Revue algérienne des lettres ISSN 2602-621X | EISSN 2661-7447

Volume 5, N°1 (2021) pages 341-346

Date de soumission : 28/01/2021 ; Date d’acceptation : 08/03/2021 ; Date de publication : 30/06/2021

COMPTE- RENDU D’OUVRAGE

SAINT- ÉLOI Rodney. 2016. Passion Haïti. Hamac-Carnet. Canada

BOUANANE Soumeya Université de Blida 2/ Algérie [email protected]

Résumé : Haïti est un pays cité fréquemment pour les différents malheurs qui s’abattent sur lui mais aussi par les écrivains qui ont favorisé la visibilité de leur littérature à travers le monde. Ces écrivains appartiennent souvent à la diaspora québécoise, parmi lesquels on peut citer Rodney Saint-Éloi.

Mots-clés : littérature haïtienne, Rodney Saint-Éloi, exil, créole, terre natale, vaudou, racisme

Abstract: is a country frequently cited for the various misfortunes that befall it but also by writers who have promoted the visibility of their literature around the world. These writers often belong to the diaspora, including Rodney Saint-Eloi.

Keywords: , Rodney Saint-Eloi, exile, Creole, native land, voodoo, racism

* * *

341

Soumeya BOUANANE

odney Saint-Éloi est un écrivain, poète, essayiste et éditeur né en 1963 à Cavaillon dans le sud haïtien. Amoureux du verbe, il a fondé un magazine et une revue d’art R ainsi que les éditions Mémoire dans la capitale haïtienne Port-au- Prince en 1991; qu’il avait dirigé jusqu’à son départ du pays. Il a quitté sa terre natale pour s’installer au Canada en 2001 où il a étudié la littérature francophone (après avoir effectué des études en linguistique et en économie au sein de l’université haïtienne). Sa maîtrise avait porté sur l’histoire et l’évolution de la langue créole. Il a occupé le poste de directeur de la page culturelle du quotidien Le Nouvelliste pendant plus d’une quinzaine d’années et en parallèle il a dirigé les éditions « Mémoire d’encrier » qu’il gère jusqu’à aujourd’hui.

Sa partance vers Montréal est liée certes aux conditions sociopolitiques du pays à l’époque mais surtout à l’amour du voyage et à la volonté de découvrir le monde. Sans doute un grand nombre des intellectuels haïtiens avaient quitté leur pays afin de s’émanciper et de réaliser leurs rêves; mais Rodney Saint-Éloi avait déjà concrétisé ses projets à Haïti. Ainsi l’exil pour lui est une sorte d’expérimentation et de découverte et non une quête d’un avenir meilleur. Rodney Saint-Éloi est auteur d’une vingtaine de livres parmi lesquels on peut citer: - Graffiti pour l’aurore, recueil de poèmes, (1989). - Cantiques d’Emma, poésie, (1997). - «J’avais une ville d’eau de terre et d’arc -en- ciel heureux», poésie, (1999). - Haïti, kenbe la !, récit, (2001). - J’ai un arbre dans ma pirogue, poésie, (2003). - Jacques Roche, je t’écris cette lettre, poésie, (2013). - Je suis la fille du baobab brûlé, poésie, (2015). - Passion Haïti, récit, (2016). - Nous ne trahirons pas le poème, poésie, (2019).

Notre choix s’est dirigé vers Passion Haïti ; un livre publié en 2016 mais qui semble englober une grande partie de la vie de l’auteur, de ses sentiments envers le pays natal et du quotidien haïtien. Ce livre a été décrit par l’écrivain sénégalais Felwinn Sarr comme « une méditation sur la vie, le temps, l’errance, l’humanité en perpétuelle construction, l’amour, la présence au monde, la mémoire sensible, politique et poétique d’un pays ». (Extrait de la 4ème de couverture de la réédition de Passion Haïti aux Éditions Graudvaux 2019).

En effet, ce récit inclassable de par la diversité des genres qu’il représente est un voyage offert dans les interstices de la vie haïtienne. L’auteur-narrateur a réparti son livre en vingt-trois chapitres dont les titres sont très révélateurs de la culture haïtienne. Afin de visiter cette richesse aussi culturelle qu’intellectuelle, nous avons choisi de présenter le livre par chapitre. Cela nous permettra de découvrir le pays, ses habitants et sa diaspora.

Le premier chapitre intitulé « Un goût de terre et de poème » représente une somme de réponses aux questions que le lecteur pourrait se poser à propos de Rodney Saint-Éloi l’écrivain, le poète et l’haïtien en exil à Montréal. Par là même, il rend hommage à plusieurs figures de l’art haïtien qui lui ont inspiré l’idée du départ et la découverte de l’ailleurs, tel que les écrivains : Marie Chauvet, René Philoctète, Frankétienne et Davertige.

Le deuxième chapitre a pour titre « Honneur…Respect… ». Ce titre est formé de deux mots ou plutôt deux qualifiants qui représentent l’une des formes de salutations à Haïti. Cette partie du texte est une promenade à travers les paysages haïtiens et leur Histoire. Aussi, 342

Soumeya BOUANANE

Rodney Saint-Éloi offre aux lecteurs ses impressions et ses craintes de l’exil en mettant en avant la difficulté de s’adapter dans un autre lieu loin de la terre natale en dépit du fait qu’il s’agit d’un exil choisi et non imposé d’où l’extrait suivant : L’exil est un bien étrange pays(…) Ma grande peur serait d’avoir perdu un jour les saveurs, les goûts, les instincts du pays, et cet art d’être Haïtien. J’écris ce carnet avec la conviction que je suis au seuil de la maison avec vous qui lisez ces pages. Et qu’un thé à la citronnelle vous flatte le nez. Grand-mère Tida est assise auprès de sa tombe, un soir de pleine lune à Cavaillon. (p.32)

Le troisième chapitre est intitulé « À quoi rêve l’Haïtien : partir ? ». Cette partie du livre répertorie les raisons qui poussent les jeunes haïtiens à vouloir quitter leurs pays. Un éternel rêve qui demeure en héritage d’une génération à une autre. L’auteur-narrateur cite sa propre mère Bertha comme l’exemple d’une femme qui a choisi l’exil en quête d’un « eldorado ». Cette mère a laissé ses enfants et s’est dirigée vers New York pour une chimère qu’elle exprime dans une cassette audio qu’elle avait adressée à ses enfants : «L’exil, c’est pas vraiment un pays, mais une prison enveloppée de neige (…) Les gens ne se disent jamais bonjour ni bonsoir, et tout va vite, et tout va trop vite, et si les autoroutes mènent au ciel, le paradis n’existe pas pourtant.»(p.44)

Quant au quatrième chapitre, il s’intitule « Le voyage d’Oncle Chantal ». Chaque chapitre de ce livre guide le lecteur dans sa découverte du « monde » haïtien. Ainsi, en continuité avec la partie précédente, l’auteur-narrateur insiste sur l’idée du voyage qui hantait l’esprit des grands et des petits en racontant le départ de son oncle maternel vers New York comme étant un évènement particulier pour toute la ville. Il en parle en convoquant la langue maternelle : le créole.

Dans le cinquième chapitre « Nous parlons une langue et demie », Rodney Saint-Éloi explique que le créole, n’est pas uniquement un moyen de communication chez ses compatriotes mais une façon d’être Haïtienne: « La langue des Haïtiens, c’est le créole. Dans cette langue, ils expriment leur mystère, la complexité de leur être. Ils dansent, chantent, pleurent, aiment et meurent.» (p.65)

En effet, l’auteur-narrateur affirme que cette langue si chère à leur cœur est insuffisante pour pouvoir communiquer avec l’extérieur d’où la nécessité d’une langue complémentaire: «La demie, c’est la langue autre, celle de la survie ou de l’organisation sociale, elle est composée d’un amas d’autres langues : français, anglais, espagnol, mandarin, wolof, innu, etc.» (p.66)

Le sixième chapitre « Cavaillon, je dis ton nom », ses quelques pages rendent hommage à Tida; la grand-mère de Rodney Saint-Éloi à travers sa ville. Il ponctue ses propos par des extraits de la bible et par un poème qu’il avait écrit en l’honneur de Tida: Grand- mère Tida avait une tombe. Grand-mère Tida avait une maison Elle préférait la tombe à la maison Elle nourrissait la tombe de fleurs- soleils Elle s’arrangeait pour que la maison marche vers la tombe La tombe était alors un jardin de lumière. (p.75) Le septième chapitre « Le poème des Cayes » est une continuité au précédent car il décrit l’une des communes de sa ville natale « Cayes ». Par le biais de cette dernière, il déploie avec fierté quelques noms des écrivains haïtiens connus sur la scène littéraire nationale soit-elle ou internationale. «Georges Castera, Kettly Mars, James Noel, Makenzy Orcel, Lyonel Trouillot, Jacques Stephen Alexis, Roussan Camille, Anthony Phelps,Gary Klang, Louis- Philippe Dalembert, Yanick Lahens, Davertige, (…) Magloire Saint- Aude.» (p. 77).

343

Soumeya BOUANANE

Dans le huitième chapitre « Ti Simon Légendaire », au cœur de la culture haïtienne le personnage légendaire est presque une nécessité. Il s’agit d’un modèle d’homme révolté contre les conditions socioculturelles mais surtout insurgé contre la dictature et le pouvoir politique. En somme, un porteur d’espoir pour ses compatriotes ; voilà qui était Ti SIMON.

Dans le neuvième chapitre « Bonjour Port-au-Prince », à travers sa propre expérience, Rodney Saint-Éloi partage avec les lecteurs l’angoisse ressentie par chaque exilé qui retourne au pays. Les impressions sont diverses et varient d’un exilé à un autre ; tantôt le retour évoque un goût aigre et tantôt un goût doux et parfois le mélange des deux comme c’est le cas de l’auteur-narrateur qui l’exprime comme suit : « Je suis à l’aéroport Toussaint- Louverture. Je redécouvre avec une joie mêlée d’anxiété le pays, déclaré officiellement malade en phase terminale par les organisations internationales.» (p.86)

Les retrouvailles avec la terre natale se traduisent aussi à travers l’allusion faite à la langue créole et à la culture des surnoms à Haïti et ailleurs.

Le dixième chapitre « Ce que manger veut dire » représente un autre voyage à travers la culture et la vie haïtiennes. L’auteur-narrateur y évoque la famine à Haïti et son impact sur la société. En Haïti la faim demeure un problème crucial. Quel sens donner alors au mot manger ? Dès que pointe l’aube, des milliers d’Haïtiens se disent : Où vont- ils dénicher quelque chose pour tromper la faim ?(…) La pensée est réservée au ventre, à cette faim à éviter au quotidien à soi et aux siens. (p.102)

Dans le onzième chapitre « Ya-t-il un pays qui s’appelle ailleurs ? », Rodney Saint-Éloi fait l’éloge de la créolité mais aussi de son pays tout au long du livre. De même, il ne manque pas d’étaler les vertus de la lecture et de son importance dans la vie de tout un chacun. Il cite ainsi les écrivains qui ont marqué à la fois sa carrière littéraire et sa vie en présentant ses compatriotes ; les écrivains haïtiens tel que Dany Laferrière et ceux du pays d’accueil tel que l’écrivain et poète canadien Gaston Miron.

« Haïti chérie » ; le titre du douzième chapitre représente un jeu de mots entre la chanson qui porte ce titre et les sentiments que témoignent chaque Haïtien envers son pays en dépit de toutes les souffrances subies. Rodney Saint-Éloi tente d’expliquer la relation particulière entre les Haïtiens et leur pays ainsi que leur façon d’être positif malgré leur vécu douloureux. Il donne aussi un petit aperçu historique à ce propos dans le passage suivant : Haïti en 1804 a inventé la liberté pour les Nègres du monde. Ça, on le Sait. Haïti a inventé également le rire. D’ailleurs, Graham Greene ne considère-t-il pas les Haïtiens comme un peuple de « comédiens », même dans la nuit si sombre de la dictature de Duvalier ? Ya un rire haïtien. (p.120)

On constate aussi que Rodney Saint-Éloi rend hommage à sa culture ancestrale dans chaque page du livre en employant la langue créole qu’il introduit souvent à travers des proverbes ou des citations transcrits d’abord en créole et traduits ensuite en langue française. «Abitan pa mize lavil, les paysans ne prennent pas racine en ville.» (p.123)

Dans son titre « Mégalomanie haïtienne », le treizième chapitre désigne l’écrivain haïtien Frankétienne décrit par l’auteur-narrateur comme étant un artiste particulier, un homme qui a su révolutionner le monde des lettres par le biais de ses écrits atypiques (poèmes, romans, etc).

344

Soumeya BOUANANE

« C’est l’homme le plus charmant et le plus tendre que le pays ait produit. Il vit de sa peinture. De ses légendes. De ses écrits. De sa parole. De son théâtre.» (p.126)

Le quatorzième chapitre « Tifi se gaz ti gason se alimèt » est un tableau de couleurs créoles. Il décrit la ségrégation entre les filles et les garçons dans la société haïtienne. Par là même, il souligne que la femme à Haïti n’a pu avoir quelques droits qu’à partir de 1982. Cette date marque la signature d’un décret relatif à l’égalité entre l’homme et la femme au sein d’un couple marié. « En Haïti, c’est à partir du décret du 8 octobre 1982 relatif à la femme mariée que la femme devient l’égale de l’homme dans le couple. Elle pourra jouir de ses droits et de sa pleine capacité juridique.» (p.133)

Le quinzième chapitre dont le titre « Ah, vaudou, dis-tu ! » se présente sous forme d’une phrase exclamative, montre bien l’admiration et l’importance que vouent les Haïtiens au Vaudou comme religion, comme culture ou comme mode de pensée. Même si les Haïtiens prônent différentes religions, le vaudou demeure celle qui occupe un statut particulier au sein de la société haïtienne. Le Vaudou est un moteur puissant pour regarder et comprendre Haïti (…) Ils vont d’une religion à une autre. Le matin, ils dialoguent avec Legba, le midi, ils regardent le soleil et invoquent Notre- Dame du Perpétuel Secours, et le soir, ils prient avec les pasteurs protestants. (p.142)

Ce chapitre rend hommage aussi à la peinture naïve haïtienne qui au même titre que le Vaudou, représente l’un des piliers de ladite culture.

« Jacmel » est le titre du seizième chapitre. Jacmel est l’une des villes haïtiennes qui a donné naissance à un grand nombre d’artistes, d’écrivains et de poètes qui représentent la culture haïtienne à l’échelle nationale et internationale tels que James Noel (poète), Luckner Lazar(peintre) et (romancière). Cette partie raconte aussi la rencontre entre l’auteur-narrateur et René Depestre. Ce dernier âgé de quatre-vingt- quatorze ans, depuis le début de sa carrière jusqu’à nos jours, ne cesse de rendre hommage à sa culture. Jacmel est la ville des philosophes (…) Au-dessus d’un pylône électrique, des jeunes se racontent Platon, l’enseignement d’Héraclite, Socrate et l’éthique de la raison chez Spinoza, la métaphysique chez Martin Heidegger, la théorie critique de l’École de Francfort (…) Jacmel est un grand réservoir d’Histoire. C’est la première ville électrifiée de la Caraïbe (24 décembre 1895). C’est la ville de Roussan Camille, d’Alain Turnier, d’Alcibiade Pommeyrac, d’Emile Célestin Mégie dit Togiram, de Jean Métellus, de René Depestre. (p.159)

Le dix-septième chapitre s’intitule « La borlette : dormons pauvres et réveillons-nous riches ». Comme chaque partie du livre dépeint l’une des facettes de la culture haïtienne, celui-ci montre l’importance des jeux du hasard, le combat de coq et la loterie chez les Haïtiens. Ces jeux leur donnent l’espoir de pouvoir s’enrichir un jour et de s’éloigner de la misère qui caractérise une grande partie de leur pays depuis des siècles. La borlette au même titre que la religion, permet de rêver d’un lendemain meilleur. Sauf que ce lendemain pointe rarement le nez (…) Qui rêve espère et qui espère a les armes pour combattre les mauvais coups du quotidien. La borlette représente ainsi une arme de diffusion massive d’espoir. (p.165)

Le dix-huitième chapitre intitulé « Comment dit-on le mot bien ? » se présente comme un tissage de proverbes et de citations créoles par le biais desquels Rodney Saint-Éloi fait découvrir aux lecteurs l’une des facettes négatives de la société haïtienne à savoir : les commérages.

345

Soumeya BOUANANE

Dix-neuvième chapitre : « Brase nap brase. Brassons la vie » présente à la fois une quintessence des maux haïtiens et le remède qui certes ne guérit pas mais atténue la douleur. Il s’agit de la parole, les mots, le verbe voire le récit haïtien qui est toujours au rendez-vous afin d’alléger le poids du quotidien. « Le récit aide à dépasser la souffrance ordinaire. Le récit aide à dire demain. Le récit aide à guérir. Le récit aide à oublier. Chacun démarre son baluchon de récits.». (p.177)

Le vingtième chapitre s’intitule « Racisme, de quelle couleur es-tu ? ». Ce titre est très représentatif de l’une des facettes de la vie à Haïti ou dans toute autre parcelle du monde où le racisme a atteint son apogée. Rodney Saint-Éloi explique que le racisme n’est guère une question de couleur mais plutôt du regard que chaque individu porte sur l’autre. Une vision souvent négative qui favorise les sentiments de haine et la non acceptation de tout ce qui est différent. « Être supérieur, ce n’était ni la culture, ni l’élégance, ni la morale, c’est plutôt une somme de préjugés.» (p.185)

Le vingt et unième chapitre « Haïti autrement…» est un petit tableau que l’auteur- narrateur a voulu partager avec ses lecteurs pour définir Haïti loin de ses malheurs et de ses souffrances. En somme, un pays révolté qui a pu « arracher» sa liberté. « Le monde est subjugué par la Révolution de 1804, le premier peuple nègre à défier le monde blanc pour créer une nation.» (p.201)

Le dernier chapitre de cette fresque haïtienne s’intitule « Tida ». Rodney Saint-Éloi termine son livre par un hommage chaleureux qu’il rend à sa grand-mère et à travers elle, à tous les membres de sa famille qui ont fait de lui l’homme, l’écrivain et l’éditeur. « La leçon de Tida m’a profondément ému. Elle m’a appris à lire alors qu’elle ne savait pas lire. C’est pourquoi je suis devenu écrivain. C’est pourquoi je suis devenu lecteur. J’écris et je lis pour rendre hommage à Tida.» (p. 204)

Au terme de ces pérégrinations à travers Passion Haïti, le lecteur découvre un pays doué d’une culture riche et d’un patrimoine inestimable.

Référence bibliographique

SAINT- ÉLOI Rodney. 2016. Passion Haïti. Hamac-Carnet. Canada

346