Master

Gros plan sur les méchantes. La figure du Mal au féminin au travers des longs métrages du cinéma d'animation de la production

LEGERET, Marine, NICIC PORTELLI, Giuditt, VON AARBURG, Jill

Abstract

Notre travail de mémoire est une recherche de type théorique – documentaire. A l’aide de six longs métrages d’animation issus de la production Walt Disney (Blanche-Neige et les Sept Nains, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Merlin l’enchanteur, La Petite Sirène et Kuzco l’empereur mégalo), nous analysons six représentations du Mal au féminin (La Reine, la Marâtre, Maléfique, Madame Mim, Ursula et Yzma), afin d’en extraire les caractéristiques de la figure de la méchante. Nous observons l’évolution de cette figure à travers le temps et les productions au moyen d’une grille d’analyse critérielle. De plus, et afin d’ancrer davantage notre mémoire dans les Sciences de l’Education, nous confrontons nos résultats aux avis de trois enseignants primaires. De cette manière, nous extrayons différentes pistes d’action et de séquences à mener en classe. Enfin, cette recherche présente de façon détaillée la figure de la méchante et apporte des outils pour l’analyse de l’image.

Reference

LEGERET, Marine, NICIC PORTELLI, Giuditt, VON AARBURG, Jill. Gros plan sur les méchantes. La figure du Mal au féminin au travers des longs métrages du cinéma d'animation de la production Walt Disney. Master : Univ. Genève, 2011

Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17946

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TITRE/SOUS-TITRE

"Gros plan sur les méchantes"

"La figure du Mal au féminin au travers des longs métrages du cinéma d'animation de la production Walt Disney"

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

LICENCE MENTION ENSEIGNEMENT Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres figurant dans le guide des étudiants

PAR

Marine Légeret

Giuditt Nicic Portelli

Jill von Aarburg

DIRECTEUR DU MEMOIRE

Anne Perréard Vité Christophe Ronveaux

JURY

Isabelle Collet Katja Grimm Anne Perréard Vité Christophe Ronveaux LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE JUIN 2011

UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

RESUME

Notre travail de mémoire est une recherche de type théorique – documentaire. A l’aide de six longs métrages d’animation issus de la production Walt Disney (Blanche-Neige et les Sept Nains, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Merlin l’enchanteur, La Petite Sirène et Kuzco l’empereur mégalo), nous analysons six représentations du Mal au féminin (La Reine, la Marâtre, Maléfique, Madame Mim, Ursula et Yzma), afin d’en extraire les caractéristiques de la figure de la méchante. Nous observons l’évolution de cette figure à travers le temps et les productions au moyen d’une grille d’analyse critérielle. De plus, et afin d’ancrer davantage notre mémoire dans les Sciences de l’Education, nous confrontons nos résultats aux avis de trois enseignants primaires. De cette manière, nous extrayons différentes pistes d’action et de séquences à mener en classe. Enfin, cette recherche présente de façon détaillée la figure de la méchante et apporte des outils pour l’analyse de l’image.

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

Université de Genève FAPSE : Section des Sciences de l’Education Licence Mention « Enseignement » Année Académique 2010-2011

« Gros plan sur les méchantes »

« La figure du Mal au féminin au travers des longs métrages du cinéma d’animation de la production Walt Disney »

Mémoire de Licence

Jury : Anne Perréard Vité (co-directrice) Christophe Ronveaux (co-directeur) Isabelle Collet Katja Grimm

Giuditt Nicic Portelli Marine Légeret Jill von Aarburg Rue Saint-Ours 5 Ch. Du Vieux-Vésenaz 41 Rte de Vandoeuvres 84 1205 Genève 1222 Vésenaz 1253 Vandoeuvres [email protected] [email protected] [email protected]

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

Remerciements

Tout d’abord, nous souhaitons remercier vivement Madame Anne Perréard Vité et Monsieur Christophe Ronveaux, co-directeurs de notre travail de mémoire, pour leur soutien, implication et disponibilité tout au long de notre démarche.

Nous remercions également les membres de nos familles et nos amis pour leur compréhension, soutien et encouragements durant ces deux années de travail. Nos moments de doutes et de découragements ont, grâce à vous, été de courte durée.

Nous tenons aussi à dire merci à Céline De la Cruz et Viviane Jalil pour leur aide lors de la réalisation de page de garde de notre mémoire. Leurs connaissances en informatique ont été d’une grande aide pour le montage photo de l’image. Ainsi qu’à Mme Magnenat pour ses apports sur l’analyse de l’image.

Enfin, un grand merci aux enseignants de l’école primaire de Pré-Picot pour leur franchise, disponibilité et collaboration lors de l’entretien de recherche qui nous a offert un nouveau regard sur nos résultats.

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Table des matières

1. Introduction ...... 6

2. Cadre théorique...... 9 2.1. Le méchant, une figure...... 9 2.2. Le Mal au féminin, la méchante...... 10 2.3. Une encyclopédie culturelle ...... 12 2.4. Formation générale et MITIC ...... 14 2.5. Un conte merveilleux ...... 15 2.6. Le schéma quinaire et la structure narrative...... 16 2.7. Walt Disney, sa vie, ses méchantes...... 17 2.8. Pour terminer...... 20

3. Problématique et questions de recherche...... 21 3.1. Problématique de recherche ...... 21 3.2. Questions de recherche...... 22

4. Méthodologie...... 23 4.1. Une recherche qualitative, deux volets complémentaires de recherche...... 23 4.2. Déroulement et démarche d’analyse ...... 25 4.2.1. Le volet filmographique...... 25 a. Fiches techniques ...... 27 b. Explicitation des items (grille vierge en annexe)...... 34 c. Grille d’analyse détaillée ...... 35 4.2.2. Le volet pratique...... 37 a. Choix de démarche...... 37 b. Méthodologie de récolte et de traitement des données ...... 37 4.3. Déroulement de la recherche...... 40

5. Analyse des personnages...... 44 5.1. Analyse des grilles produites...... 44 5.1.1. Blanche-Neige et les Sept Nains : la Reine...... 44 a. Résumé de la fabula ...... 44 b. Interprétation ...... 45 5.1.2. Cendrillon : la Marâtre ...... 53 a. Résumé de la fabula ...... 53 b. Interprétation ...... 54 5.1.3. La Belle au bois dormant : Maléfique...... 61 a. Résumé de la fabula ...... 61 b. Interprétation ...... 61 5.1.4. Merlin l’enchanteur : Madame Mim ...... 72 a. Résumé de la fabula ...... 72 4

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b. Interprétation ...... 73 5.1.5. La Petite Sirène : Ursula...... 81 a. Résumé de la fabula ...... 81 b. Interprétation ...... 81 5.1.6. Kuzco, l’empereur mégalo : Yzma ...... 89 a. Résumé de la fabula ...... 89 b. Interprétation ...... 89 5.2. Comparaison des analyses...... 101 5.3. Discussion des résultats...... 112 5.3.1. Ce qui est permanent chez nos six méchantes...... 112 5.3.2. Ce qui change chez nos six méchantes...... 114 5.3.3. Premier bilan ...... 115

6. Entretien collectif ...... 116

7. Conclusion...... 122

8. Références bibliographiques ...... 125 8.1. Ouvrages...... 125 8.2. Webographie ...... 126 8.3. Filmographie ...... 126

9. Annexes ...... 127

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1. Introduction

Notre recherche se compose d’un travail d’analyse sur les représentations féminines de la figure du méchant au travers de six longs métrages pour enfants de la maison de production Walt Disney. Nous nous intéressons en particulier aux caractéristiques des méchantes dans ces films pour enfants et nous souhaitons mettre en avant leurs représentations au moyen d’une grille critérielle d’analyse (apparence, comportement, environnement,…) servant alors de support à une analyse plus détaillée de chacune de nos méchantes. Notre volonté est donc d’analyser, de décortiquer, de comprendre les différents aspects composant ces personnages féminins afin d’en dégager ce qui permet leur identification et leur classification en tant que méchantes et figure du Mal. Nous voulons ainsi mettre en avant les représentations de ces dernières pour pouvoir les comparer et voir, au final, s’il est possible de parler d’une évolution dans la manière de les représenter. De ce fait, nous centrons notre étude sur le personnage principal représentant le Mal dans chacun des films (six personnages au total). Cette thématique du Mal au féminin, dans ce type de longs métrages pour enfants, touche plusieurs objets tels que : le conte merveilleux, la figure du Mal, les méchantes, le Mal, ainsi que les systèmes de valeurs et de représentations dont nous parlerons plus en détails dans le cadre théorique. Ces différents éléments prennent également une place au sein de nos analyses de personnages et, au final, permettent de comprendre si, dans une certaine mesure, il est possible de constater une évolution des représentations de la méchante dans ce type de films.

Notre mémoire se veut de type théorique (documentaire) et se fonde sur un corpus de six films de Walt Disney sélectionnés en fonction de divers critères qui sont présentés dans la partie « méthodologie » : Blanche-Neige et les Sept Nains, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Merlin l’enchanteur, La Petite Sirène et Kuzco, l’empereur mégalo. Dans ce sens, notre démarche ne prévoit pas une application concrète et directe sur le terrain scolaire. Cependant, nous souhaitons proposer, en fin de recherche, quelques pistes et activités pratiques pour la classe au travers de discussions lors d’un entretien collectif avec des enseignants, afin de confronter nos résultats avec la réalité du terrain scolaire et de proposer des apports pour notre pratique future. Ainsi, deux volets composent notre recherche : le premier s’intéressant à l’analyse des représentations des méchantes et le deuxième discutant cette analyse avec des enseignants du terrain scolaire.

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De plus, notre recherche s’inscrit, d’une part, dans le domaine de la didactique des disciplines et en particulier celle du français dans son sens large. En effet, le lien avec le Français I s’illustre par le fait que nous effectuons une analyse de personnages représentatifs du Mal et donc de la figure de la méchante, à l’image de l’analyse de personnages des albums de jeunesse. Ensuite, les personnages sont en lien avec l’encyclopédie culturelle des enfants, comme détaillé dans le cadre théorique, et demandent une analyse particulière pouvant se faire grâce à la « grammaire de l’image » et à l’analyse des films d’animation. Notre recherche s’inscrit, d’autre part, dans le domaine de l’Education aux médias (MITIC) au travers des objectifs visés qui seront détaillés dans le cadre théorique. Ces différents aspects rejoignent la finalité de notre recherche qui peut alors s’inscrire dans une forme d’Education aux médias.

Notre intérêt pour cette thématique a été suscité lors du Séminaire de préparation au mémoire. En effet, M. Ronveaux a souligné le manque de représentations de familles recomposées ou monoparentales dans les albums de jeunesse, compte tenu du fait qu’actuellement, il s’agisse de situations courantes. En sortant de ce cours, nous avons constaté qu’à l’inverse des albums de jeunesse, les films pour enfants, tels que Blanche-Neige et les Sept Nains, Cendrillon ou encore La Petite Sirène contiennent une forte représentation de ces situations. Par la suite, nous nous sommes interrogées sur le statut de la belle-mère pour constater l’aspect malveillant du personnage. De ce fait, nous nous sommes focalisées sur l’écart entre ce type de méchant et ceux d’aujourd’hui. Au départ, nous pensions construire notre mémoire en partant du présupposé qu’il y a une corrélation entre l’évolution des préoccupations de la société et celle des représentations du méchant dans les films pour enfants. Cependant, au vu du travail d’analyse à effectuer et en regard de nos envies personnelles, nous avons décidé d’axer notre mémoire sur l’analyse de l’évolution des représentations de la figure du Mal au féminin. De plus, nous avons choisi de nous focaliser sur les représentations des méchantes dans les contes merveilleux qui constituaient, pour nous, un intérêt particulier comme nous l’exposons dans le chapitre concernant la méthodologie.

Les parties composant ce mémoire s’organisent de la manière suivante : pour commencer, les différents apports d’auteurs sont exposés dans notre revue de littérature pour construire notre base théorique.

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Par la suite, nous développons la problématique nous concernant ainsi que nos questions de recherche, pour ensuite présenter nos choix méthodologiques et les démarches effectuées. Puis, suit une partie analytique structurée en trois points : les analyses de personnages, leur comparaison et une méta-analyse concernant la discussion des résultats. Enfin, nous analysons un entretien collectif fait avec des enseignants au moyen d’une confrontation de points de vue sur notre recherche. Pour terminer, nous faisons un retour sur les questions de recherche au regard de nos analyses, lors de la conclusion.

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2. Cadre théorique

Dès lors que nous entrons dans notre thématique, de nombreux concepts sont à définir et à circonscrire. Ainsi, durant ce chapitre, nous définirons, entre autres, le Mal, les méchants et la figure, notions clés dans notre travail. Dans cette partie de notre mémoire, nous aborderons donc le cœur théorique en passant par une vue d’ensemble de la revue de littérature en lien avec notre sujet.

2.1. Le méchant, une figure

Tout d’abord, il est important de bien définir l’objet que nous étudions, il s’agit bien évidemment de la figure du méchant. Mais qu’est-ce qu’une figure et qu’est-ce que le méchant ? Dans son ouvrage Mais qu’est-ce qui passe par la tête des méchants ?, Fize (2006, p. 18) considère que ce n’est qu’au XIVe siècle que ce mot prend sa définition et connotation actuelle. Signifiant « tomber mal » ou encore « arriver malheur » par son origine latine « meschoir », ce mot acquiert, avec le temps, la signification moderne de « porté au mal ». Par la suite, l’auteur, témoignant de recherches dans de nombreux ouvrages de définitions, semble désireux de retenir la définition suivante : Dans son sens actuel, la méchanceté désigne le caractère de celui qui fait le mal intentionnellement et qui s’y complait. Il y a dans la méchanceté quelque chose de prométhéen (ou de diabolique) qui n’est pas nécessairement présent chez l’homme mauvais. (Fize, 2006, p. 18) Ainsi, nous retenons principalement, comme caractéristique du méchant, l’aspect intentionnel et celui de complaisance dans l’acte mauvais. Notre méchant tel que nous le concevons dès lors, éprouve une certaine jouissance dans le Mal et en retire grande satisfaction. De plus, dans l’ensemble de cette recherche nous nous intéressons particulièrement à la figure de ce méchant. Afin de mieux saisir l’implication de ce terme, nous nous référons au dictionnaire de langue française qui définit ce mot comme étant une « personnalité marquante » ou encore la « représentation plastique d’un être humain, d’un animal » (Petit Larousse en couleurs, 1991, p. 429). De plus, au terme de figure, nous ajoutons également celui de stéréotype. Défini par Tilleul dans l’ouvrage de Watthée-Delmotte Imaginaires du Mal, un stéréotype est un « jugement réducteur que nous portons sur autrui, c’est-à-dire comme une pratique sociale qui relève de l’éducation formelle et informelle et qui nous permet de garder l’autre à distance » (2000, p. 427).

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Il est important, dans le cadre de notre recherche, de bien préciser que nous étudions les différentes représentations dans le but d’établir clairement ce qu’est la figure de la méchante. Ainsi, et durant l’ensemble de notre travail, nous nous cantonnons à étudier les caractéristiques apparentes de la méchante, liées aux performances sémiotiques des créateurs de ces récits animés, et non ses aspects psychologiques. En plus, nous souhaitons donc nous pencher plus particulièrement sur ce qui fait que la méchante, par sa représentation (façon dont elle nous apparait à l’écran et dont elle a été pensée, confectionnée par les dessinateurs) devienne une figure. Il nous faut restreindre encore notre figure du Mal et cibler la figure du Mal au féminin. De ce fait, nous ne nous penchons que sur les représentations du Mal au féminin abandonnant toute représentation masculine du Mal. Ainsi, une autre question se soulève : qu’est-ce que cette figure féminine du Mal et comment se définit-elle ?

2.2. Le Mal au féminin, la méchante

Dans le but de mieux comprendre l’origine cristallisant la femme dans le rôle de la méchante, il nous faut remonter jusqu’au Moyen-âge. Cette période marque un réel tournant dans la perception du vice au féminin puisque c’est précisément durant ces années que l’on voit apparaitre un nouveau mot : sorcière. Issue de la tradition religieuse médiévale, cette nouvelle perception de la femme comme incarnation du Mal se justifie par le simple fait qu’elle est « créée à partir d’une côte, donc un os courbe, elle ne peut être pourvue que d’un esprit tors, tourné vers l’érotisme, c’est-à-dire la plus directe manifestation de l’Enfer » (Gervais, 2000, p. 99). Dès lors, il est possible de mieux comprendre la naissance de cette représentation maléfique qu’incarne la femme. Cependant, au cours de la Renaissance cette figure se complexifie et se duplique. En effet, la sorcière ou méchante peut alors revêtir deux aspects physiques distincts : « La sorcière vieille et laide, aux cheveux hirsutes, invoquant mille démons grâce à une marmite dont émerge un fémur humain » ou la femme « superbe, assise au centre d’un cercle magique » (p. 101). Au fil des années, ces deux figures de la méchante se sont, peu à peu confondues et il est possible d’observer, dans certaines histoires (notamment celle de Blanche-Neige et les Sept Nains) un changement physique de la sorcière la faisant paraitre parfois belle et dangereuse puis vieille et laide. Selon l’auteure Watthée- Delmotte, depuis la fin des années 1830 jusqu’à nos jours : « Le type féminin qui incarne le Mal a une véritable constance symbolique » (2000, p. 277). En effet, lorsque l’on se penche sur la littérature de cette époque, on constate, chez bon nombre d’auteurs, une volonté presque constante de témoigner de la dualité féminine. 10

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De cette façon, Victor Hugo, Charles Baudelaire, Gustave Flaubert, Alexandre Dumas et bien d’autres, ont su mettre en acte cette dualité, soit par deux personnages distincts, soit par des inconstances et des changements chez un même personnage. Ainsi, c’est suite à ses nombreuses analyses d’œuvres de ces différents écrivains que Watthée-Delmotte déclare que : La constance de ces personnifications féminines du Mal montre bien, au-delà de toute explication psychanalytique (la peur de la castration) et socioculturelle (à la fin du siècle, la montée du féminisme), que nous avons affaire à un archétype profond qui fait surgir, même dans les créations les plus réalistes, une véritable figure mythique. (2000, p. 287) Cependant, cette tendance s’est étendue bien au-delà de notre littérature contemporaine car, si l’on y regarde de plus près, la plupart de nos contes merveilleux s’inspirent de cette dualité du Mal au féminin et sont teintés de ces nombreuses représentations issues des mythes médiévaux et antiques. Bien évidemment, lorsque l’on s’adresse à un jeune public, il est difficile de sous-entendre cette dualité. C’est pourquoi, dans les nombreuses mises en scène destinées aux enfants à travers les films d’animations et dessins animés, la dualité de la femme est mise en image de façon quelque peu explicite. Il nous est alors fréquemment donné de voir la femme se transformer en créature satanique. De la sorcière au dragon, notre mythologie permet une foule d’associations possibles entre le personnage et ce qu’il représente ou doit représenter à nos yeux. A ce stade, il faut toutefois ajouter que la façon que nous avons d’appréhender le Mal est complexe. Comme nous l’avons dit plus haut, il est bien souvent de nature double. C’est précisément cette nature qui fait que la distinction entre bon et méchant est si souvent floue. Au fil de nos recherches, nous constatons alors que, tout comme le serpent dans le mythe d’Adam et Eve, le Mal est « une part de nous-mêmes que nous ne reconnaissons pas » (Watthée-Delmotte, 2000, p. 274), une « séduction de nous-mêmes par nous-mêmes, projetée dans l’objet de la séduction » (p. 274). Cela voudrait alors dire que, dans un certain sens, le Mal est presque justifiable. En effet, on constate que la grande majorité des méchants (toujours au sens où nous l’avons préalablement défini) trouve son motif dans son histoire. Plus nous avançons dans nos recherches, plus il devient évident qu’il est presque toujours possible d’éprouver une certaine pitié ou compréhension face au méchant. Ainsi, lorsque Watthée-Delmotte déclare : « Personne ne commence absolument le mal, on le trouve, il est déjà là » (p. 275).

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Cela fait non seulement référence à l’aspect mythologique et mythique de la naissance du Mal par Eve mais également à une notion bien plus contemporaine qui tend à évoquer la présence du Bon et du Mal en chaque individu.

2.3. Une encyclopédie culturelle

Et dans le contexte de la classe, des objectifs d’enseignement et d’apprentissage, des contenus scolaires, des disciplines d’enseignement, de quelle potentialité et légitimité didactique relève la figure ? De nombreux didacticiens définissent la lecture, entre autres, par sa dimension culturelle. La notion d’Encyclopédie personnelle, popularisée par Umberto Eco, parmi d’autres, a parfois été avancée pour cerner cette dimension culturelle de la lecture engagée dans l’apprentissage de la compréhension. L’encyclopédie dont nous parlons ici se définit plus particulièrement comme une banque de données mentales dont nous disposons tous pour mieux saisir ce que nous lisons. C’est précisément ce qui fait qu’à l’entente des mots « il était une fois » nous sommes presque certains d’entendre parler de princesses, dragons et sorcières. Dans son article Comprendre et interpréter le littéraire à l’école : du texte réticent au texte proliférant, Catherine Tauveron exprime l’importance de telles connaissances pour mieux s’approprier les différents contenus d’un texte littéraire. Ainsi, elle affirme qu’ : On ne saurait faire reposer la compréhension fine sur la seule capacité à faire des inférences. […] On doit aussi y inclure la capacité à trouver des connexions à partir d’une « série de règles équiprobables que propose la connaissance courante du monde ». (1999, p. 11) C’est précisément cette « connaissance courante du monde » qui est véhiculée par les différentes œuvres présentes dans notre corpus de films. Tout cela se justifie davantage lorsque l’on constate que la littérature concernant l’impact des contes sur le développement de l’enfant reste fort actuelle et diversifiée. En effet, nombreux sont les auteurs qui traitent aujourd’hui encore de cette thématique. Cependant, le plus célèbre dans ce domaine reste Bruno Bettelheim. Dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées paru en 1976, l’auteur postule déjà que l’enfant a besoin : D’une éducation qui, subtilement, uniquement par sous-entendus, lui fasse voir les avantages d’un comportement conforme à la morale, non par l’intermédiaire de préceptes éthiques abstraits, mais par le spectacle des aspects tangibles de bien et de mal qui prennent alors pour lui toute leur signification. C’est grâce aux contes de fées que l’enfant peut découvrir cette signification. (1976, p. 16)

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Ainsi, à travers les différents contes qui marquent nos jeunesses, l’enfant construit sa représentation du Bien et du Mal. Ces supports textuels sont, généralement, construits sur un schéma narratif simple, permettant à l’enfant de saisir qui est le héros et qui est le méchant. Ainsi, cette immersion dans les contes merveilleux permet aux enfants de se représenter la fonction de chaque personnage et d’en établir une sorte de loi. De cette manière, les enfants sont très vite amenés à postuler que le héros est à l’opposé du méchant et que son rôle dans l’histoire est de le combattre. Nonobstant une grande clarté dans les caractéristiques des personnages, les contes sont toujours teintés de l’histoire, de la religion et des croyances des populations qui les véhiculent. Ainsi, il est moins aisé pour un enfant occidental de saisir toute la morale d’un conte oriental et de même pour le cas inverse. Ce propos est longuement détaillé dans l’œuvre de Marie-Louise von Franz L’interprétation des contes de fées. Ainsi, et après lecture de cet ouvrage, nous avons choisi de nous concentrer sur les longs métrages d’animation d’origine occidentale où le Mal et sa figure sont proches de nos conceptions et de nos interprétations de la morale, bien que le monde anglo-saxon diffère par l’aspect explicite de ses interprétations des contes. Nous avons décidé de nous pencher exclusivement sur les œuvres de Walt Disney, proposant de nombreux personnages méchants. De ce fait, l’utilisation d’un support audiovisuel plutôt que celle d’un objet livre et textuel prend alors sa justification dans les propos ci-dessus car actuellement, l’image et l’audio-visuel contribuent grandement à la formation de ces connaissances encyclopédiques du monde. D’ailleurs, l’auteure Geneviève Djénati énonce, dans son ouvrage Psychanalyse des dessins animés, qu’: « Entrainés à cette explosion d’images, nous en sommes devenus les victimes consentantes ce qui n’exclut nullement le jugement. Intruse pour certains, amie ou compagnon de route pour d’autres, la télévision à insensiblement modifié les mentalités » (2001, p. 22). Elle ajoute également que : « Devenu un objet culturel partageable, toute production de cinéma ou de télévision influe sur la formation des esprits » (p. 23). Ainsi, il nous semble pertinent de nous intéresser à ce nouveau mode de transmission de références par l’image. Les différents dessins animés et plus particulièrement les œuvres de Walt Disney ont marqué les esprits de chacun. Si bien que Djénati précise dans son livre que « leur visionnage trop précoce (avant ou remplaçant l’histoire racontée) est à éviter : elle crée une stéréotypie des représentations qui se substitue à la créativité personnelle de l’enfant » (p. 216). Si l’on lit entre les lignes, il est alors aisé de comprendre que la force des personnages imagée par Walt Disney pénètre de manière permanente l’esprit des enfants (et celui des adultes également).

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En effet, quiconque a visionné La Petite Sirène ne se détache par si facilement de l’image de la sorcière des mers…

2.4. Formation générale et MITIC

Notre travail s’inscrit aussi dans le cadre du nouveau plan d’étude roman (PER). En effet, dans le domaine concernant la formation générale, il figure une importante partie au sujet de l’usage des MITIC en classe. Les élèves, avec l’essor des nouvelles technologies, sont de plus en plus confrontés à différents supports et médias. Il devient alors du rôle de l’enseignant d’amener les élèves à se familiariser à ces dites technologies. Le PER (2010) propose de nombreux objectifs concernant ce domaine de formation : « découverte des spécificités des différents supports médiatiques » (p. 32), « découverte des différents éléments entrant dans la composition d’un message médiatique » (p. 34), « découverte des éléments de base qui rentrent dans la composition d’une image fixe ou en mouvement » (p. 34), « sensibilisation au rapport entre l’image et la réalité » (p. 34), « confrontation des différentes réactions face à un message issu des médias et mise en évidence de ses propres critères de préférence » (p. 34) et « sensibilisation aux intentions d’un message en tenant compte du contexte de communication » (p. 34). Ainsi, différents objectifs en lien avec notre recherche sont développés dans la partie MITIC de la formation générale du Plan d’étude Romand. En effet, un travail particulier aux 2e et 3e cycles doit être effectué pour permettre aux élèves de « décoder la mise en scène de divers types de messages » : « en découvrant la grammaire de l’image par l’analyse de formes iconiques diverses » (p. 36), « mise en évidence des stéréotypes les plus fréquemment véhiculés par différents supports médiatiques » (p. 36) ou encore « découverte de la grammaire de l’image par l’observation de réalisations médiatiques significatives » (p. 36). Notre recherche est donc ancrée dans ce domaine de formation générale bien que prenant sa source dans la discipline Français I en regard du genre littéraire par lequel nous avons réalisé le choix du corpus (ceci allant être détaillé dans la partie suivante). Ainsi, et au vu des propos énoncés, il est, dès lors, légitime de postuler que les images des personnages (dans le sens défini plus haut) véhiculées par les longs métrages animés de Walt Disney sont, non seulement, constituantes de l’encyclopédie culturelle dont disposent les enfants, mais sont également à la base d’apprentissages et de compétences qui doivent, dès la rentrée 2011 être enseignées aux élèves des écoles romandes.

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2.5. Un conte merveilleux

Enfin, il reste encore un sujet que nous souhaitons aborder dans ce cadre théorique concernant le genre littéraire sur lequel repose le choix de notre corpus. Lors de nos recherches, nous nous sommes heurtées à un problème important : quels longs métrages choisir ? Compte tenu du cadre universitaire dans lequel s’inscrit notre travail, le temps dont nous disposions pour le réaliser ne permettait pas une recherche approfondie sur tous les longs métrages de production Disney mettant en scène un personnage maléfique féminin. De ce fait, certaines méchantes comme Cruella d’Enfer ou Médusa ont du être écartées de notre corpus d’analyse. Ainsi, nous avons fait le choix de ne nous concentrer que sur ceux étant issus du genre littéraire conte merveilleux. Ce choix n’est nullement le fruit du hasard. En effet, nous nous sommes d’abord interrogées sur la manière d’opérer une sélection judicieuse. L’entrée par le genre s’est alors imposée à nous par le simple fait que c’est, entre autres, de cette façon que l’on enseigne la langue française aux élèves. Dès lors que cela fut posé, plusieurs genres se sont présentés à nous : Le conte fantastique, le récit de science fiction et le conte merveilleux. Ce dernier nous a alors semblé parfaitement adapté à notre travail et regroupe la plupart des méchantes de la production Disney. Effectivement, le conte merveilleux se définit, selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia de la façon suivante : Le conte merveilleux, ou conte de fées, est un sous-genre du conte. Dans ce type de littérature interviennent des éléments surnaturels ou féériques, des opérations magiques, des évènements miraculeux propres à enchanter le lecteur, ou l'auditeur, dans le cas d'une séance de conte, généralement empruntée au folklore. La plupart des récits appartenant à ce genre littéraire ont circulé par le biais du bouche à oreille, avant d'être l'objet au XVIIe siècle de collectages, retranscriptions à l'écrit et de se retrouver relativement fixés dans leur forme et contenu. (2011) Le conte merveilleux se trouve également intimement lié à l’univers des enfants et, selon le Petit Larousse des Symboles, il est décrit comme « un récit initiatique, conçu non pour émerveiller ou terroriser l’enfant, mais pour le « faire grandir ». Il a une riche portée symbolique » (2008, p. 177) et des lieux comme la forêt s’y retrouvent souvent, véhiculant un message de dangers et de défis pour les personnages. Peu après le début de l’histoire, prend place une catastrophe initiale marquant l’origine de difficultés à surmonter lors de la suite du récit.

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Ces dernières peuvent symboliser « les épreuves qui attendent l’enfant ou l’adolescent » (p. 177) dans leur vie, à l’image de la séparation familiale présente dans de nombreux contes comme Blanche-Neige et les Sept Nains ou Cendrillon au travers de la belle-mère. Les auteurs expliquent que la menace ou les défis occupent une place importante dans les contes merveilleux car ils symboliseraient : Les difficultés de la vie réelle, par opposition à la vie paisible et heureuse qui est donnée comme norme du bonheur. […] Les héros, une fois surmontées ces épreuves diverses où ils ont côtoyé la mort, peuvent enfin jouir de la vie et connaitre le bonheur : l’amour, le mariage, les enfants. (2008, p. 179) De ce fait, une fin heureuse fait partie intégrante de ce type de récits et permettrait à l’enfant de comprendre qu’un message précis leur est adressé : Que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves attendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire. (2008, p. 180) Le conte porte alors en lui une force émotionnelle et symbolique particulière dont l’incidence sur l’enfant nous intéresse du point de vue de l’image qu’il en garde. Ainsi, ce genre littéraire témoigne à merveille des figures ou stéréotypes dont nous avons parlé plus haut. En effet, les œuvres de Walt Disney, issues des contes merveilleux, présentent un large éventail des stéréotypes de ce genre. Ils donnent à voir plusieurs représentations de sorcières, fées, monstres imaginaires célèbres et sortilèges en tout genre. De cette façon, nous procédons à une sélection critérielle qui oriente notre recherche dans une direction que nous pensons riche car il peut être intéressant de sensibiliser les élèves à ce genre par le biais des supports médiatiques. Cela permet alors une mise en situation quelque peu originale et pourrait, peut- être, faciliter l’entrée dans le genre pour certains élèves. Bien qu’il ne s’agisse que d’une simple supposition, nous pensons qu’il est judicieux et même indispensable pour notre travail de s’orienter du côté des contes merveilleux. Ainsi, notre sélection de corpus est réalisée sur les critères suivants : longs métrages de production Walt Disney issus du genre conte merveilleux et comportant un personnage méchant féminin.

2.6. Le schéma quinaire et la structure narrative

Pour entrer plus en détail dans le conte, il faut savoir que souvent, comme la narration nous est familière, ses composantes peuvent sembler évidentes aux lecteurs avisés.

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Cependant, nous souhaitons ici vous montrer que certaines structures sont propres aux contes et qu’il semble pourtant essentiel de les préciser avant d’aller plus en avant dans ce mémoire. Dans les moyens genevois de français, dont fait partie le Cahier de Pinchat n°10 sur l’activité langagière conter, il est expliqué que « pour qu’on parle de narration, il faut la représentation d’(au moins) un évènement. Raconter, c’est toujours raconter quelque chose à quelqu’un à partir d’un horizon d’attente fondé sur la prévisibilité des formes d’organisation du type narratif » (Vodoz, 1995, p. 1). Ainsi, il faut savoir que la structure narrative répond à des normes et se construit de manière symétrique de par le fait que les évènements la composant ont une valeur propre. Lorsque le décor est planté et que les personnages sont introduits, nous nommons ceci la situation initiale qui concerne le début de l’histoire. La situation finale, en miroir à l’initiale, aboutit sur un équilibre et découle de la résolution d’un problème. De plus, si l’action se situe au cœur de chaque narration, cette dernière est déclenchée par une complication et s’achève par sa résolution. De ces cinq composantes essentielles se forme le schéma quinaire représentatif de la structure d’un texte narratif.

Situation initiale Complication Action Résolution Situation finale

Enfin, une série de spécificités liées à ce genre, comme le fait que le texte se rédige ou se narre au passé, fait état également de la présence d’organisateurs temporels tels que : « il était une fois, un jour, il y a fort longtemps, … » (p. 1). Nous retrouvons, de ce fait, certains d’entre eux en introduction de contes écrits, ou oralement lorsqu’une voix off prend place en début de film d’animation.

2.7. Walt Disney, sa vie, ses méchantes1

Afin de mieux saisir le contexte et la personnalité qui ont permis la naissance des différentes méchantes étudiées, nous souhaitons effectuer un bref rappel des éléments biographiques de Walt Disney.

1 D’après Finch, (1977), dans son ouvrage : Notre ami Walt Disney son art et sa magie de Mickey à Walt Disney World.

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Walter Elias Disney est né dans l’état de l’Illinois, à Chicago, le 5 décembre 1901. Mondialement connu aujourd’hui pour ses longs métrages d’animation et les Parcs à thème portant son nom, son destin se profilait pourtant bien différemment. Issus de père charpentier, Walt et son frère Roy, passent énormément de temps à l’aider dans la distribution de journaux, lorsqu’Elias se voit forcé de changer d’orientation. Passionné par le dessin et les trains électriques Walt Disney va suivre des cours de dessin au Chicago Art Institute alors qu’il suit déjà des cours à la William McKinley High School. La première et la seconde guerre mondiale vont également toucher de très près Walt Disney qui s’engage même, en falsifiant son passeport, dans les conducteurs d’ambulances de la Croix Rouge et rejoint Paris au lendemain de l’Armistice en 1918. Dès son retour sur le sol américain en 1920, Walt Disney cherche un emploi dans le cinéma. Il trouve alors un poste auprès de la Pesman-Rubin Commercial Art Studio, emploi qui lui offre le maigre salaire de 50 dollars par mois. Suivent alors plusieurs années de doutes et de malchance. En effet, Walt Disney décide de partir pour Hollywood et d’y produire des courts métrages d’animation. Cependant, son travail va lui être volé et il devra recommencer à se construire. Ce n’est qu’à partir de 1928 et avec la création du célèbre Mickey Mouse que cet homme exauce son rêve. Par la suite, plusieurs expérimentations sans grands succès, poussent Walt Disney en 1934 à émettre un nouveau projet : réaliser un long métrage d’animation. Le sujet est d’ores et déjà choisi, Walt veut mettre en scène l’histoire de Blanche Neige et les Sept Nains. Alors que tous lui prédisent la faillite et nomment son idée « la folie Disney », lui s’y tient. Ce n’est qu’en 1939 que l’on voit alors apparaitre sur les écrans Blanche-Neige et les Sept Nains qui provoque un réel engouement et un véritable succès médiatique. Durant la seconde guerre mondiale, Walt Disney n’obtient que très peu de succès pour ses films et décide de rééditer le chef d’œuvre de Blanche-Neige. Puis vient la guerre froide et Walt Disney témoigne alors contre trois de ses employés qu’il soupçonne d’être communistes se faisant ainsi bien voir par le gouvernement américain. Dans les années cinquante, les studios Disney sortent de nombreux films à succès dont Cendrillon, Alice au pays des merveilles, Peter Pan ainsi que la Belle au bois dormant et Merlin l’enchanteur. Walt Elias Disney meurt en 1966 d’un cancer des poumons qu’il traine depuis plusieurs années. Par la suite, son frère Roy mène les projets en cours à leur terme et décède à son tour en 1971. La suite de l’entreprise Disney revient à son fils Roy Edward Disney.

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Ayant consacré une grande partie de sa vie à la création de personnages, Walt Disney a toujours mis un point d’honneur et une attention toute particulière dans la création de ses méchants et méchantes. Dans un entretien reporté dans l’ouvrage « Les méchants chez Walt Disney » Charles Champlin témoigne : Sans doute les souvenirs sont-ils déformés par les récits qu’on en fait ; cependant ils semblent pouvoir expliquer beaucoup de choses sur la façon dont Disney percevait le besoin vital qu’ont les gens de distraire leurs existences, tellement moins riches que les dessins animés. Je pense que son passé nous aide également à comprendre sa façon de restituer les aspects négatifs de l’existence qu’il personnifie si bien à travers ses sorcières et autres méchants. (2000, p. 16) Ainsi, Walt Disney teinte ses méchantes de traits physiques et psychologiques ayant été observés chez des personnes bien réelles. De plus, il tient à ce que le public comprenne bien les motivations de ces personnages diaboliques. Dans ce sens, Johnston & Thomas (1995) estiment qu’ : « Il existe de nombreuses espèces de Méchants, méfaits, motivations et objectifs composant ces troubles personnalités. Dans tous les cas de figure, le public doit savoir ce que veut le Méchant, pourquoi il le veut et comment il compte l'obtenir » (p. 18). Cependant, ces auteurs constatent que Walt Disney a, dès le départ, distingué les méchants des méchantes dans ses productions. En effet, les buts et motivations de ces dernières se différencient par le fait qu' : Alors que l'avidité est, sans aucun doute, le moteur de nombreux Méchants, plusieurs de nos grandes Méchantes ne voulaient qu'une seule chose et la traquaient si obstinément que leurs vies toutes entières tournaient autour de cet enjeu. Elles auraient tué toute personne s'opposant à elles, détruit toute chose gênante, usant dans leur lutte de toutes les ressources en leur pouvoir pour obtenir ce qu'elles voulaient [...] tout le reste ne compte pas. (p. 19) Ces femmes sont habilement soignées et marquent profondément le spectateur. En effet, et nous terminons cette partie par les propos de Johnston & Thomas (1995) qui énoncent que : « Bien que les femmes représentent une faible partie des Méchants de Disney, sauf quelques exceptions près, elles sont plus marquantes que les hommes » (p. 25).

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2.8. Pour terminer

Enfin, maintenant le cadre de notre recherche posé et légitimé, nous souhaitons présenter les différentes tensions propres à notre sujet ainsi que les questions de recherche qui guident notre travail. En ce qui concerne cette partie, nous tenons tout de même à ajouter que notre recherche ne se prétend nullement exhaustive et qu’il est bien évident que notre thématique soulève énormément de questions auxquelles nous n’allons pas nous arrêter. Par la suite, la partie « méthodologie » évoquera plus en détails le corpus et la façon dont nous allons procéder à l’analyse de ces supports. A nouveau, nous ne prétendons pas présenter ici la seule façon existante d’analyser ce corpus mais simplement notre façon personnelle, telle que nous l’avons choisie en regard des faits que nous analysons.

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3. Problématique et questions de recherche

Nous allons dans ce chapitre définir notre problématique de recherche, ainsi que le double questionnement sur lequel elle se décline.

3.1. Problématique de recherche

Notre problématique se situe sur deux plans. L’un concerne une étude filmographique, l’autre est davantage dirigé sur le lien possible entre notre objet de recherche et la pratique dans les classes ordinaires. Sur le premier plan, celui de l’étude filmographique, notre recherche est centrée sur une analyse de personnages afin d’en dégager des caractéristiques permettant de définir la figure de la méchante. En effet, cette figure n’est pas un objet clair et définit dans la littérature. Peu d’auteurs développent le thème de l’analyse d’une figure dans des films d’animations ou encore de la représentation d’une figure diabolique que peuvent avoir certains des personnages de la production Disney. De plus, elle est présente dans un certain nombre de films d’animation à travers différents personnages. Nous nous sommes donc intéressées à cette figure de la méchante en ayant l’objectif de savoir quels sont les critères permanents qui permettent de définir celle-ci. Afin de réaliser notre dessein, nous passons par l’étude de six personnages de films d’animation de la production Disney. Pour cela, nous allons, en partie, nous référer à certaines définitions d’auteurs quant aux différents éléments composant le Mal. Nous nous intéressons aux aspects du méchant comme Michel Fize le définit (cf. cadre théorique), mais aussi aux différentes caractéristiques de la figure du Mal qui sont utilisées pour les items de notre grille critérielle, et également comme théorie à mobiliser lors de l’analyse des longs métrages composant notre corpus ainsi que dans l’analyse des résultats de notre recherche. Ceci tout en gardant à l’esprit l’origine du Mal au féminin (de la méchante), comme expliqué par plusieurs auteurs et repris dans le cadre théorique. Sur le deuxième plan, celui du passage à la pratique, nous allons nous intéresser à la question de la « transférabilité » à la classe de notre objet de recherche. En effet, le nouveau Plan d’Etude Romand (PER) comprend des objectifs MITIC liés à la grammaire de l’image mais aussi l’utilisation d’outils médias, comme des supports DVD. Etant donné cela, nous allons effectuer un entretien d’exploration avec des enseignants-es de division ordinaire, afin de discuter des types de savoirs en lien avec le PER mais également des séquences didactiques pouvant être mises en place dans les classes.

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3.2. Questions de recherche

Comme présenté dans la problématique, notre mémoire cherche à répondre à un double questionnement. Tout d’abord, observer différentes représentations de personnages féminins représentant le Mal dans les films d’animation de la production Disney sur différentes périodes puis, comparer ces méchantes, afin d’en dégager certaines caractéristiques qui nous permettent de définir la figure de la méchante. Ainsi, notre question est déclinée comme suit :

« Dans quelle mesure peut-on constater une évolution des représentations de la méchante dans six longs métrages du cinéma d’animation de la production Walt Disney ? ».

Pour répondre à cette question, et dans un objectif de spécification et de précision, nous avons choisi de la traiter en prenant en compte un certain nombre de sous questions que voici :  Qu’est-ce qu’une méchante ?  Comment la reconnait-on ou à quoi ?  Comment est-elle représentée dans le film ?  Quel est son rôle ? Son influence ?  Quel(s) changement(s) constate-t-on dans ses représentations ?  Y a-t-il une permanence de critères ? Ces sous questions de recherche plus spécifiques sont développées principalement dans notre chapitre « analyse ». Elles servent essentiellement à structurer notre pensée et notre analyse de personnages mais ne sont pas développées de manière particulière.

Notre deuxième axe de questionnement concerne donc les liens que l’on peut imaginer entre une recherche filmographique telle que nous l’avons menée et les enjeux d’un tel travail pour la pratique. Pour des questions de faisabilité, cette seconde entrée est moindre mais notre travail cherche aussi à répondre à la question suivante :

« En quoi une recherche filmographique telle que celle menée dans la première partie de ce mémoire peut-elle, selon quelques enseignants-es, concerner la pratique ? »

Deux questions spécifiques sont déclinées pour préciser le questionnement et sont développées dans le chapitre « entretien collectif » :  De manière générale, quelles sont les réactions face à notre recherche ?  Quels dispositifs didactiques peuvent être envisagés en classe en lien avec les objectifs du PER ?

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4. Méthodologie

Nous arrivons ici à la partie méthodologique de notre étude. Nous allons tout d’abord définir le type de recherche dans lequel notre mémoire s’inscrit et les deux volets qui la composent. Nous reprendrons ensuite ces deux volets pour lesquels nous décrirons plus en détails les démarches effectuées ainsi que nos choix, et pour terminer, les méthodes de recherche mises en place mais aussi la manière dont nous avons traité nos différentes données.

4.1. Une recherche qualitative, deux volets complémentaires de recherche

Notre recherche se compose de deux volets distincts : une analyse filmographique et une analyse pratique. Notre méthode de recherche s’inscrit dans un cadre qualitatif, aussi bien pour le premier que pour le deuxième volet, cependant la façon de procéder diffère. Selon François Dépelteau qui cite Jean-Pierre Deslauriers : La méthode de la recherche qualitative n’est pas mathématique, elle « est plutôt intensive en ce qu’elle s’intéresse surtout à des cas et à des échantillons plus restreints mais étudiés en profondeur ». […] D’une manière générale, cela signifie qu’une méthode qualitative est herméneutique, c’est-à-dire qu’elle cherche le sens et les finalités de l’action humaine et des phénomènes sociaux. (2003, p. 223) D’une manière générale, la recherche qualitative s’oppose à la recherche quantitative qui s’intéresse à des données quantifiables. La première, au contraire, traite plutôt des processus sociaux, des données relatives à des qualités et préfère prendre en compte l’intérêt d’une compréhension du social tout en relevant le sens de l’action des acteurs sociaux. Lors de notre premier volet sur l’analyse filmographique, notre souhait est, au travers de cette recherche, de gagner en profondeur dans l’analyse de notre objet au niveau des données descriptives. Notre démarche correspond dans ce sens à une recherche de type qualitatif car nous extrayons des données pour lesquelles nous ne rejetons pas les chiffres, mais nous ne leur accordons pas la première place. De ce fait, notre méthode d’analyse est plus souple et porte un regard particulier sur les processus liés à l’apparence. Nous nous intéressons davantage à une compréhension des représentations telles qu’elles nous sont proposées, qu’à la fréquence d’un élément, même si quelques éléments quantitatifs peuvent se retrouver au sein de données qualitatives. De manière plus particulière, outre son aspect qualitatif, notre démarche peut, en certains points, être comprise comme une analyse de contenu qui est plus généralement rattachée à une recherche de type historique. 23

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En effet, si cette dernière s’intéresse plutôt aux discours, elle « est une technique de codage ou de classification visant à découvrir d’une manière rigoureuse et objective la signification d’un message » (Dépelteau, 2003, p. 295). Cette analyse de contenu peut se faire à propos de films, comme l’explique cet auteur, mais contrairement à sa visée initiale portant sur des types de messages (oraux ou écrits), notre recherche décode des messages basés sur l’apparence physique de personnages, ce qui semble relativement proche de l’analyse de contenu, le contenant étant simplement différent. Dans ce sens également, il est possible d’analyser les contenus latents d’un message, autrement dit le fait de « lire entre les lignes, faire une lecture au deuxième niveau, chercher le sens caché derrière le sens manifeste » (p. 298). Nous nous rapprochons de cet aspect car nous souhaitons, dans la partie « analyse » du mémoire, faire une interprétation des messages physiques. De ce fait, nous nous intéressons également à une sorte de contenu latent véhiculé par un message, tout en veillant à éviter de nous faire influencer par nos propres valeurs ou préjugés. Enfin, comme l’explique Dépelteau, « l’analyse de contenu permet d’étudier des évolutions ou des changements avec une certaine facilité » (2003, p. 299), ce que nous tentons également d’observer. Elle permet au final de faire des comparaisons, ce qui est essentiel pour envisager une évolution.

Notre deuxième volet, plus pratique, concerne un entretien collectif. Ce dernier, quant à lui, peut s’apparenter à une entrevue de recherche dans le but d’une collecte de données, grâce à un ou plusieurs intervenants. Selon Dépelteau citant Grawitz, nous pouvons le définir comme « un procédé d’investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations, en relation avec le but fixé » (2003, p. 742). Ainsi, notre entretien nous sert de « caisse de résonnance » dont la perspective se rattache davantage à une forme d’analyse de la pratique, même s’il ne s’agit que d’un entretien exploratoire. Dans ce sens, nous rejoignons l’explication de Dépelteau lorsqu’il dit que ce type de recherche « a pour but de relier ce que la recherche classique tend à séparer : la théorie et la pratique » (p. 344). De ce fait, nous tentons ce défi en essayant de lier notre recherche plus théorique à la pratique dans les classes.

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4.2. Déroulement et démarche d’analyse

4.2.1. Le volet filmographique

Notre choix pour le corpus de films à analyser s’est porté sur six films de la production Walt Disney Pictures. Ce choix restreint, nous le justifions de la manière suivante. Dans la liste de tous les longs métrages du cinéma d’animation de Walt Disney (de 1937 à 2009), nous n’avons choisi que les films originaux ayant dans les personnages principaux une méchante et relevant du genre conte merveilleux (de ce fait, nous ne prenons pas en compte les suites de films ou leurs déclinaisons comme le Roi Lion 2 ou La Fée Clochette). Dans ce sens, pour définir notre sélection de films, nous nous sommes référées aux documents didactiques de l’enseignement genevois du français concernant le conte merveilleux. En effet, Dolz, Noverraz et Schneuwly (2001) définissent le conte merveilleux comme « un texte de fiction […] dont les personnages centraux sont des hommes et des animaux, aidés ou agressés, il est vrai, par des êtres irréels : fées, géants, ogres ». Ce genre « rapporte des évènements qui sont situés dans un temps et un lieu définis avec très peu de précision […]. Dans un conte merveilleux, tout est possible ». Ainsi, après avoir appliqué ces critères, notre sélection a abouti à un corpus de six longs métrages du cinéma d’animation représentatifs pour notre thématique. Nous souhaitions donc volontairement écarter les diverses grandes variables se présentant dans cette recherche afin de faire ressortir la variable nous concernant directement, celle du temps. Le plus ancien des films date de 1937 alors que le plus récent a été créé en 2000. Nous avons donc une marge temporelle entre ces deux films de 63 ans.

Année Titre 1937 Blanche-Neige et les Sept Nains 1950 Cendrillon 1959 La Belle au bois dormant 1963 Merlin l’enchanteur 1989 La Petite Sirène 2000 Kuzco, l’empereur mégalo

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Le choix de s’arrêter sur une seule et même maison de production est la conséquence à de nombreuses réflexions. En effet, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Tout d’abord, un des buts de notre mémoire : nous nous intéressons à une possible évolution des représentations du Mal au féminin dans un corpus de film. Afin de repérer cette possible évolution, il est nécessaire d’observer le même objet à partir d’un corpus homogène. De ce fait, notre choix s’est porté sur la maison de production Walt Disney Pictures, étant donné que c’est la première à avoir réalisé des films d’animation. De plus, ces films font partie de l’encyclopédie culturelle de nombreux enfants. Ensuite, partant du premier long métrage d’animation de cette maison de production (Blanche-Neige et les Sept Nains), nous avons choisi de limiter notre corpus de films à Kuzco, l’empereur mégalo. En effet, c’est le dernier long métrage correspondant à nos critères de sélection avant 2007, date à laquelle Walt Disney Pictures a obtenu le rachat de la maison de production qui avait d’ores et déjà une certaine quantité de films à son actif et se renomme alors Walt Disney Animation Studios.

L’analyse de chaque long métrage est effectuée à l’aide d’une grille critérielle (présentée par la suite) réalisée par nos soins à partir d’autre grilles d’analyse de films. Elle est composée de cinq grandes entrées (apparence physique, comportement, environnement, mise en scène, autres éléments) qui se divisent en plusieurs sous-catégories. Notre grille diffère de celle de Jousson (2004) en ceci que nous visons l’analyse de chaque film de manière singulière tandis que la deuxième permet d’effectuer une comparaison entre divers ouvrages de toutes natures. Si notre grille semble refléter en certains points ces dernières, elle vise au contraire à relever de façon systématique ce qui est d’ordre factuel et observable en lien avec les méchantes qui évoluent dans les différentes scènes de nos films.

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a. Fiches techniques

« Blanche Neige et les Sept Nains »

• Titre original : Snow White and the Seven Dwarfs

• Titre français : Blanche-Neige et les Sept Nains

• Réalisation : David Hand (superviseur)

• Scénario : Ted Sears, Otto Englander, Earl Hurd, Dorothy Ann Blank, Richard Creedon, Dick Rickard, Merrill De Maris et Webb Smith d'après Schneewittchen de Jacob et Wilhelm Grimm

• Conception graphique : Charles Philippi, Hugh Hennesy, Terrell Stapp, McLaren Stewart, Harold Miles, Tom Codrick, Gustaf Tenggren, Kenneth Anderson, Kendall O'Connor et Hazel Sewell (direction artistique), Samuel Armstrong (supervision), Mique Nelson, Phil Dike, Merle Cox, Ray Lockrem, Claude Coats, Maurice Noble (décors), Albert Hurter et Joe Grant (conception des personnages)

• Animation : Hamilton Luske, Vladimir Tytla, Fred Moore et Norman Ferguson (supervision) ; , Dick Lundy, Art Babbitt, , , Robert Stokes, James Algar, Al Eugster, Cy Young, Joshua Meador, Ugo D'Orsi, George Rowley, , Fred Spencer, Bill Roberts, Bernard Garbutt, Grim Natwick, Jack Campbell, Marvin Woodward, James Culhane, Stan Quackenbush, , et Robert Martsch (animation des personnages)

• Musique : Leigh Harline et Paul J. Smith

• Société de production : Walt Disney Productions

• Société de distribution : RKO Radio Pictures

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs (Technicolor) - 1,37:1- Mono (RCA Sound Recording)

• Durée : 83 minutes

• Sortie : 1937

• Distribution des voix françaises principales : doublage (1962) Lucie Dolène (Blanche- Neige), Claude Gensac (La Reine), Marie Francey (Sorcière), Richard Francœur (Prof), Jean Daurand (Atchoum), Georges Hubert (Dormeur), Léonce Corne (Grincheux), Raymond Rognoni (Joyeux), Maurice Nasil (Timide) et Jean Cussac (Le Prince)

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« Cendrillon »

• Titre original : Cinderella

• Titre français : Cendrillon

• Réalisation : Clyde Geronimi, Wilfred Jackson, Hamilton Luske

• Scénario : William Peed, Erdman Penner, Ted Sears, Winston Hibler, Homer Brightman, Harry Reeves, Kenneth Anderson et Joe Rinaldi d’après l’œuvre originale du conte de Charles Perrault (Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre) et des frères Grimm (Aschenputtel)

• Conception graphique : Mary Blair, John Hench, Claude Coats et Don Da Gradi (couleur et stylisme) ; McLaren Stewart, A. Kendall O’Connor, Tom Codrick, Hugh Hennesy, Lance Nolley, Charles Philippi, Don Griffith et Thor Putnam (cadrage) ; Brice Mack, Art Riley, Ralph Hulett, Ray Huffine, Dick Anthony, Merle Cox et Thelma Witmer (décors)

• Animation : Eric larson, , Milt Kahl, Frank Thomas, Ward Kimball, Wolfgang Reitherman, , , Les Clark et Norm Ferguson (supervision) ; , Phil Duncan, Hugh Fraser, Hal King, Fred Moore, Harvey Toombs, Judge Whitaker, Cliff Nordberg, Marvin Woodward, Ken O’Brien, George Nicholas et Hal Ambro (animation des personnages) ; George Rowley, Josh Meador et Jack Boyd (effets spéciaux)

• Son : C. O. Slyfield (supervision) ; Harold J. Steck et Robert O. Cook (enregistrement)

• Montage : Donald Halliday (film); Al Teeter (musique)

• Musique : Paul J. Smith et Oliver Wallace (compositeurs) ; Mack David, Al Hoffman et Jerry Livingston (chansons) ; Joseph Dubin (orchestrations)

• Producteur délégué : Ben Sharpsteen

• Société de production : Walt Disney Pictures

• Société de distribution : RKO Radio Pictures

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs – 1,37 :1 – Mono (RCA Sound System)

• Durée : 74 minutes

• Sortie : 1950 er • Distribution des voix françaises principales : 1 doublage (1950) : Paule Marsay (Cendrillon), Paulette Rollin (Cendrillon chant), Dominique Tirmont (Le Prince chant),

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Héléna Manson (la Marâtre), Nicole Riche (Anastasie), Simone Boin (Javotte), Lita Recio (la Marraine), Jacques Bodoin (Jack et Gus), Mony Dalmès (narratrice). 2ème doublage (1991) : Dominique Poulain (Cendrillon), Michel Chevalier (Le Prince), Jacqueline Porel (la Marâtre), Barbara Tissier (Anastasie), Dominique Chauby (Javotte), Claude Chantal (la Marraine), Emmanuel Jacomy (Jack), Jacques Frantz (Gus), Brigitte Virtudes (narratrice)

« La Belle au Bois Dormant »

• Titre original : Sleeping Beauty

• Titre français : La Belle au Bois Dormant

• Réalisation : Clyde Geronimi

• Scénario : Erdman Penner d’après l’œuvre originale du conte de Charles Perrault et des Frères Grimm

• Conception graphique : Ken Anderson et Don Da Gradi (direction artistique) ; Eyvind Earle (couleur et stylisme) ; Tom Oreb (conception des personnages) ; McLaren Stewart, Tom Codrick, Don Griffith, Erni Nordli, Basil Davidovitch, Victor Haboush, Joe Hale, Homer Jonas, Jack Huber et Ray Aragon (cadrage) ; Frank Armitage, Thelma Witmer, Al Dempster, Walt Peregoy, Bill Layne, Ralph Hulett, Dick Anthony, Fil Mottola, Richard H. Thomas et Anthony Rizzo (décors)

• Animation : Milt Kahl, Frank Thomas, Ollie Johnston, Marc Davis et John Lounsbery (supervision) ; Hal King, Hal Ambro, Don Lusk, Blaine Gibson, John Sibley, Bob Carlson, Ken Hultgren, Harvey Toombs, Fred Kopietz, George Nicholas, Bob Youngquist, Eric Cleworth, Henry Tanous, John Kennedy et Ken O’Brien (animation des personnages) ; Dan McManus, Joshua Meador, Jack Boyd et Jack Buckley (effets d’animation) ; Ub Iwerks et Eustace Lycett (effets spéciaux)

• Son : Robert O. Cook (supervision)

• Montage : Donald Halliday et Roy M. Brewer Jr. (film) ; Evelyn Kennedy (musique)

• Musique : Georges Bruns d’après le ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski, La belle au bois dormant (compositeur) ; Sammy Fain et Jack Lawrence (Once Upon a Dream), Tom Adair et George Bruns (Hail to the Princess Aurora), Winston Hibler, Ted Sears et George Bruns (I wonder), Tom Adair, Erdman Penner et George Bruns (Skumps), Tom Adair et George Bruns (Sleeping Beauty Song) (chansons) ; John Rarig (arrangements vocaux)

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• Producteur délégué : Ken Peterson

• Société de production : Walt Disney Pictures

• Société de distribution : Buena Vista Pictures Distribution

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs – 2,55 :1 (35 mm) – Stéréo 2,20 :1 (Super Technirama 70)

• Durée : 72 minutes

• Sortie : 1959 er • Distribution des voix françaises principales : 1 doublage (1959) : Irène Valois (Princesse Aurore/Eglantine), Huguette Boulangeot (Princesse Aurore/Eglantine chant), Jeanne Dorival (Maléfique), Henriette Marion (Flora), Jacqueline Ferrière (Pâquerette), Colette Adam (Pimprenelle), Raymond Rognoni (Le Roi Stéphane), Jacques Berlioz (Le Roi Hubert). 2ème doublage (1981) : Jeanine Forney (Princesse Aurore/Rose), Danielle Licari (Princesse Aurore/Rose chant), Guy Chapellier (Prince Philippe), Sylvie Moreau (Maléfique), Paule Emanuele (Flora), Marie-Christine Darah (Pâquerette), Janine Freson (Pimprenelle), René Bériard (Le Roi Stéphane), Roger Carel (Le Roi Hubert) et Hubert Noël (narrateur)

« Merlin l’Enchanteur »

• Titre original : The Sword in the Stone (l’Epée dans la pierre)

• Titre français : Merlin l’Enchanteur

• Réalisation : Wolfgang Reitherman

• Scénario : Bill Peet d’après l’œuvre originale de Terence Hanbury White

• Conception graphique : Ken Anderson (direction artistique) ; Milt Kahl et Bill Peet (conception des personnages) ; Don Griffith, Basil Davidovitch, Vence Gerry, Sylvia Cobb, Dale Barnhart et Homer Jonas (cadrage) ; Walt Peregoy, Bill Layne, Al Dempster, Anthony Rizzo, Ralph Hulett et Fil Mottola (décors)

• Animation : Milt Kahl, Frank Thomas, Ollie Johnston et John Lounsbery (supervision) ; Hal King, Eric Larson, Eric Cleworth, John Sibley, Cliff Nordberg, Hal Ambro et Dick Lucas (animation des personnages) ; Dan McManus, Jack Boyd et Jack Buckley (effets spéciaux)

• Son : Robert O. Cook

• Montage : Donald Halliday et Roy M. Brewer Jr. (film) ; Evelyn Kennedy (musique)

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

• Musique : Georges Bruns (compositeur) ; Richard M. Sherman et Robert B. Sherman (chansons) ; Franklyn Marks (orchestrations)

• Producteur délégué : Ken Peterson

• Société de production : Walt Disney Pictures

• Société de distribution : Buena Vista Pictures Distribution

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs – 1,31 :1 (1,75 :1 étendu) – Mono (RCA Sound System)

• Durée : 79 minutes

• Sortie : 1963

• Distribution des voix françaises principales : Dominique Collignon-Maurin (Arthur dit « Moustique »), Alfred Pasquali (Merlin), René Hiéronimus (Archimède) et Lita Recio (Madame Mim)

« La Petite Sirène »

• Titre original : The Little Mermaid

• Titre français : La Petite Sirène

• Réalisation : et

• Scénario : John Musker et Ron Clements d’après l’œuvre originale de Hans Christan Andersen

• Conception graphique : Michael Peraza Jr. et Donald Towns (direction artistique) ; David A. Dunnet (supervision), assisté de Rasoul Azadani, Fred Cline, Lorenzo Martinez, Daniel St. Pierre, Bill Perkins et James Beihold (cadrage) ; Donald Towns (supervision), assisté de Jim Coleman, Lisa Keene, Brian Sebern, Philip Phillipson, Andrew Phillipson, Robert E. Stanton, Cristy Maltese, Doug Ball, Tia Kratter, Greg Drolette, Dean Gordon, Craig Robertson, Kathy Altieri et Dennis Durrell (décors).

• Animation : Andreas Deja, , , Duncan Marjoribanks, Ruben Aquino, et Matthew O'Callaghan (supervision) ; Michael Cedeno, Rick Farmiloe, Shawn Keller, David Pruiksma, Dan Jeup, Jay Jackson, Barry Temple, , Kathy Zielinski, Jorgen Klubien, Will Finn, Douglas Krohn, Leon Joosen, Russ Edmonds, David Stephan, Anthony Derosa, Phil Young, David Cutler, Nick Ranieri, Dave Spafford, Chris Bailey, Tony Fucile, Chris Wahl, Chuck Harvey, Tom Sito, Ellen Woodbury,

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

Ron Husband, David Pacheco, Tony Anselmo et Rob Minkoff (animation des personnages) ; Mark Dindal (supervision)

• Montage : John Carnochan (supervision film), Kathleen Bennett (supervision musique)

• Musique : Alan Menken (compositeur) ; Howard Ashman (paroles), Alan Menken (musique); Thomas Pasatieri (orchestrations)

• Producteur délégué : Howard Ashman et John Musker

• Société de production : Walt Disney Pictures, Silver Screen Partners IV

• Société de distribution : Buena Vista Pictures Distribution

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs - Son Dolby Stéréo - 1,66:1 (1,75:1 étendu)

• Durée : 83 minutes

• Sortie : 1989

• Distribution des voix françaises principales : Claire Guyot (Ariel, la petite sirène), Thierry Ragueneau (Éric, le prince), Henri Salvador (Sébastien, le crabe), Micheline Dax (Ursula, la pieuvre), Boris Roatta (Polochon) et Jacques Deschamps (Le roi Triton)

« Kuzco, l’empereur mégalo »

• Titre original : The Emperor's new groove

• Titre français : Kuzco, l’empereur mégalo

• Réalisation : Marc Dindal

• Scénario : David Reynolds, Mark Dindal et Chris Williams, assistés de Stephen Anderson (supervison) d’après une histoire originale de Roger Allers

• Conception graphique : Colin Stimpson et Thomas Cardone (direction artistique) ; Paul Félix (production designer) ; Joseph Moshier (conception des personnages) ; Jean- Christophe Poulain (cadrage) ; Natalie Franscioni-Karp (décors) ; Vera Pacheco (mise au propre) ; Dan Hanson (coordinateur artistique)

• Animation : Nik Ranieri, Bruce Smith, , Tony Bancroft, Douglas Frankel, James Lopez, Brian Ferguson, Sandro Lucio Cleuzo, Dominique Monféry (supervision) ; Tim Allen, James Baker, Jennifer Cardon Klein, Jerry Yu Ching, Sang-Jin Kim, Mark Mitchell, Joe Oh, Jamie Oliff, Mark Pudleiner, Mark Smith, Andreas Wessel-Therhorn, Phil Young, Jared Beckstrand, Thomas Gately, David Hancock, Clay Kaytis, Bert Klein, Theresa Wiseman, Anthony Ho Wong, Robert Espanto Domingo, Chad Stewart,

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

Stevan Wahl, David Block, Bob Davies, Michael Stocker, Pierre Alary, Patrick Delage, Eric Delbecq, Marc Eoche Duval, Thierry Goulard, Borja Montoro Cavero, Catherine Poulain, JC Tran-Quang-Thieu (animation des personnages) ; Mauro Maressa (effets spéciaux)

• Montage : Pamela Ziegenhagen-Shefland

• Musique : John Dubney (compositeur), Sting et David Hartley (chansons)

• Directeur de production : Tod Marsden

• Productrice associée : Patricia Hicks

• Producteur exécutif :

• Producteur délégué : Randy Fullmer

• Société de production : Walt Disney Pictures

• Société de distribution : Buena Vista Pictures Distribution

• Pays d’origine : Etats-Unis

• Langue originale : Anglais

• Format : Couleurs Dolby stéréo 35 mm – 1,66 :1 (1,85 :1 étendu)

• Durée : 75 minutes

• Sortie : 2000 (USA)

• Distribution des voix françaises principales : Didier Gustin (Kuzco), Elisabeth Wiener (Yzma), Jacques Frantz (Pacha), Emmanuel Curtil (Kronk)

• Autour du film : 68e long-métrage d’animation et 40e classique d’animation

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Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

b. Explicitation des items (grille vierge en annexe)

De manière globale, avant de présenter les différents éléments composant notre grille, il faut savoir que nous avons fait le choix de numéroter chaque apparition de la méchante dans un film (numérotation en chiffres arabes) et de décliner les diverses transformations des méchantes au moyen de lettres de l’alphabet majuscules afin de différencier les transformations des apparitions. De plus, concernant le découpage des scènes en lien avec la méchante, nous avons fait le choix de commencer et de terminer la description des scènes au moment où la méchante apparait ou disparait (peu importe la manière, qu’elle soit visuelle ou auditive), même au sein de scènes plus longues (nous avons veillé cependant à noter cette inclusion dans une scène plus longue dans le découpage). Enfin, pour des raisons de compréhension globale de certaines descriptions, nous avons parfois choisi de regrouper en une seule scène plusieurs petites scènes entrecoupées qui gardaient cependant la même logique et, lorsque cela a été le cas, nous avons noté cette spécificité dans la partie « effets » de la mise en scène. Ces points organisationnels étant éclaircis, nous aimerions préciser également que la composition de notre grille découle d’une part, du référentiel analyse de l’image (Achard, 2005) sur lequel nous avons pris appui pour distinguer chaque item, d’autre part de l’observation d’autres grilles d’analyse de films et de discussions importantes quant à la distinction de chaque élément composant la grille avec une représentante du service école- média (SEM). De ce fait, les différentes sous-catégories sont le produit d’accords mutuels en lien avec la volonté d’objectivité de notre recherche et permettant à chacun une compréhension similaire de chaque item. Enfin, dans l’optique d’une facilitation de l’appropriation de cette grille par les lecteurs de ce travail, nous voulons détailler minutieusement chaque item ci-après afin de mettre en lumière nos intentions.

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c. Grille d’analyse détaillée

Couleurs récurrentes lors de scènes avec la méchante, qui sont d’avantage présentes, qui reviennent par exemple dans plusieurs Couleurs dominantes scènes ou dans tout le film, que l’on peut associer à l’environnement entourant la méchante

Description globale de la méchante au niveau de son apparence Morphologie, âge physique (faire de même s’il y a des transformations du personnage) et âge donné ou approximatif

Description précise et détaillée de son visage et son corps (de Attributs, détails même lors de transformations) Apparence physique Inventaire des diverses expressions du visage apparaissant au Physiognomonie cours des scènes

Inventaire et description précise de chaque tenue (aussi bien les Vêtements vêtements que des chapeaux et des accessoires vestimentaires)

Voix, rire Type de voix, tonalité, type de rire, façon de parler

Inventaire de tous les accessoires appartenant au personnage ou Accessoires et objets utilisés par ce dernier

Transformations Description des types de transformations de manière succincte

Brève description de l’action principale du personnage lors Actions chaque scène, la résumer en quelques mots

Façon de se déplacer, de bouger, de se mouvoir, impression Rythme donnée par le personnage

Comportement Intention, dessein Volonté de la méchante qui donne sens à ses actions

Cause, origine de ce Origine probable de cette volonté, élément déclencheur comportement

Description du ou des pouvoirs au niveau des capacités Pouvoirs particuliers supplémentaires du personnage

Description générale du ou des personnages/animaux Acolytes accompagnant la méchante Environnement Lieu de résidence Lieu où semble vivre la méchante ou lieu qui lui appartient

Statut (social) Fonction ou statut par rapport au personnage principal

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Apparitions Manières par lesquelles le personnage entre en scène

Disparitions Manières par lesquelles le personnage disparait de la scène

Type de musique accompagnant la scène de manière globale ou Genre de musique les gestes des personnages

Mise en scène Eclairage, couleurs Type d’éclairage et couleur dominante de chaque scène

Numérotation précise du moment d’apparition et de disparition de Fréquence la méchante dans chaque scène (depuis son apparition visuelle ou d’apparition auditive dans la scène)

Mise en scène particulière ou effet notable à un moment donné Particularités/effets par rapport à la méchante

Schéma quinaire Présence dans une ou plusieurs parties du schéma quinaire

Emotions suscitées Emotion produite chez le spectateur ou émotion souhaitée

Autres éléments Stéréotypes Stéréotypes visés, caricatures, thèmes récurrents

Autres Eléments inclassables mais notables

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4.2.2. Le volet pratique

a. Choix de démarche

Nous l’avons dit, notre démarche s’ancre dans une recherche de type qualitative et plus précisément théorique. C’est-à-dire, que cette dernière ne prévoit pas d’application à la classe, de mise en pratique, de création d’une séquence ou toutes autres démarches impliquant le besoin de se rendre sur le terrain. De ce fait, il est apparu comme un manque à la fin de notre analyse. En effet, nous avions trouvé un certain nombre de résultats concernant notre première question de recherche mais il restait une question importante en suspens : « comment savoir en quoi notre recherche représente un apport à notre pratique future ? Qu’elles en sont les apports et limites majeurs ? ». C’est pourquoi nous avons pris la décision d’élargir notre recherche, d’une manière un peu particulière, en la mettant en pratique dans une classe. Nous avons décidé de passer par l’intermédiaire de quelques enseignants afin que ceux-ci nous permettent d’effectuer une confrontation de nos résultats avec le terrain. Nous avons alors réalisé une sorte de « recherche exploratoire à visée pratique » sans mise en pratique directe avec les élèves mais avec les maitres et maitresses planifiant les séquences didactiques. Ainsi, nous avons mis en lien notre analyse avec notre pratique future d’une manière plus concrète.

b. Méthodologie de récolte et de traitement des données

En ce qui concerne la préparation du colloque, nous avons procédé de la manière suivante : tout d’abord, nous avons contacté une enseignante d’une école connue. Nous lui avons exposé notre intention de réunir un certain nombre d’enseignants afin de leur présenter les résultats de notre mémoire. Ceci, afin d’avoir leur avis de professionnels du terrain sur la possibilité de mettre en place des séquences didactiques dans leur classe, en lien avec notre recherche. Ainsi, nous avons pu, grâce à l’aide de cette enseignante, réunir deux autres professionnels de son école. Nous avions donc, deux représentants de la division moyenne et une représentante de la division élémentaire, ce qui nous a permis de couvrir les deux divisions ordinaires. Pour ne pas parler seulement d’un entretien de recherche, nous avons par ailleurs proposé de prévoir cette rencontre comme un colloque de travail. Dans un premier temps, nous pensions donner à lire notre mémoire aux enseignants concernés mais après réflexion et discussion avec ces derniers, il a été convenu qu’il serait plus simple de passer par un moyen moins contraignant et plus court car ils n’avaient pas tous suffisamment de temps pour lire tous nos documents avant la séance. 37

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Nous avons donc décidé de leur faire une présentation Powerpoint2afin de montrer les éléments essentiels de notre recherche qui sont : le thème travaillé, la question de recherche, le corpus, une courte description de la méthodologie et pour terminer, un premier volet de nos résultats d’analyse. Une fois la présentation effectuée, nous avons, dans un premier temps, voulu recueillir les réactions « à chaud » du public. Les enseignants avaient ainsi l’occasion de poser des questions de compréhension mais aussi de partager leurs premières impressions sur notre recherche. Nous ne voulions pas commencer par des questions ciblées mais nous voulions permettre aux enseignants de s’exprimer de manière générale. Ainsi, nos trois premières questions étaient : « Questions ? » ; « Qu’en pensez-vous ? » ; « Est-ce que cela vous parle ? ». Nous avons effectué ce choix car cela nous permettait de ne pas induire des réponses ou de ne pas amener les participants vers quelques idées que nous avions déjà envisagées. Dans un deuxième temps, nous avons posé des questions plus ciblées concernant la possibilité d’utilisation de notre recherche en classe avec les élèves. Ces questions centrées sur la pratique étaient : « Est-ce que cela vous servirait pour un travail en classe? » ; « Si vous deviez l’utiliser en classe ? » ; « PER ?» ; « MITIC ? ». En effet, une fois les impressions générales récoltées et afin de garder notre fil conducteur, nous avons décidé d’interroger les personnes présentes sur l’utilisation qu’elles pourraient faire de notre recherche dans leur classe puis, si elles « devaient » impérativement l’utiliser, que feraient-elles. Ce choix a été fait dans le but d’amener les enseignants à penser en terme de mise en place didactique et nous permettait ainsi de ne pas nous retrouver face à un « non » brut, pour notre première question. Nous avons terminé par les liens possibles avec le Plan d’Etude Romand (PER) mais aussi avec les MITIC (Médias, Image, Technologies de l'Information et de la Communication) qui font partie des objectifs de Formation Générale de ce dernier. Effectivement, c’est un des enjeux théorique de notre recherche touchant directement ces deux éléments (cf. cadre théorique), il nous semblait donc important d’en discuter également lors de cet entretien afin d’en faire ressortir les liens concrets avec la mise en pratique dans la classe. Pour terminer, nous avons voulu entrer dans davantage de précisions au niveau didactique (objectifs, …) afin de toucher au maximum à des cas concrets pouvant être travaillés avec les élèves. C’est pourquoi nous avons posé les questions suivantes : « Quels objectifs fixeriez-vous et pourquoi? » ; « Dans quelles disciplines et quelles activités ? » ; Est- ce que vous l’évalueriez ? » et pour terminer, « Pour quelle division et pourquoi ? ».

2 Présentation Powerpoint en annexe. 38

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Pendant toute la durée de l’entretien, des notes ont été prises afin d’effectuer un compte rendu de la discussion et des apports des professionnels présents, ceci dans le but de procéder à une analyse de ces données par la suite. Les enseignants ont montré un vif intérêt pour notre démarche et ont participé activement aux discussions, nous tenons donc ici à les en remercier vivement. Après l’entretien effectué, une première étape a été de faire un compte rendu3 des discussions ayant eu lieu lors de l’entretien collectif. En effet, les enseignants ont amené, lors du moment destiné aux questions, un grand nombre d’éléments intéressants et variés sur l’utilisation de notre recherche dans leur classe. Nous avons donc désigné un « scribe » qui avait pour mission de relever un maximum d’informations ressortant de ce moment. Puis, est venue l’étape d’analyse de ce compte rendu. Nous avons donc repris les éléments le composant pour les diviser en trois parties tout en gardant un regard réflexif et critique. Ces parties ne reprennent pas exactement le déroulement de notre canevas d’entretien, cependant elles correspondent à une suite logique par rapport à notre schéma de pensée et est en lien avec les différentes questions. En effet, nous n’avons pas divisé l’analyse uniquement au niveau d’une partie plus « générale » et d’une partie « didactique ». Tout d’abord, nous avons relevé les différentes propositions de mise en pratique de notre recherche que les enseignants ont suggéré. Ces suggestions reprennent tout autant les idées générales, comme les séquences didactiques plus précises, incluant les objectifs, le degré, la discipline concernée, … Puis, nous avons entendu les difficultés que ces derniers ont relevées dans l’application de telles démarches en classe. Nous avons donc regroupé ces obstacles en une deuxième partie car ils semblent, pour la plupart, se lier à la réalité du terrain scolaire. En effet, les éléments abordés dans la première partie sont des suggestions idéales. C’est uniquement dans un deuxième temps que la question de la faisabilité arrive. Lorsque l’on confronte ces idées à la vie réelle du terrain par rapport au travail effectif, est-ce que tout cela reste réalisable. Pour terminer, nous avons repris l’ensemble des dires des participants, en y ajoutant cette fois notre point de vue critique quant aux différents aspects abordés. Nous avons mis en discussion notre pensée, nos solutions, nos décisions, mais aussi les divergences et convergences possibles avec leurs différentes idées et apports partagés aimablement avec nous. Cette dernière étape intégrant notre réflexion nous semblait essentielle car étant les experts de notre sujet, nous pouvions nuancer les propos des enseignants et avoir un autre regard, toujours en lien avec les éléments abordés.

3 Compte rendu « brut » en annexe. 39

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4.3. Déroulement de la recherche

Nous souhaitons ici présenter notre démarche, aussi bien dans son fondement que dans sa mise en place. La première étape de la réalisation de notre mémoire a été de définir clairement notre problématique ainsi que notre question de recherche. Tout d’abord, à ce niveau-là, il était important d’avoir bien définit notre objet de recherche. Est-ce les personnages, la figure, l’évolution dans le temps ? Après réflexion, il s’est avéré que nous nous centrions sur la figure de la méchante et qu’afin d’arriver à une définition de cette dernière, nous devions passer par l’analyse des personnages représentant des méchantes. L’observation de ces représentations et de leurs caractéristiques permanentes nous permettant alors de définir la figure de la méchante. Une fois l’objet définit nous pouvions stabiliser notre première question de recherche. Cependant, il nous est apparu la nécessité de la décliner en plusieurs sous questions dans un objectif de précision mais également de spécification. A partir de cela, la base de notre projet étant posé nous pouvions nous consacrer à une des parties les plus imposantes, c’est-à-dire le cadre théorique. Nous avons donc tenté de définir les concepts, idées et termes utilisés dans le mémoire afin d’être au clair avec les thèmes abordés, tels que le Mal ou la figure sur lesquels notre étude se base. Pour cela nous nous sommes attelées à chercher dans la revue de littérature des ouvrages abordant de près ou de loin des sujets correspondant à notre recherche. Cette recherche théorique n’a pas été des plus aisées. En effet, nous avons pu découvrir que notre thématique de recherche n’est pas une des plus représentées dans la littérature. Les documents principaux que nous avions s’arrêtaient à quelques articles dans des revues. Les livres abordaient essentiellement les côtés psychologiques et/ou psychanalytiques des films d’animations. Afin d’avoir d’autres ressources théoriques nous nous sommes dirigées vers le SEM (Service Ecole Media) à Genève pour nous entretenir avec Madame Paulette Magnenat. Elle travaille directement en lien avec les pratiques MITIC (Médias, Image, Technologies de l'Information et de la Communication). De ce fait, elle a pu nous diriger vers des ouvrages traitant par exemple de l’analyse de l’image, sujet qui nous est important. N’ayant toujours pas assez de ressources littéraires, nous nous sommes dirigées, par la suite, vers la Cinémathèque Suisse à Lausanne. Effectivement, nous avons cherché une bibliothèque spécialisée dans le domaine cinématographique à Genève, en vain. Cependant, arrivées sur les lieux, il nous était interdit d’emprunter des livres et les ouvrages nous concernant, ce qui nous a particulièrement limité.

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De ce fait, la recherche d’éléments théoriques dans la revue de littérature s’est poursuivie durant d’autres étapes de réalisation de notre mémoire. Puis, lors de l’écriture du cadre théorique nous nous sommes heurtées à un problème de structure. En effet, notre recherche touche à énormément de domaines différents, tels que la discipline Français, les MITIC, la production cinématographique ou encore la figure féminine du Mal. Néanmoins, nous devons tous les regrouper de manière à garder une certaine logique. Nous avons donc découpé ce chapitre en plusieurs sous-titres de manière à pouvoir naviguer plus aisément entre les différents domaines. Parallèlement, nous avons tenté de définir notre corpus de films. Ceci a été fait en plusieurs étapes car le corpus résulte de la sélection de différents critères. Ces derniers nous amènent par la suite à un certain nombre de films d’animation (une explication du choix du corpus est détaillée dans le point 4.2.1. du chapitre « Méthodologie »). Il s’agissait en premier lieu, de voir les films d’animations comportant un personnage ayant le rôle du méchant, que ce personnage soit de sexe féminin, que le déroulement de l’histoire corresponde au genre textuel conte merveilleux, et ainsi de suite. De cette sélection sont ressortis six films correspondant aux critères que nous nous étions fixés. Une fois le corpus stabilisé nous avons pu nous consacrer à la création de l’outil principal de notre mémoire en ce qui concerne l’analyse, il s’agit de notre grille critérielle. Cette grille d’analyse a énormément voyagé avant d’être stabilisée. En effet, plusieurs items ont été discutés car il était nécessaire que nous mettions bien toutes trois la même chose derrière les termes posés. Par exemple, en ce qui concerne l’item « musique », dans un premier temps nous l’avons pris au sens large, en spécifiant uniquement la catégorie d’instrument. Dans un deuxième temps, nous avons dénoté un souci de précision. Nous avons donc regardé les différents paramètres musicaux (tempo, rythme, intensité), nommé de manière plus précises les instruments lorsque nous le pouvions, mais également observé les effets produits sur le public. Ensuite, nous avons également discuté le point « apparence physique » car, si un item tel que les expressions du visage semble s’ancrer naturellement dans ce point, il n’en est pas de même avec, par exemple, les accessoires. Cependant, nous ne pouvions nier l’importance de ces objets et avons pris la décision de l’insérer à cet endroit dans notre grille. Pour terminer, lors du remplissage de cette dernière, nous notions, par moments, des éléments qui nous paraissaient importants mais ne semblaient appartenir à aucun de nos items. C’est pourquoi, nous avons finalement ajouté un point « autres » qui nous a permis de résoudre notre embarras. En ce qui concerne l’ensemble de la création des items de notre grille, nous nous sommes principalement basées sur des éléments d’analyse de l’image, trouvés dans des documents fournis par Madame Magnenat. 41

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Une fois un premier volet de notre grille finalisé, nous avons décidé de la mettre à l’épreuve directement. Ainsi, armées de notre grille nous l’avons utilisée afin d’analyser le film d’animation Blanche-Neige et les Sept Nains. Ce travail a été fait en respectant un accord « inter juges ». Il s’agit d’« un accord entre deux observateurs ou plus sur la nature de ce qui est observé, classé ou ordonné lors d’une observation systématique » (techno-science, 2011). Une fois le premier film analysé ensemble, nous avons discuté les modifications à apporter. Le reste des films d’animation a été partagé parmi les membres du trio. Nous nous sommes concertées à plusieurs reprises afin d’être certaines que la grille fonctionnait pour tout le corpus. Sans cela, nos résultats auraient pu être biaisés. Une fois les grilles complétées pour l’ensemble des films, nous avons rempli une fiche technique ainsi qu’écrit un résumé pour chaque œuvre. Ceci afin d’avoir un rappel de la fabula avant la partie « analyse » mais également pour se rendre compte des différentes équipes techniques présentes pour chaque films et d’observer certains liens possibles lors de l’analyse. Nous arrivons maintenant à la deuxième étape de la réalisation de notre mémoire, son noyau, c’est-à-dire le chapitre cinq, « analyse des personnages ». Dans un premier temps, nous avons effectué une analyse des grilles produites pour chaque film de manière individuelle. Il s’agit de reprendre les items de la grille d’analyse tout en amenant des aspects théoriques permettant de comprendre les éléments observés. Puis, dans un deuxième temps, toujours en trio, nous avons repris ces analyses afin de les comparer, noter les points communs, les divergences, les éléments isolés,… Une fois cette étape terminée, nous avons consacré une partie du mémoire à la discussion de ces résultats. Il s’agit alors en partie de reprendre notre première question de recherche et de tenter d’y répondre avec les éléments analysés de notre étude, c’est également dans cette partie que les aspects théoriques sont remobilisés. Une fois l’étude filmographique effectuée, nous avons remarqué l’absence d’un lien direct avec la pratique. Afin de pallier à ce manque, nous avons décidé d’organiser un colloque comme dernière étape de notre recherche. Ce volet étant développé au point précédent 4.2.2 nous ne le détaillerons pas davantage dans ce paragraphe. Cependant, nous tenons à mettre en avant notre réflexion lors de la préparation de la présentation Powerpoint. En effet, cela nous a permis de prendre du recul sur notre recherche afin d’en faire ressortir les points principaux indispensable à la compréhension de notre démarche ainsi que de nos enjeux pour des personnes extérieures à notre étude. Ces aspects nous ont ensuite permis de structurer notre présentation lors de l’entretien collectif.

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En dernier lieu, nous tenons à ajouter à quel point notre travail à trois a été complexe mais enrichissant. En effet, il a fallu tenir compte d’une organisation rigoureuse, s’imposer des délais et parfois se partager le travail afin de mieux réunir le tout par la suite. Nous avons dû faire face à de nombreuses difficultés, en particulier de gestion. Effectivement, il n’est pas chose aisée de travailler sur le même document depuis trois endroits différents et que ce dernier soit constamment à jour. Pour pallier à cet obstacle nous avons utilisé un outil particulier : la « Dropbox ». Il s’agit d’un espace virtuel, une boite, dans laquelle nous pouvons déposer des documents (Word, Pdf, …), ainsi que des images ou autres fichiers informatiques. Cet outil nous a permis de travailler de manière simultanée sur les mêmes fichiers et a été ainsi un élément facilitateur dans notre collaboration. Le travail à trois est, comme nous l’avons dit plus haut, assez particulier mais surtout riche en discussions et en confrontations, et cela nous a permis d’avoir de grands moments de partage.

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5. Analyse des personnages

5.1. Analyse des grilles produites

Dans ce chapitre, nous procédons à une analyse détaillée de nos six méchantes. Pour effectuer cette analyse, nous nous basons sur nos grilles d’analyse jointes en annexe.

5.1.1. Blanche-Neige et les Sept Nains : la Reine

L’histoire de Blanche-Neige et les Sept Nains provient d’un célèbre conte des frères Grimm. Dans sa version cinématographique, Walt Disney et son équipe de créateurs modifient quelque peu le scénario afin de le rendre plus accessible au jeune publique.

a. Résumé de la fabula

L'histoire de Blanche-Neige, revisitée par les studios de Walt Disney, raconte l'aventure d'une jeune princesse qui, ayant perdu sa mère jeune et son père quelques années plus tard, se retrouve seule avec sa marâtre, la Reine. D'une rare beauté, Blanche-Neige provoque la rage de sa belle-mère qui charge un chasseur d'emmener la jeune princesse dans les bois, de la tuer et de lui rapporter son cœur dans un écrin. Le chasseur s'exécute mais se trouve incapable de tuer la jeune fille. Blanche-Neige s'enfuit alors dans les bois et fait la connaissance des sept nains avec lesquels elle s'installe. Mais la méchante Reine découvre, à l'aide de son miroir magique, la ruse du chasseur et décide de s'en débarrasser elle-même. Elle se change en affreuse vieille femme, se munit d'une pomme empoisonnée et part à la rencontre de la princesse. Naïve et touchée par la vieille femme, Blanche-Neige accepte de manger la pomme et plonge dans un profond sommeil après avoir mordu dedans. Les nains, alertés par les animaux de la forêt, arrivent trop tard pour la princesse mais à temps pour pourchasser la sorcière, qui fait alors une chute mortelle depuis le haut de la falaise. Malheureux et ne pouvant se résoudre à l'enterrer, les nains construisent un cercueil de verre dans lequel ils mettent Blanche-Neige. Alors, lorsque un beau prince passant dans la forêt remarque la jeune fille allongée ainsi, il est éblouit et lui donne un doux baiser, ce qui sauve la princesse. Tous vécurent heureux du moins, rien ne laisse supposer le contraire...

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b. Interprétation4

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Le personnage La méchante Reine de Blanche-Neige n'est autre que sa belle-mère. Envieuse de la beauté de la jeune fille, la Reine met au point un plan diabolique pour pouvoir, enfin, être la plus belle femme au monde. Dans la production de Walt Disney, la Reine s'oppose à Blanche-Neige et fait partie des personnages principaux du film. C'est par elle et par ses actes que l'histoire se crée et prend fin. Elle représente le Mal que l'héroïne doit vaincre pour pouvoir vivre.

Les acolytes La Reine est un personnage qui évolue seul. Cependant, au fil du film, plusieurs acolytes font leur apparition. Tout d’abord, nous notons le chasseur. Homme d’une petite quarantaine d’années soumis aux volontés de cette Reine. Bien que complètement asservi, cet homme a une importance capitale dans l’histoire car c’est par sa désobéissance que le plan diabolique de la Reine échoue. Ensuite, cette méchante est accompagnée par un second personnage, un corbeau. Cet oiseau est, dans le monde occidental, un grand symbole de guerre, de solitude et de malheur. D’ailleurs, son vol est bien souvent annonciateur de mauvais augure. Cet animal l’accompagne durant sa transformation et aide le spectateur à prendre conscience qu’un changement radical s’est opéré lorsqu’il fait un bond en arrière et se réfugie à l’intérieur d’un crâne fuyant ainsi l’aspect ingrat de la sorcière.

4 Pour des raisons de lisibilité lors de l’analyse des personnages, la provenance de chacune des images utilisées n’est pas énoncée lorsqu’elles sont tirées du film qu’elles illustrent. En effet, elles proviennent de captures d’écran issues des différents DVD. 45

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Apparence physique Ce long métrage présente la Reine sous deux formes distinctes: l'une est belle, fine et superbe alors que la seconde est vieille, bossue et effrayante. Ainsi, nous retrouvons en cette figure les deux stéréotypes de mauvaises femmes issues de la tradition médiévale (cf. cadre théorique). Ainsi, nous avons les deux apparences physiques : 1. La Reine avant sa transformation : une belle femme, grande, fine et jeune. Elle se tient droite, les épaules légèrement tirées en arrière et les bras inertes le long de son corps. Ses pommettes sont rehaussées par un léger voile rosé et sa bouche est fortement accentuée par un rouge à lèvre vermillon. Elle porte de beaux vêtements de soie ou de velours et des bijoux en or et pierre. Elle porte aussi une grande couronne en or surmontée de petites perles blanches. Vêtue d'une robe longue et serrée ainsi que d’une grande cape noir et violette qui traine derrière elle, cette dernière porte également quelques touches de rouge. L'association de ces trois couleurs permet alors d'énoncer qu'il s'agit déjà d'un personnage sombre. En effet, en regard du dictionnaire des symboles, nous nous trouvons face à un personnage qui évoque « le deuil », « les martyrs » et les « veuves » (Petit Larousse des symboles, 2008, p. 646) par l'apport du violet mais également l'idée de « maudit et nuisible » (p. 545) mis en évidence par le rouge. Enfin, la couleur dominante dans la tenue de cette femme reste, bien évidemment le noir. Ce dernier est bien souvent « associé à la couleur sombre, à l'absence de lumière, à la saleté, au désespoir, au malheur, le noir est pourtant une couleur ambivalente, liée à la mort et à la résurrection voire à l'élégance » (p. 439). Ainsi, les couleurs choisies par Walt Disney pour représenter cette Reine diabolique, ne peuvent être le fruit du hasard. En effet, lorsque l'on s'y attarde, il est possible de constater une réelle concordance entre les couleurs et le personnage. Effectivement veuve et en deuil (mort de son époux racontée au début du film), cette Reine est également maudite (beauté supérieure de Blanche-Neige) et ainsi devient irrévocablement nuisible. Enfin, nul ne peut contester que la noirceur de son âme et de ses desseins ne parviennent à masquer sa somptueuse élégance. En ce qui concerne sa voix, il est important de spécifier qu'elle est suave et posée renforçant ainsi sa posture de reine dangereuse et déterminée. 2. La Reine après sa transformation : une vieille femme ratatinée et bossue. Ses cheveux sont blancs et gris et ses mains osseuses avec de longs ongles pointus. Ses yeux sont cernés de toutes parts et son visage est empli de rides. Elle a également une grosse verrue qui marque son long nez. De plus, lorsque l'on voit ses mains, il serait presque impossible de dire si elles appartiennent à un vivant ou un mort. Par ces mains, Walt Disney évoque à merveilles l'idée de la mort émanant de cette femme. 46

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Elle témoigne donc de manière très claire des stéréotypes de vieilles sorcières au nez crochu. En la voyant quitter le château dans une vielle barque, le spectateur est presque déçu de ne pas la voir enfourcher un balai tellement sa représentation fait écho aux sorcières. En ce qui concerne le choix des couleurs pour cette nouvelle représentation de la Reine, le noir semble être suffisant pour témoigner de ses desseins. En effet, elle porte une vieille robe noire s'apparentant davantage à des haillons qu'à une robe à proprement parler. Une fois encore, l'esprit de la mort, de saleté et de misère évoqué par sa tenue est fortement mis en avant par ce noir contrastant à la pâleur morbide de sa peau et de ses cheveux. Enfin, en ce qui concerne la tonalité de sa voix, le changement est presque aussi flagrant qu'en ce qui concerne son physique. En effet, on passe alors d'une voix suave et posée à une voix stridente et aigue accompagnée d'un rire puissant et effrayant.

Mouvements Tout comme pour le physique et le comportement, la Reine et la sorcière ont deux façons de se mouvoir qui divergent complètement. En effet, la Reine se déplace avec grâce. Son corps est droit, sa tête dressée et ses gestes lents et habiles. Lorsqu’elle parle, elle accompagne ses mots de mouvements de mains lents et délicats. Sa démarche, bien qu’assurée, est également fine et disciplinée car elle bombe le buste et lève le menton lorsqu’elle se déplace. Cette femme avance donc avec assurance, fait souligné par le port de tête rigide. En revanche, une fois transformée en vielle sorcière, sa démarche est hésitante et saccadée. Elle avance tête baissée avec le dos vouté vers l’avant. Les pas sont lents et lourds et ses épaules oscillent dangereusement des deux côtés. Ses bras accompagnent les mouvements de son corps et se balancent d’avant en arrière comme pour accentuer l’instabilité qui l’habite.

Expressions du visage En ce qui concerne la Reine, les expressions de son visage sont extrêmement travaillées. En effet, bien qu’ayant les traits incroyablement lisses, ses yeux s’écarquillent jusqu’à occuper un bon tiers de son visage lorsqu’elle est en colère. Ses petites lèvres pincées esquissent, par moments, un léger sourire en coin qui s’accompagne de légers penchements de tête. Ainsi, elle garde, par ses expressions, cet aspect soigné et distingué propre à son statut. De plus, la Reine démontre bien des expressions par le mouvement de ses sourcils. Lorsqu’elle s’inquiète, ses sourcils montent en forme d’éclair sur son front alors que lorsqu’elle s’énerve, ils forment un V et se joignent à la base de son nez. 47

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En ce qui concerne ses expressions lorsqu’elle revêt l’apparence de la sorcière, elles sont bien plus exagérées qu’avant. En effet, ses épais sourcils oscillent au rythme de ses paroles et le sourire avant esquissé devient un sourire large découvrant d’inégales rangées de dents. Ses yeux globuleux expriment à la fois sa folie et sa rage par leur écarquillement prononcé et la petitesse de l’iris. Lorsqu’elle rit, elle penche sa tête en arrière et ouvre grand sa bouche. Elle parle avec un léger mouvement de tête d’avant en arrière et s’attarde sur des mots en levant soudainement son long menton. De plus, elle agite frénétiquement ses bras de haut en bas dévoilant ses longs bras maigres et ses mains crochues. Ainsi, les créateurs de ce personnage réalisent, avec réalisme la gestuelle et les aspects faciaux d’une vielle femme sénile.

Comportement A nouveau, le comportement de la Reine est à scinder en deux parties. Le premier étant relatif à celui d'une reine et le second à celui de la sorcière. 1. Dans la première partie du film, la Reine adopte un comportement propre à son rang. Elle parle distinctement et exprime à son miroir son désir d’être la plus belle. La grande partie des dialogues, outre ceux avec le chasseur, se déroule entre la Reine et son miroir magique. De cette manière, le spectateur est averti des desseins exprimés par la méchante. Dans le symbolisme, le miroir exprime « des idées de vérité et de réalisme, mais comme il inverse en réfléchissant, il se rapporte tout autant au mensonge, à la flatterie, au narcissisme et au rêve » (Petit Larousse des symboles, 2008, p. 419). Ici, le miroir ne peut mentir à la Reine et lui expose les faits tels qu’ils sont. Ainsi, le narcissisme et la jalousie de la Reine sont révélés au public et la transformation physique est alors très clairement accompagnée d’une transformation de comportement. En effet, avant qu’elle ne se change en vieille femme, la Reine tente de faire exécuter Blanche-Neige par le chasseur, délégant ainsi le rôle de méchant à un autre personnage. Lorsqu’elle réalise sa méprise face à la soi-disant mort de la jeune fille, la Reine adopte alors un tout autre comportement. 2. Dans le rôle de la méchante, l’équipe des créateurs a choisi une affreuse sorcière. Ainsi, la belle Reine se transforme en vieille marchande de pommes pour tromper la vigilance de Blanche-Neige. Cependant, la Reine choisit de prendre une apparence disgracieuse et laide alors même que son souhait le plus cher est d’être la plus belle. Ce paradoxe, également présent dans le conte écrit, soulève alors l’hypothèse suivante : cette transformation en une apparence si laide serait en réalité le reflet de l’âme sommeillant dans la Reine. De plus, la tentative de meurtre est alors perpétrée par une vilaine sorcière et non par une belle reine.

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Au niveau du comportement général, il est possible d’observer une véritable scission entre la gestuelle de la Reine et celle de la sorcière. En effet, la vieille femme s’exprime mal et se déplace avec peine. Ses mouvements sont tremblants bien que déterminés et son visage témoigne de nombreuses expressions propres aux personnes d’un certain âge (plissement des yeux pour lire, suivi du doigt lors du déchiffrage des mots, démarche lourde et malaisée). De plus la sorcière ne démontre plus des agissements propres à elle-même. En effet, elle ne passe plus son temps à se contempler devant son miroir ou à déléguer ses desseins. Elle prend en charge la situation et concocte elle-même la pomme empoisonnée et la potion qui la transforme. Ainsi, il est clair pour le spectateur que la scène de la transformation marque le réel tournant du film. A partir de sa métamorphose, cette dernière colle totalement au personnage qu’elle incarne. En effet, elle se déplace en barque et à pied alors que la Reine, telle qu’elle nous apparait au début, ne se serait probablement jamais aventurée seule dans des marais ou dans les bois sombres.

Environnement Pour cette partie de l’analyse, nous allons reprendre les différents lieux dans lesquels évolue notre personnage. Pour commencer, la Reine se situe dans la salle au miroir. Il s’agit d’une grande pièce luxueuse et peu éclairée dans laquelle elle peut contempler son reflet et s’entretenir avec son premier acolyte : le miroir magique. Il s’agit d’un très grand miroir dans lequel apparait l’esquisse d’un visage d’homme lorsque la Reine l’interpelle. Sur fond noir, le visage du miroir apparait dans des teintes verdâtres sous forme d’une sorte de fumée. Ces teintes vertes sont d’ailleurs présentes dans la lumière des pièces dans lesquelles se trouve la Reine. Dans le dictionnaire des symboles, le vert est décrit comme étant une « couleur à double sens », en effet, il représente « la vengeance attribuée au dieu Thot en Egypte et à Mercure à Rome, il est une couleur maléfique au Moyen Âge, associée au diable, dont la représentation comme être vert fait écho aux divinités sylvestres de l’Antiquité » (Petit Larousse des symboles, 2008, p. 639). Totalement inexpressif, le miroir se contente de répondre à la question de la Reine : « Miroir, qui a la beauté parfaite et pure ? ».

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Par la suite, la Reine se trouve dans ce qui semble être la salle du trône. Elle est assise sur son siège et s’adresse au chasseur auquel elle confie alors la mission de tuer Blanche-Neige. Cette seconde salle ressemble beaucoup à la pièce du miroir, les teintes y sont également sombres avec des touches de rouge et de vert. Le trône sur lequel est assise la Reine est orné d’un grand paon, symbole de renaissance et de vanité mais aussi de beauté. Lorsque la Reine découvre, plus tard, qu’elle a été trompée par le chasseur et qu’elle ne dispose que du cœur d’une biche, la Reine change alors de décor. Elle s’engouffre alors dans les cachots et souterrains du château. Les lieux sont sombres et la descente, dans de longs escaliers sinueux, semble interminable. Elle arrive enfin dans une sorte de laboratoire dans lequel l’attend son second acolyte, un corbeau noir. Ainsi, l’oiseau qui l’accompagne change également du tout au tout lorsque s’annonce la transformation de la Reine. Du paon au corbeau, le spectateur reçoit alors le message qu’un changement approche.

Le laboratoire du château est sombre et fait de vieilles pierres. Sur les murs, on aperçoit des grimoires, des crânes et des petits flacons en tous genres. La pièce semble être illuminée par des bougies et de vieilles lampes recouvertes de toiles d’araignées. Après sa transformation, la sorcière s’enfonce davantage dans les profondeurs du château et se rend dans des sortes de douves souterraines dans lesquelles elle embarque sur un petit radeau. Une fois sortie du château, nous la retrouvons sur des marais sombres et enfumés qui bordent sa demeure. La sorcière débarque sur la rive et s’enfonce dans la lugubre forêt. Dans les contes de fées, la forêt a une signification toute particulière : lieu de tous les dangers, c’est principalement là que l’on s’attend à trouver loups, sorcières et monstres en tous genres. C’est alors naturel de voir la sorcière poursuivre son chemin en ces lieux sombres. À ce moment, deux autres oiseaux font leur entrée et suivent la sorcière. Il s’agit de deux vautours. Le vautour est un charognard qui représente à la fois la mort et la régénération mais également la vigilance et la protection. Cependant, ces deux rapaces semblent connaitre le plan de la sorcière et ne la suivent probablement pas dans un but de protection. 50

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Généralement associés aux cadavres par leur état de charognards, le spectateur comprend rapidement que leur apparition annonce la mort. La scène qui suit la marche dans la forêt est la scène décisive du film : il s’agit, bien évidemment de la rencontre des deux figures féminines : la méchante et l’innocente. La vieille femme offre alors la pomme empoisonnée à Blanche-Neige qui mord dedans à pleines dents. Son apparition dans cette scène est particulièrement intéressante car la sorcière entre en scène par son ombre se projetant sur la future victime. La dernière scène où figure la sorcière est celle de sa mort. En effet, poursuivie par les nains elle s’enfuit à toutes jambes. C’est précisément à cet instant que le temps, précédemment ensoleillé, se couvre et qu’éclate un violent orage. La sorcière escalade une falaise et les éclairs rendent son visage encore plus effrayant qu’auparavant. Notre méchante femme chute de la falaise dans un éclair fulgurant qui accompagne la fin de la Reine. Ainsi, on retrouve dans cette dernière scène les éclairs et le jeu de lumières blanches présentes dans la scène de la transformation. On peut alors supposer que la première représente, dans un certain sens, la mort de la Reine telle qu’elle était avant et que la dernière représente la véritable mort de cette Reine.

Mise en scène En ce qui concerne la mise en scène du film, la figure de la méchante est très clairement mise en opposition avec celle de l’héroïne par l’alternance des scènes. En effet, l’on constate que chaque scène où apparait la Reine est directement suivie par une scène dans laquelle figure Blanche-Neige. De plus, les musiques qui accompagnent les deux entités féminines sont également en très nette opposition. Pour ce qui est des musiques accompagnant la Reine, les tonalités sont stridentes et émettent d’importantes variations entre les aigus et les graves. Elles comportent des rythmes généralement soutenus et rapides marqués par des coups secs d’instruments à vent. Les différentes apparitions de la Reine sont souvent courtes (mis à part la scène de la transformation et la scène finale) mais ponctuent l’intégralité de l’œuvre. En ce qui concerne les couleurs et particularités, les scènes comportent des tons oscillants entre le violet, le bleu et le noir. De plus, deux scènes se ressemblent plus particulièrement : il s’agit de la scène de transformation et de la scène de la mort. En effet, ces deux moments sont marqués par des éclairs et de fortes lumières blanches. Ces éclats sont, généralement, associés aux forces destructrices et au courroux des dieux. Ainsi, les deux scènes représentent plus particulièrement les moments de haine et de malédiction du film.

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En plus, la scène de la transformation comporte également des tourbillons, des bulles et de la fumée, plongeant ainsi le spectateur dans une ambiance psychédélique propice aux sortilèges et aux actes magiques. Certaines scènes provoquent des sentiments forts chez le spectateur et cela est principalement lié aux différents artifices énoncés (musique, ambiance) mais également à des images fortes de messages tels que l’ombre de la sorcière se dessinant sur Blanche-Neige. Avant même que l’on voie la vieille femme, la mise en scène annonce déjà sa présence, ce qui augmente l’angoisse du spectateur.

Conclusion Pour terminer, nous notons que le personnage de la Reine témoigne de cette dualité féminine de la femme évoquée durant le Moyen Age et qui a fait couler énormément d’encre chez les plus grands auteurs de ces derniers siècles. Invoquant soit l’image de la femme fatale soit celle de la vilaine sorcière, la Reine est certainement l’un des personnages les plus complexes créé par Walt Disney studios.

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5.1.2. Cendrillon : la Marâtre

Cendrillon est un long métrage de la production Disney adapté des versions du conte de Charles Perrault (Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre) et des frères Grimm (Aschenputtel). Il est sorti en 1950 après avoir été minutieusement préparé.

a. Résumé de la fabula

Après la mort de son père, Cendrillon est recueillie par sa belle-mère et ses deux belles-sœurs, Javotte et Anastasie. Celles-ci vont en profiter pour l’obliger à s’habiller en haillons et lui faire faire toutes les tâches ménagères. Elle est la première levée et la dernière couchée, elle doit obéir aux moindres désirs de ses affreuses belles-sœurs et réaliser toutes les tâches dictées par sa belle-mère. D’un autre côté, au château, le Roi désire marier son fils plus que tout. Afin de forcer le destin, il organise un bal et y invite toutes les filles du royaume prêtes à se marier. Cendrillon, désireuse de s’y rendre, demande la permission à sa belle-mère. Celle- ci l’autorise à y aller si elle réalise toutes ses tâches ménagères et trouve une robe. Malgré tous ses efforts Cendrillon finit en haillons. C’est alors qu’arrive Marraine la bonne fée. D’un coup de baguette magique Cendrillon est prête pour le bal. Dans la salle du château, le Prince tombe follement amoureux du premier coup d’œil de cette belle inconnue. La soirée se termine quand les douze coups de minuit résonnent, Cendrillon doit se dépêcher de rentrer et perd dans sa course une de ses pantoufles de verre. Le prince, désespéré, promet de marier la fille qui parviendra à chausser cette pantoufle. Le Duc fait alors le tour du royaume à la recherche de celle-ci. Arrivé chez la belle-mère, cette dernière enferme Cendrillon afin qu’elle ne puisse pas essayer la pantoufle. Aidée par ses compagnons les souris et autres animaux, Cendrillon finit par sortir et essaye la pantoufle qui lui va à la perfection. Elle épouse le Prince et ils vécurent heureux pour toujours, si l’on en croit le générique de fin.

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b. Interprétation

En ce qui concerne le personnage de la belle-mère de Cendrillon, deux auteurs se sont particulièrement intéressés à elle. Il s’agit d’Ollie Johnston et de Frank Thomas. Ils ont écrit sur son statut de méchante, sur les personnages qui l’entourent mais également sur les effets qu’elle produit. Nous allons reprendre un certain nombre de ces éléments qui nous semblent important dans l’analyse ci-dessous.

Le personnage De par son statut de belle-mère, elle est la seule méchante à vivre directement avec l’héroïne, « une situation qui favorisa des rapports intéressants, des nuances et un raffinement qui n’ont pu être dépeints pour la plupart de nos personnages démoniaques » (Johnston & Thomas, 1995, p. 101). Cela lui permet donc d’être constamment sur son dos, de lui imposer des tâches et ainsi faire d’elle « une souillon ». De plus, par le fait « que la Marâtre de Cendrillon exécute la plupart de ses actions diaboliques en présence de la jeune fille. L’animateur eut ainsi l’opportunité de montrer l’expression du visage innocent de Cendrillon face à la cruauté, le mépris, les critiques sarcastiques, la haine et le mensonge » (p. 101), ainsi le spectateur peut ressentir de la colère ou de l’énervement contre ce personnage. De la sorte, créant une telle coupure entre les deux personnages cela rendait la réaction du public optimale. De plus, elle est rapidement dépeinte dans le film par le narrateur comme étant « une femme froide, cruelle, jalouse du charme et de la beauté de Cendrillon ». Le spectateur peut ainsi construire assez rapidement une image négative du personnage. Ajoutons encore qu’elle n’est pas une belle-mère ordinaire, il s’agit d’une marâtre. Dans le petit Larousse 2003, ce terme est défini comme : l’« Epouse du père, pour les enfants nés d’un autre mariage de celui-ci ; belle- mère », mais aussi « mauvaise mère » (p. 625). Nous constatons donc que les termes mauvais ou méchant sont associés à l’idée de Marâtre.

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De plus, des situations telles que celle où elle laisse entrevoir la possibilité à Cendrillon de participer au bal puis détruit tout à néant en poussant ces filles à déchirer la robe de la belle ou encore lorsqu’elle enferme l’héroïne dans sa chambre, l’empêchant d’essayer la pantoufle de verre, nous montre qu’elle est constamment en train de manigancer, de planifier ses actes destructeurs pour Cendrillon, ce qui fait d’elle « une réelle menace » (Johnston & Thomas, 1995, p. 99). Nous terminons, pour appuyer nos propos, par ces quelques mots de Johnston et Thomas lorsqu’ils relèvent que « bon nombre de gens détestent la Marâtre plus que tout autre Méchant jamais créé » (1995, p. 99).

Ses acolytes Les premiers acolytes de la Marâtre sont bien évidement ses deux filles chéries. Cependant, contrairement à leur mère, elles ne sont pas foncièrement mauvaises. Selon Johnston & Thomas « elles sont trop paresseuses, trop négligées, trop gâtées pour être autre chose qu’une contrariété mineure » (1995, p. 101). Leur rôle dans l’histoire, serait davantage de relever la gentillesse de Cendrillon que d’être des « méchantes ». Elles ont le même âge que cette dernière mais sont son opposé. Leur personnage regroupe un certain nombre d’éléments comme une voix trop aigue, une incapacité au chant (scène de la leçon de chant) et à la musique, une démarche décalée mais aussi un physique exagéré et font qu’elles paraissent ridicules, grossières voire repoussantes. Cela est d’ailleurs confirmé par les réactions de recul du Prince ainsi que du Duc face à elles. Toutefois, ces différents aspects font d’elles des êtres comiques et ridicules qui suscitent le rire. Nous ajouterons avec profit qu’« il leur reste assez de maladresse et de bouffonnerie pour divertir le public. Trop laides, elles auraient été grossières. Trop raffinées, elles devenaient insignifiantes et sans consistance » (pp. 101-102). En ce qui concerne leur tenue vestimentaire, elles portent des couleurs vives. Le jaune et le vert (kaki) sont les couleurs de Javotte, le rose et le violet pour Anastasie. Plus qu’apportant une signification précise, ces couleurs semblent être utilisées principalement pour différencier les deux filles, tout comme leur couleur de cheveux. Nous relèverons cependant la symbolique que peut représenter la chevelure rousse d’Anastasie. En effet, le roux est associé au feu, non pas celui de l’amour mais « le feu impur, qui brûle sous la terre, le feu de l’Enfer. […] En somme, le roux évoque le feu infernal dévorant, les délires de la luxure, la passion du désir » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, pp. 833-834).

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Le deuxième acolyte mais pas le moindre, de la belle-mère est son chat, Lucifer. Selon la définition du petit Larousse 2003, Lucifer est l’« autre nom de Satan. C’est l’ange de Lumière, déchu après sa révolte contre Dieu » (p. 1498) ou en un mot : le diable. Malgré ses côtés anthropomorphiques, il ne parle pas mais comprend la langue, il utilise ses mains comme un humain et ses expressions sont très semblables à celles d’un visage humain. De plus, il ronfle quand il dort. Lorsqu’on le regarde de plus près, il ressemble énormément à sa maitresse. Tout d’abord, il possède les mêmes yeux verts perçants que la Marâtre, ils dorment tous deux dans la même pièce et son lit, tout drapé de voiles violets, ressemble énormément au lit de celle-ci. De plus, selon Johnston & Thomas, « il possède les principales « qualités » de sa maitresse » (1995, p. 102), il est manipulateur et calculateur. Néanmoins, il a un côté ridicule que ne possède pas la belle-mère. En effet, il passe une grande partie de son temps à chasser les souris qui lui rendent la vie dure et il reçoit parfois des nouvelles qui ne lui plaisent guère (scène de la chambre à coucher où la Marâtre ordonne de donner son bain à Lucifer). Pour appuyer nos propos, regardons du côté de Johnston et Thomas lorsqu’ils affirment que l’animateur Ward Kimball : Vit immédiatement le côté comique en faisant de Lucifer une brute impitoyable plutôt qu’un vulgaire chat amateur de souris. Lucifer est parfait dans son rôle de Méchant rancunier. Léthargique et indolent la plupart du temps, il est fort et rapide lorsque des souris sont proches, un antagonisme qu’il cultive à merveille. (p. 102) Lucifer est un des personnages marquant de ce film, mais il reste un chat, passant le plus clair de son temps à chasser les souris amies de Cendrillon. Nous nous rappelons de cette phrase dite par Jack (une des souris) : « Lucifer est méchant ! Lucifer est sournois… ». Mais avant tout du fait que : « Lucifer est un Méchant unique » (Johnston & Thomas, 1995, p. 102).

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Apparence physique La Marâtre est une dame d’une cinquantaine d’années ayant un physique avantageux. Elle est de taille moyenne et plutôt fine, rien d’autre qui ne sorte de l’ordinaire. Elle est toujours soigneusement maquillée (rouge à lèvres rouge, ombre à paupières violet-mauve, vernis). On l’aperçoit pendant un court instant au début du film, lors de la mise en situation de l’histoire, elle a donc quelques années de moins et cela se remarque par les trois mèches grises qu’elle ne possède pas à ce moment-là mais qui sont présentes durant toute la suite du film. Elle est également toujours très bien coiffée par une sorte de coupe de cheveux en « chignon ». Concernant sa tenue vestimentaire, elle porte toujours une robe style 17ème : longue, tombant jusqu’au sol, cintrée à la taille, bouffante au niveau des bras puis serrée aux avant-bras jusqu’aux poignets, un col lui couvre le cou et ceci dans différentes couleurs (violet / bleu clair ; bleu foncé / bleu clair ; rouge / rose) et avec parfois quelques nuances (un voile, décolleté carré ou rond). Pour terminer, elle possède une broche ainsi que des boucles d’oreilles serties d’une pierre vert émeraude.

Mouvements Faisant partie de la bourgeoisie, elle se déplace en ayant toujours une démarche très élégante et un port de tête altier. Tête et menton relevés, dos droit, petits pas, rien qui pourrait être disgracieux. Néanmoins, tous ces éléments font qu’elle parait très hautaine et autoritaire.

Expressions du visage Les expressions du visage de la Marâtre sont extrêmement bien détaillées. On dénote, par exemple, un certain nombre de sourires ou d’expressions de joie qui cachent une satisfaction sadique : yeux en amande légèrement plissés, petit sourire avec la bouche fermée ou grand sourire avec la bouche ouverte, etc. De ce fait, étant une grande manipulatrice, une majorité de ses intentions et de ses réels desseins sont montrés pour le public à travers ses mimiques. De plus, elle fait attention à ne pas trop déformer son visage par des expressions exagérées ce qui correspond à son statut de « bourgeoise ». Cependant, il lui arrive d’avoir les traits de son visage très marqués durant quelques courtes périodes. Prenons par exemple lorsqu’elle a les dents serrées, la bouche ouverte, les lèvres crispées, les yeux petits, plissés et tombants et les sourcils froncés, cela correspond à la colère. Mais aussi, quand sa bouche est grande ouverte et ronde ou fermée avec un coin de la lèvre supérieure levé, ses yeux écarquillés et ses sourcils relevés, il s’agit alors d’un moment d’étonnement ou de surprise désagréable. Ces instants, généralement de très courte durée, permettent alors d’accentuer l’effet de surprise. 57

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De plus, ces différentes expressions permettent aux spectateurs de mieux cerner le personnage dans son côté calculateur mais également dédaigneux.

Couleurs dominantes Les principales couleurs que l’on retrouve autour et sur la belle-mère sont le violet ou plus particulièrement le mauve, le vert émeraude, le bleu et le noir. Le mauve étant une déclinaison du violet, nous analyserons uniquement ce dernier. Commençons donc par le violet, on le retrouve principalement sur ses habits, son maquillage, dans des éléments du décor (toute sa chambre à coucher, le lit du chat, les couloirs, ...) et même encore à l’intérieur des oreilles de Lucifer. Il est dit dans le Dictionnaire des symboles que cette couleur est celle du deuil car le violet représenterait « l’idée, non de la mort en tant qu’état, mais de la mort en tant que passage » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 1021). Toujours selon ce même dictionnaire, il existe également une coutume où une pierre violette est attachée au cou des enfants dans le but de « les protéger de la maladie, mais aussi pour les rendre dociles et obéissants » (p. 1021). Ainsi, le violet représente également une idée d’obéissance et de soumission. Le vert émeraude, quant à lui, n’apparait pas sur énormément d’objets. En effet, il est présent sur les boucles d’oreilles ainsi que sur la broche sertie d’une pierre de cette couleur. Cependant, la Marâtre le porte tout au long de l’histoire même lorsqu’elle change de tenue. Plus que la couleur, nous allons nous intéresser à la signification de la pierre. Effectivement, l’émeraude renferme plusieurs symboliques. Tout d’abord, pour les Mezzo-Américains, selon la tradition hermétique, lors de la chute de Lucifer, une émeraude serait tombée de son front. Elle possède donc un « aspect néfaste », et est associée « aux plus dangereuses créatures de l’enfer » (p. 400) mais également considérée comme « le plus puissant talisman » (p. 401). Certains aspects de cette pierre pourraient donc expliquer la présence continuelle de ces bijoux sur la Marâtre. Pour terminer, nous pouvons noter que ce film comporte une certaine palette de couleurs sombres comme le bleu et le noir, qui permet ainsi de créer une ambiance lugubre car peu éclairée.

Pouvoirs et transformations Contrairement à d’autres belles-mères comme par exemple dans le film Blanche-Neige et les Sept Nains, la belle-mère de Cendrillon ne possède aucun pouvoir.

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En effet, c’est une personne normale et non pas surnaturelle (sorcière) comme l’est, par exemple, le personnage de Marraine la bonne fée dans ce même film. De ce fait, elle ne peut pas se transformer. Toutes ses actions, aussi mauvaises soient-elles, sont du ressort d’un être humain.

Voix Elle garde la plupart du temps une voix très calme et froide ce qui peut être lié à son envie de toujours essayer de respecter les conventions liées à la bourgeoisie. Ces moments de parfaite « Lady » peuvent être entrecoupés par quelques hurlements ou lorsqu’elle ordonne quelque chose, mais cela ne dure jamais plus de quelques secondes. En ce qui concerne son rire, il est petit et accompagné de petites saccades ce qui lui donne une impression de rire moqueur. De plus, elle adoptera davantage un sourire au coin de la lèvre qu’un grand rire comme, par exemple, lors de la scène où Javotte et Anastasie s’attaquent à Cendrillon. D’après Johnston & Thomas « alors qu’elles réduisent la robe de la pauvre enfant en pièces, la Marâtre regarde froidement la scène, un petit sourire aux lèvres » (1995, p. 100).

Lieu de résidence Elle habite dans un château majestueux qui appartenait à son mari le défunt père de Cendrillon. Elle a hérité de ce château et y habite depuis avec ses deux filles et Cendrillon qu’elle a exilé dans une des tours.

Musique Les instruments présents sont des instruments classiques faisant partie d’un orchestre symphonique c’est-à-dire : instruments à vent (trompettes, basson, cors,…), les cordes (violons, harpe, contrebasses,…), et parfois de la flûte. Le tempo est principalement lent et les notes graves. Cela permet de créer une ambiance d’anxiété et de peur qui met le public dans une position de méfiance lorsque la Marâtre apparait. Lors des scènes où sont présentes à la fois la belle-mère et Cendrillon, nous pouvons entendre le thème principal lorsque cette dernière apparait puis le retour des notes graves lorsque le plan revient sur la Marâtre. Nous retrouvons principalement des mélodies faisant ressentir la tristesse, le suspens, la peur, la colère ou encore la joie. Ces mélodies jouées par les instruments sont principalement là pour créer une ambiance et ainsi soutenir une émotion transmise par la scène et ressentie par le public.

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Mise en scène Concernant la mise en scène, nous relevons deux effets qui reviennent à plusieurs reprises. Tout d’abord, il s’agit de l’effet qui apparait principalement en fin de scène, c’est-à-dire un « fondu » noir à partir d’une image en gros plan. Nous avons pu l’observer lors d’une scène où la Marâtre fixe Cendrillon intensément du regard, l’image disparait alors petit à petit et il ne reste, à la fin, que les yeux verts de celle-ci brillants dans le noir. Cet effet est également utilisé pour une scène où l’image finale est un plan sur Lucifer qui disparait lentement dans le noir. Puis, nous avons noté la présence lors de plusieurs scènes de jeux d’ombres, le plan passant du personnage à son ombre ou vice-versa. En dernier point, nous relevons le jeu de « la caméra » lors des deux scènes de la clé (la Marâtre enfermant Cendrillon et les souris venant la sauver). En effet, les plans sont coupés de manière rapide et ils passent de la belle- mère aux souris ou des souris à Lucifer créant ainsi le stress du spectateur ou de la spectatrice. En ce qui concerne la fréquence d’apparition de la belle-mère, elle apparait à de nombreuses reprises tout au long de l’histoire. Cependant, ces moments ne sont jamais de très longue durée, il s’agit même parfois de quelques dizaines de secondes.

Conclusion Nous retiendrons de la Marâtre, qu’elle est une manipulatrice de génie, constamment sur ses gardes et cruelle. De plus, cette image est renforcée par sa forte présence et la comparaison faite avec Cendrillon. Dans le livre Les méchants chez Walt Disney, les auteurs affirment que : « La relation Méchant-victime est l’une des meilleures que nous ayons créée » (Johnston & Thomas, 1995, p. 99).

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5.1.3. La Belle au bois dormant : Maléfique

La Belle au Bois Dormant est un long métrage de la production Disney adapté des versions du conte de Charles Perrault et des frères Grimm. Il reste un des films préférés du public mais également un des plus longs car il faudra six ans pour sa réalisation. Il sera projeté dans les salles pour la première fois en janvier 1959.

a. Résumé de la fabula

L’histoire se déroule dans un pays imaginaire et lointain. Le Roi et la Reine rêvent désespérément d’avoir un enfant jusqu’au jour où nait la ravissante petite Aurore. Lors du baptême de cette dernière tout le royaume est présent, les trois bonnes fées, ainsi que le Roi Hubert et son fils le Prince Philippe. C’est à ce moment qu’apparait pour la première fois la fée Maléfique. Afin de se venger de ne pas avoir été invitée à la fête, cette dernière lance une malédiction sur la princesse : à l’âge de 16 ans, elle se piquera le doigt à une quenouille et mourra. Une des fées réussit à adoucir le sort, au lieu de mourir elle tombera dans un profond sommeil que seul le baiser d’un prince pourra arrêter. Les fées cachent Aurore pendant seize années mais rien n’y fit, le jour de ses 16 ans, elle se piqua le doigt. Maléfique tente alors d’emprisonner le Prince mais les fées le libérèrent. S’ensuit un combat entre le prince Philippe et Maléfique qui, dans une dernière tentative, se transforme en dragon. Elle finit transpercée au cœur par l’épée de vérité et meurt. Philippe rejoint Aurore pour lui donner le baiser tant attendu. Le prince et la princesse se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et nous imaginons qu’ils vécurent heureux pour toujours.

b. Interprétation

En ce qui concerne le personnage de Maléfique, nous retrouvons les deux auteurs, Ollie Johnston et Frank Thomas, cités dans l’analyse du personnage précédent. Nous reprendrons certaines de leurs idées qui nous semblent intéressantes à noter.

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Le personnage Maléfique est une fée appartenant au royaume des forces du Mal. Elle est, dans le film, en opposition avec les trois bonnes fées, Flora, Pâquerette et Pimprenelle. Par ailleurs, elle possède bien plus de pouvoirs que celles-ci, selon Johnston & Thomas « bien qu’elles ne soient pas personnellement vulnérables, la combinaison de leurs pouvoirs n’est pas à la hauteur de la magie de Maléfique » (1995, p. 120). Malgré l’appellation de fée, elle est considérée du début à la fin comme une sorcière car étant du côté des forces du Mal. De plus, sa position est vite définie du côté du Mal car dès le début de l’histoire elle apparait en lançant la malédiction qui annonce la mort de la Princesse. Ainsi, on comprend que son seul dessein est de tuer celle-ci. Cependant, son nom fait également partie des premiers indices qui nous l’indiquent. En effet, Le petit Larousse 2003 définit l’adjectif maléfique comme ceci : « qui a une influence surnaturelle et malfaisante » (p. 619). Ainsi, cela donne du sens à son nom complet La fée Maléfique, qui, pris au sens premier, signifierait « ayant des pouvoirs mais les mettant au service du mal ». De nature revancharde et orgueilleuse, elle va tout faire pour tuer la Princesse Aurore en lui jetant une malédiction et ceci parce qu’elle n’était pas invitée à son baptême. Cependant, son attitude et sa motivation ne sont pas très claires pour le public car elles peuvent être interprétées de différentes manières. Dans l’ouvrage Les méchants chez Walt Disney, les auteurs expliquent que : La plupart du temps, son attitude distante et sa traitrise rendirent difficile, pour le public, la compréhension de ses motivations. Personne ne savait si les ennuis survenus au baptême étaient dus à sa colère de ne pas avoir été invitée ou à une forme de jalousie envers les personnes qui l’avaient été. (Johnston & Thomas, 1995, p. 125) Ainsi, Maléfique est un personnage complexe, bien que toujours très calme. On la retrouve même à faire de l’ironie lorsqu’elle va rendre visite au prince enfermé dans les donjons.

Ses acolytes Maléfique est accompagnée de deux types d’acolytes. Premièrement, Diablo son fidèle compagnon. Il s’agit d’un corbeau qui, contrairement aux autres monstres, ne parle pas. Il précède toujours sa maitresse, l’aide dans la réalisation de ses plans machiavéliques comme par exemple lorsqu’il parcourt le royaume à la recherche de la Princesse Aurore ou encore quand il l’alerte en cas de danger. Il est une partie importante du personnage de Maléfique. D’après Johnston et Thomas, il est « un complément actif de la sinistre personnalité de Maléfique » (1995, p. 126).

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Cela est encore plus vrai lorsque l’on regarde le symbolisme du corbeau qui est décrite dans le Dictionnaire des symboles comme étant « une figure de mauvais augure, liée à la crainte du malheur » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 285). Il est cependant spécifié que cet aspect purement négatif est assez récent dans l’Histoire et pensé quasi exclusivement en Europe. Par ailleurs, en Inde, les corbeaux seraient comparables à des messagers de la mort. Enfin, il est également vu comme messager divin ou guide ayant la capacité de percer « sans se dérouter le secret des ténèbres » (p. 286). Pour terminer, Diablo finira changé en statue de pierre par Pimprenelle, ce qui ramène à l’idée de gargouilles (voir plus bas). En définitive, nous pouvons penser que le choix du corbeau n’est pas anodin dans le film, car il est porteur d’une grande symbolique de la mort et du Mal particulièrement en Occident. Deuxièmement, elle dirige également une petite armée de créatures monstrueuses. Contrairement à Diablo, il s’agit ici d’animaux anthropomorphiques. Ils parlent et se déplacent comme des humains mais ils ont été créés particulièrement stupides. Ils sont représentés sous la forme de chauve-souris, cochons, faucons ou autres animaux à cornes. Ils ont la charge d’exécuter les ordres de Maléfique comme par exemple, retrouver Aurore (sans succès) ou encore kidnapper le prince Philippe. Dans Les Méchants chez Walt Disney, les auteurs ajoutent que ces « vils sbires » ont, par leur incapacité à gérer le royaume de Maléfique, un côté comique. En ce qui concerne leur origine graphique, les auteurs de l’ouvrage Les Méchants chez Walt Disney disent que, dans un premier temps l’inspiration venait des gargouilles et démons de la période gothique mais qu’en définitive ils ressemblent davantage « au délire d’un artiste du vingtième siècle » (1995, p. 126). Ce choix de graphismes de ces personnages apporte principalement l’aspect grotesque et laid à ces créatures. Lors de la scène de la capture du Prince, on les voit fêter cela en dansant autour d’un feu dans une grande pièce du château. Cette scène, hormis le fait que cela soit à l’intérieur, fait penser aux réunions nocturnes des sorcières ou plus communément appelé « Sabbat » des sorcières. Selon les légendes « elles partaient à cheval sur un balai, […] se réunissaient dans une clairière, où elles menaient grand tumulte et se livraient à des scènes délirantes et effroyables » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 836). En effet, la mise en scène, la musique et les mouvements des personnages fait ressentir chez le spectateur un mélange d’effroi et de terreur de ce moment de « célébration ». Pour terminer, Diablo et l’armée de soldats apportent beaucoup au personnage de Maléfique.

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Que ce soit au niveau physique par leur aspect monstrueux ou symbolique (le corbeau) mais également, comme le disent Johnston & Thomas, par l’aspect surprenant de la part de Maléfique « d’employer des soldats aussi inaptes à la défense de son imprenable château. Cela la rendrait aussi plus vulnérable et malgré tout plus crédible » (1995, p. 126).

Apparence physique Le personnage de Maléfique est représenté par une femme d’une quarantaine d’années, grande, fine et ayant les traits du visage d’une étrange beauté. Ses mains ainsi que ses doigts sont particulièrement fins et longs et ses ongles pointus. Sa peau est de couleur vert-bleu pâle ce qui contraste avec ses lèvres rouges. Ses yeux sont jaunes et elle possède une touche de maquillage qu’elle garde durant toutes ses apparitions, il s’agit d’un fard à paupières violet, une des couleurs dominantes de ce personnage (cet aspect sera développé dans le point couleurs dominantes en dessous). Elle possède un petit nez et met toujours son menton pointu légèrement vers l’avant ce qui lui donne une posture relativement hautaine. Selon Johnston & Thomas, le dessinateur Marc Davis chargé de l’animation du personnage, a fait d’elle « une beauté froide » (1995, p. 120). De part tous ces aspects, elle garde dans l’ensemble une allure surnaturelle voire monstrueuse. En ce qui concerne sa tenue vestimentaire, elle n’en change jamais durant l’histoire. Elle est habillée d’une longue cape noire à l’intérieur violet, tombant jusqu’au sol et lui cachant les pieds. Cette cape possède de longues manches finissant comme des flammes et un col en pointe. De plus, elle porte une sorte de cagoule lui entourant le visage et surplombé par deux immenses cornes que l’on retrouvera plus tard sur le dragon. Les cornes sont un rappel évident aux cornes du diable, ange de la mort. On ne discerne que très peu le vêtement qu’elle porte sous la cape mais on peut voir qu’il est de couleur rouge.

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Pour terminer, le spectateur peut, par moments, particulièrement à cause de ses yeux jaunes et perçants, l’identifier à un serpent. Dans le Dictionnaire des symboles, on apprend que « le dragon comme symbole démoniaque s’identifie en réalité au serpent » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 366), cela nous ramène donc à sa transformation finale en dragon qui peut s’identifier à l’image, déjà perçue, de ce reptile. Pour terminer, Maléfique possède un accessoire imposant, il s’agit d’un sceptre doré ayant une petite boule de cristal jaune au bout. Il lui permet principalement de jeter des sorts et des éclairs. Selon le Dictionnaire de symboles, le sceptre représente la puissance et l’autorité. Chez les pharaons, certains possédaient des sceptres se terminant par la forme de la tête du dieu Seth, divinité guerrière de la mythologie égyptienne ou, toujours selon le dictionnaire, « l’incarnation de la puissance de mal » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 854). Seth est également « associé aux images d’orage et aux idées de violence » (p. 854). Pour terminer, il est dit du pharaon possédant ce sceptre : « la violence est dans sa main, il peut la lancer comme la foudre » (p. 854), ce qui nous ramène aux sorts lancés par Maléfique à l’aide de son sceptre.

Mouvements En ce qui concerne ses déplacements, Maléfique utilise la plupart du temps ses pouvoirs pour apparaitre et disparaitre en se téléportant ou en se transformant. Un des moments les plus marquants est lors de la fuite du Prince Philippe où elle se transforme en tourbillon lumineux géant. Elle arrive ainsi directement en face du prince alors qu’elle se trouvait sur la tour de son château. Lors de la scène du baptême d’Aurore, elle apparait dans des sortes de flammes verdâtres et disparait de la même manière. Lors de ses déplacements au sol, sa démarche ainsi que son long manteau donnent l’impression qu’elle glisse sur le sol ou encore, qu’elle flotterait dans le vide tel un fantôme. Cette image est accentuée par le fait que l’on ne voit jamais ses pieds. Lorsqu’elle marche, elle se tient toujours très droite et adopte une démarche très lente contrairement aux moments où elle se téléporte.

Expressions du visage Les expressions du visage de Maléfique sont nombreuses mais pour la plupart nous pouvons les partager en deux grandes catégories que nous décrivons en dessous.

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Mais, il existe également des moments où elle a les yeux ouverts et la bouche fermée, son visage est alors « normal », c’est-à-dire qu’il n’exprime pas d’émotions particulières ou encore lorsqu’elle a les yeux grands ouverts et ronds, les sourcils très hauts en pointes et la bouche entre-ouverte, on remarque alors la surprise ou l’étonnement. Comme écrit plus haut, c’est un personnage calme et froid ce qui explique ces moments « sans expression ». Ces derniers sont alors entrecoupés par des instants où l’on peut observer sur le visage de Maléfique des expressions telles que les yeux grands ouverts, la tête relevée, la bouche grande ouverte ou les dents serrées et les sourcils relevés. Il s’agit alors des coups de colère de Maléfique. Ces moments de fureurs ne durent jamais très longtemps mais sont extrêmement bien détaillés sur le visage de la méchante fée. Le public déchiffre alors facilement ses mimiques et se rend compte de l’état de rage de celle-ci. Notons maintenant la deuxième catégorie importante d’émotions que l’on peut observer par les expressions du visage. Il s’agit d’instants lorsque Maléfique a les yeux à demi clos ou plissés, fait des sourires en coin, effectue un mouvement de tête rejetée en arrière, ou encore par des sourires déformés qui lui donnent un air de sorcière et qui peuvent provoquer un sentiment de peur chez le spectateur. Ce sont alors principalement de moments de joie que nous pouvons lire sur le visage de Maléfique et qui sont, dans la plupart des cas, des instants de joie sadique. Elle est heureuse lorsque ses plans diaboliques fonctionnent ou lorsqu’elle voit les autres souffrir. Pour terminer, nous ajouterons le fait que le regard de Maléfique est souvent dirigé vers le bas, comme pour donner une impression de supériorité au personnage par rapport aux autres protagonistes. En définitive deux émotions principales ressortent de ces expressions, il s’agit de la colère et de la joie.

Couleurs dominantes Les principales couleurs que l’on retrouve autour et sur Maléfique sont le vert, le jaune, le violet et le noir. Tout d’abord, le vert. Il apparait dans l’éclairage des décors, dans les sorts que Maléfique lance (malédiction sur Aurore) ou lorsqu’elle l’hypnotise (boule de lumière verte) mais surtout il s’agit, dans ce film, de la couleur des flammes que l’on voit à plusieurs reprises (flammes du dragon, feu de joie,…). Le vert est un mélange de bleu et de jaune, « mais il entre avec le rouge dans un jeu symbolique d’alternances. La rose fleurit entre des feuilles vertes » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 1002).

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Il est dit de cette couleur que c’est une « valeur moyenne, médiatrice entre le chaud et le froid, le haut et le bas », qu’elle est « rassurante, rafraichissante, humaine » mais le vert est aussi « enveloppant, calmant, rafraichissant, tonifiant » (p. 1002). En définitive, l’image du vert dans le film, faisant planer une ambiance lugubre et directement mise en lien avec le feu, va à l’encontre de ce qu’il représente en partie symboliquement, c’est-à-dire la fraicheur, le calme,… Cependant, on apprend plus loin qu’il existe une inversion de la valorisation du symbole, ainsi « il y a un vert de mort, comme un vert de vie », « le vert possède une puissance maléfique, nocturne, comme tout symbole femelle » (p. 1005). En effet, « le rouge est une couleur mâle, le vert une couleur femelle » (p. 1002). Nous retrouvons donc les éléments maléfiques, liés à l’aspect féminin du personnage. Le vert, apparait dans le film mélangé avec des touches de jaune, qui est aussi la couleur des yeux de Maléfique. Le rapprochement semble plus aisé car il est décrit comme cela : Intense, violent, aigu jusqu’à la stridence, ou bien ample et aveuglant comme une coulée de métal en fusion, le jaune est la plus chaude, la plus expansive, la plus ardente des couleurs, difficile à éteindre, et qui déborde toujours des cadres où l’on voudrait l’enserrer. (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 535) Ainsi, il correspond à cette volonté ardente de Maléfique et à la violence du feu. Puis, vient le violet. Il est présent sur toutes les scènes. Premièrement, on le retrouve sur ses habits, ensuite sur le ventre du dragon mais principalement dans des éléments de décors (tapisserie, éclairage,…) et des effets (éclairs, tourbillons,…). Le violet est la « couleur de la tempérance, fait d’une égale proportion de rouge et de bleu, de lucidité et d’action réfléchie, d’équilibre entre la terre et le ciel, les sens et l’esprit, la passion et l’intelligence, l’amour et la sagesse » (p. 1020). Toutefois, selon le Dictionnaire des symboles, il représente aussi le deuil ou le demi-deuil en Occident. Enfin, on l’associe parfois à l’apaisement, à l’obéissance ou à la soumission. Pour terminer, le noir est une couleur extrêmement présente dans ce film d’animation. La longue cape de Maléfique est noire, tout comme ses cornes, le dragon, ou encore le décor qui aurait été fait selon « une palette de couleurs toutes mélangées avec du noir » (Johnston et Thomas, 1995, p. 120). Dans Les Méchants chez Walt Disney, il est expliqué « qu’au théâtre, le noir est un élément dramatique et autoritaire, dans un film, cette couleur crée un trou, une absence de lumière, dépourvue de toute force intérieure » (p. 120). Ainsi, les scènes gardent un aspect triste même lors d’utilisation de couleurs plus vives.

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Symboliquement, on lie le noir le plus souvent à la tristesse, la négation, la froideur ou la mort et par conséquent, au deuil. Il est dit dans le Dictionnaire des symboles que le noir « évoque, avant tout, le chaos, le néant, le ciel nocturne, les ténèbres terrestres de la nuit, le mal, l’angoisse, la tristesse, l’inconscience et la Mort » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 673).

Pouvoirs et transformations Maléfique possède énormément de pouvoirs. Elle utilise la magie noire, ce qui fait d’elle d’après Johnston & Thomas, la « détentrice d’une magie puissante et mythique » (1995, p. 123). Toute l’histoire tourne d’ailleurs autour de la malédiction lancée sur la Princesse Aurore qu’aucune fée n’arrive à contrer. De plus, la méchante sorcière hypnotise Aurore lors du moment fatal afin que celle-ci touche la quenouille, quenouille qu’elle a fait apparaître. Elle lance des éclairs pour essayer de tuer le prince et, en dernier recours, se transforme en immense dragon qui semble à première vue, invincible. Elle semble donc ne pas hésiter à utiliser toutes sortes de sorts afin d’arriver à ses fins. Concernant sa transformation, il s’agit du seul changement de Maléfique durant tout le film. Cependant, elle reste une des plus célèbres transformations en dragon principalement grâce au long combat mené avec Philippe mais aussi à cause de sa fin tragique et spectaculaire. Pour appuyer cela nous reprenons les propos de Johnston & Thomas : « Puissant et éblouissant, le combat fut l’un des plus impressionnants de l’histoire de l’animation. Il laissa longtemps dans la mémoire du public, qui se souvient à peine des moments dramatiques faibles, l’empreinte d’une vive émotion visuelle » (1995, p. 127). Toujours selon ces mêmes auteurs, lorsqu’elle se change en dragon, sa personnalité ne change pas, elle ne s’adapte pas « à son effrayante forme reptilienne, elle reste la même Maléfique, apparemment devenue invincible » (pp. 126- 127). Au niveau physique, on retrouve sur le dragon les mêmes cornes que possédait Maléfique, sa peau est noire et violette, comme l’étaient les habits de celle-ci et il crache des flammes jaunes-vertes qu’on retrouvait autour d’elle. Seul aspect particulier, ses yeux ne possèdent pas de pupilles. D’après Johnston & Thomas « vous aviez l’impression de plonger au cœur d’un brasier, tout comme pour Chernobog » (pp. 126-127). Selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia (2011), Chernobog est le dieu de la nuit et de l’obscurité dans la mythologie slave, opposé à Belobog, dieu du soleil. Il est vu comme le dieu du Mal ou de la méchanceté. Comme pour le corbeau, il y a derrière l’image du dragon une forte symbolique. Dans le Dictionnaire des symboles, il est expliqué que cet animal imaginaire « apparait essentiellement comme un gardien sévère ou comme un symbole du Mal et des tendances démoniaques. 68

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Il est en effet le gardien des trésors cachés, et comme tel l’adversaire qui doit être vaincu pour y avoir accès » (Chevalier & Gheerbrant, 1982, p. 366). Ainsi, pour avoir enfin le droit d’accéder au château afin de sauver Aurore, le Prince Philippe doit vaincre le dragon.

Voix La voix de Maléfique ne correspond pas au stéréotype des voix de sorcières souvent nasillardes, grinçantes et aigues. Elle possède une belle voix, très claire et posée qui semble toujours être un peu en écho, ce qui lui donne une certaine force. D’un autre côté elle possède un rire à glacer le sang. Fort et machiavélique, son rire est, la plupart du temps, moqueur et également en écho, ce qui accentue la terreur qui l’accompagne. Il est stoppé parfois par de forts hurlements très brefs. Dans Les Méchants chez Walt Disney, il est dit de la voix anglaise qu’elle « donna ici un style puissant en alternant les moments de rage contrôlée et les accès de fureur soudaine, en choisissant un vocabulaire rusé, entrecoupé d’éclats de rire bouleversants. Avec cette solide combinaison elle domina facilement toutes les scènes » (Johnston & Thomas, 1995, p. 125). Bien que ce passage soit destiné à Eleanor Audley, nous pensons qu’il aurait tout aussi bien pu l’être pour Sylvie Moreau5, interprète de la voix française lors du deuxième doublage du film en 1981.

Lieu de résidence Maléfique possède un domaine située au sommet de la montagne interdite. Il s’agit d’un grand château dans lequel on la voit à plusieurs reprises. C’est également là que réside son armée. De plus, comme toute bonne forteresse elle possède ses donjons où elle emmena le prince lorsqu’elle l’eut capturé pour l’emprisonner. Néanmoins, il ne s’agit pas du beau château scintillant comme, par exemple, celui du Roi Stéphane, père d’Aurore.

5 Cf. Méthodologie : Fiches techniques 69

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Il s’agit d’une forteresse de pierres dans un lieu lugubre entouré d’un épais brouillard. Les chemins pour y parvenir sont sinueux et détruits de part et d’autres ainsi que certaines structures du château comme laissées à l’abandon. Il est dans l’ombre et éclairé par une étrange lumière verte. En définitive, on retrouve énormément d’éléments pouvant susciter l’angoisse ou la peur chez le spectateur face à la vue de ce château de sorcière.

Musique La musique joue un rôle très important dans le film. Il s’agit d’un orchestre composé principalement de divers instruments à vent (cors, trompettes,…) et d’instruments à cordes (violon, violoncelles, alto, …). Leur présence permet d’accentuer des actions, mais surtout de laisser planer des ambiances. Ainsi, on retrouve le même thème aigu et déstabilisant quand Maléfique se met à parler, cela provoque le stress, la peur et/ou l’angoisse des spectateurs. Les rythmes plus rapides ou plus lents accompagnent les personnages dans leurs courses ou par exemple dans la lente descente de Maléfique dans les donjons. Les éclairs sont accompagnés de coups de cymbales ce qui accentue l’effet de surprise. A plusieurs reprises, on retrouve des trémolos de violons qui ont un effet de suspens pour le public et augmente le stress. Les mélodies graves sont davantage réservées pour les apparitions de Maléfique, lorsqu’elle parle ou se déplace. Les sons s’accentuent si elle se met à crier, hurler ou rire. Les trompettes accompagnent parfois les colères de la méchante fée. On note également que la musique devient plus douce et mélodieuse lorsqu’apparait Aurore dans la scène, ce qui tranche avec les mélodies plus graves et inquiétantes de Maléfique.

Mise en scène Le premier aspect à relever de la mise en scène est les apparitions et disparitions de Maléfique, toutes plus impressionnantes et incroyables les unes que les autre. On note aussi les effets ou les jeux de lumière lorsqu’elle lance des sorts ou utilise la magie. L’éclairage, quant à lui, est la plupart du temps sombre, la lumière provenant de quelques bougies. Les jeux de camera, passant d’une image à l’autre, augmentent le stress, comme par exemple lorsque Maléfique descend aux donjons et que les fées la suivent. En ce qui concerne la fréquence de ces apparitions, on peut remarquer qu’elle apparait davantage en fin de film qu’au début.

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En effet, elle arrive assez rapidement dans l’histoire, après seulement sept minutes, puis disparait pendant plus de trente minutes entre sa deuxième et troisième apparition, pour finalement réapparaitre quatre fois de manière assez rapprochée les unes des autres.

Conclusion En définitive, Maléfique reste une des plus impressionnantes méchantes de la production Disney de par son charisme, ses nombreux pouvoirs et sa cruauté. Elle inspire la peur et l’angoisse. Elle est le Mal à l’état pur.

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5.1.4. Merlin l’enchanteur : Madame Mim

Merlin l’enchanteur est un long métrage d’animation des studios Disney de 79 minutes et datant de 1963. Adaptation du livre de Terence Hanbury White, ce film s’inspire du célèbre magicien Merlin, un personnage de la légende arthurienne.

a. Résumé de la fabula

L’histoire s’inscrit dans une période où l’Angleterre a besoin d’un nouveau roi et pour cela, quelqu’un doit retirer l’épée du roi qui se trouve celée dans une enclume. Cette épée, du nom d’Excalibur, désignera le nouveau souverain qui mettra fin à une période difficile pour ce pays. Arthur, surnommé « Moustique », est un orphelin qui travaille dans la cuisine de sire Hector et aide Kay à s’entrainer pour le tournois de Londres dont le vainqueur sera sacré roi d’Angleterre. Par hasard, lors d’une partie de chasse, il rencontre Merlin en tombant dans sa maison en pleine forêt. Merlin voulant l’aider décide de lui faire son éducation. Avec son hibou savant Archimède, il entraine Arthur en le transformant en différents animaux. Lorsqu’il est oiseau, il finit malencontreusement dans la cheminée de Madame Mim, une sorcière redoutable, qui provoque alors un duel de magie avec Merlin. Ce dernier finira par le gagner grâce à son ingéniosité. Ensuite, lors du tournoi de Londres, Arthur, qui a oublié l’épée de Kay, trouve Excalibur non loin de là et la dégage sans difficulté de l’enclume pour l’apporter à Kay. Tout le monde reconnait alors Arthur comme roi d’Angleterre et Merlin décide de l’accompagner dans sa nouvelle tâche. La légende raconte qu’Arthur était un roi fort et posé, du moins, jusqu’à preuve du contraire…

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b. Interprétation

Le personnage Madame Mim est un personnage qui apparait dans cette histoire en opposition à Merlin. « Elle pense être la magicienne la plus puissante au monde » (Johnston & Thomas, 1995, p. 136) et compte bien le prouver lors du duel où elle affronte Merlin. Cependant, elle préfère faire usage de la magie noire au service de ses mauvaises intentions contrairement à ce dernier pour qui l’usage de la magie est bienfaisant. Lors de l’unique scène où elle apparait, elle capture le jeune Moustique (sous forme d’oiseau) et souhaite le détruire car il symbolise le Bien et comme elle le dit : « Dans mon livre, c’est mauvais ». Nous comprenons alors rapidement qu’elle préfère ce qui est mauvais, ou Mal, à ce qui est Bien. Madame Mim est un personnage particulièrement intéressant et extraordinaire par ses agissements et sa façon d’être. Elle se décrit comme la « merveilleuse Madame Mim ». Cependant, il est expliqué dans les Méchants chez Walt Disney, que « ce long métrage ne nécessitait pas l’intervention d’un vrai Méchant » (Johnston & Thomas, 1995, p. 136), d’où sa brève apparition dans l’aventure d’Arthur. En effet, Madame Mim n’apparait qu’à une seule reprise et pendant une dizaine de minutes seulement. Elle est considérée comme un personnage qui n’est pas mis au premier plan dans ce film, même si elle représente le principal méchant de cette histoire. D’un point de vue caractériel, de grandes différences philosophiques semblent séparer Mim de Merlin. En effet, elle triche allègrement et le mensonge ne la gêne en aucun cas. Sa magie lui permet de se transformer en n’importe quoi comme elle le démontre à Moustique pour prouver sa puissance. Elle est également une bien mauvaise perdante et change d’humeur rapidement ce qui la rend particulièrement imprévisible et, par conséquent, peut faire peur. Mim apparait comme quelqu’un de méchant essentiellement au travers de ses actions et de ses paroles. Elle est hautaine et sûre d’elle, n’hésitant pas à prendre Merlin de haut. Contrairement à ce dernier, elle aime être cruelle, par exemple en jouant à « chat » avec Moustique pour le manger, en l’utilisant telle une fléchette sur une cible ou encore en fixant des règles qu’elle ne respecte pas, afin de gagner sournoisement. 73

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Ses paroles reflètent également cette personnalité méchante car elle souhaite le malheur des autres et semble fière de ses actes. En effet, son premier dessein est de tuer Arthur. Ne pouvant pas le faire, c’est au travers d’un duel qu’elle souhaite montrer sa supériorité. Sa rivalité avec Merlin au niveau de leur statut de magicien est particulièrement prononcée.

Apparence physique D’un point de vue physique, Madame Mim est une petite dame ronde et trapue aux cheveux complètement ébouriffés. Du premier coup d’œil, un contraste intéressant ressort de la différence entre ses membres (bras, jambes) qui sont particulièrement fins et son corps assez rond et tassé ce qui la rend peu harmonieuse. Il faut noter d’ailleurs que le tronc imposant et les membres fins sont des attributs qui reviennent lors de ses nombreuses transformations et qui permettent, entre autres, de distinguer facilement Madame Mim de Merlin d’un point de vue morphologique. De manière plus précise, la tête de Madame Mim semble fusionner directement avec son corps ce qui accentue son aspect trapu. De plus, son visage, dont la bouche sans lèvres n’a qu’une seule dent, dévoile des yeux ronds et jaune/vert (suivant les moments) qui ne la mettent guère en valeur. Cette façon de représenter les yeux sans paupières, très ronds, qui louchent souvent et partent dans tous les sens, a pour effet de questionner le spectateur sur l’état mental du personnage. L’interprétation la plus évidente est alors la folie ou l’aliénation. Ensuite, ce personnage n’a pas d’attributs physiques attirants ou pouvant être compris comme de la beauté. En effet, le menton de Madame Mim, particulièrement en avant, suggère une personne renfrognée et aigrie. Les traits de son visage sont faits d’arrondis trop prononcés, donc ils ne sont pas esthétiques de par leur aspect disproportionné. Ses sourcils noirs et épais ainsi que ses cheveux en bataille, ressemblant à de la paille, lui donnent une apparence rustique et laissent penser que malgré la couleur rose de ses habits, elle n’est pas une femme féminine et n’aime pas prendre soin d’elle. De ce fait, Madame Mim est une personne que l’on peut qualifier de laide ou de peu attirante. Cependant, il est étonnant de voir que ce personnage est complètement lucide sur son apparence physique car, pour montrer l’étendue de ses pouvoirs, elle explique à Moustique qu’elle peut devenir encore plus laide. Nous comprenons donc que ce qui est estimé comme particulièrement laid pour les auteurs est le fait d’avoir des furoncles, de la graisse sur le visage et un nez en forme de groin. L’image de la laideur qui transparait de cette transformation est celle d’un cochon. Il en ressort alors en sentiment de dégout vis-à-vis de ce personnage.

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Mouvements Du point de vue de ses mouvements, nous relevons que Madame Mim semble souvent agir de manière désordonnée car ses gestes sont mal coordonnés et ses bras ont tendance à s’agiter dans tous les sens. De plus, elle aime sautiller et tape souvent dans les mains pour marquer son contentement. Il en ressort une impression de joie mélangée à de la peur car il est difficile d’anticiper sa façon de se déplacer. Par exemple lorsqu’elle court pendant le duel, ses pas sont rapides et rapprochés ce qui prête à rire et la rend plutôt ridicule. Enfin, ses disparitions sont surprenantes et ont pour effet sur le spectateur une certaine anxiété, de par son aspect imprévisible.

Expressions du visage En dépit de sa relativement brève apparition dans le film, les expressions du visage de Madame Mim laissent entrevoir de nombreux aspects de sa personnalité. Comme décrits plus haut, la manière dont sont animés les yeux de ce personnage fait penser à de la folie, d’autant plus que ses sourcils bougent sans arrêt et semblent incontrôlables. Mais cet élément peut également donner un sentiment de crainte car la folie, de par son côté imprévisible, suscite ici un certain stress et une incompréhension. Le doute qui s’installe au fur et à mesure des mimiques de ce personnage provoque chez le spectateur une forme de curiosité. En effet, si certaines de ses expressions du visage sont claires au niveau de leur interprétation - par exemple celle de la colère représentée par un regard immobile et intense, des sourcils froncés et un menton relevé - d’autres laissent au spectateur la possibilité de choisir s’il situe ce personnage comme quelqu’un de malfaisant, de fou ou simplement d’étrange.

Couleurs dominantes Le magenta et le violet composent pour l’essentiel ce personnage. Lors de la bataille avec Merlin, Madame Mim utilise sa magie pour se transformer en divers animaux en fonction des agissements de Merlin. Cependant, les transformations physiques de ces deux personnages ont pour particularité de préserver ces quelques attributs les caractérisant. En effet, les avatars de Mim ont toujours un corps de couleur magenta et une touffe de cheveux violets, de plus, certains n’ont qu’une seule dent et souvent des sourcils noirs et touffus. Les avatars de Merlin, eux, ont le bleu comme couleur dominante, gardent sa moustache ou sa barbe ainsi que ses lunettes. Il est, de ce fait, aisé pour les spectateurs de les différencier tout au long du combat de magie. 75

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Le rose (magenta) est une composition de deux couleurs : le rouge et le blanc, mais le magenta fait également partie des trois couleurs primaires avec le bleu et le jaune. Pour comprendre sa signification, il faut savoir que cette couleur serait, d’après le Petit Larousse des Symboles (2008), une atténuation du rouge « représentant la féminité » et du blanc « symbole de pureté » (p. 540). Dans ce sens, la couleur rose donnerait une image plutôt féminine au personnage, tinté de douceur. Par contre le violet, que porte couramment Madame Mim, serait la « couleur la moins aimée en Occident » (p. 646) car elle exprimerait « le deuil et la pénitence ». Etant la « valeur la plus sombre du cercle chromatique, le violet s’oppose à la teinte la plus claire, le jaune fertile, et se situe comme la couleur la plus proche du noir. Aussi est-il associé à la mort. » (p. 646). Ainsi, il nous est expliqué dans ce dictionnaire qu’une grande partie de la symbolique liée au violet vient de la religion chrétienne qui l’associe à de nombreux éléments comme le carême, l’obéissance ou encore la soumission. Elle est également la couleur d’une pierre, l’améthyste, qui orne la bague des évêques et que les fidèles baisent. Nous retenons donc que ce personnage est composé principalement de deux couleurs qui semblent opposées ou en dualité. Il est possible alors que cette association suscite une confusion chez le spectateur qui voit le côté doux et féminin du personnage au travers du rose, tout en percevant un aspect plus sombre caractéristique du violet. Il en ressort, d’une certaine manière, un mélange de compassion et de répulsion.

Pouvoirs et transformations Madame Mim sait se transformer sans aucun problème, c’est d’ailleurs le principal pouvoir magique qu’elle utilise tout au long de la scène dans laquelle elle apparait. Elle a la capacité de se transformer physiquement tout en restant elle-même (par exemple en grandissant ou en rapetissant), mais elle peut aussi modifier totalement son apparence en devenant toutes sortes d’animaux ou en disparaissant. De plus, le spectateur apparente rapidement Mim à une sorcière car à un moment donné, elle s’envole sur son balai. Elle dit alors « mon seul régal c’est la sorcellerie », ce qui confirme la volonté d’être prise pour une sorcière. Il est dit d’un sorcier que c’est une « personne à qui une liaison supposée avec des forces occultes permet d’opérer des maléfices » (Petit Larousse des Symboles, 2008, p. 582). Comme pour confirmer ceci, en fin de duel avec Merlin, Moustique la traite également de sorcière d’un air dégouté. De ce fait, malgré l’envie d’être une magicienne comme Merlin, Mim ressemble plus à une sorcière de par ses agissements, ses paroles et celles des autres personnages. 76

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Pour en revenir à ses transformations, un premier changement physique se fait au niveau de son visage lorsqu’elle décide de s’enlaidir. Son visage se transforme alors une sorte de tête de cochon humaine où, comme expliqué précédemment, son nez et sa bouche prennent la forme d’un groin, son cou s’engraisse et des furoncles apparaissent à plusieurs endroits. Le second, et plus important changement physique, intervient lorsqu’elle veut paraitre belle selon ses dires. Alors, tout son corps se métamorphose. Ainsi, sa silhouette devient élancée et harmonieuse, ses cheveux longs et lisses, ses habits plus courts et élégants, ses dents blanches, des lèvres et des longs cils apparaissent, ce qui semble au premier abord la rajeunir. Cependant, ses concepteurs graphiques (Milt Kahl et Bill Peet) ont choisi de garder des particularités repoussantes qui permettent aux spectateurs de ne pas se laisser duper par sa beauté et la prendre pour quelqu’un d’autre, grâce des expressions du visage qui lui sont propres. Elles trahissent parfois de la folie et parfois de la méchanceté ou de la colère. Ensuite, après s’être changée en chat pour manger Moustique (qui est alors un oiseau), Madame Mim décide de combattre Merlin au travers d’un duel de magie, pour prouver qu’elle est la plus forte. Elle se transforme alors en une série d’animaux en fonction des actions de Merlin (qui se transforme également) :

Mim : crocodile, renard, poule, éléphant, tigre, serpent, rhinocéros et dragon Merlin : lapin, chenille, morse, souris, bélier et virus

Nous comprenons, au travers de ces multiples transformations, que Madame Mim maitrise totalement l’art de la magie, même si elle l’utilise à mauvais escient. Cependant, contrairement à Merlin, elle agit de manière impulsive, peu réfléchie et en ne respectant pas les règles imposées. C’est ainsi que le magicien réussi à vaincre la sorcière par un stratagème bien pensé : devenir un virus virulent et infecter son adversaire. De ce fait, le spectateur comprend que la réflexion l’emporte sur la méchanceté. Par contre, du point de vue physique uniquement, toutes ces transformations sont en lien avec le règne animal, que ce soit par rapport à la chaine alimentaire ou à l’action physique d’un animal sur l’autre. Ce dernier aspect relève donc de la trame narrative et non d’une analyse physique et a pour effet de donner un côté amusant au duel. Enfin, Mim termine clouée dans son lit et couverte de boutons ce qui marque sa défaite et présente une transformation involontaire de sa part.

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Voix La voix française de Madame Mim, faite par Lita Recio, lui donne la particularité de situer ce personnage à la limite entre une sale gosse capricieuse et une sorcière grognonne. Son caractère est donc dévoilé au travers de sa voix assez nasillarde, particulièrement aigue et dont les rires très fréquents et stridents se confondent souvent avec des ricanements. Ces derniers, bien souvent impulsifs et allant crescendo, surprennent le spectateur et semblent alors particulièrement effrayants. De plus en plus forts lors des passages où Madame Mim s’emporte, ses rires laissent apparaitre un aspect de sa personnalité se rapprochant de la démence. Ils semblent parfois frénétiques et mettent mal à l’aise. De ce fait, le spectateur se retrouve perdu, ne sachant pas si la voix de ce personnage doit lui paraitre effrayante ou synonyme de folie, mais l’effet sur ce dernier est complet. Au contraire, lors de sa transformation en belle femme, sa voix se trouve totalement changée. Si elle était au départ nasillarde et aiguë, elle devient alors douce et chantante, véhiculant de la gentillesse et de l’amour. Cette transformation radicale marque la volonté de différencier cette belle et douce femme qu’elle n’est pas (se rapprochant de la représentation de la fée telle que nous la connaissons), de la méchante sorcière au rire machiavélique. Ainsi, lors de la reprise de sa forme originelle, sa véritable voix véhicule un message clair : celui de la crainte et de la folie, faisant rire les plus âgés et trembler les plus jeunes.

Lieu de résidence La scène dans laquelle apparait Madame Mim se divise seulement en deux lieux : sa maison et la forêt environnante où elle se bat avec Merlin. Cette maison se trouve dans une forêt sombre et effrayante car la couleur dominante est le noir, la lumière du soleil n’y pénètre plus et les arbres semblent morts.

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Sa demeure a l’apparence d’un chapeau de sorcière (rappel évident de son statut) et est également de couleur noire. Les significations de cette dernière sont nombreuses. En ce qui nous concerne, le Petit Larousse des Symboles explique que : Opposé au blanc, le noir correspond à l’absence de lumière, donc de couleurs et de chaleur. Il est l’état d’avant la création du monde. Il est aussi associé à la mélancolie […]. La fameuse bile noire sécrétée par la rate était tenue pour responsable du pessimisme et des mauvaises humeurs, selon l’antique médecine grecque. D’après la Genèse, le noir est la couleur des ténèbres. (2008, p. 440) Dès les premières images, nous comprenons que ce personnage est mauvais sans plus d’explications. L’éclairage plutôt sombre donne une ambiance particulièrement noire à cette scène, à l’image de sa magie. L’environnement dans lequel vit Madame Mim n’est donc pas rassurant et crée une ambiance étrange qui peut susciter de la peur chez le spectateur. Ce personnage vit seul, sans animal de compagnie et la décoration de sa maison semble plutôt épurée. Ainsi, seuls quelques objets nous montrent que les visites se font rares chez elle. En effet, elle joue aux cartes pour s’occuper, une bougie a l’air d’être son seul éclairage et une tasse à thé usée et fêlée traine sur sa table en bois. Les évènements viennent alors confirmer notre premier sentiment de méfiance à son égard. Rapidement, la seule fleur rouge de la pièce est transformée en poussière pour illustrer l’ampleur de ses pouvoirs. Ensuite, de par le fait que la scène s’ouvre sur Madame Mim occupée dans sa maison et se clôt également sur elle dans le même lieu nous laisse penser que tout ce qui a mal commencé dans ce lieu prend fin également dans cet endroit. Une impression positive subsiste et fait comprendre que tout est bien qui finit bien lorsque le Mal est vaincu.

Musique A propos de la musique, nous avons appris que ce film était le premier d’une longue série de collaborations des frère Sherman (compositeurs) avec Walt Disney. Le style de musique peut alors nous paraitre familier car la composition des instruments se retrouve dans de nombreux chefs d’œuvres de cette maison de production comme nous le verrons plus loin. Nous pouvons y trouver des instruments à vent et à cordes lorsque la musique se veut douce, puis des percussions lors du combat pour marquer les différentes parades. Ainsi, la musique peut se faire saccadée et remplie de soubresauts en passant rapidement des aigus aux sons graves pour rythmer les poursuites.

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Nous retenons surtout que, à la manière de nombreux films, la musique accompagne les faits et gestes des personnages et sert alors fréquemment pour des bruitages. De ce fait, c’est au travers de la musique qu’une partie du caractère du personnage nous est dévoilé. Si parfois la musique se fait aigue et rythmée, c’est pour souligner l’aspect enjoué de Madame Mim, alors que d’autres fois elle se fait grave et lente pour illustrer sa colère et sa méchanceté.

Mise en scène Du point de vue de l’animation des personnages, elle est, pour cette époque, une réussite totale. Sous la direction de Wolfgang Reitherman, c’est la première fois qu’un film d’animation de ce genre est dirigé de manière autonome par une seule personne. Son action se retrouve d’ailleurs dans plusieurs chefs-d’œuvre de cette période. Il est également important de souligner que Milt Kahl et Bill Peet, les concepteurs des personnages tels que celui de Madame Mim, sont parvenus à faire de la bataille entre les deux magiciens de ce film une des animations les plus réussies d’après quelques experts dans ce domaine. Il faut noter également que des effets visuels sont ajoutés aux transformations de Mim, par exemple un nuage de fumée verte ou un tourbillon, afin de donner un aspect plus théâtral à ces épisodes. De plus, le type de dessins (avec de nombreux traits se superposant) mis en mouvement permet au spectateur de découvrir une large palette de mouvements et d’expressions donnant vie aux personnages et facilitant sa compréhension.

Conclusion Nous retiendrons de ce personnage emblématique son statut de sorcière et de magicienne. Madame Mim, petite femme au caractère fort mauvais, se complait dans les mauvaises actions et la méchanceté. Elle semble en totale opposition à Merlin. Ses nombreuses sautes d’humeur la rendent difficile à cerner, mais nous comprenons que, si parfois elle semble faire preuve de folie, elle est surtout effrayante et repoussante. Le message serait peut-être de ne surtout pas suivre son exemple car de toutes manières ses actions sont vouées à l’échec.

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5.1.5. La Petite Sirène : Ursula

La Petite Sirène est apparue sur nos écrans en 1989. Issu du célèbre conte de Hans Christan Andersen, la trame de l’histoire fut passablement modifiée par Walt Disney.

a. Résumé de la fabula

L’œuvre audio visuelle raconte l’histoire d’Ariel, jeune sirène avide de découvrir le monde terrestre. Lors d’une nuit, elle monte à la surface et assiste au naufrage du navire du beau prince Eric. Ariel sauve le prince et le dépose sur la plage. Tombée follement amoureuse de son prince, Ariel se rend chez Ursula, la méchante sorcière des mers. Cette dernière lui propose de lui échanger sa voix contre des jambes. Elle pose également une condition : Ariel doit réussir à se faire embrasser par son prince avant le coucher du soleil le troisième jour, sinon elle appartiendra à la méchante sorcière. La Petite Sirène accepte le marché et rejoint son prince sur terre. Ses amis, Polochon et Sébastien vont alors l’aider dans sa délicate mission. Mais la sorcière utilise alors la voix d’Ariel et se métamorphose en belle jeune femme. A l’écoute de la magnifique voix d’Ursula, le prince décide immédiatement de l’épouser. Anéantie, Ariel réalise alors que cette mystérieuse jeune femme n’est autre qu’Ursula. A l’aide de ses amis des mers et de son père, le Roi Triton, Ariel et Eric parviennent à vaincre Ursula. La fin de l’histoire est heureuse, ils se marièrent et eurent, probablement, beaucoup d’enfants.

b. Interprétation

Le personnage Le personnage d’Ursula créé par les studios Disney est une véritable et cruelle méchante. Johnston & Thomas écrivent, dans l’ouvrage Les méchants chez Walt Disney : De ce nouveau long métrage, il y a aussi une Méchante qui entra au panthéon des plus beaux méchants jamais créés par les studios. Les sondages donnent Cruella d’Enfer comme la plus populaire des Méchants de tous nos films ; Ursula vient en seconde position. (1995, p. 186) 81

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Caricaturée comme une pieuvre, Ursula ne vit que pour sa quête du pouvoir. Ainsi, Ariel, la Petite Sirène, n’est qu’une pièce de son puzzle. En effet, l’amour d’Ariel pour son prince offre à Ursula une chance inespérée de toucher le Roi Triton. Elle sait qu’il fera tout ce qu’il peut, même renoncer à son pouvoir et son statut pour venir en aide à sa fille. Ainsi, nous avons affaire à une méchante calculatrice et déterminée qui, par son aspect de pieuvre, est également une représentation charismatique et menaçante.

Apparence physique Dans cette partie, nous avons choisi des scinder en deux partie la description physique du personnage : 1 concerne la méchante sous sa forme d’Ursula et 2 concerne son apparence lorsqu’elle incarne Vanessa. 1) Ursula : Comme dit plus haut, Ursula a l’apparence d’une pieuvre. Selon le Petit Larousse des Symboles, la pieuvre est « considérée comme un monstre marin des profondeurs » de plus, « elle se rattache aux esprits infernaux. Elle est aujourd’hui symbole d’une personne accaparante et dévorante » (Johnston & Thomas, 1995, p. 493). Sa couleur de peau est une sorte de mauve-violet. Elle est de corpulence massive et imposante. Son visage est bouffi et ses traits sont disgracieux bien que féminins. Son nez est petit et contraste fortement avec ses grosses joues. Elle a une grande bouche pulpeuse qu’elle maquille avec un rouge sang flamboyant, de grands yeux noirs surmontés de larges paupières très maquillées et de longs cils noirs. Le bas de son visage se termine en un large double menton accentué par un gros grain de beauté noir, rappelant les mouches dessinées sur les mentons des femmes dans les années 60. Ses cheveux sont blanc-gris avec quelques petites touches de violet clair dans les reflets gris. Ils sont courts et hérissés sur sa tête en forme de flammes. Tout comme son visage, son corps est rond et imposant. De gros bras flasques, un ventre gras et un très large fessier rebondi. Ses six tentacules noirs et violets représentent presque un tiers d’elle-même, cheveux compris. Quant aux vêtements qu’elle porte, la façon dont elle est dessinée laisse penser qu’elle a une robe bustier noire qui s’achève en tentacules dont l’intérieur est violet foncé. Sa robe semble être échancrée dans le dos de façon à dévoiler le haut de sa chute de reins. Elle porte également un lourd pendentif doré en forme de coquillage et une paire de boucles d’oreilles du même matériau. 2) Vanessa : Une fois transformée, Ursula prend l’apparence d’une belle jeune femme nommée Vanessa. Elle est de taille moyenne, très fine et délicate. Son visage est fin et gracieux. Vanessa se dessine sous de longs cheveux bruns et soyeux et a un magnifique sourire. Ses yeux sont grands et ses iris sont violettes sauf lorsqu’elle est en colère. 82

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Dans ces moments, l’iris disparait pour ne laisser qu’une pupille noire et ronde. Cette jeune femme apparait dans une jolie robe violette et lavande dont l’avant se ferme avec des lacets au niveau de la poitrine. Fidèle à sa forme originale, Vanessa porte le même pendentif doré qu’Ursula ce qui aide le public à l’identifier dès son apparition. Par la suite, elle est vêtue d’une nuisette blanche se fermant à l’identique de son autre robe. Enfin, elle porte une robe de mariée blanche à manches longues et est coiffée d’un long voile blanc se terminant en traine à l’arrière.

Mouvements Chez ce personnage, la façon de se mouvoir est d’une grande importance. En effet, lors de sa création, les dessinateurs ont passé énormément de temps à observer la manière de se déplacer d’une pieuvre. Ainsi, le mouvement des tentacules est lent et ondulant ce qui donne à Ursula un aspect dansant dans ses déplacements. Elle est également lourde et se meut donc avec une grande lenteur. Ursula, bien que passablement grossière dans son aspect physique, dégage une sorte de grâce et de sensualité liées aux ondulations de son corps. Sa démarche est flottante mais également saccadée par les mouvements de son fessier. Sa façon de bouger révèle ainsi une personnalité assez calme. En effet, Ursula, en méchante dite « professionnelle » (Johnston & Thomas, 1995, p. 191), est capable d’attendre patiemment que la bonne occasion se présente à elle.

Expressions du visage Le visage de cette méchante est une réelle mine d’or à expressions. En effet, la forme de son visage se prête à merveille aux expressions de dégout, de réjouissance et de colère. Ses dents pointues et ses grands yeux sans iris transmettent un réel sentiment d’effroi lorsqu’elle semble heureuse. Afin de mieux donner à voir ces expressions, nous ne décrivons ici que celles ayant un réel impact sur le spectateur et typiques de cette méchante. La première expression propre à Ursula est celle de dégout et de déni. Lors de ses mouvements, Ursula lève les yeux au ciel, elle touche fréquemment son visage avec ses mains et sa bouche se tord de manière exagérée vers le bas de son visage accentuant ainsi son double menton. Lorsqu’elle se déplace, elle pose machinalement la main sur son corps ou sa tête et courbe son dos vers l’arrière pour surélever sa tête. La seconde expression typique chez elle est une sorte de mine réjouie mais témoignant de pensées machiavéliques. 83

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Lorsqu’elle adopte cette attitude, elle découvre ses dents pointues sous un large sourire crispé et ses lèvres se retroussent jusque sous ses yeux. Ses paupières descendent, donnant à voir de petits yeux mauvais. Quant à ses mains, elle les croise généralement au niveau de son visage laissant apparaitre ses longs ongles rouges. Ses sourcils se relèvent et donnent l’impression qu’ils montent jusqu’à ses cheveux qui eux-mêmes se dressent sur son crâne. Enfin, l’expression la plus importante d’Ursula est celle qui témoigne de colère, de haine et de rage. Dans ce but, les dessinateurs lui ont marqué l’intérieur des yeux avec de fins cercles rouges. Ses lèvres se crispent et son nez se retrousse. Ses sourcils viennent se joindre en V au- dessus de son nez crochu et ses pommettes, normalement flasques et arrondies, forment des pointes solides en dessous de ses yeux.

Couleurs dominantes Il va sans dire que la couleur qui domine majoritairement toutes les apparitions d’Ursula est le violet. Ainsi, et comme il l’a déjà été mentionné dans d’autres analyses, le violet est « la valeur la plus sombre du cercle chromatique, le violet […] se situe comme la couleur la plus proche du noir. Aussi est-il associé à la mort : le violet est la marque du deuil à la cour de France » (Petit Larousse des symboles, 2008, p. 646). De ce fait, rien que dans son apparence physique, on dénote les deux couleurs les plus sombres, à savoir le violet et le noir. Bien évidemment, Ursula évolue également dans des teintes dorées. Symbole de richesse et de pouvoir, cette couleur est présente pendant les scènes où Ursula est maitre de la situation et peut faire penser au spectateur qu’elle est en train de prendre le pouvoir tant convoité. Néanmoins, cette méchante évolue principalement dans des environnements sombres et lugubres et cela permet, à peine le décor posé, avant même de savoir où se situe l’action, d’être conscient de la présence d’Ursula dans la pièce.

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Pouvoirs et transformations Ursula se décrit elle-même dans le film de la façon suivante : « Il est vrai que je connais un peu de magie, c’est un talent que j’ai toujours possédé ». De ce fait, elle maitrise les connaissances nécessaires à la concoction de potions magiques et d’incantations étranges mais nécessite des ingrédients ou objets pour faire de la magie. Ses pouvoirs sont donc d’une grande puissance car elle peut agir sur les autres et sur elle-même. En effet, elle transforme, à l’aide d’une potion, la Petite Sirène en être humain pour la durée de trois jours et le charme jeté prend effet dès lors que ces conditions ne sont pas respectées. Cependant, elle-même doit se tenir à ces conditions et ne peut pas annuler le sort jeté. Par la suite, Ursula dispose également d’objets magiques dont son pendentif. Ce dernier lui permet de conserver la voix d’Ariel et même de se l’approprier lorsqu’elle se transforme en Vanessa. Cette première auto transformation se fait également grâce à une potion magique concoctée dans son chaudron. N’ayant pas de limite dans la durée, Ursula peut jouir de ce corps tant qu’elle le souhaite mais en ce qui concerne la voix, elle doit porter le médaillon au cou pour que cela agisse. Si bien que lorsqu’Euréka (la mouette amie d’Ariel) arrache le collier, celui-ci se brise et la voix retourne à la Petite Sirène laissant Ursula avec sa voix d’origine. Quant à la seconde transformation (pieuvre gigantesque) Ursula utilise le trident qu’elle a volé au Roi Triton. Ce trident magique lui permet alors de contrôler les vagues, le vent et même l’orage. D’ailleurs, le trident est un objet magique appartenant à la mythologie grecque qui elle-même le prête au Dieu Poséidon, seigneur des mers et des océans. Ainsi, en regard de la mythologie cette arme offre le pouvoir absolu à quiconque la possède. La dernière transformation d’Ursula donne tout de même une image pour le moins monstrueuse de cette méchante. La pieuvre énorme qu’elle incarne rappelle sans doute la représentation du monstre marin tentaculaire décrit par Jules Verne dans son œuvre « 20'000 lieues sous les mers » paru en 1869. Bien que cela ne soit guère un sous-marin, la scène de la disparition d’Ursula, représentant les tentacules prises dans le bateau et l’entrainant avec elle dans les profondeurs, est une image forte de connotations aux esquisses et dessins de marins du XVIIème siècle.

Face à face entre le capitaine

Nemo et une pieuvre géante Hetzel of 20000 Lieues sous les mers (1870)

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Voix La voix française attribuée à Ursula est celle de Micheline Dax. Rocailleuse et profonde, Ursula s’exprime avec lenteur et détermination. Cette tonalité met en avant le côté dur, froid et imposant de cette dernière. En effet, lors de la première apparition d’Ursula, elle est mise en scène de manière à ce que l’on l’entende avant de la voir. Ainsi, sans même avoir une représentation visuelle de la sorcière, le public s’attend à une femme forte et massive. Son rire va d’ailleurs de pair avec sa voix. En effet, il est profond, gras et résonnant dans des tonalités graves. Tout comme ses actions, les sons émis par Ursula proviennent du coffre et sont particulièrement marquants. De plus, l’idée de la voix dans cette production est tout particulièrement importante puisque c’est précisément par elle que la sorcière des mers réussit à séduire le prince Eric. Ainsi, la différence de tonalités entre la voix fragile et délicate d’Ariel se doit d’être mise en avant par une voix très marquée de la sorcière. Si bien que durant la dernière scène d’Ursula, lorsqu’elle prend une taille gigantesque, sa voix s’apparente tout particulièrement à celle d’un homme, augmentant ainsi l’idée de force émanant de cette dernière. Enfin, une scène en particulier évoque à merveilles le contraste des voix des deux personnages féminins principaux. Il s’agit de la scène où Vanessa se contemple dans un miroir et qu’il s’y reflète l’image d’Ursula. A un moment donné, Vanessa rit et les deux rires se font alors écho de manière sinistre. Bien évidemment, on relèvera ici l’idée du miroir qui, incapable de mentir, comme dans l’œuvre de Blanche-Neige et les Sept Nains, se doit de révéler la vérité.

Acolytes Les deux acolytes d’Ursula sont deux murènes nommées Flatsam et Jetsam. Elles sont les deux fidèles servantes d’Ursula dans la mesure où elles obéissent à ses ordres au doigt et à l’œil. Ainsi elles font tout ce qu’elles peuvent pour nuire à Ariel comme renverser la barque sur laquelle Ariel est sur le point de recevoir son baiser. Flatsam et Jetsam sont de couleur gris-verdâtre et ont une particularité : ils ont chacun un œil jaune et un œil blanc disposé de façon opposée. L’œil blanc peut s’illuminer dans la pénombre ce qui les rend particulièrement inquiétants et menaçants. 86

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Lieu de résidence Ursula vit dans une sorte de carcasse de monstre marin aménagée. En effet, l’entrée de sa demeure est, en réalité, la bouche grande ouverte d’un monstre comportant une grande quantité de dents pointues et acérées. De ce fait, lorsqu’Ariel et ses deux amis (Polochon et Sébastien) s’engouffrent à l’intérieur, le public sait alors que rien de bon ne peut se produire dans un endroit pareil. De plus, la demeure d’Ursula se situe dans une zone dite interdite de l’océan. Sur le sol, on y voit de vieilles épaves et des os d’animaux. La lumière du ciel n’y est que très faible tant il faut descendre dans les profondeurs pour s’y rendre. Ainsi, si l’histoire s’était déroulée sur terre, tous laisse à penser que cette maison se serait trouvée au fond d’une forêt interdite où vivent des créatures de la nuit.

Musique Les musiques qui accompagnent le personnage d’Ursula se divisent en deux catégories. Celles où elles sont en musique de fond, venant soutenir l’ambiance souhaitée, et celles qui accompagnent les chansons du personnage. Premièrement, en ce qui concerne la première catégorie, les tonalités qui accompagnent Ursula sont graves. Généralement sur un tempo lent, fidèle à la nature même de la sorcière, des instruments à vent et à cordes insufflent des notes soutenues. Cependant, afin de mettre le spectateur en alerte, de petites notes aigues et courtes viennent ponctuer la musique. En ce qui concerne les moments chantés, il faut tout de même préciser qu’ils apparaissent lorsque le personnage est en train de réaliser ses désirs. Ainsi les musiques qui l’accompagnent ont un rythme soutenu et sont jouées par un orchestre complet. De ce fait, les chansons sont entrainantes et ne provoquent aucune peur chez le public. Ainsi, Ariel signe le contrat qui la lie à la sorcière sans réellement prendre conscience des risques qu’elle encourt. Ces chansons peuvent alors être perçues comme une ruse supplémentaire de la part d’Ursula.

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Néanmoins, il semble important de préciser qu’il s’agit du premier long métrage de Disney comportant une méchante où celle-ci prend le temps de pousser la chansonnette et aborde pour quelques instants un aspect moins menaçant.

Mise en scène Le personnage d’Ursula apparait durant environ 18 minutes sur l’œuvre. Ces 18 minutes sont découpées en huit scènes distinctes. Sachant que le film La Petite Sirène dure 79 minutes, la méchante occupe approximativement un quart du film. Ses apparitions ponctuent l’intégralité du long métrage et sont bien souvent décisives. Etant donné que l’œuvre repose en grande partie sur l’histoire d’un échange de voix, Ursula apparait donc souvent par ce biais et disparait sur le rire. La méchante est donnée à voir dans des couleurs froides et sinistres ce qui accentue encore l’effet produit sur le personnage. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, son plan se concrétise et Ursula monte en puissance. Quoi de plus normal alors que de la voir disparaitre au sommet de sa gloire dans une mort violente au beau milieu d’une sombre tempête. Ursula représente à merveille la méchante qui ne peut pas trouver le salut et qui doit mourir à la fin pour s’arrêter de faire le Mal, car rien dans ce personnage ne laisse supposer qu’un repentir est possible. Elle fait partie des méchantes que l’on n’aime pas, auxquelles on ne trouve aucune excuse.

Conclusion Pour terminer, Ursula est « éreintée, coriace, grossière, dure et perpétuellement à l’affut d’un avantage » (Johnston & Thomas, 1995, p. 187). Elle est capable d’attendre patiemment son heure, tapie au fond de sa grotte. Son plan se dessine alors en fonction des circonstances favorables qui se présentent à elle. Malgré son apparence menaçante, elle parvient tout de même à persuader Ariel qu’elle lui veut du bien et joue ainsi un double jeu. Elle est une méchante qui sait « réconforter, cajoler, feindre la compassion et se rendre serviable » (p. 191).

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5.1.6. Kuzco, l’empereur mégalo : Yzma

Kuzco, l’empereur mégalo est un long-métrage d’animation des studios Disney de 75 minutes et datant de 2000.

a. Résumé de la fabula

L’empereur Kuzco (dont le nom signifie nombril en quechua du Pérou) ne vit que pour lui- même sans prendre en compte ceux qui l’entourent. Pour son 18e anniversaire, son souhait est de se construire une résidence secondaire appelée Kuzcotopia, à la place de la maison de Pacha, un paysan dévoué, qui habite en haut d’une colline d’un joli petit village. Avant de recevoir Pacha pour lui demander conseil, il décide de se passer des services d’Yzma, sa conseillère, qui ne l’entend pas de cette oreille et décide d’élaborer un plan pour l’éliminer et lui prendre sa place. Elle organise un diner où elle projette de l’empoisonner mais échoue par la faute de son serviteur Kronk, et transforme Kuzco en lama. Ce dernier se retrouve alors dépendant de Pacha pour s’en sortir et reprendre sa forme humaine alors qu’Yzma tente de lui remettre la main dessus. De nombreuses péripéties ainsi qu’une course poursuite s’en suivent. Au dernier moment, après une série de mauvais essais de transformations magiques, Kuzco finit par faire équipe avec Pacha et retrouve sa forme humaine. Yzma, transformée en chaton, est mise en péril par Kronk par un concours de circonstances. Kuzco reprend alors sa place d’empereur, grandi de ses aventures, du moins, tout porte à le croire…

b. Interprétation

Le personnage Conseillère de l’Empereur Kuzco depuis des « lustres », Yzma se fait renvoyer de son poste dès les premières minutes du film, ce qui déclenche sa vengeance et sa colère. Maigre personnage d’un âge respectable, cette femme a cependant de grands projets pour supprimer Kuzco afin de régner à sa place sur le royaume. 89

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Vêtue de tenues plus excentriques les unes que les autres, elle impressionne sans avoir pour autant l’envergure des plus grandes méchantes de Walt Disney telle la Reine de Blanche- Neige et les Sept Nains, Maléfique ou encore Cruella d’Enfer (dont ne traite pas ce mémoire, ce film n’étant pas un conte merveilleux). La cruauté pourtant indéniable de cette femme perd probablement de son intensité par l’humour omniprésent autour d’elle. Pouvant être caractérisée d’originale, elle se fait continuellement ridiculiser et perd pied facilement. Que ce soit en recevant de la boue sur le visage, en se faisant repousser par un écureuil, en se transformant en chaton ou simplement par le fait d’être flanquée d’un acolyte complètement idiot, le spectateur ne peut que se laisser entrainer par l’humour qu’elle dégage. Irascible et de caractère exécrable, Yzma représente pourtant la seule véritable méchante du film, en dépit des mauvais côtés de l’Empereur qui n’agit pas toujours de façon respectable, ce qui peut prêter à confusion. Souhaitant la perte de Kuzco, l’importance de son rôle se fait ressentir tout au long du film. Contrairement à Madame Mim, elle se place au premier plan de l’histoire, nous tenant en haleine par ses agissements.

Apparence physique La représentation de cette femme avide de pouvoir a été pensée de manière assez particulière. Dans son apparence physique, tout semble tiré à extrême, que ce soit par la maigreur squelettique de son corps ou par les angles formés par des os de son visage, des mains ou des membres. Tels des bâtons, ses bras et ses jambes paraissent frêles et rachitiques. Le style graphique des traits de son visage est également très intéressant : de gros yeux globuleux, de très longs cils, un nez très en trompette, des lèvres très fines et tombantes, un menton pointu, des oreilles minuscules, etc. L’apparence de ce personnage semble donc irréelle tellement elle est poussée à l’excès. Accentuée à l’extrême, nous l’apparentons aisément à Cruella d’Enfer dont les angles qui forment son corps sont particulièrement prononcés. D’apparence âgée, Yzma se voit comparée à un dinosaure par Kuzco qui pense alors se passer de ses services en découvrant une série de rides autour de la bouche et des yeux. Il la décrit comme une personne qui « fait peur sans faire exprès », ce qui prend tout son sens au premier coup d’œil pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de penser comme lui. Quelques attributs féminins viennent toutefois égayer ce corps rachitique. Ainsi, les ongles d’Yzma sont vernis et elle porte du maquillage : un peu de rouge à lèvres et d’ombre à paupières. Malheureusement, d’un point de vue physique, nous ne pouvons pas dire qu’elle soit mise en valeur. En effet, de minuscules seins tombants, formant de petits cônes, viennent se greffer à son corps, comme pour rappeler qu’il y a longtemps, elle était une femme. 90

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Une particularité vient de ses cheveux, quasi inexistants, comme nous le découvrons dans l’unique scène où elle ne porte pas de chapeau. De ce fait, une grande série de couvre-chefs lui sont attribués tout au long du film. Ils se déclinent en diverses versions, passant du chapeau pointu au foulard enroulé à la manière de ces femmes diseuses de bonne aventure. Ainsi, nous pensons qu’il est difficile de la prendre au sérieux. De plus, parfois flanqué de grandes plumes, l’élément redondant se trouve dans une sorte de bandeau entourant sa tête et marquant le début de chacun de ses chapeaux. Pour ses tenues, nous aurions envie de lui attribuer l’expression « grandeur et décadence ». En effet, Yzma se montre la plupart du temps parée de longues robes moulantes de couleurs variées dont les cols montent parfois très haut à la manière d’une corolle, ceci certainement pour la rendre plus impressionnante. De plus, à deux reprises, une cape noire s’ajoute à son habillement lui donnant une certaine prestance. Lors d’une scène où elle se prend pour l’Empereur et se trouve sur son trône, une immense corolle à l’image de certains reptiles vient couronner son visage et lui donne un aspect particulièrement impressionnant et effrayant. Le message qui nous est délivré semble être la puissance évidente d’Yzma. A ce moment-là, elle a la prestance d’une grande méchante. Malheureusement pour elle, la scène est brève et à l’arrivée de Kuzco, sa parure se replie instantanément comme un chat qui mettrait sa queue entre les jambes d’effroi. Nous notons donc que ce personnage, de par son physique, nous fait passer un message ambivalent. Pour palier son apparence corporelle frêle et anguleuse, ses parures se veulent impressionnantes et excentriques. Le spectateur ne se fait pas longtemps avoir par ses tenues et comprend rapidement qu’Yzma génère de l’effroi surtout par sa ressemblance avec un squelette.

Mouvements A propos de ses mouvements, nous pouvons dire qu’Yzma se déplace dans l’espace de manière très réelle. L’animation de ce personnage, dont la supervision fut confiée dans un deuxième temps à Dale Baer6, a tout du chef d’œuvre. Il faut dire qu’à l’origine, une autre personne dénommée Andres Deja animait ce personnage fort en caractère. Cependant, suite à quelques problèmes liés à l’aspect comique de ce film, l’animateur principal s’est retiré du projet. Les actions d’Yzma furent donc remaniées et ses mouvements détaillés de manière particulièrement réaliste par la nouvelle équipe d’animation.

6 Cf. Méthodologie : Fiches techniques 91

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Ainsi, cette femme énergique parait animée de tout son être. En effet, de manière impressionnante, tout son corps est en mouvement lors de ses apparitions, que ce soit par des mimiques très expressives ou par des gestes multiples et combinés (par exemple : elle balance ses épaules en même temps qu’elle ramène ses bras et serre ses poings, tout en exprimant sa colère). Par contre, si ses gestes sont fluides, nous ne pouvons pas en dire autant de sa démarche et de ses attitudes qui semblent plutôt directes et impulsives, en lien avec son caractère. Il en ressort une façon d’être plutôt stressante où, à chaque moment, nous nous attendons à un geste brusque et surprenant. Ceci dit, sa morphologie accentue chacun de ses mouvements et leur donne une intensité différente, plus crispée.

Expressions du visage Comme nous l’avons évoqué dans le point sur son animation, Yzma se voit attribuer un visage très expressif et perpétuellement en mouvement. Si un nombre impressionnant d’expressions faciales peuvent être relevées, nous détaillerons ci-dessous les principales la caractérisant. Pour commencer, il est intéressant de relever qu’Yzma se met fréquemment en colère ou s’énerve facilement. Afin de représenter cette émotion, son visage s’anime de la manière suivante : sa lèvre supérieure se retrousse, ses dents sont serrées, les coins de ses lèvres se tendent vers le bas, ses joues se colorent parfois de rouge, ses yeux se fixent alors que ses sourcils se rapprochent et, pour finir, un grognement est lâché ou quelques mots sont marmonnés. Une impression glaçante traverse alors le spectateur et lui rappelle, au travers de la colère, que ce personnage est méchant. Seuls de rares instants comme celui-ci montrent cette femme sous un aspect effrayant : il s’avère donc intéressant de les relever. Par ailleurs, la rencontre de ce personnage dans des situations désespérantes et agaçantes semble tout aussi fréquente. Nous ne manquons pas de relever qu’elles s’illustrent par des yeux regardant vers le haut, une bouche grande ouverte et tombante marquant la stupéfaction ou l’aberration, des sourcils levés ou froncés en fonction de l’agacement et pour compléter le tout, ces expressions s’accompagnent souvent de gestes, comme le fait de laisser glisser ses mains du haut du visage vers le bas en entrainant sur son passage le coin des yeux. Ainsi, le personnage donne l’impression de se prendre la tête entre les mains en signe de désespoir. Enfin, la réussite ou la satisfaction transparait sur le visage d’Yzma de façon évidente lorsqu’un large sourire se fige vers le haut et ses dents se serrent, son port de tête se rehausse ce qui lui fait regarder vers le bas et donne ainsi une impression de domination.

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Nous notons ici que l’animation des yeux permet à ces derniers d’exprimer clairement les émotions qui la traversent. Ils illustrent de manière évidente la personnalité machiavélique, impulsive et déterminée d’Yzma.

Couleurs dominantes Le violet, le bleu clair et le noir composent l’essentiel de la palette des couleurs présentes sur ce personnage et dans son environnement, hormis quelques touches de rose. Le doré relevé dans son environnement s’apparente d’avantage à l’or de la civilisation Inca et ne semble pas lié directement à notre personnage. Comme détaillé précédemment, les tenues que porte Yzma, aussi diverses qu’excentriques, sont de véritables défilés d’attributs la caractérisant. Aisément, le spectateur se voit offrir la possibilité d’anticiper les futurs habits de cette femme de par leurs caractéristiques redondantes du point de vue des couleurs. Ainsi, nous ne pouvons guère nous tromper en attribuant aux vêtements d’Yzma du violet et du noir, à ses boucles d’oreilles du bleu ciel et aux quelques détails de sa tenue du bleu clair ou du violet. Seule la couleur rose sur quelques objets peut symboliser l’ancienneté ou la féminité et ne manque pas d’interpeler le spectateur par con côté décalé. D’après le Petit Larousse des Symboles (2008), le violet est souvent associé au deuil sous l’Antiquité. Dans la culture chrétienne et « par identification, il devient la couleur […] des veuves » (p. 646). Cependant, même si notre personnage vit seul, rien ne nous indique qu’Yzma est veuve. Nous ne nous attarderons donc pas sur cet élément. Par contre, comme nous avons pu le voir chez d’autres personnages, cette couleur peut être comprise comme « la valeur la plus sombre du cercle chromatique, le violet […] se situe comme la couleur la plus proche du noir. Aussi est-il associé à la mort : le violet est la marque du deuil à la cour de France » (p. 646). Nous comprenons donc que cette couleur marque souvent les esprits de par sa fréquente association avec des éléments tristes ou sombres. Dans ce sens, nous l’associons peut-être inconsciemment au Mal ou à quelque chose de désagréable car elle est couramment employée lors de diverses pratiques de la religion chrétienne, par exemple : « pendant l’avent, le carême, aux messes et processions de supplication, pour les sacrements de pénitence et d’onction des malades » (p. 646). Nous retenons surtout, vis-à-vis de notre personnage, que le violet peut être compris comme la couleur « de l’obéissance et de la soumission ». 93

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En effet, Yzma souhaite régner sur le peuple qui devra alors se soumettre à sa volonté tout en exécutant ses ordres. Nous pouvons de ce fait relever que la volonté de lui associer cette couleur lui correspond parfaitement et que le noir qu’elle porte couramment semble tout aussi approprié. « Associé à la couleur sombre, à l’absence de lumière, à la saleté, au désespoir, au malheur, le noir est pourtant une couleur ambivalente liée à la mort et à la résurrection, voire à l’élégance » (Petit Larousse des Symboles, 2008, p. 439). Notre personnage incarne, en effet, la méchanceté donc le malheur, tout en souhaitant montrer une certaine prestance de par son statut de conseillère, ce qui se retrouve dans ses tenues tout à fait grandioses et impressionnantes. Comme évoqué pour d’autres personnages, « opposé au blanc, le noir correspond à l’absence de lumière, donc de couleur et de chaleur. Il est l’état d’avant la création du monde. […] D’après la Genèse, le noir est la couleur des ténèbres, des enfers souterrains » (p. 440). Des explications de la signification si sombre de cette couleur proviennent aussi des récits sur l’Apocalypse où l’armée infernale « se déplace sur des chevaux noirs, et le diable lui-même est plus souvent représenté en noir qu’en rouge. Aussi le noir est-il le symbole essentiel de l’erreur et de l’ignorance » (p. 440). Ces précisions nous permettent de comprendre que le noir illustre les mauvais desseins et nous l’associons volontiers à toute une série d’éléments qui nous inspirent la peur ou dont nous ignorons l’origine. Dans ce sens, le fait de représenter cette méchante par des couleurs sombres comme le violet ou le noir donne un message clair sur ses intentions qui ne peuvent être que mauvaises. Le spectateur, consciemment ou inconsciemment, l’associe au Mal et se prépare à des actes de sa part reflétant la méchanceté. Enfin, une dernière couleur s’invite sur les parures de ce personnage. « Couleur du ciel sans nuages, couleur chaude puis froide, le bleu est passé progressivement de la dernière à la première place dans la symbolique des couleurs. Il représente la spiritualité, la royauté, la vérité et la sagesse » (p. 94). Si Yzma ne semble pas du tout incarner la spiritualité, la sagesse ou encore la vérité, un aspect intéressant de cette symbolique serait le lien avec la royauté. En effet, cette femme souhaite prendre la place de l’Empereur Kuzco, ce qui la placerait à la tête du royaume. Cependant, il semble hâtif d’interpréter ce choix de couleurs comme relevant véritablement de la volonté de la lier à la royauté. Ne sachant pas quels étaient les réels desseins des auteurs, nous tendons à penser que leur choix s’est d’avantage porté sur une association esthétique de couleurs (le violet et le bleu ciel se mariant particulièrement bien), que sur un message en lien avec le statut du personnage.

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Pouvoirs et transformations Spécialiste dans la concoction de potions magiques permettant de se transformer, Yzma mijote ses préparations dans un laboratoire secret. Situé dans les combles du palais de Kuzco, elle y entrepose ses potions et recettes empoisonnées. Kronk l’accompagne dans toutes ses démarches malfaisantes et ne manque pas de les faire échouer par inadvertance. Yzma n’a pas de pouvoir en particulier si ce n’est des connaissances en magie pour ses potions. A l’image de la Reine de Blanche-Neige, ses potions sont maléfiques et elle les utilise pour tuer. Cependant, comme expliqué précédemment, elle ne peut être associée clairement à une sorcière, sinon à une sorcière déchue de par ses aspects risibles. Sa seule transformation se fait sous forme de chat et de manière involontaire. En effet, lorsqu’elle boit la potion, elle souhaite surtout empêcher Kuzco de trouver celle qui lui permettrait de reprendre forme humaine. Cependant, nous notons que cette transformation en chat n’est pas anodine. En effet, « entre miaulement inquiétant et ronronnement serein, le chat protéiforme est porteur de symboles opposés entre féminité et maléfices » (Petit Larousse des Symboles, 2008, p. 144). Animal bénéfique pour les Egyptiens, ils l’associaient au plaisir et à la sécurité. Vénéré au travers de Bastet, déesse égyptienne, ils le momifiaient. Par contre, pour les chrétiens, la symbolique entourant cet animal semble bien différente. Le dictionnaire nous expose qu’il est : Le versant sombre de la féminité : rusé, il avance sans bruit ; imprévisible, il sort brusquement ses griffes ; inquiétant, il voit dans le noir, et ses pupilles brillent dans l’ombre. Créature démoniaque, il est associé aux sorcières […]. Quand de plus il est noir, mieux vaut éviter de le rencontrer sur sa route, car il annonce l’obscurité et la mort. […] Il symbolise la trahison, le chat jouant d’abord avec les animaux qu’il tue par la suite. (Petit Larousse des Symboles, 2008, pp. 144-145) Ces détails nous font découvrir une symbolique particulièrement négative liée à cet animal que nous aimerions volontiers transposer à notre personnage. Cependant, Yzma ne fait pas transparaitre cet effroi lors de sa transformation car son aspect semble très loin de faire peur. En effet, si dans les premières secondes seules ses dents tranchantes, son regard menaçant et son rire grave transparaissent, les minutes qui suivent révèlent surtout un petit chaton gris violacé à longs poils et aux yeux violets, qui semble lui-même étonné du piètre effet de son apparence. Finalement, nous comprenons que ce personnage, outre ses connaissances maléfiques liées aux potions et poisons, aurait tous les atouts pour inspirer la crainte, si ce n’est qu’il ne suscite que le rire de par sa mise en scène et sa façon d’être.

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Voix La voix française d’Elizabeth Wiener pour le personnage d’Yzma la situe directement entre une vieille femme lassée et une sorcière agacée. Par moments, sa voix particulièrement nasillarde est imitable en pinçant son nez et en parlant de manière lancinante. Parfois à la limite du tremblement, les paroles d’Yzma sortent de sa bouche dans un souffle tantôt désabusé, tantôt exaspéré. Aisément, le spectateur imagine en entendant sa voix qu’elle lève souvent les yeux au ciel lorsqu’elle parle. D’une manière plus générale, sa voix semble impulsive, faisant de nombreuses variations dans les intonations exprimant alors son agacement. Le caractère de ce personnage nous apparait clairement grâce à son type de voix et révèle une personne lassée, fâchée, râleuse et fausse car par moments, lorsqu’elle souhaite obtenir quelque chose, elle sait rendre sa voix plus douce et mélodieuse. Ses rires, plutôt aigus et machiavéliques, semblent bien souvent évoquer la moquerie et se retrouvent pour l’essentiel lors de scènes où Yzma rabaisse un autre personnage. Quelques grognements et râles s’invitent fréquemment à ses discours. En effet, cette vieille femme exprime à de nombreuses reprises son mécontentement accompagné de ces effets sonores particulièrement explicites. De manière particulièrement comique, sa voix perd le peu de dignité qui lui restait lors de sa transformation en chat. En effet, elle devient très aigue, presque électronique, donnant l’impression de ressembler à Donald Duck en plus féminin. La volonté de paraitre ridicule transparait clairement ici lorsque le personnage semble tout à fait surpris de sa voix en s’entendant et dit : « Quoi ? C’est ma voix ça ? ». Le spectateur comprend alors que la méchanceté de ce personnage est largement atténuée par sa voix ridicule.

Lieu de résidence Notre personnage vit dans le vaste palais de l’Empereur Kuzco mais la trame du film ne laisse pas entrevoir ses quartiers. Seul son laboratoire, lieu de recherches maléfiques, se présente comme lui appartenant. 96

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Secret, il permet à Yzma de concocter ses plans diaboliques à l’abri de tous les regards. Nous comprenons que seul Kronk peut l’y accompagner. Le laboratoire se situe au sous-sol, lieu sombre où de mauvaises intentions prennent forme, et se trouve gardé, tel un donjon, par une fosse aux crocodiles. Un levier permet d’accéder à une sorte de montagne russe aboutissant dans un laboratoire garni de tas de fioles et de matériel de chimie. Il semble donc particulièrement bien gardé, ce que nous pourrions interpréter comme la volonté de cacher de mauvais agissements. Ainsi, telle une descente aux enfers, l’antre d’Yzma donne des frissons et rappelle aux spectateurs qui est la véritable méchante de l’histoire. Une quantité d’objets entourent également ce personnage : un maillet pour briser la tête en pierre de Kuzco, un siège portable sous forme de sac à dos pour que Kronk la trimbale dans toute la jungle et muni d’ailes, un sac à main, une tente et une petite épée avec laquelle elle charge Kronk d’en finir avec Kuzco. Nous relevons que de nombreux détails permettent de voir l’appartenance de ces objets à Yzma. En effet, la plupart d’entre eux sont de couleur violette, cette couleur ayant une signification particulière comme détaillé précédemment. De plus, des plumes et des dessins de serpent apparaissent sur son sac à dos, son sac à main et sa tente. « Chamans, prêtres et guerriers portent dans de nombreuses civilisations des coiffures emplumées, qui signalent la fonction d’intermédiaire de l’individu ainsi couronné entre le monde des esprits et celui des vivants » (Petit Larousse des Symboles, 2008, p. 498). Ainsi, Yzma aurait des airs de chaman, telle une conseillère dont les décisions viendraient de plus haut. Nous imaginons que ses plumes ont pour but de lui donner plus de prestance et peuvent alors impressionner le peuple, lui donner un statut plus important. Par contre, le serpent se situe dans les animaux ayant le plus de significations lui étant associées. De ce fait, nous comprenons qu’il peut être certaines fois associé au Bien comme au Mal. Outre quelques aspects redondants dans de nombreuses civilisations à propos de la création du monde ou du cycle de la vie (serpent qui se mord la queue), il peut aussi se faire guérisseur et se retrouve en médecine par exemple. De plus, « la mue du serpent en fait un symbole de jeunesse perpétuelle, de longévité et même d’immortalité » (p. 574). Pour les chrétiens à nouveau, le serpent est un animal maléfique et est « l’incarnation du démon, la forme que prend Satan pour séduire et tromper Eve. Le serpent et l’arbre de vie étant symboles de régénération, la tromperie est d’autant plus grande » (p. 575). Ainsi, certaines représentations d’Eve associée au serpent laissent entendre une « assimilation de la femme et du démon » car le serpent inspirerait tous les crimes à l’homme : « les sept péchés capitaux sont souvent représentés sous la forme d’un serpent à sept têtes. La Vierge ou un saint foulant aux pieds un serpent ou un dragon illustrent la victoire du Bien sur le Mal » (p. 575). 97

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De tout ceci nous retenons plusieurs éléments : premièrement l’idée de régénération qui semble particulièrement bien caractériser Yzma, cette vieille femme sans âge dont l’énergie parait débordante ; deuxièmement, le fait que le serpent lui soit associé pour mettre en avant le Mal qui l’habite et qui vient s’afficher sur ses affaires. Après ces quelques explications, sa méchanceté semble indéniable. De plus, un dernier élément a retenu notre attention : les ailes de son siège ressemblant à des ailes de chauve-souris. Cet animal serait « l’image du pêcheur qui vit dans les ténèbres » (p. 146) et ferait partie des « impurs, à côté des vautours et des chats-huants ». L’association d’une partie de cet animal à un objet de notre personnage serait de mauvais augure. Tout porte à croire qu’Yzma représente LA méchante par excellence. L’histoire nous fait pourtant comprendre le contraire. Dans un tout autre registre, son fidèle bras droit pour les dix années à venir, Kronk, s’apparente à un mannequin au profil grec anguleux et au teint parfait. Son corps et sa tête ne nous trompent guère sur lui car son sourire comme le reste de ses expressions du visage révèlent un simple d’esprit à la limite de l’idiot. Malgré son statut de dévotion à Yzma, il causera sa perte par inadvertance en l’aplatissant derrière une porte lorsqu’elle est un chaton, l’empêchant ainsi de réussir son plan. C’est également lui qui fait échouer tous les plans de sa supérieure par son manque d’intelligence évident, par beaucoup de maladresses et par sa bonne conscience personnalisée par un petit ange sur son épaule. Ses seuls atouts résident dans sa force physique et ses capacités culinaires qui n’aident cependant en rien Yzma. Elle dit d’ailleurs : « c'est ça l'ironie du sort, tout comme le fait que je sois affligée de toi ».

Musique D’un point de vue musical, si les chansons de l’œuvre originale sont interprétées par Sting et David Hartley, c’est John Dubney qui a été chargé de composer les musiques. A l’image de nombreux films d’animation, nous retrouvons des thèmes musicaux calqués sur les mouvements et actions des personnages de l’histoire. Ainsi, Yzma voit son caractère en partie révélé par les effets musicaux l’accompagnant lors des différentes scènes du film. En effet, ses mauvaises intentions sont fréquemment illustrées par des cordes évoluant de manière saccadée. Au contraire, comme lorsque sa voix se fait douce pour obtenir quelque chose, la musique s’adoucit également et devient mélodieuse, plus lente. De plus, lors du repas elle se fait presque inexistante, s’approchant d’avantage d’une musique que l’on qualifierait « d’ascenseur ». Seules quelques trompettes viennent couper ces moments afin de souligner une action surprenante ou pour donner un effet d’étonnement (par exemple lorsqu’Yzma apprend que Kuzco n’est pas mort). 98

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Nous relevons également que pendant les courses-poursuites, la musique se veut plus rythmée par l’intermédiaire d’instruments à vent plus aigus et des percussions, ou encore très mélodieuse avec un thème musical très prononcé et redondant. Enfin, pour illustrer un déplacement vers le haut ou le bas, l’utilisation du piano est fréquente et accompagne, par exemple, le personnage lors d’une chute en marquant chaque note de plus en plus bas dans le ton à la manière de certains cartoons sans paroles. Le caractère d’Yzma se trouve ainsi illustré, que ce soit lors de ses accès de colère que dans ses complots. La musique révèle ainsi une personne décidée, mais souvent excédée et dépassée par les évènements.

Mise en scène Concernant la mise en scène, il faut savoir que la réalisation de ce film a connu quelques embuches. En effet, un premier projet nommé Kingdom of Sun devait se concrétiser avant le départ précipité de l’animateur principal et certains problèmes d’argent. Cette deuxième version, que l’on connait sous le nom de Kuzco, l’empereur mégalo, s’éloigne un peu de l’histoire Inca pour se révéler plus drôle et se rapprochant de certains cartoons au travers de dialogues très recherchés d’un point de vue humoristique. Ainsi, cette volonté de faire rire le public se répercute entre autres sur la mise en scène des personnages et surtout d’Yzma. Un habile usage de la lumière projette sur la scène notre personnage dans toute sa splendeur. L’ambiance qui l’entoure régulièrement peut être qualifiée de sombre. Les tons violacés, bleutés voire verdâtres sont fréquents et révèlent une femme froide et méchante. Nous notons surtout que rares sont les fois où des tons froids ne sont pas utilisés pour la mettre en scène. Du point de vue des entrées et sorties de scène, Yzma occupe une place importante dans la trame de l’histoire en prenant place dans dix longues scènes du film et donc sur un peu plus de la moitié de ce dernier qui dure une heure dix. Contrairement à ses apparitions, nous relevons une évolution intéressante propre à ses disparitions. En effet, le film semble être découpé en trois temps pour ce personnage. Si ses deux premières disparitions se font de manière relativement normale, toutes celles qui vont suivre se caractérisent par une sortie colérique de sa part. Souvent, de gros plans cadrent le visage d’Yzma en colère, provoquant une certaine peur chez le spectateur. Une troisième partie concerne enfin ses trois dernières disparitions. Ici, Yzma se voit complètement ridiculisée : elle se fait frapper sous forme de pignata par des enfants, puis elle chute dans un gouffre après avoir reçu la foudre et finalement se fait écraser sous forme de chat derrière une porte par Kronk qui ne l’avait pas remarquée. 99

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De ce fait, le spectateur peut comprendre qu’Yzma perd pied au fur et à mesure de l’histoire et que sa perte est inévitable, d’ailleurs, sa dernière apparition la montre sous forme de chat participant à une leçon donnée par Kronk, inversant ainsi les rôles et les statuts. De plus, des effets de style intéressants apparaissent lors des courses-poursuites avec Kuzco. En alternant des plans sur Yzma et des plans sur Kuzco de manière saccadée, ils provoquent chez le spectateur une forme de stress en lien avec la situation. La mise en scène permet donc de cerner d’avantage notre personnage tout en illustrant le fait que le Bien l’emporte une fois de plus sur le Mal.

Conclusion Nous retiendrons de cette maigre femme excentrique qu’en dépit de ses accès de méchanceté, de colère et sa volonté de détruire l’Empereur pour prendre le pouvoir, tous les éléments semblent se réunir pour la faire échouer. Ainsi, le manque d’intelligence de son fidèle bras droit n’a d’égal que l’humour qu’elle dégage. Constamment tournée en dérision, son apparente méchanceté ne peut être crédible. Nous notons également que l’univers qui l’entoure se doit de contenir du violet et si possible une référence au serpent. Cependant, ce personnage est attachant de par les malheurs improbables qui lui arrivent. Pouvant parfois susciter de l’empathie, Yzma est décrite par Kronk comme une personne « peu douée pour le relationnel ». Enfin, sa perte annoncée par de nombreux aspects rétablit l’idée que le Bien triomphe encore une fois du Mal.

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5.2. Comparaison des analyses

Pour ce point, nous avons l’intention de relever les redondances, les concordances, les absences, ainsi que les éléments déterminants ressortant de nos différentes analyses de personnages. De ce fait, nous reprenons les items principaux de nos grilles afin de les comparer.

Le personnage Pratiquant la magie de manière maléfique, toutes nos méchantes ont au minimum le statut de sorcière, à l’exception de la Marâtre qui n’est pas dotée de pouvoirs magiques et dont la méchanceté ne découle que de ses actes et paroles. Cette dernière occupe également le rôle de la belle-mère de Cendrillon, statut partagé par la Reine vis-à-vis de Blanche-Neige. Si la sorcellerie fait partie des compétences de cinq de nos méchantes, nous notons surtout que la Reine, Ursula et Yzma ont une façon de procéder similaire. En effet, Maléfique et Madame Mim ont la capacité de jeter des sorts directement. Sorte de fée déchue pour la première et de magicienne maléfique pour la deuxième, cette particularité peut être qualifiée de pouvoir magique. Par contre, la Reine, Ursula et Yzma, respectivement les personnages appartenant au film le plus ancien et aux films les plus récents, n’utilisent la magie qu’au travers de concoction de potions ou de poisons maléfiques. Faisant partie des personnages principaux de leur histoire, ces méchantes marquent les esprits du public et font peur chacune à leur manière. Souhaitant toutes la perte du héros ou de l’héroïne, elles usent de diverses stratégies machiavéliques pour y parvenir. Nous notons par contre que si la Reine, Maléfique, Madame Mim et Yzma ont pour premier dessein la mort du héros, Ursula ne souhaite du mal à Ariel que pour atteindre Triton et la Marâtre préfère écarter Cendrillon pour mieux laisser la place à ses filles. Nous pourrions dire que lorsqu’elles ne tuent pas, c’est qu’elles n’en ont pas besoin pour arriver à leurs fins. Cependant, elles réduisent leurs adversaires au silence ou les écartent du jeu pour atteindre leur but. De plus, certaines, comme Ursula ou Yzma, veulent le pouvoir, d’autres ne s’y intéressent pas car elles l’ont déjà, comme la Reine ou Maléfique qui semblent plutôt agir par jalousie ou vengeance. Enfin, Madame Mim souhaite montrer qu’elle est la plus grande magicienne et la Marâtre agit par jalousie également. Nous comprenons donc que la plupart des motivations visibles à faire le Mal pour ces méchantes découlent soit d’une soif de pouvoir, soit d’une forme de jalousie ou de vengeance.

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Par contre, de manière plus profonde, l’orgueil se présente comme le moteur motivationnel principal et se retrouve chez toutes nos méchantes. Nous avons également relevé que certaines méchantes se faisaient passer pour des êtres gentils auprès du héros. Ainsi, la Marâtre ment à Cendrillon en lui laissant croire qu’elle pourra aller au bal, Ursula veut faire croire à Ariel qu’elle agit pour son bien même si cette dernière n’est pas complètement dupe et Yzma cache ses véritables intentions à Kuzco en agissant en cachette. Du point de vue des émotions suscitées par ces personnages, nous pouvons dire qu’elles ne sont, pour l’essentiel, pas très variées. La peur ou l’effroi prennent la tête de liste des émotions récurrentes, ce que nous trouvons tout à fait normal en vue du fait qu’un méchant est sensé faire peur. Par contre, si la plupart de nos méchantes font froid dans le dos, Madame Mim et Yzma semblent susciter également d’autres émotions. En effet, Mim, comme nous avons pu le voir dans l’analyse, déstabilise et met mal à l’aise le spectateur par la folie qu’elle dégage. Par contre, Yzma, de par la volonté humoristique du film, semble parfois ridicule et peut faire rire le public ou provoquer une forme de pitié. Dans le film, de nombreuses situations la tournent en dérision car sa méchanceté semble décalée et peu crédible. Par exemple, elle terrorise involontairement Kuzco en soulevant sa robe, découvrant ainsi une partie de sa jambe, alors qu’elle souhaitait montrer sa supériorité en dévoilant une petite épée cachée plus haut sur sa cuisse. A un autre moment, elle se fait ridiculiser par des enfants en glissant dans un talus, tombant dans un brouette, se faisant recouvrir de miel et de plumes et se retrouvant à la place d’une pignata se faisant taper par des enfants. Ce personnage, qui est fondamentalement méchant, ne suscite alors pas autant de peur que nos autres méchantes. La fonction de cette dernière a beaucoup évolué par rapport aux autres films et fait de plus en plus rire le spectateur. Enfin, nous voulions relever une particularité intéressante revenant chez toutes nos méchantes : le fait que la méchanceté se voie au premier coup d’œil. En effet, lors de leur première apparition dans le film, de nombreux éléments permettent au public de comprendre que le personnage fait partie des méchants. Que ce soit au travers de ses paroles ou de son physique (Madame Mim), par ses actions et sa tenue (Yzma), grâce à une voix off la présentant et par ses actions ou ses expressions du visage (la Reine et la Marâtre), ou encore par son prénom (Maléfique), le spectateur se fait immédiatement une première idée négative du personnage. Ainsi de nombreux indicateurs permettent dans les premiers instants de différencier le héros de la méchante.

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Physique Nous nous intéressons à présent aux attributs physiques de nos six méchantes. Tout d’abord, nous constatons les trois premières méchantes créées par Walt Disney (La Reine, la Marâtre et Maléfique) sont, avant leur transformation, de belles femmes. Elles ont un corps bien proportionné, grand, fin et élancé. De plus, chacune d’elles est âgée entre 40 et 50 ans. Ces trois femmes ont une apparence soignée. Elles sont maquillées, bien coiffées et se tiennent de façon distinguée. En 1963, nous voyons apparaitre l’étrange Madame Mim sur nos écrans. Le choc est total : nous avons alors affaire à une toute petite femme d’une bonne soixantaine d’années qui est vêtue de vêtements suspects (cependant toujours en robe) et qui ne prête, apparemment aucune attention à son aspect physique. Elle ne se coiffe pas, ne se maquille pas et se comporte de façon loufoque. De plus, elle est l’unique méchante qui ne porte pas de bijoux. Par la suite, Ursula, la méchante présente dans la Petite Sirène apparaissant sur les écrans en 1989 (26 ans après Madame Mim), garde pourtant cette corpulence imposante. Ursula se voit tout de même attribuer un caractère sensuel lié à sa voix, sa façon de se mouvoir et certains attributs de son visage comme sa bouche et ses longs cils. Cependant, cette dernière est marquée fortement par un caractère vulgaire et dérangeant. Enfin, en 2000, apparait le personnage d’Yzma. Cette fois-ci, les studios de Walt Disney l’affligent d’un physique proche du squelette. Yzma se démarque de nos cinq autres méchantes par son physique ridicule mis en avant par des tenues folkloriques et des attributs faciaux semblables à ceux d’une momie. Elle a une bonne dizaine de rides autour des yeux soulignées par d’énormes cernes. Dès la première scène, elle apparait avec un morceau de salade collé sur une dent ce qui lui fait dès lors, perdre toute crédibilité car un beau sourire est indispensable à une femme coquette et sa dégradation est signe de négligence. Son corps semble fragile ce qui est également une grande première pour un personnage incarnant le Mal. Ainsi, nous constatons qu’à travers le temps, l’image de la méchante se modifie en ce qui concerne l’apparence physique. Cependant, quelques détails tendent à persister comme par exemple le port d’une robe (jamais de pantalon), de longs ongles et une chevelure imposante ou, si ce n’est pas le cas, d’un couvre-chef pour la remplacer. Le maintien du port de la robe nous semble quelque peu étrange car, actuellement, cette pratique semble avoir considérablement évolué, même si anciennement les femmes ne pouvaient revêtir un pantalon. Dans ce sens, nous supposons que cet attribut, comme le port du chapeau, servent à donner une certaine prestance à nos méchantes, à l’image des longues tenues portées dans les cours royales ou dans les cérémonies pour représenter le pouvoir.

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En ce qui concerne les stéréotypes ou caricatures visées, nous dénotons que cinq sur six invoquent l’image de la sorcière, trois sur six celle du serpent et deux sur six l’idée du squelette. Bien évidemment d’autres images sont suggérées mais ne sont pas suffisamment représentatives pour être traitées ici. Pour ce qui est de la méchante post transformation (s’il y a transformation), le constat se veut quelque peu différent. Les deux premières méchantes (La Reine et Maléfique) (nous ne tenons guère compte ici de la Marâtre puisqu’elle ne se transforme pas) revêtent une apparence très explicite et menaçante. En effet, la sorcière ou le dragon ne peuvent être que des êtres profondément mauvais et très dangereux. Ils sont dessinés de façon très sombre et effrayante. Ainsi, ces deux premières méchantes meurent à la fin dans leur forme la plus épouvantable. Ursula, quant à elle, meurt également à la fin en ayant l’apparence d’une monstrueuse pieuvre qui déchaine sa colère sur les océans. Alors qu’en est-il de Madame Mim et d’Yzma ? Egalement sujettes à des transformations, leurs essais tournent plutôt mal en ce qui les concerne et la situation prend une tournure grotesque. Madame Mim attrape la varicelle et Yzma devient un petit chaton inoffensif. Cependant, l’aspect ridicule qu’elles abordent dès lors fait que nos deux méchantes ont la vie sauve à la fin de la bataille. Pour revenir tout de même sur la Marâtre, le départ de Cendrillon la rend également inoffensive. Sur ce constat, nous énonçons alors que Walt Disney ne tue la méchante que si cela semble indispensable à une fin heureuse de l’histoire. Enfin nous notons une importante similarité entre l’aspect physique de la Reine transformée en vieille sorcière et Yzma. Ce qui est étonnant sachant que soixante-trois ans séparent ces deux productions. Ainsi, les premières méchantes ne vieillissent pas, semblent figées dans leur âge, alors que les dernières sont bel et bien vieilles et vont encore prendre de l’âge.

Expressions du visage Nous retrouvons chez nos six méchantes une volonté évidente de détailler les expressions de leur visage. Ainsi, une attention particulière a été portée par les animateurs des personnages sur la représentation des émotions. Le public n’a, de ce fait, aucun mal à distinguer la colère ou la joie sadique, revenant de manière systématique chez toutes ces femmes. Si ces dernières semblent sans arrêt en colère, c’est que leurs plans pour vaincre le Bien ont généralement de la peine à se dérouler sans accroc. Dans l’autre sens, il semble tout à fait évident, d’après ce que nous avons relevé dans nos analyses, que la joie ressentie par ces femmes découle de la réussite éphémère d’une partie de leurs mauvaises actions longuement planifiées.

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Cette joie peut alors être associée à de l’euphorie ou à de la satisfaction liée à une prise de pouvoir, même infime, par ces personnages. De plus, de manière récurrente pour cette émotion, l’expression de la joie se fait en association avec un rire terrifiant et sournois. De ce fait, nous trouvons que cette joie est faussée par son aspect machiavélique, sadique, voire malsain, ces traits étant apparentés à l’ensemble de ces femmes. Cependant, nous avons remarqué que certaines expressions semblent d’avantage exagérées chez Yzma que chez la Marâtre par exemple. En effet, il est possible que deux éléments entrent en jeu. Le premier est le fait que la Marâtre fait partie de la bourgeoisie et qu’il ne sied guère à une telle personne de se tirer les traits du visage. Le deuxième provient certainement de l’aspect comique souhaité dans Kuzco, car tout semble démesuré au sein même du film. Ainsi, Yzma voit ses mimiques représentées à l’extrême, lui donnant ainsi un côté ridicule.

Couleurs dominantes Après comparaison des couleurs présentes sur nos six méchantes et dans leur environnement, nous relevons quatre couleurs dominantes : le rouge, le vert-jaunâtre, le violet et le noir. Ces dernières prennent une place importante pour nos personnages. Pour commencer, le rouge (ou le rose magenta en découlant) se retrouve chez nos deux personnages féminins : la Reine qui le porte sur ses bijoux et Madame Mim sur ses habits, devenant par la suite un de ses attributs lors de ses transformations en animaux. Puis, le vert tirant sur le jaune, omniprésent chez la Reine et Maléfique, se montre par touches dans les yeux de Madame Mim et de la Marâtre (il semble même parfois difficile de savoir, suivant les moments, si les auteurs utilisent du jaune ou du vert). Cette dernière porte également une broche ornée d’une pierre verte. Ainsi, cette couleur s’apparente à quatre de nos femmes. De plus, nous relevons que le vert n’est présent que dans les plus anciens de nos films datant de 1937 (Blanche-Neige) à 1963 (Merlin l’Enchanteur). En effet, nous pouvons interpréter que, si les anciennes croyances associaient cette couleur à des aspects maléfiques (au diable par exemple), les croyances modernes ont tendance à la mettre en lien à ce qui est sain, à la nature et à l’écologie. Ensuite, en deuxième position des couleurs les plus présentes, se trouve le noir. Si elle entoure de manière permanente et flagrante Yzma, Ursula, la Reine et Maléfique dans leurs tenues, elle apparait également chez la Marâtre et Madame Mim dans le côté sombre de leur environnement et de leur maison. Enfin, LA couleur revenant indiscutablement chez toutes nos méchantes est le violet. De manière importante, cette dernière orne leurs habits, décore leurs attributs et objets personnels et s’invite dans l’environnement de nos six personnages féminins. 105

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Cependant, s’il nous est difficile de savoir les réelles intentions des auteurs, le choix de cette couleur semble délibéré de par sa redondance chez toutes nos méchantes sans exceptions. Le choix d’autres couleurs, moins utilisées comme le bleu, semble plutôt découler d’une volonté esthétique. De ce fait, nous retiendrons le noir et surtout le violet comme les couleurs associées les plus fréquemment aux méchantes ou aux représentations du Mal.

Transformations et pouvoirs magiques Après comparaison des pouvoirs, nous nous sommes rendues compte qu’une seule méchante ne se transforme pas durant son film. Il s’agit de la Marâtre dans le film d’animation Cendrillon. En effet, cette dernière, n’étant pas une sorcière et ne possédant aucun pouvoir magique, n’a pas les moyens de se transformer. En ce qui concerne les autres méchantes, elles changent toutes d’apparence au minimum une fois durant l’histoire. Certaines transformations sont basées sur l’esthétique (belle-laide). Effectivement, Ursula grosse et laide se transforme en belle jeune fille pour séduire le prince, puis retourne à sa forme originelle ; Madame Mim se transforme en plusieurs étapes, d’abord devenant une belle fille, puis elle s’enlaidit davantage pour enfin redevenir elle-même, et pour terminer, la Reine, laissant sa beauté de côté et se transformant en vilaine sorcière afin de leurrer Blanche-Neige. D’autres transformations sont basées sur le changement physique (personne - animal). En ce qui concerne Madame Mim, elle se transforme également en plusieurs animaux (crocodile, renard, poule, éléphant, tigre, serpent, rhinocéros et dragon), cette dernière transformation rappelle fortement celle de Maléfique se transformant en dragon pour tuer le Prince. Yzma, quant à elle, finit changée en chat. Pour chacune de ces transformations nous avons relevé des signes distinctifs persistants entre l’avant et l’après. En effet, malgré les changements, les yeux restent les mêmes pour toutes et la couleur violette demeure pour Yzma (pelage du chat), Maléfique (écaille du dragon) et Madame Mim (vêtements et cheveux). Nous avons également pu observer que les buts de ces transformations ne sont pas les mêmes selon les méchantes. Dans le cas de Maléfique il s’agit de devenir plus forte afin d’avoir la victoire lors du combat, de même pour Madame Mim, mais il s’agit d’un combat de magie. Ursula et la Reine font cela car elles veulent leurrer leur adversaire, la tromperie est leur objectif. Quant à Yzma, il ne s’agit rien d’autre que d’une transformation accidentelle. D’ailleurs elle reste transformée jusqu’à la fin du film (chat), tout comme la Reine (sorcière) et Maléfique (dragon). Cependant, ces deux dernières finissent par être tuées alors qu’elles sont sous cette forme. 106

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Nous arrivons maintenant à la comparaison de leurs pouvoirs. Cet aspect est abordé rapidement dans le premier point « personnage ». Nous rappelons juste qu’Yzma, Ursula et la Reine, utilisent toutes trois des potions (magique ou chimique) et que Madame Mim ainsi que Maléfique sont des sorcières ayant des pouvoirs magiques et lançant des sorts. La plupart de ces sorcières possèdent un objet magique. Maléfique utilise son sceptre afin de lancer des sorts, le coquillage d’Ursula lui permet de rester sous la forme de la jeune fille une fois la transformation faite, la Reine utilise une pomme afin d’empoisonner Blanche-Neige, tandis que Madame Mim possède l’objet le plus commun des sorcières, un balai. Comme dit plus haut, la belle-mère de Cendrillon n’étant pas une sorcière, elle ne possède aucun pouvoir magique.

Voix et rires Tout d’abord, nous tenons à spécifier que nous avons travaillé sur les versions françaises de ces films d’animation. Il ne s’agit donc pas des voix originales en anglais mais d’un doublage avec des voix françaises. La voix est un élément important du personnage car elle contribue à donner une allure et une personnalité à celui-ci. En comparant les voix des méchantes nous avons pu réunir trois d’entre elles qui sont similaires. Il s’agit de la voix de la Reine, de la Marâtre et de Maléfique. Elles ont toutes trois une voix calme, claire et belle, sauf lors de leurs accès de colère où le ton monte. Par exemple, la voix de la Reine devient stridente et aigue. Ursula est la seule à posséder une voix plutôt grave et grasse ce qui correspond à sa corpulence. Pour aller avec la folie de Madame Mim, la voix qu’on lui a attribuée est nasillarde et aigue, avec des variations dans les notes. Yzma rejoint un peu cette dernière car elle a également une voix très nasillarde mais aussi grinçante. Concernant leur rire, trois d’entre-elles en possèdent un puissant, effrayant et moqueur. Il s’agit de la Reine, Maléfique et Ursula. Cela ajoute un côté terrible et effrayant à leur personnage. Yzma possède le même type de rire, cependant elle ricane et grogne aussi par moments. Pour terminer, la Marâtre ainsi que Madame Mim ont tendance à ricaner. Néanmoins cette dernière le fera de manière crescendo ce qui renforce son côté dément.

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Musique Concernant la musique, nous constatons, lors de la comparaison, qu’il s’agit exclusivement d’instruments composant un orchestre symphonique, c’est-à-dire les cordes (violons principalement, altos, violoncelles, …), les vents (cors, trompettes,…) et les percussions (tambours, cymbales,…). Les mélodies et le tempo changent en fonction des actions des personnages. S’il s’agit de la méchante, le tempo sera la plupart du temps lent et les sons graves, et si l’on voit apparaitre un des personnages représentant le Bien, les mélodies seront plus joyeuses, les sons aigus et le tempo légèrement plus rapide, mais également s’il s’agit d’une course poursuite ou d’une marche lente. Ces éléments peuvent aussi changer selon les humeurs du personnage. Lorsque la méchante se met en colère, les instruments seront joués plus fort et des coups de percussions peuvent être donnés. Un troisième objectif des instruments est de poser une ambiance. La mélodie, selon se elle est plutôt joyeuse (aigue, rapide) ou lugubre (grave, lente) peut donner un tout autre aspect à la scène. Elle peut provoquer le stress par des tremolos de violons, accentuer l’effet d’un moment de surprise ou lorsqu’un sort est jeté. Le cadre est ainsi posé et le public peut se faire une idée de ce qui l’attend. Nous avons noté la présence d’un thème récurrent pour Maléfique. Le spectateur peut ainsi anticiper son apparition et cela crée une certaine angoisse. Cependant, elle est la seule dans ce cas, bien qu’Yzma s’en approche car elle possède, elle aussi, un thème répétitif mais uniquement lors des courses-poursuites. Pour terminer, malgré une musique relativement similaire dans tous les films, les compositeurs et les dirigeants de l’orchestration ne sont pas toujours les mêmes. En effet, nous retrouvons le même compositeur Paul J. Smith, dans Blanche-Neige et les Sept Nains et dans Cendrillon qui sont nos deux plus anciens films. Georges Bruns a, quant à lui, réalisé la plupart des musiques de La Belle au Bois Dormant et est le compositeur du film Merlin l’Enchanteur. Concernant les deux derniers films analysés, ils possèdent leurs propres compositeurs, Alan Menken pour La Petite Sirène et John Dubney pour Kuzco, l’empereur mégalo.

Mouvements et déplacements En ce qui concerne les mouvements et déplacements de nos six méchantes, le premier constat s’approche quelque peu de celui fait pour le physique. En effet, si Ursula, Madame Mim et Yzma se détachent de manière singulière, nos trois premiers personnages se ressemblent étrangement. 108

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De ce fait, il est possible d’affirmer que la démarche et la façon de se mouvoir de la Reine, de la Marâtre et de Maléfique sont toutes trois empreintes de la même tenue et rigidité. En effet, ces trois méchantes abordent une posture droite (certainement liée à leur rang social). Leurs gestes sont précis et pensés et leur démarche s’apparente à celle des marionnettes tirées par un fil au sommet de leur tête. Walt Disney crée ainsi, avec ses trois premiers personnages, des méchantes dotées de classe et de prestance. A partir de Madame Mim, les méchantes n’abordent plus cette posture rigide. Même si l’on regarde du côté des films absents de notre corpus (issus d’autres genres littéraires) des personnages comme Cruella d’Enfer ou encore Médusa, ne sont pas pourvus de tels traits. Ainsi, Madame Mim aborde une démarche sautillante et des mouvements désordonnés qui amènent le public à ressentir une sorte de folie dangereuse chez ce personnage. Ursula, quant à elle, par son apparence de pieuvre, glisse et bouge de façon lente mais sans convoquer cette idée de fluidité présente chez nos trois premières. En ce qui concerne Yzma, son impulsivité et sa façon de se tenir (cambrée et voutée) ne peut produire l’effet gracieux et rigide témoignant de grandeur.

Lieux Lorsque l’on y regarde de plus près, toutes nos méchantes vivent dans un lieu s’apparentant à un château ou un palais à l’exception de deux d’entre elles. En effet, Ursula a élu demeure dans une sorte de vieille carcasse de monstre marin et Madame Mim vit dans un chapeau au beau milieu de la forêt. Les méchantes, sauf Madame Mim vivent donc toutes dans des endroits spacieux. L’idée de grandeur liée aux personnages est ainsi mise en place dès le décor posé. De même, toutes demeurent dans des endroits propices au Mal (profondeurs marines, forêt lugubre, château sombre) qui dénotent leur noirceur intérieure. Cependant, avec la Marâtre, les studios de Walt Disney vont jouer sur ces apparences. En effet, tout comme la méchante, la maison ne doit rien laisser paraitre du Mal qui y règne. Néanmoins, les lieux propres à cette Marâtre, comme sa chambre ou certains couloirs, sont sombres et ténébreux. Enfin, si l’on regarde Yzma, elle vit certes dans le palais de l’empereur (couleurs chaudes et gaies) mais ses lieux de résidence au sein même du palais, comme son laboratoire ou son séjour, ne comportent aucune fenêtre et sont teintés par des couleurs froides et sombres.

Acolytes Sur les six méchantes que nous avons analysées, cinq d’entre elles possèdent un ou plusieurs acolytes.

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Il peut s’agir de plusieurs types d’acolytes différents comme des êtres humains : le chasseur (la Reine) ; Kronk (Yzma) ; Anastasie et Javotte (la Marâtre), des animaux anthropomorphisés ou non : une armée de créatures (Maléfique) ; des murènes (Ursula) ; un corbeau (la Reine et Maléfique) ; un chat (la Marâtre), ou encore des objets : le miroir (la Reine). Les acolytes des méchantes de notre plus ancien film (Blanche-Neige et les Sept Nains) et du dernier que nous avons analysé (Kuzco, l’empereur mégalo) ont un point commun : leur conscience et leur culpabilité vont faire échouer les plans de leur maitresse. En effet, le chasseur face à Blanche-Neige n’arrive pas à exécuter l’ordre de la Reine et laisse la belle s’enfuir. Kronk quant à lui, pris de remords, n’arrive pas à éliminer Kuzco. En ce qui concerne Lucifer, nous pouvons dire qu’il est en quelques sortes « à part » car il fait ses propres choix dans les limites du possible. Ce qui n’est pas le cas des murènes, de l’armée de créatures ou du corbeau de Maléfique qui sont là pour soutenir et servir les méchantes, ils sont ce que l’on pourrait nommer des « bras droits ». Le corbeau de la Reine a davantage un rôle symbolique et lui permet d’expliciter ses plans. Ainsi, le public connait tous les desseins de celle-ci de manière explicite. Enfin, les belles-sœurs de Cendrillon sont principalement là pour un effet de contraste. Elles mettent en valeur cette dernière par leurs côtés ridicules et grotesques. Lors de la comparaison, nous avons également relevé le fait que tous ces personnages ont un côté ridicule ou idiot, ce qui amène de l’humour dans le film, excepté pour les acolytes de la Reine (le corbeau, le chasseur et le miroir). En effet, aucun de ces personnages ne fait rire par un quelconque moyen, l’humour est alors présent du côté des gentils : les sept nains. Pour terminer, notons que malgré le côté un peu bête des acolytes, les méchantes leur portent beaucoup d’affection. En effet, Maléfique hurle et se met dans une grande colère lorsqu’elle voit Diablo changé en pierre, Ursula a de la tendresse pour ses murènes comme la Marâtre en a pour ses filles, etc. La Reine reste encore une fois une exception, car nous n’avons pu noter aucune trace d’affection que ce soit pour le chasseur ou pour le corbeau.

Mise en scène En ce qui concerne la mise en scène, nous constatons que le personnage de la méchante est presque toujours donné à voir dans un environnement lugubre. La façon dont elles apparaissent et disparaissent laisse également supposer, par l’alternance des plans méchante/héroïne, que les mauvaises intentions sont destinées à cette dernière. Ainsi, le metteur en scène joue avec l’implicite et l’explicite. 110

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En effet, certaines méchantes exposent leurs plans (soit à la caméra, soit à un acolyte) alors que d’autres donnent à voir leurs desseins de façon implicite et notamment à l’aide de cette alternance de plans. De plus, les méchantes, dans leurs moments de transformation ou de combat sont bien souvent accompagnées de tempête, d’éclairs ou de fumée ce qui laisse penser que quelque chose de spectaculaire se prépare. Leurs arrivées (apparitions) sont également travaillées de façon à engendrer une crainte chez le spectateur. En ce qui concerne leur présence dans le film, toutes oscillent entre un quart et un cinquième du long métrage. Toutes à l’exception de Madame Mim à qui le réalisateur n’accorde qu’une longue scène (10 minutes) et Yzma dont la présence se répartit sur la moitié du film. De plus, en ce qui concerne leur présence dans le schéma quinaire (cf. cadre théorique), il est possible de constater que leur rôle diffère :

Personnage Situation Situation Complication Action Résolution initiale finale

La Reine X7 X X X

La Marâtre X X X X

Maléfique X X X X

Mme Mim X

Ursula X X X

Yzma X X X X X

En effet, nous notons que seule Yzma est présente durant l’ensemble du film ce qui témoigne de son importance sur l’intégralité de l’histoire. En revanche, lorsque l’on observe la ligne de Madame Mim, il est alors possible d’affirmer qu’elle ne tient pas un rôle essentiel dans l’histoire de Merlin l’enchanteur puisque cela n’est pas par elle que la situation initiale se modifie, ni par elle que le problème se résout. En ce qui concerne les quatre autres, elles ont des rôles équivalents et compliquent la situation initiale. Elles sont également vaincues afin de dénouer la complication et leur perte engendre la situation finale.

7 X= Présence. 111

Marine Légeret, Giuditt Nicic Portelli et Jill von Aarburg « Gros plan sur les méchantes »

Enfin, nous notons que bon nombre des membres de l’équipe de réalisation se retrouvent dans les quatre premières productions comme le réalisateur et certains membres de l’équipe responsable de l’animation. Ainsi, La Petite Sirène et Kuzco, l’empereur mégalo de par leur date de parution, n’ont pas de collaborateurs communs avec les premiers films, mais ont toutefois un membre en commun que l’on retrouve soit dans la réalisation soit dans l’animation.

5.3. Discussion des résultats

Dans cette dernière partie d’analyse, nous discutons la synthèse de nos résultats d’analyse pour dégager de la comparaison les traits de la figure du Mal au féminin, ses grandes constantes et ses variations dans le temps.

5.3.1. Ce qui est permanent chez nos six méchantes

Après avoir minutieusement étudié nos six personnages maléfiques féminins, nous sommes alors en mesure d’affirmer que certains traits reviennent dans chacune des productions étudiées. En effet, en ce qui concerne l’apparence physique, nous notons que toutes nos méchantes sont des femmes d’âge mûr, ayant passé quarante ans. De plus, la couleur de leurs vêtements reste toujours dans des tons violets et toutes comportent une touche de noir. Ces six femmes portent également toutes une robe ou une jupe et, à l’exception de Madame Mim sont particulièrement maquillées. Enfin, chacune de ces six femmes évoque, à un moment ou un autre, l’image reptilienne propre au serpent, animal du Mal par excellence dans nos sociétés occidentales. Du côté de la physiognomonie, nous observons que, non seulement les différentes expressions du visage sont très détaillées chez chacune d’entre-elles mais également que deux émotions sont surreprésentées : l’euphorie (ou joie inquiétante) et la colère (rage). En ce qui concerne les différents aspects revêtus par ces dernières, il est important de relever que leur apparence subit une transformation dans 83% des cas. En effet, à l’exception de la Marâtre de Cendrillon (qui est complètement humaine et démunie de pouvoirs ou connaissances magiques), chaque méchante se transforme durant le long métrage. De plus, chacune des cinq méchantes qui se transforment le font dans une sorte de dernière tentative pour parvenir à leur fin que ce soit pour acquérir plus de force ou tromper leur adversaire.

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Si l’on regarde maintenant du côté du rire de ces dernières, nul ne peut alors nier que cela fait partie intégrante de la peur qu’elles provoquent en nous. C’est pourquoi, nos six méchantes se voient posséder un rire puissant et effrayant. Tout comme leur rire, la musique qui les accompagne est puissante et très travaillée. Lorsque l’on écoute attentivement les différentes sonorités en leur présence, nous constatons alors qu’il s’agit bien souvent d’orchestre symphonique au complet. Ces musiques accompagnent leurs actions et posent, bien souvent, une ambiance angoissante. En plus, à chaque méchante sa musique, ce qui fait que le spectateur sait immédiatement si une scène lui appartient. Pour ce qui est des mouvements et déplacements, nous notons simplement que l’on constate une grande permanence dans les trois premières méchantes (la Reine, la Marâtre et Maléfique) que l’on ne retrouve plus chez les trois dernières. En ce qui concerne les lieux dans lesquelles elles nous apparaissent, nous constatons qu’il s’agit toujours d’endroits propices au Mal. En effet, le château, la forêt, les profondeurs marines, les sous-sols, les donjons ou même une maison qui semble trop calme, peuvent très vite devenir des lieux de dangers. Si l’on se tourne du côté des acolytes, il est alors possible de constater que chaque méchante (à l’exception de Madame Mim) possède un (ou plusieurs) compagnon(s), et que, bien que méchantes, elles sont capables (à l’exception de la Reine) d’éprouver de la compassion voire de la tendresse envers leurs acolytes. En ce qui concerne la mise en scène de ces méchantes, nous dénotons un environnement lugubre dans lequel règnent les couleurs froides et sombres. Nous remarquons également que, bien qu’elles expriment toutes leurs plans de façon explicite et verbale, le spectateur devine implicitement vers qui se tourne leur colère par les phénomènes « d’aller-retour » entre les plans de la méchante et ceux mettant en scène le personnage représentant le Bien. Enfin, au-delà de ces différents critères, il reste un dernier facteur dont il est important de parler ici. Toutes ces femmes sont habitées par un puissant sentiment d’orgueil. En effet, que cela soit pour la beauté, la gloire ou le pouvoir, ces méchantes sont toutes des femmes très orgueilleuses. Certes, si durant les premiers films ce sentiment est motivé par la jalousie et la peur de voir une jeune fille surpasser la mère, les dernières méchantes, quant à elles, tentent de parvenir ou de maintenir une forte position sociale. Ainsi, et à notre sens, l’orgueil est et reste une caractéristique inhérente à la figure de la méchante.

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5.3.2. Ce qui change chez nos six méchantes

Passons maintenant à la partie consacrée aux aspects changeants chez nos méchantes. Tout d’abord, si nos premières méchantes (chronologiquement) sont de belles et grandes femmes fines et élancées au physique plutôt agréable, il n’en est rien pour celles qui vont suivre. En effet, à partir de madame Mim, la méchante ne présente plus cette élégance passée. Leur physique se détériore progressivement jusqu’à atteindre les sommets du grotesque chez le personnage d’Yzma. De plus, lorsque l’on regarde leurs transformations, chacune des méchantes prend un aspect plus dangereux ou menaçant alors qu’Yzma, crée dans les années 2000 revêt l’apparence d’un petit chaton inoffensif affublé d’une voix ridicule. Ainsi, il est possible d’affirmer qu’il y a bel et bien une évolution dans la façon dont les créateurs pensent et représentent la figure féminine du Mal. En effet, si l’on compare le sentiment ou l’impression laissée par la Reine dans Blanche-Neige et celle d’Yzma, il est presque possible d’affirmer que la dernière est une sorte de caricature grossière de la première. Mais alors à quoi est lié ce sentiment ? Nous avons vu ci-dessus la permanence des choix de couleurs et de nombreux autres aspects maintenus chez nos représentations du Mal au féminin et, au premier abord, il est possible de dire qu’elles ne changent pas réellement. C’est un fait, le changement est partiel néanmoins, il y a tout de même une grande et notable évolution qui s’est opérée au fil des années. Si personne ne fut attendri ou n’ait éprouvé quelque compassion pour la Reine, la Marâtre ou Maléfique, les personnages qui suivent (Mim, Ursula et Yzma) provoquent, quant à eux des sentiments mitigés. Bien évidemment, le spectateur, et surtout l’enfant, souhaite voir le gentil triompher mais la destruction totale de la méchante n’est plus complètement souhaitée. D’ailleurs, elle est évitée à Madame Mim et à Yzma. Ce changement vient du fait que l’on parvient à éprouver une sorte de compassion pour notre méchante. Elles désirent quelque chose d’« acceptable » en regard de leur condition. En effet, si les trois premières méchantes ont déjà beaucoup de choses (puissance, beauté, richesse) ce n’est pas le cas de nos dernières. Progressivement, elles démarrent dans une position difficile. Si bien qu’au début du film Kuzco l’empereur mégalo, Yzma est licenciée de façon brutale par l’empereur. Ainsi, le spectateur comprend, dans un sens, le besoin, certes malsain mais humain, de se venger. De plus un second facteur entre également dans l’évolution de la figure féminine du Mal : il s’agit du rire. Si personne ne rit devant les trois premiers personnages, il est difficile de ne pas esquisser un sourire à la vue de Madame Mim ou lorsqu’Ursula tombe dans le gâteau de mariage ou se fait asperger par un pélican.

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Il est aussi difficile de ne pas rire lorsque qu’Yzma se fait gronder par un écureuil ou tombe dans la boue. De ce fait, les créateurs de ces personnages se sont peu à peu détachés d’une représentation du Mal absolu pour arriver à des versions plus humaines, complexes et, sur la fin, caricaturales de la figure du Mal.

5.3.3. Premier bilan

Si l’on reprend alors notre question de recherche : « Dans quelle mesure peut-on constater une évolution de la figure de la méchante dans les longs métrages du cinéma d’animation de la production Walt Disney ? », nous sommes en mesure de répondre que, bien que bon nombres d’éléments laissent supposer qu’il n’y a pas de réel changement dans la façon dont Walt Disney donne à voir ses personnages maléfiques féminins, il est possible de témoigner, par le changement de sentiments provoqués chez le public et par l’aspect caricatural et risible que prennent, avec le temps, ses représentations de la méchante, une évolution notable de ces représentations. Certes, elle est, au premier abord, masquée par des permanences importantes qu’il faut certainement maintenir pour que le personnage reste méchant. Cependant, avec le temps, la méchante s’adoucit et fait rire le spectateur.

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6. Entretien collectif

Au terme de notre recherche, comme nous l’avons dit dans la partie concernant la méthodologie, nous avons mené un entretien collectif avec trois enseignants d’une même école afin de dégager l’intérêt d’une telle recherche pour des enseignants en classes ordinaires au travers d’une courte présentation et d’un moment de discussion dirigé par des questions. Pour ce faire, une enseignante de division élémentaire et deux enseignants de division moyenne se sont prêtés au jeu et ont répondu à nos questions8. Notre intérêt principal pour ce deuxième volet de la recherche résidait dans une éventuelle utilisation de notre recherche au travers d’activités en classe. Avant de commencer l’analyse de cet entretien collectif, nous tenons à préciser quelques éléments. Si, dans un premier temps, nos résultats ont semblé quelque peu étrangers à ces enseignants, une évolution notable et intéressante s’est faite ressentir au fur et à mesure des échanges à leur sujet. Ainsi, lors des premières réactions, les représentants de la division moyenne semblaient sceptiques quant à une possible utilisation pratique de ces éléments, alors que l’enseignante de division élémentaire s’est rapidement enthousiasmée et projetée dans des activités à ce sujet. Nous souhaitons donc commencer par relever les nombreuses propositions d’utilisation envisagées par les enseignants suite à nos discussions et questionnements, puis nous exposerons les aspects qui leur ont semblé poser le plus de difficultés pour imaginer des activités à partir de cette recherche. Enfin nous terminerons en détaillant notre point de vue et nous réagirons à propos de ce qui est ressorti de cet entretien.

Concernant l’intérêt de notre démarche, nos trois intervenants semblent s’accorder sur de nombreux points. En effet, ils pensent nécessaire, à un moment donné, de travailler avec les élèves sur ce qui leur fait peur et sur des histoires leur permettant de combattre ces représentations effrayantes comme le ferait le héros. De plus, le fait que le principal personnage méchant soit féminin permet de casser la vision trop douce et lisse que certains enfants se font de la femme qu’ils associent principalement à une maman ou à une princesse. Ensuite, les méchantes que nous avons analysées sont particulièrement actives, contrairement à beaucoup de femmes dans les films pour enfants dont le rôle est trop souvent passif, ce qui peut induire un travail particulier à ce sujet. L’intérêt, selon eux, peut aussi résider dans le fait de faire réfléchir les élèves sur différents sujets à l’image des contes philosophiques.

8 La présentation et le compte-rendu se trouvent en annexes. 116

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En effet, dans leur école, ces enseignants ont pour but cette année d’aborder la philosophie au travers de textes et d’écrivains dans le sillage de ce que propose Boimare. Dans ce sens, ils trouveraient intéressant de faire verbaliser à leurs élèves leurs impressions et sentiments face à ces images, puis d’en discuter pour les aider dans leurs réflexions. Ces enseignants pensent également que les contes de fées ou contes merveilleux doivent prendre une place importante dans la culture enfantine et, d’ailleurs, ils y mettent un point d’honneur dans leur école. Ils trouvent que le fait de les aborder dès le plus jeune âge est essentiel. De ce fait, ils estiment que travailler des films à ce sujet ne peut qu’être intéressant. Des points d’ancrages peuvent alors être choisis dans des disciplines comme le français ou l’histoire par exemple. L’idée serait de permettre aux élèves de développer leur esprit critique au travers d’activités ciblées.

D’un point de vue plus pratique, ce trio d’enseignants nous a fait part de plusieurs pistes à explorer pour utiliser notre recherche et nos résultats en classe. Les activités qu’ils nous ont proposées seraient envisageables aussi bien en division moyenne qu’élémentaire, sous réserve de quelques adaptations du point de vue des objectifs et du déroulement. Un enseignant proposait de travailler ces films en lien avec les activités de français et de demander aux élèves de faire un résumé de l’histoire pour les entrainer à synthétiser leurs idées. Ensuite, ils pourraient lister les personnages selon leur statut de « gentil » ou de « méchant ». Le but serait de leur faire exprimer des arguments pour expliquer leurs choix en regard des résultats de notre recherche. Les objectifs seraient tirés du Français I (en lien, par exemple, avec les genres de texte comme le conte merveilleux) et pourraient porter sur l’argumentation. Une autre possibilité selon l’enseignante de division moyenne serait de créer des activités en lien avec la géographie. Pour ce faire, les élèves compareraient plusieurs versions d’une même histoire, par exemple celle de Cendrillon, puis ils observeraient leurs origines pour ensuite relever des différences ou des similitudes au niveau des régions ou des pays, ils pourraient alors les situer sur des cartes pour trouver si ces origines sont proches géographiquement et ainsi relever des régions propres à chaque conte. En arts visuels comme en français, pour les plus jeunes, il serait intéressant également de faire dessiner aux élèves leur méchante « type » en fonction de discussions collectives préalablement effectuées sur les résultats obtenus lors de notre recherche. Une attention particulière peut être portée sur les couleurs dominantes chez ces personnages.

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Parallèlement, une lecture de contes serait effectuée permettant de relever des descriptions du gentil pour l’opposer à la méchante. Enfin, un point intéressant a été relevé concernant l’analyse d’image. En effet, un des enseignants trouverait intéressant d’analyser une image tirée d’un des films comme certains le font pour une publicité dans un journal. Le but serait d’apprendre aux élèves à avoir une attitude active devant un film pour de leur permettre de prendre du recul et d’avoir un regard plus critique sur ce qu’ils voient. Ces différents éléments sont, plus précisément, révélateurs d’une éducation aux médias (MITIC).

Cependant, en dépit de l’intérêt évident pour eux d’une utilisation de cette recherche en classe, nos différents interviewés nous ont fait part de certaines craintes découlant de leur expérience. En effet, ils se demandent, tout d’abord, si la mise en place de telles activités ne serait pas trop laborieuse et coûteuse en temps. Certains estiment qu’un trimestre serait nécessaire à un réel travail autour de ces représentations de la méchante. De plus, le fait de visionner un film peut prendre trop de temps par rapport au travail effectué par la suite. Ensuite, ils estiment manquer d’expérience dans certains domaines nécessaires à la réalisation de ces activités. Ils pensent ici en particulier au PER, nouvellement introduit, dont les objectifs ne leur sont pas encore totalement familiers. Dans le même sens, du point de vue des objectifs MITIC, ces enseignants ne se sentent pas à l’aise avec la lecture d’image par exemple. Dans un autre registre, nos intervenants s’interrogent sur la pertinence d’un travail sur des méchantes telles que la belle-mère. Leur crainte se situe au niveau des stéréotypes qu’ils risqueraient de véhiculer auprès d’enfants dont les familles sont de plus en plus souvent recomposées. Enfin, ils pensent qu’une attention toute particulière doit être accordée aux choix des objectifs pour chaque activité faite sur cette recherche. Pour évaluer un travail de ce genre, il faut nécessairement être au clair avec les objectifs visés. De plus, certains éléments plus subjectifs ne semblent pas être évaluables, la détermination précise de chaque objet doit donc être fixée au préalable.

De notre point de vue, des éléments très pertinents ont été relevés par ces enseignants. De plus, il nous semble que les craintes et interrogations de ces derniers sont légitimes, mais pas insurmontables.

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En effet, ils émettent quelques réserves quant à l’utilisation de notre recherche en classe, mais n’ayant eu qu’un court aperçu de ce que nous avons effectué, nous pensons être en mesure de répondre à leurs réticences.

Concernant les stéréotypes véhiculés par un travail sur les belles-mères, nous souhaitons préciser que notre recherche n’envisage pas ce thème de cette manière. Nous cherchons plutôt à relever des permanences dans certains aspects de ces méchantes pour identifier la figure du Mal au féminin. De ce fait, si le choix de la production Walt Disney s’est porté sur un certain nombre de belles-mères comme personnages méchants, nous le relevons sans pour autant affirmer que toutes les belles-mères sont méchantes, amalgame que nous souhaitons éviter. Libre au lecteur de se faire sa propre opinion à ce sujet. Il serait dont judicieux pour un enseignant d’éviter, par l’utilisation de notre recherche, d’exposer aux élèves des conclusions, des stéréotypes hâtifs ou des jugements trop subjectifs. Par contre, si un travail similaire est effectué sur un autre objet, en considérant la démarche et la méthodologie, il serait justement intéressant de lier nos résultats à de nouvelles données pour essayer de vérifier la permanence de cette figure du Mal. Pour répondre à la question du temps, en effet, il est possible que certaines activités s’étendent facilement sur un trimestre. Est-ce réellement un problème ? Tout dépend de l’organisation et de la répartition des apprentissages annuels car, lorsqu’un travail de cette ampleur est envisagé, il est tout à fait possible d’anticiper sa distribution de manière à ne pas surcharger les semaines, mais à intégrer cette recherche dans les activités d’apprentissages quotidiennes. Ainsi, une possibilité serait, pour les plus jeunes, d’aborder le sujet des méchantes à chaque fois que l’occasion se présente lors de la lecture d’un conte, lors de bricolages, lors de dessins ou encore lors de disputes où un enfant serait traité de « méchant » par exemple. Le lien avec notre recherche serait effectué par petites touches sans pour autant prendre la place d’une séquence entière si elle n’est pas possible. Le lien serait plutôt dans le fait d’aborder régulièrement ce sujet comme un thème qui chapeauterait certains apprentissages. Dans ce sens, les objectifs doivent être pensés de manière plus filée. Concernant les plus élèves grands, si une séquence complète semble trop laborieuse pour l’envisager dans le trimestre, nous pensons qu’il serait intéressant d’intégrer différentes activités en lien avec notre recherche dans le quotidien ou dans le cadre d’une semaine « à thème ».

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Par exemple, lorsque les élèves font un résumé, l’enseignant peut leur demander plutôt celui du film ou d’une action de tel personnage, puis faire une analyse de ce personnage à la manière d’une analyse de texte. En histoire, si un conte s’insère dans l’époque abordée, l’enseignant pourrait prendre un peu plus de temps à la travailler pour la détailler et tirer des liens avec d’autres contes par exemple. L’aspect historique serait alors tiré de l’époque pour permettre aux élèves de faire des liens, par exemple au niveau de l’habillement des personnages. Du point de vue des objectifs, une explication plus détaillée se trouve dans le cadre théorique exposant les nouveaux objectifs du PER à propos des MITIC. De ce fait, nous pensons que certains enseignants pourraient facilement trouver des liens à faire avec leur pratique quotidienne, permettant ainsi d’insérer des éléments de notre recherche dans une démarche de type Education aux médias, ce dont ils ont peu parlé lors de nos discussions de par la nouveauté de ce document. L’Education aux médias trouve sa place dans de nombreuses disciplines, à la convenance de l’enseignant. De ce fait, nous souhaitons ici fournir quelques exemples comme la « découverte de la grammaire de l’image par l’observation de réalisation médiatiques significatives » (p. 36) comme objectif mis en avant dans le PER (2010), au même titre que la « mise en évidence des stéréotypes les plus fréquents véhiculés par différents supports médiatiques » (p. 36) ou que « l’exploration des principaux éléments qui composent une image fixe ou animée […] et du rapport entre l’image et le son » (p. 34). Ces nouveaux objectifs prennent place dans les apprentissages que ce soit de manière quotidienne ou ponctuelle. L’enseignant se doit pourtant de les intégrer dans son programme malgré certaines lacunes du point de vue de leurs connaissances du sujet. Dans ce sens, nous pensons que notre recherche pourrait, au minimum, donner des pistes pour créer des activités en lien avec ces objectifs. En effet, pratiquement, plusieurs éléments sont directement utilisables pour une analyse de l’image. En premier lieu, notre grille d’analyse du personnage pourrait être réutilisée pour guider une analyse d’image d’un autre média ou d’un film, et son appropriation se veut facilitée par la description des items dans le chapitre concernant la méthodologie. Ensuite, les apports du point de vue de la symbolique dans l’analyse des personnages conduisent à des connaissances supplémentaires sur certains sujets qui peuvent être transposables. Enfin, avec les plus grands, nous estimons que notre recherche pourrait s’utiliser de manière plus globale.

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En effet, lors d’une séquence sur l’analyse d’images, les élèves peuvent être amenés, avec l’aide de l’enseignant, à créer une grille d’analyse, à décortiquer une image selon sa grammaire, à transposer leurs observations en vue d’une interprétation, à justifier leurs interprétations par une argumentation étayée de la symbolique, etc. Ainsi, selon la motivation des enseignants vis-à-vis de ce genre de support et de ce sujet, les possibilités d’applications dans le terrain scolaire semblent multiples. Au terme de l’analyse de ce colloque, les apports de l’entretien avec ce trio d’enseignants semblent indéniables et ont été des éléments riches pour notre recherche. Ainsi, nous pouvons affirmer qu’une recherche filmographique, telle que nous l’avons menée, a un impact sur la pratique non négligeable, mais ses modalités restent à discuter et à négocier par chaque enseignant ou équipe d’enseignants.

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7. Conclusion

Arrivées au terme de ce mémoire, nous souhaitons revenir sur les résultats issus de nos questions de recherche et évoquer les différentes pistes qui s’ouvrent à nous. Ainsi, la première partie de ce chapitre revient sur les résultats obtenus, les apports et les limites de notre première question de recherche qui se formule de la manière suivante : « Dans quelle mesure peut-on constater une évolution des représentations de la méchante dans six longs métrages du cinéma d’animation de la production Walt Disney ? ». Bien que déclinée, dans le chapitre Problématique, en plusieurs sous-questions, nous avons choisi de ne pas y revenir ici. En effet, elles représentent davantage un guide qui structure notre pensée que des véritables questions de recherche. Puis, la seconde partie de cette conclusion offre également un retour sur notre seconde question de recherche à savoir : « En quoi une recherche filmographique telle que celle menée dans la première partie de ce mémoire peut-elle, selon quelques enseignants-es, concerner la pratique ? ». De la même façon que pour la première, nous soulevons aussi les apports et les limites que présente ce second volet. Enfin, à l’aboutissement d’un travail de deux ans, nous retournons brièvement sur notre parcours et en tirons quelques conclusions.

Pour ce qui est de notre première question de recherche se centrant sur de la constatation d’une évolution ou non de la méchante dans six films d’animation faisant partie des contes merveilleux chez Walt Disney, nous sommes en mesure d’affirmer que, bien que partielle, cette évolution est bel et bien présente. Certes, si certains critères se maintiennent au fil des années, il est toutefois possible de supposer qu’il s’agit des critères indispensables pour reconnaitre ces femmes en tant que méchantes, comme nous avons pu le constater au cours de nos analyses. Ces critères permanents constituent alors les caractéristiques propres à la figure de la méchante. Cependant, d’autres éléments ont, quant à eux, subi un changement qui réside dans le fait que, plus nous avançons dans le temps, plus nous comprenons, avec le recul, certaines des actions de la méchante. En effet, les différents sentiments que cette figure éveille chez le spectateur ne sont plus uniquement la peur ou la haine mais également la compassion voire la pitié. Ainsi, au fil du temps, la figure de la méchante nous semble plus proche et plus ancrée dans un état d’esprit familier, ce qui crée chez le spectateur une forme d’empathie parfois involontaire.

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Cependant, nous souhaitons préciser ici que nos résultats sont à utiliser de manière modérée car ils ne concernent qu’une maison de production (Walt Disney Pictures), un genre littéraire (conte merveilleux) et ne s’appliquent qu’à quelques films d’animation dont l’origine, d’un point de vue textuel, n’est pas analysée. Ces différents constats se devaient alors d’obtenir un écho du terrain scolaire. Ainsi, notre seconde question de recherche qui, elle, s’axe sur le devenir d’un tel travail et ses applications possibles aux classes primaires genevoises, se présente comme légitime au regard de notre travail. Certes, la création d’une séquence didactique portant sur cette thématique aurait été un témoin approprié pour représenter ce qui est envisageable ou non dans les classes. Cependant vu le temps à disposition et afin de confronter, de façon moins directe mais tout aussi décisive, notre travail au terrain scolaire, la mise en place du mini colloque s’est avéré être une façon adéquate de procéder. Dans les deux divisions (élémentaire et moyenne) les enseignants semblent favorables, voire enthousiastes, à l’idée de mettre en pratique certains aspects de notre travail. Ainsi, nous notons qu’une recherche documentaire peut alors facilement devenir un outil, ou du moins apporter des pistes d’action, dès lors qu’une réflexion particulière s’y articule. Effectivement, les différents enjeux que soulève notre travail sur le plan méthodologique (élaboration de grille et confrontation des résultats à la pratique enseignante) peuvent s’avérer être de réels indicateurs pour notre pratique future. Ces pistes, bien que n’ayant pas fait l’objet de recherches dans ce mémoire, découlent presque naturellement de nos constats. En effet, avec le recul, il serait très intéressant de créer, de façon concrète, une séquence didactique portant sur la grammaire de l’image et de la mettre en place dans une classe. Plusieurs questions se présenteraient alors à nous : les enfants voient-ils la même chose que nous ? En voient-ils d’avantage ? De plus, lorsque l’on revient sur nos résultats, il peut être intéressant de se questionner sur la ou les causes à l’origine de changements dans les représentations de la méchante : est-ce lié à des facteurs sociologiques, politiques, culturels, économiques ? L’évolution des représentations de la figure de la méchante serait-elle en lien avec l’évolution des technologies dans la société actuelle ? Que peut-on alors dire sur la présence et l’influence des médias ? Et qu’en est-il de la place du livre dans notre société ? Tant de questions soulevées au terme de ce travail semblent rester en suspens et pourraient tout à fait faire l’objet d’autres recherches. Pour terminer, nous souhaitons aborder les différents apports que nous retirons d’une si longue recherche. Ainsi, nous relevons plusieurs aspects formateurs. Tout d’abord, le fait de mener un projet à trois nous a permis de prendre conscience des nombreuses difficultés que peuvent éprouver des enseignants à mener un projet à plusieurs sur le long terme. 123

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En effet, nous nous sommes souvent heurtées aux problèmes organisationnels d’un travail d’équipe qui, bien qu’apportant une grande richesse à nos réflexions, a dû être consciencieusement pensé et organisé pour un déroulement optimal. Puis, au-delà des aspects pratiques, nous sommes heureuses d’avoir eu la chance de relever le défi de créer, par nous- mêmes, notre propre outil de recherche. Ce dernier a pris la forme de notre grille critérielle après bons nombres de transformations et d’ajustements. Ainsi, il pourrait facilement être repris ou adapté dans le but d’une recherche tant sur le terrain scolaire qu’universitaire. Il pourrait même être simplifié et servir de grille aux élèves lors de travaux sur la grammaire de l’image ou sur l’analyse d’un personnage dans un livre. Pour terminer, nous sommes particulièrement heureuses d’avoir eu l’occasion de nous confronter à ce type de travail. Effectivement, il s’agit d’un long projet et l’organisation des différents temps universitaires (terrain-université) est telle qu’il est parfois indispensable de laisser de côté certaines choses pendant quelques semaines. Au début frustrante, cette alternance s’est toutefois avérée réellement bénéfique car nous pouvions avoir, entre chaque partie, un certain temps de recul et d’analyse. Il nous a alors été possible de revenir sur des chapitres avec un regard plus critique et distancié. Le travail que suppose un Mémoire de Licence et le bénéfice que nous en retirons restera certainement l’un des souvenirs les plus marquants de notre parcours universitaire.

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8. Références bibliographiques

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• Achard, J.-P. (2005). Eléments pour l’analyse de l’image. SEM : Genève. [Page Web]. Accès : http://www.surlimage.info/ECRITS/analyse.html • Bernard, A. (2011). Observation en psychologie. France [Page Web]. Accès : http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=2885 • (2011). Wikipédia [Page Web]. Accès :http://fr.wikipedia.org/wiki/Conte_merveilleux • (2011). Chernobog [Page Web]. Accès : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chernobog

8.3. Filmographie

• Dindal, M. (2000). Kuzco, l’empereur mégalo. Walt Disney Pictures. • Hand, D. (1937). Blanche-Neige et les Sept Nains. Walt Disney Pictures. • Geronimi, C. (1959). La Belle au bois dormant. Walt Disney Pictures. • Geronimi, C. , Jackson, W. & Luske, H. (1950). Cendrillon. Walt Disney Pictures. • Musker, J. & Clements, R. (1989). La Petite Sirène. Walt Disney Pictures. • Reitherman, W. (1963). Merlin l’enchanteur. Walt Disney Pictures.

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9. Annexes

Grille vierge p. 128 Grilles des personnages p. 130 Présentation Powerpoint de l’entretien collectif p. 168 Compte-rendu de l’entretien collectif p. 173

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Grille vierge

Couleurs dominantes

Morphologie, âge

Attributs, détails

Apparence Physiognomonie physique Vêtements

Voix, rire

Accessoires et objets

Transformations

Actions

Rythme

Pouvoirs particuliers Comportement Intention, dessein

Cause, origine de ce

comportement

Acolytes

Environnement Lieu de résidence

Statut (social)

Mise en scène Apparitions

Disparitions

Genre de musique

Éclairage, couleurs

Fréquence d’apparition

Particularités

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Schéma quinaire

Émotions suscitées

Autres éléments Stéréotypes visés et ressemblances (caricature)

Autres

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Compte rendu colloque Pré-Picot

Questions des enseignants Après notre rapide présentation de notre sujet et de nos résultats de recherche, la première interrogation des enseignants est relative à notre choix d’entrée par le personnage féminin. 1. Pourquoi les méchantes ? Nous leur avons alors expliqué que notre choix s’étant tout d’abord dirigé sur la présence de familles recomposée ou à parent unique, le rôle féminin prend alors une grande importance dans l’histoire. Par la suite, notre réflexion s’étant déplacée, nous avons maintenu le choix de la figure féminine, particulièrement intéressante dans les différentes productions. Par la suite, les trois enseignants nous ont alors interrogées sur le choix du corpus et plus particulièrement sur l’absence de certaines méchantes. 2. Où est Cruella d’Enfer ? Nous sommes alors revenues sur nos critères de sélection et leur avons expliqué que nous ne retenions que les longs métrages issus du genre « conte merveilleux » dans leur version originale.

Réactions à chaud 1. Qu’en pensez-vous ? Tout d’abord, les enseignants s’accordent pour dire que, lorsque l’on visionne un film avec les enfants, il est indispensable d’être attentif à ce que l’on leur donne à voir puisqu’ils y associent une valeur d’exemple. De plus, les enseignants sont d’accord sur le fait que les différentes princesses ne sont pas vraiment des modèles intéressants. En effet, elles ne sont ni aventurières ni réellement actives. Alors, lorsque l’on cherche des modèles féminins intéressants, il n’y en a pas beaucoup. De plus c’est bien la méchante qui « fait peur » dans ce genre de production alors il est important que l’enfant éprouve cette peur et qu’il « voit » comment la combattre. Enfin, les enseignants s’accordent également sur les fait que les « méchantes » sont plus marquantes que leurs alter égo masculins et qu’elles sont plus dangereuses. D’autre part, il semble évident, pour Sabine Meylan, enseignante de division élémentaire, que les « petits » enfants ont une vision très schématique de la figure féminine qu’ils associent volontiers à l’image douce et maternelle. 173

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C’est donc très bien d’axer une recherche sur les méchantes car elles déstabilisent d’avantage les enfants et cassent leur représentation initiale.

2. Est-ce qu’une telle recherche peut s’adapter en classe ? En ce qui concerne la division moyenne, les deux enseignants avouent ne pas réellement avoir d’idées. En revanche, pour la division élémentaire, Sabine Meylan explique qu’actuellement, elle travaille sur des « contes philosophiques ». Selon une méthode proche de celle de Boimare, elle fait réfléchir les élèves sur différents sujets. Elle conçoit alors tout à fait que l’on puisse réaliser ce même type projet en travaillant sur la base de figures de films d’animation telles que les « méchantes ». Elle explique que l’on peut présenter une ou deux « méchantes » aux élèves et leur faire verbaliser leurs impressions, sentiments face à ces images. De plus, elle énonce également que, la plupart des élèves maîtrisent déjà ces films et qu’ainsi, il n’est pas indispensable de leur montrer les films en entier et que quelques images ou captures d’écran suffisent à ce genre de travail.

Si l’on vous dit PER ou MITIC ? Les trois enseignants expliquent, tout d’abord, qu’ils ne sont pas encore des experts du nouveau plan d’étude mais que, bien évidemment, ils sont tenus de faire des liens entre les disciplines et d’y intégrer, si possible, les Mitics. Cependant, les enseignants de division moyenne expliquent alors que ce genre de travail peut tout à fait servir à développer l’esprit critique des élèves et qu’ils utiliseraient alors cette recherche mais en lien avec d’autres disciplines telles que le français ou l’histoire. Cependant, en ce qui concerne la lecture d’images, ils ne se sentent pas particulièrement aptes à entrer dans ce type d’analyse. De plus, Jean-Luc Schneuwly, enseignant en division moyenne, explique qu’il se voit bien lier cette thématique au français et faire un résumé du film, interroger les élèves sur qui est le méchant ? Qui est le gentil ? Demander aux élèves de justifier leurs choix mais que ce type de travail serait alors le projet d’un trimestre voire d’une année. Katja Grimm, enseignante en division moyenne exprime également la possibilité de travailler cette thématique en lien avec la géographie et de prendre des productions de provenances différentes. Par exemple, beaucoup de contes comme « Le petit Chaperon rouge » existent en plusieurs versions. Il est alors possible d’imager faire travailler les élèves sur différentes versions d’une même histoire et de voir, selon la provenance, si le-la méchant-e se présente de la même façon. Ainsi, il est possible de faire plusieurs « lectures » d’un même méchant. Les enfants peuvent même, à la lecture d’un conte, dessiner le méchant et les comparer ensuite. 174

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On constate alors qu’il est peut-être possible d’imaginer de façon différente un même méchant. De son côté, Sabine Meylan explique également qu’en ce qui concerne le domaine « artistique » il y a beaucoup de choses à faire sur la base d’une telle recherche. En effet, au niveau des constats effectués sur les couleurs, présence dominante du violet et du noir, il est possible de tirer des activités. Par exemple, faire travailler les élèves sur les couleurs du « gentil » et celle du « méchant », constater si d’eux-mêmes ils en font l’usage, s’ils s’orientent sur les mêmes choix etc. Jean-Luc Scheuwly explique alors qu’ils ont fait un « projet mode » et faire créer des méchants-es aux élèves ou alors analyser l’image comme lorsque l’on fait des analyses d’images de journaux. Il explique aussi que cela peut faire comprendre aux élèves qu’il est possible d’avoir une attitude active devant un film. « On peut analyser ce qu’on voit et pas seulement le regarder. »

3. Cela s’inscrit donc dans vos programmes ? Pour Sabine Meylan, il est tout à fait envisageable d’avoir ce genre de travail en classe. D’ailleurs, elle insiste sur le fait que les contes de fées font partie de la culture nécessaire aux élèves. Dans ce sens elle explique qu’à Pré-Picot, les enseignants de la division élémentaire mettent un point d’honneur à lire des contes aux élèves. La plupart en connaissent donc déjà une certaine quantité. Les deux enseignants de la division moyenne rejoignent le point de vue de leur collègue mais émettent tout de même une certaine retenue en ce qui concerne « les belles-mères ». En effet, ils s’interrogent sur la façon dont certains élèves peuvent recevoir ce type de message et s’inquiètent de certaines réactions à leur retour à la maison. Cependant, les trois maintiennent qu’il est plus facile, pour les élèves, de parler de problématiques délicates à travers des histoires qui ne les concernent pas directement.

4. Est-ce évaluable ? En division moyenne et élémentaire, il semble qu’il soit possible d’évaluer ce genre de travail. Cependant, les trois enseignants soulignent l’importance d’être vraiment au clair avec les objectifs que l’on vise. En effet, certaines choses ne peuvent pas réellement être évaluées et il faut déterminer, à l’avance, les objectifs que l’on évalue et ceux que l’on n’évalue pas. C’est un peu comme dans les productions écrites, l’enseignant ne peut évaluer le côté créatif de l’histoire, il évalue les critères objectifs et non ceux issus de subjectivité.

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