FORÊT, CHASSES ET CHATEAU,

DE B O U ILLET

Pierre de JANTI

FORÊT CHASSES ET CHATEAU

RAM BOU ILLET

Écrire l'histoire d'une forêt nécessite une quantité de recherches arides et ingrates; si je me suis livré à de semblables travaux, à un âge où l'on se complaît généralement à des distractions moins austères, c'est que j'ai aimé éperdument la forêt de depuis mon extrême jeunesse. Elle était alors plus sauvage que maintenant, avec de mauvaises routes sillonnées de rares autos. Déserts, les bois domaniaux et privés offraient au promeneur une immensité de rêve et d'enchantement; l'hiver, ils s'animaient de splendides chasses à courre qui ressuscitaient un passé prestigieux. Les gens de cinquante bourgs et villages que la sylve berçait, exaltait, consolait et nourrissait depuis des millénaires, s'assemblaient chaque printemps au bord d'un étang majestueux pour acclamer leur vénérable souveraine, la duchesse d'Uzès, reine de la Chasse et de la Forêt. Pendant vingt ans, je me suis promené dans cette forêt, en tous sens et en toutes saisons; j'y ai suivi plus de cinq cents laisser-courre. Quand j'en étais éloigné, les liasses poudreuses des archives me permettaient encore, rétrospectivement, de la parcourir et d'y chasser. C'est le défaut des très jeunes gens que de vouloir fouiller le passé de leur maîtresse; une manie de ce genre m'a poussé à scruter les secrets de la sylve féerique, et, dès 1930, l'historien G. Lenotre, en me remerciant de « tout ce que je lui avais appris sur Rambouillet et sur une forêt que nous aimions tant », assurait que j'étais l'homme qui la connaissait le mieux. C'est pourquoi, au moment où après six années de misères que la forêt a partagées avec les hommes, elle se pare d'une jeunesse renouvelée tandis que la mienne a fui, au moment où, à nouveau, trompes et meutes réveillent les échos des bois, j'ai cru utile d'accepter l'invitation que l'on m'a faite de publier ces notes. Il n'est pas question d'épuiser un sujet qui demanderait au moins autant de volumes que cet ouvrage a de chapitres : il s'agit de rassembler le résultat de vingt ans de recherches. Comme le disait un de mes prédé- cesseurs, le comte de Dion : « Il resterait beaucoup à ajouter et peut-être à corriger, mais c'est le sort des travaux de ce genre qu'on ne publierait jamais, si l'on attendait qu'ils fussent complets et parfaits. » L'Yveline fut toujours le royaume de la chasse, les princes qui s'y adonnaient fréquentaient le château de Rambouillet; il convient donc, après avoir parlé de l'Yveline ancienne, de décrire les fameuses chasses qui ont conservé leur réputation mondiale, et le séjour des veneurs royaux au centre de leur domaine. Assurément, pour bien parler d'une telle région, il eût fallu être géologue, botaniste, poète, peintre, pêcheur et bien d'autres choses encore, car la forêt est un immense réceptacle de beauté et d'intérêt; je ne puis qu'étaler modestement et sans beaucoup d'ordre mon petit bagage d'historien et de veneur, secouer un peu la poussière des paperasses pour y retrouver quelques souvenirs, quelques noms... Et avant qu'à mon tour je ne sois plus qu'une ombre dans la luminosité des sous-bois enchanteurs de l'Yveline, dans l'harmonieux bruissement des branches, dans le parfum des fleurs et des mousses, je salue tous ces disparus, parents, amis, grands seigneurs et pauvres gens, qui ont aimé ma forêt avec moi, avant moi. J'étais encore bien jeune lorsque G. Lenotre (Théodore Gosselin), adopta Rambouillet pour résidence estivale, mais un égal amour de cette belle région devait nous réunir, et aussi un même respect de l'histoire et des vestiges qui en sont les témoins. Quel enseignement que d'approcher un tel homme ! C'était un bourreau de travail, et, tard dans la nuit, il veillait sur ses chères études. J'étais cependant toujours bien accueilli lorsque je l'allais voir. Dans son salon décoré de tableaux anciens et de drapeaux fleurdelysés, l'historien s'accoudait sur un canapé : il parlait et vous fascinait, car c'était un causeur éblouissant. Il racontait chasses, promenades, personnages d'autrefois, et chacun de ses propos devenait une brillante chronique. Il avait des yeux pétillants de malice dans un visage bonhomme et, devant ce regard pénétrant, on songeait qu'il devait, tel un La Tour ou un Houdon, « descendre au fond de ses modèles à leur insu et les remporter tout entiers. » A l'entendre narrer le passé avec le coloris et la précision d'un témoin attendri ou narquois, toujours spirituel et jamais méchant, on se croyait halluciné. Soudain, on s'apercevait qu'on était là depuis des heures, et le ravissement se muait en confusion. G. Lenotre se plaisait à Rambouillet, « un endroit charmant. C'est très banlieusard, mais la forêt est magnifique, le parc royal splendide et, sauf le dimanche, tout cela est parfaitement désert, ce qui m'enchante. Plus on est au profond des bois, moins il y a de gens en vue et plus je suis content. J'adore le silence, la solitude, les arbres, surtout quand le ciel est bas et que l'horizon est désolé et lugubre ». Cependant, en avril et octobre, l'écrivain casanier grimpait dans un landau bien garni de victuailles et suivait assidument les chasses à courre de la duchesse d'Uzès. Il a dit l'intérêt qu'il trouvait à ces journées de grand air : « C'est vraiment quelque chose d'un autre temps, quand on y a goûté une fois, c'est pour la vie. La vision d'une chasse à courre remue et exalte en nous quelque chose de profond; c'est une évasion subite hors du présent, un bond dans l'autrefois de la traditionnelle et séculaire. Ce qui ressuscite sous nos yeux, ce sont les scènes qu'ont si souvent peintes les Parrocel, les Oudry, les Vanloo; les mots qu'on entend datent de trois ou quatre siècles et le décor de cette forêt qui, si vieille, n'a pourtant point d'âge, est toujours semblable à ce qu'il était du temps des grands veneurs du roi avec ses trouées sur des lointains bleus, ses pénétrantes odeurs de mousses humides et de feuilles mortes. D'autant plus que ces randonnées à la suite d'une bête déroutante vous conduisent à des endroits de la forêt qu'on ne verrait jamais sans cela, dans des chemins qui sont ravinés depuis les dernières chasses de Charles X. » Ce reflet d'histoire s'ajoutant au charme de la nature faisait aimer l'Yveline à G. Lenotre. Il y trouvait le climat idéal pour son tempérament d'artiste : « Cette forêt hantée de tant de souvenirs, ces chasses de la Duchesse, cet antique château de Rambouillet chargé de six cents ans de galante ou de tragique histoire composent une sorte de symphonie dont les motifs semblent être l'écho de la vieille chanson des siècles. » En été, il passait souvent ses journées à peindre ou à pêcher, mais il souhaitait surtout parcourir la région, cherchant le pittoresque et l'inconnu, et je lui servais habituellement de cicerone; en forêt, surtout, nous nous attardions à maintes curiosités enfouies sous le taillis : table du débotter de la Serqueuse, parc de Châtillon, bornes armoriées, mais c'étaient surtout les beautés naturelles qui nous retenaient. « La forêt, la grande forêt, surpasse tout et, à Rambouillet, nous sommes gâtés sur ce point, 35.000 hectares de bois archi-séculaires et dix-huit étangs à notre disposition ! » Il désirait qu'on en traçât la chronique, mais ne s'en dissimulait pas la difficulté. « Comment écrire l'histoire d'une forêt? Les chartes enseignent bien que tel canton était l'apanage de tel seigneur, que tel autre appartenait à tel monastère, mais tout le reste est vague. La Forêt vit pourtant : elle a, comme les cités, ses légendes et ses drames; mais elle en garde le secret et ses annales restent mystérieuses; elle enveloppe de son ombre tout ce qui s'est passé sous ses voûtes et le peu qu'elle en laisse deviner ressemble à des contes de fées. » C'était un plaisir exquis que de se promener avec G. Lenotre, car il se montrait touriste enthousiaste et donnait libre cours à son don d'évocation. Il prenait de nombreux croquis pour faire ensuite, de mémoire, des aquarelles où les moindres tons et lés plus subtils effets de lumière étaient rendus avec une fidélité parfaite. C'est cette surprenante faculté de vision, aussi bien que son flair des lieux historiques, qui me paraissent à la base de son talent. Il repose maintenant au cimetière de Picpus, avec ces « gens de la vieille France » qu'il avait si noblement réhabilités durant sa vie; mais son souvenir flotte encore parmi les halliers de l'Yveline qu'il aimait tant. J'ai tenté, depuis sa disparition, de résoudre les problèmes historiques qui le passionnaient au sujet de Rambouillet. Et, partout, dans mes recherches d'archives comme dans mes déambulations attentives à travers les dédales du vieux château, j'ai senti à mon côté sa présence familière. C'est donc à son inspiration que j'attribue les quelques découvertes que j'ai pu faire et c'est sous son égide que je me permets de présenter aux lecteurs des sujets qui auraient ravi mon vénéré maître.

Pierre de JANTI. Pl. I

Pl. II Pl. III PREMIÈRE PARTIE

Esquisse

« L'Histoire de France est équestre,

sylvestre, chasseresse. » G. HANOTAUX

I

L'ANTIQUE FORÊT DES CARNUTES

Il est déjà ardu de dérober ses secrets les plus récents à une forêt qui les ensevelit aussitôt dans les innombrables replis de son immensité millénaire; essayer d'imaginer ce qu'elle fut dans sa jeunesse, consisterait à envelopper ingé- nieusement d'hypothèses les rares points de repère que nous offre la science. Comme l'écrivait au XVIII siècle l'abbé Lebœuf, « il faut se borner à conter l'histoire de ces forêts, et tout au plus celle du moyen âge, sans vouloir remonter plus haut ». Ce divertissement archéologique nous retiendra donc peu, mais il est nécessaire d'en donner un bref aperçu. La géologie nous apprend que la région où s'éploient encore les forêts actuelles de Rambouillet, de Versailles, de Marly et de Saint-Germain, a été l'immense dune ridée par le vent qui bordait au nord le lac de Beauce. Sans doute ce pli gigantesque était de plus vaste envergure, l'anticlinal de Rambouillet se poursuit jusqu'au pays de Caux, mais le fait explique que la forêt de Rambouillet (j'entends par là tous les bois entre et Le Plessis- Saint-Benoît) soit composée de longues arêtes orientées N.-W., S.-E., d'une altitude variant de 140 à 180 mètres (I). Rien ne s'oppose, ainsi qu'on l'a prétendu, à ce que la région comprise entre , Étampes, Corbeil et , n'ait formé, à une époque aussi éloignée qu'incertaine, une seule forêt; en 1358 encore, les prérogatives du concierge du Palais de Paris, gruyer de l'Yveline et de toutes les appendances et dépendances d'icelle, s'étendaient du pont de Saint-Cloud à Poissy, à Saint-Léger-en-Yveline, à Nogent-le-Roi, Coulombs, Bullion, Saint-Arnoult, Chastres-sous- Montlhéry (Arpajon) et à Longjumeau. Encore l'abondance des sables et des calcaires siliceux laisse-t-elle présumer dans cette forêt de vastes landes, bruyères et clairières; l'abondance des plaques d'argile y fait également supposer d'innombrables marais, et explique les tourbières et l'eau trouble des mares. Le sol généralement argilo-siliceux est cause qu'en Rambouillet les arbres ont peu de hauteur et d'enracinement et les bois des cerfs sont grêles. Le vent continue de parcourir la Beauce et de se jeter sur les collines d'Yveline, les ouragans y sont fréquents, comme le notait déjà César à propos des forêts des Carnutes. Sur les hauteurs, le sable s'est aggloméré en grès, qui afflue partout et forme de magnifiques éboulis, notam- ment aux alentours de Poigny et de Cernay (Grès ou Roches de Poigny, Rochers d'Angennes, cascades de Cernay). Certaines de ces pierres ont été célèbres, comme la Pierre Saint-Marc à Rochefort, la Roche-Corbon (ou la Réchauffée ou Roche aux Fées) dans les 500 Arpents, la Roche aux Loups dans les Buttes de Vendôme, la Roche au Diable près de Dampierre, la Roche Couloire près de , la Roche Tournante à Saint-Hilarion, la Roche Turpin dans les bois de Biscorne, le Pierre percée à Bandeville, la Grosse Pierre à Méré et à , la Pierre Aigue à Jouars, la Pierre Plate à Saint-Lucien, etc... Le grès a fait l'objet d'exploitations fructueuses mais regrettables au point de vue touris- tique, notamment à Épernon et dans le bois des Maréchaux qui en a été tout défiguré. La Roche au Curé, dans l'Épars, est une pierre creuse où l'on a sculpté une tête qui paraît du XVI siècle, avec un petit bonnet carré; dans le parc de Rambouillet, une des pierres de l'Ile des Roches (l'ancien bois de la Roche Boulmer, 1388) s'appelle la « Marmite de Rabelais », une autre était le « Cheval Griffon ». Ce sont les assises de grès qui ont permis la construction des châteaux de Rochefort, Montfort, Épernon, et même de celui de Rambouillet au milieu des marais. Si l'humidité du sol nuit aux taillis, qui ne sont beaux que sur les pentes favorables à l'écoulement des eaux, elle fait de la forêt de Rambouillet une sorte de zone frontière entre les flores septentrionale et méridionale de la France. D'une richesse et d'une variété botanique incomparables, royaume du muguet et des champignons, on y voit le myrica gale ou piment royal (les Pimentières, étang du Cerisaie), et l'oronge, plat favori des Césars dit-on, y paraît en abondance. L'homme préhistorique a habité la région de Rambouillet, ainsi qu'en témoignent les nombreuses pierres polies et taillées découvertes près de l'emplacement des villages actuels; il trouvait en abondance les conditions indispen- sables à son habitat : grès, silex, minerai de fer, bois, marais protecteurs, gibier, etc... Les premières haches ont été des éclats de silex fichés dans un bois de cerf, lequel servait aussi de pic; et le cerf a toujours pullulé en Yveline, malgré loups, braconniers et chasseurs.

(1) 188 mètres au carrefour du Débucher; 185 mètres à la Croix-Pater et autour de Montavale; 180 mètres entre la Butte à l'Aue et ; 170 à 175 mètres sur le plateau des . Le magnifique cerf élaphe a disparu depuis longtemps, ainsi que toute la faune de l'époque et nos nemrods modernes ne risquent plus de rencontre fâcheuse. Il advint en 1879 que deux chasseurs de Saint-Arnoult, étant à l'affût du lapin, virent surgir deux ours, mais c'étaient des compagnons de romanichels, et si une tigresse fut tuée en 1912 dans la région, elle s'était échappée d'une ménagerie de passage. Il n'a pas été signalé de restes d'habitations lacustres, sauf peut-être à la Christinière, dans les tourbières près du Rouvray, et le lieu dit « Joli Mardelle » près d' désigne peut-être un fond de cabane (I). L'homme néolithique chassait au piège et aux filets dans de grands trous profonds; les nombreuses fosses de la région paraissent très postérieures. L'atelier préhistorique le mieux étudié sinon le mieux connu, est celui de Cutesson près de Rambouillet; il y eut là depuis, un peu à l'est de la ferme actuelle, un petit hameau avec chapelle (la Boissière de Cutesson ou les Rondes Masures, 1506), qui n'a disparu qu'au XVIII siècle (2). C'est près de Saint-Léger, village qui semble avoir été un des principaux centres de l'Yveline aux temps anciens, qu'on trouve le seul monument mégalithique connu actuellement de la forêt de Rambouillet, le dolmen de la Pierre Ardoue, de 4 mètres sur 4, et 0 m. 66 d'épaisseur. Peut-être était-il autrefois enfoui dans un tumulus; endommagé, converti même pendant un certain temps en porcherie, il ne présente pas, il faut l'avouer, un intérêt excep- tionnel. Il mérite cependant une visite, à cause du site assez sauvage; toute cette vallée de la Vesgre, entre Saint-Léger et Condé, est d'ailleurs empreinte d'une tristesse poignante. C'est là qu'on trouve les crêtes les plus élevées, offrant lors de leur déboisement les plus beaux panoramas : Butte à l'Ane, Haut-Planet, Belvédère, route de la Vue, etc. Les fées ont hanté ces lieux autrefois, c'est certain, il y a un champtier des fées à Saint-Léger, la butte aux Fées à Adaimville, et sur la butte de la Ferrière, qui défend avec la butte de Beauterne le défilé de Condé, la légende veut qu'une Druidesse écarte les orages qu'apporte le vent de Beauce. Les fées, jadis, on les appelait les Demoiselles, il y a des mares de ce nom dans le grand parc de Rambouillet, près de la Pommeraie, et dans le massif de Saint-Arnoult près du carrefour des Mares doubles. Quant au bois des Fées ou du Fay, près de , on peut penser que ce nom vient de fagus, hêtre, qui a donné aussi Fouteau. On peut admettre qu'à l'époque celtique la région de Rambouillet avait une physionomie pas tellement diffé- rente de celle d'aujourd'hui. La plupart des terres arables étaient cultivées, seuls restaient en friches ou en bois les sols trop arides. Il est donc permis de supposer que c'est à cette époque qu'un massif boisé déterminé a pris le nom d'Yveline, dont la forêt actuelle de Rambouillet est le principal reste, mais qui a pu s'étendre de , Beynes (bois de ce nom), Neauphle (bois de Sainte-Apolline), Maurepas, Élancourt, , Chevreuse, Palâiseau, Étampes, Ablis, Main tenon à Houdan. Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte pour se faire une idée de l'étendue probable de l'Yveline primitive. L'histoire ne nous donne aucune précision à ce sujet; il faut seulement rejeter la théorie périmée qui imaginait la Gaule sous l'aspect d'une immense forêt vierge. L'Yveline n'était pas alors beaucoup moins vieille que maintenant; si les transports par eau n'y étaient pas possibles (le point de portage le plus proche sur l'Eure était Maintenon), déjà des pistes ou sentes la traversaient, correspondant aux grands courants commerciaux des hommes. La forêt n'est plus seulement la Barrière au vent de Beauce, mais la frontière entre deux populations appelées à un certain renom, les Parisii et les Carnutes, c'est-à-dire les Parisiens et les Beaucerons. Chartres, grand centre gaulois, étendait au loin son influence; les Carnutes se réfugiaient dans leurs forêts en cas de danger, et c'est là qu'ils tenaient chaque année une grande assemblée. Rien ne permet de supposer que l'Yveline ait été le lieu où se tenait cette réunion; il y a à Changé, au sud de Maintenon, un ensemble de monuments mégalithiques, dominé plus tard par un camp romain, qui laisse supposer à cet endroit un centre celtique important. Je serais assez partisan de voir dans les bois de Maintenon la pointe méridionale de l'Yveline, à un certain stade de la régression de la forêt devant les cultures; toujours est-il qu'au XVIII siècle encore, les rois considéraient ces bois comme dépendances du domaine cynégétique de Rambouillet. La limite méridionale la plus durable de l'Yveline a été la vallée de la Drouette, par , , Émancé, Droue, Épernon, Nogent-le-Roi. Les conquêtes de César, ses campagnes contre les Carnutes, ont dû avoir leur répercussions en Yveline, et y entraîner des incendies, comme dans toute guerre; c'est pourquoi les lieuxdits Brulins ou « bois brûlé » (Brulins vers , aux Rabières, aux Essarts, à Vieille-Église, à Ponthévrard, bois brûlé à Clairefontaine, ventes brûlées dans la forêt de l'Ouïe) indiquent souvent la présence de vestiges gallo-romains.

(I) On trouve aussi une métairie de la Mardelle, le champ de la Mardelle à Rochefort, des lieuxdits « la Mardelle » au Bourgneuf, à , etc. On a retrouvé des restes d'éléphant méridional et de grand hippopotame à Saint-Prest, près de Chartres; fossiles de coquilles à Grignon, d'algues calcaires et de végétaux aquatiques près de Neauphle.

(2) On y a relevé trois emplacements de stations; un atelier de taille, couvert de débris, non loin de la remise de Batonsard où se remarquent d'anciennes carrières avec galeries souterraines; les autres sur les crêtes de la vallée de la Drouette, l'un dont on avait tiré une centaine de tranchets, quarante-cinq instru ments de grès de diverses époques, plus de cent haches taillées, pics et retouchoirs, l'autre véritable mine de grattoirs et de percuteurs. Coups de poing chelléens, pointes et racloirs moustériens, burins magdaléniens, grattoirs néolithiques (des stations de cette époque ont été signalées à Beynes, Garancières, Goupillières, Thoiry, Villiers-le-Mahieu), on voit que Cutesson a été habité pendant toute la période quaternaire, depuis l'époque où l'homme taillait à grands éclats jusqu'à celle où il confectionnait le burin, mais il a été abandonné vers le milieu de la période néolithique. En tout cas, nos villages ont pour la plupart des noms d'origine celtique, ce qui implique un certain défriche- ment circulaire à leurs alentours, comme à Rambouillet, , Poigny, Saint-Léger, , Boullon (Bullion), Sonchamp, etc. Trois villages paraissent avoir une haute antiquité, probablement comme lieux de passages dans des défilés, ce sont Rochefort qui se serait appelé Hibern (butte de la forêt?), Épernou dénommé Autrist, et Dourdan, où il y eut sans doute des oppida ou camps fortifiés. Malgré son importance, la période gallo-romaine n'a pas laissé de traces bien marquantes dans l'Yveline; il est possible que les bois aient été occupés militairement à certaines périodes de trouble, telle la révolte des Bagaudes, au III siècle; il est probable que les voies romaines étaient surveillées par des postes de « saltuarii », ancêtres de nos gardes actuels. Ces voies romaines, reprenant le tracé des pistes primitives, passaient par la trouée des Quatre-Piliers, la clairière de Rambouillet, le défilé de Rochefort et la vallée de l'Orge; une autre continuait de joindre la Seine à l'Eure par la Millière, Orlande, Saint-Léger (dont on ignore le nom antique), les Ventes d'Épernon et Maintenon. Un camp romain a été déterminé à la Butte Ronde, dans les hauteurs boisées au-dessus de Dampierre, près du lieudit « la Haute Beauce », il a 25 mètres sur 30, on y a trouvé des objets de bronze; boucle, plaque de mors, anneau, fourreau d'épée, éperons; d'autres en fer, pointes de lances, de flèches, de javelot, bras de baliste; une coupe ornée d'un sanglier poursuivi par deux chiens, des vases, une chevalière, des pierres romaines ou gauloises. Près de là, à la Roche au Diable, existe une sorte de dolmen, on y a trouvé des grattoirs et un polissoir; de même à Sonchamp en 1834 et 1842 on a exhumé des restes de constructions gallo-romaines et des vestiges préhisto- riques; les centres de population ont une -origine qui se perd dans la nuit des temps. Une villa romaine a été trouvée à Sainte-Mesme, près de Dourdan, une autre à Souzy-la-Briche, avec une superbe mosaïque; des restes de fortifications de la même époque ont été découverts en 1807 au ponceau de la Boissière entre Rambouillet et Le Perray (ruines indiquées sur la carte de 1708), lorsqu'on rectifia la route royale d'Espagne devenue la Nationale 10. L'attention a été appelée voici quelques années sur les vestiges de retranchements sylvestres, mais, s'il est admissible que ce soient des postes de « saltuarii », les fouilles ont été trop sommaires jusqu'à présent pour qu'on puisse se montrer affirmatif en une matière où la plus extrême prudence est de rigueur. De plus, les appellations de « parcs » et de « chatillons », qui sont plutôt de formation médiévale, ne sont pas décisives, comme le remarquait très justement le conservateur Bourdon sous la Restauration (I). D'autres vestiges assez douteux ont été relevés dans la Charmoie, coupes 6 et 8, et dans les anciens bois de l'Abbaye des Vaux de Cernay, dans les Enclaves (2). Aux Châtelliers, près d'Orcemont, sur une butte de grès triangulaire, non loin d'une voie romaine, des vestiges romains ont été signalés, 'ainsi qu'aux Châtelliers entre Ablis et Ponthévard. Les Gaulois utilisaient pour l'osier les marais, ou Groussay actuels; ils exploitaient aussi les minerais de fer ou de chaux (3).

L'empire romain s'écroule, c'est d'abord la révolte des Bagaudes au III siècle, puis les invasions barbares; vers cette époque a été incendié le camp de la Butte ronde. Que de drames terribles entre les hommes, sur lesquels la forêt a refermé son manteau de mystère. Déjà on trouvait trace de campements d'auxiliaires sarmates (Sermaise) près de la fameuse fontaine de la Rachée, chantée par Boileau, et où subsisteraient des vestiges gallo-romains. Maintenant les Francs s'installent, origine des Hunières (groupe de familles franques) près de Sonchamp et du Tremblay. Les rois mérovingiens récompensent leurs fidèles et installent des fiscs, reconnaissables à leur terminaison en « ville » et en « court », de même que les démembrements des domaines gallo-romains se terminent par « villiers». Je serais d'avis que ce sont ces colonies franques qui ont essarté principalement l'Yveline, à l'ouest vers et surtout au sud-est, dans ce qui deviendra le doyenné de Rochefort (4). Ce doyenné s'étendra, jusqu'au XVIII siècle, depuis Greffiers, Clairefontaine, Bullion, et jusqu'aux

(I) Voici l'emplacement de ces retranchements dont la détermination exacte pourra être sérieusement envisagée; I° Parc de Châtillon, canton de la Villeneuve, coupes 19-21; 2° Parc aux Anglais, Plainvaux, coupe I; 3° Les Vieux Fossés, retranchements jumelés au Haut Beaussart, canton de l'Étang Neuf, coupe 4; 4° les Brulins, Mare ronde, coupes II et 12; 5° Parc aux loups, Mares Gauthiers, coupes 3 et 7, 6° Monta - vale, Mare ronde, 16; 7° Goron, Mare ronde, 15; Pré au Prince, Mare ronde, coupe 3; 9° Houssine de Montfort, langues Mares, 6; 10° Grand Conseil, Charmoie, 30; 11° Jubellerie (ou Parc aux Anglais d'après Leddet), Buttes de Vendôme, coupe I; 12° Tailles d'Épernon, Buttes de Vendôme, coupe 19; 13° le Pré Fagniet, Gazeran, coupe 13; 14° Parc aux Bœufs, forêt de l'Ouïe, 17; 15° le Plesse ou la Bretèche, bois privé de la Celle, route ducale entre l'Attaque et les Vallées Noires. (2) Une enceinte circulaire, coupe 21 des Hauts Besnières; vestiges de constructions près du carrefour des Longues Mares (coupes 14 et 15 de la 3 série), près de la Mare du Château de Biennouvienne (coupe 22, 10 série), près des carrefours du Chêne Quinquet (coupe 30; Yvelines) et Biscornu. Il ne faut pas confondre avec ces vestiges, les délimitations de bois ou de parcs : parcs d'en haut et d'en bas, parc de la Verrerie, parc de Fougères, garenne de Toulifaut, bois de Biennouvienne, château de Poigny, métairie de Pecqueuse, parc Saint-Pol près de la Pierre Levée, etc... (3) En 1624, Lescornay signalait déjà « un triage nommé Minerai à cause des mines de fer qui y ont été et desquelles les vestiges restent encore ». (4) Autour de Rochefort, on trouve les Chaillots, les Gatines, Longvilliers, Angervilliers, etc... abords d'Étampes : Brières-les-Scellées, Saint-Hilaire, Chalo-Saint-Mars, et au sud jusqu'à la voie romaine Chartres- Orléans, vers Ymonville et Guilleville. Parmi la région qui pourrait avoir été essartée, citons Hattonville, , Chatignonville, Richarville, Bréthencourt, etc... Orlu (aureus lucus) et Ardelu, en pleine Beauce, sont le témoignage de la forêt ancienne. En 1553, le bailliage de Rochefort s'étendait encore sur vingt-cinq paroisses, dont Rambouillet, Les Bréviaires, Vieille-Église, les Essarts, Bullion, La Celle, Le Perray, Ablis, Auneau, Bréthencourt, etc... A travers les légendes, le souvenir d'un important seigneur de Rochefort s'est maintenu, il est possible qu'il s'agisse de son premier comte, dont les possessions resteront affranchies de la tutelle royale jusqu'au XIII siècle. A la faveur de ce déboisement massif, la plaine fertile se substitue à la forêt, c'est ce qu'on appelle la Haute Beauce, notamment vers Ablis et Auneau, et la petite Beauce vers Bullion, Bonnelles et Saint-Cheron, la Haute Yveline entre Rambouillet et Le Perray, la petite Yveline qui est devenue le bois des Yvelines. A en croire Rabelais, c'est le géant Gargantua qui serait le créateur de la Beauce, et la fosse de Gargantua, qui existait au XVIII siècle près de la ferme des Nonnes entre Orphin et Orcemont, est peut-être la marque du cheval de notre héros, dont la queue gigan- tesque abattait les arbres tandis que le cavalier murmurait : « beau ce ». (Palet de Gargantua à Montlouet). Les principales cités voisines de la forêt étendent leur « Pagus» ou région dans les zones défrichées; Poissy parvient jusqu'au Perray, Mantes s'infiltre dans la vallée de la Vesgre au delà de Condé et d' (la limite de cet arrondisse- ment est encore actuellement dans cette région), Rochefort vient jusqu'aux abords de Rambouillet avec Sonchamp et Clairefontaine (limite actuelle du canton de Dourdan sud), Épernon poussa sa pointe par les vallées de la Guesle, et de la Guéville jusqu'à Rambouillet et Poigny, enfin Paris tint Coignières et la Celle les Bordes. L'Église, fidèle gardienne des traditions, entérinera pendant des siècles dans ses circonscriptions cette orga- nisation d'origine mérovingienne.

Le VI siècle est une époque importante, et sur laquelle nous avons quelques renseignements. La région est évangélisée, et même l'évêque de Paris, saint Germain, a sa cellule dans les bois, la Celle-Yveline, actuellement La Celle-les-B ordes.

C'est là qu'il meurt en 535, et le roi Childebert donna vers 555 et 557 à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés les bois environnant l'ermitage du saint, et qui sont approximativement ceux encore compris actuellement dans le territoire de la commune de La Celle.

Parmi les apôtres locaux, il faut citer saint Fort, qui a donné son nom à une petite fontaine miraculeuse près de Poigny, et saint Nom qui évangélisa la paroisse de Lévy. Les limites des paroisses.sont généralement restées immuables jusqu'à nos jours, mais certaines d'entre elles sont artificielles, comme celles de Rambouillet remaniées encore au XIX siècle; et puis quelques-unes ont disparu comme Hattonville, La Briche reliée à Souzy; d'autres se sont scindées, comme Le Perray et Vieille-Église, Authon et Le Plessis-Saint-Benoît. Ces anciennes limites de paroisses sont très intéressantes, car elle utilisaient les délimitations de bois et de routes. Ainsi le bois des Yvelines, tel qu'il était avant le remaniement de 1892, formait limite entre Rambouillet, Sonchamp, Clairefontaine, et La Celle-les-Bordes. J'ai dit que le souvenir d'un important seigneur, le Rex Dordanus, Roi Dourdain ou Roi de Dourdan, nous est parvenu par deux légendes. Il y a d'abord celle de sa fille, sainte Mesme, qui aurait été condamnée à mort par lui pour avoir embrassé la foi chrétienne.

Comble d'horreur elle fut exécutée par son propre frère Mesmin, qui devint saint lui aussi; ils ont chacun leur fontaine, (Mesmin dans les bois), et Mesme a la réputation de guérir la fièvre. Ensuite, une autre anecdote attribuée au même roi a pour décor les environs de Rochefort et attesterait qu'au VI siècle la forêt de Dourdan était distincte du massif de l'Yveline.

Dourdain chassait le cerf à courre, et l'animal débûcha dans la vallée de la Remarde, ce qui est encore actuelle- ment d'un grand attrait. Sur la voie romaine Paris-Chartres, venait de Rochefort le cortège funèbre d'un saint homme nommé Arnould, assassiné à Reims dans des conditions mystérieuses et dont on conduisait la dépouille à Tours. La suite devait être nombreuse, car sa veuve, Scariberge, était la propre nièce du roi Clovis. Nul doute que le cortège n'ait été distrait par l'arrivée de la chasse, car le spectacle d'un débucher est toujours passionnant. Mais le cerf, mû par une inspiration céleste, se précipita sous le char funèbre où il se coucha, et la meute, subitement apaisée, s'accroupit alentour.

Le maître d'équipage ne dut pas être ravi de cette fin de chasse inattendue, mais enfin il cria au miracle avec les autres et passa la nuit en prières avec la princesse Scariberge. On ne dit pas ce que devint le cerf, je suppose qu'il s'esquiva, et qu'il est l'ancêtre de ces animaux qui, semblant près de leur fin, disparaissent comme par enchantement, laissant penauds chiens et chasseurs. Je crois aussi qu'Arnould devait être de ces gens qui critiquent la chasse à courre tant qu'ils n'en ont pas vue, et puis qui sont ensuite les plus forcenés à la suivre. Toujours est-il que le lendemain, il refusa de se laisser véhiculer plus loin, et qu'on dut l'inhumer sur place, au flanc de la colline, dans une crypte ou « martyrium » qui existe toujours sous l'église de Saint-Arnoult- en-Yveline. Une fontaine commémore ce miracle cynégétique, de même qu'une fontaine au bord de la Drouette est dédiée à saint Eutrope à Orcemont, une autre à sainte Monégonde à Orphin, tandis que saint Évroult est invoqué encore près de Saint-Cheron et aux Layes; fontaine Saint-Pierre aux Basses-Masures, etc... Un bourg prospéra autour du sanctuaire de saint Arnould; quant à Scariberge, elle se retira en plein bois, au sommet d'une lande d'où l'on a une vue superbe, et fonda là Saint-Rémy-des-Landes, abbaye royale qui végéta jusqu'à la Révolution et est remplacée par un château moderne. Après sa mort, la princesse vint reposer près de son époux dans la crypte de Saint-Arnoult, d'où ils ont vu passer bien des débuchers depuis, et entre temps ils ont fait bien des miracles; comme eux, nombre de touristes se sont arrêtés en Yveline, qui n'ont plus voulu en repartir. En 1674, les châsses du pieux couple étaient toujours conservées dans la crypte, et on les exposait à la procession des Corps Saints qui se déroulait les mardis de Pâques et de la Pentecôte parmi la foule des pèlerins (actuellement, la fête de saint Arnould est le 18 juillet, date de sa mort en 555, et celle de sainte Scariberge le deuxième dimanche d'octobre). A une de ces processions, vers la fin du XVI siècle, une jeune fille impotente, Françoise de Rion, retrouve l'usage de ses membres. Une autre fois, c'est un jeune muet de Sonchamp, Jean Quentin, qui se met à parler tandis que le peuple crie miracle. Les témoins ne sont pas d'accord sur ce qu'il dit, s'il demanda un gâteau à sa mère ou s'il se plaignit qu'on lui eût marché sur le pied, mais enfin il parla, et ensuite on put le voir toute sa vie porter les châsses, nu en un linceuil.

Sur l'autel des reliques furent longtemps suspendus une faucille et un épi de blé, souvenir d'un moissonneur qui, ayant voulu travailler le jour de la fête du saint, fut terrassé par un évanouissement soudain. En 1852, on retrouva la crypte de saint Arnould, où gisait un squelette de grande stature; était-ce saint Patrice, frère de sainte Scariberge, et dont les reliques ne sont plus mentionnées depuis le XVIII siècle ? A cette dernière époque, on dépeignait ainsi la « bienheureuse montagne, domicile des Anges ou des personnes qui les veulent imiter », où Scariberge avait élevé un oratoire en l'honneur de son parrain saint Rémy, et s'était retirée avec son frère l'évêque de Thérouanne : « Le plus signalé bonheur du pays consiste dans sa retraite et dans son calme, qui disposent les esprits à la méditation et à la pratique des vertus. Quand on n'entend plus que le chant du rossignol et autres oiseaux dans la saison, quand on n'a plus que la vue des arbres, des' cerfs, des biches, des sangliers et des chevreuils, on a loisir de converser en tranquillité avec les Anges ». Le culte de sainte Scariberge est resté vivace dans le pays, notamment à Sonchamp et à Mou tiers; une fontaine dans les bois donna son nom au poteau de sainte Scariberge. La Vierge a eu ses sanctuaires forestiers, tel Notre-Dame-du-Chêne aux Mesnuls (le chêne existait encore en 1714, et la chapelle a été rebâtie en 1824 avec des pierres tirées de la forêt royale), et la statuette qui figure encore dans le tronc de l'orme planté par Sully à la Villeneuve de Rambouillet. Notre-Dame de la Roche (ou plutôt de la Rouche, ronce) superbe statue du XIV siècle, est en exil depuis la Révolution dans l'église de Lévy-Saint-Nom au milieu des bois; d'après une tradition, un pâtre aurait remarqué un taureau qui fouillait un roncier et on aurait ainsi déterré miraculeusement cette statue. La statue de la Vierge à Ponthé- vrard, transportée contre son gré à Sonchamp, regagna son sanctuaire à travers bois, et l'on voit encore sur une roche la trace de son menu soulier. Il y a eu un lieudit « la petite Sainte Vierge » à La Celle, une fontaine Notre-Dame à , Saint-Cheron, etc..., et une Notre-Dame du Chêne à Orphin. Sainte Apolline, guérisseuse des maux de dents, avait sa chapelle dans le bois de Neauphle, qui fut détruite en 1726 et remplacée par la Table de sainte Apolline; saint Georges a eu sa butte à Clairefontaine et son Val à Sonchamp; saint Laurent protégeait les abords de Montfort; sainte Julienne du Val Saint Germain avait une réputation étendue.

Le Diable paraît avoir hanté l'Épars (Four et pont au Diable) ; il y a le Trou d'Enfer à Auffargis, la butte d'Enfer à Saint-Cheron, la Roche au Diable près de Dampierre, le Pet au Diable dans les bois de Saint-Sulpice-de-Favières non loin de la Cave aux Fées, la fosse Lucifer à Sonchamp, etc... En 1847 encore, il s'amusait à terroriser un fermier de Clairefontaine qui dut lui céder les lieux. « Visite du procureur du roi, renouvellement des faits inexplicables. Le curé vient avec croix et bannière, prie, conjure, répand l'eau bénite, le tout sans résultat, on assure même que ses lunettes cassèrent sur son nez. »

Pourtant la région avait été soigneusement « régénérée » en l'an II : « Les communes se disputèrent l'avantage d'apporter à la fonte jusqu'au dernier reliquaire, même jusqu'au grand saint Sulpice, jusqu'à la grande sainte Julienne, dont le crédit attirait des députés et des présents de Marseille et de Lyon, tant elle était aristocrate; le grand saint Arnould, dont la réputation se bornait à faire marcher les enfants qui avaient des jambes, mais il faut observer qu'il n'était que de cuivre doré, ce qui avait restreint ses pouvoirs; le grand saint Étienne de Dourdan à qui on attribuait la faculté de faire accoucher les femmes sans douleur ». Vers 680 eut lieu en forêt d'Yveline, quoique ce soit contreversé, l'assassinat de saint Léger, évêque d'Autun; on attribue à ce fait l'appellation de Sain t-Léger-en-Yveline, qui n'est que la sanctification d'une dénomi- nation . antérieure, de même que le bois du Schepoix est devenu Saint-Chepoix, et que Saint-Cheron vient de Karaunus, le Mont Couronné, c'est-à-dire la butte Saint-Nicolas-de-Bâville, éboulis de grès qui domine la vallée de l'Orge. Même les saints ont leur ancienneté, c'est ainsi que le patronage de saint Pierre, de saint Laurent, de saint Étienne remonte à l'époque mérovingienne, tandis que saint Jacques, le célèbre patron des voyageurs, ne remonte qu'au XI ou XII siècle où souvent le nom du patron de l'église est substitué à celui du lieu. C'est beaucoup plus tard, à la fin du xve siècle, qu'un seigneur de Montmort, s'étant illustré à la tête de la noblesse du Hurepoix, amena de Venise à Limours les reliques de l'évangéliste saint Marc; transportées à Briis pendant les troubles du XVI siècle, elles ont disparu depuis. Mais Limours n'est déjà plus à cette époque dans l'Yveline. De toutes ces légendes dorées, retenons seulement celle du roi Dourdain, qui implique l'importance qu'a dû avoir la région de Rochefort à l'époque mérovingienne. La tradition a attribué à Dourdan, devenu ensuite plus importante que Rochefort, le seigneur qui avait joué un grand rôle dans ce canton. Au cours des partages qui se sont succédés entre 567 et 630, l'Yveline a servi de frontière aux royaumes de Neustrie et de Bourgogne; c'est pourquoi je pense que les limites qui resteront plus tard celles du doyenné de Rochefort, furent celles de la Neustrie des vie et VII siècles. En ce cas, l'Yveline aurait commencé à l'est, à la Pierre Fitte (pierre fichée), entre Brières-les-Scellés et Étampes, et à Bruyères-le-Châtel; l'obligation pour les habitants de Souzy-la-Briche (Celsiacum) de participer aux charrois dans l'Yveline viendrait à l'appui de cette opinion. En 817, la forêt est en Bourgogne, et de 843 à 950 elle est en Neustrie; il n'est donc pas impossible que les « pierrefittes, pierres levées » de la région aient été les bornes de ces divisions éphémères. Au XVIII siècle, il y avait une pierrefitte à la limite sud de Rambouillet près du fief de la Motte, elle fut déplacée en 1784 et cassée en 1828; une autre dans les bois des Quatre-Piliers, une Pierre entre le Petit Rachigny ou Racinay et l'étang Guillemet, une autre à Huismes (Villiers-le-Morhier). Dominant La Boissière sur un piton rocheux, il existait une Pierre Levée, à 300 mètres du carrefour de ce nom; elle est figurée sur les plans de 1708 et de 1715 reproduits dans cet ouvrage, et semble avoir été détruite avant 1722, les débris en sont encore visibles. Les Hautes Bornes étaient assez nombreuses, notamment près de Poigny et des bois de Gazeran, du Schepoix de Clairefontaine, à la pointe des Vindrins, à Bullion, à Sonchamp, près d'Ablis; celles qui subsistent ont été placées aux XVI et XVII siècles. Citons enfin la Haute Pierre à Neauphle, la Grande Borne au nord, du canton de l'Étang neuf, la Grosse Borne, ancienne limite du parc de Rambouillet, une Grande Borne au Val Guyon (Croix Pater), etc... Des villas royales existaient à Méré et à Dourdan, et des sépultures attribuées à cette époque ont été découvertes dans les bois de Gazeran non loin de l'étang du Cerisaie, à Auffargis, Sonchamp, Émancé, et même dans le parc de Rambouillet près de la Laiterie de Marie-Antoinette. Deux diplômes de 768 et 774 nous apportent des éléments historiques sur l'Yveline. Seulement ces chartes, très anciennes d'ailleurs, passent pour apocryphes et les noms populaires y sont traduits en latin avec fantaisie, ce qui fait qu'on y trouve surtout matière à un divertissement archéologique qui consiste à interpréter les appellations suivant une idée préconçue de l'étendue de la forêt à cette époque. Le nom d' « Yveline » paraît d'époque celtique; il viendrait du mot gaulois « eve » qui se prononçait « io » et qui aurait donné « eau » en français. Peu importe que les scribes médiévaux aient traduit Yveline par « Aquilina, Æquilina, Equilina », de même qu'ils remplaçaient Auteuil par Haut-Œil, par Haut-Œillet et Mormaire par Morte-Mer (1239) ! Il est amusant que certains auteurs aient tergiversé si cette forêt humide avait été peuplée d'aigles ou de chevaux ou renommée pour son terrain plat ! Qu'il y ait eu des élevages chevalins dans les bois, notamment autour de Saint-Léger et du Perray, c'est certain; mais ils ne furent pas si importants dans l'ensemble de la sylve qu'on la puisse dire spécialisée dans les « haras ». Quant à l'égalité du terrain, il faut rappeler que les plateaux sont coupés de vallées assez étroites, d'arêtes rocheuses, etc demandez au touriste ou au veneur qui a parcouru la région entre la croix Pater, le Bocquet et le Haut-Beaussart, par exemple, si le trajet lui a paru trop plat! De même origine que « Yveline » semblent les « Eveuses », canton de forêt aux abords de Rambouillet, et l'Yvette (traduite Æquata, Eveta, Yveta), bois et rivière. Il existe un canton d'Ewelyne dans la forêt d'Orléans et Les Yvelines-en-Brie. Neauphle-l'Éveux ou l'aqueux serait devenu Neauphle-le-Vieux. Actuellement l'appellation d'Yvelines est spécialement réservée à deux plateaux extrêmement humides : le champ d'Yveline ou Plaine des Petites-Yvelines entre la Serqueuse et les Plainvaux, et le massif forestier des Yvelines entre Rambouillet, Clairefontaine et La Celle-les-Bordes. Enclavés dans les régions humides, des endroits extrême- ment sableux comme les Tailles d'Épernon et les Buttes de Rochefort, ont fait partie de l'Yveline par extension; une partie de la Forêt Verte s'appelait la haute Yveline autrefois. Les deux chartes apocryphes de 768 et 774, délimitant le périmètre de la donation royale à l'abbaye de Saint- Denis, ne permettraient pas, même si on les tenait pour authentiques, de définir la région exacte dite Yveline au VIII siècle, puisqu'il s'agit d'une donation partielle portant aussi bien sur des terres que sur des bois. L'abbaye de Saint-Denis possédait certainement les bois de Chevreuse et de Trappes, Dampierre et Beaurain; l'abbaye de Saint- Benoît-sur-Loire avait déjà le territoire de Sonchamp (bois de Son champ, de Saint-Rémy, de la Reverderie, Loareux, Saint-Benoît); Childebert avait donné en 557 à Saint-Germain-des-Prés de nombreux bois autour de La Celle. Deux interprétations diverses ont été données de ces chartes, dont la plus récente est de 1936 et est très savante et vraisem- blable. La donation engloberait à peu près tout le massif forestier jusqu'à Rochefort. Partant de la butte de Mont-Pinçon dans le bois de , haut lieu où l'on a trouvé des vestiges gallo- romains, la limite passe à Egremont, Méré, La Millière, Haute-Bruyère, Coignières, Yvette, Cernay, La Celle-Saint- Germain, Moutiers et selon moi la Rabette ou Rochefort (Rosbiacum, peut-être le Resbacis flumen de la chronique de saint Arnould) et la Poterie (Putiolis?). De là la limite passerait à Pinceloup (Pucilitos, autrefois Puiseloup), Sonchamp, Orcemont, Hedvilliers, Rambouillet, Guéville, Les Brayes, Gazeran, Voisins, la butte de Chaumont, , Saint-Lucien, Senantes, Faverolles, Néron, Condé, Bourdonné, les marais de Vitry, et la Pierre Fitte (bois des Quatre- Piliers). Voilà, à mon sens ce qu'on peut retenir de plus probable, mais on aura une idée de la difficulté de l'interpré- tation quand on saura que Vetus Monastérium peut être aussi bien Vieille-Église que Moutiers; Frumentorilis, Fro- menteau ou Sonchamp; Levicias, Lévy-Saint-Nom ou Saint-Léger; Rosbiacum a été traduit par Ronqueux, Putiolis par Puits-Fondu et Pucillitos par les Piffaudières. Aureovallo peut être Orlande, comme Montem Presbyteri la Roche au Curé, comme Vennas la Maison Blanche près de Coignières; sauf pour les appellations certaines comme Rambouillet, Cernay, Auffargis, La Hunière, La Celle, il faut s'en remettre aux spécialistes; la toponymie est une science aussi passionnante que délicate et récente. Charlemagne ajoutait que les peaux des bêtes sauvages, cerfs et chevreuils, serviraient à couvrir les livres du monastère, et que leur chair réconforterait les religieux malades. Nul ne pouvait plus, sans la permission de l'abbé, chasser dans la forêt ou tendre pièges et lacets. " Si ces donations sont authentiques, il est certain qu'elles n'ont eu aucun effet, les Capétiens considérant l'Yve- line comme leur appartenant; on répond à cette objection que les rois faisaient des donations fictives pour faire échapper certains territoires à la convoitise de leurs compagnons, et qu'ensuite Hugues le Grand ou Hugues Capet, abbés de Saint-Denis, ont pu en profiter pour récupérer l'Yveline. C'est assurément ingénieux, seulement les chartistes jugent ces diplômes apocryphes; il faudrait penser alors que l'abbaye de Saint-Denis, voyant se dresser à l'ouest de ses posses- sions de Trappes et du Mesnil-Saint-Denis, la puissance des Comtes de Montfort, a voulu se créer un titre lui prêtant la propriété du reste de l'Yveline jusqu'aux possessions de Saint-Benoît. De ce que les bois à l'est de Rochefort et de Saint-Arnoult ne sont pas compris dans les donations du VIII siècle, on ne saurait inférer que la voie romaine Palaiseau-Ablis servait de limite entre l'Yveline et le Hurepoix comme on l'a parfois avancé. Et il faut protester énergiquement contre la fantaisie des géographes modernes qui vont jusqu'à placer dans le Hurepoix la région entre Rambouillet et Montfort. L'Yveline est une forêt, dont le nom d'origine celtique nous est connu dès le VIII siècle. L'appellation mystérieuse de « Hurepoix (Outre-Pont, Outre Pays?) » n'apparaît que dans les textes du XII siècle, et désigne toute la région comprise entre Seine et Loire, y compris le Paris de la rive gauche. En 1268 on dit le Parisiensis en Hurepoix; dans la chanson des Saxons, au XIII siècle, on distingue les barons Hérupoix de ceux du Nord de la Seine. Il y eut un archidiaconé du Hurepoix. Ce terme devenu sans objet fut employé ensuite pour une région imprécise, d'abord entre Loire, Loing et Yonne qui fut rendue ensuite au Gâtinais, puis entre l'Orge, la Loire, la Juine et la Seine. Il restait un vocable ancien, dont les géographes ne savaient que faire et qui se localisait entre Corbeil et Limours. Les géographes n'ont jamais manqué d'imagination, et l'un des plus célèbres du XVI siècle, Pierre Estienne, n'hésite pas à placer dans le Gâtinais Rochefort-en-Yveline ! Au XVII siècle, on cherchait un terme pour qualifier la partie sud-ouest de l'Ile-de-France, entre Paris, Vernon, Dreux et Limours. On choisit d'abord l'Yveline, ainsi qu'en témoigne le grand atlas de Blaeu de 1636 où le géographe Damien de Templeux donne une carte du «pays et forêt d'Yveline, que quelques-uns mettent pour la partie septentrionale du Hurepoix »; dans l'édition de 1735 du même atlas, le mot Hurepoix s'est substitué à Yveline pour désigner la région entre l'Epte, Dreux, Étampes, Mont- lhéry, Paris. Au XVIII siècle, Expilly, et au XIX siècle l'historien dourdanais Guyot proclament Dourdan capitale du Hure- poix. C'est bien fantaisiste, Dourdan-en-Yveline ou Dourdan-en-Beauce seraient plus exacts. Toutefois, au point de vue historique, le domaine royal de Dourdan a eu une existence séparée, entre le XIII siècle et le XIX siècle, du reste de l'Yveline. C'est pourquoi l'étude de l'Yveline se consacre surtout à celle de la forêt domaniale de Rambouillet, pour laquelle la documentation est la plus capitale, mais l'Yveline va de Thoiry, Beynes et Orgerus au Plessis-Saint-Benoît et à Bruyère-le-Châtel. Nous n'aurons garde de terminer la période mérovingienne sans citer un accident de chasse célèbre, la mort du roi Carloman en 884, tué au cours d'une chasse au sanglier dans l'Yveline. Cela se passa à Mons Æricus, qui semble bien être Montlhéry, car l'Yveline s'étendait jusque-là. On ne sait si le prince fut blessé par imprudence ou intention- nellement par un de ses leudes qui visait l'animal. Martin, visionnaire à Gallardon sous Louis XVIII, a bien accusé ce roi d'avoir voulu tuer son frère Louis XVI au cours d'une chasse aux environs de Saint-Hubert, mais cela reste douteux, car, nous le verrons, le comte de Provence était piètre chasseur. On voit encore dans le cimetière de Montfort-l'Amaury, une inscription tumulaire rappelant que le défunt, gentilhomme de Charles X, était le fils d'un marquis qui avait eu l'honneur d'être tué à la chasse par le Dauphin, fils de Louis XV; accident qui avait dû être productif pour la famille. En 1888, quand le président Carnot blessa un général de brigade au cours d'un tiré à Rambouillet, il le fit passer général de division; c'est probablement par prudence que les derniers présidents de la République s'abstenaient de participer aux chasses officielles autrement que pour présider le déjeuner. II

LE MOYEN AGE

Si les défrichements de forêts ont commencé dès la fin du néolithique, ils vont s'accentuer au moyen âge sous l'influence des moines. Vers le XI siècle, la presque totalité de l'Yveline est en la possession d'Abbayes. Celle de Saint-Denis prétend avoir l'ensemble de la forêt, mais ou bien elle exagère ses droits ou bien ils sont purement nominaux, car, hormis les bois de Trappes et de Chevreuse, les rois usent en propriétaires de toute la forêt nord. On l'a vu, ils avaient coutume de céder à l'Église des biens qu'ils craignaient de se voir réclamer en cadeaux par leurs fidèles; de plus, il y avait des arrangements avec le ciel. Hugues le Grand, duc de France (qui est mort à Dourdan), et son fils Hugues Capet, seront abbés de Saint-Denis, et les principaux seigneurs de la région en deviendront les avoués. Selon le polyptique d'Irminon (IX siècle), l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés avait deux fiscs en Yveline : Béconcelles, qui est Orgerus (au XVIII siècle, on trouvait encore dans la forêt des Quatre-Piliers les bois et viviers de Béconseil), et La Celle-Yveline, qui est La Celle-les-Bordes. L'abbaye possédait autour de La Celle une forêt de 5 lieues de tour où pouvaient être engraissés mille porcs. Cette forêt me paraît représentée principalement par tous les bois qui sont encore actuellement sur le territoire de la commune de La Celle-les-Bordes. Certains de ces bois sont passés par la suite, partie à l'abbaye des Vaux de Cernay, partie aux seigneurs de La Celle et de Boullon-lez-Rochefort (Bullion). Les Capétiens vont multiplier les donations aux XI et XII siècles, pour faciliter leurs luttes contre les seigneurs de l'Ile-de-France; Saint-Magloire aura Méré, Les Essarts, Poigny, La Boissière-en-Yveline, Grosrouvres, , La Charmoie (depuis la Haute ville), Guiperreux, c'est-à-dire les lieux qui bordent le domaine resté royal en fait, et par où passent les principales voies de communications à travers la forêt. L'abbaye de Saint-Benoît aura le bois de ce nom, et les bois de Sonchamp, paroisse qui est d'une vaste étendue, actuellement la plus grande commune de Seine-et-Oise, paraît-il. Louis VII, qui se serait perdu à la chasse, ce qui arrivera souvent à ses successeurs, aurait créé près de Dourdan, l'abbaye de l'Ouïe (c'est-à-dire que ce sont les clercs qui ont traduit arbitrairement Loya par Auditorium) parce qu'il se serait retrouvé grâce à un bruit perçu miraculeusement; cette abbaye a donné son nom à un massif forestier, et grâce à l'incurie des Pouvoirs publics au XIX siècle, l'enclave des biens de l'abbaye subsiste encore actuellement comme propriété privée parmi les bois de l'État. Le prieuré de Saint-Thomas-d'Épernon a le bois du Prieuré et le Bois-Dieu dans les Rabières; plus tard les dames de Saint-Cyr auront le Bois-Dieu dans les Tailles de Mareil. Dès que l'abbaye des Vaux de Cernay s'est installée dans le Val de Bric-Essart, elle s'arrondit avec la Grande Haie (les Vindrins), le bois des Vignes, la Petite Haie (de Neauphle, 1118, ainsi nommée parce qu'elle fut donnée par Simon de Neauphle), les bois Tivernon, Prieur, des Gaules, des Charmes, la Petite Forêt, les Besnières, les triages des Sangliers et de la Grande Brèche, les ventes de la Mare Gabard et des 40 Arpents, le bois du Fouilleux vers Rochefort, etc. L'abbaye de Neauphle a la Grange du Bois rachetée en 1577, le bois Renoult (1261), le bois Nivert (1322), celle de Joyen- val a le bois de la Malmaison. A Clairefontaine, Saint-Rémy-des-Landes possède le bois de ce nom et le champtier de Maubuisson; l'abbaye de Clairefontaine possède le Schepoix, les Petites Ventes ou Bois Brûlé, le bois aux Moines près de la Poterie et la plaine de Corbet près des Bréviaires. Le prieuré de Grandchamp a la Vente aux Moines près de Gambaiseuil; l'abbaye de Cléry a le bois de ce nom près d'Ablis, celle de Port-Royal a les deux fermes de Porrois ou Pourras près des Plainvaux et d'Orphin. L'abbaye des Moulineaux a 36 arpents à la Charmoie (1202) et les bois qui environnent ses murs jusqu'à la vieille voie qui longe les anciens fossés (1222); cette abbaye comprend en 1556 corps d'hôtel, chapelle, cour, jardin, moulin à