saison) le journal des Arts Florissants
automne-hiver 2010 | numéro 23
devant nous
Le 30e anniversaire des Arts Florissants, que nous avons célébré Au fil tout au long de la saison passée, a été pour moi source de grande de la 31e saison des Arts satisfaction. J'ai été ému de voir l'accueil qui a été réservé à Florissants Caen comme à Paris, à Londres comme à New York, aux manifestations très variées que nous avions organisées, à l'esprit de page 8 fête et de famille qui a régné en chaque occasion. Atléonl Didoand Aeneas en Russie Parmi les nombreux motifs de satisfaction, je retiendrai page 10 le succès remporté par Aci, Galatea les concerts de mes deux e Polifemo de Handel jeunes collègues Paul Agnew et Jonathan Cohen.
page 14 J'avais souhaité, les 30 ans Anacréon 1 de mon ensemble Pygmalion approchant, partager mes de Rameau responsabilités avec des artistes pouvant développer 1 page 18 leurs propres projets au sein des Arts Florissants. Si j'ai mis du temps 1 Duos d'exception: Philippe à entamer cette démarche, c'eft que j'ai pu nourrir des craintes Jaroussky et Max pour l'identité de l'ensemble. La maturité nous a permis de franchir Emanuel Cencic cette nouvelle étape. page 20
ArtsFlo Cela ne signifie en rien que je souhaite en faire moins dans l'avenir. Media Mais Les Arts Florissants doivent pouvoir répondre à la demande croissante du public, et se rendre aussi disponibles que possible. Je suis heureux, dans ce contexte, que les deux admirables musiciens page 22 Brèves que sont Paul Agnew et Jonathan Cohen puissent acquérir leur Retour en imaee autonomie dans l'ensemble et deviennent responsables de leurs programmes. Leur présence et leur participation à la vie des Arts ! Florissants constituent de véritables réussites à mes yeux. page 24 J'ai constaté avec une joie immense ces derniers mois que le public Calendrier appréciait maintenant Les Arts Florissants pour eux-mêmes, y compris quand je ne participais pas à un programme. Ce succès récompense notre fidélité à l'égard de notre répertoire, de nos valeurs, et d'un esprit que nous avons donc su préserver intacts. Notre équipe renforcée, nous pouvons préparer les 30 années à venir et je trouve cela superbe!
WILLIAM CHRISTIE Cecilia Bartoli dans Semele (mise en scène : Robert Carsen)
Les Arts Florissants donneront le coup a1 envoi de la saison 2010-2011 avec Semele à Vienne. ^9
m ^^^^^^ Au fil de la 31e saison des Arts^Brissants
C'eft une nouvelle saison, particulièrement riche connaît un engouement relativement récent et variée, qui s'ouvre en septembre, avec onze pro- pour la musique baroque. grammes différents et plus de quatre-vingts concerts et représentations d'opéra. En 2010-2011, Rameau, l'un des compositeurs de prédilection Les Arts Florissants seront comme toujours très de l'ensemble, figurera également au programme présents à Caen et en Basse-Normandie, ville et de la saison avec deux magnifiques partitions région partenaires de l'ensemble, à Paris et dans écrites pour le ballet, Pygmalion et Anacréon, que toute la France (Bordeaux, Toulouse, Grenoble, William Chriétie dirigera en décembre (Tou- Le Havre...) ainsi qu'à l'international (une louse, Bruxelles, Vienne), puis en mars (Paris, dizaine de pays visités cette année, dont la Russie, Rotterdam, Valence, Budapest et New York). les États-Unis et la Chine).
En janvier 2011, William Chriitie réunira deux William Christie et Les Arts Florissants don- contre-ténors parmi les plus en vue de la scène neront le coup d'envoi de la saison 2010-2011 avec musicale baroque, Philippe Jaroussky et Max Semele de Handel à Vienne, dans la mise en scène Emanuel Cencic, autour d'un programme de fameuse de Robert Carsen (créée à Aix-en- cantates et duetti da caméra peu connus compo-
Provence en 1996). L'occasion pour Les Arts sés en Italie au XVIIe siècle. Un programme- Florissants de retrouver Cecilia Bartoli campant découverte, hors des sentiers battus, qui sera une Sémélé charmeuse à souhait. présenté à l'occasion de quatre concerts seule- ment (dont une première au théâtre de Caen) et
Suivra en octobre une tournée en Russie, où fera l'objet d'un enregistrement discographique Les Arts Florissants ne se sont pas produits chez Virgin Classics. depuis plus de vingt ans. L'ensemble donnera
Atle'on de Charpentier et Dido and Aeneas Pour le 10e anniversaire du Jardin des Voix, Wil- de Purcell à Moscou et à Saint-Pétersbourg, liam Chriétie a souhaité lier l'académie caennaise à dans le cadre des années croisées France-Russie. la recréation de la production à'Atys de Lully. Les Un événement important dans un pays qui lauréats de cette édition exceptionnelle, choisis parmi près de deux cents candidats, participeront à un projet double. Ils prépareront et donneront à Caen un programmepatficcio autour de la musique
française du XVIIe siècle - "Le Jardin de Monsieur Lully" - qui tournera dans des salles prestigieuses en Europe et aux États-Unis. On retrouvera éga- lement ces jeunes voix dans la production à'Atys.
La recréation à'Atys de Lully, spectacle mis en scène par Jean-Marie Villégier en 1987, e£t sans doute l'événement le plus attendu de la saison. Ce spectacle emblématique dans le parcours des Arts Florissants est considéré par beaucoup comme la pierre angulaire du mouvement baroque. C'est grâce à la générosité d'un mécène américain, Ronald Stanton, que le spectacle reverra le jour dans la fraîcheur retrouvée de ses décors peints et de ses somptueux coutumes de cour et avec une nouvelle distribution. Vingt et une représenta- tions sont prévues entre mai et septembre 2011 à l'Opéra Comique, au théâtre de Caen, au Grand Théâtre de Bordeaux, à l'Opéra Royal de Versailles et à la Brooklyn Academy of Music de New York. Saison en reparlera longuement dans sa prochaine édition.
Paul Agnew, chef associé des Arts Florissants, retrouvera l'ensemble à plusieurs reprises au cours de cette saison. Il dirigera à la fin août/début sep- tembre 2010 un programme de musiques compo-
Atys de Lully, lors de sa création parisienne sées pour chœur d'hommes dans la France du à/'Opéra Comique en 1987 XVir siècle - Marc-Antoine Charpentier en pre- mier lieu (concerts à Sablé,Utrecht, Brive, Écou- ché dans l'Orne). En mars, Paul Agnew entraî- nera Les Arts Florissants sur un terrain qui leur est déjà familier, celui du semi-opéra anglais du XVIF siècle (déjà exploré avec King Arthur et The Fairy Queen), en dirigeant The Indian Queen de Purcell (Caen, Paris, Poissy) qui n'a encore jamais été donné par l'ensemble.
Jonathan Cohen dirigera pour sa part un petit chef-d'œuvre de lajeunesse de Handel, Aci, Gala- tea e Polifemo, moins connu que sa "version anglaise" écrite plus tardivement (Acis and Gala- ted), mais passionnante, et que l'on pourra enten- dre et découvrir en novembre (Caen, Le Havre, Paris et Mérignac).
'tO LUC BOUNIOL-LAFFONT esl adminislrateur général des Arts Florissants.
Dans le cadre des années croisées France-Russ Les Arts Florissants interpréteront Aftéon de Marc-Antoine Charpentier et Dido and Aeneas de Henry Purcell à Moscou et à Saint-Pétersbourg — deux villes où William Chriftie et son ensemble ne s étaient tpasprpas produits depuis plus de vingt ar,
Renouveau baroquaroq e
LE MOUVEMENT DE RENOUVEAU DE LA MUSIQUE BAROQUE A GAGNÉ LA RUSSIE CES DERNIÈRES ANNÉES. ANDREI RESHETIN, DIRECTEUR DU FESTIVAL EARLYMUSIC DE SAINT-PÉTERSBOURG, EN TÉMOIGNE POUR SAISON.
Durant la période soviétique, la musique ancienne sur instruments d'époque faisait figure de culture "alternative"; les musiciens la jouaient chez eux, parfois dans leur cuisine, sans qu'ils puissent se produire publiquement dans des salles de concert. La musique baroque était jugée superflue. Aujourd'hui, pour donner un exemple que nous
Version de concert d'après ta production connaissons bien, les concerts du festival Earlymusic ont investi les plus de la BAM (New York, mars 2010) grandes salles de concert de Saint-Pétersbourg, et sont donnés devant mise en scène par Vincent Baussard des salles combles, composées principalement d'un public jeune. Des ensembles russes de talent ont vu le jour comme Musica DIDO Sonya Yoncheva, soprano Metropolitana, qui a acquis une belle notoriété en Russie, ou Pratum ARETHUZE / BGLINDA Integrum à Moscou. Des classes de musique ancienne commencent Emmanuelle de Negri, soprano même à être créées dans les conservatoires. Pour autant, on ne peut pas ACTÉON / SPIRIT Ed Lyon, haute-contre considérer que la musique baroque fasse désormais partie de la culture AENEAS russe "officielle". Les chiffres sont parlants : le soutien de l'Etat à notre Andréas Wolf, bar\/ton festival s'élève rarement au-delà de 10 ooo euros, et les musiciens DIANE /SECOND W0MAN Katherine Watson, soprano baroques russes qui tentent d'enseigner dans les conservatoires IUN0N / SORCERESS touchent un salaire mensuel d'au mieux 300 euros. La raison en est Hilary Summers, mezzo-soprano que les hommes d'affaires influents et les décideurs politiques en HYALE / FIRST WITCH Céline Ricci, soprano Russie sont totalement étrangers à ce répertoire. En dépit de ce DAPHNÉ / SECOND WITCH constat, la musique ancienne trouve peu à peu un public de Ana Quintans, soprano
SAILOR mélomanes et est désormais pour beaucoup une véritable passion. Damian Whiteley, bosse Earlymusic est devenu, en Russie, le rendez-vous des meilleurs interprètes européens de musique ancienne. Mais nous n'avons les moyens d'accueillir que des formations de chambre. Le Requiem de Mozart, les Vêpres ou les opéras de Monteverdi, tout comme ceux de Handel, ne sont jamais donnés aujourd'hui en Russie dans une interprétation "authentique" sur instruments anciens ! Le public Ed Lyon et Katherine Watson dans Aétéon (à la BAM de New York, mars 2010)
ignore également les plus fameux opéras de la cour de Catherine la Grande, comme en règle générale tout l'héritage musical
russe du XVIIIe siècle. Chaque ville a son propre public. A Saint-Pétersbourg, il n'est pas immédiatement sensible à l'originalité intellectuelle d'un programme, et l'utilisation d'instruments anciens sur scène ne suscite qu'une curiosité retenue. Ce qui attire les spectateurs ici, c'est plutôt le pouvoir magique qu'a la musique de transfigurer nos âmes. Aussi d'aucuns jugent que le public pétersbourgeois est froid ou guindé. A Moscou au contraire, les gens semblent se réjouir du simple fait d'aller au concert. Globalement, la sensibilité du public russe actuel
lui permet d'apprécier la musique italienne du XVIIIe siècle, tandis que la musique française de cette époque refte souvent d'un accès plus difficile - cette remarque vaut d'ailleurs également pour les
DIRECTION MUSICALE : œuvres postérieures. Si, en tant que directeur artistique de festival, William Christie je ne doute jamais du succès que rencontreront les compositeurs MISE EN ESPACE ! italiens que j'ai programmés, j'ai aussi conscience du risque que Sibylle Polster
CHŒUR ET ORCHESTRE : représente le choix d'une œuvre française. Mais je suis prêt Les Arts Florissants à assumer que ma programmation ne soit appréciée que par un nombre limité d'auditeurs. Car mes choix ne sont pas guidés par cf. calendrier page 24 la quête d'un succès immédiat : certaines portes s'ouvrent avec difficulté, mais l'important, c'est de les ouvrir. Quant à la musique
anglaise du XVIIe siècle, aussi étrange que cela puisse paraître, elle compte de nombreux admirateurs en Russie, surtout lorsqu'elle Sur artsflomedio.com : Retrouvez est bien interprétée. Si beaucoup parleront de Dido andAeneas - le texte musical des deux œuvres comme de leur opéra favori, rares seront ceux qui connaissent (rubrique "Partitions") - des extraits des CD Actéon ÏABéon de Charpentier. (Harmonie Mundi) et Dido and Aeneas (Warner Classics/Erato) Les difficultés à trouver des financements pour les projets (rubrique "Phonothèque") d'envergure ne nous ont pas permis jusqu'à présent, dans le cadre de notre festival, de présenter les interprètes ou les ensembles qui ont donné leurs lettres de noblesse à la musique baroque, comme Nikolaus Harnoncourt ou William Christie. Aussi la tournée des Arts Florissants à Moscou et Saint-Pétersbourg constitue-t-elle un événement très important dans la vie musicale de notre pays.
ANDREIRESHETIN Les Arts Florissants, sous la direction de Jonathan Cohen, donneront pour la première fois Aci, Galatea e Polifemo de Handel. Une tournée qui passera par Caen, Le Havre, Paris et Mérignac,
( À Les métamorphoses d'o/cis
MOINS CÉLÈBRE QUE SON MASQUE ANGLAIS ACISAND GALATEA, LA CANTATE ITALIENNE ACI, GALATEA E POLIFEMO DUTOUT JEUNE HANDEL RECÈLE POUR JONATHAN COHEN DES TRÉSORS D'INGÉNIOSITÉ MUSICALE.
Depuis que j'ai rejoint la famille des Arts Floris- prochain avec^a, Galatea e Polifemo et je suis sants en 2004, j'ai assisté William Christie sur de impatient de m'y atteler. nombreux proj ets. Chacun d'entre eux m'a apporté un éclairage personnel sur les musiques que nous Aci, Galatea e Polifemo, HWV 72, a été composé avons interprétées, et une compréhension plus en 1708 sur un livret de Nicola Giuvo d'après les profonde de celles-ci. Ces six derniers mois ont Métamorphoses d'Ovide. Selon Carlo Vitali et été particulièrement riches : ASîéon/Dido and Antonello Furnari, deux érudits spécialistes de Aeneas et The Fairy Queen à Paris et New York, Handel, l'œuvre fut vraisemblablement com- Le Couronnement de Poppée à Madrid ou encore mandée par Donna Aurora Sanseverino pour les récemment Pygmalion de Rameau à Aix-en- noces du duc d'Alvito et de Béatrice Tocco di Provence. C'eSf. une énorme récompense pour Montemiletto, princesse d'Acaja, et fut proba- moi de pouvoir assister William Christie, de sui- blement donnée à Naples le 19 juillet 1708 dans le vre les chanteurs et l'orchestre dans ce chemine- cadre des festivités de leur mariage. Elle est restée ment qui mène du studio de répétition, où se jusqu'à aujourd'hui l'une des" œuvres de Handel conçoivent les premières idées, jusqu'à la scène et les plus rarement interprétées, en grande partie je lui suis toujours reconnaissant de pouvoir pren- en raison de la popularité gagnée auprès du public dre part à ces passionnantes odyssées. Après les anglais par deux œuvres plus tardives du Saxon : festivités du 30e anniversaire des Arts Florissants, le masque AcisandGalatea (HWV49a) de 1718 et dans le cadre desquelles j'ai choisi d'interpréter la serenatay&w and Galatea de 1732 (FTWV49b). Mozart, Haydn et Gluck, je souhaitais pouvoir diriger une œuvre dramatique en entier et la Je suis ravi de pouvoir interpréter ce joyau découvrir pour la première fois en même temps méconnu à la tête des Arts Florissants et avec une que l'orchestre. Ce sera chose faite en novembre splendide distribution composée de Jaël Azza- retti - qui incarnera Aci -, Delphine Galou dans le rôle de Galatea et ChriStopher Purves dans celui du cyclope géant Polifemo. La légende sici- lienne, rapportée pour la première fois par Ovide, raconte l'histoire des amants Aci et Galatea, tour- mentés par la jalousie de Polifemo. Au terme d'une dispute fort passionnée, Polifemo le géant enragé écrase le corps de l'infortuné Aci avec un rocher - une scène qui mène à l'aria boulever- sante de beauté et de tristesse Verso già l'aima col sarigue, lento palpita il mio cor (En perdant mon sang je rends l'âme, les battements de mon cœur ralentissent). Galatea,la nymphe de la mer, invoque son père Nereus — E tu, mio genitore, quell'infelice salma, trofeo di cruda morte, deh,fa che si converta in fresco rio (Et toi, mon père, fais que cette malheu- reuse dépouille, trophée d'une mort cruelle, soit transformée en un frais ruisseau) - et le supplie de pouvoir se fondre avec son amant mort parmi les flots. Cette émouvante image de l'amour immortalisé dans la nature - thème récurrent Jonathan Cohen
Je suis enthousiasmé par l'invention et l'énergie effervescentes et comme inépuisables du jeune Handel.
dans la mythologie classique - tient lieu de fin heureuse, où il nous est dit que Chi ben ama ha per oggetti fido amor, pura coHanza (Celui qui aime véritablement a pour objets fidèle amour, constance pure) : on ne saurait trouver meilleure morale pour une célébration de noces.
Sur artsflomedia.com ; retrouvez Jonathan Cohen dirigeant La partition elle-même est étonnamment variée Les Arts Florissants dans un programme Gluck/Haydn/Mozart et ingénieuse. Je suis enthousiasmé par l'inven- (rubrique "Vidéothèque") et le 19 novembre en live depuis tion et l'énergie tout à la fois effervescentes et la Cité de la musique {pour cet comme inépuisables du jeune Handel. Il trouve Aci, Galatea e PolifemoJ. tous les moyens imaginables pour tirer des cou- leurs de l'orchestre et dépeindre des personnages outranciers qui semblent surgir de la partition. Son Style italien lui fait illustrer chaque Strophe du texte par des instrumentations riches et auda- cieuses, assignant à l'orchestre un rôle solistique et virtuose. Le hautbois joue fréquemment une mélodie obbligato sans paroles, dialoguant avec les amants ; les trompettes et timbales annoncent l'arrivée arrogante du géant ; dans l'aria Dell'aquila l'artigli se distingue un clavecin obbligato vir- tuose ; et dans S'agita in mezzo all'onde s'élève un solo de flûte, qui semble représenter la mer agitée ou l'impuissance de l'homme face à son destin (la petite nef flottant sur les immenses océans), qui est nerveusement accompagné par les violons en pizzicato. Les deux terzetti sont de véritables tours de force dramatiques par lesquels, alors que les personnages sont en conflit les uns avec les autres, la musique reflète simultanément les émo- tions multiples de chacun d'entre eux. Handel emploie très efficacement ce même procédé dans la sérénade de 1732. L'aria la plus remarquable est sans doute celle de Polifemo : Fra l'ombre e g/'orrori qui réunit la flûte, les violons avec sour- dine, et une ligne de basse confiée explicitement à la contrebasse. L'ambitus vocal est tout bonne- ment exceptionnel, puisqu'il s'étend du ré grave jusqu'au la dièse ; c'est peut-être là l'une des rai- sons pour lesquelles cette œuvre n'est pas souvent Deux illustrations du mythe d'Acis et Galatée: Giuseppe Diamantini (en haut) et la Fontaine interprétée : rares sont en effet les barytons-basses Médias (Jardins du Luxembourg, Paris) dotés d'une tessiture aussi large. Dans chaque aria de Polifemo, Handel fait montre d'une excentricité osée ; dans celle-ci figure ainsi un saut de deux octaves. D'autres instrumentations remarquables sont à noter dans l'aria Qui l'augel dapianta : le violon et le hautbois obbligati enton- DIRECTION MUSICALE ET CLAVECIN : Jonathan Cohen nent un mélodieux chant d'oiseau ; l'aria Se m ami ORCHESTRE: 0 caro fait appel à deux violoncelles solos obbligati Les Arts Florissants soupirant avec le texte Lasciami sola a sospirar (laisse-moi soupirer seule).
ACI Jaël Azzaretti, soprano GALATEA Handel reprenait souvent ses œuvres de musique Delphine Galou, mezzo-soprano
POLIFEMO de chambre, ses concertos pour orgue, et ses ChristopherPurves, concerti grossi en guise d'interludes au sein de ses baryton-basse œuvres scéniques. Dansiez, Galatea ePolifemo,la. prééminence du hautbois, la virtuosité de la forme Cf. calendrier page 24 du concerto grosso, et les violoncelles obbligati me font immédiatement penser au concerto grosso, op. 3 n° 2 en si bémol majeur. Aci, Galatea e Polifemo ne comportant pas d'ouverture, il me semblerait tout à fait naturel d'introduire l'œuvre par un passage orchestral extrait de ce concerto.
JONATHAN COHEN
Après l'avoirprésenté à Aix-en-Provence l'été dernier, dans une production de Trisha Broivn, Les Arts Florissants donneront Pygmalion en version de concert, couplé avec une autre magnifique partition écrite par Jean-Philippe Rameau pour le ballet: Anacréon (cf. calendrier pages 25 et 26).
Rameau a/>san/
PARMI LES CHEFS-D'ŒUVRE DE RAMEAU DESTINES A LA SCENE, PYGMALION COMME ANACRÉONRESTENT ENCORE PEU CONNUS.
Si Pygmalion, acte de ballet, fut écrit comme une suite de la sixième reprise du Carnaval et la Folie, pièce unique, en 1748, ce ne fut pas le cas dAna- comédie-ballet d'André Cardinal, dit Destouches, créon, représenté pour la première fois en 1757, qui directeur de l'Académie jusqu'en 1730. D'après Le fut conçu comme la nouvelle et troisième entrée Mercure de France d'avril 1751, l'œuvre aurait d'un ancien opéra-ballet créé à Versailles en 1748 répondu à une commande de la direction de et remanié pour une reprise. l'Académie et été écrite en moins de huit jours. Selon les exégètes, cette rapidité de composition Dès son premier essai dans le genre, Jean- expliquerait même l'unité de ton et de mouve- Philippe Rameau connut un immense et légi- ment qui caractérise cette pièce que tous consi- time succès avec Pygmalion, composé sur un livret dèrent comme la meilleure de Rameau dans le original d'Antoine Houdar de La Motte, Le genre. Les contemporains de J.-P. Rameau ne Sculpteur, cinquième entrée du Triomphe des Arts s'y étaient pas trompés qui louèrent l'œuvre, (mis en musique par Michel de La Barre en 1700), comme le baron Grimm ou d'Alembert, même adapté par un certain Ballot de Savot, avocat qui quelques années après la création, en pleine fréquentait le cercle du fermier général Alexan- querelle des Bouffons. dre Le Riche de La Pouplinière. Si l'argument de cette œuvre - un sculpteur, épris de la statue qu'il Dans la seconde partie de l'étonnante ouverture, vient de tailler dans le marbre, se désespère devant le compositeur montre d'emblée sa maîtrise de cet amour impossible - est relativement simple, l'écriture orchestrale en suggérant les coups de la musique composée par J.-P. Rameau révèle une ciseau du sculpteur. Le drame s'installe dès la pre- maîtrise absolue de l'écriture et des formes qui mière scène avec le fameux air de Pygmalion, place cette pièce au même niveau que les grandes "Fatal amour", d'une incroyable puissance dra- tragédies écrites durant les années 1730 [Hippolyte matique. Puis, c'eél la "scène de ménage" entre etAricie, Castor et Pollux, Dardanus). Pygmalion Pygmalion et son amante, Céphise, qui lui fut donné pour la première fois sur la scène de reproche d'être insensible aux feux dont elle brûle l'Académie royale de Musique le 27 août 1748, à la pour lui à cause de l"'objet"qui occupe sans cesse Pygmalion par Isaak Walraven (1686-IJ65) ses pensées ! La scène s'achève par les mots très "Pantomime niaise et un peu lente", dansée par durs de Céphise "Puissent les juSr.es dieux, par deux paysans, suivie d'une "Deuxième panto- cette folle ardeur/Punir l'égarement de ton bar- mime très vive", lui emboîtent le pas avant le bare cœur". La troisième scène nous montre Pyg- retour de Pygmalion dans l'air devenu célèbre dès malion désespéré, implorant Vénus, "mère des lejour de sa création,"Règne, Amour". L'œuvre se plaisirs"; le miracle s'accomplit lorsque l'Amour termine par un ballet général enjoué des Grâces, intervient en secouant son flambeau au-dessus Jeux et Ris. Le secret de la réussite de Pygmalion de la Statue qui s'anime bientôt et parle à Pyg- réside sans aucun doute dans le fait que le ballet malion tout abasourdi par ses premières paroles ; est intimement hé à l'action dramatique et n'est la scène se clôt sur un "CeSI vous que j'adore" pas, comme souvent, un simple "ornement" à la lancé avec conviction par la Statue. Le drame va musique ou un vague prétexte à la danse : grâce au maintenant céder sa place au ballet. La quatrième génie de J.-P. Rameau, Pygmalion était devenu scène s'ouvre par l'air de l'Amour "Du pouvoir de l'archétype même de l'acte de ballet. Signe de son l'Amour" qui invite les Jeux et Ris à suivre ses indéniable succès, Pygmalion connut plusieurs traces et à achever son ouvrage. Les Grâces reprises à l'Académie royale de Musique et fut entrent en dansant et instruisent la Statue en lui représenté sur la scène du théâtre du château de montrant les différents caractères de la danse : les Fontainebleau durant le séjour du roi, le 12 octo- danses s'enchaînent ainsi avec plus ou moins de bre 1754, à la suite de La Naissance d'Osiris, pre- développement (air très lent, gavotte gracieuse, mière entrée, et des Incas du Pérou, deuxième menuet, gavotte gaie, chaconne vive, loure très entrée d'une soirée entièrement placée sous le grave, passepied vif, rigaudon vif, sarabande, tam- signe de la musique de Jean-Philippe Rameau. bourin). La scène s'achève sur le chœur des Peu- ples "Cédons, cédons à notre impatience". Dans Le 27 novembre 1748, au théâtre des Petits Appar- l'ultime scène, Pygmalion proclame dans un très tements du château de Versailles, avait été créé un bel air que "L'Amour triomphe", accompagné par opéra-ballet commandé par la marquise de Pom- le chœur fervent des Peuples, puis une étonnante padour afin de célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle : Les Surprises de l'amour, dont le livret était dû à "odieux" en l'incitant à honorer le seul Bacchus ; la plume de Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil- les suivantes de la Prêtresse renversent l'autel de Bernard, avait été mis en musique par Rameau. l'Amour. Entraîné par ses convives, Agathocle, L'œuvre comportait un prologue, Le Retour dAs- Euriclès et les autres, Anacréon se laisse aller à trée, et deux entrées, La Lyre enchantée et Adonis. chanter la victoire de Bacchus. La fête passée, Mais pour une reprise sur la scène de l'Acadé- alors qu'il est endormi, un orage se déchaîne et mie royale de Musique, le 31 mai 1757, Les Sur- l'Amour apparaît à Anacréon sous les traits d'un prises de l'amour furent profondément remaniées esclave qui lui conte la mésaventure arrivée à sa puisqu'on supprima le prologue, on inversa les maîtresse qui n'est autre que Lycoris. Cette der- deux entrées et une nouvelle entrée fut composée nière, abandonnée par son amant, se meurt. Ana- sous le titre d'Anacréon. L'œuvre fut donc repré- créon implore l'Amour, qu'il vient de reconnaître, sentée sous la forme d'un opéra-ballet à trois de lui rendre Lycoris en lui promettant de tout entrées : L'Enlèvement d'Adonis, première entrée, quitter pour elle. L'Amour s'exécute et aussitôt La Lyre enchantée, deuxième entrée, et Anacréon, entre une troupe de Jeux, de Ris et d'Amours sui- troisième entrée. L'argument de la pièce est. assez vis par des Grâces qui ramènent Lycoris : alors simple : le vieux poète Anacréon festoie chez lui que tous chantent la victoire de l'Amour, la Prê- avec quelques convives : il aime Lycoris et... le tresse de Bacchus et ses Ménades refont leur bon vin et entend bien célébrer à la fois l'Amour apparition : la Prêtresse, étonnée de revoir Lyco- et Bacchus ! Mais la Prêtresse de Bacchus appa- ris en ce lieu, est vite convaincue par Anacréon et raît, accompagnée des Ménades, et, mécontente, l'Amour que le culte de Bacchus n'empêche pas le presse Anacréon d'abandonner ce double culte culte de l'Amour car, comme le chante le chœur final,"Bacchus ne défend pas d'aimer/Et l'Amour nous permet de boire". L'œuvre s'achève sur une DIRECTION MUSICALE : contredanse très gaie. Comme Pygmalion, Ana- William Christie créon est une pièce qui révèle bien des surprises CHŒUR ET ORCHESTRE : Les Arts Florissants musicales, comme, au début de la quatrième scène, ce sommeil d'Anacréon interrompu par un
PRÊTRESSE violent orage, évoqué par des traits rapides de Emmanuelle de Negri, dessus violons qui ne sont pas sans rappeler certains LA STATUE Emmanuelle de Negri, dessus concertos de Vivaldi ; citons encore l'air virtuose {EN DÉCEMBRE) PUIS Hanna Bayodi- de l'Amour"Règne avec moi Bacchus"oule chœur Hirt (EN MARS) AMOUR {DANS ANACRÉON) final, qui sont particulièrement remarquables. Sophie Karthàuser, dessus Le sujet se prêtait bien sûr à la danse qui ne pou- (EN DÉCEMBRE) puis Hanna Bayodi- Hirt (EN MARS) vait qu'être associée aux libations et à la célébra- L'AMOUR (DANS PYGMALION) tion de Bacchus et de l'Amour ! Sophie Karthàuser, dessus (EN DÉCEMBRE) PUIS Emmanuelle de Negri, dessus AGATHOCLE / PYGMALION Avec Pygmalion et Anacréon, Jean-Philippe Ed Lyon, haute-contre
ANACRÉON Rameau illustra magistralement un genre certes bosse Alain Buet, moins noble que celui de la tragédie mais auquel il insuffla une nouvelle jeunesse grâce au même Cf. calendrier pages 25 et 26 génie musical qui lui avait servi auparavant à écrire les plus belles pages à'Hippolyte etAricie ou de Dardanus. Même très éloignés l'un de l'autre, en tout cas dans leur conception et leur aboutis- sement, ces deux actes de ballet connurent plusieurs reprises, même après la mort de leur auteur, signe intangible d'un succès toujours renouvelé auprès d'un public parisien souvent qualifié de "difficile".
ERIK KOCEVAR efl musicologue. Emmanuelle de Negri, EdLyon et les danseurs de la Compagnie Trisha Brown /Pygmalion, Festival d'Aix-en-Provence,juUlet 2010)
Avec Pygmalion et Anacréon, Jean-Philippe Rameau illustra magistralement un genre auquel il insuffla une nouvelle jeunesse. CANTATES ET DUETTIDA CAMERA
William Chri&ie réunit deux contre-ténors de renom, Philippe Jaroussky et Max Emanuel Cencic, dans un programme d'œuvres rares du baroque italien (Marcello, A. Scarlatti, Bononcini et Steffani). Première à Caen le u janvier 2011.
-Duos eption
TROIS QUESTIONS À PHILIPPE JAROUSSKY, À L'OCCASION DE SA NOUVELLE COLLABORATION AVEC LES ARTS FLORISSANTS.
— Comment avez-vous établi le programme musical de ces concerts ? Est-ce un répertoire nouveau pour vous ? William Chriftie nous a parlé de son souhait de construire un programme de duos de chambre avec Max Emanuel et moi-même. Cette idée nous a tout de suite séduits. Si nous avons consacré nos derniers enregistrements à des airs d'opéra, nous partageons le même intérêt pour le répertoire baroque plus intimiste, auquel nous avons consacré l'un et l'autre plusieurs disques. Plutôt que de donner des duos de chambre de Handel qui sont les plus joués, nous avons préféré nous intéresser aux compositeurs italiens du début du XVIir siècle qui ont influencé le jeune Handel, comme Benedetto Marcello, Alessandro Scarlatti, Giovanni Bononcini ou encore Agostino Steffani. Ces derniers ont écrit des duos de toute beauté, pour la plupart encore méconnus et où s'entrelacent les voix dans une écriture parfois extrêmement savante, mais également d'une grande sensualité.
—A quelles occasions vous êtes-vous déjà produit avec Max Emanuel Cencic ? Comment qualiperiez-vous sa voix par rapport à la vôtre ? C'est justement William Christie qui nous a permis de nous rencontrer sur la production du Sant'Alessio de Landi lorsque cette œuvre a été donnée au théâtre de Caen puis en tournée internationale au cours de la saison 2007/2008. Nous avons eu tout de suite une admiration commune pour les qualités de l'autre qui ne s'est pas démentie par la suite. Max Emanuel m'a invité à chanter avec lui Faramondo de Handel et nous avons également d'autres CANTATES ET DUETTIDA CAMERA
Philippe Jaroussky (à gauche) etMax Emanuel Cencic
projets pour les prochaines années. Max est quelqu'un qui possède une technique proprement inouïe pour un contre-ténor, ce qui lui permet d'aborder des répertoires et même des tessitures différentes avec une aisance confondante que j'aimerais bien avoir! L'écouter et l'observer chanter eft très enrichissant pour moi.
— Que représente pour vous cette nouvelle collaboration avec Les Arts Florissants et William ChriSîie ? Ce projet représente pour moi la suite d'une collaboration qui n'a été depuis ces dernières années qu'une suite de bonheurs musicaux et
Sur drtsflomedia.com : de grands moments d'émotions. Outre 77 SantAlessio que j'évoquais retrouvez Philippe jaroussky plus haut, il y a eu le Giulio Cesare de Handel que nous avons donné et Max Emanuel Cencic dans II Sant'Alessio de Stefano iondi Salle Pleyel avec Cecilia Bartoli, et plus récemment la production du (DVD Virgin Classics) Teatro Real de L'Incoronazione di Poppea très bien accueillie par le (rubrique "Vidéothèque") public comme par la presse. Il m'a offert certains des plus beaux rôles de ma carrière. Au cours de ces différentes productions, j'ai pu Ce programme fera l'objet d'un enregistrement discographique ressentir à quel point il peut être inspirant quand il nous accompagne à paraître chez Virgin Classics. au clavecin, avant même de nous guider par ses remarques. C'est aussi un chef qui fait confiance à l'intuition musicale et à la personnalité propre de chaque chanteur, qualité que j'apprécie énormément. Partager ces concerts avec lui, Max Emanuel et quelques-uns de ses formidables musiciens sera sans doute une expérience très forte et originale pour moi, j'espère quelle le sera également pour le public! ARTS FLO MEDIA : LE SITE-RESSOURCE DES ARTS FLORISSANTS
Media Actu.
A Les Arts Florissants ont lancé en janvier dernier un site-ressource innovant et sans équivalent dans le paysage musical baroque:Arts Flo Media. Véritable mémoire vivante de l'ensemble, ce site internet conçu comme une base de données répertorie l'ensemble des concerts donnés par Les Arts Florissants depuis leur fondation, et propose en libre accès un fonds documentaire exceptionnel. En mettant à la disposition de tous, sous une forme ludique et conviviale, le travail accompli par William Chrislie depuis plus de 30 ans, Les Arts Florissants poursuivent et approfondissent leur démarche de pédagogie et de diffusion.
DIRECTS Plusieurs fois par an, des concerts et représentations d'opéra sont diffusés Recherche libre en live sur artsflomedia.com. rche ici Prochain rendez-vous: le 19 novembre avec^n, recherches Galatea e Polifemo dirigé par Jonathan Cohen • à la Cité de la musique de Paris. \ mèdee »
RECHERCHE LIBRE 30 SAISONS FLORISSANTES Une recherche de type "Google" est possible Retrouvez l'ensemble des concerts à tout moment de la consultation. et représentations d'opéra donnés par Grâce à un moteur de recherche extrêmement Les Arts Florissants depuis leur fondation. précis, la liste exhaustive des documents ou Le programme, la distribution et les dates de informations liées à la recherche apparaît ces concerts y sont systématiquement détaillés, immédiatement. ainsi que les salles qui les ont accueillis. Pour aider l'internaute, les dernières recherches et consultations effectuées dans la base de données du site s'affichent automatiquement sous la fenêtre de recherche. LE REPERTOIRE Classées par compositeur, par titres ou par dates de composition, la totalité des œuvres interprétées par Les Arts Florissants depuis leur création sont ici répertoriées et reliées aux spectacles et documents qui leur sont associés. ARTS FLO MEDIA : LE SITE-RESSOURCE DES ARTS FLORISSANTS (2l)
Toute la saison 2009-2010 sot I'Y.VÏ H«-Ï:Ï>
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