du Cheminla lettre des Dames BULLETIN d’INFORMATION édité par le CONSEIL GÉNÉRAL de l’ - N° 8

Le

En fait le Chemin des Dames a accom- pagné ma vie professionnelle. Elève officier à Saint-Cyr, je dé- couvrais en 1966 le livre de R. G. Nobécourt sur les fantassins du Chemin des Dames. Sous-lieutenant en école d’application, je complétais mon information à Montpellier en 1967 en me plongeant dans le livre de Guy Pedroncini, Les mutineries de 1917. Comment ne pas être interpellé par ce drame si singulier et essayer de le comprendre au moment de consacrer sa vie à la carrière des armes ? J’arpentais physiquement le plateau pour la première fois en 1971 après un saut de nuit à , et n’y revins qu’en 1980, stagiaire à l’Ecole de Guerre. Mais c’est ma nomination comme chef de corps du 6/7 en 1988 qui me fit ressentir com- bien ces lieux: , plateau de Californie, , , étaient des lieux hantés. J’ai eu le temps de subir leur envoûtement en les parcourant désormais sereins, paisibles, verdoyants mais si pleins d’une souffrance indicible. Aussi un jour j’emmenai tout le régiment œuvrer à nettoyer et restaurer les monuments en utilisant la force de frappe des 1 000 appelés du régiment, préalablement informés sur le drame passé. Je croyais avoir tourné définitivement la page en 1990, mais d’une manière inattendue, c’est ma fonction de chef du Ser- vice historique à Vincennes de 1997 à 2000 qui a provoqué mon nouveau rendez-vous avec ce lieu pour moi mythique. En novembre 1998, Lionel Jospin, depuis Craonne, évoquait les « fusillés pour l’exemple ». Ma décision était prise. Je me devais d’éclaircir historiquement ce douloureux problème. C’est ainsi que je me suis consacré à l’étude de la répression pendant la guerre. Depuis près de six ans, surtout depuis ma retraite, le Chemin des Dames m’accompagne dans mes réflexions. Et j’y reviens dorénavant tous les ans.

Général André BACH

Après des études au lycée de Béziers, André Bach devient saint-cyrien (Promotion lieutenant-colonel Driant). Officier parachutiste à Pau, puis colonel com- mandant le 67e Régiment d’infanterie à , il est nommé ensuite à la tête du Service historique de l’Armée de Terre (actuel Service d’Histoire de la Défense). Aujourd’hui à la retraite, il est notamment Images du film «Le Fusillé de 1917» réalisé en juillet l’auteur de Fusillés pour l’exemple (1914-1915) et 2005 par Jean Bigot pour l’exposition «Au nom du Peu- de Histoire de l’Armée française. deux ouvrages ple français...». parus aux éditions Tallandier. sites sites et monuments et monuments Le monument du 27e BCA Le cimetière italien de Soupir à Braye en Laonnois 593 combattants italiens tombés lors des combats de l’automne 1918 reposent au pied du Chemin des Dames. Sur le lieu des combats de juin 1940,

c’est un mémorial commun aux deux guerres mondiales. S oupir : 282 habitants au recense- donne italiane alla memoria dei loro ment de 1999 et plus de 20 000 morts fratelli caduti in terra francese a gloria des deux guerres mondiales, répartis d’Italia commosse e reconoscenti po- D imanche 31 août 1947. Il règne une dans quatre cimetières militaires, sans sero - xx settembre MCMXXI» qu’on animation inhabituelle sur le plateau Les combats oublier quelques dizaines de tombes peut traduire ainsi : «Elevé le 20 septem- qui domine Braye en Laonnois et le ca- britanniques dans le cimetière commu- bre 1921 avec émotion et reconnaissance nal de l’Aisne à l’Ailette, entre la Croix des 5 et 6 juin 1940 nal. Quatre cimetières militaires : deux par les femmes italiennes à la mémoire sans tête et la ferme de la Cour Soupir. français, un allemand et un italien. de leurs frères tombés en terre française C’est un véritable ballet de camions D’abord engagé depuis le 20 mai pour la gloire de l’Italie». militaires, d’autocars et de voitures dans le secteur -Pinon, Les Italiens Creé en 1920, ce dernier est, avec celui officielles d’où descendent le préfet de le 27e BCA prend position le 2 juin de Chambrecy-Bligny au sud de Reims, Un examen attentif de l’inscription Haute-Savoie, le préfet de l’Aisne et au soir, une quinzaine de kilomè- au Chemin des Dames l’un des deux cimetières militaires ita- montre que sous le mot «francese», on le général Béthouart, qui commande tres plus à l’est, sur les hauteurs liens de la Première guerre mondiale en peut déchiffrer «staniera» (étrangère). Bien qu’alliée de l‘Allemagne et de . C’est aussi le plus petit avec ses La rectification qui se veut politique- alors les troupes françaises d’occupa- entre Soupir et Braye-en-- l’Autriche-Hongrie depuis 1882, l’Italie 593 tombes blanches dont les croix se ment correcte n’est pas récente. Elle tion en Autriche et qui a fait le voyage nois. Le poste de commandement se déclare pourtant neutre en août 1914. dressent sur un petit socle en ciment. figure déjà dans «I soldati italiani in avec de jeunes chasseurs alpins du 27e et le poste de secours sont instal- Mais elle rentre en guerre dès le prin- Un drapeau italien y flotte en perma- Francia», un guide édité par le Touring- BCA. lés à la ferme de la Cour Soupir. temps 1915 aux côtés de la France et de nence. club italien à Milan en e Le commandant de la 28 divi- la Grande-Bretagne, après avoir reçu par 1931, dans le volume On imagine la suite du programme : sion d’infanterie alpine à laquelle le traité de Londres l’assurance de voir Le portail a perdu «Les hauteurs dominant d’une série qui est le discours et allocutions, lever des cou- appartient le 27e BCA lui a fixé ses principales revendications territo- depuis l‘établisse- Soupir et rap- pendant de nos Guides leurs, chants militaires (la marche de riales satisfaites («terres irrédentes» du clairement sa mission : «occu- ment de la Répu- pellent étrangement les Michelin des champs Sidi Brahim, le Chant des Glières et le per, tenir et défendre le quartier de Trentin et de la côte adriatique). blique en 1946 une de bataille. Chant des Partisans), messe en plein Soupir, sans esprit de recul, en vue partie de l’inscription premières pentes de no- Début 1918, conformément à ses enga- air, et pour conclure, un banquet de d’interdire à l’ennemi le franchisse- d’origine avec les ar- «Les hauteurs dominant Mme Romieu dévoile le monument gements et malgré les difficultés qu’elle tre plateau du Karst, au- 150 couverts à l’école de Braye. moiries de la Maison Soupir et Chavonne», ment du canal». éprouve après le désastre de Caporetto royale de Savoie. Au dessus de l’Isonzo». peut-on lire aussi dans (octobre 1917), l’Italie envoie sur le front centre du cimetière, ce même guide «rap- Cette cérémonie grandiose est la pre- Le monument veut réunir dans un L’attaque allemande commence le français plus de 40 000 hommes en Guide du Touring-club italien (1931) un double livre de pellent étrangement mière inauguration depuis longtemps même hommage les combattants de la 5 juin au matin. Après deux jours même temps que des milliers d’ouvriers bronze ouvert relate les premières pentes d’un monu- Grande Guerre, de combats acharnés, les pertes dans les compagnies d’auxiliaires mili- en italien et en français les opérations de notre plateau du Karst, au-dessus de ment commé- «A la mémoire de nos morts ceux de 1939- sont lourdes : 5 sections hors de taires. Le 10 avril, le 2e corps d’armée des troupes italiennes en France. l’Isonzo». On ne peut imaginer plus bel moratif sur le 1940 et ceux de combat, plusieurs officiers et des commandé par le général Albricci arrive 1914-1918 1939-1945 hommage : l‘Isonzo, cette rivière du Chemin des Belgique, Alsace, Picardie, Savoie, Champagne» la Résistance. en France. Il comprend deux divisions dizaines de chasseurs tués. Les Au fond, un petit monument est cou- nord-est de l’Italie dont la vallée fut le Dames. Dédié d’infanterie (la 3e et la 8e). Lors de la munitions sont presque épuisées, ronné par une émouvante composition théâtre entre 1915 et 1918 de terribles Seconde bataille de la Marne, les Ita- à la mémoire des morts de deux uni- Depuis plus de 50 ans, la commune de les hommes souffrent de la soif. du sculpteur Gian. On y voit trois têtes, affrontements avec les Austro-hongrois e e liens participent aux combats au sud de tés de chasseurs alpins, les 27 et 67 Braye n’a cessé d’entretenir des liens A 23 heures, ce qui reste du ba- celles d’un soldat et de deux femmes et Austro-allemands, c’est la Marne des Reims. BCA, il a été élevé à l’emplacement du avec les chasseurs alpins par des céré- taillon reçoit l’ordre de décrocher éplorées, avec l’épitaphe suivante «Le Italiens. PC du lieutenant Romieu à la tête de la monies périodiques et par le baptême et de se replier au sud de l’Aisne. Le 22 septembre 1918, des éléments 2e compagnie du 27e BCA qui a été tué d’une rue. Le monument de la Croix italiens intégrés à la 5e armée française le 6 juin 1940. sans tête a fait l’objet en 2002 d’une Quelques jours plus tard, le 10 sont en ligne sur l’Aisne. Le 30 septem- L’entrée du cimetière en 1930. (DR) véritable restauration. Depuis cette juin, le lieutenant Georges Court bre, ils se lancent à l’assaut des hauteurs Monument et calvaire à la fois. Les date, deux urnes contenant de la terre peut écrire à sa famille : «Je suis de Chavonne et prennent Soupir le 1er deux hautes branches conçues par d’Alsace et des Glières ont été à nou- encore vivant et intact avec quel- octobre, avant d’être bloqués du 4 au 10 l’architecte André Lavorel (1917- veau solennellement scellées dans le ques autres de notre pauvre et hé- octobre dans le ravin de Braye avec de 2003), un chasseur qui avait combattu monument rénové lors d’une cérémo- roïque bataillon au sortir de jour- lourdes pertes. Le 11 octobre au matin, ici même en juin 1940, forment en nie le 15 septembre 2002. Les abords nées infernales. Nous ne savons les Italiens prennent pied sur le plateau creux une longue croix latine. du monument ont été également pas, les rescapés, si notre calvaire et occupent Cerny-en-Laonnois. Fran- aménagés avec tables et panneaux est fini, mais je sais maintenant que chissant l’Ailette, ils progressent en di- A la base du monument, deux niches d’information. le plus dur est fait. (...) Il me reste rection de Sissonne, mais ils se heurtent 2 ont été prévues pour accueillir deux ur- ma chair intacte et c’est un vrai mi- jusqu’au début novembre à une forte ré- 3 nes remplies de la terre de deux lieux racle !» sistance allemande sur la ligne Hunding. où les « diables bleus » ont combattu : Le 11 novembre 1918, après avoir libéré de la terre d’Alsace rappelant les com- plusieurs communes de l‘Aisne dont bats de Maimont de 1939-1940, et de Rozoy-sur-Serre, ils sont à Rocroi. la terre du plateau des Glières où plus Après cinq mois de combats, le corps de 400 hommes, pour beaucoup venus expéditionnaire italien en France peut du 27e BCA, avaient constitué un ma- 18 septembre 2005 : compter ses pertes : 10 000 blessés et quis au-dessus d’Annecy avant d’être une cérémonie rassemble à Braye plus de 5 000 morts, dont 350 seule- anéantis par les Allemands et la Milice chasseurs alpins ment ont été rapatriés en Italie. fin mars 1944. du 27e BCA et Alpini italiens. information novembre/déc. 2005

Caverne du Dragon agenda Saison 2005 Vendredi 11 novembre jusqu’au 18 décembre inclus à 17 heures à la Mairie de Craonne : Musique et Danse en Picardie - ASSECARM présente en création mondiale Horaires d’ouverture : 10h - 18h du mardi au dimanche (fermeture le lundi) Cercles de douleur (Circles of grief) Départ des visites (guidées uniquement) Trois lettres de la Grande Guerre toutes les 30 minutes (sauf à 12h30). pour récitant, voix, clarinette solo, percussions & orchestre à cordes Dernière visite à 16h30. de Pierre THILLOY (opus 134) sur un texte de Allen J. Frantzen (Chicago - Illinois) Ouverture exceptionnelle jusqu’à 20 h le par l’Orchestre des Jeunes et l’Ensemble vocal du Conservatoire de Laon 11 novembre. (direction : Michel Pozmanter) Fermeture annuelle jusqu’au 31 janvier Entrée libre 2006 inclus. Visites pour les groupes uniquement à partir du 17 janvier.

Information/Réservation : Espace muséographique de la Caverne du Dragon 02160 Oulches-La Vallée Foulon Tél. 03 23 25 14 18 - Fax 03 23 25 14 11 Email : [email protected]

Dimanche 13 novembre de 10 heures à 18 heures à la Mairie de Craonne

3e journée du livre 14-18

• Des historiens présentent et dédicacent leurs livres : André Bach, Antoine et Madeleine Bosshart, Rémy Cazals, François Cochet, Jean-Noël Grandhomme, Jean-François Jagielski, Denis Rolland, Nicolas Offenstadt, Philippe Olivera, Emmanuelle Picard, Antoine Prost et Frédéric Rousseau. • Vente de livres anciens sur 14-18. Renseignements : 03 23 20 34 83

Vient de paraître : Actes du colloque «La Grande Guerre - Pratiques et expériences» (Craonne- Soissons 12 et 13 novembre 2004) orga- nisé par la Fédération des sociétés d’his- Exposition présentée à l’Espace toire et d’archéologie de l’Aisne muséographique de la Caverne du Dragon du 25 octobre 2005 au 30 avril 2006 avec le soutien financier du Conseil Entrée libre général de l’Aisne et la participation du Conseil régional de Picardie, de la Ville de Soissons, des universités de Toulouse- Fort de Condé Le Mirail et Montpellier III. Un ouvrage publié sous la direction de Rémy Cazals, Saison 2005 jusqu’au diman- Emmanuelle Picard et Denis Rolland aux che 13 novembre inclus. éditions Privat. 416 pages. 25 euros. Réouverture le 15 avril 2006. Jusqu’au 15 avril, l’accès est possible pour les groupes (30 personnes mini- La Lettre d’information mum), uniquement sur réservation. 4 du Chemin des Dames Information/Réservation : Directeur de publication : Yves Daudigny Fort de Condé Rédaction Guy Marival 02880 Chivres-Val Photos : Jean Bigot, Tél. 03 23 54 40 00 - Fax : 03 23 54 40 04 Mairie de Braye-en-Laonnois, Guy Marival Remerciements à M. Gérard Dagry et à Email : [email protected] Anne-Marie Camus Conception graphique Laurence Moutarde Vous souhaitez réagir à cette lettre, demander à en être destinataire... Réédition janvier 2015 : Contact : Mission animation du Chemin des Dames - Conseil général - Rue Paul Doumer - Imprimerie du Conseil général 02013 LAON Cedex - Tél. 03 23 24 88 39 - [email protected] de l’Aisne