Pitchfork, La « Pravda De L’Indie Rock » ? Le Pouvoir De Prescription Dans Le Champ De La Critique Rock
Pitchfork, la « Pravda de l’indie rock » ? Le pouvoir de prescription dans le champ de la critique rock Nicolas Robette – Printemps (CNRS-UVSQ, UMR 8085) Version 3 (31 mai 2014)1 En 2009, un jeune américain de 33 ans, Ryan Schreiber, est nominé par le Time Magazine pour son classement annuel des personnes les plus influentes au monde. Moins de quinze ans plus tôt, tout juste diplômé d'une high school de Minneapolis (Minnesota), il avait créé un site internet dans lequel il écrivait des chroniques sur des disques de rock indépendant. Entre temps, ce webzine, Pitchfork, est devenu l’un des prescripteurs les plus puissants et reconnus tant au sein de l’industrie du disque que parmi les artistes et leur public. Nous nous proposons d’analyser dans un premier temps la trajectoire de Pitchfork. Il apparaît en effet dans un contexte particulier, marqué par le désinvestissement de la presse musicale étatsunienne vis-à-vis du « rock indépendant » : la trajectoire biographique de Ryan Schreiber rencontre donc un espace des possibles où existe une « position à faire » (Bourdieu, 1998, p.131). Au fil du temps, le site, qui emprunte initialement au format du fanzine, va se professionnaliser, en employant un nombre croissant de salariés et de pigistes, en obtenant des contrats publicitaires et en diversifiant ses activités. Depuis le milieu des années 2000, Pitchfork est considéré comme un prescripteur incontournable, scruté - avec curiosité, inquiétude, colère ou mépris – par la plupart des acteurs du monde de la musique rock. Le pouvoir du webzine est supposé tel qu’il serait à lui seul responsable du succès ou de l’échec de certains artistes : il est d'ailleurs souvent nommé le « Pitchfork effect ».
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