Voix Et Relation Une Poétique De L’Art Littéraire Où Tout Se Rattache
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Serge Martin Voix et relation Une poétique de l’art littéraire où tout se rattache Ouvrages récents du même auteur : Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le racontage de la maternelle à l’université, Paris : L’Harmattan, 2014. Les Cahiers du Chemin (1967-1977) de Georges Lambrichs. Poétique d’une revue littéraire, Paris : Honoré Champion, 2013. Dédicaces poèmes vers Henri Meschonnic, coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont-de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2012. La Poésie à plusieurs voix. Rencontres avec trente poètes d’aujourd’hui, coll. « Le Français aujourd’hui », Paris : Armand Colin, 2010. (avec Marie-Claire Martin), Quelle littérature pour la jeunesse ?, coll. « 50 questions », Paris : Klincksieck, 2009. Langage et relation. Poétique de l’amour, coll. « Anthropologie du monde occidental », Paris : L’Harmattan, 2006. L’Amour en fragments. Poétique de la relation critique, coll. « Manières de critiquer », Arras : Artois Presses Université, 2004. Directions d’ouvrages : Paroles rencontres : ouvrir les archives « Henri Meschonnic », coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont-de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2013. Ici et ailleurs : François Place, coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont- de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2012. Penser le langage Penser l’enseignement Avec Henri Meschonnic, coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont-de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2010. Émile Benveniste pour vivre langage, coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont-de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2009. (avec Pierre Bruno, Max Butlen et Jacques David), Enseigner la littérature de jeunesse, coll. « Le Français aujourd’hui », Paris : Armand Colin, 2008. Avec Ghérasim Luca passionnément…, Saint-Benoît-du-Sault : éditions Tarabuste, janvier 2006. (avec Gérard Dessons et Pascal Michon), Henri Meschonnic, la pensée et le poème, Paris : In’Press, 2005. Avec Bernard Noël toute rencontre est l’énigme, La Rochelle : Himeros/Rumeur des âges, 2004. Chercher les passages avec Daniel Delas, coll. « Sémantiques », Paris : L’Harmattan, 2003. 2 3 Introduction La voix, la relation, une aventure critique […] cet esprit primitif de chercherie Charles Baudelaire1 Le rapport de la voix à la relation est peut-être plus aventureux que ce que les termes impliquent par eux-mêmes de rapports. En effet, la voix ne s’entendrait pas seulement de bouche à oreille et la relation ne se jouerait pas uniquement d’un terme à un autre, les deux bien établis. Il semble impossible de réduire ces rapports à un simple fléchage entre deux bornes tant les sources et les résonances paraissent insondables sans parler des aléas ininterrompus de leur fonctionnement. Voix et relation se perdent dans les rapports, ne sont que rapports de rapports. Toutefois, non pour me rassurer mais pour mieux vivre cette inquiétude, je me contenterai de rappeler cette courte fable théorique qu’Henri Meschonnic livre au cœur d’un de ses maîtres ouvrages et que je prends pour repère dans cet essai : Le problème de la poétique est celui de l’historicité. L’historicité du faire sens, du faire sujet. Le problème de l’historicité est celui des mythes. Le problème avec les mythes, c’est qu’ils sont la parabole qu’il ne peut pas ne pas y avoir de mythes. En ce sens, il n’y a pas de défaites des mythes. Ni non plus de victoire. Leur vérité n’a ni vérification ni sanction. La poétique a, avec eux, des rapports ambigus, comme à la veillée, quand on écoute. Car elle est une poétique de l’éthique du sujet, et non du mythe.2 Il y a epos et muthos Les discours sur la voix, sur la relation et sur leurs rapports sont souvent porteurs de 1. Charles Baudelaire, « Révélation magnétique (1) », La Liberté de penser, 15 juillet 1848. 2. Henri Meschonnic, Politique du rythme Politique du sujet, Lagrasse, Verdier, 1995, p. 308. 4 mythes. Aussi est-ce avec eux qu’il est nécessaire de penser sans chercher à les effacer, comme il est vain de tenter de faire disparaître les personnages ou les fantômes des contes dans les ombres que font le feu d’une écoute, le vif d’une relation et l’imperceptible d’une voix. La visée est donc de ne pas arraisonner cette écoute, cette relation et cette voix, sans avoir répondu à l’appel de la voix-relation, dans et par le poème, comme réponse sans question à tous ces personnages, fantômes ou agents, actants ou mannequins. Tout simplement parce que, dans les fables sur la voix et sur la relation qu’on raconte au sujet, le poème est trop souvent oublié et, dans la pensée des fables ainsi prise dans les mythes, la pensée du poème se voit également abandonnée. Il ne s’agit donc pas de défaire les mythes et, par conséquent, les fables de la voix et de la relation, au sens où ces dernières constitueraient chaque fois spécifiquement une théâtralisation des relations de voix et des voix en relation, mais de les orienter vers le poème et par la poétique, en ne cessant d’œuvrer à l’historicité et à la pluralité de la voix et de la relation. Aussi, le projet est-il de reprendre la fable au mythe, de retrouver la force fabuleuse d’un théâtre de voix qui alors ne pourrait plus être réduit à une valeur modale ou générique et encore moins à une moralisation des discours ou à une réduction du langage à l’énoncé intentionnel ou véridictionnel3. Il semble donc inutile de remplacer les définitions de la voix et de la relation que donnent les mythes des fables, mais il paraît indispensable de chercher les fonctionnements de la voix et de la relation que permettent la poétique et le poème, inséparablement. Ce qui a bien évidemment pour conséquence, dès que la recherche a cours, une transformation continue de tout ce qui la motive : si la voix et la relation sont orientées par le poème et la poétique, alors poème et poétique ne sont plus ce qu’on croyait qu’ils étaient. Tout, y compris la recherche elle-même, doit se mettre au régime du commencement, du recommencement, de l’état naissant. C’est le 3. Voir Jean-Marie Schaeffer, « Quelle vérité pour quelle fiction ? », L’Homme, n° 175-176, 2005, p. 19-36. On pourrait discuter la thèse de Schaeffer en particulier la superposition du fictionnel et du ludique mais en premier lieu il faudrait examiner de près la réduction qu’il opère de l’artistique au fictionnel. Je ne m’y risque pas ici. 5 choix que j’aimerais faire avec Meschonnic, quand il propose de « reprendre, à partir d’Homère », la réflexion du côté de l’epos et non du muthos4. C’est alors la seconde fable théorique qui conjoint voix et relation dans une même recherche : Sa voix est sa propre recherche, c’est pourquoi le sujet du poème, qui n’existe que de se trouver, importe à tous les sujets. Ce sujet est un combat. Il veut être et n’est jamais assez. En lutte pour lui-même avant d’être en lutte avec les autres. Mais son avènement à lui-même, sa naissance perpétuelle est l’accomplissement même d’un accord de sujet à sujet. Sa plénitude – être toujours un autre. 5 Tout au long de cet essai, je vais tenter d’associer la voix et la relation tant du point de vue de la critique des œuvres que de la critique des notions, la première par la seconde et l’inverse. Maintenir l’état naissant dans une recherche est un véritable paradoxe car on a l’habitude de situer toute recherche dans un parcours dont le modèle reste au fond narratologique, modèle qui assure d’un début et d’une fin, de sources et d’horizons forcément mis au régime de certitudes, si ce n’est de repères bien établis. Ce ne sera pas le cas ici puisque, si cet essai se situe dans le droit fil d’essais antérieurs qui établissaient l’interpénétration du langage et de la relation dans et par le poème-relation6, il effectue un déplacement qu’il est difficile de caractériser hors de sa dynamique même. Il y a objets et méthodes La recherche se spécialise généralement de deux façons : par son objet et par sa méthode. Ainsi parlerait-on ici de recherche sur la voix en poésie contemporaine et d’une 4. H. Meschonnic (Politique du rythme Politique du sujet, op. cit., p. 358-359) propose dans un court passage une analyse philologique du mot « épopée » sur le modèle des analyses de Émile Benveniste avec l’indo-européen dans son Vocabulaire des institutions indo-européennes, t. 1. Économie, parenté, société et t. 2, Pouvoir, droit, religion, Paris, Minuit, « Le sens commun », 1969. Meschonnic avait déjà commencé un tel travail dans Critique du rythme, Anthropologie historique du langage, Lagrasse, Verdier, 1982, p. 292-293. 5. Ibid., p. 359. 6. Voir, entre autres, L’Amour en fragments, Poétique de la relation critique (Arras : Artois Presses Université, 2004) et Langage et relation, Poétique de l’amour (Paris : L’Harmattan, 2006). 6 approche relationnelle des faits littéraires ou bien de recherche sur la thématique relationnelle en poésie contemporaine et d’une attention à la vocalité comme point critique de toute littérarité. Mais la spécialisation, si utile pour éviter les généralités et évaluer les méthodes voire les initier, ne permet pas de spécifier une recherche puisqu’elle est alors prise par son objet ou sa méthode qui la définissent et lui donnent valeur épistémologique autant qu’institutionnelle. Cette captation prend des formes diverses, naturalisation ou instrumentalisation, à tel point que la recherche y perdrait souvent sa force critique dans un applicationnisme ou un épigonalisme acritiques.