N°21 sept-oct 2009 3 Éditorial ÿ Nous rions et nous rirons, car le sérieux a toujours été lÊami des imposteurs. Ÿ Hugo Foscolo (1778-1827), Accademia dei pitagorici a bande dessinée est née de lÊhumour. William Hogarth, lÊun Peut-être ceci peut-il expliquer en partie le manque de reconnaissan- des premiers artistes à illustrer des séquences narratives com- ce dont a souffert la bande dessinée, et la BD dÊhumour en particulier. L mentées, sÊexprime à travers la satire. Quelques années plus (Et ZOO nÊest pas non plus exempt de reproches à ce sujet.) tard, Töpffer puis Caran dÊAche mettent en images des railleries et Il était donc logique que nous consacrions un dossier à lÊhumour, cette posent ainsi les bases du neuvième art. Pour bien mesurer lÊimportan- discipline qui est la plus exigeante, la plus ingrate et en réalité la plus ce de ce genre, il suffit dÊanalyser un tant soit peu les grandes étapes noble de toutes. Parce que le sujet est aussi vaste que passionnant, de la bande dessinée : toutes, ou presque, sont provoquées par ce nous avons restreint notre réflexion en nous interrogeant sur les diffé- mode narratif. Si lÊon sÊattarde sur le cas de la censure des illustrés, on rences entre courants passés et présents. LÊoccasion nous est aussi constate que lÊhumour, lÊérotisme et le fantastique forment le trio de donnée de souhaiter un bon anniversaire à Fluide Glacial et de remer- tête des genres les plus réprimés. Mais seul lÊhumour a su faire plier les cier au passage Gotlib et tous ceux qui lÊont suivi pour ces 40 années © Midam, Adam / despotes et leurs interdictions. LÊexemple le plus connu reste le de poilades et dÊinsolences. fameux ÿ Bal tragique à Colombey Ÿ de Hara-Kiri, mais il y en a dÊautres⁄ Cependant, les grands médias culturels snobent souvent les amuseurs. KAMIL PLEJWALTZSKY & OLIVIER THIERRY 8 . P

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ZOO est édité par EN COUVERTURE r e i

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45 rue Saint-Denis P.4 - JURASSIQUE FLUIDE P.12 - LES NOMBRILS 75001 Paris Entretien avec Solé et Frémion Une série d’humour qui miroite c ve a

P.6 - FLUIDE GLACIAL : 400 e P.13 - LÉON-LA-TERREUR n

Régie publicitaire : e Retour sur l’histoire du magazine Le frondeur batave i [email protected] et r

P.8 - OLIVIER SULPICE P.14 - MAURICE TILLIEUX t n Envoyez vos contributions à : nous parle des éditions Bamboo Un maître de l’humour E [email protected] P.10 - SERGIO HONOREZ P.16 - FLORILÈGE nous parle des éditions Dupuis Les meilleures séries d’humour Directeur de la publication & rédacteur en chef : Olivier Thierry Rédacteur en chef adjoint, secrétaire de RUBRIQUES rédaction & maquettiste : Olivier Pisella P.22 - BD JEUNESSE P.32 - ÉVÉNEMENT [email protected] Nos héros BD portés sur petit écran Quai des Bulles 2009 26 . P.24 - BD ASIATIQUE P.34 - BÉDÉTHÈQUE Rédaction de ce numéro : Hélène Beney, P

Olivier Pisella, Louisa Amara, Julien ut Water de Nananan, Jirô Taniguchi Jean-Yves le Gall, PDG d’Arianespace Foussereau, Boris Jeanne, Jérôme Briot, o P.26 - BD US P.45 - SEXE & BD te Jean-Marc Lainé, Christian Marmonnier, i Whiteout Georges Pichard, Zep Kamil Plejwaltzsky, Vladimir Lecointre, Wh P.28 - CINÉ & BD P.46 - INTERNET & BD Thierry Lemaire, Julie Bee, Olivier Thierry, Jean-Philippe Renoux, Egon Le Petit Nicolas Festiblog 2009 Dragon, Michel Dartay, Didier P.30 - ART & BD P.50 - JEUX VIDÉO Pasamonik, Yannick Lejeune, Julie L’Institut Saint-Luc a 40 ans Jeux de (super) pouvoir Bordenave, Wayne, Josephe Ghenzer, Philippe Cordier, Pouib Couverture : Les Profs © Bamboo Éditions – Pica & Erroc ACTU BD Strips et dessins : Fabcaro, Cazenove &

Stédo, Roques & Dormal P.35 P.38 0 4 .

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IMMERGÉS de Nicolas Juncker BOURGEON : La Petite fille Bois-Caïman

Geneviève Mechali-Guiot, a P.36 P.40 h p

06.08.75.34.23, l [email protected] PACHYDERME : le nouveau Peeters ALPHA : une saison en enfer A Marion Girard, 06.34.16.23.58 P.37 P.44 [email protected] La minute nécessaire de M. FABCARO ULTIMEX : du trash de bon goût Audrey Retou, 06.68.74.64.27 [email protected] Correspondant : Yannick Bonnant 8

4 STRIPS ET PLANCHES Remerciements à Perruchon, . P

ainsi qu’à ET et JMT s r e Dépôt légal à parution. i P.48 p Imprimé en par ROTO AISNE SN. Les documents reçus ne pourront être retournés. m PLANCHE : Les Pompiers o

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P.49 s STRIPS : Fabcaro, Pico Bogue www.zoolemag.com Le SE UWR RNTE VAE- N°21 sept-oct 2009 EANGCEONUD 4 Jurassique Fluide

Romancier, scénariste, éditeur, historien de la bande dessinée, ancien député écologiste, Yves Frémion (Fremionem Rex)1 cumule les mandats depuis son investiture à la rédaction de Fluide Glacial en 1975. Jean Solé (Solélosaure Anticus) est lui, l’illustrateur de nombreuses affiches de cinéma, de théâtre et de couvertures de magazines en tout genre. Il est aussi et surtout auteur de bandes des- sinées ; des rumeurs prétendent que « Superdupont » et lui ne feraient qu’un… Les deux « Fluidosaures » nous ont livré leur senti- ment sur l’humour, la bande dessinée et Fluide Glacial.

e même que le cinéma puise ses racines dans le fantastique avec lÊunivers de Méliès [réalisateur français qui fut pionnier D dans lÊexpérimentation de trucages cinématographiques, NDLR], peut-on considérer que la bande dessinée est fille de lÊhu- mour et de la satire ? Frémion : Dans la bande dessinée sÊest concrétisée la synthèse de nom- breux arts en termes de figuration narrative. Démarche entreprise précédemment par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin illus- tratif, le dessin dÊhumour, la littérature illustrée, la tapisserie, la brode- rie, la poterie, les ombres chinoises, la littérature de colportage, etc. Il est certain que les dessinateurs dÊhumour et les graveurs satiristes ont joué un rôle de pionnier déterminant. En tout cas, toutes les premières BD sont humoristiques.

Il aura fallu attendre la fin des années 60 pour quÊen France la bande © Solé / AUDIE-FLUIDE GLACIAL dessinée humoristique sÊépanouisse. Aux États-Unis, en revanche, EN HAUT : COUVERTURE D'ÉTÉ POUR "FLUIDE GLACIAL", PAR SOLÉ, 1994 dès le début du XXe siècle, il y eut ce type de publications ; dÊoù le EN BAS : AFFICHE POUR "SUPERDUPONT ZE SHOW" DU "GRAND MAGIC CIRCUS", PAR SOLÉ,1982 terme ÿ comics Ÿ. Quelle en est la raison, selon vous ?

Frémion : Je ne suis pas dÊaccord, les 30 années précédentes ont foi- © Solé sonné de bandes dessinées dÊhumour. Certaines étaient déjà composées par des planches narratives, bien avant la mode des comics américains. Beaucoup alternaient bande dessinée et dessin de presse. Tous les grands auteurs du début du XXe siècle étaient ainsi polyvalents (Rabier, Omry, Capy, Bofa, Ri, Saint-Ogan, De Sta⁄) Solé : Il y a toujours eu de la BD humoristique de qualité, mais jusquÊà la période que vous évoquez, elle était destinée souvent à la jeunesse ou était marginale. Les choses ont changé avec Mad dÊHarvey Kurtzman aux États-Unis et le Pilote de Goscinny en France. Il y a eu lÊémergence dÊune bande dessinée humoristique adulte avec laquelle les sujets traités se sont considérablement élargis.

¤ ce propos, quelle fut lÊinfluence de Goscinny et dÊHarvey Kurtzman sur la création de Fluide Glacial ? Y a t-il une parenté entre Superdupont et le ÿ Superduperman Ÿ vu dans Mad ? Frémion : LÊinfluence de Mad fut majeure, cÊest clair. Gotlib était un fan absolu du magazine dÊHarvey Kurtzman. La plupart des pionniers du journal (comme ceux de Hara-Kiri dÊailleurs) connaissaient et aimaient Mad et son équipe. Certains étaient carrément des disciples de Jack Davis (Alexis) ou de Bill Elder (Pétillon) [deux piliers du journal Mad, NDLR]. Cela dit, il faut saisir le génie de Gotlib et la particularité de son humour qui, contrairement à dÊautres (comme Goscinny, autre fan de Kurtzman), a des sources multiples. Ce que Gotlib a inventé est un exploit : fédérer et synthétiser à la fois lÊhumour juif (pas seulement N°21 sept-oct 2009 5

lÊhumour (je suis le seul en France à en avoir une). Les revues littéraires ne chroniquent jamais un livre humoristique (jÊen sais quelque chose !). Les humoristes nÊont jamais de prix important. La télévision ne parle que des ÿ comiques Ÿ ringards du genre ÿ prout-prout-gaudriole Ÿ, © Arthur de Pins jamais des grands humoristes. Les manuels scolaires ignorent les géants de lÊécriture comme Allais ou Jarry. René Clair, Max Linder ou Pagnol ne sont pas au panthéon des réalisateurs de films, etc. Pour la BD cÊest pareil, seuls quelques dessinateurs drôles ont, par exemple, eu le Grand Prix de la ville dÊAngoulême : il a été donné à Gotlib dix ans après quÊil ait arrêté, à Goossens très tard et des colosses de la BD comme Binet, Edika ou Maester ne lÊont jamais eu. Pourtant, lÊhumour cÊest ce quÊil y a de plus difficile, cÊest lÊart suprême. Solé : Quel que soit le domaine dÊexpression artistique, lÊhumour a tou- jours été déconsidéré par rapport au drame ou à la tragédie ÿ tire- larmes Ÿ. Il est perçu a priori comme superficiel, vulgaire, futile, sans FRÉMION (À GAUCHE) ET SOLÉ (À DROITE), VUS PAR ARTHUR DE PINS ambition⁄ Ce quÊil peut véritablement être à lÊoccasion. Mais on sait bien quÊil est plus facile de faire pleurer que de faire rire ; tous les bons new-yorkais), lÊhumour anglais classique, et ÿ lÊesprit Ÿ français tradi- comédiens vous le diront. JÊai rarement rencontré des gens aussi para- tionnel. CÊétait impossible, mais ça a fonctionné et ça fonctionne depuis doxaux, graves, lucides et attentifs aux autres que les humoristes en 40 ans. Utiliser à la fois le gag et le calembour, la parodie et lÊauto-fla- général. Modestement, je suis heureux dÊêtre de cette compagnie ! gellation, lÊhumour ÿ glacé et sophistiqué Ÿ et la grosse farce, cÊétait simplement fabuleux quand nous, plus jeunes, avions découvert ça. Cela PROPOS RECUEILLIS PAR KAMIL PLEJWALTZKY a tout changé dans lÊhumour en France, et cÊest aussi pourquoi Fluide a UN GRAND MERCI ¤ VINCENT SOLÉ duré. Cela aide à repérer tous les humoristes médiocres, parce quÊen- fermés dans un genre clos répété à lÊinfini. Gotlib a tout ouvert. QuÊil en 1 Très impliqué dans la sauvegarde du patrimoine du livre et de lÊillustration, Frémion dirige soit remercié mille fois et que des pétales de roses inondent ses pieds. la revue ÿ Les Papiers Nickelés Ÿ, organe du Centre de lÊImagerie Populaire, dont nous vous Solé : Goscinny et Harvey Kurtzman furent des ÿ pères invitons à consulter le site http://www.papiers-nickeles.fr. spirituels Ÿ (amis et collaborateurs également) de Gotlib. Superdupont est un clin dÊflil, en effet, à la parodie de Superman imaginée par Kurtzman. Ceci dit, Goscinny réprouvait les audaces ÿ adultes Ÿ de Gotlib. Par la Propos recueillis suite, les références et les connivences se sont élargies avec la venue de Yan Lindingre (Titine au bistrot) et Gaby (Les Blondes), tous nouveaux dessinateurs. deux auteurs de bande dessinée, ont été consultés sur le thème de notre dossier. Comment Yves Frémion est-il devenu le grand vénérable du journal QuÊest-ce qui a changé dans la BD dÊhumour ? Était-ce ÿ mieux avant Ÿ ? (ou ÿ Fluidosaure Ÿ dÊaprès Pourquié [cf. p.6]) ? Yan Lindingre Frémion : Gotlib avait soutenu vivement mon fanzine crado Le petit On peut faire un parallèle avec la chanson : on pourrait dire que la chanson française devient Mickey qui nÊa pas peur des gros et voulait que je collabore. Il ne mÊa appelé vraiment débile, mais si je me tourne en arrière et quÊau numéro 4 quand il a su quÊil pouvait commencer à payer les gens. que jÊécoute Michelle Torr, je me dis que ça exis- Bien évidemment, je serais venu gratos, qui aurait refusé de travailler tait aussi avant. Ce qui est sans doute à lÊorigine de aux côtés du plus grand humoriste de son époque ? Ensuite, jÊai sué ce sentiment, cÊest quÊil y a plus de production comme un malade pour tenir le niveau (à mes yeux) qui me permettait aujourdÊhui, donc forcément plus de mauvaises BD dÊhumour. [⁄] La BD autobiographique est décemment dÊêtre digne des autres auteurs. CÊest Gotlib qui mÊa aujourdÊhui en vogue, et du coup on a tendance à demandé de faire un truc du genre Petit Mickey qui est devenu la Gazette confondre les auteurs avec leurs personnages. de Frémion, puis qui a eu lÊidée originelle de ce qui est devenu la rubrique CÊest le phénomène inverse de Johnny TÂar ta la crèmÊ à la récrèmÊ (au départ je devais parler de 20 grands humo- Weissmüller qui finissait par se prendre pour ses © Yan Lindingre © Yan personnages. Personne nÊimagine que Stephen ristes proches de lÊhumour Fluide et jÊen suis à près de 400 !). Ensuite, jÊai King est un assassin ! Dans lÊhumour, bizarrement, tenu, et depuis cÊest plus cher de me virer que de me garder⁄ Et puis, cette distanciation ne passe pas. [⁄] Il est aujour- à propos de ÿ Fluidosaure Ÿ, Solé est pas mal dans le genre ! dÊhui plus difficile dÊaborder certains thèmes et dÊen rire. Le fait quÊon sÊinterdise de parler de cer- Pendant les années 70, la censure était une institution. AujourdÊhui, taines questions mÊénerve complètement. Après une période un peu décadente où on pouvait par- cÊest le politiquement correct qui fait loi. Quel est le pire des deux, ler de tout, on a lÊimpression, depuis quelques pour un auteur ? temps, quÊon remet les choses dans lÊordre. Solé : Les deux me sont antipathiques. Mais paradoxalement, la censu- re on lÊaffronte, on la provoque, on la combat, quitte à y laisser des Gaby Quand on parle de la BD dÊhumour depuis 20 ans, on évoque souvent le plumes. Le politiquement correct, lui, est plus insidieux. JÊai fait des des- règne de la BD thématique après le succès des Profs chez Bamboo, par sins autrefois que je nÊoserais plus faire aujourdÊhui – et je ne suis pas le exemple. Mais Les Femmes en blanc (Cauvin/Bercovici), cÊétait en 1981, et seul –, par crainte dÊamalgames pervers : il nÊy a plus de censure stricto cÊétait déjà de la BD thématique. Ce qui a changé, à part lÊinvention dÊune sensu – lÊobscène est omniprésent –, mais il y a un contrôle moral per- étiquette, cÊest que le monopole de la BD dÊhumour nÊest plus lÊapanage manent qui réduit, chaque jour un peu plus, notre libre arbitre. Cela de Dupuis ou du Lombard. Certaines de leurs séries ont perdu de leur public et les petites nouvelles, dont font partie Les Profs, Les Blondes ou Les conduit forcément à une autocensure inconsciente. Blagues de Toto, ont profité de cet appel dÊair et des nouvelles formes de diffusion. Mais surtout, en fait, je crois que la BD dÊhumour a suivi la ¤ moins dÊêtre anobli du qualificatif ÿ dÊauteur Ÿ, nÊavez-vous pas le même voie que le reste de la BD durant ces 20 ans, cÊest-à-dire la scission entre la BD dite sentiment que les humoristes sont un peu snobés des médias et du commerciale et la BD dite dÊauteur, celle sur laquelle on crache facilement et celle qui a des prix, celle qui a pour but de divertir et celle qui a des ambitions artistiques⁄ sachant que ces micro-monde de la bande dessinée ? Quelle en serait la raison dÊaprès étiquettes sont souvent appliquées à sens unique et toujours par les mêmes fondamentalistes vous ? pour qui il y aurait de la bonne BD et des BD bonnes à brûler⁄ Frémion : LÊhumour en général, parce quÊil est dÊessence populaire, est dédaigné. Aucun quotidien ou hebdo nÊa jamais ouvert de rubrique sur PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER PISELLA & DIDIER PASAMONIK E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 6 Fluide Glacial et toutes ces sortes de choses C’est à la mi-septembre que paraîtra le numéro 400 de Fluide Glacial. Pour marquer l’événement, le men- suel créé par Marcel Gotlib se dote de mensurations d’exception : 84 pages en 54 x 36 cm, un record. Mais au fait, quelle est la genèse du magazine d’« Umour et Bandessinées » ? © Pourquié / AUDIE-FLUIDE GLACIAL

PHOTO DE FAMILLE DE QUELQUES “FLUIDOZAURES” DE “FLUIDE GLACIAL”, PAR POURQUIÉ

out commence en 1972, quand Nikita Mandryka (Le Concombre de provocation, des récits courts ou à suivre, et des rubriques qui donnent Masqué) invite Claire Bretécher et Marcel Gotlib (tous trois partici- au journal son esprit : la ÿ gazette Ÿ, un pataquès de brèves enrichies de T pent alors à Pilote, dirigé par René Goscinny) à créer avec lui un nou- marges illustrées par lÊéquipe, pendant un repas mensuel dit ÿ de bouclage Ÿ veau trimestriel de bande dessinée : LÊÉcho des Savanes. Gotlib profite de lÊoc- réputé bien arrosé, TÊar ta lacrèmÊ, où Frémion établit la biographie dÊun casion pour se lancer dans une forme dÊhumour résolument adulte, et com- humoriste chaque mois ; Photo-BD et Encyclopédie du dérisoire par Bruno pose des planches impubliables dans Pilote. Sexualité, religion, relecture Léandri, qui écrit également des nouvelles courtes mais bonnes, cultivant le psychologique dÊfluvres littéraires1⁄ tout est prétexte pour briser les fantastique et le contrepied final à la manière de Dino Buzzati. JusquÊau tabous, nombreux à cette époque. Mais la gestion du magazine manque de début des années 2000, lÊéquipe du magazine reste très stable. Pour carica- rigueur, LÊÉcho des Savanes tourne au calvaire financier. Gotlib interrompt sa turer, un nouveau dessinateur nÊintègre la rédaction que si un autre en sort ! collaboration au numéro 10, en décembre 1974. En 1989, Fluide Glacial organise un appel à candidatures sous la forme dÊun ¤ divers points de vue, lÊexpérience a néanmoins été positive. Gotlib concours : cÊest Blutch (Grand Prix dÊAngoulême 2009) qui en est le lauréat. consulte son ami dÊenfance Jacques Diament, qui a un profil plus gestion- Il vient combler le manque créé par le départ de Dupuy & Berberian. naire quÊartistique, et ensemble, en avril 1975, ils fondent Fluide Glacial et les Larcenet arrive peu ou prou quand Blutch part, etc. LÊarrivée de Thierry éditions AUDIE2. Diament en sera le rédacteur en chef, Gotlib le directeur Tinlot à la rédaction en chef a modifié cela. Autour du magazine gravitent de publication. Jean-Claude Forest, Alexis, Hugot, Francis Masse et Jean désormais plus dÊauteurs quÊil nÊen faut pour remplir le sommaire, et toute Solé partagent le sommaire aux côtés de Gotlib. Ils sont bientôt rejoints par une nouvelle génération de dessinateurs a été Yves Frémion et Bruno Léandri pour le rédactionnel, et par une galaxie de accueillie. Citons en particulier Riad Sattouf, dont le dessinateurs : Franquin apporte ses Idées Noires, Goossens son humour personnage Pascal Brutal est déjà un classique ; Cyril sophistiqué et inclassable, Binet un regard satirique avec Kador, puis Les Pedrosa et son Auto-bio ou encore Libon qui, avec son Bidochon. Coucho, dans le sillage de Gotlib, anime les anti-héros les plus très hype Hector Kanon, ne demandent quÊà le devenir. improbables (Poumo-Thorax, Le Banni), Lelong dissèque la France profonde Le journal est toujours sans publicité, il est passé en et le quatrième âge dans Carmen Cru, alors que Dupuy et Berberian dépei- couleurs depuis 2003, et de nos jours, la rédaction gnent la préadolescence dans Le Journal dÊHenriette. Edika manie lÊhumour compte même un certain nombre de dessinatrices. délirant et survolté autour de Clark Gaybeul et Tronchet explore la détresse Avec le réchauffement climatique qui nous guette, qui sentimentale avec Jean-Claude Tergal. Le magazine sÊautorise parfois des pourra se passer de Fluide Glacial ? publications à lÊhumour plus lacrymal, comme Paracuellos de Carlos JÉRłME BRIOT Gimenez, où lÊauteur évoque son enfance dans un foyer de lÊassistance publique en plein régime franquiste (cf. ZOO numéro 18). 1 ¤ retrouver dans Rhââââ Lovely et Gnagna, édition intégrale, chez Fluide Glacial. Indispensable. Le logo définitif apparaît au numéro 15, et le slogan ÿ Umour et 2 AUDIE signifie littéralement : ÿ Amusement Umour Dérision Ilarité Et toutes ces sortes de Bandessinées Ÿ au 18. La formule trouve bientôt son équilibre : 68 pages choses Ÿ. Le greffier a, paraît-il, enregistré ce nom de société à contrecflur et avec force chaque mois, un humour libertaire et apolitique plus adepte dÊabsurde que protestations⁄ Ah oui, cÊétait avant les SMS.

E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 8 Olivier Sulpice : « l’humour représente notre base »

Créées en 1997, les éditions Bamboo ont bâti leur développement sur le succès de nombreuses séries humo- ristiques (Les Gendarmes, Les Profs, Les Rugbymen...). À la tête de cette (ancienne) jeune pousse, Olivier Sulpice, 38 ans, est à la fois le fondateur de cette maison, et l’un de ses prolifiques scénaristes. ZOO a sou- haité l’interroger sur son parcours, son travail, son catalogue, ses perspectives. DR © Cazenove et Stédo / BAMBOO

OLIVIER SULPICE EXTRAIT DES “POMPIERS”, DE CAZENOVE ET STÉDO

e créneau de lÊhumour (Les Gendarmes) a été celui par lequel aux cavaliers en général, il sÊest avéré quÊil était surtout lu par des filles. Je votre maison dÊédition, Bamboo, a décollé. Pourquoi avoir com- crois que nous avons eu la chance de lancer ces titres au moment où une L mencé votre aventure éditoriale par ce biais ? vraie demande de bandes dessinées pour un public féminin est apparue. ¤ JÊai démarré lÊaventure des éditions Bamboo en compagnie du dessinateur lÊimage de tout ce que nous entreprenons, nous nÊavons pas répondu à une Henri Jenfèvre. Nous aimions le gag en une planche. Nous avons logi- étude de marché, nos séries sont nées au gré de nos heureuses rencontres. quement commencé par là. Le public a suivi et nous avons poursuivi. Nous sommes aussi très satisfaits par les résultats des Fondus, une série autour dÊune association de passionnés qui changent dÊunivers à chaque Présentez-nous les fleurons de votre catalogue ÿ humour Ÿ. Lesquelles album. Elle nous permet de travailler ponctuellement avec des dessinateurs de vos séries humoristiques émergent, restent des valeurs sûres ou sÊes- comme Seron, Widenlocher, Di Martino que nous apprécions, mais qui ne soufflent ? peuvent pas suivre une série au long cours avec nous. Chaque titre des Les Profs, Les Gendarmes, Les Pompiers et Les Rugbymen restent nos plus gros Fondus obtient de bons résultats, avec des ventes régulières sur la durée, des succès. Après sept tomes, Les Footmaniacs devient également une série ÿ ventes de fond Ÿ, selon le terme consacré. Pour ce qui est des séries phare, alors que nous lÊavions créée à nos débuts. Parmi les titres émer- arrêtées, Dôjô et Interim Agency nÊont pas trouvé leur public. Après six tomes, gents, on distingue ceux de la collection ÿ filles Ÿ, Les Sisters, Triple galop et Les Commerciaux sÊessoufflent. DÊun commun accord avec les scénaristes, Studio Danse. On peut parler dÊun petit phénomène. Les Sisters – dont le qua- nous avons préféré interrompre les publications tant que nous ne trouvons trième volume sort en novembre – représente notre meilleur démarrage pas de nouvelles idées. Nous avons aussi arrêté les Plan Drague après quatre toutes séries confondues. Ces gags sont drôles, sincères et chargés dÊémo- tomes en deux séries. Ça nÊa pas marché. JÊen suis surpris, mais tant pis. tions. Les Sisters sont les filles du dessinateur William. Quant à Triple galop, je considère Benoît du Peloux comme le meilleur dessinateur équestre. Je AujourdÊhui encore, est-ce que les séries dÊhumour sont indispensables pense que lui seul sait donner autant dÊattitudes humaines aux chevaux. Et à la bonne santé financière de Bamboo ? pour Studio Danse, les scénaristes connaissent leur sujet, les ÿ Béka Ÿ – Oui. Au-delà du point de vue financier, lÊhumour représente notre base. En Bertrand et Caroline – ont tous deux pratiqué la danse. Au départ, il sÊagis- tant que directeur de collection, je ne pourrais pas me passer de suivre des sait de titres disparates. Nous pensions même que Triple galop était destiné dossiers de BD dÊhumour. Ça fait du bien de rigoler tous les jours. N°21 sept-oct 2009 9

¤ titre personnel, quelles sont les séries humoristiques qui vous ont ins- Quelles sont les prochaines séries dÊhumour que Bamboo publiera ? pirées et quelles sont celles que vous appréciez dans la production Allez-vous poursuivre la multiplication des séries sur les métiers et les actuelle ? sports ? Il y a bien sûr les grands classiques, Gaston et Lucky Luke avant tout. Je suis A priori nous avons fait le tour des sports ou des métiers. Nous ne multi- également un fan absolu de Zep, il a une écriture très personnelle. JÊai plions plus ce type de séries, même si dÊautres le font aujourdÊhui. En fin accroché dès le tome 1 de Titeuf, mais aussi aux Filles électriques et LÊEnfer des dÊannée, nous lancerons Les Dézingueurs sur scénario dÊHervé Richez et des- concerts. JÊattends avec impatience son nouveau livre chez Delcourt [Happy sins de Jean Barbaud, des gags en une page sur une escadrille dÊaviateurs Sex, NDLR]. Et en plus, tout est sain chez ce type, le succès ne lÊempêche pendant la Guerre du Pacifique, comme une rencontre entre Les Têtes brulées pas de rester simple et sympa. JÊaccorde beaucoup dÊimportance au facteur et Les Innommables. Début 2010, ce sera Roméo et Juliette scénarisé par Erroc et humain. Je pense quÊune bonne entente avec lÊauteur fait partie des petit dessiné par Michel Rodrigue. Il sÊagit de gags très cartoon – proches de Bip plus qui permettent le succès. Je lÊai toujours vérifié chez Bamboo. Pour en Bip et le Coyote – où Roméo essaie de séduire Juliette contre la volonté de revenir aux BD contemporaines, jÊaime beaucoup Les Petits diables de Dutto son père. Et en milieu dÊannée, Ma Belle mère et moi par Christophe Cazenove et Larcenet qui a également une écriture très personnelle. et Olivier Wozniak, dans un registre plus caustique, je pense que beaucoup sÊy retrouveront. Selon vous, la façon de faire rire en bande dessinée aujourdÊhui est-elle différente de celle qui avait cours il y a 30 ans ? Notez-vous une évo- Où en sont vos projets dÊadaptation de vos BD en séries animées ? lution dans les thèmes ou les ressorts humoristiques, le rythme⁄ ? Nous venons de signer avec la société Timoon une option pour Les Sisters. Ça je nÊen sais rien. Je ne fais ni analyse, ni étude marketing. Quand je Ça semble bien engagé pour une diffusion en 2011. DÊautres contacts reçois un projet, je suis mon instinct. Je lÊaccepte sÊil me fait rire, égoïste- avancés ont été noués pour dÊautres projets. Affaires à suivre⁄ ment. PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER PISELLA Vous devez souvent entendre des commentaires sur la ÿ facilité Ÿ de certaines des séries humoristiques éditées par Bamboo, volontiers qua- LÊévénement de cette rentrée pour Bamboo, cÊest la sortie du T.12 des lifiées de ÿ BD de supermarché Ÿ. Comment vous accommodez-vous de Profs : Grève Party (de Pica et Erroc), où lÊon observe un jeune professeur ces critiques ? de mathématiques blond faire ses grand débuts dans la profession. ¤ force de les entendre, on fait avec. JÊaccorde plus dÊimportance aux goûts 48 P. COULEURS, 9,95 € du public. Je remarque avec bonheur que certaines de nos séries conti- nuent de plaire après 10 tomes (pas mal pour soi disant des coups !). Certains trouvent nos thèmes racoleurs, ceux-là pourraient constater que chacune de nos séries correspond à un vrai travail dÊauteurs qui déve- loppent un univers, des personnages⁄ Ils comprendraient que nous ne cherchons pas à faire des ÿ coups Ÿ sans lendemain.

Il nÊy a pas réellement de personnage fort ou de héros (ou anti-héros) qui se dégage de vos séries dÊhumour, à la maniè- re dÊun Pascal Brutal ou dÊun Clark Gaybeul. ¤ quoi cela est-il lié ? JÊaime quand une BD travaille sur une communauté. Il sÊen dégage une richesse, une force de groupe. Ainsi, Les Profs par- lent dÊun lycée, Les Gendarmes et Les Pompiers, dÊune brigade, Les Rugbymen, dÊune équipe...

Vous-même scénarisez certaines de ces séries (Les Gendarmes, Plan Drague⁄). Comment procédez-vous ? Vous efforcez-vous de rester dans un ton grand public ou avez-vous envie de faire des gags plus corsés ? AujourdÊhui, jÊécris en collaboration avec Christophe Cazenove. Nos gags naissent dÊune discussion, comme une partie de ping-pong. Nous nÊavons pas le goût pour les blagues trop corsées. Cependant, nous ne nous en sommes pas privés dans Plan Drague et à bien y regarder, certains gags des Gendarmes ne sont pas si lisses que ça.

Est-ce à cause de ces critiques que Bamboo, avec les labels Grand Angle et Focus, essaie de rectifier son image dÊéditeur de BD populaires ? Pour moi faire de la bande dessinée populaire – pour le plus grand nombre – est tout à fait noble. Je ne cherche pas à rectifier cette image. DÊailleurs je pense que les productions Grand Angle, Focus © Cazenove, Christophe et William / BAMBOO et Doki-Doki appartiennent aussi à la bande dessinée populaire. Je veux être un éditeur généraliste. CÊest pourquoi le catalogue Bamboo doit présenter une palette large, de lÊhumour, du réaliste et du manga. Il manque le comics, nous nous y sommes essayés sans succès. Pour ce qui est de produire de la bande dessinée plus élitiste, dÊautres le feront mieux que moi. Cela ne nous interdit pas de publier des projets qui peuvent sembler plus confidentiels, mais pour lesquels nous avons un coup de cflur. Pour exemple, je citerais le roman graphique Parce que le Paradis nÊexiste pas de Damien Vanders et Damien Marie, ou lÊautobiogra- phie de Julio Ribeira. DESSIN EXTRAIT DES “SISTERS” E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 10 Dupuis cultive l’humour bon enfant Quand on parle d’humour en bande dessinée, on pense bien sûr à Dupuis, fournisseur de séries comiques depuis près de 70 ans. Sergio Honorez, son directeur édi- torial, répond à nos questions. Avec le sourire évidemment. © Midam / DUPUIS

omment expliquer que Dupuis possède deux tiers dÊalbums ÿ humour Ÿ dans son C catalogue ? Il y a toujours eu cette culture chez Dupuis. Historiquement, dès les années 40, il y avait deux écoles : celle dÊHergé, académique, un peu sérieuse, et la lignée Dupuis, avec Franquin, Morris, Peyo et Jijé. CÊétaient des fantaisistes qui lorgnaient sur les dessins animés américains.

Et comment définiriez-vous lÊhumour Dupuis ? Je dirais de lÊhumour bon enfant et de fiction. On KID PADDLE nÊa pas dÊalbums de blagues, comme chez Bamboo. On est plutôt dans la lignée de Gaston. Avec deux variantes qui Contrairement à la tendance récente, Dupuis a choisi de ne pas sont lÊhumour à gags, sur une planche, et la série humoristique, sur tout publier de blogs. un album. Oui, parce quÊon nÊest moins sensible à la veine autobiographique. On a la volonté dÊêtre tout public et dans la fiction. Fabrice Tarrin est un bon Dupuis publie des BD franco-belges. Y a-t-il une différence entre lÊhu- exemple. Le lémurien [un avatar de lÊauteur, NDLR] était intéressant mour français et son homologue du plat pays ? mais on lÊa transformé pour quÊil soit plus universel, que ce soit plus les Ça existe lÊhumour français ? (rires) Non, je crois quÊil y a des différences histoires de lÊadolescence que celles de Fabrice. parce que le Belge est incapable de se prendre au sérieux. Il nÊa aucune prestance. Il nÊy a rien qui soit véritablement important en Belgique. Et que vous inspire lÊarrivée en masse des auteurs femmes ? Rien qui ne soit très défendable non plus. LÊhumour français est plus un On pense à Pénélope Bagieu, Aude Picault, Lisa Mandel. CÊest entre lÊau- humour de réflexion, un humour cérébral. tobiographie et le roman. CÊest vraiment une veine particulière. Chez Dupuis, cÊest moins typé, moins estampillé BD de femme. Peut-être quÊun auteur femme est moins sensible au gag Dupuis. Si on publiait Bitchy Bitch de Roberta Gregory, ça donnerait un signe quÊon publie ce genre dÊalbums. Mais aujourdÊhui on nÊest pas tombé dessus. © Thierry Lemaire Dans un autre registre, aucune chance dÊavoir des blagues de blondes chez Dupuis ? Non. On a beau se creuser la tête, on nÊy arrive pas. Mais on a une BD de Frédéric Jannin et Gilles Dal qui sort au mois dÊoctobre, consacrée à Facebook. Un one-shot qui sera suivi dÊautres sur le thème dÊInternet.

Et une collection dÊhumour plus adulte ? Il y a eu Humour Libre avec Yann et Léturgie, Clarke et Midam, Sfar et Guibert. Mais cette collection nÊa pas bien fonctionné. On ne va pas recréer une collection mais on va sortir ponctuellement des albums de ce type. On a dÊailleurs des projets avec Cyril Pedrosa, Lewis Trondheim et Mathieu Bonhomme. SERGIO HONOREZ Plus globalement, y a-t-il une évolution dans lÊhumour depuis 30 ans ? Finalement, est-ce compliqué de trouver de bons projets humour ? Une plus grande liberté de ton, je pense. Et puis les séries actuelles CÊest difficile de trouver des projets de gags. CÊest très dur pour les scé- expriment de manière plus profonde les angoisses, les situations vécues naristes. Yann me disait dÊailleurs : ÿ Je pense que les scénaristes de BD humoris- par les adolescents. Dans les années 80, on faisait plutôt du gag méca- tiques devraient être mieux payés. Ÿ Je lui laisse la responsabilité de ses paroles. nique. Le vrai challenge aujourdÊhui, cÊest de faire de lÊhumour avec des (rires) sentiments. PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY LEMAIRE

E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 12 Introspection des Nombrils L’humour est une mécanique de précision. Maryse Dubuc et Marc Delafontaine, les auteurs des Nombrils, nous donnent leur point de vue. © Dubuc et Delaf / DUPUIS

st-ce plus dur de faire rire avec des personnages filles ? dÊAstérix... On utilise aussi la couleur pour pousser encore plus loin. Par Delaf : Les garçons sont plus faciles à caricaturer. On peut plus exemple, Vicky peut devenir rouge de colère ou verte de jalousie, au E facilement se moquer dÊun garçon. SÊacharner sur le cas dÊune propre comme au figuré. pauvre fille, cÊest un peu plus casse-gueule. Les histoires de filles jouent davantage dans le registre des émotions que de lÊhumour, ce qui est étran- Comment crée-t-on un personnage comique ? Quelle est la genèse gra- ge car les filles aussi aiment rire. phique du trio ? Dubuc : DÊun autre côté, comme il y a moins dÊhistoires humoristiques Delaf : Les personnages étaient au départ plus caoutchouteux mais ils mettant les filles en avant, ça nous laisse un plus grand territoire à explo- étaient aussi plus réalistes. Il y avait plus de détails anatomiques, Jenny et rer ! Et puis, avouons-le, les filles ont beaucoup de petits travers très amu- Vicky avaient des mâchoires, Karine avait un peu de poitrine... Au fil des sants. pages, je les ai simplifiées. Je me rappelle que Maryse fut étonnée de voir que jÊavais fait de Karine une grande étiolée alors quÊelle lÊimaginait plutôt Les scénarios de vos albums alternent gags et tendresse. Est-ce une boulotte. force dÊavoir de la tendresse pour ses personnages quand on cherche des gags ? Peut-on imaginer une série comique avec un dessin réaliste ? Dubuc : LÊémotion est parfois un frein à lÊhumour : si on a trop pitié de Delaf : Tout est possible, mais jÊai quand même du mal à imaginer Les Karine, on ne peut pas rire quand elle se fait passer sur le corps par le Nombrils avec un dessin réaliste. Je pense notamment à un gag du tome 4 troupeau dÊadmirateurs de Jenny et Vicky ! Par contre, si un gag est moins où le petit ami de Jenny se fait rouler dessus par un bus. Dessiner un per- fort mais quÊil raconte un épisode tendre ou nous en apprend sur le passé sonnage avec quelques bleus et des dents en moins, ça passe quand cÊest dÊun personnage, je crois que le lecteur peut plus facilement lÊaccepter. cartoon, mais si jÊavais dû dessiner la scène de façon réaliste avec des frac- tures ouvertes et du sang partout, la chose aurait pris une autre dimen- Quelle est la part dÊautobiographie dans la description de ces trois sion... adolescentes ? Est-ce une force comique de sÊinspirer de sa propre jeu- nesse ? Question subsidiaire : doit-on être drôle Dubuc : SÊil y a de lÊautobiographie, mon inconscient lÊa si habilement dans la vie pour écrire des histoires maquillé que moi-même je ne mÊen rends plus compte ! Notre jeunesse drôles ? nous sert surtout pour y puiser des sentiments, des émotions. Bref, pour Dubuc : Dans la vie, on nÊa pas tous la chan- faire plus vrai. Ce ne sont pas nos souvenirs de jeunesse qui nous aident ce dÊêtre suffisamment extravertis pour amu- à faire de lÊhumour : cÊest plutôt lÊhumour qui nous aide à digérer notre ser la galerie. Il faut le bon timing⁄ et une adolescence ! voix qui porte ! Je rate souvent ma chance dÊamuser les gens parce que jÊhésite une Quelles sont les caractéristiques propres au dessin comique ? seconde de trop. La BD dÊhumour me per- Delaf : LÊexpressivité des personnages est primordiale. Si les bras de met de prendre ma revanche ! Karine sÊétirent jusquÊau sol, cÊest pour souligner son découragement. Même chose pour les yeux de Jenny qui débordent sur son chapeau pour exagérer son expression. Dans la même logique, la couette de Vicky me PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY LEMAIRE sert pour exprimer son attitude, un peu comme les ailes du casque N°21 sept-oct 2009 13 Le frondeur batave En matière d’humour déjanté, la télévision anglaise a donné naissance au ’s Flying Circus. Le cinéma américain a enfanté Kentucky Fried Movie. La bande dessinée batave, elle, s’enorgueillit d’un Léon-la-terreur qui règne sans partage sur le politiquement incorrect.

n 1976, fut créé le personnage de Léon-la-terreur par Wim T. Schippers et Theo Van Den Boogaard. Inspiré de la personnalité de E Dolf Brouwers, un présentateur de télévision néerlandais, le héros est un cinquantenaire élégant aux cheveux argentés et au maintien soigné, le verbe haut et la rhétorique déconcertante, instigateur de nombreuses catas- trophes. Le dessin de Van Den Boogaard sÊinscrit dans la ligne claire. Sa technique combine la lisibilité du dessin dÊHergé à un style narratif volon- tairement iconoclaste. Au fur et à mesure des turpitudes de Léon, Van Den

Boogaard surligne la frénésie de son personnage par un jeu de facéties et de Den Schippers et Theo Van © Wim T. Boogaard / DRUGSTORE mouvements très marqués. Vers la fin de la série, les auteurs ajoutent un quÊil ne recevait en outre aucun pourcentage sur les ventes dÊalbums. ¤ tra- éventail de paradoxes à leur narration : certaines aventures débutent par vers Léon, les deux auteurs rient de tout : homosexuels, non-fumeurs, une seule case qui occupe toute la page, puis lÊhistoire semble se décompo- fumeurs, médecins, pasteurs, mamans, écrivains à succès, policiers, etc. On ser en une multitude de vignettes. Le dessinateur joue également des oppo- imagine mal quÊune telle démarche soit toujours concevable à lÊheure où la sitions entre plans serrés et panoramiques pour donner toute la mesure du censure se travestit derrière le respect des particularismes. Les éditions chaos que déclenche son héros. Parfois, Léon semble embarqué dans une Drugstore proposent une intégrale comprenant tous les épisodes parus péripétie qui sÊachève à des années-lumière de son commencement. Aux précédemment chez Albin Michel. Un recueil essentiel, histoires à tiroirs, succèdent des strips minimalistes et absurdes. même si lÊon regrette que les premières aventures de Léon, Léon-la-terreur est une satire intemporelle aux effluves libertaires : le confor- éditées par Magic Strip en 1980, en soient absentes. misme et le politiquement correct y sont continuellement entartés. Les KAMIL PLEJWALTZSKY aventures de Léon, plutôt que de convaincre de quoi que ce soit, invitent à réfléchir sur la norme et la réalité. Malheureusement, un procès a mis fin Léon-la-terreur, de Wim T. Schippers et Theo Van Den Boogaard, aux exploits de ce Don Quichotte moderne. Dolf Brouwers avança que les DRUGSTORE, COLLECTION LES INTÉGRALES, scènes à caractère sexuel constituaient une atteinte à sa propre image, et 240 P. COULEURS, 15 € E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 14 Tillieux, un maître de l’humour Dupuis vient de lancer une magnifique nouvelle Intégrale (belle présentation, joli travail d’imprimerie et compléments bienvenus !) du chef-d’œuvre de Maurice Tillieux, Gil Jourdan, ce qui donne le prétexte à une redécouverte-hommage d’un des plus prestigieux auteurs belge de bandes dessinées, important pilier du journal Spirou.

u départ, rien ne prédispose vraiment Tillieux à une carrière dÊauteur de BD. Né près de la Meuse, à Huy en 1921, il se prépare à devenir Aofficier de la marine marchande, mais son diplôme ne lui sert à rien, lÊinvasion allemande et lÊoccupation réduisent à néant ses rêves dÊévasion maritime. Il échappe de peu au Service du Travail Obligatoire, et écrit pour tromper lÊennui un roman policier maritime : Le Navire qui tue ses capitaines. Destiné à lÊorigine à une prestigieuse collection dirigée par Steemans, le roman paraîtra chez un autre éditeur, Steemans ayant préféré publier le / GLÉNAT © Tillieux roman (plus psychologique) de celui qui deviendra un autre spécialiste de la BD policière (A.P. Duchateau, créateur du Ric Hochet illustré par Tibet pour le journal Tintin). QuÊà cela ne tienne, Tillieux a plusieurs cordes à son arc, et il se débrouille bien au dessin. Il avait rencontré au collège le fils de Jean Doisy (premier rédacteur en chef du journal Spirou et scénariste du Jean Valhardi pour le grand Jijé) ce qui lui permet de publier un premier dessin dans les pages de Spirou pour la rubrique du Fureteur. Il publie quelques histoires dans les journaux de Guy Depière (Bimbo, etc.) dans un style assez influencé par celui de Hergé. Des histoires pour enfants, dans un style ligne claire sans grande originalité. Un moment, il réalise de belles illustrations dans le style de Dubout. Puis, pour le compte de Heroïc Albums, il réalise quelques histoires réalistes dans le style de Milton Caniff pour les récits de guerre ou de Fred Harman lorsquÊil sÊagit de western. LÊauteur se cherche encore son propre style. Le premier déclic semble inter- venir avec Bob Bang. Un marin bagarreur visite les contrées lointaines, mais ses aventures permettent à Tillieux de commencer à exprimer son attirance pour le fantastique et lÊhorreur. Il faut dire quÊil a pas mal lu Harry Dickson dans sa jeunesse. Il sÊagit en fait de ce qui précède la série des Félix, une des plus longues de cette petite revue belge (de 1948 à 1956). La plume de Tillieux va sÊaffiner au fil de ses récits complets, qui lui permettront aussi de peaufiner sa scien- ce de lÊintrigue, du suspense et de lÊhumour. Cette série met en scène un journaliste, accompagné de deux faire-valoir comiques : Allume-Gaz, un MAURICE TILLIEUX PAR LUI-MÊME représentant sympathique et Cabarez, un policier. Au long de cette saga Le trio fraternise à la fin du second épisode, et Crouton sera par la suite parfois éprouvante pour les jeunes lecteurs (nous sommes assez loin de la moins ridicule, à la plus grande joie des lecteurs français. Gil Jourdan sÊoffre bienséance et de lÊoptimisme en cours chez les deux grands hebdos belges une Dauphine Rouge et poursuit ses enquêtes, que ce soit en France ou à de BD que sont Spirou et son rival Tintin), Tillieux va élaborer un grand lÊétranger. LÊauteur nous offre là un cocktail de ses possibilités. Il y a du sus- nombre dÊintrigues quÊil développera par la suite pour dÊautres séries. Après pense, mais aussi beaucoup dÊhumour (burlesque, de situation ou verbal). le court intermède de Marc Jaguar dans Risque-Tout, il démarre la série des Libellule est un spécialiste des jeux de mots faciles, mais son humour le Gil Jourdan dans les pages de Spirou. réjouit alors quÊil laisse de marbre ses compères. Il y a aussi beaucoup dÊes- Gilbert Jourdan est un licencié en droit sans grand budget qui rêve de mon- prit dans les dialogues agressifs entre compères ; même si lÊon travaille ter une agence de détectives. Pour ce faire, il aide Libellule à sÊévader, car il ensemble, on nÊhésite pas à sÊenvoyer vannes bien senties, répliques assas- a besoin dÊun cambrioleur habile dans son équipe (utile pour perquisition- sines et méchantes réparties : ces procédés donnent du mordant à la ner chez des suspects sans mandat ; de plus, Libellule a gardé pas mal de séquence et rendent la lecture bien agréable. Tout cela pourrait faire de contacts dans ÿ le milieu Ÿ). Cette évasion forcée vaudra bien des sarcasmes Tillieux lÊéquivalent dÊun dialoguiste réputé de cinéma comme Michel à lÊinspecteur Crouton, déjà mal vu par sa hiérarchie. Crouton porte le Audiard, sÊil fallait absolument comparer les deux genres. même costume noir que les Dupont-Dupond (de croque-mort, diraient les Les ambiances sont extrêmement fortes, Tillieux adore retranscrire graphi- mauvaises langues), mais aussi un patronyme propice à susciter les quoli- quement les quartiers sinistres des faubourgs de Paris, les petits villages de bets. Enfin, il arbore une magnifique moustache rousse et se promène (sans province. Les personnages sont bien typés, parfois sympathiques (voire doute par élégance, car il est en bonne condition physique) la canne à la cocasses), parfois inquiétants. Gil Jourdan ne perd guère son calme, il ana- main. Il deviendra vite le souffre-douleur et lÊobjet des moqueries de lyse froidement la situation, déduit et mène lÊenquête à son terme, celle-ci Libellule, les deux premiers albums seront dÊailleurs longtemps interdits à la étant marquée de nombreuses séquences dÊaction (poursuites ou combats). vente en France, pour outrage envers la force publique. La façon dont les intrigues sont présentées au lecteur brille par sa concision, N°21 sept-oct 2009 15

référendums, il livre à Francis les scénarios de la Ford T (Marc Lebut et son voi- sin), et dans une veine réaliste, les exploits de Jess Long, agent spécial du FBI à Piroton. Il devient un des hommes à tout faire de lÊhebdo, travaillant notamment brièvement avec Walthéry pour Natacha, Vittorio pour Hultrasson, et Roba pour sa Ribambelle. LorsquÊil reprend une série existante à

© Tillieux / DUPUIS © Tillieux un auteur en manque dÊinspiration, ce nÊest pas pour la dénaturer, mais pour lui insuffler une énergie nouvelle en respectant ses fondamentaux. Les premiers fanzines des années 70 saluent le talent de Tillieux et com- mencent notamment à rééditer ses vieux Félix en noir et blanc (notamment sous la houlette de Michel Deligne), avant dÊêtre suivis par Dupuis. Les jeunes auteurs de la génération Métal Hurlant (comme Yves Chaland et Luc Cornillon) lui vouent un véritable culte, comme en témoigne leur magni- fique Captivant. Mais cÊest malheureusement à ce moment là que Tillieux dis- paraît dans un violent accident de voitures, au retour dÊun festival dÊAngoulême. Cruel revers du destin pour celui qui avait mis en scène tant dÊépoustouflantes poursuites automobiles. Gil Jourdan devait tant à la personnalité unique de son créateur quÊil aurait EXTRAIT DE “GIL JOURDAN” été illusoire de vouloir poursuivre ses aventures sous dÊautres mains. Il exis- il nÊy a aucun temps mort, que du rythme et des rebondissements. te un album dÊhommage collectif publié chez Soleil en 1978 qui rend Parallèlement aux exploits de son détective, Tillieux animera longtemps les compte du caractère périlleux de cette mission. gags de César, un célibataire en butte à ses voisins (dont un policier prompt Pour en savoir plus, les collectionneurs exigeants à verbaliser, et ses deux enfants énervants) ou à sa femme de ménage pares- ou curieux sont invités à consulter les livres parus seuse. aux éditions de lÊÉlan (reprise à petit tirage des ¤ la fin des années 60, Tillieux commence à se fatiguer du dessin, donc il fluvres de jeunesse de Tillieux), ou chez Golden devient lÊun des scénaristes les plus productifs de Spirou. Gos reprend son Creek (reprise en grand format des premiers Gil détective pour quatre albums, avant de lancer sa propre série Khéna. Il Jourdan, dans un format proche des planches ori- reprend Tif et Tondu de la machine à écrire de Rosy, et leur livre des histoires ginales). Il existe également aux Éditions Lʘge mémorables, pleines de suspense et dÊhumour, alors quÊelles se distinguaient dÊOr un magnifique ouvrage de références biblio- auparavant par leur caractère insolite et parfois loufoque. Parfois, il reprend graphiques, intitulé M. Tillieux Repères. des intrigues de ses Félix, en les approfondissant, en les développant. Par amitié pour deux dessinateurs qui nÊavaient pas beaucoup de succès dans les JEAN-PHILIPPE RENOUX E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 16 Le choix de la rédaction

Rire, déconne, poilades, gorges déployées, grosses marrades, mâchoires décrochées, culs cognant le sol dans un mouvement répété et frénétique... Les membres de l’équipe de ZOO vous présentent les bande dessinées (tous styles et toutes époques confondus) qui, parfois, les ont contraints à maculer leurs fonds de culottes.

Gaston Lagaffe : Le Gang des gaffeurs, plus illustres pro- dÊAndré Franquin, DUPUIS ductions télévi- ¤ part Astérix, suelles britan- personne nÊa niques ; assuré- peut-être autant ment son sens de personnifié la BD lÊobservation nÊa dÊhumour dans de rival que la les années 60-70 souplesse de son que Gaston trait ; évidem- Lagaffe. Génie ment que, conju-

poétique, pares- guées, ces deux © Franquin / MARSU PRODUCTIONS seux (sauf lors- vertus animent quÊil sÊagit dÊaider avec authenticité les gesticulations pathé- la bonne cause), tiques de ses créatures de papier... Mais... sympathique et nonchalant, il a ravi des Ce qui distingue Goossens entre tous et le générations de lecteurs et reste un person- fait scintiller depuis une constellation supé- nage unique en son genre. Derrière Gaston rieure, cÊest son don pour la retranscription se cachait en fait le génie André Franquin, de la parole : le plus petit borborygme, le qui comme Coluche et Goscinny, nous a moindre régionalisme, la plus infime quitté un peu tôt. Dupuis a depuis réédité inflexion de voix, le plus discret raclement ses albums en changeant la pagination et la de gorge, rien nÊéchappe à lÊoreille de son numérotation. On a donc droit à un pinceau ! ÿ Gaston tome n°X Ÿ plutôt quÊaux titres évo- VLADIMIR LECOINTRE qui, malheureusement, ne parle quÊen sa Berck, de Gébé, LA DÉCOUVERTE cateurs rigolos de Franquin. Les gags de la présence ! Malgré une base universelle sur (réédition), 1965 période du Gang des gaffeurs, album publié à Minimal, de Manu Larcenet, lÊenfance, lÊfluvre développe des réflexions Gébé, cÊest le la fin de la série mais avant que lÊinspira- AUDIE-FLUIDE GLACIAL, 2006 fines et un humour plein dÊesprit. La méca- chantre de la tion et la motivation de Franquin ne com- Larcenet produit nique joue sur le décalage entre imagina- contre culture, mencent à sÊémousser, reste un vrai bon- beaucoup. Du tion et réalité (Calvin sÊimagine astronaute, rédacÊ chef de heur. perso bien sombre cow-boy ou explorateur⁄) et permet Hara-Kiri de 1969 OLIVIER THIERRY (ses autobios chez dÊinstiller un esprit critique (la famille, lÊé- à 1985. Tout le Les Rêveurs) à ducation⁄). Ce ton un peu intello (Calvin monde connaît La Bible des sales blagues, lÊhumour Fluide et Hobbes sont également les noms de LÊAn 01 et son de Vuillemin, DRUGSTORE Glacial (magazine deux philosophes à la pensée opposée) fameux pas de Philippe quÊil a quitté), en nÊempêchera pourtant pas une adhésion du côté, proposition Vuillemin est lÊin- passant par un public. Arrêtée en 1995, cette série tradui- utopico-désa- venteur de ÿ la mélange des deux, te dans de nombreuses langues et dérivée busée pour chan- ligne crade Ÿ ; un parfois poignant commercialement, reste un des plus grand ger le monde de manière foutraque dans le style épais et gras et toujours brillant (Les Rocambolesques aven- succès de la BD américaine. Une digne contexte post 68. Moins connu, Berck en parfaite adé- tures,ou Le Combat ordinaire). Minimal, cÊest descendante des Peanuts de Schultz. constitue le terreau des pulsions de son quation avec un du nÊimporte quoi, sur près de 70 pages WAYNE géniteur. Golem né dÊun tas de glaise, à la univers humoris- couleurs (et beau papier). Un grand foutoir fois informe, difforme et protéiforme, tique sans tabous. tendance Fluide (qui en publia des bouts en Astérix en Corse, de Goscinny et Berck véhicule malaise et jubilation suprê- Avec ses ÿ sales revue) dans lequel il sÊamuse : faux éditos, Uderzo, HACHETTE me. Invisible et passe-partout, entité blagues Ÿ, héritées fausses pubs, fausses couv, parodies, strips Ahhh, les clas- unique ou distillée en avatars multiples, de Coluche et absurdes, pleines pages expérimentales, siques... On a Berck se faufile, court, nage et contemple, Reiser, il met en image la tradition bien invités surprises... Les habituels détracteurs beau jouer les écrase les chiens ou fait dérailler les trains, française des histoires drôles grivoises. La du bonhomme peuvent sÊen donner à cflur blasés, on y sÊincruste chez le voisin pour mater la télé- démarche de Vuillemin ne sÊarrête pas là joie car Larcenet pioche de partout, part revient toujours. vision ou sÊenterre pour dévorer les fleurs pour autant. Elle sÊacharne à combattre la dans tous les sens et se laisse influencer. Je vous le par la racine. ¤ la fois libertaire et dépour- bêtise par la bêtise. En 1980, avec Choron, On sÊen moque ! Il faut prendre ce livre demande, com- vu de tout surmoi, Berck ose ce que nous il réalise le mythique Hitler=SS. Certaines comme un bon gros délire jubilatoire, sans ment passer à voulons tous, et 40 ans après sa création, ligues dÊanciens déportés nÊapprécient pas analyse excessive. côté dÊun album son aura plane derrière chaque catastrophe la satire et obtiennent la censure de lÊal- PHILIPPE CORDIER dÊAstérix quand anonyme et dans la moindre parcelle de bum. Dommage, car à sa façon, Hitler=SS on parle dÊhu- nos tripes. nÊa pas dÊégal pour signifier lÊinhumanité Calvin & Hobbes, de Bill Watterson, mour ? Certes, JULIE BORDENAVE des crimes du nazisme. Les associations se HORS-COLLECTION, 24 tomes parus mais lequel choisir ? CÊest là que ça se sont trompées, cÊest des bourreaux dont Publié à partir corse. Ah ben justement, pourquoi pas Vuillemin se moque. de 1985 par le celui-ci ? Cette aventure dans lÊîle de KAMIL PLEJWALTZSKY Universal beauté est tellement savoureuse. On y Press croise des druides qui attendent que le gui Le Messie est revenu, de Daniel Syndicate, à tombe tout seul des arbres, un fromage Goossens, AUDIE-FLUIDE GLACIAL, raison dÊun explosif, des Corses fiers et susceptibles, 1978 épisode par un maquis impénétrable, des gros mots PuisquÊun génie se repère dès ses débuts, jour, Calvin & comme... ÿ travail Ÿ, la création dÊune autant commencer la découverte de Hobbes est grande armée malgré le sommeil Goossens par le premier recueil de ses his- devenu un dÊOsterlix, et comme toujours, des dia- toires pour Fluide Glacial (mais que le incontournable du comic-strip US. Cette BD logues aux petits oignons : ÿ Elle te plaît pas curieux sÊempare de nÊimporte lequel de ses à lÊhumour ravageur raconte les élucubra- ma sflur ?Ÿ albums, il nÊy a rien à jeter). Certes, son tions dÊun enfant imaginatif (Calvin) et de THIERRY LEMAIRE goût de lÊabsurde lÊa haussé au niveau des son tigre en peluche cynique (Hobbes) © 2001 / Goscinny et Udero / Albert-René N°21 sept-oct 2009 17

Lapinot et lÊaccélérateur atomique, de vements inté- Les Professionnels, de Carlos Gimenez, bande de dessina- Lewis Trondheim, DARGAUD gristes musul- AUDIE-FLUIDE GLACIAL, teurs peu scrupu- Avant de mourir mans et leur 3 tomes parus, 1983-1985 leux raillent la renversé par branche la plus Si Paracuellos société et ses une voiture (ce radicale, respon- montre des enfants bonnes mflurs en sont des choses sable notamment en prise avec un compagnie de qui arrivent des attentats du monde tellement goules putrides, de même dans une 11 Septembre. dur quÊils nÊhésitent sorcières vérolées, BD), Lapinot Condamné à pas à endosser des de loups garous vécut bien des mort par les isla- attitudes préda- hirsutes et dÊautres aventures diffé- mistes, il a dû trices ou résignées cauchemars sur rentes, toutes essuyer plusieurs traditionnellement pattes – le tout avec une évidente jubila- situées dans des attentats et sÊest retrouvé pendant cinq ans familières aux tion. LÊéditeur responsable de cette défer- univers auto- avec une protection policière en France à adultes, Les lante subit de telles pressions quÊil se vit nomes et parfois référentiels. Dans celui-là, cause des menaces dÊattentats. Plutôt que Professionnels narrent les frasques dÊun grou- contraint de se saborder quelques années tout se passe comme si Lapinot était deve- de déprimer, il a décidé dÊen rire. Et cÊest pe dÊadultes continuant à se comporter plus tard. Trop tard pourtant, car cÊest nu le célèbre groom vêtu de rouge. Un par un album-attentat quÊil réplique avec comme des gamins. Il sÊagit de la vie à toute une génération dÊauteurs (George détournement moderne, traité avec estime lÊaide de Philippe Bercovici (Les Femmes en Barcelone dÊun studio de dessinateurs de Romero, Sam Raimi, Stephen King, Joe R. et respect. Trondheim est un créateur blanc). Le résultat est autant intéressant bandes dessinées, au sein dÊune société Lansdale, The Cramps, etc.) qui reven- moderne qui nÊa jamais renié son goût pour quÊhilarant. ÿ Tuons-le par le rire Ÿ était un dévote et confite dans le franquisme. Ainsi dique sa filiation à Tales From The Crypt et les classiques qui ont sans doute bercé sa vieux slogan anticlérical du mystificateur le monde du travail peut être vécu comme aux autres magazines du même acabit. La jeunesse. Il faudrait que Trondheim repren- Léo Taxil qui avait tourné le Vatican en un refuge récréatif où règnent la farce collection, lancée par Albin Michel en ne dÊautres séries connues plus ou moins dérision par une fausse conversion. Il est défouloir et la camaraderie. Un peu 1999, exhume de cette crypte les essoufflées ! dÊapplication ici, mais cette fois à lÊen- comme la rédaction de ZOO, ou celle du meilleures histoires de Jack Davis. MICHEL DARTAY contre des fondamentalistes musulmans. Journal de Spirou, quand Gaston sÊoccupait KAMIL PLEJWALTZSKY DIDIER PASAMONIK du courrier. Stars dÊun jour, de Didier Tronchet, VLADIMIR LECOINTRE Nini Patalo, de Lisa Mandel, GLÉNAT, DELCOURT Les Sisters, de Christophe, Cazenove et 5 tomes parus Cet ouvrage réunit William, BAMBOO, 3 tomes parus Buddy Bradley, T.1, En route pour Nini, une peti- les trois premiers Si Calvin (de Seattle, de Peter Bagge, RACKHAM te chipie, fait volumes des Damnés Calvin & Hobbes) Peter Bagge, auteur le vflu de voir de la Terre Associés, avait été une petite star aux États-Unis, ses parents un festival de fille et si Hobbes narre les aventures disparaître et cynisme. ¤ travers avait été sa grande dÊun jeune adulte se retrouve une galerie de per- sflur, on aurait dans lÊambiance exaucée. sonnages habitant peut-être obtenu grunge de Seattle des Ceux-ci sont une ville du Nord, Les Sisters. Pas facile années 90. Le tout vite remplacés par André le canard qui Tronchet dresse un de faire des gags avec une observation parle, Jean-Pierre, un homme préhistorique somptueux tableau en une planche extrêmement juste décongelé, Patalo, le monstre violet, la des horreurs ordi- mettant en scène sur la société et les Mort, des mini-pingouins vendus en naires, prend un malin plaisir à gratter les deux sflurs qui se divers individus que poudre et Fritoune, une patate de 10 Kg. plaies les plus vives, exorcise les angoisses crêpent souvent le chignon, mais les lÊon peut y rencontrer. Des dialogues extrê- Bref, toute une galerie de personnages plus de la vieillesse, de la misère, de lÊaigreur et auteurs y parviennent avec talent. Grand mement ciselés, des personnages atta- farfelus les uns que les autres. SÊensuivent de la connerie. Que ce soit Jo, le gardien mérite revient surtout au dessin, rond, pré- chants, des situations à la fois vécues et des aventures totalement déjantées où de la morgue, qui sÊamuse à inverser lÊem- cis et charmeur, accompagné par des dia- rocambolesques font de cette série (deux toutes les formes dÊhumour sont conju- placement des cadavres (ÿ Saurez-vous recon- logues très tendance, sans lÊêtre trop. Une épais tomes) un petit bijou que lÊon ne se guées dans un style unique qui nÊappartient naître votre proche ? Ÿ) ou encore la veuve bonne série dÊhumour bien dÊaujourdÊhui. lasse pas de relire. ¤ noter, du même quÊà Lisa Mandel. Il serait difficile de résu- Boilot qui se suicide ÿ pendue au téléphone Ÿ, OLIVIER THIERRY auteur : Studs Kirby, the Voice of America. Une mer lÊunivers fantasque de cet ovni de la Tronchet parvient à rendre hilarant ce sur satire brillantissime de lÊAmérique profon- BD jeunesse mais la série mérite vraiment quoi on sÊinterdit de sourire. Le Petit Spirou, de Tome & Janry, de au travers des élucubrations dÊun croo- dÊêtre découverte par les 7 à 77 ans. Nini OLIVIER PISELLA DUPUIS, 14 tomes parus ner de radio désopilant. Malheureusement Patalo, cÊest comme si les Monty Pythons, En 1988, Spirou a encore non traduit en France, mais dispo- voire le LSD, avaient été créés pour toute Notes, de Boulet, DELCOURT, 40 ans. Aupa- nible en anglais via vos sites web préférés. la famille. Si vous avez besoin de rire de SHAMPOOING, 3 tomes parus ravant, Tome et OLIVIER THIERRY bon cflur, il y a de la magie dans cette LorsquÊen 2004, Janry avaient série. Boulet débute la débroussaillé la Histoires à Lunettes, de Clarke et YANNICK LEJEUNE * publication de ses jeunesse du per- Midam, DUPUIS, 5 tomes parus notes sur son sonnage dans La Voyez-vous, le blog, il est sans Jeunesse de Spirou. monde est tellement doute loin dÊima- Puis, lors de la flou quÊil vaut mieux giner quÊil va sortie de Spirou à rire de tout. Mais devenir un acteur New York, parut un avec des lunettes⁄ incontournable mini-album sur le Naviguant avec clair- des blogs des- célèbre groom, dans lequel figuraient les voyance dans le sinés. Composé premières cases du Petit Spirou (ÿ cÊest le cynisme et le de billets dÊhu- Grand quand il était Petit Ÿ). Par la suite, lÊessai comique de situa- meur, dÊanecdotes ou simplement du quoti- devint une série régulière originale de gags tion, les historiettes

dien réel ou fantasmé de lÊauteur, ces posts en une page dans lÊhebdo homonyme. de cette série en mettent forcément plein & Janry / DUPUIS © Tome humoristiques sont si populaires quÊils Ainsi, dans un village intemporel à lÊam- la vue ! En réunissant toutes les planches deviennent album à part entière en 2008. biance rétro, Spirou (déjà affublé de son dans un même format, Dupuis nous offre Cela donne une série atypique, indispen- habit de groom⁄ comme toute sa famil- lÊopportunité de redécouvrir les chroniques sable même pour les abonnés du web, le !) passe une enfance pleine de péripéties de ces personnages à lunettes. Des profes- publiée dans lÊordre chronologique (un avec ses copains, son ami Vertignasse et seurs Jenkins et Médart aux héros bino- tome par année de posts) et agrémentée son amoureuse Suzette. La maîtresse sexy, clards plus discrets, laissez-vous aller à la dÊinédits. Une auto-bio sensible et pleine le mystère des filles, le papy bon vivant, le mécanique parfaite des gags de Clarke et dÊautodérision que toute bonne biblio- prof de sport alcoolo ou le curé pécheur : Midam, pour un fond de lÊflil rieur et thèque est en droit de revendiquer. ces ÿ 400 coups Ÿ font appel à des traits absurde. HÉL˚NE BENEY universels de lÊenfance, tout en proposant HÉL˚NE BENEY une série humoristique potache, en marge Ben Laden dévoilé, par Mohamed Sifaoui de la série principale ÿ sérieuse Ÿ. ¤ 20 ans Tales From The Crypt, de Jack Davis, et Philippe Bercovici, ÉDITIONS 12BIS passés, Le Petit Spirou nÊest toujours pas ALBIN MICHEL Mohamed Sifaoui est depuis 22 ans un grand, et cÊest tant mieux ! Au début des années 50, lÊAmérique mac- journaliste spécialisé dans lÊétude des mou- WAYNE cartiste fut en proie à la panique. Une E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 18

* Mes Voisins les Yamada, de est un artiste plutôt libertaire, cÊest rare à Hisaichi Ishi, DELCOURT, notre époque et cÊest salutaire. 2 tomes parus en France OLIVIER PISELLA En France, on ne trouve pas beau- Max et Nina, de Dodo et Ben Radis, coup de mangas ALBIN MICHEL exclusivement Issus de la nébuleu- dédiés à lÊhumour : se Métal Hurlant, on se marre bien Dodo et Ben Radis © Mathieu Sapin / DARGAUD devant pas mal de ont fait les beaux shônen et shôjo, mais jours de la BD rock leur but premier des années 80. De nÊest pas de faire la route des Indes à rire, il faut des lÊascension du Top combats et/ou des 50, leurs héros à amours. Au Japon on peut lire beaucoup de tête dÊanimaux gag manga dans les journaux, souvent des essaiment les routes strips verticaux de quatre cases, comme de lÊimaginaire underground. En 1997, le Mes Voisins les Yamada, chronique familiale duo sÊattaque à la chronique de la vie de EXTRAIT DE “SUPERMURGEMAN”, PAR MATHIEU SAPIN généralement hilarante (mais parfois couple à travers la série Max et Nina : Hector Kanon, de Libon, Audie-Fluide tendre ou nostalgique également). La déclinée en plusieurs tomes, la série suit BD quittant sa Glacial, 2 tomes parus grand-mère, les parents, les deux enfants, lÊévolution des personnages sur plusieurs banlieue parisien- Il est gênant de se la maison et la société japonaise : voilà le années. Feu de la rencontre, galères de ne pour sÊinstaller mettre à rire tout dans la campagne matériau passé à la moulinette par Hisaishi boulot, sournoiserie de la routine, fight avec seul en lisant une Ishii pendant deux ans dans les colonnes la belle famille, irruption du bébé⁄ Ancrés la plus profonde BD, mais cÊest dÊAsahi Shimbun, puis par Isaho Takahata qui délibérément dans un contexte actuel et avec sa femme. pourtant lÊeffet en a tiré un long métrage animé. Deux ciblé (parisianisme, intermittence, presse), Les premiers produit. Hector volumes déjà parus chez Delcourt dans la Max et Nina sont furieusement attachants. tomes évoquent le Kanon est un collection Shampooing, et un troisième Dodo et Ben radis parlent de ce quÊils choc du change- fêtard invétéré. prévu pour octobre. connaissent, et bon nombre de lecteurs sÊy ment, les suivants, Fréquentant la jet- lÊémoi devant la BORIS JEANNE reconnaîtront. Une sorte de Monsieur Jean set (ou en tous (Dupuy Berbérian) rockÊnÊroll styley. nature puis lÊarrivée dÊun enfant... Devant cas, essayant), les Pedro le Coati, de Gaudelette et JULIE BORDENAVE ses thèmes rassembleurs, on ne peut que Larcenet, DUPUIS, 3 tomes parus galeries dÊarts, les gens branchés et des jubiler devant lÊexcellent cocktail dÊhumour artistes de tout poil, il vole de plans tordus Des animaux de Lucien : Toujours la banane !, de Frank loufoque et de poésie émouvante de lÊen- en combines douteuses, avec une assurance zoo sÊépouillant Margerin, AUDIE-FLUIDE GLACIAL semble. Le génie comique de Ferri se marie et une morgue qui séduisent même les plus bêtement derrière Avec son humour à merveille avec les dessins de Larcenet. récalcitrants. Dans la vraie vie, on lui colle- leurs barreaux ? sympa, son sens de Mieux que cela, leur complicité permet la rait des baffes, mais sous le coup de crayon Voilà bien un fan- lÊobservation et mise en scène du personnage sous le nom magistral de Libon, on lÊadore !! Dans la tasme humain ! surtout sa bande de de Manu Larssinet avec tout cela que cela veine de Bienvenue à Boboland (de Dupuy et Aveuglés par notre copains rockers, pose de questions sur la véritable source Berberian), mais en plus ÿ vitriolé Ÿ, ce qui complexe de supé- Margerin est vite dÊinspiration des auteurs : ne serait-ce pas se fait de mieux en termes de satire dÊune riorité, nous devenu lÊune des la réalité que lÊon nous conte avec certaine société. dérision ? Dans tous les cas, la tendresse et nÊavions pas vedettes de Métal OLIVIER THIERRY la drôlerie de lÊensemble ne pourront que lÊombre dÊune idée Hurlant. Un peu de la réalité quoti- comme tout le vous charmer. DRAGON BALL, de Akira Toriyama, dienne dans nos parcs animaliers. Ce nÊest monde depuis les YANNICK LEJEUNE GLÉNAT MANGA pas parce quÊon vient du monde sauvage années 80, Lucien a vieilli en temps réel : il Dans un univers lou- que lÊon nÊest pas civilisé. Heureusement, a des enfants, il a pris de la bedaine et ses Supermurgeman, de Mathieu Sapin, foque mélangeant Gaudelette et Larcenet éclairent nos esprits cheveux ont blanchi ; de plus, il est largué REQUINS MARTEAUX / DARGAUD, arts martiaux et limités ! Résultat : une réjouissante série par les nouveautés technos et les modes 4 tomes parus humour potache, mettant en scène une bande dÊanimaux récentes. Un peu comme les grands foot- Un super-héros lÊfluvre fleuve du jouant au poker ou se lançant des paris à la balleurs, Margerin et son catalogue dÊal- blond, naïf, gentil mangaka Toriyama noix allant de tournois de jeux vidéo aux bums ont été transférés des Humanos vers mais qui quand raconte lÊhistoire de même frappe par- plus raffinés concours de cuisine. Menée Fluide Glacial, où il est toujours aussi drôle ! Son Goku, garçon à par Pedro le coati, la ménagerie sÊen donne MICHEL DARTAY fois sa femme (par à cflur joie dans lÊanthropomorphisme. Et la queue de singe, en réflexe), qui porte nous on se marre, en apprenant au passage quête des sept Boules un slip rouge et un ce quÊest un coati⁄ de Cristal. Sur son loup, qui a recours HÉL˚NE BENEY chemin, il fera de à la supermurge- nombreuses rencontres dont la sexy Bulma bière en cas de Titine au bistrot, de Yan Lindingre, et le vieux maître lubrique Tortue danger (une potion AUDIE-FLUIDE GLACIAL, Géniale⁄ Publié dès 1984 au Japon, ce magique qui lui permet de neutraliser ses 3 tomes parus conte initiatique remporte un succès immé- adversaires grâce à des vomis très puis- Pendant trash de diat et fera lÊobjet dÊune adaptation en sants), fait élégamment régner la justice sur anime multi-diffusée dans le monde. Si son Martine, lÊhéroïne une île des mers du Sud. Son ennemi juré : sage pour humour est malin et absurde (blagues sexy, la Sofroco-Gedec (incarnée par quatre enfants, Titine est subterfuges divers et combats représentants moches et fourbes), une improbables !), Dragon Ball, par son chemi- sorte dÊentreprise ultra-libérale et tentacu-

une jeune femme © Margerin / AUDIE-FLUIDE GLACIAL en survetÊ qui nement et sa multitude de personnages, se laire qui vient sempiternellement troubler dépense son RMI révèle être un récit éducatif et ludique pour la quiétude de notre justicier. Un miracle au bistrot. Depuis adolescents, dépoussiérant le conte asia- dÊabsurdité et de bêtise, le tout emballé la disparition de tique classique. Lassé après quatre ans, dans un monde coloré aux personnages ses parents, vic- Toriyama acceptera toutefois de poursuivre assez cons, ponctué de dialogues issus times de la route lÊaventure avec Dragon Ball Z, nettement dÊune première pression à froid. des vins en moins orienté vers lÊhumour. OLIVIER PISELLA Alsace, elle vit seule avec son petit frère WAYNE Bouffy, un garçon gros et moche (mais qui Vingt mille vieux sous la terre, lui aussi a des rêves). Des gags bien sales, Le Retour à la terre, de Jean-Yves Ferri de Philippe Foerster, avinés et amoraux, qui ne sauraient occul- et Manu Larcenet, DARGAUD, AUDIE-FLUIDE GLACIAL ter une réelle tendresse de lÊauteur pour le 5 tomes parus CÊest à partir de 1980 que Philippe ÿ petit peuple des comptoirs Ÿ. Lindingre Le Retour à la terre raconte lÊacclimatation Foerster égrène les pages de Fluide Glacial EXTRAIT DE “LUCIEN, TOUJOURS LA BANANE” difficile mais désopilante dÊun auteur de de ses contes humoristiques noirs. Au prin- N°21 sept-oct 2009 19

cipe des histoires à chute, sÊajou- te une causticité teintée de surréalisme qui place ses récits parmi les fluvres humoristiques les plus singulières. LÊinventivité des intrigues est renforcée par un traitement noir et blanc riche dÊimprobables perspectives. Les convergences avec lÊexpression- nisme semblent évidentes, mais Foerster va au-delà de la simple citation en orchestrant une danse macabre faite de © Riad Sattouf / AUDIE-FLUIDE GLACIAL contrastes entre formes aiguës et arrondies, ou entre lignes et masses. Dans le registre de lÊhumour noir, lÊfluvre de Philippe Foerster est incontournable ; son manque de reconnaissance médiatique en est dÊautant plus injuste. KAMIL PLEJWALTZSKY EXTRAIT DE “PASCAL BRUTAL”, PAR RIAD SATTOUF adolescent ou ado attardé (certains se reconnaîtront) est Le Fond du Bocal, de Nicolas Poupon, assuré de francs moments de nÊimporte quoi. DRUGSTORE, 5 tomes parus BORIS JEANNE Malgré les apparences dÊun bocal sans histoires, les petits poissons Pascal Brutal, de Riad Sattouf, AUDIE-FLUIDE rouges de Nicolas Poupon ne GLACIAL, 3 tomes parus tournent pas toujours très ronds ! Allez, ne faîtes pas semblant LÊauteur sÊamuse à les plonger dÊignorer qui il est : Pascal dans des eaux troubles (revendi- Brutal est le prototype de cations sociales, querelles de lÊhomme du futur, un sociotype couple, tentative dÊévasion de qui vit déjà parmi nous mais qui bocalcatraz⁄) et réussit à se nÊa pas encore tout à fait pris sa renouveler constamment pour pleine mesure. Pascal, lui, se nous faire rire ! De la pastille sent comme un poisson dans humoristique au running gag, ces lÊeau puisquÊil vit dans un futur poissons sont bons pour la santé : ils facilitent la mémoi- proche, une France gouvernée re, fortifient les zigomatiques et donnent bonne mine. par Alain Madelin. Il se dis- Une pêche miraculeuse que vous pouvez aussi retrouver tingue par sa virilité : torsions 92, gourmette et bouc dans les pages de votre magazine préféré. bien taillé, il plaît énormément aux femmes mais ne HÉL˚NE BENEY rechigne pas non plus, à lÊoccasion, à une petite aventure homosexuelle. Des trouvailles à foison, des à Autobiography of me too two, de Bouzard, punchlines outrance et un humour bien rodé, grâce à Pascal, on LES REQUINS MARTEAUX attend le futur de pied ferme. Guillaume Bouzard est sans pitié OLIVIER PISELLA avec lui-même. Son autobiogra- phie est aussi tendre quÊun mor- Strip-Tease, de Joe Matt, SEUIL, 2004 ceau des Ramones et aussi douce Inspiré par le grand Robert quÊun solo de Mötorhead. Il y Crumb, Joe Matt a consacré dresse le portrait dÊun dessina- toute son fluvre à sa propre teur gentleman farmer au fin fond existence quÊil qualifie lui-même des Deux-Sèvres (79), feignant, de lamentable. Mesquin, avare, maladroit, veule, amateur de lâche, obsédé sexuel et mastur- bière, de rock qui pulse et de bateur compulsif, ce créateur mauvaise foi, mais surtout pro- hanté par la culpabilité se priétaire de Flopi, un chien assez abruti portant bermu- dépeint depuis plus de 20 ans da, tee-shirt et chapeau de cowboy, et à la langue bien comme lÊêtre le plus vil qui soit. pendue. Avec Guillaume Bouzard, lÊabsurde nÊest jamais Las, avec le temps ses pro- loin et cÊest ça qui est bien. Les situations les plus blèmes sont loin dÊavoir été résolus et semblent même banales de la vie quotidienne se transforment en poème sÊêtre aggravés. Si bien que ce qui était si hilarant au épique, en tragédie grecque ou en séquence de lÊémission début finit par être glaçant. Aussi, pour rire de et avec Strip-Tease, suivant lÊhumeur. Comme quoi, on peut vrai- Joe Matt, mieux vaut se replonger dans le premier ment faire hurler de rire avec des riens. recueil de ses travaux, publié en France sous le titre de THIERRY LEMAIRE Strip-Tease. ¤ lÊépoque, tous les espoirs de salut étaient encore permis. Great Teacher Onizuka (aka GTO), de Tôru Fujisawa, VLADIMIR LECOINTRE PIKA, 25 tomes parus Le ridicule ne tue pas, il fait vendre. Combustion Spontanée, de Jake Raynal, 25 volumes pour la série-titre, 31 AUDIE-FLUIDE GLACIAL, 1998 volumes pour la jeunesse mouve- Talent méconnu de lÊécurie mentée du héros, et deux volumes , le ténébreux Jake Raynal a pour son passage dans lÊarmée : Fluide pourtant commis quelques-unes Eikichi Onizuka a donc inspiré pas des pages dÊanthologie du men- moins de 58 volumes à Tôru suel. Si on le retrouve aujour- Fujisawa, et une suite vient dÊêtre dÊhui aux côtés de Claire annoncée. Son héros se prend pour Bouilhac pour des séries bicé- une star et se retrouve régulière- phales ( , ment dans des situations pitoyables, Francis le blaireau Melody ), cÊest en solo quÊil offi- dont il finit toujours par se sortir. Car Onizuka nÊest pas Bondage ciait dans le milieu des années humain : ancien loubard devenu prof pour sortir avec des 90. Par la grâce dÊun trait folle- lycéennes, il aide tous ses élèves en difficulté dÊune ment élégant – aplats noirs à la Muñoz, dans un style manière quÊaucun autre prof ne pourrait employer, grâce plus haché, anguleux, presque agressif –-, lÊauteur mettait à son culot, sa force physique, et son total hermétisme à en scène saynètes absurdes illustrant légendes urbaines – la sensation dÊêtre ridicule. Fujisawa en profite pour se Dame Blanche, syndrome de Stockholm – ou grands lâcher dans des histoires abracadabrantes où le lecteur mythes fondateurs en deux pages (la Bible, le * E UR RT VE N°21 sept-oct 2009 EN COU 20

* communisme ou⁄ Star Wars), mots mérite donc toute votre attention ! elle, ni ses pignoufs de voisins, ni,ni,ni⁄ clés à lÊappui. DÊautres planches du même DÊailleurs, les Américains ne sÊy sont pas Orpheline depuis la disparition de Lelong, acabit furent ensuite publiées chez Les trompés puisque depuis 1984, lÊanimal sÊest la sale vieille nous propose un patrimoine Rêveurs (Esprit frappeurs). baladé dans plus de 800 de leurs jour- de huit tomes à lire et relire. Suivez-là car, JULIE BORDENAVE naux⁄ perchée sur son vélo, elle vous indiquera HÉL˚NE BENEY toujours lÊheure du Fernet-Branca⁄ Blotch, Le roi de Paris, de Blutch, HÉL˚NE BENEY AUDIE-FLUIDE GLACIAL, 1999 Les Bidochon, de Binet, AUDIE-FLUIDE Une dizaine GLACIAL,19 albums parus Idées Noires, de Franquin, dÊannées avant Après des débuts AUDIE-FLUIDE GLACIAL dÊêtre adoubé par bien sages dans la Réussir à faire rire ses pairs à la prési- presse catho, quand on traverse dence du Festival Christian Binet est une période de dÊAngoulême, devenu lÊun des dépression est une © Blutch / AUDIE-FLUIDE GLACIAL Blutch émaillait les piliers du magazine performance qui pages de Fluide dÊhumour drôle de nÊest réservée quÊaux Glacial des saillies Gotlib. Il y eut meilleurs. André de son alter ego Kador, chien intelli- Franquin faisait parti “BLOTCH”, PAR BLUTCH replet : le veule et gent doté de maîtres des meilleurs. De cocos sont toujours embarqués dans des pleutre Blotch, dessinateur à la petite affligeants, Les Bidochon, couple dÊune cin- Spirou à Gaston Lagaffe aventures dingues et doivent aussi lutter semaine bouffi dÊun orgueil déplacé, prêt à quantaine dÊannées en gros, Robert et en passant par Modeste et Pompon, il excellait contre leur propre instinct naturel. Amis toutes les mesquineries pour faire valoir Raymonde. Ceux-ci ont vite pris la dans lÊhumour bon enfant, vif comme un lecteurs de tous âges, attention : au détour son nauséeux trait de crayon, oscillant vedette : il sÊagit de Français plus que de ses légendaires éclats de rire. Avec Idées dÊune page, tapi dans lÊombre, le fou-rire entre comique troupier et Almanach moyens, sans doute moins méchants que Noires, il réalise un virage à 180°. LÊhumour guette⁄ Vermot. Une mise en abyme dÊun réjouis- bêtes. Plus lourds que le plomb, les est grinçant, désespéré, parfois méchant HÉL˚NE BENEY sant humour noir, ourdie dÊune sourde Bidochon cumulent un grand nombre de mais surtout noir, très noir. Le dessin est mélancolie, marque de fabrique du dessina- tares contemporaines, mais la mise en puissant, les gags font mouche. Tout y The Far Side Gallery, T.4, de Gary teur à retrouver dans ses autres opus (Mlle scène de Binet et la variété des thèmes passe à la moulinette : la guerre, la reli- Larson, ANDREWS MCMEEL Sunnymoon, Volupté, Mitchum⁄). Racisme abordés (ils viennent de découvrir gion, le sport, les chasseurs, la guillotine, Dans la droite lignée latent, bêtise crasse et ronds de jambe dans Internet !) permettent de rendre amusante les centrales nucléaires, les parents des dessinateurs la (basse) cour du Paris mondain de lÊentre- la lecture de leurs dérisoires aventures. Il indignes, les marées noires, les poulets en dÊhumour, le talent deux-guerres⁄ Un parangon de lÊhumour reste toujours amusant de se moquer de ses batterie, jÊen passe et des meilleures. En de Gary Larson glacé et sophistiqué cher au mensuel voisins bizarres, même si lÊexercice peut gros, un bon aperçu par le gag de ce que sÊillustre essentielle- dÊ ÿ Umour et bandessinées Ÿ. sembler cruel à la longue. peut être la connerie humaine. ment dans des JULIE BORDENAVE MICHEL DARTAY THIERRY LEMAIRE vignettes légendées. Entièrement concen- Grimmy, de Mike Peters, DARGAUD, Carmen Cru, de Lelong, AUDIE- Spirou et Fantasio : QRN sur tré vers le gag, son 17 tomes parus FLUIDE GLACIAL, 8 tomes parus Bretzelburg, dÊAndré Franquin trait, clair et anecdo- Fan de facteurs (al Vieille, grincheuse, et Greg, DUPUIS tique, plante en un coup de crayon texte, dente !) et de pou- radine, méchante, Franquin encore (et contexte et sous texte, excellant dans les belles (bien cuites), crado, voleuse, poch- toujours !). Cet mises en situation décalées. Faisant appel à Grimmy adore aussi tronne : madame Cru album est un la culture commune du lectorat, lÊauteur boire dans les est la grand-mère concentré de tout revisite les grands mythes, lieux communs, chiottes ou faire que lÊon redouterait lÊhumour que légendes urbaines ou expressions prises au souffrir Attila, le chat dÊavoir. Pourtant, Franquin a pu pied de la lettre. Scène de ménage entre de la maison. Un Dieu sait quÊon lÊaime mettre dans tous les serpents, scientifique dans son biotope ou chien de bande des- notre Carmen ! Cette autres. Spirou, porc-épic sortant dÊune séance dÊépilation, sinée comme les vieille peau, incarna- Fantasio, et leurs chaque saynète participe à la mythologie autres ? Pas vraiment, car le héros de tion de la France profonde immobilisée compagnons anima- de sa ÿ Far Side Ÿ – cette face cachée de Peters condense tout ce qui fait lÊessence dans les années 50, dit toujours ce que liers, lÊécureuil Spip lÊunivers, qui donne la parole aux insectes même des strips de presse ! Cynique, pré- (presque !) tout le monde pense tout bas. et le Marsupilami, partent au secours dÊop- ou croque des instantanés farfelus, pour cis et capable dÊamadouer son monde, lÊhu- La misanthropie nÊest pas pour elle une primés dans une dictature dÊEurope centra- résoudre enfin petits tracas et grands mour de Grimmy est à lÊimage de son per- philosophie, mais une évidence ! Et pas de le. Le meilleur album de la série, et un véri- mystères de ce monde (à lÊimage de sa sonnage : dévastateur. Classé à tort dans jaloux, elle nÊaime personne : ni son veule table tour de force lorsque lÊon sait que célèbre ÿ Véritable raison de lÊextinction des dino- les séries jeunesse, le chien jaune de la de neveu, ni lÊabbé gnan-gnan qui cherche tout au long de sa réalisation, Franquin saures Ÿ, montrant des T-Rex cachés comme mère lÊOie est trivial, dégueu, menteur et inlassablement une trace dÊhumanité chez souffrait dÊune énorme dépression. ¤ lire des lycéens pour fumer leur clope). aussi, Panade à Champignac, un album de JULIE BORDENAVE Spirou presque aussi drôle et qui comprend également une longue histoire complète de Aimé Lacapelle, de Ferri, AUDIE- Gaston offrant à Fantasio une troupe de FLUIDE GLACIAL, 4 tomes parus chimpanzés de cirques qui sÊinstallent au Au delà dÊun sex- sein des bureaux de la rédaction de Spirou. appeal irrésistible (la (Tiens, on aimerait bien voir ça dans la moustache, sans rédaction de ZOO, qui sÊy prêterait bien !). doute⁄), Ferri est OLIVIER THIERRY aussi un des plus prolifiques auteurs Les Garnimos, de Dav, BenGrrr et Kness, de scénarios dÊhu- SOLEIL, MINIKIDS, 2 tomes parus mour qui fonction- Ah, la dure loi de la © Franquin / AUDIE-FLUIDE GLACIAL nent à coup sûr. Un jungle ! Même si vrai label qualité. elle frappe aussi Impossible donc de passer à côté de cette Sam, le jeune lion- série à lÊaccent qui roule et qui fleure bon ceau, ce dernier la le terroir et lÊessence des Massey Ferguson. fait mentir en ayant On y suit les trépidantes aventures agri- pour potes Blandine coles dÊun homme fier, membre du BIT lÊantilope, Mitch le (Bureau dÊInvestigation Tarnais), qué sÊap- buffle et Bob le cro- pelerio Aimé⁄ Des gags hilarants aux dia- codile. La petite logues ciselés, certes, mais aussi truffés de bande va vivre sensibilité. Oui : sous cette croûte de terre ensemble des expériences qui font grandir, et dÊhumour se cache une poésie totale- apprendre la vie, le partage, lÊamitié⁄ Sauf ment bio⁄ que tout ça se fait à cent à lÊheure, et dans HÉL˚NE BENEY EXTRAIT DES “IDÉES NOIRES”, PAR FRANQUIN une ambiance délirante ! Parce que nos

SE ES UN N°21 sept-oct 2009 BD JE 22

zoom bd jeunesse Tony et Alberto, T.9, Africanin, de Quand nos héros BD Dab’s, GLÉNAT, COLLECTION TCHÔ ! LA COLLEC…, 48 P. COULEURS, 9.40 € Tony enrage : s’offrent le petit écran Dominique (une FILLE !) est encore là À l’heure de la rentrée TV et des transferts d’animateurs, certains héros BD en vacances. glissent leurs onomatopées dans les grilles de programmation jeunesse. Comme elle monopolise son Alberto et le reste de la bande, Tony met au point une fusée à coca-propulsion pour s’enfuir sur la Lune. Et ça marche ! Enfin, presque… Car notre titi envoie tout le monde en Afrique. Dab’s ne fait pas de quartier dans cette nouvelle

aventure de l’insupportable gamin © Blue Spirit Animation / Canal + 2009 et son chien jaune… et c’est bien ça que l’on aime ! Créatifs mais catastrophiques, ils réveilleront jus- qu’au plus timoré des lecteurs.

On Peut le voir comme ça, L’Histoire de l’Art dans les mains des enfants, par Les enfants d’Ayron, Chalandray et Maillé, dirigé par Guillaume Heurtault, FLBLB, 144 P. COULEURS, 13 € Quoi de mieux que d’expéri- menter pour apprendre ? C’est en par- tant de ce constat que des enfants ont OVNI revisité l’histoi- re de l’art ! ien dÊétonnant : les échanges entre bande des- lÊespace pour déjouer les plans de Supermuscleman Reprenant les techniques uti- sinée et dessin animé sont courants, enthou- (rendre tous les enfants obéissants !). Inutile de dire lisées depuis les peintures R siasmant le petit écran dès que les héros de que ce dernier aura du mal à dresser nos héros⁄ rupestres jusqu’aux expos contem- papier atteignent des ventes significatives ou déclen- poraines, les petits auteurs se bala- chent leur petit effet dans les cours de récré⁄ Toutes dent en toute liberté dans le patri- Sardine de l’Espace, T.8, moine créatif. Fait pour et par des les générations y ont eu droit (Les Schtroumpfs, Lucky Les Secrets de l’Univers, de Guibert enfants, cette originale rétrospecti- Luke, Yakari, Titeuf, Kid Paddle⁄) confortant dÊailleurs et Sapin, DARGAUD, 10,40 euros ve en cinq chapitres les aidera à parfois la confusion du grand public envers lÊunivers Diffusion : autochenille-production comprendre à quoi sert l’art. des petits mickeys. Rien de neuf sous le Soleil, me direz- www.autochenille-production.com vous ? Si, car les adaptations qui surgissent sont moins Les Nombres en folie !, de Dayras et Robin, LA BALLE AU BOND, lÊarrivée de personnages quÊune carte blanche à leurs 96 P. COULEURS, 12,50 € auteurs, nouveaux gentlemen du neuvième art l OVNI reprend le principe de la BD, mettant en Nouvel édi- (Trondheim, Parme, Guibert, Sfar⁄). Un pari sans scène les tribulations trash dÊun extraterrestre décou- teur jeunes- risque et une vraie chance car leurs univers oniriques se, La Balle vrant notre planète à diverses époques de lÊhumanité. au bond modernisent les codes de lÊunivers jeunesse. Son plus ? Pouvoir ressusciter et reprendre sa route⁄ donne le ton Florilège ⁄ avec ses deux pre- l Ariol, le petit âne à lunettes qui aime bien lÊécole, a miers titres ! droit sur lÊécran à pleins dÊaventures inédites. On y OVNI de Fabrice Parme et Lewis D’un côté, retrouve bien sûr tous ses copains, de Ramono son Trondheim, DELCOURT, un imagier meilleur pote comme cochon à Pétula, ravissante SHAMPOOING, 9,95 euros loufoque détourne l’usage d’objets amoureuse⁄ un peu vache ! Diffusion : Canal+ family et courants (comme des nouilles www.spirit-prod.com/site/ovni.html transformées en manchons à four- chettes), de l’autre, un livre de Ariol, Bisbille fait Mouche, nombres insolites. Mais loin de l’é- de Guibert et Boutavant, numération, ces chiffres drôles ou BAYARD BD, 9,90 euros ¤ noter quÊAutochenille production (co-dirigée par dingues sont mis en perspective Diffusion : Tfou ! pour titiller la curiosité des plus et www.ariol.fr Sfar et Oubrerie), qui prépare Sardine de lÊEspace, peau- jeunes (un Américain consomme fine aussi des longs métrages animés pour les parents 150 hamburgers par an et un Chinois 90 Kg de riz !). Rien de – Le Chat du Rabbin, Isaac le Pirate, Aya de Yopougon ! mieux que d’apprendre en s’amu- l En attendant que leur série animée soit prête, sant ! Sardine, PÊtit Lulu et Épaule Jaune sillonnent toujours HÉL˚NE BENEY HÉLÈNE BENEY

E U IQ IAT N°21 sept-oct 2009 BD AS 24

zoom bd Asie Narutaru, T.2, de Mohiro Kitoh, GLÉNAT, COLL. SEINEN, À fleur de peau 220 P. N&B, 6,50 € Nous avions évoqué Elle a un nom rigolo mais raconte des histoires tantôt amères tantôt glauques : la sortie de Bokurano chez Kiriko Nananan est connue en France depuis le succès de l’impeccable Blue en Asuka (cf. ZOO 13) 2005, poursuivi par la publication d’histoires plus courtes dans la collection en remarquant le Sakka, comme Strawberry Shortcakes. La nouvelle livraison concerne une style de son auteur, reconnaissable tant sélection de 19 premiers travaux des années 1994-95 : tout est déjà là, à l’étude. dans la délicatesse de son trait que dans la brutalité de ses scénarios (l’homme n’hésite pas à abattre rapidement ses person- nages principaux, ce qui peut sur- prendre). Narutaru est son œuvre de « jeunesse », 12 volumes publiés à la fin des années 1990 que Glénat avait commencé à traduire puis avait stoppé net à la vue d’éléments trou- © Nananan / CASTERMAN SAKKA blants de l’histoire. Difficile en effet de savoir où nous entraîne Kitoh. Le récit surfe entre la paranoïa de l’ex- traterrestre et la mise en abyme de nos pulsions. Mais une chose est sûre : on ne peut y rester insensible. CHRISTIAN MARMONNIER

What’s Michael ?, T.1, de Makoto Kobayashi, GLÉNAT, COLL. SEINEN, 270 P. N&B, 6,50 € Décidément, l’édi- teur grenoblois fouille les entrailles de son catalogue et il en profite pour a force de Kiriko Nananan, cÊest dÊexplorer le les Beaux-Arts, et donc de lÊautobiographique. La lec- reformuler cette désir féminin de lÊintérieur, au moyen dÊun gra- ture de Water peut paraître déroutante, car le récit est série qui fut autre- phisme qui sÊattache beaucoup plus aux inter- ici très haché, atomisé : peut-être trouve-t-il une cohé- fois (aussi) inter- L rompue. Nouvelle stices quÊaux événements eux-mêmes dÊune histoire rence au fur et à mesure, on croit reconnaître des per- traduction et nouveau titre pour pré- dÊamour et/ou de sexe. La mise en page est alors fon- sonnages⁄ Mais il ne faut pas sÊen tenir à lÊimplicite, senter les péripéties de la gent féline. damentale, elle alterne les grandes cases en plan large car Kiriko Nananan sait aussi donner dans la crudité, la D’un chat, et même de plusieurs, qui avec de brusques plongées en gros plan sur un regard, simplicité peut-être : quand on voit un drap taché de côtoient les êtres à deux pattes que nous formons. Et la scénographie de des pieds entremêlés, une cage dÊescalier. Cette impor- sang dans une case, il ne faut pas sÊétonner de voir sÊou- nos comportements est vraiment à tance du hors-champ est peut-être ce qui frappait le vrir un étui de serviette hygiénique quelques cases plus mourir de rire même si le dessin et le plus à la lecture de Blue, les dialogues étant parfois loin. découpage de Kobayashi sont 30 fois rejetés sur des pages blanches : Water permet de décou- supérieurs dans Stairway to Heaven, autre incroyable chef d’œuvre d’hu- vrir la manière dont lÊauteur a apprivoisé ce style Est-ce que les nombreux vides dans ces histoires de mour décalé mais s’inscrivant, cette caractéristique du renouveau du josei (le manga pour quelques pages, et entre les histoires elles-mêmes, fois, dans le genre érotique. jeunes filles et jeunes femmes) dans les années 1990. aident à combler lÊocéan culturel qui sépare les lec- CHRISTIAN MARMONNIER On nÊest dÊailleurs jamais loin du milieu des mangakas trices japonaises et françaises ? Sans doute, on y inves- [les auteurs de mangas, NDLR], de ceux qui étudient tit beaucoup de soi-même, et cela permet de sÊappro- L’Île des téméraires, one-shot, de Shuho Sato, KANA, BIG KANA, prier des situations loin dÊêtres explicites, évidentes. Et 208 P. N&B, 8,50 € pour les garçons, cÊest lÊoccasion de lire ce quÊils ne Enfermé sous l’eau voient pas dÊordinaire – ce qui intéresse peu les garçons avec une tonne et japonais dÊailleurs, mais le josei en France, lorsquÊil est demi de TNT dans un tube de métal à de qualité, trouve aussi son public masculin. Parce que, hélice que l’on doit bien sûr, cÊest de la BD, du récit en image, plus que du piloter en aveugle... manga ou autre étiquette. Impossible de ne pas avec la certitude de conseiller ce beau recueil aux amateurs dÊhistoires trouver la mort au courtes, quÊil faudra relire quelques fois avant de péné- bout du voyage, voilà la tragique perspective auquelle se trer leur mystère, leur beauté, leur tristesse. confrontent ces volontaires de 1944 à BORIS JEANNE qui l’armée a expliqué que leur sacri- fice sauverait le Japon. Ce manga WATER, nous présente la formation de ces kamikazes de la mer, moins célèbres DE KIRIKO NANANAN, que leurs compatriotes aériens. Si CASTERMAN, SAKKA, l’auteur réussit à nous immerger dans l’angoissant climat d’un cauchemar COLL. ÉCRITURES, hélas historique, il peine à nous faire comprendre les motivations de ses 196 PAGES N&B, protagonistes. EN RAYONS VLADIMIR LECOINTRE © Nananan / CASTERMAN SAKKA 15 E N°21 sept-oct 2009 25

BExBOY, Vol.2, collectif, ASUKA, 340 P. N&B et 6P. COUL., 4,95 € Un auteur en hiver La jeunesse de France part à vau- l’eau. Pour preuve, Fin juin, Jirô Taniguchi était de nouveau de passage en France pour assister le succès du pre- cette fois-ci au tournage de Quartier lointain. Et il en a profité, à l’initiative mier numéro d’un des éditions Casterman et du Festival d’Angoulême, pour évoquer sans fard magazine de pré- publication de son œuvre et son parcours. La chose est sûre : à plus de 60 ans, le mangaka est manga « boy’s en passe de devenir l’un des auteurs japonais, tous genres confondus, les plus love » : quand on sait à quel point la appréciés des lecteurs français de 17 à 77 ans. Pourquoi ? Comment ? Vaines prépublication a du mal à se réinstal- tentatives de réponse. ler en France, et que la niche est censée être celle des adolescents homosexuels, on se dit que ce nterrogez vos proches, ou visitez les forums de dis- succès révèle un engouement qui cussion qui parsèment Internet et vous vous ren- excède largement son seul public I drez vite compte que Jirô Taniguchi arrive à récon- visé. Pas mal de jeunes filles doivent cilier lÊinconciliable : à savoir, primo, faire aimer la également trouver leur compte dans ces histoires de jeunes hommes avec bande dessinée à un lectorat qui en lisait peu ou pas du de plus jeunes hommes, tantôt fleur tout et, secundo, faire lire des mangas à des bédéphiles bleue (Silent Love), tantôt trash enkystés jusque là dans des préjugés antédiluviens. En (Viewfinder). Un drôle de pari relevé dehors peut-être dÊune clientèle adolescente, lÊauteur a par Asuka, qui sort le numéro deux fin septembre, avec toujours 340 réussi quelque chose dÊassez inouï dans le monde fran- pages d’amourettes gay pour un prix cophone. Cela justifie sans doute son attention parti- dérisoire. culière pour le public hexagonal qui lÊovationne tant. Ce nÊest en effet pas si fréquent quÊun auteur japonais Fool on the Rock, T.1, de Chihiro se déplace aussi régulièrement chez nous et, de plus, Tamaki, ASUKA, 192 P. N&B, 7,95 €

© Franciosa Dans Walkin réponde avec facilité et décontraction aux questions JIRÔ TANIGUCHI Butterfly, Chihiro quÊon lui pose. Ce fut encore le cas ce mois de juin, Tamaki appliquait lorsque ce dernier vint assister à quelques jours de prépare une refonte de Au Temps de Botchan pour 2010 son dessin délié tournage de Quartier lointain, lÊadaptation au cinéma de (la série était jusquÊalors dans le giron du Seuil). Tout à une grande gigue garçon sa propre bande dessinée. Dans la lancée, une petite cela paisiblement, et en attendant la sortie du film, manqué qui tournée de presse fut orchestrée et le mangaka se prêta prévue lÊan prochain. Film dont on reparlera sans apprenait le man- même au jeu dÊune rencontre exceptionnelle à la Fnac doute⁄ nequinat. Avec Montparnasse (visible sur Fnaclive.com), où il expli- CHRISTIAN MARMONNIER Fool on the quait certains des éléments constitutifs de son travail. Rock, elle fait rentrer ses personnages dégin- gandés dans les cases plus strictes Un ciel radieux Quartier lointain, le film, est réalisé par Sam Garbarski avec Pascal du pur shônen : on assiste à la créa- Gregorry, Léo Legrand, Jonathan Zaccaï et Alexandre Maria Lara. tion d’un groupe de rock et leurs pre- LÊintrospection ? CÊest avec Au Temps de Botchan (édité miers pas dans les live houses de Tokyo, ces boîtes qui sont les pre- entre 1987 et 1996) quÊil aurait découvert la possibilité mières scènes de concert, pour le de décrire des sentiments pour formuler un premier meilleur et pour le pire. Ce premier manga assez intime. LÊHomme qui marche (édité en 1990- tome n’atteint pas le niveau d’inten- 1991) ? CÊest une initiative dÊun éditeur qui lÊa poussé sité de l’immense Beck d’Harold dans cette voie et lÊa convaincu à écrémer le surplus de Sakuishi, mais réserve son lot de per- sonnages déjantés. commentaires pour écrire une bande dessinée ÿ dÊun nouveau genre Ÿ. On le retrouve aussi sÊexprimant dans la Kamen Teacher, T.1, de Tôru presse. Ainsi, dans Le Figaro Magazine dÊaoût dernier, Fujisawa, PIKA, 224 P. N&B, 6,95 € qualifié ÿ dÊauteur de mangas préféré des Français Ÿ, il réagit Finalement, Eikichi Onizuka n’a à une batterie de questions précises où il dévoile son jamais tabassé panthéon personnel de dessinateurs (Tezuka, ses élèves. Hiroshige, Hopper, Van Gogh et Klimt) et établit Visiblement que, pour lui, ÿ la mélancolie est un vrai état créatif Ÿ. Ceci énervé par l’échec expliquant sans doute cela. LÊhomme est modeste, de ses séries non- lycéennes comme trouve parfois quÊon le surestime mais dans tous les Tokko et Rose Hip cas, séduit ses interlocuteurs. Et pour en revenir sur Rose, Tôru cette attention particulière, quoi de plus normal quand Fujisawa se relance donc en radicali- ce succès est confirmé par des chiffres. ¤ cet égard, les sant son propos sur l’école : il y envoie un prof qui lutte contre l’inat- éditions successives de Quartier lointain voisineraient les tention et l’absentéisme des pires 250 000 exemplaires vendus (chiffres annoncés offi- 2002, © Casterman 2009 © JIro TANIGUCHI, HAWK) (SKY TEN NO TAKA caïds par un matraquage en règle à ciellement par Louis Delas, PDG de Casterman). Petit coup de ballon de basket et de tonsu- à petit donc, lÊfluvre de Taniguchi sÊinstalle dans notre re des cheveux. Comme dans GTO, paysage. Elle se partage désormais entre deux mai- c’est surtout la veulerie des autres professeurs laxistes qui est ici visée, sons. En décembre, Kana proposera une version car- d’une manière complètement binaire : tonnée du Sommet des Dieux ((165 000 exemplaires ven- le prof sympa se fait cogner, le prof dus jusquÊà ce jour, les 5 tomes cumulés – sources casqué frappe plus fort. Défoulant, en Kana). Tandis que Casterman publie Sky Hawk, un attendant la suite de GTO. BORIS JEANNE one-shot indianiste de 2001, réédite Le Chien Blanco et EXTRAIT DE “SKY HAWK” S BD U 26 N°21 sept-oct 2009

zoom bd US Betty Boop, de Max Fleisher, VENTS D’OUEST, CLASSIQUES, Whiteout 112 P. COULEURS, 17,99 € Betty Boop, l’une des réussites des Frères Fondu au blanc Fleisher, à qui l’on doit aussi Le polar a été durablement marqué par la figure du détective en imperméable un immortel cartoon sous la pluie, sur le modèle du Sam Spade de Dashiell Hammett. Si les déclinai- Superman, sons ont été nombreuses depuis la période du hard boiled, les femmes se sont n’est pas seulement faites rares dans les romans policiers, si ce n’est les whodunnit où règne Miss une vedette Marple. Avec Greg Rucka, les temps changent ! de l’écran, mais également une star de la BD. Ce volume permet de redécouvrir les pages domini- cales de son strip, accompagnées d’un appareil critique qui resitue l’œuvre dans son contexte. Un réel travail éditorial de qualité. JEAN-MARC LAINÉ

WildC.A.T.S : monde des origines, d’Alan Moore et Travis Charest, PANINI COMICS, 208 P. COULEURS, 24 € Alan Moore est un génie de la © Rucka et Lieber / AKILEOS narration BD, qui a propulsé les comics, la politique ou encore l’érotis- me à des som- reg Rucka commence à se faire un nom dans Thing de John Carpenter que lÊon pense). Car cet mets d’intelli- les comics, après sÊêtre imposé comme auteur Antarctique de glace, de vent, de neige et de gence. Mais de romans thriller. Il a attaché son nom à des brouillard, où lÊhorizon, les silhouettes et les identités ses œuvres G maîtresses séries comme Black Widow, Checkmate ou Question, et a restent indéfinis, a ce caractère fantastique des grands sans cesse rééditées ne doivent été lÊun des rares scénaristes de lÊhistoire à écrire en polars qui dépassent les limites du genre. pas faire oublier qu’il a exploré les même temps Superman, Batman et Wonder Woman. Avec JEAN-MARC LAINÉ limites du genre super-héros, son ami Ed Brubaker, il a coécrit des épisodes de notamment dans cette refonte des Gotham Central ou Daredevil. Dans la plupart de ces pro- WildC.A.T.s de Jim Lee : invention de personnages, création de vilains ductions, Greg Rucka anime des personnages féminins mémorables, jeu de référence, forts. changement de statu quo, c’est un Ce nÊest pas une nouveauté. Dans ses romans, les florilège de bonnes idées servies femmes ont la part belle. Son héros Atticus Kodiak1 par un Travis Charest en pleine explosion. Une réédition méritée. est entouré de baroudeuses. LÊhéroïne du roman 2 JML Traquée par son passé fonctionne sur le même modèle : elle se bagarre, crache par terre, dit des gros mots, a War is Hell, T.1, de Garth Ennis et un penchant pour lÊalcool et des tendances saphiques. Howard Chaykin, PANINI, Greg Rucka a débuté chez les indépendants : Whiteout © Rucka et Lieber / AKILEOS 120 P. COULEURS, 12 € Sous ce titre est sorti chez Oni Press, tout comme Queen & Country, anonyme se déglamorisation du récit dÊespionnage avec pour cache un récit héroïne la râleuse Tara Chace. qui mérite le Carrie Stetko, le personnage principal de Whiteout, est détour : d’une une sflur de Tara Chace. U.S. Marshal en Antarctique part, c’est une relecture d’un (lÊombre du Fargo des frères Coen nÊest pas loin), elle vieux personna- doit résoudre des meurtres dans un désert de glace, ge Marvel, le tout en affrontant le mépris de civils machistes qui ne Phantom Eagle, reconnaissent pas lÊautorité de lÊÉtat dans leur petite 1 aviateur des Protection Rapprochée, La Pire des trahisons et Écran de fumée sont dispo- années 10. communauté quasi-autarcique. Le dessin réaliste de nibles au Livre de Poche. D’autre part, c’est un récit de plus Steve Lieber, panoplie virtuose dÊeffets pour rendre le 2 Traquée par son passé est disponible en poche au Masque. marquant le retour d’Howard flou des décors balayés par le vent et la neige, fait Chaykin comme dessinateur, merveille. Son trait évoque Lee Weeks, Eddie WHITEOUT, jamais manchot en matière de Campbell ou encore le maître Alex Toth. Expressif et reconstitution historique. Enfin, il DE GREG RUCKA nuancé, il donne de la profondeur aux décors, mais s’agit pour le scénariste Garth ET STEVE LIEBER, Ennis d’une nouvelle exploration de aussi aux caractères des personnages. l’univers de l’armée, une obsession Si la première série Whiteout se penche sur les rouages AKILEOS, personnelle de l’auteur. Ici, les pre- de lÊenquête criminelle au fond de lÊAntartique, sa miers pas de l’aviation dans la 128 PAGES N&B, suite, sous-titrée Melt (la ÿ fonte des glaces Ÿ) envoie guerre moderne. SORTIE LE 15 OCTOBRE JML Carrie Stetko dans une station russe, (là, cÊest au The 13 E dépositaires en France et en Belgique

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AU CINÉMA LE 21 OCTOBRE S EDW A&-NB N°21 sept-oct 2009 AGCEINNDÉ 28

zoom ciné Mia et le Migou Le Petit Nicolas Après La Prophétie des grenouilles, Mia et le Migou confirme ou l’adaptation la plus risquée de l’année en Jacques-Rémy Girerd un auteur Des enfants en culottes courtes, un premier de la classe à lunettes, un bagar- préoccupé par les reur, un gosse de riche, un petit gros sympathique aux mains grasses… Toute la questions écolo- giques, comme la bande de Nicolas, le plus illustre des écoliers, est de retour pour cette adapta- déforestation ou le tion au cinéma de l’œuvre de Goscinny et Sempé. développement durable (d’ailleurs le boîtier est en car- ton recyclé). Mais sa grande force est de les synthétiser pour les plus jeunes sans édulcoration. Car, sous son ver- nis naïf et impressionniste, Mia et le Migou affiche un pessimisme très miyazakien où l’appât du gain et le carriérisme détruisent l’écosystème et la cellule familiale. Ne manquez pas le making of très complet et le portrait attachant de Girerd. Un Blu-ray France Télévisions Distribution

Démineurs,de Kathryn Bigelow On croyait avoir perdu Kathryn Bigelow. Comme nous avions tort ! Editions / Goscinny-Sempé © IMAV © photo : Thierry Valletoux Avec Démineurs, elle nous invite à suivre le quotidien d’une équipe de déminage de l’armée américaine durant l’occupa- tion de l’Irak. Certains reprocheront le manque de fluidité entre les séquences. Les autres seront happés par la tension insoutenable qu’elle insuffle par endroits. Ils se réjouiront aussi de la voir renouer avec son sujet d’étude favori : la vanité mascu- line. D’une dignité absolue, Démineurs est son meilleur film depuis Near Dark. Second couteau de talent, Jeremy Renner explose ici (sans mauvais jeu de mots). réé en 1959 par René Goscinny et Jean-Jacques Côté adultes, Valérie Lemercier et Kad Merad en font Le 23 septembre Sempé, le petit Nicolas est devenu un person- trop, on ne retrouve pas la candeur des personnages de Mary et Max, d’Adam Elliot C nage familier de tous les écoliers français. Goscinny. La direction dÊacteurs est donc à lÊimage du Petits et grands se retrouvent dans cet univers idyllique film : inégale, avec quelques sursauts réussis, mais dans des années 50, où la seule préoccupation des enfants lÊensemble, une déception, après des années dÊattente. était de faire des bêtises à la récré, et où le papa de Des nombreuses histoires écrites par Goscinny, les scé- Nicolas tentait dÊavoir une augmentation en semaine, naristes, pourtant aidés par Alain Chabat, nÊont pas su et se chamaillait le week-end avec le voisin, M. retenir les plus drôles et les plus touchantes, nous met- Blédurt. tant face à un scénario cousu de fil blanc, qui nÊexploi- te pas toutes les possibilités des personnages. Les © Gaumont Distribution Le Petit Nicolas, cÊest aussi lÊhumour de Goscinny, et son grands enfants que nous sommes ressortent un peu Bonne pioche que ce film d’animation en provenance d’Australie suivant intelligence dans des scénarios où lÊon voit le monde à déçus, mais les petits sauront sÊamuser des pitreries de l’amitié épistolaire entre une gamine travers les yeux dÊun enfant, avec une tendresse mêlée la bande de Nicolas. Espérons pour tous que la série complexée de la banlieue de de malice. La richesse de son univers réside aussi dans animée prévue pour ces prochains mois sur M6 saura Melbourne et un Juif obèse new yor- ses personnages secondaires, les copains et les adultes, rattraper le tout. Et en attendant, les livres sont tou- kais atteint de la maladie d’Asperger. Grand prix de la dernière édition ayant tous leur personnalité bien affirmée. jours aussi bons, et disponibles⁄ d’Annecy, Mary et Max fait vraiment Adapter une telle fluvre au cinéma était donc risqué. figure d’OFNI, moins pour le charac- Comment retranscrire cette atmosphère presque LOUISA AMARA ter design de ces êtres en pâte à ouatée sans verser dans la nostalgie ? Laurent Tirard a modeler que par la noirceur des fait le choix de respecter lÊambiance, côté époque, cos- sujets traités (en vrac : la mort, l’al- LE PETIT NICOLAS, coolisme, le suicide, le chocolat, la tumes, langage, sans vraiment dater lÊhistoire, on reste DE LAURENT TIRARD, solitude…). Néanmoins, il se dégage dans lÊunivers des fifties. Les personnages sont dépeints de cette correspondance de 20 ans avec une certaine exactitude. Mais à part Clotaire, qui AVEC MAXIME GODART, VALÉRIE un humour typiquement australien et a une bouille adorable, collant parfaitement à son rôle LEMERCIER, KAD MERAD... une terrible humanité méritant le déplacement. de cancre, et Agnan, le premier de la classe, véritable COMÉDIE - WILD BUNCH - 1H30 Le 30 septembre tête à claques, les autres enfants, et surtout le héros SORTIE LE 30 SEPTEMBRE 2009 JULIEN FOUSSEREAU Nicolas, nÊarrivent pas à nous émouvoir.

S EDW A&-NB N°21 sept-oct 2009 AGAENRTD 30

zoom art Bob l’Éponge Saint-Luc fête ses 40 ans de BD !

© Nickelodeon La section BD de l’institut Saint-Luc de Bruxelles est tout simplement une réfé- rence dans le métier. Créée fin 1968 à l’instigation de Monsieur Hergé en per- sonne, elle peut se targuer, après 40 ans d’existence, d’avoir formé une impres- Pour fêter son 10e anniversaire, sionnante brochette d’auteurs. Afin de mieux profiter des festivités de l’année Bob l’Éponge, l’habitant le plus déjanté de Bikini Bottom, fait son de la bande dessinée en Belgique, l’Institut a choisi de reculer de quelques show à Paris dans le cadre d’une semaines l’anniversaire. exposition le mettant en scène de façon décalée dans différents tableaux rendant hommage à de uel est donc le rapport entre des célèbres peintres (Botticelli, dessinateurs aussi célèbres et Magritte, Van Gogh…). Le délirant différents que Schuiten, Sokal, cuistot du Crabe Croustillant joue Q Andreas, Berthet, Bézian, par ailleurs le guide dans un espa- Foerster, Swolfs, Yslaire, Francq et bien © Institut Saint-Luc ce dédié à la protection des océans. C’est aussi l’occasion pour dÊautres encore ? Ils ont tous usé leur fond ses fans d’admirer toutes sortes de culotte (dÊétudiants) sur les bancs de d’objets collector à son effigie et de lÊÉcole supérieure des Arts de Saint-Luc, voir un épisode encore inédit de située en plein cflur de la capitale belge, ses inénarrables aventures. Jusqu’au 20 novembre au Pavillon juste à côté de lÊarrêt de bus ÿ Ma cam- de l’Eau à Paris pagne Ÿ. Leur carrière, ils la doivent un JOSEPHE GHENZER peu à Hergé. Et pas seulement comme source dÊinspiration. ¤ la fin des années Goscinny : Faire rire, quel métier !, 60, à une époque où la bande dessinée est de Aymar du Châtenet et Caroline Guillot, DÉCOUVERTES méprisée par les écoles des beaux-arts (ah GALLIMARD, 128 P., 12,90 € bon, ça nÊa pas changé ?), le père de Tintin Puisque l'on suggère en effet à son ami le directeur de parle d'hu- Saint-Luc de créer un cours de BD par cor- CLAUDE RENARD, FRANÇOIS SCHUITEN ET PIERRE POURBAIX EN PLEINE SÉANCE DE TRAVAIL mour dans ce numéro, respondance. Aidé par le climat dÊaudace autant se post-soixante-huitard, ce dernier le prend au mot et Les autres nÊéchouent pas nécessairement, mais sont pencher sur relance de 100 francs belges : fin 1968, une véritable souvent moins visibles, dans lÊanimation, le story- l'un des section BD se met en place à lÊInstitut, une première board ou la communication. plus grands mondiale. (inventeur d'Astérix, AujourdÊhui, on vient des Et pour célébrer dignement lÊanniversaire, lÊInstitut a Iznogoud et quatre coins de lÊEurope pour ressuscité lÊesprit de son collectif ÿ le 9e rêve Ÿ, dont bien suivre le cursus de lÊESA. En les volumes, parus entre 1976 et 1984, ont fait d'autres…), trois ans, lÊapprenti bédéaste connaître les travaux dÊune nouvelle génération dÊau- et ce livre sort à point. La carrière et la métho- doit assimiler les principes de teurs, tous issus de Saint-Luc. Pour 2048 (voir couver- de de travail de cet acharné de l'écri- base de la narration, quÊelle ture ci-contre), les étudiants actuels ont sué sang et ture et de l'édition sont racontées et soit graphique ou écrite. Il eau sur un thème simple : le récit commence le 30 analysées minutieusement, avec intègre également des octobre 2048 à 10h30, heure de Bruxelles⁄ Les plein d'anecdotes, de détails intéres- connaissances plus générales planches ont été publiées en juin dernier dans un gros sants et d'illustrations. L'occasion de réaliser, si l'on en doutait encore, sur lÊart ou les techniques dÊé- volume de 300 pages. Comme à chaque fois en pareil que faire rire n'est pas affaire de dition. Selon Pierre Pourbaix, cas, on feuillettera avidement ce pavé pour pouvoir légèreté. Harassé de travail, lÊun des professeurs, à lÊissue sÊexclamer dans les dîners mondains : ÿ Machin ? Mais Goscinny en mourut. de lÊenseignement dispensé, la moitié des élèves trou- moi je lÊai connu à ses tout débuts ! Ÿ OLIVIER THIERRY ve une activité professionnelle dans la bande dessinée. THIERRY LEMAIRE

JEUNES DESSINATEURS, SCÉNARISTES, COLORISTES, ÉDITEURS EN HERBE OU PROFESSIONNELS Rencontrez-vous et élaborez des projets ensemble au cours des ZOOpportunités de la BD L’événement de Networking / Matchmaking organisé par ZOO et le FIBD à Angoulême le 29 janvier 2010. Vous cherchez un scénariste, un dessinateur, un coloriste, un fanzine, un éditeur, une série à publier… ? Les ZOOpportunités de la BD sont pour vous.

Pré-enregistrez-vous (nombre de places limité) sur www.zoopportunites.com (ou sur www.zoopportunitesdelabd.com). Davantage d’informations dans notre numéro de novembre.

T EN EM N°21 sept-oct 2009 ÉVÉN 32 Bulles et embruns Depuis 1981, la ville de Saint-Malo accueille un festival de bande dessinée qui, au fil des années, a su affir- mer sa singularité. « Quai des Bulles » est désormais un rendez-vous que les bédéphiles prennent plaisir à honorer chaque automne. À quelques cases de l’édition 2009, nous avons interrogé deux des organisateurs du festival : Joub et Lucien Rollin. Cette année encore, ZOO sera de la fête. © Quai des Bulles 2006

QUAI DES BULLES 2006

ouvez-vous rappelez brièvement à nos lecteurs lÊhistoire de ce sinées. La partie professionnelle est également présente puisque nombre festival ? Qui en est à lÊorigine, quelle est sa vocation initiale ? dÊéditeurs participent au festival et que les auteurs peuvent rencontrer leurs P Le festival de BD de St-Malo est né en 1981 à lÊinitiative de Jacques responsables éditoriaux à Saint-Malo. Pour ce qui est du succès, je pense Plouët, acteur du monde associatif de la Mairie⁄ une dizaine dÊannées quÊil tient à la fois de la situation géographique du festival et dÊune grande plus tard, le festival a connu sa crise dÊ ÿ adolescence Ÿ, et est devenu volonté dÊassurer un accueil irréprochable à lÊensemble de nos invités : ÿ Quai des Bulles Ÿ, organisé par une association indépendante. auteurs, festivaliers, partenaires, médias⁄ La volonté de ne jamais déroger Association portée par des auteurs, grande spécificité de ce festival, Jean- à cette ligne de conduite nous a permis dÊavoir lÊestime du monde de la BD Claude Fournier, Alain Goutal et Dieter au départ, et bien dÊautres par la et la fidélité du public. suite : Lucien Rollin, Joub, Nicoby, Étienne Davodeau, Jean-François Miniac⁄ Les solutions dÊhébergement sont-elles à la hauteur ? Saint-Malo est une ville touristique qui dispose dÊune très grande richesse Comment Quai des Bulles se distingue-t-il des autres grands festivals et dÊhébergement. Les auteurs et le public peuvent être logés à proximité du comment analysez-vous son succès ? festival sans aucun souci. Le festival Quai des Bulles offre un regard assez complet sur le monde de la bande dessinée. Outre lÊespace de dédicaces que lÊon retrouve dans la Organiser un festival, est-ce rentable financièrement ? Comment vous- plupart des festivals, nous offrons au public et aux auteurs présents une y prenez-vous de ce côté-là ? grande diversité dÊopportunités de rencontres. ¤ travers des expositions, Le festival est organisé par une association loi 1901 qui nÊa pas pour but de des rencontres, des débats, des animations et des projections, le public faire du résultat. Notre budget est bâti sur des subventions, des partena- peut découvrir lÊensemble des facettes du métier dÊauteur de bandes des- riats privés, la location de stands et sur les entrées au festival. Le fait que N°21 sept-oct 2009 33

du plaisir à participer à lÊorganisation dÊun festival de zoom art cette importance. Roland-Garros tape dans la bulle Bande dessinée et Le festival dÊAngoulême : grand frère, ou concurrent tennis, voila une à atteindre ? thématique incon- Nous nÊavons ni les moyens ni lÊenvie de les concur- grue. Pourtant, rien d’anecdotique rencer. Angoulême reste le festival historique et il y a dans cette exposi- de la place pour un grand festival comme Quai des tion organisée par Bulles qui a depuis longtemps gagné lÊestime du public le musée du ten- et des professionnels. nis. Ses huit cha- pitres sont astucieusement illustrés par la crème des héros de BD Quelle est la valeur des prix décernés à Quai des (Snoopy, Boule et Bill, Cubitus, Bulles par rapport à ceux dÊAngoulême ? Léonard, le Marsupilami, © Boucq et Jodorowsky / HUMANOÏDES ASSOCIÉS Certains membres de lÊéquipe estiment quÊil nÊy a pas Bécassine, Babar et bien d’autres). de raison de récompenser plutôt tels auteurs que tels Le public exigeant visitera la salle réservée au Rendez-vous de autres. La majorité pense quÊil est quand même intéres- Sevenoaks de Rivière et Floc’h et sant de décerner des prix pour mettre ou remettre en restera planté devant les planches évidence des auteurs ou des ouvrages qui nous sem- originales. Les autres iront s’amu- blent importants. Et il ne faut pas se cacher que sur un ser en jouant au vrai-faux tournoi des célébrités… BD. plan médiatique, la presse est, à tort ou à raison, très Jusqu’au 31 décembre, Tenniseum sensible aux prix attribués. CÊest un peu la même de Roland-Garros, Paris XVIe logique qui guide nos choix dÊexpositions. Le premier Festival Quels devraient être les principaux temps forts de des Arts Graphiques Je vous le deman- cette édition 2009 ? de : où peut-on, Chaque année les expositions sont très appréciées et pendant un week-

Uderzo au Salon du Livre 2008 / Georges Seguin en cela constituent un réel ÿ temps fort Ÿ du festival. end, trouver des dédicaces, des PARMI LES TEMPS FORTS DE CETTE ÉDITION : L’EXPOSITION CONSACRÉE À Avec des expos consacrées à de grands noms de lÊuni- BOUCQ ET LA VENUE D’ALBERT UDERZO tables rondes, des vers BD (Glénat, Uderzo, Boucq) ou dÊautres moins concerts illustrés, la ville de Saint-Malo nous soutienne largement depuis connus (Blanchin, Kokor ou Jourdy), lÊéquilibre et la des toy designers, le début de lÊaventure est la preuve de lÊimportance du diversité sont proposés. On sait dÊores et déjà que lÊex- des performances festival et du professionnalisme de lÊorganisation. position consacrée à Uderzo sur 15 jours attirera beau- graphiques, de la gravure, des coup dÊamoureux dÊAstérix. Et lÊauteur rencontrera le remises de prix et une expo Serge Clerc ? Perdu ! Ce n’est pas à Le festival a maintenant une excellente aura et beau- public (petits et grands) lors dÊun spectacle où il dessi- Angoulême mais bien au premier coup de visiteurs. Cependant, on sent quÊil a comme nera en direct ÿ les portraits gaulois Ÿ racontés par Festival des Arts Graphiques, inti- atteint un ÿ palier Ÿ. Est-ce quÊil est prévu de le faire Roger Carel. Des nouveautés également ; avec un tulé Portfolio, qui investit les grandir encore davantage, et si oui quels sont les Concert-Ciné-BD ÿ (Re)garde-Fous, Bézian vs Sayag 2000 m2 de la Bellevilloise, lieu de création artistique. Un joyeux hap- angles considérés pour le faire ? Jazz Machine Ÿ le samedi soir, ou la Fabrique de pening du graphisme (depuis le CÊest un constat que nous faisons depuis quelques Fanzines qui sÊadresse durant tout le festival à tous ceux style Atome en BD jusqu’aux 50 années déjà. Nous nÊavons pas lÊenvie de nous dévelop- qui souhaitent faire ou lire un fanzine⁄ et puis le stu- ans de la police Helvetica) à ne per à outrance. LÊeffort qui a été fait ces dernières dio photos où chacun peut encore laisser son portrait manquer sous aucun prétexte. années est plutôt axé sur notre présence dans le tissu sur un blog album souvenir. Temps forts enfin lors des Du 18 au 20 septembre, La Bellevilloise, Paris XXe local avec lÊorganisation de formations profession- rencontres organisées pour le public avec Cosey, nelles, dÊexpositions didactiques et dÊinterventions Boucq, Pinelli, Glénat⁄ Comics vinyls : quand la BD tourne dÊauteurs dans les milieux scolaires, bibliothécaires et rond même carcéraux. Bien sûr, nous rêvons dÊavoir des Combien de visiteurs attendez-vous en 2009 ? Quand Christian ouvertures vers lÊinternational, mais nos capacités Nos capacités dÊaccueil sont dÊune jauge de 30 000 visi- Marmonnier budgétaires nous obligent à être très prudents⁄ teurs sur les trois jours. Depuis quelques années notre va fouiller fréquentation est stable. Il peut y avoir une hausse dans son Le festival fonctionne encore comme une associa- quand nous organisons une exposition sur une durée grenier, ça tion. Est-il envisagé dÊen changer la forme pour en plus longue, comme cette année avec lÊexposition fait du bruit dans le faire une entreprise commerciale ? Uderzo. Landerneau. Nous estimons avoir atteint notre vitesse de croisière LA RÉDACTION Il en redescend avec toutes les et l Âensemble de lÊéquipe nÊéprouve pas le besoin de pochettes de disque illustrées par changer notre mode de fonctionnement. Même si lÊas- la BD qu’il a pu collectionner au fil des années. Bien sûr, on connaît pect commercial existe, comme dans toute manifesta- et Janis Joplin, tion importante, la priorité reste axée sur ce que nous Moebius et Jimi Hendrix, Dennis’ pouvons offrir au public de la manière la plus diversi- Twist, L’Affaire Louis’ Trio ou les fiée possible sur lÊunivers de la bande dessinée. Schtroumpfs, mais dans ce livre, ce sont plus de 400 couvertures qui s’offrent au regard du lecteur. Du © Jourdy / ACTES SUD BD La plupart des membres de lÊéquipe dÊorganisation EXTRAIT DE “ROSALIE BLUM”, PAR CAMILLE JOURDY blues au rock, des BO de films aux du festival ont des activités principales en dehors. dessins animés, Comics Vinyls est Que font-ils ? QUAI DES BULLES 2009 une mine d’or qui se parcourt avec LÊéquipe dÊorganisation (nous nÊavons pas de directeur Vendredi 23, samedi 24 et dimanche 25 octobre de 9h30 à 19h délice, même si l’on n’est pas col- Gratuit pour les moins de 12 ans - Vendredi, Samedi ou lectionneur. artistique) est constituée principalement dÊauteurs de Dimanche, la journée : 6,50 € Comics Vinyls, édition ereme, BD et de quelques professionnels du monde de lÊédi- Deux journées : 11 € 29,50 € tion. Le reste est constitué de passionnés qui trouvent EXPOSITION UDERZO du 23 octobre au 15 novembre THIERRY LEMAIRE UE Q Dans chaque numéro de ZOO, une personnalité du monde économique, artistique ou politique nous parle de sa passion THÈ BÉDÉ pour la bande dessinée et de sa bibliothèque de BD… sa « bédéthèque ». Après Guillaume Pépy, Président de la SNCF, dans notre dernier numéro, c’est au tour de Jean-Yves Le Gall, Président d’Arianespace.

zoom bd Terre-Neuvas de Chabouté, VENTS D’OUEST, 128 P. N&B, 17,99 € Jean-Yves Le Gall En 1913 la pêche à la morue n’était pas une Rencontre avec Jean-Yves Le Gall, Président Directeur Général d’Arianespace. partie de plaisir. Des mois sans toucher terre, omment en êtes- sÊappelle Vlad, dans un style post-moderne. Récem- avec le mauvais vous venu à lire ment, jÊai aussi beaucoup aimé Le Petit Bleu de la Côte Ouest, temps, le DR de la bande des- de Tardi dÊaprès Manchette. CÊest quasiment une Capitaine aca- C riâtre et les sinée ? fresque historique. JÊai aussi lu les séries Wayne Shelton, marins peu Cela date de quand jÊétais Lady S. Et jÊai bien entendu tous les Buck Danny. JÊai dû amènes avec les nouveaux... Quand enfant. Chaque semaine, lire 100 fois Les Voleurs de Satellites ! survient à bord une série de jÊattendais avec impatien- meurtres, le climat s’envenime. Dans ce la sortie du Journal de Comment faites-vous vos choix ? ce polar maritime forcément âpre, empli de la violence des éléments et Tintin. JÊallais lÊacheter au Quand je suis à Paris, je vais souvent le dimanche après- des rapports humains, Chabouté kiosque à journaux en bas midi au Virgin du Carrousel du Louvre. Je feuillette les tangue entre naturalisme et roma- de chez mes grands- BD que je ne connais pas, puis jÊen achète une ou deux. nesque. S’il montre plus de subtilité parents. Je lÊai lu à partir Si jÊaime bien, jÊachète la série. Quand jÊétais plus jeune, dans la première veine, il confirme sa science de la mise en scène et sa du moment où jÊai com- je passais des heures dans les Fnac pour lire des BD en position d’auteur attentif et précis. mencé à lire et jusquÊà 12 libre service. CÊétait extraordinaire de pouvoir lire tout VLADIMIR LECOINTRE ou 13 ans. ce quÊon voulait. JEAN-YVES LE GALL Les Krostons, Intégrale T.1, de QuÊest-ce qui vous attirait dans la BD ? La BD a-t-elle influencé de près ou de loin votre par- Deliège et Piroton, ÉDITIONS HIBOU, 112 P. COULEURS, 18.99 € Probablement la facilité de lecture et le fait quÊil y avait cours professionnel ? Qu’est-ce qui toujours un suspense qui était entretenu. Ceci nÊest pas CÊest la sempiternelle question de la poule et de lÊfluf : est petit, vert, le cas lorsquÊon lit une BD en album, mais au début, lire on ne sait pas si cÊest la BD qui a influencé mon par- méchant, qui un épisode chaque semaine, cÊest ce que je trouvais très cours professionnel ou mon parcours professionnel qui monte et qui intéressant. Depuis, je continue toujours à en lire. a influencé le choix des BD que je lis. Disons que jÊai descend ? Un kroston ! Les AujourdÊhui, je demande dÊailleurs souvent comme trouvé dans la BD un moyen dÊassouvir mon goût pro- fans se sou- cadeau des albums voire des collections entières. Je suis noncé pour lÊespace. JÊavais 10 ans lors du premier pas viennent du trio très bédéphile. Je feuillette une BD pratiquement tous sur la Lune. JÊai dans mon bureau une maquette de la de lutins malé- les soirs. fusée de Tintin, ainsi que les éditions originales des cou- fiques, nés en 68 dans vertures dÊObjectif Lune et de On a marché sur la Lune. Spirou, qui Quelles sont vos BD préférées, celles que vous DÊailleurs, chaque fois quÊil y a un lancement dÊAriane transforment la vie de Max Ariane en emporteriez avec vous sur une île déserte ? ou de Soyouz, ça me fascine⁄ JÊai la chance de pouvoir enfer. L’ordre de l’édition des inté- Ma BD préférée est probablement Valérian. JÊai lu le pre- accéder au pas de tir peu de temps avant le décollage et grales étant inversé, voici le dernier mier tome, La Cité des eaux mouvantes, qui est sorti en 1969 cÊest exactement lÊambiance que décrit Tintin dans mais premier tome avec deux his- toires et 15 pages de croquis inédits. et je dois confesser quÊà lÊépoque, Laureline cÊétait ma Objectif Lune, lorsquÊavec le Capitaine Haddock ils Malgré un dessin et des contrastes copine. Et puis ça se passait à New York en 1986 et tout découvrent la fusée lunaire au cflur de la nuit et que surannés, cette compil vaut le détour le monde rêvait alors dÊaller à New York, en particulier Tintin dit : ÿ Regardez donc ! Les tours de montage sont illu- et nous prépare à Les Krostons moi qui venais dÊavoir 10 ans. La série a ensuite accom- minées, la fusée est prête au départ⁄ CÊest féerique !... Ÿ. ¤ Maîtres du monde, film mêlant 3D et acteurs. On vous en reparlera… pagné certaines phases de ma vie et il y a des albums Kourou ou à Baïkonour, cÊest chaque fois la même HÉLÈNE BENEY que je relis encore très souvent. Quand je suis venu faire ambiance et là, la réalité dépasse la fiction ! mes études à Paris, à la fin des années 70, est sorti Métro Autobio, T.2, de Cyril Pedrosa, Châtelet Direction Cassiopée. CÊétait un melting pot très inté- PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER THIERRY AUDIE-FLUIDE GLACIAL, ressant : un mélange de science-fiction, de conquête REMERCIEMENTS ¤ CHRISTOPHE VATTIER DE LÊAGENCE 9, 48 P. COULEURS, 9,95 € Autobio présen- spatiale et de réalité présente. CÊest truffé de person- ET ¤ MARIO DELÉPINE. te la vie de nages extraordinaires, que lÊon retrouve dans la vie réel- famille d’un le. Par exemple, les Shingouz, ils me rappellent cer- jeune père, sa taines personnes de mon entourage professionnel, dont femme et leurs deux garçons, je tairai le nom (rires). Il y a une autre BD que jÊaime en proie à des beaucoup, à la fois pour la qualité du dessin mais aussi convictions éco- parce que la série a une fin, cÊest Bruno Brazil. [Dessiné logiques. Les par William Vance, lÊauteur de XIII, et écrit par Louis situations du Albert, NDLR]. CÊétait très inhabituel à lÊépoque de quotidien les DR © NMoulinsart plus banales (les courses au faire une BD dans laquelle la quasi-totalité des héros Biocoop, un sommet) deviennent des meurent à la fin, dans lÊalbum Quitte ou double pour Alak 6. mines de drôlerie grâce à l’humour Je lis souvent des BD qui ont un lien avec ce que je suis redoutable de Pedrosa. Et puis on en train de faire. Par exemple, je travaille depuis plu- peut prôner la saisonnalité des ali- ments, être de gauche, rechercher la sieurs années avec la Russie et on mÊa offert une BD qui qualité des produits locaux, faire des achats militants, et néanmoins aimer par-dessus tout les saucisses cocktail – et surtout pas celles au soja. Pedrosa, en plus d’être très sympa- thique, a un talent immense. OLIVIER PISELLA AC TU N°21 sept-oct 2009 35 BD

zoom bd Rockabilly Zombie Superstar, de Comme un Nikopek et Lou, ANKAMA ÉDITIONS, 96 P. COULEURS, 14,90 € Après la faculté de courir allouée poisseux dans l’eau aux morts vivants dans le film 28 Jours plus tard, Après trois one-shots mémorables, Nicolas Juncker se lance dans une série au Nikopek et Lou long-cours. Il s’agit de plonger dans les vicissitudes d’un équipage de sous- amènent une nouvelle pierre à mariniers allemands, entre 1935 et 1943. l’édifice mytholo- gique des zom- bies : le statut de « cadavre ambulant », incluant la possibilité de dealer avec ses pul- sions pour choisir son camp. Un sacré foutoir dans lequel s’empêtre Billy Rockerson, médiocre sosie d’Elvis en quête de rédemption. Nouvelle série du label 619 (piloté par Run, l’auteur de Mutafukaz), ce road-movie mordant la poussière du sud des États-Unis s’avère bigrement jouissif, sans qu’on sache encore, de l’armée des morts ou de celles des militaires, laquelle s’avèrera la plus pourrie. JULIE BORDENAVE © Nicolas Juncker / GLÉNAT

Les Sales blagues de l’Écho, T.15, ünther Pulst, 39 ans, est maître diesel dans un des espoirs et regrets de Günther Pulst, ancien com- de Philippe Vuillemin, e DRUGSTORE, 48 P. COUL., 10 € sous-marin allemand, pendant le III Reich. battant de 1914-18 désabusé et aigri. Ceci annonce le Ah ! Vuillemin et G Après deux mois de mission, lÊatmosphère est principe même de la série Immergés : chaque volume ses blagues de plus quÊétouffante à bord : lÊhumidité le dispute aux sera consacré à un des matelots. Par leurs origines géo- troquet ! Tout un remugles dÊurine, de vomi et de carburant, et la ten- graphiques différentes, par leurs différences dÊâge, de poème. Même au sion entre les hommes est à son comble. Pour ne rien milieu social, leurs valeurs religieuses ou politiques bout du quinzième album, le plaisir arranger, la nouvelle leur parvient que les services de très contrastées, les membres de lÊéquipage forment un (très) coupable est contrôle de la SS les attendent, dès leur retour à quai, microcosme qui permettra à lÊauteur de raconter la toujours là. Intact. pour une enquête. façon dont lÊarmée allemande a traversé le IIIe Reich. Entre deux lec- Le sujet est audacieux, mais Nicolas Juncker, après un tures studieuses de planches de maîtres, rien ne vaut Le point de départ, qui décrit le quotidien dans le cursus universitaire en Cinéma et Histoire, semble un bon décrassage au contact du trait huis-clos dÊun sous-marin allemand, nÊest pas sans évo- avoir faite sienne la devise de Danton : ÿ De lÊaudace, unique, dégueu et brouillon du roi des quer Das Boot, roman de Lothar-Günther Bucheim encore de lÊaudace, toujours de lÊaudace ! Ÿ. Jeune auteur, il histoires effroyablement drôles dans adapté en film par Wolfgang Petersen en 1981. Pour avait inauguré sa bibliographie avec Le Front, récit sans lesquelles il sera – forcément – ques- transmettre au lecteur un sentiment de claustropho- paroles situé au cflur de la Première Guerre mondia- tion de libido déviante chez les seniors flapis ou encore de détraqué bie, Nicolas Juncker a chargé ses vignettes de détails le, terrain dÊexpression favori de Jacques Tardi, pour rêvant de tronçonner du scout préala- et de personnages. LÊencrage, épais et goudronneux, ne pas dire domaine réservé de ce monstre sacré du 9e blement sodomisé… Merci, Vuillemin, contribue à restituer le caractère poisseux de lÊenvi- art. Changement dÊépoque avec Malet, qui raconte une pour tous mes éclats de rire gras. ronnement. Mais passé le premier quart de lÊalbum, lÊé- anecdote historique aussi loufoque quÊauthentique, JULIEN FOUSSEREAU quipage revient à terre. LÊhistoire prend alors une lÊhistoire de ce général qui profita de lÊabsence de L’Or et le sang, T.1, L’Appel du large, coloration plus thriller, tout en se recentrant autour Napoléon pour tenter un coup dÊÉtat basé sur le bluff, de Defrance, Nury, Bedouel et en annonçant la mort de lÊEmpereur. De lÊaudace Merwan, 12BIS, 58 P. COUL., 13 € encore et toujours, Juncker nÊen manqua pas, au Rien ne destinait moment de se lancer dans une libre adaptation de la l’aristocrate Calixte de trilogie des Mousquetaires avec DÊArtagnan, journal dÊun Prampéand à cadet⁄ Mais lÊauteur a également fait preuve de pru- s’associer au dence, la forme du journal intime de dÊArtagnan lui Corse roublard évitant dÊavoir à croiser les plumes avec Alexandre Léon Matilo. Mais les tran- Dumas. Audacieux, mais pas téméraire ! chées de la pre- mière guerre JÉRłME BRIOT mondiale vont voir naître leur rêve sous forme de IMMERGÉS, T.1, pacte : s’ils s’en sortent, ils devien- dront pirates des mers. Une promes- GÜNTHER PULST, se de liberté qui ne les quittera pas, malgré les obligations de leur retour DE NICOLAS JUNCKER, à la vie civile… Perso forts en gueule GLÉNAT - TREIZE ÉTRANGE, pour un premier tome réussi, augu- rant d’une bonne saga d’aventure, 54 PAGES COULEURS, mêlant petite et grande Histoire du e

© Nicolas Juncker / GLÉNAT XX siècle. EN RAYONS 13 E HÉLÈNE BENEY D B N°21 sept-oct 2009 ACTU 36

zoom bd BLACK OUT, T.3, de Floc’h & Rivière, Pachyderme, DARGAUD, 48 P. COUL., 13,50 € Avec ce troisiè- me et ultime album, Floc’h ter- mine sa série c’est du lourd hommage sur le courage exem- Petit prodige remarqué pour ses Pilules bleues en 2001, alors âgé d’à peine 27 plaire des Anglais lors de la ans, Frederik Peeters réchauffe ses ambiances d’errance glacée pour une incur- Seconde Guerre sion dans le Genève d’entre-deux-guerres. Mondiale, entamée avec Blitz (1983) et Underground (1996). Avec une belle ligne claire héritée de Blake et Mortimer, et un récit d’aven- ture old school, à la fois flegmatique et romanesque, il signe une mise en abîme très britannique, qui – au-delà de l’hommage évident et précité – est assurément une déclaration d’amour © Peeters / GALLIMARD pour les arts écrits populaires de la

presse que sont la BD et la nouvelle. DR So british ! WAYNE

ROI ROSE, de David B. (d’après Pierre Mac Orlan), GALLIMARD FÉTICHE, 48 P. COULEURS, 13 € David B. réalise FREDERIK PEETERS JOUXTE SON HÉROÏNE CARICE un vieux désir en adaptant la Êhistoire nÊest pas au centre des préoccupations nouvelle fantas- tique de Pierre de Frederik Peeters. Apparaissant parfois comme Mac Orlan. L un prétexte, elle constitue lÊécrin de ses univers L’atypique cotonneux et contemplatifs. Que ce soit dans des auteur de ambiances sombres et charbonneuses (Koma, avec L’Ascension du Pierre Wazem), ou dans lÊenvironnement amniotique Haut Mal signe ici un one-shot dÊune dérive spatiale (Lupus), lÊauteur affectionne les graphiquement superbe. Il met son errances sans but précis, si ce nÊest lÊévolution de la trait sec et anguleux au service de psyché de ses personnages. CÊest le même type dÊuni- cette histoire fantastico-ésotérique vers que lÊon retrouve dans Pachyderme, qui sÊattelle d’un enfant recueilli par un navire de pirates morts et damnés. Poissons, pourtant à un décor tout différent. Dans le Genève des vagues, Leviathan, abordage, motifs années 50, Carice, jeune femme bien mise, hante les divers et lignes tendues… L’ensemble couloirs dÊun hôpital à la recherche de son mari, victi- offre un univers graphique avant-gar- me dÊun accident. De cet accident, on ne saura pas diste en cohérence avec un ton grand-chose, si ce nÊest quÊil est le point de départ à mélangeant douceur et amertume, macabre et poésie. La mélancolie et une quête fantasque dans un hôpital organique : cou- la réflexion qui planent sur l’album loirs qui se mélangent, morts qui se réveillent, appari- sont à l’image des principales oeuvres tions inopinées⁄ du dessinateur. WAYNE En arrière plan, sÊesquisse un destin : une vie de Mme Tupac Shakur, T.1, de Barnaby Legg, Bovary, des aspirations étouffées, qui incitent Carice à Jim MacCarthy et Flameboy, INDEEZ, pousser un peu plus loin les portes de lÊunivers étriqué 96 P. COUL., 18 € qui lÊentoure. Et de mystères, son environnement nÊen explique Fréderik Peeters, qui en appelle à Lubitsch, Décidément, la BD (notam- est pas avare. Mais – à la manière du lecteur qui ne Borges et Buñuel. Présenté dans un colossal format ment améri- devra pas sÊétonner de retrouver, dès les premières (220 x 310), Pachyderme se présente quasiment comme caine) s’inté- pages de lÊalbum, le pachyderme éponyme couché en un exercice de style, auquel on se prête avec langueur. resse de près travers dÊune rue, bloquant la circulation – Carice sÊen ¤ lÊimage du prénom de son héroïne, Carice, ni tout à à la musique. remettra avec indolence aux caprices du destin qui fait réel, ni tout à fait fictif, comme un drôle dÊécho à Et ZOO (voir numéro 19) peuple son univers de créatures bien étranges : petits une réalité distordue, au charme liquoreux et envoû- s’intéresse au enfants hydrocéphales, mystérieux agent secret emmi- tant. petit éditeur touflé, ancêtre momifiée et omnisciente⁄ Et si la rou- JULIE BORDENAVE Indeez, qui quine joliment sexy se retrouve malgré elle au cflur explore des PACHYDERME, contrées encore assez boudées par dÊune histoire dÊespionnage, cÊest pour mieux per- les amateurs de super-héros ou de mettre à lÊauteur de croquer avec allégresse des stéréo- DE FREDERIK PEETERS zombies. Ce Tupac Shakur à l’esthé- types dÊune époque – chirurgien classieux un brin tique hip hop se trouve à la croisée déchu, garçonne aux airs mutins qui taquine le saphis- (SCÉNARIO ET DESSIN), des mondes de la BD, du graph, du me⁄ ÿ GALLIMARD, design et du cartoon, et offre une Au départ, il y a une envie abstraite de dessiner des inté- vision forte de cet univers culturel, rieurs Arts Déco, des jupes qui ondulent en épousant la démarche 96 P. COULEURS, que l’éditeur considère comme « un des femmes. Des attitudes, des façons de parler [⁄]. Tout part de mode de vie ». lÊunivers des grandes comédies américaines des années 30 / 40 Ÿ, EN RAYONS 16,50E JEAN-MARC LAINÉ N°21 sept-oct 2009 37 La minute nécessaire de monsieur Fabcaro « – Mexico, Mexiiiiiiiiiiiiiii – Ta gueule ! » P. Desproges, « Vivons heureux en attendant la mort », Seuil 1983 © Fabcaro / LA CAFETIÈRE © Fabcaro / LA

EXTRAIT DE “LIKE A STEAK MACHINE” Êautodérision, contrairement à lÊautobio- anecdotes dessinées par Fabcaro jouent de graphie, ne se place pas dans la contem- cette superposition comme élément humoris- L plation narcissique, mais dans le doute. tique. Le résultat final est un album souvent Elle interpelle ÿ lÊautre Ÿ sur lÊabsurdité du réel très drôle, dont on ne peut espérer une suite et de lÊexistence. Elle ne vise pas lÊadmiration, que dans les plus brefs délais. mais plutôt une forme dÊabsolution. Bouzard, Autre actualité, Fabcaro a réuni deux projets en Chauzy et quelques autres ont construit de un, à travers Jean-Louis et son encyclopédie publié cette façon une complicité entre eux et leurs par Drugstore. Ce titre regroupe sous forme de lecteurs. Fabcaro, à travers deux albums, Le strips les mésaventures dÊun enseignant bino- Steak haché de Damoclès et Droit dans le mûr, sÊest clard, maladroit et mesquin. LÊalbum contient fait, lui aussi, une spécialité de cette forme aussi une sorte de dictionnaire de lÊabsurde, qui dÊhumour. LÊauteur met lÊaccent sur les situa- rappelle par moments La Minute nécessaire de mon- tions ubuesques qui jalonnent le quotidien, les sieur Cyclopède de Pierre Desproges. Fabcaro a exaspérations que nous refoulons et ces grands imaginé que Jean-Louis voudrait rompre avec moments de solitudes que nous peinons à évo- sa solitude et sa misère sexuelle en rédigeant sa quer. Son style entre, par instants, en résonan- propre encyclopédie, celle-ci devant lui assurer ce avec celui de Pierre Desproges lorsque ce lÊadmiration de ses pairs et les faveurs de dernier évoque, par exemple, la promiscuité Martine, une jolie enseignante. embarrassante dÊun inconnu dans un ascenseur. Un des aspects de Fabcaro, cÊest son aisance à Le nouvel album de Fabcaro publié par lÊédi- faire rire par lÊabsurde. Talijanska (La Cafetière) teur ÿ La Cafetière Ÿ associe des situations ou plus récemment La Clôture (6 Pieds sous vécues à des morceaux de musiques. Avec Like a terre) en sont deux exemples. Dans lÊécriture Steak machine, lÊauteur crée une passerelle origi- de Fabcaro, lÊautodérision et lÊabsurde sÊaccor- nale avec son lecteur. QuÊelles soient embarras- dent autour du doute. Car lÊabsurde, cÊest la rai- santes, nostalgiques ou amusantes, toutes les son lucide qui doute dÊelle-même⁄ Étonnant, non ? KAMIL PLEJWALTZSKY

Like a Steak Machine, de Fabcaro, LA CAFETI˚RE, 48 P. N&B, 9,50 €

© Fabcaro / DRUGSTORE Jean-Louis et son encyclopédie, de Fabcaro, EXTRAIT DE “JEAN-LOUIS ET SON ENCYCLOPÉDIE” DRUGSTORE, 48 P. COULEURS, 10 € D B N°21 sept-oct 2009 ACTU 38

zoom bd Pascal Brutal, T.3, Plus fort que les Le retour des plus forts, de Riad Sattouf, AUDIE-FLUIDE GLACIAL, 48 P. COULEURS, 9,95 € « Rutilante » est certainement le Passagers du vent terme le plus approprié pour C’est l’énorme surprise de la rentrée : 25 ans après leurs dernières aventures, qualifier la cou- verture. Ce n’est les Passagers du vent reprennent du service. Un saut dans le temps qui se pas un tome 3, retrouve dans l’album où Isa revient sur quelques moments clés de la série c’est un tome « cube ». Pascal mythique. Rencontre avec son créateur, François Bourgeon. chevauche sa grosse cylindrée, à poil, laissant der- Êest un retour en arrière ? rière lui de sauvages flammes de Non, cÊest la suite logique des premiers albums puissance et de virilité. Le titre – conquérant – est écrit sur un fond C de la série. Ce dont Isa, lÊhéroïne principale, a argenté – ça claque. Parmi les nou- souffert dans ses aventures, cÊest à cause dÊune femme, velles histoires, vous découvrirez un et en tant que femme. Elle souffre ensuite de sa famille, épisode fondateur sur l’avènement de de ses frères et des amis de ses frères. Ensuite, elle est la légende Pascal brutal. Et puis plein embarquée dans une aventure romanesque où elle d’autres qui sentent la domination et © Bourgeon / 12 BIS la sueur. Riad Sattouf ne faiblit pas découvre la traite des Noirs. Elle a pour ami un chirur- d’un poil. gien de marine, lui-même ami de Brissot – société des OLIVIER PISELLA amis des Noirs, franc-maçon de lÊépoque – qui lui demande quelques rapports et elle sÊintéresse beaucoup Au Cœur de la tempête, de Will Eisner, DELCOURT, CONTREBAN- à ce sujet. Elle a aussi sa sensibilité dÊécorchée vive, de DE, 210 P. N&B, 17,50 € rebelle, de personne un peu rejetée de sa société, ce qui Il s’agit d’un récit lui fait découvrir tout cela dÊun flil un petit peu diffé- autobiographique. rent de celui des matelots que le sort des esclaves, qui En partant en train à un camp d’en- étaient bien plus malheureux quÊeux, intéressait peu. Isa traînement militai- débarque en Afrique à une époque où il nÊy a pas de re en 1942, le colonie, mais des comptoirs de commerce, des petits jeune Will se rap- points vaguement fortifiés tenus par des soldats, pour la pelle de grandes plupart des acquérats (hommes libres) complètement étapes de l’inté- gration américai- désarmés face aux royaumes environnants. Un des gou- ne, le fameux mel- verneurs du Fort de Juda sÊétait fait manger parce quÊil ting pot. Comment une grande nation avait déplu au Roi ! Ces comptoirs occidentaux vont comme l’Amérique a-t-elle pu se acheter des captifs des guerres tribales quÊils vont construire en fédérant et en absorbant de multiples minorités aux religions encourager par le fait même quÊils achètent des diverses et aux modes de vie diffé- esclaves ! Ils permettent de remplacer les Indiens aux cette région, en dehors dÊHaïti où elle était. DÊabord, rents ? Même aux États-Unis, les pré- Antilles qui sont morts parce quÊils refusaient de tra- puisquÊon avait quitté Hoel et le monde de la flibuste et jugés racistes et antisémites sont diffi- vailler ou qui ne sont culturellement pas adaptés à lÊes- puisque je connaissais lÊhistoire de Jean Lafitte, la pre- ciles à combattre. Will Eisner est clavage et qui dépérissent de ce fait. Ensuite, ces gens mière idée des Passagers du vent était dÊimaginer de assez subtil pour éviter le piège des longues théories ennuyeuses, et il a sont restés sur place et ont fait dÊautant plus peur quÊon retrouver nos héros attirés vers la Nouvelle Orléans bâti ce livre autour d’anecdotes fami- les tenait certes à coups de fouet mais ils étaient 80 fois chez les Baratariens qui avaient leur camp dans le Delta, liales qui rendent sa lecture tour à plus nombreux que leurs maîtres. Le stade suivant était et où les deux frères Lafitte avaient élu domicile. Mais tour instructive, émouvante ou savou- lÊAbolition, cÊest ce cheminement que jÊessaie de resti- si Jean Lafitte est un personnage intéressant, aventurier reuse. JEAN-PHILIPPE RENOUX tuer dans toute la complexité des relations entre tous qui a fini sa vie, dit-on, en prêtant de lÊargent pour la ces personnages, de manière très simple, à niveau publication du Manifeste du Parti Communiste, alors Joséphine, T.2, Même pas Mal, de dÊhomme. quÊil a fait du trafic dÊesclaves tout au long de son exis- Pénélope Bagieu, JEAN-CLAUDE tence, un véritable aventurier avec sa dose de cynisme GAWSEWITCH, 64 P. COUL., 15 € Entre son blog LÊouvrage commence par une citation de Borgès. et de cruauté, je ne mÊen sentais pas tellement proche. (www.penelope- Pour commencer une histoire, il me faut souvent plu- Et puis, il y a une quinzaine dÊannées, jÊai fait un voya- jolicoeur.com) et sieurs éléments déclencheurs. Parmi ceux-ci, il y a le ge en Louisiane, avec ma compagne et des amis. Je ne une collection de titre. Ce texte fait partie de LÊHistoire universelle de lÊinfamie. pensais jamais reprendre Les Passagers du Vent, mais ce lingerie chez Etam, Joséphine a enco- Je le connaissais depuis longtemps et je trouvais quÊil voyage mÊa mis lÊidée en tête quÊIsa finirait sans doute sa re eu le temps de collait merveilleusement à ce que jÊavais envie de racon- vie là-bas. JÊavais pris beaucoup de photos, mais pas nous préparer son ter. Il évoquait le Mississipi, le Delta, la région des pour quÊelles me servent. Elles ont néanmoins beaucoup deuxième album ! bayous, décrivant sa végétation, ses rapports avec la servi ! Notre célibattante civilisation américaine. Ce texte me motivait : chaque préférée nous y présente son nouvel LES PASSAGERS DU VENT, T.6, amour (marié mais plus pour long- fois que je le lisais, il me donnait envie de me remettre temps, promis…), enrage que son ex au travail. Finalement, on a demandé lÊautorisation de le LA PETITE FILLE BOIS-CAÏMAN, sorte avec sa « parfaite » DRH, et se reproduire et je lÊai gardé en début de volume. met au sport (deux fois). Hautaine, DE FRANÇOIS BOURGEON, gaffeuse et toujours aussi complexée, ÉDITIONS 12 BIS, l’héroïne de Pénélope Bagieu s’amu- Le choix du Bayou et du Mississipi se justifie par le se de son quotidien et nous propose fait que cÊest là, logiquement, que votre héroïne finit 96 P. COULEURS, du coup une rafraîchissante sa vie. « chick BD ». Il y a plusieurs choses qui mÊont amené à travailler sur EN RAYONS 15 E HÉLÈNE BENEY N°21 sept-oct 2009 39 © Bourgeon / 12 BIS © Photo D. Pasamonik

FRANÇOIS BOURGEON

Le Bayou, cÊest une géographie particulière, très fluide, avec beaucoup de réseaux, très borgésien finalement⁄ Il faut savoir que cÊest une zone très grande, très fluctuante, avec les eaux du Delta qui varient tout le temps. Sa végétation est fascinante. JÊai été émerveillé par les cyprès chauves des marais, avec leur barbe espagnole, ces lichens qui pendent et qui sÊagitent au moindre souffle dÊair, et puis par ces grands chênes verts dans les grandes plantations louisianaises le long du Mississipi. JÊai toujours aimé les marécages qui débordent de vie et de bes- tioles plus ou moins sympathiques qui vont du raton laveur, aux insectes, aux araignées, au serpent mocassin, jusquÊà lÊalligator ! Cela mÊa plu dÊy retourner par le dessin.

Comment votre intrigue sÊest-elle construite entre ces éléments et ce saut dans le temps induit par Les Passagers du vent ? JÊai précisément essayé de ne pas faire dÊaller-retour, de faire une histoire qui se suive dÊun bout à lÊautre et que lÊaller-retour paraisse complètement natu- rel. Je laisse au lecteur le soin de le découvrir. JÊavais envie quÊau début, le lecteur soit un peu déboussolé, quÊil se demande ce quÊon est en train de lui raconter, à savoir une histoire qui ne ressemble pas aux Passagers du vent et dont il ne retrouve aucun des personnages⁄ Puis, dÊun seul coup, il se retrouve en plein dedans, sans même comprendre comment cela sÊest passé. CÊétait pour moi une part de jeu mais aussi une évocation dÊune partie de la Guerre de Sécession et du statut de lÊesclavage dans cette région. Pas mal de thèmes qui me tiennent à cflur.

CÊest un livre sur la naissance dÊune nation ? Oui, Mais ce côté historique, je le vis vraiment au niveau de lÊindividu, de mes personnages. CÊest finalement un livre sur la transmission entre deux êtres apparemment séparés par énormément de choses mais qui vont fina- lement avoir des choses à se dire. Le récit de lÊun va peut-être changer lÊautre⁄ PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER PASAMONIK D B N°21 sept-oct 2009 ACTU 40

zoom bd Une Histoire populaire de l’Empire américain, par Howard Zinn, Mike Une saison en Konopacki et Paul Buhle, VERTIGE GRAPHIC, 288 P. N&B, 22 € La face cachée de l’histoire des États- Unis racontée dans enfer pour Alpha un graphic novel adapté de l’ouvrage éponyme de Après deux ans d’attente, l’agent Alpha reprend du service dans une saison Howard Zinn : le deux qui s’annonce particulièrement éprouvante pour lui. Iouri Jigounov, génocide des Indiens, la traite cette fois dessinateur et scénariste, a tout simplement décidé dans Fucking des Noirs, la Patriot, le tome 11 de la série, de lui pourrir l’existence. répression sanglantes des grèves, la répression contre les Communistes, les guerres impérialistes contre le Mexique, l’Espagne, les Philippines, le a bande dessinée, cÊest comme la vie, il faut de ce personnage, ses relations, etc., tout ce quÊil a Vietnam, l’Amérique centrale, l’Iran… savoir en savourer les bons moments car le gagné en dix albums. CÊest un peu difficile de le faire Rien n’est épargné à l’hydre impéria- L malheur guette peut-être au coin de la rue. en un diptyque. Ça va donc prendre un peu de plus de liste yankee dans ce procès à char- Dwight Tyler, alias Alpha, va en faire lÊamère expé- temps, mais je vais le démolir pour de vrai ce bon- ge : ni certaines erreurs historiques, ni rience. Pendant dix albums, il a raflé la mise : agent homme ! les raccourcis douteux, encore moins la naïveté d’un discours partisan qui modèle de la CIA, il menait à bien des missions par- satisfera très certainement une frange fois très délicates (souvenons-nous quÊil sauva la vie Il va quand même se relever ? de la mouvance alter-mondialiste. du président des États-Unis) ; homme séduisant, il Ouais... Je lÊespère pour lui.... Mais pour lÊinstant, je DIDIER PASAMONIK charmait les femmes sans effort ; ami fidèle, il dispo- vais lÊécraser ! Je suis sadique, il mÊa tellement fatigué Cannibale, de E. Reuzé (d’après sait dÊun cercle de proches sur qui il pouvait comp- pendant des années, je me venge ! (rires) Je lui fais tout Daeninckx), EMMANUEL PROUST, ter. Et soudain, tout sÊécroule. Tout cela ne tenait perdre ! Et ce nÊest que le début. 76 P. COULEURS, 14,90 € donc quÊà un fil ? La parole est à lÊauteur. Devenu expertes en LÊautre information importante de ce tome 11 est la adaptations, les édi- Pourquoi présenter le tome 11 comme le premier de relation entre Alpha et Sheena. tions EP ont confié à Reuzé (qui avait la ÿ saison 2 Ÿ ? Ça commençait à bien faire ce petit jeu entre eux deux! déjà signé celle de Mon idée, cÊétait que les dix premiers tomes ne soient Mais en même temps, je voulais utiliser cette relation, Ubu Roi) ce one- quÊun prologue, la mise en place dÊun personnage, en faire penser au lecteur quÊà partir de ce moment là ça shot, tiré d’un livre quelque sorte un pilote. Quand jÊai parlé de la direc- devient nul. Ça va se transformer en quoi, en histoire de Daeninckx, racontant le scanda- tion que je voulais donner au tome 11 à François de famille ? Sauf que quelques heures plus tard, tout est le des zoos humains lors de Pernot, le directeur général de Dargaud-Dupuis- bouleversé, la descente aux enfers commence. DÊabord l’Exposition Coloniale de Paris en Lombard Belgique, il mÊa dit : ÿ mais alors, cÊest carrément par la trahison de Sheena, puis tout le reste qui arrive 1931. Si l’album se révèle classique la saison 1. Ÿ Mais je nÊai pas réussi à vendre cette idée progressivement : Alpha nÊest plus copain avec le pré- sur sa forme (une narration très litté- aux autres responsables du Lombard. Ils trouvaient ça sident, sa hiérarchie le voit dÊun mauvais oeil, Sheena raire par flashback conclue par une morale), il n’en est pas moins percu- bizarre. Ça risquait de tromper le lecteur. On a donc nÊa pas réagi comme il aurait pu le croire, etc. tant. Le fait historique est intéressant, décidé que ce serait la saison 2. certes honteux et révoltant mais tout à En les voyant ensemble, on se demande dÊailleurs si fait passionnant et original. De l’histoi- Et cette nouvelle histoire sera en deux tomes ? ce nÊest pas trop simple, sÊil nÊy a pas quelque chose re de ces Canaques qu’on prenait pour des animaux cannibales, on s’é- Non, en trois minimum ! qui se trame... tendra aux thèmes du colonialisme, Oui, il va y avoir autre chose après. Sheena ne va pas du respect des peuples, mais égale- Ça change des précédentes où le dénouement arri- disparaître comme ça... De toutes façons, elle ne peut ment à trouver des pistes pour com- vait plus rapidement. pas disparaître. DÊailleurs, on la voit à la fin de lÊalbum prendre le malaise toujours actuel de Il sÊagit de lui faire tout perdre, tout ce quÊon connaît et on se demande ce qui va se passer. Vous allez voir, la Nouvelle-Calédonie. WAYNE

Les Ensembles contraires,T.2, de Kris, Éric T. et Nicoby, FUTUROPOLIS, 204 P. COUL., 25 € Voici enfin la deuxiè- me partie du fabu- leux diptyque auto- biographique de Kris et Éric ! Écrit à quatre mains, le récit de leur histoire

d’amitié qui remonte © Jigounov / LE LOMBARD à l’adolescence est de ceux qui marque durablement les lecteurs. Une histoire simple et pour- tant forte : celle de deux jeunes hommes qui, au delà des barrières sociales, vont s’épauler chacun leur tour dans les moments difficiles. Rythmé et porté par son accent de vérité, ce cycle est impressionnant de justesse et redonne foi en l’amitié. HÉLÈNE BENEY N°21 sept-oct 2009 41

je vais essayer de mettre un peu moins de temps pour faire le suivant. Si tout va bien.

Dans ce tome 11, il y a un flash-back qui sÊinsère dans une scène du tome 2 © Jigounov / LE LOMBARD et lui donne un éclairage nouveau. CÊest très bien fait. JÊimagine que ce nÊé- tait pas prémédité à lÊé- poque. Non, quand jÊai dessiné la scène en question dans le tome 2, je la trouvais mal fichue. Il y avait quelque

© Jigounov / LE LOMBARD chose qui nÊallait pas. On voit Alpha un peu crispé dans le taxi. LÊidée, cÊest quÊil était nerveux parce quÊil retrouvait sa bien-aimée. Et puis je me suis dit : ÿ Et sÊil était crispé pour autre chose ? Ÿ DÊoù lÊidée de la conversation avec le chauffeur de taxi. Dans le tome 2, on ne comprenait pas pourquoi le chauffeur de taxi venait vers Alpha. Dans cette deuxième saison, jÊessaie de répondre à ce genre de ques- tions. Je transforme en qualités des détails de la première saison qui ne col- laient pas. LÊobjectif cÊest aussi dÊéviter dÊavoir trop de nouveaux personnages en utilisant le plus possible le fond de la série. Bon, ça reste entre nous : il y aura aussi un flash-back dans le suivant avec une scène du tome 4.

Vous nÊavez pas eu envie dÊaborder dÊautres sujets en lien avec la CIA comme lÊintégrisme religieux, le bourbier irakien, la Corée du Nord... ? LÊintégrisme peut venir plus tard, je pense que le monde ne sera pas encore guéri de ce mal quand on lÊabordera. Là, les bricoles qui arrivent à Alpha, arrivent à cause de ses compatriotes. Au lieu de mettre une histoire compli- quée en partant de zéro, je me suis basé sur tout ce qui sÊest passé dans les albums précédents. Je veux faire revenir tous les personnages secondaires, la grande famille dÊAlpha, les utiliser, les rappeler aux lecteurs.

Dans Alpha, la trahison, le double jeu, à lÊintérieur même des services

secrets, sont souvent les moteurs de lÊhistoire. Vous pensez que ça cor- © Jigounov / LE LOMBARD respond à une réalité ? Je pense quÊil y en pas mal. La CIA est un organisme qui agit dans lÊillégalité complète. SÊils interviennent sur le territoire des États-Unis ou plus encore à lÊétranger, cÊest illégal, mais ils le font quand même. Je pense que ça doit déformer la mentalité des gens. Ils font des choses illégales toute leur carriè- re. Et en plus, ils ne sont même pas bien payés. Donc ils doivent aimer ça ! Quand on a franchi cette barrière, ça doit être difficile de garder des prin- cipes. Enfin, cÊest une supposition logique, moi je ne travaille pas pour les services secrets !

Vous nous annoncez que vous ne travaillez pas pour eux, mais en avez-vous quand même une bonne connaissance ? Parce que cette série est très documentée. ¤ force de faire des histoires dÊespionnage depuis 15 ans, je fais très attention à toutes les informations qui circulent sur Internet, dans les journaux. Je lis pas mal de livres. Mais je ne me considère pas comme un spécialiste. Il y a quelques jours, on mÊa demandé : ÿ Vous savez quel- le est la procédure si un avion de ligne suspecté de transporter une bombe nucléaire approche ? Ÿ La réponse est non. Pour la première scène du tome 11, jÊai choisi ce quÊil y a de plus logique, cÊest-à-dire de faire exploser lÊavion plutôt que de prendre le risque quÊil explose sur New York. Dans beau- coup de pays, on est prêt à cette éventualité, cÊest le prix à payer. Après, si on ne trouve rien dans lÊavion comme dans Alpha, ça devient très pro- blématique...

Le défi avec Alpha, cÊest dÊêtre parfaitement réaliste. JÊai affaire à des lecteurs spécialistes dans ces domaines. Il y a chez moi une volonté de les satisfaire. Ce nÊest pas évident. Pour le tome 6, jÊai reçu * D B N°21 sept-oct 2009 ACTU 42

zoom bd Madame désire ?, de Grégory Mardon, AUDIE-FLUIDE GLACIAL, FLUIDE GLAMOUR, 56 P. N&B, 13,95 € Il est plus agréable de se moucher dans de la soie que dans du papier toilet- te… Grégory Mardon en fait la démonstration

dans ce récit éro- © Jigounov / LE LOMBARD tique très enlevé : deux amis cheminant à bicyclette trouvent refuge pour la nuit dans une maison bourgeoise. Employés comme domestiques, les deux jeunes gaillards vont découvrir à quel point tout suinte la lubricité dans cette demeure… Un dessin noir et blanc de toute beauté qui glorifie la souillu- re des peaux d’albâtre par la sueur des prolétaires. OLIVIER PISELLA

Le Rayon vert, par Frédéric Boilet, LES IMPRESSIONS NOUVELLES, 56 P. COULEURS, 15 € Découvert par Magic-Strip en 1987, ce titre avait fait l’objet d’une presse dithyrambique et révélé Frédéric Boilet au grand public avant de sombrer avec la maison d’édition qui le publiait. On y décèle cependant toutes les qualités du dessinateur lor- rain qui joue encore aujourd’hui un une lettre dÊun lecteur collectionneur de Et du côté des sources dÊinspiration, est-ce quÊil y a rôle central dans le développement * du manga d’auteur en France. Il plaques dÊimmatriculation. ÿ Les plaques militaires en Ulster des films par exemple que vous gardez à lÊesprit ? s’agit de son premier livre d’auteur, commencent par telle lettre et non ce que vous avez fait Ÿ. Je nÊy Oui, mais indirectement. Je nÊy pense pas quand jÊécris. précisément, sans contrainte mais avais pas pensé. Il mÊavait envoyé toute la documenta- Je regarde aussi des séries, mais juste pour voir com- avec une vraie ambition. L’écheveau tion, mais bien sûr, cÊétait trop tard. En ce qui concer- ment on rend crédible certaines choses. En fait, quand du récit est complexe, le dessin déjà ne les décors, je fais aussi beaucoup de recherches. Je je suis dans une impasse, je vais au bistrot qui nÊest pas au point, et surtout pourvu d’un enthousiasme qui communique enco- nÊai jamais été à Seattle, mais je connais la ville comme très loin de chez moi, cÊest le seul dans lequel ça re jusqu’à aujourd’hui.! ma poche ! marche. Je prends une bière et en dix minutes, cÊest DIDIER PASAMONIK réglé ! Ce nÊest vraiment pas lÊendroit où je pense à tous les films que jÊai vus. JÊai un calepin et je prends Dossier A, T.1, de Garaku Toshushai et Osamu Uoto, DELCOURT, des notes. ¤ la maison, je peux tourner en rond pen- 224 P. N&B, 7,50 € dant des semaines. Je ne sais pas pourquoi ça marche La plupart des là-bas... quêtes ésoté- riques dont nous CÊest peut être un nid dÊespions belges ? sommes abreuvés depuis Non, cÊest un bistrot danois ! (rires) En plein cflur de Da Vinci Code Nivelles, vous imaginez ! Mais je vais quand même flirtent cynique- demander aux garçons qui travaillent là-bas. ment avec le reli- gieux : foin de tout cela dans PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY LEMAIRE Dossier A qui se lance à la poursuite de l’Atlantide, avec un antiquaire japonais, son mécène autrichien et des tueurs mas- ALPHA, T.11, qués. Une bonne occasion de réviser sa culture classique et de se replon- FUCKING PATRIOT, ger dans les grands chantiers de © Jigounov / LE LOMBARD Champollion (Rosette) et Schlieman DE IOURI JIGOUNOV, (Troie), sans trop non plus se brus- LOMBARD, TROISIÈME VAGUE, quer le cerveau – il y a même une jolie assistante austro-nippone pour 54 PAGES COULEURS, accompagner le héros… BORIS JEANNE SORTIE LE 17 SEPTEMBRE 10,40E N°21 sept-oct 2009 43

Jean-Claude Tergal, T.9, Nous deux, moins toi, de Didier Tronchet, AUDIE-FLUIDE GLACIAL, Iouri Jigounov, 48 P. COULEURS, 9,95 € On est ravi d’en- fin retrouver le dessinateur qui venait du froid Jean-Claude Tergal, personna- ge d’éternel céli- Iouri Jigounov, l’auteur d’Alpha, est né et a vécu plus de 25 ans en Russie, un bataire vieux jeu pays pas vraiment réputé pour ses auteurs de bande dessinée. Une bonne raison aux pulls et blou- sons atroces, pour s’attarder sur son parcours atypique. héros flamboyant dans l’échec, dont les déconvenues sentimentales l fut un temps, déjà lointain, où existait un mur répétées sont expiatoires pour de entre lÊEst et lÊOuest de Berlin. ¤ cette époque, nombreux lecteurs. Ce 9e volume pro- derrière le rideau de fer, les bandes dessinées pose une histoire complète : Isabelle I quitte Jean-Claude ; celui-ci va étaient un luxe. ÿ Les BD parvenaient à passer la frontière essayer de comprendre pourquoi. Le russe avec les gens qui voyageaient et ramenaient des „objets exo- récit, entrecoupé de souvenirs d’en- tiques„, se souvient Iouri Jigounov. JÊai découvert la BD à fance douloureux et de phases oni- lÊâge de cinq ans. Chez mes grands-parents, il y avait une pile riques cruelles, engendre bien sou- vent un rire entrelardé d’affliction. de magazines Tintin qui traînait. JÂaimais beaucoup la série Tronchet n’épargne rien à son héros, Tounga et comme il manquait des numéros, je mÊamusais à créer et c’est pour ça que c’est bon. les épisodes manquants. CÊest ainsi que jÊai commencé à faire de OLIVIER PISELLA la BD. Ÿ Avec les années, la passion du dessin grandit chez Iouri, mais à Moscou, les débouchés sont rares. Hector Umbra, de Uli Oesterle, inté- grale, AKILEOS, 216 P. COUL., 25 € Un artiste glandeur Heureusement, certaines rencontres entretiennent la avec un fort pen- flamme. ÿ Dans une rédaction dÊun quotidien de Moscou se chant pour la bou- réunissaient des amateurs de BD. Ils me disaient : „On boit un teille enquête sur la disparition de verre là-bas tous les jeudis et au chaud !„. JÂai fait une son ami DJ. Qui petite histoire de cinq pages. Ils lÊont lu et mÊont dit : „Tu es des sont ces petits nôtres, allez, santé !„ CÂétait juste pour passer un moment vieux qui semblent ensemble et puis quelques mois plus tard, on a eu des publica- tout surveiller ? Et tions, un recueil de BD... ça a commencé comme ça. Ÿ Avec la cette folle qui peint

© 2003 / LE LOMBARD ÉRIC CHARNEUX des pentacles ? Et si le héros com- chute du communisme, les choses se débloquent. mence à voir des morts et de ÿ Entre 89 et 93, les maisons dÊédition fleurissaient mais met- sinistres gnomes noirs à la cervelle taient rapidement la clef sous la porte. Il fallait que jÊaille à lÊé- apparente, est-il juste fou ? Cette tranger. De par mes lectures, jÂai choisi la Belgique et lÊéditeur aventure paranoïaque mêle les codes du polar et de la science-fiction dans que je connaissais le mieux : Le Lombard. Ÿ Coup gagnant un Munich électro proche de puisque, à lÊissue de son premier – court – séjour, lÊé- l’Interzone de Burroughs. La première diteur publie les 46 planches quÊil avait dans ses car- partie de cette histoire avait déjà bénéficié d’une sortie remarquée en tons et lui propose de dessiner la série Alpha. IOURI JIGOUNOV 2003. VLADIMIR LECOINTRE Dès lors, Iouri sÊinstalle en Belgique. Mais la Russie Des gens qui ne reculent devant pratiquement rien... cÊest très nÊest jamais bien loin puisquÊelle ponctue la plupart BD, très cinéma. Les Chinois sont beaucoup plus prudents. En Donjon Crépuscule, T.106, de ses albums. ÿ Pour le premier Alpha, Pascal Renard [Le Russie, on fait vraiment nÊimporte quoi ! Ÿ Révolutions,de Sfar, Trondheim et premier scénariste de la série, NDLR] a choisi mon pays From Russia with love... Obion, DELCOURT, 48 P. COULEURS, 9,95 € THIERRY LEMAIRE pour me faciliter le dessin des décors. Sinon, pour les autres, je ne Ce Donjon sais pas trop pourquoi Mythic lÊa fait. CÊest une envie person- Crépuscule propo- nelle, je pense. Pour Fucking Patriot, il me fallait une puis- ¤ lire également si vous êtes intéressés par le sujet : se de retrouver le sance nucléaire qui peut avoir des embrouilles avec les Des Cendres en héritage, l'histoire de la CIA, de Tim Weiner Roi-Poussière et Américains. Donc, soit la Russie soit la Chine. JÊai choisi la Des années d'interviewes et d'analyses passionnantes sur le sujet. Marvin Rouge. Et l'on y apprend également qui a commandité l'assassinat de JFK. Occupés par leurs Russie parce quÊavec cette clique de „Kgbistes„ au pouvoir, cÊest (La réponse était la plus simple, et aparemment tout le monde très nombreux pro- un malheur pour le pays mais cÊest très bien pour le scénariste ! était au courant.) jets éditoriaux ou en dehors de la BD, Sfar et Trondheim se limitent désormais à l’écriture de leur série commune. Normalement, ils conce- vaient les histoires au cours de vacances ensoleillées, mais on ne retrouve pas dans cet album la verve et l’imprévu des précédentes his- toires. Un peu comme si les auteurs s’étaient moins amusés que d’habitu- de, ce qui est aussi notre cas. Obion imite très bien le trait de Sfar, mais un imitateur doué mérite-t-il le détour? Nous conseillons plutôt de relire les débuts des trois cycles de Donjon et quelques Donjon Monsters parmi les

© Jigounov / LE LOMBARD plus réussis. JEAN-PHILIPPE RENOUX D B N°21 sept-oct 2009 ACTU 44

zoom bd Doubt, T.1, de Yoshiki Tonogai, Le trash revient, KI-OON, 212 P. N&B et 4 P. COULEURS, 7,50 € Les jeux de rôle grandeur nature et il porte un smoking ! se multiplient à la faveur d’Internet et des téléphones Les bandes dessinées d’humour trash, celles qui innovent dans la provocation, portables. Cela serait un manque ne sont pas légion dans la production actuelle. Les Reiser d’aujourd’hui ne de chance si un sont pas nombreux. Avec Gad, auteur d’Ultimex, on en tient un beau ! serial killer s’in- crustait dedans. Doubt nous propose un récit où six jeunes, qui voulaient jouer à trouver le loup se cachant parmi les lapins, se retrouvent dans un sous-sol à deviner qui est le meurtrier parmi eux, façon Saw, à qui l’auteur emprunte beaucoup de l’esthétique de vieux parking pour l’adapter aux angoisses de la jeunesse japonaise, redoublées par un scénario qui ne rechigne pas aux ellipses flippantes, et un graphisme bien dense. BORIS JEANNE

Eco Warriors,T.1, par Richard Marazano et Chris Lamquet, 12 BIS, 64 P. COULEURS, 13 € Chris Lamquet n’a pas attendu 2009 pour apporter sa réflexion intelli- gente et profonde sur l’écologie et © Gad / WARUM sur l’enjeu que constitue la survie n attribue souvent à Pierre Desproges, à tort, dÊUltimex, qui nÊa aucun tabou ni aucune limite. Sexe, de la planète dans la guerre lÊexpression ÿ on peut rire de tout, mais pas avec drogues, crime et jeux érotiques à base de débouche- économique que nous vivons au quo- O nÊimporte qui Ÿ. La citation est non seulement évier comptent parmi ses distractions favorites. Il est tidien. Ces thèmes figuraient déjà incorrecte, puisque Desproges nÊa pas prononcé cette pourtant lÊinvité indispensable de toute soirée réussie, dans Gilles Roux et Marie Meuse phrase précise, elle est également fausse : le problème car cÊest un brillant causeur, séduisant, élégant et nÊou- (1985), Quasar (1987) ou Alvin Norge (2000). Son alliance dans cet album nÊest pas de savoir choisir son public avant dÊoser rire bliant jamais de faire une entrée remarquée avec un avec Richard Marazano, habile trous- de tout, mais dÊêtre capable de provoquer le rire à par- nouvel accessoire pour être le roi de la soirée, ou une seur d’histoires politiques, fait tir des sujets les plus difficiles, sans sÊavilir. On peut, anecdote amusante pour justifier son retard. Steve, mouche car il montre à quel point, sur on doit rire de tout, mais pas nÊimporte comment. Il faut de son faire-valoir prodige, lui donne la réplique et ne se le terrain, le combat écologique est lÊintelligence, du style, en un mot de lÊesprit, pour lasse jamais de se faire humilier par son comparse. âpre, dangereux, pour ne pas dire désespéré. Là, on se rend compte transcender par lÊhumour les sujets les plus sensibles, Mais comme Ultimex aime à le répéter, ÿ un ami, cÊest qu’un idéal se résume parfois à une les plus choquants, parfois les plus grossiers. Cette quelquÊun quÊon peut réveiller à trois heures du matÊ, pour quÊil vraie guerre. forme dÊhumour est une des plus casse-gueules qui nous aide à dissimuler un cadavre Ÿ. Avec une définition DIDIER PASAMONIK soient. Un pas de travers et on sombre dans le grave- pareille, effectivement, Steve est son meilleur ami. Noir Tango,de Monnin et Philibert, leux, parfois même dans lÊodieux. Les auteurs qui par- Plusieurs fois par semaine. AKILÉOS, 56 P. COUL., 15 € viennent à jouer les funambules sur la corde raide de Le tango et la provocation, sans jamais renoncer à une certaine En plus dÊun dessin dÊune fraîcheur fanzineuse avec de l’Argentine des subtilité, ceux-là sont à distinguer au Panthéon de belles qualités comiques, Ultimex brille par son outran- années 40 ont lÊhumour. ce, ses réparties imprévisibles et lÊincroyable faculté de longtemps fas- ciné les lÊauteur à imaginer les situations les plus barrées. La bédéastes. Noir Dans les contemporains, Charb (auteur du strip série réussit à être à la fois trash et sophistiquée. Faut- Tango ne déroge Maurice et Patapon – 4 tomes parus chez Hoëbeke) ou il préciser quÊune bonne dose de second degré est utile pas à la règle, Michel Durand (auteur de Durandur – 3 tomes, chez pour apprécier ce livre à sa juste valeur ? plongeant le héros Miguel, Carabas) ont cette forme de talent. Ils sont rejoints marin frustré mais danseur émérite, par un jeune auteur, François Gadant, qui signe Gad. JÉRłME BRIOT dans un univers de roman noir. Le On connaissait lÊhu- dessin de Philibert, dont un cahier mour ÿ gros nez Ÿ, Gad graphique présente les crayonnés en invente lÊhumour gros ULTIMEX ET STEVE LE FAIRE-VALOIR fin d’album, emprunte à Bottero ses anatomies et Mattoti ou Cabanes ses flil : son personnage PRODIGE, T.1, LE MAUVAIS ŒIL, palettes. Il est dommage que ses per- Ultimex a un immense DE GAD (SCÉNARIO ET DESSIN), sonnages, tous bibendum, se res- globe oculaire en guise semblent à l’identique. Reste le de tête. Violent, sexis- ÉDITIONS WARUM, parallèle entre la danse et la bagarre, pas chassé entre le plaisir charnel et te, raciste⁄ ne sont 68 PAGES N&B, quÊun mince échan- la douleur corporelle. EN RAYONS 12 E JEAN-MARC LAINÉ © Gad / WARUM tillon des défauts SE XE N°21 sept-oct 2009 45 & BD Justine ? Juliette ? Non : Marie-Gabrielle ! Glénat réédite une œuvre sado-masochiste de Georges Pichard.

ollicité en 2003, à la disparition de Georges Pichard, Jacques Glénat répon- S dait à des questions qui ne purent être publiées dans un numéro de Penthouse lui ren- dant hommage. Selon les impératifs de la presse, Glénat avait réagi trop tard mais son

témoignage était intense à lÊendroit du maître © Georges Pichard / GLÉNAT pornographe quÊil avait contribué à porter au pinacle. Rappel des faits : en 1977, le jeune Jacques Glénat-Guttin éditait Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope en un luxueux objet toilé. AujourdÊhui considéré comme un chef dÊfluvre mondial de lÊérotisme dessiné, le livre révélait un Pichard à cent lieues de ses précé- dentes productions, Paulette ou Blanche Épipha- nie. Le lecteur abasourdi découvrait un récit trer la bêtise de la nature humaine. Au final, moins naïf, totalement explicite dans sa repré- quoiquÊil en soit, elle en réchappait. Toujours. sentation graphique, et pour lequel lÊauteur Car Georges Pichard, selon ses propres dires, interprétait à sa manière la littérature libertine et là contrairement à Sade, nÊavait rien de quÊil affectionnait tant : Justine ainsi que Juliette mortifère. Cette ÿ intégrale Ÿ incorpore la du divin marquis, si lÊon veut être précis. ¤ 57 suite de Marie-Gabrielle (en Orient) et permettra ans donc, Pichard sÊaffranchissait de la pudeur peut-être de dissiper le malentendu qui existe qui subsistait encore dans la bande dessinée de entre ce fabuleux auteur et les professionnels son époque en accouchant dÊun enfant qui du neuvième art qui lÊont si longtemps ignoré. lÊentraînera dans un lent purgatoire éditorial. CHRISTIAN MARMONNIER Sous son vrai patronyme, le dessinateur posait les jalons dÊune imagerie SM et fétichiste, où MARIE-GABRIELLE les femmes soumises sont tatouées et piercées. DE SAINT-EUTROPE, Comme son mentor, il développait aussi une DE GEORGES PICHARD, persistance dans la transgression sociale, poli- GLÉNAT, tique et religieuse. Et si son héroïne était COLL. 1000 FEUILLES, bafouée et violentée, si elle suivait un chemin de croix des plus cruels, cÊétait pour démon- 256 PAGES COULEURS 30 E Le sexe joyeux par Zep Quand l’auteur de Titeuf décide de faire rire les plus grands… our beaucoup, Zep évoque inexorable- Cela donne un album explicite et ludique ment le meilleur de la BD jeunesse : lÊin- plutôt que vraiment érotique : Happy Sex est P contournable Titeuf, Captain Biceps, Les une sorte de catalogue festif de tout ce que le Chronokids, etc. Pour dÊautres, Zep cÊest aussi sexe peut avoir de joyeux, quÊil sÊagisse de dia- Les Filles électriques, Découpé en Tranches et des logues crus, de positions exotiques ou dÊacces- séries pour les plus grands comme Petite Nature soires coquins. En bref, un album à mettre dont il signe quelques histoires mises en entre toutes les mains⁄ Si elles en ont lÊâge. images par Chauzy. CÊest résolument chez ce YANNICK LEJEUNE Zep, plus adulte et plus caustique, quÊest né ce détonnant Happy Sex. Tout en conservant le trait rond quÊon lui connait, lÊauteur y ose de jolies transgressions sans jamais être trash.

HAPPY SEX, DE ZEP, DELCOURT, HORS COLLECTION, © Zep / DELCOURT 64 PAGES COULEURS, SORTIE LE 14 OCTOBRE 14,95E BD & ET N°21 sept-oct 2009 INTERN 46 Les nouvelles stars de la BD en ligne À l’occasion de la 5e édition du Festiblog, ZOO vous propose une courte sélection d’auteurs à découvrir gratuitement sur le net. Qui seront les prochains Boulet, Pénélope Bagieu et Maliki ? Voici quelques pistes… © Chanouga

EXTRAIT DES "HISTOIRES DE SIRÈNES” PAR CHANOUGA

DU CłTÉ DE LÊAUTOFICTION MASCULINE È Dernier de cette sélection masculine forcément incomplète, Lommsek, Fraichement débarrassés de leur image dÊamateurs cantonnés au web, les gagnant du prix de la révélation blog à Angoulême, dévoile ses pensées sur blogueurs, décomplexés par le succès de certains dÊentre eux, sont nom- fond dÊhistoires de métro. CÊest décomplexé, parfois trash mais toujours breux à se raconter en ligne. drôle et surtout cela possède une véritable identité visuelle. ¤ visiter pour È Le premier de notre sélec- découvrir le choix du jury et du public du plus grand festival de BD français. tion, Manu XYZ, est un ours à ¤ découvrir si vous aimez : Lewis Trondheim, Boulet, Libon la quarantaine joyeuse qui observe la société avec luci- LA VRAIE NOUVELLE VAGUE SERAIT-ELLE FÉMININE ? dité, humour et parfois un peu Si, en trois ans, Pénélope Bagieu et son héroïne Pénélope Jolicflur ont su de cynisme. On retrouve dans conquérir filles et garçons, lÊauteur a également facilité lÊémergence dÊautres son univers graphique des réfé- dessinatrices. Ces jeunes femmes qui ont su sÊaccaparer les codes de leurs rences issues de la blogosphè- lecteurs leur proposent, avec brio, une forme dÊautofiction geek et girly

© Manu XYZ re – beaucoup penseront à faite de références à la pop-culture, à lÊunivers familial et au quotidien qui DESSIN DE MANU XYZ Boulet – mais aussi de la BD touchent immanquablement chacun dÊentre eux. Par leur univers, ces plus traditionnelle avec notamment un jeu de hachures influencé par Solé artistes constituent, malgré elles, une tribu virtuelle avec pour point com- et quelques éminents ÿ anciens Ÿ du 9e art. mun lÊélégance du dessin. È Dans son entourage, Romain Ronzeau et son blog Comme des guilis dans le È Parmi ces nouvelles venues remarquées, Mady, artiste aux multiples bas du ventre. Là encore, beaucoup dÊautodérision dans le traitement du quo- talents, propose ses madeleines comme autant de petits instantanés de sa tidien, des pensées sur le métier de bédéaste, des discussions avec sa com- vie fantasmée. Dans son blog, lÊauteur raconte le quotidien assez classique pagne ÿ Kritix Girl Ÿ⁄ CÊest amusant et moderne, un vrai plaisir. dÊune jeune femme. Les situations peuvent paraître banales mais le traite- È Tout droit venu de Belgique, Eliascarpe vit sa vie en différents gris, depuis ment plein dÊhumour et de tendresse pour les protagonistes est sublimé par son anosmie (trouble de lÊodorat) jusquÊà ses souvenirs dÊenfance, tout est lÊillustration faite dÊune ligne claire et de subtiles petites touches de cou- prétexte à un déferlement dÊillustrations fantasques faites dÊun imaginaire leurs. Craquant et parfaitement dans la tendance, à voir absolument ! rempli de morts-vivants, de dinosaures et de potes. On vous lÊannonce, on È Plus orienté sur la vie de famille, le petit précis de Grumeautique de entendra parler de lui dans lÊavenir ! Nathalie Jomard tranche avec les précédents par la présence très forte de sa È NÊoublions pas Pacco, père de famille qui a rendu le public fan de sa fille petite fille et par un sympathique courrier des lecteurs qui se termine tou- Maé en détournant sur son blog le concept des leçons dÊAubade pour rigo- jours par ÿ les conseils foireux de tata Nath Ÿ. CÊest décomplexé, les filles en sont ler du despotisme naissant et complice de son ÿ petit monstre Ÿ. folles, lÊadaptation du blog est parue chez Michel Lafont et cartonne en LÊadaptation papier du blog est parue chez Marabout. librairie. N°21 sept-oct 2009 47

LA BLOGOSPHÈRE IRAIT-ELLE VERS UNE RECONNAISSANCE ?

C’est ce que semble indiquer la parution du Dico des Blogs aux éditions Foolstrip. L’éditeur de BD numériques, déjà diffuseur de l’excellent Blog de Franquin (par Piak et Turalo), a publié en ligne quelques planches d’un abécédaire illustré dédié au monde des blogs. Avec humour, mais surtout beaucoup d’autodérision, 52 auteurs issus du web (de Ak à Wouzit en passant par Gally, Obion, Raphaël B., Kek, Martin Vidberg, Melaka, Allan Barte…) s’en donnent à cœur joie pour en décortiquer le champ lexical (de « Aigri » à « Zombie » en passant par « Geek », « Kawaï », « Girly », « Troll »…). De l’écran au papier, l’ouvrage bénéficie d’une couverture signée Lommsek (lauréat de la « Révélation Blog » du Festival d’Angoulême 2009) et se révèle être un projet généreux, dont 10 % du prix de vente seront reversés à une association ayant pour but d’apporter la lecture aux enfants d’Afrique. Disponible en pré-commande avantageuse (sur www.fool- strip.com/dicodesblogs) et présentée en exclusivité au 5e Festival des Blogs BD et du Webcomics, voici une publication au ton frais, qui démontre que la bulle BD sur Internet regorge de talent ! WAYNE

È Incontournable, Margaux Motin, illustratrice reconnue, offre également aux lecteurs de son blog une vision mode, branchée et décalée de sa vie de famille. Il faut voir les hordes de fans qui font la queue lors de ses appari- tions en librairie pour comprendre le phénomène. Le Blog est paru chez Marabout sous le titre JÊAurais aimé être ethnologue. È Dernière de la sélection, Diglee, une jeune illustratrice qui dévoue aussi une partie de ses notes aux potins de filles, à la mode, à son copain mais là encore, avec un style graphique ravissant. Très sollicitée par des études dont elle vient fraîchement de sortir, il reste maintenant à lÊauteur à dévoi- ler tout son talent. Le lectorat lÊattend déjà de pied ferme puisque plusieurs milliers de personnes visitent son blog chaque jour. ¤ découvrir si vous aimez : Florence Cestac, Brétécher , Hélène Bruller, Laurel, Cha⁄

QUAND LES BLOGUEURS NE PARLENT PAS DÊEUX⁄ Mais limiter la blogosphère à ceux qui racontent leur vie de manière plus ou moins romancée serait passer à côté de toutes les fluvres de fiction quÊon y découvre. È Parmi celles-ci, de très belles surprises comme les Histoires de sirènes de Chanouga, un conte sombre, magnifiquement illustré, qui décrit le calvai- re dÊun marin tombé aux mains de deux jeunes filles. Le style contemplatif et onirique fera rêver beaucoup dÊentre vous et le côté macabre fera genti- ment frissonner les fans de Tony Sandoval ou de Mark Ryden. È Dans un registre totalement différent, Marion Montaigne ou comment joindre lÊutile à lÊagréable. Son blog Tu Mourras moins bête livre ses leçons de choses humoristiques à des lecteurs de plus en plus nombreux à lire ses notes de vulgarisation scientifique déjantées. Génial pour se cultiver en rigolant. È Autre blogueuse, autre style, Esther Gagné et sa Lanterne Brisée au sein de laquelle, à coté de quelques chro- niques personnelles, on retrouve deux récits à suivre Reika et JÊAppartiens à la nuit, des histoires à la ligne claire japa- nisante qui font la part belle aux sen- timents des personnages et dont lÊex- © Mady pressivité des planches rend souvent les dialogues inutiles. POUIB

Pour rencontrer ces auteurs et plus de 150 autres, rendez-vous à Paris, les 26 et 27 septembre, au 5e Festiblog, le Festival des Blogs BD et du Webcomics, DESSIN DE dont ZOO est partenaire. MADY

Renseignements sur : www.festival-blogs-bd.com ESS CWH ANNE DPAL- SATRGIEPSN&

zoom bd Les Pompiers En chemin elle rencontre…, collectif, DES RONDS DANS L’O, 96 P. COULEURS, 18,50 € La violence faite aux femmes, c’est le déli- cat sujet auquel s’at- taque frontalement l’é- diteur Des Ronds dans l’O, mobilisant moult plumes de talents (Charles Masson, Fred Janin, Philippe Caza…) pour appré- hender la violence sous ses multiples facettes (conjugale, harcèlement sexuel…). Etayé d’un aspect didac- tique (chiffres, articles de presse, codes de loi, avec le soutien d’Amnesty International), l’ouvrage s’adresse aux victimes comme aux proches, mais aussi à chacun d’entre nous ; ainsi le pertinent Celles des autres, sorte de micro-trottoir dans l’intimité des intérieurs, distillant entre les lignes l’idée selon laquelle cha- cun, tous âges et milieux confondus, pourra se rendre complice tacite en colportant des lieux communs pour éviter d’ouvrir les yeux. JULIE BEE

Suprême, T.2, Le Retour, par Moore, Sprouse, Veitch et Ross, DELCOURT, 180 P. COUL., 25 € Il ne faut pas croire que, parce qu’elles ne sont pas auréolées des vertus austères des graphic novels et que même, au contraire, les héros de ce comic book ont les atours huileux et bodybuildés des création de Rob Liefeld, que la marque de Moore n’est pas présente. Au contraire, ses super-héros sont mis en abyme, jus- qu’à changer eux-mêmes le scénario de leur histoire pour se sortir de l’em- barras. Cela sonne certaines séquences bouffonnes, parodies du comic book du Silver Age dont Moore retient aussi bien la naïveté que la poésie. Une démonstration magistrale, même si elle n’est pas accessible à tous. DIDIER PASAMONIK

Appelle-moi Ferdinand, de Durieux, Conty et Bourhis, FUTUROPOLIS, 64 P. COULEURS, 16 € Oscar Lehmann a une femme qui le trompe, deux filles qui le méprisent, un travail qui l’ennuie, un père artiste peintre qui l’é- crase et un cancer en phase terminale. Voilà au moins une bonne raison pour lâcher prise et expérimenter tout ce qu’il s’était interdit jusqu’à présent : sauter en parachute, aller dans des grands restaurants, s’offrir une call girl, se rabibocher avec ses filles, « tuer » le père. Oui, cette histoire est sombre. Et alors ? Doit-on se conten- ter de lire des comédies ? Ce serait LES POMPIERS : avec leurs grandes lances, ils font des ravages dans les ménages. Et en se priver des superbes dessins de plus ils bénéficient dÊune incroyable immunité (personne nÊest supposé ne pas les aimer). Christian Durieux et du solide scéna- rio de Conty et Bourhis. Ce serait une Voici déjà le neuvième tome des Pompiers, intitulé Feu à volonté. erreur. Les Pompiers T.9 © Bamboo Édition 2009 - Cazenove et Stédo THIERRY LEMAIRE FABCARO ne vous présente pas sa carte de visite car il lÊa perdue. On vous soufflera néanmoins que son actualité est assez chargée en cette rentrée, puisque vous pouvez découvrir en rayons deux nouvelles parutions : Like a Steak Machine, chez La Cafetière, et Jean-Louis et son Encyclopédie, chez Drugstore. Lire par ailleurs lÊarticle qui lui est consacré dans ce numéro, page 37.

PICO BOGUE est un jeune garçon très éveillé à la verve déroutante dont les auteurs, une mère scénariste et son fils dessinateur (Dominique Roques et Alexis Dormal), nous content les aventures du quotidien. Pico Bogue T.2 © Dargaud 2009 - Roques, Dormal S EÉWO AV-IND N°21 sept-oct 2009 AJGEEUNXD 50

zoom Jeux Vidéo Wet - Bethesda Softworks Jeux de (super) pouvoir Après X-Men Origins : Wolverine, Batman Arkham Asylum et Marvel vs Capcom 2, ce sont deux nouveaux jeux vidéo dédiés à l’univers Marvel qui arri- vent sur le marché : Marvel Ultimate Alliance 2 et Marvel Super Hero Squad. © Bethesda Softworks

Ce jeu d’action fun s’inspire du duo © Activision Tarantino-Rodriguez. Avec un revol- ver dans chaque main et un katana fixé dans le dos, Rubi Malone, revê- tue d’une tenue moulante, tue les méchants en prenant des poses. Elle verrouille la cible la plus proche avec le 1er revolver, laissant le soin au joueur d’en viser une autre avec le 2e. Dès qu’elle effectue une acrobatie, l’action se déroule au ralenti, façon « bullet time », et la caméra pivote à 360° autour d’elle. Lorsqu’elle est furieuse, le mode Rage nous gratifie d’un passage en noir et blanc sur fond rouge sang, très comic book. Une autre séquence nous offre une poursuite sur l’autoroute gérée en Quick Time Event avec des effets spectaculaires. Le 18 Septembre sur X360, PS3

Alpha Protocol - Sega Mélangeant action, espionnage et RPG, ce jeu inno- vant se déroule à travers le monde dans un environne- e scénario de Marvel Ultimate Alliance 2 repose sur gamme des figurines Marvel Hero Squad ayant déjà ment ultra réaliste le crossover qui regroupait les personnages les fait lÊobjet dÊune série TV animée. et immersif. Le L plus emblématiques de Marvel dans la série de Après avoir choisi son équipe parmi les personnages joueur peut façonner l’espion qu’il comics Civil War. Sous la pression de lÊopinion proposés, le joueur devra combattre pour sauver les incarne comme il le désire tant dans ses actions, sa personnalité que ses publique, le Gouvernement US promulgue une loi qui habitants de Super Hero City. En mode coopération à aptitudes. Grâce à un système de doit recenser tous les super-humains, les obligeant quatre joueurs (ensemble, deux contre deux ou trois dialogues en temps réel, les person- ainsi à révéler leur identité secrète. Les opinions diver- contre un), on peut vivre une grande aventure au tra- nages se souviennent de leurs gent entre ceux qui sont pour et qui se regroupent der- vers de six campagnes regroupant Wolverine, Hulk, conversations et relations avec leurs rière Iron Man, et ceux qui considèrent que cette loi Thor, Iron Man, le Surfeur dÊArgent ainsi que Falcon, alliés tandis que leurs ennemis sont déterminés par leur attitude et les porte atteinte aux libertés individuelles et qui se ral- puis débloquer deux bonus avec Spider-Man et Dr réponses choisies par le joueur. Les lient sous la bannière de Captain America. Doom. On participe à des combats épiques dans des choix multiples et riches en possibi- Il est temps pour le joueur de choisir son camp et de environnements dynamiques. En outre, on peut lités influent sur le déroulement de combattre. Il se retrouve à la tête dÊun groupe de per- débloquer des personnages, des costumes, des lieux de l’aventure. En octobre sur PS3, X360, PC sonnages mais nÊen dirige quÊun à la fois car le logiciel bataille et créer ses propres combos. se charge des autres en assurant leurs déplacements et Borderlands - 2K Games les combats. Il passe ensuite dÊun personnage à lÊautre JOSEPHE GHENZER Dans le futur sur pour sÊadapter à la situation et proposer des attaques une planète hostile plus efficaces en fonction des adversaires quÊil affron- peuplée de bandits MARVEL ULTIMATE ALLIANCE 2, et d’aliens, le te. La nouveauté réside dans la possibilité de fusionner joueur a le choix les pouvoirs de deux super-héros afin dÊobtenir des ACTIVISION, entre quatre per- attaques dévastatrices. Les personnages peuvent aussi sonnages, chacun utiliser les éléments du décor contre leurs ennemis. ACTION / RPG, ayant des capa- PS3, X360, PS2, WII, PC, DS, PSP cités spécifiques et LÊaspect RPG nÊest pas en reste puisquÊil est possible de une évolution propre. Avec son façonner les personnages à sa guise en améliorant SORTIE LE 25 SEPTEMBRE ambiance mélangeant western et SF, leurs pouvoirs, en leur ce FPS original (tant par son graphis- attribuant des objets me, proche d’un comic book, que par

© Activision plus ou moins puis- son gameplay) combine exploration, sants et en gérant leur pilotage de véhicules et shoot en vue MARVEL SUPER HERO SQUAD, subjective, avec la possibilité de créer niveau dÊexpérience. jusqu’à 650 000 armes grâce à une MARVEL ENTERTAINMENT, génération aléatoire. Si Borderlands Quant à Marvel Super ACTION, est jouable en solo, c’est en coopéra- Hero Squad, il sÊagit tion à quatre (online ou en écran WII, PS2, DS, PSP splitté) qu’il s’exprime pleinement. dÊun jeu dÊaction au Le 23 octobre sur PS3, X360, PC design plus enfantin SORTIE EN OCTOBRE JOSEPHE GHENZER qui sÊinspire de la Près de 100 000 exemplaires tous les deux mois !

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