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4 | 2013 Écho et reprise dans les séries télévisées (II) : Re- présentations -- enjeux socio-culturels, politiques et idéologiques de la reprise TV Series Redux: Recycling, Remaking, Resuming (II) -- Cultural, social and ideological representations in TV Series

Sylvaine Bataille et Florence Cabaret (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/tvseries/731 DOI : 10.4000/tvseries.731 ISSN : 2266-0909

Éditeur GRIC - Groupe de recherche Identités et Cultures

Référence électronique Sylvaine Bataille et Florence Cabaret (dir.), TV/Series, 4 | 2013, « Écho et reprise dans les séries télévisées (II) : Re-présentations -- enjeux socio-culturels, politiques et idéologiques de la reprise » [En ligne], mis en ligne le 15 décembre 2013, consulté le 05 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/tvseries/731 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tvseries.731

Ce document a été généré automatiquement le 5 octobre 2020.

TV/Series est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modifcation 4.0 International. 1

NOTE DE LA RÉDACTION

Ce numéro de TV/Series est paru initialement sur le site : http://revuetvseries.wix.com/ tvseries

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SOMMAIRE

Préface Écho et reprise dans les séries télévisées (II) : Re-présentations : enjeux socio-culturels, politiques et idéologiques de la reprise Sylvaine Bataille et Florence Cabaret

Reflecting the Changing Face of American Society: How 1970’s and Spin-Offs Helped Redefine American Identity Dennis Tredy

Skins, de la série britannique à la série américaine : la reprise de la figure du jeune musulman Florence Cabaret

Rich Dykes from L.A. are called Lesbians Anne Crémieux

Friday Night Lights (NBC et The 101 Network, 2006-2011) ou le réinvestissement du mythe de la small town Gérald Billard et Arnaud Brennetot

« Somewhere over the rainbow… » – (re-)construction élégiaque d’une mémoire collective et populaire : Life on Mars et Ashes to Ashes (BBC1, 2006-2010) Yannick Bellenger-Morvan

Echoes of the “War on Terror” and Post 9-11 Culture in Battlestar Galactica (Syfy Channel, 2003-2009) Donna Spalding Andréolle

Through : The Story Sébastien Lefait

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Préface Écho et reprise dans les séries télévisées (II) : Re-présentations : enjeux socio-culturels, politiques et idéologiques de la reprise

Sylvaine Bataille et Florence Cabaret

1 Deuxième volet de la série « Écho et reprise dans les séries télévisées », le numéro 4 de TV/Series se penche sur les représentations et les enjeux socio-culturels, politiques et idéologiques de la reprise. Après un premier volume consacré à la reprise « intermédia », ce numéro adopte un angle d’approche différent, mettant moins l’accent sur des questions d’ordre formel et esthétique, sans pour autant négliger celles-ci tant elles s’articulent avec les préoccupations qui sont au cœur du présent recueil : explorer les représentations véhiculées par les fictions, la circulation d’une même figure à travers plusieurs œuvres, la reprise par les séries de discours, stéréotypes et clichés qu’elles peuvent interroger voire subvertir, explorer également les échos de l’actualité et les réactivations de la mémoire collective de l’histoire des nations, mais aussi de l’histoire des séries elles-mêmes.

2 « Television is a mirror of our world, offering an often-distorted vision of national identity, as well as shaping our perceptions of various groups of people »: telle est l’une des six définitions de la télevision proposées par Jason Mittell dans l’introduction à son ouvrage Television and American Culture1. La métaphore du miroir, fréquemment utilisée à propos des séries télévisées2, évoque la reprise de la réalité par la fiction, qui en offrirait un double, un reflet, une image. Les précisions apportées par Mittel sur le fonctionnement et la fonction sociale de ce miroir mettent en lumière les paradoxes à l’œuvre dans cette réduplication : d’une part, la télévision et, avec elle, les fictions télévisées, ne reflètent pas nécessairement la réalité avec l’exactitude que l’on attendrait de la part d’un miroir, mais elles peuvent au contraire en donner une image déformée ; d’autre part, ce miroir joue un rôle plus étendu qu’une simple surface réfléchissante puisqu’il contribue aussi à informer notre perception de la réalité. Les images, les discours présentés ou représentés par la télévision appartiennent à notre monde et le construisent au même titre que le « réel » censé être réfléchi dans ce miroir, un miroir paradoxal qui à la fois reflète et fait la réalité.

3 Les chercheurs en « études culturelles » (Cultural Studies) ont été parmi les premiers à s’intéresser à l’impact des discours médiatiques sur les publics3, en montrant

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notamment comment la télévision, par exemple, véhicule et participe à la légitimation de normes sociales – comment les médias contribuent à la construction de notre identité, à nos perceptions sociales en termes de classe, d’ethnicité, de genre, de sexualité4. La vision des médias qui émerge de ces travaux est parfois uniquement critique, dans la mesure où ceux-ci les conçoivent de manière réductrice comme un instrument de domination, de manipulation, voire de conditionnement5. D’autres études tentent au contraire d’appréhender la télévision dans toute sa complexité, comme un média traversé par des contradictions et des tensions, et dès lors ouvert à des vues utopiques6 : selon George Lipsitz, la culture peut aussi devenir un lieu d’expérimentation politique, un espace où les idées politiques sont répétées, comme le serait une pièce de théâtre, où certaines valeurs et croyances, autorisées dans l’art même si elles sont interdites dans la vie sociale, sont mises à l’essai7.

4 La fiction télévisuelle peut alors être vue non plus uniquement comme courroie de transmission du modèle social dominant, mais comme, potentiellement, un instrument de changement social. Dès lors, elle peut se trouver investie de missions telles que susciter une prise de conscience de certains aspects de la réalité rarement montrés (en orientant le miroir vers d’autres milieux, groupes sociaux, lieux) ; représenter différemment la société et rompre avec les représentations traditionnelles, conformistes, normatives (en reconnaissant la dimension de construction sociale du « miroir »). Bien sûr, de telles entreprises sont à même de créer contradictions et conflits : entre exigences de représentations fidèles à la réalité sociale et visions idéalistes ; entre conceptions mêmes de ce qu’est une représentation fidèle à la réalité et une vision idéaliste.

5 Ces problématiques sont au cœur de l’article de Dennis Tredy, qui ouvre le numéro par une étude ample des représentations sociales dans les sitcoms américaines des années 70, retraçant les efforts des grands networks (NBC et ABC, puis CBS) pour produire des sitcoms en prise avec les réalités sociales les plus dures de l’époque et faire en sorte que ces fictions « reflètent le visage changeant de la société américaine ». L’analyse diachronique des différentes « vagues » d’« ethnicoms » et de sitcoms féministes montre bien les ajustements que requiert la recherche d’un équilibre entre la promotion d’idéaux politiques et sociaux d’une part, et les attentes et sensibilités de réception des publics à une période donnée, d’autre part. Ainsi, après l’échec des sitcoms présentant une vision trop didactique et idéaliste des relations raciales aux États-Unis, une prise de conscience et une évolution des mentalités ont pu se produire grâce à l’impact de séries usant d’une tactique radicalement opposée à la précédente, s’appuyant précisément sur le rôle révélateur du miroir télévisuel pour promouvoir la tolérance en exposant sans fard les préjugés racistes, machistes, homophobes encore prégnants dans la société pour mieux dénoncer leur absurdité et les ridiculiser. L’influence durable des séries produites par Norman Lear et Mary Tyler Moore se mesure encore aujourd’hui par la présence de références dans certaines séries récentes. On pourra également noter que la méthode « radicale » adoptée par Lear manifestait une autre forme de reprise, puisqu’elle s’inspirait de la production télévisuelle britannique de l’époque : All in the Family (CBS, 1970-79) est ainsi une adaptation américaine de la série controversée mais très regardée Till Death Us Do Part (BBC1, 1965-68, 1972-75)8.

6 La question de l’adaptation d’une série britannique – tout aussi litigieuse, mais pour des raisons différentes – à un contexte culturel américain se trouve au centre de l’analyse

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comparative menée par Florence Cabaret sur la figure du jeune musulman dans les versions britannique (E4, 2007-2013) et américaine (MTV, 2011) de . Trente ans plus tard, et dans ce cas particulier9, la pratique de l’adaptation n’a pas eu l’effet stimulant et fructueux sur le long terme qui avait caractérisé la transformation de certaines britcoms en sitcoms américaines à succès dans les années soixante-dix : la version américaine de Skins ne parvint pas à durer plus d’une saison, capitulant sous les attaques du Parents Television Council. Ce n’était pourtant pas faute d’un ensemble de reprises et de retouches dont Florence Cabaret souligne l’effet d’atténuation, d’aseptisation et de neutralisation. Dans le contexte post-attentats du 7 juillet 2005 à Londres et du 11 septembre 2001 à New York, la transformation du personnage d’Anwar, jeune Britannique musulman, en Abbud, son avatar américain, témoigne d’une frilosité de la version américaine quant au traitement de l’appartenance religieuse du personnage : tandis que la série britannique prend le risque d’aborder de front un certain nombre de stéréotypes, comme l’amalgame islam-terrorisme ou encore islam-homophobie, pour construire un discours subtil et nuancé, la série américaine semble préférer louvoyer pour éviter ces questions sensibles, non sans tendre vers un certain tokenism réduisant Abbud à un rôle secondaire, celui du « mulsulman alibi ». On remarquera également le rôle dans cette réorientation du personnage de la transposition de Maxxie, meilleur ami homosexuel d’Anwar, en Tea, meilleure amie homosexuelle d’Abbud mais également attirée par reprise qui vient largement atténuer les questions liées à l’homosexualité dans la série.

7 C’est également une instance de reprise minimisant la représentation de l’homosexualité que l’on peut voir à l’œuvre dans le transfert étudié par Anne Crémieux entre comics publié dans des magazines underground et série diffusée à la télévision, même sur une chaîne câblée comme Showtime. Bien que la série de bande dessinée Dykes to Watch Out For (1983-2008) d’Alison Bechdel n’ait jamais été reconnue officiellement comme source d’inspiration de la série The L Word (Showtime, 2004-2009), de nombreux parallèles existent entre les deux œuvres, comme le montre Anne Crémieux. La comparaison met en lumière deux constructions différentes, malgré les points communs entre les deux séries, des personnages de femmes homosexuelles, ce dont témoignent en particulier les noms employés pour les désigner : tandis que le vocable dyke est présent dans le titre de la bande dessinée et revendiqué par les personnages, la créatrice de The L Word identifie plutôt les femmes de la série télévisée comme lesbians et leur prête un emploi globalement péjoratif du terme dyke. En outre, il ne reste dans le titre de la série télévisée que le « L » initial de « lesbian », dans une circonlocution qui pratique à la fois l’euphémisme et la dilution, puisqu’elle autorise d’autres significations et évocations. Ces approches différentes, qui, comme le fait ressortir la comparaison, reposent sur des manières différentes d’envisager les questions de « race, class, gender and sexuality », ont évidemment des implications politiques, explorées en détail par Anne Crémieux.

8 L’article de Gérald Billard et d’Arnaud Brennetot change de focale pour se concentrer non plus prioritairement sur les représentations des groupes sociaux mais sur la représentation d’un lieu, la small town, la petite ville américaine, dans la série Friday Night Lights (NBC et The 101 Network, 2006-2011), perspective géographique qui permet une relecture du réalisme humaniste propre à cette série. Adaptation d’un film lui- même adapté d’un livre documentaire, la série peut offrir, de par sa forme sérielle, une représentation plus complexe et nuancée de la figure de la small town que ses prédécesseurs. La petite ville fictive de Dillon, au , a une fonction sociale

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tellement centrale dans le monde des personnages que Gérald Billard et Arnaud Brennetot proposent de créer une catégorie inédite pour cette série inclassable, ni sports series ni teen series, et la qualifient de « small town series ». Leur article montre que le lieu est investi de significations et de valeurs ambivalentes par les jeunes qui y vivent : cadre à la fois oppressant, voire dystopique, mais aussi « rassurant et fortifiant », c’est un portrait complexe qui se dessine et qui rompt avec les stéréotypes négatifs associés à la petite ville américaine pour réinvestir « le vieux mythe jeffersonien de la small town ». L’écho, dans Friday Night Lights, de deux personnages de la série The Wire (HBO, 2002-2008) ouvre sur une analyse contrastive des deux séries, qui permet une mise en perspective à la fois de la représentation de la small town dans l’une et du ghetto urbain dans l’autre.

9 C’est la grande ville britannique (incarnée par Manchester et par Londres) qui fait l’objet de représentation et de reconstitution dans Life on Mars et Ashes to Ashes (BBC1, 2006-2010), séries que Yannick Bellenger envisage comme des entreprises de « (re-)construction élégiaque d’une mémoire collective et populaire ». La reprise explorée ici est en effet celle d’une période de l’histoire nationale, les années 70 et les années 80, re-constituée à travers des images brouillant volontiers les repères temporels, comme ce plan censé représenter Manchester en 1973 qui superpose passé, présent et futur par une mise en abyme incluant, sous la forme d’un panneau publicitaire, une réplique futuriste du lieu en arrière-plan. La reprise se fait aussi au gré de citations musicales et télévisuelles, parfois au second degré, voire à un triple degré (comme la parodie du clip d’Uptown Girl, de Billy Joel, version parodique d’un matériau qui l’est déjà largement), procurant aux spectateurs ce « plaisir de la reconstitution [qui] ne tient pas à sa fidélité mais au sentiment nostalgique qu’elle suscite ». L’intégration d’image d’archives par le biais d’écrans-dans-l’écran permet le déploiement d’un discours critique sur le medium télévisuel, qui souligne l’artificialité d’événements présentés à l’époque comme authentiques (le mariage princier) et dénonce « le roman national » comme un « tissu de mensonges que le temps a progressivement effiloché » – alors que les années 70-80 voient aussi la revendication de l’artifice comme vérité par des artistes tels que David Bowie et Tom Robinson qui contribuent, par le biais d’émissions de télévision aussi populaires que Top of the Pops, à faire pénétrer des représentations subversives au cœur de chaque foyer.

10 Donna Andréolle se penche quant à elle sur les résurgences, non plus de l’histoire, mais de l’actualité, qui résonnent dans la série de science-fiction Battlestar Galactica (Syfy Channel, 2003-2009). Celle-ci contient en effet des références indirectes à la « Guerre contre la Terreur » (War on Terror) et aux attentats du 11 septembre 2001, échos visuels évoquant des images diffusées à la télévision, ou échos textuels rappelant des commentaires, par exemple sur les terroristes islamistes, circulant dans le contexte de la présidence de G. W. Bush. Donna Andréolle montre en outre que l’angoisse et la paranoïa de la « culture du 11 septembre » résonnent dans l’ensemble de la série, notamment à travers la construction des Cylons humanoïdes comme une figure de « l’Autre qui est Nous » (« the Other as Us »), ennemi intérieur, insaisissable car non- identifiable, que la version américaine de Skins a pu mettre en scène autrement encore. Les nombreux personnages féminins dangereux et dominateurs de Battlestar Galactica fournissent des illustrations de l’interprétation féministe par Susan Faludi du récit national du 11 septembre, récit qui présenterait, selon cette auteure, l’événement comme une émasculation de la nation américaine. La série fonctionne ainsi comme « un

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contre-récit puissant » (« a powerful counter-narrative ») qui « déconstruit le discours hégémonique et la glorification du héros du récit de guerre traditionnel. »

11 L’article de Sébastien Lefait qui clôt ce numéro prend le contre-pied des articles précédents tout en faisant écho à de nombreuses questions abordées dans l’ensemble du recueil. L’approche est à contre-courant car Sébastien Lefait s’intéresse non pas à la reprise de la réalité par la fiction, mais à la reprise d’une fiction télévisée, en l’occurrence The Wire, afin d’en proposer une version corrigée, rectifiée qui offrirait un reflet plus proche de la réalité que la série ne prétendait le faire : c’est du moins ainsi que se présente le docudrama intitulé The Avon Barksdale Story, sorti en 2010. Cependant, on peut voir dans cette volonté de révéler le « vrai » Barksdale derrière sa réincarnation télévisuelle dans The Wire la récurrence de la métaphore de la télévision comme miroir » déformant » et l’exigence de fidélité dans la représentation des réalités sociales dont le medium fait l’objet. Mais il s’avère que le film « documentaire » suscité par la série entretient un rapport plus complexe avec son origine fictionnelle, dont il s’inspire finalement tout autant que de la « réalité », au point que Sébastien Lefait y voit un « alternative make » de The Wire. Par exemple, le docudrama intègre des séquences imitant le style filmique de la série, séquences fictionnelles qui sont alors tournées en noir et blanc afin de les distinguer des passages documentaires qui sont en couleurs, mais aussi, paradoxalement, afin d’éviter qu’elles soient prises pour des séquences de The Wire (puisque la série est en couleurs). On pense ici aux tensions entre artifice et authenticité explorées également par Yannick Bellenger-Morvan : si The Wire parvient, par sa maîtrise parfaite de l’artifice de la fiction, du jeu, de la mise en scène, à atteindre une authenticité des faits et des émotions, son « alternative make » qu’est The Avon Barksdale Story, qui ne manifeste pas la même distance par rapport à l’artificialité de l’image filmique, n’y parvient pas et sombre, comme le montre Sébastien Lefait, dans l’auto-promotion. En revanche, un « alternative make » réussi de The Wire, qui manierait avec autant de dextérité le jeu entre vérité des émotions et apparences factices du récit filmé, se trouve peut-être dans la saison 4 de la série Friday Night Lights : c’est du moins une piste que semble suggérer la mise en résonance de l’article consacré à cette dernière avec les analyses de Sébastien Lefait.

12 Enfin, pour boucler la boucle de la reprise, on pourra souligner que la comparaison menée dans cet article de clôture entre The Avon Barksdale Story et The Wire, opposant la reprise peu distanciée d’un certain nombre de clichés par le docudrama à une dénonciation subtile et nuancée de ces stéréotypes par la série, fait écho à l’article d’ouverture de Dennis Tredy en abordant également la question de la représentation des minorités ethniques et de la sensibilité qu’un tel sujet revêt encore aujourd’hui.

BIBLIOGRAPHIE

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WINCKLER Martin, Les Miroirs de la vie : Histoire des séries Américaines, Paris, Le Passage, 2005.

WINCKLER Martin, Les Miroirs obscurs : Grandes séries américaines d’aujourd’hui, Vauvert, Au Diable Vauvert, 2005.

NOTES

1. Jason Mittell, Television and American Culture, New York, Oxford University Press, 2010. L’introduction, intitulée « Why Television? », est accessible en ligne : http:// justtv.wordpress.com/2008/11/20/preview-of-my-television-american-culture-book/ (dernier accès en décembre 2013) 2. Voir par exemple les titres des ouvrages de Martin Winckler consacrés aux séries américaines : Les Miroirs de la vie : Histoire des séries Américaines, Paris, Le Passage, 2005 ; Les Miroirs obscurs : Grandes séries américaines d’aujourd’hui, Vauvert, Au Diable Vauvert, 2005. L’emploi de la même image du miroir, à propos du roman, par Stendhal, est bien connue : « [U]n roman est un miroir qui se promène sur une grande route » (Le Rouge et le noir, chap. XLIX ; variante en épigraphe au chapitre XIII). 3. Voir Douglas Kellner, « Cultural Studies, Multiculturalism, and Media Culture » in Gender, Race, and Class in Media: A Critical Reader, ed. Gail Dines, Jean M. Hume, Thousand Oaks, Ca., Sage Publications, 2011 [2003], p. 7-18, p. 8. 4. Kellner, p. 7. 5. Voir par exemple Kellner, p. 7 : « Media spectacles demonstrate who has power and who is powerless, who is allowed to exercise force and violence, and who is not. They dramatize and legitimate the power of the forces that be and show the powerless that they must stay in their places or be oppressed. […] The media are forms of pedagogy that teach us how to be men and women. They teach us how to dress, look, and consume; […] and how to conform to the dominant system of norms, values, practices, and institutions. » 6. Voir Herman Gray, Watching Race, Television and the Struggle for Blackness, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2004 [1995], p. 8.

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7. Nous paraphrasons ici en français les propos suivants, cités dans Gray, p. 5 : « [C]ulture can become a rehearsal for politics, trying out values and beliefs permissible in art but forbidden in social life » (George Lipsitz, Time Passages: Collective Memory and American Popular Culture, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1990). 8. Voir également : Amandine Ducray, « Sharing the Joke? ‘Britcom’ Remakes in the United States: A Historical and Socio-Cultural Perspective », InMedia, n° 1, mars 2012 : http:// inmedia.revues.org/132 (consulté en décembre 2013). 9. Les contre-exemples abondent de séries britanniques ayant donné naissance à des adaptations américaines d’une grande longévité, voire d’une longévité supérieure à l’original : on citera ainsi The Office (BBC Two, 2001-2003) et The Office (NBC, 2005-2013) (voir par exemple Shannon Wells- Lassagne, « Crossing the Pond : Adapting The Office to an American Audience » TV/Series, n°2, novembre 2012, p. 171-187) ou encore Queer as Folk (Showtime, 2000-2005), adaptation de la série britannique du même titre, d’une durée de dix épisodes, diffusée sur Channel 4 en 1999 (voir par exemple Monica Michlin, « Recurrence, Remediation and Metatextuality in Queer As Folk », TV/ Series, n°3, septembre 2013, p. 92-124 et Ronan Ludot-Vlasak, « Canon Trouble : Intertextuality and Subversion in Queer as Folk », TV/Series, n°2, novembre 2012, p.·265-276).

INDEX

Mots-clés : cliché, genre, minorité ethnique, représentation, stéréotype Keywords : cliché, gender, ethnic minority, representation, stereotype

AUTEURS

SYLVAINE BATAILLE Sylvaine Bataille est Maître de conférences au département d’anglais de l’université de Rouen et membre de l’ERIAC. Elle travaille sur les questions liées à l’adaptation, l’appropriation, la traduction et la référence. Ses publications récentes ont porté sur la réappropriation de l’héritage shakespearien dans Rome (HBO, 2005-2007), sur la réécriture d’Hamlet dans Sons of Anarchy (FX, 2008-) et sur l’utilisation des références gréco-latines dans Battlestar Galactica (Sci Fi, 2003-2009). Elle a co-organisé plusieurs manifestations scientifiques sur les séries télévisées (dont « Échos et reprises dans les séries télévisées » en septembre 2012 avec Florence Cabaret) et est actuellement responsable scientifique de GUEST-Normandie (Groupe Universitaire d’Études sur les Séries Télévisées basé en Normandie), projet fédératif labellisé par le GRR CSN pour un financement par la région haut-normande de 2013 à 2016.

FLORENCE CABARET Florence Cabaret est Maître de conférences en Littératures indiennes anglophones au département d’anglais de l’université de Rouen et membre de l’ERIAC. Elle travaille sur la littérature anglophone contemporaine des écrivains indiens vivant en Inde, en Grande Bretagne mais aussi aux États-Unis et au Canada ; sur les films des réalisateurs de la diaspora indienne anglophone ; sur les séries télévisées britanniques mettant en scène l’histoire coloniale et postcoloniale de l’Inde et de la Grande-Bretagne. Elle a co-organisé trois colloques à l’université

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de Rouen (« Mauvaises Langues ! » en juin 2008 avec Nathalie Vienne-Guerrin ; « Échos et reprises dans les séries télévisées » en septembre 2012 avec Sylvaine Bataille ; « La Retraduction en littérature jeunesse » en février 2013 avec Virginie Douglas). Elle est également traductrice de Chloé Hooper et de Hanif Kureishi aux éditions Christian Bourgois.

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Reflecting the Changing Face of American Society: How 1970’s Sitcoms and Spin-Offs Helped Redefine American Identity

Dennis Tredy

1 If the 1960’s in the U.S. are generally considered a time of revolution, of civil rights activism and new feminism, of race riots and student riots and riotous clashes between the generations, the television landscape at the time amazingly reflected almost none of that unrest and social strife. 1960’s television programming, particularly in terms of sitcoms, was dominated by two genres that seemed to in no way reflect what was often going on right outside the viewers’ living rooms: the rural and the supernatural sitcom, both of which could be seen as a means of soothing escapism. The top-ranking ‘rural’ sitcoms, all on CBS, included The Andy Griffith Show (1960-68), its spin-off Gomer Pyle USMC (1964-70), The Beverly Hillbillies (1962-71), Green Acres (1965-71), Petticoat Junction (1963-70) and Hee-Haw (1969-71). Viewers felt lullingly reassured by the grassroots wisdom and old-fashioned horse-sense of heroes like Andy Griffith or of the shenanigans of country bumpkins striking it and/or of rich socialites moving out to the sticks. The other dominant sub-genre, on all three major networks, was the supernatural sitcom, many of which were also set in rural landscapes. These included Mr. Ed (the talking horse: CBS, 1961-65), My Mother the Car (a talking automobile: NBC, 1964-66), as well as Bewitched (ABC, 1963-72), I Dream of Jeannie (NBC, 1964-70), My Favorite Martian (CBS, 1963-66), The Ghost and Mrs. Muir (NBC, 1967-70), The Munsters (CBS, 1964-66) and The Addams Family (ABC, 1964-66) — which collectively told the stories of how witches, genies, aliens, ghosts, grandfatherly vampires, cuddly werewolves and other assorted monsters and side-show freaks all somehow coped with living a ‘normal’ life in the small towns and quiet suburbs of America.

2 Today we may see these far-fetched fables as a metaphor for the more grueling fight for racial and gender equality, integration and acceptance that was being fought on America’s streets, but if so it was about as indirect a connection to divisive civil rights

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and feminist issues as one could imagine. It was instead a merely suggestive approach on a par with the call for inclusiveness made during the same decade by the original Star Trek series (NBC, 1966-69), which presented a future inter-galactic utopia of tolerance and integration for beings of all species and colors and faiths, a ‘United Federation of Planets’ — an environment in which Captain James T. Kirk could have color-blind romantic conquests with female aliens of striking Technicolor skin-tones — all of which served to implicitly call for a new philosophy of acceptance of diversity back on earth. However, such indirect and far-fetched calls for inclusion and tolerance would do little to change mentalities or to adequately address the pressing social issues and civil strife of the time.

3 By the end of the 1960’s, that brutal strife and unrest had begun pouring into America’s living rooms through breaking news reports on events such as the assassinations of Martin Luther King, Jr. and Robert Kennedy, or the Watt race riots and the Kent State student massacre. It seemed that American sitcom audiences could no longer remain disconnected from these hard truths, and as a means of channeling this uninvited houseguest’s presence on the air, and in response to numerous complaints by minority action groups and feminist organizations that minorities and women were either unrepresented or too stereotypically represented on American sitcoms, ABC and NBC, in an attempt to somehow dethrone their dominant CBS rival in ratings, made a first, if somewhat failed, attempt to bring the changing face of America to the small screen.

4 NBC in particular attempted to turn the tables on the traditional representation of blacks on television by making two popular African American actors — Diahann Carroll and Bill Cosby — each the stars of their own sitcoms, adding Julia and The Bill Cosby Show to the channel’s fall line-up in 1968 and 1969, respectively (see Plate 1).

Plate 1: Early ‘Ethnicoms’ on NBC: Julia (1968-71, 86 ep.) and The Bill Cosby Show (1969-71, 52 ep.)

5 In spite of this being heralded in TV magazines with headlines like “Black Is the Color of Your New TV,1” stressing the fact that for the first time a black actress and a black actor were each given their own show, the programs would never really find an audience and would soon be written off by many critics as “warm, plush, middle-class […] tokenism2”. Julia (NBC, 1968-71, 86 episodes) was perhaps, in the end, the more ground-breaking of the two new ‘ethnicoms’. Julia Baker, a single mother and the widow of a Vietnam helicopter pilot, raises her son Corey in a predominantly white L.A. suburb and is financially independent, as she works as a nurse at a health clinic at Aerospace Industries. Though the theme of racism occasionally cropped up [e.g., in the pilot, one doctor is condescending to her because of her race; in a later episode (01.10)

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her son is called an unspecified racial slur at school, and the first Christmas special (01.14, audaciously entitled “Im Dreaming of a Black Christmas”) focused on a dispute between little Corey and his best friend Earl on whether Santa Claus was black or white], on the whole it was the story of Julia’s friendships with white neighbors and co- workers who were all, it seemed, remarkably color-blind. Though the program seemed to be preaching by example (both in terms of how black women could move up the social ladder and of how whites should look past a person’s color), the program was criticized by minority activist groups for having all of the black characters, most notably Julia herself, dressing and acting like middle-class whites, without the slightest taint of ethnic or cultural difference (hence the accusation of tokenism)3. In the end, the show perhaps did more for the cause of feminism, with its independent and fulfilled single working mother model, regardless of her color.

6 Similarly, the short-lived Bill Cosby Show (NBC, 1969-71, 52 episodes) would attempt to focus on blacks living like (or as) whites. Cosby played Chet Kincaid, a caring if irreverent high school gym teacher at a predominantly black L.A. high school. Cosby, along with producers Marvin Miller and Ed Weinberger, sought to leave racial tensions out of the picture and tried to demonstrate that black children and families were no different from their white counterparts — a dominant philosophy in Bill Cosby’s lifelong views of the representation of African-Americans on television — but the show would come under the same critical fire as Julia would, as it presented a generally color- blind America that seemed generations away, if ever attainable4.

7 Simultaneously, ABC tried to shake things up with two of its own breakthrough programs, which both did slightly better than Carroll’s and Cosby’s vehicles in terms of ratings and longevity, but did little to change America’s consciousness (see plate 2). Here the two programs focused on the didactic teaching of tolerance rather than a would-be colorless society. Room 222 (ABC, 1969-74, 112 episodes) was set in a supposedly inner-city (but remarkably collegiate-looking) public high school in L.A., tellingly named Walt Whitman High School, thus reinforcing its democratic philosophy of integration among the multi-ethnic staff and student body. It centered on white liberal reformer Alice Johnson (Karen Valentine), a student-teacher who occasionally sparred with her more conservative and cynical foil, Principal Seymour Kaufman (Michael Constantine). The other two teachers making up the main cast were both African-Americans — Pete Dixon (Lloyd Haynes), who taught history and life-lessons in ‘room 222’ of the title, and his fiancée, student counselor Liz McIntyre (Denise Nicholas) — but here again these smartly-dressed, middle-class professionals seemed devoid of any ethnic or cultural difference besides their skin color. It was instead among the students — a cross-section of nearly every possible minority group, symbolically seen happily walking to class together during the opening theme — that occasional inter-cultural tensions sprang up and were quickly smoothed over by one of the watchful and caring teachers. To the show’s merit, students did proudly affirm their specific ethnic differences (one black student, for example, sported a dashiki and an afro), and the program often touched on very sensitive issues, such as interracial dating, teenage pregnancy, homosexuality and school violence [for example, in one episode (04.17), a student with a history of delinquency brings a gun to school and threatens Alice with physical violence]. However, such issues were calmly resolved by the end of an episode, and, in terms of racial equality, the overriding message of nearly

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all episodes seemed to be that through hard work and tolerance any minority could integrate white middle-class norms and have access to the American dream.

8 In another program, The Courtship of Eddie’s Father (ABC, 1969-72, 73 episodes), teaching basic lessons in tolerance was the mainstay of the opening and closing discussions between the widower Tom Corbett (Bill Bixby) and his young son Eddie (Brandon Cruz), usually in the form of a difficult-to-answer question posed from a child’s perspective, one that his father does his best to answer. The cast was completed by Tom’s Japanese housekeeper, Mrs. Livingstone (Miyoshi Umeki), whose broken English and the form of address she used when speaking of Tom (“Mr. Eddie’s Father”) are alluded to in the show’s title. Mrs. Livingstone was a docile but nurturing presence whose wisdom was far beyond her vocabulary, and it was indeed a new and a positive, if somewhat stereotypical, representation of Asian Americans on U.S. television. However, racial, cultural and social tensions were given a very light and kid-friendly treatment on the program, and opportunities to break barriers were often sidestepped. For example, in an episode in which Tom makes a lunch date with a woman he has only spoken to on the phone, the mother of one of Eddie’s classmates, he is flabbergasted to discover that she is black when she rings at the door (01.07 – entitled “Guess Who’s Coming to Lunch”). The luncheon goes well, with overtones of camaraderie rather than romance, and then the woman simply goes home. In the typical style of the program’s ending sequence, Eddie asks his father what would happen if a “grasshopper” married a “bird”, to which Tom responds, “You’d get a very jumpy bird!” — thereby implying that the races best be kept separate.

Plate 2: Teaching Tolerance on ABC: Room 222 (1969-74, 112 ep.) and The Courtship of Eddie’s Father (1969-72, 73 ep.)

9 If these four programs, in spite of their merits, missed the mark – in terms of timing, method and viewership — the second wave of attempts to make sitcoms a vehicle for social awareness and social change would begin in the 1970-1971 television season and would forever reshape the landscape of American television. The two main creative forces behind this change were undoubtedly producer-writer Norman Lear and producer-actress Mary Tyler Moore (whom we could refer to, for convenience, as ‘King Lear’ and ‘Queen Mary’), for Lear would produce over twenty often hard-hitting shows and spin-offs that created a new genre and oxymoron, that of “serious comedy”, a platform in which the most biting and uncomfortable social issues of the day were put center-stage, and Moore would forever change the image of women on television, through her own series and the many spin-offs it generated.

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10 In many ways, it could be said that the unsung heroes of the change to America that Lear and Moore would bring about were two executives at CBS: Paul Klein, the director of research, and Fred Silverman, the head of programming. Klein’s research called into question CBS’s ratings advantage through its trademark rural sitcoms by focusing on advertising and demographics. He argued that NBC’s vehicles for Diahann Carroll and Bill Cosby appealed to younger and more urban audiences, allowing NBC to charge more for advertising than CBS in spite of lower ratings. When Silverman became head of programming in 1970, he heeded Klein’s warning for a change in demographics and, with the unexpected approval of CBS president Robert Wood, enacted what would be known as “the rural purge of 1971”5. In this astoundingly bold move, CBS suddenly cancelled or wound down nearly all of its most popular sitcoms (from The Andy Griffith Show’s sequel Mayberry R.F.D. (1968-71) to The Beverly Hillbillies to Green Acres) and comedy hours (those of Glen Campbell, Jackie Gleason, Ed Sullivan, etc.) — all among the top 30 shows on television — in order to bring in a new generation of more urban and younger audiences. The times they were indeed a-changin’, and it was a jaw- dropping gamble that paid off ten-fold and assured CBS’s continued supremacy over its two rivals throughout the 1970’s.

Queen Mary

11 The first new project that Silverman picked up for CBS was The Mary Tyler Moore Show, produced by Moore and her then-husband Grant Tinker’s MTM productions, with their trademark meowing-kitten bumper in parody of the roaring MGM lion. The show premiered in September of 1970, lasted for seven years and 168 episodes, won 29 Emmy Awards [a record only broken in 2002 by NBC’s Frasier (1993-2004)], had three spin-offs and revolutionized the image of women in American sitcoms (see plate 3).

Plate 3: Early Feminist Sitcoms on CBS: The Mary Tyler Moore Show (1970-77, 168 ep.) and Mary with the stars of two of her show’s spin-offs, Rhoda (1973-78, 109 ep.) and Phyllis (1975-77, 48 ep.)

12 In the pilot, the main character, Mary Richards, leaves her irresponsible fiancé, moves to the big city (in this case, Minneapolis), gets her own apartment, finds a job as an

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assistant producer on a television news program, and is determined to “make it” on her own (that is, without a man’s help) — as the trademark ending of the opening theme reminded us every week, punctuated by Mary’s enthusiastic single-and-loving-it hat- toss during rush hour. Moore thereby created the first sitcom about an independent and self-sufficient working woman who had no interest in settling down and forming the nuclear family heretofore idealized on television. One must remember that at this time the only women who were permitted such independence on U.S. sitcoms were widows (like Julia Baker in her earlier show on NBC) – as their sorry, manless plight was through no fault or choice of their own. A divorced female lead was yet to step foot on the stage of a sitcom, and Mary Richards seemed to go one step beyond, by consciously choosing not to marry her fiancé when he came crawling back to her with a wedding proposal and by foregoing prescribed marital bliss and motherhood. Instead, she was perfectly content with casual dating and found fulfillment in her work life and in her friends, which provided the double focus of the show. On the one hand, Mary was the most responsible executive in the WJM newsroom, thereby turning the staff-members there into her surrogate family. This included her gruff but soft-hearted boss, Lou Grant (Ed Asner), her sharp-tongued and quick-witted news-writer Murray Slaughter (Gavin MacLeod, long before his Love Boat set sail on ABC in 1977), and the buffoonish and dim-witted anchorman Ted Baxter (Ted Knight). This was thus the first female- centered sitcom to focus on a workplace other than a schoolroom6, and it helped start a trend for work-place sitcoms in general that would continue to the 1980’s, with shows like Barney Miller (ABC, 1975-82), Taxi (ABC, 1978-82; NBC, 1982-83), Archie Bunker’s Place (CBS, 1979-83), Murphy Brown (CBS, 1988-98) and of course Cheers (NBC, 1982-93). The other focus of the program was then Mary’s social life with her two best friends, her arrogant and domineering landlady, Phyllis Lindstrom (Cloris Leachman), and her spunky and free-spirited best friend, Rhoda Morganstern (Valerie Harper) – each of whom would have their own spin-offs with a similar feminist message: Rhoda from 1974 to 1978 (109 episodes) and Phyllis from 1975 to 1977 (48 episodes). Thus American audiences were treated to the first all-girl ‘BFF’ ensemble (i.e., ‘best friends forever’), one the likes of which they would not again see until the 1990’s, with Sex and the City (HBO, 1998-2004).

13 By the mid-1970’s, CBS would take this feminist trend one step further with two sitcoms that would turn traditional views of family-based sitcoms upside down by featuring the stories of struggling, single working mothers (see plate 4). In Alice (CBS, 1976-1985, 202 episodes), very loosely based on Martin Scorcese’s 1974 film Alice Doesn’t Live Here Anymore, recently widowed Alice Hyatt (Linda Lavin) leaves New Jersey for Phoenix to get a new start and raise her young son Tommy, getting a thankless job waiting tables at Mel’s Diner with two other women, the scatter-brained Vera (Beth Howland) and the man-hungry ‘Flo’ (Polly Holliday). The other program, One Day at a Time (CBS, 1975-1984, 209 episodes), was far more ground-breaking, though, as it was the story of a divorced working mother — , ‘divorce’ was no longer a dirty word! — Ann Romano (Bonnie Franklin), who moves to Indianapolis fresh from a bitter divorce to raise her two teenage daughters (MacKenzie Phillips and Valerie Bertinelli) — a set- up which allowed this program, unlike its predecessors, to openly deal with controversial issues related to modern teens (drug use, promiscuity, teen pregnancy, etc.). In both cases, though, feminism was the main focus, and the one male protagonist in each of the two shows — Alice’s boss Mel Sharples (Vic Tayback) and Ann’s superintendent Dwayne Schneider (Pat Harrington) — was a sleazy, overbearing male

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chauvinist who never managed to get the upper-hand on the street-smart single mom. Thus our feminist heroines’ strength shone even brighter by comparison.

Plate 4: Later Feminist Sitcoms on CBS: Alice (1976-85, 202 ep.) and One Day at a Time (1975-84, 209 ep.)

King Lear

14 However, Mary Tyler Moore’s contribution, as important as it was to changing the image of women on television, did little to advance matters of diversity and race, as no minorities were represented on any of the programs. In addition, that the only feminist sitcom listed above that dealt with other controversial social issues of the day was One Day at a Time should come as no surprise when one realizes that it was the only one produced by Norman Lear. Lear’s approach to promoting tolerance and liberal causes was indeed far more radical and far-reaching, and appears to be at polar opposites with the tactics originally used at NBC and ABC in the late 1960’s (those of color-blind ideals and of child-like didactics, as discussed above), when Lear first began reshaping the American sitcom. Lear seemed to understand early on that America’s deep-seated problems had to be dealt with head-on if they were ever to be overcome, and that a post-civil-strife society could not be portrayed believably until that same civil strife was given full and uncompromising exposure — to ‘lance the abscess’, as it were, so that the country could heal.

15 With this in mind, Norman Lear, the former comedy writer for such viewer-friendly 1950’s shows as The Colgate Comedy Hour (NBC, 1950-56) and The Ford Star Jubilee (CBS, 1955-56), and his producer-partner Bud Yorkin, Jr. (through their joint company Tandem Productions), bought the U.S. rights to two very controversial sitcoms in Great Britain in 1968, one of which he would immediately set about adapting for American audiences. The first ‘britcom’ he revamped was called Till Death Us Do Part (BBC1, 1965-68, 1972-75, 54 episodes), a gritty kitchen-sink style sitcom that staged cut-throat shouting matches within the extremely poor working-class Garnett household in Wapping (see plate 5).

16 Pitted against the ignorant, reactionary and bigoted rants of loud-mouthed patriarch Alf Garnett (Warren Mitchell) were the equally vocal complaints of his long-suffering, chain-smoking wife (Dandy Nichols) and the socialist/pro-Labour antagonism of his daughter Rita (Una Stubbs) and her unrelenting husband Mike (Anthony Booth), Alf’s main foil and sparring partner. The show broke many barriers in Britain, notably for

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using biting comedy to stress social ills and for being the first to allow swear words (like “bloody”) or racial slurs (like “coon”) in the heated dialogues, but in most cases the given conflict would be resolved by the end of the episode, in true East-Ender fashion, by having Alf and Mike get sloshed together at the local pub or go chummily to a football match7.

17 Norman Lear would rewrite the premise to suit American audiences and issues, creating two pilots for ABC in 1968 and 1969, both of which were turned down and were never aired by the network, who preferred the naively didactic approach mentioned above and funneled resources instead into two very popular sitcoms that gave a very rosy, kitschy (and often musical) portrayal of new family dynamics in the 70’s, Sherwood Schwartz’s The Brady Bunch (ABC, 1969-74) and Bernard Slade’s The Partridge Family (ABC, 1970-74). The first of Lear’s unaired adaptations was called “Justice for All”, and gave us the basic set-up for what would eventually become the block-buster hit All in the Family. For the unaired 1968 pilot, the Bunkers were in fact called the Justices, and although set in a lower-middle class home in Astoria, Queens, Lear’s first adaptation had more in common with its BBC1 model than later versions would. Although Lear had found his Archie and Edith in actors Carroll O’Connor and Jean Stapleton, their on-screen personalities would be somewhat altered before any viewers would see them in the 1970’s, for the initial Edith is rather vocal and volatile, and O’Connor clearly seems to be doing an impersonation of Jackie Gleason’s beloved loud- mouth Ralph Kramden from The Honeymooners,8 right down to the cigar-smoking and similar catch-phrases (e.g., “You’re a pip, you know that?”). The daughter and son-in- law characters (Gloria and Dickie, an Irishman, played by Kelly Jean Peters and Tim McIntyre) are also very belligerent and would need far more than one episode to grow endearing to the public. The pilot also focused on Archie’s racism and Dickie’s atheism, which most likely prompted the cancellation of the project. However, Lear returned a year later with a second version of the pilot for ABC, this time called “Those Were the Days”, a reference to the future show’s well-loved theme song, a nostalgic pining for simpler days when “everybody pulled his weight” and “girls were girls and men were men”, sung at the piano by Edith and Archie. Lear recast the daughter and son-in-law (now Candice Azzarra and burly Chip Oliver) as less outspoken, as is Edith. Archie dropped the Jackie Gleason impersonation and made the character more of his own, and Lear cut out nearly all of the talk of God and atheism, but ABC still turned it down. However, Fred Silverman at CBS, as part of his plan to revamp his network’s themes and demographics, seized the opportunity, had Lear do a third pilot, and gave him a thirteen-episode trial season. All in the Family (CBS, 1970-1979, 208 episodes) was born (see plate 5).

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Plate 5: The Development of All in the Family: From the British sitcom Till Death Us Do Part (BBC1, 1965-68, 1972-75, 54 ep.) to ABC’s unaired 1968 pilot Justice for All (top left and right), to a second unaired pilot on ABC in 1969, entitled Those Were the Days (bottom left), to the final version of the series on CBS (bottom right), entitled All in the Family (1970-79, 208 ep.).

By its network debut, just four months after that of The Mary Tyler Moore Show, all of the kinks had been worked out of the show’s characters: O’Connor, a feisty liberal in real life, brought his own composition to Archie Bunker, today the universal archetype for a loud-mouthed, reactionary bigot who inevitably stumbles over his malapropisms and other signs of his own ignorance. Stapleton made Edith the heartwarmingly simple- minded, well-intentioned, long-suffering wife; Rob Reiner took on the role of a more endearing and well-meaning version of the son-in-law, Mike Stivik (a Polish- rather than Irish-American); and Sally Struthers took on what was perhaps the most difficult role of Gloria, as an equally endearing young woman caught between loyalty to her parents and her own liberal beliefs and support of her husband — the three characters being respectively (but disrespectfully) referred to as “dingbat”, “meathead” and “little goil” by the antagonistic patriarch. When it first aired, as a decidedly telling midseason replacement for the barnyard antics of Hee-Haw, CBS feared an onslaught of angry calls given the racist language and racy subject matter, hiring teams of extra call-handlers and providing a long disclaimer before each episode of the first season that rather succinctly stated Lear’s purpose:

The program you are about to see is All in the Family. It seeks to throw a humorous spotlight on our frailties, prejudices and concerns. By making them a source of laughter, we hope to show, in a mature fashion, just how absurd they are.

18 These serious lines were followed by the sound of a toilet flushing –something that had never been allowed on American television before and that is still referred to today as “the flush heard round the world9” — for it heralded a program that would run,

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including its sequel Archie Bunker’s Place (CBS, 1979-83, 97 episodes), for a total of thirteen years and over 300 episodes, that would engender eight spin-offs on CBS and nearly as many lookalikes on other stations, and that would redefine both the American television landscape and the American identity it reflected.

19 Though there was no flood of calls after the pilot, and initially mediocre ratings, word of mouth and summer reruns would make the program the most popular show on television for five straight years [a record broken only recently by American Idol (Fox, 2002-present)], and it would win 22 Emmy Awards, including Emmys for all four main cast members – another first. The arguing at 704 Hauser Street, Astoria, never died down, and the topics of these disputes also went far beyond Archie’s trademark bigotry, as many episodes additionally focused on a specific weekly theme that was also designed to raise eyebrows and raise awareness. These included such controversial topics as interracial marriage, homosexuality, feminism, affirmative action, guns and the second amendment, drugs, atheism, draft-dodging and desertion, wife-swapping, menopause, PMS, sexual assault (for Gloria), attempted rape (for Edith), adultery, impotence, alcoholism, and prostitution – and all of this on a sitcom!

20 From the very first season, it was obvious that Lear had found the right formula, and the impact was immeasurable. Two early episodes seem best to illustrate this. The most talked-about episode of the first season was entitled “Judging Books by Covers” (episode 5, aired February 9, 1971). Mike and Gloria invite over an effeminate male friend of theirs who Archie is convinced is a “pansy”, but the tables are turned when Archie learns not only that “Roger the fairy” is straight, but that one of his drinking buddies at Kelsy’s Bar, a ruggedly handsome ex-football star, is in fact gay. Reactions to this episode, often violent, could be heard in workplaces and at dinner tables around the country10, and, amazingly, even in the Oval Office. Among the Watergate tapes that President Nixon reluctantly turned over to the authorities in 1974 was one dated May 13, 1971 (Watergate tape #498-005), on which President Nixon and his top aides John Elrichman and Bob Haldeman can be heard discussing this episode of All in the Family, which the president happened to come across after watching a football game. In an eye-opening fifteen-minute rant, Nixon sums up the plot of the entire episode for his aides and proceeds to voice his moral outrage, to list the irrevocable dangers of such “glorification of homosexuality”, and to explain how the fall of the Roman Empire, of the Catholic Church, of the British Empire and of the glory that was were all due to such casual acceptance of homosexuality — and how the USA could be next. He even goes on to list all of the known but still-closeted homosexuals on his staff (though a 14- second ‘beep’ censors the names, a ploy that reminds us of the notorious eighteen and half minutes on the Watergate break-in that were censored—or, rather, “accidentally erased”), and he even praises what he sees as heavy-handed but efficient methods used in Russia and elsewhere to weed out gays without compromise11 — declarations that make Archie Bunker sound quite liberal-minded by comparison! Recent allegations of Nixon’s own homosexual affair with his best friend and confidant Charles ‘Bebe’ Rebonzo are also food for thought on this shocking moment of homophobic rage12.

21 Another famous episode, this time from the second season, was firmly concerned with Archie’s prejudice against blacks and Jews and was the most talked-about television program of 1972. Entitled “Sammy’s Visit”, the episode stages the encounter between Archie Bunker and the celebrity Sammy Davis, Jr. (both black and Jewish), who leaves his briefcase in Archie’s cab and later comes to Archie’s house to pick it up. Archie is

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star-struck, and the more he tries to claim a pro-black outlook and prove that he is not prejudiced, the more he puts his foot in his mouth. At the end, as Sammy is leaving, he allows a neighbor to take his picture but insists that Archie pose with him; as the flash goes off, Davis plants a groovy kiss on Archie’s aghast cheek, triggering the longest continuous moment of laughter ever recorded by a live studio audience. But the comic overtones allowed for the most direct discussion of racism in America ever broadcast, kissing away even the unheard-of use of the “n- word” during the episode, and thereby perhaps the clearest illustration of Lear’s method, as stated in his opening disclaimer.

22 It was also in 1972 that Lear created his first of many ethnicoms, going far beyond the early attempts made at NBC. He thus adapted the other gritty britcom for which he had bought the U.S. rights in 1968, and was this time given nearly carte blanche by CBS in light of his success with All in the Family. Steptoe and Son (BBC1, 1962-65, 70-74, 54 episodes) was another landmark British sitcom based on social realism and caustic humor, staging the endless disputes between two extremely impoverished ‘rag and bone men’: the greedy, outspoken, lascivious old man Albert Steptoe (Wilfred Brambell) and his long-suffering ne’er-do-well son, Harold (Harry H. Corbett). Though the main focus was on the generation gap in the 1960’s, there was far less social or political banter than there was in Till Death Us Do Part. For Lear’s adaptation, Sanford and Son (CBS, 1972-77, 135 episodes), Shepherd’s Bush became the Watts ghetto in south-central Los Angeles, and Steptoe Scrap became Sanford Salvage, a junk yard run by overbearing Fred Sanford (Redd Foxx) and his son Lamont (Demond Wilson) (see plate 6).

Plate 6: Lear’s Second Adaptation of a British Sitcom: Steptoe and Son (BBC1, 1962-65, 70-74, 54 ep.) and Lear’s Sanford and Son (CBS, 1972-77, 136 ep.)

23 Lear maintained the focus on a very vocal clash of generations, but he injected far more talk of controversial social issues than in its British model, though less than in All in the Family, as most social controversy was limited to the plight of blacks in the ghetto and Sanford’s mistrust of whites. Lear basically gave us a dirt-poor, black stand-in for Archie Bunker, and his choice of the notoriously loud- and foul-mouthed comic Redd Foxx for the role (the anti-Bill Cosby at the time) was the key to the show’s long- running success.

24 Similarly, Lear would immediately start to create spin-offs of his now trademark All in the Family so as to further widen the scope of his go-for-the-jugular approach to social issues through comedy (see plate 7). Thus, Edith Bunker’s cousin, Maude Findlay (Bea Arthur), from Westchester, New York, was given her own show, Maude (CBS, 1972-78, 141 episodes). Maude had been Archie’s most formidable sparring partner on her visits, as she was a middle-aged, upper-middle-class, out-spoken, quick-witted, domineering über-liberal feminist on her fourth husband, who, especially on her own show, had no

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qualms about speaking out in favor of abortion, gay rights and civil rights for all minorities. The show was, obviously, nearly as controversial as All in the Family, and nearly as successful, running for six years and 141 episodes, generating its own spin- offs, and making both Bea Arthur and her character Maude Findlay household names.

25 Even more successful than Maude was the second spin-off of All in the Family, in which one of the Bunkers’ neighbors, a loud-mouthed black racist, strikes it rich in the cleaning business and ‘moves it on up’ from Queens to a “deluxe apartment in the sky” (that is, a penthouse apartment in Manhattan’s Upper East Side), as the catchy theme song of The Jeffersons (CBS, 1975-85) reminded us each week. The show would run for an amazing eleven seasons and 253 episodes, staging weekly fights between George (Sherman Hemsley) and his long-suffering but combative wife Weezie (Isabel Sanford), his surly maid Florence (Marla Gibbs), and his socially-conscious son Lionel (Mark Evans), but focusing more on how arrogant, anti-white George had to come to terms with a decidedly white upper-middle-class milieu — and how that milieu dealt with a proud and vocal black man in their midst. To spice things up even more, George had to deal with his neighbors and soon-to-be in-laws — an interracial couple named Tom and Helen Willis (the first ever on an American sitcom), whose son was a black man passing for white and whose daughter was soon engaged to George’s son Lionel. These clashes were at the heart of every episode, although direct discussion of hot social topics did not have quite the scope and variety of All in the Family.

26 Not to be completely outdone by CBS, NBC tried to copy the Lear formula, with a slight twist, with Chico and the Man (NBC, 1974-78), by confronting the conservatism and prejudices of a grouchy old “seventh-generation WASP” named Ed Brown (Jack Albertson) with his sole employee at the garage that he runs in a now black and Hispanic neighborhood in East-Central Los Angeles, the street-smart Mexican- American Chico Rodriguez, played by the extremely popular Hispanic comic, Freddie Prinze. The outspoken and prejudiced Ed Brown had to come to terms with the fact that his neighborhood was no longer white and had become a ghetto/barrio, and that his only friends and neighbors were now either black or Hispanic. The show was a hit and could have had as long a run as Lear’s sitcoms, but the star-actor Freddie Prinze’s tragic drug-induced suicide put an end to the show after four seasons and 88 episodes.

Plate 7: All in the Family Spin-offs and Look-alikes: Maude (CBS -1972-78, 141 ep.), The Jeffersons (CBS, 1975-85, 253 ep.), and Chico and the Man (NBC, 1974-78, 88 ep.)

27 Thus, the main ingredient for these successful social-awareness sitcoms by Lear and other producers of what we have called the ‘second wave’ was the showcasing of loud- mouthed bigots of all creeds (Archie Bunker, George Jefferson, Ed Brown and Fred

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Sanford) and a few loud-mouthed liberals thrown in for good measure (Maude Findlay and Mike Stivic, for example). Collectively, these shouting matches would echo deep within the American viewer’s own psyche, with the bigotry of this team of loud-mouths progressively ringing hollow, outdated and finally ridiculous. Also, as the programs lasted for so many years, viewers witnessed a reluctant but undeniable change occur in such characters over time, as each came to accept the new face of American society, in spite of his protests. Thus, Fred Sanford’s bigotry fades as the father-and-son bond grows, Ed Brown will come to see Chico as a son and cry a father’s tears at his death, George Jefferson will defend even his white friends and in-laws tooth-and-nail, and Archie Bunker will, after Edith’s death, open a bar, in which both staff and customers all hail from the minorities against whom he so long was prejudiced and who become his surrogate family.

The New Ethnicom

28 The third and final wave of this movement would in many ways be a more timely and successful return to the first, as the racially charged shouting matches of the Lear- dominated second wave had effectively cleared the air, and cleared the path for a more equitable treatment of minorities in the sitcom landscape (see plate 8).

29 It would again be the Lear-Yorkin team that set this in motion, through a spin-off of Maude (itself a spin-off of All in the Family) called Good Times (CBS, 1973-79, 133 episodes). The two main writers for the program, for the first time, were themselves African- Americans — Eric Monte, who based the show on his own childhood, and Mike Evans, who was the young actor who played George’s son Lionel in both All in the Family and The Jeffersons — and it was the story of matriarch Florida Evans (Esther Rolle), Maud Findlay’s former maid, who did her best to keep her family together in a mock-up of the destitute Cabrini-Greene housing projects in Chicago. The family included her gambling-addicted and chronically unemployed husband James (John Amos), her promiscuous and saucy daughter Thelma (Bern Nadette Stanis), her goofy starving- artist elder son J.J. (Jimmy Walker), and her younger, socially conscious son Mike (Ralph Carter). The series was a successful attempt to make a traditionally structured sitcom with an all-black family for a black and white audience, and to use the familiar format to enhance awareness of the plight of poor blacks in America and of noted differences in African-American culture and language. Early seasons often dealt with very controversial subjects, typical of the Lear label (e.g. gang violence, racial profiling, alcoholism and drug abuse), but the most vocal complaints about society’s unfair treatment of minorities came from the character of young Michael Evans, a budding militant (who, as a mouthpiece for controversial topics, was even named after the show’s main writer). Audiences thus accompanied young Michael as he fought much like teenagers of any color, against newly discovered unfairness in the world. As the series wore on, however, the treatment of controversial topics faded as the buffoonish antics of the elder brother J.J. and his trademark catchphrase (“Dyn-o-mite!”) stole the show, to such a point that the two adult leads, who were furious about the dumbing- down of the show, were eventually killed off (in the case of James) or left the show (in the case of Florida).

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Plate 8: The Successful Return of the ‘Ethnicom’: Good Times (CBS, 1973-79, 133 ep.) and What’s Happening! (ABC, 1976-79, 65 ep.)

30 As the trend for accepted pluralism continued, the need for controversial debate on sitcoms indeed seemed to subside, as can be seen by black writer Eric Monte and producer Bud Yorkin’s next project, What’s Happening! (ABC, 1976-79, 65 episodes). Completely stripped of any controversial topics, the show instead focused on the ups and down of three African-American high school students (Dwayne, Rerun and Raj) in a rather gentrified version of Watts, Los Angeles — and, in spite of the all-black cast, the plot lines were not race-specific and tended to demonstrate that black and white adolescents were essentially the same. It seems that the Bill-Cosby approach, which had failed so miserably six years earlier, had finally come of age.

31 Similarly, by the mid- to late-1970’s, the ‘happy diversity’ approach that had not made much headway with Room 222 was now readily accepted by the viewing audience (see plate 9). The renewed trend first targeted more adult audiences with the long-running sitcom Barney Miller (ABC, 1975-82, 170 episodes) and the camaraderie that reigned among the multi-ethnic team of detectives at a Manhattan police station. In every episode, an Asian, a Polack, a Negro, a Jew, an Italian, an Irishman and a Puerto-Rican walked into the precinct room — and although that may sound like the opening line to some racist joke, it was not. All were on equal footing, all were equally quirky and funny, and racial tension never reared its angry head.

32 For younger audiences, there was Welcome Back, Kotter! (ABC, 1975-79, 95 episodes) and the long-running sister-shows Diff’rent Strokes (NBC and then ABC, 1978-1986, 189 episodes) and The Facts of Life (NBC, 1979-87, 201 episodes) (see plate 9). In the first, Gabe Kotter (played by comedian Gabe Kaplan) returns to Brooklyn to teach history and life-lessons to problem students (known as the “sweat-hogs”) at a local high school, a zany group of underachievers that included an African-American (Freddy ‘Boom-Boom’ Washington), a Puerto-Rican (Juan Epstein), a Jew (Arnold Horshack) and a slow-witted Italian-American (Vinnie Barbarino — the role that launched the career of John Travolta). Similarly, in The Facts of Life, Edna Garret (Charlotte Rae) teaches comparable life-lessons to her young wards at the all-female Eastland Boarding School in Peekskill, New York. Though there is a mix of races and ethnicities among the girls, the cross- section is more one of wealth and class, from the snobbish rich-kid Blair Warner down to the street-wise bad-girl ‘Jo’ Polniaczek. In both cases, a more simplistic and didactic approach to teaching tolerance, fairness and acceptance was the driving force of the program, both using a school setting as a backdrop for life lessons (as Room 222 had attempted to do so many years earlier). Controversial topics, when they did crop up,

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were more in line with universal teenage problems. Diff’rent Strokes, the theme song of which was itself a catchy ode to pluralism and tolerance, just as the spelling of the title was an attempt to emulate African-American dialect, is perhaps the most obvious example of how previously failed methods of “happy diversity” and kid-friendly (though often naïve) didacticism had finally found their moment and their audience. The premise of the program is well-known to all — rich white widower Philip Drummond (Conrad Baine, formerly of Maude) adopts and raises two young Harlem- bred, African-American orphans (Arnold, played by Gary Coleman, and Willis, played by Todd Bridges), along with his own (white) teenage daughter Kimberly (Dana Plato), in a deluxe Park Avenue penthouse apartment maintained by a series of motherly house- keepers (the first of which was Charlotte Rae, before her character Edna Garret left for her own show, The Facts of Life, early in the second season). Though the premise seemed ground-breaking — that of “one big happy family” composed of people of different races, different upbringing, and different social classes — the show rarely dealt with profound social issues and instead sought to focus on providing a more simplistic example of “happy diversity” for American viewers, it was hoped, to emulate. These shows all ran well into the 1980’s, when the more antagonistic Lear method of what we have called the ‘second wave’ had all but disappeared.

Plate 9: ‘Happy Diversity’ and Teaching Tolerance: Barney Miller (ABC, 1975-82, 170 ep.), Welcome Back, Kotter! (ABC, 1975-79, 95 ep.), Diff’rent Strokes (NBC/ABC, 1978-86, 189 ep.), and The Facts of Life (NBC, 1979-87, 201 ep.)

33 Thus, though Norman Lear’s Tandem Productions had a hand in producing Diff’rent Strokes and The Facts of Life, by the early 1980’s it seemed that America had moved past its need for his trademark display of full-frontal conflicts and self-diffusing bigotry. The 1970’s will thus forever be remembered as the reign of King Lear, and although he would return with other radical sitcom ideas in later years — such as the interactive sitcom The Baxters (syndicated, 1979-81), in which the sitcom portion lasted only fifteen

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minutes, after which the cameras turned on the studio audience for an open debate on the controversial topic of the day, or 704 Hauser (CBS, 1994-95), in which a married couple, both aging black liberals, move into Archie Bunker’s old house and have heated arguments with their son, a black conservative, and his fiancée, a white, conservative Jew, thereby giving us a 180° spin-off of All in the Family — these programs never found an audience, and America seemed to have moved past its need for Lear’s hard-hitting formats.

Conclusion & Echoes Today

34 There were thus three distinct phases to the dominant social-awareness sitcoms of the 1970’s, with the second phase, under the reign of King Lear and Queen Mary, most effectively and permanently changing America’s television landscape and national identity, by rooting out the evil so as to move past it. Through their groundbreaking sitcoms, their numerous spin-offs and lookalikes, and spin-offs of those same spin-offs, the top-ranked programs of the decade formed a dense network that transmitted social awareness and tolerance through the Trojan horse of laughter and forced America to accept its changing identity (see plate 10).

Plate 10: The New Face of America: Some TV Guide covers from the 1970’s

35 And along with this shift from escapism to pertinence and actuality came the shift from rural to urban landscapes and demographics that Silverman had first initiated at CBS, with most of the top shows in the 1970’s, on all three networks, taking place in ghettos or working-class neighborhoods in or around New York, Chicago or Los Angeles (even if, with the live-studio-audience format that was a hallmark of Lear sitcoms, actual location shots of those cities were limited to the opening themes and closing credits). In terms of story-telling, with these programs dealing with social and family problems

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that were not meant to be resolved in one episode, shows like All in the Family and The Mary Tyler Moore Show were also the first to develop story-lines that continued throughout the season, or from season to season, though it was still a far cry from the well-wrought continuous plots of many of today’s programs.

36 One might indeed say that these programs of the 1970’s broke so many glass ceilings that we have yet to sweep up all of the broken glass, and that they opened the path for the more readily accepted diversity we find in today’s sitcoms and dramatic series. Echoes of these same breakthrough programs are all around us today, particularly on current American television programs, as these characters of the 1970’s have become archetypes and common references in American popular culture. Thus, “George Jefferson” and its theme song “Movin’ On Up” are common television references to a minority member who goes from rags to riches, as illustrated, for example, in Breaking Bad (AMC, 2008-2013), when Walt’s brother-in-law Hank, a DEA agent, compares a street-dealer turned kingpin to George Jefferson (01.04), or when Darryl on The Office (NBC, 2006-2013) sings the theme song when he gets promoted (06.18), or when wheelchair-ridden Artie on Glee (Fox, 2009-present) tells his classmates to call him George Jefferson, because his modest show-choir had just won Nationals (03.22). Similarly, in an episode of How I Met Your Mother (CBS, 2009-present), Barney’s questionnaire to see if Canadian-born Robin qualifies for American citizenship includes a question on George Jefferson (05.05), demonstrating how much the character is a part of American identity (see plate 11).

Plate 11: Echoes in Today’s Series I: References made in Breaking Bad (01.04), The Office (06.18), Glee (03.22) and How I Met Your Mother (05.05)

37 As for the name “Fred Sanford”, it can refer to someone living in junkyard-like squalor [as in episode 11 of season 6 of Gilmore Girls (WB/CB, 2000-2007)], being sloppy (as when Chandler discovers that Monica is a ‘secret slob’ on Friends [(NBC, 1994-2004), 08.14], being a verbally abusive father (as when Jack pretends to be Tracy’s father during a therapy session on 30 Rock [(NBC, 2006-2013), 02.04], or simply someone who would go as far as faking a heart attack to get attention [as little Billy does on Freaks and Geeks (NBC, 1999-2000), 01.12] (see plate 12).

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Plate 12: Echoes in Today’s Series II: References made in Gilmore Girls (06.11), Friends (08.14), 30 Rock (02.04) and Freaks & Geeks (01.12)

38 Similarly, Mary Richards/Mary Tyler Moore will forever be the archetype of a strong, independent, self-sufficient woman, which is why she is the object of ’s wild sex fantasy in episode 12 of season 3 of The Wire (HBO, 2002-2008) – though his partner Ellis insists that he could not even get sexual favors from Weezie Jefferson. It is also why, in episode 7 of the last season of Queer as Folk (Showtime, 2000-2005), Emmet throws his hat in the air when Justin declares that he is going to “make it on [his] own,” a wink at Mary’s famous hat-toss during the opening credits of her show. Along the same lines, a “Maude” will always be an indomitable feminist, which is why C.J. quotes the theme song when confronted by such a feisty politician in episode 14 of season 6 of The West Wing (NBC, 1999-2006), and calling someone “Kotter”, as Jesse does when he first meets Walt in the pilot of Breaking Bad, refers to a well-meaning, liberal teacher trying to help out underprivileged kids (see plate 13).

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Plate 13: Echoes in Today’s Series III: References made in The Wire (03.02), Queer as Folk (05.07), The West Wing (06.14) and Breaking Bad (01.01)

39 Even comparatively minor characters from these 1970’s sitcoms have become part of the public consciousness, which is why, in the first season of House, M.D. (Fox, 2004-2012), Dr. Foreman confesses that his high school nickname was “Rerun” (01.16), and why on Lost (ABC, 2004-2010), Sawyer calls Hurley “Rerun” when he catches him secretly eating chocolate (02.14), both in reference to the obese but jovial black teen on What’s Happening! Similarly, a “Tom and Helen Willis” (a reference to George Jefferson’s neighbors and eventual in-laws on The Jeffersons) will forever denote an interracial couple, as it does in an episode (08.07) of Will and (NBC, 1998-2006), which features a gay interracial couple as recurring secondary characters. Finally, calling someone a “Ted Baxter” (the role played by Ted Knight on The Mary Tyler Moore Show) will always refer to a brainless journalist, as it does in another quip by C.J. on The West Wing (02.21) (see plate 14).

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Plate 14: Echoes in Today’s Series IV: References made in House, M.D. (01.16), Lost (02.14), Will and Grace (08.07) and The West Wing (02.21)

40 Of course, the biggest archetype of them all is Archie Bunker — for a loud-mouthed, uneducated, reactionary bigot — which is why the popular animated sitcom Family Guy (Fox, 1999-present) is an irreverent, post-modern parody of All in the Family, right down to the nostalgic theme-song with Peter and Lois at the piano and the black neighbor (Cleveland) who moves away to have his own (albeit animated) ethnicom just like George Jefferson did, and why outspoken conservative radio and television commentators Rush Limbaugh and Glenn Beck are constantly being called today’s “Archie Bunkers”. All of this clearly goes to show, if we were not convinced already, that today’s television world was truly built upon the breakthrough sitcoms of the 1970’s and not simply after them.

BIBLIOGRAPHY

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DUCRAY Amandine, “Take Me Back to Dear Old Blighty? Déplacements, hybridation et oscillation identitaires dans les séries humoristiques à contenu ethnique à la télévision outre-Manche

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NOTES

1. Darrell Y. Hamamoto, Nervous Laughter: Television Situation Comedy and Liberal Democratic Ideology, New York, Praeger Publishers, 1989, p.90. 2. Robert Lewis Shayon, “Changes”, Saturday Review 53, April 1970, p. 46. 3. Darrell Y. Hamamoto, Nervous Laughter…, p.91; see also Joseph R. Dominick and Bradley S. Greenberg, “Three Seasons of Blacks on Television,” Journal of Advertising Research 10 (1970), p.·27. 4. Note that Bill Cosby’s signature color-blind approach would hit the mark much later, for after spending most of the 1970’s biding his time with his Saturday morning animated series on life in the ghetto, Fat Albert and the Cosby Kids (CBS, 1972-85), he would return with the most successful sitcom of the twentieth century, The Cosby Show (NBC, 1984-92), the premise of which was precisely that of an African-American family believably and endearingly living the upper-middle- class lifestyle traditionally associated with whites. 5. Gary R. Edgerton, The Columbia History of American Television, New York, Columbia University Press, 2007, p. 274-75. 6. These earlier working-girl sitcoms that focused on school-teachers included the radio-show- turned-sitcom Our Miss Brooks (CBS, 1952-56), starring Eve Arden as an outspoken English teacher, as well as the above-mentioned Room 222, starring Karen Valentine. 7. Though Till Death Us Do Part was a comical venue for heated political discussions, matters of racism and diversity were rarely the main focus. For in-depth studies of the representation of minorities and diversity in British sitcoms, see Amandine Ducray’s book-length study of the phenomenon [Les Sitcoms ethniques à la télévision britannique de 1972 à nos jours : jusqu’à ce que l’humour nous répare, Paris, Harmattan, 2009], as well as her 2012 article “Take Me Back to Dear Old Blighty? Déplacements, hybridation et oscillation identitaires dans les séries humoristiques à contenu ethnique à la télévision outre-Manche (1972-2011),” TV/Series, vol. 2 (Nov. 2012): http:// www.univ-lehavre.fr/ulh_services/Numero-2-Issue-2-novembre-2012.html 8. The Honeymooners was a landmark American sitcom that aired on CBS from 1955 to 1956, based on a popular done by Gleason between 1951 and 1955 on the Dumont Network’s Cavalcade of Stars and on CBS’s The Jackie Gleason Show. The show was set in a run-down apartment in Brooklyn and revolved around four characters: Ralph Kramden (Jackie Gleason), a hot-headed bus driver whose get-rich-quick schemes never pan out; his long-suffering but quick-witted wife, Alice (Pert Kelton, then Audrey Meadows); his best friend and upstairs neighbor, Ed Norton (Art

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Carney), a dimwitted sewer worker; and Ed’s somewhat prudish wife, Trixie (Joyce Randolph). In only 39 episodes, the program set the standard for working-class family-based sitcoms, has inspired dozens of later television shows and characters [even in animation, as the popular cartoon The Flintstones (ABC, 1960-66) is simply a transposition of the sitcom into pre-historic times], and has become a permanent part of contemporary American culture, notably through the continued popularity of the program through late-night reruns. 9. Ken Bloom and Frank Vlastnik, Sitcoms, New York, Black Dog & Leventhal, 2007, p. 19. 10. Aronstein, AJ, “All in the Family and the First Gay Sitcom Character,” Splitsider (May 30, 2012): http://splitsider.com/2012/05/all-in-the-family-and-the-first-gay-sitcom-character/ 11. “Richard Nixon on Civil Rights,” ‘On the Issues’ Website, consulted in May 2012, http:// www.ontheissues.org/celeb/Richard_Nixon_Civil_Rights.htm. This site now posts only a short excerpt of the Watergate tape in question. For the full transcript of Nixon’s comments on this episode of All in the Family, and for a more detailed analysis of the impact and influence of All in the Family on American culture and identity, see my article “‘Those Were the Days…’: All in the Family and the ‘Primetiming’ of U.S. Diversity and Counterculture” in the online review E.O.L.L.E. Vol. II, n°4 (Dec. 2012): http://www.univ-lehavre.fr/ulh_services/NUMERO-4.html. The original audio from the Watergate tape #498-005 can also be consulted at the following Youtube address: http://www.youtube.com/watch?v=TivVcfSBVSM. 12. Don Fulsom, Nixon’s Darkest Secrets: The Inside Story of America’s Most Troubled President, New York, Thomas Dunnee Books, 2012, pp. 48-75.

ABSTRACTS

When looking back at the popular American situation comedies of the 1970’s, one notices a vast network of programs aimed at framing social discourse and at helping America come to term with its own, changing image. This was done through a restaging of the political and social ills of the generation as comedic teleplays, thereby using laughter as a vehicle towards social awareness and unwitting change or personal growth, and by recycling popular (and unpopular) clichés and stereotypes (the bigot, the racist, the bleeding-heart liberal, the closed-minded conservative, the touchy feminist, etc.) so as to undermine them while appearing to reinforce them. As this paper will demonstrate, situations used in these situation comedies were often adaptations of lesser known British television programs (as is the case with Norman Lear’s long-running series All in the Family and Sanford and Son), or of landmark films and plays pointing to new social norms (as with Robert Gutchell’s Alice or James Komack’s The Courtship of Eddie’s Father). One also notes that these recycled and reworked premises were in turn recycled and reworked into numerous spin- offs, and even spin-offs of spin-offs, thereby weaving a thick network of popular television programming that attempted to depict every facet and variation of the changing face of American society and to help Americans accept that new face while unabashedly laughing at it. Thus, these television comedies reflected, framed and fed social discourse in the 1970’s. Racism, ‘reverse racism’, religious bigotry, anti-Semitism, draft-dodging, anti-government protest, women’s rights, divorce, and even rape — no topic was too controversial to be treated in the most direct and often vehement of manners in this hard-hitting new breed of sitcom. One could argue that American sitcoms have never been as politically incorrect or socially aware as they were some forty years ago, yet it is also undeniable that current programming owes a great deal to these ground-breaking sitcoms of the 1970’s. Thus, as a closing point, it is important to note how

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these programs have served as a palimpsest and a common set of references for today’s TV series, and to show how much contemporary ‘breakthrough television’ owes to the Archie Bunkers, Fred Sanfords and Mary Tyler Moores of the 1970’s.

Lorsqu’on réexamine les sitcoms américaines en vogue pendant les années soixante-dix, on voit un réseau vaste d’émissions destinées à encadrer le discours social et à aider l’Amérique à se réconcilier avec sa propre image en évolution. Ceci a été accompli par une remise en scène des maux politiques et sociaux de la génération en tant que comédies télévisées, utilisant ainsi le rire comme un véhicule menant vers une conscience sociale, un changement involontaire ou l’épanouissement personnel, et en recyclant les clichés et les stéréotypes répandus (et non répandus, par exemple le bigot, le raciste, le gauchiste trop sensible, le conservateur fermé d’esprit, la féministe susceptible, etc.) afin de les ébranler tout en simulant leur renforcement. Comme cet article le démontrera, les situations utilisées par ces sitcoms sont souvent des adaptations des séries britanniques moins connues (par exemple, le cas de la série de longue durée de Norman Lear All in the Family et Sanford and Son), ou des films et pièces de théâtre phares qui montrent de nouvelles normes sociales (par exemple, Alice de Robert Gutchell ou The Courtship of Eddie’s Father de James Komack). On observe aussi que ces prémisses recyclées et retravaillées ont été recyclées et retravaillées à leur tour dans de nombreux spin-offs et même des spin-offs des spin-offs, tissant ainsi un réseau dense de programmation populaire qui a tenté de représenter chaque aspect et variation de l’évolution de la société américaine et d’aider les Américains à accepter leur nouveau visage tout en riant de celui-ci sans vergogne. Ainsi, ces comédies télévisées reflètent, encadrent et nourrissent le discours social pendant les années soixante-dix. Le racisme, le ‘racisme inversé’, la bigoterie religieuse, antisémitisme, l’évasion du service militaire, les manifestations antigouvernementales, les droits des femmes, le divorce et même le viol — aucun sujet n’était trop controversé pour être traité de manière directe et souvent véhémente dans cette nouvelle génération percutante de sitcoms. On pourrait soutenir que les sitcoms américaines n’ont jamais été aussi politiquement incorrectes et socialement conscientes qu’elles l’étaient il y a quarante ans ; or, il est également incontestable que la programmation actuelle doit beaucoup à ces sitcoms révolutionnaires des années soixante-dix. Ainsi, comme point final, il est important d’observer comment ces séries servent de palimpseste et de puits de références pour les séries télévisées d’aujourd’hui, et de montrer combien la « breakthrough television » d’aujourd’hui doit aux Archie Bunkers, Fred Sansfords et Mary Tyler Moores des années soixante-dix.

INDEX

Keywords: Tyler Moore Mary, Lear Norman, adaptation, cliché, gender, ethnic minority, political incorrectness, sitcom, spin-off Mots-clés: Tyler Moore Mary, Lear Norman, adaptation, cliché, genre, minorité ethnique, politiquement incorrect, sitcom, spin-off

AUTHOR

DENNIS TREDY Dennis Tredy is an associate professor of American Literature at the Université de Paris III- Sorbonne Nouvelle. He is co-founder of the ESJS (European Society of Jamesian Studies) and is the main volume editor of two recent books on Henry James: Henry James and the Poetics of Duplicity (2013) and Henry James’s Europe: Heritage and Transfer (2011). In addition to his publications on

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James and on other American novelists (including Steinbeck, Nabokov and Capote), Dennis Tredy has published studies of film adaptations of the works of Henry James, as well as a recently published study of the film adaptations of the stories of Edgar Allan Poe [“From The House of Usher to The Louse of Usher: Expansion Techniques in Film Adaptations of the Works of Edgar Allan Poe in the 1960’s and Today,” Interfaces (Expanding Adaptations), n°34, 2013]. His recent work on TV series has centered on the representation of American culture, diversity and counter-culture in the 1960’s and 1970’s.

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Skins, de la série britannique à la série américaine : la reprise de la figure du jeune musulman

Florence Cabaret

1 Si la reprise de Skins (E4, 2007-2013) par MTV en 2011 1 s’est finalement limitée à une seule saison, c’est parce que la chaîne et la transposition américaine de la teen series britannique ont été l’objet d’attaques virulentes émanant du Parents Television Council, dont l’objectif affiché est de protéger les spectateurs de moins de 18 ans de toute image et de tout dialogue susceptible de causer du tort au « bon » développement moral des jeunes américains2. Les accusations de dévoiement du jeune public exposé à des scènes affichant sexualité, consommation de drogue ou d’alcool et dialogues hauts en couleurs, mais aussi la menace d’intenter un procès à MTV pour avoir fait tourner partiellement nus des acteurs mineurs3 ont ainsi coupé court à cette transposition américaine d’une série très populaire en Grande-Bretagne. Ce relatif scandale à propos de l’immoralité de Skins aurait pu nous détourner d’une autre caractéristique de la transposition de la série, qui concerne l’adaptation américaine dont a fait l’objet le personnage d’Anwar Kharral, jeune habitant de Bristol comme tous les amis de la bande dont il fait partie, lycéen lui aussi aux prises avec les multiples aventures adolescentes relatées dans la série. Dans ce groupe volontairement composite (comme on en trouve souvent dans les teen series), Anwar Kharral n’est pas seulement ce garçon embarrassé par son inexpérience sexuelle et particulièrement obnubilé par la perspective de « la première fois ». En cela, il pourrait en effet ressembler à , le meilleur ami du leader Tony. Dans le premier épisode de la série, Tony appelle chacun sur son téléphone portable afin de mettre en place un dispositif qui permettrait à Sid le timide de perdre sa virginité. Mais, dans ce même épisode, Anwar, qui n’est certes pas aussi proche de Tony que Sid, nous est présenté en pleine prière à la mosquée dès sa première apparition (voir figure 1), ce qui reprend la présentation qui était faite de son personnage sur le site officiel de E4 :

Anwar’s family wants him to study the Koran; not drink, not smoke, not gamble, not listen to decadent music, not have sex, not take drugs.

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Unfortunately, Anwar likes Tequila, dope, pills, Lupe Fiasco, breasts and X Factor4.

2 Cette mise en avant de son appartenance religieuse et de l’obstacle majeur qu’elle promet de constituer au cours de sa quête de jeune adulte en devenir se retrouve quasiment à l’identique sur le site de MTV dans le portrait qui est proposé d’Abbud Siddiki, équivalent d’Anwar dans la version américaine de la série (voir figure 2) :

His parents want him at the mosque praying. No drinking. No drug. No sex. But Abbud likes dope, girls, and rock and roll. That’s what he likes but what he loves is his best friend – which makes things a little hard on the friendship5.

Fig. 1

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Fig. 2

3 Dans les deux séries, Anwar/Abbud est le seul personnage qui soit ainsi présenté par le biais de son appartenance religieuse6. L’islam constituerait ainsi le trait distinctif de ce personnage au sein d’un groupe imaginé par les concepteurs de la série, désireux de proposer une variété de types psychologiques et sociaux représentatifs des jeunes adolescents de la classe moyenne de Bristol/d’une grande ville américaine7. Il est intéressant de noter que ce ne sont pas les origines ethniques de ces personnages qui les distinguent et que, dans les deux cas, la catégorie « Asian »/ » Indo-Pakistani » a été implicitement remplacée par la catégorie « Muslim » ― on remarque d’ailleurs que le terme n’est jamais employé dans les deux portraits de E4 et de MTV, qui préfèrent avoir recours aux deux métonymies que sont le Coran et la mosquée. Si, donc, la série est loin de reproduire les clichés véhiculés par la télévision des années 1960 et 1970 et dénoncés par Stuart Hall dans ses premiers travaux8, on pourra tout de même s’interroger sur la caractérisation de ce jeune homme qui infléchit clairement la perception que nous en avons en associant sa couleur de peau à une identité musulmane9. Ainsi, nous verrons d’abord comment la dimension provocatrice et ludique de la série utilise cette caractéristique religieuse pour renforcer l’idée qu’Anwar/Abbud est lui aussi un jeune en butte à ses parents, si bien que son appartenance religieuse ne servirait pas tant à le stigmatiser comme potentiel ennemi de l’intérieur qu’à l’intégrer dans ce groupe où les familles des uns et des autres font partie des obstacles « comiques » à franchir. Si les deux séries semblent suivre la même ligne concernant l’idée que l’islam n’empêcherait pas Anwar/Abbud d’être un jeune Britannique/Américain comme les autres membres du groupe, elles optent pour des choix différents sur deux éléments, qui les font alors diverger. Ainsi, dans Skins GB, le meilleur ami d’Anwar est un garçon, Maxxie, dont l’homosexualité sera finalement mise en cause par Anwar au nom de l’islam alors que, dans Skins US, Abbud a une meilleure amie, Tea, dont l’homosexualité ne fera l’objet d’aucune critique imputée à l’islam ― où l’on verra que le fait de passer d’un ami garçon à une amie fille contribue à cette relative neutralisation du discours musulman

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sur cette orientation sexuelle. Enfin, l’épisode qui met en scène un voyage scolaire à l’étranger donne lieu dans chaque série à une arrestation pour soupçon de terrorisme du jeune musulman, dont la différence de traitement par les autorités et par ses camarades interroge les différences de représentations des rapports entre islam et terrorisme tels qu’ils ont pu être perçus à cette époque en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

4 De manière générale, le scénario de l’épisode 1 de Skins GB et de Skins US est très semblable : après avoir assisté au réveil de Tony, nous le voyons appeler tous ses amis un par un pour qu’ils contribuent à sa dernière idée du moment – comment permettre à son meilleur ami Sid/Stanley d’avoir sa première relation sexuelle. Cet épisode permet ainsi de présenter tous les personnages de la bande, d’indiquer les relations qu’ils entretiennent, de les hiérarchiser aussi. La sonnerie du téléphone portable qui retentit dans la poche d’Anwar/Abbud au moment où il s’incline vers son tapis de prière au milieu des autres pratiquants apparaît comme un des nombreux éléments de comique de l’épisode et de la série. Il n’est pas sans rappeler à chaque propriétaire de téléphone portable la gêne et les sourires provoqués par l’incongruité d’une telle sonnerie à un moment inopportun : ici, la connivence avec la quasi-totalité des spectateurs dépasse le cadre du rituel religieux. On peut toutefois penser que la perception de l’irrévérence particulière de ce coup de fil interrompant un moment sacré est comprise par tous, ce qui explique en partie la position d’Anwar/Abbud dans l’ordre de présentation des personnages, comme si elle venait couronner ce passage en revue. Elle conclut une dernière fois sur le peu de considération de Tony pour l’univers des autres mais interpelle aussi le spectateur qui peut se demander si la religion, et en particulier l’islam, ne va pas être un objet de ridicule trop facile dans la série. Cette scène indique enfin clairement qu’au-delà des vêtements de prière traditionnels, ces deux jeunes hommes sont équipés des mêmes objets technologiques que leurs contemporains et que, si on devait encore en douter, ils ne sont pas moins à la page que leurs pairs. Enfin, la surprise provoquée par la sonnerie intempestive et la manière dont Anwar et Abbud se font gronder comme des enfants par le responsable de la prière nous rappelle aussi que, dans les deux séries, Tony contrôle son petit monde depuis le début de l’épisode, sans discrimination aucune : son père, qu’il empêche d’accéder aux toilettes de sa propre maison en « l’enfermant » à l’extérieur de la salle de bain, et l’ensemble de ses amis, qu’il tire du sommeil ou de leurs activités matinales, qu’elles soient sportives ou religieuses. La dimension irrespectueuse du dernier appel fait donc écho à l’impertinence dont Tony a fait preuve d’entrée de jeu en défiant l’autorité paternelle. Il se trouve juste à un stade plus avancé que les autres dans l’art de la provocation puisqu’il ne se fait ni tirer l’oreille ni chapitrer comme Anwar et Abbud, ici présentés comme ceux sur qui la pression des adultes pèse le plus, au sein d’une communauté (religieuse) où la surveillance des plus jeunes dépasse le cadre de la famille proche.

5 Toutefois, la suite de chaque série va en partie invalider cette première perception dans la mesure où la référence visuelle à l’islam sera nettement estompée. Tel est le cas en particulier des vêtements, plus prompts à s’uniformiser dans la version américaine que dans la version britannique. Dans cette dernière, Anwar porte une longue tunique blanche et un calot blanc, calot que l’on reverra une seule fois, au début de l’épisode 2, tandis que sa tunique est progressivement rentrée dans son pantalon et ressemble à n’importe quelle chemise blanche au fur et à mesure que la consommation d’alcool s’accentue lors de la première soirée montrée dans la saison 1 qu’il nous est donné de

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voir dans la saison 1 (voir figure 3). À l’inverse, dès le premier épisode de Skins US, Abbud ne porte que le calot (voir figure 2) ; il s’en débarrassera très vite et ne le remettra plus jusqu’à la fin de la saison (voir figure 4).

Fig. 3

Fig. 4 : à droite, Abbud

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6 De fait, les deux jeunes gens sont présentés sans aucun signe ostentatoire religieux tant sur le site d’E4 que sur le site de MTV (voir figures 5 et 6), confirmant visuellement l’idée qu’ils ne sont pas assujettis à une pratique religieuse particulièrement exigeante et que, d’un point de vue vestimentaire, ils se fondent aisément dans leur groupe, comme l’indiquent aussi les photos de promotion de chaque série (voir figures 7 et 8).

Fig. 5

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Fig. 6

Fig. 7 : Anwar, 1er à gauche

Fig. 8 : Abbud, 3e à gauche

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7

8 Dans les deux cas, les séries nous disent que l’appartenance à l’islam n’a pas empêché ces deux garçons de fraterniser avec un groupe de jeunes gens qui n’ont de lien avec aucune religion particulière. Les deux séries soulignent aussi leur familiarité avec les codes de ce groupe majoritairement blanc et, globalement parlant, de culture chrétienne : ils ne cherchent pas à s’associer à d’autres jeunes issus de leur culture religieuse et semblent se reconnaître parfaitement dans la culture suburbaine de classe moyenne blanche de leur bande. L’islam donne l’impression d’être normalisé comme une contrainte parmi d’autres, pour deux personnages qui sont d’abord « jeunes » avant d’être « musulmans » et pour qui l’islam est plus une culture parentale et familiale avec laquelle négocier des passages à l’acte et des découvertes qu’une pratique personnelle pleinement revendiquée. Malgré tout, les portraits des sites de E4 et de MTV annonçaient des conflits suscités par cette appartenance religieuse. Mais il s’avère que ces conflits ne vont pas émaner tant des parents que de la manière dont le personnage d’Anwar va utiliser l’islam pour se protéger de ce qu’il perçoit comme une menace à l’encontre de son hétérosexualité (mais pas Abbud : nous allons voir pourquoi), ou de la manière dont chaque bande va utiliser l’image post 11 septembre 2001 et post juillet 2005 du musulman comme ennemi intérieur pour réduire plus ou moins durablement leur ami à ce stéréotype.

9 S’agissant de l’utilisation qu’Anwar fait de l’islam pour soudain condamner l’homosexualité bien connue de son meilleur ami Maxxie, on constate que cette accusation est rendue possible par le maintien certes discret mais réel de la référence à l’islam dans la série britannique plus que dans la série américaine. En effet, dans Skins GB, l’épisode 2 propose dès les premières minutes un plan sur Anwar alors qu’il prie dans la cour privée de la maison des parents de où tout le groupe a fini la nuit après une soirée mouvementée (voir figure 9).

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Fig. 9

10 Alors que les autres dorment encore et ne peuvent le voir se livrer à cette prière, il est découvert par Cassie, personnage lunaire et fantasque dont l’anorexie semble le symptôme de sa difficulté à s’ancrer dans la réalité du monde environnant. Cassie explique alors à Anwar combien elle est admirative du lien privilégié qu’il entretient avec ce dieu qui sait tout de lui. À l’inverse, Anwar lui confie qu’à ses yeux, une telle omniscience est trop envahissante et trop embarrassante. Cette scène n’est absolument pas reprise dans l’épisode 2 de Skins US, qui se démarque ainsi très vite du scénario des épisodes de la série originale. Mais, pour revenir à cette courte scène, elle témoigne de ce que les créateurs de la série britannique ont tenu à montrer assez tôt dans la saison que l’islam n’était pas qu’une contrainte collective comme on pouvait se l’imaginer dans l’épisode 1, mais pouvait être l’objet d’échanges entre Anwar et ses amis où se mêlent curiosité et attirance (ici, de la part de Cassie) face à une pratique qui n’est pas dénuée d’interrogations pour celui qui s’engage dans cette voie. Cela nous conforte dans l’idée, sans que la série donne l’impression de s’y attarder réellement, que ses amis ont bel et bien conscience de ce trait distinctif chez Anwar, ce qui nous prépare aussi à la perspective d’un débat interne et intime auquel l’islam pourrait se retrouver mêlé.

11 Tel est effectivement le cas de l’épisode 6 dans Skins GB, où l’homosexualité de Maxxie est l’occasion d’une rupture de son amitié avec Anwar, qui invoque l’islam pour condamner l’homosexualité de son ami et justifier qu’ils ne puissent faire chambre commune lors du voyage scolaire de leur groupe en Russie. Parallèlement, dans l’épisode 6 de Skins US, le fait que la meilleure amie d’Abbud soit une fille ne pose pas la question de savoir s’ils vont faire tente commune (le voyage scolaire ayant pour destination une forêt canadienne) puisque, les principes hétéronormés prévalant dans toute institution scolaire mixte, les garçons et les filles ne peuvent dormir dans le

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même espace. Ainsi, l’homosexualité de Tea ne donne-t-elle pas lieu à un rejet de la part d’Abbud, qui n’a pas à se sentir menacé par une attirance homosexuelle pour Tea (même s’il est bel et bien attiré par elle, mais dans un schéma qui le replace dans une situation plus classique d’hétérosexualité). On comprend alors que, dans Skins GB, le recours à l’islam comme argument qui obligerait Anwar à tenir à distance son ami est une excuse pratique pour dissimuler le fait qu’il identifie Maxxie au stéréotype de l’homosexuel forcément prédateur et séducteur de tout homme qui serait trop proche de lui physiquement. L’islam serait aussi un rempart mettant Anwar à l’abri de ses propres ambivalences vis-à-vis de Maxxie, comme on le voit à plusieurs reprises encore par la suite.

12 Alors que tous ont pris l’avion pour se rendre en Russie, la tête somnolente d’Anwar vient rouler sur l’épaule de Maxxie, qui se moque gentiment de son ami dissimulant tant bien que mal une érection sous un magazine. Anwar prend aussitôt la peine de préciser que ce trouble n’a rien à voir avec la proximité physique de Maxxie et que seules les vibrations de l’avion en sont la cause. Devant le regard appuyé de Maxxie, il abandonne ses tentatives de défense pour se lancer dans une description des paysannes russes avec qui il espère découvrir la sexualité en échange d’une paire de jeans Levi’s ou d’un Big Mac. Plus tard encore, quand les deux garçons découvrent la chambre qu’on leur a attribuée et qu’ils défont leur valise, Anwar feuillette un carnet de croquis de Maxxie. Deux dessins le jettent dans un profond embarras : le premier le représente avec Maxxie alors qu’ils se tiennent par la taille tandis que le deuxième représente un sexe d’homme. S’ensuit une courte séquence hilarante de plans montés en parallèle alternant le visage effaré d’Anwar, sa main qui tire sur la ceinture élastiquée de son pantalon et son visage de plus en plus sidéré à mesure qu’il se demande qui a pu servir de modèle pour ce deuxième dessin. L’enchaînement des plans nous donne à comprendre qu’il pense avoir pu être ce modèle sans en avoir eu conscience. La dispute entre les deux amis éclate juste après, Maxxie lui disant clairement qu’il ne l’a jamais entendu se revendiquer de l’islam pour s’interdire de faire quoi que ce soit et qu’il trouve cette volte-face pitoyable. La confusion d’Anwar retrouve un cours plus hétérosexuel dans la séquence suivante, où il semble faire l’objet d’hallucinations quand, à plusieurs reprises, il croit voir à sa fenêtre une jeune fille en petite tenue fendre du bois dehors. Les plans subjectifs qui nous révèlent cette « apparition » dans le cadre de la fenêtre nous rappellent d’autres moments de la série où nous voyons Anwar fasciné par l’écran de télévision qui alimente ses fantasmes sur les femmes − ce qui laisse un temps planer le doute sur la réalité de ses visions. Mais le trouble d’attirance est repris dans la scène où, la nymphe des bois russe s’étant matérialisée, elle se retrouve enfin au lit avec Anwar et qu’au petit matin, elle regarde avec lui le dessin où les deux amis se tiennent par la taille. On comprend ainsi qu’Anwar a volé cette page du carnet de croquis, reconnaissant implicitement que son attachement à Maxxie est plus fort que ce que l’islam lui commanderait de faire. Rassuré par cette première nuit passée avec une fille, Anwar semble davantage prêt à entendre Anka qui commente le dessin en disant que Maxxie doit vraiment être un bon ami. L’épisode 9, qui clôt la série et qui est consacré à Anwar, renoue cette trame discrètement laissée en arrière-plan pendant les épisodes 7 et 8, où l’absence de dialogue entre Anwar et Maxxie n’est plus au centre et fait place à une focalisation sur Michelle puis , les deux personnages éponymes de ces épisodes, suivant en cela le fonctionnement du découpage narratif de la série.

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13 L’épisode 9 s’ouvre sur un coup de fil de Maxxie, qui interrompt un rêve érotique d’Anwar (écho humoristique de la scène à la mosquée dans l’épisode 1) et place les deux jeunes hommes torse nu dans deux plans successifs. Cette fois, ce n’est plus le dessin de Maxxie qui est posé sur la couverture d’Anwar mais une photo d’Anka. Saisi à l’improviste, Anwar retrouve une certaine spontanéité d’échange avec son ami (qui l’appelle pour lui souhaiter un joyeux anniversaire) et lui dit tout de go qu’il a gâché son rêve de jeunes vierges russes. Alors que Maxxie se moque légèrement de lui en lui disant qu’un bon musulman ne saurait avoir de tels rêves, Anwar lui répond à la fois sérieusement et avec humour en affirmant que c’est tout le contraire (“That’s where you are wrong, Max : that’s all we dream of.”) Où l’on voit que la barrière morale de la sexualité hétérosexuelle et homosexuelle est clairement levée pour l’une et maintenue pour l’autre, dans une remarque où les mille vierges du paradis musulman font l’objet d’une blague indiquant une nouvelle assurance chez Anwar. Celui-ci utilise certes l’islam pour réaffirmer son hétérosexualité et invalider toute tentation homosexuelle mais il le fait avec un humour davantage dirigé contre lui-même et l’ensemble des musulmans que contre Maxxie. La série montre ainsi le chemin parcouru depuis l’épisode 6, ainsi que l’évolution du personnage d’Anwar, qui lui permet de réconcilier son accès à la sexualité, sa pratique de l’islam et sa fréquentation amicale d’un garçon homosexuel. Après un silence où chacun mesure la portée et les implications de cette dernière réplique, Anwar invite Maxxie à passer à sa soirée d’anniversaire. Ce dernier lui rétorque alors qu’il sera obligé d’avouer à ses parents l’homosexualité de son ami Anwar conclut soudainement la conversation après lui avoir déclaré que dix-sept ans, c’était l’âge des vérités (“17 : Time to tell the truth, don’t you think.”) Sans didactisme aucun, Skins GB met donc en scène par touches discrètes la maturation souterraine d’Anwar puisqu’il n’avait plus été question de cette altercation avec Maxxie depuis deux épisodes et qu’elle resurgit ici sur le mode inversé de la main tendue par celui-là même qui l’avait retirée deux épisodes plus tôt. Dans ce dernier épisode, la série réhabilite aussi en partie l’influence des figures parentales en faisant jouer au père d’Anwar un rôle déterminant dans l’aboutissement de la réconciliation des deux amis. Si celui-ci est identifié comme un musulman pratiquant, il est aussi présenté comme un père soucieux de son fils, qui a remarqué la distance qui s’est installée entre Abbud et Maxxie, dont il demande encore des nouvelles le matin même et qu’il s’étonne de ne pas voir le soir de l’anniversaire. Alors que Maxxie reste dehors et n’ose entrer dans la salle des festivités, le père d’Anwar sort pour l’inviter à se joindre à la famille et aux amis réunis, provoquant successivement la confession de l’homosexualité de Maxxie par Anwar, puis par Maxxie lui-même. Comprenant que cette information est perçue par les deux garçons comme un obstacle à son invitation, le père répond sur un ton serein : « It’s a fucking stupid messed up world. » Comme certains des autres parents entrevus dans la série, il use d’un langage qui n’est pas particulièrement châtié mais il s’en distingue par la compréhension qu’il manifeste ici ― ce dont témoigne la douceur et la fermeté de sa voix, qui annonce que « fucking stupid » et « messed up » sont là pour déplorer le poids des carcans de pensée qui ébranlent à ce point une belle relation d’amitié, et non pas pour condamner l’un ou l’autre. Il situe immédiatement son appréciation du dilemme des deux adolescents sur le terrain de la religion en leur expliquant très simplement que le Dieu auquel il croit l’aide justement à comprendre ce qu’il n’arrive pas à saisir dans ce monde. Moment le plus explicitement didactique sur la question dans la série, cette séquence reprend l’idée esquissée à l’ouverture de l’épisode 2 d’un dialogue direct et intime avec un interlocuteur divin, lequel n’est pas

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un dieu qui surveille, qui juge ex nihilo et qui punit mais un dieu qui soutient, qui comprend et qui permet à ses fidèles de vivre dans le monde où ils se trouvent. Le père d’Anwar lève donc leurs inquiétudes respectives en prononçant des paroles qui ne balaient par d’un revers de main la difficulté de la situation mais qui disent que cette difficulté peut être surmontée dans l’échange, dans la réflexion partagée et la foi en l’A/autre. Maxxie et Anwar se regardent de nouveau en face, accueillent qui vient d’arriver et entrent ensemble dans la salle où la fête bat son plein.

14 En créant cette relation entre Maxxie et Anwar, Skins GB interroge explicitement les rapports de tolérance/intolérance de l’islam vis-à-vis de l’homosexualité masculine, au risque dans un premier temps de se faire épingler pour stigmatisation d’une religion qui n’est pas moins homophobe que d’autres. Skins US, quant à elle, en choisissant Tea comme meilleure amie d’Abbud, choisit aussi de normaliser vers l’hétérosexualité les relations d’attirance du jeune homme pour cette meilleure amie fille et préfère ne pas transposer les réticences d’Anwar en réticences d’Abbud à l’égard des orientations lesbiennes de Tea. Cela permet bien sûr à la série américaine d’éviter toute critique et toute stigmatisation de l’islam comme religion potentiellement homophobe. Toutefois, en refusant le risque de la polémique et de la mise en cause, la série américaine se prive aussi d’une position plus militante de représentation d’une pratique religieuse tolérante telle qu’on la voit dans le dernier épisode de la série britannique qui, de ce point de vue-là, se clôt sur un happy ending. On peut également souligner qu’en représentant l’islam comme catalyseur positif de changement de représentations, Skins GB permet aussi d’élargir cette possibilité à d’autres religions, dans la mesure où le dialogue final avec le père n’utilise aucun nom propre ni aucun terme spécifique à l’islam. À ce moment-là, comme dans les épisodes antérieurs, la série procède donc avec délicatesse, écartant le risque de faire passer ce jeune homme issu de la troisième génération de musulmans en Grande Bretagne comme plus radical que son père et comme seul hostile à l’homosexualité. Skins GB montre aussi combien ce même jeune homme peut changer, de par ses propres expériences et de par son recours aux autres, amis et membres de sa famille, parce qu’il n’a jamais été rejeté et parce qu’il ne s’est jamais exclu lui-même malgré des positions peu politiquement correctes qu’il semblait être le seul à revendiquer.

15 Cette dynamique d’inclusion constructive, plus propre à la série britannique qu’à la série américaine, est également à l’œuvre dans la narration du motif du voyage scolaire en Russie, plus que dans celle du voyage au Canada. Toutefois, dans les deux cas, au moment de l’entrée sur le territoire étranger, Anwar/Abbud se fait interpeller par les autorités qui le prennent pour un terroriste. Dans les deux séries, on pourra remarquer que ce sont les autorités « étrangères » (russes et canadiennes) qui se rendent coupables de ce délit de faciès. En déplaçant sur un « ailleurs » géographique et politique l’excès de suspicion d’agents des douanes qui ne sont pas là pour apprécier le moindre humour, les deux séries reprennent la « tradition » des blagues potaches de jeunes qui font à l’étranger ce qu’ils ne prendraient pas le risque de faire chez eux (le passage de frontière étant un moment éminemment symbolique d’autres franchissements de limites). Elles évoquent ainsi en miroir la situation des étrangers qui entrent sur le territoire national britannique ou américain et qui sont susceptibles de faire l’objet de ce genre d’arrestation. Dans chacune d’elle, toutefois, le comportement du groupe vis-à-vis de cette arrestation soudaine du jeune musulman potentiellement terroriste n’est pas le même et révèle un traitement à la fois plus drôle et plus réparateur/réintégrateur du présumé coupable dans la série britannique. Ainsi,

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dans Skins GB, Anwar est interpellé parce qu’il déclenche accidentellement la sonnerie du portail électronique. Il est aussitôt emmené dans une pièce à part ; dans la confusion, on entend Maxxie évoquer « a fucking terrorist » et le professeur d’histoire responsable du voyage décide de s’interposer, dans un moment de courage où la grandiloquence rivalise avec le grotesque (« I am trip leader here, if anybody is to be anally searched, it’s got to be me ! »), surtout devant la jeune collègue qu’il espère séduire au cours du séjour et qui se demandait si elle ne devait pas intervenir. Il ne parvient à faire libérer Anwar qu’après avoir versé trois pots de vin à une douanière implacable qui finit d’enfiler des gants de plastique : geste peu héroïque, geste facile, qui évite à la série de trop s’attarder sur la vraisemblance de la scène (même si se dessine là aussi un portrait de la Russie post-soviétique). La séquence se clôt sur le retour d’Anwar, tétanisé par le regard interrogateur de ses camarades, qu’il interprète comme une déception de ne pas le voir jouer le rôle du parfait terroriste (« They look so very disappointed that I am not a terrorist »). Tony, aussi impertinent avec ses pairs qu’avec les adultes, semble ne pas chercher à le réconforter et accrédite la version d’Anwar en reformulant « I am not a terrorist » et en indiquant le sous-texte de toute la scène : « You’re a very dull Muslim, Anwar. Very dull, indeed. » Il lui reproche ainsi d’être l’élément le moins vibrionnant du groupe, mais établit également un lien de synonymie entre « terrorist » et « Muslim ». Tony donne ainsi l’impression qu’il aurait préféré que, paradoxalement, Anwar se distingue au sein du groupe en se conformant au stéréotype du musulman terroriste. Mais, en fait, il sait pertinemment que cet incident lui sauve la mise, ainsi qu’à tous ses camarades, puisqu’il a permis de détourner l’attention des policiers du personnage de Sid, obligé de se transformer en « mule » pour faire entrer clandestinement la drogue de son meilleur ami et tyran, Tony. Là encore, sans grand discours et dans une scène où se mêlent sérieux, humour, complexité des relations entre adolescents et bravoure mise à mal des adultes, la série pose aussi la question de cette association musulman = terroriste souvent relayée et étayée par le petit écran depuis les années 2000. Elle la pose d’autant plus qu’elle provoque chez Anwar une identification à l’islam qu’il n’avait jamais manifestée jusque là, quand il se réfugie derrière « sa » religion pour condamner l’homosexualité de Maxxie. Il est intéressant de noter que ce retournement se fait juste après qu’il a été accusé d’être un terroriste-musulman, accréditant la thèse selon laquelle l’interpellation collective dont il est alors victime lui assigne une place qu’il n’avait pas choisie pour lui-même. Un trouble s’installe ici pour le personnage : dans les épisodes 6 et 9, il se voit d’abord menacé physiquement et civiquement par la réduction des autres à une identité associant islam et terrorisme mais il doit ensuite résister à cette réduction qui le soumet à la tentation de donner raison au stéréotype du musulman homophobe. Là encore, la série montre bien comment les représentations sont le fruit d’un jeu d’aller-retour entre perceptions collectives, perceptions individuelles, contextes et retours réflexifs sur les contextes.

16 Dans la série américaine, au moment du contrôle des papiers d’identité, on retrouve la même tension soutenue par une musique pop pleine d’énergie mais, cette fois, c’est Abbud lui-même qui anticipe sur le cliché et la menace de l’interrogatoire en déclarant à la fonctionnaire de police qui lui rend son passeport sans problème : « Cool, I usually get pulled in the room, you know. » Cette réplique, qui associe peur, soulagement et provocation, révèle l’idée qu’il se place lui-même dans une situation potentielle d’illégalité, mais probablement parce qu’il y a été placé par d’autres ou parce qu’il sait que cela est déjà arrivé à d’autres-comme-lui. Le scénario nous prépare aussi à ce qui

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suit. De fait, juste derrière lui, c’est bel et bien Chris qui alerte l’agent de police en faisant une fausse dénonciation dont l’outrance n’est pas prise à la légère (« I guess he hasn’t been telling you about the bomb up his ass. ») et qui déclenche aussitôt une sirène d’alarme qui a du mal à couvrir les cris de protestation d’Abbud. Si, à partir de là, la série américaine est beaucoup plus elliptique que la série britannique (le plan qui suit nous montre Abbud quittant l’aéroport alors que professeurs et camarades l’attendent à l’extérieur), elle propose néanmoins une version plus brutale et grinçante de l’arrestation. En effet, quand Abbud réapparaît à l’écran, il porte une combinaison qui rappelle celle des prisonniers américains (même si, ironiquement, elle est blanche comme neige) et boite sévèrement. On comprend immédiatement que personne n’est intervenu pour qu’il échappe à la fouille à corps (peut-être que le recours au pot de vin semblait moins crédible au Canada qu’en Russie ?). La solitude et la rage du jeune homme sont fortement soulignées : par le doigt d’honneur avec lequel Abbud répond à la demande gestuelle plus littérale de Chris (voir figure 10) ; par sa réponse à la question de son professeur qui cherche en vain à faire de l’humour en se caricaturant lui-même en pédagogue de pacotille (« What lesson did you draw, Abbud ? » « Never carry a bomb. » « That’s it !... ») ; par le peu de cas que l’on fait de cet incident puisque tous sont aussitôt invités à passer à la suite du voyage, sans autre forme de procès.

Fig. 10 : Isolement d’Abbud métaphorisant ce qu’il vient de subir

17 Même si la scène est verbalement plus politiquement correcte que son originale britannique (aucune allusion à l’islam ni à l’assimilation musulman = terroriste), elle est en fin de compte beaucoup plus sombre et dérangeante : auto-accusation implicite et défense ironique face à l’intégration du stéréotype, délation d’un camarade, solitude face à l’injustice, adultes ne prenant pas la mesure de la situation et ne se montrant pas à la hauteur. L’humour devient plus grinçant dans cette scène, qui oriente la fin de cet épisode vers une mise à l’écart puis une exclusion d’Abbud (même s’il est de nouveau présent dans l’épisode 7, sans que l’on nous dise ce qui s’est passé entre-temps, d’ailleurs).

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18 Dans l’épisode 6 de Skins US, Abbud est régulièrement présenté comme la victime de signes tous plus inquiétants les uns que les autres. Comme Anwar, il a des hallucinations, mais celles-ci sont plus cauchemardesques que fantaisistes et sexuelles : il est hanté par les apparitions d’une sorte de rôdeur autour du camp, que les autres ne voient jamais ; il subit la méthode forte de son professeur dont l’attitude est toujours aussi peu adaptée à la situation (gifle et embrassade virile avec le corps nu de son professeur sont plutôt de nature à renforcer chez Abbud le sentiment que son intégrité physique est menacée) ; il est trahi par sa meilleure amie Tea (qui n’a pas osé lui dire qu’elle n’était pas attirée par lui mais par Tony, « bien qu’« homosexuelle déclarée) ; il passe une nuit digne d’un film d’horreur, pendant laquelle il pense être traqué par des êtres menaçants ; il se réfugie en haut d’un mât de cocagne d’où il finit par tomber avant d’être emmené dans le pick-up d’une femme vivant à la dure et censée le transporter jusqu’à l’hôpital. Même si certains moments d’explications et de réconciliations émaillent l’épisode, ils ne semblent pas tisser une toile de fond aussi souple et solide à la fois que dans la série britannique. Là encore, en préférant ne pas faire de lien explicite entre islam et terrorisme, la série américaine fait des choix qui ne permettent pas de contre-discours aussi explicite que dans la série britannique. Cependant, les hallucinations d’Abbud, qui se sent persécuté depuis qu’il a quitté le sol natal américain, peuvent aussi amener les spectateurs à formuler une hypothèse qui dépasserait le seul contexte de l’adolescent découvrant l’étrange/r au cours d’un voyage scolaire. On peut effectivement suggérer qu’Abbud, issu d’une vague d’immigration relativement récente, ressent davantage que les autres la fragilité du lien vital qui l’ancre aux États-Unis. De ce fait, il incarne plus vivement que les autres la fragilité de son statut d’« immigrant de la deuxième génération », statut qui renvoie chaque citoyen américain à ses origines les plus anciennes et à l’arrivée de ses propres ancêtres sur ce continent. Il serait alors davantage conçu comme le porte-parole d’une nation issue, pour une large part, d’une histoire de persécutions religieuses ayant chassé les premiers colons hors d’Europe. Le franchissement de frontière réactiverait cette crainte fondatrice de se voir rejeté par un pays (d’origine/d’arrivée) à cause de son appartenance religieuse. Au-delà de sa paranoïa (souvent filmée de manière risible ici), on peut aussi évoquer les témoignages bien réels de nombreux citoyens américains de confession musulmane qui ont vu certains de leurs voisins et amis les soupçonner de soutenir des réseaux terroristes et se détourner d’eux10. Mais, plus littéralement, sa paranoïa de citoyen américain qu’il est bel et bien en tant qu’enfant de la deuxième génération peut aussi évoquer les peurs de l’ensemble de la société américaine face à une menace invisible et insaisissable, qui ont été particulièrement activées par les attentats du 11 septembre, que même les agences de sécurité les plus vigilantes n’ont pu contrecarrer11.

19 Finalement, la reprise du personnage de Maxxie, meilleur ami d’Anwar, par celui de Tea et la mise entre parenthèses de l’attachement tâtonnant du jeune homme à l’islam ont bel et bien réorienté la dynamique narrative de la série américaine, au point de faire perdre une bonne partie de sa valeur au personnage d’Abbud. Contrairement à Anwar, Abbud n’a plus qu’un rôle secondaire dans cette adaptation. En aseptisant son discours sur le rapport possible de l’islam à l’homosexualité, Skins US n’aura réussi ni à échapper aux foudres de la censure ni à faire autre chose du personnage d’Abbud qu’un « musulman alibi », tout juste bon à évoquer de manière à la fois hâtive et brutale les conséquences du 11 septembre sur la vie de millions de musulmans aux États-Unis. Skins GB s’expose davantage sur ces deux questions, en jouant du silence et d’un travail

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sur la maturation implicite de ses personnages, révélant un travail important sur l’écriture du scénario, des dialogues et une prise en compte de la sensibilité de réception de ses spectateurs à un discours dont l’humour et la provocation sont rarement dénués de subtilité. Où l’on voit que cette teen series très souvent décrite en des termes évoquant la débauche, l’anti-modèle et la déviance est moins inconséquente qu’il n’y paraît12 puisqu’elle permet un dialogue interne sur la perception d’un jeune musulman qui détourne le stéréotype en le replaçant dans un contexte nuancé qui, à son tour, ne manque pas de déformer et de mettre à distance le stéréotype en question. Que l’on songe à cette courte réplique de l’épisode 9 où, pendant sa fête d’anniversaire, Anwar comprend qu’une des invitées lui propose de sortir avec elle et ne peut retenir un « Thank you, Jesus ! » de surprise et de bonheur : ici, le syncrétisme linguistique sert parfaitement ce genre de propos.

20 Une telle démarche n’est pas sans évoquer celle qu’entreprenait Hanif Kureishi en 1993, quand il adaptait pour la BBC une -série tirée de son roman The Bhuddha of Suburbia (1990), en n’hésitant pas à recourir à l’humour pour se moquer de l’engouement de certains Britanniques pour le bouddhisme dans les années 1970. L’idée était de ne pas laisser le comique et la caricature entre les mains des seuls discours racistes, et de pouvoir aussi se moquer de soi en montrant comment un immigré pakistanais de culture musulmane endossait le rôle d’un gourou bouddhiste grâce à la lecture intensive d’ouvrages d’initiation publiés par Penguin Books. Dans la foulée de l’auto- dérision promue par des émissions à sketchs telles que Goodness Gracious Me (BBC2, 1998-2001) et des talk shows tels que The Kumars at n° 42 (BBC2, 2001-2006), une récente sitcom créée par Adil Ray, Citizen Khan (BBC1, 2012- ) montre combien la question de la représentation de la vie quotidienne d’une famille musulmane dans une série humoristique qui recycle forcément des stéréotypes demeure un exercice délicat. Mais les articles et débats télévisés qu’elle a pu susciter en retour nous confortent dans l’idée que la fiction et les séries télévisées participent d’un regard qui façonne le monde et qu’elles influencent notre manière de le regarder, de le décrire et d’y intervenir.

BIBLIOGRAPHIE

BARSHAD Amos, « Lost in Translation ? », New York TV, 9 Janvier 2011, http://nymag.com/arts/tv/ features/70442/, consulté en décembre 2013.

DUCRAY Amandine, Les Sitcoms ethniques à la télévision britannique de 1972 à nos jours. Jusqu’à ce que l’humour nous répare, Paris, L’Harmattan, coll. Racisme et eugénisme, 2009.

HALL Stuart, « The Whites in their Eyes: Racist Ideologies and the Media », in Gender, Race and Class in the Media: A Critical Reader, ed. Gail Dines and Jean M. Humez, Thousand Oaks, Ca., Sage Publications, 2e édition, 2011 [2003], p. 81-84.

LUNETTA Laurent, « La Folie des skins parties », Libération, 26 septembre 2009.

WISMAN Eva, « Skins Deep: the Teen Drama Shocks America », The Observer, 6 février 2011.

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NOTES

1. Dans la suite de l’article, les deux séries seront désignées comme Skins GB pour la version britannique et Skins US pour la version états-unienne. 2. Fondé en 1995 par L. Brent Bozell III, journaliste, spécialiste des médias et militant issu de la droite conservatrice, le Parents Television Council a ainsi mené plusieurs campagnes hostiles à des séries télévisées (entre autres) dont le contenu était jugé indécent. Pesant le plus souvent sur les sponsors cités lors des pages publicitaires qui interrompent régulièrement les séries, cette association cherche à guider et à responsabiliser les parents qui ne seraient pas toujours conscients de ce que leurs enfants regardent quand ils sont devant la télévision. Des séries aussi différentes que Glee (Fox, 2009-), Sons of Anarchy (Fox, 2008-) et Desperate Housewives (ABC, 2004-2012) ont déjà fait l’objet de ses demandes de censure. 3. « [I]n the US, the Parents Television Council has labelled Skins the “most dangerous programme that has ever been foisted on your children” and called on the Senate to open an investigation regarding child pornography and exploitation on the show. » Eva Wisman, « Skins Deep: the Teen Drama Shocks America », The Observer, 6 février 2011. 4. Si la fiche de son personnage n’est désormais plus disponible sur le site de Channel 4, on en retrouve la trace sur des blogs de fans qui en ont repris la présentation mot pour mot. Voir http://skins-rating.livejournal.com/11155.html, consultée en décembre 2013. 5. http://www.mtv.com/shows/skins/character.jhtml?id=1654624, consultée en décembre 2013. 6. Tea Marvellim, la meilleure amie d’Abbud, est aussi présentée par le biais de son appartenance religieuse (elle est juive) mais cette caractéristique ne fait pas l’objet d’un épisode, comme c’est le cas d’Abbud dans l’épisode 10 de Skins US. Pour une présentation synthétique de la transposition de chaque personnage, voir l’article d’Amos Barshad, « Lost in Translation ? », New York TV, 9 janvier 2011 : http://nymag.com/arts/tv/features/70442/, consulté en décembre 2013. 7. Baltimore aurait dû être le lieu de tournage de la série mais c’est finalement Toronto qui fut retenue, alors que la série maintient l’idée que l’histoire se déroule dans une grande ville des États-Unis dont la localisation géographique n’est jamais précisée. La présence du Canada n’est attestée dans la fiction qu’au moment du voyage scolaire « à l’étranger ». On comprend ainsi que Skins US a sélectionné un représentant de ses principales communautés ethniques pour composer le groupe d’amis : Cadie Campbell est « African-American », Tea Marvellim vient d’une famille italienne, Daisy Valero est issue d’une famille du Costa Rica (alors que la famille de l’actrice Camille Cresencia-Mills qui joue son rôle est en partie philippine). Concernant la présence d’Abbud Siddiky, elle fait bien sûr référence à l’immigration choisie en provenance d’Asie qui a caractérisé les États-Unis depuis les années 1980 mais elle permet aussi de mettre au cœur du groupe un représentant d’une communauté religieuse qui a particulièrement marqué l’histoire des États-Unis depuis 2001. 8. Stuart Hall avait été l’un des premiers à montrer comment la télévision britannique, même quand elle était bien intentionnée, contribuait à relayer des conceptions stéréotypées des descendants d’Africains et de Caribéens, en les assimilant tantôt aux « slaves », aux « natives » ou aux « entertainers ». Stuart Hall, « The Whites in their Eyes: Racist Ideologies and the Media », in Gender, Race and Class in the Media: A Critical Reader, ed. Gail Dines et Jean M. Humez, Thousand Oaks Ca., Sage Publications, 2e édition, 2011, p. 81-84. Voir également la manière dont Amandine Ducray repère certains portraits d’« amuseurs », de « parasites » et de « fauteurs de troubles » dans son ouvrage sur Les Sitcoms ethniques à la télévision britannique de 1972 à nos jours. Jusqu’à ce que l’humour nous répare, Paris, L’Harmattan, coll. Racisme et eugénisme, 2009, p. 17. 9. Il serait également intéressant d’étudier la manière dont le personnage de , descendante d’immigrants afro-caribéens et joueuse de clarinette, recycle le type de l’« entertainer » dont parle Stuart Hall pour le déplacer : c’est une fille et non un garçon, elle joue de la musique classique et non du jazz, elle vient d’une famille aisée et non d’une famille pauvre. On pourrait

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toutefois prolonger cette caractérisation vers son frère, qui tente de monter un groupe de rap, et de son père, propriétaire d’un studio d’enregistrement. Jal trouve son équivalent américain dans le personnage de Daisy, issue de la communauté latino-américaine et joueuse de trompette, et c’est d’ailleurs avec elle qu’Abbud va avoir sa première relation sexuelle. Il y aurait là matière à un autre article. 10. Voir à ce sujet le court-métrage de la réalisatrice américaine née en Inde, Mira Nair, qui a participé en 2002 au projet collectif d’Alain Brigand, 11’09’’01 – September 11, réunissant onze réalisateurs de par le monde à qui il avait demandé de concevoir un film de onze minutes, neuf secondes et une image sur les attentats du 11 septembre 2001. La contribution de Mira Nair s’inspire de l’histoire de la famille musulmane d’un jeune homme injustement accusé par le FBI d’être un terroriste du fait qu’il n’était jamais rentré chez lui après les attaques contre le World Trade Center. 11. Je remercie Sylvaine Bataille d’avoir attiré mon attention sur cette interprétation de la paranoïa d’Abbud comme élément révélateur du climat plus général d’inquiétude de la nation américaine suite aux attentats du 11 septembre – et d’avoir ainsi rééquilibré mon appréciation des mérites respectifs des deux séries dans leur représentation d’Anwar/Abbud. 12. En France, certains n’en ont retenu que le phénomène des « skins parties », prenant pour modèles les soirées où circulent sans entraves apparentes alcools, drogues et « body fluids ». Voir Laurent Lunetta, « La Folie des skins parties », Libération, 26 septembre 2009.

RÉSUMÉS

Souvent décrite comme un divertissement sulfureux parce qu’elle est en partie consacrée aux frasques et soirées mouvementées d’adolescents au lycée, la série britannique Skins de Jamie Brittain et Bryan Elsley (E4, 2007-2013) se trouve aussi très ancrée sociologiquement dans la ville contemporaine de Bristol et dans les mœurs qui caractérisent ses personnages. Si la série propose donc une représentation des modes de vie de certains jeunes au Royaume-Uni dans la première décennie du XXIe siècle, elle interroge aussi le choix des individus qui composent le groupe d’amis par les créateurs de ce programme de fiction télévisée. Ainsi, dans un groupe majoritairement blanc issu de la classe moyenne, on trouve également une jeune fille d’ascendance afro- caribéenne et un jeune homme d’ascendance indo-pakistanaise. Tous deux incarnent visiblement les deux communautés issues de l’immigration de la deuxième moitié du XXe siècle au Royaume- Uni, dont l’une est l’objet d’une attention et d’une surveillance plus spécifique depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et du 7 juillet 2005 à Londres. C’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement au personnage d’Anwar Kharral, pour interroger la manière dont la Saison 1 met en scène son appartenance religieuse en la confrontant à ce qui semble être des questions morales et intimes plus que des questions explicitement politiques. La reprise/transposition de cette figure britannique de jeune musulman dans la version américaine de la Saison 1 (MTV, 2011) permet de montrer que d’autres choix de caractérisation du personnage d’Abbud Siddiki ont été retenus par le même Bryan Elsley, qui tendent à minimiser les vertus de l’appartenance à une famille musulmane mises en avant à la fin de la saison 1 de la série britannique pour, au contraire, tirer le personnage vers une figure de bouc émissaire facile, ce que la série américaine met en scène avec un humour assez grinçant.

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Often described as a sulfurous entertainment, as it is particularly devoted to the escapades and lively parties of high school teenagers, the British TV show Skins by Jamie Brittain and Bryan Elsley (E4, 2007–2013) finds itself firmly sociologically anchored in the contemporary city of Bristol and in the habits that typify its characters. If the series portrays a representation of the lifestyles of certain youth in the United Kingdom in the first decade of the 21st century, it also questions the choices of the individuals that make up the group of friends by the creators of this fictional television program. As such, in a mostly white group from the middle class, we find a young woman of afro-caribbean descent and a young man of indo-pakistani origin. These two perceptibly incarnate the two communities constituted by immigration in the second half of the 20th century in the United Kingdom, of which one is increasingly surveyed since the attacks of September 11th, 2001 in New York and on July 7th, 2005 in London. It is for this reason that I chose to focus particularly on the character Anwar Kharral, to study the way Season 1 portrays his religious membership by confronting it with what seem to be moral and intimate questions more than explicitly political ones. The return and transposition of this British figure of a young muslim in the American version of Season 1 (MTV, 2011) allows us to show how different choices of characterization for the character Abbud Siddiki were retained by the same Bryan Elsly, who tended to minimize the virtues of belonging to a muslim family, which were highlighted at the end of season 1 in the British series in order to, on the contrary, shift the character more towards the figure of an easy scapegoat, which the American series portrays with rather caustic humor.

INDEX

Keywords : Skins (GB), Skins (US), cliché, gender, humor, politics, religion, teen series, transposition Mots-clés : Skins (GB), Skins (US), cliché, genre, humour, politique, religion, série adolescente, transposition

AUTEUR

FLORENCE CABARET Florence Cabaret est Maître de conférences en Littératures indiennes anglophones au département d’anglais de l’université de Rouen. Elle travaille sur la littérature anglophone contemporaine des écrivains indiens vivant en Inde, en Grande Bretagne mais aussi aux États- Unis et au Canada ; sur les films des réalisateurs de la diaspora indienne anglophone ; sur les séries télévisées britanniques mettant en scène l’histoire coloniale et postcoloniale de l’Inde et de la Grande-Bretagne. Elle a co-organisé trois colloques à l’université de Rouen (« Mauvaises Langues ! » en juin 2008 avec Nathalie Vienne-Guerrin ; « Écho et reprise dans les séries télévisées » en septembre 2012 avec Sylvaine Bataille ; « La Retraduction en littérature jeunesse » en février 2013 avec Virginie Douglas). Elle est également traductrice de Chloé Hooper et de Hanif Kureishi aux éditions Christian Bourgois.

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Rich Dykes from L.A. are called Lesbians

Anne Crémieux

Plate 1

Are You My Mother ?, Allison Bechdel, 2011, p.·70

1 The Dykes to Watch Out For (referred to as DTWOF) were published from 1983 to 2008 in up to fifty lesbian, gay, and feminist alternative newspapers. By 2008, lesbian visibility was becoming almost banal on TV and popular culture in general, with Madonna

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kissing Britney Spears and Christina Aguilera at the 2003 MTV Video Music Awards, and The L Word in its fifth of six seasons. Officially, Alison Bechdel stopped producing her weekly comic-strip lesbian soap opera because of the immense success of Fun Home (published in 2006), and a contract to complete a second graphic memoir that became Are You My Mother? That same year, a Dyke anthology came out for people who wanted to catch up quickly on the comic strip by the author of Fun Home (see Plate·2).

Plate 2

2 The L Word (see Plate 3) ran on Showtime from 2004 to 2009, in the footsteps of the American remake of Queer as Folk, that ran on the same network from 2000 to 2005. It was created by Ilene Chaiken, who first pitched her idea to Showtime in 2000, so that while The DTWOF preceded the lesbian TV show by two decades, they did overlap.

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Plate 3

3 In both The L Word and DTWOF, the serial form allows for strong identification with diverse characters, who present conflicting takes on gender and sexuality, personal and political ethics. But before looking at the strong connections between The L Word and the DTWOF in terms of plot, characterization, and representation of lesbian culture and sexuality, it must be pointed out that the DTWOF largely parodied the film franchise and TV series form, and constantly commented on the presence and significance of lesbian visibility in the mainstream media, which the comic strip was self-consciously not part of.

4 Starting with the second DTWOF book, Alison Bechdel presented her work first as a mass-consumption commodity, then as a mainstream popular series, spoofing marketing campaigns known to all (see Plate 4 and Plate 5).

Plate 4

Volumes 2 and 3 – playing on common mass marketing techniques, applied to an underground publication.

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Plate 5

Volumes 4 and 5 – playing on widespread blockbuster franchise lingo.

5 The entertainment industry is further spoofed in added opening sequences in the form of highly referential (“It’s a nerd! It’s a Pain! It’s Mo!”), overly verbose and alliteration- prone credits (see Plate 6 and Plate 7).

Plate 6

Volume 4, DTWOF, The Sequel, 1991.

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Plate 7

Volume 5, Spawn of DTWOF, 1993.

6 Volume 9 adopts the TV series format with a “previously on” introductory section that underlines the commercial strategy of the cliffhanger, by urging potential readers to actually buy the book (see Plate 8).

Plate 8

“Previously on” section in vol. 9, Post-DTWOF, 1999; also used in vol. 10, Dykes and Sundry Other Carbon- Based Life Forms TWOF, 2001.

7 The similarities between the two series are striking, as many have noticed. A post to be found on Alison Bechdel’s blog candidly asks: “Have you ever thought about suing “The L Word” crew for stealing so many of your ideas1?” No reply was posted. Another blogger described DTWOF as “The L Word, in comic strip form, before The L Word ever existed2.”

8 The two series have a lot in common, in spite of a somewhat different approach, which can easily be spotted in the following parallels. Both portray a group of lesbian friends who live the lesbian life. They famously set up charts to keep track of reported sexual encounters in The L Word (see Plate 9), and of more diverse relationships in DTWOF (see Plate 10).

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Plate 9

The Alice-centric universe, as presented in the series credit sequence (left, 2004), and the computer version in 5.8 (right, 2008).

Plate 10

Mo’s Chart, vol. 6, Unnatural DTWOF, 1995, Introduction.

9 In both series, one central couple has a baby through artificial insemination. The L Word introduces Bette and Tina as future parents in the pilot, while DTWOF follows Clarice and Tina’s conception and parenting of their son (Plates 11 and 12)

Plate 11: Bette and Tina on their stoop (1.1, 2004)

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Plate 12

Vol. 4, DTWOF, The Sequel, 1991.

10 The Tina/Bette relationship (Plate 11) is strangely similar to the Toni/Clarice relationship (Plate 12), with both Bette and Clarice being black (Bette is actually bi- racial) and cheating on their girlfriends with a black woman, working too much, being the provider and less involved parent, to ultimately break up, with much suffering going on.

11 The main characters speak about and experience such community events as gay pride – and specifically join the dykes on bikes (see for example vol. 6, Unnatural DTWOF, 1994, strip 192, and episode 2.11, 2005). The main L Word characters are invited on the lesbian Olivia cruise in season 2 (2005) while the DTWOF’s main character, Mo, is sarcastically portrayed as wanting to go when in the depth of depression (plate 13).

Plate 13: Mo is having one of her famous meltdowns

Vol. 3, New, Improved DTWOF, 1989, strip 66.

12 Both series include quite a bit of queer, gender-bending, non-conformist, unexpected sex, with some rather interesting similarities (see Plate 14 and Plate 15).

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Plate 14: Lois, drag-kinging as Max, has oral sex with transsexual Jerry

Vol. 9, Post-DTWOF, 2000, “In flow state” section, p. 121.

Plate 15: Transgender Max has oral sex with gay Billie (3.06, 2006)

13 In both instances, a gay man is giving a blow-job to a heretofore straight transgender man wearing a dildo, with Lois being a drag-king performer and Max a pre-op transsexual. In fact, Jerry is also a transsexual man who happens to be gay, and who caught Lois’ eye a while back. As with Toni and Tina’s names, the onomastic connections are remarkable.

14 While this episode of The L Word was often cited as particularly daring, it can be argued that the DTWOF had gone further, sooner, and had included a much wider variety of trans characters, from Asian vegan drag-kinging farmer ex-girlfriend Milkweed dropping in on Sparrow, to African American trans teenager Jonas/Janis struggling with her mother to access hormones.

15 Bi-sexuality is also explored by both series, with similar conundrums, such as being judged by one’s lesbian friends when trying a male lover, or that male lover identifying as a lesbian and calling herself Lisa. When self-identified “bi-dyke” Sparrow from the DTWOF has sex with the repeatedly lesbian enamored Stuart, she wishes for “something more missionary” (see Plate 16), in the same way as The L Word Alice grows weary of her lesbian-identified boyfriend Lisa’s refusal to use “the real thing” (1.8, 2005, see Plate 17).

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Plate 16

Vol. 9, Post-DTWOF, 2000, “In flow state” section, p. 95.

Plate 17

Lisa pulls out a dildo to make love to Alice, who is none too pleased: “ALICE. But you’re a man / LISA. I’m a lesbian man.” (1.8, 2005).

16 In both series, a condom is used during sex with a dildo (again involving Max in The L Word and Lois in DTWOF), and Alison Bechdel explains how it can be “purely conceptual, for an extra little thrill of verisimilitude” (see Plate 18).

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Plate 18

Vol. 7, Hot, Throbbing DTWOF, 1998, “Sense & Sensibility” section.

17 One of the most strikingly similar scenes of queer sexuality exposed may be the boarding of planes with dildos in luggage, with the same configuration of the shyer character (Mo/Dana) hiding behind her hand while the more blasé (Sidney/Alice) cracks a joke in self-defense (see Plate 19 and Plate 20).

Plate 19

Vol. 10, Dykes and Sundry Other Carbon-Based Life Forms TWOF, 2001.

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Plate 20: Off to the Olivia Cruise (2.10, 2005)

18 The same two couples are the ones shown to most enjoy role-playing (see Plate 21 and Plate 22).

Plate 21: Alice and Dana on the Olivia Cruise, playing July McCoy and Captain Stubing (hence the dildo) from the TV series The Love Boat (2.10, 2005)

(The Love Boat: ABC, 1977-1986.)

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Plate 22: Mo and Sidney play Martha Stewart and the pool girl, dildo-less

Vol. 7, Hot, Throbbing DTWOF, 1998, strip 290.

19 Again, it may be pointed out that all instances of role playing in the DTWOF involve two female roles (Millionaire business woman and TV show host Martha Stewart is a recurring one), while they are always a reproduction of a straight situation in The L Word, in accordance with a very butch/fem, top/bottom sex role attribution that is largely absent from the DTWOF.

20 On the dramatic side, both series show women experiencing breast cancer and losing a parent (see Plate 23 and Plate 24).

Plate 23: Dana has cancer

Season 3, 2006. Screenshot 1: “We are going to take good care of you” (3.05); Screenshot 2 and 3: “We only release medical information to the immediate family” (3.06).

Plate 24: Sidney has cancer

Vol. 11, Invasion of the DTWOF, 2003, strip 412.

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21 While cancer in the DTWOF triggers Mo’s ever present political consciousness, as she disapproves of the war on terror pervading every aspect of American life in 2003, The L Word denounces the lack of protection of same-sex couples experiencing medical drama and death. Both series adopt a political approach, but from a different perspective. The L Word focuses on gay and lesbian rights, while the DTWOF comment on American politics in general (see Plate 25 and Plate 26).

Plate 25: Jezanna discusses the O.J. Simpson case with her father at her mother’s bedside. Jezanna’s mother dies

Vol. 6, Unnatural DTWOF, 1995, strip 208.

Plate 26: Bette and her sister Kit read Langston Hughes’ “I’ve Known Rivers” before he dies (2.12, 2005)

22 While both series include African American cultural specificities, the DTWOF refers to a contemporary political event that divides the family (note the books read by father and daughter), while The L Word quotes the Harlem Renaissance African American poet the father loved.

23 As noted with the blog entries earlier, these similarities have been pointed out by others. A yet to be published paper was given by Bo Owens (U. of Utah) at the International Society for Cultural History and Cultural Studies annual Humanities Conference in Mexico City in November 2011: entitled “Failed Men and Perfect Women: Masculinity, Race, and Intimacy in Fictional Lesbian Narratives,” it deals with how The L Word and the DTWOF, in spite of their “remarkably similar story arcs” and the issues they address (bisexuality, breast cancer, transmasculinity, non-monogamy, adoption…), result in very different representations of female masculinity, race, and sexuality, due to the creators’ “ideologies and personal experiences, as well as the differing standards of their respective mediums.”

24 Indeed, Alison Bechdel has shown with her Firebrand book covers and introductory sections that she was aware of the difference in medium and reach even before gay- and lesbian-oriented TV series became available on prime-time television. Compared to a major cable network, an alternative comic strips, and the audience range each medium implies, allowed Bechdel a freedom mainstream entertainment artists may not have.

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Plate 27

Plate 28

25 As a comic strip published exclusively in underground, queer magazines and edited by Firebrand (see Plate 27), Bechdel’s series never reached the mainstream audience The L Word had to seduce to survive its first season on Showtime (see Plate 28), so that the DTWOF could remain rather high-brow, spoofing academic writings while explaining complex theories (see Plate 29).

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Plate 29: As Carlos explains how only “cool, excellent things are gay,” Billy and Raffi question whether such things as a shirt, as opposed to people, can be gay

The title, “Notes on Camp”, is a reference to Susan Sontag’s 1964 essay on camp as an aesthetic phenomenon. Vol. 10, Dykes and Sundry Other Carbon-Based Life Forms TWOF, 2001, strip 368

26 Although I happen to have heard Alison Bechdel say she did not watch The L Word3, for fear it would change the way she created the DTWOF, she is aware of the existence and impact of the show, as the title image implied (see Plate 1 above). The DTWOF strips do refer to other lesbian-related shows, always with a certain amount of angst at the mounting lesbian visibility, as expressed by Bechdel’s alter-ego, Mo (see Plate 30).

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Plate 30

Referring to Ellen (ABC, 1994-98), 4.22 & 23, “The Puppy” episode. Vol. 7, Hot, Throbbing DTWOF, 1997, strip 264.

27 In this strip, the whole community is watching Ellen DeGeneres come out. Frame 2 brings together lesbian fems and butches, radicals and less radical, while frame 3 has the two Latinos cry in the arms of their same-sex lovers. While Sidney remarks that conservative forces such as televangelist Jerry Falwell have responded rather violently, Mo is appalled at how smooth Ellen’s coming out to her friends is, and worries about her subversive lesbian culture disappearing and her lifestyle becoming familiar to the mainstream, with the pressure to conform that will inevitably follow. And indeed, in the next panel, in which Mo is visibly turned on by Ellen’s coming out, she is interrupted by a phone message from her mother calling to praise Ellen’s coming out, suggest Mo should get the same haircut and possibly manage a store like the show’s heroine, instead of simply working in one (see Plate 31).

Plate 31

Vol. 7, Hot, Throbbing DTWOF, 1997, strip 264.

28 Another example of Bechdel characters in touch with lesbian visibility in popular culture is young Republican and aspiring CIA agent Cynthia. During her Arabic lesson,

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she explains that she watched the cult series Buffy, the Vampire Slayer (WB and UPN, 1997-2003), with her girlfriend (see Plate 32).

Plate 32

Vol. 11, Invasion of the DTWOF, 2005, strip 471.

29 Bechdel was aware of the importance of these “telehistoric moments” in mainstream shows such as Buffy, and their impact on the lesbian community, but also, early on, of the changing lesbian culture, as can be seen in this 1994 strip (Plate 33).

Plate 33

Vol. 6, Unnatural DTWOF, 1994, strip 197.

30 While Mo clearly makes the connection between lesbian visibility and the changing lesbian culture (Plate 30), and keeps deploring it, Bechdel humorously explains in her introduction to the Essential DTWOF (2008) that she has always wanted this visibility for lesbians (see Plate 34), imagining a world that would open up to the margins, rather than margins that would disappear into the mainstream as she did not foresee the effect a larger exposure, such as a lesbian TV series, would inevitably have (see Plate 35).

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Plate 34

The Essential DTWOF, 2008, p. XV.

Plate 35

The Essential DTWOF, 2008, p. XVII.

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31 In the introduction to her tenth volume and twentieth anniversary issue (2003), Bechdel already explained that she understood the evolution of her dyke turned lesbian culture only too well, and that her success is both a cause and an effect of this change:

As I watched our liberation movement flower into first a niche market, then a sitcom punchline, then a full-blown sitcom premise, before withering out of fashion like a pierced septum […]I’ve reluctantly come to accept that the whole point of a liberation movement, after all, is to render itself obsolete, but I was resistant at first4.

32 Just as Bechdel cannot possibly be unaware of the impact of The L Word whether she watches it or not, it is very unlikely that the makers of The L Word would not know of the DTWOF5.

33 As the above examples have illustrated, the two series offer different approaches to American late 20th c. and early 21st c. lesbian culture, showing how targeting a much broader TV audience might have resulted in a significantly different depiction of how women navigate their gender and sexuality to self-identify as lesbians, rather than dykes, the difference being the level of political involvement and the embracing of gender bending. The L Word lesbians follow the heterosexual canons of beauty while the Dykes counter-identify or, more to the point, dis-identify with these canons of beauty. The political beliefs of The L Word lesbians are limited to lesbian and gay rights, while the Dykes follow the political line that “none are free as long as one is oppressed.”

34 One illustration of the more limited political scope of The L Word compared to the DTWOF is seen when denouncing discrimination against lesbians and transmen. When Moira/Max applies for a job, she is rejected as Moira (3.5) and hired as Max (3.10), for a higher pay, unrecognized by the man who passed him over as Moira (see Plate 36 and Plate 37).

Plate 36

“MAN. Moira, that’s a girl’s name isn’t it? MOIRA. Yeah, I’m a girl.” (3.5)

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Plate 37: Coming back as Max, 3.10

35 Max then stands up for a colleague named Megan, who was unfairly declined a promotion, and must expose how he was not hired as Moira (4.06), to then be pressured into quitting by the same colleague who did not hire him as a woman (4.11). While in The L Word, the discrimination is entirely attributed to phallocentric sexism, in DTWOF, male and hetero privilege is associated with class privilege, one privilege being presented as sufficient to compensate for the lack of the others.

36 Sparrow, who is now with impoverished Stuart, cannot help but notice how well they are treated in the same restaurant she patronized with her female lover, who happens to show up and explain that she is treated wonderfully now that she is rich (see Plate 38).

Plate 38

Vol. 10, Dykes and Sundry Other Carbon-Based Life Forms TWOF, 2001, strip 355.

37 Although The L Word does tackle a number of political topics, such as same-sex parenting, being out as a professional athlete, gay marriage, medical discrimination, LGBTs in the military and the Don’t Ask Don’t Tell policy6, among other contemporary LGBT rights issues, its political ambitions are much narrower than Bechdel’s, so that

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the show can be interpreted by many as a mainstream, de-politicized offspring of the DTWOF.

38 Significantly, the heroines are “lesbians,” not “dykes.” They do not embrace the masculinity that does characterize many female homosexuals, to varying degrees. The uses of the words “lesbian” and “dyke” are good indications of this.

39 The title of the TV series itself plays on the embarrassment some people have at using the word “lesbian,” which the show reclaims and mainstreams, while the theme song implies the “L” word is not just for “Lesbian” but also for “L.A.,” “Love,” “Lust,” and everything that makes up these lesbians’ lives… It is made clear from the first episode that The L Word heroines are not “dykes” – when Dana calls Shane a dyke, and she does not mean that in a nice way (Plate 39).

Plate 39: The L Word, 1.01

“Every single thing about the way you’re dressed screams dyke.”

40 Tina and Bette need a new donor, Marina says they know enough good men, and as Shane walks in, Dana suggests her as a candidate. She then addresses her to question the way she is dressed, saying she “wouldn’t be seen on the street with [her]” as “every single thing about [her] screams dyke.” To which Shane perfunctorily apologizes with a “Sorry, man.” This common expression to refer to a female friend takes on an ironic tone here since on The L Word, dykes are associated with manliness. Men tend to use the term more easily than women. In season 1, when Tim finds out his girlfriend Jenny is cheating on him with Marina, he rejects Bette’s take on the matter: TIM. What, craving experience? You think so? I think it was you fucking dykes, that’s what… BETTE. Hey, don’t curse us all, alright. That’s why Tina and I left your dinner party, because we didn’t want to be any part of it. (1.07)

41 Bette’s answer is ambiguous, implying that perhaps the word “dyke” is a curse (and though she may well mean only the adjective is offensive, Tim most likely does not). In season 2, Mark uses the word when he says Shane gave him a “dykish haircut”, which he likes (2.09). The word is also used by lesbians who are out, and especially by Alice who is played by an out bisexual, Leisha Hailey, and acts as the show’s token credible

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character. She uses the word for the first time when she talks about “dyke drama” to explain why her lesbian-identified boyfriend Lisa is not happy to find her on a date with a straight man (1.10). In Season 1, episode 10, Shane wants to cut Dana’s hair and give her a mullet (short at the front and sides, long in the back), but Alice does not think she is ready to be a “bulldyke.” Alice does not use the word often and when she does, it refers to a negative situation. The only reason Alice can use the term in a derogatory manner, without being offensive, is because she identifies as a dyke herself.

Plate 40

In 3.02, Jenny uses “dyke” as the female equivalent of “faggot”and retorts with the genderless “asshole,”against someone who confuses the gender of queers.

42 The best use of the word on the show is certainly by Jenny in Season 3, episode 2, when she yells at homophobic teenagers who are brutalizing Max and calling both of them “faggots” (see Plate 40) Jenny is not very dykish, to say the least, and although Max is certainly masculine, he does not identify as a woman or as a lesbian. Yet, being part of the LGBT community, they can use the word, especially in self-defense.

43 All in all, dykes as characters make few intrusions in the otherwise very “fem” show, and the word is clearly associated with a non-desirable masculinity that lesbians have been, unfairly for all non-dykes, associated with. This dykophobia in the lesbian world is nothing new, as Bechdel pointed out in a 1990 strip (see Plate 41).

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Plate 41

On the bookstore shelf: “Nondykes To Not Watch Out For” and “Lesbian Nonsex”. Vol. 4, DTWOF The Sequel, 1990, strip 82.

44 Self-identifying as lesbians and largely rejecting dyke culture is intrinsically part of The L Word universe, and of a larger feminist sensibility that rejects “hairy-legged feminism” in favor of a “stiletto feminism.”

45 Apart from a number of character and plot similarities, The L Word also adopts some of the metafictional approach that pops up from time to time in the DTWOF. Jenny writes short stories about herself and her friends, to eventually write a film about lesbians entitled Lez Girls (in Seasons 5 and 6; see Plate 42), while Bechdel makes fun of herself as an autobiographical artist (see Plate 43).

Plate 42: Lez Girls reels, 6.08

Plate 43

Vol. 9, Post-DTWOF, 1999, strip 304.

46 But while DTWOF clearly relies on autobiography to attempt to render a universal humanity, The L Word ridicules autobiography through Jenny’s character who, in Seasons 5 and 6, does exactly what Alison Bechdel and Ilene Chaiken did: she creates a series based on her group of friends’ lives, except that it is clearly disrespectful, and exploitative (see Plate 44), and ultimately destructive.

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Plate 44: Bette reads Jenny’s book (4.11)

47 I believe this self-destruction impulse mirrors The L Word’s major departure from the DTWOF universe: the post-queer need to separate entirely sexual identity from gender non-conformance, which results in denying a huge part of queer culture, not to say dulling it down to its least political elements. Some of The L Word lesbians are said to be fem (Tina, Dana, Marina, Jenny) while others are portrayed as butch (Shane, Bette), but they all look excessively feminine to a non-trained eye, unlike the much more diverse women and transmen in DTWOF. The idea behind this TV-glamour rendition of the lesbian world is that lesbianism is unrelated to gender non-conformance. This is accompanied by a post-racial, “color-blind,” strictly cultural understanding of racial diversity (Bette, who easily passes and blends into a white life, as opposed to Clarice, who does not miss an opportunity to teach her son about African American history), and a denial of class differences – not only do all The L Word lesbians seem equally rich, in spite of very different professional situations, but they all eventually become very successful in their respective trades, whether in publishing, hair-styling, or film production, as opposed to the DTWOF, which present a much broader spectrum of financial situations and professional success. This very different take on race, class, gender and sexuality largely explains why, in comparison with The L Word lesbian friends, Bechdel’s much more political dykes deliver a political message that is much broader, all-encompassing than the LGBT-focused The L Word.

NOTES

1. http://dykestowatchoutfor.com/give-the-people-what-they-want, posted April 25, 2007 at 9:51 pm, last accessed Sept. 15, 2012.

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2. http://whatmarkread.blogspot.com/2011/04/fun-home-by-alison-bechdel.html, posted Tuesday, April 26, 2011, last accessed Sept. 15, 2012. 3. A. Bechdel presenting Fun Home at the Center for New Words, Simmons College, June 24th, 2006. 4. Dykes and Sundry Other Carbon-Based Life Forms TWOF, 2001, p. 12. 5. I found no reference to Alison Bechdel from The L Word creators in interviews and official publications. 6. Don’t Ask Don’t Tell is a policy established by the Clinton administration according to which gays and lesbians are tolerated within the military as long as their sexual preference is never made public by themselves, or by others.

ABSTRACTS

“Have you ever thought about suing The L Word crew for stealing so many of your ideas?” writes DeLandDeLakes on the blog of Alison Bechdel, the creator of Dykes to Watch Out For. Another blogger described DTWOF as “The L Word, in comic strip form, before The L Word ever existed.” I would like to present how The L Word does indeed share quite a few traits with DTWOF. Indeed, both series portray a group of lesbian friends who live the lesbian life, speak about and experience such community events as gay pride or lesbian cruises, have babies through artificial insemination, and famously set up charts to keep track of reported sexual encounters. In both cases, the serial form allows for strong identification with diverse characters, who present conflicting takes on gender and sexuality, personal and political ethics. One major element, however, is the difference in medium and audience range. As a comic strip published exclusively in underground, queer magazines, Bechdel’s series never reached the mainstream audience The L Word had to seduce to survive its first season on Showtime. The two series offer different approaches to American late 20th c. / early 21st c. lesbian culture, showing how targeting a much broader TV audience might have resulted in a slightly different depiction of how women navigate their gender and sexuality to self-identify as lesbians, rather than dykes.

« Vous n’avez jamais pensé à intenter un procès contre l’équipe The L Word pour avoir volé vos idées ? » écrit DeLandDeLakes sur le blog d’Alison Bechdel, créatrice des Dykes to Watch Out For. Une autre blogueuse écrit de DTWOF comme « The L Word, en forme de BD, avant que The L Word n’ait été créé. » Je voudrais présenter comment The L Word partage un nombre considérable de traits avec DTWOF. En effet, les deux séries mettent en scène un groupe d’amies lesbiennes qui ont un mode de vie lesbien, discutent de et expérimentent des événements communautaires tels que les défilés gay pride et les croisières lesbiennes, ont des enfants par insémination artificielle et sont réputées pour établir des graphiques pour se tenir au courant de leurs conquêtes amoureuses. Dans les deux cas, la forme sérielle permet une forte identification avec de nombreux personnages, qui présentent des perspectives conflictuelles sur le genre et la sexualité, l’éthique personnelle et politique. Un élément majeur constitue pourtant la différence des supports et de l’envergure des publics. En tant que bande dessinée publiée exclusivement par des magazines queer de l’underground, la série de Bechdel n’a jamais atteint le public du courant dominant que The L Word a dû séduire pour survivre sa première saison sur Showtime. Les deux séries proposent de différentes approches de la culture lesbienne américaine de la fin du 20e et du début du 21e siècle, en montrant comment le choix de viser un public bien plus large à la télévision a pu résulter en une représentation différente de la manière dont les femmes

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négocient leur genre et leur sexualité pour s’identifier elles-mêmes comme lesbiennes, plutôt que gouines.

INDEX

Keywords: L Word (The), Dykes to Watch Out For, comic strip, gender, transmedia Mots-clés: L Word (The), Dykes to Watch Out For, bande dessinée, genre, transmédia

AUTHOR

ANNE CRÉMIEUX Anne Crémieux is Associate Professor in American Studies at the University of Paris West Nanterre. She has published Black American Filmmakers and the Hollywood Dream (Paris, L’Harmattan, 2004), edited CinémAction 143 "Minorities in American Cinema" (Paris, Le Cerf, 2012) and co-edited Understanding Blackness Through Performance (New York, Palgrave Macmillan, 2013).

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Friday Night Lights (NBC et The 101 Network, 2006-2011) ou le réinvestissement du mythe de la small town

Gérald Billard et Arnaud Brennetot

1 Les séries télévisées adaptées d’œuvres antérieures semblent être devenues une forme récurrente de la production sérielle états-unienne contemporaine (voir figure 1). Les enjeux de la transposition diffèrent néanmoins fortement selon qu’il existe une homologie entre le format narratif des œuvres transposées et celui du support d’adaptation. Le remake ou le reboot d’une série préexistante ne représente pas les mêmes contraintes que l’adaptation d’un film, dont la durée est forcément limitée, au format plus long d’une série télévisée, appelée à se déployer sur une ou plusieurs saisons. Dans ce second cas, l’adaptation ne peut pas être une simple transposition mais exige un étirement et un enrichissement du récit, le développement de certains thèmes inédits, l’invention de personnages supplémentaires, le recours à des flashbacks ou à des flashforwards.

2 La réinvention du récit qu’occasionnent de telles transformations peut aller très loin, au point même d’aboutir parfois à des écarts, des torsions ou des inversions du discours présent dans l’œuvre originelle (scénario, genre esthétique, teneur morale, etc.). Toute adaptation s’apparente alors à un ensemble de reprises et de transformations, inégalement proportionnées, qui autorisent un jeu permanent avec les téléspectateurs autour de la reconnaissance des points communs et des différences.

Fig. 1 : Exemples de reprises dans les séries télévisées aux États-Unis

Revivals de séries plus anciennes

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Battlestar Galactica (ABC, 1978-1979), Battlestar Galactica, (Sky One-Sci Fi Channel, 2004-2009). Charlie’s Angels (ABC, 1976-1981), Charlie’s Angels (ABC, 2011). Hawaii Five-O (CBS, 1968-1980), Hawaii Five-O (CBS, 2009-). Star Trek, (NBC 1966-1969), Star Trek-Voyager (UPN, 1995-2001), Star Trek-Enterprise (UPN, 2001-2005). The Bionic Woman (ABC, 1976-1977, NBC, 1977-1978), Bionic Woman, (NBC, 2007). The Prisoner (ITV, 1967-1968), The Prisoner (AMC, 2009). V (NBC, 1983-1985), V2009 (ABC, 2009-2011).

Séries dérivées sous forme de sequels/prequels

Battlestar Galactica-Caprica (Syfy, 2010). Beverly Hills 90210 (FOX, 1990-2000), Melrose Place (FOX, 1992-1999), Beverly Hills New generation (The CW, 2008-2013).Dallas (CBS, 1978-1991), Dallas 2012 (TNT, 2012-).

Adaptations de séries étrangères

Being Human (BBC Three, 2008-2013), Being Human (Syfy, 2011-). Bron, Broen (SVT1, DR1, 2011-), The Bridge (FX, 2013-), Tunnel-The Tunnel (Sky Atlantic-Canal+, 2013-). Forbrydelsen (DR1, 2007-2012), The Killing (AMC, 2011-2013). Free Agents (Channel 4, 2009), Free Agents (NBC, 2011). Hatufim (Channel 2, 2010-), Homeland (Showtime, 2011-2013). Life On Mars (BBC One, 2006-2007), Life On Mars (ABC, 2008-2009). Prime Suspect (ITV, 1991-2006), Prime Suspect (NBC, 2011-2012). Shameless (Channel 4, 2004-2013), Shameless (Showtime, 2011-). Skins (E4, 2007-2013), Skins (MTV, 2011-) The Office (BBC Two, 2001-2003), The Office (NBC, 2005-2013), (Canal+, 2006), Stromberg (ProSieben, 2004-2012), La Job (Bell TV, 2006-2007), La ofis (Canal 13, 2008), HaMisrad (Yes Comedy, 2010-2013), Kontoret (TV4, 2012). Yo Soy Betty La Fea (RCN TV, 1999-2001), Ugly Betty, (ABC, 2006-2010) et nombreuses autres adaptations.

Adaptations de films de cinéma

Friday Night Lights (P. Berg, 2004), Friday Night Lights (NBC, Direct TV, 2006-2011) Nikita (L. Besson, 1990), Nikita (The CW, 2010-2013). Les Revenants (R. Campillo, 2004), Les Revenants (Canal+, 2012-) Star Wars (G. Lucas, 1977), Star Wars: The Clone Wars (Cartoon Network, 2008-2013) Terminator (J. Cameron, 1984), Terminator: The Sarah Connor Chronicles (FOX, 2008-2009)

Adaptation de livres ou de romans

The Firm (J. Grisham, 1991), The Firm (S. Pollack, 1993), The Firm (NBC, 2012). Boardwalk Empire: The Birth, High Times and the Corruption of Atlantic City (N. Johnson, 2010), Boardwalk Empire (HBO, 2010-) Under the Dome (S. King, 2009), Under the Dome (CBS, 2013). LA Noir: The Struggle for the Soul of America’s Most Seductive City (J. Buntin, 2010), Mob City (TNT, 2013).

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Adaptations de séries de romans

A Song of Ice and Fire (G. R. Martin, 1996-), Games of Thrones (HBO, 2011-) Darkly Dreaming Dexter (J. Lindsay, 2004-2011), Dexter (Showtime, 2006-2013). The Southern Vampire Mysteries (C. Harris, 2001-), True Blood (HBO, 2008-) Roswell High (M. Metz, 1998-2000), Roswell (The WB, 1999–2001, UPN, 2001–2002). Walt Longmire (C. Johnson, 2004-), Longmire (A&E, 2012-). The Sword of Truth (T. Goodkind, 1994-2013), Legend of the Seeker (ABC, 2008-2010).

Adaptations de séries en bandes dessinées

Smallville (DC Comics, 1949), Smallville (The WB, 2001–2006, The CW, 2006–2011) The Walking Dead (R. Kirkman, 2003-), The Walking Dead (AMC, 2010-)

3 Dans ce contexte, les lieux diégétiques se présentent souvent comme des éléments de stabilité2, facilitant l’identification des liens de descendance et des continuités entre l’œuvre initiale et l’œuvre dérivée : le Deep South pour The Walking Dead et True Blood, le ranch des Ewing pour Dallas, l’archipel hawaïen pour Hawaï Five-O, les grandes villes dans V ou des vaisseaux géants Battlestar Galactica, ou encore Star Trek. Dans la série Game of Thrones, par exemple, le monde minutieusement cartographié dans le générique reprend l’espace diégétique des sept royaumes inventé par George R. Martin pour son cycle romanesque. Lorsqu’il s’agit d’une transposition internationale, les lieux changent mais l’ambiance géographique demeure souvent : les villes de Copenhague et de Seattle pour The Killing, des quartiers populaires de Manchester et de Chicago pour Shameless, des lycées à Bristol et à Baltimore pour Skins, des bureaux impersonnels pour The Office ou des établissements de mode à Bogotà et à New York pour Yo Soy Betty La Fea et Ugly Betty, etc.

4 Cette permanence est cependant rarement complète et des glissements peuvent s’opérer dans la façon de figurer les lieux et de les intégrer au sein de la trame dramatique. Par exemple, la représentation de la figure idéal-typique de la small town dans les trois versions de Friday Night Lights, le livre, le film et la série, diffère sensiblement : outre le passage du lieu réel (Odessa, Texas) au lieu fictif (Dillon, Texas), la fonction sociale du territoire change profondément, le passage à la série télévisée révélant une profondeur que les formats du livre documentaire ou du film cinématographique n’avaient pas permis d’atteindre. Cet article propose de montrer comment l’adaptation à la forme sérielle a permis une exploration plus profonde de l’« espace vécu3 » des personnages, laissant deviner des sensibilités géographiques plus complexes et subtiles que dans les œuvres originelles.

1. D’Odessa à Dillon : un livre, un film, une série

5 Friday Night Lights est initialement un ouvrage écrit en 1990 par Henry Bissinger, journaliste au Philadelphia Inquirer. Ce livre, sous-titré A Town, a Team and a Dream raconte la saison sportive des Permian Panthers, l’équipe de football du lycée de la ville d’Odessa (90 000 habitants), située à l’Ouest du Texas, au cours de l’année 19884. Le livre narre les différents épisodes d’une saison sportive haletante liée à une succession de

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rebondissements qui conduisent l’équipe en demi-finale du Championnat du Texas. À l’époque, l’auteur choisit de se rendre à Odessa car l’équipe des Permian Panthers possède une longue tradition de victoires au championnat de l’État (1965, 1972, 1980, 1984), laissant deviner l’importance que le football est susceptible de représenter pour la population locale. Au-delà du récit des événements liés au championnat, l’objectif premier du journaliste consiste à dresser une chronique de la vie ordinaire dans une petite ville de l’Amérique profonde, saisie à travers le prisme du football lycéen :

The goal had never been to write a sports book, per se, but rather to take an ethnographic look at life in an American town in which everything was touched by high school football. […] Small-town life is intricate and gripping and the glue that holds it together is football5.

6 Le journaliste s’attache ainsi à décrire avec minutie le contexte socio-géographique dans lequel évoluent les joueurs, en évoquant notamment les divers problèmes qu’ils sont susceptibles de rencontrer à Odessa : la pauvreté, le racisme, la ségrégation et les inégalités sociales. L’ouvrage adopte volontiers une tonalité critique à l’égard d’une ville présentée comme un territoire en décrépitude. La ville, dont l’âge d’or lié à l’exploitation pétrolifère est révolu, ne semble plus avoir désormais d’autre espoir que la réussite de l’équipe du football du lycée pour maintenir sa cohésion interne. Le livre est d’ailleurs plutôt mal accueilli à Odessa lors de sa sortie alors qu’il connaît un grand succès dans le reste des États-Unis6.

7 Dès 1993, le livre Friday Night Lights, A Town, a Team and a Dream inspire plusieurs scénaristes et fait l’objet d’une première adaptation télévisée : diffusée sur NBC, la mini-série Against the Grain (1993) reprend ainsi de nombreux thèmes abordés dans le livre. Par la suite, en 2004, la trame narrative de Friday Night Lights est réinvestie une deuxième fois sous la forme d’une adaptation cinématographique dirigée par Peter Berg, cousin de Henry Bissinger. Le film reprend le titre du livre (voir figure 2) et respecte fidèlement la trame des événements décrits dans le livre ainsi que l’identité des personnages et des lieux : l’histoire se déroule toujours en 1988 et Odessa continue à apparaître comme une ville moyenne de l’Amérique profonde, majoritairement habitée de Blancs, de Noirs et de Latinos appartenant aux classes populaires de la société américaine.

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Fig. 2 : Couverture de l’ouvrage et affiche du film Friday Night Lights.

8 Comme le livre, le film s’intéresse à certains pans de la vie quotidienne de quelques personnages : le coach, , joué par Billy Bob Thornton, le fullback, Don Billingsley, ou le running back, Boobie Miles. Le récit demeure pourtant centré sur la façon dont les joueurs envisagent leur rapport au football. L’intrigue principale repose notamment sur les conséquences pour l’équipe de football de la blessure de Boobie Miles, le running back prodige sur lequel toute la ville compte pour remporter le championnat. Avec cette blessure, qui survient lors de la phase de qualification, la poursuite du championnat paraît compromise et les Permians ne doivent leur accès aux playoffs qu’à un heureux tirage au sort contre une équipe adverse parvenue au même nombre de points au terme de la phase de poule.

9 La passion locale pour le football est telle que Boobie va jusqu’à remettre en cause le diagnostic du médecin de Midland, ville de l’une des équipes rivales, accusant le praticien de participer à un complot contre les Permians afin de les empêcher d’accéder à la finale. Pour beaucoup de joueurs, la réussite sportive constitue un enjeu crucial, notamment car elle représente, pour certains d’entre eux (comme Chavez), la clé pour accéder à l’Université l’année suivante et sortir d’Odessa, ou, pour les moins chanceux (comme Don ou Mike), l’occasion de connaître un ultime moment de gloire avant d’entamer une vie d’adulte morne et précaire, à l’image du père de Don Billingsley. Cet échange entre Don, Mike et Chavez montre bien l’importance relative que la réussite au football représente pour leur avenir : MIKE. He designed his offence around one player. We’re dead. CHAVEZ. We’re not dead. We just need to start throwing the football. DON. We’re dead. MIKE. Dead. Pull it. CHAVEZ. We gotta lighten up. We’re seventeen. DON. Do you feel seventeen? MIKE. I don’t feel seventeen. Pull it. CHAVEZ. We will win state. DON. Chavo, you’re like a humana piñata. You get your ass beat on more than

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anybody I know and you just sit there and spit out candy. MIKE. That’s cause he’s out of here. He’s got the grades. No matter what, if we win or lose, he knows he’s getting out. He’s like the one foot out the door, man. DON. You’ll be drinking martinis, eating lamb chops, getting manicures. CHAVEZ. You’re just jealous.

10 Dans le film, le coach Gaines se présente comme une figure paternelle, dont l’horizon paraît plus ouvert que le reste de la population d’Odessa et qui, de ce fait, pousse les joueurs à se surpasser et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Le championnat s’apparente alors à une épreuve initiatique et collective, censée permettre à chaque joueur de sortir grandi, malgré la défaite en demi-finale, et de se préparer à affronter les futures épreuves de la vie. Le film Friday Night Lights reprend ainsi bon nombre des codes du sports movie, bénéficiant de critiques plutôt positives lors de sa sortie7.

11 Après un succès en salles relativement modeste, Peter Berg décide l’année suivante d’adapter Friday Night Lights en série télévisée, s’adjoignant pour cela la collaboration de , le producteur de la série Roswell. Lancée en 2006, la série Friday Night Lights a été diffusée pendant cinq saisons, chacune d’elle racontant une année de championnat. Diffusée initialement par NBC, comme Against the Grain précédemment, la série réunit entre cinq et neuf millions de téléspectateurs8, audience suffisamment réduite sur un network pour que le diffuseur menace de ne pas la reconduire à l’issue de la deuxième saison. Elle ne doit son prolongement au-delà qu’à un accord de partenariat signé avec le bouquet de diffusion par satellite Direct TV qui programme la série sur la chaîne The 101 Network jusqu’en 2011.

12 D’un point de vue narratif, la série Friday Night Lights partage avec le film de nombreux points communs : les ambiances visuelle et sonore particulièrement soignées, les maisons filmées à l’identique, les grands espaces avec les routes qui se perdent à l’horizon, les paysages emblématiques du Texas rural, les puits de pétrole plus ou moins en activité, les réservoirs d’eau, la présence quotidienne de la radio locale, sans oublier la musique aérienne du groupe post-rock Explosions in the Sky, originaire d’Austin, où la série est tournée (voir figures 4 et 5).

Fig. 4 : Lever de soleil sur Dillon, première image du pilote de la série Friday Night Lights.

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Fig. 5 : Les grands espaces du Texas où l’automobile demeure omniprésente

13 Les créateurs de la série ont cependant profité de l’adaptation au format télévisuel pour introduire plusieurs différences scénaristiques importantes. La série se déroule ainsi dans une petite ville fictive de l’Ouest du Texas, baptisée Dillon, sans doute un peu moins peuplée qu’Odessa. En outre, si les championnats de football représentent un fil narratif qui structure chaque saison, ils n’occupent toutefois plus la majorité des scènes. La série s’intéresse plus directement à la vie quotidienne des joueurs, observe ce qui se passe dans leur entourage, dans leur famille ou au lycée. Une place importante est également accordée aux personnages extérieurs à l’équipe de football, notamment aux personnages féminins. Les personnages principaux de la série ne sont pas les joueurs mais le couple formé par le coach Taylor et sa femme, Tami, jouée par l’actrice Connie Britton, comme dans le film. Beaucoup de scènes s’attachent à les suivre en famille avec leurs deux filles, Julie et Gracie Belle, mais aussi dans la petite ville de Dillon, notamment au lycée et dans le stade. Les autres arcs narratifs concernent la vie quotidienne des joueurs de l’équipe mais aussi des cheerleaders ou des autres camarades du lycée, comme ou Landry Clarke. La prépondérance des intrigues parallèles à la compétition sportive fait que la série Friday Night Lights ne correspond pas tout à fait à un sports drama traditionnel. De même, en raison de la place réservée aux adultes, Friday Night Lights n’est pas non plus une teen series au sens strict.

2. Un réalisme au service d’une vision humaniste des relations sociales

14 Si la série est difficile à rattacher à un genre particulier, elle témoigne aussi de la recherche d’une certaine authenticité dans la scénarisation et dans la mise en scène. Les épisodes ont notamment été tournés dans des décors naturels, au Texas, à la périphérie d’Austin, ce qui permet aux réalisateurs de créer un effet de réalisme rarement utilisé dans le reste de la production télévisuelle états-unienne.

15 La série s’emploie en particulier à filmer les « non-lieux » de la vie quotidienne, les stades, les bordures de route, les carrefours, les parkings impersonnels ou les fast-foods éclairés au néon (voir figure 6). La série donne ainsi à voir tout ce qu’il peut y avoir

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d’inachevé dans les paysages ordinaires que les personnages habitent, marquant leur présence de multiples signes : des drapeaux, des bannières ou des écriteaux mais aussi la décoration des intérieurs domestiques, le mobilier et tous les objets qui emplissent la vie quotidienne.

Fig. 6 : Le stade et le fast-food – lieux emblématiques de la vie ordinaire dans l’Amérique profonde (générique de la série Friday Night Lights).

16 La série est tournée comme un véritable documentaire, avec des éclairages naturels, une grande liberté accordée aux acteurs, des cadrages apparemment approximatifs qui donnent l’impression de scènes saisies sur le vif. S’ajoutent en outre de nombreuses scènes contemplatives filmées en plans larges, captant les paysages de la nature et du ciel texans, et des moments où l’on observe les personnages mener leurs activités, sans qu’on puisse les entendre parler. On saisit alors l’expression des corps et des visages dans leur intimité, comme si les personnages n’étaient pas joués ou comme si la caméra n’était pas là. Loin d’être oniriques, ces scènes contemplatives renforcent le caractère réaliste de la série, les moments non dialogués conférant une présence physique très forte aux personnages comme aux paysages.

17 Cette manière de filmer contribue à l’équilibre narratif de la série, la plupart des épisodes alternant des phases spectaculaires et excitantes consacrées au déroulement des matchs et des moments plus calmes, où l’on suit les personnages dans l’intimité de leur vie quotidienne.

18 Le réalisme de Friday Night Lights tient aussi aux nombreuses intrigues qui abordent divers problèmes de la vie réelle : le délaissement familial et la faillite parentale, la pauvreté, le racisme et la ségrégation, la délinquance juvénile, la dépendance et la solitude ou les défaillances du corps (handicap moteur, maladie d’Alzheimer). Les lieux que les personnages habitent reflètent eux aussi la réalité, parfois dure, des inégalités

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sociales : le ghetto noir dans lequel habitent (Saisons 1 et 2) ou Vince Howard (Saisons 4 et 5), la bicoque défraîchie de la grand-mère de (voir figure 7), la maison middle class des familles Taylor et Garrity, la mansion ostentatoire des MacCoy, la caravane vétuste dans laquelle s’est réfugié et même le lycée et le stade délabrés d’East Dillon à partir de la quatrième saison.

19 Les adolescents de Friday Night Lights n’échappent pas aux périls d’une vie chaotique et beaucoup souffrent directement et durablement des multiples drames qui leur arrivent. , le quarterback vedette de l’équipe, est ainsi condamné, après un accident survenu dès le pilote, à passer sa vie dans un fauteuil roulant. Certains joueurs sont menacés par des gangs ou surveillés par la police, et finissent par se retrouver en prison pour des délits plus ou moins graves. Beaucoup souffrent par ailleurs des défaillances familiales, du délaissement, de la fuite ou de la mort d’un parent. Pour plusieurs, la pauvreté économique contrarie leurs chances de voir se réaliser leurs projets d’avenir. Si les garçons subissent la pression permanente du modèle masculin du compétiteur sportif, il n’est pas rare que les lycéennes soient de leur côté victimes de l’intolérance et des préjugés sociaux concernant la sexualité féminine.

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Fig. 7 : La maison de la grand-mère de Matt Saracen, située dans un quartier habité par la classe populaire blanche (Friday Night Lights, 1.4).

21 Toutes ces difficultés rendent plus touchants les divers moments de bonheur et de réussite que les adolescents connaissent : la victoire d’un match, l’admission à l’université, la réussite professionnelle, le plaisir de jouer dans un garage band, le début d’une liaison amoureuse ou, plus tard, la joie de fonder une famille. Cependant, ces réussites ne sont que des succès provisoires, des conquêtes personnelles qui ne préjugent en rien de l’avenir. Parce qu’elle évite ainsi le double écueil du misérabilisme

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et de l’angélisme, Friday Night Lights est une série dramatique gracieuse et émouvante. C’est bien car elle n’est ni abusivement optimiste, ni excessivement pessimiste, que les moments d’émotion n’en sont que plus authentiques et appréciables9.

22 Dans la série Friday Night Lights, si la mise en scène vise à laisser transparaître une certaine authenticité, la description de la réalité sociale ne sombre jamais dans le fatalisme, notamment car, à Dillon, l’espérance n’est jamais dérisoire. Les créateurs entendent ainsi montrer qu’il est possible de faire des choix responsables, parfois rendus difficiles en raison des contraintes sociales, mais des choix capables de changer la vie de l’entourage des personnages. La solidarité qui en découle ne parvient certes jamais à supprimer totalement les drames de la vie, y compris ceux qui résultent des diverses formes de précarité sociale, mais elle permet de faire en sorte que les individus, les jeunes en l’occurrence, puissent eux aussi accéder à la dignité et que leurs efforts pour réaliser leurs projets de vie ne soient pas vains. La crédibilité des arcs narratifs tient aussi au fait que les adultes qui aident ces jeunes, notamment le couple Taylor ou des personnages comme Buddy Garrity ou Mindy Riggins, ne sont pas exempts de défauts et ne sont pas infaillibles, notamment lorsqu’eux-mêmes sont confrontés aux difficultés que traverse leur propre famille.

23 Plusieurs structures d’encadrement offrent alors aux jeunes la solidarité et la sécurité qui vont leur permettre de grandir, de s’engager et de prendre des risques, pour finir par s’émanciper, devenir pleinement autonomes et accéder à la dignité que la série présente comme la fin ultime de l’existence humaine : le lycée ou l’équipe de football représentent autant de cellules sociales qui favorisent l’expression de ce cheminement initiatique. À Dillon, les communautés religieuses jouent également un rôle très important. Elles apparaissent en filigrane, tout au long de la série, comme un élément structurant de la vie des personnages, sans que soit gommée l’hypocrisie des bons sentiments échangés lors des cérémonies collectives ou les excès de ferveur et d’intolérance que suggèrent certains personnages born again ( ou la mère de Luke Cafferty, par exemple). Là encore, il n’y a pas de moralisme, ni de manichéisme. On suit les personnages dans leurs efforts pour faire face aux épreuves de la vie, qu’ils réussissent ou qu’ils défaillent, qu’ils soient croyants ou non, que leur famille soit équilibrée ou au bord du chaos.

24 Parmi les différentes formes communautaires servant de cadre structurant aux individus, il en est une qui apparaît de façon essentielle tout au long de la série : il s’agit de la ville de Dillon elle-même. Pour cette raison, si Friday Night Lights n’est ni une sports series, ni une teen series à proprement parler, nous proposons de la qualifier de small town series.

3. La small town : cadre ambigu de l’émancipation individuelle

Une ville suspendue à l’équipe de football du lycée

25 Dès les premiers épisodes de la série, à l’image d’Odessa dans le livre de Henry Bissinger ou dans le film de 2004, la population de Dillon semble entièrement suspendue à la vie de l’équipe de football du lycée. Le vendredi soir, lorsque surviennent les matchs, toute la ville semble se rassembler dans un élan communautaire pour assister à la rencontre sportive. Au cours des jours qui précèdent,

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les radios locales commentent en boucle les chances des équipes qui vont s’affronter. Les joueurs et le coach sont interviewés et invités à commenter les dernières rumeurs concernant la stratégie de l’entraîneur ou l’état physique de tel ou tel joueur. Dans les bars, les fast-foods ou les fêtes entre amis, toutes les discussions semblent tourner autour des matchs de football. Au tout début de la série, le personnage de Jason Street, le QB1 (quarterback 1) de l’équipe, est présenté comme la grande vedette de Dillon sur laquelle reposent tous les espoirs de la ville. De son côté, Buddy Garrity, un concessionnaire automobile de la ville, est devenu un véritable notable à Dillon en raison du fait qu’il occupe aussi le poste de président de l’amicale des anciens joueurs. En communion avec le reste de la ville, la maire de Dillon10 semble elle aussi attacher une grande importance au football : l’encouragement de l’équipe ou la recherche de sponsors semble d’ailleurs occuper une bonne partie de son énergie. L’équipe de football apparaît bien comme le centre d’intérêt principal de toute la ville.

La small town : un piège oppressant pour les adolescents ?

26 Cette focalisation de la population de Dillon autour de l’équipe de football du lycée se traduit par une très forte pression sur les lycéens, au point de leur être parfois insupportable. L’accident dont Jason Street est victime lors du premier match du championnat, au début de la première saison, annonce l’ambiguïté du rapport des jeunes à la small town. Cet événement tragique pour sa propre existence, le condamnant à se déplacer en fauteuil roulant jusqu’à la fin de ses jours et ruinant sa carrière sportive, compromet aussi les chances de l’équipe et, à travers elle, de la ville tout entière pour le reste du championnat : à sa propre douleur s’ajoute donc le sentiment de culpabilité d’avoir ruiné les espoirs de la ville. Jason passe ainsi du statut d’icône adulée à celui de figure sacrificielle que la ville a détruite.

27 Pour Matt Saracen, qui remplace Jason au poste de QB1, la pression est également difficile à supporter, alors que lui-même doit faire face à une situation familiale particulièrement difficile : “It’s a big deal because then this whole town is gonna murder me. And then I’m gonna be sitting on the bench again” (Matt Saracen, 1.19). Loin d’être un loisir ou un moyen de se délasser et d’échapper aux tracas de la vie quotidienne, le football s’impose comme un facteur de stress supplémentaire que la ville impose aux joueurs. Le football n’est pas seulement un jeu. Il semble être au fond la dernière raison qui donne aux habitants de Dillon le sentiment de former une communauté :

BUDDY GARRITY. This is not just some game. You realize that. After what’s happened with Jason. I mean, this is about tradition. It’s about this town. It’s about the spirit and keepin’ this town alive. That’s football. That’s all we got. Now, if we lose this game, this town’s just gonna be in a turmoil. And I don’t need that.” (1.2)

28 Dans ces conditions, le football s’impose comme un élément omniprésent et contraignant dans la vie des jeunes : “You don’t go against the Panthers in this town and you know that” (Jason Street, 1.12). Pour les filles du lycée, la meilleure façon d’exister aux yeux des autres et d’obtenir une reconnaissance sociale semble se réduire à faire partie de l’équipe de cheerleaders, à l’image de Lila Garrity, fille de Buddy et petite amie de Jason au début de la série. Toute réserve vis-à-vis de ce que le football représente pour Dillon risque de passer pour un signe de marginalité. Le mépris que

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Tyra Collette, lycéenne issue d’une famille pauvre, éprouve pour le football constitue la partie visible de l’abjection qu’elle ressent plus largement pour la ville de Dillon, préfiguration de son désir de fuite vers des horizons lointains. Au cours de la première saison, elle décrit les joueurs de la façon suivante :

TYRA COLLETTE. Just a bunch of overheated jocks, too dumb to know they have no future, fighting over a game that has no meaning, in a town from which there is no escape. (1.5)

29 Pour elle, le football s’apparente à une activité dérisoire à laquelle les habitants s’accrochent pour mieux oublier le fait qu’ils sont coincés dans un dead end où il ne pourra jamais rien leur arriver de positif.

30 Contrairement au film, les personnages féminins de la série jouent ainsi un rôle crucial, leur regard souvent décalé permettant de mieux souligner le caractère pathétique du délire sportif dont la ville semble parfois être prisonnière. , la femme du coach, qui devient également conseillère d’éducation du lycée après leur arrivée dans la ville au début de la première saison, offre un contrepoint significatif. À plusieurs reprises, elle intervient pour mettre en garde son mari contre les illusions que le football pourrait susciter chez les joueurs qu’il entraîne :

TAMI TAYLOR. You know what the problem is, it’s this town, baby. This town makes these teenage kids into idols. And then they get out of here, and everybody’s not just giving ’em something all the time. They don’t know what to do with themselves. They fall flat on their faces. It’s a shame. (1.7) TAMI TAYLOR. You’re making ’em feel like what this town makes ’em feel like, which is that football is the most important thing. (1.11)

31 Dillon se présente comme l’emblème dystopique des petites villes déclinantes de la périphérie du Texas, à l’instar de nombreuses communes rurales des Plaines de l’Ouest américain, en décalage avec le reste de la société états-unienne11, accrochées aux souvenirs des gloires passées.

32 La small town s’apparente alors à un cadre contraignant pour les jeunes qui y grandissent. Ainsi, si Jason Street se plaint de sa propre condition, ce n’est pas uniquement parce qu’il a perdu l’usage de ses jambes, mais bien aussi car il a l’impression d’être piégé par une ville figée dans le temps, à l’intérieur de laquelle il ne perçoit aucune issue possible :

JASON STREET. Have you ever noticed, that nobody ever changes in this town? Nothing ever changes. All go to the same church, or the same job, and the same restaurants. And everybody goes to the football game Friday night. It’s like this huge fishtank, that we’re all stuck in and we can’t find our way out. I’m kind of... stuck. I’m stuck. (2.6)

33 À plusieurs reprises, l’expression du désir de fuite s’apparente pour Jason à un cri de désespoir lié au sentiment qu’il ne pourra pas échapper à la vie morne et étriquée que Dillon lui réserve : JASON. Now pretty much half the town hates me because I’m suing the football team. SUZY. Doesn’t that make you wanna get outta there? JASON. Outta where? Out of Dillon? SUZY. Yeah! Just leave – screw them! JASON. Go where? Go where?

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SUZY. I don’t know… anywhere. JASON. No, I’m engaged. I can’t go anywhere. SUZY. It’s hard for me to understand why anybody would want to be somewhere where they’re not wanted. JASON. It’s home. Only home I’ve ever known. It’s just... I can’t imagine I’ll be going anywhere else anytime soon. (1.19)

34 La ville se présente alors comme un horizon fermé qui finit, dans la deuxième saison, par conduire à un rejet et même à une profonde détestation que Jason exprime lors d’une chanson qu’il improvise au cours d’une soirée avec ses amis :

JASON. I’m gonna walk-a, I’m gonna walk-a, I’m gonna get out of my chair, and I’m-a run-a, and I’m-a run-a, and I’m-a get right outta there because Dillon sucks, folks. Dillon is an awful place to be, and I wanna walk away, and tomorrow, I’m gonna do it. (2.4)

35 À ce titre et à plusieurs reprises, Tyra Collette s’affirme comme le pendant féminin de Jason, elle aussi refusant de se laisser dominer par cette small town dans laquelle le football semble engluer tout un chacun, y compris la femme du coach qui incarne un modèle que Tyra rejette :

TYRA. I don’t wanna be you, Mrs. Taylor. I don’t wanna stay here. Stuck in this small town... in a job like this... married to a coach. (1.6)

36 Malgré ses difficultés en mathématiques, l’École devient alors pour la jeune adolescente le seul espoir de sortie, la seule opportunité d’accéder à une université qui lui permettra d’échapper au tropisme de la small town.

Dillon, un tremplin vers l’avenir

37 Friday Night Lights ne se résume cependant pas à une de la promiscuité locale ou à une simple dénonciation de l’esprit de clocher (parochialism) qui sévirait dans les petites villes de l’Amérique profonde. Parce que ses créateurs cherchent en permanence à éviter tout misérabilisme et toute dénonciation simplificatrice, le discours de la série est bien plus complexe, lui conférant un caractère souvent touchant – certains diraient lacrymal ou édifiant. À Dillon, la réussite et l’espérance ne sont en effet jamais vaines ou insignifiantes.

38 Tout d’abord, le rejet et la révolte exprimés par certains ados sont tempérés par de nombreux moments où on les voit s’amuser, s’attacher aux autres, tomber amoureux, se lier d’amitié, prendre confiance en eux, se lancer dans des projets, etc. De même, les adultes ne sont pas uniquement montrés comme irresponsables et indifférents à l’égard du sort des autres. À ce titre, le rôle joué par le couple Taylor est souvent crucial pour beaucoup de jeunes : l’espace de proximité qu’offre la petite ville permet aux Taylor d’apporter un soutien réel à tous ces jeunes délaissés par leur famille, tels Matt Saracen, Tyra Collette, Smash Williams, Vince Howard, Becky Sprawles, etc. Dillon n’est plus alors seulement le piège que dénoncent Jason et Tyra : la petite ville devient aussi un cadre territorial qui rend possible le développement de formes inattendues de communication, de sympathie et de solidarité. La proximité géographique favorise ainsi la multiplication des rencontres intersubjectives et devient propice à la communication et à la responsabilisation morale des individus. Ce qu’Eric Taylor enseigne à ses joueurs, ce n’est pas tant l’esprit grégaire de la compétition sportive et la haine de l’adversaire

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que les idées de solidarité interpersonnelle, de soutien mutuel, de respect de la différence, de l’effort individuel au service de la réussite collective, autant de thèmes peu exploités dans la version cinématographique. Le coach n’oublie pas non plus que, pour de nombreux jeunes, la réussite sportive représente souvent un sésame pour l’obtention d’une bourse universitaire, gage d’une ascension sociale future.

39 Il y a là un certain paternalisme moral. Cependant, grâce à l’absence de tout manichéisme, celui-ci ne se transforme jamais en conservatisme ou en apologie réactionnaire d’un American Way of Life traditionnel ou puritain 12. La façon dont Tami Taylor conseille le personnage de Becky Sprawles, au cours de la saison 4, lorsque la jeune fille tombe enceinte de façon non désirée, en témoigne : le refus de se plier à la pression de la frange néoconservatrice de Dillon conduit Tami à démissionner plutôt que d’admettre une quelconque faute morale de sa part. La ténacité de Tami contre les préjugés des militants pro-life de la ville montre que la société texane se révèle plus complexe que l’image renvoyée par les médias au cours de l’ère Bush, l’intégrité morale du personnage de Tami servant à rappeler aux téléspectateurs l’absurdité des stéréotypes géographiques et sociaux, quels qu’ils soient, y compris ceux qui concernent les habitants de ce Texas profond. De façon générale, si les Taylor sont très protecteurs, en particulier avec leur propre fille, Julie, ils sont aussi soucieux de responsabiliser les jeunes qu’ils accompagnent, dans le respect de leurs différences et de leurs choix.

40 Dès lors, derrière l’image du piège, la small town révèle peu à peu, grâce au format de la série qui donne du temps au récit pour se déployer pleinement, tout un ensemble de qualités susceptibles d’aider les adolescents et leur famille à se construire, à trouver un équilibre social et moral. Cette capacité de la petite ville à offrir un cadre, non pas confortable, mais plutôt rassurant et fortifiant, est particulièrement révélée par la trajectoire du personnage de Julie, la fille des Taylor, initialement rebutée à l’idée de venir s’enterrer à Dillon et qui découvre, au fur et à mesure des épisodes, les qualités insoupçonnées de la small town, au point de finir par produire un attachement très fort à la ville et à ses habitants. À la fin de la première saison, elle en arrive ainsi à ne plus vouloir quitter la petite ville pour rejoindre Austin, où son père a été recruté, expliquant comment le processus d’enracinement local a transformé sa vie et ses rêves :

JULIE TAYLOR. My opinion is that when you told me we were gonna move to Dillon, I seriously wanted to vomit. And my opinion when we got here was that every fear I had about moving... came true. And then… it changed. And I was actually happy. I’ve been moving around my entire life. And... for the first time, it just felt like I was at home. And I know going to Austin and being some college football coach is your dream. But I have dreams too. And they’re coming true right here. (1.19)

41 Dans la saison 4, alors qu’elle se rend avec sa mère dans une université de Boston pour un entretien d’orientation, Julie exprime à nouveau le rapport affectif qui la lie désormais à Dillon :

JULIE. When I started high school, I couldn’t wait to get out of Dillon. I thought that every book I read was like a rung on a ladder that I built to escape this town that was all about high school football and nothing else. And now that I’m actually getting close to leaving, I’m starting to appreciate that... I was shaped by my town, that I have a different viewpoint than every

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other person. I guess what I’m trying to say is that... I’m surprised by how happy I am to be from where I’m from. Does that make any sense? (4.8)

42 Loin de se réduire à un piège, l’expérience adolescente de Julie révèle comment la small town peut aussi devenir un home rassurant et attachant, propice au déploiement de sa propre personnalité et au renforcement de capacités qui lui seront utiles pour affronter l’avenir métropolitain, ouvert et incertain, que lui réserve la vie universitaire.

4. Friday Night Lights, une alternative au pessimisme de David Simon dans The Wire

43 Dans Friday Night Lights, le réalisme ne conduit donc pas à la désespérance morale. Plusieurs références intertextuelles peuvent même être interprétées comme une volonté de démarcation par rapport au discours pessimiste de nombreuses séries télévisées récentes. Ceci est particulièrement visible à partir de la quatrième saison, diffusée en 2010.

44 À ce moment de l’histoire, les scénaristes sont obligés de trouver de nouveaux personnages pour remplacer tous ceux qui, ayant terminé le lycée, sont partis de Dillon pour suivre un cursus à l’université (Matt, Tyra, Tim, Smash, etc.). Sans détailler les rebondissements qui ont permis aux créateurs de relancer l’intrigue et de renouveler l’intérêt des téléspectateurs, il est important de souligner que désormais, Eric Taylor n’est plus coach des Dillon Panthers mais est devenu celui des Lions, l’équipe de l’autre lycée de Dillon, situé à l’Est de la ville. Cet établissement est implanté au cœur d’un ghetto noir, dans des locaux vétustes, fonctionnant avec des moyens dérisoires pour accueillir des élèves majoritairement noirs, issus de familles pauvres. Ces jeunes connaissent souvent des situations familiales, économiques ou scolaires difficiles et sont beaucoup moins motivés ou disciplinés que le personnage de Smash Williams au début de la série, lui aussi issu du ghetto.

45 C’est dans ces conditions qu’au début du premier épisode de la quatrième saison, un officier de la police municipale de Dillon confie à Eric Taylor le soin de prendre en charge un jeune délinquant multirécidiviste, Vince Howard, menacé d’aller en prison à la moindre nouvelle infraction. Bon nombre des scènes des deux dernières saisons sont alors consacrées à suivre l’évolution de ce personnage, tiraillé entre différents modèles d’affirmation de soi (le caïd, le QB1, le fils prodigue, etc.), à suivre la façon dont le coach l’aide à se sortir des difficultés avec la police ou avec les gangsters locaux, à faire des choix responsables, à devenir un grand champion mais aussi un jeune homme digne et responsable, sur lequel sa famille et son entourage peuvent compter.

46 Or, le personnage de Vince est joué par Michael Bakari Jordan, un acteur resté dans la mémoire de nombreux téléspectateurs grâce au rôle tragique de qu’il incarnait dans la première saison de la série The Wire qui, elle aussi, s’intéressait à la vie des jeunes noirs des ghettos, dans la ville de Baltimore13. Le choix de cet acteur, vieilli de quelques années (voir figure 8), crée alors une résonance inattendue entre les deux séries, Friday Night Lights et The Wire.

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Fig. 8 : Michael Bakari Jordan interprétant Wallace dans The Wire (en haut) puis Vince dans Friday Night Lights (en bas).

47 La première scène dans laquelle Vince apparaît laisse d’ailleurs supposer que l’écho est voulu : on le voit poursuivi par la police alors qu’il tente de s’échapper dans le dédale des passages piétonniers d’un quartier pauvre de Dillon (voir figure 9), la scène rappelant une des nombreuses arrestations visibles dans The Wire.

Fig. 9 : Première scène dans laquelle apparaît le personnage de Vince Howard, arrêté par la police dans une sente de Dillon qui rappelle le cadre géographique dans lequel évoluent de nombreux adolescents de Baltimore dans The Wire.

48 La référence à The Wire apparaît même encore plus clairement lorsque, dans l’épisode 9, le coach et Buddy Garrity cherchent à sécuriser Caroll Park, l’endroit où les jeunes d’

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East Dillon se réunissent en fin de journée et où un adolescent a été blessé par balle quelques jours auparavant. Ils entrent ainsi en contact avec Elden Crumpler, un ancien détenu engagé dans l’action associative auprès des jeunes. Ce personnage est en effet joué par Larry Gilliard Jr., acteur qui tenait le rôle de l’emblématique D’Angelo Barksdale dans la série The Wire, personnage lui aussi tragique, broyé par la logique du gang, incapable de sauver Wallace et de s’extirper de la violence urbaine de Baltimore (voir figure 10). Tout se passe alors comme si les créateurs de Friday Night Lights prenaient plaisir à faire revivre les grandes figures tragiques de la série The Wire (Wallace, D’Angelo), comme pour leur offrir une seconde vie dans laquelle, cette fois-ci, le salut et la rédemption sont possibles.

Fig. 10 : Larry Gilliard Jr. interprétant D’Angelo Barksdale dans The Wire (en haut) puis l’ancien détenu Elden Crumpler dans Friday Night Lights (en bas).

49 On se rappelle notamment qu’à la fin de la première saison de The Wire, Wallace est extirpé de son ghetto et envoyé par la police chez sa grand-mère qui vit à Cambridge, une petite ville du Maryland, afin d’y être mis en sécurité. Là, il ne semble trouver que de l’ennui (WALLACE. « I just got tired of that same old country scenery. It was just too slow for me », 1.12) et décide de revenir dans son quartier pour y reprendre le « game », retour qui ne manque pas d’inspirer des soupçons aux chefs du gang pour lequel il travaillait jusqu’ici et qui, pour cette raison, décident de l’éliminer. Wallace trouve ainsi la mort car, malgré les mises en garde de son protecteur, D’Angelo, il est incapable de changer et de profiter de son exil rural, accablé par le tropisme tragique du ghetto : WALLACE. « I grew up in the courts, all right? I been with them niggers since forever. This is home ». Le dépaysement dans la small town n’a été pour Wallace qu’une échappée provisoire, dépourvue de sens, précédant le retour ultime dans le foyer mortel du ghetto. Au contraire de Wallace, Vince, son alter ego dans Friday Night Lights, peut compter sur l’appui du coach Taylor et de ses amis du lycée pour briser les chaînes

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de la reproduction sociale et éviter de se retrouver, comme son père, en prison : contrairement à The Wire, dans Friday Night Lights, la small town offre alors une alternative à la logique funeste de la ségrégation socio-spatiale.

50 La référence à The Wire se présente alors moins comme un hommage que comme un contrepoint décalé, Friday Night Lights rompant avec le fatalisme désabusé de David Simon dans The Wire, pour ouvrir la porte à l’espérance et à une amélioration possible des rapports humains. Dans Friday Night Lights, cette amélioration ne vient pas de l’action politique mais bien de l’engagement moral des personnages. Dans la petite ville de Dillon, Vince et le coach peuvent se croiser, cette rencontre n’étant pas traitée comme un fait contingent au milieu du chaos social, à l’image de la rencontre entre le major Bunny Colvin et le lycéen Namond Brice dans The Wire (saison 4). À la fatalité décourageante de la structure socio-spatiale des ghettos de Baltimore décrite dans The Wire par David Simon, les créateurs de Friday Night Lights opposent la possibilité d’une éthique de la sollicitude (du care) qui permettrait aux personnages de s’humaniser les uns les autres et de s’élever moralement les uns avec les autres, dans le cadre d’une small town trop exiguë pour que l’indifférence à l’égard des êtres malchanceux ou fragiles ne prolifère sans limite. Dans Friday Night Lights, le cadre géographique de la petite ville rend possible la conjonction des bonnes volontés, permettant à la communauté de continuer à exister malgré le déclin économique, les vicissitudes de l’existence ou la faiblesse morale de certains personnages.

51 Si la question de la réforme politique est absente de la série Friday Night Lights, la solidarité interindividuelle et la responsabilité vis-à-vis du groupe représentent des thèmes centraux qui permettent aux créateurs de souligner que, si la dignité humaine est difficile à conquérir, elle demeure toujours possible, d’une manière à la fois subtile et banale, sans déterminisme, mais sans non plus qu’une logique de happy end invraisemblable ne vienne saper l’épaisseur des drames qui se jouent au fil des épisodes. En ce sens, Friday Night Lights développe un discours véritablement humaniste, insistant sur les efforts des personnages pour adopter une attitude morale, sans que leurs propres fragilités face au poids des contraintes sociales ne soient édulcorées.

52 Avec une audience oscillant entre deux et huit millions de téléspectateurs 14 et des menaces d’interruption répétées, la série Friday Night Lights n’en est pas moins parvenue à rencontrer un succès critique peu commun15, à remporter plusieurs récompenses prestigieuses et à devenir, pour une partie non négligeable de ses téléspectateurs, une série culte, attachante et inoubliable. Les choix originaux de mise en scène, le réalisme des décors, la direction subtile des acteurs, l’utilisation entêtante du post-rock gracieux et atmosphérique du groupe Explosions in the Sky, couplés à un traitement nuancé de plusieurs grands thèmes narratifs (le sport, l’amour, la famille, la pauvreté, la maladie, la délinquance, etc.) ont en effet permis aux créateurs de donner à la série une ampleur que le film n’avait pas atteinte. L’espérance réaliste qui fonde le discours humaniste de la série Friday Night Lights est ainsi traitée en soulignant qu’il ne suffit pas de désirer quelque chose pour l’obtenir. Cette perspective permet aux auteurs de la série d’insister sur le fait que si les conditionnements sociaux pèsent bien sur les individus, ils ne sont en aucune mesure une fatalité. Les personnages ont alors la possibilité de construire des existences dignes, non pas seuls ou contre les autres, comme des self-made men, mais bien grâce au soutien et à l’appui de leur entourage, grâce à la solidarité qu’offrent les petites communautés comme Dillon. Friday Night

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Lights se démarque ainsi d’un certain nombre de séries au ton volontairement réaliste produites au cours des années 2000 sur les chaînes du câble, que ce soit pour dénoncer les travers de la société, la brutalité des relations humaines, le poids des structures de domination ou les illusions de la politique (The Wire, HBO, 2002-2008 ; Deadwood, HBO, 2004-2006 ; Mad Men, AMC, 2007- ; Boss, Starz, 2011- ; Damages, FX, Audience network, 2007-2012, etc.). Elle se démarque également des séries humoristiques dans lesquelles l’ironie ou la satire sont les seules formes d’appréciation critique possible16 (Desperate Housewives, ABC, 2004-2012 ; Weeds, Showtime, 2005-2012 ; The Middle, ABC, 2009-).

53 L’ambivalence du regard porté sur la small town par les différents personnages adolescents, mélange d’impressions de promiscuité et de sécurité, d’enfermement local et d’émancipation progressive, permet alors d’éviter toute réduction simplificatrice et de souligner le caractère contradictoire des liens sociaux qui peuvent se tisser dans une petite ville de l’Amérique profonde, crédibilisant le discours moral que veulent porter Peter Berg et Jason Katims, à savoir que l’espérance n’est pas vaine et que la dignité est accessible à tout être humain, par-delà les défaillances individuelles provisoires et les structures de domination héritées.

54 C’est ainsi que le téléspectateur prend plaisir à voir les personnages construire leur existence, sans que leur parcours ne soit facile, sans qu’ils soient exemptés de devoir affronter des hasards malheureux ou d’assumer des décisions lourdes de conséquences, mais sans non plus que leur trajectoire corresponde à un format unique ou à l’image stéréotypée d’une certaine idée de la réussite américaine qui consisterait, par exemple, à intégrer une université de l’Ivy League. Si beaucoup de personnages parviennent à quitter Dillon pour réaliser leur rêve ailleurs dans une grande métropole, New York, Philadelphie ou Chicago, le personnage de Tim Riggins montre que l’on peut aussi rêver d’être texan, de revivre le vieux rêve transcendantaliste, sans pour autant être un redneck stupide, misanthrope, raciste ou brutal, que l’on peut vouloir rester vivre à Dillon par amour sincère de la terre, des paysages et de l’atmosphère du Texas rural (voir figure 11). Il y a là une dimension inédite par rapport à l’ouvrage documentaire de Henry Bissinger ou à la première version cinématographique réalisée par Peter Berg.

Fig. 11 : Tim Riggins, réincarnation texane du rêve transcendantaliste

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55 La série Friday Night Lights réinvestit alors le vieux mythe jeffersonien de la small town17, pour rappeler que le localisme ne conduit pas forcément à l’esprit de clocher ou au délire obsidional que des séries comme Jericho (CBS, 2006-2008), Deadwood ou Sons of Anarchy (FX, 2008-) ont souligné auparavant. En ce sens, Friday Night Lights rompt avec une vision négative de la small town, souvent conçue comme un bout-du-monde où la sociabilité serait forcément dégradée18. Au-delà de cette réhabilitation nuancée du localisme communautaire, la série invite aussi à rompre avec l’opposition entre small town et big city19 pour affirmer l’existence d’une complémentarité salutaire entre ces deux échelons de la hiérarchie urbaine, l’apologie de la vie locale n’aboutissant pas à la disqualification de la vie métropolitaine, les deux pouvant être bénéfiques à différents moments de l’existence de chacun.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

2. Il en va différemment pour les franchises (CSI, CBS, 2000-, NCIS, Stargate, Showtime, SyFy, 1997-2011, Law and Order, NBC, 1990-2010, Spartacus, Starz, 2010) où la délocalisation géographique devient souvent, au contraire, un élément de renouvellement, dans un cadre dramatique qui change par ailleurs souvent très peu. Voir par exemple Hélène Monnet- Cantagrel, « CSI, de la série au jeu : ‘a more immersive experience’ », TV/Series, n° 3, septembre 2013. 3. Armand Frémont, La Région, espace vécu, Paris, Flammarion, 1976. 4. Henry Bissinger, Friday Night Lights, A Town, a Team and a Dream, Cambridge Ma, Da Capo Press, 1990. 5. Interview donnée par Henry Bissinger, dans Sports Illustrated, 14 février 2011. 6. En 2002, Sports Illustrated a désigné le livre Friday Night Lights quatrième meilleur livre de tous les temps consacré au sport. http://sportsillustrated.cnn.com/si_online/features/2002/ top_sports_books/1/ (dernier accès en décembre 2013). 7. Voir http://www.metacritic.com/movie/friday-night-lights/critic-reviews (dernier accès en décembre 2013). 8. Voir : http://friday-night-lights.hypnoweb.net/serie/audiences.104.363/ (dernier accès en décembre 2013). 9. À titres d’exemples, on citera la célébration de la victoire à la fin de la première saison (1.22) ou les funérailles du père de Matt Saracen (4.5). 10. On notera que le choix d’une femme pour occuper le poste de maire permet aux créateurs de la série de désamorcer l’hypothèse que Dillon pourrait s’intéresser au football uniquement car elle serait une ville de rednecks conservateurs, phallocrates et réactionnaires. 11. L’entrée de la société suburbaine états-unienne dans la crise sociale consécutive à l’effondrement du dispositif des subprimes, survenue deux ans après le lancement de la série, atténue un peu ce décalage. Le réalisme social de Friday Night Lights peut même être lu comme l’annonciation anticipée de la fragilité dont le modèle états-unien serait porteur. 12. Les valeurs de solidarité et de responsabilité interindividuelles mises en avant dans la série peuvent néanmoins séduire les téléspectateurs de droite, à l’instar de Mitt Romney, candidat républicain défait aux élections présidentielles de 2012, qui a déclaré considérer Friday Night Lights comme l’une de ses séries favorites, reprenant même le slogan des Dillon Panthers « Clear Eyes, Full Hearts, Can’t Lose » au cours de sa campagne. On ne saurait cependant réduire les valeurs de Friday Night Lights au discours de la droite républicaine. Peter Berg, créateur de la série et soutien déclaré de Barack Obama au cours de la campagne de 2012, s’est ainsi senti obligé de dénoncer dans une lettre adressée à Mitt Romney ce qu’il interprète alors comme une tentative de récupération abusive et infondée de la part du candidat républicain puisque, selon lui, « sa politique et sa campagne ne sont clairement pas alignées sur les thèmes de notre série » (« Your politics and campaign are clearly not aligned with the themes we portrayed in our series », The Hollywood Reporter, 12 octobre 2012). Voir également la lettre ouverte de Connie Britton et de Sarah Aubrey dans USA Today en date du 28 octobre 2012 : http://www.usatoday.com/story/ opinion/2012/10/28/women-birth-control-friday-night-lights/1663895/ (dernier accès en décembre 2013). 13. Emmanuel Burdeau, Nicolas Vieillescazes et al., The Wire, reconstitution collective, Paris, Les prairies ordinaires/Capricci, 2011. 14. Voir : http://friday-night-lights.hypnoweb.net/serie/audiences.104.363/ (dernier accès en décembre 2013). 15. Voir par exemple Leah Wilson ed., A Friday Night Lights Companion, Love, Loss and Football in Dillon, Texas, Dallas, Smart Pop, 2011. En France, on notera les avis différents mais tous positifs de P. Serisier (Le Monde des Séries), A. Prié (Des séries et des hommes) ou Olivier Joyard (Les Inrocks).

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16. Voir Gérald Billard et Arnaud Brennetot, « Quand la critique des suburbs envahit les séries télévisées américaine », Métropolitiques, 23 novembre 2011 ; Gérald Billard, Arnaud Brennetot et al., « Subversive suburbia. L’effondrement du mythe de la banlieue résidentielle dans les séries américaines », TV/Series, n°2, 2012. 17. Voir Catherine Maumi, Thomas Jefferson et le projet du Nouveau Monde, Paris, Éditions de La Villette, 2007. 18. Voir Nicolas Roux et Jean-Michel Tixier, « Urbanités et conquête de l’Ouest. Deadwood versus La Petite maison dans la prairie », Métropolitiques, 14 novembre 2011 ; Elisabeth Tovar, « Supernatural « small-town America ». Errance hantée dans les vestiges de l’Amérique industrielle », Métropolitiques, 7 novembre 2011. 19. Morton et Lucia White, The Intellectual Versus The City: From Thomas Jefferson to Frank Lloyd Wright, Oxford, Oxford University Press, 1977.

RÉSUMÉS

À partir de l’exemple de Friday Night Lights, cet article entend montrer comment la double adaptation d’un livre documentaire puis d’un film au format d’une série télévisée peut conduire à une amplification et à un approfondissement de la mise en scène tels que l’histoire particulière d’une petite communauté locale du Texas conduit à une relecture originale de quelques-uns des grands thèmes de la fiction télévisée contemporaine (la réalisation de soi, la cohésion sociale, la pression communautaire, etc.). Le réinvestissement du mythe géographique de la small town donne alors l’occasion aux créateurs de la série de proposer une représentation humaniste et nuancée de la vie collective, alternative aux visions désabusées ou nihilistes qui prolifèrent par ailleurs dans nombre de drama series diffusées sur les chaînes du câble aux États-Unis, sans pour autant renoncer à la vraisemblance des événements ou à la puissance des émotions.

Taking Friday Night Lights for an example, this article aims to show how the adaptation of a documentary book, then a film in the format of a TV series can lead to an amplification and a deepening of the mise en scène such that the particular story of a small, local community in Texas leads to an original rereading of several important themes of contemporary TV fiction (self realization, social cohesion, peer pressure, etc.). The reinvestment of the geographical myth of the small town offers an occasion to the series’ creators to show a humanist and nuanced representation of collective life, as an alternative to cynical and nihilist visions that proliferate elsewhere in a number of drama series broadcasted on cable channels in the United States, without necessarily renouncing the plausibility of events and the power of emotions.

INDEX

Mots-clés : Friday Night Lights, adaptation, mythe géographique, small town, drama series Keywords : Friday Night Lights, adaptation, geographical myth, small town, série dramatique

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« Somewhere over the rainbow… » – (re-)construction élégiaque d’une mémoire collective et populaire : Life on Mars et Ashes to Ashes (BBC1, 2006-2010)

Yannick Bellenger-Morvan

Now she walks through her sunken dream To the seat with the clearest view And she’s hooked to the silver screen David Bowie, « Life on Mars », 1973.

1 Les références au monde magique d’Oz qui ponctuent l’ultime épisode de la série policière Life on Mars, diffusée sur BBC1 à partir de 20061, sont autant d’indices invitant les téléspectateurs à appréhender l’arrière-plan du récit, le Manchester de 1973, comme un monde secondaire fantastique. La structure de Life on Mars et de sa fausse suite Ashes to Ashes (BBC1 - 2008-2010), ancrée dans les années 1980, repose sur la mémoire oublieuse et fautive des héros, se réveillant à l’époque de leur enfance après un violent traumatisme. Ce retour dans le passé, nécessaire au recouvrement de leurs souvenirs perdus, permet aux concepteurs de ces séries de solliciter abondamment la nostalgie des spectateurs : la bande-son fait la part belle aux chansons de l’époque ; les grands et les petits événements de l’histoire britannique sont intégrés aux intrigues et à la construction même des épisodes grâce à des reconstitutions ou à l’utilisation d’images d’archives.

2 Cependant, les deux séries n’offrent aucunement une chronique fidèle des années 70 ou 80 : il s’agit davantage d’une composition expressionniste, réalisée à partir de fragments de la mémoire populaire et collective des Britanniques. La multiplication des gros plans sur les écrans de télévision souligne la fermeture de ce passé imaginaire, impression confirmée par la construction répétitive du générique, la voix-off du héros rappelant sa situation, comme un refrain. L’effet de mise en abyme télévisuelle

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accentue le caractère réflexif et initiatique des deux séries. C’est ainsi que nous avons choisi d’étudier comment la mémoire populaire, notamment musicale et télévisuelle, sert de clé interprétative dans deux séries où le secret et le mystère, générateurs du suspense, fondent un discours élégiaque problématique, dans lequel la mort devient un nouvel Eldorado.

1. Topographie de la mémoire – reflet d’un patrimoine urbain ?

3 Life on Mars, dont les 16 épisodes sont scandés par la chanson éponyme de David Bowie, met en scène Sam Tyler, inspecteur de la police du Grand Manchester en proie à une crise existentielle : incapable de s’engager auprès de la femme qu’il aime, Maya, il échoue à la protéger lorsqu’elle se lance à la poursuite d’un tueur en série. Confronté à la disparition de Maya, le héros, en larmes, déconcentré, fermé à son environnement immédiat, est percuté par une voiture sous la bretelle suspendue de la « Mancunian Way ». La soudaineté et l’imprévisibilité de l’accident provoquent choc et stupeur chez les spectateurs : celui qu’ils ont identifié comme le personnage principal de la série est tué quinze minutes à peine après le début du programme. Après une courte séquence durant laquelle des images floues se superposent sans produire de sens, la caméra se stabilise et se fige en un très gros plan sur les paupières fermées de Sam, incarné par John Simm. Le moment où il ouvre les yeux marque l’entrée dans un monde qui, même représenté de manière réaliste, n’en demeure pas moins, d’emblée, une construction subjective, une fabrication qui synthétise les fragments épars de la mémoire individuelle du personnage et de la mémoire collective du public. Plus qu’un retour à la conscience, il s’agit avant tout d’une aventure dans l’inconscient de cet homme dont l’histoire est marquée par la disparition inexpliquée du père lorsqu’il a quatre ans, en 1973. La quête mémorielle peut être mise en mouvement dans ce temps de l’enfance, dès lors que le personnage est brutalement immobilisé dans son présent d’adulte.

4 La perte de repères éprouvée par Sam quand il découvre le Manchester de 1973 est relative : il se réveille au même endroit que celui où il a eu son accident, trente-trois ans en arrière. À la défamiliarisation immédiate – Sam ne reconnaît pas le lieu où il se trouve – succède un processus de « refamiliarisation » : graduellement, la topographie de la ville acquiert un sens, dans les différentes acceptions du terme. De fait, les divers « indices » ou « signes » urbains auxquels le héros raccroche son savoir de la ville lui permettent de retrouver son chemin, aux sens propre et figuré, jusqu’à un espace rassurant et, croit-il, maîtrisé : son commissariat. L’officier qui le découvre désorienté ne lui demande-t-il pas : « Didn’t you read the sign ? », la polysémie de « sign » (panneau/signe) annonçant la valeur programmatique de la séquence. Il s’agit pour le héros, et le spectateur avec lui, d’apprendre à interpréter les signes afin de (re)construire le sens de la vie/ville. Les grands ensembles de Satchmore Road en arrière-plan sont ceux-là mêmes où Sam menait son enquête en 2006 ; le terrain vague où il gît n’est autre que le chantier de destruction des anciennes manufactures textiles qui firent les beaux jours de la ville pendant la révolution industrielle : à présent à l’abandon, elles vont céder leur place à l’autoroute suspendue, dont l’érection prochaine est annoncée par un panneau publicitaire, « Coming Soon : Manchester Highway in the Sky » (voir figure 1).

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Fig. 1 : Manchester en 1973

Fig. 2 : Manchester en 2006

5 La vision utopiste du futur qu’offre le dessin idéalisé de l’autoroute met en lumière l’échec de sa réalisation : en 2006, l’autoroute a déjà vieilli (voir figure 2), et s’apparente à un lieu de déshumanisation et de mort – la voiture qui heurte Sam ne s’arrête pas et son chauffeur, invisible, ne lui porte pas secours. Sous couvert de divertir le grand public, le propos de la série est amer et désabusé : le présent n’est définitivement pas une actualisation d’un avenir rêvé.

6 En un seul plan, toute l’histoire de l’urbanisme de Manchester est évoquée : l’heure de gloire de l’industrie textile (les usines), son déclin (le chômage et la pauvreté, la construction de logements sociaux), sa renaissance technologique (la modernité affichée du réseau routier). Tel un palimpseste, la topographie du Manchester de 1973 porte encore la trace des différentes strates de sa sédimentation. L’effet de réel produit par la juxtaposition de motifs urbains existants, afin de stimuler les souvenirs du personnage et des téléspectateurs, repose néanmoins sur une erreur, qu’on suppose volontaire. En effet, en 1973, la « Mancunian Way » était déjà bel et bien construite,

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inaugurée par le premier ministre Harold Wilson en 1967. L’anachronisme est signifiant : Life on Mars n’est pas une série historique mais une fiction revendiquée comme telle, donnant à voir les manifestations de la psyché de son héros. Dans la même veine, si les immeubles de logements sociaux de Satchmore Road existent, l’adresse qui leur est attribuée dans la série est fictive – il s’agit en réalité de bâtiments situés sur la commune voisine de Manchester, Salford, surnommée « The Dirty Old Town », en mémoire de son passé industriel, chanté, notamment, par The Pogues. Le récit, tout autant que les souvenirs du héros, est fautif.

7 La refamiliarisation s’opère donc par la maîtrise progressive de l’espace urbain par le personnage. De manière significative, la structure de Life on Mars forme une boucle narrative qui s’articule autour du commissariat, le centre du monde-mémoire. À trente- trois ans d’intervalle, les premier et dernier épisodes donnent à voir une situation similaire : depuis le toit de son commissariat, le héros s’apprête à s’élancer dans le vide, comme un moyen radical de sortir 1) du plan/de la série/du récit ; 2) du décor urbain ; 3) du monde et de sa (ses ?) représentation(s). Cet espace2, surinvesti et saturé de signes mémoriels en 1973, désinvesti et vidé de toute signification en 2006, devient le lieu privilégié de l’exercice du libre arbitre. Dans le premier épisode, le monde-mémoire parvient à retenir Sam : Annie, gardienne de la paix, le convainc que son esprit est manipulé par la psychanalyse, que la ville n’est pas un fantasme mais une réalité dont il doit éprouver la solidité – Sam ne saute pas du toit et reste en 1973 afin de faire l’expérience de la libre expression de ses affects ; il apprendra à s’adapter, sa maîtrise de l’espace et du temps allant de pair avec quelques ajustements linguistiques : son accent de Manchester, notamment, s’épaissit au fil des intrigues. Inversement, dans le dernier épisode, le monde de 2006, jusqu’alors présenté comme réel, échoue à stimuler les sens et sentiments du personnage : « I can’t feel anything », constate-t-il distraitement après s’être entaillé le pouce au cours d’une réunion de travail3. En s’élançant dans le vide, il abandonne donc volontairement la réalité moribonde de 2006 pour la fantaisie vivace de 1973. Les choix chromatiques qui différencient les deux périodes sont d’ailleurs révélateurs. En 2006, les couleurs sont froides, les gris et les bleus répondant aux matières des constructions urbaines, verre et béton. En 1973, les filtres bruns et orangés réchauffent l’image et la parent du charme suranné d’une photographie sépia.

8 Le générique du pilote d’Ashes to Ashes, spin-off plutôt que suite de Life on Mars, a pour première vocation d’articuler les deux séries. Il sert de trait d’union entre les personnages principaux et introduit la dynamique propre à cette deuxième histoire. La reprise de la conclusion du premier opus est néanmoins nécessaire pour garantir la cohérence du monde « daté » que nous proposent ses concepteurs (Matthew Grahame, Tony Jordan, Ashley Pharoah) et séduire des téléspectateurs à qui l’on avait proposé un récit ayant manifestement atteint son terme : Sam est mort, son retour en 2006 n’est pas un retour à la vie et il préfère se suicider pour rejoindre le Manchester de 1973, sauvant ainsi ses collègues d’une fusillade. Le paysage urbain qui inaugure Ashes to Ashes résonne d’échos directs et indirects à Life on Mars, effectuant ainsi une habile transition entre Manchester et Londres, dont l’histoire et l’évolution sont au cœur des péripéties qui agitent la tragédie de Sam Tyler et d’Alex Drake : une statue au sommet d’un immeuble londonien, aperçue en contre-plongée (voir figure 3), rappelle la silhouette de Sam sur le point de se jeter dans le vide, du haut de son commissariat à Manchester.

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Fig. 3 : Ouverture d’Ashes to Ashes ― une évocation de Sam Tyler ?

9 Simultanément, une voix-off non identifiée, aux accents enfantins, lit le dossier psychologique du policier, faisant le récit de ses délires, reprenant à l’identique le leitmotiv du personnage, répété en ouverture de chaque épisode de Life on Mars, refrain bien connu du téléspectateur : « My name is Sam Tyler. I had an accident and I woke up in 1973. Am I mad, in a coma or back in time? Whatever had happened, it was like I’d landed on a different planet. If I could figure out why I was here, then maybe I could get back home. » Ashes to Ashes s’inscrit ici dans la continuité et dans la rupture. Alex Drake, profileuse pour la Metropolitan Police, n’est autre que la psychologue brièvement et anonymement évoquée par Sam dans le dernier épisode de Life on Mars. Dans toute cette séquence d’ouverture, la ville de Londres est filmée en contre-plongée, telle une image en miroir offrant une symétrie inversée comme un reflet et produisant déjà un sentiment de défamiliarisation, alors même qu’il s’agit encore du réel (voir figure·4).

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Fig. 4 : Ashes to Ashes, générique d’ouverture du pilote.

10 Le point de vue adopté est celui de Molly, la fille de l’héroïne, la tête tournée vers le ciel, embrassant littéralement le skyline londonien, depuis sa position renversée. Ses commentaires (« how lame ») soulignent la tentation des réponses toutes faites que le discours psychanalytique peut offrir : MOLLY. So this guy, Taylor… ALEX. Tyler. He died, April last year. MOLLY. Schizo, delusional, what’s the German name? Is he going in “the Book”? ALEX. Oh, Detective Sam Tyler is going in a book all to himself…

11 Le livre en question (« going in the book ») est métaphorique et évoque l’autorité d’une doxa scientifique à laquelle Alex est censée se conformer. Il représente une forme de prêt-à-penser nourri de mots savants, issus de l’allemand freudien, mais trop souvent incompréhensibles. Il s’agit ici pour l’experte Alex Drake de s’écarter des grilles interprétatives pré-pensées, le cas du patient Sam Tyler déjouant les stéréotypes de la psychanalyse. La distance critique de la fillette met en lumière le caractère ironique de cette deuxième version du pèlerinage mémoriel, qui a déjà été proposé aux téléspectateurs avec Life on Mars. Les adeptes de la première série sont rompus aux stratagèmes visuels et stratégies narratives qu’elle a mis en place. Pour mieux les surprendre, les scénaristes jouent avec la qualité métafictionnelle du récit, volontairement autoréférentiel. Ils reprennent, de façon parfois parodique, le schéma narratif de Life on Mars : lorsqu’Alex se réveille en 1981 après avoir reçu une balle en 2008, ce n’est pas le paysage industriel de Manchester qui est revisité, mais les docks de Londres, avant leur requalification, avant que leur activité commerciale soit abandonnée au profit des fêtes cocaïnées de yuppies sans complexe. Les « three armed bastards4 » qui donnent toute sa saveur régressive à l’aventure de Sam Tyler apparaissent bientôt : ils sont à ce point fidèles à la description qu’il en fait dans son rapport qu’Alex les reconnaît immédiatement. Dans une scène d’exposition qui fige autant qu’elle mythifie ces personnages, l’héroïne parvient à identifier Gene Hunt, Ray Carling et Chris Skelton, qu’elle rencontre pourtant pour la première fois. Ces noms

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sont prononcés à voix haute à mesure que chacun surgit à l’écran, rafraîchissant la mémoire des spectateurs de la précédente série et introduisant les personnages auprès des néophytes. Les trois policiers correspondent bien aux types élaborés dans Life on Mars et dans le rapport rédigé par Sam : « Gene is the bullish one, Ray is the misogynistic one, and Chris is the nervous one » (Ashes to Ashes, saison 1, épisode 1, 0 : 30 :26).

12 Il semble bien que Life on Mars et Ashes to Ashes tentent de mettre en images une forme de retour aux origines, de retour à un temps d’avant, où la verdeur du langage rivalise avec une sorte de violence physique transgressive : en 1973 (Life on Mars) comme en 1981 (Ashes to Ashes), on fume, on boit, on profère des insultes sexistes, racistes, dans une exacerbation de l’action qui s’oppose diamétralement aux années 2006-2008, ternes, atones, sans saveur ni odeur, sclérosées par le politiquement correct, jusqu’au déni de tout élan vital. Le retour dans le passé semble alors un temps du carnaval, « paroxysme de vie5 » en radicale rupture avec l’existence contemporaine de l’héroïne de Ashes to Ashes, Alex Drake, la poussant à commettre quelques frasques en compagnie de thatchéristes stéréotypés6.

2. Nostalgie d’un temps de la fête : échos et reprises d’un patrimoine musical

13 Les années 70 et 80 semblent littéralement recouvrir ce temps de la fête et de l’excès, désormais révolu, dans la mesure où 1973 puis 1981 offrent la possibilité de transgresser les interdits et tabous des années 1990-2000. À cet égard, la musique pop joue un rôle important. Ainsi les chansons de David Bowie « Life on Mars » (1973) et « Ashes to Ashes » (1980) rythment les deux séries, oscillant entre la simple illustration intra-diégétique et le commentaire extra-diégétique. Les deux mélodies sortent littéralement des lecteurs MP3 que les personnages écoutent dans leur voiture pour résonner hors de la diégèse, signaux adressés aux spectateurs, soulignant le glissement du réalisme vers la fantasy.

14 Ashes to Ashes affirme une visée anthologique qui se veut ludique : la série offre un florilège de titres new wave, puisant dans la discographie de Spandau Ballet, Culture Club, Duran Duran, Kajagoogoo et autre Roxie Music, groupes aux qualités musicales pour le moins hétérogènes. La multiplication des extraits suscite la participation active des téléspectateurs qui se plaisent à retrouver le titre et le nom du chanteur. Le site officiel de la série offre d’ailleurs aux amateurs des playlists à télécharger d’un clic sur une icône en forme de cassette, alliant ainsi la technologie d’aujourd’hui aux souvenirs d’antan7. Ces nombreuses citations musicales accentuent l’effet de réel de la reconstitution en trompe-l’œil de la période. Les chanteurs, parmi d’autres figures populaires, apparaissent comme des personnages secondaires, qui peuvent illustrer un fait de société ou brouiller la ligne de démarcation entre le réel et l’imaginaire. Ainsi, les revendications de la cause homosexuelle sont représentées en toile de fond de l’épisode 8 de la Saison 1 : l’animateur de radio et fondateur de la New Wave, Tom Robinson, est jeté en prison pour avoir manifesté et il entonne avec ses compagnons de cellule ses célèbres chansons « 2-4-6-8 Motorway » et « Glad to be gay ». Si Tom Robinson est incarné par un acteur, certains artistes interprètent leur propre rôle. Le caméo le plus notable est celui de Steve Strange, le chanteur de Visage, qui interprète son « nouveau » titre « Fade to Grey » : tout l’excès de la fête est ici convoqué – le

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nightclub « Blitz » près de Covent Garden, berceau des New Romantics ; les maquillages et costumes outranciers ; les attitudes figées des danseurs. L’artifice, à maints égards, est ici l’enjeu même de la fête (voir figure 5).

Fig. 5 : Reconstitution du Blitz Club dans Ashes to Ashes (saison 1, épisode 2).

15 Les chansons populaires de la bande originale servent souvent le caractère ironique de la série : leurs paroles offrent des indices que seul les spectateurs, depuis leur distance d’observation, sont en mesure de comprendre et d’interpréter, parfois aux dépens du personnage. Ainsi, « Take the long way home » de Supertramp annonce qu’Alex ne pourra pas revenir en 2008 à la fin de la première saison. Et les paroles de « Where does our love go ? » de Soft Cell prennent un double sens tragique lorsqu’elles illustrent la découverte de petites taches sur le cou de Marcus, l’amant d’un trafiquant d’armes arrêté par Alex. Ces marques sont insignifiantes pour le jeune homme, libéré de l’emprise du malfrat et tout à la joie de la réconciliation avec ses parents. Forts du savoir a posteriori qu’offre le décalage temporel, l’héroïne et les spectateurs partagent le sentiment que l’avenir de Marcus est incertain, l’arrivée du virus du sida dans le milieu des années 80 marquant la fin de l’insouciance dans les relations amoureuses (Ashes to Ashes, 1.5). Si 1981 est encore un temps de la fête, le déclin est imminent et les détournements musicaux en sont parfois les signes avant-coureurs.

16 Quant au détournement parodique, c’est un procédé rhétorique récurrent de la série. Il s’agit bien de donner un aperçu du passé à travers le prisme de la culture populaire, terreau fertile dans lequel le roman national et familial peut prendre racine. Le rapiéçage que suppose la construction mémorielle trouve son expression la plus divertissante dans le pastiche du clip vidéo de « Uptown Girl » (1983) de Billy Joel (Ashes to Ashes, 3.2), hommage rendu au kitsch et à la culture de masse. La vidéo originale présentait déjà un patchwork de stéréotypes socioculturels : une jeune femme riche vient faire réparer sa voiture de luxe avec chauffeur dans un garage de quartier ; à l’intérieur, les garagistes sont évidemment férus de calendriers Pirelli et de magazines de charme ; à l’extérieur, de jeunes noirs en survêtements larges s’adonnent à la break dance. La jeune femme succombe comme de bien entendu au charme rugueux du garagiste. Ashes to Ashes présente donc une fiction dans la fiction, ou un rêve dans le rêve, en offrant sa version toute britannique du clip américain. Les héros de la série en

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remplacent les personnages, Alex Drake reprenant le rôle de la « uptown girl » et son chef, Gene Hunt, balourd et grossier, celui du garagiste chantant et dansant interprété par Billy Joel. La séquence reprend les codes visuels du vidéo clip mais s’écarte des clichés américains pour mieux jouer avec ceux de la culture britannique et en rire. Le magazine de charme admiré par les garagistes américains est remplacé par un numéro de Majesty, la couverture montrant Fergie et non un modèle en tenue d’Ève. Sur un mode humoristique, l’identité britannique est mise à l’honneur : les sujets de sa Majesté sont moins titillés par la playmate du mois que par les membres de la famille royale. L’Audi Quattro de Gene Hunt, d’un rouge flamboyant, se substitue à la Rolls Royce – le modèle, contemporain de 1983, aujourd’hui objet de collection, est ainsi « patrimonialisé » au même titre que la royauté. La série de 2008 est de fait intégrée au patrimoine populaire.

3. Citations et parodies télévisuelles : perception ou trahison du Réel ?

17 L’emboîtement des récits pointe l’artificialité du principe fondateur de la série : le retour dans le passé. Le plaisir de la reconstitution ne tient pas à sa fidélité mais au sentiment nostalgique qu’elle suscite. Ce plaisir nostalgique est entretenu par les nombreuses citations télévisuelles qui jalonnent les épisodes : non seulement, l’événement culturel populaire est évoqué, mais le support médiatique qui l’avait transmis est également reproduit. Le médium fait partie du message. Par le truchement des images d’archives de la BBC exploitées dans les deux séries, les héros apprennent à maîtriser leur biographie :

L’homme contemporain, tout comme il a été privé de sa biographie, s’est trouvé dépossédé de son expérience. […] L’homme moderne rentre chez lui le soir épuisé par un fatras d’événements – divertissants ou ennuyeux, insolites ou ordinaires, agréables ou atroces – sans qu’aucun d’eux se soient mués en expérience8.

18 Malgré la multiplication et la diversification des médias, le philosophe italien Giorgio Agamben constate à la fin des années 1970 l’appauvrissement de l’expérience humaine, les hommes n’étant plus en mesure « d’effectuer et de transmettre des expériences9. » L’excès d’informations immédiates ne permet pas le recul nécessaire pour transformer l’anecdote en expérience. Aujourd’hui, l’universitaire américain Henry Jenkins éclaire la transmédialité d’un nouveau jour. Selon lui, l’approche multimodale d’un récit lui donne une singulière épaisseur et suppose des facultés d’analyse qui sont l’apanage du lecteur/spectateur moderne10. De fait, dans Life on Mars et Ashes to Ashes, les personnages des années 1970/1980 et ceux qui sont issus des années 1990/2000 ne partagent pas la même culture des médias. Sam et Alex manifestent un recul critique, particulièrement vis-à-vis de la télévision. « Critique » doit s’entendre ici dans les deux acceptions du terme, interrogeant la « capacité de discernement » des personnages et la « crise » qu’ils traversent. En confrontant deux approches datées des médias, Life on Mars et Ashes to Ashes mettent en scène une crise épistémologique chez les héros, en quête de clés interprétatives dans les émissions et événements télévisés qui ont marqué leur enfance. En jouant avec la distance temporelle, Life on Mars et Ashes to Ashes donnent la possibilité d’une expérience rétrospective et collective aussi bien qu’introspective et individuelle. Certains événements historiques populaires servent de

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toile de fond aux intrigues policières développées dans chaque épisode. L’exemple le plus marquant est celui du mariage très médiatisé de Charles et Diana. Les policiers doivent empêcher que des attentats contre la requalification des docks ne viennent perturber le bon déroulement de la cérémonie. L’union princière est célébrée par tout le commissariat réuni autour du poste de télévision, tel un autel : l’événement est explicitement présenté comme un garant de la cohésion nationale. Cette dernière est pourtant mise en danger par les profonds changements que le gouvernement de Margaret Thatcher imprime dans la société : les « terroristes » qui menacent la sérénité des fêtes de rue organisées pour l’occasion ne sont que les membres d’une famille expropriée du quartier des docks. À la merci des promoteurs, leur pub traditionnel doit être détruit pour laisser place à un immeuble de bureaux ou d’habitations bourgeoises. Le mariage retransmis à la télévision est un spectacle, une fiction nationale qui dissimule mal ses artifices : il est cantonné au cadre de l’écran du téléviseur (voir figure 6).

Fig. 6 : La télévision regarde la télévision (Ashes to Ashes, saison 1, épisode 2).

19 La télévision et le régime du festif qu’elle véhicule sont présentés comme le nouvel opium du peuple, aveuglé par le conte de fées et oublieux des bouleversements en cours. Ainsi donc, même la famille royale ne peut garantir la stabilité du pays, comme le téléspectateur de 2008 ne peut l’ignorer : amour, gloire et pont de l’Alma feront les meilleurs tirages des tabloïds à la fin des années 1990. L’innocence des téléspectateurs de 1981 face à l’immédiateté des informations est contrecarrée par le regard averti qui est attendu des téléspectateurs de 2008. La distanciation temporelle permet une approche critique censée apprendre aux téléspectateurs d’aujourd’hui à savoir « lire » l’actualité télévisuelle et la transformer en expérience. La mise en perspective est à double sens : le passé éclaire le présent et inversement.

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20 Le roman national est présenté à plusieurs reprises dans les deux séries comme un tissu de mensonges que le temps a progressivement effiloché. De la même façon, le roman familial que les héros ont élaboré ne résiste pas à l’effet ironique produit par le retour en arrière. Sam et Alex ont été privés de leur biographie, l’histoire de la disparition de leurs parents leur ayant été dissimulée. Le temps de l’enfance des héros les ramène avant la catastrophe qui marque leur destinée : le mystère familial semble se trouver à la racine du mal. Le héros renvoyé dans le passé y voit la possibilité de combler les lacunes de sa biographie et de déjouer son destin : en corrigeant les erreurs du passé, il pourra changer son présent et éviter la mort. L’illusion oraculaire de Clément Rosset fonctionne ici à plein :

Le Réel – l’ensemble des événements appelés à l’existence – est donné comme inéluctable (destin), appelé donc à se produire envers et contre tous les efforts entrepris pour y porter obstacle11.

21 Dans Ashes to Ashes, la mémoire est figurée par un film familial tourné en super 8, choix rhétorique qui montre l’incapacité pour l’héroïne de changer son histoire. Le récit fondateur (l’attentat à la voiture piégée dont sont victimes ses parents) est représenté comme imprimé sur une pellicule vieillie et abîmée par le temps. Les images-souvenirs d’Alex sont « rembobinées » : comme la fonction « rewind » d’un magnétoscope, ce procédé, s’il offre la possibilité de relire la séquence précédente pour mieux la comprendre, ne permet pas d’en changer ni la chronologie, ni l’issue.

22 Le point de vue en contre-plongée de la petite Molly qui ouvre l’épisode pilote de Ashes to Ashes est à nouveau adopté par Alex Drake pour traduire sa perte de repères dans l’univers des années 80, pointant du doigt le fait que la jeune femme adopte un regard d’enfant sur ce nouveau monde qu’elle peine à comprendre. Les références au patrimoine culturel de l’enfance sont nombreuses dans les deux séries : la chanson du film Le Magicien d’Oz, dans sa version des années 2000 et non celle de Judy Garland12, le surnom de Dorothy donné à Sam dans Life on Mars, celui de « the Mancunian lion » que Gene Hunt s’attribue lui-même dans Ashes to Ashes, évoquant ainsi le lion divin Aslan des Narnia Chronicles de C.S. Lewis, dont le premier conte, The Lion, the Witch and the Wardrobe est lu à Alex enfant par son père. Si les activités de l’enfance sont retrouvées avec plaisir, l’enfant lui-même est difficile à saisir ; il échappe à l’appréhension du héros, incapable de se voir, de se rencontrer enfant. Le moi enfantin, comme le Réel, ne se peut regarder. Car on ne peut être que soi-même et non pas deux entités distinctes. Pour Clément Rosset, le dédoublement de l’événement n’empêche pas le Réel de se réaliser. Il est donc impossible de déjouer l’oracle. Le voyage dans le passé ne peut exister : il s’agit nécessairement d’une copie, d’une illusion, voire d’une reconstruction (et non d’une reconstitution). Les connaissances a posteriori des héros leur donnent certes un pouvoir oraculaire ; ils peuvent prophétiser : Alex est ainsi en mesure de prédire à Tom Robinson, meneur de la Gay Pride de 1981, qu’il finira par épouser une femme et deviendra le père de deux enfants. Les héros sont confrontés au caractère paradoxal des oracles, celui « de se réaliser tout en surprenant par leur réalisation même13. »

23 La télévision, comme motif ou métaphore, devient un outil herméneutique pour le héros désorienté. Le générique d’ouverture de Life on Mars, qui n’apparaît pas dans l’épisode pilote, souligne d’emblée l’importance donnée aux écrans dans les deux séries (voir figure 7).

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Fig. 7 : générique d’ouverture de Life on Mars.

24 Le dispositif fonctionne comme une mise en abyme : l’écran de notre téléviseur est démultiplié et fragmenté ; l’image du héros en crise se répète dans un effet kaléidoscopique qui marque à la fois l’écart d’avec sa contemporanéité et un sentiment d’enfermement. Le récit est explicitement présenté comme une fiction, phénomène réitéré dans la seconde série, dans laquelle l’héroïne n’a de cesse de qualifier les autres protagonistes de « fantasy14 » et autres « constructs15 ». Le choc ainsi mis en scène est à la fois culturel et temporel : il marque la rupture avec la situation initiale (le présent critique des héros), rupture reproduite à chaque début d’épisode, forme d’expulsion radicale d’un monde primaire réaliste qui évoque le conte initiatique et suggère que le Manchester de 1973 et le Londres de 1981 constituent le lieu d’une quête pour le personnage. Pour rentrer chez lui, dans son temps, il doit franchir un certain nombre d’épreuves qui se veulent qualifiantes. La ville est une forêt urbaine où se déploie l’aventure herméneutique du héros. Les enquêtes policières qui courent dans chaque épisode participent donc avant tout d’une quête plus large, visant à comprendre la raison de cette expulsion, à éclairer le présent à la lumière du passé et à actualiser la mémoire qui a construit son identité.

25 La télévision comme véhicule d’une culture populaire commune aux héros et aux téléspectateurs est présentée comme un interlocuteur fautif, voire trompeur. Sam et Alex se tournent vers le poste de télévision pour trouver une vérité qu’ils peinent à déchiffrer au cours de leur en/quête. L’écran est avant tout une surface réfléchissante qui leur renvoie leur propre image (voir figure 8).

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Fig. 8: Ashes to Ashes, saison 1, épisode 1.

26 Les émissions enfantines deviennent l’objet sur lequel les personnages projettent leurs peurs. Dans Life on Mars (saison 2, épisode 5), Sam Tyler se rêve miniaturisé, petite marionnette dans Camberwick Green16. Cette série d’animation créée par Gordon Murray offrait aux enfants un aperçu de la vie des habitants d’un petit village au cœur de la campagne britannique. Les villageois y sont dépeints selon des types : la commère, le petit ramoneur, le commis voyageur, etc. Sam Tyler fait donc à son tour partie de ces « types » et intègre ce monde en modèle réduit. La copie de l’émission pour la jeunesse originale, en ouverture de l’épisode de Life on Mars, est saisissante de fidélité.

Fig. 9 : La version originale du générique d’ouverture de Camberwick Green.

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Fig. 10 : La version adulte et policière de Camberwick Green dans Life on Mars.

27 Le pré-générique de cet épisode de Life on Mars reprend les codes visuels et narratifs établis par l’émission pour enfants : la voix off du narrateur emprunte les mêmes intonations et reproduit, à quelques détails près, la même formule rituelle. Pour autant, la marionnette est celle de Sam, reconnaissable à sa veste en cuir et à son pantalon à pattes d’éléphant (voir figure 11) :

This is a box. A magical box. Playing a magical tune. But inside this box lies a surprise. Do you know who’s in it today? It’s Sam Tyler. Hello, Sam! How are you today? Oh dear. Not very happy. Is it Gene Hunt? Is he kicking a nonce? (Life on Mars, saison 2, épisode 5).

Fig. 11 : Sam Tyler, personnage de Camberwick Green.

28 La ritournelle opère néanmoins quelques changements : la boîte dont sort la marionnette n’est plus « musical » mais « magical » ; si le Manchester de 1973 est bien appréhendé comme un monde clos et magique, l’innocence pastorale de Camberwick

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Green est remplacée par la violence de la ville incarnée par Gene Hunt, lui aussi miniaturisé et transformé en jouet. Selon Giorgio Agamben, la miniaturisation du jouet permet de rendre « présente et tangible la temporalité humaine en soi, le pur écart différentiel entre l’“autrefois” et le “plus maintenant”17. » La clôture et la miniaturisation permettent de « connaître le tout avant les parties et de surmonter, en le mesurant d’un seul coup d’œil, ce que l’objet peut avoir de redoutable18. » Le dispositif ainsi mis en place figure la tentative de Sam de maîtriser le temps et de se saisir de son histoire. La série joue avec les registres en incorporant des considérations adultes dans le monde de l’enfance : la naïveté du cadre (la boîte à musique, les marionnettes) s’oppose à la crudité de la scène montrant Gene Hunt en train de frapper un homme à terre avec le couvercle d’une poubelle – le procédé fait penser à un oxymore visuel, soulignant la crise identitaire de Life on Mars (est-ce une série policière ou fantastique ?) et de son personnage principal.

29 Progressivement, la série dépasse les simples citations télévisuelles rendant hommage aux émissions mythiques des années 1980 pour construire son propre mythe grâce à la multiplication de procédés métafictionnels. L’épisode 7 de la première saison de Ashes to Ashes est à cet égard exemplaire. Il s’ouvre sur une scène d’action dont les protagonistes, s’ils ne sont pas joués par les acteurs habituels, ressemblent à s’y méprendre aux policiers du commissariat de Fenchurch où travaille à présent Alex Drake. Lorsque le plan s’élargit, on comprend que ces images sont celles d’une célèbre émission de reconstitution policière, Police 519. La mise en abyme (les personnages sont les téléspectateurs de leur propre enquête reproduite à l’écran) met en lumière la problématique de la traduction télévisuelle : en dédoublant l’événement, celle-ci trahit nécessairement le Réel et le transforme en fiction. La reconstitution est caricaturale : tous les traits physiques et langagiers qui définissent Gene Hunt et ses adjoints sont grossis. La caractérisation des personnages est telle qu’ils sont immédiatement identifiables, même sans le support des acteurs « officiels ». Les rôles dépassent la simple incarnation.

30 Ces emboîtements successifs singularisent la série, qui interroge la perception du Réel et le rôle de la télévision dans le rapport de l’homme au monde et à sa propre histoire. Lorsque Gene Hunt participe à Police 5 et répond aux questions de son animateur vedette, Shaw Taylor, interprétant son propre rôle à 83 ans, le dispositif souligne le caractère réflexif et le pouvoir de manipulation de la télévision : un personnage de fiction apparaît dans l’imitation d’une émission reposant elle-même sur la reconstitution problématique de faits divers : ALEX. You can move directly into the conscience of people. That is what television can do.

31 La télévision, même dans sa dimension réaliste, est perçue comme un obstacle : comme le touriste de Giorgio Agamben (qui ne fait pas l’expérience de ce qu’il visite car il intercale un appareil photographique entre lui-même et le paysage20), le héros et le téléspectateur insèrent entre eux-mêmes et le Réel un écran qui déforme ou tronque la perception qu’ils en ont.

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Conclusion : rimes internes, mythification d’une mémoire populaire ?

32 Le personnage de Gene Hunt est aujourd’hui en voie de devenir culte. Dès les premières minutes de la seconde série, son apparition relève d’une construction mythique, combinant les caractéristiques de plusieurs figures héroïques populaires, de James Bond aux cowboys incarnés par James Stewart ou Clint Eastwood : la caméra le saisit en contre-plongée, s’attardant sur ses bottines en lézard (voir figure 12), ses lunettes noires et son pistolet automatique, dans une pose mimant celle des héros représentés sur les affiches de films qui décorent les murs de son bureau.

Fig. 12 : Gene Hunt : cowboy des temps modernes...

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Fig. 13 ... ou nouvelle incarnation de l’éternel masculin britannique21 ?

33 Il le constate lui-même : « My reputation precedes me » ; son personnage est préconstruit grâce à la première série. Gene Hunt est le héros autodéterminé d’un western urbain : son identité, on l’apprend dans la conclusion de Ashes to Ashes, est une construction qui reprend des « morceaux » du patrimoine populaire, identité factice, fantasmée, élaborée par un jeune policier tué avant que d’avoir fait carrière. L’hybridité du personnage est primordiale et explique le patchwork référentiel qui définit les séries : Sam et Alex n’évoluent pas dans leur propre esprit mais dans celui de Gene, archange psychopompe qui accompagne les policiers dans l’acceptation de leur mort. Outre les échos aux chansons, films et émissions de télévision qui caractérisent la rhétorique des deux séries, ces dernières mettent en place un jeu de rimes internes qui permettent l’élaboration d’un nouveau mythe qui leur est propre. Gene Hunt en est le point d’orgue. Son vocabulaire fleuri émaille les épisodes et caractérise le personnage, le rendant unique et reconnaissable : « bollyknickers », « fire up the quattro », « kicking a nonce ». Gene Hunt finit par appartenir au patrimoine populaire, notamment lorsqu’il est filmé en plan fixe, assis devant le « wall of fame » de la pizzéria où l’équipe a ses habitudes22 (voir figure 14).

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Fig. 14 : Gene Hunt : nouvelle figure d’un patrimoine populaire ?

34 Il semble faire partie de ces figures mythiques, au même titre que Michael Corleone ou Tony Manero, personnages aujourd’hui affranchis de leurs conditions de création. La série Ashes to Ashes, grâce à Gene Hunt, subit le même processus de mythification, à tel point qu’elle donne lieu à des épisodes hors-série pour lever des fonds à destination d’œuvres caritatives : un court épisode bénéficiant de nombreuses guest stars fut ainsi diffusé sur BBC1 en 2010 pour inciter les téléspectateurs au don à l’occasion de l’événement annuel « Sports Relief », téléthon de trois jours organisé par la chaîne. Le spectacle télévisuel fonctionne encore sur un mode autoréférentiel. Pour Henry Jenkins, s’inspirant d’Umberto Eco, c’est le collage de ces différents archétypes, citations, allusions et strates qui forge le film ou la série culte, en alimentant toujours notre épistémophilie23.

35 Le succès de Life on Mars a poussé le network ABC à adapter la série britannique aux États-Unis. La version américaine, diffusée en 2008 et 2009, propose les ajustements culturels nécessaires pour la rendre accessible au public américain. Harvey Keitel endosse le rôle de Gene Hunt. L’acteur, peut-être trop fortement connoté24, ne parvient pas à faire oublier l’interprétation originale britannique. De fait, les deux versions offrent des fins antithétiques qui montrent des différences culturelles et idéologiques profondes entre les deux nations. Là où la version originale fait le choix d’un retour mortifère vers un passé qui n’est rien de plus qu’une construction nostalgique, la transposition américaine préfère une conclusion ouverte. Sam Tyler n’est pas mort, son rêve ne dure que le temps du voyage vers un au-delà qui n’a rien de métaphorique. Toute l’équipe du commissariat est bien réelle et participe à un programme de la NASA, qui les envoyés sur… Mars, au sens propre. Si New York est filmée à travers un filtre rouge qui s’intensifie au fil des épisodes, c’est tout simplement que la navette spatiale approche de la planète rouge. Le monde n’est pas clos pour les héros américains et la conquête des étoiles constitue leur horizon, plus que la mort.

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36 Le personnage de Gene Hunt au volant de son Audi Quattro dépasse définitivement son incarnation par Philip Glenister. Il apparaît joué par Jon Culshaw, dans une parodie qui allie Ashes to Ashes à une adaptation typiquement BBC de Pride and Prejudice25. L’effet comique est produit par la confrontation de deux régimes linguistiques : d’une part, l’anglais éduqué et poli de Darcy et Elizabeth Bennett, de l’autre, l’accent du Lancashire et l’argot spécifiques à Gene Hunt. Le personnage est devenu un emblème des années 80, sur lequel travaillistes et conservateurs ont projeté leur appréciation du thatchérisme : chaque parti a utilisé l’image de Gene Hunt pendant la campagne électorale de 2010 (voir figures 15, 16 et 17).

Fig. 15

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Fig. 16 : Affiche du Parti Travailliste (2010)

Fig. 17 : Affiche du Parti Conservateur (2010)

37 Décidemment, le DCI du commissariat de Fenchurch mène à présent une existence indépendante des séries qui l’ont mis en scène.

38 Paradoxalement, le marketing donne une matérialité à un temps et à un espace ouvertement définis comme une construction mémorielle et imaginaire. Les personnages, en particulier Hunt, sortent du cadre de la télévision, tout en perpétuant l’effet de mise en abyme du générique évoqué plus haut. Des ouvrages publiés en 2007 et 2008, The Rules of Modern Policing – 1973 Edition et The Future of Modern Policing – 1981, confirment l’impression de faux, de détournement parodique suscitée dans la série par un excès d’effet de réel : les livres, tachés de ronds de café comme il se doit et agrémentés de commentaires manuscrits, renferment des photos du commissariat de 1973, des méthodes d’investigation et d’interrogatoire, sans oublier les outils du bon policier, une arme, un paquet de cigarettes et une flasque de whisky. Même lorsqu’elles s’extraient du cadre de l’écran, les deux séries restent des objets culturels éminemment postmodernes, qui ne parviennent jamais à se départir de leur second degré ironique. Pour autant, la redondance risquerait d’épuiser la franchise26. Il faut proposer aux

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consommateurs différents points d’entrée dans le monde-mémoire imaginé par les créateurs de Life on Mars, en exploitant les marges du récit principal. C’est le cas avec la parution chez Harper entre 2012 et 2013 de quatre romans de Tom Graham. Ils font suite à Life on Mars mais sont toutefois publiés après qu’Ashes to Ashes a atteint son terme. Blood, Bullets and Blue Stratos, A Fistful of Knuckles, Borstal Slags et Get Cartwright donnent à lire de nouvelles enquêtes menées par Gene Hunt et Sam Tyler, une fois que ce dernier a définitivement rejoint le monde de 1973. Le temps diégétique de ces intrigues se déploie donc entre 1973 et 1980, dans l’intervalle qui sépare la conclusion de Life on Mars et le pilote de Ashes to Ashes.

39 Malgré le régime festif qui caractérise les deux séries, celles-ci n’en demeurent pas moins des constructions nostalgiques en ce qu’elles représentent, littéralement, le « mal du retour. » Ce retour de personnages adultes dans le temps de leur enfance est d’autant plus douloureux qu’il est factice (fiction du souvenir) et marqué par la mort. Les héros sont dominés par leur éducation postmoderne et doivent souvent endosser le rôle de l’eirôn hérité de la comédie grecque. Ils en savent toujours davantage que leurs compagnons, embrassent les années 1970/1980 d’un regard qui ne parvient jamais à être neuf et frais. Ce second degré ironique, partagé par les spectateurs, est la source du comique qui définit le ton de Life on Mars et de Ashes to Ashes. Surtout, il constitue aussi l’origine de la mélancolie des personnages, piégés dans la dimension élégiaque de leur voyage dans leur passé re/dé-construit et incapables de saisir le sens de leur présent. Si, comme l’affirme David Bowie dans les chansons du générique, la vie est sur Mars et non sur Terre, si tous retournent à la poussière, alors l’enjeu des deux séries est bien, même à tue-tête, de chanter avec les morts.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Produite par BBC Wales, la série télévisée Life on Mars comporte deux saisons, diffusées sur BBC1 entre 2006 et 2007. 2. Cet espace embrasse le toit mais aussi, par extension, le commissariat dans son entier, voire la ville de Manchester. La topographie, organisée en cercles concentriques, se veut métaphorique et

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revêt ici une dimension biographique, la scène sur le toit occupant le cœur de la crise identitaire du héros. 3. Cette scène, dont la salle de réunion est la toile de fond, montre que le métier du policier en 2006 est avant tout sédentaire, travail de déduction intellectuel s’exerçant en intérieur et non plus investigation musclée pratiquée sur le terrain, en extérieur, comme en 1973. 4. Cette formule digne de la réplique d’un western est le surnom que Gene Hunt donne à son équipe, transférée à la Metropolitan Police de Londres. Elle fait référence à Gene Hunt et ses deux acolytes de Manchester, Chris Skelton et Ray Carling, inspecteurs grossiers, violents et imbéciles transgressant toutes les règles éthiques que Sam importe des années 2000. 5. Roger Caillois, L’Homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1950, p. 129. 6. « Obviously, I wouldn’t do this in real life. I don’t shag Thatcherite businessmen, no matter how cute they are. I’m merely going to piss off that part of the Id that spewed up my mother and nobody will know... but me. »(Ashes to Ashes, saison 1, épisode 2, 0:40:43). 7. http://www.bbc.co.uk/ashestoashes/music/ ― dernière consultation en décembre 2013. 8. Giorgio Agamben, Enfance et Histoire, Paris, Payot, 2002 (1978), p. 23-25. 9. Agamben, p. 23. 10. Henry Jenkins, Confronting the Challenges of Participatory Culture: Media Education for the 21st Century, Cambridge, MIT Press, 2009. 11. Clément Rosset, Le Réel et son double, Paris, Gallimard, 1984 (1976), p. 23. 12. The Wizard of Oz de Victor Flemming (1939) est adapté du roman classique pour la jeunesse de L. Frank Baum (1901). La chanson du film, composée par Harold Arlen et Yip Harburg, connaît un regain de popularité depuis 2001 dans une version actualisée qui, outre Life on Mars, a illustré nombre de films et séries télévisées. 13. Rosset, p. 53. 14. ALEX, tentant de trouver une explication: « ·This is a subconscious construct induced by severe cranial trauma. [...] this is a full sensory hallucination· » (Ashes to Ashes, saison 1, épisode 1, 0:13:58). « ·I’ve assimilated his fantasies· » (ibid., 0 :18 :48). 15. ALEX, saluant ses collègues de travail lorsqu’elle arrive au commissariat : « ·Good morning, imaginary constructs ! · » (Ashes to Ashes, saison 2, épisode 2, 0 :03 :07). 16. Les treize épisodes de Camberwick Green furent diffusés pour la première fois entre janvier et mars 1966, sur BBC1. 17. Agamben, p. 122. 18. Agamben, p. 132. 19. Émission produite par ATV entre 1962 et 1993. 20. Agamben, p. 26-27. 21. Ashes to Ashes, saison 1, épisode 1 (BBC1, 2008) : le plan réunissant pour la première fois Gene Hunt et Alex Drake ne peut manquer d’évoquer l’affiche de For Your Eyes Only (réalisé en 1981 par John Glen), dans lequel Roger Moore tient le rôle de l’agent 007. Il s’agit ouvertement d’un pastiche : l’affiche du film original apparaît dans la séquence suivante, ornant le mur du bureau de Gene Hunt et représentant les valeurs masculines auxquelles le personnage semble vouloir être identifié. Pour autant, la référence intervient au second degré : la grossièreté et la violence caricaturales qui caractérisent le policier sont très éloignées de l’élégance et de la séduction de l’espion britannique. 22. On peut voir ce tableau à de nombreuses reprises dans Ashes to Ashes, notamment dans l’épisode 1 de la saison 1 (0 :37 :49) et dans l’épisode 1 de la saison 2 (0 :41 :43). 23. Henry Jenkins, Convergence Culture: Where Old and New Media Collide, New York, New York University Press, 2006. 24. L’image de l’acteur est marquée par ses rôles de criminels chez Martin Scorcese (Mean Street en 1973, Taxi Driver en 1976) et Quentin Tarentino (Reservoir Dogs en 1992, Pulp Fiction en 1994) ou de policier corrompu et torturé chez Abel Ferrara (Bad Lieutenant en 1992).

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25. « Ashes to Austen », sketch diffusé dans l’émission de divertissement The Impressions Show sur BBC1 le 31 octobre 2009. 26. Henry Jenkins, Convergence Culture, op. cit.

RÉSUMÉS

Cet article propose une étude de deux séries britanniques contemporaines, Life on Mars et Ashes to Ashes (BBC1, 2006-2010) qui toutes deux mettent en scène un retour vers le passé comme condition d’une quête initiatique. La reconstitution des différentes époques, les années 1970 puis les années 1980, est une occasion pour les concepteurs de la série de rendre hommage au patrimoine culturel populaire des Britanniques. Les références musicales et télévisuelles produisent certes un effet de réel, mais elles deviennent surtout des signes à interpréter pour les héros comme pour les spectateurs. Les détournements parodiques sont nombreux, qui jouent sur notre anticipation pour mieux déjouer nos attentes : sous un prétexte humoristique, les deux séries mettent en question la représentation du Réel tel que l’entend Clément Rosset. Nous verrons comment les deux séries ont recours à de nombreux dispositifs métafictionnels afin d’illustrer l’impossibilité pour les héros de saisir leur histoire. Il s’agit, en définitive, d’entamer une réflexion sur le rôle de la télévision dans l’élaboration d’un roman national.

This article proposes a study of two contemporary British series, Life on Mars and Ashes to Ashes (BBC1, 2006–2010) that both portray a return to the past as the condition of an initiatory quest. The reconstitution of different periods, the 1970s then the 1980s, represents an occasion for the series’ writers to pay tribute to the heritage of British popular culture. The musical and televisual references produce a certain effect of the real, but above all they become signs to interpret for the heroes as for the audience. The parodic diversions are many, and play on our anticipation to better evade our expectations: on comic pretext, the two series question the representation of the Real, as understood by Clément Rosset. We will observe how the two series employ a number of metafictional systems in order to illustrate the heroes’ impossibility to understand their own story. What counts, in the end, is to enter into a reflection on the role of the television in the drafting of a national novel.

INDEX

Mots-clés : Ashes to Ashes, Life on Mars, musique, parodie, patrimoine culturel populaire Keywords : Ashes to Ashes, Life on Mars, music, parody, popular culture heritage

AUTEUR

YANNICK BELLENGER-MORVAN Yannick Bellenger-Morvan est maître de conférences à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Après une thèse en littérature de fantasy pour la jeunesse britannique consacrée à C. S. Lewis, elle s’intéresse à présent à la culture populaire, plus particulièrement aux genres non- réalistes, que ce soit dans la littérature, le cinéma ou les séries télévisées.

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Echoes of the “War on Terror” and Post 9-11 Culture in Battlestar Galactica (Syfy Channel, 2003-2009)

Donna Spalding Andréolle

1 The television series Battlestar Galatica was originally created in 1978 by Glen Larson and re-imagined by Ronald D. Moore first as a mini-series for the Syfy channel in 2003 (which we will refer to as “the pilot” in this paper) before being developed to include 73 episodes over 4 seasons. It marks a return to a resolutely militaristic form of science fiction which can perhaps be best understood if one is to reflect on how the series resonates in the context of “post 9-11” America. There is no need to remind the audience of the events of September 11, 2001, the trauma of which was shared globally as television cameras and eye-witnesses recording the horror captured the collapse of the World Trade Center twin towers as well as the “killer cloud” of dust and debris which poured through the streets and covered everything and everyone in a thick layer of gray ash. Although two other planes struck two other sites (the Pentagon and a field in Pennsylvania), the spectacular nature of the events in New York City has remained the most mediatized – and thus remembered – dimension of what has now become more commonly known as “9/11” in the American culture. “9/11” is more than the events themselves; it is rather what cultural historian Richard Slotkin would call a mythic icon1 or what Jeffrey Melnick in his book 9/11 Culture: America under Construction calls a cultural formation, “a site where important social and political institutions, rhetorical practices and personal behaviors overlap and combine to create a threshold level of cultural energy that comes to help define its historical moment in some significant manner2.” We will consider that Battlestar Galactica contributes to the building of this site, as screenwriter Ronald D. Moore and producer David Eick explore visually, rhetorically and allegorically how the trauma of 9/11 and the ensuing War on Terror have impacted American ideals and cultural practices. This paper will therefore seek to demonstrate how the series plays on “sublimated 9/11 fears3” through the use of image and discourse, and ask the question of whether Battlestar Galactica actually contributes to the cultural narrative of post-9/11 America or if, on the contrary, it can

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be viewed as a counter-narrative underlining the “political ambiguity and moral instability initiated in September 2001 and extended by the […] wars in Afghanistan and Iraq4.”

2 While Ronald D. Moore declares in his Battlestar Galactica “series bible” that the intention behind the remake of the original 1978 series was to write an “allegory for our own society, our own people” and that “it should be immediately recognizable to any member of the audience,” when questioned about whether or not the show was specifically about 9/11 and the War on Terror he responded that the references were more to “Vichy France, Vietnam, the West Bank and various other occupations” as well as to World War II5. Yet we will posit here that the story of 9/11 (which includes the War on Terror) is in fact the nexus of the discourse and visuals of war connected to American military engagement in the 20th and 21 st centuries: George W. Bush, for example, recycled the expression “Day of Infamy” (originally used by F.D.R. in reference to Pearl Harbor) to describe the attacks of September 11th; the media baptized the smoking hole left by the twin towers “Ground Zero”(a technical term for the location of an atomic bomb’s initial impact), specifically calling to mind the nuking of Hiroshima; the scene where Cylons on Caprica bulldoze bodies into a mass grave (The Plan6), or the scene where Adama ponders the rows of body bags on the flight deck remind the viewer of the price of war on both civilian and military populations, a sacrifice commented upon by Adama in surprisingly non-militaristic terms in the pilot episode. Perhaps it is possible to imagine here that Moore is choosing to show the body bags that Americans were not allowed to see in the context of the War on Terror, the Bush administration forbidding the presence of camera crews on military bases where the dead were brought back – a lesson learned from the Vietnam War. One can also note that the character Sharon Valerii a.k.a. “Boomer” a.k.a. Number 8, who is the multiple Cylon shown in the pre-credit sequence about the Cylons7, is Asian, a visual reminder of the “problem” of distinguishing the enemy combatant from the civilian collaborator in Vietnam and which led to the atrocity of the My Lai massacre (and we can add here that this same ambiguity existed in WW2 with Japanese Americans); this is underlined in the series by Boomer’s ambiguous role first as a human, then as the Cylon sleeper agent who tries to assassinate Adama, then as the matrix of future human- Cylon civilization when she gives birth to Hera. The problem of distinguishing the enemy also points to the War on Terror, notably for Bin Laden then for Saddam Hussein: the American public was told that Saddam had many “look-alikes” which made it easy for him to hide and hard for the Army to find him (see Plate 1); and of course Islamist terrorists were systematically portrayed in the media as bearded, turban-wearing males who were hard to distinguish from the “real” target. In Battlestar Galactica the concept of a limited number of Cylons duplicating themselves indefinitely plays into the essentializing stance that the racial and/or ideological Other has no existence as an individual.

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Plate 1: Saddam Hussein “look alikes” / Copies of Number 8

3 The series is also literally peppered with other diverse references to 9/11 and the War on Terror: after Aaron Doral (Cylon Number 5) blows himself up on Galactica (1.6), there are several shots of the badly burned soldiers which recall the firefighters of the NYFD (see Plate 2); the brutal torture of Gina (one of the versions of Number 6) in Season 2 episode 5, the waterboarding of Leoben Conoy (Cylon Number 2) in Season 1 episode 9 are illustrations of the dehumanization which characterizes the War on Terror “in which enemy combatants are defined intellectually by their politics rather than visibly by the uniform they wear8.”

Plate 2: Burn victim on Galactica (1.6), visual echo of 9-11

4 Cavil (a.k.a. Number 1) makes cynical remarks throughout The Plan (TV movie produced in 2009 after the end of the series) such as “2, let’s get this genocide started” or when convincing Number 5, Aaron Doral, to become a suicide bomber says “They call this a suicide vest. But I think that undersells all the homicide that goes with it, don’t you?” Obviously the idea being conveyed here is that the Cylons do not value life and have no qualms about killing others even if it entails their own death as long as it is for a higher purpose; repeated remarks of this nature seemingly “echo” American comments on Islamist terrorists. Cavil can of course be perceived by the viewer as a “toaster9” version of Bin Laden, even if we can wonder why the character in Moore’s Battlestar Galactica is ultimately portrayed as a Godless manipulator of his fellow Cylons whose superhuman powers are considerably weakened by their blind faith in the one true God (the scene in which Leoben/Number 2 is tortured by Starbuck is the perfect illustration of this dichotomy; see Plate 3).

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Plate 3: Starbuck supervises Leoben’s waterboarding (1.9)

5 There are other interesting textual references to the general context of the Bush administration years revolving around the character of Laura Roslin. For example, we are told that Roslin was the forty-third cabinet member in line of succession (George W. Bush was the 43rd president), and her ability to serve as president is called into question during her first confrontations of power with Adama in which Saul Tigh asks Adama why he is taking orders from a school teacher. In the early days of her much contested presidency she “waffles” on various issues and makes what seem to be ludicrous statements such as “we lost the war, we have to make babies” (1.1); and like George W. Bush, she is literally thrust into the role of Commander-in-Chief in the wake of a national, if not global, catastrophe. One cannot but be reminded of the Bush/Cheney/ Rumsfeld combination when watching Laura Roslin slug it out with Adama and Tigh, the two men crusty old veterans of another major war seeking to control, perhaps even prey on, the inexperienced leader. Pushing the allegory even further, Ronald Moore turns Roslin into a “born-again pagan” when she proclaims herself the mysterious dying leader who will take her people to Earth, an event which has been prophesized in the Kobol scriptures. In an ironic turn of the tables, Roslin, guided by a new-found religious fervor (again, an echo of George W. Bush’s claim of being a born-again Christian), eventually becomes the neo-conservative voice of the fleet while Adama assumes the role of civil rights advocate in the hearings around the sabotaging of Galactica’s water supply (1.2), echoed by his son’s stance during Gaius Baltar’s trial (3.18-20). Baltar’s trial in particular strangely reminds the viewer of the “kangaroo courts” set up to try Guantanamo Bay detainees for treason, perhaps a veiled reference to the criticism in the press at the time10.

6 Beyond the punctual visual and discursive elements which point to Battlestar Galactica’s function as a commentary on the War on Terror, it is possible to discern more telling aspects of the angst of 9/11 culture resonating through the series. For this part of my analysis I am going to turn to the ideas expressed by militant feminist Susan Faludi in her 2008 work entitled The Terror Dream: Fear and Fantasy in Post 9/11 America11. Faludi’s point of departure is a quote, found on the Internet site “mensaction.net,” made by its

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director who equates the collapse of the twin towers with the “emasculation” of American supremacy:

The phallic symbol of America has been ripped off, and at its base was a large smoldering vagina, the true symbol of the American culture, for it is the western culture that represents the feminine materialistic principle, and it is at its extreme in America. (quoted in Faludi, p. 12)

7 Faludi wonders how “a nation attacked precisely because of its imperial pre-eminence responded by fixating on its weakness and ineffectuality. Even more peculiar was our displacement of that fixation into the domestic realm, into a sexualized struggle between depleted masculinity and overbearing womanhood12.” Faludi goes on to analyse how the manufacturing of the story of 9/11 revolved around the creation of male hero figures (firemen, policemen, the male passengers of United flight 93…) and of female victims, either shown being rescued by the aforesaid heroes or mourning in their homes, in the company of their small fatherless children; she also notes the return of the superhero movie genre in the wake of 9/11 as another effort at compensation for the emasculating effects of the September 11th events. If we “read” Battlestar Galactica using the prism of Faludi’s interpretation, we can view the series as a case in point: the story arc begins with the decommissioning of the Galactica, in the process of becoming a museum for school children – one might say a form of emasculation of military might (underlined by the fact that the Secretary of Education is a woman). The antiquated uselessness, or ineffectuality, to use Faludi’s term, of the battleship is highlighted by Aaron Doral’s comments as he guides the press through the corridors of Galactica. Ironically, it is the battleship’s low-tech shortcomings that will save it from the annihilation of the other battleships of the fleet. The unexpected Cylon attack and the total devastation of colonial civilization are of course a scathing humiliation for the military, especially since it is the work of “toasters,” i.e. man-made machines whose rebellion has been crushed 40 years before the present of the narration. The disbelief of the colonial forces and populations, as well as their incapacity to understand the extent of Cylon hatred towards humanity, are not without resemblance to what could be read in the press about 9/11 in the weeks that followed the attacks13.

8 As for the concept of a “sexualized struggle between depleted masculinity and overbearing womanhood,” Battlestar Galactica offers characters who illustrate the dangers of powerful females, especially if we examine certain “couples” we are shown: Adama/Roslin, Saul/Ellen Tigh, Baltar/Number Six and Apollo/Starbuck. Whereas Adama, Tigh and Baltar are in positions of what would normally represent male authority (military for the first two, scientific for Baltar), they are weakened by self- doubt and guilt, albeit for different reasons: Adama mourns for his lost son Zack and is accused of causing Zack’s death by his other son, Lee – a.k.a. Apollo – and certain scenes suggest his failed marriage is due to his unconditional devotion to his military career; Tigh is an alcoholic, which has a devastating effect on his judgment and credibility as a commanding officer (re. the scene where he fights with Starbuck at a poker game); Baltar has betrayed the human race and uses his knowledge to protect Cylons. While Apollo appears to be a much stronger character in the beginning (the heroic Viper pilot and respected CAG), his development is characterized by indecision, flip-flopping in loyalty between Adama and Roslin, an uncertain relationship with Starbuck and major “daddy issues.” The women characters, on the other hand, tend to wield determinate

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levels of power in different ways: Number Six and Ellen Tigh (also in fact a Cylon) manipulate men sexually, embodying the stereotype of the “man-eater” but with the twist of being highly intelligent and politically driven to achieve the Cylon agenda (see Plate 4); Laura Roslin progressively affirms her status as the leader of the colonies including through the use of violence – for example she airlocks Leoben without hesitation (although she questioned the validity of torturing him), plots to assassinate Admiral Cain and approves of a plan which would provoke the genocide of the Cylons.

Plate 4: Caprica Six as “man-eater” depicted here in the pre-credit scene

9 The ultimate threat to masculinity, however, and the best example of “overbearing womanhood” is Starbuck (Kara Thrace), the best Viper pilot of the colonial fleet. It is interesting to note here that in the original series Starbuck was a male character (as was Boomer, also a female character in the remake) and this particular transformative choice was a controversial one when the series was aired, with massive fan protest of Moore’s choice. Yet the Starbuck of the re-imagined series incarnates what I would call the “female man14”, a cigar-smoking, poker-playing, heavy drinking muscular young woman with a definite attitude problem which lands her in the brig on a regular basis (see Plate 5).

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Plate 5: The character of Starbuck as the “female man”

10 Even though she is not impervious to love or to maternal feelings which make her seem at least a little fallible, she remains one of the strongest characters and definitely embodies gender issues not only within the science fiction genre itself but also within the contemporary society being mirrored in the series. Last but not least, the most threatening female character by far is Admiral Helena Cain who commands the battlestar Pegasus and who has also miraculously survived the holocaust. Cain’s ruthlessness is fully developed in the film Razor (produced as a “bridge” between Seasons 2 and 3) in which we see her, for example, shoot her X-O in the head when he refuses to execute one of her orders (see Plate 6).

Plate 6: Admiral Cain as she prepares to execute her X-O (The Razor)

11 She is in many ways the ultimate career bitch who has achieved the highest command in the colonial fleet by terrorizing her crew and officers into blindly following her every decision regardless of how problematic that decision may be. In yet another twist of the story arc concerning the multiple faces of Otherness, here Ronald D. Moore clearly depicts the monstrosity that is within us all, not only the Cylons but also the human survivors of the apocalypse. In particular concerning the case of Helen Cain,

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somehow the viewer is not so sad when she is assassinated by one of the Number Sixes15!

12 All of these elements beg the question of how Battlestar Galactica contributes to the resolution of political, social and moral issues raised by the War on Terror and more generally post-9/11 America. I would contend that it functions in fact as a powerful counter-narrative by using the political fiction dimension of science fiction to its fullest effect. In a style reminiscent of revisionist historiography and its impact on American science fiction writing of the 1970s, Battlestar Galactica deconstructs the hegemonic discourse and hero glorification of the traditional war narrative to produce in its stead “a narrative in which governmental authority is repeatedly questioned while fantasies of control and power are undermined or problematized16.” Adama’s speech on the Cylon War in the pilot episode is emblematic of this questioning of authority:

[ADAMA] (addressing assembly of the fleet): The Cylon war is long over yet we must not forget the reasons why so many sacrificed so much in the cause of freedom. The cost of wearing the uniform can be high, but… (long silence, shots of Tigh, Roslin and Doral in the audience waiting for what follows, looking pained/embarrassed; Adama removes his glasses and stops reading his speech) … sometimes it’s too high. We thought that when we fought the Cylons we did it to save ourselves from extinction but we never answered the question “why?” Why are we as a people worth saving? We still commit murder because of greed and spite, jealousy, and we still visit all of our sins upon our children (cut to space, and pan shot to Apollo in his Viper listening to the speech over the radio). We refuse to accept responsibility for anything we’ve done, like we did with the Cylons. We decided to play God, create life (shot to Starbuck in the brig, listening to the speech over a loud speaker); when that life turned against us, we comforted ourselves in the knowledge that it really wasn’t our fault, not really. You cannot play God then wash your hands of the things that you have created. Sooner or later, the day comes when you can’t hide from the things you’ve done any more (leaves the stage in silence, no applause).

13 Although he begins with the expected call to sacrifice in the name of freedom, he can no longer see the justification of war, his discourse disintegrating into a calling into question of the very nature of global conflict and its consequences that go well beyond the present, and boil over into a dark tomorrow where future generations will pay for the sins committed by their ancestors. At the same time the subversion of the essentializing rhetoric of Otherness, especially through the inversion of religious discourse, produces uncertainty both within the series and in the viewer, as the difference between the good “us” and the evil “them” becomes progressively blurred. Beyond the surface reading of the speech in its context (Adama has just had a heated discussion with his son who blames him for Zack’s death), the greater sense of Adama’s soul-searching is to be grasped outside the frame of the show itself: in the viewer’s frame of reference, Adama’s comments on “passing the buck” of responsibility onto future generations resonates in the context of the War on Terror. This is perhaps the most ingenious aspect of the series; as the story unfolds, the viewers become caught up in the anti-Cylon paranoia of the human characters, a powerful reminder of how easy it is to be manipulated by what Melnick, when speaking about the War on Terror, calls “the power of the official rhetorics of national victimhood [which] serve to obscure who is really being terrorized17.” And despite Battlestar Galactica’s militaristic themes and settings, the series is in fact fundamentally anti-militaristic in nature, denouncing

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the futility of war, the dangers of post-human technology and the hollowness of battles fought in the name of religious creeds.

14 We can say then that rather than implementing the conceptual breakthrough of the traditional science fiction story, Moore is using the principle of cognitive estrangement to test our capacity to deal with the traumatic reality of annihilation and its impact on how society evolves in the aftermath, a definite challenge for post-9/11 America. By removing the trauma from the realm of some idealizing cultural fantasy of glossy battles and heroic leaders, and by recontextualizing it in the gritty verisimilitude of more problematic war narratives such as Band of Brothers (HBO mini-series, 2001) or Saving Private Ryan (dir. Steven Spielberg, 1998) Moore undoubtedly seeks to challenge the limits of our own cultural attitudes towards identity, power and ultimately what it means to be human.

BIBLIOGRAPHY

EBERL Jason, ed., Battlestar Galactica and Philosophy: Knowledge Here Begins Out There, Blackwell Philosophy and Popculture Series, Oxford, Blackwell, 2008 (Kindle edition).

BASSOM David, Battlestar Galactica: The Official Companion Season 3, London, Titan Books, 2007.

FALUDI Susan, The Terror Dream: Fear and Fantasy in Post-9/11 America, New York, Picador, 2008 (Kindle edition).

MELNICK Jeffrey, 9/11 Culture: America under Construction, Malden, Mass., Wiley-Blackwell, 2009 (Kindle edition).

MOORE Ronald D., Battlestar Galactica, The Series Bible, pdf version of manuscript dated December 17 2003, downloaded from http://www.harvardwood.org/resource/resmgr/hwp-pdfs/ battlestar_galactica_series.pdf August 26 2012.

RAWLE Steven, “Re-imagining Terror in Battlestar Galactica: Negotiating Real and Fantasy in Battlestar Galactica’s Political Metaphor” in Battlestar Galactica: Investigating Flesh, Spirit and Steel, ed. Roz Kaveney and Jennifer Stoy, New York, IB Tauris, 2010, p. 129-153 (Kindle edition).

SLOTKIN Richard, The Fatal Environment: The Myth of the Frontier in the Age of Industrialization 1800-1890, New York, Harper Perennial, 1985.

NOTES

1. Richard Slotkin develops this concept in his second work on the myth of the Frontier The Fatal Environment: The Myth of the Frontier in the Age of Industrialization 1800-1890, when discussing how the Battle of Little Big Horn became Custer’s Last Stand in the popular culture. The fabrication of a mythic icon involves the development of networks of meaning linking breaking news events which are then woven into a story resonating socially, ideologically and historically through a culture. See Slotkin, The Fatal Environment: The Myth of the Frontier in the Age of Industrialization

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1800-1890, New York, Harper Perennial, 1985, chapter 18, “To the Last Man: Assembling the Last Stand Myth, 1876”. 2. Jeffrey Melnick, 9/11 Culture: America under Construction, Malden, Mass., Wiley-Blackwell, 2009, p. 114 (Kindle edition). 3. Melnick, p. 2027. The actual quote in context : “In early 2008 when The Boston Globe reviewed the monster movie Cloverfield, the paper included its usual sidebar with the movie’s basic stats, including running time, director, and why it received its PG-13 rating: ‘violence, terror, disturbing images; sublimated 9/11 fears.’” 4. Steven Rawle, “Re-imagining Terror in Battlestar Galactica: Negotiating Real and Fantasy in Battlestar Galactica’s Political Metaphor” in Battlestar Galactica: Investigating Flesh, Spirit and Steel, ed. Roz Kaveney and Jennifer Stoy, New York, IB Tauris, 2010, p. 137 (Kindle edition). 5. Moore quoted in David Bassom, Battlestar Galactica: The Official Companion Season 3, London, Titan Books, p. 31. 6. The Plan is a TV movie produced in 2009 after the end of the series. 7. In this sequence we see a split screen with two images of Boomer and the text-over “There are many copies.” 8. Rawle, p. 143. 9. For the non-initiates of Battlestar Galactica, “toaster” is a pejorative term for Cylon. 10. Extract from William Safire’s article entitled “Seizing Dictatorial Power” published in the New York Times on November 15, 2001: “[Bush’s] kangaroo court can conceal evidence by citing national security, make up its own rules, find a defendant guilty even if a third of the officers disagree, and execute the alien with no review by any civilian court. No longer does the judicial branch and an independent jury stand between the government and the accused. In lieu of those checks and balances central to our legal system, non-citizens face an executive that is now investigator, prosecutor, judge, jury and jailer or executioner. In an Orwellian twist, Bush’s order calls this Soviet-style abomination “a full and fair trial.” For full text go to http:// www.nytimes.com/2001/11/15/opinion/15SAFI.html downloaded December 15 2001. 11. Susan Faludi, The Terror Dream: Fear and Fantasy in Post-9/11 America, New York, Picador, 2008 (Kindle edition). 12. Faludi, p. 12. 13. In particular several articles published in a special issue of Newsweek in October 2001. Faludi also makes a convincing case of how the media developed these themes, notably in chapters 1 and 2. 14. I am referring to the title of a famous feminist science fiction novel written by Joanna Russ and published in 1972. 15. This scene in Razor in which Admiral Cain executes her X-O who refuses to implement a battle order in the face of overwhelming odds in favor of the Cylons (see Razor, 33’56” and onwards) seems curiously reminiscent of the scene in Little Big Man (Arthur Penn, 1970) in which an officer questions Custer’s decision to descend into the midst of 2,000 Indians and attack them “by surprise”. 16. Rawle, p. 139. 17. Melnick, p.135

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ABSTRACTS

Ronald D. Moore’s “remade” version of Battlestar Galatica marks a return to a resolutely militaristic form of science fiction which can perhaps be best understood if one is to reflect on how the series resonates in the context of “post 9-11” America. While some of the echoes of American culture are obvious to the viewer, such as the “federation” of colonies (twelve plus the missing thirteenth colony of Earth), other elements of the story arc can be perceived as indirect references to the War on Terror and/or the actual attacks of September 11th 2001. One such visual is in the opening credit scene of all four seasons: the moment when Six protects Baltar from the nuclear explosion on Caprica, with the blast arriving horizontally through a pane- glassed façade, reminiscent of what victims must have seen in the World Trade towers as the planes hit. Another visual shown occasionally in all four seasons but more often in Season 4 is the wall of commemoration on the battleship, again bearing a striking resemblance to the wall in New York City mourning the lost and the missing in the days following the attacks. Beyond these specific references, this study will attempt to analyze how the concept of the “Other as Us,” characterized by the physical appearance of the Cylons (as well as their origin as creations of humanity) creates not only a permanent form of paranoia – fundamental to the scenario itself – but more importantly in the viewer, thus transmitting a message of one of the most dangerous aspects of America’s war against terrorists both inside and outside the United States and its toxic influence on the democratic/utopian ideal. This, coupled with an examination of the power struggles revolving around Admiral Adama, President Laura Roslin and Gaius Baltar, will illustrate the delicate questions the series poses on the United States’ management of a “global” war and its meanings within contemporary America.

La version ‘refaite’ de Battlestar Galatica par Ronald D. Moore marque un retour à une forme de science-fiction résolument militariste qui peut se comprendre à travers une réflexion sur comment la série résonne dans le contexte de l’Amérique « post-11 septembre ». Alors que certains échos de la culture américaine sont évidents aux spectateurs, tel que la « fédération » des colonies (douze plus la treizième colonie de la terre), d’autres éléments du récit peuvent être compris comme des références indirectes à la Guerre contre le terrorisme et/ou les attentats du 11 septembre 2001. Un exemple visuel est la séquence générique de toutes les quatre saisons : le moment où Six protège Baltar de l’explosion nucléaire sur Caprica, avec l’explosion qui arrive à l’horizontale à travers une façade en vitre, qui ressemble à ce que les victimes devaient voir au moment où les avions ont percuté les tours du World Trade Center. Un autre exemple visuel, visionné de temps en temps dans toutes les quatre saisons, mais plus souvent dans la Saison 4, est le mur de commémoration sur le navire de guerre, qui ressemble étonnamment au mur à New York rendant hommage à ceux qui sont disparus les jours après les attentats. Au-delà de ces références spécifiques, cette étude visera à analyser comment le concept de « l’Autre comme Nous », caractérisé par l’arrivée physique des Cylons (ainsi que leur origine en tant que la créatures réalisées par les hommes) crée non seulement une forme permanente de paranoïa, fondamentale pour le scénario lui-même, mais, de manière plus signifiante pour les spectateurs, transmettant ainsi un message sur l’un des aspects les plus dangereux de la guerre des États-Unis contre les terroristes (à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du pays) et son influence toxique sur l’idéal démocratique/utopique. Ceci, en lien avec un examen des luttes de pouvoir autour de l’Admiral Adama, President Laura Roslin et Gaius Baltar, illustrera les questions délicates que la série pose quant à la direction américaine d’une guerre « globale » et ses significations aux États- Unis d’aujourd’hui.

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INDEX

Mots-clés: Battlestar Galactica, science-fiction, remake, 11 septembre Keywords: Battlestar Galactica, science fiction, remake, 9/11

AUTHOR

DONNA SPALDING ANDRÉOLLE Donna Spalding Andréolle is a professor of American studies at the Université du Havre (France) where she teaches American history and culture courses as well as a Master’s seminar on TV series. Her research centers on ‘low-brow’ cultural objects as sites of social commentary as well as on representations of scientific progress in science fiction novels and Hollywood productions since the mid-twentieth century. Some of her most recent publications and conference papers explore the cultural and ideological dimensions of contemporary American society in series such as Star Trek the Original Series, The Middle, Big Love, True Blood and Homeland. She is also co-editor of two books, Science and Empire in the Nineteenth Century: A Journey of Conquest and Scientific Progress (with Catherine Delmas and Christine Vandamme, CSP, 2010) and Women and Science, Seventeenth Century to Present: Pioneers, Activists and Protagonists (with Veronique Molinari, CSP, 2011), and is currently writing a book on Friends for les Presses Universitaires de France.

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Through The Wire: The Avon Barksdale Story

Sébastien Lefait

1 Released exclusively on DVD in 2010, The Avon Barksdale Story is the first and only instalment so far of a series of docudramas called Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired1. As its title indicates, the film claims to tell the real events in the life of Baltimore drug kingpin Nathan “Bodie” Barksdale to expose his near namesake from The Wire (HBO, 2002-08), Avon Barksdale, as a fictional persona. To this end, a voice- over narrator, Troy May, tells the audience Barksdale’s real story. Structured around an interview of Barksdale by the actor impersonating him in the series, Wood Harris, The Avon Barksdale Story presents itself as a corrigendum or as a right of reply. This so- called critical reading aims to debunk The Wire as a distortive rewriting of events.

2 The film’s title, however, paradoxically acknowledges that it perpetuates the legend of Avon, Nathan Barksdale’s fictional counterpart, despite the fact that Nathan declares he always resented that his friends should use his middle name “Avon”, as he preferred the nickname “Bodie2”. Besides, even though the docudrama shows Barksdale taking offence at the contents of The Wire, he seems to have changed his mind about it over the years. In his book about the series, Rafael Alvarez, who worked as a writer and story editor on The Wire, relates that Nathan Barksdale made a cameo appearance in Season 1 episode 73. This suggests that Barksdale’s dislike of his portrayal in the show, which led him to the idea for The Avon Barksdale Story, came as an afterthought. Additionally, Alvarez claims the character only borrows Barksdale’s name4. To him, the real gangster did not inspire the character of Avon. He describes Barksdale and his associate in The Wire as “fictional composites5”. Alvarez adds that the character of Barksdale is closer to a 20-year-old dealer named Warren Boardly than it is to Nathan6. Finally, even though The Avon Barksdale Story sets out to restore the reputation of the historical gangster by seeing through The Wire, it also borrows the typical style of David Simon’s program regularly. Consequently, while the docudrama claims to tell the real stories behind The Wire, it is itself loosely based on the fictional stories told in the show.

3 For those reasons, The Avon Barksdale Story initiates a specific brand of TV series derivative. It is a hybrid form of remake, which I suggest to call the “alternative make”.

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Its main point is to re-use the style of the series to tell a story that contradicts the lies David Simon allegedly disseminated in it, which suggests that, in Barksdale’s opinion, Simon’s claim to the truth in The Wire is a mere stance. To this end, Barksdale and executive producer Kenneth Antonio Jackson, who used to conduct the same activity as Barksdale, although in another part of Baltimore, hired director Bruce Brown and producer/writer Drew Berry7. To restore the reputation of Barksdale and Jackson, those employees scatter black and white sequences imitating the style of The Wire among documentary parts about the life of the Baltimore drug lord8.

4 The poor quality and simplistic mimicry that characterise the Wire-like sequences in the docudrama, however, are unwillingly in clear contrast with the original series. As a result, one can use The Avon Barksdale Story as an analytical pendant to The Wire. Because of its many paradoxes, Barksdale’s strategy endows the film he commissioned with a mise-en-abyme pattern. By attempting to look like The Wire, although with a blatant lack of nuance, The Avon Barksdale Story reveals how subtly David Simon’s series bases fiction on real situations. The docudrama thus goes out of its creators’ hands, to become a documentary about The Wire rather than about Avon Barksdale. It works as a distortive mirror against which the show can be studied. The mechanics of this “counter-Wire” indirectly inform the nature of David Simon’s study of social reality through the narration of semi-imaginary life stories. The Avon Barksdale Story misunderstands Simon’s fictional perspective on reality. The same goes for his use of composite characters rather than actual people, and for his utilisation of archetypes rather than individuals. This lack of perspicacity motivates Barksdale’s resentment about his namesake in the show. The sequences that feature Barksdale next to Wood Harris to emphasise how physically different they look from each other express Nathan’s bitterness. To prove these arguments, I propose to use contrastive examples taken from The Avon Barksdale Story and from The Wire. I will analyse them to establish what their comparative analysis teaches about the unique form of documentary fiction invented by David Simon. To reach that point, I will successively focus on the problematic nature of The Avon Barksdale Story and on its specificities as an alternative make, to finally return to The Wire and characterise its approach of fact through fiction.

The problematic nature of The Avon Barksdale Story

A true documentary approach, or mere documentary realism?

5 Its expository tone characterises The Avon Barksdale Story. The film advertises its aim to debunk the story of Avon Barksdale told in The Wire . Its documentary form is a consequence of this general purpose. The documentary approach dialectically seeks to incarnate facts, and to present The Wire as pure fiction. To strengthen the antithesis between documentarism and fictionalism, the creators of The Avon Barksdale Story include real documents. Photographs of the real Barksdale as a kid appear alongside newspaper clippings of articles written by David Simon in his days as a journalist for the Baltimore Sun. The news documents purport to bring evidence that Simon betrayed his objectivity oath as a journalist when he used the names of real people for the characters in his series. In similar vein, the docudrama includes TV news extracts shot in the 80s, showing the police intervening in the Baltimore projects. By comparison, the vintage quality of the images enhances the artificiality of The Wire’s shooting style, to

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qualify the series as realistic rather than real. As a result, the hybridity of The Avon Barksdale Story generates uncertainty regarding its own form.

Documentary? Drama-doc? Docudrama?

6 The credit sequence of The Avon Barksdale Story is ambiguous in many respects. The terms it features seesaw across the divide between documentary and fiction. As a result, the film is uneasy to classify. It defines itself as a “docudrama [...] based on a true story”, whose “main characters are real”. In their authoritative work on the topic, Jane Roscoe and Craig Hight define the documentary drama in the following terms:

Documentary drama tends to use an invented sequence of events and individuals to illustrate features of real historical events and issues. This form does not necessarily conform to a realist narrative. If documentary elements are presented they may actively disrupt narrative, for example by being presented non-naturalistically. In this form, “documentary” is just as likely to refer to style as to content9.

7 This definition of a now full-fledged television genre attests that the authors of The Avon Barksdale Story use specific terminology inaccurately. If the purpose of the film is to provide its spectators with documentary evidence correcting the falsehoods found in The Wire, it is awkward to declare it features “characters”, even while paradoxically labelling them as “real”. Proclaiming that the movie, although advertised as “unwired”, narrates the lives of “legends”, is equally clumsy.

8 The docudrama brand-name epitomises those inconsistencies. As Roscoe and Hight’s definition shows, the docudrama label means The Avon Barksdale Story delivers a fictionalised version of history. Given the authors’ intention to present the contents of the film as true, it would have been more sensible of them to call it a drama- documentary rather than a docudrama. In fact, according to Roscoe and Hight:

Drama-documentary is best described as the form that attempts to stay closest to the actual historical events or persons. It follows the sequences of events from a real historical occurrence or situation. The perceived closeness between their presentation and the actual events underpins this version. This form uses drama to overcome any gaps in the narrative, and is intended to provoke debate about significant events10.

9 On account of a still fluctuating terminology11, Brown and Berry’s effort to categorise their film may just achieve the effect opposite to the one Barksdale sought for. In any case, it reveals the true incentive for making The Avon Barksdale Story. Identifying the film as a “docudrama” implies that its goal is to invent a story to contradict another invented story, and to make this alternative version pass for real. That the authors display some hesitation when it comes to classifying their work discloses their ambivalent attitude to documentary objectivity. Correlatively, some of the film’s sequences confirm that the filmmakers use documentary aesthetics primarily for the sake of realism. For instance, some documents inserted in the film show gangsters with blurred faces. The technique depicts them as real people rather than proving them different from their counterparts in The Wire. Additionally, the voice-over remark that Nathan Barksdale had a “disturbingly unbelievable” life uses the cliché according to which fact is sometimes stranger than fiction. Conjuring up the formula, the authors

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try to account for the obvious signs of tampering with reality that inevitably show through on numerous occasions in their film.

Why remake Barksdale’s life

10 Rather than merely narrativising a true life story, however, the film elicits a constant tendency to rewriting. Some of the sequences thus generate the impression that it has something to promote beyond the notion that Barksdale is not the gangster viewers may think he is. A particular moment divulges that the film is essentially promotional. It includes views of the city of Baltimore chosen to illustrate the possibility of living a fine life there. The sequence contradicts the gloomy atmosphere of violence, poverty and danger The Wire conveys:

VOICE-OVER NARRATOR. Barksdale grew up in Baltimore, not the Baltimore associated with the famed inner harbour. Visitors to charm city are impressed with all it has to offer. In the non-tourist areas, it’s a healthy mix of middle and upper income neighbourhoods. Sometimes those neighbourhoods are only a few blocks from areas in which Barksdale was more familiar.

11 The commentary spoken over the pictures is full of positive epithets. As a result, the sequence sounds and looks like an advertisement. Supposedly, the bad publicity from the show made such a rehabilitating sequence necessary12.

12 The desire to soothe the harsh realism that characterises the series even extends to more narrative sequences, such as the “pizza” anecdote. In it, Barksdale explains how he and his crew would scare the cops away by dropping sewer lids from the 14th floor of buildings surrounding the area where they dealt drugs. Rather than focusing on the potential danger of the action, Barksdale insists on the noise produced by the lid hitting the cement. The voice-over narrator further mitigates the violence of the deterrent by presenting it as “the delivery of pizzas”. This was, the voice adds, an “innovative way [for Barksdale] to defend his money-making turf”.

13 In similar vein, The Avon Barksdale Story delivers the tale of a good child whom his environment corrupted. In its first moments, it devotes a documentary sequence to the riots of ’68 and to the subsequent construction of the rough projects in Baltimore. The scene establishes the historical and social context of racism and unrest that supposedly spawned the gangster in Barksdale. It toys with the notion of social or environmental determinism, to present the criminal mind as the product of a segregated area. This perspective seeks to imitate a similar one found in The Wire. Simon’s series is rightly acclaimed for its subtle analysis of the social sources of drug-related violence13. The Avon Barksdale Story, however, clearly lacks the nuance and critical hindsight of the original, as well as its ability, despite its fictional status, to generate an objective perspective on current societies.

14 The same is true for the sequences in which the film narrates how Barksdale became involved in the drug dealing “game” as a kid because he needed money. In those moments, Barksdale exploits the common idea that some kids have no choice but to become criminals, a notion whose ambivalence The Wire explores in its fourth season. In his attempt to defend his reputation, he draws as much from the social analysis of The Wire, which he meticulously oversimplifies, as from the explanatory quality of

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factual life events. In fact, as the film unravels towards its ending, it gradually appears that its main point is to create a positive perspective on Barksdale. Significantly, The Avon Barksdale Story ends with a succession of three shots describing Barksdale as the victim of a crime tradition rather than as one of its beneficiaries (see Plates 1, 2, and 3).

Plate 1

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Plate 2

Plate 3

15 The first one looks as if it were taken from The Wire. It is a high-angle close-up of a black kid’s horrified face below a gun pointed at him. A documentary piece – a black- and-white ID photograph of Barksdale as a child – follows this shot. The third shot in the sequence is in colour. It shows Barksdale’s mother declaring, by way of conclusion

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to the narrative, “he’s my son”. This comment invokes the pointlessness of accusing a kid of criminal deeds. A logic informing Barksdale’s fate thus subtends the sequence. It conveys the notion that an early encounter with violence interfered with Barksdale’s identity construction, and robbed the kid of his youth. Besides, the borrowing from the style of The Wire evinced in the first of the three shots implies that David Simon’s series played a large part in distorting Barksdale’s identity. The final comment by Barksdale’s mother exposes the tale told in The Wire as a misconstruction, and suggests the series is responsible for turning her son into the gangster he never was in real life. As a result, it appears that the film’s allusions to the series aim to engender confusion about the events of Barksdale’s life, and to draw from fiction to rewrite history.

The alternative make: resemblance and distortion

16 A paradoxical combination of resemblance to and distortion from Simon’s series informs the nature of The Avon Barksdale Story as an “alternative make”. The film re- uses some of the trends found in The Wire. However, it makes them drift off from their original meaning and purpose. This warping perspective mainly concerns the vision of the American dream featured in The Wire, its satirical perspective on journalism, and even some specific characters in the show.

A rags to riches story

17 Critics have widely lauded the opening to the first episode of The Wire for the nonsensical perspective on the notion of equality of opportunity it features14. In this initial moment, McNulty hears the story of the recently murdered “Snot Boogie”. Playing poker with other kids on the streets, Snot was allowed to grab the money and run away Friday night after Friday night. As the child reporting the anecdote to the detective has it, the other players would let him do so because “This is America, man”. The punchline allegorises and satirises the widespread notion that, in the United States, everyone has a right to enter the success game, and therefore has a chance to thrive. To draw on this famous critical trend in The Wire, The Avon Barksdale Story uses a similar “broken dream” perspective on Nathan. The copy, once again, fails to match the absurdity in the “Snot Boogie” anecdote that makes it so scathingly efficient. The film uses the concept of “rat race” America as the backdrop to Barksdale’s childhood. The narrator explains that Nathan began as a paperboy who had to fight other paperboys to preserve and extend his delivery territory, and therefore to protect his job.

VOICE-OVER NARRATOR. Barksdale had bigger plans than being the king of pickpockets. He wanted to make more money. He became a paperboy too. But one paper round just wasn’t enough. At a young age, he demonstrated his business savvy and leadership skills. Barksdale says he organised his own group of boys to muscle out competition and seize the territories of other paperboys over a wide area.

18 In the same sequence devoted to Barksdale’s Bildung, the voice over describes a specific event as a “horrible tragedy”. As an act of revenge for stealing his lunch, a man drove over Barksdale and smashed his leg. The narrator mentions that Barksdale had been stealing regularly from that same man. Nevertheless, the focus on the lunch suggests that hunger induced Barksdale to steal food. The sequence thus insists on Barksdale’s

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“right to play” the criminal game. It is, however, a ridiculously melodramatic and hyperbolic reconstruction that falls short of The Wire’s deluded observation that the “American dream” has lost its meaning, which is why Baltimore kids so absurdly misunderstand it.

Exposing journalism

19 Another unacknowledged borrowing concerns the series’ critical perspective on the press. In The Wire’s final season, David Simon directs his shafts at the Baltimore Sun newsroom, which he knows so well because of his former occupation. That journalists are so eager to believe McNulty’s made up story of a bum-murdering serial killer casts a critical perspective on the gradual victory of tabloidization over investigative objectivity. As usual in the show, a methodical analysis of the causes for such a turn of events generates this angle. Like The Wire, The Avon Barksdale Story condemns the shortcomings of current journalistic practices. At the beginning of the film, the narrator puts the blame on media hype to explain Barksdale’s current reputation.

VOICE-OVER NARRATOR. You know some people are uneasy that the real Barksdale is out of jail and walking the streets again. Perhaps they remember some of the things they heard and some of the things that Simon wrote about as a journalist. Maybe they remember some of the things documented on TV newscasts and in Simon’s newspaper articles back in the 80s when Barksdale was in power.

20 Barksdale thus uses the sensationalist trend in contemporary journalism as sufficient evidence of his innocence. Nevertheless, he does not merely summon the alleged exculpating effect of criticising the press. Satirising news people even becomes an incriminating weapon when the film mentions Simon directly, to accuse him of peddling inaccuracies about the circumstances of Barksdale’s conviction. At the beginning of the film, Barksdale explains that he warned the producers of The Wire “they’d better not cross the line”. The threat educes that Simon is the butt of the criticism as the one responsible for destroying Barksdale’s reputation. As a form of revenge, the film somehow turns Simon into a fictional character, and blurs the borderline between real and invented personae.

Ghosts from The Wire

21 The Avon Barksdale Story opens with a discussion of the differences and similarities between the characters in The Wire and their real-life counterparts. The exchange underlines that, without the docudrama, fans of the show would never realise how far Simon strays from reality. The Avon Barksdale Story, however, abounds in sequences that suggest similarity rather than difference. In fact, many of the “real” characters featured in The Avon Barksdale Story bear a striking resemblance to fictional characters in The Wire.

22 Those ghostly appearances of characters from The Wire evince Barksdale’s desire to strike a clear-cut balance between fact and fiction, but also between good and evil, compared to the one the series foregrounds. The film, for instance, includes a sequence in which a man delivers a package containing heroin into a shop that serves as a front.

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The man’s hairstyle and corpulence bring to mind the character of Eastside drug kingpin (see Plates 4 and 5).

Plate 4

Plate 5

23 In the series, Prop Joe uses a cover as an appliance store operator for his drug dealing business. Joe also stands out as the one gangster who always favours peaceful solutions. By recasting him as a subordinate in the drug game, delivering the substance rather than selling or buying it, Barksdale shows that the hierarchy the series presents is unstable. He also claims that, in The Wire at least, it is a thin line between remaining a harmless pawn in a drug organisation and controlling it, and ironically underlines that

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Prop Joe, as an advocate of compromise, would never have achieved gang leadership in real life. This is in keeping with The Avon Barksdale Story’s treatment of violence as just a rule in the street game.

24 This shifting of character identities conveys the idea that Barksdale could easily have had a different fate. The strategy consists in alleviating the guilt of the villains in the series by showing they could have been someone else. The stratagem is blatant when Barksdale applies it to himself. The authors of the film thus insinuate that David Simon could just as well have cast Barksdale as one of the good guys, rather than choosing his name for a Machiavellian, ruthless gangster. During its evocation of Barksdale’s life in Baltimore as a kid, for instance, the film highlights that his mother had several jobs to earn a living. The commentary also specifies that she was a divorcee, and that her son had to look after his younger brothers. This presentation brings the young Barksdale close to character . Michael is one of the middle school pupils featured in Season 4 of The Wire, who had to endure similar conditions at home. In the series, the kid’s family environment is one of the reasons for his becoming a protégé of drug kingpin . By establishing a resemblance between the fictional character and Barksdale, the authors of the film seek to transfer the extenuating circumstances that apply to Michael onto the real-life Barksdale.

25 The technique recurs a few minutes later in the film. The voice-over relates that Nathan stole money from his boss with a few of his friends. By way of punishment, and above all as a way for the bosses to ensure the thieves would never rob them again, gangsters held the kids at gunpoint, threatening to shoot them, and locked them up in a basement in the company of “a vicious dog”. This sequence looks like a reconstruction of real events. It connects two elements that seek to minimise the weight of Barksdale’s crime. The first one is a reference to . Omar is one of the most ambivalent characters in The Wire. He is a “stick-up man” who steals Robin- Hood like from bigger gangsters and stands out for his strict moral code of conduct. The second one is an allusion to Little Kevin, one of the kids in the Marlo Stanfield organisation. Marlo suspects Kevin of having informed the police. On mere suspicion, members of Marlo’s crew force Kevin down into a basement and execute him. The “basement scare” episode in the film hints that Barksdale similarly committed childhood mistakes that could have cost him his life. The allusion also ranks Barksdale low in the Baltimore hierarchy of villains.

26 Finally, the film includes another echo when it depicts Nathan’s passion for boxing. The character of Barksdale in the series shares this taste for the sport. The film’s boxing gym sequences, however, operate a displacement to the character Dennis “Cutty” Wise in The Wire. A reference to a third person, haunting the same boxing gym as the real Barksdale, one Larry Middleton, triggers the shift of identities.

VOICE-OVER NARRATOR. Larry Middleton is a former world class heavyweight boxer. In his prime, he ranked in the top 10. He fought the likes of Larry Holmes and Jimmy Ellis. [...] The man taught neighbourhood kids how to fight, but he lectured them about being good citizens and never using the skills he taught them the wrong way.

27 The narrator praises Middleton for finding redemption from life on the streets in sports. He also lauds him for offering salvation to kids from the streets by teaching them to unleash their violence in a cathartic way. Because of their kinship as boxing enthusiasts, the personalities of Barksdale and Middleton combine to evoke “Cutty”.

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Cutty is one of the few characters in The Wire to achieve and promote “legit” life. He gives the kids an alternative to street violence in his self-made boxing gym.

28 Thanks to this complex network of reminiscences from The Wire, The Avon Barksdale Story indicts Simon for committing the glaring blunder of giving Barksdale’s name to a character he was so different from. In so doing, the film insinuates there were so many other – and better – characters to whom he was closer. By acting on characters from the show, the film seeks to alter fact through fiction. In so doing, it brings out the series’ specific way of making the diegetic overlap with the extradiegetic.

The true Wire: fact through fiction

The anti-Manichean approach

29 In an interview he gave to Hornby, David Simon describes The Wire as a derivative of Greek tragedy adapted to postmodern times:

Much of our modern theatre seems rooted in the Shakespearean discovery of the modern mind. We are stealing instead from an earlier, less-traveled construct – the Greeks – lifting our thematic stance wholesale from Aeschylus, Sophocles, Euripides to create doomed and fated protagonists who confront a rigged game and their own mortality. The modern mind – particularly those of us in the West – finds such fatalism ancient and discomfiting, I think. We are a pretty self-actualised, self-worshipping crowd of postmoderns and the idea that for all of our wherewithal and discretionary income and leisure, we’re still fated by indifferent gods, feels to us antiquated and superstitious. [...] But instead of the old gods, The Wire is a Greek tragedy in which the postmodern institutions are the Olympian forces. It’s the police department, or the drug economy, or the political structures, or the school administration, or the macroeconomic forces that are throwing the lightning bolts and hitting people in the ass for no decent reason. In much of television, and in a good deal of our stage drama, individuals are often portrayed as rising above institutions to achieve catharsis. [...] Because so much of television is about providing catharsis and redemption and the triumph of character, a drama in which postmodern institutions trump individuality and morality and justice seems different in some ways, I think15.

30 This perspective on the series accounts for its anti-Manicheism. Simon’s characters are neither good nor bad, but fail to interpret a fate that overwhelms them. Describing this fate as institutional informs the nature of the catharsis the show produces. The Wire allows its spectators to vent their powerlessness in front of the system, but also to improve their knowledge of that system, and hopefully to minimise its most absurd sides.

31 On that point too, the derivative compares unfavourably to the original. As a result, the yearning to imitate the series that motivates The Avon Barksdale Story sets off the complexity of Simon’s anatomy of contemporary American society. The lengthy critical speeches either Barksdale or the voice-over commentator give miss the visual elements that subtend critical discourse in The Wire. The first sequence after the credits of episode 1, for instance, adds a specific visual treatment to the opening chat between McNulty and the kid from the projects about Snot Boogie’s death. The sequence takes

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place in the courtroom. It conveys the notion that the rules of justice have changed under the influence of organised crime through the characters’ exchanges of either domineering or resigned looks. Without saying a word, the actors conjure up the institutional fate Simon describes. This leads the spectators to understand that Barksdale has hired a false witness to fabricate the innocence of his nephew D’Angelo. At the beginning of the scene, shots of surveillance monitors embed CCTV footage within the picture. Such shots thus point to a superior power watching mere pawns in the game, and directing them to their fate. Yet The Wire does not only deal with the increasing presence of surveillance in contemporary societies. The programme also turns surveillance into the stylistic symbol of omnipresent institutions restricting the characters’ freedom of movement and chance to achieve happiness16.

32 This visual composition is crucial for the show’s construction of irony. It also participates in its constant awareness of the absurdity of postmodern life. The events depicted in The Wire elaborate a specific context that often takes explanatory value. Putting the series side by side with its pseudo-documentary counterpart also reveals this quality. Referring to sports as a way out of the vicious circle of the drug business is a case in point. Besides using boxing as a byword for channelling violence out, The Avon Barksdale Story includes a sequence in which basketball carries the same values. Before the sequence, the voice-over mentions “those who return to Baltimore roots in efforts to give back to the community”. A view of kids on a basketball playground then illustrates one of those “efforts”. The narrator describes the game as part of a “fund- raiser to benefit underprivileged youngsters”. Besides, the sequence features views of cheering spectators alongside shots of the patrons supervising the game. Because it includes those ingredients, it remakes a similar moment featured at the end of Season 1 episode 9 in Simon’s series. In The Wire, the basketball game opposes the West End and the East End teams. Barksdale coaches one side, and Proposition Joe the other. The match translates the rivalry between two gangs into a harmless contest. The scene also enriches the metaphor of criminal life as a “game” that pervades the series by showing the bosses and their subordinates insist on playing by the rules17. In this playful context, however, the bosses put high-stakes on defeating the opponent. They fret on the sides of the playground when the score evolves towards winning or losing. Rather than resorting to the cliché that sports activities are crucial to promote social peace, the series thus shows that it can just lead violence to go on in a different shape, and even stoke hatred rather than soothe it. The reference to basketball qualifies the reference to boxing, which The Wire presents in a positive light.

The tragic dimension

33 The Wire thus elicits Simon’s awareness of the ambivalence of social solutions, whereas The Avon Barksdale Story systematically resorts to stereotypes and shortcuts. The film creates a one-dimensional view of American society, which is remote from the “social tragedy” narrated in the series. Whereas Barksdale uses social determinism as an alibi for his past crimes and subsequently stages himself giving back to the community, Simon introduces a more analytical stance on the idea of social fate. Barksdale claims that, growing up in a criminal background as he did, he had to become a gangster. Yet his selected counterpart in The Wire, Michael Lee, has a more sinuous destiny. Michael’s trajectory does not lead him straight out from his underprivileged background into life on the street, dealing drugs as a “corner boy”. In Season 4 episode 4, two of the senior

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dealers he hangs around with, and Chris, predict Michael’s future role as a junior drug salesman. A few minutes later in the episode, the spectators enter Michael’s home with the character. The visit introduces unexpected causes for his fate, beyond the fact of living in a crime-infested area. Once at home, Michael has trouble making his younger brother Bug do his homework, because the TV set blares out as their parents watch a programme they have “seen five times”. Michael’s family environment is one in which he is prone to grow up too fast, but also one in which watching TV leaves little room for intellectual activity. The brainwashing which extensive television consumption effects thus appears as the source of parental neglect. Although addiction to television is often presented as one of the consequences of unemployment, the sequence includes it as one of the possible causes that will eventually lead Michael to become a “corner boy”. In The Wire, the reasons for Michael’s predicament are undeniably more numerous and complex than the one Barksdale invokes for his own case in the documentary drama.

34 The tragic stature of The Wire also comes from its focus on the consequences of the character’s actions, and especially on the high price of revenge. In The Avon Barksdale Story, comparatively, revenge is a justified action. As the voice-over explains, “sometimes dealers had to kill or be killed” and “taking a rival out before he took you out was just part of survival”. One of the most interesting black-and-white sequences in the style of The Wire to appear in the docudrama illustrates this assertion. It shows one of Barksdale’s rivals trying to ambush him, from preparation in a car to performance in the gangster’s bar. The plan includes two young women used as decoys to numb the gangsters’ suspicion before assaulting them. Members of Barksdale’s crew manage to escape the ambush because their boss has cleverly placed the building under surveillance. The recent popularity of surveillance practices among the police forces, Barksdale comments, gave him the idea of using similar techniques for his own protection. At the end of the sequence, shots are fired from the building roof, and one of the young women is killed (see Plate 6).

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Plate 6

35 The succession of events featured in the sequence is reminiscent of a similar moment in Season 3 episode 3. In this episode, Omar’s plan to rob the drugs from Barksdale’s stash also involves two female assistants. Before the raid, Omar explains his plan inside a car. The operation goes amiss because of the presence of surveillance forces – a member of Barksdale’s crew was acting as a sentinel watching the building. This leads to massive shooting, with the Barksdale boys firing their guns from towering locations (see Plate 7). At the end of the sequence, friendly fire kills one of the young women.

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Plate 7

36 The similarities between this sequence and its equivalent in The Avon Barksdale Story are so numerous that questions arise about the motives for remaking it. The narrator’s remark that the scene is reminiscent of gangster films with James Cagney is a weak attempt at stifling this feeling. The ideological reason for reproducing a sequence from the series is to reshuffle the good and evil cards dealt to the characters. In the docudrama, the attackers become the bad guys, and Barksdale appears to be merely defending himself. In the process, he sports his awareness of the innovative techniques the police use to track him down, which he implements himself by placing his hideout under surveillance. In the series, the sequence is a cog in Omar’s retaliation for the murder of his lover by Avon’s gang. It emphasises that vengeance comes at a bitter cost for Omar, who loses one of his friends. Comparatively, the film turns this perspective into a Manichean opposition of attackers and defendants.

37 Why this rewriting of a sequence from The Wire has to be in the style of the series, however, is harder to explain. If Barksdale’s aim was to depict the truth as opposed to the lies featured in The Wire, sticking to the documentary style would have been a more sensible option. A possible explanation to this quandary is that, by choosing to state the truth in the same visuals as those employed in Simon’s programme, Barksdale endorses a form of fiction that is better suited to express reality than documentary is. The interest of the resemblance between The Avon Barksdale Story and The Wire thus lies in the visual echoes that ultimately emphasise the series’ privileged bond to fact. While the stories told in The Wire may not all be genuine, the show depicts mechanisms driving contemporary American society that are all true-to-life. Whoever the characters are, whether real or fictional, and whatever they represent, the institutional cogs that propel them towards their fates are drawn from real life, and cannot be mistaken for fiction.

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The anatomy of a society

38 In The Wire, the restrictions to freedom of choice receive specific attention. As the passage from Simon’s interview quoted above shows, the tragedy in the series is that of a whole society that the institutional or ideological gods of political power, capitalism and greed direct from above. Thanks to this tragic quality, The Wire scrutinises contemporary American society, and establishes the ratio between the exercise of free will and its limitations under the weight of social conditions. Throughout this investigative process, the mechanisms that limit the range of action of individuals are in sharp focus. In particular, The Wire enhances the absurdity of present-day societies by showing characters who are eager to act to ensure a better future, yet whose initiatives are eventually to no avail. The ending to the first episode in the series shows this dead end. In the sequence, D’Angelo walks towards policemen surrounding a dead body, to find out it is Gaunt’s. Even though he did not ask for such a murder, D’Angelo realises the witness who testified against him got killed on Avon’s orders. A flashback shot precedes a high-angle view of D’Angelo walking away from the crime scene. It shows the aforesaid witness pointing his finger at D’Angelo offscreen. In retrospect, this gesture appears to have spelt Gaunt’s death. Gaunt dies after a succession of events in which neither he who testified nor he who was testified against took part. The sequence thus presents one of the rules of the criminal game: snitches cannot be allowed to live.

39 In similar vein, The Wire often shows that the American land of hope has become a maze. The series depicts Baltimore as an absurd version of the country of opportunity. As opposed to the rags to riches pattern Barksdale applies to himself in the documentary drama, The Wire features the edifying story of . Bubbles is a tramp and junkie who achieves newspaper fame and social redemption in the final season. His progress throughout owes nothing to the traditional ingredients of the American dream. Additionally, whereas The Avon Barksdale Story includes a “beautiful sights of Baltimore” promotional film, the series includes, in the opening sequence to the first episode, a gloomy representation of the city. Before and during McNulty’s conversation with a witness about Snot Boogie’s recent murder, the sequence’s darkness conveys a feeling of oppression. Its down-to-the-ground approach roots the characters into the barren soil that gave them birth. Finally, the scene focuses on destitute areas and extensive policing. The notion of opportunity thus goes down from skyscraper high to slum level, and the series sets out to investigate the shadowy zones of dreamlike America.

40 In the world the series depicts, dreams, whatever their nature, are necessarily utopian. In Season 3, the tale of the “Hamsterdam” experiment establishes that point. The name refers to a specific zone in the West Baltimore projects where Major Colvin tests the beneficial effects of legalising drugs, unbeknownst to his superiors. From the point of view of the series, the experiment is a success. From that of the authorities, the experiment is a failure whose very existence they must conceal. In episode 3, a high- angle shot spanning the entire permissive area shows the experiment is doomed to abort (see Plate 8).

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Plate 8

41 A view of the dreamer’s look on Colvin’s face follows, then a shot in which his colleague ironically mocks his idealism by making “you must have been smoking grass” gestures.

42 The series thus devises a context in which dreams are not welcome because free will suffers institutional restrictions. Correlatively, the programme presents a society in which control, whether of oneself or of others, is a highly desired commodity. The visuals of The Wire convey and analyse the current quest for hypervision as a shortcut to power (see Plate 9). Even though the series’ title focuses on auditory surveillance, The Wire includes many moments when visual control is correlated to authority. Such is the case in this shot from the pilot episode, where McNulty and Bunk enter the courtroom under the gaze of a CCTV camera, which suggests, at the series’ outset, that police officers hold little power compared to judges and politicians.

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Plate 9

43 An urge to see what happens drives the characters, whether on the side of the police or on that of the gangsters. For them, it is essential to find out who does what and who is who. The network of references to surveillance that gives The Wire its name and meaning originates in the series’ plan to make sense of the transparency craze. The Avon Barksdale Story includes a poor copy of this surveillance trend, which brings the analytical depth of the series to the surface. In the docudrama, Barksdale narrates how he eschewed the surveillance network the police put up to track him down. Agents were watching his crew from the top of a hospital, the employees of which were related to members of Barksdale’s organisation. Consistently with the title Legends of the Unwired, the docudrama introduces characters who, unlike their counterparts from The Wire, are not only real, but also clever enough to escape monitoring. Then, in the ambush sequence mentioned above, a shot of the CCTV system covering Barksdale’s stash is included (see Plate 10).

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Plate 10

44 The docudrama thus insists on the high hopes placed in surveillance techniques, and on the high stakes of implementing them or breaking them.

45 In The Avon Barksdale Story, surveillance is a trick in a game of hide-and-seek. In The Wire, the surveillance trend supports the description of a dysfunctional society. In Season 1 episode 9, the attack on Barksdale by Omar’s crew elicits this aspect. In the sequence, the layers of surveillance multiply up to the point where there is no knowing who is watching who and why. Because he supervises the whole murder raid, Omar acts as the centre of direct surveillance throughout the scene. Omar uses one of the pagers thanks to which Barksdale communicates with members of his gang to bring him out of his den. The contraption, which Barksdale utilises in the hope of escaping police surveillance, becomes a decoy, and ironically helps Omar locate him. The different kinds of gangsters Barksdale and Omar represent have in common a blind trust in surveillance. Their respective fates in the series prove that their faith in surveillance is in fact a tragic flaw. Throughout the five seasons of The Wire, it also appears that the police forces partake in the cult of monitoring techniques too. They are eager to obtain surveillance warrants, and they set up wiretaps that, they think, are indispensable for them to catch criminals. Despite the fact all those characters believe in the power of surveillance, some among them win while others lose. This outcome qualifies the idea that surveillance is an infallible way of achieving control.

*

46 To follow up on the movement started in Season 1, which focused on the dysfunctions of both police institutions and gangster organisations, the final season of The Wire shows the collapse of investigative journalism18. The plot illustrates that the mission of the press – documenting reality and watching events objectively – has vanished. The

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Baltimore Sun sends a journalist among the homeless to exploit a craze created by the prowling presence of a tramp-murdering serial killer. The murderer, however, is a forgery. McNulty created this fictional character to garner extensive police forces and wiretap authorisations. Paradoxically, the invention of an imaginary character the police forces will have to look for is the premise to obtaining authorisation to surveil. Deluding the watchful eye of the police, and the not so vigilant eye of the press, is the price of surveillance permission.

47 By insisting on the loopholes and malfunctions of contemporary surveillance societies, however, The Wire manages to implement an analytical form of monitoring. By exposing fact through fiction, the series proves more efficient than actual surveillance. The Wire’s surveillance principle discloses that some instruments of control have become dysfunctional. The series debunks the notion that surveillance is a byword for objectivity, and that it offers an unvarnished view of reality. On the contrary, The Avon Barksdale Story embodies the faith that using a documentary approach is enough to make narrated events become real. For all its claims to truthfulness, then, the docudrama fails to use the original Wire recipe, or just gets it wrong. The same as “sweded” movies19 bring out the craftsmanship behind the films they remake in a crude way, The Avon Barksdale Story discloses why The Wire is closer to fact than it will ever be itself as a docudrama. The film’s misunderstanding of The Wire elicits Simon’s main achievement. The Wire is a “society watch” programme. A possible interpretation of the show’s title suggests that it surveils a society to prevent it from going haywire. By using fictional situations that erase the details of reality, and thereby strip it down to the core, The Wire thus implements a new type of docudrama perspective: it effects surveillance through fiction.

BIBLIOGRAPHY

ALVAREZ Rafael, The Wire: Truth Be Told, Edinburgh, Canongate, 2010.

ANDERSON Jeffrey, “Last Word: Nathan ‘Bodie’ Barksdale and Kenny Jackson tell their versions of Baltimore’s street life in The Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired”, Baltimore City Paper, April 29th, 2009. http://www2.citypaper.com/news/story.asp?id=17966&p=4 (consulted August 3rd, 2012).

BONJEAN Elizabeth, “After the Towers Fell: Bodie Broadus and the Space of Memory”, in The Wire: Urban Decay and American Television, ed. Tiffany Potter and CW. Marshall, New York, Continuum, 2009, p. 162-76.

HIGHT Craig and Jane ROSCOE, Faking It: Mock-documentary and the Subversion of Factuality, Manchester, Manchester University Press, 2001.

LEFAIT Sébastien, Surveillance on Screen: Monitoring Contemporary Films and Television Programs, Lanham, The Scarecrow Press, 2013.

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SIMON David, “An interview with David Simon, by Nick Hornby”, in Rafael Alvarez, The Wire: Truth Be Told, Edinburgh, Canongate, 2010, p. 382-397.

VEST Jason P., The Wire, Deadwood, Homicide, and NYPD Blue: Violence is Power, Santa Barbara, Praeger, 2011.

VINT Sherryl, The Wire, Detroit, Wayne State University Press, 2013.

NOTES

1. The documentary was directed by Drew Berry, Bruce Brown, and Kenny Jackson. A second instalment, focusing on the real person behind The Wire’s Marlo Stanfield, dealer Marlow Bates, seems to be in the works, but has no release date yet. 2. In The Avon Barksdale Story, he explains that his friends mocked his middle name because his mother chose it in reference to Avon cosmetics, which is why he later responded exclusively to his first name “Nathan”, or to his street name “Bodie”. 3. Alvarez mentions this anecdote in the “Cameos and stunt casting” section of his book. Nathan “Bodie” Barksdale was cast as a recovering addict who refuses to sign junkie Johnny’s court slip in Season 1, episode 7: “Barksdale had only recently been released from the Maryland Correctional Institution in Jessup when this episode was filmed.” Rafael Alvarez, The Wire: Truth Be Told, Edinburgh, Canongate, 2010, p. 461. 4. “Although no specific character in The Wire was modeled on [Barksdale], Simon and Burns were familiar with his status as a drug trafficker in the 1980s and used both his surname and street moniker in homage.” Alvarez, p. 462. It is unclear which nickname Alvarez is referring to here. In fact, David Simon searched legal archives for Barksdale’s name, and found “that in all his police documents, arrest records, and court papers Barksdale is referred to only as ‘Nathan Barksdale’; in some cases the documents even include the abbreviation ‘NMN’ — ‘no middle name.’” Jeffrey Anderson, “Last Word: Nathan ‘Bodie’ Barksdale and Kenny Jackson tell their versions of Baltimore’s street life in The Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired”, Baltimore City Paper, April 29th, 2009 (http://www2.citypaper.com/news/story.asp?id=17966&p=4, consulted August 3rd, 2012). As a result, Simon may have considered “Avon” to be Barksdale’s nickname. Nevertheless, the gangster’s actual nickname, “Bodie”, is also used to name a character in The Wire, Bodie Broadus. In fact, Simon used both Barksdale’s middle name and nickname in the series, yet for two different characters. 5. Alvarez, p. 50. 6. “Waged throughout the summer of 1986 by a 20-year-old dealer named Warren Boardly, against brothers Alan and Spencer Downer, the battle left seven dead and twice as many wounded before Boardley had control of the terrace and Poe. […] Avon Barksdale bears more than a passing resemblance to Warren Boardley.” Ibid. 7. For more details about the origins of the docudrama, see Anderson. 8. Using black and white allows the spectators to tell the documentary moments from the fictional ones, but also forbids them to mistake the fictional sequences embedded in the documentary from actual sequences in The Wire. 9. Craig Hight and Jane Roscoe, Faking It: Mock-documentary and the Subversion of Factuality, Manchester, Manchester University Press, 2001, p. 43. 10. Ibid.

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11. Concerning the ambiguity of the terms, Roscoe and Hight rightly specify that, although they “each point to quite different historical trajectories of production, [...] common usage seems to reinforce their interchangeability.” Ibid. 12. Alvarez devotes a whole section of his book to describe how successive Baltimore officials took exception to the The Wire’s depiction of the city. “Mayor O’Malley to The Wire: Drop dead”, in Alvarez, p. 210-15. 13. See for instance James Poniewozik, “The Big Fat Year in Culture”, in Profiles of Popular Culture: A Reader, ed. Ray Broadus Browne, Madison, The University of Wisconsin Press, 2005, p. 384 [p. 376-89]: “Best Social Criticism. The Wire. Ostensibly about cops and dealers, this series was really about how institutions use up and spit out their workers.” 14. For a discussion of the scene’s critical reception, see Jason P. Vest, The Wire, Deadwood, Homicide, and NYPD Blue: Violence is Power, Santa Barbara, Praeger, 2011, p. 179-83. The author’s view that “the pilot episode’s opening scene [... portrays] McNulty and the witness as fellow travelers in an urban pageant that prevents its participants from realizing the American dream” is particularly convincing (Vest, p. 183). 15. David Simon, “An interview with David Simon, by Nick Hornby”, in Alvarez, p. 384-5 [p. 382-97]. 16. On this way of using surveillance in contemporary films and TV series, see Sébastien Lefait, Surveillance on Screen: Monitoring Contemporary Films and Television Programs, Lanham, The Scarecrow Press, 2013. 17. The Wire extends the widespread metaphor that the drug business is a game on many occasions throughout its five seasons, the most explicit one being the “chess” sequence in Season 1, episode 3. See Elizabeth Bonjean, “After the Towers Fell: Bodie Broadus and the Space of Memory”, in The Wire: Urban Decay and American Television, ed. Tiffany Potter and CW. Marshall, New York, Continuum, 2009, p. 166-68 [p. 162-76]. 18. As Sherryl Vint notes, all five seasons in The Wire tackle malfunctioning structures: the series “shows the common dysfunction across [different] locations”, namely “the police department, the drug-trafficking organization, political governance structures, the school system, and the media.” Sherryl Vint, The Wire, Detroit, Wayne State University Press, 2013, p. 63. 19. The phrase was coined by Jerry, a character in Michel Gondry’s Be Kind – Rewind (2008). It refers to low-budget remakes of famous movies, often including a parodical vein. In Gondry’s movie, Jerry rents out such films, and accounts for their long delivery schedule by claiming they have to come all the way from Sweden.

ABSTRACTS

Released exclusively on DVD in 2010, The Avon Barksdale Story is the first and only instalment so far of a series of docudramas called Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired. As its title indicates, the film claims to tell the real events in the life of Baltimore drug kingpin Nathan “Bodie” Barksdale in order to expose his near namesake from HBO’s The Wire (2002-2008), Avon Barksdale, as a fictional persona. Structured around an interview of the real Barksdale by the actor impersonating him in the series, The Avon Barksdale Story presents itself as a corrigendum or as a right of reply. This so-called critical reading thus aims to debunk The Wire as a distortive rewriting of events. The film’s title, however, paradoxically acknowledges that it tells and

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perpetuates the legend of Avon, Nathan Barksdale’s fictional counterpart, despite the fact Nathan declares he always resented the nickname “Avon”. Besides, even though The Avon Barksdale Story sets out to restore the reputation of the historical gangster by seeing through The Wire, it also borrows, at regular intervals, the typical style of David Simon’s program. Consequently, while the docudrama claims to tell the real stories from which The Wire is freely inspired, it is itself loosely based on the fictional stories told in the show. Through a comparative analysis of sequences from The Avon Barksdale Story and extracts from The Wire, this paper purports to identify a specific type of TV series derivative, a hybrid form of remake I suggest to call the “alternative make,” and to investigate its role as an analytical instrument. As a matter of fact, the mechanics of this “counter-Wire” indirectly informs the nature of David Simon’s study of social reality through the narration of semi-imaginary life stories, and The Wire’s unique approach to fact through fiction.

Sorti exclusivement en format DVD en 2010, The Avon Barksdale Story est jusqu’ici le premier et le seul épisode d’une série de drames documentaires qui s’intitule Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired. Comme son titre l’indique, le film prétend raconter les vrais événements de la vie de Nathan « Bodie » Barksdale, baron de la drogue à Baltimore, afin de révéler son quasi-homonyme Avon Barksdale de The Wire (HBO, 2002–2008) comme un personnage fictif. Structuré autour d’un entretien avec le vrai Barksdale par l’acteur qui interprète son rôle dans la série, The Avon Barksdale Story se présente comme un rectificatif ou un droit de réponse. Cette lecture soi-disant critique tente donc de discréditer The Wire en tant que réécriture dénaturante des événements. Le titre du film, cependant, reconnaît paradoxalement qu’il raconte et perpétue le mythe d’Avon, l’homologue fictif de Nathan Barksdale, malgré la déclaration de Nathan selon laquelle il a toujours détesté le surnom « Avon ». En outre, même si The Avon Barksdale Story tâche de rétablir la réputation du gangster historique en allant outre la vision proposée par The Wire, il emprunte régulièrement au style typique des séries de David Simon. En conséquence, tandis que le drame documentaire prétend raconter les histoires vraies dont The Wire s’est librement inspiré, il est lui-même assez librement fondé sur les histoires fictives racontées dans la série. À travers une analyse comparée de la séquence de The Avon Barksdale Story et des extraits de The Wire, cet article prétend identifier un type spécifique de série télévisée dérivative, une forme hybride de remake que j’appellerai un « alternative make », et étudier son rôle comme un instrument analytique. En effet, les mécanismes de ce « contre-Wire » définissent indirectement la nature de l’étude de la réalité sociale de David Simon à travers la narration des récits de vie semi-imaginaires et l’approche unique de The Wire aux faits à travers la fiction.

INDEX

Mots-clés: Wire (The), Avon Barksdale Story (The), docudrama, droit de réponse, récit alternatif Keywords: Wire (The), Avon Barksdale Story (The), docudrama, right to reply, alternative make

AUTHOR

SÉBASTIEN LEFAIT Sébastien Lefait is Lecturer in English at the University of Corsica. He completed a PhD on Shakespeare and Orson Welles, in which he treated Welles’s works as adaptations of and to Shakespeare’s thought. Besides articles about films and about Shakespeare’s plays, he has published articles about the new forms of film adaptation, which he considers as ways of re- producing meaning rather than just reproducing the original meaning of a literary work. His

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current research focuses on the use of surveillance in films and in TV series, in which he sees a socio-analytical instrument and an aesthetic tool.

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