdes deux Hermann"(35). Le plan ae nÔCUtING préconisela séparationdes trois usines DE WENDELde Joeuf,Hayange et Moyeuvre-Grande,Paul RAABE quant à lui, envisage d'étabiir une direction spécialeà Hayange,et veut réunir les usines de loeuf et de Moyeuvre-Grande.nôCuf tNG, qui vise toujoursHayange, saisit alors I'occasionqui se présente, et par une lettre datéedu 9 Dé- cembre 1940, demandeà RAABE le feu vert pour s'engagerdans cette voie. Dans sa réponsedu 16 Décembre, RAABE affirme avoir émis un point de vue de "pure information" à I'entretien de Neustadt. On connaitle dénouementde cette affaire (36).

GERTHOFFER,Commissaire du Gouvernement,insiste particulièrementsur Ia condamnationde RÔCHLINGpar le Tribunal Mi- Iitaire d'Amiens Le24 Décembre1919, et sur I'annulationdu jugement par la loi No 546 parue au Journal Officiei de I'Etat Français le 18 Mai 1942(37). Un autre point est évoqué: les industrielsallemands, en envoyantdes sommesd'argent au parti nazi, sont devenusdes nazis par convictionet par intérêt (37). L'accusationse cristallise ensuitesur cer- tains faits très précis de I'oeuvre de I'accusépendant la guerre, en Lor- raine et en Sarre. Ainsi, un ingénieur en chef de la production sidérur- gique de Nancydénonce les mauvaisesconditions de travail qui avaient cours dansles usines, et la gestiondésastreuse de RÔCHLiNG(37). L'enfer du campd'Etzenhofen, en 5arre, est évoquépar des ouvriers français affectésaux usines RôCHLING de Vôlklingen en vue de leur "rééducation". Un témoinraconte que les ouvriers-prisonniers y sont soumisaux travauxles plus pénibleset queles femmesenceintes n'en sont nullementexemptées. Un autre confirmeet cite Ie cas de deux jeunes

(35) J. ANNESER op. cit. p. 39.

(36) Voir infra p.77

$D Le RépublicainLorrain du 18 Février 1948et le Lorrain des L0 et 13 Mars 1948. r1o.

Russestués à coupsde bottes par la police de I'usine pour avoir volé une poire (37). L'avocatae nÔCUt-ING,Maitre KRANZBUHLER,essaie de le disculper. "notre associationn'avait pas à créer de campsdisciplinaires, cependant,à nos yeux, le campdisciplinaire devait servir à donner aux récalcitrants une certaine éducation,mais je souligneque personne d'entre nous n'aurait pu supporter que les détenusy soient l'objet de sévices"(38). II affirme d'autre part : "La productiond'acier n'avait jamais dépassé5% de la productiontotale du Reich, et avantle 1er Septembre 1939,les usinesde Vôlklingenn'avaient jamaissorti de piècesd'arme- mentfinies". Quantà son activité de DéIéguédu Reich pour la Lorraine, RÔCHLINGsouligne que les directives pour 1'administrationdes usines Iui ont été dictéespar Ie GauleiterBUERCKEL (39). Au cours du pro- cès, ilne cessede vouloir "se blanchir"; tous les moyenslui sont bons. Ainsi, interrogé sur Ie transfert en Russiede certaines machinesdes usines de Joeuf, il répond que celui-ci avait pour but d'intéresser les sociétésmétallurgiques à Ia reprise de I'industrie russe (40). Pourtant, le Commissairedu Gouvernementaffirme que Ie démontagede Joeufesti- mé à i10 millionsde francs 1946a rempli 42 wagons(41). A l'accusation : "Vous avez dit que les jeunesgens travaillant en Allemagnedevaient être considéréscomme des otagesgarantissant la bonneconduite des parentsdans les territoires occupés",RÔCHLING répond : "Cui, mais pcur moi, Ie mot "otage" n'avait pas le sens habi- ttiei, je voulais dire par 1àque nous arriverions ainsi, commele fit NAPCLEONIer en enrôlant des étrangers jusquedans sa garde person- nelle, à intéresserIes parentsau sort de I'Allemagne"(42).

(38) Le Lorrain du 8 Avril 1948.

(39) Le Lorrain du L9 Mars 1948.

(40) Le Lorrain du 22 Mars 1948.

GI) Le Lorrain du 7 Avril 1948.

(42) Le Lorrain du 22 Mars 1948. 111.

A Ia question : "Avez-vous soutenupar vos efforts, Adolf HITLER et ses guerres d'agression?", iI répond : "J'avais acceptéla mis- sion d'augmenterla productionmétallurgique pour empêcherque I'Alte- magnene perde la guerre par manqued'acier. Cela n'avait rien à voir avec Adolf HITLE.Ret ses guerres d'agression, mais c'était une contri- bution à Ia lutte désespéréedu peupleallemand" (43). Cependant,RôCHLtNG ne parvient pas à récuser I'accusationqui lui est faite d'avoir demandéà SPEER I'arrestation de 200 communistes Iorrains et la déportationde leur famille (43). Dans son réquisitoire, le Commissairedu Gouvernementfait re- marquer que I'accusé aurait pu se contenterde diriger ses usines pen- dant la guerre mais qu'iI a dépasséson rôle d'industriel pour devenir dès 1942, Ie principal animateurde la productionsidérurgique en vue d'augnrenterIe potentiel de guerre du Reich. Il s'est donc rendu coupa- ble de crimes de guerre et de crimes contre I'humanité. Il requiert Ia peinede prison à vie pour HermannRÔCHLING, la confiscationde ses biens et Ia privation de ses droits civiques.

RôCHLtNG n'est condamnéqu'à 7 ans de prison. Aucuneconfis- cationde ses biens, aucuneamende ne sontexigées. Ce jugement,prononcé le ler Juillet 1948, soulèvela colère de I'opinion publiquemessine (4.4). On s'étonnede la clémencedu Tribu- nal de Rastatt, malgré ies durs réquisitoires et la longueur des débats qui ont duré quatremois. Rappelonspour mémoireque FLICK, direc- teur nazi des aciéries de Rombas,à dater du ler Mars 1941, n'est lui aussi condamnéqu'à 7 ans de prison (45).

us) Le Lorrain du 24 Mars 1948. u-4) Le Lorrain du 2 Juillet 79/+8.

(45) Le RépublicainLorrain du 23 Décembre1947. ILz.

Pourtant, sur appel du Ministère Fubiic, un secondprocès s'ou- vre et la peine de prison à vie est à nouveaurequise pour I'industriel sarrois (46). HermannRÔCHLING voit finalementsa peine portée à 10ans de prison, tous ses biens sont confisqués,il estprivéde ses droits civiques (47).

b) Les procès des "petits chefs locaux".

Entretemps,la presse messines'ouvre largementaux procès de comparsesplus obscurs. Dans les premières annéesqui suivent la Li- bération, Ies Cours de Justice de Metz et de Sarreguemineset le f'ribu- nal Militaire de Metz jugent des procès qui motiventi'intérêt de I'opinion pubiiquemosellane Dès sa première audience,le Tribunal Militaire de Metz, condamne trois Mosellansà mort pour intelligenceavec I'ennemiet trahison Q8). En 1945, deux autres Lorrains connaissentle mêmesort (/,9). Les Cours de Metzet de Sarregueminesrendent une justice sévère, en voici quelquesexemples : KRAUSHAAR,un Mosellan,interné au Fort de Queuleuet qui, pour s'attirer les bonnes grâcesdes S.S., partici- pe aux tortures des prisonniers (50), est condamnéaux travaux forcés à perpétuité. Un habitantde Freyming,membre des S.A. et du N.S. D.A.P., gardienun peu trop zè1édes travailleurs russes de ùlerlebach, est puni de treize ans de travaux forcés (51). D'autres condamnations suivent, toutesaussi exemplaires.

U.O Le RépublicainLorrain du 26 NovembreI9/r8. (47) Le Lorrain du 26 Janvier 1949. (É8) Le Lorrain du28 Décembre1944. (49) Le Lorrain du 4 Janvier t945 et le Messindu i3 Septembre1945, (50) Le Lorrain du 12 Décenbre 1945. (51) Le Courrier de la Sarre du 4 Août 1945. 113.

II ne fait pas bon avoir été nazi en Moselle(52). Mais s'agit- il là d'une justice équitable? Commentexpliquer qu'à trois mois d'intervalle, I'Oberbûrgermeisterde Cocherensoit condarnnéà 8 ans de travaux forcés (53)alors que FOULE, Ie "QUISLING Lorrain", ex-conseiller généra}de Ia Moselle, maire allemandde Sarreguemines, et "stellvertretenderLandesleiter" de ia D.V.G. depuismars 1941, ne soit condamné,par le mêmetribunal, eu'à une peine de 5 ans de travaux forcés (5D ? En L946, pas de clémencepour les Mosellansau service des nazis. Ainsi, un agent du S.D. est condamnéaux travaux forcés à vie et à f in- dignité nationale(55). Un professeur de philosophiedu Lycée de Rombas est condamnéà mort par la Cour de Justice de Metz Pour trahison, il s'étaitmis au service de ia S.D. (56). D'autrescas suivent(57) et se ressemblent. En Août 79116,Iasous-section de la Cour de Justicede Sarregue- nines publie un bilan (58) où ii est intéressantd'apprendre qu'en un an d'activité, 618 collaborateursont été jugés. Aucunecondamnation à mort n'y est prononcée, mais cinq personnessubiront une peine de travaux

$2) Le Courrier de la Sarre du28 Juillet 1945,le Lorrain du 3 Juiilet 1945 et Ie Lorrain du 1er Février 7945. Ainsi, d'après Ie Courrier de la Sarre du 30 octobre 1945,la cour de Justicede sarreguemines,siégeant de- puis le 18 Juillet, et sur les 70 affaires qu'ellea jugées, a réclaméen trois mois : 132années de travaux forcés et 92 annéesde peines de prison. 12 relaxations ont toutefois été prononcées,avec 650 annéesd'interdic- tion de séjour et 285 annéesd'indignité nationale. 35 prévenusont été con- damnésà I'indignité nationaleà vie. Sur 26 affaires traitées, Ia Chambre Civique de Sarregueminesa pris les sanctionssuivantes: l.L0années d'indignité nationale, et trois condamnationsà vie. Cf . aussi à ce sujet I . ROHRop. cit. p. 96. (53) Le Courrier de la Sarre du 4 Août 1945. (54) Le RépublicainLorrain du 21 Décembre19/*5 et le Lorrain du 21 Décembre 1915. (55) Le Courrier de Ia Sarre du 23 Février 19/*6. (56) Le Lorrain du 6 Mars 1946. $D Cf . aussi Ie Lorrain du22 Mars 1946,du 4 Avril, du 10 Avril' du 7 Juin, du 15 Juin, et du 5 Juillet 19l+6. (5S) Le Courrier de la Sarre du 2 Août 1946. Il est regrettable que la Cour de Justicede Metzn'ait pas publiéce genre de renseignementsstatistiques. rt4.

forcés à temps, 157de prison,tandisque 37 seront relaxées. La ChambreCivique condamne13 collaborateursà I'indignité nationale à temps. 31 personnessont relaxées, et 109libérées.

C'est au cours de Ia dernière annéed'existence de la Cour de Justice de Metz que s'y tiennentles procès les plus importants. Tout d'abordcelui du MosellanJean SCHOVIIiG d'Etzling, âgé de 28 ans, qui est entré en l-941dans les S.A. commeZellenleiter. Rapporteur des questionsecclésiastiques lorraines en 1943au S.D. de Metz, il dénoncedes réseaux de passeurs de Metz, Woippyet Sarregueniines. On lui reproche I'arrestaticn de plusieurs dizainesde patriotes' une vingtainede déportations, quatre condamnationsà mort et le décès de douzepersonnes en campd'extermination. ll est lui-mêmecondamné à mort et à la dégradationnationaie (59). Un autre Mosellan,Emile ScHANG, 31 ans, originaire de wAHL- EBERSING, ex-agentde la Gestapo,responsable de I'arrestation de quinze personnesappartenant à un réseau messin, est condamnéà mort Ie 7.Décembre1945 (60) et fusillé le 8 Roût l9L7 (6I). D'autres procès suivent : celui du nazi AMSQHLERde Haute-Yutz, responsablede 61 expulsionset de 54 déportationsdont trois se solde- ront par des décès en campde concentration. II est condamnéaux tra- vaux forcés à perpétuité, à la confiscationde ses biens et à la dégrada- tion nationale(62). Un agent doublemosellan est puni de la mêmepei= ne (63). Un MosellanAdolphe SCHERER, agent du S.D. nomméà Château-Salinset à Metz, est accusédu démantèlementde plusieurs ré- seauxde passeurs et de résistants dont celui de Sarregueminesen Août

(59) Le Lorrain et Ie RépubticainLorrain des 22 et 23 Novembre1946 -

(60) Le Lorrain et le RépublicainLorrain des 6 et 7 Décembre1946.

(61) Le Républicain Lorrain du 9 Août L947.

(62) Le RéoublicainLorrain du 22 Février 1947.

(63) Le Lorrain du 27 Avril 1947. 115.

L9l+3. Le bilan de son activité s'élève à 68 arrestations, 54 déporta- tions, 4 condanrnationsà morts et 20 morts. Il est condamnéà mort , à Ia confiscationde ses biens et à Ia dégradationnationale (64). Un autre Mosellan,volontaire S.4., Frédéric ECKSTEIN d'Uckange' accuséd'avoir abattufroidement deux habitants de cette ville, est con- damnéà mort Le 23 Septembre(65) et passé par les armes à Chambière Ie 17 Décembre1947 (5O. Pour 1947, I'affaire la plus importantereste le procès de Charles CRIDLIG, 4L ans, comptableà Metz. Mille tén:oinsont été cités. Déjà condamnéà cinq ans de prison pour espionnageen 1935' CRIDLIG est libéré par les Aliemandset affecté commeinterprète à la sectionI\r.A.III du S.D., dontla tâcheprincipale est d'intervenir dans les affaires mettanten causedes passeurs, des réfractaires et des utiiisateurs de faux papiers. Responsablede I'arrestation d'un ré- seaumessin, il participe à I'interrogatoire des différents membres; il est cité commetémoin à charge par le Tribunal du Peupie à Beriin, sié- geantà Deux-Ponts. Trois membresdu réseau sont condamnésà mort et décapitésà Ia hacheà Cologne, trois autres décèdenten camp de concentration.En I91r2,CRIDLIG dirige uné enquêteaboutissant à I'ar- restationd'une famillede passeursde Gorze, qui est déportée. Il est égalementà I'origine de l'arrestation du frère de Soeur Hélène, dont Ia débordanteactivité en zone libre en faveur des prisonniers évadés, des réfractaires de Ia Vrlehrmachtet mêmedans I'évasion du Général GIRAUD' inquiètela Gestapo. Il prend part à I'action d'envergure entrePrise par la Gestapocontre les reiigieuses des établissementshospitaliers messins de Belletancheet des Récollets, accuséesd'aider à l'évasion des pri- sonniers, et est cité commetémoin à charge dans leurs procès. De L94I à 1,944,perquisitions et arrestations à I'actif de CRiDLIG se succèdent. I1 participe activementaux interrogatoires dans les Io- caux de la Gestapoet profite mêmede ses fonctionspour voler ses vic- times. Le 77 Novembre1944, iI suit les naziset s'installe à Neustadt.

(o)/ Le Républicain Lorrain du 2l+Septembre1947 .

(66) Le RépubiicainLorrain du 18 Décembre1947 . 116.

En Juin 1,945,il est reconnupar une de sesvictimesalors qu'iI tra- vaille avec sa femme(67) pour les services de Ia Zone Française d'Occupation. CRIDLIG est condamnéà mort et à la confiscati.onde ses biens (58). La révision de son procès ayantété rejetée (68) iI est passépar les armes (70).

En Décembrc19L7 la tâche de la Cour de Justice de Metz s'achè- ve sur ces procès exemplaires. EnFévrier de la mêmeannée (71)' la Cour de Justice de Sarregueminestermine son travail après avoir pro- noncétrès tard sa première condamnationà mort (72). La Cour de Justice de Colmar reprend Ie f,lambeaujusqu'en 1949. L'épurationn'est pas terminéepour autanten Moselle. Le Tri- bunal Militaire de Metz fonctionnetoujours. Il a pour mission de juger les Français et les Allemandsaccusés de crimes de guerre, et se mon- tre très actif . Au 31 Décembre1948,223 afî.airesde crimes de guerre ne concer- nant que le départementde la MoseIIe, lui ont été soumises. 110 sont

6D Agentde la Gestapo,la femmede CRIDLiG, qu'elle épouseenI9t+/+, est condamnéeà 1"0ans de travaux forcés, 20 ans d'interdiction de sé- jour et à I'indignité nationalepour avoir dénoncéde nombreusesperson- nalités messines, notammentdes ecclésiastiques. (Le RépublicainLor- rain du 22 Janvier I9L7).

(68) Le Lorrain du 24 Février 1,947.

(69) Le Lorrain du 20 Février 1948.

(70) Le Lorrain du 1er Avril l9lr8.

(71) Le Courrier de la Sarre du 5 Février 1'9/+7.

QD Le Courrier de la Sarre du 10 janvier I9L7. L'inculpéGREFF, 47 ans, est condamnéà mort parcontumace pour avoir torturé des résistants à Lvon. 717.

définitivementréglées (73).

Sans vouloir nous étendre trop longuementsur les procès qui se tiennentau Tribunal Militaire de Metz de 1946à 1962, signalonstout de mêmeque :

-le chef du Campde Woippy,Fritz KICHDORFER,originaire de Ba- vière et HauptsturmfûhrerS .S. (capitaine), y est condamnéà 20 ans de travaux forcés et 20 ans d'interdiction de séjour (74). - que cinq ans de travaux forcés sont requis contre le Kreisleiter de Saint-Avold et I'Ortsgruppenleiterde Faulquemont,responsables de Ia déportationde plus de cent habitantsde Longeville-lès-Saint- Avold (75). -que la mort est demandéepour DIETRICH, Capitainede la police d'Hagondangequi , le 2 Juiilet 1944, prend le Train de la Mort en char- ge à Novéant, refuse tout ravitaillement et fait obstruer les ouvertures des wagonsmalgré la chaleur. A I'arrivée à Dachau, 451 des 1700 détenussont morts (76).

La presse messinepublie les comptes-rendusdétaillés de tous Ies procès qui se tiennentdevant le Tribunal Militaire de Metz (77).

Qg ConseilGénéral de la Moselte1949. P. 113- Procès des criminels de guerre de Ia MoseIIe- Réponsedu Ministre de Ia DéfenseNationale à Ia suite du voeu de rechercher et de transférer en MoseIIeles chefs de Ia Gestapoqui y ont commisdes crimes de guerre (voeu No 77 du 17 Juin 1948). II resterait encore L06criminels de guerre en fuite.

Q4) Le Lorrain du 18 Novembre1948.

\/f,, Le Lorrain du I Mai 1949.

Q6) Le Lorrain du 25 Janvier 1950.

Q7) Par exemple: Le Lorrain du 8 Janvier L948, et du 2L J-anvier,du 2L et du 25 Février, du 10 Mars, du 10 et du 29 Avril, des 8, 20 eT26 Mai, du 29 Septembre,du 3 et du L5 Décembte1948. Le RépublicainLorrain du 19 NovembreI9L8. En L9/+9,on Peutlire Ie compte-rendudes procès importantsdans le Lorrain du 10 Août et du 30 Octobre. 118.

c) Le bilan de Ia juridiction de Ia répression.

Il fait apparaftre que des 4.952 affaires présentéesaux diver- ses juridictions de Ia Moselle, 3.891 , soit 78 %, ont été sanctionnées, et 1.062, soit 22 %, acquittées.

-Lg:t4rg=Ëgo=ËLq-L'sls=9sg='g$gÉ:

Parmi ceux-ci, on trouve 3.252 Mosellanssanctionnés et 868 acquittés. La Cour de Justice de la Moselle, pour sa part, a jugé essentiel- Iementdes Mosellans : 2.937 O8 % des inculpés). CeIIe de Metz a condamné910 Mosellanspour $28 condamnations prononcées,et en a acquitté 94 pour 97 acquittementsprononcés (78). Les résultats sont équivalentspour Ia ChambreCivique de Metz : 1.396 des 1../+09condamnés sont mosellans,ainsi que 481 des 482acquit- tés. Quantà la Cour de Justice de SarregueminesQ9), 2L6 Mosellans y sont condamnés(255 personnesau totai), les 35 acquittés sont tous mosellans(78). La ChambreCivique de Sarregueminesn'a traité que des affaires concernantdes Mosellans: 197acquittements, 385 condam- nations. Le Tribunal Militaire a jugé 1.165 personnesdont 376 Mosel- lans (80). Les étrangers jugés par ia Cour de iustice de la Moselle, ha- bitent tous Ie département(80).

mnations I Acquittements

Cour de justice de Metz 2t L2 Cour de Justice de Sarreguemines

Q8) Voir en annexeNo 7 I'origine géographiquedes inculpés : cartes ç9 Détail de I'activité de Ia Cour de Justice de Sarreguemines: cf . Joseph ROHR : La Lorraine mosellane1918-L9/+6 - Sarreguemines1973 annexes. (80) Pour plus de détails, se reporter aux annexesNo 8. 119.

Des 28 étrangers condamnéspar Ie Tribunal Militaire de Metz, 5 (/' Foionais et 1 Russe)habitent en Moselle(80).

- lgggl='ggt

Bien que la justice soit toujours rendueavec sévérité, on ne peut pas parler de répression implacable. En effet, les condamnations à mort ne sont prononcéesque contre des agentsde la Gestapoou de llAbwehr, coupablesd'arrestations de résistants ou responsablesde nombreusesdéportations . De plus, des 3.891 sanctionsinfligées, 320le sont par ccntuma- ce (soit I %). 57 peinesde mort sont prononcées: 17 par la Cour de Justice de la Moselleet 40 par le Tribunal Militaire de Metz (soit 0 ,I/r % de I'ensemble),mais 17 seuiementsont suiviesd'exécution (soit 0,04 % de I'ensemble). La Cour de Justice de Sarregueminesa été particuiiè- rementclémente puisqu'elle n'a pr:ononcéqu'une seulecondamnation à mort, et Par contumace. Les travaux forcés et Ia réclusion représententL2 % de I'ensem- ble des sanctions, la prison 35 % et la dégradationnationale 50 % (87- 8D.

- Usgrs ggl g=ggtlg9g = !=or

Les condamnationsIes plus nombreusesportent sur les cas de collaborationpolitique : des 2.977 personnescondamnées par la Cour de Justice, 2.507 (soit 84 %),Ie sont pour ce motif et 407Mosellans (soit 14 %), pour collaboration militaire. En ce qui concernela collaborationpolitique, on retient des char- ges contre ceux qui, ayantadhéré au Parti National-Socialiste, ont

(81) RapportHIEGEL déjà cité.

(8D Pour plus de détails' se reporter aux annexesN' 9. L20.

exercé des fonctionsimportantes au sein des organisationsrrazies. Les Mosellansayant signé un engagementdans I'armée ou la gendarme- rie allemande, sont condamnésau titre de la collaboration militaire (83- 8D. La collaborationéconomique est infime. Elle ne donnelieu qu'à L3 condamnations(soit 0 ,4 % du total) (83-85). L'étude de I'origine sociale des condamnésfait ressortir une sur-représentationde la catégorie des ouvriers et des petits employés: 63o/ocontre 0,15 % de professionslibérales et 0,05 % de patrons (83).

(83) RapportHIEGEL déjà cité (annexeNo 10).

(8D Pour plus de détails, se reporter aux annexesNo 10 : graphiques.

(85) Nous n'avons malheureusementpas réussi à obtenir d'autres renseigne- mentsconcernant cette questionde coilaborationéconomique. A notre let- tre du 2L Novembre1977, demandantI'autorisation de consulter les docu- mentsstatistiques relatifs aux profits illicites, versés aux Archives Dé- partementalesde Ia Moselle, MonsieurIe Directeur des Services Fiscaux s'est réfugié derrière le secret professionnel,invoquant les articles 2006 et suivants du CodeGénéral des lmpôts, qui interdisent Ia communication de tout renseignementd'ordre fiscal. lI ajouta que "Ia règle du secret professionnels'applique d'une façon généraleet absolueà tous les ren- seignementsen matière de confiscationde profits illicites". Les Archi- ves de Ia Chambrede Conrmerceet d'Tndustriede la Moselle(dossier No 106 : confiscationde profits illicites) nousdonnent quelques renseigne- mentsd'ordre général: te 31 Janvier 19/*6,IePréfet de la Moselle, s'ap- Puyantsur le décret du 18 Janvier 1946, déclarant exécutoiresdans les départementsdu Rhin et de la Moselle, les dispositionstendant à Ia con- fiscation des profits illicites , installe un Comitéde Confiscationà Metz. Dans une lettre du ler Février 1946' à JacquesWEBER, secrétaire-mem- bre de Ia C.C.I.M., Ie SecrétaireGénéral de la Préfecture signaleque des instructions ministérielles particulières ont été donnéesà I'adminis- tration des contributionspour adapter I'ordonnancedu 18 Octobre I94L, tendantà confisquerles proftts illicites, modifiéeet complétéepar les ordonnancesdes 6 Janvier et 2 Novembre1945, à la situation particuliè- re dans laquelle se sont trouvés les commerçantset industriels du dépar- tement à Ia suite de I'occupation. Ii ne s'agit nullementde flrappertous les contribuablesqui, par Ia force des choses, ont commercéavec l'enne- mi, mais uniquementde poursuivre les trafiquants ayant réatisé des béné- fices scandaleux.Bien peu de personnesentrent en ligne de compteen Moselle. Par ailleurs, signalonsencore la lettre du Président du Comité de Confiscationdes Profits illicites de la Moselle au Président de Ia C. C.I.M., €r datedu 6 Février 1945, qui demande,afin de constituerune Iiste, Ia libre consultationdes dossiersdétenus par Ia C.C.I.M., en Par- ticulier ceux des commerçantsou industriels ayant obtenudes certificats d'importationde la part des autorités allemandes.Suite à Ia réunion du 9 Février 1946,Ie Présidentdonner par lettre du 18 Février, 1'accord de Ia Chambrede Commerceet d'Industrie de Ia Moselle. L2I.

Pour expliquer ce phénomène,il est tentantde supposerque les cou- ches sociales les plus modestesont été davantagesensibles à I'aventure nazie que les autres ; cependant,il ne faut pas perdre de vue toutes les pressions et les menacesque les ouvriers et employésont dû subir de la part des autorités allemandes. La catégoriepatronale et les profes- sions libérales furent peu touchéespar la collaboration car urr très grand nombrede leurs représentantsavait été expulsés. II faut encore noter que la répression a davantagetouché les personneshabitant dans les villes et les milieux industrieleque les ruraux.

d) Le particularisme mosellanen matière d'épuration.

La Moselle, malgré son histoire tourmentée,ne connaîtque peu de cas de répression extra-judiciaire, cinq seulementsont enregistrés (86-87). Ii sembleque I'absencede grand maquisen Moselleet les me- sures considérablesd'internemenf administratif prises, dès Décembre Ig44, par le Préfet du départementaient permis à beaucoupd'individus d'échapperà la vindicte popuiaire. Rappelonsqu'en Décembre1945, il reste encore 4.000 internés dansles trois campsde séjour surveillé de la région. Il est frappantde constaterque trois des exécutionssommaires qui eurentlieu alors, sontI'oeuvre d'éléments I.F.l. non-m,osellans. Les deuxautres affaires se situenten 1945. Leurs auteurssont jugéset acquittés sousIa pression de I'opinion publique. Ainsi que nous le ver- rons, 1'opinionpublique mosellane joue un rôle non négligeablelors de l'épuration. Une autre particularité mosellaneréside dans la faible propor- tion d'étrangersjugés par les juridictions z 76 sur 4.952(soit O,L5 %). Viennenten tête les mineurs polonaisou italiens.

(86) Ce chiffre est le fruit d'un travaii de recherche considérableeffectué par MonsieurHIEGEL auprès de la gendarmerie,de la police et du Par- quet des tribunaux.

(87) Voir annexeNo 11. L22.

2L % des Français jugés par la cour de Justice de Ia MoseIIe se trouvent être d'origine allemande,naturalisés après I9L9, en vertu du Traité de Versailles ou par mariage. C'est là une autre particula- rité du département.

Enfin, 1'épurationadministrative en Mosellene sembletoucher qu'un nombrerestreint de personnes,et ceci malgré les annéesd'oc- cupationet surtout en dépit des mesuresoppressives et menaçantes introduites par les Allemandsà I'encontre des récalcitrants. Ainsi, parmi les L80 fonctionnairesmunicipaux messins, cinq seulement(88) font I'objet d'une procédureadministrative qui se dérou- le de la manière suivante :

- comparutiondevant un jury d'honneurmunicipai présidé par un Conseil- Ier Municipalet des membresdu personnelmunicipal (89). - transmissionde la procédure au Préfet. - prise d'un arrêté préfectoral mettantI'agent en cause à Ia retraite d'office aùec suppressionpartieile ou totale de la pension.

Les mesuresd'épuration administrative ne touchentque très peu de fonctionnairesdes services extérieurs : des 6!8 agentsdu service vicinal, une vingtaine seulementest concernée(90)' et encore, la plu- part des intéressés ont-ils adhérépar contrainteaux organisationshit- lériennes.

(S8) Lettre de MonsieurGAILLOT, Secrétaire Généralde la Mairie de Metz, du 30 Novembre1976.

(S9) DéIibérations du Conseil Municipal de Metz I9L5 - Déclarations du Maire G. HOCQUARD: selon Ie principe "les gensd'ici doivent juger les gens ,d'ici", if veut éIiminer ceux qui ont été allemandsavec enthousiasme, qui ont fait preuve de zèle ou ont'adhéré à une organisationnazie quel- conque.

(90) ConseilGénéral tg45- Rapportde I'Ingénieur en Chef Vicinal - 11s'agit de trois ingénieursT.P.p., d'un adjointtechnique, d'un agentde bureau et d'une quinzainede cantonniers. 123.

L'épurationdans I'enseignement primaire (91) atteint 8J person- nes. La sanctionla plus sévère proposéepar la CommissionSupérieure de I'Académiede Strasbourg, est la révocationqui est aPpliquéedans septde ces cas.

II.le-qirigsSs-1gjligs-pgllls'rgJege-àll9gr"liel

Dans le climat malsainqui s'installe à la Libération, sous-tendu par I'indignation et la hainedes Mosellansrentrés d'exil, de déportation, ou tout simplementrestés sur place, sous la botte des "roitelets nazis" et des "petits-chefs", il est souventdifficile aux épurateurs, pleins de bon vouloir, d'être justes et équitablesselon les directivesdu C.D.L. L'opi- nion publiquemosellane divisée, ne cesse de critiquer I'action des différen- tes juridictions.

1 . U4_épu1a1iongule_et_dgre

"L'épurationest uneopération d'intérêt social (...), uneoeuvre de justice (...). Personnen'a le droit d'improviseren une matièreaussi délicate. Les pouvoirs publics sont seuls qualifiés pour ]t procéder". Malgré ces propos de Robert SCHUMAN(92), la questiona pris en Moselle une acuité particulière du fait de Ia situation déterminéepar I'annexion. Les autorités sont plutôt disposéesà freiner I'action d'épuration, ce qui provoqueIe mécontentementdes patriotes, expulséset déportés. A Hagondange,en Mai 19/15,des collaborateurs sont lynchés (93). Le 16 Juin 1945, à Montigny-lès-Metz,deux autres sont pris à parti par Ia foule et sérieusementblessés (93). De Septembre1945 à Avril 1946, des attentatsà la grenade sont commisà I'encontre de collaborateurs (94).

(91) Conseil Général 1945- Rapport de I'inspecteur d'Académie- eD Le Lc,rraindu 1-6Décembre lgLtret Ie Courrier de la Sarre du 16 Janvier' 1945z "La sanctiondoit être en proportion avec Ia gravité de Ia faute. Chaquecas présente un aspect particulier. lI n'existe de présomption de féIonie pour personne". (93) Rapportsdes RenseignementsGénéraux t945 et 1946, gD RapportHIEGEL déjà cité. t24.

Une grande partie de Ia population n'est pas satisfaite de la ma- nière dont est menéel'épuration. La justice est sévèrementcritiquée. En DécembreI9/+5,la condamnationà cinq ans de travaux forcés d'Eugène FOULE, ancienadjoint de BUERCKEL, par la Cour de iustice de Sarregue- mines, est ressentie commeune provocation(9/.). Sous le titre "A Pâques ou à la Trinité...", André MOCIBLONécrit dansLe Messin(95): "La Mosel- le est le départementfrançais où la dénonciationest au meilleur marché. Ce qui vaut ailleurs la peine de mort, se paie ici d'une peine à tempstrès courte". Puis, de plus en plus favorable à une épurationPure et dure, il ajoute : "Certaines Cours de Justices départementalessont réputées pour leur sévérité, d'autres pour leur mansuétudeincommensurable. La Cour de Justice de Ia Moselle est de ces dernières. Nulle part Ia dénonciation n'est à si bon marché !" (96) Pourquoi ? "On a arrêté troP de lampis- tes et encombréles prétoires de trop d'accusésinsignifiants. Les jurés se sont vite fatigués de ces accusationsmonstrueuses qui accouchaientd'ur,e souris. Ils ont fini par ne plus prendre au sérieux des réquisitoires dont beaucoups'effondraient à la confrontationdes témoignages". MOCiBLON pensequ'il existait des solutions faciles à appliquer : "Il aurait fallu tout simplementexpulser au pays de leurs amours, en "Chleusie" avec trente kilos de bagageset deux mille Francs, sans tambourni tromPette, les cinq ou six mille mauvaisLorrains qui avaientmanifesté des sentiments pro-allemandspendant I'annexion, et cela dansles six mois qui suivirent la Libération".

L'opinionpublique n'approuve Pas les critères nuancésretenus par la Cour de Justice pour poursuivre les individus, à l'égard desquels existent des faits et des présomptionssuffisantes d'activité anti-nationale et pour classer les dossiers des Personnescontre lesquelles il n'y a Pas de charges judiciaires suffisantes(97). Il faut reeonnaftre que le nonibre

(95) Le Messindu 17 Janvier I9L6.

(96) Le Messindu 24 Février 1946. eD Gilbert GRANDVALouvrage déjà cité; Cf . aussi article d'4. MOCIBLON: "A Pâquesou à Ia Trinité" 17 Janvier r94t. 1.25.

des dossiers sans suite est extrêmementéIevé en Moselle : un peu plus de 12.000. Parmi eux se trouvent ceux d'un grand nombred'individus qui avaient adopté une attitude pro-allemande, mais contre lesquels aucun "fait matériel nuisiblet'ne peut être invoqué. Les réactions les plus vives contre le classementdes affaires et les verdicts jugés trop clémentsviennent des expulsés, des milieux de résistants et des associationsde déportés. L'épurationest jugée trop len- te d'où I'exaspérationque I'on sait, avec ses violentesconséquences qui se traduisent par deux exécutionsextra-judiciaires de collaborateurs, demeu- rées impunies. Le mécontentementde 1'opinionpublique mosellane, sans toujours connaftrece paroxysme, heureusement,explose cependant à nouveaulors de Ia suppressiondes campsde séjour surveillé de Moselle, au débutde Mars 1946, et Ie retour dans leur foyer des internés. Des protestations s'élèventalors de tout Ie département,émanant d'associations, de maires, de conseils municipaux,d'organisations de résistants, déportés et insou- mis (98). La pre-ssevocifère ; I'L-esLorrains restés propres, c"u* ayant souffert de façonsdiverses sousla botte nazie, éprouvent un malaisebien compréhensibleà la vue de ces gens qui, Ie front haut et 1'oeil narquois, déambulentsur la voie publique"(99). Des menacesfusent : des résistants, déportéset expulsésde Mondelangeadressent une lettre au Préfet de la Moselle, TUAILLON, pour lui exposer leur intention de faire justice eux-mêmescontre les "Kolla- borateurs"rentrés (i00). Et, danscertaines localités, elles sont misesà exécution. Des grenadessont lancées contre les immeublesdes ancienscol- laborateurs libérés (101).

(98) RapportHIEGEL. Cf . aussi Ie Lorrain du ler Mars 1946.

(99) Le Lorrain du 1er Mars 1946.

(100) Le Lorrain du 1er Mars 1946.

(101) Rapportsbimensuels des Services de RenseignementsGénéraux de Metz et de Sarreguemines- Mars et Avril 1946. 126.

Ces mouvementsde mécontentementtraduisent bien Ies inquiétu- des de Ia populationmosellane, surtout face à I'attitude arrogante des "revenants". Des incidents éclatent entre ceux-ci et des expulsésou si- nistrés à propos du mobilier distribué par I'administrationà ces der- niers (102). Les Mosellansne cachentpas leur amertumeet leur dégoûtface aux scandalesquotidiensr QUi, pour eux' marquentl'épuration. Des réflexions désabuséesjaillissent : "Ia fidétité à Ia France, Ioin d'être récompensée,continue à être brimée", "Depuis la Libération, la France a agi commesi eIIe voulait détacherd'elle tous ceux qui ont con- tinué à se réclamerd'elle, €t elle y réussit peu à peu" (103). L'article d'André MOCIBLON(104) "La fin de Queuleu", en Mars 1946, résumepar- faitement1'état d'esprit de la populationlorraine : "On passe d'un excès à I'autre, de trop de sévérité à trop d'indulgence,et I'on se prépare des méconiptesdont Ie moindre ne sera pas le découragementde ceux qui souf- frirent dans leur personneet dans leurs biensr pour n'avoir pas voulu tran- siger avec leur consciencede Français. C'est un mauvaisspectacle à leur donlrer que eelui des bas flatteurs de I'occupant, revetart Ubrenelt jouir en paix d'une richesse acquise au service de I'ennemi, car l'épuration éco- nomiquen'est mêmepas commencée(105). A ceux qui ont tout perdu, iI restera des yeux pour pleurer et à ceux qui s'enrichissent d'un trafic ré- préhensible,le confort d'uneexistence plantureuse et cossue" . (. '.) "C'est par de tels procédésqu'on mine lentementmais sûrementIe moral, d'un peuple. Certes, ceux qui restèrent français envers et contre tout ne Ie firent pas dansI'espoir d'une récompensematérielle. Mais 1e contraste

(102) Le RépublicainLorrain du 2 Mars L946. (103) Rapport des RenseignementsGénéraux de Sarreguemines Mars 1946. (104) Le Messindu 7 Mars L9lr6. (105Nousn'avons que fort peu de renseignementsà ce sujet, la consultationdes Archives sur cette questionnous ayant été refusée. Pourtant, d'après MonsieurHIEGEL, cette épurationtardive n'aurait touchéque très peu de personnes. Un rapport des RenseignementsGénéraux du 18 Janvier 1946constate que les doléancesde la populationse multiplient. Les Mo- sellans s'attendaientà voir fonctionnerIe Comitéde confiscationdes bénéficesillicites dcnt on avait anncncéIa constituticndepuis longternps et espéraientla confiscationdes importantessommes et bénéficesréali- sés par de nombreuxconmerçants pendant I'annexion. 1,27.

entre leur ruine et la prospérité des ex-collaborateursest une injustice trop révoltante pour qu'elle n'ait pas de résultats néfastes" (105). La colère et I'amertumeexplosent. Faisant suite au premier congrèsdes F.F.I. à Metz, qui dénoncefougueusement les mesuresd'épu- ration en Moselle, une manifestationpublique traverse les rues de la ville jusqu'à la Préfecture au cri de "Epuration !" (106).

Au débutde L947, le mécontentementreste toujours vif parmi la population.La moindre affaire concernantles "victimes de l'épuration" est démesurémentamplifiée. On parle "d'organisationsautonomistes ou pro-allemandes"pour dénoncerIes liens d'amitié qui se créent entre d'an- ciensmembres du N.S.D.A.P. Une conversationentre deux épouses de collaborateurscondamnés, entendue Par un expuiséet dans Iequelle la première dit à la seconde "la vengeanceviendra" est immédiatementet abondammentcommentée dans les milieux de résistants et victimes du nazis- me (107). Les partisansde l'épurationsans faiblesse reconnaissent l'échec de la répression de la collaboration en Moselle. André MOCIBLON, dans son article : "Epurons les épurateursr'(108),dresse un réquisitoire sé- vère contre Ia justice répressive trop débonnaire : "L'habitudedes tribu- nauxd'exception a fausséla balancede Thémis. Trop souvent,des verdicts partiaux, tantôt d'une incompréhensiblesévérité, tantôt d'une incompréhen- sible mansuétude,ont désaxé1'opinion. ll est grand temPsde revenir à Ia justice régulière, exercée par des juges professionnels,qui offrent plus de garanties d'impartialité et qui connaissentla loi". II s'éIève ensuite contre les "nouveauxricheS" de la Résistance,épurateurs acharnés et qui ont profité de I'épuration Pour emplir leurs poches. De cette situation, iI tire avec raison la conclusionsuivante : "Le malaise moral de la France - particulièrementdans nos départements qui furent annexés- tient pour beaucoupà une épuration quir pour certains ' fut partisane et politique pius que nationale, et Pour d'autres simplement une fructueuseaffaire" .

(106) Le RépublicainLorrain des 3 et 4 lr'tars1946. (107) Direction de la Sûfeté Nationale- RenseignementsGénéraux de Sarre- guemines 19 Février l9lr7. (108) Le Messindu 11 Juin 1946. L28.

2 . _Co3tgeJinggt-iggancs Êe I' gqration-

Dès Janvier l9/r5, des voix s'élèventà 1'encontrede I'intran- sigeancede 1,épuration(109) : Pourquoiépurer systématiquementtous les Mosellanspro-allemands ? N'est-ce Pas, d'une part oublier le parti- cularisme du départementdivisé en deux zoneslinguistiques et, d'autre part, affirmer que tout ce qui est allemandest mauvais? IvlaitreAlbert EISELE se fait Ie championd'une épurationplus nuancéedans sa forme mais surtout dans son esprit. Le particularisme mosellandoit s'y affirmer (110). Les textes de loi sur lesquels est construite Ia jurisprudence des tribunaux de l'épuration sont les mêmespour 1'ensembledu territoire français et I'inadaptation du droit pénal politique aux conditions particuliè- res de Ia région dansla période qu'elle vient de traverser, affecte l'épura- tion en Moselle d'une "insurmontablecontradiction intime". Bien que son principe soit forcémentIe mêmepour toute la France, il reste que les moda- lités doivent en être nettementdifférentes. En France, le choix existait. On pouvaitlibrement être collabo- rateur ou non. En Moselle, ce choix était interdit : "on était contraint de parler allemand, contraint d'entrer dans 1'arméeallemande, contraint très souventd'accepter des fonctionscompromettantes et abhorées, contraint danscertains cas d'user du salut allemand. (...) Cettecontrainte était ap- puyéede rigoureuses et redoutablessanctions : expulsion, déportation' internement,etc... (...) Contraintemorale suffisamment Pesante, insidieu- se, brutale pour paralyser toute liberté chez Ies Mosellanset supprimerpar (110)' conséquentleur responsabilitémorale sauf cas excePtionnels" Ainsir pouf juger un Mosellan, faut-il tenir comPtede "l'ensen- ble des actes accomplisau cours de I'occupation". Toutefois, pour beau- coup, Ies arrêts et jugementsrendus sont souventdisproportionnés Par raP- - port aux fautes commises. Pour MaÎtre EISELE, dès le départ, l'épurationest vouéeà l'échec. La responsabilitéen incombeaux autorités politiques du départe- ment, qui ont certes défini les principesde I'épuration,mais n'en ont pas étudiéles modalités.

(109) Le Courrier de Ia Sarre du 25 Janvier 1'9/.5. (110) Le Lorrain des 13, 14 et 15 Septembre1945' Cf' aussiA' EISELE : Aspects juridiques de l'épuration en Moselleet en Alsace" Ecrits de Paris No 47 - SeptembreL947. tzg.

Maître EISELE en arrive à Ia conclusionsuivante : ."L'épura- tion fut fantaisiste et incohérenteà I'origine déjà, et les jurés, incompé- tents, acceptaienttels quels des témoignagessouvent inspirés par une évi- denteanimosité personnelle" (110). Pour les communistesmosellans, "1'épurationest un véritable fiasco (...) on prend les petits et on laisse courir les grands" (111).

3. lag1âge 3qnlltlarye(l 12)

DevantIe mécontentementgénéral qui s'est installé dans les an- ciens territoires annexés, provoquépar une épurationmal conçueet mal entreprise, Ie Farlement, par la loi du 28 Août 7947,ouvre ta possibiiité d'une grâce amnistiantepour les condamnésà la dégradationnationale d'une durée de dix ans et moins. ToutefoisIes départementsalsaciens sont seuls concernés. Et I'opinion publiquemosellane étant à nouveaudivisée sur ce point, I'agitation reprend. A la séancedu Conseil Général du 23 Septembre7947 , le député TIlIRIET et d'autres personnalitésmosellanes affirment que cette loi a été votéeà la suite d'un amehdementdéposé par A.IbertSCHMIDT, députédu Bas-Rhinr QUêla grande nrajoritédes députésmosellans ont refusé d'ap- puyer. "De toutesmanières" poursuit-il, "en Moselle,le Comitéd'Epu- ration a jugé tous les cas individuellementet les sanctionsont été très mo- dérées(...). De plus, il ne s'agit pas de jeter Ie discrédit sur les magis- trats qui ont jugé ces affaires". Ainsi, le voeu émis par Ie conseil Général, à savoir que Ie béné- fice de la grâce amnistiantesoit accordé aux Mosellanscondamnés par une chambrecivique à une peineinférieure à dix ans d'indignité nationale, est rejeté par la majorité de cette assemÉIéedépartementate (113).

(111) La Voix de la MoseIIe du 1/r Novembre 19/+5.

Ql2) Cf.la définitiondonnée par P. SCHAEFFERop. cit - p.1'48.

(113) ConseilGénéral - séancedu 23 Septembre1947. 130.

une autre partie de I'opinion publique s'indigne de f injustice qui est faite en ne traitant pas,dans cette loi, la Mosellecomme les au- tres départementsannexés alors que celle-ci a autant souffert qu'eux pen- dant la guerre : "Cette absurdité donneIa mesure du soin avec lequel on se penchesur les problèmes, cependantinfiniment délicats, de I'apprécia- tion de la moralité politique de.sFrançais de I'Est" QlD. Ce point de vue est défendupar Me RAUSCH, représentantde Ia Moselleau Conseii Géné- ral. En France, la recherche de Ia concordepoursuit son chemin. L'objectif en demeure1'obtention du pardon élargi pour Ies fautes les moins graves. (115) La loi du 5 Janvier 1951 étendencore son domaine : C'est I'amnistie pour des faits ayant entraîné i'indignité nationaleà titre pririci- pal pour une durée n'excédantpas quinzeans (116), c'est I'amnistieaussi pour les Lorrains et les Alsaciens condamnéspour leur seul engagementdans une formationarmée allemande,à conditionque I'engagementsoit postérieur au 25 A,oîtt1,942, et que ceiui à qui it est reproché appartienneà une classe que les Allemandsont mobiliséeet ne soit accuséd'aucun crime de guer- re (117).

Nous Ie voyons, I'action gouvernementalen'est pas téméraire. La grâce amnistianten'est accordéequ'aux "lampistes". Le gouvernement français Er'intéresseplus particulièrementaux Alsaciens et aux Lorrains qui ont été forcés à un engagementdans les arméesallemands, et ceci avec des restrictions dans Ie temps. II exclut délibérémenttoutes les autres victimes "forcées" de I'annexion.

(114) A. EISELE oP. cit. P.25.

insti- (115) Journal Officiel loi No 51-38 du 5 Janvier 1951Portant amnistie, iuant un régime de libération anticipée et réprimant Ies activités anti- nationales; pp. 260 - 26I et 262.

(116) Loi du 5 Janvier 1951 Article l.

(117) Loi du $ Janvier 1951 Article 8. 131

Malgré les passions, malgré les 45.000 Mosellansinternés durant de longs mois dansles centres de séjour surveillé, malgré les carences Iégislatives et Ia justice transforméeen outil politiqueau service des ran- cunespersonnelles, l'échec de l'épuration en Mosellefait I'unanimitéde I'opinion publique.

La législation de la répression des crimes de collaboration, uniforme pour Ia France entière, ne tient pas comPtedu particularisme mosellantrès marquéen cette matière et provoqueI'amertume d'une opi- nion décontenancéeet divisée. L'échec de l'épuration ébranle le courage des Mosellansvictimes-civiles, QUeIa déiicate questiondes "dommages de guerre" et la réparation des spolitationsallemandes semblent atteindre davantageencore. r32.

Chapitre Troisième

La cuestiondes victimes civiles mosellanes

,f4 Moselleest le départementde France Ie plus sinistré" (1). L'opinion publique se passionne à Ia Libération pour les problèmes de "dom- magesde guerre" et de réparation des spoliationsqui la touchentde près.

Les sinistrés en Mosellesont nombreuxet leur souci majeur est la reconstitutionde leur bien. Les responsableslocaux tententde leur assu- rer un abri, avant I'hiver, mais craignent de ne Pas y parvenir par manquede matériauxnécessaires, et principalementde matériauxde couverture, verre et bois (22). Dès 1946, I'opinion publiquemosellane se plaint du manquede créditS. Les travaux n'avancentpas, beaucoupd'entre eux' Commencés,ont dû être interrompus. La grogne s'installe. Le député BAUMEL intervient : "11 ne faudrait pas qu'en raison d'une politique maladroite, Ia comparaisonen- tre 1'administrationallemande et 1'administrationfrançaise fut au désavantage de cette dernière" (3). Le gouvernementest harcelé par les députésmosel- Ians (4), I'Allemagneprise à partie (5).

(1) Le LORRAIN du L! Septernbre1945 - Interview du Maire de Metz, HOCQUARD. Q) Le LORRAIN du 19 Juillet 1945. - (3) J.O. AssernbléeNationale Constituante 19 Mars 1946 BAUMEL p. 815. U) Le député KRiEGER(Assemblée Nationale Constituante - Séancedu 1-9Mars Lgtr6p . 85D critique la lenteur des services du M. R . U . et cite ia loi du 17 Avril 1919sur les dommagesde guerre ouvrant droit aux réparations. sont considérés commedommâges de'guerre : les dommagescausés par actes de guerre proprementdits : combats,bombardements, etc... et les destruc- tioris, détério;ations, réquisitions impayées,dégâts ou dommages.occasionnés dansles logementsou cantonnements,piliages, enlèvementsopérés par I'ar- méed'occupation ou les organisationsrelevant de I'autorité de 1'ennemi. Le députéTHIRIET (Séancecitée pp. 856-857)parie au nomdes agriculteurs et invite ]e gouvernementà récupérer en Z.F .O. Ies chevaux, Ies vaches, les moutons,les voitures et les harnais que "Ie Bocheleur a pris et qui s'y trouvent encore". I1 critique lui aussi les rouagesde I'aCministrationqui fonctionnentmal.Cf . aussi, séancedu 9 Avril t946. (5)ArticleduLORRAINdu3Octobre19/,6,signédeJ'THIRIET,députédela Moselle, qui met I'accent sur la durée d'indemnisationdes sinistrés. "Ne . pourrait-on pas raccourcir celle-ci en faisant payer 1'Allemagne? Sans vouloir revenir aux vieux slogansde 1919 "I'Allemagnepaiera", il faut-que I'Allemagnepaie. Il est permis malgré tout d'espérer que dans le traité de paix, Ia France prélèvera en Allemagnetoutes les matières premières indis- pensablesau relèvementde ses ruines". 133.

''DOMMAGES LE PROBLEMEDES DE GUERRE''

En ce qui concerne la reconstitution immobilière' un total de 80.O0Odossiers donnantdroit aux dommagesde guerre est attendu(6), soit une valeur de reconstruction de 135 milliards de Francs 19480) ' Pour la reconstitutionmobilière on prévoit un total de 150.000à 20O.000dossiers' soit Ia valeur de 60 miitiards de Francs i948 (8). Les prévisions en matière d'agriculture sont de 30.000 dossiers (9), I'usure du matériel agricole évaluée à 600 millions de Francs 1948(10). Les dossiers de reconstitutiondes établis- sementsindustriels et commerciaux(11) ne font I'objet d'aucuneprévision (12)' mais le montantdes réparations et remplacementsà effectuer sur le matériel industriel est estimé à 3,5 milliards de Francs (13).

(6) Conseil Général 14 Juin 1946.

Notes DocumentairesN" 1039 déjà citées.

(8) Notes DocumentairesNo 1039 déjà citées.

(9) Conseil Général 14 Juin IgL6. Cf . aussi Ie LORRAIN du 8 iuin t946 et le LORRAIN du 25 Juillet 1946qui définit ciairementles attributions respectivesdu M.R.U. et de I'O.B.l.P. (Officedes Bienset intérêts Privés).

(10) Notes DocumentairesNo 1039 déjà citées.

(11) Chambrede Commerceet d'Industrie de Metz - Bulletin mensuelL946 1946' ule recons- p' gf it y est précisé que';par I'arrêté du !t+ Juin titution immédiatedes établiséementsindustriels et commerciauxsinis- trés par la suite de faits de guerre ou assimilés, peut être envisagée. torsqïe Ie montantprésumé des dépensesnécessaires à Ia remise en état totalè et définitive ne dépassepas 200.000 Francs (valeur 1939). Cf . aussi arrêté du 5 septeniuret9a6' ] 'o' du 17 septembrel9L6'

eD pierre CORTESSE, Les difficultés d'une administrationnouvelle Ia DéIégationdépartementale du M.R.U. de Ia Moselleet les problèmes qu'eùe implique Stage ENA DécembreL951, annexesstatistiques, tire un bilan à Ia fin de 1951: Nombrede sinistrés immobiliers 185.669 Nombrede sinistrés mobiliers 128.000 Nombrede sinistrés agricoles 65'000 Nombrede sinistrés industriels et commerciaux 1.7.17 4

(13) Notes documentairesNo 1039 déjà citées' 1'3/+.

Un rapport du DéIéguédu Ministère de la Reconstructionet de I'Urbanisme (M.R.U.) (i4), nousrenseigne sur I'état des demandeset Ie rendementdu service au 31 Juillet 1946. Le manquede personnelet de cré- dits affectentbeeucoup Ie travail de Ia DélégationDépartementôle. Ainsi, tout au long de 1946,Ia grogne s'est-elle installée dansles milieux mosellans et ils sont nombreux- touchéspar la guerre. Le députéTHIRIET résume bien la situation (15) : la Moselle souffre du manquede personnel et de cré- dits, et de I'incompétencegouvernementale (16). L'année L947 s'owre Par I'application de la loi du 28 Octobre Lg/.6QD. Les sinistrés mosellansvont enfin obtenir gain de.cause' et I'ad- ministration promet de faire un sérieux effort (18). Mais I'optimismeest de courte durée. Dès Mars, les bonnesvolontés sont anéantiespar I'insuffi- sancedes crédits (19). Pourtantil ne semblepas que la Moselle soit parti- culièrementdéfavorisée face aux autres départementsfrançais (20) : Ie pays

(LD Conseil Général 1946- Rapport du DéIéguéDépartemental du M'R 'U ' pP.77 et 78. Cf . annexeNo 12.

(15) Le LORRAINdu 23 Octobre1946.

(16) Surtout dans Ie domainelégistatif , assez ambigu. Cf . Ioi du 28 Octobre t946, N" 907, Ordonnancedu 8 Septembre1.945, et divers arrêtés d'Oc- tobre et Novembte I9/+5. La situatiôn se clarifie avec Ia loi No /15'2389 du 28 octobre 1946, applicableau 1er Janvier 1947.

QD La questionest aussi traitée dansAlain LETRANECet André BAUDOUIN: "Manuel Juridique et Pratique des Dommagesde Guerre" Paris DALLOZ 7952. Tous 1es détails sur cette loi importantese trouvent dans le MESSIN du 3 Janvier I9L7. Cf . aussi le LORRAINdu 20 Juiltet 1947 pour les dommagesde guerre en agriculture, et le LORRAIN du 9 Août t9a7 qui parle des dommagesde guerre pour les éIémentsd'exploitation industrielle, commerciale,artisanale et professionnelle.

(18) AssembléeNationale 1$ Juillet 1947 Raymond MONDON pp.32 à 35.

(19) AssembléeNationale 7 Mars 1947 THIRIET p.7tL Cf . aussi R. MONDONdébat cité.

(20) Conseil Général 1947 Séancedu 7 Mai 1947 - P- 293. 135.

entier connait des difficultés financières. Pour pallier à cet état de fait, les responsableslocaux émettent,le 10 NovembreL9l+7,' un emPruntdépar- tementalpour la reconstructionde la Moselle, d'un milliard de Francs (21). La mauvaisehumeur continue tout de mêmeà règner chez .!.essi- nistrés au cours de t948 Q2). Leurs ennuissont au coeur de nombreuxdébats parlementaires (23). IIs font les frais du manquede personnel et des difficul- tés de travail du M.R . U . QD .

Quatre ans après la fin de la guerre, Ies Mosellansmanifestent ouvertementleur déceptionet leur mécontentementdevant les maigres résul- tats obtenuspar Ia DéIégationDépartementale du M. R . U . sur le plan de Ia reconstructiondes dommagesde guerre (25)' L'opinionpubiique reconnait qu'un "certain travail a été accomplidepuis la Libération" mais que "tout a été entrepris sans véritable plan d'ensemble,sans que I'on ait tenu comPte d'un ordre d'urgence" (25). Ainsi, Ies régions productrices n'ont pas été en- tièrement reconstruites : "Si I'on croit que la Mosellea repris sa place d'avant-guerre parce que ça grouille dansles charbonnages"(25), 1e monde , agricole souffre encore des séquellesde Ia guerre : " rappelonsque des mil- liers de nos paysansvivent encore dans des baraqueset travaillent dans des conditionsinvraisemblables" (25). A qui Ia faute ? La réponse est toute trou- vée : aux politiciens d'abord : "s'ils avaient oeuvré avec Ie désintéressement

(2D Chambrede Commerceet d'lndustrie de la Moselle- Bulletin Mensuel 1947 P. 166. QD AssembléeNationale - 2 Mars 79/*8' Jules TI{IRIET p - L279. . cf 'aussi ie REPUBLIcAIN LoRRAIN du 16 Juillet 1948et du 10 Décem- bre i948. Qg Conseil Général t9/*8- Séancedu 19 Mai i948 - Les débats sur Ia recons- truction pp. I72 à 193inclus, font le point sur la situation créée en Mo- selle paf ie manquede crédits. Ct. aussi le compte-rendud'activité de I'AssémbléeGénérale de I'Union des GroupementsMosellans de Spoliéset Sinistrés.- 30 Janvier1948. QD Voir annexeNo 13. D'après : Conseil Général L9/*8- Rapportdu Délégué Départementaldu M.R.U. pp. 61.et 62. Complétépar le rapport du Con- grés Départementaldu Commercedes 4 et 5 Octobre 1948. Qû Le LORRAIN du 15 Février 1,9t+9.Article de Paul DURAND. Cf . aussi le rapport moral de I'AssembléeGénérale de la Fédérationdes Associations de-Sinistrés de la Mosellele 2 iuilleT.I9/+9; ainsi que Ie compte-rendu . d'activité de I'AssembléeGénérale de l'Union des GroupementsMosellarrs de Spoliés et Sinistrés du 22 Eévriet 19/19. 136.

et la foi de nos cul-terreux et de nos artisans, I'Europe nous montrerait du doigt pour nous citer en exemple" (25) ; à I'Etat ensuitequi n'a remis aux sinistrés "qu'un faible acomptequi, aux prix actuels, permet tout juste d'ache- ter quelquesmeubles en bois blanc" (26) ; aux municipalitésenfin, et au peu de sérieux qu'elles ont apportélors de I'établissementdes listes de priorité : "au train où vont les choses, nos arrières-petits-enfants en parleront enco- re" (26). D'ailleurs, pense-t-on, si I'Etat ne décidepas d'augmenterles cré- dits, il faudra vingt ans pour remettre Ia Moselle sur pied, mêmeavec Ie mil- liard de I'emprunt, "vingt ans pendantlesquels notre économierégionale ne pourra pas donner son plein rendement,vingt ans pendantlesquels' rancunes' aigreurs et revendicationsfausseront le magnifiqueéquilibre de nos gens, vingt ans que mettront à profit les pêcheursen eau trouble, politiques ou autres, pour se faire une ciientèIe" (27). Paul DURAND,I'auteur de cette série d'articles, a peur que I'on ne renvoie Ia liquidation de ces problèmes"aulendemain de Ia prochaineguer- re" (28). Il parle au nomde I'ensembledes sinistrés. Sa colère est celle de tous les Mosellansqui ont souffert, dans leurs biens, de Ia guerre : "Aujour- d'hui, nos gensveulent VIVRE, c'est là tout ieur probième"(29). Or, la vie quotidiennedes Lorrains reste encore largementaffectée par les conséquences de Ia guerre. La Mosellepâtit de la crise économiquequi sévit en France. Les . crédits pour les sinistrés, déjà restreints en L9/+8,le sont davantageencore en 1949, ce qui naturellement,provoque un tollé généralparmi i'opinion pu- btiquemosellane (30). Le rapport du DéIéguéDépartemental du M.R.U. (31)

(2O Le LORRAINdu 16 Février 1949. Article de Paul DURAND. Q7) Le LORRAINdu 17 Février L949. Article de Paul DURAND. QÙ Le LORRAINdu 18 Février 1949. Cf . aussi Ie LORRAINdu 22 Février 1"9/,9. Q9 Le LORRAINdu 23 Févrieî 1949. (30) Le LORRAiNdu 24Mai 1949cite Ia lettre de Robert SCHUMANau Minis- tre de la Reconstruction,d'où ressort la pénurie de crédits dont est af- fligée Ia Mosellepour 1949. Cf . aussi le LORRAINdu 20 iuin I9l*9' qui émet}es protestationsde 1'AssembléeGénérale des DéléguésCanto- nauxde 1'Associationdes Sinistrés Agricoles. Cf . aussi le LORRAIN du 4 Avril lgl+9, qui donnele compte-rendud'une Assembléede ia Fédé- ration des Associationsde Sinistrés de la Moselle, où de nombreuses protestationsont été formulées. Cf . aussi le voeu émis par.le Conseil bénérat Q9tr9 p. 112), mais surtout les débatslors de Ia séancedu 11 Mai 1,9/+9,qui nous renseignesur l'état de la reconstructionen Moselleet sur f indemnisationdes dommagesde guerre en 1949' (conseil Général L9/r9' pp. 180à 193incluses). (31) ConseilGénéral 1949 pp. 11I et L1'2. 1J/.

ne cache nullementles carences du service. I1 est conscient, avec ses fai- bles moyens, de ne pouvoir entreprendrede grandeschoses (32) : "Nous ne nous dissimulonspas que la déceptionest grande chez les sinistrés. Ses manifestationssont d'ailleurs nombreuses"(33). "Nous nè nous lasserons pas de signaler Ia faiblesse des moyensmis à notre dispo- sition en personnel, et correlativement, en crédit de fonctionnement"(34).

Mais la situationne cesse de se dégrader (35). En 1950, les élus locaux émettentdes protestationssans lendemain(36). Du raPport du DéIéguéDépartemental du M.R.U. en 1949, il ressort que le nombrede dossiers de bâtimentsagricoles financésen 49 s'élève à 249, alors qu'ii res- te encore, au 31-Décembre de cette mêmeannée, 58.724dossiers agricoles en attente (37). Il en est de mêmeporlr les autres catégoriesde dommages de guerre, les dossiers ne cessentde s'accumuler, et le personnelet les

Q2) 116agents seulementpour dépouiller 320.000dossiers. Restriction de crédits, restriction de personnel.

(33) Rapportcité P. 111.

QD Rapportcité p . 1L2.

(35) Conseil Général 1950. Service des dommagesde guerre. Rapportdu DéléguéDépartemental du M.R.U. pP.64 et suivantes. ' (p'a53) (36) Journalofficiel. AssembléeNationale Mars 1950 MoNDoN parle de la situationlamentable dans laquelle se trouvent les sinistrés mobiliers. Cf. aussi MONDONp- 2.477, Cf. aussi THIRIET p.2./156, qui affirmeque le premier acomptepermet "tout juste d'ache- ier une cuisinière". Cf . aussi SCHAFF p. 2.473, qui rappelleque les sinistrés attendentle vote d'urgencedes crédits. Cf. aussi le Con- seit Généralqui constateque Ia Moselleest en retard de deux ans sur les autres départementsfrançais en matière de reconstruction. Cf . aus- si procès verbal de I'AssembléeGénérale de Ia Fédérationdes Associa- tions de Sinistrés de la Moselle (23 Octobre 1950). Cf . enfin compte- rendu d'activités de 1'AssembléeGénérale de I'Union des Groupements Mosellansde Spoliéset de Sinistrés (3 iuillet 1950).

$7) Rapportcité p. 65. 138.

crédits de diminuer (38). La gravité de Ia situation est exposéedans Ie rapPort du DéIé- gué Départementaldu M.R.U. de 1951pour1950 (39). Une réorganisation partielle du service des dommagesde guerre est entreprise au cours de 1950, eIIe sera totale au Ler janvier 1951. Il ressort de ce bilan peu glorieux, qu'en ce qui concerneles bâtimentsindustriels'Ie service accusedes dettes énormesne lui permettantplus de régler de nouveauxdossiers. Un tiers seu- lementdes immeublesdétruits à moinsde 75 % ont été réparés définitivement au 31 Décembre1950, et87 % de ces immeublesont fait I'objet de réparations de première nécessité. Entre le 3L Décembre19/19 et Ie 31 Décembre1950' 2.646 immeublesont été réparés définitivement,soit I,8 % seulementdes im- meublessinistrés à moinsde 75 % (Voir annexeNo 14). En ce qui concerne Ies immeublessinistrés à plus de 75 %,Ia situation n'est guère plus brillante des 26.803immeubles totalement détruits , 7 % des bâtimentssont en cours de reconstructionau 31.L2.49, et7,3 % au 3L.12.50,soit uneaugmentation de O,3%. 1,5 % desbâtiments sont terminés au 3L.I2.49,3,5 % au 3I.L2.50, soit une augméntationde2 %. Le problèmeest identiquepour les logements (Cf. statistiquesjointes en annexeNo 15' tirées du rapport M.R.U. 1951 p.4D.

(38) Quelquesstatistiques livrées par le rapport cité P. 66 : Nombrede dossiersenregistrés au 3I/I2/48 -Tm-courant 49 au 3I/L2/Ir9 Dossiersmobiliers @ W Dossiersimmobiliers 58.450 9.969 68.tt9 x Dossiersagricoles étémentJd'exploitation 56.8t1 1.913 58.72t,"n Dossiersindustriels et commerciaux L/+.372 L.323 15.695 Dossiersservices publics 5.768 1.O/i3 6.811 Allocationsd'attente 2.204 732 2.936 Dommagesd'occupation 89.200 ')' 9.626 98.826 Dossiersallemands 28.000 1/+.000 42-Oo0

* 163dossiers financés ** 249 dossiers financés

(39) ConseilGénéral 1951. Rapportdu DéIéguéDépartemental du M.R.U. Service des dommagesde guerre Pp. 40 et suivantes. 139.

Pour ce qui est de la restitution des élémentsd'exploitation industriels, les statistiquestirées du rappori aela cité nous révèIent que 0,4% des dossiersont été liquidésdéfinitivement. Aucun dossier d'élément d'exploitationagricole n'a encore connud'aboutissement. La reconstitution du mobilier d'usage courant ou familial sinis- tré à 50 % au moins, est plus aisée, puisque66 % dessinistrés ont Perçu un premier acompte,et 31 % un règlementintégral (voir annexeN" 16). Les sta- tistiques concernantle mobilier familial sinistré à moinsde 50 %, et les meu- bles d'usagecourant, nousmanquent, mais il est fort probablequ'aucun dos- sier déposédans ces catégoriesn'a reçu d'indemnités.

Le Déléguédu M.R.U. conclut : "1a DéIégationapparaÎt très en retard sur I'ensembledes délégations,retard dû aux crédits insuffisants, non en rapport avec l'importance des destructions. Le personneldes domma- ges de guerre est nettementinsuffisant (...). Beaucoupd'agents ont effectué des heures supplérnentairesnon rétribuées" (40). On espèreque la reconstitutionimmobilière (reconstructions et réparations) sera effectuéeà peu près pour moitié, à la fin de 1953(41).

Un rapide coup d'oeil vers les annéespostérieures à l95L nous permet de constater que le remboursementdes dommagesde guerre, la liqui- dation de Iroccupationallemande et Ia réparation des dégâtscommis à Ia Libé- ration, auront été en MoseIIe, une opération de longuehaleine. Ainsi' en 1958, I'inaugurationdu Pont de Chambièreà Metz marquela fin de la recons- truction des ouvragesd'art de Metz, détruits par Ia guerre (42). En 1959' 90 % des dommagesde guerre sont liquidés, il reste à traiter 10 % des domma- ges de guerre familiaux(43). En 1963, ies 64 églises mosellanessinistrées par fait de guerre sont relevées de leurs ruines (/r4). En 1972, ll reste encore à reconstruire L6 pontsdans Ie département(45). Enfin, en 1977, près de

(40) Rapport cité p. I,L. (41) ConseilGénéral 1952. Rapportdu DéIéguéDépartemental du M.R.U. PP.57 et 58. (/.D Le LORRAINdu Ler Octobre1958. Gg Le REPUBLTCAINLORRAIN du 21 Octobre1959. (4D Le REPUBLICAINLORRAIN du 15 Novembre1963. (4Û Le REFUBLICAiN LORRAINdu 24 Février 1972. 1l+0.

cinq millions de Francs sont attribués à Ia Moselle pour la reconstruction des derniers ponts détruits pendantIa guerre : iI s'agit des ouvrages de Schneckenbusch,Grosbliederstroff, et de I'ancien pont de Malling à Thion- vilte (46).

Nous voyonsqu'en 1951, malgré la restructuration des services de 1a Déiégation Départementale, et Ie changementde titre du M. R . U . devenu Ministère de Ia Reconstructionet du Logement,beaucoup de chosesrestent à faire parce qu'il est difficile de faire face à tous les problèmesdans I'immé- diat après-guerre, et ceci en dépit de Ia tâcheaccomplie par I'Union des Grou- pementsMosellans de Sinistrés et de Spoliés dirigée par Maftre PATE. La fauteen incombeau M.R.U. et, en L$51,terminant son stage E.N.A. au sein de 1aDélégation mosellane du M.R.U., Pierre CORTESSEG7) fait part de ses constatations : "Le travail des servicesdu M.R.U. donneune impressionde confusionet d'incertitude" "Le personnelcontractuel ou temporairefait traÎner les choses en longueur" "Les crédits alloués au départementfurent inférieurs aux domma- ges enregistrés(...) I'insuffisancedes crédits affectéspendant cinq ans à la Reconstructiondu départementet 1'absenced'une conscienceprécise de Ia tâche qu'il fallait accomplir, ont placé peu à peu Ia Délégationdans une situa- tion très difficile vis à vis des sinistrés, dont chacunsentait reculer sans ces- se Ie momentoù il pourrait reconstituer ses biens".

(4O Le REPUBLICAIN LORRAINdu L6 Septembre1977 '

(4D pierre CORTESSE "Les difficultés d'une administrationnouvelle Ia DélégationDépartementale du M.R.u. de la Moselleet les pro- blèmesqu'elles impliquent. Stage E.N.A. Décembre1951- ' r(t.

Aspect complémentairedes dommagesde guerre, les spoliations allemandesen Moselle, par les situationsoriginales créées et par les règle- mentsdifficilement obtenus après 1945, passionnentI'opinion publiquemosel- lanc.

LA REPARATIONDES SPOLIATIONSALLEMANDES EN MOSELLE.

Là encore, la MoseIIetient une place que les autres départements français ne lui envientpas. En effet, elle est de beaucoup,le département français le plus spolié de 1940à sa libération (48)'

Le schémad'organisation complexedes services du séquestre allemand, I'enchevêtrementdes attributions de chacunedes sectionset sous- sections, et Ia pléthore de textes allemandsrégissant ces services, joints à Ia destruction des archives de comptabilitégénérale du séquestrede Sarre- brûck et de Metzpar les S.S. et les troupesaméricaines, ne facilitentpas Ia tâche des organismesde liquidation des spolitations, pas plus qu'ils n'avan- tagentles spoliés.

I. L'établissementdes droits des sLol!és

Les spoliés, revenusen Lorraine après Ia Libération, se trou- vent face à un problème dont la complexitéles dépasse. Pourtant, leurs revendications sont simples : ils veulent récupérer Ieur bien et percevoir

(4Ù Notes Documentaireset EtudesNo 1039 du 20 Décembre1948. I/12.

{rndédommagement (49), revendications qui ne Peuventmalheureusement pas être aisémentsatisfaites. Certes, depuisI'ordonnance du 12 Novem- bre 1943(50), et Ia déclaration solennellesignée à LondresIe 5 Janvier 19/*3par L8 états (51), et posantle principe de Ia nullité des actes de spo- liation accomplispar I'ennemiou sous son contrôle, un grand pas dans la reconnaissancede l'état de spolié a été effectué, mais il reste beaucoup à faire.

I . !e g b_a1e 1 I ig 4 1s ! u_te_ ry pgry t Lo g ds s_spo !i at i gt 1.

a) L'ordonnancedu L4 Novembre1944.

Cette ordonnance,portant première applicationde celle du 12 NovembreIg43, sur la nullité des actes de spoliationsaccompiis par I'ennemiou sous son contrôle (50), ne concerneque les biens non liqui- dés par les Allemands. Cette forme de spoliation est la plus répandue en Moselle,où, nousI'avons vu, les ventesn'ont pas Ie succèsescomp- té par les Allemands. Les gérantsou Ies K'v' (Kommissarischerver- walter) sont nomméspar la Gauleitungen attendantun règlementqui doit intervenir à la fin de Ia guerre. En principe, Ies propriétaires mosellans "rentrent de plein droit en possessionde leurs biens, droits et intérêts..." (52). Maisdeux cas peuventse présenter :

(4ù Archives Départementalesde la MoseIIe- ArchivesO.B.I.P. Série Q. Doctrines- Rapport ESMEIN : ia restitution des biens spo- liés dans ses rapports avec Ie droit communet les ordonnancesdes l-2 NovembreI9/r3, p Août 194/*,11 Avril 1945,21 Avril 1945et 9 Juin 1'9/-5. L'acte de spoiiationest un acte de dépossessionsans contrepartie ou du moins, ne compcrtantpas, pour Ie propriétaire, une indemnitésuffisante et équitable. Le plus souvent, celui-ci est purementet simplementdé- pouillé de ses droits. Remarque: Le premier et le plus important des àuvragesde synthèsepublié à cette époquesur les spcliations est : André-WEIL-CURIELet RaymondCASTRO "Spoliationset restitutions" Commentairethéorique et pratique de la légisiation relative aux spolia- tions - EditionsR.G. Paris Octobre1945. (p.512). G0) JournalCfficiel des 15 Novembret9L1+(p. 1310) et 3 Février L9L5 Bulletin Officiel de la Moselle, 30 Juin 79/*5. (51) Bulletin Officiel de Ia Mosetle30 Juin 1945en annexede I'ordonnancedu 12 NovembreI9/+3. $2) Ordonnancedu 14 Novembre1944 Article 1. L/+3.

- Si Ie gérant est présent au retour du propriétaire, il n'y a aucun problème, celui-ci doit restituer les biens (52), dans un déIai d'un mois. La restitution est constatéePar un procès verbal descriptif, énumératifdes biens remis et contradictoire (53). Il disposeensui- te de deux mois pour rendre comptede leur gestionou de leur liqui- dation (54). S'il a agi au mieux des intérêts du spolié, il peut Perce- voir des honoraires de gestion et de liquidation(55). Mais aucun honoraire ne pourra être retenu lorsque les biens n'auront pas été administrésen "bon père de famille" (55). - Dans le cas où le gérant est absent, et ne peut donc restituer les biens (56), le spolié les recouvre, et s'il ne veut pas renoncer à toute action en revendicationou en dommageset intérêts (57), est chargé de remettre lui-mêmeIe bilan et les inventaires aux Domaines.

En Moselle,où la majoritédes biensont été gérés par les K.V. ou des organismesallemands disparus à la Libération, le spolié ne Peut se retourner contre personne. Il entre alors dansla catégorie des spo- liés-sinistrés qui attendentun dédommagementde I'Etat français.

(53) Ordonnancedu 14 Novembre1944 Articie 4. $4) Ordonnancedu 14 Novembre1944 Article 6 qui précise que la reddition comprendobligatoirement : - urrétatès recettes et des dépensesréalisées au cours de 1'exercicede la gestion, accompagnéd'un rapport général de gestion ou de liquidation. - une liste des biens, droits et rntérêts de toute nature ayant fait I'objet d'actes juridiques, de transferts, de transactions, d'adjudications pu- bliques ou privées avec I'indication précise des nomset adresses des bénéficiaires ou acquéreurs. - une copie certifiée conformede I'inventaire établi au momentde l'entrée en fonctionset d'un exemplairede I'inventaire de restitution. ($5) Ordonnancedu 14 Novembre1944 Article 7. Un arrêté préfectoral en date du 7 Février 1945 stiPuled'autre Part, dans son article 8 que I'O. B.I.P. exerceraI'apurement et le contrôlede toutesles opérationsde gestion ou de liquidation prévues par llarticle 7 de I'ordonnancecitée. ($6) Ordonnancedu 14 Novembre1944 Article 9. Il évoqueIa non-restitution sans motif légitime des biens, droits et intérêts. Les peines encourues par le gérant sont celles de I'article /r08du code pénal (amendeet empri- sonnementpour abus de confiance). $7) ordonnancedu 14 Novembre1944 Article 10' Ltr4.

b) L'ordonnancedu 21 Avril 1945 (58), portant deuxièmeapplication de celle du 12 Novembre1943, sur la nullité des actes de spoliation accomplispar I'ennemiou sous son contrôle et édictantIa restitution aux victimes de ces actes de ceux de leurs biens qui ont fait I'objet d'actes de disposition, ne concerneen fait que peu de cas de spoiiations immobilièresou commercialesen MoseIIe(59), mais s'appliqueplutôt à des cas de spoliationsrnobilières. En raison des conditionsparticu- lières d'annexion,le départementest soumisaux mesuresprovisoires en matière de spoliations(60) prévuespar I'arrêté du Préfet de la Mo- selle, en date du 7 Février 1945(61). Le décret du 7 Juin 79115,relatif aux conditionsd'application de I'ordonnancedu 2I Avril met fin à ces mesures(62). Cette ordonnanceproclame que les actes de disposition accomplispar I'ennemi sont nuls de droit (63), et qu'il suffit aux proprié- taires de faire constater cette nullité pour reprendre leurs biens, droits ou intérêts "exemptsde toutes charges et hypothèques"mais avec "leurs augmentset accessions"(64). Ce principe sera la source de nombreux Iitiges (6t. Une deuxièmeordonnance portant troisième application de celle du 12 NovembreI9l+3, sur la nullité des actes de spoiiations accomplispar I'ennemi, sera prise Ie 9 Juin 1945(66) et concernera Ia nullité des actes, transferts et transactionsd'apparence légale, accom- piis avec le consentementdes victimes (67).

(58) Journal Officiel du 22 Avril 1945 p. 2283et Bulletin Officiel de la Mo- selle du 30 Juin 7945. (59) Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselle. Lettre du Président H. DE WENDELau Ministre des Affaires Elrangères et des FinancesIe 15 Octobre I9/+5. Compte-rendudes travaux 1'945. (60) Ordonnancedu 22 Avril L945. Exposédes motifs. (61) Décret du 7 Juin L945. .52) Journal officiel du 8 Juin 1945 P.3320. cf . aussi Bulletin officiel de la MoseIIedu 30 Juin 19/15. (63) Ordonnancedu 2L Avril 1945 Article 1. (54) Ordonnancedu 2L Avril 1945 Articie 2. (6s) RapportESMEIN op. cit. pp. 5 à 10incluses. (66) Journal Officiel du 10 Juin 1945. Cf . aussi Bulletin Officiel de la Mo- selle du 30 Juin L945. (67) Ordonnancedu 9 Juin 19/+5 Article 1 L1+5.

L'ordonnancedu 21 Avril 1945s'occr.pait déjà de cette ques- tion (68). Sous I'annexion, des personnesen instanced'expulsion ont préféré soustraire la plus grande partie de leurs biens à I'ennemi et les vendre à des gardiens sûrs (69). D:s parents ou amis des expulsés ont achetéIe mobilier pour Ie sauver. Des commerçants,chassés par les Allemands, ont réparti leur stock entre les commerçantsdemeurés sur place, à charge pour ceux-ci de le vendre à un prix irnposé(70). Souventaussi, le spolié a eu affaire à des acheteursPeu scrupuleux qui ont profité de la situation pour tout Payer à des prix scandaleuse- ment bas. A la Libération, le commerçantexpulsé revient, et demande l'annulationde toutes ies opérationsintervenues pendant son absence. Il peut alors se retourner contre les acquéreurset les faire condamner en vertu de I'ordonnancedu 2I Avril I9/r5 QI), non seulementau rem- boursementdu bénéficeréalisé, mais encore, au paiementde Ia valeur 19/*5de la marchandise,créant ainsi une nouvellecatégorie de spoliés.

11ressort de ces faits que la législation relative aux spoliations' en vigueur en 1945, présentebeaucoup de lacuneset aPPellecertaines mesurescomplémentaires pour y pallier

c) Les mesurescomplémentaires

C'est tout d'abord Ie cas des acquéreursde bonnefoi qui Protes- tent contre la présomptionde mauvaisefoi attachéeà leur quaiité, sou- vent obligatoire et certainementinnocente, d'acquéreurs de biens spo- Iiés (72). Ils ne peuventinvoquer le droit de rétention. Le propriétaire devra rembourser à I'acquéreur le prix versé ainsi que Ies intérêts (73).

(6S) Ordonnancedu 2l- Avril L945. Titre II. : actes accomplisavec le consen- tementde I'intéresséet relatifs à des biens, droits ou intérêts, n'ayant pas préalabiementfait I'objet de mesuresexorbitantes du droit commun. (69) Patrick scHAEFFER : L'Alsaceet I'Allemagnede 1945à r9l$ - centre de RecherchesRelations Internationales- Université de Metz no 8 Metz 1976. (70) Conseil Général du 14 Juin 1946. QD Ordonnancedu 2L,Avril 1945 Articles 11et 12. QD Ordonnancedu 21 Avrit 1945 Article 4. (7Ù Ordonnancedu 2L Avril 19/+5 Article 6. u6.

L'acquéreur doit apporter la preuve OD de son ignorance de I'origi- ne des biens lors de leur acquisition, ou de la contrainte qu'il a subie de Ia part de I'ennemid'acheter des biens spoliés. Il doit n'avoir re- tiré de cette opération aucun bénéfice industrieL ou commercial consi- déré commeillicite au sens de la loi (75). La preuve faite, et Ia qua- lité d'acquéreur de bonnefoi reconnuePar 1'ordonnancedu Tribunal Civil, l'Etat lui remboursera, au titre des dommagesde guerre, |a va- leur des biens enlevésou leur contre-valeur, déductionfaite des som- rnesdé jà perçues par I'O. B. I . P . Q t-). Au terme des ordonnancesprécitées, il s'avère que, dans la majorité des cas, le gérant ou I'acquéreur des biens mosellansest un Allemand, parti avec toutes les disponibilités(76). Cette situation qui comprometla reprise de Ia vie économiqueen Moselle Q7), est ré- glée juridiquement par I'article 7 de I'ordonnance du 2I AvrlL I9/+5 : "Si, à Ia suite de I'insolvabilité ou de la non-présencedes détenteurs, I'indemnitéen questionne peut être touchée, le propriétaire dépossédé recevra de I'Etat une indemnitédont Ie quantumet les modaiitésseront fixés en application des dispositions à prendre pour Ia réparation des dommagesde guerre". Le spoiié est doncdevenuun sinitré, et I'opinion publiquemosel- Iane, déjà fortementéprouvée par les difficultés de ia liquidation des dommagesde guerre, ajoute ce problèmeà Ia sommede ses revendica- tions.

Ql) Chambre de Commerce et d'Industrie de la Moselle Bulletin Mensuel 1947 p. 1'46.

QÛ Suivant I'ordonnarrcedu L6 Janvier 1945, sur Ies profits illicites.

(76) Et l'accord du 14 Janvier 1946 couvranttoutes les créances du Gouver- nementfrançais et de ses ressortissants contre Ie Gouvernementallemand issu de Ia guerre, fait obstacle à un recours direct contre Ies spoiia- teurs, sujets allemandsrésidant en Aliemagne.

Q7) Lettre de H. DE VrJENDELdéjà citée P. 30. TL7.

2 . L' o3i ni gn3 Lbliq g" g gse Ua n s La ge au-r!g !e qe gt SaI I q u r t lo a ds s grclntloAs allegaqdgs :

Les mesurescomplémentaires aux ordonriancesdes 14 Novembre I94L et 2L Avril l-945 n'apportent guère de satisfactions aux spoliés mo- sellans. Dès 1g/r5, un combatde cinq annéesva débuter entre I'opinion mosellaneet le gouvernementfrançais. Les élus s'élèvent contre I'anar- chie qui règne dans les ministères s'occupantdes spoliations. Ju1es THIRIET (78) affirme qu'aucunerestitution de chepteln'a été faite aux agriculteurs qui doivent emprunter pour remettre leurs exploitations en route. Il s'emportesurtout contre les tracasseries administrativesqui ne manquentpas. "Le paysanlui, ne se nourrit pas de formules creuses et de formulaires idiots". Robert SEROT (79) invite Ie Ministre des Finan- ces à rompre son silence et à se pencher sur Ie sort misérable des spoliés (80) mosellans "qui méritent qu'on s'occuped'eux". Le Conseil Général souligneque, des 25O.OOOdossiers de spoliationsà I'étude' 200.000 concernentdes spoliationsportant sur les meubles. I1 reste ainsi 50.000 dossiers concernantles immeubles, dont une grandepartie ne sont pas soumis à I'ordonnance du 21 Avril I9/+5. Avant la parution de la loi sur les dommagesde guerre du 28 octobre l-946, le conseil Générai et les Chambresde Commercede Colmar, Metz, Mulhouseet Strasbourg souhai- tent y voir inclure des textes favorisant la Iégitime réparation des préju-

Q8) Journal Officiel - AssembléeNationale Constituante 28 Décembre 1945 P. 472.

Q9 lournal Officiel - AssembléeNationale Constituante 31 Décembre l9/+5 p. 621..

(80) Conseil Général Séancedu 14 Juin 1946. 1.L8.

dices subis par les spoliés pendantI'annexion (81). Pourtant, 1'Union des Groupementsde Sinistrés et Spoliés n'approuvePas cet état de choses(82). Les spoliés ne sont pas victimes d'un sinistre de guerre, mais d'une mesureillégale, prise par I'ennemicontre leur personneet Ieurs biens. Ces biens n'ont pas été perdus, mais ont enrichi Ies spolia- teurs et c'est 1à que réside Ia différence essentielleentre le sinistré et Ie spolié. Dans la pratique, les spoliés ne veulent pas admettreque I'in- demnité pour la perte de leurs biens mobiliers soit soumiseau plafond de 2OO.OOOFrancs, envisagépour les biens mobiliers sinistrés. L'Union déposeune motionà cette loi, rappelantque "tous les dommagesnon réglés par la loi, subis par les spoliés du fait de la dépos- sessionde leurs biens, droits et intérêts consécutifsà I'annexionde fait d'une certaine partie du territoire français, seront réglés au titre d'un texte Spécial, à intervenir dans un déIai de trois mois à compterde Ia pro- mulgationde la présente loi". Le Gouvernementfrançais et les auteurs

(81) Texte du Conseil Général Séancedu 14 Juin 1946: "sera considérécom- me dommagede guerre, le préjudice subi par toute Personnephysique ou morale spoiiée, QUi, mêmeen I'absenced'actes de dépositionannulables en vertu de I'ordonnancedu 2L Avril 1945, aura été contrainte d'abandon- ner I'exercice de sa profession ou de son entreprise industrielle, commer- ciale ou artisanale ou agricole, en raison des mesuresgénérales ou indi- vidueiles prises par I'ennemi". Le texte des Chambresde Commercede Colmar, Metz, Mulhouseet Strasbourg est tiré d'un rapport établi par les bureauxde ces chambres, réunis à Metz le 21 septembre 7946' et remis à Robert SCHUMAN,Ministre des Finances : "Que Ies propriétaires dé- possédésde leurs biens à la suite des lois ou actes pris par les autorités àIlemandesou à leur instigation, seront restitués dans leurs biens, droits et intérêts, tels qu'ils existaient au momentde la spoliation, Quril seront en outre, indemni!éspar I'Etat dansla limite où, à cause de Ia non-présen- ce ou de f insolvabilité des détenteurssuccessifs, iIs ne pourront obtenir le remboursementintégral des domriragesauxquels ils peuvent prétendre en application de la législation relative à la nullité des actes de spoliation accomplispar I'ennemiou sous son contrôle. (82) Le LORRAIN du 3 Octobre 19/.6. Cette union est née de I'initiative du Pré- sidentde la C.C.I.M. MATHIEZ, quia réuni I'Industrie, le Commerce, 1'Agriculture et 1'Artisanat, pour étudier les différents problèmesposés parles spoliations. Les commerçantsont formé le groupementdes commer- çants Sinistrés et Spoliés. Maftre PATE a mis sur pied un Groupement des Particuliers Spoliés. L'ancien secrétaire général' BECOURT, nous a aimablementfourni un épais dossier sur les dommagesde guerre et spoiia- tions. Le but de I'Union est de prendre en mainsles intérêts perscnnels de tous les adhérentset de les défendredevant les diverses administrations. L/r9.

de la loi du 28 Octobre 1946, n'ont naturellementpas tenu comptede toutes ies objections et ce, malgré les manifestationsde mécontente- mentde 15.000 spoliés à Metz (83). lourtant, un premier pas en avant ver:sIe règlementde la question est fait. Les dommagesrésultant d'ac- tes de spoliationsouvrent droit à une réparation intégrale, dans Ia me- sure oi.rils n'ont pas été réparés conformémentaux dispositionsde l'çr- donnaricedu2I Avril L9/.5(8/.). Sur les points plus précis des dcmmagescausés aux biens cor- porels (immeubles,matériel industriel, stocks.. .) et biensincorporels (prélèvementsopérés dar,sles trésoreries par les séquestresallemands, revendicationsdes fruits et bénéficesversés.aux organismes allemands de séquestre...) Ia Chambrede Commercede irletz (85) reconnaftles efforts entrepris par le gouvernementfrançais, mais regrette certaines imperfectionsde Ia législation. De quoi s'agit-il ? Dansle cas des sinistres causésaux biens corporels, la loi du 28 Octobre 1946 (86) reconnaftque les dommages,Qu'ils résultent de spoliationscu de I'annexionde fait, constituentdes dommagesde guerre. DansIa mesureoù ces dommagessont'"certains', matériels et directs", et cù I'entreprise sinistrée reconstitueeffectivement son bien, Ia loi du 28 Octobre permet, pâr des indemnrtéspayables par acompteset des avan- ces à découvert,d'alléger le trésor du sinistré. Toutefois,la loi du 28 Octobre 1946restreint les droits des entreprises dont les biens ont fait i'objet d'actes de disposition, par rappcrt à I'ordonnancedu 2I AvrlI1945 qui dédommageentièrement les spoliés. De plus, certainesdispcsiticns peuveritêtre interprétées diversementet pas toujours à I'avantagedu spo- rié (87).

(83) Le LORRAINdu 14 Octobret947. (8D Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselle- Bulletin Merisuel 1.947p. 146 Loi du 28 Octobre I9L6 - Article 2. (85) Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselie- Builetin Mensuel 1947 p. I34. Iridemnisationdes Spoliationssubies par les entreprises industrielles et commercialesdans les départementsd'AIsaceet de MoseIIe. (86) Selon les dispositionsde I'articie 5. 8D Chambrede Commerc.eet d'Industrie de la Moselle- Textecité - p. 13L. 150.

Dans les cas très particuliers de liquidationde stocks, de verse- ment des bénéficeset de prélèvementsopérés dans les trésoreries par Ies organismesallemands de séquestre, la législation à appiiquer reste l'article 2 de I'arrêté préfectoral du l5 NovembreL945, qui prévoit la valorisation de ces sommessur Ia base de 15 Francs pour 1.Mark' et est subordonnéeà l'établissementd'un comptede gestion à soumettre àl'o.B.I.P. La critique la plus violente de la chambre de commerce de Metz, s'appliqueaux cas de perte de jouissance. En effet, dans les deux cas qui peuventse présenter, lrentreprise ayant été ou n'ayant Pas été I'ob- jet d'actes de disposition(88), I'ordonnancedu 21 Avril 1945qui prévoit Ia restitution des fruits par le spoliateur est très souventinapplicable en Moselleoù celui-ci a disparu dans la presquetotalité des cas. L'arti- cle 7 de cette ordonnancene met à charge de I'Etat que I'indemnitére- présentativedes dommagescausés par Ie fait ou par Ia faute du spolia- teur lorsqu'il est défaillant. Les fruits ne sont pas comPrisdans cette indemnité. La solution aura-t-elle encore cours dans cette loi spéciale annoncéepar le dernier alinéa de I'article 6 de la loi du 28 Octobre 1946, qui doit régler les dommagesspéciaux subis par les spoliés et résultant de }'annexionde Fait, ou convient-il plutôt de décider par un texte nouveau' que 1'articie 7 de I'ordonnancedu 21-Avrii 1945s'aPPlique aux fruits lors- que Ie spoliateur est insolvableou a disparu ? En Février 1948, Jules THIRIET (89) manifesteson impatienceet rappelle que ce texte iégis- Iatif devait être présentédans les trois mois, soit le 28 Janvier 1947 |

Les spoliés soulèventles mêmesproblèmes à la mêmeépoque, QU€ les sinistrés. Les reprochesadressés à Ia DéIégationdu M.R.U. sont identiqueschez cette catégorie de victimes (90), "trois cents ans seraient

(88) Pour valider cette information, iI convientde préciser que la Chambre de Commerceet d'Industrie de Ia Moselleveut faire assimiler les actes d'administrationà des actes de disposition, ce qui réduirait le problème à une seule catégorie de spoliés. (89) AssembléeNationale Séancedu 17 Février 1948' (90) Le LORRAiN du 22 Décembre1948 critique la lenteur dans le règlement des dossiers : manquede crédits, manquede personnel- 151.

nécessairespour régier nos dommagesmobiliers suivantle nouveau barèmedu M.R.U." (91). On comprendla colère qui monteface à la passivité des pouvoirs publics. Les expulsés-spoliésmosellans pré- cisent leurs revendicatinns(92), soutenus par RaymondMONDON, rap- porteur pour avis de Ia Commissionde la Justiceet de la Législation' qui souhaitevoir I'Etat devenir Ie garant des spoiiationslorsque le spo- liateur n'a pas été retrouvé (93).

Enfin, le décret N" 50-633du 20 Mai 1950(94), portant réglement d'administrationpublique pour I'application de la loi du 23 Avril 1949(95), portant appiicationdes articles 7 eT1,6 de I'ordonnancedu 23 Avril 1945 sur la nuliité des actes de spoliationaccomplis par I'ennemiou sous son contrôIe, et de I'article 6 de la loi du 28 Octobre L9/*6sur les dommages de guerre, met un terne à ia législation en matière de spoliations. L'Etat indemniserale spolié, mêmesi Ie spoliateur - quelle que soit sa natio- naiité - est introuvable ; "l'Etat est, danstous Ies cas, subrogéaux droits du spolié vis-à-vis du spoliateur" (96). L'article 3 affirme que toute lésion, spoliationou dépossessiondu fait de I'ennemiouvre droit au paiementpar I'Etat d'une indemnité de dépossession.C'est 1àune grandevictoire pour les spoliés des territoires annexés. Mais, adopté sans modificationpar Ie Parlement, il est vivementcontesté par les Ministères des Financeset de la Reconstruction,si bien que les Cham- bres de Commerced'Alsace et de Moselle craignentde voir échouer

(91) Le REPUBLICAINLORRAIN du 16 octobre 1948rappelle que ce barème trop complet- Ie spolié aurait dû présenter un inventaire détaillé oir rien ne ierait omis, pas mêmeune paire de chaussettes- avait été annulé, maisnon remplacé. (92) Le REPUBLICAINLORRAIN du 19Octobre I9/*8. (93) AssembléeNationale - 7 Avril 1949- p. 2183. (g/_) Chambrede Cornmerceet d'Industrie de la Moselle- Bulletin Mensuel- Juin 1950- pp. 7t+ et 75. (9s) Chambrede Commerceet d'Industrie de Ia Moseile- Bulletin Mensuel- Mai 1949- p. 68. (e6) Loi du 23 Avril 1949déjà citée Articie 1. L52.

I'ensembledu texte (97). L'oppositionde ces ministères s'exerce sur des points bien particuliers, tel le remboursementdes prélèvements opérés par 1'ennemisur les biens et les avoirs des spoliés (98). Après des mois de pourparlers et de démarches,les ministères consententà donnerpartiellement satisfaction aux Lorrains par Ie dé- cret d'applicationdu 20 Mai 1950. En ce qui concerneles indemnitésde reconstitutionet de dépos- session,celui-ci précise qu'il appartientau DéIéguédu M.R.U. de dresser un bilan de la spoliation et de déterminer si le spolié peut faire jouer Ia garantie de I'Etat (99). L'indemnitéde dépossessionest due pour la période s'étendant "du jour de la dépossessionjusqu'à la date à laquelle Ia personnespoliée a Pu rentrer en possessionde ses biens, et, au plus tard, au ler Juin l-946"(100). EIIe est fixée séparément pour chaqr:rebien d'un mêmespoiié (101), et est soumise à des barêmes établispar Ie DéIéguédu M.R.U. après avis d'unecommission dépar- tementaleQ02). Le remboursementdes prélèvementsn'a pas encore fait I'objet d'une déclarationde nuilité. Les indemnitésde remboursement sont précisées par une commission(103). Si une conversion du Reichs- mark en Francs doit avoir lieu, elle sera faite au taux de'15 Francs pour un Reichsmark(104).

(S7) Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselle- Bulletin Mensuel- Juiliet 1950- Exposéde MaîtrePATE.

(98) Loi du 23 Avril 1,949. Article 2.

(99) Décret du 20 Mai 1950. Article 3.

(100) Décretdu 20 Mai 1950. Article 6. 'I (101) Décretdu 20 Mai 1950. Article 7.

(102) Décretdu 20 Mai 1945. Articles 8, 9 et 10.

(103) Décretdu 20 Mai 1945. Article 18.

(104) Décretdu 20 Mai 1945. Article 23. 153.

On peut comprendreles sentimentsde désespoirdes spoliés mo- sellans après ces cinq annéesde lutte ! En effet, dans I'esprit du iégislateur français, la réparation des spoliations doit se fa,ire d'une manière identique pour tous les départe- ments. La méconnaissancede la situation particulière née de 1'annexion conduit, en Moselle, à une nette insuffisanceIégislative. Les ordonnan- ces des 14 .Novembre1944 et 21 Avril 1945, mêmecomplétées par Ia lor du 28 Octobre 1946sur les dommagesde guerre, ne font pas face à tous les cas qui se présententdans le département. Bien que le décret du 20 Mai 1950mette un terme à la législation en matière de spoliation, iI s'avère que le manquede crédits et de personnelfera traîner cette ques- tion durant de longuesannées encore, au détrimentdes spoliés, et ce, malgré la tâche énormeaccomplie par I'Office des Biens et Intérêts Pri- vésde Metz.

II. L'Officedes Bienset lntérêts Privés de Metz (O.B.I.P.)

, Issu d'un décret du 30 Décembre1919, pour faire face aux spolia- tionsnées de la premièreguerre mondiale, I'O.8.1.P., revenude Féri- gueuxaprès la Libération des territoires annexés, est chargé par le décret du 13 Décembre1944 et sous I'autorité conjointedu Ministère des Affaires Etrangèreset du Ministèredes Finances,de : - récr+pérerles documents,archives, titres, valeurs, objetsmobiliers et autres provenantdes organismesallemands de séquestredes biens français en MoseIIe, où qu'ils se trouvent. - classer les documentset archives par nature, reconstituer les dossiers par organismesallemandsr pêr arrondissementrpâr commune,par af- -fairerpour en faciliter I'étude généraleet particulière et, éventuelle- ment,la communicationou Ia restitution aux intéressés. - les diriger sur les autres administrationss'occupant des dommages subis du fait de la guerre directementou indirectement. - renseigner Ie public et les autorités administrativessur les mesures et dispositionslégales ou réglementairesrelatives aux séquestreset aux spoliaticnsdes biens, droits et intérêts français par I'ennemien Moselle. 1.54.

- recevoir et contrôler les comptesdes organismesallemands de ges- tion, ainsi que ceux des commissairesgérants, liquidateurs, adminis- trateurs, gestionnairesà un titre quelconque,des biens français spo- Iiés . - provoquerla nominationd'administrateurs-gérants provisoires des biens, droits et intérêts français abandonnés,ainsi que des biens, droits et intérêts allemandsdont I'existence serait révélée au cours des opérationsci-dessus décrites (105).

A la suite de nouvellesdispositions législatives, la tâche de l'Of- fice est encore accrue (106). II lui faut :

- communiguerIes documentsrécupérés aux administrationset aux parti- culiers intéressés. - recevoir Ies déclarations, tant des détenteursque des propriétaires de biens, droits et intérêts spoliés par I'ennemien appiicationdes lois et réglementsen vigueur. - recenser tous Ies biens spoliés ou pillés par I'ennemioù qu'ils se trouventr pour en contrôler I,a restitution s'ils se trouvent en France, pogr en assurer la récupération s'ils ont été transférés en Allema- gne. Faire mettre à Ia dispositiondes spoliés en général, les biens récupérés non identifiés, les livrer aux EtablissementsPublics ou à I'Administrationdes Domaines. - procèder, conformémentà Ia légistation en vigueur, aux régiements prévus en faveur des spoliés, de certaines sommesencaissées Par I'AdministrationAllemande des 5équestres.

(105) BulletinOfficiel de la MoselleNo 13 du 30 Juin 1945. L'O.B.I.F. de Metz s'est installée en Févriet 1945. Cf . aussi Chambrede Commerce et d'Industrie de la Moselle Bulletin Mensuel 1'946.

(106) l{OUCHONNAT O.B.I.P. : "Cinq annéesau service des spoliés de la Moselle" Metz Mars 1950. Cette plaquettenous renseigne sur la véritable missionde I'Office. 155.

l\

fournir à I'Administrationdes Domaines,au M.R.U., aux tribunaux, aux services de la Préfecture, tous renseignementssur la situation des biens séquestréspar I'ennemien vue de la déterminationdes droits des spoliés au.bénéfice de Ia législation sur les dommagesde guerre. recevoir à titre conservatoire, les déclarationsde créances franÇai- ses à.I'encontre d'organismesou de particuliers allemandsinstallés en Moselleau cours de I'occupation, ainsi que la déclarationde cer- tains dommagesdont f indemnisationn'est pas prévuedans 1'état de Ia législation sur les dommagesde guerre.

1. La régupé1alorr des documentset archives provenant des organismes allemandsde séquestreest une opérationde longuehaieine. En effet, I'Ad- ministration allemandea ouvert environ 340.000dossiers de séquestreen Moselle. Malgré les évènementsliés à Ia débâclenazie, aux destructions et rapatriementsen Allemagne, 12.000 dossiers seulementsont portés man- quants, et encore peuvent-ils être partiellementreconstitués grâce à d'au- tres sources de documentation(107). Par contre, la comptabilitégénérale des séquestreset de nombreuxfichiers comptablesont disparu (108). En 1950, I'Office peut affirmer que la récupération, le tri et Ie classementdes archives allemandessont terminés(109). 3/12.274affaires allemandesde séquestreont été identifiées au 3l- Décembre1950 (110). ElIes concernent plus de 70.000 patrimoinesdifférents. Le Service de Liquidationdes Sé- questrationsde Patrimoinespoursuit Ie travail commencéen 1950. Au 31 Décembre1950, /4.837affaires diverses se sont soldéespar une indemni- sation.

(1O7) PlaquetteO.B.I.P op. cit. p. 19.

(108) Rapportdu Délégué de i'o.B.t.P. rg4g.

(109) Rapport du Déléguéde I'Office 1951 Voir annexeNo 17.

(110) Pour suivre I'évolution de la récupérationdes documentsentre 1945 et 1950, se rePorter aux annexesNo 18 156.

Les spoliés ont Ia possibilité de consulter les dossiers altremandsà I'O. B.I.P. de Metz, et diversesadministrations peuvent se -lesfaire communi- quer mais sont tenuesde les restituer. Les déclarations de détentiùn souscrites au 31 Décembre1949 sont au nom- bre de 8.750 (111). On estimequ'environ 10.000déclarations ont été faites auprès des autorités de Ia zone française d'occupationNord (Sarre, Palatinat et Rhénanie) par des Allemandsayant acquisdes biens mosellans qu'ils ont transférés en Allemagne(.lLD. Le nombre des déclarations de spoliationsréalisées au 31 Décembre1951 est de 50.003, portant le mon- tant déclaré à 13.708.2/18.274Francs (valeur 1939)(113). L'office se piaint des grandesentreprises qui n'ont pas encore fait 1eur déclaration et s'attend pour L952 à une augmentationdu montantde 6 Millions de Francs 1939. A |a Libération, Ies neuf dixièmesde Ia fortune mobilière ont été séques- trés, pillés ou détruits . L'O. B. I . P . en organise la récupération et ins- talle d'importantsdépôts en MoselleQ1'Ô' Au 31 Décembrei95t' des biens correspondantà une valeur de 59I.662.056 Francs sont récupérés (115) et restitués à leurs propriétaires. L'Etat donnela statistique suivantepar nature de biens :

(111) Rapportdu DéIéguéde I'O.B.I.P. 1951. Cf. annexeNo 19.

(IT2) plaquette o . B. I . P . 1950 Elle souligneque les déclarations souscri- tes en Z.O.E. Nord ont étéexploitées par I'O.B.I.P. de Metz, et que celles souscritesenZ.O.F. Sud, I'ont étépar i'O.B.I.P. de Strasbourg. Cf . annexeNo 19.

(113) Rapportdu Détéguéde I'O.8.I.P.1952. On pourra suivre en annexeNo20 I'évôlution du nombre, du montant, et de la répartition géographiquedes déclarationsde spoliationsentre 1945et 1950 : graphiques.

(114) Brochure O.B.I.P. 1950 P.25. (115)RapportduDétéguéde1'o.B.I.P.1952.PourétatrécapitulatifParan- née de restitution et par provenance, se reporter aux annexesNo 2l- 157.

Nature des biens Nombre Valeur en ],938

Livres (unités) 385.895 31.395.865 Argenterie (lots) 920 72.887.808 Titres (lots) 278 rc.585.212 Mobiliers (lots) 16.972 r45.465.342 Biens industriels (lots) , L1.934 230.368.675 Biens agricoles (lots)- 5.591 89.L76.55/. Cloches(unités) I/+7 2.782.600

TOTAL 59t.662.056(116)

En sus des biens qui ont pu être restitués à leurs propriétaires, 42 lots de meubleset objets mobiliers représentantune valeur de 129.880 "Francs j,g49.,,classés non identifiables par Ia CommissionDépartementale de Clas- sement, sont remis aux Domainesen 1951, pour être vendusaux enchè- res (117). Alors que les récupérationsen AllemagneFédérale se déroulent sans Pro- blèmes(118), aucunerécupération de biens mosellansretrouvés en Sarre n'a encore pu être obtenueen 1951. 11existe notamment440 lots de mobi- lier mosellan, reconnusdepuis quatre ans, dont les autorités sarroises re- fusent la restitution tant que la questiondes biens sarroi,sen France

(116) Rapport du Déléguéde I'O. B . I . P . Pour état récapitulatif par nature de biens, se reporter aux annexesNo 22. graphiques. (117) Rapportdu Déléguéde I'O.B.l.P. La brochureO.B.I.P. i950 pubiie une statistiquede l'état. Voir annexeNo 23 (118) Il n'en a pas toujours été de même.La MoseIIea beaucoupsouffert du pil- lage de sés usines et de ses maisonspar les Allemandsau momentde leur déUâcte. Les lvtosellansveulent rentrer en possessionde leurs biens. Mais ces biens sont très difficilement localisablesen Allemagne' et Ia pro- cédure de récupérationen est très longue. (Voir à ce sujet Ia thèse de p. SCHAEFFERop. cit. pp. 56 et 57). Toutefois,le Mosellanne désarme pas. Le Président âe ia Chàmbrede Commerceet C'Industrie de la Moselle bf W6UOEL,fait remarquer aux Ministres des Affaires Etrangères et de la Production Industrielle (Lettre du 18 Juillet I9/+Û, que la reprise de I'activité industrielle en Moselle est liée à la récupération en Allemagne des matériels et produits industriels enlevés des usines mosellanesdepuis I}LL. L'auteur dèmandequ'un effort dans ce sens soit fait par les respon- sables français. Malgré quelquesrésultats encourageants(voir annexeO. B.I.p. N" 24) iI fauàra âttendre I'ordonnancedu 2/+Aoitt 1948du Général, . Commandanten Chef en Allemagne,pour que la Z .O.F. soit véritablement ouverte aux spoliés mosellans. Les récupérationsdans les zonesanglaises et américaine! se font, alors seulement,sans difficultés. 158.

nfest pas réglée (119). L'opinionpublique mosellane s'en montre très affectée(120).

de gestion des bie;" 2. _Le_ccnlrôJe_des_cojnpte_sdes organismes allemands français s'avère très difficile en raison du manqued'un personneltrès qua- lifié, nécessaireau traitementdes /r.757 dossiers parmi lesquels se trou- vent ceux de toutes les grandesentreprises sidérurgiqueset minières du département. En L949, cinq affaires sont contrô}ées, en L950' quatorze' etvingt et une en 1951 O2I). On estimequ'au Ler Janvier 1951, il reste encore !06 comptesde gestionà contrôIer et I.I84 comPtesde liquidation à établir O22). Un travail considérablea pourtant été accompli depuis 1,gL5. En1949, la constitutionde dossiers de spoiiationsdes mines de fer de Ia Moselleest terminée. Cette tâcheest facilitée par Ie fait que la ges- tion de la totalité des minesde fer a été, durant I'occupati.on'aux mains du DéléguéGénérat Paui RAABE- (Des bilans d'activité ont mêmeété dres- sés pour I94I, 1942et 194]) 02Ù. Par contre, la première phasedu plan de liquidation de ia gestionallemande n'a pas encore été menéeà terme pour toutes Ies usines sidérurgiquesde Ia MoseIIe. Le travail n'est guère faci- lité par Ies évènements survenus pendantI'occupatign qui entravèrent la bonnemarche des usines exploitées : I'U.C.P.M.I., la SociétéLorraine des Aciéries de Rombaset la Société'enCommandite par Actions de Hayange

(119)RapportduDéléguédeI'o.B.I.P.1952.LeLoRRAINdu]"2octobre 1948.

(120) Voir Ie MESSIN du 11 Juiltet 19/+6,Le LORRAINdu 12 Octobre 1948, Le LORRAINdu 13 Octobre1948, Le REPUBLICAINLORRAIN du 19 Octobre IgL1, et Ia lettre du Président de la Chambrede Commerceet d'lndustrie de la MoseIIeau Garde des Sceauxen date du 5 Juin 1952.

QzD Déléguéde I'O.B.I.P. 1,952. e22) Déléguéde I'O.B.I.P. 1951. L'ensembledes opérationsportait sur un mont;ntglobai de 216.330.317,47R.M. On trouveraen annexeNo 25 l'évolutiàn des statistiquesconcernant ce problème'

Q"29 Archives Départementalesde la Moselle Série Q Archives O. B - i . P . Séquestredkntreprises industrielles - Rapportdu Service 25 Juin 1949. 159.

(Les petits-fils de François DE WENDELet Cie) sont toutes gérées de Juiliet 1940à Février 19/,1par le DéléguéGénérai RÔCHLING. A la suite de Ia restructuration intervenueIe 20 Février 1941, Ies usines de Flagond.ugesont successivementdirigées par les "ReichswerkeHermann GOERING't jusqu'au24 Mars t9l*2, puis par Ia "Hiittenverwaltunghlets- mark G.m.b.H. der ReichswerkeHermann GOERING". Les usinesde Rombassont attribuées le 20 Févriet Ig/rL à Ia firme allemande Friedrich FLIcK de Berlin, et ceci jusqu'au2L Février L9/+2,où la "Rombacher Hûttenwerke" est nomméeCommissaire Gérant de l'entreprise. Le 31 Jan- vier 1.94L,les ReichswerkeHermann GOERING succèdentà Hermann RÔCHLING, dans la gestiondes Forges de Moyeuvreet d'Hayange- Le 24 Mars t9/+2,le mandatde commissaire-gérantest retiré aux Reichswerke HermannGOERING et attribué à Ia "HûttenverwaltungWestmark G.m.b.H. der ReichswerkeHermann GOERING", HauptverwaltungHayingen. En Mai L942, Ie Chef de la Zivilverwaltung donneI'ordre de centraliser sous une mêmedirection toutes Ies entreprises métallurgiquessous séquestre de la Moselle. A partir du 13 Mai L942Q2D et jusqu'à Ia Libération, le Regierungs-PraesidentFriedrich WENNERentre en scène. La gestion de WENNERcouvre Ies participationsdes sociétésdans d'autres entreprises mosellanesmais pas les immeublesqui sont administréspar des Commissai- res Gérantsdistincts. Ainsi que nousle voyons, I'établissementd'un rapport qui détermineles spoliations subies par les différentes entreprises métallurgiques,n'est pas chose aisée, et I'on comprendque les conclusionsde la liquidation de Ia gestion allemande - qui s'avère nécessaire, car elle seule permettra de connaîtreexactement, d'une part, les résultats de I'exploitation pendant I'occupation, et d'autre part, Ies augmentsou les pertes, et de faire ressor- tir les investissementsainsi que Ies élémentsfinanciers pris en charge par Ie Commissaire-Gérant,et ceux retrouvés à la Libération par Ia société spoliée - ne soient tirées qu'après 1951(125).

OzD A partir du 13 Mai I9t+2,pour la Société DE WENDEL,et du 21 Mai I9L2' par I' U.C . P. M. I . et la SociétéLorraine des Aciéries de Rombas.

Q2Û Archives Départementalesde la Moselle 5érie Q. Archives O.B.i.P. Séquestred'entreprises industrielles - Rapportdu Service Mai 1951. 160.

Quantaux' biens français sous séquestre, abandonnéslors de la débâcte allemande,ils sont repris par leurs propriétaires ou Pourvusd'un admi- nistrateur. Certains biens, appartenantà des propriétaires non-identi- fiés, sont provisoirementlaissés aux mainsde leurs détenteursdu rcntent, sous le contrôIe de I'Office, "en attendantla promulgationdu texte prévu par I'article 23 de I'ordonnancedu 21 Avril 1945, concernantla dévolution de tels biens", texte qui n'est toujours pas voté à la fin de 19/'9QzO.

3. Lliadgnnis_atlon.Dans un premier temPs, 1'arrêté Préfectoral du 16 No- vembre1945 ordonne le remboursementpar |e T.P.G. de la Moselle' sur Ia base de 15 Francs pour un R.M., des sommes'encaisséespar I'Adminis- tr.ationAllemande des Séquestres.C'est I'O.B.I.P. qui est chargéde viser les mandatsde valorisation, tâche rendue difficiie par la disparition de Ia comptabilitégénérale des séquestresallemands Q27). La situation se présente commesuit pour I'année 7951G2Ù.

Versementsaux spoliés : Nombre Mcntant . $a Loyers et fermages 993 10.550.233 E . $u Créances, ventesde titres ' etc. 296 3.46r.460F. $c Dividendesd'actions 1 13.455F.

Versementsaux acquéreursde biens spoliés zQ29)

$a Meubies 74 498.902r . $e Immeubles 30 8.302.503F. $g Biens industriels, commerciaux ou artisanaux 22 4.972.109F . Nombrede mandats r .4gr Montantordonnancé 54.398.66/rF .

QzO BrochureO.B.l.P. 1950 P. 28. (I2D Archives Départementalesde la Moselle- ArchivesO-B.I.P. - Série Q Lettre du 22 Février 1968du Dir*ecteurdes Impôtsde Ia Mosellequi an- nonceque le remboursementest définitivementterminé. Q28) Rapportdu DéIégué O.B.I.P . 1952. Pour suivre l'évolution de cette quèition, se reporter aux annexesNo 26. OZ9 Les acheteursdes biens de Lorrains disparus supportentun prélèvement ' de 10 % sur |e remboursement. Commeles Allemandsavaient obligé les intéressés à rembourser leurs créances hypothécairesau taux de 20 Francs pour 1 Mark, ceux-ci subissentune perte assez sérieuse. CÏ. Notes et Etudes DocumentairesNo 1108du 13 Avril 1949. Deuxièmepartie: Ies restitutions p. 15. 161.

Par ailleurs, l'indemnisationdes dommagessubis par les Mosellansest du ressort du M.R.U. et de celui du Service Liquidate.urdes Réquisitions Allemandesfonctionnant à la Préfecture. L'O.B.l.P. fournit les rensei- gnementsdestinés à Ia faciliter (130). Ainsi, renseigne-t-ille M.R.U. sur les circonstancesdes séquestrations ordonnéespar les Allemands, la qualité des spoliateurs, la cônsistance des patrimoinesappréhendés par le séquestre, Ia destinationdonnée aux biensquicomposent ces patrimoinesainsi que.la consistancedes biens ré- cupéréspar les propriétaires(131). Au 31 Décembre1951, I'O.B.I.F. a fourni 15.632rapports dont 2.555 concernentdes entreprises industriel- les commercialesou artisanales. Les autres dossiers fournis se rappor- tent aux biens mobiliers d'usagecourant ou famiiiat (132). Il établit des notes à I'usagedu Service Liquidateurdes RéquisitionsAllemandes, pour aider à I'indemnisationdes spoliés(133). Ainsi, au 31 Décembre1951, I0.377 no-tesont été fournies,.dont 2.673 à la demandede la Préfecture et 7.7OLà i'initiative de I'Office (134). L'Office s'occupeencore de Ia réception, à titre conservatoire, des décla- rations de créances françaises à I'encontre d'organismesou de particuliers allemandsinstallés en Moselleau cours de 1'occupation,ainsi que de Ia déclarationde certains dommagesdont f indemnisationn'est pas prévue dans I'état de la législation d'alors sur IeS dommagesde guerre. L'enre- gistrementdes déclarationsde créancesfrançaises s'éIève, au 31 Décembre 195r, à 1,32.136.355,09R.M. (135).

(130) Brochure O.B.I.P. 1950 p.31. Voir annexeNo 27: Schéma.

(131) Brochure O. B. I .P. 1950 p. 32.

Q3D Rapportdu DéIéguéde I'O. B . I . P . 1952. vbir annexe No 28 pcur évo- Iution : graphiques.

(i33) Brochure O.B.I.P. 1950 p. 33.

(134) Rapportdu Déléguéde l'O.B.I. P. !952. Voir annexe No 28 pour évc- lution : graphiques.

(135) Rapportdu DéIéguéde I'o.8.I.P. 1952' voir l'évolutionde cette ques- tiorr en annexesur tableaudétaillé No 29. t62.

Enfin, au cours de I'année1950, I'O.B.I.P. est chargéde I'instruction des dossiers constituésà Paris par des Mosellanset déclarés en appii- cation du décret du Ler Octobre 1939sur les "Biens Préexistants" et Ies ,'CréancesPréexistantes" (136). tTnedernière mission lui est confiée en 1951: des rapporteurs sont désignésparmi les agentsde 1'office, en exécutionde I'article 19 du décret du 20 Mai 1950r pour instruire les de- mandesde remboursementformulées par Ies spoliés. Au 31 Décembre1951' 610 demandesd'enquêtes et de rapports sont transmisesà I'O.B.I.P. et les rapporteurs fournissent233 rapports définitifs à la commissicnadminis- trative prévue par l'article 18 du mêmedécret, qui s'est réunie huit fois au cours de I'année, examinanT77 rapports et prenant 69 décisionsdéfiniti- ves (rJl/./4 ^-\

Les diverses missionsconfiées à I'oB.I.P. sontremPlies par un personnel contractuel recruté sur place, dont Ie nombre, atteignant 250 en 1,91+7et 1g/*8,est ramenéà 2OOen 1949, à 150en 1950, 125 au Ler Jan- vier 1951er 64 au 31 Décernbre1951 (13s). La suppressionde la Déléga- tion de I'O.B.I.P. de Metz se fera |e Ler Janvier1954, malgré les nombreu- ses interventions de personnalitésmosellanes (139).

III.gssrryle-{u-llss'-asJrsLS-"-LgS-TJlsS}g*{g-i-is-L'sr:9ctçL9g-b-

"GrossstadtMetz".

Nous avons choisi d'illustrer notre étudePar un exemplebien ca- ractéristique de liquidation de la gestion allemande. Grâce à divers

(136) Le rapport du Déléguéde I'o'B'I'P' 1951donne leur état au 31 Décem- bre 1950. Voir annexeNo 30. o3D Rapportdu Détéguéde 1'O.B.I.P. 1952' (138) Rapportdu Déléguéde I'O.B.I.P.1948, I9/,9' 1950' 1951et 1952. (139) Chambrede Comrnerceet d'Industrie de Ia MoselleC.R.T. 1954 pp' 43 à 46 incluses. 163.

concours(140), nous avonsPu obtenir des archives nous permettantde faire Ie point sur cette question qui préoccupe I'opinion publique messine dans les annéesd'après-guerre (1/-1). Par Ie rattachementà Metz de treize communessuburbaines : Montigny-lès-Metz,Ban-Saint-Martin, Plappeville' WoippY,La Maxe, Longeville-Iès-Metz,Moulins-lès-Metz, Saint-Ruffine, Scy-Chazelles, Saint-Julien, Vallières, Borny et Magny, I'autorité allemandecrée la "Grossstadt Metz" Q'42). Nous avons vu les mesuresprises par I'Ot'er- biirgermeister IMBT Q|g' Après Ie L6 octobre 194o, I'oberbiirgermeister KLEEMAN, son successeur, précédemmentOberbiirgermeister de Ludwigs- hafen-am-Rhein,y apporte de sensiblesmodifications administratives et financières, par I'introduction de Ia loi municipalenational-socialiste, le Ler Janvier Lg4LQ41+). La "DeutscheGemeindeordnung" bouleverse' en- tre autres, tout le systèmecomptable en vigueur ; la comptabilitén'étant plus tenue sur des manuelsreliés avec numérotagedes pages, mais sur des feuilles mobiles qui disparaîtront au momentde Ia Libération (145).

(140) C'est grâce au concoursde MM. GAILLOT, ancienSecrétaire Général de la Mairie de Metz, et TRIBOUT de MOREMBERT,ancien Archiviste de la Ville de Metz, que cette étudea pu être réalisée. La sidérurgie et les Houillères de Lorraine, présentantdes cas plus intéressants' ne nous onr pas autorisé à consulter leurs archives concernantles spolia- tions et tâ liquidation de la gestionallemande. Nous avons eu Ia chanbe de pouvoir dilposer d'une documentationqui nousa néanmoinspermis de dégàgerles grandeslignes de ta liquidation de la gestion allemandede Ia Grossstadt l\ietz Q,4D Pourtantles résultats statistiquegde la gestionnous font défaut. Aussi devons-nousnous contenter de suivre 1'évolutionadministrative et Poli- tique de cette affaire. QIrD Conseil Municipal- Séancedu 19 Juillet 19/16z Liquidationde'Ia gestion allemandede Iâ Ville de Metz sous I'occupationallemande de L940-t94/+. Q,lrg Rapportde Me Robert SCHAEFERdatant du 3 Juillet I9L6. Infra p.23 (ILt+) Ordonnancedu 10 Septembre1940 avec effet Ie ler Janvier 1941. (145) GeorgesSAMUEL "Aperçu de I'administrationde la "Stadt Metz" sous I'annexionde fait de 1940à L9tr4". !60'

Le budgetde la GrossstadtMetz présente, f.in1944, un déficit de 160 Millions de R.M . QlrO. Les attributions et acquisitionsde proprié- tés immobilièresprivées et autres (I47),les travaux de démolitiond'immeu- bles et 4'ouvragesainsi que I'enlèvementdes monumentspublics. qualifiés de travaux de nettoyageet d'embellissement(148), Ies acquisitionsplus ou moins désordonnéesde matériel, ainsi que les travaux dits "de défense passive,'Q/+g), les travaux de réparations d'immeublesprivés et pubiics atteints par les bombardementsaériens et tirs d'artillerie (150), et enfin, (151)' Ies travaux effectuésdans les immeublesoccupés par des crganesnazis ta N.S.D.A.P. par exemple,expliquent Ie lourd déficit qui s'inscrit au passif de I'autor.itéallemande. En outre, des particuliers français et aIIe- mandsdoivent de lourdes sommesà la Grossstadt Metz (J52)' Bien qu'en vertu de I'article 2 de 1'ordonnancedu 15 septembre Lg1lr, rétablissant la Iégalité républicainedans.les départements annexés, tous lesactes de I'occupantsoient nuls ou annulables,iI n'en subsistepas

Q,LO Le LORRAIN du 10 Novembre1945 rappelle que les Allemandsont aussi dépouitléla ville de 700 Millions de R.M. en capitaux'

(L4D GeorgesSAMUEL (op. cit.) rappelle que 45 propriétés apPartenantà des associationsreligieùses catholiqueset protestantes, à la communautéet au Consistoire I#aélites, ont été attribuées à des hôpitaux, aux hospices civils, et à des orphelinatsi 59 propriétés, aPPartenanJà_des expulsés, des sociétés,ou IiEtat Français: CàserneKRIEN, Ecole Frofessionnel- le, Chambredes Métiers, Cliniquede 1'Espérance,Refuge Sainte Marie, OrphelinatsSaint Josephet de Ia Providence,Caisses d'Epargne' ont été attribués à des orgànismesd'Etat ou privés allemands.La Grossstadt Metza cédé de nombreusespropriétés à I'Etat allemand: I'Ecole de Fii- Ies du BoulevardMaginot, lès bâtimentsde I'lnternat des Lycéesde Gar- et le LORRAIN çonset de JeunesFilles. Cf . aussi RapportSCHAEFFER du 7 Août L9/r6.

(148) Infra p.18

(I45ir RapportSCHAEFFER cité p. 3. Cf . aussile LORRAINdu7 Août 1946. L'Etat allemanddevait à celrrjet, une créancede 4 Millions de R.M. à la Grossstadt.

(150) RapportSCHAËFFER cité p. 3. créance de 1 Miliion de R.M. pour ces travaux.

(151) G. SAMUELop. cit. publie une longueliste de travaux exécutéspar les Allemands.

(G52) G. SAMUELop. cit. cite en exempleles dégâtscausés par la grêIe du 7 Juintgt+2. Le budgetde la GrossstadtMetz a Pqyé2 Millions de R.M. Pour ies réparations. 1,6 Millionsont été remboursés.I1 reste 400.000R.M. non-Perçus. 165.

moins une situation de fait très complexe qu'il importe de liquider dans f intérêt de toutes les communesconcernées (153). La ville de Metzfait i'objet de poursuites malgré sa volonté affir- mée en Conseil Municipal, lors de la séancedu 19 Juillet 194605D, de rejeter toutes les obligationscontractées par I'administrationmunicipale allemande. Elle proposeIa création d'un service de liquidation intercom- munal(155), agissant sous I'autorité directe du Préfet, et dont les princi- pales attributions seront (156) : - la fixation de la situation de Ia Caisse de Ia ViIIe de Metz à la date du 17 Juin 1940. - 1a détermination de la nature et du montantde I'apport de chacunedes communesincorporées dans Ie Gross Metz. - I'établissementdu comptede gestion de 1940qui ne I'a pas été,ainsi que ceux de 1941, /n2' 43 et 44. - le dépouillementet le tri entre les recettes et les dépensesfaites depuisle L8 Juin 1940, se rapportant à la ville de Metz d'une Part, séparémentà chacunedes treize communesen cause d'autre part ; de mêmeque l'établissementd'une situation financière active et passi- ve distinctes par commune,à Ia date du 1er Janvier 1945.

(153) Au point de vue financier surtout, iI s'agit de rendre leur autonomieaux communesincorporées. Qpérationtrès délicatequi exige un dépouillement très consciencieuxdes archives de la Stadthauptkasse,caisse unique qui a pris en charge I'actif des communesde la Grossstadt. La répartition ét la iestitution des fonds par communesne peuventse faire avant Ia ré- cupérationde ces fonds spoliés par les Ailemandsle 31 Août I94/+, soit la sommetotale de 454.400.000 "Francs 1945". (154) RapportSCHAEFFER déjà cité pp.2 et 6 (Cf. aussiLE LORRAINdu 3 Aoti 1946): "Noussavons queles créanciers, les fournisseurs, Ies spo- 1iés, s'adressentà Ia Ville de Metz. Nous savonsque les spoliationsdont a bénéficiéla "ville" sont revendiquésenvers la Viiler pôrc€ que I'ins- cription au Livre Foncier est au nom de Metz, alors que ce.n-'9stpas notre villi , mais la création allemandedu Gross Metz, qui en a été le bénéfi- ciaire. Ainsi, notre ville est actionnéeaujourd'hui devantles Tribunaux pour Ia restitution d'immeublesqui lui ont été attribués pendantI'occupa- tion, et qui sont situés à Moulinset à Scy". (155) Rapport SCHAEFFER cité - Motionpoint 3 - La ViIIe fournira le personnel et iés locaux. Les frais d'administrationseront prélevés sur I'actif récu- péré, et seront répartis au prorata de la populationdes communesintéres- ;ées tel qu'il résulte du recensementde 1936. (156) Rapport SCHAEFFER pp. 6 et 7 Motionpoint 5. 166.

- Enfin, |e recouvrement de 1'actif , f imputationet la liquidation du passif et la répartition entre Ies communesintéressées de I'actif net éventuel. Devant ]a lenteur de la constitution de I'organisme de liquidation' le Conseil Municipal, lors de la séancedu 25 Octobre 1946(157)' rappeile la désastreusesituation financière de la Ville de Metz, rejette à nouveau toutes les obligationscontractées par I'autorité allemande,et demande I'intervention de I'autorité de tutelle auprès du pouvoir central pour un rè- glementplus rapide de la gestion allemande(158). Le Conseil Général s'empare, à son tour' de la question(159)' et proposeia création d'un "SyndiCatde communes"pour trouver un "suc- cesseur ayant une existencelégale et possédantune personnalitémorale". Mais, face au refus de quatre communes: Borny, Saint-Julien, Vallières et Ban-Saint-Martin, d'adhérer à ce syndicat(160), une autre solution est proposée: Ia mise sous séquestrede Ia GrossstadtMetz et ia désignation d'office d'un liquidateur (160). Cette formule ne semblepas être Ia meilleure' si l,on se fonde sur I'expérience de Ia Ville de Thionville. En effet, pêr une ordonnancedu 8 Mars 19/16,leTribunal de Thionville a placé Ia Stadt Gross-Diedenhofensous séquestre, chargeant1'Administration des Domaines de Ia liquidation (161). Outre la violation du principe de la séparationdes pouvoirs, essentiel en droit français, I'affaire de Thionville n'a fait que provoquerla colère des Ministères des Financeset de I'Intérieur, ainsi que celle des services extérieurs qui s'y rattachent. Le problèmefondamental, qui est le remboursementdes parties lésées, n'y apparaÎt que secondaire- ment.

(157) DéIibérationsdu Conseil Municipal de Metz - Séance du 25 Octobre 19/16'

(158) Douzeprocès en instance sor,t engagés contre la Ville de Metz.

(159) Conseil Général 1'9117p. 78.

(160) ConseilGénéral I9/*7 Séar:ce du 6 Mai I9tr7.

(161) Rapport SCHAEFFER cité P. 5. 167.

Finalement,la première solution est adoptéePour Ia Ville de Metz, et la liquidation des comptesdes quatorzecommunes ayant cons- titué, pendantla guerre, la "Grossstadt Metz", confiée à un syndicat regroupanttoutes les communesconcernées. Au sein des services fi- nanciers de la ville, un fonctionnaireest spécialementdésigné pour régler cette liquidaticn qui se termine en 1958Q62).

La questiondes réparations et les spoliations, malgré des efforts de I'O.B.I.P. de Metz, errtravéspar le manquede crédits et de person- nel, préoccupeIa plus grande partie de Ia population mosellane atteinte, entre 1940et L94lrPar les mesuresd'expulsion et de trans- piantation. Ses revendications,appuyées par ies éIus locaux, aboutis- sent en Mai 1950, après cinq annéesde iutte, à un décret destiné à ré- gier dé,finitivementcette question. Mais, de mêmeque Ia liquidation de la gestionallemande de la GrossstadtMetz connaftdes difficuités de toutes sortes et ne se termi- ne qu'en 1958, les réparations des spcliations trainent en longueur malgré te déiicat travail de classement,de reriseignement,de récupé- ration et de liquidationaccompli par I'O.B.I.P. de Metz

O6D Lettre de I'ancien Secrétaire Général de Ia Mairie de Metz GAILLOT en date du 30 Novembre1976. Les résultats statistiquesne peuvent être communiqués. 168.

LES REVENDICATIONSDES VICTIMES DE LA REPRESSION ALLEMANDE,INTERNES ET DEPORTES, APRESLA GUERRE.

La rareté de la documentationaccessible existante à ce sujet' nous contraint à restreindre cohsidérablementce paragraphe que nous aurions souhaitéplus étoffé. Les revendicationsdes Mosellanss'exercent au sein d'associa- tions créées à cette fin après la guerre . Au nombred'une cinquantaine,dont une bonnepart existe encore aujourd'hui malgréles regrouPementsen unions, fédérationset en famillespolitiques,elles sont dominéespar d'eux d'entre elles qui ont retenu notre attention : I'union Nationaledes Associationsde Déportés, Internéset Famillesde Disparus(I'U.N.A.D.I.F.) et Ia FédérationNationale des Déportéset Internésde la Résistance(la F.N.D.I.R.P.). Noussouhai- tions connaftreles revendicationsd'indemnisation et autres reconnaissances de droits des victimes de la répression allemande.Nous avonsdonc cherché à re- tracer Ia lutte menéeà ce titre par ces différentes associationsau cours de la période qui nousintéresse, et les résultats obtenusentre 1945et 1951. Déçu par notre première démarche,le dépouillementd'une presse troP avare de com- mentairesà ce sujet, et sur les conseilsde Marcel NEIGERT, spécialistede ces questionset auteur d'une thèse qui leur est consacrée(lnternements et Dépor- tationsenMoselletg/,}-lg/*Û,nousnoussommesadressésauxresponsablesdes associations: JeanCUELLE, Frésident de I'U.N.A.D.I.F. et du Comitéde Coordinationdes AssociationsPatriotiques de Ia Moseile, et le Docteur Léon BURGER,responsabte de la F.N.D.l.R.P., et auteurd'un certain nombre d'ouvragesà la mémoiredes martyrs mosellansde I'occupationnazie ' Tous deux sont tombésd'accord pour affirmer que la période qui s'étendde 1945à 1951se prête mal à cette étudedes revendicationsdes victi- mes civiles de I'annexion. En effet, les associationsmosellanes ne se mettent surpiedqueforttardivement'enlg46Pourlaplupart'etnePeuventfonctionner efficacementqu'àPartirdeI947-/rS.Lagrandemajoritédesvictimesrentre alors, très diminuéphysiquement et moralement,des camPset des prisons' et le souci immédiatde ces associationsest de faire examinermédicaiement les que rapatriés. par Ia suite, elles s'occupentCe problèmes prioritaires tels I'ouverture d'un orpheiinat à Novéant, la quêtede fonds destinésaux familles rapatriées les plus démunies' etc. . . 169.

Tout ce travail au caractère urgent, ne laisse que Peude temps au combatmené sporadiquementpour la reconnaissanced'un statut uniquede la Déportationet de 1'Internement,et pour I'assimilationdes prisons et camps - d'Alsace et de Moselleà ceux d'Allemagne(circulaire du 3 Mai 1947 réunion du ComitéDépartemental F.N.D.I.R.P. - compte-rendude la réunionentre le secrétairegénéral de la F.NrD.I.R.P. MoselleARCHEN, et les ministres SCHUMANet .MITTERRAND. D'autresrevendications de 1'U.N.A . D. I' F' et de la F.N.D.1.R.P. sont inscrites à I'ordre du jour de différentesréunions, mais nous n'en trouvons malheureusementplus trace, les comptes-rendusen ayant été perdus ou détruits. II ressort des diversespubiications qui subsistent,QUê I'U.N.A. D.I.F. souhaitevoir I'aspectparticulier de Ia Résistancemosellane reconnu par les pouvoirspublics, alors quela F.N.D.l.R.P. s'attacheplus particuiiè- rement à I'arrestation des criminels de guerre et à leurchâtiment par les tri- bunaux. Mais c'est autour de la loi du 6 /roût I9/*8, instituant Ie statut des Déportéset Internés de Ia Résistance,et de Ia loi du 9 Septembre1948, défi- nisssant le statut des Déportéset Internés Foiitiques, QU€s€ cristallisent leurs revendications. En effet, ainsi queI'indique la brochurede I'U.N'A'D'I 'F ' (92 pages- tg5D, Ies deux statutsengendrent des inégalités insupportables aux victimes civiles, et ceci non seulemententre DéportésPolitiques et Dépor- tés Résistants, mais encore entre Internés et Déportés, devantle droit aux ré- parations. Le 27 Décembre1954, un décret crée le statutdu Patriote Résistant à I'Occupation(P . R .O .).

C'est surtout après 1951que se déroulentles grands combatspour l'égalité des droits entre Ies Déportés et Internés de la Résistance, les Dépor- tés et Internés Politiques et Ies Patriotes Résistantsà I'Occupation. La loi in- MONDONdu 1g Juillet 1954, reconnaftles droits des Lorrains et Alsaciens carcérés ou déportésp-irr désertion et insoumission,et ceux des parents qui Ies ont aidés.

De nos jours encore, et malgré de nombreusesdémarches, malgré aussi d'importants succèset l'abcutissementde multiplesrevendications, des r70.

divergencesessentielles, d'ordre politique surtout, subsistententre les diver- ses associations,comme le montrele numérospécial du "PATRiOTE RESIS- TANT" de Mars 1975, intitulé "Des annéesde lutte pour Ie droit à réparations des Internés et des P.R.O.", et il semblebien illusoire d'espérer un accord parfait entre ces groupementsmosellans.

DépartementIe plus sinistré et Ie plus spolié de F rance, la MoseIIe réintégrée à la CommunautéFrançaise doit faire face à I'importante question des revendications des victimes civiles de la guerre et de I'annexion de fait. La problèmedes "dommagesde guerre" et son aspectcomplémen- taire : Ia réparation des spoliations, font règner un grave malaise parmi Ia grande partie de la population concernée par la législation française déficiente et par le manquede crédits et de personnel. La coière de la popuiation,appuyée par les protestationsvéhémentes des éIus mosellanset le travail considérable effectuépar la délégationdépartementale du M.R.U. et surtoutpar I'O.B.I.P ' ' ne pallieront pas à I'incompétencedu gouvernementqui s'obstine à vouloir trai- ter les départementsannexés d'Alsace et de Lorraine commeIe reste de Ia France. Les victimes civiles de la répression allemande,résistants de la première heure' ne seront pas mieuxloties. Dans ces conditions, eu€ peuventattendre les Malgré-Nousmosel- Ians, contraints à servir dans1'armée allemande, de la générositéfrançaise ? L71.. Chapitre Quatrième

Le dramedes Mal.qré-Nous.

A la recherche des non-rentrés.

La fin de Ia guerre permet Ie rapatriement des prisonniers mosel- Ians détenusà I'Est et à I'Ouest. L'opérationen est impatiemmentattendue par Ia populationlorraine. Dès Février L9t+5,lesresponsables locaux font pression sur Ie gouvernement. Robert SEROT, députéde Metz et président du Conseil Générat, dans une lettre au Général de GAULLE(1), s'inquiète des mesuresde sauvegardeenvisagées par le gouvernement. Gaston PALEWSKI,Chef du Cabinetdu Généraide GAULLE,répond que tout est mis en oeuvre pour sauver Ies Alsaciens-Lorrains (2). En réalité, le rapatriementdes Lorrains et des Alsaciens prison- niers en U.R.S.S. posed'énormes problèmes. La recherchedes prison- niers dans les très nombreuxcamps dispersés dans ce vaste territoire est freinée par Ia bureaucratie et les entraves à Ia iiberté de circulation. L'autorité française doit d'abord constituer des Iistes d'après évaluations. Ainsi estime-t-elle de 20 à25.000, le nombredes Malgré-Nousrestés aux mainsdes Russesdont 8.OOOdans le seul campde Tambow(3).

Pendantce temps, près de 2.000 enquêteursfrançais visitent les (3). campsde prisonniers allemandsgardés par les Anglais et les Américains

(1) Le LORRAIN 9 Février l9/,5.

(D De difficiles négociationsdurent depuis 1942' entre les gouvernements français et sovi?tique, au sujet du rapatriementdes incorporés de force. Un accord destinéà favoriser le retour des prisonniers intervient Ie 29 la France Juin 1945. Pourtant les résultats positifs restent peu nombrelx, n'ayant aucunmoyen de s'assurer du respect de I'accord par les Soviétiques.

G) Le LORRAIN 20 SePternbre1945. L72.

'l

La recherchedeS Alsaciens-Lorrains, Iâ encore, n'est pas aisée. D'une part, parce que les Allemandsfalsifient les listes pour dissimuler leur présence, d'autre part, parce que nombred'entre eux se disent Alsaciens- Lorrains afin de bénéficier d'une libérati-onimminente. les Français visi- tent les campsde prisonniers allemandsen Pologne, le rapatriementsemble y être en voie d'achèvement. Dès la fin de lglr5,les Malgré-Nousdétenus dans les camPsaméri- cains et anglais sont rentrés. L'opinionpublique se cristallise alors sur le cas de ceux qui ne sont Pas revenus de Russie (4). Avant Ie départ de la missionmilitaire pour I'U.R.S.S. conduitePar Ie GénéralKELLER' la Direction Départementaledes Prisonniers de Guerre, Déportéset Réfugiés' recense ies Malgré-Nousnon encore rentrés (5). A la mi-Octobre, le res- ponsablede la mission emporteaveclui une liste de 8.000 nomsde Malgré- Nous mosellans(6). Fin octobre, la presse messineannonce que, dlaprès Ie GénéralKELLER, il n'enreste plusaucun en U.R.S.S. Q). La nouvel- le est accueillie avec angoisseen Moselleoù I'on déplore encore beaucoup d'absences. En Mars 1946d'ailleurs, une liste complémentaire(8) de 15.000 nomssera établie, à Ia suite des omissionsqui se sont glissées dans les états dresséspar les maires. Le désespoir de la populationmosellane s'accentue. Le Conseil Générat émetIe voeu d'obtenir Ie rapatriementtrès rapide des Malgré- Nous (9). L'Association des Maigré-Nousde la Mosel}epublie un bulletin

(tr) Les statistiquesdont nousdisposons englobent indistinctement les Lorrains et les Alsaciens. 11est très difficile de connaÎtrele nombreprécis des Mal- gré-Nouslorrains qui ont effectivementcombattu en U.R.S.S., de mêmeque Ë nombrede ceux qui y ont été tués (on I'éva1ueà I/3 des combattantsAIsa- ciens-Lorrains), le-nombrede ceux qui sont rentrés en 1945et enfin, le nom- bre de ceux qui sont encore détenussur Ie territoire soviétique' , , (5) Le LORRAIN 28 Septembre1945, demandeaux parents de venir recenser les absentsaux mairies-dudépartement les 3, 4 et 5 Octobre 1945.

(6) Le LORRAIN L9 Octobre 1945.

(D Le LORRAIN 31 octobre 1945' Le LoRRAIN du 20 octobre 1945annonce que l.L6O Alsaciens-Lorrains venantde Tarnbow,sont arrivés en gare du l'lord.

(8) Le LORRAIN 13 Mars 19/,6.

(9) ConseilGénéral, voeuNo 88, 17 Juin 1946. 173.

iænsuel à partir d'Août 19/16: "MALGRE-NOUS" dont 1'édition est diri- géepar Charles SPITZ. Son but est de renseignerles familles des MaI- gré-Nous sur leurs droits et de retrouver les absents. Dans sa rubrique "Recherche", le journal publie la photographiedes disparus et tous les ren- seignementsqui peuventservir à les identifier. Le Colonel MARQUIE, autre responsablede la Mission, est ênvoyé en Moselle pour calmer les esprits. Il s'expliqueà Metz(10)' et définit son rôle : "d'abord, faire reconnaftreI'Alsace et la Lorraine aux Sovié- tiques par Ie moyende I'ETOILE ROUGE, lue et commentéeen 37 langues dans les camps, les hôpitauxet les régiments; ensuite, dépister les faux Alsaciens-Lorrains". 80 % des prisonniers allemandsse prétendentAlsa- ciens-Lorrains' Le colonel affirme qu'au 15 Mai 19/"6' L7 '3r9 Alsaciens- Lorrains ont été rapatriés de 800 camPs,et que, bien que tous les camps n'aientpu être visités, il reste moinsde 1.000Malgré-Nous en U.R'S'S' L'opinionmosellane n'est pas satisfaite par ces expiications. La Presse sem- ble cultiver le mécontentementde ia population. Le LORRAIN rétcrque que (LL), 55.OOOLorrains et Alsacienssont toujoursabsents dcnt 18.000pour (13) la seule Moselle(12). On s'engagedans une bataille de chiffres qui aboutit dans Ie départementà une sévère critique de la Mission. Mais que peut-elle faire ? "Pour récupérer les 55.000 disparus, les Français ne disposentque de 1-4officiers de recherche" (14), Ies résultats restent

(10) Le LORRAiN 1.2Juin 1946.

(11) Le LORRAIN L2 Juitlet 1946- MARQUIErépiique que ce sontles morts de la guerre.

(r2) Rappelonsque I'incorporation ne toucherapas plus de 16.000Mosellans.

(13) Voir à ce sujet F. SCHAEFFER (op. cit. Pp. 28 et 29)'

(14) Le LORRAINdu 25 Juillet 1946. Le REPUBLTCAINLORRAIN du 1'2Dé- cembre lgt+7, nout âpptendra qu'après Ie départ d'U.R'S 'S ' du Général KELLER, Ia Missionàïait été réduite pe;rdantde nombreuxmois à deux membres: le Lieutenant-Colonelassimité MARQUIEassisté d'une secré- taire. La Mission sera comptétéepar la suite à I'arrivée de trois officiers Al saciens-Lorrains. 1,7l+.

médiocres(15). L'opinion publiqueest convaincueque nombrede Malgré- Nous sontencore prisonniers en U.R.S.S. et dansles autres pays d'Eu- rope centrale. "700 Alsaciens sont revenus de RoumanieParce que deux d'entre eux qui s'étaientévadés ont révéIéI'existence des autres'I(16). D'autres moyensde détectiondoivent être mise en place' Le GénéralGIRAUD' députéde la MoseIIe, demandeI'envoi d'une mission militaire à Varsovie' Bucarest, Belgrade et Sofia (17).

Au cours de 1'annéeLg47,l'opinion publiquemosellane affiche une position plus dure, fortementteintée d'anti-communisme,et intensifié Ia bataille des chiffres' Ainsi, grâce au fichier wAST' 9'51'2Malgré- Nous disparus et 8./.38 morts sont identifiés (18). Pourtant, les déclarations de François MITTERRAND, Ministre des Anciens Combattants(19), ne satis- font pas les responsablesmosellans. Le députéSCHAFF rappelle que le députédu Bas-Rhin, MECK, a attiré à sept reprises I'attentionde I'Assem- blée Nationalesur le problèmedes non-rentrés (20).

(15) Le LORRAIN du 10 Septembre1946 annonce que 180 Malgré-Nousmosel- lans ont été rapatriés au cours de Ia période du 15 JuiIIet au 2 Septembre 1946.

(16) F.MITTERRANDfournit les statistiquesconcernant les Malgré-Nous Alsaciens-Lorrains rapatriés en 1946. ler trimestre : 683 du 1er avril au 30 Novembre 2 zonerusse I.2Oz ::T:îffi:l:ili: 1"i zonefrançaise 76 ce qui donneun total de2-688 hommespour I'année l9L6' Le total des ra- patriés depuisla fin des hostilités serait de 93.243 |

(r7) Article cité : LORRAIN du 25 Juillet 1946.

(18) journal Officiel - AssembléeNationale Constituante - 25 Juiilet 1946 (p.2.805).

(19) REPUBLICAINLORRAIN du 27 Fêwiet I9t+7.

(20) COURRIERDE LA SARREdu 19 Février 1947. SCHAFF affirme qu'il reste 50.000 Malgré-Nousabsents : "130.000 enrôlés dans la Wehrmacht, 80.000décès connus, donc 50.000 points d'interrogation". 1,75.

Devantles résultats minimesobtenus en I9/r7 à la suite des opéra- tions de recherche de renseignementset constitution de listes, I'anti- communismede l'opinion pubiiquese renforce. Le LORRAIN (21) raconte la cruelle réalité quotidiennedes prisonniers Malgré-Nous employésdans Ies mirresde Sibérie ou dans les nombreuxcommandos de travail (22). Les révéIationsconcernant la vie à TambowoccuPent Ia une de la presse mes- sine (23). La presse communistemosellane contre-attaque : le PATRIOTE MOSELLAN(24) proclameque les critiques contre I'U.R.-S._9.-n9sont pas fondéeset qu'il ne reste plus que quelquesisolés en territoire russe. Dans Ie débatqui s'élève à I'AssembléeNationale le 12 Décembre Ig/.7Qû les députésmosellans affirment leur soutienaux déclarations des députésalsaciens (26). ConcernantIe renvoi de la Mission MARQUIE d'u.R.s.s., Alfred KRIEGER,député mosellan, considère que Ie gouver- nementn'aurait pas dû confier pareille tâche à un "chef de mission aussi - singulier". "Je ne me faisais pas d'illusions, car Pour nous la formule j'en ai saisi la Mission Française de Rapatriement- signifiait l'enterrement du dossier". II accusele ColonelMARQUIE de mentir quandcelui-ci affir- me qu'il ne reste plus que dix cas en U.R.S.S. L'orateur critique égale- mentI'action de 1'U.R.S.S. et demandes'iI existeun droit international, uneO.N.U. et uneCour Internationalede Justiceà La Haye, ou si 1'U'R' S.S. peutpasser outre à toutesces considérationsen disant' commeau- (27). trefois HITLER, "le droit se trouve où se trouveI'intérêt du pays"

Q1,) LORRAiN du 9 Juin1947.

(22) LORRAIN du Ler Mai 1'947.

(23) LORRAIN du 3 Avril L9/+7.

(24) FATRIOTE MOSELLANdu 21 Juin 1947.

(25) Voir à ce sujet les interventionsdes députésalsaciens in P. SCHAEFFER (op. cit. pp.29 et 30).

Q6) JournalOfficiel AssembiéeNationale 12 DécembreL947 (p. 5.691).

(27) AssembléeNationale 12 DécembreL947 . t76.

La presse messines'élève égalementcontre le renvoi de ia MissionMARQUIE et annonceque les campsrusses de rapatriementsont en fait interdits d'accès aux officiels français (28). De plus, un différent naît entre Ie Ministre des Anciens Combattantset Ie Chef de Ia Mission Française à Moscou. Le Colonel MARQUiE, soutientque "c'est une ca- Iomniecontre I'U.R.S.S. de dire qu'il y reste de nombreuxFrançais", et rappelle que 2I.321.Alsaciens-Lorrains ont été rapatriés d' U. R. S . S . François MITTERRAND dérnentce chiffre en affirmant que le total des Malgré-Nousn'atteint pas 15.000. CLOSTERMANN,député U.D.S.R. du Bas-Rhin, approuvece dernier chiffre et ajoute que 10.000Malgré- Nous devraient encoreêtre en vie dans les campssoviétiques. Le Colonel MARQUIEest suspendude ses fonctions, F. MITTERRAND accuse I'u.R.s's' d'avoir manquéà I'accord du29 Juin 1945sur trois points : la séparationdes ressortissants alsacienset lorrains d'avec les prisonniers ennemis,Ie rassemblementdes prisonniers dans des campsà administration frnaçaiseet les facilités à accorderaux missionsfrançaises en U.R.5.S. (29).

Le problèmedes Malgré-Nousperd de son acuité après 1948' cependant,I'opinion publiquese manifesteencore sporadiquement. Ainsi, la presse messine(30) s'inquiète-t-elle du sort réservé à quelques300 Alsaciens et Lorrains incorporés dans les S . S . et qui, se- lon les dires d'un prisonnier italien en U.R.S.S., seraientencore retenus dans un campprès de Kiev. Une hostilité latente s'installe entre les Malgré- Nous de l'association dirigée par SPITZ affirmant qu'il reste encore 18.OOOabsents (31) et la presse communistequi soutientqu'on ne compte plus aucunMalgré-Nous sur le territoire soviétique(32). Anna SCHEEL,

Q8) REPUBLICAINLORRAIN du 13 Décembre1947. Qq REPUBLICAINLORRAIN du 15 Décembre1947. (30) LORRAIN du 2 Septembret9/*8. Gl) MALGRE-NOUSAoût-Septembre L9tr9. $2) PATRIOTE MOSELLANdu 18 SeptembreI9/*8. 177.

députécommuniste mosellan, en arrive mêmeà traiter SPITZ' "d'e-xPloi- teur de la dbuleur dès fansilles lorraines dans un article du Patriote MôseI- lan (32) Le gouvernementse contentede déposerdes demandeset de multi- plier les promesses(33). Dans un discours à Sarrebour$, Robert SCHUMAN annonce "je viens de faire une demandepersonnelle, j'espère qu'elle abou- tira". La presse gaulliste vitupère contre I'inefficacité gouvernementa- le (34). "La France n'a pas le droit de négliger le sort de ses ressortis- sants et les angoissesterribles que connaissentdepuis cinq ans les foyers de nos départementsde I'Est".

Le problèmedes Malgré-Nousnon-rentrés est certainementle plus douloureuxde cet immédiataprès-guerre. Leur rapatriementest du ressort gouvernemental,et, en ce début de guerre froide, il appartient à la diplomatie française de poursuivre les négociationsen vue d'arriver à une solution. Cependantles résultats restent maigres : en 1948, 19 Mal- gré-NousAlsaciens et Lorrains sontrapatriés d'U.R.S.S. (35), 12 en 7g/+g,1en 1950, 18 en 1951, L,en 1'952,7en 1953' plus aucunen 1954' Le dernier prisonnier rapatrié rentrera en 1955(36). Pourtant la tâche accomplieen Moselleest énorme. La détectionet la recherche des absents ont constituéla mission de nombreuxMosellans aPPartenant surtout à I'As- sociationMalgré-Nous, qui exposèrentles photographiesdes non-rentrés, constituèrentdes albums, interrogèrent les rapatriés et firent des enquêtes par voie de presse. Ce sont eux aussi qui s'attachèrentà localiser Ies absentsen classant tous les Malgré-Nousd'après leur dernier secteur pos- tal au sein de I'unité la plus petite considérée : Ia compagnie(37) . Cette

(33) MALGRE-NOUSdu 2L Décembre1948. Cf . aussi Débatsdu Conseil Géné- ral 1950. (3/.) AVENIR DE L'EST du /r DécembreL949. (35) H. ALLAINMAT (op. cit. p. 376). (op. (36) Lire le récit de l'aventure de cet Alsacien dans H. ALLAINMAT cit' pp. 375à 385incluses). (37) conseil Général de la Moselle, séancedu 9 Mai 1951' Liquidationdes dé- pensesengagées par 1'association"Malgré-Nous" pour la recherche des non-rentrés. LIARD, rapPorteur dèmandeau Conseii Général un cré- dit de 7OO.O00l;rancs pour permettre à I'association des Malgré-Nous-de la Mosellede poursuivie sei recherches, I'Etat ne Prenantpas à sa char- ge la totalité des dépensesde I'association. 178.

méthodene donnequelques résultats qu'après 1949et a demandébeaucoup de travail préparatoire : il a fallu recueillir auprès des familles les do- cumentsindispensables : le dernier secteur postal connu, une photode chaqueabsent ; envoyer aux rapatriés d'un mêmesecteur un questionnaire avec les photographiesdes absents.. . Les missionsde recherche encore en place (38) possèdentalors un vaste fichier, et I'exploitation des données qu'il contient fait apparaftre des résultats positifs dans plus de 2.000 par- mi les 13.OOOcas d'absenceque comptentencore les trois départements(37). "Il serait présomptueuxque de vouloir espérer faire la lumière sur le cas de chaquenon-rentré. Mais les résultats déjà obtenuspermettent d'affir- mer que cette nouvelleméthode de recherche est de loin la plus apte à faire la lumière sur Ie sort des absentslorsque cela est humainementpossible. Malheureusement,de nombreuxcas ne Peuventêtre résolus que par la cer- titude du décès des intéressés, mais ce résultat négatif délivre les familles en cause de la cruelle incertitude actuelle. Mieuxvaut une certitude même cruelle que 1'équivoque"(37). II reste en 1951, 4.000 MosellansMaigré- Nous non-rentrés (39).

Aujourd'hui encore, le problèmedes Malgré-Nousest ioin d'être complètementrésolu. En 1975(/+0)' 3.000 Malgré-Nous "au féminin" réclamentIe statut d'ancienscombattants au titre de leur incorporation de force dans1'armée allemande. Cependant,à cette date, les revendica- tions des Malgré-Nousmasculins ont pratiquementabouti.

(38) L'U.R.S.S. n'admetpas la recherche des absentsdans les zones placées sous son contrôIe.

(39) ConseilGénéral de la Moselle Séancedu 9 Mai 1951- (p. 136).

(Lo) Le REPUBLICAIN LORRAIN du 29 Octobrei975 raPpelleque ces fem- mes furent affectéesà I'un des postesies plus dangereuxde ia défense anti-aérienne : Ie maniementdes projecteurs. r79.

I I . Les droits des-14991porés-de-force .

La lutte pour la reconnaissancede leur condition a conduit les Malgré-NousAlsaciens et Lorrains sur Ie cheminde bien des tracas et des vicissitudes. L'état actuel de la documentationnous force à n'y faire qu'une brève allusion, insistant sur la complexitédu problèmeet Ies mé- contentementsqu'il a suscités. Dans un premier temps, I'indemnitéde 5.000 Francs accordée aux Malgré-Nousrapatriés avant le ler Mai 1945(41-), est sévèrement critiquée : Pourquoi avoir choisi arbitrairement cette date, et qu'advien- dra-t-il des Malgré-Nous rentrés postérieurement ? D'autre part Pour- quoi favori'ser cette catégorie de victimes Par rapport aux autres ? GD ' La reconnaissanced'un droit à Ia pensionet à la carte de combat- tant a lieu sans difficuités en I9t+7(43), pour Ies Malgré-Nous ayant combat- tu dans les rangs de la Wehrmacht. Mais les revendicationsdes réfractai- res à I'armée allemanden'aboutissent que bien plus tard :le statut de ré- (44)' fractaire à I'armée est défini par la loi No 5O-I027du22 Août 1950

Le douloureux problème des Malgré-Nous ne déchaÎnepas en Mosel- Ie, Ia mêmepassion qu'en Alsace. En effet, 16.OOOMosellans sont touchés par 1esmesures d'incorporation de force tandis qu'elles frappent 100.000 Alsaciens. L'incompétencedes gouvernementsfrançais alliée à I'incapacité et à la mauvaisefoi de I'U.R.S.5. et de ses partisansne donnentlieu qu'à de timides'manifestationsdes élus mosellans, qui demeurentde peu de poids face aux grands débatssoulevés Par ces questionsen Alsace.

(LT) Le LORRAIN du 8 Juin 19/+6.

(42) Le DéputéMULLER demande le bénéficede cette indemnitépour les dépor- - tés poiitiques mosellans. JournalOfficiel - Conseil de la République 13Août 1947 (p.1767).

(43) Entretien avec M. GUILLAUME, secrétaire général, Chef du service Départementaldes Anciens Combattants.

G4) REPUtsLicAIN LORRAINdu 13 Septembre1950' Nousnravons pu situer le nombre de Mosellansconcernés par cette loi. Une lettre-circulaire du 6 AoOtL976, de I'Office Nationaldès AnciensCombattants et Victimes de Guerre, Service Départementalde la Moselle' avanceIe chiffre de 23.350personnes réiractaires, patriotes' Proscrites, transférées et personnescontraintes. Chapitre Cinquième 180.

La relance économique.

t. La conversion monétaire

En matière économiqueet financière, le rétablissementde la léga- lité républicainepasse par le remplacementdu Reichsmark(R.M.)par le Franc. cette mesure s'imposecar la Moselledoit pouvoir reprendre ses échangescommerciaux avec le reste de la France. Or, aucunéchange n'est possible si le départementne dispose pas des "signes monétairesindispen- sables"(1), et PauI DURAND, sousle titre "Metz la Morte" (2), constate que le mark paralyse Ia vie économiqueet que Ia conversiondls Marks en Francs doit être accélérée.

Le débatautour du taux de convertibilité est engagédepuis la Libé- ration. En effet, un arrêté préfectoral du 18 Novembre1944|ixe provisoi- rementce taux à 15 Francs pour 1 R.M. (3). L'échangeest limité à 500 R'M' par chef de famille plus 150 pour le conjoint et 150 pour chacundes enfants. De quoi vivre quelquessemaines, tandis que Ia solution définitive se fait attendre. Pendantce temPs, Ies commerçantssont toujours forcés d'accep- ter leS Marks, mais, commeils ne peuventse réapOrovisionneravec cette monnaie,ils décidentde fermer leurs magasins. La populationressent alors cet immobilismecomme une brimade, d'autantplus forte que le taux de chan- ge du Mark à 15 Francs, alors qu'ii était à 20 Francs pendantI'annexion, lui occasionneune perte considérable. L'amertumedes Mosellansse tra-- duit par une motionde Ia Commissionde Valorisation du ComitéDépartemen- tal de Libération de la MoseIIeréunie à Metzle12 Décembret944U), qui

(l) Ordonnancedu 15 Novembre 1944 concernantIa conversion monétaire en - MoseIIeet en Alsace - B.O. 17 NovembreI9L4 (p' 1'3LD (D LORRAIN du 22 Décembte1944. (3) Arrêté du i-8 NovembreLg/+4 - Le LORRAIN du 19 DécembrcL9L/+ cite I'ar- ticle 4 de cet arrêté préfectoral : "Dans le cas de transactionseffectuées en monnaiefrançaise et en attendantque les prix soient fixés dans cette rnonnaie, Ies prix en Fianc s'obtiendronteà multipliant par quinzele prix légal actuei en Marks. (+) Archives personnellêsde ide P. WOLFI, mernbredu Comitéde Libération. 181.

souhaite que "Ie taux de base de la valcrisation soit en tout cas ceiui de 20 Francs pour 1 Mark, que les sommesà valoriser immédiatementà ce taux soient fixées commesuit :

- pour ie chef de ménage à 900 R 'M ' - pour son conjcint vivant au floyer à 300 R'M' - pour chaque enfant mineur ou chaque Personneà charge vivantau foYer à 150 R.M.". billets Enfin, le 8 Janvier lgl*5, "les mcnnaiesdivisionnaires, et tous autreS instrumentsmonétaires allemands ceSSercnt d'avoir cours (5)' IégaI et pouvoir libératoire dansle départementde la Moselle" Cette mesurene s'appliquepas aux cantonsde sierck, Bouzonville,Iorbach, sarreguemines, volmunster, Rohrbachet Bitche, ni aux communesde Carling, L'Hôpitalet Freyming, encoredans les zonesde combats' Les Pf . seront billets {e _banqueet pièces de monrraied'une valeur supérieure à 50 échangésau taux de 15 Francs pour 1R.M. Les chefsde famille étant seuls habiiités à se présenter au changePour eux, leur conjoint et leurs exis- enfantsmineurs, et les Personnesmorales pour les étabiissements de tant avantle 29 Janvier 1945. Les Perceptionsmessines, la Banque France, Ia BanqueNatiOnale du commerceet de I'lndustrie, Ie Crédit Lyonnais,ie Crédit Industriel d'Alsaceet de Lcrraine, }a BanquePopulai- pos- re, la CaisseRégionale de Crédit et les bureauxde posteset agences les tales, font office de bureauxde change(6). Les dépôtsen R.M. dans Ia banquesdoivent être rendus disponiblesen lrancs, le jour mêmeoù monnaieallemande cesse d'avoir cours légai (7). Les servicesdu Trésor procèdentà la conversionde 350.561.889R.M. soit 5.258.L28'335 Francs (8).

(5) LORRAIN du 27 Janvier 1945'

(6) CorrseilGénéral Ig45. Rapport du Directeur des Fostes et TéIégraphes (p. 39).

0) Ordonnancedu 15 NovembreI9LL. (P. 10). (8) Conseil Général 1945 Rapportdu Trésorier Fayeur Général 182.

La conversionmonétaire des R.M. en Francs, mêmeà un taux inférieur à ceiui escomptépar 1'cpinionpublique' PermetIa relance des divers secteurs économiquesen Moselie.

II . Ls-r:{rg'-rs9!L3-ei-g{!Érsst-secteursde I'économiemcsellane.

L'annexionet Ia guerre ont laissé de profondesséquelles dans 1'économiemosellane. L'état de la pcpulationactive, des trarisports et de I'énergie, de I'agriculture, de I'industrie, des mineset du commerce' sont le reflet des scuffrancesendurées par le départementpendant la guerre.

Lu_pg,{q!io3 acliv_e :

EIIe a subi en McseIIeurre plus forte diminutionen proportion, entre les recensementsde 1936el 19/',6,que la populationtotale du dé- partement. Une statistiquedu service de la main d'oeuvre (9) nousren- seignesur I'évcluticn de I'effectif des travailleurs par secteurs économi- quesen Juin 1938et Octcbre 1945. On peuty constaterque le total de ia populationactive qui atteignait135.000 perscnnes en MoseIIeen i938, n'en compteplus que 84.000 en Octobre 1945, soit une diminutionde 37,8 % de 1'effectif. Les classesd'âges de 25 à 65 ans sont naturellementIes plus tcuchéespar les mesuresallemandes. Les secteursles plus atteints sontle textile et les cuirs, oir iI manquejus- qu'à 75 % des travailleurs d'avantguerre, et Ies commercesdivers dont Ie déficit atteint 54%, 11s'agit là, selontoute vraissemblance, des domai- nes occupésprincipalement par les Juifs, premièresvictimes des Allemands. La diminuticndes effectifs dansIes autres secteursvarie de 13 à 39 %.

(9) Conseil Général 1945. Rapportdu Directeur Départemental du Travail et de la Maind'Ceuvre - Service des statistiques de la main d'oeuvre p. 58 Cf. annexeNo 31. 183.

Les services extérieurs de I'Administration manquentde person- nel (10). Certains chefs de services accusentIe manquedelogements à Metzet en Moselle, et les difficultés de ravitaillement, d'être des facteurs peu propices à I'augmentationdu persc:nei dcs administrations(l-l-). (12). II est certain que Ie logementPose un problèmemajeur Ainsi, à Metz, où la populationaugmente sans cesse, il manque,à causedes des- tructions et des réquisitions, plus de 5.000 aPPartements.1.800 familles prioritaires restent encore à loger, et le transfert de Ia VIème Région (13). Militaire à Metz ajoute à ce chiffre celui de 500 famiiles de militaires

2. L-ultranslorts eJ !énegg1e.

Leur état déplorableau momentde la Libération n'incite certaine- mentpas les fonctionnairesde I'intérieur de la France à choisir Ia li'tosel- le commelieu de travail. Les routes ont souffert de I'absenced'entretien pendantI'occupation allemande, et, subi de très graves dégâtsdûs aux trous d'obus et de bombes,à la circulation militaire intensive pendarrtles combatsde I'hiver et de l'automne' et aux dégradationscausées par le pas- sagedes troupes américainespendant Ia période de dégel de Février 1945(JD. Les premières routes réparées, dans le département' sont celles qui ont été les moinsabimées, car les pouvoirs publics disposentde moyens bien insuffisantspour restaurer les routes très endommagées.

(10) conseil Général1945 -Rapport du Trésorier PayeurGénéral p. 9.

(11) Conseil Générai 1945 Rapportdu Directeur des Services Agricoles p. t07.

Q2) LORRAIN du 6 Novembre1946-

(i3) LORRAIN du 31 Mar.s1946 qui annonceque, pour pallier à Ia grave crise du logementdont souffre la ville de Metz, I'ordonnancedu 11 Oc- tobre 1945et I'arrêté interministériel du 30 Novembre1945 instituantun servicJ Àunicipal du logement, seront appliqués. La municipalitéest hostile à c-etteôrdonnance qui rend aux Pro-Driétaires' sous certaines conditions,Ia liberté du choixde leurs locataires, alors qu'auparavant' c'est elle qui s'occupait de tous les logements.vacantsnon-lcués ' Les fonctionsdu service municipaldu iogementse bornentà enregistrer et à contrôIer les nouvelleslocàtions et sous-locations(LORRAIN du 3 Octobre T94O.

QL) Conseil Général lg45 - Rapportde I'Ingénieur en Chef vicinaLp' 47' Cf ' aussi Rapport de I'Ingénieui en Chef des Ponts et ChausséesP. 119 et suivantes. r84.

Outre les routes, Ies ponts ont égalementsouffert. Ainsi ia Moselle, avec 550 ponts routiers détruits, la longueurdes brèches dé- passantI km, est à cet égard encorele départementle plus sinistré de France (15). Les gros travaux de réparation ne démarrentqu'à Ia fin de I'année lgtrs. Les Américainsont cePendantmis en place un grand nombre d'ouvragesprovisoires .

Les cheminsde fer connaissenteux-aussi une reprise difficile. Ainsi, des 273 owrages d'art du cheminde fer détruits par les bombarde- mentsaériens et la retraite allemande, 113 sont reconstruits provisoire- ment par ie génie français et américain. D'autre Part, alors que 251 km de voies principales et 138 km de voies de service ont été détruits , 38 % seulementsont remis en place. Le parc des locomotivesayant été réduit par lesAllemands, iI ne reste que $Omachines à la Libération(16).

Par ailleurs, 1a totalité des voies navigables(17) en Moselle est inutilisable en raison de f importancedes destructionsqui affectent tous les ouvragesd'art sansexception, après Ia retraite des troupesallemandes.

Toutes ces déprédationsempêchent le ravitaillementrégulier en charbon, nécessaireau chauffagedomestique et à Ia productiond'électri- cité. La pénurie de moyensn'épargne pas les Particuliers, mais ceux-ci sont davantagetouchés par les restrictions dans Ia distribution d'énergie électrique, En effet, des dégâtsconsidérables ont été causésaux lignes et aux installations éIectriques(18). Tous les circuits aériens (soit 15.O00 km de lignes) et souterrains sont inutilisabies. Les centrales des princi-

(15) Rapportde I'Ingénieur en chef vicinal 1945D'49 et Rapportde I'Ingé- nieur en Chefdès P.ontset Chau5sées'1945, P. 726.

(16) LORRAIN du 4 Octobre 1'945.

(o7) Conseil Général LgL5- Rapportde 1'Ingénieuren Chef de la Navigaticn oo. L2 et 43. Ï1 existe irois voies navigablesdans le département: ia ilt'osellecanalisée à I'amont de Metz, 1'embranchementde Jouy aux Arches à Metz, situé sur ia rive droite de la Moselleet le canal des mines de fer de la Moselle' de Metz à Thionville.

(18) Conseil Général Ig45 - Rapportdu Directeur des Posteset Télégraphes p. 39 185.

pales villes de la Moselle sont détruites. Fin Novembre1945, 77 % des réseaux de distribution ont pu être rétablis, mais de vastes lacunes subsistent, notammentdans le Sïd du départementet à I'Est de Sarregue- mines, dans Ia région de Volmunst:r(19). A Metz, on appliquedes mesuresparticulières en matière d'approvision- nementdes quartiers en étectricité (20), Celle-ci vient de Creutzwalden attendantla remise en état de l'usine d'électricité de la ville. 5on ravi- taillementen courant électrique nécessitemême I'aide de I'armée améri- caine(21).

Les carencesobservées dans Ie chiffre de la populationactive, les transports et I'énergie, affectentégalement les autres domainesde I'économiemosellane.

3. L'aglicgllu1e.

L'autorité allemandeen u profondémentmodifié les structures, Ia guerre et les combatspour Ia llbération I'ont totalementruinée.

a) La productionagricole

on comprendque pour 1945, Ia productionagricole ait été de loin inférieure à celle de 1940. La Moselleest obligée d'importer du bIé américaintransitant par Marseille, et des blés de I'Oise, pour assurer son ravitaillement en Pain(22).

(19) ConseilGénéral 19/+5 Rapportde I'Ingénieuren Chef Vicinal p. 49.

Qo) LORRAINdu 18 Janvier 1,9/+5.I1annonce que chaquesecteur de ia ville et des faubourgsest coupéun jour par semainede 8 heures à 19 heures' le lerrdemainAé i9 heures à 2Oheuies et le surlendemainde 20 heures à 2l- heures

(2r) Article de Henri TRItsOUTDE MOREMBERTdans le LORRAiNdu 22 Jan- vier L945.

Q2) Rapportdu Directeur des services Agricoles op. cit. pp. 107-108. Voir annexeNo 32. 186.

- La totalité des plants de pommesde terre utilisés est imPortéedu Canada. - La présencede minesdans les champset le manquede chevauxne facilitent guère Ia récolte du foin - Les cultures des oiéagineuxdonnent un résultat désastreux. - La récolte des fruits est très inférieure à la normalesauf pour les quetscheset Ies mirabelles (22).

La moyennedes rendementsen quintauxn'a guère varié avant et après la secondeguerre mondiale, mais la surface agricole utile est sensiblementréduite. Les terres incultes occupenten Moselledes es- paces qui se chiffrent par centainesde milliers d'hectares. En effet' les 200.000hectares qu'occupaientles 7.500 exploitationsdont les torrains ont été expulsésen 1940' sont en grandepartie en friche' de mêmequ'une bonne part des terres des exploitationssinistrées ' La productionvégétale s'en ressent cruellement'

La productionanimale est égalementprofondément Perturbée par les conséquencesde la guerre. Un des handicapsies plus lourds dans Ia reprise de I'agriculture en MoseIIeest sans doutela disparition de 27.OOOchevaux de trait, emmenéspar les Allemandslors de ia Libéra- tion (23), et qu'il faut récupérer ou remplacer. Au 1er Octobre 1945, 3.OOOchevaux sont retrouvés en Sarre et dansle Palatinat, 3'300 sont mis à Ia dispositionde I'agricuiture par 1'armée(34), et 737 che- vaux belgesintroduits. II en manqueencore 8.000 pour redonner un- bon départ à I'agriculture.

(23) Rapportdu Directeur des Services Agricolesdéjà cité p' 109' (poneys, (24) Près de la moitié de ceux-ci sont inaptes au travaux agricoles chevauxde selleetc...). 187.

Le déficit en bovins atteint 47.0O0têtes au début de 1945. Leur récupérationen Allemagneest très aléatoire car un grand nombre d'entre eux ont été abattus. Les achats à l'extérieur ne donnentpas les résultats escomptés,c. il monque 15.000 vacheslaitières Pour que toutes les exploitationsredeviennent viables. Le trouPeauovin de 1945 est réduit de 22.OOOtêtes par raPPort à ceiui de i939' quelquescen- taines de bêtes seulementont pu être ramenéesd'Allemagne. Les porcs et les animauxde basse-cour ont été décimésau momentde la Libération.

La production forestière du départementn'atteint que 40 % de cel- le de 1939, dans Ies catégories des bois d'industrie et des grumesà sciage (25).

ce n'est qu'en Lglrg, que la productionagricole de la Mosellere- devient équivalenteà celle de 1938(26). L'agriculture mosellanedoit enfin surmonterun dernier handicap: l'enlèvementdes bombes,obus, munitionset autres enginsde guerre qui truffent les terres cultivables' empêchanttout travail, et qui causentparmi les cultivateurs de nombreux et tragiquesaccidents.

b) Le déminage :

Les travauxcommencent dès la fin de I94L' et, vers septembre 1945,305 civils et 1.400 prisonniers de guerre allemandsy sont oc-- cupés(27). Deuxécoles sont crééesr pour instruire Ies démineurs' à Metz pour Ia région de languefrançaise et à Morsbachpour la zone de langueallemande. Leur tâche est lourde : les superficies à déminer dansle départementsontévaluées à 5o'ooo hectares,dcnt 8'ooo ae forêts et 35.000 environ de terres cultivables, répartis sur 694 com- munesparmi Ies 76tr quecomPte Ia Moselle' A ta fin de Septembre

(25) Conseil Général 1945- Raoport du Conservateur des Eaux et Ijorêts P. 16. Q6) AssembléeNationale 25 Févriet l9ti9 - JulesThiriet p. 1.003. (27) Conseil Générat i945 - Rapportde l'1ngénieur en Chef du Génie Rural p.55 et suivantes. 188.

7g/r5,des travaux ont été entrepris dans 460 communes'sur urie su- perficie de 28.570 hectares, et 569.771- mines et 642.7I3 engins ont été enlevés. DansI'arrondissement de Sayreguemines,75.000 mines alleman- des, américaineset anglaisessont ôtées par 230 hommesdont 80 ci- vils et 150 P.G.A. On comptequatre morts et six blessésgraves Par- mi les démineurs(28). DevantI'angoisse de la population(29), Ie ser- vice de déminagemet les bouchéesdoubles. Frès de 2.500 P.G.A. et 30/+démineurs civils travaillent dans trois zonesbien distinctes' qui suivent les lignes de défenseallemandes : la vallée de Ia Moselle et de Ia Seille, la zonede Courcelles-Chaussy- Bénestroff - Féné- trange, et celle de Forbach - Sarreguemines- Bitche. Au 1er Juillet !946, 35.680hectares ont été prospectéset L8.I/+tautres contrôIés. La prospectionest Ia première phasede déminage; eile est suivie d'un contrôle. Or, en Moselle,Ies terrains prospectéset non encorecon- trôIés sont pourtantcultivés (30).

En L9/+7,I'effectif du service de déminagese stabilise, mais sa tâches'est alourdiepuisqu'au ler octobre L91r6'iI s'est vu charger des travaux de désobuageet de débombage(31), précédemmentccnfiés à I'armée. Une aide précieuseen effectif et en matériel est apportée par Ies deux départementsdes Ardenneset de Ia Meuse, où les travaux

(28) COURRIERDE LA SARRE 19 Juiliet1945.

(29) LORRAINdu 6 Février 1945.Il nous parle d'uneexpositiorr à Metz, sur les dangersdes mines et piègesallemands.

(30) Le REFUBLICAIN LORRAINdu 3 Roût 1946parle de nombreuxaccidents dont sont victimes ces cultivateurs imprudentsmais ne dcnneaucune ste- tistique. Pour sa part, dansson rapport de 1946' I'Ingén'ieuren chef du GênieRural précisequ'au 15 Août I9/r5,lors de l3L accidents,33 civils et 72 prisbnniers de guerre cnt trouvé la mort, et 59 civils et 140 prisonniersde guerre ont été biessés.

(31) Conseil Générai 1947. Termes techniquesemplcyés dans ie raPport de I'lngénieur en Chefdu GénieCivit Pp. 63 et suivantes' 189.

de déminage,désobuage et débombagesont terminés. En MoseIIe, Ia tâcheardue et ingrate des dérnineursnrest Pas toujours appréciéeà sa juste valeur par 1'opinionpublique (32).

En 1950encore, le service de déminageprocède à I'enlèvement de 116mines, 38Lbombes,6.957 obus et engins, de 20.560cartou- ches, détonateurset fusées(33), et iI ne s'est pas passéune année depuislors, sansque I'on retrouve encore de ces dangereuxvestiges.

4, le_sactsug gegogdlile .-

L'extraction du charbonreprend dès 1945, et, à Ia fin de cette mêmeannée, 12.000tonnes par jour, soit 55 % du tonnagede 1938, sont extraites (34). Pourtant, de nombreuxproblèmes se posent encore aux responsables: manqued'effectifs, de personnelqualifié, de logements, de ravitaillement etc... La restitution à Ia navigationdu Canal de Ia Mar- ne au Rhin, marqueun point positif , et Permetl'acheminement du bois des Vosgesvers les régions houiilères (35).

$2) Le LORRAiNdu 2Mars 1948 s'interroge: Ie déminageest-iI efficace? A Courcelles-Chaussy,une mine sauteet lait un mort et deux blessés à I'endroit mêmeoù un accidentidentique faisait un mort trois mois au- paravant

G3) Conseil Général 1951- Rapportde l'1ngénieur en Chef du Génie Civil'

(34) Conseil Générai 1945. Rapport de I'Ingénieur en Chef du Service des Mines. Déjà cité p. 88. Le LORRAINdu 20 Août 1945affirme que Ia prôau.tion ae cfraiUonatteint à ce jour 35 % de la production de 1938, ioit 9.000 tonnesPar jour, contre 26 % du niveau de 1938en Sarre. Le LORRAINdu tâ lanvier 1946situe'à79% de celle de 1938,Ia quan- tité journalière de charbon extraite du siège de Merlebach. C'est Ià une situation particulière car Fetite-Rosselle n'extrait que 60 % de sa pro- duction dË 1938. Dans son rapporTde l9t+7,I'Ingénieur en Chef des Minesconstate que Ia production journaiière au 31 Décembre1946 QL.OOOt.), est égale'à 95 % de ia productionmoyenne de 1938'

\J)/ Le LORRAiN 15 Novembre1945. 190.

Les combatspour Ia Libérationne touchentni les mines de fer, ni les usines sidérurgiques. Pourtant, la situation n'est guère brillante. Le bas niveau de leur activité s'expliquepar Ia pénurie de combustibleet un très grave manqued'entretien durant ta période d'annexion. Après - Lg45,avec les attributions de coke allemandau titre des réparations -Ia 50.OOOtonnes par mois soit 20 % dela quantitéde 1938 production des hauts fourneauxdémarre. En SeptembreL945, elle représenTe17 % de celle de 1938. Les aciéries Thomaset les fours Martin connaissentla mêmeévolution , 22 % de Ia production de 1938pour les premiers et L5 %' pour les seconds. Dans les laminoirs, le tonnagedes produits finis atteint' (36)' en Septembre19/,5,20.696 tonnes, soit 23"Â d'ela productionde 1938

Dans les minesde fer, la productionde Septembre1945 n'atteint que3L % delanioyennemensuelledelg3S(36).Lasituationdanslessalinesn'est guère plus briltante. Touchéespar les opérationsmilitaires au momentde la Libération, et gênéesdans leur exploitationpar le manquede charbon et d'approvisionnementen matériel, Ia productiondes salines des régions de Sarralbe, Château-Salinset Dieuzen'atteint que 26 % de celle de 1938(37).

Les entreprises de matériauxde construction font I'objet de gros efforts que nécessitentles impérieux besoinsde reconstructiondu dépar- tement. Ainsi, Ia productiontotale des cimenteriesd'Hagondange, Rombas et Ebangeatteint rapidementgi} % de celle d'avant guerre (38). La produc- tion de plâtre égale fin 1945ceile de 1938. Les tuileries et les briquette- ries, bien que fort endommagéespar les opérationsmilitaires de la Libéra- tion, de mêmeque les nombreusessablières, connaissentun essor important'

- (36) Conseil Général IgL5. Rapportde I'In"''nieur en Chef des Mines 1945 P. 89. 1945- eD .ConseilGénéral Lg/+5.Rapportde I'Ingénieur en Chefdes Mines p. 90. Voir annexeNo 33.

(38) Idem p. 91. 191.

5. le_co_1n4ercg.

A la suite de |a conversiondu Mark, la vie économiquese dépara- lyse lentement. Le commercereprend. Sanscompter qu'iI faut,là aussi, effacer tout souvenir de l'époquenazie, le commercesouffre d'un cruel manquede main d'oeuvre $O % de défic-it)et de I'installation des Services de Ravitaillement, c'est-à-dire du contingentement. Le commerçantexpulsé ou déporté a beaucoupde mal à reprendre son activité. ii doit souventy renoncer, faute de capitaux(39). En ce qui concerneles créations allemandes,le. Président de la Charnbrede Com- merce, HumbertDE WENDEL(40), voudrait que ceux qui ont créé, étendu ou transféré une entreprise commercialeou industrieile pendant1'occupa- tion, fassentune demanded'autorisation pour continuerà s'en occuPer' qui, éta- à la Conditionde ne Pas concurrencer par leur localisaticn' ceux blis avant L}AO,ont été expulsésou déportés' et sont rentrés ' Le ravitaillement de la Mcselle doit faire face à de nombreuxPro- blèmes(41). L'arrivée massiveet continuelled'expulsés et de réfugiésdans le départementd'une Part, l'étalementde la guerre en MoseIIede Septem- pas permis de I'assurer réguliè- bre !944 à Mars 1945d'autre part, n'ont rement. A ces ennuisd'organisation, s'a joutent des difficuitésd'approvi- sionnementconsécutifs aux mauvaisesrécoltes de i945 et à la pénurie en (42). têtes de bétail aggravéepar la remise en état des abattoirs Une des pires parmi les nombreusesplaies qui se greffent sur Ie contingentementdes produits est certes le marché noir. La lvioselleen souffre aussi (43), malgré ies répressions exercéespar le Service Dépar- tementalde Contrôle Economique(44).

- (39) Chambrede Commerceet d'lndustrie de la Moselle Compte-rendudes travaux 1'9/-5- (40) Lettre de H. DE WENDELau Préfet de la Moselle 8 Janvier 1945. - (4D Conseil Général Lg45. Rapportdu Directeur du Ravitaillement pP' L02et suivantes. (t'D Le LORRAIN du 2 Mars l9l+5. (43) Le LORRAIN du 1er Octobre 1945. du Servi- GL) Conseii Général 1gL5. Rapport-- du Directeur Départem_en11i ce du ContrôIe Ëconornique installation du Service le 10 Décernbre 1.941. L92.

Retardéepar 1'épineusequestion de la conversionmonétaire, qui se résoudra d'ailleurs au désavantagedes Mosellans,la relance dans les différents secteurs économiquesconnaîtra d'autres déboires liés à I'annexionet à la guerre. Ainsi, la populationactive, fort diminuée, souffre du manquede logementset de commoditésqui sont autantde pôles répulsifs pour les fonctionnairesde la "France de I'intérieur". L'état déplorabledes routes, des ponts et des cheminsde fer allié à une insuffisancemarquée de Ia productiond'énergie, entravent la reprise industrielle et commerciale. La productionagricole elle-aussi, qui n'atteint qu'en 1949son niveau de 1938, doit surmontertoute une série de har:dicapsdont le démi- nagen'est pas le moindre.

La vie en MoseIIe, réintégrée non sans mal dans la comrnunauté française, est dominée,en ces annéesd'après-guerre, par les évènements qui ont marqué la terrible annexion subie de 1940à I9/+/+Par ce départe- ment. La Moselle doit supporter le lourd héritaged'une annexionde fait qui I'a marquéedans ses biens et ses hommes. C'est le départementfrançais le plus sinistré, le plus meurtri. Dans quel autre compte-t-onprès de 300.000 habitantsexpulsés en "France de I'intérieur" ou transplantésdans les territoires de I'Europe Orientale par les nouveauxmaftres nazis ? Dans quel autre les spoliationset 1es destructionsont-elles pris des proportions aussi considérabies? Les Mosellansdoivent inclure dans Ie bilan de Ia guerre et de I'occupationqui ont frappé leur pays les Malgré-Nous, engagésde force dansla Wehrmachtet non-rentrésd'U.R.S.5.' prisonnierséternels des campsou morts sur des champsde bataille où Ia cause qu'ils défendaient n'était pas Ia leur. La résistance, plus sauvagementréprimée ici qu'ailleursr pôrce que le Lorrain révolté est considérécomme un traÎtre à sa nouvelle patrie' comDtede nombreusesvictimes parmi ses membres' 193.

Après la guerre, la Mosellepanse ses plaies. II lui faut recons- 'gestion truire, relever son économieagonisante' Iiquider Ia allemande dont les néfastesconséquences paralysent toute relance, et surtout' se battre pour faile reconnaître sa situation désespéréepar les Pcuvoirs pubticsfrançais pour lesquels Metz est bien loin de Paris. Face à une épuration qui traÎne en longueur, I'opinion publique mosellanese divise pour la première fois, en partisans d'une plus grande clémenced'une Part, et d'une plus grande intransigeanced'autre Part'

Ainsi la Moselle de I'après-guerre apparaîtdans un premier temPs repliée sur ses propres probièmes. Les questionsinternationales ne sem- bient pas Ia concerner. Mais quel va être son réveil face au PrcblèmeaIIe- mand? Commentle départementva-t-ii accueillir Ie redressementde I'Al- lemagnequi sembleà nouveaucapable de menacersa sécurité ? Trois fois envahien soixantedix ans, peut-il tolérer les incessantestentatives de la nouvelleRépublique Fédérale pour se iibérer de la tutelle des Alliés ? Est-il à mêmeenfin de dominerses passionset d'esquisserun rapproche- mentavec I'ancien adversaire pour réaliser I'Europe, si chère au coeur de Robert SCHUMAN,un Mosellan?

pour lors, le départementsubit les incidencesmatérieiles de llannexion. Les rapports commerciauxavec I'Allemagnesont inévitables : Ies machinesinstallées dans ses usines par les nazis doivent fonctionner; ses frontières ne peuventpas se fermer hermétiquement,des échanges sontnécessaires. La Moselleva s'organiserpour importerde Z.F.O. ce dont eIIe a besoinpour sa reconstructionet son économie,et défendre ses intérêts menacésnotamment par la Sarre voisine. Telles sont les implica- tions des contingencesfrontalières qui se font jour. 2èmePARTIE : LES CONTINGENCESFRONTALIERES 195.

C'est une opinion publique foncièrement hostile à tout contact avec 1'ancienagresseur qui accueille la reprise des relations commerciales entre la Moselleet Ia Sarre et les régions allemandessous contrôle français. II est difficiler pour les habitantsde ce départementfrontalier qui se sent encore menacé,d'admettre que celles-ci sont indispensablesà la remise sur pied de l'économielorraine. Ainsi, deux problèmesnouveaux qui se développentdans cette atmosphèretendUe sont nettementrévélateurs de l'état d'esprit qui règner pôr la manièredifférente dont ils sont resPectivement appréhendés. Les relations économiquesMoselle-Sarre et Moselle-Z. F .O . ' essentiellementperçues au travers de I'Office de Compensationdes Chambres de Commerce,ne font curieusementI'objet d'aucuncommentaire dans Ia pres- se alors que I'hostilité à la politique sarroise de la France s'y diffuse libre- ment. La Sarre reste donc Ie bouc émissaire des angoissesmosellanes et Ie départementsuit avec une attentionparticulière Ies efforts français dans ce territoire "trop" voisin.

Chapitre Premier

La MoseIIeet la re se des échanges frontaliers avec I'Allema- qne : l'Office de compensationdes chambresde commerce' I',O.C.C.C.

Les relations commercialesentre Ia France et Ia Z.F.O. se Iirnitent dans un prernier temps, au FIan d'importation préparé par le Ministère de I,EconomieNationale qui s'avère nettementinsuffisant Pour la Moselle. I1 ne prévoit, par exemple, ni I'importation d'ardoises, de ciment et de chaux qui sont pourtant indispensablesà la reconstruction dans le département, ni celle de pièces de rechangepour le matériel mécaniqueallemand utilisé pen- 196.

dant I'annexion, vitale pour I'industrie mosellanequi réclame aussi la livrai- son des machinesallemandes commandées et déjà payées(1). La Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselle,lors d'une séanceplénière tenue le 9 Novembre1946 (2), demandeen outre, la simplifica- tion des formalités afférentes à certaines opérations d'import-exPort et l'éIimi- nation de tout transfert de devises et de tout paiement,dans Ie cadre des échan- ges frontaliers, par Ie jeu d'une compensationlocale strictementrespectée. Au cours des séancestenues les 5 Juillet et 6 Septembre191+6, Ia Commissionchargée de la liaison entre les départementsdu Rhin, la Mosel- le et la Z.F .O. reconnait Ia nécessitéd'organiser un "clearing" Iimité à ces échangeslocaux et de définir s.ommairementIa liste des produits qui peuvent entrer dans le cadre de ces échanges. Ainsi, dans le sens France-Z.F.O. , Ies transactions portent sur tous les produits dont I'achat en France est difficile : produits alimentai- res et pharmaceutiques,succédannés, et, dansle sens Z.T.O.-France' sur les produits ne figurant pas au PIan d'importation. Des assouplissementssont toutefois prévus pour les produits fruitiers (3).

(1) C.C.I.M. Bulletin MensuelDécembre 19/16 p.17t+. La questiondes livrai- sons de commandespassées en Allemagnepar des entreprises alsaciennes ou lorraines et payéis avant la capitulation allemandea été prise en mains par le Général Ôommandanten Chef Français en Allemagnequi précise que' à'un" façon générale, iI ne sera donné suite aux demandesdes acheteurs que si les produits ont effectivement été fabriqués et s'ils sont encore dis- ponibles. i"s commandesen cours d'exécutionseront achevéeset les en- ireprises allemandesayant bénéficiéd'un acompteou d'un versementpour un" aotnrunde non exécutée, devront reverser le montantdes sommesper- intrans- çues à I'OFFICOMEX ; ces sommesseront bloquéeset demeureront férables tant qu'unedécision n'aura pas été prise à leur sujet. Lorsque Ia livraison des marchandises sera possible, elle sera faite sans paiement si les commandesont été intégralemènt payées avant la capitulation de I'Al- Iemagne,contre paiementen Dollars du solde si elles n'ont fait 1'objet, uuunil'occupationd" 1'Allemagne,que d'un versementd'acompte. Une lettre de I'Inspectèur Génératde I'ÈconomieNationale, datée de NovembreI9t*7 ' précise les deux points du réglement des commandes: dev_rasaisir Ia pour les commairaesintégralement payées : _l'entreprise birection Départementalède Ia Production Industrielle de Strasbourg qui adresse ïne demandeà I'OFFICOMEX' - pou" Ies comrnandespartiellement payées : un dossier devra être transmis à t'Q.c.c.c. et, si les conditionstechniques le permette-lt'--Tnnouveau marchéentrant dans le cadre du clearing sera passé par l'Cffice' (D C.C.I.M. Compte-rendudes TravauxL946' (3) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136 O.C .C'C ' t97 .

Dans une lettre du 6 Novembre L9/.6U), le Préfet de la Moseile préconise la constitution d'un organisme de "clearing" fonctionnantau chef- lieu de chacundes trois départementssous I'égide de Ia Chambrede Commerce. En Z.F.O., un bureau semblableserait placé sous I'autorité de la Mission CommercialeFrançaise en Allemagne. Le Préfet définit Ie rôIe des services : - Guider et renseigner les vendeurset les acheteursalsaciens et lorrains. - Contrôler les marchandisesque ceux-ci désirent importer ou exporter en tenant comptede I'influence de ces opérations sur le commerceet la production locale. - Tenir la comptabi.litédes échangesen Francs françaisr paler les fournisseurs français et encaisserIe prix des marchandi- ses auprès des importateursfrançais. - Veiller strictementà I'équilibre des transactionsqui ne seront pas soumisesau contrôle du Service Import-Export '

. Le 9 DécembreIgL6,la C.C.I.M. à I'instar des chambresde Commerced'Alsace, accepte de faire partie du clearing et émet Ie souhait que la Sarre y entre à son tour, "étant donnéque d'ores et déjà' cette ré- gion exporte en France des quantités substantielles de légumes et de produits laitiers ne pouvantrecevoir d'autre destination(5). Fin Décembre1946' l'Office de Compensationest prêt à fonctionner.

(4) Archives C.C .I .M. Dossier No 136 O.C.C.C. La créationde I'Office a donnélieu à une correspondancedont nous avons trouvé des traces dans Ies Archives de la C.C.i.M. Citonspour exemple,une lettre du Prési- dent de la Mission Commercialeau Ministre de I'Economie Nationale, Ie 23 Octobre 1946, favorable à la création de I'Office, de mêmequ'une let- tre du ler Décembre1946du Ministère de I'EconomieNationale à I'Inspec- teur Général de I'EconomieNationale à Strasbourg, lui aussi partisan de la création de l'Office.

(5) C.C.I .M. Compte-rendudes Travaux1946. 198.

t. !es_ggagtig_g-ælérggl-{"-l-9qf ge

1. L.g s1aluls.

L'Office de compensationdes chambres de commercedu Rhin et de 1aMoselle, I'O.C .C.C. , est une sociétéà responsabilitélimitée au capital de 425.OOOFrancs (6), comprenantles Chambresde Commerce de Strasbourg, Colmar, Mulhouse,Metz et Belfort, et qui a pour objet de favoriser les échangescommerciaux ne figurant pas au Plan des ex- ports et imports établi par le Ministère de I'EconomieNationale entre les départementsdu Rhin et de la Moselled'une part et TaZ.F.O., moinsla Sarre, d'autre part (7). La durée de vie de la société est iimitée à Ia période durant la- quelle les échangescommerciaux avec I'Allemagneresteront soumisà un régime de restriction. IJnepremière période est fixée à cinq années renouvelables(8). Le Géranten est Maurice JORAND,industriel alsacien, nommé pour un an renouvelable. Selon les statuts, la sociétépeut être adminis- trée par un ou plusieurs gérants associésou non (9). Par ailleurs ' un Comitéde Direction, composéde quatorzemembres : trois désignéspar chacundes quatre premiers associés et deux par Ie cinquième' est cons- titué pour toute Ia durée de Ia société(10) et représente les associésdans leurs rapports avec Ia gérance(11).

(6) Archivesde la C.C.I.M. DossierNo 136:1'O.C.C.C. Statuts.Parti- cipent au capital de t+25.000Francs, les Chambresde Strasbourg, Col- màr, Mulhouse,Metz pour 100.000Francs chacuneet Belfort Pour _- 25.000 Francs. Le siège sociai de la Société est à Strasbourg. La Cham- bie de Belfort y adhère plus tardivement que les autres Chambreset pour un capital plus faibie. Il ressort d'un rapport du 3 Décem'bre19l*6, àe lrl. oe ÔOtNîET, membrede la C.C.I.M. à son Président H. MATHIEZ, que Ies,A.lsaciensont insisté pour faire ParticiPerla Chambrede Belfort avec un capital de 50.000 Francs' Q) Statuts O.C.C.C. Article 3. (B) Statuts O.C.C.C. Article 5. (9) Statuts O.C.C.C. Articl.e9. (10) Statuts O.C.C.C. Article 10. (1i) Statuts O.C.C.C. Article 11. 199.

Il nommeparmi ses membresun Président et un Vice-Président et est tenu d'établir un rapport annuelsur les comptesde 1'exercice. Les déIibérations s'y font à Ia simplemajorité des voix (12). Les asso- ciés sont convoquésen assernbléeau moinsune fois Par an. Chaqueasso- cié disposed'autant de voix qu'il possèdede parts (13).

Ce nouveau "clearing franco-allemand" concerne une population de près de cinq millions d'habitants, soit 8/.6'881 personnesdans la par- tie incriminée du Land Rheinland-Pfalz, L.1'46.908dans le Land Baden, 700.000Mosellans , 671r.000habitants du Bas-Rhin' 472'000du Haut- Rhin et enfin, 87.000 habitantsdu Territoire de Belfort, auxquelsvien- (1/*)' nent s'ajouter PIus tardivementles 900'000 Sarroi.s

2. L_a34=o*{ul" _q:C-. ç-.ç .-

La création d'un systèmede clearing destinéà permettre des échangescompensés entre les départementsdu Rhin et de la Moselle' d'unepart, etla Z.F.O. d'autre part, s'accompagnede Ia volontéd'éta- blir un règlementsuivi d'un contrat-type. La mise au point de ces outils de travail n'est pas aisée et donneiieu à de nombreusesréunions. La première réunion du comité de Direction, fixée au 23 Décem- bre 1g46(15), est axée sur la réglementationconcernant les opérations de I'Office et I'avant-projet du contrat-type.

(r2) StatutsO.C.C.C. Article 12.

(13) Statuts O.C.C.C. Article 1'3.

(14) RecensementOctobre Igtr6.

(15) Ârchives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu Secrétaire Généralde ia C.C.i. de Strasbourgau Présidentde ia C.C.I.M. le 13 Décembre1946. 20a.

Le 13 Janvier 1947, la questiondu contrat-tyPepour les compen- sations privées entre les trois déPartements,e5t remise à l'ordre du jour de la réunion du Comité Directeur (16). Le premier projet du 23 Décembre1946 laisse de nombreuxPoints importantsen suspens,et Ie SecrétaireGénérat de Ia C.C.I.M. .G7) préconisede s'inspirer du contrat-type français qui sert au commerce des produits agricoles, établi par la Fédération Nationaledes Négociants en Pommes-de-terre, Légumeset Fruits (édition L937) et les conditions générales de vente du Syndicat des Importateurs et Exportateurs Fran- exportationsfran- çais de Céréales, Froduits Agricoleset Dérivés;les et alimentaires. çaises portant essentiellementsur les produits agricoles

(18). Fin Janvier L947, le règlementest imprimé et diffusé It comporte huit articles et un modèIede demandede transaction où figurent les nomset adresses du fournisseur et de I'acquéreur, la désignationde Ia marchandise,sa quantitéet son lieu de productionainsi que la valeur en Marks et en Francs de Ia commande- L'article premier du règlement, intitulé présentationde la deman- de, indiquecomment I'industriel et le commerçantalsacien ou lorrain' désireuxd'acheter ou de vendreenZ.F.O.A. doit remplir Ia demandede transactionet I'adresser à I'Offlice L'O.C.C.C. étudiealors I'affaire et la soumetavec avis à 1'InspectionGénérale de I'EconomieNationale à Strasbourg qui, à son tour, "prend toutes les attachesadministratives et recueille ies déci- sions nécessairesauprès des ministères intéressés et des services de

(16) Archives c.c.I .M' DossierNo t36 o 'c 'c 'c ' P.V. de la 2ème réunion du Comité Directeur, 13 Janviet I9lr7'

Q7) ArchivesC.C.I .M. DossierNo 136 O.C .C.C. Lettre du B Janvier 19/*7du Secrétaire Généralde la C.C.I.M' au Secréiaire Général de la C.C.I. Strasbourg.

(18) Archives c.c.I.M. DossierN"136 O.C.C.C. Règlement. 20t.

ia Zone" (19). Si les avis sont favorables, 1'Inspectionretourne le dossierà t' O.C.C.C. qui entameIa procédured'exécution.

PIan du clearing

Importateur ou exPor,u,surr-- . 1 \r. office de compensation .' avec AT InspectionGénérale de I'Econo-kz avis _ v.. mie NationaleStrasbourg Hrocedure r1rl d'exécution 34 . décisio corrnu#ution et atcision..--- 1 de Paris

En ce qui concernele contrat, I'acheteur ou le vendeurfrançais doit s'assurer lui-mêmede trouver un fournisseur ou un client allemand; ii peutde ce fait, se rendre en Z.F.O.A., après avis favorablede I'Ins- pection(20). A défaut, iI recourt aux services de la Mission Commerciale Françaiseen Allemagne(M.C.F.A.) à Baden-Baden(21.). En tout état de cause, il lui faut conclureun contrat avec I'O.C.C.C. qui I'aura avisé des disponibilités en Marks ou en Francs, nécessairesà Ia réalisation de I'opération (22). Le contrat reçoit ensuitela signaturede Ia M.C.F.A.

(19) Règlement Article 2.

(20) Règlement Article 3.

QL) Règlement Article 4.

Q2) A cet effet, I'O.C.C.C. possèdeun compteouvert au Crédit Industriel d'Alsace et de Lorraine à-Strasbour:$,pour les opérationsen Francs et un autre à la Société GénéraleAlsacienne de BanquedtOffenburg pour les opérationsen Marks 202.

son exécution, du côté allemand,assurée par le service du CommerceExtérieur de Ia Zone, comprendles licences d'importation et d'exportation, les déblocageset toutes les autres autorisationsnéces- saires. Du côtéfrançais, I'o.C.C.C. s'adresseà I'Inspectionpour ob- tenir toutes les licences et autorisationsrequises (23)' Les documentsne sont finalementdélivrés aux intéressés que lors- quele montantintégral de I'opérationest versé aux comptesde I'O.C.C'C' La facture franco-frontière doit être établie par Ie vendeur fran- elle sera li- çais ou allemand. Dansles cas d'exportationen Z.E.O.A., bellée en Francs et accomPagnéed'une copie portant l'équivalenceen (21,)' Marks. DansIes cas d'importationde Z.F.O.A., c'est I'inverse L'accomplissementdes formalités douanièresest confié à un transitaire agréé et payé par I'O.C.C.C. (25). Par ailleurs, celui-ci perçoit, pour frais de gestionet à la charge de I'acquéreur' un agio au taux, révisable fin 1'9/17, de 2 % QO. A Ia réunion du comité de Direction, 1e 26 Février I9L7 , Ie rè- glementest modifié. Placé avantI'article L, un nouvelélément s'y ajou- te QD: une demanded'autorisation préalable sera mise à Ia disposition aux commerçants des usagers Par les Chambresde Commerceet permettra désireux d'effectuer une transaction, de savoir si les administrationsad- mettentIe principe de lrentrée ou de la sortie des marchandisesqu'ils doi- vent négocier. Ainsi n'auront-ils à faire d'enquêteen Allemagnesur les prix en Marks et à rechercher des acheteursou vendeursque si I'autori- sation leur est accordée.

(23) Règlement Article 5.

(2/.) Règlement Article 6.

(25) RèglementArticle 7.

Q6) Règlement Article 8.

Q7) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 0.c.c.c. 203.

g 3 . !a3o_st!iol -d"-t 3{m gigtlaqlo1 4rynça1s

Nous avonsvu que Ie Ministre de I'EconomieNationale I pâf ullê lettre du ler DécembreIglr6, a acceptéIa création de I'office, de même queIe Présidentde la M.C.F.A. qui en avait fait part dans sa lettre du 23 Octobre. Ce dernier adresse par ailleurs' au Président de I'Office' une correspondancesuivie, qui précise Ia position de I'Administration à l'égard de I'Office et fixe les objectifs et I'esprit dans lequel I'activité de I'O.C.C.C. doit s'articuler avec celle des servicespublics. Il rap- pelle que la M.C.F.A. a le monopolede Ia responsabititédes échanges entre la France et I'Allemagnedans le doublecadre des règles fixées par I'Administration Française et des directives éIaboréespar le Conseil de Contrôle Allié de Berlin (28). Toutefois, le Président de la Mission reconnaftque l'Office est nécessaireaux intérêts locaux de caractère frontalier et souhaite"une collaborationconstante propre à conseiller et informer I'activité de I'Of- fice et à épargner par là, à celui-ci, des retards et des erreurs qui se- raient en définitive contraires à son rôIe d'exécution souple et rapi- de" (29). Il souhaitenon seulementassister aux réunions de l'Office' mais encorecontrôler les activités de 1'O.C.C.C., en freinant par exem- ple les opérations nouvellestant que tes précédentesne sont pas réglées ou bien, en exigeantde prendre connaissancede statistiquesrégulières sur les affaires de I'Office (30)- Malgré cette organisationsévère, dans un premier temps, les interventionsde I'O.C.C.C. ne donnentpas satisfaction.

(28) Archive, C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre du 13 Mars 1"gI+7.Décret N"45.018du 3 Décembre1945.

(29) Lettre du 13 Mars 1947.

(30) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Compte-rendude Ia séancedu Comitéde Direction du 9 Septembre1947. 204. t t . 9s9Ésesgess-9{!rç!e

Dansles premiersmois de l9lr7' I'O.C.C.C . est soumisaux exigencesde I'Etat qui souhaitelui voir prendre en charge des marchés demeurésen suspens: ainsi, I'importation de fruits en Alsace et I'ex- portation de France de légumeslourds, ou bien encoreI'affaire de com- pensationgazogène-Iait (31). Le Conseil de Direction proteste contre la prise en charge de tels marchéspour lesquelsiI n'a pris aucun engagementet rappelle qu'il tient à réserver la priorité des affaires traitées aux échangesintéres- sant les ressortissantsdes cinq Chambresde Commerce(32).

1 . Qes $fticgl!élfgtgtgiè3e:

L'Office qui ne bénéficied'aucun soutienextérieur, se plaint de ne pouvoir, faute d'un "volant de capitauxnécessaire", réaliser les "af- faires qui forment le but de cet organisme"(33). La demandeaux instan- ces officiellesd'une avance de /+50.000R-M., destinéeà faciliter le dé- marragedes opérationsd'échange avec Ia Z.F .O.,a été refuséepar Ie gouvernementfrançais, et I'O.C.C.C. envisaged'ouvrir dansune banque' un crédit de 15 à 20 Millions de Francs, garanti par les cinq Chambresde Commerce(34).

(31) Archives c.c.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu 28 Janvier L9I+7de I'Inspecteur de 1'EconomieNationale. Cette affaire concerne I'économiealsacienne .

$2) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Compte-rendude la réunion du Comité de Direction du 3 Février I9/+7.

(33) Archives c.c.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Compte-rendude Ia séanceplénière de la Chambrede Commercede Colmar du 30 Avril 1947,aàressé par sonPrésident au Présidentde Ia c.c.I.M. Ie 2 Mai L9l+7.

Q4) Archives C.C.I.M. DossierNo t36 O.C.C'C. Compte-renCuC'unc réunionde I'O.C.C.C. à Strasbourgle 5 Mai 1947- 205.

La situationfinancière se désagrège. L'O.C.C.C. piétine(35). Un déséquilibreinquiétant se fait jour. Fin Mai I9/,7,1'Office est cré- diteur en banquede L.552.082Francs et 448.607,58R.M. et débiteur de 25.t36.69L Francs et /+55.5I3,99R.M. Ii reproche à 1'administra- (36). tion de lui imposer des transactionsqui renforcent ce déséquilibre Plusieurs solutions sont proposées, notammentcelle qui consiste à scinderla gestionde I'O.C.C.C. en deuxparts : - Les opérationsengagées au bénéficede ressortissants des cinq Chambresde Commerce. - Les opérationsfaites sur la demandede I'Administration ; cel- le-ci ne devantpas engagerla responsabilitéfinancière de l'Office. L'lnspecteur Général de t'EconomieNationale y oPposeune fin de non-recevoir et Ia situation financière, au 28 Juin 1948' laisse apPa- raftre un grave déficit en Francs : Solde créditeur : l' .507 -753 Solde débiteur z 24.177-7O3 (37) En Marks aussi, le solde débiteur est supérieur au solde créditeur, mais Ia situationest moinspréoccupante : Solde créditeur z 589.759 solde débiteur z 923'o2o Face à cette situation, Ie Comitéde Direction demandela garan- tie de l'Etat pour les servicesrendus. Le ! SeptembreL9t+7, 1'o.c.C.c., dontla situationne s|est guère améIiorée, et qui n'est toujours pas en possessionde |a garantie'

o (35) Archives C .C .l .M. Dossier N 136 O.C .C .C. Compte-rendude la réunion du Comité de Direction du 6 Mai 1'9/17.

(36) Archives C .C .I .M. DossierN" 136 O.C.C.C. Compte-rendude la réunion du Comité de Direct;on du 3 Juin I9I+7.

Q7) Archives C.C.I .M. Dossier No 136 O.C.C.C. Frocès-verbal de la réunion du Comitéde Direction du 1er Juillet 1947. 206.

envisagede s'opposer "à toutes les opérationsautres que celles qui per- mettront de combler les pertes ou de redresser Ie déséquilibreactuel en- tre les comptesR.M. et Francs" (38). Il s'efforceainsi d'échapperaux mesuresarbitraires de I'Etat, et lui redemandede prendre Ia responsa- bilité des pertes et des engagementsqui résultent des affaires imposées, rappellantque la situation financière peut être redressée en quelquesmois si le rôIe de I'Etat vis-à-vis de I'Office est précisé, et si Ie gouvernement militaire de la Zone acceptede lui proposer des affaires (38). Entretemps,le déséquilibrede ses comptesdonne lieu à un échan- ge de correspondanceentre Ie Directeur Généralde I'Economieet des Fi- nanceset I'Inspecteur Général de I'EconomieNationale à Strasbourg, d'où il ressort que si les comptesde I'Office ne sont pas stabilisés dans les mois à venir, I'arrêt des transactionsest envisagé. On évoquemême l'éventualitéde la suppressionde I'O.C.C.C. (39).

2. L_"Z1eqède9

Deux élémentsvont être pris en comptepour favoriser la repri- se des affaires : la mise sur pied d'un bureau à Fribourg et Ia restructu- ration de 1'Office.

a) Le bureau de Fribourg

Constituéen SeptembreL9/+7 par les Chambresde Commerceal- lemandesd,e Z.F.O.A., et dépendantdu MinistèreBadois du G.M.Z. F.O., le bureau de Fribourg, dont la dénominationofficielle est: Français "Bureau Allemandde Compensationavec les Départements du Rhin et de la Moselle", a pour rnission de rechercher des acqué-

(38) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Réuniondes porteurs de parts le $ Septembre191'7. (39) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C' Lettres des L2 et 27 Août 1947. 207.

reurs ou des vendeursallemands pour les marchandisespassant par I'O.C.C.C. (40). Le bureaun'enlèvera pas la gestiondu compte-Marksà I'O.C ' c.c. puisqu'ilnragira que sur I'ordre de ce dernier. Toutesles listes d'articles, y compris celles figurant au Plan Officiel de |a Zone (exportation), pourront passer, de ce fait, par I'office de com- pensation, à conditionque des marchandisesfigurant auFlan d'impor- tation France puissententrer en Allemagne.

b) Unerestructuration de 1'O.C.C.C.

Dès la mi-octobret947, unerestructuration de I'o.c.c.c. est à l'étude (41). Trois commissionsqui se répartissentles travaux sont créées. La première comDortedes représentantsde I'Economie Nationaleà Strasbourg (42), des services de la Zone, un déléguéde chaqueChambre de Commerceet Ie Gérantde I'O.C.C.C. ; Ia deuxiè- me, formée des déIéguésdes Chambresde Commerceet du gérant de I'O.C.C.C. ne traitera queles questionsrelatives au fonctionnement et à l'organisation interne de I'Office. Enfin, un Comitéde Direction qui comprendratoutes les personnesdes deuxcommissions et qui se réunira, en principe, tous les deux mois, vient clore la liste.

3 . !ttg>1i1e -de: gffsileg

En Octobre lg/r7, la situation financière s'est stabilisée et Ie Présidentde Ia M.C.F.A. fait remarquerque "I'Office demeurera'quel- Ies que soient les circonstances' un organisme précieux pour Ia Zone'

(40) Archives C.C.1.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Compte-rendude la séancedu Comitéde Direction du $ Septembre1'91+7.

(41) Archives C.C.I.M. DossierNo t36 O.C.C'C' Compte-rendude la réunion du Cornitéde Direction du L4 Octobre I9't7.

UrZ) Par un arrêté du Ministère de 1'EconomieNationale en date du iz+Avril 1.947, Michel KLECKERDE BALAZUC-BARBAZAN, InspecteurGéné- ral de I'EconomieNationale à Strasbouf$r est nomméCommissaire du Gouvernementauprès de I'Office. 208.

(43). lui permettantd'échapper au Plan Dollar pour certaines opérations" Et, dans une lettre en date du 15 DécembreL947 , le Président de la C.C.I.M. exprimesa satisfactionquant aux activitésde I'O.C.C'C' : "Plus que jamais, celui-ci devrait avoir un rôIe prépondérant (44). dansles échangescommerciaux entre Ia Zone et la France" Le bilan, au 31 Décembre1947 (4Û, laisse présager un avenir serein à I'O.C.C.C. : iI fait apparaîtreun soldebénéficiaire de 88.634'50 Francs et 61.395,08R.M. pour un volumed'affaires engagées de L41.320,987Francs. Le chiffre d'affaires traité par la C.C.I.M. pour I'exercice L9L7 estd,e 2g2.3OOFrancs pour I'importation,soit 0,4 % de 1'ensemble, et de 9 .72O.OOO Francs pour I'exportation, soit 7/r % de I'ensemble. Le totalde I0.01.2.500Francs, soit 7,I %, situela C.C.I.M. avantcelle (46) de Belfort, mais nettementaprès celles de Strasbourg et Colmar Année1947/

Metz 292.500 0r4 9.720.000 10.012 .500 Strasbourg 28,085.256 39,0 2t+.89/+.56/+ 52.979.82o Colmar 15.608.15921,7 15.608.159 Mulhouse t3.281..069 18,6 1.3.281..069 Belfort 1,.1.48.025r16 r.1.40.025 5 Chambres de Commerce 13 .394 .059 IB,7 34.897.365 1*8.291.421r TCTAUX 71.809.068 69.51r.929 14r.320.987

(1*3) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu 8 Octobre L9l+7. du 15 Décem- G/r) Archives c.c.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre ir"igtrl du Présidentde la C.C.I.M. au Présidentde la Chambrede Commercede Belfort.

(45) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Biianprésenté à la réunion du Comitéde Direction du L0 Février t9L8 '

(46) Archivesde Ia c.c.c.I.M. DossierNo L36 0.c.c.c. chiifre d'af- fair:es traité par la Chambrede Cornmercede l"ietz' 209.

En ce qui concernele chiffre d'affaires réalisé par les différen- tes composantesde ces échanges,on remarqueque le domainealimentaire se détachenettement, tant à I'importation qu'à I'exportation, des autres secteurs. On note aussi que 1'Est de la France importe nettementplus de fournitures industrielles qu'il n'en exPorte : les pièces de rechange pour les machinesallemandes héritées de l'annexion' sont un gros chapitre de ce secteur. I1 n'exporte aucunmatériau de construction, la demandeétant là encore, supérieureà I'offre GT).

fl l lmportation Exportation Totaux Alimentation 5r.526 .48/r 38.390 .665 90.9t7.r49 | Fournituresindustriel.l L4.754.816 r.224.239 15 .979 .055 12.r97.337 1.2.r97.337 cuir I Produitschimiques 13.242./*55 13.242.456 I Reconstruction 1r.235-267 1.235.267 | Divers | 292.500 4.357.233 4.649.733 ToTAUX | 1t.809.067 69.51r.929 1.41.320.997

La liste des demandesd'importation de marchandisesen Provenan- ce de la Z.F.O.A., présentéepar des commerçantset industriels mosel- lanset adresséeà I'O.C.C.C., n'est pas très longue. Les vingtdeux de- mandesrelevées concernentdes pièces de rechangepour les machinesal- lemandes(48), des tuiles et des ardoises (1,5 Millions de tuiles et 150ton- (€00 nes d'ardoisesdemandées par le M.R.U.), des produitsagricoles tonnesde quetscheset 200 tonnesde pommes). La liste des demandes d'exportationà destinationde Ia Z.F.O.A. est encoremoins longue' Sur les cinq demandes,on trouve côte à côte des paquetsde lessive, des cier- ges sculptés, des bouteilles de jus de fruits.. .

(ri7) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Chiffresd'affaires par branchespour 1947.

Ur9) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Sur la liste desdeman- des d'importationde marchandisesen Provenancede la Z.F.O.A., ort relève.àlt"t présentéespar La Mairie de Metz, Ies Forges et Aciéries du Nord et de Lorraine à Uckangeet Ie Génie Rural. 2r0.

La Mosellene semblepas profiter pleinementde I'existence de I'O.C.C.C . Est-ce parce qu'elle n'est pas encoretotalement intégrée à Ia nouvelle organisation ou parce qu'elle préfère poursuivre ses rela- tions commercialesavec la Sarre (49), dont elle a d'ailleurs vainement demandéI'admission au sein de I'Office ?

III. Uneorientation nouvelle

1. Uns grgsgé$ti melacés

Annoncéedans le bilande 1.91+7,laprospérité de I'O.C.C.C. qui ne réalise aucuneopération commerciale est déterminéepar son rôle de bureau de changepossédant un comPteen Francs et un compteen Marks, et réglant, sur le plan monétaire, les transactionsprivées effectuéesen' tre commerçantsfrançais et allemands. En effet , en !9/+7, les prix allemands étant considérablementinfé- rieurs aux prix français(le Mark vaut 1,2Francs), I'O.C.C.C. ne peut effectuer le changeau cours officiel car les produits français deviendraient inabordablespour les Allemands. Il est donc amenéà opérer une péréqua- tion fixant un taux de changequi rétablit l'équilibre des prix. Mais comme, au surplus, les opérationsd'importation et d'exportationne sont pas simul- tanéeset que Ie rapport des prix français et des prix allemandsvarie avec les produits, I'O.C.C.C. pratiqueun taux de conversionparticulier pour chaqueopération en se ménageantune marge de sécurité qui lui procure une grandeaisance de trésorerie.

(trg) Nous ne possédonsmalheureusement aucune donnée chiffrée concernant Lesrelations commercialesentre la Moselleet Sarre. En effet' Ies statistiquesne sont régionaliséesque depuis 1969. Nou.sne pouvons donc qutémettredes hypothèsessur I'importancedu trafic entre ces deux régions frontalières. 2L7

Avec I'augmentationdu cours du R.M. , débutI9lrB, les prix allemandsdépassent Ies prix français et, pour avoir la certitude de pouvoir céder ses Marks aux importateurs français à un taux suffisam- mentrémunérateur, I'O.C.C.C. rembourseIe Mark aux exportateurs français à50 Francs, alors qu'il le cèdeaux importateursà 60 ou 65 Francs. C'est donc grâce à I'action du Commissairedu Gouvernement auprèsde I'O.C.C.C., qui déterminele tauxde changedans chaque cas particulier et délivre les licences d'importationet d'exportation(50), que I'Office peut aisémentsupporter I'amputationde 80 % de son compte en Marks lors de la réforme monétaireallemande (51).

Toutefois, Lg48est, pour deux raisons, une annéedifficite pourI'O.C.C.C. La réformemonétaire allemande du 20 Juin 1948et Ia signature, le 29 Septembre,du Protocole intervenu avec les Alle- mandsde Z.F.O.A. concernantIes échangesfrontaliers de marchandises et de prestations, sont autantd'évènements perturbateurs.

a) L'O.C.C.C. et la réformemonétaire du 18 Juin1948

En 1,91+8,Ie cours officiel du Mark allemand connaÎt quatre co- tations successives : 1 R.M. = L2 Francs 1 R.M. = 2t,60 Francs 1 D.M. = 6lr,LOFrancs 1 D.M. = 79,10Francs

(50) Archives C.C. I.M. DossierN" 136 0.C.C.C . RapportKLECKER, le ler Juin1948.

(51) Archives C.C.1.M. DossierNo 136 'c.C.C.C. RapportKLECKER, le 20 Avril l9l+9. 21,2.

L'O.C.C.C. subit de plein fouet, Ie chocde ces oscillationsmais réussit à "surmonter 1'écueilde telles cotations" (51) grâce à une discipline rigoureuse appliquéeen matière de prix, axée sur les cours de conversionrésultant des prix réels français et des prix réels intérieurs allemandsau momentconsidéré et pour un volume de compensationet de taux corresPondantmaintenu à un niveau sen- siblementégal. Par ailleurs, la réforme monétaireallemande du 18 Juin l-948' en subtilisant80 % de I'avoir de I'O.C.C.C. en Marks' Provoque un brusqueet massif déséquilibrede son pouvoir d'achat en Marks et de ses capacitésde comPensation. En effet, rappelonsque I'O.C .C.C. est détenteurd'un compte en Marks non transférable et que dès Avril I9L8, le Comitéde Direc- tion se préoccupedu sort de ce compteen cas de réforme monétaire. L'O.C.C.C. essaiealors de résorber en totalitéou tout au moinsde diminuer sensiblementIe solde créditeur en Marks par des importa- tions accrues vers la France' mais el}e se heurte à des rétentions de stocks de la part des vendeursallemands qui attendentla réforme monétaire, alors que le rythme normal des exportationsen cours ne peut être paralysé sansdommages (52). Ainsi en Mai et en Juin, I'O.C.C.C. exportede Francepour 1.855.960R.M. de marchandises,et en importepour 2.590.486R.M., rapatriant 731-.525R.M. de son compteen Allemagnequi, néanmoins' (51)' s'élèveencore, à la veille de Ia réformeà 4.623.i78 R.M. de sa va- Que faire de cet argent qui risque de perdre 80 à 90 % leur ?

$z) Archives C.C.l .M. DossierNo 136 O.C.C.C . Affectation à donner uu* aitponibilitésen Marks de I'O.C.C.C. Notedu SecrétaireGéné- ral de 1â C.C.I.M. à son Présidentle 9 Juin l-948à la suite de Ia réunion exceptionnelledu comité de Direction Ie I Juin 1948. 2r3.

La Communautéde NavigationFrançaise Rhénanesouhaitant rassemblerun importantvolant de trésorerieen R.M. , l'O.C.C.C . Iui vend 2,5 Millionsde R.M. le 18 Juin 1948,au cours de 6 Francs pour 1 R.M.r perte sérieusesi I'on sait que le cours officiel est de 21,,60Francs et que le cours auquel se traitent les importationsd'41- lemagneen France est trois fois plus élevéencore. C'est ainsi que 15.000.000Francs sonttransférés au comptede 1'O.C.C.C. en France Ie 28 luin 1948(51). Par ailleurs, I'Office est autorisé à procèder à un investisse- mentde 10 % du capital de 500.000R.M. de chacunedes trois Socié- tés de NavigationRHESPAG, sous contrôle de Ia Communautéde Na- vigationFrançaise Rhénane, soit une participationde 150.000R.M. (52). A la suitede ces opérations,le soldeen Marksde I'O.C 'C'C' demeureencore créditeur de I.973.178 R.M. toujourssusceptibles de subir une amputationde 90 % et de ne plus représenter, après le (52). 20 Juin 19/*8que Ia valeur de 9S.658D.M. Un premieréchange de 5 % de D.M. des avoirsde I'O.C 'C 'C' a d'ailleurs lieu les 26 juillet et 17 Août 1948. A la suite de I'inter- vention des pouvoirs publics français, un complémentde 295.976D.M . , portant à un total de 20 % la valorisation de son ancien solde crédi- teur en R.M., est accordéà I'O.C.C.C. par la CommissionBancaire Alliée de Francfort (51).

A Ia fin de I'exercice 19/+8,soit six mois après Ia réforme rnoné- taire, le soldebancaire en D .M. est de I.723.611+,20.Ces chiffres montrentclairement Ia vitalité de I' O. C .C . C .

une telle opération, fructueuse s'iI en est, ne rencontre Pour- tant pas I'assentimentde tous les membresde I'Office. Ainsi, dans une lettre de protestationdu 1-1Juin 1948(53), adresséeaux autres membresde la C.C.1.M., son Président, H. MATHIEZ' s'oppose' du fait de la réticence des Armateurs du Rhin dans la questionde I'aménage'nentde la Moselle, à la prise de particiPationde I'Office

(53) Archives c.c.l .M. DossierNo 136 0.C.C.C. Lettredu 11-luin 1948. 21 /.

dans le capital des RHESPAGet préconiseune formule de prêt à court ou moyenterme à }a CompagnieGénérale pour la Navigation du Rhin, prêt comportantune clause de remboursementsur Ia base d'un taux de conversionintéressant. Par ailleurs, lors de la réu- nion du Cornitéde Direction du 29 Juin L948' le Président MATHIEZ s'opposeà la ventedes R.M. à la Compagniede NavigationRhénane, soulignantqu'aucune décision n'a été prise à ce sujet lors de Ia réu- nion du B luin 1948et que I'Inspecteur Général de I'EconomieNatio- nale a agit de son proPre chef (54).

b) Le protocoledu 29 Septembre1948

- Les projets de protocole.

Faisant suite à la constitutionà Fribourg, en SeptembreL947, d'un Bureau de compensationet à la signature, le 4 octobrcl9/+7 à Baden-Baden,d'une conventionréglant Ies attributions et ie fonction- nementde ce Bureaudans ses rapportsavec I'O.C.C.C., il s'avère que les principes essentielsde ce texte, qui demeurevalable, méri- tent d'être complétéspar un protocole au caractère juridique plus précis. Les négociationsqui aboutissent,le 29 Septembre1948, à Ia si- gnaturede cet accord d'échangesfrontaliers, débutentIe 28 Juillet 1948à Fribourg, sur la base d'un documenten neuf articles, préparé par I,AdministrateurHILPERT du G.M.Z.E.O. (55). I1 y est préci- sé que I'accord est destiné à renforcer les courants commerciauxtra- ditionnels entre les départementsdu Rhin et de la Moselled'une Part' et Ie Pays de Bade d'autre Part. Les demandesde transactions seront soumisesà I'agrérnent, pour Ie côté français, du Commissairedu Gouvernementauprès de l'o.c.c.c. et, Pour le côté badois, des au- torités militaires alliées de contrôIe. Les transactionsautorisées se- ront centraliséesPar I'O.C.C.C. du côté françaiset Par Ie "Bureau

$L) Archives C.C.I.M. DosslerI'lo 136 O.C.C.C. Compte-ren,tude la réunion du Comitéde Direction' le 29 Juin 1948. (5s) Archives C.C.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Documentayant ser- vi de baseà la discussiortdu 28 Juitlet 1948à Fribourg. 215.

de Fribourg" ou un Office de Compensationrestant à créer, du côté badois. Les prix des marchandiseslivrées seront fixés d'un commun accord et les paiementseffectués sur un compteen Marks ouvert Par le GouvernementBadois au nomde I'O.C.C .C. à la Landeszentral- bank à Fribourg. Le 28 juillet Lglrï, une réunion a lieu à Fribourg entre des repré- sentantsdu GouvernementMilitaire Français et des Chambresde Com- merce et d'Industrie de Bade Sud' en vue de créer un Office pour les transactionsde compensationentre le Pays de Baded'une part ' et les départementsdu Rhin et de la Moselle, d'autre Part, ceci sur la base du projet précité (56).

Les grandeslignes d'un accord sont tracées : le Gouvernement Militaire Français consentà Ia création d'un Office de Compensation Badois, libre d'accepter ou de refuser les importationsà effectuer sans demanded'autorisation préalable. il établit une liste des mar- chandisespour lesquellesune contrainte subsistequant aux transac- tions de compensation. Les Chambresde Commerceet d'Industrie du Bade Sud se décla- rent favorablesà la création irnmédiated'un Bureau et à Ia mise sur pied d'un contre-projet servant, après comParaisonavec le projet HILPERT, à en établir Ia version définitive. Le14Août19/+S,lesBadoisprésententletextedeleurcontre- projet à Fribourg$D. Celui-ci reprend Ies idées émiseslors de Ia rencontre du 28 Juillet 1948et précise la procédureà suivre par I'Of- fice de CompensationBadois : l'approbationdes demandesd'importa- tion et d'exportation sera de Ia ProPre cornpétenceet se fera sous Ia responsabilitéde l'Office, comptetenu naturellementdes interdictions en vigueur. Les Badois précisent que le taux de conversionofficiel sera mis en vigueur pour les transactions.

(56) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C . Compte-renduet traduc- tion de I'entretien du 28 Juiitet 1948, établis Par le Ministère Badôis' /tr 7\ ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Textedu contre-Proiet présentépar les Allemandsle 14 Août 1948à Fribourg. 216.

Le I Septembre1948, certaines modificationssont apportées par les autorités françaises au texte initial (58). Elles précisent notammentque les litiges résultant de 1'exécutionde la convention seront sounis à une CornmissionParitaire de 6 menibresqui se réu- nira alternativementà Strasbourg et à Fribourg. Un représentantdu G.M.Z.F.O. assisteraobligatoirement à cette commission. Les liti- ges émanantdes opérationsde compensationentre ressortissants français et allemandsdevront être conciliés par une CommissionPari- taire de 4 membres,comPosée de représentantsde I'O.C.C.C. et du Bureau de CompensationBadois.

- La signature du Protocole

c'est finalementle 2! Septembre1948 que Ie protocole concer- nant les échangesfrontaliers de marchandiseset de prestations entre Ies départementsdu Rhin et de la Moselleet le Pays de Bade' est ar- rêté (59). Cette convention,conclue Pour une durée d'un an, tacitement (60). reconductible, pourra être dénoncéeavec un préavis de trois mois Les clauses du protocole répondentpleinement aux aspirations de I'Administration Militaire Française en Allemagneet, plus particu- lièrement, de la Sectionde I'EconornieCénérale de la DéIégationSupé- rieure pour le GouvernementMilitaire du Bade, à savoir' assurer au - clearing "départementSf rontaliers rhéno-mosellans ZoneFi:ançai se d'Occupation" un caractère bilatéral indispensable,en donnantaux Allemandsla gestiondu compte-Markssans qu'il puisse en résulter

(58) Archives C.C .I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Textedu protocole presànteaprès modificationpar Ia France le I SeptembreL948,

(59) Archives C.C.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C ' Protocoledu 2! Sep- tembre lgtrï. Le texte intégral figure en annexeNo 34'

(60) Protocole du 29 septembre1948 Article 11. Le 25 Juin 1949un avenant iu proto.ole, modifie I'article 11 (Lettre du DéléguéDirecteur Général de i'AgenceCommune d'Export et d'lrnport d't27 Mai 1949). Le nouvel àrti.fJ 1i précise que I'acèord sera tacitementreconduit par périodes trimestrielles et non plus annuelles. 21.7.

un déséquilibredes échangeset du financement. Elles constituent par là uneorientation nouvelle pour I'O.C.C.C. En effet, les dis- positions du protocole prévoient notammentque, d'une part' sur de- mandede la Kompensationstelleder Handelskammer(K.D.H.)' orga- nisme allemandhabilité par Ie Ministère Badoisde I'Economieet grou- pant les Chambresde Commercedu Pays de Bade, les Services du GouvernementMilitaire déIivreront Ies licences d'importationet d'ex- portation nécessairesà Irentrée ou à Ia sortie d'Allemagnedes Pro- duits ayantfait 1'objet d'opérationscommerciales approuvées ' et ' d'autre part, qu'il appartientau K.D.H. d'assurer le règlementfinan- cier de ces opérations(61). La signaturede ce protocole par le Ministère Badois de I'Econo- mie et du Travail, ne se fait que moyennantI'assurance du G.M.Z.F.O. de traiter les livraisons de lait du Pays de Badevers I'Alsace dans I'esprit du protocole du 29 Septembre1948, comme "produit admis librement à I'exportation", et de permettre' en retour, la fourniture par la France au Pays de Bade, de graisses alimentaires pour la même valeur en D.M. (6D. Cettedernière prétention est rapidementabandonnée mais le rè- glementde la questiondu lait fait obstaclependant quatre mois, à la mise en vigueur du protocole (63).

MalgréIa réforme monétaireet le Protocoledu 29 Septembre' Ia progressiondu chiffre des transactionsO.C.C.C - entièrement

(61) Les autres clauses du protocole ont déjà fait I'objet d'étudesdans notre para.qrapheconsacré aïx projets de protocoles. En annexeNo 34' fi- iure"te iexte intégral du Protocole du 29 SeptembreI9/r8' (52) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu MinistreBa- dois de I'Economieet du Travail au Directeur de Ia Division Economie Généraleet Financesau Service du CommerceExtérieur à Baden-Baden re 29 SeptembreL9L8.

(63) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Rapportdu Contmissaire du Gouvernementauprès de I'Office k 2A Avril 1949' 2t8.

soldéespasse de 14t.917./*89Francs en 1947,à 796.977.olrL Francs en 1948(63). Le premier trimestre de 1948laisse prévoir un bilan très positif, le chiffre d'affaire par branchesen est Pro- metteur (63) :

tatlon xDortation otaux 1er trimestre L948 Alimentation 20.6L3.891, 29.55r.r03 50.164.99/r Fournitures industrielles 3.846.308 L.9tr7.226 5.793.534 Cuir 3.142.r85 3.1t*2.L85 Produits chimiques LA.072.500 10.072 .500 Reconstruction 8.9r9.329 8.919.329 Divers 330.960 39.996 370.956

TOTAUX 36.852.673 L1..6L0.825 78.,\63.L98

En DécenibreL9L8, la sommeatteint un chiffre à lui seul presque égal à 1'exercice L947tout entier : à I'exportation 72-7 1r5.406 Francs à I'importation 6/*.720.553Francs

soit I37.465.959Francs

L'excédentde recettes de 7.055.222 Erancs témoignede la saine gestionde 1'O.C.C.C. (64). sur un plan plus local, on relève quer pouf le premier trimestre de 1948,la C.C.I.M. importela valeurde 3.769'929Francs, soit ce 1O,2 o/odu total des importationset , commeelle n'exporte rien, chiffre est ramenéà L,8 % de l'ensembledes transactions' Du 1er pour l/+.I55'i'81 Francs Janvier au 30 SeptembreIg/r8, elle importe (1'5 total de ses 6 w et exPortePour 2'850'750 Francs D' Le transactionsest de 17.005.931Francs, soit seulement3,8 % des af- faires traitées par I'ensembledes C.C.I '

Décem- 1ff,4) Archives c.c.I.M. DossierNo i36 o.c.c.c. Bilanau 3l- bre 1948. zLg.

L'O.C.C.C. semble,en 19/+8comme en 1947,profiter essen- tiellementaux Chambresde Commercealsaciennes, ainsi que nous le montre ce tableau(63) :

CHIFFRE D'AFFAIRESTRAITE PAR CHAMBREDE COMMERCE -- oI ol lmport. I 7o Export. /ô Totaux /o Ler trimestre Tgtg Metz 3.769'.929L0,2 3.769.929 4rB Strasbourg 16.507.055/r5rO 3L. /r3?.499 76,8 47.939.55/, 61,0 Colmar 8.375.52322,6 8.375.523IO,7 Mulhouse 7 .OOB.29L19'0 2./+19.726 5,8 9.428.01712,0 Belfort 1.1.9r.875 312 r.1.9r.875 1,5 Extérieur 600.000 012 600.000 0r8 Etat 7.158.600 37,2 7.158.6009rz

TOTAUX 36.852.673 41..610.825 78. /*63./*98

2. L' I.-C.-C:C. giclime-de1ogsgcsè:

a) Les ambitionsdu GouvernementFranÇais

A la suite des difficultés rencontréesdans 1'exécution de I'ac- cord de conmerce intervenu le 18 Novembre1948 et signé par le Gou- vernementFrançais et les Commandantsen Chef occidentauxen AlIe- magnele 16 Décembre1948, la France est peu à peu évincéede toute cornpétitionet les produits américains, mêmeceux qui' avant guerre' dé- n'étaient pas ou peu introduits sur le marchéallemandr }r preûnent sormaisune place sanscesse croissante. De plus, I' o.c.c.c. ' voit hier encore méprisé par certains services centraux parisiens, son imagede marqueaméIiorée grâce à I'efficience du mécanismesim- ple de sa procédure qui parvient, sur la seule base du Franc et du Mark, à règler et à équilibrer tous ses échangesd'exportation et d'importationdont le volume, poUr le premier trimestre de 1949' est 220.

nettementsupérieur à celui qui a pu être traité en exécutionde I'ac- cord de Francfort (65). Paris Pensemême l'utiliser comme"instru- mentoffensif à I'encontre ,les accords interalliés" (65)' Le Commis- saire du Gouvernementrappelle à cet effet, que dans I'intérêt de l'économiedes départementsmosellan et rhénans, il convientde sau- vegarder Ie caractère frontalier de I'Office avant tout' Il n'est toute- fois pas hostile à la réalisation d'exceptionnellesopérations dépassant ce cadre (66), sous le contrôle du Ministère des Financeset des Affai- res Economiques(67), de mêmequ'il envisage'en cas de nécessité, draccepterdes transacticns pour la Meurthe-et-Moselleet les Vosges.

Par ailleurs, le GouvernementFrançais souhaiteI'extension au territoire de la Sarre, du régime des transactionseffectuées par I'O' c.c.c. (68). L'affaire débute,1e ler octobre L948' par Ia supres- sion de I'OFFISARRE, organismeofficiel qui assurait les échanges compensésde Ia sarre avec I'Allemagne. La Chambrede commerce de Sarrebrticksouhaite alors être admiseau sein de I'O.C.C.C. Le Commissairedu Gouvernement,KLECKER, craignantune trop forte concurrencede la Sarre, dont les départementsde I'Est seraient les premières victimes, repoussecette solution, tandis que Ie Haut-Com- (69)' missaire GRANDVALappuie les prétentionssarroises KLECKER souhaitealors recueillir l'accord du Comitéde Direction de 1'O'C' c.c. et précise les conditionspréalables qu'il estimeindispensables:

(65) ArchivesC.C.1.M. DossierNo 136O.C.C.C. Noted'information du Cornmissairedu Gouvernementauprès de l'O.C.C.C. aux Présidents des Chambresde Commercele23 Avril 1949. (66) Il cite pour mémoireI'exemple, en Septemb_reI9Ir7, de I'importation de pour l'éco- 52 Millions de Francs de blés de semenceallemands, vitale nomiede I'Est de la France, alors que le Ministère de l'Agriculture ne Ia àisposait plus d'aucuncrédit en Doliars pour introduire ces blés par procédureOFFICOMEX. (67) ArchivesC.C.I.M.Dossier No136O.C.C.C. Lettredu Ministredes Fi- nancesau Commissairedu GouvernementIe 13 AvrilLgLg' AnnexeNoL de Ia noted'information transmise aux présidentsdes Chambresde Com- mercele 13 Avril 1949. (68) ArchivesC.C.I.M.Dossier No136O.C.C.C. Lettredtt Sous-Directeur des RelationsEconomiques avec 1'Allemagne,I'U.R.5.S ., I'Europe Cen- trale et Orientale, ff Rgy, au Commissairedu Gouvernementle 19 Avril Igt+g. (6e) ArchivesC.C.I.M.Dossier No135O.C.C.C. Lettredu 23 Février 1"91-9. 22t.

"1. Mêmerégime de présentationque Pour les demandesde tran- sactionadressées à I'O.C.C.C., c'est-à-direentremise et avis obli- gatoire de Ia Chambrede Commercede Sarrebruck avec application rigoureuse de la mêmeréglementation et de la mêmeprocédure. 2 . Obligationabsolue , commeprécaution supplémentaire, du visa du Haut-Commissaireou de son Conseiller Economique. J. Echangesstrictement compensés entre les exportationset les importations (...), de telle sorte que Ia baiance Sarre fasse I'ob- jet, dans la comptabilisationO.C.C.C., d'un comPtespécial ne com- promettant jamais notre équilibre propre" (70). Le Comitéde Direction abonde,le I Mars 1949, dans le sens de ces suggestions. Il souhaited'une Part, éviter les méiangesde trésore- rie par I'ouverture d'un comPtespécial en Frarics, servant uniquement aux affaires sarroises (71), et d'autre part, adjoindrela garantieas- surant que les produits importés d'Allemagnehe viendront pas concur- rencer les produits français, et celle d'une fermeture effective de ia frontière sarro-allemande. LaC.C.I.M.donnesonaccordpourl'admissiondelac.c.I. Sarre au rang d'associée, sous les réserves précédemmentformulées' ElIe insiste pour que les demandesde transactionssarroises soient visées par les services économiquesdu Haut Commissairede France en Sarre (72). Les Sarrois acceptentces conditionset un programmelimité à une périoded'essai de six mois'estmis sur pied'

(70) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Noted'information du Commissairedu Gouvernementaux Présidentsdes Chambresde Commercedu 16 Mars 1949.

0r) Archives c.c.I.M. DossierN" 136 0.C.C.C. Frocès-verbalde la réunion du I Mars l9tr9,

15Mars Q2) Archives c.c.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Accorddu 1,g/*g.cf . aussi procès-verbal de la séanceplénière du 7 Mai 1949. 222.

Du côté allemand, la grogne s'installe. La centralisation des opérations de compensation des Lânder Wurtemberg, Rhénanie, Pa- latinat et Bade, n'est pas du goût des trois premiers, hostiles au monopole badois. Toutefois, les relations de I'Office avec les Badois témoignentde I'attachementde ceux-ci à la formule O.C.C.C. Le Gouvernement F rançais souhaite provoquer une certaine dé- centralisation de la procédure des échanges en faveur de I'Etat Rhéno- palatin. Le Commissaire de Gouvernementest, pour sa part, hostile à toute modificationde structure de I'O.C.C.C. Q9.

b) L1 Avril L949,I'lnstruction l.E.I.A. No 1

L'introductionen zonefrançaise, à partir du lL Avril 1,9/+9'de la procédured'exportation prévue à I'lnstruction l.E.I.A. No 1 du Ler Décembre1948 et qui n'était, pas applicablejusqu'alors, à la Z.E .O.4., désorienteles serviceséconomiques français, les pari- sienscomme ceux du G.M.Z.F.O., et risquede mettreen causeI'exis- tencede I'O.C.C.C. Il ressort de Ia lecture de ce texte (74)que, dansles contrats d'exportationd'Allemagne ' aucun engagementautre que celui de payer le prix convenuen devisesne peut être stipulé ni accepté. Les recet- tes en devisesrésultant d'exportations, sont portées aux comptesdes GouvernementsMilitaires occidentauxen Allemagne. Aucun engage- ment ne peut être pris tendantà empêcherla remise aux Gouvernements Militaires d'une partie quelconquede ces recettes. Un tel document, ne comprenantaucune réserve ni dérogationpour la procédureO.C.C.C. ' marquel'arrêt brutal de toutes les opérationsde l'Office.

Q3) Archives C.C.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Noted'information déjà citée-23 Avril 1919.

Q4) Archives C.C.l.M. Dossier No 136 O.C 'C.C. Texte en annexe de la note d'information déjà citée - 23 Avril I9/+9. 223.

Les Badois du Ministère de I'Economieet du Travail et ceux du K.D.H. estimentqu'une telle procédurene peutintéresser que des opérationsl.E.I.A., mais sontinapplicables au clearing O.C.C.C. - K.D.H., puisqueprécisément les devisesy sontinuti- les et remplacéesdans les deux senspar des marchandises(75). Le G.M.Z.F.O. affirmecependant, que le texteimplique I'ar- rêt des opérationsO.C.C.C . (76). Le Comitérestreint de I'O.C.C.C., chargéd'examiner Ies de- mandesde transactionsavant de les présenter aux Allemands(77), bloqueles nouvellesdemandes (78). A Ia suite de la réunion mixte de Fribourg, les nouvellesaffaires sontmises en attentejusqu'à ce que la situation soit éclaircie (79).

Par ailleurs, la mauvaisecoordination entre les services éco- norniquesparisiens et ceux de ia Zone empêcheIa promulgationdu document,daté du 28 Mars 1949, énonçantles instructionsdestinées à adapter la procédure du clearing dès I'applicationen Zone Françai- se de l'Instruction I . E.I .A. No l-. Elles en indiquentles rnodalités qui fontd'ailleurs passer toutes les opérationsO.C .C.C. - K.D.H. sousle contrôlede la l.E.l .4. (80). Le Commissairedu Gouverne- mentsouhaite que la France fasse état de 1'article2 du paragrapheII. du Protocole de Fusion entre les organismesde commerceextérieur

Q9 ArchivesC.C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Lettredu 20 Avril 1'949.

OO ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Lettredu 21 Avril L949.

Q7) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Notedes Secrétaires Générauxdes Chambresde Commercepour le Gérantde I'O.C.C.C. Ie Ler Avril 1949.

QÙ ArchivesC.C.1.M. DossierNo 136O.C.C.C. I'rocès-verbalde Ia réunion du Comitérestreint du 22 Avril 1949.

(J9) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Procès-verbalde la réunion mixte de Fribourg du 27 hvril I9L9.

(SO) ArchivesC.C.l.M. DossierNo 136O.C.C.C. NoteC'infcrr^aticn Cé;à citée - 23 Avril 1949- Page 1 22L.

de la Z.E.O.A. et ceuxdes Zonesaméricaineet anglaise, Ie 18 Octobre I9/*8 z "(...) Cependant,certains comptesspéciaux ProPres à des programmesd'accords commerciauxspéciaux, pourront être main- tenust'. Il affirme en outre : "Le protocoleO.C.C.C. - K.D.H. du29 Septembre1948 est complètementcouvert par ce texte. C'est unequestion de ferme- té" (81).

La questiondes échangesfrontaliers est finalementexaminée lors d'une réunion entre Ia DéIégationdes Commandantsen Chef occi- dentauxen A-llemagneet la DéIégationFrançaise, Ie 27 Mai I9/.9 (8D- I1 est convenuque les échangesfrontaliers seront maintenusdans Ieur fonctionnementprévu par le protocole du 29 SeptembreL948, mais que 1'article 11 de ce protocole devra être modifié (83)' de ma- nière à permettre sa dénonciationà tout momentPar une des parties' sous réserve d'un dépôtde préavis de trois mois. Enfin, des dispo- sitions devront être prises rapidementen vue d'adapter Ia réalisation des opérationsenvisagées dans le cadre du protccole à la procédure d'importationet d'exportationde la J.E.l.A. La décisionfinale tombeIe 20 Juillet 1949. L'Instruction No2185 du Servicedu CommerceExtérieur du G.M.Z.E.O. préciseles nou-

(81) Archives C.C .I .M. DossierNo 136 O.C.C.C . Noted'information déjà citée - 23 ltvril I9t+9- Page 2.

(82) Archives C.C.l.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Procès-verbaldes discussionsenvoyé aux C.C.I. par I'AgenceCommune d'Exportation et d'lmportation. Francfo* Ie 27 Mai 1949.

(83) Archives C.C.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu Commis- saire du Gouvernementaux Présidents des Chambresde Commercele 30 Juin I9/r9, L'avenantdu 25 Juin 1949modifie I'article 11 du proto- cole dans ce sens. Or, commeaucune des parties n'a utilisé la facul- té de modificationdes modalitésd'expiration, l'exécution des échanges frontaliers par Ia procédure O.C.C.C . doit se poursuivre.jusqu'au 29 Décen^bre1949. 225.

velles dispositionsd'import-export (84) et insiste particulièrement sur les opérationsinterdites. Ainsi, est-il défendude traiter par I'intermédiairedu K.D.H. les opérations,à I'exportationde Z.F.O., portant surtout sur le matériel de guerre, et à I'importation, les opérationsportant sur les produits dont I'achat à I'extérieur demeu- re de la compétenceexclusive de la J . E. I .4. Par ailleurs, une nouvelleprocédure concernantles demandes de transactionsentre en application. Ainsi, les importateurs et les exportateursallemands et français, désireuxd'effectuer des opé- rationspar I'intermédiairedu K.D.H. et de I'O.C.C.C., discuteront et établiront d'un communaccord leur premier contrat. Ce projet sera soumisà 1'O.C.C.C. - K.D.H. Iors desréunions bi-mensuelles de la CommissionMixte qui agréera les opérationsen tenantcompte des interdictions. Le K.D.ll. délivrera au commerçantallemand un certificat d'autorisation d'importer ou d'exporter. Les modalitésdes licences d'import-export s'en trouvent boule- versées. Ainsi, 1'exportateurou f importateurallemand remplira une série de formulaires revêtus d'une surcharge rouge portant la mention : "Clearing Z . F .O. Départemeritsrhénans". Ces formulai- res seront rerris à une Banquedu CommerceExtérieur (Aussenhan- delsbank)du Pays de Bade, qui visera les docurnents.lls seront ensuiteventilés dans les différentsservices intéressés : un exemplai- re en sera adresséau K.D.H., un autre conservépar la Banqueet Ie reste envoyéà I'importateur ou I'exportateur allemand. Le règlementflinancier se trouve ainsi considérablementallégé. Le K.D.H. srassuredu fait queson compte en D.M., à la Landeszen- tralbank de Fribourg, crédite le comptede la Banquedu Commerce Extérieur concernée, q.uirègle I'exportateur par virement à son cornpte proPre.

(8D Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. InstructionNo 2185 sur Ie fonctionnementdu clearing comrnercial "Pays de Bade - Dépar- tementsI'rançais du Rhin et de la Moselle". Service du Cornmerce Extérieurdu G.M.Z.F.O. Ie20 Juillet I9/r9, 226.

Les importateursallemands effectuentle règlementdu montant de ia transactionà Ia Banquedu CommerceExtérieur qu'iis ont choi- sie. Cette dernière, dès réception du compte-rendude la Douane, crédite le cornptedu K.D.H. à la Landeszentralbankde Fribourg. En vue de permettreau GouvernementMilitaire et à ia J.E.I.A. d'exercer sur les opérationsdu K.D.H. Ie contrôlegénérai prévu par Ie statutd'occupation, le K.D.H. établiraun état mensuelfai- sant ressortir Ia situation des transactionsproposées' acceptéeset exécutéesau cours du mois de référence, et en transmettra un exem- plaire au Service du CommerceExtérieur du G.l .Z.F.O. à Baden- Baden,et à I'Agencepour Ia Z.E.O. de la J.E.I.A. dansla même vilie. Il adressera d'autre part, un exemplairedu procès-verbal des réunionsmensuelles de Ia CommissionK.D.H. - O.C.C-C. à ces mêmesservices.

Ainsi, I' O.C.C.C. obtientI'approbation des gouvernements altiés. Il est officiellernentreconnu par Ie i.E.I.A. et figure même dans1'accord commercial f ranco- trizonal signéIe 21 Juillet L9/+9, commeIe demandaitla C.C.I.lvt. lors de sa séancesplénière du 25 luin 1949(85).

c) La réorganisationde I'O.C.C.C.

L'introductionde I'InstructionNo 1 de Ia J .E.I.A. provoque' dansIes échangesfrontaliers de procédure O.C.C.C., d'incontes- tables remous. Toutefois, grâce à I'intervention du Commissaire Généraldes Affaires Allemandeset Autrichiennes, et à sa décision qu'en tous cas, les transactionsacceptées avant le LL Avril I9l+9 serontmenées à bonnefin, l'activité de I'O.C.C.C. n'est pratique-

(85) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Séanceplénière du 25 Juin 1949.Mémoire des Chambresde Commerced'Alsace et de la Moselle ccncernantIes futures relations commercialesfranco- allemandes. 227"

mentpas interrompue(86) ; et ceci bien que la CommissionMixte ne se soit plus réunie depuisIe 5 Avril 1949, puisqueles nouvel- les transactions,postérieures au 11 Avril, ne pouvaientplus être réaliséespar Ia procédureO.C.C.C. - K.D.H. avantqu'inter- vienneI'accord des AIIiés. Cet accordapprouvant la poursuitedes opérations O.C.C.C. - K. D . H . , est annoncéIe 27 Mai I9/r9, mais la notificationofficielle de 1'InstructionNo 2185du 20 Juiltet 1949,concernant la nouvelle procédurepour l'établissementet la déIivrancedes documentscon- formesà I'Instruction J.E.I.A. No L, qui remplacerontles licen- ces antérieurementdélivrées par Ia Zone, n'est remiseaux Allemands par le Servicedu CommerceExtérieur du G.M.Z.F'.O. quele 2I Juillet 1,9/19.Ce troplong déIaientre I'accorddu27 Mai et Ia remise de Ia nouvelleinstruction de procédureIe 21 Juillet est néfasteaux échangesfrontaliers car, pendantce temps, de nombreusesdemandes de transactionsrestent bloquées tant à I'O.C.C.C. qu'àla K.D.i{. Par ailleurs, Ie ComitéRestreint de I'O.C.C.C. ne s'est pas réuni depuis Avri | 19119,ce qui provoque un cert ai n nonùre de bavuresrisquant de ternir la réputationde I'O.C.C.C. C'est ainsi que plusieursaffaires portantsur des marchandisesexportées, non-produitesdans les départementsdu Rhin et de ia Moselle, sont réaliséespar des maisonsd'import-export non spécialisées. Des importationsde baryte, cuir synthétique,raccords en fonte malléable et crayons se font au détrimentde Ia productiontrançaise (87). En conclusion, les Chambresde Commercesouhaitent reprendre la direction effective des opérationset exigentla nominationd'un nou- veau Directeur agissant sousleur contrôle (88). Leurs doléancespor-

(86) ArchivesC.C.l.M. DossierNo i36 O.C.C.C. Notedu Commissaire du Gouvernementauprès de 1'O.C.C.C. le 10 Juin L9L9. Cf. aussi procès-verbalde Ia réunionde Ia CommissionMixte O.C.C.C./K.D.H. à Strasbourgles 26 et 27 juillet I9L9. @7) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Réuniondes Secrétaires Générauxdes Chambresde Commerceà Strasbourgle 26 Août 1949. (88) ArchivesC.C.I.M. DossierNlo 136 O.C.C.C. Notesur la réunicnre- lativeà I'O.C.C.C. convoquéele 12 Juillet1949 à Paris par P. PFLIMLIN. 228.

tent égalementsur le partage des attributions entre Ie Directeur de i'C.C.C.C. et le Con:missairedu Gouvernement(89). Elles veulent éviter qu'uneconfusion des pouvoirs, néfasteaux activités de I'O.C.C.C., ne s'établisseà I'avenir(88). Les Chambresde Commercedu Rhin et de la Moselle souhaitent uneréorganisation de l'O.C.C.C. (90), pourtantles chosestraînent en longueurmalgré les protestationsde leurs Présidents(91). Colmar refuse de faire partie du ComitéRestreint aussi longtemps queI'O.C.C.C. ne sera pas réorganisé(92). Le 28 Octobre1949, I'ordre du jour de la première réunion, depuisAvril 1949, du Comité Restreint, est axé sur la structurede I'Office (93). Enfin, par une lettre circulaire du 7 Novembre1949, Ie Commissairedu Gouverne- mentauprès de I'O.C.C.C. préciseles nouvellesattributions régle- mentairesde I'Office qui doit : - VeiIIer à ce que sonactivité s'exercedans Ies limites et sui- vant les règles fixées par Ie Ministère des Financeset des Affaires Econorniques. - Fixer les taux de conversion Franc-Mark d'après les prix intérieurs français et allemands. - Signer les licencesfrançaises. - Exercer les pouvoirsd'approbation des transactionsdévolues au Commissairedu Gouvernementpar le protocoledu 29 Septembre 19/18.

(89) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136 O.C .C.C. Lêttredu Commissaire du GouvernemeRtaux Frésidents des Chambresde Commercele 7 Juillet 1949 (I1 s'y plaint d'avoir de trop nombreuse'sattributions).

(90) ArchivesC .C.I .M. DossierNo L36 O.C .C.C. Réuniondes Chambres de Commercedu Rhin et de la Moselleà Strasbourgle 31 Août 1.949.

G1) ArchivesC.C.I.M. DossierN0 136 O.C.C.C. Lettredu 3 Cctobre1,9L9 du Président de la Chambrede Commercede Colmar. Lettre du 2 Octo- bre 1949du Présidentde la C.C. I .M . aux autres Frésidents. Réunion des PrésidentsIe 6 Octobre1949 à Strasbourg.

(92) Archivesde Ia C.C.I.t4. Dossierl.lo 136 O.C.C.C. Lettredu 17Octo- bre 1949.

(93) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O"C.C.C. Frocès-verbalde la réunion du ComitéRestreint le 28 Cctobre 1949. )10

A ces quatre tâches s'ajoute la responsabilitépersonnelle pour le Commissairedu Gouvernement,de veiller à l'équilibre de i'O.C.C.C. à l'égarddu Ministèredes Financeset des Affaires Economiques(94)

Finalement,le Ler Décembre1949,1'O.C.C.C.. se borne; pour toute réforme de structure, à se donner un nouveauGérant : VERNEREY,administrateur honoraire des Douanes.

d) La mise en route d'après la nouvelle Instruction de Procédure

Elle est très difficilepour l'O.C.C.C. En Sèptembre1949, Ia reprise des travaux et I'examendes transactionsdéposées depuis le LL AvriI Lg/+g,n'a encore pu aboutir à aucuneréalisation concrète par suite du retard apporté à Ia mise en vigueur, du côté allemand,de Ia neuvelle -procédurede.délivrance des documentsremplaçant Ies "licences-Zone"(95). Ce n'est quele 14 Septembre1949, QU€ les cinq "Aussenhandelsbanken"choisies et accréditéesen Pays de Bade, pour délivrer Ies "Import-licence" et les "Export Control Documents" sont désignéeset reçoivent Ies instructions de la "Bank Deutscher Lânder", afin d'opérer les encaissementset règlementsen D.M. de Ia nouvelleprocédure (95). Entretemps,f introductionde I'ordonnanceNo 220 du Comman- danten Chef Français en Allenagne, pâfu€ au J.O. du 14 Juillet 1949 de la Zone, et rétablissant la perceptiondes droits de Douaneà I'en- trée de I'Allemagneà partir du 15 Juillet 1949, vient troubler les acti- vités de I'office (96).

(94) Archives C.C.I .M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre-circulairedu commissairedu Gouvernementauprès de I'o'c'c'c' le 7 Novembre L9/49.

(95) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre-circulairedu Commissairedu Gouvernementauprès de I'O.C.C.C.Ie 21 Septembre 1949.

(96) Archives C.C . I .M. DossierN" 136 O.C.C.C. Procès-verbaLde la CommissionMixte de Strasbourgdes 26 et27 Juillet 1949. 230.

Les Allemandsn'ayant pas reçu d'avis officiel, I'applicationde I'ordonnanceprovoque de graves perturbationsà la frontière (97). Soutenuepar le GouvernementFrançais (98) et malgré les diffi- cultés de structure et I'introduction de dispositionsliées à une nou- velle orientationde sa politique, I'O.C.C.C . , fin SeptembreL949, est encorepromis à un bel avenir. KLECKER,estimant que la l.E.I.A. est condamnéeà disparaftre comme a disparu1'OFFICOMEX, et fondantles plus grands espoirs sur la poursuite des relations entre I'O.C.C.C. et le K.D.H., convieles Présidentsdes Chambresde Commerceà "retrouver le coudeà coude" et, selon sa propre expres- sion, "à serrer les boulons"(99). Le bilande I'O.C.C.C., au 30 Novembre1'9L9, est plus quecon- clr-lant. Les comptesclearing donnentIes résultats suivants(100) :

OD Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Procès-verbalde Ia CommissionMixte des 2 et 3 Août L9/r9.

(98) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Notedu Commissaire du Gouvernementaux Chambresde CommerceIe 21 Septembre1949. Il affirrneque I'O.C.C.C. a I'appuidu Ministèredes Financeset des Affaires Economiqueset du CommissaireGénéral aux Affaires Alleman- des et Autrichiennes. Par ailleurs, danste J.O. AssembléeNationale No lQL du 23 NovembreI9/r9, p. 6203, le Secrétaired'Etat aux Affaires Economiquesréaffirme, en réponseà une questionécrite No L1.478 du 18 Octobre 1949, au Député JacquesVENDROUX, Ie soutiendu Gouver- nementà I'O.C.C .C. Au débatà I'AssembléeNationale (J .O. Ass. Nat. 25 NovembreL9l+9, pp. 6341 et63I+2) sur la politique à l'égard de I'Allemagne,Ies résultatset les possibilitésde I'O.C.C.C. sont évoquésen termes favorables.

(99) Archives C.C.l.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Notedu Commissaire du Gouvernementle 2/ Septembre1949.

(100) Archives C.C.l .M. DossierN" 136 O.C.C.C . Statistiques: situa- tion au 30 NovembreI9l*9. Le compteclearing comptabiliseles verse- mentset paiementseffectués pour les importationset les exportations. 23t.

Créditgestion O.C.C .C. 36.23r*.971F. Créditgestion O.C.C.C. - K.D.H. 2.909.929D.M.

pour un total d'opérationstraitées de : Francs Marks 686. 11,1 .429 12.716 .L11, pour les exportations 979.252.934 I/+.93I.I24 pour les importations soit 1 .665.269.363 27.6t+7 .239

DansIes demandesd'importation de Z.F.O.A. présentéespar la C.C.I.M., oDrelève surtoutIa forte proportiondes produitslourds : charbon, coke, bois de mine, ferrailles de récupération, machinespour la sidérurgie et pièces de rechangesallemandes. Le cuir et les colo- rants sont égalementtrès recherchés (101). Lesexportations vers la Z.F.O.A. proposéespar la C.C.l.M. sont moins nombreuses. Minerai de fer et houille y tiennentla plus grande place à côté d'articles de confectionet de produits alimentaires : mirabelles, bière et viandesde conserve(101).

La dénonciationdu protocole du 29 Septembre1948, acte politi- que du nouveaugouvernement allemand, est une surprise brutale pour I'O.C.C.C. prospère.

I V. La fin de I' O. C . C . C . Le nouvel accord frontalier franco-allemand .

t.!a je_go3galiol5!u31o!oc_olg9u_29_S_eplemb_re_p4!etla_ligu1da-tign "Iarvée" de I'O.C.C.C.

Brutalement, le 23 Décembre19/19, sur l'ordre de I'Administra- tion pour 1'Economiechargée des tâchesdu Ministère de I'Economiede la RépubliqueFédérale, et conformémentà I'avenantdu 25 Juin 1949à l'ar- ticle lL du protocole du 2$ Septembre1948, Ie Ministère Badois de I'Eco-

(101) Archives C.C.I .M. DossierNo l-36O.C.C.C. Listesdes produits datéesdu 25 Mai 1949. Les tonnageset la valeur nous font malheureu- sementdéfaut. 232.

nomieet du Travail dénonce,avec un préavis de trois mois, I'acccrd relatif aux échangesfrontaliers O.C.C.C. (102). Les transactions non encore exécutéesau 31 Mars peuventêtre liquidées jusqu'au30 Septembre1950. Dans une lettre du 23 Décembre1949, I'Administra- tion chargéede I'Economieà Francfort annonceau chef des Services CommerciauxFrançais en Allemagneà MayencerQU€ Ie Gouvernement du Bundest, par ailleursr prêt à négocierjusqu'au 31 Mars 1950, un nouvel accord réglementantles échangesfrontaliers, mais' cette fois-cir pour I'ensembledes régions frontalières franco-alleman- des (103). Le Commissairedu GouvernementKLECKER, qui fait part de cette nouvelleà I'assembléegénérale de I'O.C.C.C. le 30 Décem- bre 1949,affirme qu'il faut "bourrer les exportationsfrançaises et forcer les importationsallemandes" jusqu'au31 Mars 1950Pour faire rentrer en caisse un maximumde D.M. (104). Le Présidentde la C.C.i.M. metle Présidentdu Comitéde Directionde I'O.C.C.C. en garde contre de tels agissementsarguant qu'il est louable pour I'Office de fairerentrerles avoirs de D.M. par des importationsde produits allemands,mais qu'il est dommaged'exporter massivement des produits français et par 1à mêrne,de corrstituerde nouvellesdispo- nibilités allemandes que l'on n'aura plus la possibilité de rapa- trier. lI convientau contraire,estime le responsablede la C.C.I.M., de freiner considérablementIes exportationsfrançaises (105). Par ailleurs, il faut éviter que les importationsen provenanced'Allema- gne ne gènentou concurrencentla productionfrançaise.

(102) Archives C.C .I .M. Dossier No 136 O.C .C .C. Lettre du Ministre Badois de I'Economi.eet du Travail au Commissairedu Gouvernement auprèsde I'O.C.C.C. Dansune lettre-circulaire du 6 Janvier 1950, adresséeaux Présidents des Charnbresde Commerce,le Commissaire du Gouvernementaff 'me que cette dénonciationest 1'oeuvredu seul Bund, et que le Ministère du Landde Bade qui s'y était opposéa du céder à des pressions. (103) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettrede |a "Verwal- tung und Wirtschaft Frankfurt-am-Main"au Chef des Services Commer- ciaux Français en Allemagnele 23 Décembre1'9/+9 - (104) Archives C.C.I .lr'[.Dossier No 136 O.C.C .C, Procès-verbalde I'As- sembléegénérale de I'O.C.C.C. à Strasbourgle 30 DécembreI9/*9. (105) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu Présidentde ta C.C.l.M. H. MATHIEZau Présidentde la C.C.l. de Strasbour$, Présidentdu comitéde Directionde I'o.c.c.c. Paul JACQUELle 4 janvier 1950. t2a.

La ratification obligatoire par les autorités alliées de la dénon- ciation du protocole du 29 Septembre1948, n'est pas demandéepar les Allemands. Les ministères français estiment, sur proposition du Comitéde Directionde I'O.C.C.C. (106),que, dansces condi- tions, la date de fin des activités de I'Office doit être reportée au 30 Juin 1950et la liquidation poursuivie jusqu'au31 Décembre1950 (107). Finalement,I'accord du 29 Septembre1948 est prorogé jusqu'à la fin des négociationsen cours, destinéesà la conclusiond'un nouvel accord frontalier (108). Entretemps,et dès Ie mois de Janvier 1950, le Conseil Général du Bas-Rhin émet un voeu protestantcontre la dénonciationdu proto- cole et demandeénergiquement le maintiende 1'O.C.C.C. afin de sau- vegarder I'avenir des relations frontalières franco-allemandes(109). Le Ministre de I'Agriculture, dans une note étabiie le 26 ianvier 1950par le Chef du Bureau de la Direction des RelationsExtérieures NOACHOVITCH,rompt une lance en faveurdu maintiende I'O.C.C.C. pour les relations frontalières (110).

(106) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Procès-verbalde Ia réunion du cornité de Direction du 29 Avril 1950' La déncnciationdu protocole ne doit prendre effet que trois mois après son approbation par les Hauts-Commissairesalliés en Allemagne. (107) Archives c.c.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Procès-verbalde la réunion du Comitéde Direction du 15 lv.ai1950. Déclaration de KLECKER. (108) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre-circulairedu Commissairedu Gouvernementaux Présidentsdes Chambresde Commerce le L8 Septembre1950. Déjà, dès Février 1950, le GouvernementFran- çais se préoccupede la dévolutionde I'actif de I'c.c.c.c. En effet, par le jéu du taux de changevariable, Ies opérationslaisseront un solde àctif d'environ250 à 3OOMillions de Francs. L'O.C.C.C., société privée, estimequ'il en est le propriétaire. Les départementsfrontaliers voudraientqu'une part leur revienne. Enfin, 1'Etat estimeque ce béné- fice n'a été possible que grâce à son intervention sur les prix, et il de- mandeque Ie solde soit versé à la Caisse de Péréquation. (109) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Notede Ia C.C.I. Strasbourgle 24 Août 1950. (1iO) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Notede NOACHOVITCH du Ministère de I'Agriculture aux Chambresde Commercefaisant oartie de I'O.C.C.C.le26 ]anvier 1950. 23/+.

Lesactivités de l'O.C.C.C. restentflorissantes en l-950. Ainsi, au 31.Mars, le résultat des comptesclearing est créditeur de 249.1+3I.668Francs (gestionO.C.C.C.) et de 93.57I D.M. (gestionO.C.C.C. et K.D.H.). Le montantdes opérations traitées du ler Janvier au 31 Mars 1950est de 682.369.774Francs Pour LO5.677D.M. Il reste encoreà cette date pour plus de 800.000.000 Francset 10.000.000D.M. d'engagementsen cours (1i1). Au 30 Septembre1950, le résultat des comptesclearing est cré- diteur de L75.744.793Francs (gestion O.C.C.C.) et 224.564D.M. (gestiono.c.c.c. et K.D.H.). Le montantdes opérations traitées du Ler Janvierau 30 Septembre1950 est de 1.935.268.843Francs pour 27.05/+.875D.M. et il reste pour près de 350.000.000Francs et plus de 4.OOO.O00D.M. d'engagements"nouveau régime" en cours. Les opérations"ancien régime" sont terminées(i11).

L'accord commercialfranco-allemand du 20 Octobre, signéle /r Décembre1950, condamneirrémédiablen-ent I'existence de I'O.C.C.C. Le protocole additionnelconcernant les échangesfrontaliers ne lui Iaisse plus d'espoir: I'Office doit être liquidé dansles deux mois qui suivent la signaturede I'Accord Général. Pourtant, sur I'interven- tion des Chambresde Cornmercedu Rhin et de Ia MoseIIe' il est encore possible de faire reculer 1'échéance. Ainsi I'Office ne cesse-t-il de recevoir de nouvellesdemandes de transactionsqu'à partir du 31 Jan- vier 1951. Il se borne à poursuivre, après cette date et pendantune durée de trois mois au minimumet six au maximum,la réalisation des transactionsengagées. Les licences délivrées ne sont plus valables que jusqu'au 30 Avril 1951 Qt2). Un bilan réel des opérations est

(111) Archives c.c .I .M. DossierNo 136 O.C.C .C. Statistiques. Situa- tion au 31 Mars, 30 Juin et 30 Septembre1950.

QL2) Archives C.c .I .M. DossierNo i36 o.c.c.c. séanceplénière du 7 Avril 1951. 2èmepoint: la liquidationde i'O.C.C'C' Cf' aussi la I ettre au Présidentde Ia C.C.I. Strasbourgdu Présidentde ia C.C.I .M. le 13 Avril 1951. 235.

alors établi. tes transactions sont ensuite reprises à I'exportation ou à I'importation, dans la stricte mesureoù elles s'avèrent indis- pensablesà I'obtentionde I'équilibre définitif (,1'2). Les services du Ministère des Financesaideront, si nécessaire, I'Office à la re- cherche de son équilibre financier. Le gérant VERNEREY, devient Iiquidateurde I'O.C.C.C. et assureen outre, la directionde la Dé- légationde I'Office des Changesà Strasbourgqui contrôIe, depuis Ie 1er Mars 1951, le fonctionnementdu nouveaurégime frontalier. C'est le 13 Octobre1951 que le bilanfinal de I'O.C.C.C. est arrê- té (113).

On constateque I'Office a réalisé un excédentde recettes de 4.70g.123Francs pour 1951. Les opérationsor:t iaissé uil soldeactif I'on compare 257.5L3.003francs au 13 Octobrele5l (113). Si ce dernier chiffre au résultat de l9/+7, soit 5I3.634 Francs, on reniar- que que I'O.C.C.C. est une affaire saineet que sa liquidationest Ie fruit de la seule volonté politique.

(113) Archives C.C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Bilanau 13Octo- bre 1951. Cf. aussi Notepour le Comitéde Directionde I'O.C.C.C. du 13 Février 1951. Cf . aussi Bilan au 31 Décembre1947 .

vientd,ajouter la réarisationde r"î:"nT;I::J"o':\'tS ]iÎË:'.": if;"- ta REHSPAG, correspondantà LO% des trois sociétésde navigation' soit 15.000D.M. Le L8 Juin1949, I'O.C.C.C. avait' en outre, parti- cipé pour 7.L33.183 Francs soit 10O.O/+4D.M., à une avanceaccordée à ia Ô.N.F.R., ce qui représentait13,39 % de I'avanceglobale faite par tous les participants. L'O.C.C.C. prévoyantsa liquidationrpro- pose aux autres participants de la REHSPAGde racheter ses intérêts dans la société. Les 28 Novembreet 20 Décembre1950, Ia créanceet la participation dansIe capitalqui a atteint la sommede 60.000D.M., sontversées au comptede I'O.C.C.C. à Offenburg. En bref, Ies 150.000R.M. de prise de participationau capital, devenue 15.000D.M. après Ia réforme monétaireallemande et 60'000 D'M' fin 1950, sont vendusau cours de 82,35, pour 4.9/11'.000Francs. Les 1"00.044D.M. qui ré- sultentd'un versementde 7.!33.1,8i Francs ont prcduit 8.238.643 Francs au mêmecours de 62,35. 236.

2 . Lj c on sJi u tlol d_uq ry sJènr g d_égh gn ge g Eo nt atr3 ry Lr 4 qola l,!em a nd : .

a) Les premières négociations: la réunion de Francfort du 27 Mars 1950.

L'accord de Commerce franco-allemand signé le 1-0Février 1950, prévoit I'ouverture de négociations'en vue de Ia conclusion' d'un accord, destiné à se substituer à celui qui fonctionnedepuis 19/*7selon la procédureo.C .C .C. (114). Le Gouvernernentde Bonn envisage un accord frontalier permet- tant Ies transactionsau taux de changeofficiel, sur tous les services et marchandisesayant leur origine dans Ies territoires de Bade (sauf Constance),du Palatinat et de Rhénanied'une Part' du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Moselleet de Ia Sarre d'autre part (114). On constate du côté allemand, une volonté d'augmenterIe nombredes territoires allemandset de réduire celui des territoires français soumisaux ac- cords d'échangesfrontaliers. Le 27 Mars 1950, avant1es négociations devantavoir lieu à Francfort, au cours de la réunion de la Comrnission Mixte franco-allemande,les départementsfrontaliers insistent pour que soient maintenusles principes directeurs de I'ancien systèmeet, particulièrement, Ie clearing spécial et le taux de changevariable (114). Cependant,le gouvernementfrançais estime que I'existence de ces deux principes est fortementcompromise depuis les nouveauxAccords de Commerceet de Paiement. En effet, deux cas peuventse présenter: - celui des produits tibérés : Ies exportateursfrançais n'auront, pour approvisionnerl'Allemagne, plus intérêt à recourir à I'O.C.C.C. qui leur offre 65 à 70 Francspar D.M. alors queI'Ac- cord de Paiementleur en donne 83't*o Francs'

(114) Archives C.C.I.M. DossierNo t36 O.C.C.C. Notede Ia Direction des RelationsEconomiques Extérieures des Affaires Etrangères. Bu- reaux Géographiques- 2èmesecteur - Allemagne-Autriche-Europede I'Est, concernantles échangesfrontaliers franco-allemandsau Ministre des Affaires Etrangères - Février 1950. 237.

- celui des produits contingentés: Ies contingentssont suffi- sammentlarges ou concernentdes produits dont Ia France veut strictementlimiter I'importation. L' O. C . C . C . ne peut doncles faire entrer (i1lr). Pourtant, si elle ne souhaitepas prolongerI'existence de I'O.C.C.C., la France est favorable à Ia mise sur pied d'un accord frontalier avec l'Allemagne(114).

Le 23 Mars 1950,les SecrétairesGénéraux des Chambresde Commerced'Alsace et de Moselle, se rendentau Ministère des Finan- ces et des Affaires Economiques,auprès du Directeur des Accords CommerciauxDRILLIENT pour I'informer des besoinsparticuliers de Ieurs régions. Le 20 Avril, le Commissairedu Gouvernementauprès de I'O.C.C.C . communiqueaux Présidentsdes Chambresde Commerce, Ies renseignementsconcernant le projet d'accord financier soumis par les Services Economiquesde la RépubliqueFédérale à I'agrément de la DélégationFrançaise, lors de la réunion de Francfort, Ie 27 Mars 1950(115). L'examendu projet allemandamène de nombreuses observationsde Ia part du Commissairedu Gouvernement(116). L'exclusion, à I'article I, du territoire de Belfort de Ia zonefronta- Iière est une propositioninacceptable pour la France. Par contre, iI lui sembleintéressant, comme Ie précise I'article lII., queles marchandisesimportées ou exportéesen applicationde ce nouvelac- cord frontalier, ne soient pas imputablesaux contingentsde I'Accord Général du 10 Février 1950. L'article IV stipule que ie rôle de I'O.C.C.C. et de la K.D.H., définitivementsenterrés, revientà

(115) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettre-circulairedu Commissairedu Gouvernementauprès de I'O.C.C.C . aux Frésidents des Chambresde CommerceIe 20 Avril 1950. (116) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Frojet allemandci'ac- cord concernantle trafic de marcirandisesdans ia zone frontaiièr'e franco-allemande.Voir annexeno 35. 238.

des "autoritéscompétentes". Les Allemandsdésirent, par ailleurs, la création de deux autorités indépendantes'I'une pour le Pays de Bade, I'autre pour I'Etat Rhéno-palatin. IIs veulenttrouver face à eux, une autorité pour les départementsdu Rhin' une autre Pour la Sarre et Ia Moselle. Cette proposition s'avère inacceptable. L'article IX supprimetout clearing frontalier, les paiements étant désormaissoumis aux mêmesprescriptions que I'Accord de Paiementfranco-allemand du 10 Février 1950, de telle sorte que les négociationsen vue d'un nouvel accord frontalier se trouvent être parfaitementinutiles (116).

Ce document,malgré ses imperfections,constitue une basede discussionpossible et il est la preuvedu désir qu'ontles autorités allemandesde maintenir un régime d'échangesfrontaliers. Cepen- dant, un évènementnouveau ne tarde Pas à se prcduire et sa portée est de nature à modifier sensiblementles concePtionsjusqu'alors admisesen matière de régime frontalier.

b) Les revendicationsdes milieux économiquesfrontaliers

Au matin du29 Avril 1950, se tient à Colmar une réunion des Bureauxdes ConseilsGénéraux de I'Est, à laquelleassistent' entre autres, Ie Commissairedu Gouvernementauprès de I'O.C.C.C. et deuxhauts fonctionnaires parisiens, LHERMEde la Direction des Accords Commerciauxau Ministèredes Financeset RODOCANACHY du Ministèredes Affaires Etrangères(117). Le Ccmmissairedu Gouvernementévoque les possibilitésde I'o.c.c.c. en regard des stipulations de I'Accord Commercial frarrco-allemand :

(117) Archives C.C.I.M. DossierNot36 o.c.c.c.c. Procès-vcrbal de la réunion des Bureauxdes Conseils Générauxde I'Est du 29 Avril 1950. 239.

"La thèse généralementadmise du côté français est que I'Ac- cord du 10 Février 1950règle désormaistoutes les possibiiités d'échangeentre Ia Franceet I'Allemagneet queIe systèmeO.C.C.C.- K.D.H. est condamné; mais ceuxqui énoncentce principe veulent, en mêmetemps, conserver I'O.C.C.C. au casoù I'AccordGénéral ne donneraitpas les résultatsescomptés" O1.D. Il rappelleen outre que I'O.C.C .C. avait déjà été condamné en 1949,lors de I'Accordconclu avec Ia J.E.1.4., et queson maintienen activité avait rendu de grands services. Il penseque I'Office peut survivre en marge ou dans Ie cadre de I'Accord Géné- ral, "parce que sa formule, de part et d'autre du Rhin, répond à des besoinsspéciaux, immédiats et réels" (1I7). Les deuxhauts- fonctionnairesfont connaÎtreI'intérêt qu'iIs portent au maintiendes échangestraditionnels frontaliers entre les départementsde I'Est et 1'Allemagne. Le ton changeau cours de I'après-rnidi, lors de ia réunion des Bureauxdes Chambresde Commercequi se tient à Ia Chambrede Commercede Colmar. Les deux hauts-fonctionnairesapportent le pointde vue gouvernemental.Ainsi, de 1'exposéde LHERME, il ressort que, depuisIa signaturede 1'Accord Commercialfranco- allemand,I'intérêt que présenteun régime d'échangesfrontaliers a considérablementdiminué puisque la plupart des transactionsqui passaientpar I'O.C.C.C. sontdésormais possibles dans le cadre de I'Accord Général. En tout état de cause, le gouvernementfran- çais s'opposeau maintiend'un régime de taux de changedifférentiel et, dans ces conditions, ne peut concevoir d'accord frontalier que pour un nombretrès restreint de marchandisesdont le contingent serait par ailleurs très réduit (118).

(118) Archives C.C.I.M. DossierN9 i36 O.C.C.C . Procès-verbalde la réunion des Bureauxdes Chambresde Commercede la Régionà ia Chambrede Commercede Colmar' le 29 Avril 1950. zLO.

Les Chambresde Commerceet les ConseilsGénéraux réagis- sent. Le 15 Mai, à Ia suited'une réunion de I'O.C.C.C., des télé- grammesde protestationscnt envoyésà RobertSCHUMAN, Ministre des Affaires Etrangèreset à Robert BURON,Secrétaire d'Etat à I'EconomieNationale, qui fait connaîtrepar un télégrammedaté du 19 Mai que la CommissionMixte franco-allemandese tiendra à Paris Ie 22 Mai 1950pour envisagerune nouvelleprocédure d'opérations frontalières. L'InspecteurGénéral PERILLIER est chargéde trans- mettre les doléancesdes Conseils Générauxet des Chambresde Com- mercede I'Est (119). Entretemps,Bertrand de MAUD'HUY,Conseiller Général de Ia MoseIIe, est chargé parla Sous-Commissiondes Affaires Economi- ques, d'établir un rapport sur les échangeséconomiques frontaliers avecI'Allemagne. Une premièreébauche du texteest transmiseIe 9 Mai 1950aux Présidents des Chambresde Cornmerce.Un échange de correspondanceaboutit, le 16 Mai, à un remaniementdu texte sur demandede Ia C.C.I.M. Finalement,ce rapport recommandeaux pouvoirs publics de faire en sorte que les négociationsavec Ie gouvernementdu Bund ne soiententamées qu'après avoir pris I'avis des représentantsqua- Iitiés de I'économieet des populationsdes départementsintéressés. Par ailleurs, en admettantque soit reconnule principe du taux de changefixe, il s'agit pour le GouvernementFrançais de détermi- ner quels avantagesl'économie des départementsdu Rhin et de la Moselleretirerait du maintiendes échangesfrontaliers, et que, s'ils existent, ces avantagessoient maintenus,soit par accord par- ticulier, soit par intégration dans I'Accord Général. En tout cas, pour faciliter les transactionsfrontalières, une Délégationde I'Office

(119) Archives C.C.I.M. DossierNot36 o.c.c.c. Note de la Chambre de Commerceet d'Industrie de Strasbourg du 2l+Août 1950. 2/+L.

des Changesdoit être établie dans la zonefrontalière pour les for- malités imposéesen vertu de I'Accord Général 020). Les Chambresde Commercedu Rhinet de la Moselleadressent au Préfet de la Moselle, InspecteurGénéral de I'Administration, LouisPERILLIER, une ncte concernantleur propre conceptiondu trafic frontalier franco-allemand O2I). La questionqui se pose à elles est de savoir si I'Accord Général répondaux voeuxde leurs ressortissantsou si, au contraire, I'existencede certainesfacilités demeurenécessaire pour maintenir un trafic frontalier conformeaux échangestraditionnels. Les critiques émanantdes entreprises com- mercialeset industriellessituées dans Ies régionsintéressées, à proposde I'applicationde cette convention,visent, d'unepart, les difficultés qu'éprouventIes importateursallemands à se procurer des licences pour les produits qui restent contingentésà I'entrée en Allemagne,et d'autre part, I'insuffisancedes contingentstant à I'importation qu'à I'exportation. Par contre, dans tous les cas où Ia libération des échangesde produits dans les deux sens est devenue une réalité, soit dans Ie cadre de I'accord, soit en dehors de celui- ci, Ie trafic frontalier reprend son cours normal. Si cette politique se généralise, toute réglementationdu trafic frontalier devient inuti- le. Maiscomme tel n'est pas encorele cas, il s'agit de rechercher les produits pour lesquels un régime spécial doit être institué et de le réglementeren conséquence.Les marchandisesqui intéressentIes

(120) Archives C.C.l.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Rapportde DE MAUDTHUYsur les échangesfrontaliers avec1'Allemagne.

Q21,) Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Notedes Présidents des Chambresde Commercedu Rhin et de la Moselleau Préfet de la Moselle, InspecteurGénéral de I'Administration,Louis PERILLIER, chargé de transmettre les désirs des Conseils Générauxet Chambres de Commei'ceintéressés, en vue de discussionà Paris, à partir du 22Mars i950, d'une nouvelleprocédure réglant les opérations finan- cières, entre le Secrétaired'Etat aux Affaires EconomiquesBURON et une délégationallemande. 242.

régions frontalières, tant à I'importation qu'à I'exportation, ont déjà été consignéessur une liste établie par les quatre Chanbres de Com- mercedu Rhin et de Ia MoseIIe. Il s'agit en fait d'un nombretrès li- mité d'articles. Dans tous les cas, afin de donner au trafic frontalier toute I'am- pleur désirable, la portion du contingentà réserver ou à ajouter à ce trafic, ne doit pas représenter plus de 20% du contingentgénéral. Les succursalesdes Aussenhandelsbanken,du côté allemand' et une délégationrégionale de I'Office des Changes,Peuvent être chargées, sousle contrôle des Chambresde Commerce,de Ia délivrance des licences. Par ailleurs, à I'objection exprimantque ce régime se solderait par une augmentationdu déficit de la balancecommerciale généralequi fait déjà ressortir une créanceconsidérable de la France sur 1'Alle- magne, les Chambresde Commercerépondent que Ie trafic frontalier ne se traduirait pas uniquementpar une augmentationdes contingents mais se déroulerait dansde nombreuxcas dans Ie cadre des contin- gentsgénéraux. D'autre part, là où un supplémentde contingentse révèlerait nécessaire, on pourrait trouver des compensationssous for- me d'une augmentationdes importationsallemandes. En tout état de cause, Ia région de I'Est absorbeun volumed'importations proportion- nellementplus importantque les autres départementsfrançais, notam- menten ce qui concerneles machineset les pièces mécaniquesde re- change. Finalementet en résumé, les propositionsdes Charnbresde Com- merce du Rhin et de Ia lvloselletendent : "1. à obtenir, dans les limites des contingentsgénéraux ' une part réservée au trafic frontalier. 2. à faire attribuer aux régions frontalières des supplémentsde contingentsen cas d'insuffisancedu contingentgénéral. 3. à faire investir les services régionauxde I'office des chan- ges ou des Aussenhandelsbanken,des pouvoirs nécessairesPour déli- vrer les licencesdans le cadre de la régiementationprécitée" (121). 243.

Le 25 Mai, à la suite d'une intervention de Fierre PFLIMLIN, ancien Ministre de I'Agriculture et Député du Bas-Rhin, une déIéga- tion composée des Présidents et des Secrétaires Généraux des Cham- bres de Commerce, accompagnéepar Louis PERTLLIER et Robert SEROT, Président du Conseil Général de Ia Moselle, ainsi que de plusieurs représentants des Conseils Généraux des trois départements de 1'Est, est reçue en audiencepar R. BURON puis par Robert SCHUMAN. Les deux Ministres se déclarent d'accord pour soutenir les revendications des milieux économiques frontaliers en vue de l'éla- boration d'un nouveau régime des échanges. Les modalités techrriques de ce régime sont à nouveau discutées avec les hauts-fonctionnaires des Ministères compétentsO22).

c) La mise au point du projet d'accord français : la question du pla- fond financier

La délégationallemande devant quitter Faris Ie 8 Juin 1950, il importe de mettre rapidementau point les projets définitifs des Cham- bres. Le 29 Mai, à la Chambrede Commercede Strasbourg, les Secré- taires Générauxdes Chambresarrêtent pour I'organisationdes échan- ges frontaliers franco-allemands,les propositionssuivantes : il sera dressé de part et d'autre de Ia frontière, une liste limitative des pro- duits avec indication des tonnagespour lesquels des contingentssuppié- mentairesou des contingentsréservés, à imputer sur les contingents totaux inscrits dans le nouvelaccord franco-allemand,sont demandés. Les Chambresde CommercedéIivreront descertificats d'origine pour éviter toute exportation de produits non originaires de la zone fronta- lière. Enfin, la délégationde I'Office des Changesde Strasbourg sera habilitée à délivrer les licences dans le cadre de cette réglementa- tion (L22).

Q,22) C.C.I .M. Compte-rendudes Travaux1950. Séance plénière du 3 Juin 1950. I-eséchanges irontaiiers franco-allemanCs. 2LL.

Ces propositionssont soumisesle 1er Juin au Directeur des Accords Commerciauxau Ministère des Financeset des Affaires EconomiquesDRILLIEN. Ici encore' P. PFLiMLINappuie vigou- reusementles représentantsdes Chambresde Commerce. Les diffé- rents Ministères sont représentéspar GILLET Pour les Affaires Etrangères,NOAKOVITCH pour I'Agriculture et VALABREGUEdu Service de la CoordinationIndustrielle au Ministère de I'Industrie et du Commerce. Au cours de cette séance,LHERME donne connais- sancedu projet d'accord frontalier s'inspirant directementdes sug- gestionsqui ont été faites dans Ie rapport des Secrétaires Généraux des Chambresde Commerce. P. PFLIMLiN Pour sa part' envisage une formule moins rigide que le systèmedes contingentssupplémen- taires ou spéciaux : Ies échangesfrontaliers n'y sont pas nettement spécifiés par catégories de marchandises,mais lirnités dans le cadre d'un plafondfinancier. Si les représentantsdes Ministèresdes Affaires Etrangères, des Financeset de I'Agriculture sont plutôt favorablesau projet d'ac- cord frontalier, celui du Ministère de I'Industrie et du Commerceé1è- ve une protestationvéhémente à I'encontredes abusauxquels I'O.C. C.C. a donnélieu dansIa mesureoù iI a favorisédes importations nettementpréjudiciabtes à I'industrie française en général Q22). Le 8 Juin 1950, R. DRILLIEN envoieau conseiller commercial LEFORT, Chef des ServicesCommerciaux Français en Allemagne' le projet d'accord sur les échangesfrontaliers' en lui recommandant de le transmettre aux autorités cornpétentesde Ia RépubliqueFédérale. Dans ses instructions, iI précise que si le texte de ce projet recueil- le 1'agrémentde principe des autorités allemandes,les organismes économiquesdes deux zonesfrontalières se réuniront en Commission Mixte pour établir un projet de listes A et B. Une fois les projets établis, ils se - .nt soumisaux deux Gouvernementset serviront de base à la discussiondes listes définitives jointes à I'accord frontalier au momentde sa signature. Par ailleurs. la gestiondes contingents sera, du côté français, de la compétencede la Délégationde I'Of[ice des Changesà Strasbourgqui pourra solliciter I'avis des Chambres de Commercefrontatières réunies en CtrmitéConsultatif Régional. 245.

La mise en liquidationde 1'O.C.C.C. est la conséquenceiné- luctable d'un tel accord. EIle doit intervenir Ie 1er Juillet 1950 si I'accord prend effet avant cette date, sinon, Ia France souhaite main- tenir I'Office en activité aussi longtemps que I'accord ne sera pas conclu O,23).

A Ia réunion des Présidents des Chambres de Commerce à Strasbourgl,e 7 Juillet, Pierre PFLIMLIN expose son point de vue sur Ie nouveau régime frontalier qui doit être établi d'après un pla- fond financier (1.2t+).Le I juillet 1950, Ia C.C.I.M. approuve Ie projet français sans modification Q2Û tandis que la Chambre de Com- merce de Strasbourg manifeste nettement sa préférence pour la formu- le du plafond financier QZD. Le 1er Août, une nouvelle réunion des Chambres de Commerce se tient à Strasbourg afin de procéder à I'exa- men des contingents de marchandises qu'il conviendrait de fixer au cas où Ia formule du plafond financier serait retenue. Les Chambres de Commerce de Metz et de Colmar font de nombreu- ses réserves au sujet de la teneur de la séance. Bien qu'elles n'affi- chent pas une hostilité de principe à la thèse d'un plafond financier, elles souhaitent établir, à I'intérieur de ce plafond, des contingents précis et nettement définis sur la base des tarifs douaniers d'importa-

Qzg ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Lettred'instruction du 8 Juin 1950,de DRILLIEN, Directeur des RelationsEconomiques Exté- rieures, à LEFORT, Conseiller CommercialChef des Services Commer- ciaux Français en Allemagneà Mayence.Voir en annexeNo 36, Ie texte du projet français d'accord sur les échangesfrontaliers mis au point par les-Services de Ia Direction des RelationsEconomiques Extérieures du Ministère des Financesen liaison avec les organisationséconomiques de la zone frontalière française. Q2t+) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Rapportde |a Chambre de Commercede Strasbourgdu 2I+Août i950. Q2û ArchivesC .C.l .M. DossierNo 136O.C.C.C. Lettrede J. DE COINTET, Trésorier et Membredu Comitéde Directionde I'O.C.C.C. à Paul IACQUEL,Président de la C.C.I. Strasbcurg.Confirmation de la posi- tion de la c'c'l 'M' par lettre du 18 Juiltet195c' au N{inistredes Finan- ces et des Affaires Economiques 216.

tion (126). Les représentants de la Chambre de Commerce de Baden- Baden, sont d'accord avec jACQUEL et KLECKER, lors d'utre réunion à la Chambre de Strasbourg le 17 Août, destinée à admettre Ie princi- pe d'échanges sous un plafond financier dans la limite d'un contingent de 200 Millions de Francs par mois Q27)' strasbourg et Baden-Baden proposent que cette somme soit répartie comme suit :

à I'exportation de France : - produits de I'agriculture et produits alimentaires 50% - textiles 30% - Divers 20%

à I'importation d'Allemagne: - machineset pièces de rechange 45% - produits chimiques 30% - houblon, escargots, raifort (sic) 57o - travail à façon LO% - divers rc%

Le 18 Août, JACQUEL se rend à Francfort où il recontre les re- présentants des Chambres de Commerce de I'Etat Rhéno-Palatin (128). Le chiffre de cinq millions de D.M. d'échangesmensuels entre les deux régions frontalières, représentant Ie montant global envisagé à la

O2O ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C . Lettrede protestation de BLECHet MATHIEZ à PauI JAcQUELle 8 Août 1950' BLECHsouhaite que les Chambresde Commercene mettentplus I'accent sur Ia nécessité de compenserles entrées et les sorties. Les ressortissants de Ia Cham- bre de Commercede Colmar souhaitentd'ailleurs se détacherde la for- muleO.C.C.C. jugéetrop compliquée; I'institutiondecontingents net- tementdélimités et définis , en dehors de toute compensation,leur con- vient mieux. BLECH rappelle qu'il a déjà demandéla suppressionde I'O.C.C.C. et annonce-qu'ilne veut plus en faire partie à I'avenir. $2D ArchivesC.C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Communicationde cette réunionà Ia C.C.I.M. le 19 Août1950. (l28) ArchivesC .C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Compte-rendude la réu- nion des Chambresde Commercede Strasbourget du Pays de Bade' du Palatinatet de coblence, Ie 18 Août 1950à Francfort' 2/*7.

réunion de Strasbourgest accePtépar les Allemands. Four la simpli- fication des calculs, on admetun taux de changede 80 Francs pour 1D.M. ou 1,25D.M. pour 100}rancs Q2ù. La "ventilation"établie Ie 17 Août n'est pas admisedéfinitivement par les Allemands. La mise en applicationde I'article 5 du projet allemandest considéréepar les représentantsdes Chambresde Cornmerceallemandes présents à la réunion, comme"1'objet central d'un trafic frontalier éIargi" (130). Ceux-ci précisent que les transactionsdorit le montantest inférieur à 32.000 Francs ou /r00D.M. environ, ou pour lesquelles I'importa- tateur est un commerçantde détail, un restaurateur, un artisan ou un consommateurou encore pour Iesquellesles entreprises ou les domici- les des intéressés ne sont pas éloignésde plus de 50 km à vol d'oiseau' pourront être autorisées selon une procédure simplifiée. L'importateur présentera alors à Ia Chambrede Commercecompétente une facture à partir de laquelle la transaction sera ou non déclarée conforme(130).

La C.C.I.M. atfirmene pas s'intéresserà ce "petit trafic fron- talierlJ et souhaitequ'iI fasse I'objet d'un accord franco-allemand(131). Par ailleurs, LHERMEdésire qu'un accord completsoit réalisé entre les Chambresde Commerced'Alsace, de Moselleet de Sarre, avantune nouvelle rencontre avec les AllemandsQ32).

(L29) Réunionde Francfort : projet allemandconcernant un nouvelaccord frontalier franco-allemand. Article L .

(130) Réunionde Francfort. Frojet allemandd'accord. Article 5.

(131) C.C.I.M. Compte-rendudes Travaux 1950. Séanceplénière du 30 Septembre1950.

(132) Archivesc.c.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Frocès-verbald'un en- tretien au Secrétariat d'Etat des Affaires Economiques,entre le Secré- taire Généralde la Chambrede Commercede Mulhouseet l'Administra- teur à la Direction des RelationsEconomiques Extérieures, Ie 15 Sep- tembre1950. 218.

Lors d'uneréunion à Strasbourg,Ie 25 Septembre1950, Ies Se- crétaires Générauxdes Chambresde Commercedu Rhin et de la Mo- selle dressent deux listes de produits et de marchandisessusceptibles d'être comprisesdans les opérationsd'un traftc frontalier (133). Con- tre I'avis de Ia C.C.I.M., Ie travail à façony est inclusau rang des importationspos sibles .

d) Prétentions sarroises et objectionsmcsellanes

L'ordre du jour de la réuniondu Conseilde Directionde I'O.C. C.C., à StrasbourgIe 3 Octobre1950' ne comprendqu'un seul point : la définition des propositionsà formuler en ce qui concerneI'accord frontalier. La Chambrede Commercede la Sarre penseexporter et imPorter pour 4 Milliardsde Francsde produitspar an. L'O.C.C.C. trouve ce chiffre exhorbitant et rappelle qu'à la réunion frarico-allernandede Francfort, Ies échangesannuels France-Allemagne considérés ne dé- passaientpas 2,4 Milliards de Francs. La Sarre établit tout de même une Iiste des produits qu'elle désire échangeravec I'Allemagnecompre- nant huit catégories : produits alimentaires, sidérurgiques, des indus- tries de transformation,textiies, cuirs et papiers' produitsde la céra- miqueet produits chimiques. A l'exportation, les produits sidérurgi- quesreprésentent la valeur de 2 Milliards de Francs. Cependant,se- lon DE COINTET, les importationssarroises ne sontpas destinéesà la seule consommationdu territoire, mais à la réexpéditionen Fran- ce: "Ce serait Ia répétition des abus qui se sont produits de 1928à 1935et contre lesquels notre chambre n'a cessé de protester" (134).

(133) La iiste A comprendles exportationsdans le territoire frontalier de la RépubliqueFéàérale, pouiun total de 1210Millions de Francs. La liste B ie solde par des impbrtationsdans Ie territoire frontalier des départe- mentsdu Rtiin, de la Moselleet du Territoire de Belfort, pour une somme de 735 Millions de Francs (134) ArchivesC.C.l.M. DcssierNo 136O.C.C.C. Procès-verbalde la réu- nion du Comitéde Direction du 3 octobre i950. Ces termes sonI repris dansune lettre envoyéele 16 Octobre1950 par le Présidentde ia C.C. I.M. au Présidentde la chambrede commercede strasbourg. 2l+9.

II réclameaux Sarrois des listes détaiiléesdressées d'après la no- menclaturedes tarif s douaniers. Le Secrétaire Général de Ia C.C.I.M. HOUPERT,insiste, lors de ia réuniondu Comitéde Di- rection de I'O.C.C.C. pour que le "trou" sarrois ne soit pas réou- vert (135) et cite les propositionssarroises :

Montant annuel en lvlillions de Francs lmport d'Ail. Export vers I'AII. L. Agriculture 260 260 2. Ravitaillement 670 725 3. Fer et acier 2.r00 4. Industrie de transformation 703,6 97,5 -- 5. Chimie I,J 6. Textiies et cuirs goo 300 7. Bois et papier r.32O,9 110 8. Matériauxde construction 24O,4 90 9. Verre et céramique 1_11 ,5 TOTAL . 3.994,9 3.79r,5

Il soulignequ'en Septembre1949,la Sarre a importéd'Allemagne 300 tonnesde carbure de calcaire alors qu'on en produit à Uckange. Par ailleurs, les chiffres de ce tableaufont I'objet d'une controverse entre le déléguésarrois BODRYet HOUPERT. Ce dernier rappelle que I'exportation d'une valeur de 2,1 Milliards de Francs de fer et d'acier en lillemagnedoit, pour se faire, obtenir 1'accorddu Comptoir des Produits Sidérurgiques(C . P . S .). Le déléguésarrois précise que les importationsd'Allemagne de 1,3 Milliards de Francs s'appliquant au bois et papier concernenten fait du bois de mine. HOUPERTlui fait alors remarquer que la R.égiedes Mines de la Sarre commeles Houillères Lorraines, sont tenuesde s'approvisionneren bois de mine

(135) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Procès-verbalde la réunion du Comitéde Direction du 19 Octobre 1950. Lettre du Frési- dentde la Chambrede Colmarà HOUPERT,Ie23Octobre 1950: appui aux thèsesmosellanes. 25o.

dans Ia Meuse,la Haute-Marneet les Landes. Le déléguéde la Sarre accepted'éliminer de ses listes Ies deux produits incriminés, acier et bois de mine, ce qui fait diminuer considérablementles chiffres : exportations1 ,6 Milliards , importations 2 ,7 Milliards . En outre , HOUPERT s'étonnede voir figurer les produits agricoles pour une valeur de 260 Millions à I'exportation et Ia mêmesomme à I'importation alors que la Sarre ne peut vivre sur ses proPres ressources que du- rant 52 ou 5/* jours par an et que }a France la ravitaille entièrement. Les 670 Millions à I'importation et 725 à 1'exportationmobilisés par la rubrique "ravitaillement" inquiètentle déIéguémosellan. BODRYlui répondqu'ils concernentdes produits de brasserie, de Ia choucroute, des confitures et du vin allemand(135). A I'issue de cette séance, la Sarre est conviéeà envoyerdes Iistes détaillées. De toutesfaçons, et mêmeen tenant comPtede la baissedu montantdes propositionssar- roises dont les chiffres globauxsont ramenéspour Ies exportations de 379I à 1682Millions et pour les importationsde 3995à 27/+9Millions de Francs, Ie plafondfinanciet de 2400Millionsr prévu à Francfort, estrlargernent"crevé" par les seulesdemandes de la Sarre. Les listes détaillées sont finalementenvoyées par la Sarre Ie 31 octobre 1951(136). Elles montrentIes tendancesde l'économiesarroi- se qui voudrait n'importer que de la seule région allemandecomprise dans la zonefrontalière et qui n'englobenullement I'ensemble de Ia Z.F.O.A., desmarchandises d'une valeur de 32/+2'33Millions de Francs, et exporter des produits passantpour être issus de son sol et atteignant la sommede 3 Milliards, dans le seul cadre d'un accord frontalier' non compris dans les échangesautorisés par l'Accord Général (137).

(136) on consulteraces listes ainsi que les appréciationsde la c.c.I.M. en annexeNo 37.

(137) Archives c.c.l.M. DossierNo 135 O.C.C.C. Séanceplénière du 4 Novembre1950. 25L.

La C.C.I.M. soupçonneIa Sarre de vouloir importer un maximum de marchandisesd'Allemagne, même s'il s'agit de produits qu'elle peut se procurer en France ou pour lesquels il n'existe pas jusqu'ici de besoindans le Territoire. Par ailleurs, elle ne souhaiteplus que, par la faveur d'un simple accord pour les échangesfrontaliers, "on retombedans les erreurs commisesdans Ie passé. La brèche que I'accord franco-allemanddu 23 Février 1928, conclu en faveur de la Sarre, a ouverte dans notre systèmedouanier, a eu de 1928à 1935 des conséquencestrop graves pour l'économiefrançaise en général, et plus particulièrementr pour I'industrie et le commercede notre cir- conscription, pour qu'aujourd'hui, nous acceptionsde prêter notre concoursà un renouvellementouvert ou camoufléde cette erreur" (I37). Et la Chambrede Commercese propose d'éIaguerles listes sarroi- ses (138).

Le 2 Novembre1950, le SecrétaireGénéral de Ia C.C.I. Sarre, BODRY, annonceà HOUFERT que I'accord financier aurait déjà été signé (139). Le plafondfinancier ne serait plus de 2,4 Miiliards comme prévu à Francfort, mais de 1,6 Milliards par an seulement,soit 400.000Dollars par mois. Les contingentsnon utilisés pendantun mois ne pourraient pas être reversés sur les mois suivants. Enfin, la profondeurde Ia zonequi profiterait de cet accord serait limitée à 30 km de part et d'autre de la frontière douanière, soit Par une ligne passantpar Ie Sud de Hombourg,Bouzonville, Sarrelouis' Ie Sud ét

(138) ArchivesC.C.l.M. DossierNo 136 O.C.C.C. En annexeNo 38 A, on trouvera une première liste des produits d'origine allemandedont la Chambrede Commerceet d'Industrie de la Sarre demandeI'importa- tion dansle cadre de I'Accord CommercialFrontalier mais dont Ia C.C.I.M. demandeI'exclusion. La C.C.I.M. recommandeIa réduction du contingentd'une secondeliste, la troisième est acceptéesans obser- vations. Trois listes complémentaireset rectificatives ont été établies par la c.c.I.M. le 3 Février 1951 (AnnexeN" 38 B)' (139) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C. Lettredu 2 Novembre 1950,de BODRY,Secrétaire Général de Ia C.C.l. Sarre, à HOUPERT' SecrétaireGénéral de ia C.C.l.l'4. Ce

l'Ouestde Puttlingen,Forbach, Sarralbe et Bouxviller. Ainsi, seule une étroite bandedes arrondissementsde Thionville, Forbach et Sar- reguemines(région de Bitche), serait incluse dans cette zonequi en- globerait en revanchetout Ie territoire de la Sarre et I'AIsace.

e) Le protocole additionnelà I'Accord CommercialFranco-allemand du 20 Octobre 1950

Cette information se vérifie partiellement. L'Accord Commercial Franco-allemand paraphé le 20 Octobre 1950à Francfort et entré en vigueur, avec effet rétroactif au 1ei Septembre1950, est signé par les Hauts Commissairesalliés le 4 Décembreet publié le 7. L'article VI du protocole additionnelà I'Accord Commercialconcerne Ies échan- ges frontaliers. Il y est précisé que le montantglobal des transactions ne doit pas dépasser 4OO.O00Dollars U.S. et en outre, que Ia part du montantglobal non-utilisée au cours d'un mois' ne pourra être re- portée. Mais Ia délimitationdes régions frontalières fera I'objet de précisions ultérieures (140). En ce qui concerneI'O.C.C.C., la validitéde I'Accorddu 29 Septembre1948 cessera dans un délai maximumde deux mois à dater du jour de Ia signaturede I'Accord Commercial, soit Ie 4 Février 1951(141).

(140) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Séanceplénière du 9 Décembre1950. Voir en annexeNo 39, Ie texte de I'article VI. du pro- tocole additionnelà I'Accord Commercial. Des précisions sur deux points du protocole additionnel sont données par la lettre du Sous-Direc- teur des Relations EconomiquesExtérieures du Ministère des Finances et des Affaires Economiques,datée du ler Décembre1950' adressée aux Présidents des Chambresde Commerce. ler point : Pour plus de souplesse,le plafondfinancier de 400.000 Dol- Iârs mensuelsnon reportables, pourra être transformé en plafondtri- mestriel de 1,2 Millionsde DoIIars non reportables. 2èmepoint : la zonefrontalière f,rançaisen'a pas été limitée-par.le pro- ioffid-Otonnel. L'AdministrationFrançaise rappelle que la région- frontière française comprendles départementsdu Rhin et de la Moselle et les territoires de Belfort et de ia Sarre.

(141) Accord Commercial,protocole additionnel, alinéa 7. 253.

En bref, le protocole additionnel ne règie pas entièrement Ia situation des échanges frontaliers franco-allemands. ll reste encore aux Chambres de Commerce à mettre au point I'accord frontalier. A ce sujet, Ia C.C.I.M. décide de procèder à une enquêteauprès des Chambres Syndicales du département en leur communiquant' avec un rapport détaillé sur les échanges frontaliers, les demandes de con- tingents formulées par Ia Chambre de Commerce et d'Industrie de la Sarre, tant en ce qui concerne les importations de produits allemands en Sarre que les exportations de produits et rnarchandises sarroises à destination de I'Allemagne. De la lecture des réponses reçues par la c.c.l.M., il apparaft que les milieux industriels et commerçants mosellans sont parfaitement au courant de la caPacité de production sarroise, et que leurs conclusions rejoignent les thèses défendues par Ia Chambre de Commerce de Metz (I/+2).

- La questionde Ia Procédure d'exportation.

EIle n'est pas faite pour calmer les esprits. Nous avonsvu que pour les Chambresde Commercedu Rhin et de la Moselle, toute la procéduredes licences devrait être effectuéepar la seule DéIégation de I'Office des Changesà Strasbourg avec Ia collaborationd'un Comité d'Examenconstitué par les représentantsdes CompagniesConsulaires ' Au contraire, Ia c.c.I. sarre informela c.c.I. de strasbourgque le Ministre des Financesa donnéune suite favorableà sa proposition visant à permettre à la délégationde I'Office des Changesà Sarrebruck de déIivrer des licences d'importationpour la Sarre (143). Les diri-

(,/.D ArchivesC.C.I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Enquêteréalisée par Ia C.C.l.M. auprèsdes industrielsmosellans en Novembre1950' pour savoir ce qù'il conuientd'accepter ou de rejeter des listes sar- roises.

(i43) ArchivesC .C. I .M. DossierNo 136O.C.C.C. Lettredu Secrétaire Généralde la C.C.i. ciela Sarre BODRY,au Vice-Présidentde la c . c . I . strasbourg wENGER-VALENT 1N Ie 21 Novembre1950, 254.

geantsde la C.C.I.M. ne cachentpas leur colère: "II est facile de deviner le danger que constitueraitr pour no- tre économierégionale, I'acceptationpar le Ministère de I'Economie Nationaleet des Financesde la proposition sarroise : si des licences sur le plafondde 400.000 Dollars doivent être délivrées directement par Sarrebruck, c'est une raison de plus pour nousde demanderqu'un Comitéd'Examen soit constitué,ayant à connaîtrede I'ensembledes demandesd'importation, sinon nous verrions ce contingentrapidement utilisé par les Sarrois, au détrimentdes régionsintéressées" (I44). 1l s'agit par conséquentpour les Chambresde Commerceconcer- nées, de se mettred'accord avec les représentantsdes différentsmi- nistères sur la procéduredes iicences qu'iI conviendraitd'imposer dansle futur accord frontalier Q4D. A cet effet, le Ministrede I'Agriculture adresseau Ministre des Finances,début Janvier 1951, uneIiste de restrictionsà observer par Ia DéIégationde I'Office des Changesà Strasbourg, dans Ia déli- vrance des licences d'importationet d'exportationen provenanceou à destinationde I'Allemagne,et ce, à partir du 1er Février 1951, date de I'entrée en vigueur du régimedes échangesfrontaliers (145). On relève dans cette liste : 1. Les importationstotalement prohibées : Floublon,eaux minérales, bière, beurre, fromage,lait en poudre. 2. Les importationsrequérant I'autorisation de I'administration centrale : pommede terre de semenceet de consommation,choux. 3. Les exportationsrequérant I'autorisation de 1'administration centrale : plantsde vigne à racines, céréales, tiz, sucre, huilesr grâines oléagineuses,tourteaux, vins vinés.

Q.LD ArchivesC.C.I.M. DossierNo 136O.C.C.C. Séanceplénière du ! Décembre1950. (145) ArchivesC.C.I.l{. DossierNo 136O.C.C.C. Lettredu 11 jarrvier195i du Ministre de I'Agriculture au Ministre des Firrarrces. 255.

Les listes de prohibition sont établies unilatéralementet ne comportentaucun engagement vis à vis des autorités allemandes. Elles peuventêtre moditiéespar I'autorité centrale compétente(146). La procédure de délivrance des licences préoccupeles repré- sentantsdes Chambresde Commercedu Rhin, de la Moselle et de la Sarre réunis à StrasbourgIe 13 Janvier Lg5I Q4D. Ainsi pour I'im- portation en Francer prévoit-on que les demandesde licences présen- tées par les importateursfrançais seront revêtues de I'avis des Cham- bres de Comrnerce. Ces dossiers seront ensuitetransmis à Ia Déléga- tion de I'Office des Changeset Ia Commissiond'Examen, siégeantune fois par mois, donneraun avis définitif sur I'admissionou le refus de la transaction envisagée. Les représentantssoulèvent alors Ia ques- tion de savoir dans quelles conditionsseront délivrées les licences dans Ie cas où la totalité des demandesd'autorisation d'importation dépasseraitle plafondfinancier mensuelde 400-000Dollars. Deux solutionssont alors envisagées : - d'une part, la répartition proportionnelleau Prorata des demandes. - d'autre part, I'admissionde certaines demandeset le refus de cer- taines autres sur la base d'une liste préférentielle de produits dont I'importation est autorisée. Les Chambresde Commercedevant tenter de parvenir à une répartition équitablepar région.

(146) Cette liste s'ajouteaux listes industrielles établies les 20 et 21 No- vembre 1950el pour lesquelles les Ministères intéressés font d'ex- pressesréserves. Les listes sont communiquéespar LHERME-aux intéressés lors de la réunion des Chambresde Commercedu Rhin' de la Moselleet de la sarre à strasbourg le 13 Janvier 1951. Les Chambresde Commerceconcernées y ajoutentleurs observationset Ies rendent publiqueslors de la réunion de Colrnarle 17 Janvier 1951.

Q/+7) Archives C.C .l .M. DossierN' t36 O.C.C.C. Procès-verbalde Ia réunion des Chambresde Commercedu Rhin, de Ia Moselle et de Ia Sarre à Strasbourgle 13 Janvier 1951. 256.

Finalement,cette procédure est mise au point par les représen- tants du Ministère de I'EconomieNationale, de l'Office des Changeset de la Direction Généraledes Douanes. Elle fait I'objet d'un "avis aux importateurs" publié au Journal Officiel Ie Ler Février 1951(148). Il y est précisé que le droit d'importer est ouvert à toute personnephy- siqueou morale, établie dans Ia région frontalière, dont Ia profession est en rapport avec I'activité d'importation. ll en est de mêmepour I'exportation. Les marchandisesdoivent être originaires des régions frontalières et utilisées dans celles-ci. Les transactions ne devront pas dépasserla limite du montantglobal trimestriel soit 1,2 Millions de Dollars. La part de ce montantglobal trimestriel non utilisee ne pcur- ra pas être reportée sur le trimestre suivant. Les paiementss'effec- tueront par I'intermédiaire de I'Office des Changes. Toutes les dispo- sitions relatives au commerceextérieur s'appliquerontsans restriction aux opérationsréalisées dans le cadre de I'Accord Frontalier. Les licences d'importationet d'exportation seront établies au moyendes formulaires utilisés pour I'Accord Général mais devront être revêtues, en caractères apparents, de Ia mention "EchangesFrontaiiers Fran- co-allemands". Pour Ie calcul de Ia valeur en DoIIars, Ie cours des changesà prendre en compteest de 350 Francs ou 4,10 D.M. pour un ' Doilar. Les demandesdoivent être déposéesau siège de la Chambrede Commercede la zone frontalière dans laquelle est situé l'établissement et accompagnéesd'un certificat détivré par Ia Chambreintéressée, attestantI'origine frontalière de la marchandise,d'un engagementéta- bli par f importateur conformémentà un modèleprescrit, à consommer ou utiliser les marchandisesimportées dans la région frontalière seu-

(148) Archives C.C.I.M. DossierN" 136 O.C.C.C. iournalOfficiel du 1er Février 1951 p. LI23 Avis aux importaieurs et exportateurs et avis No IrBTde l'Office des Changesrelatifs aux échangesentre les régions frontalières franco-allemandes. 257.

lement, et d'une facture pro-forma du fournisseur en doubleexemplai- re. Les demandesd'importation seront examinéespar la Chambrede Commercedestinataire au fur et à mesure de leur dépôt, revêtues d'un avis et transmisesdans un délai maximumde huit jours à Ia DéIé- gation de I'Office des Changesà Strasbourg. Toutes les demandes ainsi transmisesseront soumisesà un comité consultatif composédes représentantsdes Chambresde Commerce,présidé par le Déléguéde I'Office des Changes. Ce comité donneraun avis définitif . La décision d'acceptationou de refus sera alors prise par le DéIéguéde I'Office des ChangesRégional. Les licences d'importationdélivrées dansIe cadre de I'Accord Frontalier n'ont qu'unevalidité de trois mois. Cet accord s'applique égalementaux prestationsde services, c'est-à-dire au travail à façon ayant un caractère spécifiquementfrontalier et effectuépour le compte de personnesétablies dansles régions frontalières (148).

En L9l+6,la procéduredes échangesentre la France et la Zone Française d'Occupation,telle qu'elle se réalise par I'intermédiaire de I'OFFICOMEX, est trop rigide pour faire faceaux trafics fronta- liers. Les Chambresde Commercede I'Est, sur I'initiative de celle de Strasbourg, proposentalors la création d'un organismechargé, sous leur responsabitité,de Ia procédure des échangesavec les ser- vi<:esde Ia Z.F.O. Les autorisationsnécessaires sont accordéespar les autorités françaises compétentes. Ce clearing est à I'origine de l'accord entre 1'Officede Compensationdes Chambresde Commerce (O.C.C.C.) et Ia Kompensationsstelleder Handelskammer(K.D.H.) de Fribourg, par Ie protocole du 29 SeptembreI9l+8. Les prix sont libellés en Marks dont le taux est calculé de façonà assurer une rému- nération suffisanteaux exportateurs et Permettrel'écoulement des pro- duits allemandsimportés. Les organismeséconomiques locaux, hosti- les lors de la signaturedu protocole puis satisfaits des services ren- dus par cette procédure, demandentfinalement son maintien. Pour les départementsfrontaliers, I' O.C . C . C . présenteen effet , des avanta- ges certains : la possibilité d'écouler vers I'Allemagnedes produits 258.

en excédantsur Ie marchéfrançais, et, à l'inverse, celle drintro- duire en France des produits encore en pénurie. En outre, il est possible de faire effectuer en zonefrançaise des travaux à façon à des prix très avantageux. En I94B eT 1949, le chiffre d'affaires de I'O.C.C.C. atteint les montantsde 780 Millionsde Marks et 2100 Millions de Francs. Des exportationsde produits agricoles et des "importations" de travaux à façon, qui sont indispensablesaux indus- tries sinistrées peuventaisément avoir lieu. C'est sur ces basesque fonctionneI'O.C.C.C. jusqu'au23 Dé- cembre 1949, jour de la dénonciationdu protocole par le Ministre de I'Economiedu Bade. Les Chambresde Commerceet Ies Conseils Gé- néraux des départementsintéressés demandentalors la prorogation du protocole jusqu'à l'établissementd'un nouvelaccord réglant Ies problèmesfrontaliers . Le protocole additionnelau Traité de CommerceFranco-allemand, signéle /r Décembre1950, condamne la procédureO.C.C.C. rempla- cée, au 1er Février 1951; pôr une nouvelleprocédure de licences d'importationet d'exportationdans laquelle I'Office des Changesde Strasbourg joue un rôle primordial. Le 13 Octobre 1951, le bilan définitifde I'O.C.C.C. est déposé. La Chambrede Commerceet d'Industrie de la Moselleemploiera sa part, soit 25 Millions de Francs provenantde Ia liquidation de I'actif de I'O.C.C.C., à la constructionde logementsà MetzQ49).

En fait, Ia Mosellen'a pas autantprofité de la procédure que I'AIsace, peut-être parce qu'une grandepartie de son commerceexté- rieur a échappéà ce trafic frontalier en s'écoulantvers la Sarre.

(1a91 Archives C.C.I.M. DossierNo 136 O.C.C.C . Séanceplénière du 28 Juin 1952. 259.

Chapitre Second

La Moselle fu." uu p.oblèt" tuttoit.

Tout ce qui touche à Ia Sarre est attentivement suivi par I'opinion mosellane. La presse locale adopte une attitude critique face à la politique sarroise de la France et les protestations mosellanes s'éIèvent contre certains aspects deI'économie de la Sarre (1.). Bien qu'on veuille lui faire croire que ce territoire est le complément économique de la Moselle, elle n'oublie ni les résultats du plébiscite de 1935, ni les agissementsdes Sarrois pendantIa guerre. II reste encore un lourd contentieux entre la Sarre et Ia Moselle.

I. Le-zqULisrs-:grrgLS-e--d:€.Ia F rance .

Elle est surtout déterminée par Giibert GRt-NDVAL qui gouverne la Sarre en proconsul. Il est nommé, muni des pleins pcuvoirs, Ie 30 Acût 1945 et occupe son poste te 7 Septembre. Contrairement à une politique inter- nationale pour Ie moins mouvante, la politique sarroise de Ia France s'engage dans la voie de I'action et des réalisations, qui ne sera pas tcujours très bien admise en MoseIIe.

1. La_situ-ationen Sarre au lendemain de Ia secondeJLelre-Loldtglg.

En 1945, la presse mosellanene se préoccupepas particulière- ment du sort de la Sarre qui reste urrproblème secondaire, d'autantplus que l'accès du territoire sarrois est strictementréservé aux personnes

(1) Nous n'avonsnullement pour but de faire une étudesystématique de la ques- tion sarroise entre 1945et 1951. Nousne nousproposons que d'analyserles aspectsdu problèmequi ont le plus marquéI'opinion publiquemosellane. Four le ccmplémentnous préférons renvoyerà ).'ouvragede JacquesFR EYMCND La Sarre 1945-1955.Bruxelles 1959cu à la thèseplus récentede Gilbert BARTHEL: Les relationséconomiques entre la Franceet ia Sarre 1.9L5-I962 Thèsede 3e cycle - Centred'histoire des Relationslnternationales METZ 1976. 260

munies d'un laissez-passer (2), eTque la région est occupée par les trou- pes françaises à compter du 10 Juillet 1945 (3). Avec I'avènementdu gouvernementGRANDVAL, Ia question sar- roise est simplement évoquée sur quelques colonnes dans la presse mosel- lane. L'accent est particulièrement mis sur Ie bilan matériel de la guerre. Le centre de Sarrebruck est totalementen ruines, et il ne reste plus qu'un seul immeuble intact: celui où loge le Gouverneur Militaire Français (4). Les ponts sur Ia Sarre ont sauté et Ie territoire entier a particulièrement souffert de la fin de la guerre. La moitié des habitations sont détruites à I00 % et les services allemands, avant de partir, ont vidé tous les stocks de ravitaillement. Il faut au Colonel GRANDVAL, ravitailler la région d'urgence, puis remettre la population au travail. Sarrebruck renaft lentement. Les transports et Ia poste fonctionnent à nouveau et le commerce reprend : un Mark vaut cinq Francs (iI valait vingt Francs pendant Ia période nazie). La Neue Saarbrûcker Zeitungi journal bi-hebdomadaire, paraît depuis le 27 hoît 1945 (5), sur deux pages tirées à 30.000 exemplaires. Les écoles ouvrent le 1er Octobre et I'enseignement du flrançais y prend une large place (6). La reconstitution des partis poiitiques est autorisée par Ie Gouver- nement Militaire Français à partir du 12 Décembre 1945, et celle du droit syndical le 15 Décembre. Dès Octobre déjà, les trois partis : communiste, social-démocrate et démocrate-chrétien, avaient tenu des réunions (6), sans

Q) Le REPUBLICAINLORRAIN du 26 Mai i945

(3) Le LORRAINdu 6luillet L945. La Sarre était occupéepar les troupes américainesauparavant .

G) Le REPUBLICAINLORRAIN du 6 Décembre1945.

(5) Le REPUBLICAIN LORRAIN du 14 Septembre1945.

(6) Le COURRIER DE LA SARRF Cu 30 Octcbre I9L5. 26L.

grand succès il est vrai, car la population reste amorphe : "ce sont des bergers sans troupeau" (7). Un autre problème se pose, celui de l'épuration qui est, en Sarre comme en Moselle, une affaire de longue haleine . En 1946, à par- tir d'une iiste de 8.000 noms dressée par les anti-nazis,500 sanctions seulement sont prononcées. Des 750 techniciens de I'industrie désignés, 600 sont maintenus dans leurs fonctions car, dans les mines, épurer signi- fie faire baisser Ia production ; 1J0 autres sont rétrogradés et les 150 li- cenciés sont astreints au travail obligatoire par voie de réquisition et em- ployés au déblaiement et à la reconstruction. De même, I/+ % seulement des fonctionnaires sont touchés, mais 40 % sant partis de leur propre ini- tiative. Il est impossible de procèder à l'épuration dans I'enseignement car, du haut au bas de l'échelle, les cadres de I'enseignementsarrois sont hitlériens, Ie régime nazi s'étant appliqué à faire des instituteurs et des professeurs, ses plus fidèles propagandistes. Alors, commeiI faut faire fonctionner Ies 408 écoles primaires et les 22 établissements secondaires, on est obligé de réemployer ce personnel bien qu'iI ait été envisagé un ins- tant de demander le concours des instituteurs d'Alsace et de Lorraine, projet vite abandonnéen raison du manque de personnel dont souffrent éga- lement ces régions. L'épuration du clergé s'avère elle aussi impossible. L'évêque de Trêves, Mgr BORNEWASSER, est maintenuà son poste (8). L'importance poiitique du clergé en Sarre ne doit pas nous échapper : les trois-quarts de la population sont cathcliques et pratiquants, la Sarre étant partagée entre les diocèses de Trêves (onze doyennés) et de Spire (deux doyen- nés) (9).

0) Le REPUBLICAINLORRAIN du 9 Décembre1945.

(8) Le MESSIN du 8 Janvier I9L5. C'est un vieillard de 80 ans qui a conseillé aux Sarrois de voter pour ie rattachementà I'Allemagneen 1935. I onciè- rementpangermaniste, iI n'a pourtant jamais été nazi.

(9) Le REPUBLICAINLORRAIN du 7 JanvierI9L6. 262.

Au point de vue économique,Ies industries sarroises se réani- mentpeu à peu. Le premier haut-fourneauest ralluméIe 4 Décembre 1945aux usinesRÔCHLING (10). L'extractionhouillère, grâce à des avantagesen matière de ravitaillement accordésaux mineurs qui disposent de 3.650 calories par jour, pour I.4IB au reste de Ia population,passe de 11.500tonnes par jour à 20.500en Novenbre1945. La France en obtient 25%. On compteatteindre bientôt le maximumde 45.000tonnes par jour (11). La Sarre doit par ailleurs être capablede fabriquer le matériel dont elle a besoinet 25 usinesont été remises en marchedepuis Juillet L945. La moitié de Ia producticnde la verrerie de Sankt-Ingbert soit 200.000 m2 de verre par mois,iraen France (l-2). 62 % de la maind'oeuvre de 1939est active en 1946: 153.000 travailleurs au lieu de 2/*7.00O. Les moyensde transports connaissentune améIiorationsensible : les 100 km de voies de cheminde fer expioités en Juin 1945passent à 800 en Décembre. On est loin, cependant,des 1.600t

Maisde graves problèmessubsistent encore :la Sarre manquede logementset d'électricité. A Sarrebruck, les habitantss'entassent à huit ou dix par cave. L'électricitéest coupéependant I'hiver, de sept heures du matin à cinq heures du soir, sauf pour les mineset quelquesusines prioritaires (12).

(10) LE REPUBLiCAINLORRAIN du 5 Décembre1945.

(11) Ie REPUBLICAINLORRAIN du 7 Décembre7945.

Q.2) Le MESSIN du 6 Janvier 19116.

(13) Le MESSIN du 9 Janvier 1946. 263.

La Moselle, étant donnéce bilan peu brillant, craint que la Sarre ne devienneune charge pour la France très affaiblie et affiche ouvertement ses vues au momentoù la questionde I'annexionpolitique de la Sarre se trouve posée'.

2 . Faut-il annexerjolitiqemertJl Sa ge_ ?_

C'est Ia question qui mobilise I'opinion publique dans son ensemble au lendemain de la guerre. L'affaire a débuté avec les déclarations des émigrés sarrois qui créent à Toulouse le Mouvementpour la Libération de la Sarre (M.L.S.) et sont soutenus dans leur action par I'Association Française de la Sarre très influente en Sarre avant 1935 (13). A la libération de leur territoire, ces Sarrois demandent leur rat- tachement à la France (14). C'est à partir d'Avril L946 que Ie problème s'installe en Moselle, Ia presse exprime la méfiance du département. Le Républicain Lorrain notamment,révèle que le M.R.S., Mouvementpour le Rattachementde la Sarre, qui a pris Ie relais du M.L.S. a "prêché I'Anschluss de la Sarre à Ia France" à la Wartburg à Sarrebruck. Juste retour des choses, en effet la Wartburg est Ia salle où ont été communiqués les résultats du plébiscite de 19,35(15). La Moselle craint que la Sarre se retourne vers Ia France pour assurer sa seule subsistance, c'est la politique des "Brotkorben" (16). Charles HENRY, éditorialiste au Républicain Lorrain, ne veut pas que la Sarre serve de monnaie d'échange dans le cas où Ia France se déciderait à abandonner son projet sur la Ruhr et accepterait le rétablis- sement d'un gouvernement central en Allemagne. Pour lui, Ruhr et Sarre posent deux problèmes totalement différents :

(13) Le MESSINdu 9 Janvier1946.

G4) Le LORRAINdu 28 Mars 1945.

(15) Le REPUBLICAINLORRAIN du 16 Avril 19/-6.

(16) JeanineCHABOT : Les prcblèmes lorrains et sarrois en 1946. Faculté des Lettres et Sciences humaines de ivletz Juin 1970. 26/+.

"Triompher sur l'un et céder sur I'autre ne serait qu'une solu- tion boiteuse. Un avantageimmédiat risquerait de nous coûter cher dans un avenir plus iointain" (17). II ne veut pas d'une annexionde la Sarre par la France : "Autant quelquesvérifications de lrontière dansla région de Sar- rebruck et la forêt de la Warndtme paraissentbien fondées, autant je suis, personnellement,opposé à faire du territoire de'Ia Sarre, un département français". Et il invite les lecteurs du journal à répondre par oui ou non à Ia question suivante : Faut-il annexer la Sarre ? De cette enquête,il ressort, lors du premier dépouiliement,Çue 94% des Iecteurs sont défavorablesà une annexiontotale et immédiatede Ia Sarre à Ia France (18). Un deuxièmedépouitlement a lieu le 9 Juin 1946- II s'avère que 99 % d.eslecteurs soutiennentla position du journal qui souhai- te détacherla Sarre de I'Allemagneet la rattacher économiquementà Ia France (19) : "Si la sagesseest de faire entrer Ia Sarre dans le circuit écono- miquede Ia France au titre des réparations, elle est d'occupermilitaire- mentla Sarre pendantde longuesannées au titre de notre sécurité" (20). André MOCIBLONjournaliste au lgetsin' est égalementopposé à I'annexionpolitique de la Sarre : "On ne fera jamais un bon Français d'un Allemand"(21). Il critique lui aussi le rattachementéconomique car il redoutela persistan- ce de I'attachementpolitique du territoire à 1'Allemagne:

Q7) Le REPUBLICAIN LORRAINdu 15 Mai 1946. Editorial de Charles HENRY.

(18) Le REPUBLICAIN LORRÂINdu 17 Mai 19/16-Il ressort du courrier que certains lecteurs souhaitentrattacher Ia Sarre à la France et expulser les Sarrois dansle Reich. D'autres affirment que la Sarre doit être exploitéeet non pas annexée.

(19) Le REPUBLICAINLOREAIN du 10 Juin!946' Certainslecteurs scuhai- tent recréer I'ancien départementde la Moselle en y englobantIa rive gauchede Ia Sarre et notammentIa région de Sarrelouis et I'enclave de la Warndt.

<20) Le REPUBLICAINLORRAIN du 23 Mai 19/.6.

(2r) Le MESSINdu 17 Mai 19/,6. 265.

"On proposeaux Français une solution bâtarde, la plus détesta- ble de toutes : une Sarre économiquementfrançaise et politiquementalle- mandet' Il craint que Ia politique sarroise de la France ne soit trop tir:norée et peu propice à écarter le danger allemand : "Nous ne savonsplus faire qu'unepolitique à la petite semaine, une politique timorée. Nousavons perdu le sens de la grandeur et de la pérennité. Nous cherchonsd'instinct la solutiondu moindre effort (...) Sarre allernande? Sarre française ? QueIIe que soit la solution adoptée, ce n'est pas d'elle que-dépendrale futur conflit franco-allemands'il doit se produire. Mêmeen leur laissant Ia Sarre, les Allemandsnous feront quandmême la guerre, un jour, s'ils se sententassez florts pour Ia tenter. Nous venonsd'en faire I'expérience" (21). II semblecependant que la position défenduepar André MOCIELONne soit pas celle du Messin,plutôt favorable au rattachementéconomique de la Sarre (22). Le Courrier de la Sarre n'adopte pas de position bien tranchée. Pourtant, on sent s'y dessiner une tendancelégèrement favorable aux idées du M.R.S., qualifié de "grand et influentmouvement populaire" (23). Ainsi, affirme-t-il dans ses colonnesque la Sarre désire se distinguer des autres territoires allemands: "Ils céIèbrentles jourrréesde I'entrée des troupes alliées comme des journées de Libération". Le Lorrain, avare de commentairessur cette question, demeure favorabl-eau rattachementéconomique de Ia Sarre à la France QD. La Voix de la Moselle,organe communiste,faisant référence au plébiscite de 1935, est hostile au rattachementpolitique "parce que les Sarrois ont prouvé leur sentimentallemand". Pourtant, elle estimeque le charbon de la Sarre doit devenir la propriété exclusive de la France et

Q2) Le MESSINdu 16 Mai 19/,6.

(23) Le COURRIERDE LA SARREdu 17 Mai 1946.

(24) Le LORRAINdu 5 luin I9L6. 266.

qu'il faut rattacher le territoire au système douanier et monétaire fran-

çais (25). La Chambre de Commerce et d'Industrie de Ia Nioselle émet Ie voeu que le gouvernement français consulte Ies organismes intéressés du département avant toute prise de décision concernant Ia Sarre ' car eIIe se dit : "vivement émue de la propagande qui trouve une large place dans toute Ia presse française en faveur du rattachement de la Sarre à Ia Fran- ce, et navrée de constater combien est oublieuse I'opinion publique d'une expérience encore récente et qui met en opposition flagrante les déclara- tions des représentants prétendus autorisés de la population sarroise avec I'attitude de celle-ci lors du plébiscite de la Sarre en 1935" (26). Le Conseil Municipal de Metz prend également position quant à cette question (27). I1 ne souhaite pas le rattachement politique de Ia Sarre à Ia France, s'appuyant su1 le plébiscite de 1935 où 0, ?6seulemetrt des votants sarrois ont donné leur voix à la France. D'ailleurs, à ses yeux' le problème de Ia rive gauche du Rhin doit être traité dans son ensemble et une solution politique ne touchant que la Sarre serait incomplète. En outre, I'aspect économiquede la question sarroise, en raison des difficul- tés rencontrées entre les deux guerres, doit être traité avec sagesse, les Sarrois étant appelés à aider à la remise en route de l'économie mosellane qui a souffert, matériellement et moralement, des vexations et'des spolia- tions sarroises. Le Conseil Municipal de Saint-Avold, parlant au nom de la popu- Iation frontaiière, s'oppose également au rattachement politique de la Sarre à la France (28).

(25) LA VOIX DE LA MOSELLEdu 23 Mai 1946.

Q6) C.C.I.M. Procès-verbaidu 11 Mai 1946.

Q7) Conseil Municipalde Metz. DéIibérationsdu 7 Juin 19/-6.

Q8) Le REPUBLICAINLORRAIN du 27 Eévrier 1947. 267.

Ce projet suscite donc de vives réactions de ia part de I'opinion publique. La très grande majorité des Mosellans y est farouchement hos- tile, et Ie demeuref.in L947, au moment où se Pose Ia question du rattache- ment économique(29). Les réunions de 1'Association Française de la Sarre, section de Metz, présidée par le Général BRION , assisté du CommandantLA NREZAC , Président de la Section de Ia France de I'Est, et du Délégué Général de (30). l'Association pour Ia Sarre JUNG, ne changent pas cette détermination

g- 3. L_"s_relations golit1qç 1 f lanc sa gci 1e1

Ayant, en grande majorité, désapprouvé le rattachement politique, Ia presse mosellane s'attaque aux relations franco-sarroises. Nous l'avons vu , en 1'946, la Sarre semble acquise aux idées fran- çaises. Mais Le Courrier de la Sarre n'est pas dupe lorsqu'il affirme que les cours du soir de français sont très suivis mais qu'il faut en diviser les amateurs en trois groupes :

"- Ceux qui suivent cet enseignementavec zèIe au début mais qu'on ne voit plus après la cinquième leçon car ils se sont rendus compte qu'il est plus facile d'adopter de nouvelles convictions que d'apprendre une lan- gue étrangère". - le groupe des froids réalistes pour qui Ie français est une langue étran- gère indispensable. - celui, Ie moins nombreux, des gens qui étudient le français parce qu'ils Itaiment."

(29) Le REPUBLICAINLORRAIN du I Octobrel9t-7.

(30) Le LCTRRAINdu 13 Janvier 1947eT le MESSINdu 1/*Février 1947. Notonsles thèmesdes débats: - Les Sarrois sont des germano-gaulois et ii est possibleaux Messins de s'entendre avec eux. - Le contrôte militaire de la vallée de la Sarre doit être rendu à la France. 268.

II constate: "Plus que jamais, nousavons à nouveaubesoin de discipline spi- rituelle et notre jeunessesurtout en a besoin. Et c'est pourquoi elle doit, pour des raisons pédagogiques,apPrendre Ie français, aller à l'école de Ia iogique grammaticaleflrançaise. Par Ie contactavec 1'esprit étranger, elle doit apprendreà se rendre comptede son caractère propre, de son destin propre et à construire son propre avenir" (31). Dans une Sarre superficiellementbienveillante, Ia politique fran- çaise est, pour le moins, ambiguë. Aucun texte officiel interallié ne per- met à la France de justifier légalementson action. Et si Ies élections sar- roises paraissentaccréditer la politique française, la presse mosellane demeuretrès sceptiquequant à I'exercice des prérogativesfrançaises. Le Courriei de la Sarre, en se demandantsi Ia France n'est pas, à force d'erreurs, en train de creuser un fosséentre le Rhinet la Moselie(32)' témoignede I'effervescencequi règne dans le département.

a) Les élections : Ia France acceptéeen Sarre.

Le L4 Septembre19/16, 470.000 éIecteurs sarrois sontappelés à se prononceraux électionsmunicipales ' 93'5 % des inscrits partici- pent à ce vote, une très grande majorité cautionnantles partis flavora- bles au rattachement : 52,7 % des suffragesvont aux chrétiens-sociaux 24'7 % aux socialistes 8,7 % aux communistes et !2,9 % auxdiverses tendances restantes. Une conimissionde vingt membres, choisie proportionnellementaux ré- sultats des élections municipales,est chargéede mettre sur pied un projet prévoyant le rattachementéconomique de Ia Sarre à la France et Ia séparationpolitique d'avec I'Allemagne. Le projet est adoptépar 18 voix contre 2, celle des deux déléguéscommunistes. La Commission

(31) Le COURRiERDE LA SARREdu 30 A'rril I9t6.

Q2) Le COURRIERDE LA SARREdu 30 Octobre 1945- 269.

de Constitution, après avoir achevéses travaux, passe le relais à un Landtagde 50 représentantséIus (33). Aux éIectionslégislatives d'Octobre 1947, 91.,5% des Sarrois se montrentfavorables au rattachementéconon'-ique, il n'y a quelr% d'abstentions(34). Les résultats sont Ies suivants: Electeurs inscrits : 520.860 Suffrages exprimés z 498.665 Bulletins nuls : /*9.159 - chrétiens-populaires(C.V.P.) 5I,I7 % desvoix soit 28 sièges - sociaiistes(S.P.S.) 32,78% 17 - communistes(K.P.) 8,/u3% 2 - - démocrates(D. P . S .) 7 ,52 % Total .... 50 sièges Charles HENRY tire Ies conclusionsde ce scrutin et précise avec ironie : "le projet qui prévoit I'intégration du systémeéconomique doua- nier et monétairesarrois dans 1'économiefrançaise peut donc être con- sidéré comme"plébiscité" (35). L'éditorialiste mosellanconseille pourtantla prudence: "La France serait bien avisée en limitant au minimumindispensa- ble ses prérogativesen Sarre". II conclut: "Laissonsévoluer les évènements.Pour I'instant, Ia Sarre veut échapperau sort matériel de I'Allemagneet la France a besoindu charbonsarrois. Mais le côté humaindu problèmeest loin d'être mur \J5/. Par ailleurs, le voeu des Sarrois est-il partagé par les Quatre ? D'ores et déjà, Ies journaux allemandsparaissant sous licence anglai- se se montrentfavorables au projet des Sarrois, alors que ceux qui pa- raissent sous licence soviétiques'y opposent(36).

(33) Le REPUBLICAINLORRAIN du ,4Octobre 1947. QD Le REPUBLICAINLORRAIN du 7 Octobre1947. (35) Le REPUBLICAINLoRRAIN du 7 Cctobre 1947' Editorial de CharLes HENRY. (36) Le REPUBLICAINLORRAiN du I OctobreI9/+7. 270.

La constitutionsarroise est adoptéeen Novembrel9I+7 par 4B voix contre une : celle du seul députécommuniste présent à Ia séance(37). Le 15 DécembreL947, JohannesHOFFMANN est élu à Ia présidencedu Conseil Sarrois par /r7 voix et 2 abstenticns. Le socialiste ZIMMER obtient la présidencede 1'Assemblée (38). Le gouvernementsarrois est formé Ie 18 Décembre1947 e9). Toutefoisr pâr la suite, avec le redressementpolitique et écono- miquede la nouvelle RépubliqueFédérale, I'opinion sarroise évolue. Car, bien que Ia Sarre proteste contre I'ingérence des Allemandsdans ses affaires (/r0), Ia presse mosellanen'est pas dupe en ce qui concerne sa véritable orientation (41). Ainsi, Le Lorrain fournit I'exempledes footballeurs sarrois dont 50 clubs ont décidéde s'affilier à la Fédéra- tion Française de Footbaii (42) alors que 1,24autres ont rejeté cette proposition: "Ce fut en somme, sur une échelle très réduite, un petit plébisci- te dont le résuitat n'est pas fait pour étonner ceux qui connaissentles Sarrois" (43). Il sembledonc que I'exercice des prérogatives fran- çaisesait abouti à un constatd'échec.

b) Les prérogatrves françaises en

g g !e : m s u 1e t r qng g 1e g {": tinj g j g le n & Lc a ry_en t _dg ! au Lo n o m1e .

En 1945, la situation de la Sarre ne se distingue pas de celle de I'Allemagne occupée, car celle-ci est dirigée et administrée par Ie

Q7) Le REPUBLICAINLORR.AIN du 10 NovembrcI9/+7. Le texte de la cons- titution est publié dans Notes documentaireset études no 773 du 6 Dé- cembre1.9/-7. (38) Le REPUBLICAINLORT:AINdu 1,6Décembre1.947. (39) Le REPUBLICAiNLORRAINdu 1q Décembre1947 . (40) Le LORRAINdu 25 Juillet 1949. GL) Le REPUBLICAINLORRAINdu 12 Août 1949. Déclaration du gouver- nementsarrois. U.2) Le LORRAiNdu 19Juiilet 1949. (13) Le LORRAINdu 20 Juillet 1949. 27r.

Général Commandanten Chef instailé à Baden-Badenet le Conseil Quadri partite de Berlin. Au débutde 1.9t+6,Ia France proposede faire de la Sarre un Landautonome au sein dela Z.F.O. Une première difficulté intervient lors de La déIimitation géogra- phiquedu Land. Le L4 Juillet 1946,Ie GénéralKOENIG rattache à la Sarre 79 communesrhénanes des cercles de Saarburg, Wadern, Trêves- Campagneet Birkenfeld, d'économiecomplémentaire. La superficie sarroise augmentede 50 %, passant de 1928 kn2 à 2875km2. La popu- lation est ainsi portée de 850.000à 940.000 habitants(44). Face aux pressions anglo-saxonnes,la France rétrocède une majeurepartie des nouveauxterritoires. La superficie est ramenéeà2544km2. En Mars 1g4g, pour des raisons de commoditéirontalière, la communeallemande de Keiberg est annexéeà Ia Sarre (45).

La France souhaiterenforcer I'autonomiede Ia Sarre dans d'au- tres domaines. Ainsi, sur Ie plan reiigieux' nousavons vu que celle- ci est partagéeentre les diocèsesde Trêves - onze doyennés- et de Spire - deuxdoyennés -, GRANDVALtentera jusqu'enL948, d'obtenir I'indépendancereligieuse pour la Sarre. I1 songeà créer un nouvel évêchédont les frontières coincideraientavec celles du Territoire et qui aurait Sarrebruck pour siège. 5es demandesd'un visiteur aposto- lique n'obtiennentaucune réponse du Saint-Siège. JulesANNESER, dans Le Lorrain, considère que ce projet est chimérique et que le Vati- can ne procèdera pas à cette réorganisationtant que les Etats n'auront pas trouvé une stabilité poiitique sérieuse. il conclut : "Le problèmereligieux en Sarre n'est pas à la veille d'être réglé et nous pouvonsattendre avec confianceles décisionsdu Vatican qui interviendront au jour et sous Ia forme qui correspondra le mieux aux réàtités de la vie et aux nécessitésdes âmes. Disons-nousbien que la politique religieuse de la France, sa politique scolaire en particulier, retardera ou facilitera un rattachementmoral que d'aucunssouhai- tent" (46).

(14) Le LORRAIN du 25 Juiliet 7946.

\4f ,/ Le LCRRAIN du 2/+Mars 1949- (46) Le LORRAIN du 23 Novembre191+7. 272.

Sur Ie plan scolaire et culturel, le gouvernementmilitaire, pour éviter les erreurs de 1919, déploied'importants efforts, dans I'ensei- gnementsupérieur notamment,et, dès L946, 110bourses sont alloués à des étudiants sarrois ; elles leur permettrontde poursuivre leurs étudesen France. Ces efforts se précisent avec f implantationd'une Ecole de Médecineet, avec la création, en 1947,de I'Université de Sarrebruck (4D. Le 15 DécembreI9/.8. un accord culturel franco-al- lementest signé au Théâtre Municipalde Sarrebruck, en présencede Robert SCHUMAN. II y est précisé que les gouvernementsveilleront au contact étroit et régulier entre les mouvementsde jeunesseflrançais et sarrois et que les organisationssportives sarroises pourront se fai- re représenter au sein des fédérations sportives françaises (48). Du discoursde Robert SCHUMAN,il ressort que : "Le peuple sarrois a voulu rénover sa vie culturelle, économique et sociaieavec I'aide de la France". "La France, commela Sarre, aspire à la paix et à I'entente,ain- si qu'au rapprochemententre les peuples, à la mise en commundes res- sources dont 1'Europea besoin pour sa restauration" (49). Notonsque I'accord culturel franco-sarrois est signé avant Ies accords économiquesdu 3 Mars 1950. L'autonomiede la Sarre se renforce aussi par Ia création à Sarre- bruck d'une Cour d'Appel franco-sarroise (50), malgré I'avis de la po- pulation mosellanequi affirme que c'est d'une Cour siégeantà Metz et non à Sarrebruck que doivent relever les justiciables sarrois (!1). Le Ministre des Affaires Etrangères rétorque que : "La souverainetéfran- çaise n'existant pas en Sarre, ii lui est impossiblede faire dépendre Sarrebruck d'une Cour d'Appel française ayant son siège à Metz" (51).

(17) JeanineCHABOT - mémoirecité. , (48) Le LORRAIN du 15 Décembre79118. Rappelons le refus des clubs de football sarrois de s'affiiier à la Fédérationfrançaise. (Cf . : LORRAIN des 19 et 20 Juillet 1949). (49) Le LORFAIN du 16 Décembre1948. (50) Projet adoptépar I'AssembléeNaticnale Ie 27 Février 1948. (Cf. : Le REPUBLICAiN LORRAIiTIdu 28 Février IgLB)et accord judiciaire signé à Paris. (Cf. : Le REPUBLICAINLORRAIN du 18 tutaiI9/r9). (51) Le REPUBLICAINLORRAIN du 2 Février 19/.8. 273.

Le Maire de Metz, RaymondMONDON, proteste et signale d'une part, que l'Administration des Beaux-Artsde Sarrebruck vient d'être placéesous Ia dépendancede celle de Metz, et d'autre part, QUêc'€st la Cour de CassationFrançaise, siégeantà Paris, eui sera chargée d'examinerles arrêts de Sarrebruck, et, au besoin, de les casser (52). La MoseIIeredoute Ia puissanceattractive de la nouvelle Sarre- bruck, reconstruite avec force "buildings" et larges avenues, et ne veut Iui concéderaucun avantage. Ainsi, Le RépublicainLorrain dénonce-t-il le détachementde onze magis- trats français à Ia Cour de Sarrebruck alors que Ia Chambred'Appel de Metz "qui dépendde la lointaine Cour de Coimar, n'en compteque six" (51).

!a _Sq r1e _au_C_oas 91 l_d e_ t_E gr gt e .

Après la naissancede la RépubliqueFédérale, la questionsarroi- se devientla véritable pierre d'achoppementdu fragile édifice des rela- tions entre la France et I'Allemagne. La Sarre est très souventsur Ia sellette. Le problèmeen est soulevéau momentdu débatinternational sur I'admissionde I'Allemagneau Conseil de I'Europe. La France pro- jette d'y faire participer la Sarre comme membreassocié, c'est-à-dire ayantle droit de prendre part à I'Assembléemais pas au Conseil des Ministres, en vertu de I'article 5 du Statut du Conseil qui prévoit la possibilité pour Ies Etats dont la constitutiondémocratique correspond aux buts de I'Union Européenne,de contribuer à ses travaux. La Consti- tution sarroise du 15 DécembreI9/r7 est conformeaux principes démo- cratiques exigés (53).

$2) DéIibérationsdu Conseil Municipalde Metzdu 30 Janvier 1948. Cf . aussi le LORRAiNdu 4 Janvier L9/48.

\)J,,| Le LORRAINdu 27 juiilet 1949. 274.

En Allemagne,I'entrée de Ia Sarre au Conseil de I'Europe est fort mal accueillie. Les socialistes souhaitentun ptébiscite, sous con- trôle américain, en Sarre (54), et SCHUMACHERattaque la politique sarroise de la France : "Bien que les Français ne poursuiventpas ouvertementleur but d'intégrer politiquementla Sarre dans Ia RépubliqueFrançaise, ils expulsent de Sarre toute personne qui n'approuve pas Ia politique fran- çaise" (55). Les socialistes français, quant à eux, souhaitentque la Sarre reste allemande(56). Robert SCHUMANrépiique : "La questiondes rapports entre Ia Sarre et I'Allemagnea été omi- se à dessein, tant dans Ia Constitutionde Bonnque dans les Accords de Londres. Le statut de la Sarre est internationalementreconnu comme provisoire (...) Les craintes d'une annexionpolitique de la Sarre par Ia France sont injustifiées" (57). Le gouvernementfrançais a, par ailleurs, donnéau gouvernement sarrois, Iors d'un entretienentre HOFFMANI-let SCFIUMANà Paris, I'assurance de développeret de renforcer I'autonomiedu territoi- re (5ô). La Sarre souhaiteentrer au Conseil de I'Europe et le Gouvernement HOFFMANNpublie un "livre blanc", véritable mémorandum,qui donne tous les renseignementsnécessaires sur la situationde Ia Sarre et des- tiné à accréditer celle-ci auprès du Conseil de 1'Europe. Le Républicain Lorrain souiigneque Ia Sarre, une fois admiseau Conseil de l'Europe, y appuiera Ia candidaturede I'Allemagne(59). Cet appui de HOFFMANN à ADENAUER se confirme à un momentoir 1'entréede I'Allemagneau Conseil de I'Europe est au coeur d'une polémiquequi secoueI'Europe Occidentale.

$4) Le LORRAINdu 5 Août 1949. (5s) Le LORRAiNdu B SeptembreL949. (56) Le LORRAINdu 13 Août 1949.Déclaration de Guy MOLLET. r(7) Le LORRAINdu 26 Août 1949. (58) Le REPUBLICAIi{LORRAIN du 3 Septembrei949- (59) Le REPUBLICAINLORRAIN du 5 Septembre191+9. 275.

DébutNovembre t9/r9, les douzeMinistres des Affaires Etrangè- res siégeantau ComitéMinistériel du Conseil de I'Europe, décidentde transmettre, avec avis favorable, la candidaturede Ia Sarre au rang de membreassocié du Conseil à Ia CommissionPermanente de I'Assem- blée ConsultativeEuropéenne (60).

!e r gogsiqLe Lcls satroi se s dg Joyugu_de lole 1t 5 CH IJ MA N en A lle qa gng -_ lgn vi gr_19_5q_.

Ce périple est le prétexte que saisit I'Allemagnepour hisser Ie problèmesarrois sur Ia scèneinternationale. Une violente campagne de presse se déclencheoutre-Rhin avec pour thème : "La Sarre doit revenir à l'Âllemagne" (61-). ADENAUERaffirme que le gouvernementde Ia R.F.A. est, juridique- ment parlant, Ie légitime propriétaire des minesde la Sarre (62). La presse mosellane,face aux réactions allemandes,demande à la France de rester ferme (63). L'attitude du gouvernementallemand est violemment critiquée par Le Républicain Lorrain : "Depuis la formationdu gouvernementde Bonn, Ies Alliés n'ont entenduque des récriminations et des exigencespour Ie démantèIement d'usinesr pour le prix du charbon' pour le contrôIe de la Ruhr, pour la Sarre et mêmepour Ie réhabilitation du soldatallemand". "La Sarre risque (...) d'être Ia pelure glissantesur laquelletré- bucherontet I'Union Occidentaleet Ia défensede la civilisation" (64).

Sur Ie plan politique, l'hostilité mosellane,résultat d'un contexte historique défavorable, ne se démentpas entre L945eT 1951. Refusant I'annexionpolitique, I'opinion mosellane,malgré les éIectionsmunici- pales et législatives sarroises qui semblentcautionner la présencefran- çaise, désapprouvele renforcementde I'autonomiedu territoire et les conséquencessarroises du désastreuxvoyage de Robert SCHUMANen

(60) Le REPUBLICAINLORRAINdu 5 Novembretg4g. (61) Le REPUBLiCAINLORRAINdu 16 Janvier 1950. (62) Le REPUBLICAINLORRAiNdu 17 Janvier1950. (63) Le REPUBLICAINLORRAIl\idu 20 Janvier 1950.Cf . aussi le LORRAIN du 21 Janvier et le COURRIERDE METZ du 20 Janvier1950. ( 4) Le REPUBLICA I N LORRAINdu 18 Janvier 1950. 276.

Allemagnetendent à lui donner raison. La tension entre Ia France et I'Allemagneau sujet de Ia Sarre, ne cessera de s'amplifier après la signaturedes Conventionsfranco-sarroises du 3 Mars 1950, qui ont pour effet d'y confirmer l'autorité de la France. II s'agit bien entendu,d'une autorité d'ordre essentiellementéco- nomiqueque les puissancesalliées ne lui contestentplus depuisla si- gnaturedu Protocole de Berlin,Ie20 Février 1948, confirmantles dé- cisions prises lors de Ia Conférencede Londresde Novembre1947. Quellesseront alors les réactions mosellanesface au problèmeécono- mique sarrois ?

gl!'g1ntrytut]gne t t . !_ic_onomi"tggoit"

La grande faiblesse de ce chapitre réside dans le manquede sta- tistiques en ce qui concerneles relations économiquesentre la MoseIIeet la Sarre. Or, ni la Chambrede Commercede Ia Moselle dont nous avons con- sulté les archives' notammentles séries Lr1', 174, 176et 195, concernantIa Sarre, ni la Chambrede CommerceFrançaise de la Sarre (cf . Iettre de CHAN- TELOT du 7 DécembreI97O, ni d'ailleurs les Douanes(cf . Iettre du 10 Décem- br:e1976 de AZEMA - Direction Nationalede Ia StatistiqueDouanière) n'ont pu y pallier. II s'avère que les statistiquesfranco-sarroises et franco-allemandes ne sont régionaliséesque depuis 1969.

Le problèmeéconomique intéresse davantagela Moselleque la ques- tion politique. Pour les Mosellans,les Sarrois ne pourront jamais devenir de bons Français et leur rattachementpolitique est exclu. Mais la Sarre doit répa- rer les dommagescausés par les Allemandsà la France et à leur département surtout. L'économiesarroise doit servir à redresser I'économiemosellane et française car la France a un impérieux besoin du charbonsarrois.

L . _Le_charben_s a_rlorj .

En Àvril 7945, Le Républicain Lorrain (65) situe le problème :

(o3/ Le REPUBLiCAINLORRAIN du 10 Avril 1945. .r11

"L'attribution des mines du bassin sarrois à la France, Ia ges- tion de toute son industrie, la priorité sur toute sa production sont autant de revendications justes et légales ". Lq Courrier de Ia Sarre rappe,ilg Ia dépendancedes industriels lorrains à i'égard du charbon sarrois : en 1880, I'AIsace-Lorraine importait 39,3 % de I'ensemble de Ia production de charbon du bassin de la sarre. Entre les deux guerres, un tiers des charbons industriels sarrois environ, est utilisé par les industries lorraines (66). Les mines de la Sarre sont exploitées par la France à partir du 10 Juiliet 1945 et mises sous séquestre français Ie 3 Janvier 1946(67). La France souffre' cette arrnéelà, d'un déficit en charbon estimé à 20 Millions de tonnes. Les fines à coke sarroises ne Peuvent en combler qu'une partie. Le charbon de Ia Ruhr et son coke de meilleure qualité restent essentiels à la relance éco- nomique française. Par conséquent, Ia France ne peut se permettre de sacrifier ses prétentions au coke de la Ruhr à la production sarroise de charbon. Elle a besoin des deux. En ce qui concerne la seconde' on no- tera que les mines de la Sarre et leurs installations n'ont pratiquement pas souffert 'de Ia guerre' En Juiller 1945, la production y est de 6'000 tonnes par jour, fin 1946 elle s'élève déjà à 56 % de celle de 1938' En Septembre 1947, elle dépasse 36.000 tonnes par jour et en Décembre 1948, elle atteint 46.000 tonnes, soit l'équivalent de Ia production-record de 1938(68). Toutefois, la réorganisation de I'exploitation charbonnière en sarre nécessite une injection massive de capitaux français (69). D'autre part, et pour faire face au problème de la main d'oeuvre dans Ies mines, Ie gouvernementfrançais renvoie en Sarre les F.G.A. d'origine sarroise et complète les effectifs avec les réfugiés des zones est- allemandes (70), Ie ravitaillement sarrois étant assuré par des importations

(66) Le COURRIERDE LA SARREdu 17 Avril 1915. (67) Le REPUBLiCAINLORRAIN du 4 Janvier1945. (68) Le REPUBLICAINLORRAIN du 13 Juillett9/r5, C[. aussiie LORRAIN du 9 Décernbre1948. (69) C.C.I .M. Compte-rendudes i'ravaux 1946- (70) Le MESSINdu 25 JanvierIgL7. Entre Juilletet Décembre1946, Ies effectifsdes mineursde fondsont passésde 12.000à 34.371-dont 4.349prisonniers. La Francea iibéré 7.000P.G.A: 278.

américaines (7i).

Dès te Ler trimestre de 1946,la France récolte les fruits de sa politique économique en Sarre. 500.497 tonnes de combustibles miné- raux et 29.OU tonnes de matériaux de construction, d'acier et produits métallurgiques, de produits chimiques et de matériel de récupération sont expédiées de Sarre en France (69).

Mais est-ce suffisant pour justifier tous les apports français ? La France craint de taire un "marché de dupes" avec la Sarre. ElIe re- doute d'y investir pius qu'elle n'en retire et souhaite le rattachement éco- nomique de la Sarre pour bénéficier sans réserve de sorr charbcn. Le gros probtème des industriels français est de se Procurer du charbon $ras, rré- cessaire à Ia cokéfaction. Pour des raisons de qualité et de transport, Ia France préfère utiliser le charbon de Ia Ruhr, mais 1'Accord de Berlin attribué du 28 Janvier lg/r8, prévoit que le charbon sarrois, entièrement (72). à la France, peut être échangé tonne par tonne contre celui de la Ruhr Il est de ce fait un apport considérable pour 1'économie française' Le rattachement économiquede Ia Sarre à la France peut en outre rétablir Ia complémentarité naturelle et historique qui existe entre la Mo- seile et la Sarre :les charbons cokéiiables sont rentables pour i'industrie Iorraine carles coûts de transport sont minimes et, d'autre part, la mé- (72). tallurgie sarroise peut s'approvisionner largement en minette lorraine

(Jr) Robert MULLER : Le rattachementéconomique de Ia Sarre à Ia lrance' Editionsscientifiques RIBER. Paris 1950. L'activitéagricole est secondaireen Sarre. iusqu'en1935, Ia Moselle lui fournissËit t/3 de son bLé,I/3 de ses bêtes de boucherie, Ia moitié de ses fruits et un très fort contir,gentde tait. (Cf . : rtotre mémoirede maîtrise ; la presse messineet la questionde Ia sarre 1931-1935Metz mosellaneIe luin 1975). Èn raison des carencesdans I'agriculture I'ouver- Territoire ne Peut être approvisionnéaprès 1945. Toutefois, ture d'un débouchésarrois pour I'agriculture mosellanerétablie reste possible.

du Q2) RobertMULLER (op. cit.). Cf. aussile REFUBLICAINLORRAIN 29 Janvier I9t-8. 279.

Toutefois, les essais de cokéfactiondu charbon lorrain en cours dans les centres de Thionville, Carling et Marienau (73)' peuventmodifier les donnéesdu problèmedont certains aspects sontloin d'être du goût des Mosellans.

2. Le rattachemeqt-éc-oqoqiqle-d3!9 Ja-r1e è lg JgtL."-

a) Les premières réactions mosellanes.

La France, les Allié s (74) et les Sarrois (75) sont favorables au rattachement économique' Fin Décembre 1946' un cordon douanier est établi entre ia Sarre, la Rhénanie et le Palatinat QO. La Moselle adopte alors une position origirrale : elle connaft le problème sarrois et entend donner son opinion. Les "agissements peu louables de cer- tains fonctionnaires du Gouvernement Militaire" sont sévèrement criti- qués : "ll ne suffit pas de distribuer des drapeaux tricolores, de réqui- sitionner les enfants des écoles, et d'inviter par voie d'affiches, sous Ie couvert des municipalités, les habitants à pavoiser, pour faire naî- tï:e au coeur des Sarrois I'amour de la France" (77). Le Messin affiche son scepticisme 0Ù z "Est-il opportun de restaurer l'économie sarroise au risque de concurrencer Ies industries françaises similaires ?"

Q3) Note d'information no 4 de Mars 1949, publiéepar les Charbonnagesde France: valorisation de la productionfrar'çaise de charbon.

Q4) Le REFUBLICAINLORRAIN du 23 octobre 79/'6' Cf' aussile REf U- BLICAIN LORRAINdu 20 Décembrc1946-

Q5) Notes documentaireset étudesno 326du 15 Juin 19/16.

Q6) Le MESSINdu 24 Décembre191,6.

Q7) Le REFUBLICAINLORRA.iN du 12 Janvier1947 .

Q8) Le MESSiN du 25 Janvier 1'947. ?80.

De plus, dans ia conjoncture du moment, le rattachement risque de coûter à l'économie française plus qu'il ne rapportera. En effet, Ia reconstruction immobilière et la remise en état des transports et de l'industrie se chiffrent par milliards. "Si le rattachement est assez durabie pour que les capitaux ain- si investis puissent ne Pas être perdus Pour l'économie française, iI vaut d'être tenté. Si, au'contraire, au bout de quelquesannées, les Sarrois ont à choisir entre une Allemagne reconstruite et Ia France, il faut sans illusions se demander si leur choix n'est pas fait d'avance et si un nou- veau plébiscite ne redonnera pas à I'Allemagne une Sarre bien nourrie et rééquipée aux frais du contribuable flrançais". "L'annexion pure et simple résoudrait évidemment Ie problème. Mais ne créerait-e1le pas à notre frontière, un irrédentisme nouveau ?" Le Messin envisage la création d'un état sarrois tourné économiquement vers }a France, et membre d'une Fédération d'Etats Rhénans, ce qui ré- glerait le problème de la Ruhr par la même occasion (78)- Le Républicain Lorrain donne également son opinion Q9). Sans contester f idée d'un rattachement économique, iI affirme que I'Etat français devrait confisquer ies aciéries de Vôlklingen et tous les biens ayant appartenu à I'Etat allemand à son profit' et conseille à Paris de ne pas se démunir des mines de la sarre ; d'ailleurs, il pense que Ie Centre de Direction et d'Administration du Bassin Sarrois devrait se trouver en Lorraine et non en Sarre : "sarrebruck ne doit plus redevenir Ie centre d'attraction d'une partie de notre population ! " Sur le pian du ravitaillement, la Sarre ne doit plus "sucer une région qui a déjà connu suffisamment de privations matérielles depuis sept ans". Le journal constate qu'en Lorraine iI n'est pas facile d'effacer aussi rapidement Ie passé : "On ne se souvient que trop, chez nous, de ce que fut |a Westmark' Sous I'occupation, et I'attitude un Peu trop taPageusede certains com- merçants et fonctionnaires sarrois" (79).

Q9 Le REFUBLICAIN LORRAIN des 22 et 25 Octobte L9L7' 28.r.

Le Lo,rrain, pour sa part, se souciedu ravitaillementde la Sarre et s'inquiètedu commercefrontalier qui va en s'intensifiant (80). Il rappelle que le rattachementéconomique, auquel il est favorable, fait I'objet de certaines réserves de la part des populationslorraines limi- trophes qui tiennentà garantir les intérêts des régions frontalières. La MoseIIe Socialiste est, elle aussi,favorableau rattachement économique(81).

Le Conseil Général de la Moselle, conscient de Ia nécessité de subordonner à I'intérêt général, les probièmes particuliers du dépar- tement, souligne qu'en raison de sa situation géographique et de ses rapports économiques, la Moselle se trouve intéressée au premier chef par ce rattachement et attire I'attention sur le fait qu'iI aura pour effet de créer une entité économique "Sarre-Moselle" dans laquelle, en au- cun cas, la Moseile ne devra être sacrifiée (82) : "Au moment où la MoseIIe est déjà limitée par les disponibilités du marchér pour. le relèvement de ses ruines et Ia modernisation de son équipement, Ie Conseil Général ne Peut s'empêcher de redouter que ces disponibilités soient encore réduites Par des investissementsdu même ordre dans le territoire de la Sarre, investissements dont les effets ne pourront bénéficier à la collectivité irançaise que darrs un délai éIoigné" (82). La peur de I'agression de l'économie sarroise à I'encontre de l'économie locale, se manifeste aussi dans les déiibérations du Conseil Municipal de Metz (83). On y signale notammentI'exemple de I'intro- duction massive de pneumatiques en Sarre, alors que certaines entre- prises mosellanes sont dans I'impossibilité de poursuivre leur activité

(80) Le LORRAINdu 4 Octobre 1947. (81) La MOSELLESOCIALISTE du 6 Décembre1947. (82) Le LORRAINdu 29 Octobre1947. Motiondu ConseilGénéral. (83) Déiibérationsdu Conseil Municipalde Metz. 31 Octobre 1947. 282.

faute d'qcematériel.Et, si le Conseil Municipal souligne qu'il "n'élève pas d'objection de principe contre les prochaines relations entre Ia Sarr:e et Ia France", et même qu'iI "admet que cette interprétation de deux économies comptémentaires peut avoir, dans I'avenir, des ré- sultats heureux pour la prospérité française et l'équilibre de I'Ouest européen", il craint toujours que Ia Moselle ne fasse les frais d'une telle opération, surtout si des achats sarrois massifs s'effectuent dans les régions frontalières. II demande aux pouvoirs publics de "tout en- treprendre pour sauvegarder Ies droits primordiaux d'une population particulièrement éprouvée et défendre un ravitaillement déjà précaire".

b) L'introduction du Franc français en Sarre.

Les oremières escarmouches autour du taux de conversion. --L

Le Général KOENIG, Gouverneur Militaire de La Z -F.O. , souhai- te réorganiser l'économie sarroise pour faire face à I'inflation. Le Mark sarrois pourrait alors remplacer, Mark pour Mark, la monnaie al- lemande en circulation dans le territoire (84). Cette initiative n'est pas suivie d'effet mais f idée d'une récrganisation financière en Sarre est lancée. Il faudra pourtant attendre la fin du mois d'Octobre 1947 pour voir la presse réagir à une éventuelle introduction du Franc fran-

çais en sarre, la critique portant sur le taux de conversion. PauI DURAND signale que les autorités françaises ne doivent pas sous-esti- mer I'aspect régional de ce problème financier : "Malgré la dépréciation de la monnaie depuis 7945, iI faut tenir compte de I'effet psychologique et politique que ne manquerait pas d'avoir un taux de conversion nominal trop élevé (85).

(34) Le LORRAINdu 10 Juin 1947.

(85) Le LORRAINdu 30 OctobreI9/+7. Editorial de Paul DURAND. 283.

Le Républicain Lorrain annorlceque la France devra débloquer 50 Milliards de Francs pour procèder à l'échangedes billets sarrois. Qui paiera ? (86). Le taux de conversionenvisagé inquiète le Conseil Municipalde Metzqui souhaitequ'il ne constituepas un cadeaufait aux Sarrois. Celui qui avait été imposéaux Mosellansles avait, en effet,contraints à des sacrifices. Ce taux était de 15 Francs pour L Mark en MoseIIe alors qu'il est projeté d'appliquer celui de 20 Francs pour L Mark en Sarre (87). A l'AssembléeNationale, lors du débat sur le projet de loi con- cernant I'introduction du Franc français en Sarre, Ie députégaulliste Alfred KRIEGER, rapporteurpour avis, sur ce problème,de la Com- missiondes Affaires Economiques,reprend les thèses développées dansIa pressemessine. II penseque l'économiesarroise ne doit pas être dirigée dans la voie de Ia concurrenceà f industrie et au commer- ce français, mais, au contraire, contribuer à renforcer la puissance de Ia France. II demandeà RobertSCHUMAN, Ministre des Finances' d'être vigilant quantau taux de conversionqui, malgré la dévaluation, ne devrait pas être, selon lui, supérieur au taux acquis par les MoSel- lans à la Libération, soit 15 Francs pour 1 Mark (88). A. KRIEGER vote pour Ie projet de loi alors que RaymondMONDON s'abstient Pour Ies mêmesraisons (89). Le DéputéTHIRIET affirme que le rattachementéconomique de la Sarre à la France a toujours été souhaitépar les populationsde I'Est. lI rappelle f importancede I'hinterland sarrois pour ies pro- duits agricoles mosellansqui y trouvent un débouchénaturel et insiste

(86) Le REPUBLICAINLORRAIN du 13 Novembre1948. @7) DéIibérationsdu conseil Municipaide Metz du 31 octobre Ig47. (88) AssembléeNationale du 14 NovembreL9/+7. Alfred KRIEGER, direc- teur politique de L'Avenir dS! JS! développeson point de vue sur la questiondâns ce jffi-date du 23 Novèmbre1947. (89) AssembléeNationale 14 Novembre1947. RaymorrdMONDOITT* P. 5040. 28/+.

sur f importancedu charbon sarrois pour les industries sidérurgiques mosellanes. Pourtant, iI constateque la situationn'est plus la même qu'entre 1919et 1935et que la Mosellen'arrive plus à se suffire à elle-même en matière de ravitaillement : "Ce que les Mosellans ne veulent pas, c'est que la popuiationsar- roise vienne, Ies poches gonflées de billets français, accaparerles produits qui leur sont indispensables" (90). II cautionne pourtant Ie projet qui est adopté à la Chambre par 416 voix contre 184, un décret devant déterminer Ie taux de change des signes monétaires et de conversion des créances, dettes et Cépôts (91). Le Conseiller de ta République et Maire de Metz, Gabriel FIOCQUARD affirme que I'introduction du Franc en Sarre est destinée à créer des conditions favorables pour que la France puisse payer le charbon de la Sarre en Francs français et non en Dollars qui sont rares : "La clef de notre reprise économique est le charbon. L'introduc- tion du Franc en Sarre rendra possible de recevoir ce charbon et tout ce charbon, et ainsi de faire repartir enfin notre économie" (92). II souligne que c'est pour cette raison qu'iI a voté pour I'introduction du Franc en Sarre. Cependant, préoccupé par Ie taux de change' ' I1 réclame. qu'il soit fixé à 15 Francs pour 1 R.M. et demandeque Ie pouvoir d'achat des Sarrois ne porte pas préjudice aux régions fron- talières : "Ainsi, un cordon de police devra empêcher les sarrois de venir appauvrir la Moselle en marchandises et en ravitaillement" "Les achats ne devront se faire qu'en gros et être organisés de gouvernement à gouvernement et non par des initiatives individuelles que la Moselle ne saurait tolérer".

(90) Assemblée Nationale 14 Novembre 1947. Jules THIRIET.

(91) Le LORRAINdu 15 Novembre1947. Cf. aussile REPUBLICAIN LORRAINdu 15 Novembre. e2) Le LORRAIN du 18 Novembre I9/+7. 285.

'lMais, par ailleurs, il faut poursuivre, et je m'y appliquerai, une politique sarroise qui, à part ses inconvénientscommandés par I'intérêt national, doit nous apporter des avantagespour Metz et Ie département".

Lu_1"1{u I 5_ll9çqble J9!7 -

Portant introduction du Franc français en Sarre, elle est suivie du décret du 15 NovembreI9l+7, assimilant}e territoire de Ia Sarre au territoire métropolitainpour I'applicationde la réglementation françaisedes changes. Ces mesuresprennent effet à compterdu 1-9Novembre 7947 eT la Sarre est pratiquementrattachée à la France au plan économique. Pourtant, cette situation ne deviendradéfinitive qu'après la ratifica- tion par les AIIiés Néanmoins,un certain nombrede mesures sont prises pour régle- menterLes rapports entre la France et Ia Sarre. Des mesuresspécia- les et provisoires - elles ne seront en vigueur que pendantIa période transitoire du rattachementéconomique - concernentIe département de Ia Moselle. La Chambrede Commerceet d'lndustrie de Ia Mosellefait part des nouvellesdispositions (93) et constateque la discrimination entre Ie départementde Ia Moselle et les autres départementsfrançais a été faite en vue d'éviter certaines répercussionsque le rattachementéco- nomiquede la Sarre pourrait entraÎner au détrimentde Ia Moselle. Ainsi, en ce qui concernela circulation des personnes' ne Pour- ront se rendre en Sarre que celles muniesd'un passeportnational, revêtu d'un visa d'entrée en Sarre, déIivré par les bureauxdu Com- missariat Généraldes Affaires Allemandeset Autrichiennes, dont les antennespour la Moselle se trouvent à Metzet à Forbach. Ce visa n'est valableque pour trois mois. PermettantI'entrée des automobiles' Ia carte grise suffit.

(93) C.C.I .M. BulletinMensuelDécembre 1947. Cf. aussile REPUBLI- CAiN LORRAIN du 20 Décembrequi publieun résumédes disposi- tions . 286.

C'est dans,Iescas de circulation de marchandisesque Ia régle- mentationn'est pas la mêmepour la MoseIIeet les autres départements. Les denréesalimentaires soumisesau rationnementne sont pas autori- séesà sortir de France. Celles qui n!y sont pas soumisesconnaissent des dispositionsdiscriminatoires . En ce qui concernela Moselle, seu- les pourront circuler les marchandisesaccompagnées d'un titre de cir- culation délivré par Ie Directeur Départementaidu RavitaillementGéné- ral de la Moselle. Pour les autres départements,aucune formalité par- ticulière n'est imposée. Par ailleurs, Ies colis individuels, d'un poids maximalde 10 kgs, ne devront pas comporter de produits rationnés. Les marchandisesen provenancede la Sarre et à destinationde la France sont soumisesà un régime spécial. Âucunedrentre elles ne doit sortir de Sarre sans un titre de mouvement,déIivré par I'OFFISARRE' filiale de I'OFFICOMEX, fonctionnantau sein du GouvernementMilitai- re à Sarrebruck (93). Enfin, en ce qui concerneI'introduction en Sarre de ta réglementationfrançaise des changes, une déIégationde I'Office des Changesainsi qu'unebanque de réescomptesont créées à Sarre- bruck. Le taux de conversiondu Mark est, pâr ailleurs, fixé à 20 Francs. Les dépôts convertis en Francs seront provisoirementbloqués à concurrencede 40 % de la fraction dépassant8.000 Franes- Toute- fois, en seront exemptésles dépôtsdes personnesmorales de droit pu- biic et les entreprises industrielles et commercialesinscrites eu regis- tre du commerce(93).

L'grnicnlngselhns gtfa_Lgi du i_5Ngulmltg llE.

L'opinionmosellane n'apprécie pas Ia hâte gouvernementale.La conversion subite du Mark en Franc est unanimementdésapprouvée : "Pourquoi avoir agi avec une telle précipitation. Pourquoi ne pas avoir a ._':nduIa lin de la pénurie dont nous souffrons depuis des années, avant de prendre des décisionsqui risquent de porter encore davantagepré judice à une situation matérielle déjà bien misérable" (9L).

(94) Le REPUBLICAIN LORRAIN du 18 Novembre1947. 287.

Le Répubiicain Lorrain demandeà Paris de faire connaftre aux Lor- rains les mesuresradiCales que Ie Gouvernementcompte prendre pour éviter I'afflux d'une clientèle sarroise en Lorraine. Pourquoiagssi ne pas avoir tenu comptede I'avis des Lorrains pour fixer le taux de conversion : "Il est absolumentinconcevable que les Marks des Lorrains aient été changésà 15 Francs, alors que ceux des Sarrois le seront à 20 Francs" (94). Le RépublicainLorrain laisse la parole à ses lecteurs : "L'écho des sinistrés : Nous avons perdu maison, mobilier, bétail, nous sommesrepartis à zéro et à nos frais. Nousattendons depuis la Libérationqu'on veuille bien se pencher sur notre sort de façon effi- cace. Or (...) orrtrouve subitement40 Milliards pour faire les frais d'une conversionqui ne nous empêcherapas de continuer à payer le charbonallemand en DoIIars". Dans1'ensemble, les lecteurs du BÉPu-- blicain Lorrain trouvent la conversionprématurée et ses conditionsré- voltantes. Le Mosellan ne comprend ni n'accepte : "On dirait vraiment qu'en ce moment critique, oùrtout semble som- brer dans le néant, nos hommes responsables aient perdu toute notion du bon sens et de raison" (95). D'autres réflexions fusent en MoseIIe : "C'est une grave erreur dont nous subirons les conséquencesr'- "La Lorraine toute entière était d'avis qu'iI fallait que la France mette la main définitivement sur les mines, les usines ' toute I'écono- mie de la Sarre. Ce n'était qu'un moyen de faire payer I'Allemagne. Mais de là à faire un cadeau à un moment où Ie Trésor Public est à sec pour reconstruire la France, ou Pour rendre moins difficile l'existen- ce quotidienne des Français, à un moment où la pénurie du ravitaille- ment égale celle de la monnaie, il y avait un monde ! " (96).

(9/-) Le REPUBLICAIN LORRAINdu 18 Novembre1947.

G5) Le REPUBLICAIN LORRAINdu 20 NovembreI9L7.

n Firrht 1^ ^ T aI (96) Le K E T U DL I \-fT 1 1\ LORRÂINdu 26 NovembreI9L7. 288.

Le Patriote Mosellantitre : "L'introduction du Franc en Sarre reProu- vée par toutes les victimes des nazis" (97). il affirme par ailleurs : "NuI n'ignore que ce furent justementles Sarrois les plus fana- tiquesnazis. PendantI'occupation, c'était eux, ces braves Sarrois, qui nous pillaient, qui nous torturaient, et en un mot, c'était eux qui représentaienten Mosellela race des seigneurs. On peut difficilement admettreque les mêmestortionnaires soient encore une fois avantagés et alimentéspar la France" (98). Fin Novemfue1947, plus d'un millier de Sarrois déferlent sur Forbach pour y effectuer des achatsmassifs (99). La police réagit et arrête plus de 200 personnes: "VoiIà le bon travail de Robert SCHUMANqui nla pas d'argent pour nos victimes de guerre, mais qui trouve 50 Milliards pour chan- ger Ie R.M. à 20 Francs"(100).

c) L'union douanièrefranco-sarroise du ler Avril 1948.

Le Ler Avril 1948,la frontière séparantI'Allemagne de la France s'est déplacéevers I'Est. La suppressionde la frontière entre Ia Sar- re et la Moselle est finalementadmise dans le département. Toutefois, el1edonne encore lieu à des protestationsdont celle de Paul DURAND (101)qui traduit bien le ressentimentgénéral de la population: "Le principe de nos reiations économiquesavec Ia Sarre n'est discuté par personnemais I'application commenceà énerver tout le mondett. "Le problèmesarrois a un aspect psychologiqueet moral qu'on devrait se garder d'oublier".

(97) Le PATRIOTE MOSELLANdu 22 Novembre1.947.

(98) Le PATRIOTE MOSELLANdu 31 Janvier I9/*8. Ge) Le REPUBLICAINLORRAIN du 26 Novembre1947.

(100) Le PATRIOTE MOSELLANdu 28 Novembre1947.

(10i) Le LORRAINdu l-6Novembre 1948. Editorial de Paul DURAND. 289.

!

"Nous trouvons pour le moins étrange qu'on ait oublié que nos plaies saignentencorer QU'onn'ait pas compris que certains ménage- mentss'imposent pour ne pas compromettreune oeuvre politique. Nous avonsle cruel privilège d'être le départementle plus sinistré de France, mais, artisans et ouvriers lorrains doiventtravailler au ra- lenti pendantque la Sarre peut faire fonctionner ses ateliers et ses usinest' . "Nos terres ont été éventréeset nos villages détruits, mais c'est vers Ia Sarre que partent journellementdes milliers de litres de lait. Commerçantset patrons mosellansvoudraient entreprendre davantage maisc'est à la Sarre qu'on réserve des facilités pour I'essence". "Nôus n'avonsjamais été pour Ia politiquedu pire, mais admet- tons parfois qu'il faiile frapper sur la table". Certains aspectsparticuliers de cette questionsont davantage mis en lumière. Ainsi, à propos de Ia suppressionde la gare douanière d'Apachen Moselle, et de son remplacementpar celle de Nennigen Sarre, Ia Chambrede Commerceet d'Industrie de Ia Moselleexprime son mécontentement(102). La gare d'Apachvient d'être reconstruite de façon très modernejuste après la guerre. Elle disposede locaux et d'installationstrès efficaceset d'un personnelcompétent, alors que Ia gare de Nennigest prévue pour un trafic très restreint et n'est en fait qu'une station. En outre, le personnelen est "absolument inexpérimenté". Le choix de Nennigcomme gare douanièrefait perdre à la S.N.C.F. les taxesqu'elle percevait lors des dédouanements. On estime à 80 Millions de Francs la recette que les cheminsde fer sarrois retirent par mois de cette opération. La Chambrede Commerce proposealors que la gare d'Apach soit reclassée et envoie à cet effet un courrier de protestationau Ministre des Affaires Etrangères

!..

(102) C.C.I.M. Compte-rendudes Travaux 1948. Les conséquencesdu re- port du cordon douanier français de la frontière franco-sarroise à la limite séparantla Sarre des autres territoires allemandset du Luxem- bourg. Séanceplénière du 26 Juin i9lr8. 290.

Robert SCHUMAN(10$. Les démarchesréitérées de la Chambre sont finalementcouronnées de succès : la gare douanièred'Apach est réouverte au trafic-marchandisesle 16 Mars L9/r9{G}D -

Par ailleurs,les avantagesaccordés aux populationssarroises suscitentles plus vives réactions en Moselle. Les patrons boulangers de sarreguemines protestent contre la vente abusive de farine blanche et de pain blanc, à des prix prohibi- tifs, et contre ]e fait qu'en Sarre, les mêmestickets de carte d'a}i- mentationsont honorésde rations deux fois plus importantesqu'en Moselle(105). Le départementlorrain demandeque toutes les mesuresavanta- geantIa Sarre soient appiiquéesautomatiquement sur son territoire : "II est regrettable que nos populationsmosellanes constatent que la Ville de Sarrebruck se reconstruit à vue d'oeil, Qu€la vente de petits pains et de pâtisseries y est autorisée, Queles transports par fer sont nombreuxen Sarre alors qu'en Moselle, la situation est bien moins favorable (106). Dans le domainede I'énergie, la sarre bénéficieaussi de nota- bles avantages. En Moseile,58 litres d'essencesont alloués par ton- ne utile de marchandisestransportées. La Sarre en perçoit 67 litres. II en va de mêmepour ie gas-oil : 104litres en Moselle, I41.litres en Sarre. La questiondes coupuresd'électricité contribue aussi à envenimerles rapports Moselle-Sarre : le départementfrançais subit de fréquentescoupures de courant alors que ie Territoire en est exempt. Le Maire de Metz, RaymondMONDON, affirme :

(103) C.C.I.M. Compte-rendude Travaux L948.Lettres envoyées les 15 Septembreet 18 Décembre1948. (104) C.C.I.M. Compte-rendudes Travaux1949. (105) Le REPUBLICAINLORRAIN du 19 Août 1948- (106) Le ConseilGénéral du 13 Décembre1918. P. 260. 291.

"II est inadrnissibleque leurs entreprises et industri.espuissent tourne.r à plein rendementet remonter leur économieà notre détri- ment, alors que les nôtres durementtouchées par la guerre n'arri- vent à se relever que péniblementi'(107). Et iI décidede ne pius priver Metz d'électricité, constatantque si l'on imposaitdeux journéespar semainede coupureà la Sarre, il en résulterait une économiede 2.500 tonnesde charbonpour la France. Une violente campagnede presse se déchaînesur ce thème en Moselle, en Novembre1949 : "Une vagued'indignation a traversé nos villes et nos viilages depuisI'annonce de cette mesureinique et eIIe a trouvé son expres- sion dans la protestationvéhémente que viennentd'adresser, au nom de tous les Maires de notre département,au Ministre compétent,les Députés-Mairesde Moselle, sans distinction de couleur politique" (108). Les Mosellansne se satisfont pas des explicationstechniques apportéespar les responsablesde Ia productiond'électricité, au cours d'une conférencede presse et d'où iI ressort que Ia Sarre est reliée à ia MoseIIepar deux artères dont l'une ne fonctionnepas commeelle le devrait. La première est une ligne à moyennetension aboutissant directementau poste des H.B.L., développantL2.500 ir'\{, et qui. fonctionneà plein rendement. La deuxièmegroupe un circuit de deux lignes partant de Kaiserslautern et aboutissantà Carling. De ces deux lignes, une seule fonctionnemais ne peut débiter que 10.000 KW des 25.000nécessaires. L'autre, prévue pour uneexportation de 30.000KW, est dépourvuede transformateurà I'arrivée. L'appareil a été commandéchez SIEMENS à Berlin mais ne sera livré que pour fin 1950(109). La Sarre bénéficiedonc de cette situation : étant inca- pable d'envoyer du courant en Moselle, elle est obligée de le consom- mer sur place.

(107) Le LORRAINdu 15 Novembre1918. (108) Le REPUBLICAINLORRAIN du 9 Novembre1949. (109) Le REPUBLICAINLORRAIN du 10Novembre 1949. 292 -

La Moselle ne peut pas être convaincuePar ces explications car le problèmeest davantaged'ordre moral qu'économiqueou tech- nique : Ies Mosellansne veulent pas rester dansun état d'infériorité par rapport aux Sarrois. RaymondMONDON intervient mêmeà I'Assembléepour deman- der que les travaux de Ia centrale thermique de Carling soient hâtés et que le nécessaire soit fait pour que cesse cette "situation choquan- te" (110). Les rapports se dégradent à te1 point entre la Moselle et la Sarre que Robert SCHUMANet Gilbert GRANDVALse rencontrent à la Pré- fecture de Metz (1-11-).Les principales protestationsmosellanes sont examinéesmais rien de positif n'émanede cette confrontation. Gilbert GRANDVAL, Fiaut-CommissaireFrançais en Sarre depuis Janvier 1948, tente néanmoinsde rassurer les Mosellans: "La Sarre n'est pas une pommede discorde mais un pont, car la France ne vise à aucuneannexion. Elte a droit à I'économiesarroise qui, elle, a besoinde I'apport des débouchésfrançais" (112).

d) L'attitude mosellanenégative.

Si d'aucunsprétendent que la Sarre' par son charbon, et Ia Moselle,par ses minesde fer et ses richessesagricoles, se complè- tent, Ia réalité perçuepar le plus grand nombrede Lorrains est plus complexeet se heurte à des barrières moraleset psychologiques qu'ils ont du mal à franchir. Les appréhensionssuscitées en Mosellepar le rattachementéco- nomiquede Ia Sarre à Ia France s'expliquentPar les pénibles souve- nirs de la dernière annexions'ajoutant aux déceptionsissues d'une pre- mière union douanièreavec Ia Sarre. L'attitudemosellane est entiè- rement négative:

(110) Le LORRAIN du 13 Décembre1919. (111) Le LORRAIN du 23 Novembre1948. Q12) Le LORRAINdu 9 Décembre1948. 293.

"Sur la guestionde la Sarre, llopinion mosellaneest bioquée par la hantisedu passé" (113) Pour Ie Lorrain, la germanité de la Sarre ne fait aucun dou- te (114). 11redoute le manquede stabilité de I'opinion sarroise : I'Hébétéspar les bombardements,par les destructions, par la disparition de leur famille, affaiblis par }a sous-alimentation,les Sarrois se désintéressentà l'origine, Presquecomplètement de la vie politique, uniquementpréoccupés de trouver du ravitaillement, de se reconstruire un abri précaire, de se Procurer du chauffage, de retrou- ver les membresde leur famille, d'éviter des réquisitions qui ne sont pas toutes régulières". "(.. .) Mais 1'améIiorationde Ia situation économiqueen Sarre et i'introduction du Franc, en permettantà une grosse partie de sa po- pulationde se ravitailler facilement, de se rééquiper et de reconstrui- re, lui rendent une assurancedont les circonstancesI'avaient précédem- ment amputée; des erreurs politiques, des maladressesainsi que les légèretés souventcoupables auxquelles inclinent malheureusementles occupants,provoquent une reprise de consciencepolitique dans1'opi- nion sarroise, dans un sens ne répondantpas aux espoirs des milieux français en Sarre, qui ont eu le tort immensede prendre pour une con- viction permanente,la syncopetemporaire du sentimentnational alle- manden Sarre après 1945" (115). Par ailleurs, le redressementpolitique et économiquede I'Alle- magnesert de révélateur à la "communionpsychologique" du peuple sarrois avec I'ensembledu peupleallemand : "De multiples incidents, sans grande portée apparente, une cer- taine morgueparfois ironique à l'égard des Français, de nombreux passagesclandestins de ta frontière sarro-allemandeen Allemagne

(113) JacquesVIOT : Le coupleMoselle-Sarre. Mémoireà f issue du stage ENA. Janvier 1949.

(114) Le LORRAINdu 17 Septembre1949.

(115) Le LORRAiNdu 18 Septembre1949. 291+.

occupée,le succèsminime de l'université franco-sarroise dédaignée par beaucoupd'étudiants sarrois qui poursuiventleurs étudesen Al- lemagneoccupée, sont autant d'indices sûrs de la solide persistance des attachesde la populationsarroise avec l'Allemagne" (115). La complémentaritédes économiessarroise et française est re- mise en question. Bien que la Sarre et la France aient profité de certains avantagesliés au rattachementéconomique : la reconstruc- tion est plus rapide en Sarre que dans le reste de I'Allemagneet les fournitures sarroises sont fort utiles à la France au momentoù l'éco- nomiefrançaise sort exsanguede la guerre, il ne sembl.ePas que cette situationprésente un caractère durable. Avant la secondeguerre mondiale,la symbioseéconomique-fran- co-sarroise assurait à la Sarre le plus importantde ses débouchés extérieurs, en 1.9/+9,et à moinsque la France ne ménageau charbon sarrois une situationpriviiégiée sur son marché, au détrimentde ses propres charbonnages,"le client français est à I'avenir pius intéres- sant pour la production sarroise que le producteur sarrois ne I'est pour le client français" (116). Le Lorrain, que nous citons, étaie sa théorie, affirmant qu'au plan sidérurgique, Ia Sarre dépendpresque totalementde Ia France pour son ravitaillementen minerai de fer : "Faute de minerai français, sur lequel elle est bâtie, Ia sidérurgie sarroise serait contrainte de renoncer à la productionde la fonte, éventuellementpour se restreindre à la fabrication d'aciers spé- ciaux"(116). La Sarre possèdeen outre d'excellentesindustries de transformation et la France a toujours été un bon client des productions sarroises Au point de vue agricole, les moyensde la Sarre sont limités et insuffisants, ses fournisseurs naturels sont la Moselle et le Pala- tinat. Mais, du fait de I'accroissementdémographique des régions houillères mosellanes,Ie départementn'est plus en mesurede Ia ra- vitailler, trouvant sur place un débouchépour ses produits agricoles.

(116) Le LORRAINdu 21 Septembre1949. 295.

Par conséquent,les effets de I'interdépendancesont surtout favorables à la Sarre, et Le Lorrain conclut : "Grâce à la symbioseéconomique franco-sarroise, Ia Sarre a en France un gros débouchépour son charbon. EIIe se procure en France du minerai de fer, Ie transforme en produits sidérurgiques qu'elle revend en France et assure, par les fournitures agricoleS françaises, Ia sécurité de son ravitaillement. Ce sont les livraisons françaises qui permettent à Ia Sarre d'avoir une sidérurgie puissan- te : elle réalise d'importantsbénéfices sur ses ventes de charbon et de produits sidérurgiquesen France, mais demeureun intéressant débouchépour I'agriculture française". La situation réelle est encore moinsbrillante : Ia France souhaitevi- vementdévelopper ses proPres charbonnageset accroÎtre I'importance de ses industries de transformation. "Ainsi, la Sarre, à moins d'étouffer' se verra économiquement contrainte de renouer des relations avec ses anciens partenaires d'Allemagne". Et Le Lorrain d'inférer : "Le rattachementéconomique de Ia Sarre à la France est loin de répondre à une nécessitéimpérative, voire à un besoinconsidéra- ble de l'économiefrançaise. Les échangesauraient tout aussi bien pu s'inscrire dans le cadre d'une simple conventionéconomique élar- gie à l'échelle de I'ensembledes relations franco-allemandes' sans qu'iI ait été nécessairede proclamer le rattachementéconomique" (1L6). Cette attitude négativede 1lopinionmosellane n'est pas exclusi- vementdictée par des questionsd'ordre moral ou par la crainte d'une concurrenceéconomique sarroise. Il sembleque I'indifférence des pouvoirs publics français, écartant les avis des Mosellans, doive éga- lementêtre incriminée. Frustrés, Ies Lorrains se réfugient dans la contestation,tirant un peu trop facilementla sonnetted'alarme. Un exempleprécis , la f ran- cisation du bassin houiller lorrain, inquièteles milieux messinsqui déplorentIe manqued'homogénéité de Ia population- 10 % d'étrangers fcrment une colonie inassimilable- et réprouve I'absenced'une politi- 296.

que culturelle bien déterminée. La connaissancedu français est rudi= mentaire, voire inexistante, dansces régions que la proximité de Sarrebruck altiée à la pratique de I'allemand orientent vers Ia Sar- re (117).

Par ailleurs, le contentieuxexistant entre la Moselleet la Sar- re, joue certainement un rôIe important dans la dégradation de I'atti- tude de 1'opinion mosellaneenvers la 5arre. I1 porte sur deux Pro- blèmesparticuliers : les créancesfrançaises bloquéesen Sarre et Ia levée du séquestrefrançais sur les biens sarrois aboutissantà la restitution aux Samois des biens mobiliers cédés par les Domaines aux spoliés lorrains au lendemainde la Libération. Ainsi, au momentde la conversiondu Mark, Ie blocagedes capi- taux mosellansen Sarre est durementressenti par la population. Déjà ' en Janvier Lg46,une lettre adresséepar la Chambrede commerceà I'Administrationdes P.T.T. et demandantIa liquidationdes C.C.P. mosellansen Sarre, n'avait donnéaucun résultat (118), et Ie Directeur de l'Office des Biens et Intérêts Privés avait fait part de ses protes- tations à Giibert GRANDVALdans un messagedu 9 Janvier Ig47 , de- meuré sansréponse (119). Le 30 Octobre !947, il informe I'Inspecteur de I'EconomiePour la Moselle, CHANRION,de la situationparticulière de ce départe- ment(l-i9). II affirme que, si la tégisiation est restée muetteen ce qui concerneles avoirs mosellanstransférés en Sarre pendantI'occupa- tion, la questionpourra reprendre un intérêt croissant avec le ratta- chementéconomique du territoire. Il rappelle que Sarrebruck étant

(117) Le LORRAINdu 22 Septembre1949. (118) C.C.I.M. BulletinMensueL 1946 p. 39 Lettredu 9 Janvier L9t+6. (119) Archivesde la C.Ç.1 .M. Dossierno 172: CommissionEconomique Lorraine-Alsace-Sarre 1947-1953. A noter que dans ces chiffres, ne sonr pas compris les grosses entreprises métallurgiqueset les minesdè ter qui n'ont pas encore déclaré leurs spoliations. 297.

le siège des AdministrationsCentrales de la Westmark,tous les fonds provenant des Séquestresdes biens français de la MoseIIe, comme les fonds en banquedes entreprises mosellanes,ont été transférés en Sarre. D'ailleurs, la plupart des spoliateursallemands de la Mo- selle, commeIa plupart des Commissaires-gérantsde nationalité alle- mandesont Sarrois. De plus, Ies comptes-chèquespostaux des Mo- sellans qui se trouvaient primitivement au bureau de Strasbourg ont été rattachés à Sarrebruck pendantI'occupation. Le DéIéguérappelte que les fonctionnaires et les commerçantslorrains ont d'ailleurs été contraints d'ouvrir un comptede dépôt au centre de chèques-postaux de Sa.rrebruck. Quant aux trésoreries des entreprises, elles se trou- vaient soit dansles banquesmosellanes - succursales dépendantdes agencesde Sarrebruck - soit dans les agencesde Sarrebruck même. Fin Août I94/*,les administrationsde Metzet les succursalesdes ban- ques allemandesse repliant à Sarrebruck, les comptabilitésy sont transportéeset les dossiers importants suiventau cours des trois mois d'arrêt de I'offensiveaméricaine. Pour Ia Moselle, le résultat est particulièrementéloquent (119) :

omDre de clarations Nature des séquestra- Montant en entreprises tration d'en- spcliations R.M. treD . connue crites '\ Industrielles 406 292 /, 26.1.55.1.99,r7 Commercesde q(( ros 1,074 10 990.56r,/*B Commercesde détaiI 951 805 4 45.LLg,27 Artisanales 900 777 néant néant

TOTAL 3 331 2 729 tr.t. 27.L9r.r28,92

Paul DURANDsignale que "ce serait une lourde faute que d'in- troduire le Franc en Sarre alors que les avoirs en Marks des Mosellan ne sont pas encoretous liquidés" (120). Alfred KRIEGER, député

(120) Le LORRAINdu 30 Octobre1947. Cf . aussi Ie LORRAINdu 27 Décen- bre pour autre protestation. 298.

gaulliste et rapporteur pour avis sur la question de I'introduction du Franc en Sarre de la Commissiondes Affaires Economiques,débat du problèrnedevant I'Assemblée (121). II constateque les capitaux mosellansrestent bloqués sur les C.C.P. de Sarrebruck et de Karlsruhe et que ces sommes,qui ont pourtantfait I'objet de déclara- tions régulières lors de Ia conversiondu Mark en Franc, n'ont pas été changéespar Ie Trésor, sous prétexte que la Commissionn'était de droit que pour des capitaux se trouvant sur le territoire national. André RAUSCH, Conseiller Mosellan' exPose ce problèmedevant le Conseil de la République. I1 rappelle en outre, Ia situationdes assurés sociaux mosellans, des travailleurs frontaliers travaillant en Sarre avant 1939, ayantpayé leurs cotisationsaux assurancessociales sar- roises, et qui n'ont pas obtenuleur rente de ces organismes ('22). En 1950, Ie débatdure encore; Ie DéputéKRIEGER, dans une question orale, s'intéresse à I'aspect bien particulier de la restitution par Ies banquesallemandes, des dépôts effectuéspendant I'occupation par les entreprises mosellanes. En effet, les banquesallemandes ayant une succursaleà Metz, ont évacuéleurs fondsen se retirant en Allemagne. En Sarre, ces mêmesbanques se trouvent donc détentrices de capi- taux appartenantà des ressortissantsfrançais (123). D'après la ré- ponsedu Secrétaired'Etat aux Finances,Ies fondsrestés en Sarre n'ont pas encore été convertis en Francs, et la restitution de ces som- mesn'est pas encorepossible pour des raisons financières(123). Le Député sci{AFF constatequ'en 1950' Ies créancesfrançaises encais- sées par Ie séquestreallemand ne sont Pas encore remboursées. ll rappelleque,le 13 Décembret948, devantle ConseilGénéral, Robert SCHUMANdéclarait inadmissibleque les avoirs français en Sarre n'aientpas encoreété changésà 20 Francs pour 1R.M. Q2D.

(121) J .O. AssembléeNationale . 14 Novembre1947. Alfred KRI EGER. Cf . aussi RaymondMONDON qui intervient sur ce point dans la question écrite no 5154du 25 Février I9/+8. 'André (I22> J.O. Conseilde Ia Républiquedu 12 Mars I9Ir8. RAUSCH p. 717 Cf . aussi Ie LORRAINdu 17 Mars 1948. Q,29 J.O. AssembléeNationale. Mars 1950.Question crale du député KRIEGER p. 1435. Réponsedu Secrétaired'Etat aux Finances. Mars 1950.. Q2D J.O. AssembiéeNationale 26 Juillet 1950. SCHAFF p.6001. 299.

., Par ailleurs,l il évoqueIe deuxièmeobstacle à une réconcilia- tion entre les deux pays voisins, à savoir, la levée du séquestre fran- çais sur les biens sarrols,_ aboutissantà Ia restitution aux Sarrois des biens mobiliers cédéspar les Domainesaux spoliés lorrains, en échanged'une indemnité. En 1950, I'indemnitén'est pas encore versée par I'Administration alors que les spoliés mosellansont déjà rendu leurs biens aux Sarrois (1,2D La libération des biens sarrois en Moselleest mal accueillie.La pres- se y.est,'fermement opposée (J2Û et Ie G.E.R.A.L. (Associationdes Réfugiéset Spoliés), groupantceux qui, par Ia faute des Allemands et des Sarrois, ont perdu tous leurs biens pendantIa guerrer proteste contre I'arbitraire d'une telle mesure prise avant que les sinistrés mosellansn'aient perçu une quelcongueréparation du préjudice qui leur a été causé par le 5équestre allemandet les multiples spoliateurs(126). Les pressions des responsablesmosellans sont si fortes que la Préfec- ture est obligéede fournir quelquesprécisions concernantla levée des séquestresdes biens sarrois en France. Elle affirme que la part des bienssarrois est faible en MoseIIe,environ 10.000dossiers de séques- tre de biens ennemis. De ce chiffre , 85 % sont des séquestresmobiliers et15 % des séquestresimmobiliers' ces derniers au nombrede 1.500. Parmi ceux-ci, on note60 cas d'indivisionintéressant des Sarrois, 15 cas pour lesquels la nationalité sarroise du propriétaire est nette- mentétablie et 70 cas pour lesquels il y a présomptionde nationalité sarroise du propriétaire. On compte donc au maximum145 immeubles sarrois sous séquestreen Moselle(1,27).

Q25) Le LORRAINdu 7 Mars 79/*8. Cf. aussile REPUBLICAINLORRAIN qui Ie qualifie "d'acte unilatéral en faveur de la Sarre".

GzO Le LORRAi N du 15 Novembre1949 .

Q27) Le REPUBLICAINLORRAIN du 16 Novembre7949. 300.

, :lI est certain que.les deux problèmesparticuliers du contentieux entre la Moselleet la Sarre ne touchentqurune minorité de Mosellans, pourtant, I'accent mis par les responsableslocaux sur l'arbitraire et I'injustice de ces mesures, enflammeI'opinion, ne favorisant guère la réconciliation entre les deux voisins. C'est pour remédier à cette tension née du rattachementet essayer d'apporter des solutions à ce nouveauproblème économique,que les pouvoirs publics créent par le décret du 24 Avril Lg/*8, une CommissionEconomique grouPant la Lor- raine, l'Âlsace et Ia Sarre (128).

e) La CommissionEconomique Lorraine - Alsace - Sarre.

Cette institution qui prend Ie nom de "CommissionEconomique Lorraine-Alsace-Sarre" est un "organismede coordinationchargé d'étudier et de suivre les incidencesdu rattachementéconomique de la Sarre à la France sur l'économiedes départementsdu Nord-Est et sur celle du territoire sarrois" Q29. Elle a son siègeà Metz(130), mais peutaussi se réunir dansune autre ville des départementsdu Nord-Est ou dans une vilie sarroise. Ainsi, Strasbourg, Sarrebruck, Nancyet Colmar la verront sièger tour à tour. La compositionde Ia Commissionest simple : un Frésident et trente membres. Quinzemembres, désignés par arrêté des Ministres des Affaires Etrangères et des Financeset Affaires Economiques'sur propositiondu Haut CommissaireFrançais en Sarre, représentent 1'économiedu Territoire de la Sarre. Ces trente membressont choisis parmiles représentantsdes assembléeséIues, des Chambresde Com- merce, des organisationsprofessionnelles, des syndicats,et parmi

Q,28) Archives C . C. I .M. Dossier no I72. CommissionEconomique Lorraine- AIsace-Sarre. (12ù Décret n' 48-7L5du2/+ Avril 1948paru au J.O. du 27 Avril 1948 p. /+068 Article I - (130) Décret ci-dessus. Article 3. 301.

les personnalités représentatives de 1'activité économique. Le Prési- dent de la Commissionest désignépar les deux ministres concernés. Le Préfet de la Moselle, et éventuellementceux des autres départe- mentsfrançais, ainsi que le Haut-Commissaireen Sarre' Peuventas- sister ou se faire représenter aux séancesde la Cornmission(131). Parmi les personnalités mosellanesnommées par les pouvoirs publics français, on relève les nomsde Robert SEROT, Président du Conseil Général de la MoseIIe; Bertrand DE MAUD'HUY, Conseiller Général; ENGEL, secrétairegénéral des syndicatsde mineursC.F.T.C. ; DUHAMEÂUX,Directeur Généraldes H.B.L., et MATHIEZ, Président de la Charnbrede Commerceet d'Industrie de Ia Moselle(132). I1 est intéressant de souligner que c'est à la Préfecture de lr4etz, lors d'une réunion Moselle-Sarre, le 28 Cctobre lgt*7, sous l'égide de Michel DEBRE, Commissairede Ia Républiquechargé de la coordination et des étudessur le rattachementéconomique de la Sarre à la France, que ce projet est mis sur pied (133). ll ressort de cette conférence, à laquelle assistent égalementIe Haut-CommissaireGRANDVAL, et différentes personnalitéssarroises et alsaciennes, que la Moselle possèdeune connaissanceapprofondie de Ia questionsarroise et qu'elle entendne pas être sacrifiée (134). Michel DEBRE trace les grandesIi- gnes gouvernementales: il s'agit avant tout, pour la France, d'établir, de maintenir et de développerles intérêts français en Sarre. La présen- ce française doit être effective dans tous les centres vitaux de 1'écono- mie Sarroise. Enfin, un systèmed'administration économique ainsi qu'un statut politique doivent être instaurés (135).

(131) Décret. Article 4.

Q3D Arrêté des ministres des Affaires Etrangères, Financeset Affaires Economiquesdu 27 Mai 1948publié au J.o. te 28 Mai r9L8.

(133) ArchivesC.C.I.M. Dossierno L72. RéunionMoseIIe - Sarre ie 28 Octobre 1948à la Préfecture de Metz portant sur l'étude du rattache- mentéconomique de la Sarre à la France.

(134) Déclarationsdu représentantdu Conseil Génératde la MoselleLIARD.

(135) Déclarationsde Michel DEBRE. 302.

mission EconomiqueLorraine-Alsace-Sarre (136). Celle-ci se réunit quatre fois en 1948(à Metz, le ler Juin ; à Sarrebruck, le 9 Juittet ; à Metz, Ie 27 Septembreet à Strasbourg le 29 Novembre)et trois fois en 1-949(à Nançy, Ie 17 Janvier ; à Colmar, Le 4 Avril et à Sarrebruck le 19 Décembre)(136). Les principaux problèmesabordés concernent des questionsaussi di- verses que Ie ravitaillement de Ia Sarre en lait et en viande, la répar- tition des matières premières, Ia participationdes entreprises sarroi- ses du bâtiment aux travaux effectués dans les départementsfrontaliers la maind'oeuvre et les transports routiers et ferroviaires. Il est bon de souligner que tous ces problèmessont soumisà un examen approfondide la CommissionEconomique, qui sait, dans la plupart des cas, faire adopter par les autorités compétentes,les conclusionsaux- queiles elle est parvenue. En effet, la questiondu ravitaillement de Ia Sarre en laitr eui a fait I'objet de ncmbreusesétudes d'une sous- commissionspéciale Q3D, est réglée de façon satisfaisantefin 1948. Les envois de iait en Sarre par les départementslimitrophes, sans compromettreI'approvisionnement des marchéslocaux, Permettentde faire face à une situation préoccupanteen raison de la cessationde I'importation en Sarre de lait allemand. Le cas est le mêmepour la viandeet, en règle générale, Ies mo- dalités du rationnementadoptées pour la Sarre et les départementsdu Nord-Est, sontaussi voisinesque possible. La Commission,lors de sa réunion du 29 Novembre1948, émet à ce sujet, Ie voeu que les contingentsattribués à la Moselle tiennent comptedes achats effectuéstraditionnellement en Mosellepar certains clients sarrois.

(i36) ArchivesC.C.I.M. DossierNo 172. Rapportsur I'activitéde la Com- missron. Janvier 1950. e3D La sous-commission chargée des questions laitières se trouve sous Ia présidence de I'ingénieur en chef, Directeur des Services Agricoles de Ia Moselle, BCNICFION. Ses membres sont des spécialistes de la question. Sa première séance s'est tenue le 20 Avril 1949. 303.

1 .'

Far. ailleurs, Ia 'répartition.desmatières premières, matériaux de constructionet carburants' se fait sur Ies,basesd'une égalité ab- solue entre Ia Sarre et les départementslimitrophes. La participation des entreprises sarroises du bâtiment aux travaux effectués dans les départementsfrontaiiers fait égalernent1'objet d'une réunion, le 19 Décembre1949, à la demandedes'représentants mosel- lans. La Commissiony approuve ie principe de Ia création d'une souÉ- commissionmixte d'entrepreneurs, ayantpour objet d'étudier les con- ditions dans lesquelles on pourrait progressivement supprimer les limi- tations apportées jusqu'à présent à la libre concurrence des entreprises. Pour f instant, les prix pratiqués par les entrePrises sàrroises ne doi- vent jamais avoir un caractère de dumping. La questionde la maini'oeuvre préoccupela CommissionlorE de toutes ses réunions. Ainsi, à celle du 9 Juillet I9/+8, recommande-t- eIIe I'adoptiond'un régime de salaires et de charges sociales identiques, par Ia Sarre et la France. La questionde la main{'oeuvre,à nouveau examinéeau cours de Ia réunion du 4 Avrii, débouchesur le souhait d'une conventionfranco-sarroise. Le 19 DécembreI9/r9, la Commission estime que la réalisation d'un véritable marchéunique de la maind'oeu- vre est devenuela conséquenceinéluctable du rattachementéconomique de Ia Sarre à la France (136). ElIe se pencheégalement sur les problèmesde transports routiers et ferroviaires et admetIe principe de Ia création d'une ligne de trans- ports routiers Warndt- Forbach - Sarrebruck (136)et la mise en vi- gueur d'un nouveautarif ferroviaire entre la France et la Sarre (136). Bien que, commele souligneIe rapport cité, "I'atmosphèrede cordialité et de bonne volonté réciproque qui a régné au cours de toutes Ies délibérationsde la Commission,permette d'affirmer que cette der- nière contribue de la manière la pius efficace à la mise en oeuvre du rattachementéconomiqu. de Ia Sarre à la France" (136), iI sembleque beaucoupde divergencesoPposent encore Ies deux parties. C'est pour- quoi, iI paraît souhaitableà ia Conmissionde créer, en sa séancedu 19 Décembre1949, une sous-commissiond'étude des problèmesd'har- 304.

monisation(138). La première réunion de cet organe a lieu à Stras- bourg le '23 Mai 1950. Deux pro jets importants lui sont soumis : - l'étude comparativedes charges.detoutes natures pesantsur les en- treprises sarroises et françaises - la détermination de méthodesde mise à jour et éventuellementde ré- vision des projets antérieurs de planification, relatifs à la Sarre et au Nord-Est de la France

La signature, Ie 3 Mars 1950, des Conventions-franco-sarroises que nous étudierons ultérieurement, ne ternit en rien la mission de la CommissionEconomique Lorraine-Alsace-Sarre. L'ordre du jour de la réunion du 27 Mars L950, à Bar-le-Duc,, Porte jqstementsur I'examen des Conventions(139). En'définitive, Ies membresde la Commis- sion reconnaissentqu'elles règlent un grand nombrede problèmesmais que la Commissionconserve ses attributions dans SOncadre régional. IIs soulignenqparailleurs,la nécessitéd'assurer Ia plus grande coor- dination possibleentre les divers organismesqui auront à débattre des questionsfranco-sarroises . D'autre part, il ressort de la communicationfaite par A. RODO- CANACHI, Administrateurau Ministèredes Affaires Etrangères, lors de Ia séancedu 27 Novembre1950 à Sarrebruck, au sujet des Conven- tions franco-sarroises (140)que, malgré la création par I'articie 5 de la Conventionrelative à I'applicationde I'union économiqueà un niveau très éievé, puisquecomposée du Ministre des Affaires Etrangères, de trois membrestitulaires désignéspar Ie gouvernementfrançais et de quatre membresdésignés par le gouvernementsarrois, la Commission EconomiqueLorraine-Alsace-Sarre conserve néanmoinsun rôIe consi- dérable. En effet , elle garde entier son rôle d'organismede consulta- tion pour tous les problèmes qui ont une incidence sur les économies des départementsconcernés et de Ia Sarre, et peut, en outre, jouer un rôle de conciliation.

(138) ArchivesC.C.1.M. DossierNo 172. Sous-Commissiond'étude des problèmesd'harmonisation. Rapport d'activité. Décembre1950. (139) Archives c.c. l.M. Dossier No I72. Compte-rendude la réunicn.

(140) Archives C.C. i .M. Dossier No I72. Compte-rendude Ia réunion. 305.

, , : toin de réduire ges attributions, les Conventionsparaissent au contraire accroftre le charnpdes activités de la Commission. Elle devra veiller à la mise en application, dans le cadre local qui est le sien, d'un certain nombrede principes posés. Ainsi, I'article L de la Conventionrelative à l'application de I'union économiquede la France et de la Sarre spécifie que les gouvernementsfrançais et sarrois s'en- gagent à n'établir sur leur territoire aucune discrimination entre les produits des éccnomiei française et sarroise. L'article 3 précise quant à lui, que le gouvernementde la Sarre devra veiller à ce que les en- treprises sarroises exercent leur activité dans des conditions analogues à celles des entreprises françaises. L'article /,, enfin, indique que les deux gouvernementss'engagent à encouragerla conclusion' entre les organisationsprofessionnelles patronales françaises et sarroises, d'accords ayant pour objet d'assurer entre elles une étroite coopération.

La CommissionEconomique Lorraine-Alsace-Sarre, créée Ie 2/+ Avril 19/,8pour pallier aux incidences locales du rattachement économique de la Sarre à Ia France, joue, bien qu'absentede ia scènepublique mo- sellane (141), un rôIe considérableen coulisses. C'est en grande partie grâce à son action que les Conventionsparviennent à voir le jour ; et Ia Conventiond'établissement - la cinquième- concernantles mouve- mentsde Ia main d'oeuvre, est le fruit intégral de ses travaux puisque cette questionest inscrite à l'ordre du jour des réunions des 9 Juillet Iglr8,4 Avril et 19 DécembreL9t*9, dont les conclusionsmontrent qu'un véritable marchéuniq.ue de la main d'oeuvre est indisçrensable. Loin de rétrécir le chanp des attributions de la Commission,les Conventionssignées entre la France et la Sarre, Iui ouvrent d'intéres- santes perspectives (1-42).

Q,trD La presse mosellanes'occupe fort peu de cette question. oiD Et qui concernerontaussi la C.C.l.M. Le 20 O,ctobre1950, elle sera no- tammentchargée d'une étudecomparative des chargesde toute nature pe- sant sur les entreprises sarroises et françaises. Toutefoisune réorganisationde Ia commissionintervient par le dé- cret du 21 Décembre1951,. (J.O. 29 Décembre1954) A partir de cette date, la Commissionne joue plus qu'un rôle effacé. 306.

3. teg c3ryçltio1s_€l1q!'lpJryt ge! ig eu:ry _ 3_Uery_1950.

Destinéesràassurer I'autonomiede la Sarre en matière législa- tive, administrative, judiciaire, économiqueet financièrer l€s cinq Con- ventions franco-sarroises sont signées le 3 Mars 1950, après six semai. nes de négociationsentre Robert SCHUMAN'etJohannes HOFFMANN au Quai d'Orsay (143).

a) Les cinq Converrtions.

la_Cgngentrsrl ginirgle pose le principe de I'autonomie de la Sarre et de Ia libre circulation entre les deux pêys : -Porrrront "Les ressortissants de chacundes deux pays signataires librement entrer dans le territoire de lrautre Fays, y voyager, y éta- blir leur résidence et en sortir à tout moment". En outre, le repré- sentantde la France en Sarre disposed'un certain pouvoir réglemèn- taire qui lui permet d'assurer I'application de la législation monétaire et douanièreau moyend'ordonnances ou d'arrêtés publiés dans le "Bulletin:Officieide la Sarre", et d'un droit d'oppositionaux mesures Iégisiatives ou réglementairesdu gouvernementsarrois dans des cas définis, à savoir : - si Ies mesuresprojetées risquent de compromettreI'union monétaire et douanièrefranco-sarroise - si elles méconnaissentune obligationinternationale de la Sarre - si elles sont de nature à porter atteinte à I'indépendancepolitique de Ia Sarre ou à'sa sécuritédont la Franceest responsable. Le gouvernementsarrois peut abroger les dispositionslégislatives an- térieures sous une seule réserve : I'accord de Ia Irance s'iI s'agit

(143) Le REPUBLICAIN LORRAINdu 4 Mars 1950donne'un des Con- ventions.'Letexte intégral est publiédans les Noteset "érurné Etudes documen- taires no 1292du T lvlars 1950 Pour Ia première partie et no l'31,0du 8 Avril 1950pour Ia deuxièmepartie. Le Bulletin Mensuelde ia c'c'i 'M' d'Avril 1950publie intégralement la Conventionno 5 relative à 1'établissementdes ressortissantsdes deux payset à I'exercice de leurs activitésprofessionnelles pp. 49 et sui- vantes. 307.

d'obligationsrésultant pour la Sarre des Accords lnteralliés concer- nant lrAllemagne. Le gouvernementde Ia Sarre est représenté à Faris par une Missiondont les membresjouissent des privilèges et immuni- tés diplomatiques.Les mêmesprivilèges et immunitéssont reconnus aux membresde la MissionFrançaise en Sarre.

la_CgngentloqrylatrJe_a_1'ggtiltiol-91llnlog$o:ro:niqçsti- pule que ni I'un ni I'autre des deux gouvernementsn'établira'sur son territoire de discrimination entre produits français et sarrois. Le gouvernementfrançais qui est chargé de négocier les accords csmmer- ciaux au nom de la Sarre, accordera la mêmeconsidération 'aux inté- rêts sarrois et fr'ançais. Son homologuesarrois ,'int""ait d" p""nà"" toute mesure - subventionou autre - qui avantagerait des entreprises sarroises au détriment d'entreprises françaises similaires.

la_Cqnlentrgn_rgiqçive :r l'e:cglo4q.liqn_dasnrine: en confie Ia res- ponsabilitéà la France, donc à la Régiedes Mines de Ia Sarre. EIte entre en vigueur dès sa ratification et Ie demeurerajusqu'à la mise en applicationd'un règlementde paix avec I'Allemagne. Le préambuiede Ia Conventionengage la France à appuyerla revendicationde Ia Sarre portant sur la propriété des mines, lors du règlementde paix avec I'Allemagne. La France renonce à sa propre revendicationantérieure concernantcette mêmepropriété. La Régieaura à sa tête un seul con- seil paritaire franco-sarrois, muni d'attributions consuitativestrès étendues. En outre, un Office Franco-Sarrois des Mines, paritaire lui-aussi, exerçant un rôle de coordinationet de conciliation entre la Régie et Ie Service Sarrois des Mines, et responsablede la sécurité minière, est mis en place. Une redevanceannuelle de trente francs par tonne de production, est due à I'Etat sarrois. Jusqu'àconcurren- ce d'une productionde L0 Millions de tonnes, cette redevancesera ef- fectivementpayéer Quelque soit Ie résultat financier de I'exploitation. Au delà, le dû ne sera payéqu'à mesurede I'apparition de bénéfices. Cette clause est destinéeà permettre la poursuite des investissements financéspar la France pendantune période initiale oir peu de bénéfices sont prévisibles. On calcule qu'elle assure à Ia Sarre un revenu d'en- viron 700 Miilions de Francs. 308.

., j !a j gngegtiOn*ng|4r geS ]' u: pJo,tal i gn_de_sS hgq.rm ge f e: crée la,ntSaarlând-ischeEisenbâhnen", entreprise ayant ]4,persoûnalité civile et làutonomie financière et siégeant à Sarrebruckl pour exploi- ter le réseau sarrois.

.t La_crnqgilne Çonvsnlio:r, relative à llétablissement des ressortis- sants des deux pays et à I'exercice de leur activité professionnelle, institue I'égalité entre eux, en matière d'établissement, sous réserve de quelques restrictions destinées à ménagerun régime transitoire et à tenir comptede cas juridiques particuliers (143).

b) Les réactionsde I'oninionmosellanes.

L'opinion mosellane seicontentede faire écho aux violentes réac- tions allemandes. S'y associe-t-elle ? Rien ne permetde,l'affirrner. ADENAUERdéclare que la France a violé les Accords de Postdam et sabotéI'Europe : "Les conditionspolitiques en Sarre n'ont plus aucun rapport avec Ia démocratie(...), le régimesarrois actuelprésente beaucoup d'as- pects rappelantIe national-socialisme"(144). Robert SCHUMANregrette "certains excès de iangageen Allema- gne à propos des Accords Franco-sarrois" et affirme que lors de leur élaboration, la discussiona été libre et sans pressions, la déIégation sarroise étant assistée de représentantsde tous les partis sarrois mais aussi de représentantsdes organisationséconomiques. Seule une frac- tion des syndicatsrefusa son accord en ce qui concerneles mines, mais la moitié d'entre eux restèrent jusqu'à la fin et approuvèrentI'Accord. Il poursuit : "Aucune solution européennen'est compromiseet je suis convain- cu que Ie bon sens I'emportera sur la passion" (145).

Q.4/.) Le REPUBLICAINLORRAIN du 5 Mars 1950.

(145) Le REPUBLiCAINLORRAIN du 7 Mars 1950. 309.

Mais les Æteàends n'êdésarment pas et publient, le 9:Mars 1950, un "liwe blanc" qui propose la création d'une Autorité Interna- tionale de la Sarre, I'établissement d'un régime douanier spéeial Sarre- Lorraine-Allemagne du Sud et un plébiscite sarrois (146). Le lendenain, un débat sur la Sarre a lieu au Parlement de Bonn. ADENÂUER reprend Ies arguments du "livre blanc",Ies développ€en sept points (147) et ajoute que le gouvernement fédéral souhaite pêrticiper, lors des négo- ciations de paix, à l'élaboration du statut sarrois. Pour lui, les Ac- cords du 3 Mars créent une situation irréversible, et il fait remaryuer que la France qui séquestre, en quelité d'administrateur, les mines et cheminsde fer de Ia Sarre, n'avait pas le droit de conclure ces accords. Le gouvernementfédéral exprimer pâr conséquent, son désir de voir respectésles principes de Ia liberté et de Iadémocratie en Sarre. Le gouvernementfrançais, appuyé par les Anglais, ne publie pas de réponse au "Iivre blanc" et n'entre pas en discussion avec le gou- vernementallemand, estimantque le statut de la Sarre n'est Pas un su- jet de négociationavec I'Allemagne(148). Pourquoi I'Allemagnese montre-t-elle si franchementagressive au sujet des Accords du 3 Mars 1950 ? Le Courrier de la Sarre repro- duit un article paru dansIa Frankfurter AllgemeineZeitung qui dénonce Ies "annexions"de Ia France en Sarre : Ies minessarroises étant fis- calernentallemandes, la France n'y a droit qu'à des réparations de guer- re (149). Alain LAMBERT, dans Le RépublicainLorrain (150), se demandesi la Sarre ne donnerapas le coup de grâce à ADENAUER. En effet, celui- ci, semble rencontrer des difficuités :

Q./.6) Le REPUBLICAINLORRAIN du 10 Mars 1950. 0.47) Le REPUBLICÂINLORRAIN du 11 Mars 1950. Q/.8) Le LORRAIN du 1L Mars 1950. Q/,9) Le COIJRRIERDE LA SARRE du 18 Mars 1950. (150) Le REPUBLICAINLORRAIN du 7 Mars i950. 310.

jouet , .: lt1qr1,ï;evon0'vurcell derniers temps 1 être t'our à tour. le , de's.âprée,,crftiqutÉjdecrsocialistes, de Ia méfiance et de la nauvaisé humcur de son pioprE,parti et des rappels à llor{ie catégoriques des ' ',-.,,'l Ftautc-,Coonisselre'sAlliés'!. ,',, : ' . pour:tantles Conventions'sontratifiées sans difncultés ilqr'[iAç- sembtréete 20 Octobre 1950 (151). Aux term€s dc celles{i, Robert 'SCHUMÀN souhaite:le dévelqppementd'un esprit de solidarité entra' , la France et Ia Sarre : "Nous pouvons dire que nous avons réussi, en quelquês années, à aider un Etat à naftre et à prospérer (...) C'est une des rêr€s sa- tislactions de cet après-gue"t"" {r5r)

La situation en Sarre au lendenrain de la signature des Àccords franco-sarrois du 3 Mars 1950 (153) ne donne'lieu,qu!à:.d€.rttr€s cotn; ',.', '. ' ' . mentairesde Ia part de lropinion mosellane . ,' Par la presse, on apprend que Ia production dc fer et d'acier sarroise est €n haussecontinuelle et que la France' avec 64.000 ton- nes importées par mois, est le plus gros consommateurd'acier sar- rois (l-5l'). Les usines sarroises utilisent près de 4 Millions de tonnes de minerai de fer lorrain en 1949 et sensiblementautant en 1950, avec toutefois une nette progression à partir du mois d'Août (155). Les expéditionsde minerai lorrain vers la Sarre dépassenten 1951 le chiffre de 400.000 tonnespar mois (i55). E-nce qui concerne les biens industriels sarrois dont Ia proprié- té est transférée à la France au titre des réparations, signalonsque

(151) Le REPUBLICAIN LORRAIN du 21 Octobre1950. (IsD J.O. Conseilde la République.15 Novembre1950. Robert SCHUMAN p. 2938. (153) A ce sujet voir : Notes et étudesdocumentaires no 1300du 22 Mars 1950 P. 1à12. (154) Le REPUBLICAIN LORRAIN du 25 Février 1951. (155) Les ActualitésIndustrielles Lorraines 1949, 1950et 1951. Cf. aussi statistiquesmensuelles communiquées par la ChambreSyndicale de la Sidérurgie et Ia ChambreSyndicale des Minesde Fer de'France. i.a,,'

'. -,j. :., : : " -i. . 311.

lce urinGcRt)€HLING dc Vôlklingen,une part . des usinessidérur- gtqueg4e NeunHrchdrT'r't1,r'1gg'lusinesMANN,ESMÂNN; à'-,r,ren font",. prrtiG (15o. , ,' ' r .LGbl9$l,,dc-.fr,-Srrrre pour 1951donne lieu à undétat.entfc'd$pu- :tésmoeellans à llAssembléeNationale.,Ainri,,l.a,conmuniste..rtnRa, :....::.'.....:..::. :9CHE-ft se,refuse-t-clle'à 'ffaire ,suppgrter aux:tiavàilleurs français, les frais du rclàvenenf induetricl ct économiquede la Sarre pour le plrrs' gr'4n{,profit,des, capitali ster' franco-sartrois'!' ( tr57). Raymond MONDOÈt,.conpa:eles crédits accordés à la' Sarre pour les mouyements de'jeunes; les fonmtions,spgrliv,çs,,etscol.aires,la pqesse'et les.sp€c- 'et tacleg, :à ceux de,l'â,lsace de la' lrorraine. l ll' constate'que,les cré- dits attribués à la Sarre, dont,la popllation,ne dépassre,pas,unnilliôn ,' d'habitants, sont équivalents au total de ceux qui vont à I'Alsace et à la Lorraine peuplées de plus di 1,8 nillioq'dlhabitants ,et, :soulignê (Fe la culture française a besoin de s'étendre dc la mêmefaço4 dcns ces ' régions(157). 'r '' ' '' , : Robert SCHUMANaffirme que Ie budgetde Ia Sarre est intégra- lementremboursé par celle-ci, et ajoute : 'lPuisque ces fonds ne sont pas à la charge du eontribuable fran- çais, il faut qu'ils soient utilisés d'une façon qui ne soit pas contraire à I'intérêt français en Sarre" (157).

En 1951, Ia Sarre est sortie du régime d'occupationet ses rela- tions avec Ia France se trouvent placées sur une base contractuelle : la France est chargéede représenter le gouvernementsarrois indé- pendantà l'égard des pays tiers. La Sarre possèdeune représentation permanenteà Paris, la France a la sienneà Sarrebruck, les diploma- tes français devantêtre pour leur pays, les agentsd'exécution des ac- cords conclus.

(156) Notes documentaireset étudesno L523du 25 Août 1951. Bilan des réparations allemandesau profit de la France. Situation au 31 Dé- cembre 1950.

(157) j.O. AssembléeNationale. 14 Décembre1950 pp.9101 et 9l-02. .{j', !.- :Y 8t#i,!-i .'.'t.i't . , 1:;:l.li:: . ;1:l', :rj .:"':-.' j...i. --.:4 i rri :.:-r:-l:.,:r.ll:.i. ' .-; 1,,:.-..1 i:, ,t

' '' :: . -:: .1". ':

,: :',. . 1"f,ç.à',eidË**genceg.ff!$ltËtres ont cla-irement,montré les limites t..' ' 1, : t' .,1 -, :: ::": ',: ..'.'".: : deswlontti -no+clta'n|. Ô,rapprochementavec Uânc, ien occugorlt,.,', par pcr- Lee rclations éeonoaiqucrt tcceptées nécessité et I'hottilité .'r r :- sistante envers la question garroise révèIent les positions de la Mo- | :' i selle',ftce.à I' Allguralnê . .,loutefoi 3 ;' dtu* prqblène3, demeurent et .l '', quipçuveni,$ePogçFi:êtr:Gtster.mcg-: '' ,, :-,p61, ,: :' qrclx" (âçon te ËrancËlèverÈ-t-<1le;1'hypothègue, saffoise ' ' qui pèee sur le.rapprochtitent'frinco-allèoand ,? , ' '' ', '-I* Slrre deviendra-t-e11€,entrê la Fiance et I'Allemôgn€,, ' llenleu du bôn.'fonctiohnementdu plan SC-HUMÂN? , , : , ;'f ..t:j