La Vallee Indomptee
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SENTIERS SAUVAGES Rive droite de la Clarée, non loin du refuge de Laval. CLARÉE LA VALLEE INDOMPTEE Pays d’irréductibles juché entre Briançonnais, Maurienne et val de Suse, la vallée de la Clarée a résisté aux routes et aux remontées mécaniques pour miser sur un tourisme doux. De 1 350 à 3 200 mètres d’altitude s’échelonne l’une des plus riches mosaïques de milieux des Alpes du Sud. PAR JOHANNES BRAUN - PHOTOS LÉO GAYOLA Au pied de la Main de Crépin, les mélèzes jaunissent, les buissons de myrtille rougissent, les pelouses brunissent... L’automne s’empare de la vallée en la parant de mille teintes exaltantes ! 80 Terre Sauvage N°370 N°370 Terre Sauvage 81 SENTIERS SAUVAGES ébut d’été 2019, dans les Hautes- Alpes. Une série d’orages violents a provoqué des coulées de boue en différents endroits de la vallée de la Clarée. Bilan : une grosse frayeur pour certains habitants et la route coupée durant quelques jours. Pour autant, les réactions des sinistrés restent mesurées, à l’image de celle du maire Au cœur de la vallée, Névache, 350 âmes. Un village qui a résisté à la fièvre de l’aménagement. de Névache, Jean-Louis Chevalier, dont la maison du hameau de Plampinet a été inondée. « Je suis avec mes voisins qui pompent de leur côté, tous les sapeurs-pompiers sont là, c’est ça la solidarité », confiait ce dernier, philosophe, à nos confrères du Dauphiné libéré. En remontant la vallée de la Clarée depuis Névache, le visiteur s’éloigne progressivement de la civilisation. Il peut s’arrêter à la cascade de Fontcouverte, blottie dans une forêt de mélèzes. Création, destruction. Tout montagnard sait ce qu’il doit à l’eau et Dce qu’elle peut lui enlever. Dans les tréfonds de l’océan alpin se sont déposés les sédiments qui composent une partie de ces versants, que les glaciers ont sculptés pour donner son visage à la vallée, que les torrents arrosent, ensemencent et… grignotent au fil des millénaires. Rien ne se perd, rien ne se crée. L’EAU, C’EST EllE QUI NOUS GUIDERA au fil de notre pérégrination. À commencer par la basse vallée où la rivière prend ses aises avant son confluent avec la Durance. Val-des-Prés porte bien son nom. Dès que la vallée s’élargit apparaissent « ces champs, ces prairies […] gagnées sur la montagne au cours des Tout montagnard sait ce qu’il doit à l’eau et ce qu’elle peut lui enlever. C’est l’eau qui nous guidera au fil de notre pérégrination. siècles », comme l’a bien décrit l’enfant du pays Émilie Carles, dans son livre autobiographique Une soupe aux herbes sauvages. Jusqu’à Plampinet, les falaises se resserrent laissant les pentes à la forêt qui reprend du terrain avec la déprise agricole. Saules au bord du cours d’eau, frênes, alisiers et sorbiers en lisière, et pins sylvestres qui profitent de la douceur du climat haut-alpin pour remonter la vallée. Avec eux s’épanouit le circaète Jean-le- Blanc, rapace migrateur spécialisé dans la chasse aux reptiles. Sa population alpine trouve ici sa limite septentrionale. Cette alternance entre milieux forestiers et paysages agricoles est aussi propice aux chouettes, dont la chevêchette d’Europe et la chouette de Tengmalm. Ce paysage perdure jusqu’aux alentours de Névache, où la vallée dévie de son axe nord-sud pour filer vers l’ouest. La haute vallée, capturée ici non loin du pont du Moutet, dans son habit automnal. Des coulées de mélèzes dorés sont ponctuées de pins cembros vert foncé. 82 Terre Sauvage N°370 N°370 Terre Sauvage 83 Dans ce haut pays, la vie semble Vue imprenable se concentrer autour des lacs sur le massif des Cerces, depuis un étang situé qui émaillent la pierraille. au-dessus du lac Long, à environ 2 500 mètres d’altitude. 84 Terre Sauvage N°370 N°370 Terre Sauvage 85 Depuis le refuge de Laval, où la route s’arrête, la vallée se découvre à pied. Mosaïque de mélèzes et de pins à crochets à la crête de la Pépio. Pointe des Béraudes (à gauche) et lac Long (à droite) Vers 2 200 mètres, ces conifères laissent la place à la pelouse et à la rocaille. Chef-lieu de ce pays d’irréductibles, le village de 350 âmes cultive Suivant les virevoltes d’un cincle plongeur, on remonte la vallée sa singularité. Certes, nombre d’anciens corps de ferme se sont jusqu’aux hameaux d’estive qui voyaient les familles de Névache et tournés vers l’accueil des visiteurs, mais le paysage ressemble peu de Plampinet s’« amontagner » à la belle saison. Céréales et pommes ou prou à ce qu’il était avant la fièvre aménageuse des années 1970. de terre étaient cultivées jusqu’à Fontcouverte grâce à un vaste Des projets d’autoroute et de tunnel sous le col de l’Échelle ont bien réseau de canaux d’irrigation, récupérant l’eau des versants voisins, été discutés. On a même voulu creuser une mine d’uranium à ciel tandis que les hauts vallons étaient laissés aux prés de fauche et aux ouvert en haute vallée. Ce à quoi les habitants ont répondu en chœur, pâturages. emmenés par Émilie Carles – car l’écrivaine native de Val-des-Prés fut aussi une militante tenace –, « des moutons, pas de camions », ou COMME EN BASSE VAllÉE, la forêt, dominée ici par le mélèze, a Les prairies humides de Névache abritent des raretés comme Le long de la Clarée, le cincle plongeur offre au promeneur attentif l’orchis incarnat ( à gauche) et la listère à feuilles ovales (à droite). encore « inactifs aujourd’hui, radioactifs demain ». Avec sa volonté regagné du terrain en particulier côté ubac, laissant le champ libre aux le spectacle de ses acrobaties aquatiques. de développer un tourisme exigeant, sans nouvelles routes et sans beautés discrètes que sont le sabot de Vénus et le tétras-lyre. Malgré remontées mécaniques, la vallée de Clarée a pris le contre-pied de la régression de l’agriculture, l’adret et les hauts vallons accueillent ses voisines en faisant le pari de rester vivante sans vendre son âme. quant à eux près de 10 000 brebis en été, dont le passage participe au Cette stratégie fut récompensée en 1992 quand la vallée devint un site maintien des milieux ouverts. classé, puis en 2008 quand la zone fut associée au réseau Natura 2000. Passé le refuge de Laval, la rivière devient torrent, sautant de pierre en pierre comme pour répondre à la beauté brute du massif des Cerces. AUX PORTES DE NÉVACHE, en rive droite de la Clarée, le marais et La Clarée naît ici, d’une résurgence située à deux pas des anciennes ses prairies humides concentrent les attentions depuis l’intégration bornes frontière séparant le Dauphiné du duché de Savoie, dans ce de la vallée au réseau européen Natura 2000. Elle abrite des raretés haut pays où la vie semble se concentrer autour des lacs qui émaillent comme l’orchis incarnat, la crépide des marais, la listère à feuilles la pierraille. Au nombre de 16 sur la seule haute Clarée, les lacs ont ovales ou encore la stellaire des sources. « Il s’agit de l’une des zones profité du travail de creusement des glaciers. Ils sont les premiers humides les plus riches des Alpes du Sud », estime Geneviève Clapiz, réceptacles des eaux de ruissellement. Gelées une grande partie de accompagnatrice en moyenne montagne, installée dans la vallée de la l’année, pauvrement oxygénées, ces beautés fragiles savent s’entourer. Clarée depuis une quinzaine d’années. Ce lieu charnière entre haute Tourbières grignotant peu à peu la surface de l’eau, pelouses accueillant et basse vallées a un rôle dans l’épuration des eaux de ruissellement. les jeux des marmottes et le vol du traquet motteux : chaque lac apporte Et voit passer tout un petit monde aquatique, du cincle plongeur à sa manière une touche de verdure dans ce monde minéral. au campagnol amphibie, en passant par la truite fario qui vient s’y L’étage d’au-dessus, lui, semble stérile. Et pourtant. N’est-ce pas au reproduire pour mieux coloniser le torrent. creux des cols impossibles, sur les névés tardifs, que les chamois 86 Terre Sauvage N°370 N°370 Terre Sauvage 87 Jeune bouquetin vers le Grand Lac, dans le massif des Cerces. Pic noir, cassenoix moucheté et buse. « Chaque été, c’est le rendez-vous des bouquetins qui tournent autour de la crête de Moutouze jusqu’à l’automne. » 88 Terre Sauvage N°370 N°370 Terre Sauvage 89 Coutumière des éboulis, la linaire des Alpes présente des fleurs en deux coloris : SENTIERS lilas et orange. SAUVAGES NOS IDÉES DE BALADES DANS LA VALLÉE DE LA CLARÉE se réfugient quand il y a trop de randonneurs à leur goût. Prenez Une rivière aux eaux cristallines, des lacs d’altitude bordés les Cerces, et leur ensemble minéral aux couleurs si particulières. par de grasses prairies, des cimes acérées, des forêts de mélèzes... « Chaque été, c’est le rendez-vous des bouquetins qui tournent Pour goûter aux richesses de cette vallée des Hautes-Alpes, nous vous proposons autour de la crête de Moutouze jusqu’à l’automne, nous apprend Geneviève Clapiz. La flore n’est pas non plus en reste avec tout un quatre circuits et quatre activités : marche, canyoning, équitation et VTT. cortège d’espèces qui affectionnent les conditions difficiles de la haute montagne. » Des amatrices d’éboulis, comme l’androsace des Alpes, AUTOUR DU DANS LE TORRENT LE LONG DE LA VTT AUTOUR DE la linaire des Alpes et la pétrocalle des Pyrénées au parfum si délicat, 1 MONT THABOR 2 DES AclES 3 CLARÉE À CHEVAL 4 L’AIGUILLE ROUGE aux habitantes des pentes calcaires et ventées, comme l’édelweiss, Des lacs à en perdre Une sortie canyoning Entre Val-des-Prés Cet itinéraire sportif dont on trouve, quand on sait où chercher, de véritables champs.