Les Verts à Rennes entre 1992 et 1995

Martin Siloret Quatrième année Section Politique et Société Mai 2009

Mémoire dirigé par Gilles Richard, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Rennes

Remerciements

Je tiens à remercier celles et ceux qui ont bien voulu m'accorder un entretien, en particulier Lars Kiil-Nielsen ; Tudi Kernalegenn pour ses conseils bibliographiques ; mes relectrices attentives Marianne et Lisianne, et bien sûr Gilles Richard, directeur de ce mémoire.

Sommaire

Remerciements...... 1 Sommaire ...... 2

Introduction ...... 3 Chapitre I- L’irruption des écologistes dans le champ politique français et rennais (1968- 1989) ...... 10 Chapitre II- L'écologie politique au-delà des Verts ?...... 40 Chapitre III - Les Verts, le PS et le métro rennais (1989-1995) ...... 68 Chapitre IV- Les Verts au milieu des années 1990 : entre crises et redécoupage des frontières de l'écologie politique ...... 104 Conclusion...... 137

Annexe 1 : Résultats électoraux, 1977-1995...... 140 Annexe 2 : Détail par canton des résultats des élections municipales de 1983, 1989 et 1995 à Rennes...... 145 Index des noms propres...... 147 Table des sigles ...... 153 Sources ...... 155 Bibliographie...... 158 Table des matières...... 159

Introduction

Je me suis décidé à travailler sur les Verts il y a environ un an. Je terminais un séjour d'études à l'étranger et souhaitais renouer avec un objet spécifiquement français. À cette époque, les Verts étaient singulièrement affaiblis, voire condamnés à la disparition selon certains observateurs. En effet, l'élection présidentielle de 2007 avait été un fiasco total : avec 1,57% des suffrages, réalisait le plus faible score écologiste depuis René Dumont en 1974. D'autre part, les enjeux environnementaux -en premier lieu le réchauffement climatique- s'imposaient rapidement à l'agenda médiatique et politique, tout en échappant aux Verts, surpassés sur ce terrain par Nicolas Hulot (initiateur du Pacte écologique et longtemps candidat présidentiel potentiel) et même Nicolas Sarkozy, qui organisa la tenue d’un « Grenelle de l'environnement », peu après son élection à la présidence de la République. Les Verts étaient donc en crise, et il me semblait intéressant de prendre du recul afin de mieux cerner l'identité et la viabilité de ce parti.

Tâtonnements autour de l'objet

J'avais trouvé la base de mon objet, mais pas la discipline : j'hésitais encore entre science politique et histoire. Dans le premier cas, je me proposais de mettre en question l'appartenance (et le sentiment d'appartenance) des Verts aux gauches. Pourtant, la recherche d'une problématique me paraissait quelque peu prématurée. J'optai donc pour une approche historique, mais encore me fallait-il esquisser les frontières géographiques et chronologiques de mon sujet. Je ne voulais pas étudier les Verts nationaux. Cela me paraissait trop ambitieux pour un mémoire qui serait réalisé en quelques mois, parallèlement à une année universitaire relativement chargée ; de plus, voyager à travers la pour consulter des archives et m'entretenir avec des acteurs-témoins n'aurait été ni écologique, ni économique. La conclusion logique était de me focaliser sur Rennes, repli stratégique qui allait me permettre de continuer à effectuer l'essentiel de mes déplacements à vélo. Mon objet concernerait donc

3 les Verts de Rennes, et je devais choisir un découpage chronologique adéquat, lequel déterminerait en grande partie le contenu de mes recherches et les interrogations qui les structureraient. Mon attention fut naturellement attirée par les élections municipales, qui sont l'objet principal de la vie politique locale et en particulier des activités des Verts rennais. L'échéance de 2008 avait de ce point de vue été riche en événements. Les Verts avaient décidé à l'automne 2007 de présenter une liste autonome au premier tour, tirant les conclusions des conflits qui avaient marqué leur participation à la municipalité socialiste d'Edmond Hervé dans le mandat précédent (notamment lors du renouvellement de la délégation de service public de distribution de l'eau à la firme Veolia). Pourtant, plusieurs conseillers municipaux Verts sortants firent dissidence, estimant que Daniel Delaveau, la tête de liste socialiste, était disposé à accorder une plus grande latitude aux élus écologistes que son prédécesseur. Ces élus figurèrent donc sur la liste de rassemblement dirigée par le Parti socialiste (PS). Les Verts, divisés sur le sujet, finirent par les exclure du parti. Au premier tour des élections municipales, les Verts échouèrent à atteindre les 10% des voix qui leur aurait permis de se maintenir ; Daniel Delaveau refusa de faire fusionner les listes et l'emporta largement au second tour, face à deux listes de droite. Le mandat municipal 2001-2008 1 m'intéressait donc particulièrement puisqu'il s'était caractérisé par une collaboration conflictuelle avec le PS, et avait conduit à une rupture douloureuse au sein même des Verts. Cependant, mon directeur de mémoire, Gilles Richard, me fit remarquer qu'il serait délicat de m'immiscer dans ces antagonismes encore vivaces. Mieux valait remonter un peu plus loin dans le temps. Lors de mes recherches préliminaires, je découvris que les Verts, sous la férule d'Yves Cochet, avaient déjà été présents au conseil municipal, dans l'opposition à Edmond Hervé, après avoir obtenu 14% des suffrages et quatre sièges lors des élections de 1989. Ils avaient combattu en vain le projet de métro du maire, et obtenu moins de 10% en 1995. Cette période attira mon attention car parallèlement se déroulaient deux phénomènes clé au niveau national : un déclin électoral de l'écologie politique aussi brutal qu'avait été son essor à la fin des années 1980, et le changement de majorité à la tête du parti, les partisans d'alliances à gauche l'emportant face aux autonomistes et à . Faute de temps pour consulter la presse sur une durée excédant trois ans, je limitai mon objet aux années allant de 1992 à 1995. Cette période correspondait précisément aux deux

1 Les élections municipales et cantonales de 2007 avaient été repoussées en 2008 par le gouvernement, afin de ne pas surcharger le calendrier électoral de 2007 (élections présidentielle et législatives).

4 phénomènes mentionnés plus haut. Lors des élections régionales de 1992, les écologistes atteignirent leur apogée électorale (14% des suffrages en France, 20% à Rennes) avant de tomber à un point historiquement bas en 1995 ; Dominique Voynet accédait quant à elle au statut de leader nationale chez les Verts.

Problématique

En 1992, dans un contexte d'extrême affaiblissement du PS, les deux partis écologistes Verts et Génération écologie (GE) faisaient figure de pivots d'une probable reconfiguration des alliances partisanes, essentiellement à gauche. À Rennes, les Verts disposaient du monopole sur l'écologie politique et entendaient à ce titre disputer au PS sa position hégémonique au conseil municipal. En 1995, le rapport de forces s'était inversé : le PS sortait la tête de l'eau lors de l'élection présidentielle en la personne de (23% puis 47%), Edmond Hervé était réélu maire de Rennes haut la main (48% puis 59%), et les Verts avaient connu un violent reflux, relégués aux marges du champ politique, à Rennes comme dans le pays tout entier. Cette rupture opérée en trois ans est au cœur de la problématique. Ce mémoire ne prétend pas expliquer pourquoi les écologistes n'ont pas réussi à se maintenir à leur niveau de 1992 – cela supposerait d'expliquer en préalable les causes de leur essor dans la période précédente, un travail d'une toute autre ampleur. Il ne s'agit donc pas de donner dans le déterminisme, mais plutôt de s'interroger sur le comment de cette rupture. Cela permet également de ne pas en prédéfinir les caractéristiques. Se poser la question comment les choses ont-elles tellement changé, c'est aussi se demander quels sont les résultats de ce changement ; en d'autres termes, faire un état des lieux de l'écologie politique en 1995, à tous les égards (force électorale, orientation stratégique, rapports avec les autres forces politiques...). Cette démarche n'obère pas la diversité des dynamiques à l’œuvre, la multiplicité des changements, et notamment les différences en fonction de l'échelle de l'objet (locale ou nationale). En effet, les péripéties des Verts à Rennes sont pour une très large part indépendantes des inflexions nationales, du fait de l'organisation fédérale du parti, mais aussi de la spécificité du contexte politique municipal. De ce point de vue, je tiens à préciser que l'étude des événements nationaux ne constitue que la toile de fond de ce mémoire. Certains aspects incontournables -comme l'émergence de Génération écologie- ayant eu de profondes conséquences au niveau municipal, sont toutefois abordés dans le détail. Inversement, il est bien évident que la compréhension des dynamiques

5 de l'écologie politique à Rennes n'est pas inutile si l'on veut saisir les ressorts de son devenir à l'échelle du pays ; j'y reviens dans la conclusion de ce travail. Le mémoire donne donc lieu à un constant aller-et-retour entre l'échelle nationale, contexte esquissé à grands traits, et la vie politique rennaise, véritable objet de mon attention.

Précisions lexicales

Les désignations utilisées dans le texte demandent quelques précisions. Le terme de Verts (avec une majuscule) ne désigne pas les écologistes dans leur ensemble, mais le parti du même nom, et ses membres. Selon le contexte, il peut renvoyer soit à l'ensemble du parti national (et à sa direction), soit aux Verts rennais. Ceux-ci étant également membres de l'organisation politique locale Rennes-Verte, ce terme est fréquemment utilisé ; d'ailleurs de nombreux membres de Rennes-Verte n’étaient pas adhérents au parti des Verts ; parler de Rennes-Verte renvoie donc explicitement au champ politique de la ville et de l'agglomération rennaise.

Sources

Ma focalisation sur l'échelon local a déterminé en grande partie le choix de mes sources.

Ouvrages

Ma bibliographie comporte presque exclusivement des ouvrages d'histoire ou de science politique portant sur les Verts à l'échelle nationale. Cependant, l'article d'Antoine Vion, dont l'objet est la campagne électorale d'Edmond Hervé en 1995, me fut d'une utilité indubitable, tout comme le mémoire d'Annyvonne Auffret à propos des mobilisations contre le métro. Il en va de même en ce qui concerne l'ouvrage de Tudi Kernalegenn et l'article de Patrick Le Guirriec, qui traitent tous deux de l'écologie politique bretonne. Quant aux témoignages écrits, ceux de Pierre Juquin, Dominique Boullier mais surtout de Jean Normand et Michel Phlipponneau, sur le métro, m'apportèrent des informations de première importance.

La presse : Ouest-France

6 J'ai d'abord travaillé sur les numéros de l'édition rennaise du quotidien Ouest-France, parus entre le lundi 23 mars 1992 (lendemain des élections régionales et du premier tour des élections cantonales) et le lundi 19 juin 1995 (lendemain du second tour des élections municipales), consultables sous forme du microfilms à la bibliothèque des Champs Libres, à Rennes. Je me suis concentré sur les pages politiques locales, les articles et brèves en rapport avec les Verts. Toutefois, j'ai également prêté attention aux pages traitant de la politique nationale, afin de ne pas perdre de vue le contexte politique français. Ouest-France étant mon unique source en termes de presse, il convient de présenter ce journal avec précision. Ce quotidien généraliste, le plus lu en France, existe toujours et paraît dans les régions Bretagne, Pays de la Loire et Basse-Normandie. Il comporte des pages nationales, communes à toutes les éditions, ainsi que des pages régionales, départementales et locales spécifiques. Dans bien des villes, il dispose du monopole de la presse écrite quotidienne : c'était le cas à Rennes au début des années 1990. Son rôle médiatique et politique en était d'autant plus crucial. Le journal appartient au groupe de presse Ouest- France dont il est le titre principal. Créé à Rennes en 1944 après la libération de la ville par les Alliés, Ouest-France remplaça le quotidien Ouest-Éclair, interdit à la suite de sa collaboration avec les forces d'occupation. Ouest-France fut un puissant facteur de l'hégémonie du Mouvement républicain populaire (MRP) sur le département, symbolisée à Rennes par la longue présence à la mairie d'Henri Fréville (1953-1977). Le journal est depuis sa fondation le héraut des valeurs humanistes et chrétiennes du centre-droit, au nom desquelles il prit position contre la colonisation, pour l'abolition de la peine de mort, ou encore pour la défense de l'enseignement catholique.

Archives de Rennes-Verte

Le journal Ouest-France m'a apporté des informations fondamentales sur les Verts et la vie politique rennaise pendant ces trois années, sans pour autant me permettre de me faire une idée de ce qui s'était joué en coulisse, au sein de Rennes-Verte. Lars Kiil-Nielsen, militant Vert, m'a fourni les documents qu'il avait conservés : essentiellement des textes d'orientation, et des compte-rendus de réunions de Rennes-Verte. Ces archives contenaient également des documents remontant à 1989, notamment une revue de presse sur les élections municipales, qui m'a été très utile pour comprendre comment s'était engagée la cohabitation entre Verts et PS au conseil. De fait, cela m'a conduit à prendre plus largement en compte la période 1989- 1992, tout en restant focalisé sur les trois années suivantes.

7 Parmi ces archives figuraient également les pages éditées par les Verts dans le bulletin municipal Le Rennais pendant tout le mandat 1989-1995.

Délibérations du conseil municipal

Une troisième source écrite s'est avérée indispensable : en effet, ni la presse, ni les documents de Rennes-Verte, ne reprenaient en détail les débats des séances du conseil municipal. J'ai donc consulté les délibérations (disponibles aux archives municipales de Rennes sous forme écrite, et en version électronique sur le site Internet). Là encore, je me suis focalisé sur la période 1992-1995, tout en effectuant quelques retours en arrière, afin notamment de m'enquérir des débats de la séance inaugurale du mandat municipal. Sur toute la période, les échanges oraux entre conseillers municipaux étaient retranscrits intégralement, ce qui m'a permis de me faire une idée assez précise des termes des relations entre les groupes politiques, et du rôle de chacun des quatre conseillers Verts : Yves Cochet, Annaïg Hache, Joël Morfoisse et Béryl Gouaislin. J'en ai profité pour m'appuyer sur certaines citations, selon moi particulièrement éclairantes, dans le développement du mémoire.

Entretiens

Enfin, j'ai eu recours à plusieurs entretiens pour compléter les informations apportées par les sources écrites. Tout d'abord, il m'a fallu interroger certains militants de Rennes-Verte afin de préciser ce que leurs archives ne me disaient pas, ou bien obscurément : les relations interpersonnelles, les divergences politiques et stratégiques par exemple. Les autres écologistes rennais non-Verts m'ont également aidé à comprendre les liens existant avec Rennes-Verte. J'ai aussi sollicité des membres de la municipalité socialiste de l'époque afin d'éclairer sous un autre angle les contacts officieux entre Verts et PS. Pour compléter le panorama des forces politiques rennaises, j'ai rencontré Jean-Pierre Dagorn, ancien conseiller général (Union pour la démocratie française, UDF), opposant de la première heure au métro rennais, à l'instar des Verts. Enfin, le chef de la rédaction locale de Ouest-France au début des années 1990, François Danchaud, a bien voulu être mis à contribution également. Bien évidemment, j'ai essayé de garder une distance critique par rapport aux propos de mes interlocuteurs, en particulier au regard des conclusions que j'avais tirées de mes sources écrites.

8 Plan

Le développement se divise en quatre chapitres. Le premier est une entrée en matière préliminaire : il expose succinctement les conditions de l'accès de l'écologie au champ politique, en France et à Rennes, dans les années 1970 et 1980, tout en mettant l'accent sur le contexte de la fin des années 1980 dans la ville. Les trois chapitres suivants abordent chacun une dimension du devenir, et de la chute, des écologistes après 1989, et surtout entre 1992 et 1995. Le deuxième traite de la fin de l'hégémonie des Verts sur l'écologie, des conséquences de ces divisions sur le parti, ce qui permet d'esquisser un état des lieux de cette famille politique en 1995. Le troisième chapitre porte sur l'inimitié entre Verts et PS, essentiellement à Rennes où leurs relations étaient marquées par un profond désaccord sur la construction de la ligne de VAL (Véhicule automatique léger). Enfin, le quatrième chapitre s'intéresse aux évolutions internes des Verts, aux échelles nationale et locale, pour conclure sur les circonstances de leur marginalisation en 1995.

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Chapitre I- L’irruption des écologistes dans le champ politique français et rennais (1968-1989)

L’arrivée des quatre Verts au conseil municipal de Rennes en 1989 se produisit dans un contexte de brusque essor de l’écologie politique sur la scène électorale. Marginaux jusqu’alors, échouant le plus souvent à accéder aux assemblées locales, absents de l’Assemblée nationale, les Verts s’imposèrent comme une force politique décisive dans nombre de villes françaises, puis confirmèrent leur percée en dépassant les 10% des voix aux élections européennes de juin 1989. Cet engouement pour l’écologie n’était propre ni au champ partisan, ni à la France. La même année, le Green Party obtint en effet 15% des voix lors de l’élection des députés européens en Grande-Bretagne… Seul le mode de scrutin, majoritaire, l’empêcha d’envoyer le moindre représentant à l’assemblée de Strasbourg. Par ailleurs, la « nature » suscitait attention et préoccupation chez les élites aussi bien que parmi l’électorat européen. Le philosophe Michel Serres publia en 1990 Le contrat naturel ; les dirigeants se virent quant à eux acculés à prendre en considération le problème du réchauffement climatique à la conférence de Rio, en 1992. Il ne s’agit pas ici de tenter d’expliquer cette conjoncture. L’objet du questionnement concerne la structuration politique et partisane de l’écologie politique, en France et à Rennes en particulier, dans les années précédant l'objet de nos préoccupations : la première moitié des années 1990. Plutôt que de procéder à une longue généalogie de la pensée écologiste, ce chapitre se contente de décrire à grands traits la naissance, à partir des années 1970, d’un mouvement ayant l’ambition de faire entrer l’écologie en politique. Cela suppose également de préciser le contexte politique prévalant dans les années 1980, période de structuration partisane de l’écologie, ainsi que les conditions spécifiques dans lesquelles se déroula l’essor de l’écologie politique rennaise, à la fin des années 1980.

10 I. Entre luttes sociales et défense de la nature : deux écologies politiques (1968-1984)

La constitution de l'écologie politique en famille politique indépendante et relativement homogène peut être analysée à la lumière de trois processus : deux dynamiques parallèles, la naissance d'une culture politique écologiste sur le terrain des mobilisations antinucléaire et pacifiste ainsi que l'entrée des écologistes dans le combat électoral ; et un phénomène ultérieur, la création des Verts dans les années 1980.

A. Les années 1968 : accouchement de l’écologie politique

Dans les sociétés industrielles, les années 1960 virent croître le mécontentement des nouvelles générations face à un progrès technique dont le rapport coûts-avantages allait en empirant en termes de qualité de vie. Le moment Mai 1968 constituèrent l'apogée de cette remise en question de la société de consommation, et donnèrent lieu à de nouveaux types de mobilisations qui elles-mêmes, allaient catalyser une nouvelle famille politique : l'écologie.

1- Politisation, contestation, écologie

L’écologie politique a une double origine. Elle fut d’une part le résultat de la montée en puissance de mouvements de protection de la nature, en partie du fait de l’accélération des atteintes à l’environnement observables en Europe avec l’apogée de la société industrielle. Très actifs au sein du milieu associatif, étrangers aux cultures politiques existantes, ces naturalistes estimèrent que l’intensité des déprédations commises par l’État et les grandes entreprises, justifiait de porter le combat dans la sphère politique, afin de s’en prendre à l’irresponsabilité des dirigeants. Des combats aussi divers que la défense de la qualité de l’air et de l’eau, de la faune des rivières, des paysages ruraux, allaient entraîner force manifestations, rassemblements multidudinaires, et même aventures électorales. L’autre moitié de l’ADN2 de l’écologie politique française procédait d’un mouvement inverse : il s’agissait de la conversion aux préoccupations écologistes d’individus disposant d’une socialisation politique particulière, le plus souvent issue des familles politiques de gauche (Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Parti socialiste unifié (PSU) en particulier). Pour eux, les dégâts infligés par les sociétés occidentales à leur environnement

2 Acide désoxyribonucléique.

11 invalidaient en partie les idéologies qui avaient été les leurs. La défense de la nature et du bien-être devait prendre place parmi les combats à mener, au même titre et de manière inséparable d’avec les mobilisations liées à la lutte des classes. L’abandon nécessaire de la société d’abondance et du productivisme n’empêchait pas de défendre l’émancipation de la classe ouvrière ; en somme, il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain, ni couper les ponts avec « la gauche ». Cette dichotomie est dans une large mesure simplificatrice et ne permet pas de comprendre le parcours de certaines personnalités de premier plan, hérauts d’une écologie politique vraiment originale, ni naturaliste, ni de gauche, comme Yves Cochet. Toutefois, le clivage fut structurant, aussi longtemps que la génération des fondateurs, bipartite, occupa le premier rang de l’écologie politique. Ce ne fut que plus tard que la famille écologiste, avec le renouvellement de ses effectifs, dépassa ce clivage, affirmant à la fois l’irréductibilité et le caractère fondamentalement politique de cette nouvelle culture.

2- L'incubation d'une nouvelle culture politique : le Larzac et les centrales nucléaires

Les deux origines idéal-typiques de l'écologie politique ne donnèrent pas immédiatement lieu à une structuration duale de celle-ci. Jusqu'au début des années 1970, les écologistes s'organisèrent essentiellement à l'échelle locale, et participèrent conjointement à des mobilisations qui contribuèrent à la création d'un espace politique plus intégré, sinon homogène. La pratique et la pensée écologistes affirmèrent peu à peu leur différence irréductible face aux autres cultures politiques, en particulier l'extrême gauche.

a- Les écologistes face à l'État, la technocratie et le militarisme Un champ de bataille décisif pour l'écologie politique fut la lutte antinucléaire. Naturalistes et écologistes de gauche se retrouvaient pour condamner l'énergie nucléaire, symbole par excellence de l'inconscience des hommes face à la nature, mais aussi témoin des pouvoirs indus de la technocratie. Les quelques centrales en chantier avant 1974 suscitèrent la création de mouvements écologistes locaux, comme à Fessenheim, en Alsace. Cependant, l'enjeu prit une dimension nationale avec l'adoption, à la veille du décès du président Pompidou en avril 1974, du plan Messmer de centrales électronucléaires, chargé de garantir l'indépendance énergétique de la France dans le contexte de crise pétrolière. Le caractère massif de l'entreprise aussi bien que la clandestinité de la décision gouvernementale constituaient une déclaration de guerre aux écologistes.

12 La lutte anti-nucléaire fut à la fois nationale (rassemblement à Paris en avril 1975) et enracinée localement. Plogoff, un village du Finistère, situé sur le Cap Sizun, constitua le symbole de cette convergence entre l'écologie et ce que les sociologues appelleraient plus tard le nimby 3 . Les considérations politiques des militants antinucléaires arrivant à Plogoff cohabitèrent assez harmonieusement avec l'intérêt bien compris des habitants du Cap Sizun. Le gouvernement avait longuement hésité avant de choisir Plogoff plutôt que Porsmoguer, en 1978. Entre-temps, les habitants puis les élus des autres sites bretons envisagés (d'abord Erdeven, dans le Morbihan) avaient exprimé leur refus de l'implantation de centrales nucléaires. L'immense majorité des conseils municipaux cédèrent à la pression de leurs électeurs, et les fédérations locales du PS et du Parti communiste français (PCF) avaient fini par soutenir la fronde. Le mouvement breton d'opposition aux centrales avait donné le jour à des Comités régionaux d'information sur le nucléaire (CRIN), ainsi qu'à des Comités locaux (CLIN). Ceux-ci constituèrent de puissants relais pour les idées écologistes, qui firent leur chemin chez les riverains. L'opposition aux centrales s'élargit rapidement à une contestation de la politique énergétique du gouvernement, mais aussi à la défense du patrimoine naturel et des identités locales, particulièrement sensible lors des fêtes antinucléaires associant politique et folklore breton. Anti-jacobinisme et écologie allaient de pair. Cette convergence opéra également sur le causse du Larzac. En 1971, le ministre de la Défense Michel Debré avait décidé d'agrandir la base militaire déjà présente, en triplant sa superficie. Aussitôt, la plupart des paysans concernés protestèrent et indiquèrent qu'ils refuseraient de vendre leurs terres. De nombreuses manifestations (notamment plusieurs marches sur Paris, parfois avec les brebis) et festivités périodiques réunirent, tout au long des années 1970, paysans, du Larzac et d'ailleurs, et militants écologistes et pacifistes comme Lanza del Vasto, fondateur de la Communauté de l'Arche. L'objet même de la lutte contribua également à en faire un combat non-violent, orientation confirmée par la création en 1974 du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN)4. Ces deux exemples illustrent la politisation de l'écologie : pour défendre le patrimoine naturel et les modes de vie non polluants, les écologistes devaient affronter l'État. Toutefois, l'écologie politique se distingua d'autres formes de subversion, la transformant en famille politique originale et autonome.

b- La rupture de Creys-Malville : les écologistes contre la gauche radicale (1977)

3 « Not in my backyard », c'est-à-dire « pas chez moi ». 4 Yves Frémion Histoire de la révolution écologiste, Hoëbeke, 2007, p. 130.

13 La focalisation des mobilisations antinucléaires autour du projet de surgénérateur Superphénix sur le site de Creys-Malville, en Isère, allait être le théâtre d'une rupture traumatisante entre radicaux et non-violents. En effet, les partisans de l'action directe, comme l'Organisation communiste des travailleurs (OCT, issue de la LCR et du PSU) annoncèrent leur volonté de radicaliser le mouvement à l'occasion de la grande manifestation prévue le 31 juillet 1977. La veille de celle-ci, la Confédération démocratique du travail (CFDT) et d'autres partisans de la non- violence décidèrent de ne pas participer au cortège, tandis que la préfecture interdisait le rassemblement. Cependant, les organisateurs, dont les Amis de la Terre et le MAN, persistèrent : des militants avaient fait le déplacement depuis les quatre coins de la France, d'Allemagne et de Suisse. La marche de quinze kilomètres, à laquelle 60 000 personnes participèrent, fut interrompue par de violents affrontements entre militants radicaux et forces de l'ordre. L'objectif de celles-ci était de donner un coup d'arrêt au mouvement antinucléaire, comme le souhaitaient le gouvernement et le ministre de l'Intérieur, Christian Bonnet (Parti républicain, PR). La mort de l'écologiste Vital Michalon, tué par une grenade explosive, et l'amputation de plusieurs blessés, causèrent l'éloignement durable des écologistes et de l'extrême gauche. Les riverains, habitants de la commune de Creys-Mépieu, se désolidarisèrent définitivement de la mobilisation, première étape de l’essoufflement du mouvement antinucléaire en France.

B. L’entrée en politique : la question du clivage droite-gauche

Le mouvement social ne suffisait pas aux écologistes : il leur fallait exploiter tous les moyens d'expression dans l'espace public. Ils participèrent donc aux élections politiques, dans un contexte d'exacerbation du clivage droite-gauche du fait de l'essor de l'Union de la gauche5. L'irruption des écologistes dans une compétition dominée par deux blocs de forces quasi équivalentes (PS-PCF et UDF-RPR6) s'accompagna d'un dilemme persistant quant au positionnement idéologique et stratégique sur l'axe droite-gauche.

1- 1974 : le moment Dumont

5 L'Union de la gauche était un accord conclu en 1972 entre le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF) et le Mouvement des radicaux de gauche (MRG). Rompu en 1977, leur « Programme commun » prévoyait notamment la rupture avec le capitalisme. 6 L'UDF, parti de droite libérale créé par le président Giscard d'Estaing, prit le relais des Républicains indépendants (RI) en 1978. Quant au Rassemblement pour la République (RPR) fondé par , il succéda à l'Union des démocrates pour la République (UDR) comme parti héritier du gaullisme, en 1976.

14 L’héritage immédiat de Mai 1968, en ce qui concerne l’écologie politique, ne prit pas la forme d’une structuration politique formelle. Il s’agit plutôt, comme on l’a vu plus haut, de la convergence partielle d’un courant contestataire proche du gauchisme, et d’associations environnementalistes encore étrangères aux luttes politiques. Dans ces conditions, les écologistes ne considéraient pas les élections comme un enjeu fondamental. Cependant, face à la perspective de la fin prochaine du mandat de Georges Pompidou, certains groupes envisagèrent une candidature écologiste à l’élection présidentielle. Il semblait en effet nécessaire que cette nouvelle culture politique, innovation fracassante des années précédentes, fasse entendre sa voix face au gaullisme, au libéralisme et à l’Union de la gauche autour du Programme commun. Au lendemain du décès du président de la République le 2 avril 1974, Jean Carlier, de l’Association des journalistes et écrivains pour la protection de la nature, ainsi que quelques membres des Amis de la Terre, proposèrent à René Dumont de relever ce défi. Celui-ci, agronome spécialiste des pays du Sud, proche du socialisme, s’était converti à l'écologie, en observant les conséquences de l'agriculture productiviste. Proche des autogestionnaires, il attendit que Charles Piaget, technicien de l’usine autogérée LIP, renonçât à sa propre candidature7 pour accepter de lancer la sienne. Sa campagne, dirigée par l’animateur des Amis de la Terre, Brice Lalonde, trouva peu d’écho en dehors des cercles écologistes (1,3% des voix seulement). Cependant, elle constitua une étape importante dans la structuration de l’écologie politique en France. Dumont développa un discours alliant dénonciation des injustices sociales et urgences environnementales. Si la création d'un parti était rejetée par une grande majorité d’écologistes, la nécessité d’articuler un projet global de société avec la défense de la nature faisait son chemin. Le débat dont fit l’objet le second tour parmi les écologistes fut symptomatique des questions stratégiques et politiques que posait cette entrée dans le combat électoral. Les uns, majoritaires, défendaient la neutralité face aux candidats restés en lice, le socialiste François Mitterrand et le libéral Valéry Giscard d’Estaing, tous deux défenseurs du productivisme. Les autres jugeaient que les écologistes devaient soutenir François Mitterrand afin de ne pas se désolidariser du camp progressiste, dans la perspective d’une victoire aussi bien que d’une défaite de l’Union de la gauche8.

7 Charles Piaget fut dissuadé de se présenter par le PSU et la CFDT, partisans de la candidature Mitterrand. 8 C’était l’avis de René Dumont lui-même, qui indiqua qu'il voterait pour François Mitterrand.

15 On le voit, en 1974 l’écologie était tiraillée entre une stratégie de renouvellement des forces de gauche, et la revendication d’une nouveauté radicalement étrangère aux cultures politiques préexistantes.

2- MEP et RAT : deux conceptions de la politique écologiste

Les deux tendances identifiables en 1974 structurèrent l’évolution de l’écologie politique dans les années qui suivirent. Dès 1973, Solange Fernex et Antoine Waechter avaient fondé en Alsace une formation écologiste autonome, Écologie et Survie. Après les Assises de l’écologie tenues en 1974, le Mouvement écologiste prétendit être le porte-voix de l’identité politique particulière des écologistes, mais échoua à rassembler cette famille politique, encore très éclatée. Cette volonté, très forte chez les naturalistes alsaciens mais également chez d’autres écologistes radicaux comme Jean Brière, s’opposait à la participation des écologistes aux autres mouvements sociaux contestataires des années 1970. Au contraire, les Amis de la Terre estimaient qu’un front commun des écologistes, autogestionnaires, féministes, pacifistes… était indispensable. Le lancement d’Écologie 78 par Philippe Lebreton, fut ainsi contesté par nombre d’Amis de la Terre, dont certains décidèrent de rejoindre le front autogestionnaire lancé par le PSU pour les élections législatives. Lors de celles-ci, après le premier tour, Écologie 78 refusa d’appeler à voter pour l’Union de la gauche, qui échoua de peu à remporter la majorité lors du second tour. De même, l’organisation de Brice Lalonde et Yves Cochet refusa de s’associer à la liste Europe-Écologie de 1979, emmenée par Solange Fernex. De ces désaccords naquirent deux organisations rivales : le Réseau des Amis de la Terre (RAT), selon une structure fédérale, en 1977, et le Mouvement d’écologie politique (MEP), embryon d’un parti centralisé, au lendemain des élections européennes de 1979.

3- 1981, la candidature Lalonde

La rupture n’était pas totale entre les deux tendances, et dès mai 1980 les écologistes se mirent d’accord sur la tenue de primaires pour la désignation de leur candidat à l’élection présidentielle de 1981. Les deux principaux candidats aux primaires régionales de juin 1980, Brice Lalonde et Philippe Lebreton9, représentaient respectivement RAT et MEP.

9 Philippe Lebreton dirigeait plus précisément une « équipe-candidat » présentée par le MEP, qui jugeait prématurée la désignation du candidat et espérait encore convaincre Jacques-Yves Cousteau d’être celui-ci. Pour plus de détails : Bennahmias, Roche Des Verts de toutes les couleurs, Albin Michel, 1991, p. 59.

16 La victoire étriquée (et contestée) de Lalonde et le déroulement de sa campagne accentua un autre sujet de discorde parmi les écologistes : la personnalisation du mouvement autour de celui qui était maintenant son candidat. Il avait déjà agacé nombre de ses amis par son exercice peu démocratique du pouvoir au sein du RAT dans les années précédentes. Beaucoup de membres des Amis de la Terre prirent leurs distances, comme Pierre Radanne qui quitta l’équipe de campagne pour protester contre les libertés prises avec les thèmes définis démocratiquement. Cette rupture ne fit que s’aggraver dans les années suivantes, du fait de la centralisation des instances dirigeantes des Amis de la Terre autour de Brice Lalonde, et de son hostilité à la structuration d’une organisation politique proprement écologiste dont le contrôle lui échapperait nécessairement en grande partie. Les écologistes recueillirent 3,87% des voix à l’élection présidentielle de 1981, et n’étaient pas en mesure de peser sur les orientations prises par la nouvelle majorité PS-PCF. Ceux qui avaient encore quelque confiance en François Mitterrand et le PS allaient vite être déçus. La structuration d’une alternative formellement partisane devenait, pour tous, d’actualité.

C. Les Verts, maison commune ?

L’alternance entre droite et gauche, ainsi que les politiques structurelles (notamment énergétique) menées par le gouvernement Mauroy, furent un levier puissant pour la création d’une force politique écologiste, autonome et partisane.

1- Les Verts entre Parti et Confédération (1981-1984)

Ceux des écologistes qui n’étaient pas naturalistes mais ne s’accommodaient pas pour autant du réformisme toujours plus affirmé du président des Amis de la Terre, unirent leurs efforts pour construire un mouvement écologiste unitaire et stable. Opposés au centralisme du MEP, ils privilégièrent la construction progressive et décentralisée d’une confédération écologiste, susceptible d’accueillir l’écologie politique dans toute sa diversité et de permettre la survie de pratiques politiques censées incarner ses exigences démocratiques, ainsi que la coopération avec d’autres forces alternatives, au moins à l’échelle locale. La Confédération écologiste fut formellement fondée (et domiciliée) à Rennes, chez Yves Cochet, en février 1982.

17 Les naturalistes fondèrent quant à eux Les Verts, parti écologiste le 1er novembre 1982. Suite logique du MEP, il s’agissait de construire une arme de guerre électorale afin de se hisser sur le terrain des forces politiques traditionnelles. Les rangs de la Confédération furent peu à peu grossis par nombre de militants, du MEP, des Amis de la Terre ou par des « diversitaires » étrangers à ces deux organisations, comme Didier Anger. Disputant le label « Vert » (de grande valeur, compte tenu du succès grandissant des Grünen allemands) au Parti écologiste, ils donnèrent naissance aux Verts, Confédération écologiste en novembre 1982, puis tout simplement aux Verts en mai 1983. De part et d’autre, l’unification des deux formations écologistes paraissait indispensable. Après mai 1983, des discussions s’engagèrent, l’exigence étant de réaliser l’union à temps pour pouvoir participer aux élections européennes de 1984. Ce fut chose faite à Clichy en janvier 1984 : Les Verts parti écologiste-confédération écologiste étaient nés, portant jusque dans leur nom la trace de leur caractère composite, voire dual.

2- L’hypothèque Lalonde (1981-1988)

L’union des écologistes se fit sans leur personnalité la plus médiatique, leur ancien candidat présidentiel, Brice Lalonde. Celui-ci rejetait alors explicitement une bonne partie de la culture politique des écologistes, en particulier les mécanismes de démocratie directe, et le refus des leaderships personnels. Sur le fond, il accentua l’orientation réformiste de ses positions. En janvier 1984, il fit savoir aux Verts que son ralliement était possible à condition qu'ils adoptassent des positions plus conciliantes sur la question, pourtant centrale, du nucléaire, civil et militaire. Les Verts rejetèrent à une très large majorité cet aggiornamento, ce qui poussa le président des Amis de la Terre à participer à un regroupement de centre gauche, impulsé en sous-main par un François Mitterrand affaibli, dans la perspective des élections européennes. Cette Entente radicale et écologiste (ERE), avec seulement 3,31% des voix en juin 1984, participa pourtant à l’échec de la liste Verte conduite par Didier Anger (3,37%). Brice Lalonde se résolut alors à attendre de jours meilleurs en se repliant sur les activités associatives de son organisation, les Amis de la Terre. Le pouvoir de nuisance dont il avait fait preuve à l’égard des Verts, lui avait attiré une hostilité durable de leur part.

3- L’arrivée des waechtériens : le choix de l’environnementalisme

18 Dans les premières années d’existence du parti, Yves Cochet en était la figure dominante, mais devait cohabiter avec d’autres poids lourds comme Didier Anger et Jean Brière, issu du MEP. Les élections législatives de 1986 devaient être l’occasion de s’imposer comme force autonome dans le paysage politique français, grâce à la mise en place du scrutin proportionnel par le gouvernement socialiste. Le rennais Yves Cochet alla même jusqu’à se présenter dans le Nord, département où les chances d’élection étaient les plus significatives. L’échec fut total : 2,74% de voix seulement, dans les trente départements où les Verts étaient présents. Seuls trois Verts trouvèrent le chemin des conseils régionaux, dont l’élection était tenue en même temps : Didier Anger en Basse-Normandie, Andrée Buchmann et Antoine Waechter en Alsace. Face à l’échec de la stratégie d’autonomie absolue des Verts, Yves Cochet envisagea le rapprochement avec la gauche alternative : Fédération pour une gauche alternative (FGA) et PSU, notamment. L’hostilité envers celle-ci, mais aussi envers le PS, poussa Antoine Waechter à présenter une motion10 à l’assemblée générale de novembre 1986. Sa proposition « l’écologie n’est pas à marier » enregistra ralliement sur ralliement, y compris celui d’anciens membres de l’extrême gauche. La direction sortante, autour d’Yves Cochet, renonça à soutenir son propre texte. Le leader alsacien avait conquis le parti. Antoine Waechter, considéré par tous comme austère et peu charismatique, avait l’avantage de ne pas susciter d’inquiétudes de la part de ceux qui reprochaient à Anger ou Cochet leur tendance à faire cavalier seul. D’autre part, son exigence d’autonomie, et son discours environnementaliste, rendaient plus lisible la situation des Verts vis-à-vis des autres forces politiques. Les résultats de l’élection présidentielle de 1988 (presque 4%) constituèrent une bonne surprise et un encouragement, compte tenu des échecs antérieurs. En 1989, surfant sur une vague générale de préoccupations environnementales, les Verts connurent un succès électoral inédit, d’abord aux municipales de mars, puis aux européennes de juin, franchissant les 10% des voix et remportant leurs premiers sièges au Parlement de Strasbourg.

10 Motion à l’intitulé significatif : « Affirmer l’identité politique des écologistes ».

19 II. Changer la vie, changer la ville : conquête et exercice du pouvoir par les gauches françaises et rennaises (1977-1989)

L'entrée des écologistes dans l'arène politique et électorale entraîna des hésitations et des divisions quant à leur inscription dans le clivage droite-gauche, et plus spécifiquement, en ce qui concerne leurs relations avec les gauches. L'évolution de celles-ci, et en particulier du PS, fut donc un facteur déterminant des orientations politiques et stratégiques des écologistes. Cela est vrai tant au niveau national, avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 et les déceptions qui s'ensuivirent, qu'à Rennes, ou la coalition PS-PCF conquit la majorité en 1977, reconduite tous les six ans depuis lors – tout en étant ouverte à d'autres partenaires minoritaires.

A. 1981 : drame en deux actes pour les écologistes

Entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1981, les écologistes n'avaient pas autorisé Brice Lalonde à appeler à voter pour François Mitterrand. Cette défiance de principe cachait toutefois les immenses espoirs placés en la victoire du PS. « Ces luttes trop faibles attendaient presque tout de la victoire de la gauche, même quand elles critiquaient les partis dont elles espéraient le succès »11. L'alternance représentait tout de même la fin de vingt-trois ans de gaullisme et de libéralisme. Mais le revers de la médaille en serait la démobilisation et la déception.

1- Le moment Mitterrand : soulagements à Plogoff et sur le Larzac

Les années Giscard avait été marquées par deux combats symboliques pour les écologistes : l'opposition à l'extension du camp militaire du Larzac, et la mobilisation contre la centrale nucléaire de Plogoff. Ces deux abcès de fixation, hérités des années 1968, étaient encore vivaces à la veille de l'élection présidentielle. Pendant la campagne électorale, François Mitterrand s'engagea à abandonner les deux projets. Le 10 mai, les plogoffites lui accordèrent plus de deux tiers de leurs suffrages : 68%. Le président tint les promesses du candidat : la centrale nucléaire de Plogoff ne verrait pas le jour, et les bergers du Larzac pouvaient revenir à leurs moutons. L’annulation du projet électronucléaire de Plogoff ne fut toutefois pas annoncée par le ministre chargé de l’Énergie,

11 Alain Touraine (et al.) La prophétie anti-nucléaire, Seuil, 1980, p. 14.

20 Edmond Hervé, ni par Paul Quilès qui avait exprimé une certaine sympathie pour les luttes antinucléaires, mais par le breton Louis Le Pensec, ministre de la Mer. « Plogoff, c’est fini » 12 , annonça-t-il à la sortie du premier Conseil des ministres présidé par François Mitterrand, le 28 mai 1981. La décision ne fut officiellement confirmée que plusieurs semaines plus tard. La demi-victoire de 1981 était presque une défaite : les écologistes étaient privés de leurs champs de bataille privilégiés, tandis que leur défiance de principe à l'égard du nouveau gouvernement allait s'avérer fondée. Les succès si longtemps espérés à Plogoff et sur le plateau du Larzac laissaient place à une démobilisation générale face à un adversaire d'autant plus insidieux qu'il suscitait autant d’espoir que de soupçons. De fait, la centrale finistérienne n’était manifestement abandonnée qu’à reculons, et le grand débat national sur la politique nucléaire, promis lors de la campagne électorale, allait vite passer par pertes et profits. En effet le 30 juillet 1981, le Premier ministre Pierre Mauroy annonça qu’il engagerait la responsabilité de son gouvernement sur sa politique énergétique, et ce dès la rentrée, devant la seule Assemblée nationale…

« Réaction du Comité Plogoff et des CLIN ? Nous sommes en août et les militants ont bien gagné le droit de se reposer. Encore habités par les joies de leur victoire, ils ne découvriront le reniement qu’au cours des vacances. Il sera alors trop tard pour organiser une riposte dont la dimension devrait nécessairement être d’envergure nationale »13 .

Les militants anti-nucléaires comme Gérard Borvon, n’y pouvaient rien : leur combat, après avoir recueilli de symboliques mais maigres résultats, allait devoir recommencer de zéro.

2- Le contrecoup de 1981 : les écologistes contre les gauches

Le gouvernement Mauroy reprit rapidement à son compte le programme électronucléaire initié par le gouvernement Messmer. Malgré la rédaction d’un rapport parlementaire mentionnant la possibilité de diversifier les sources d’énergie et d’en réduire la consommation, le Premier ministre voulut montrer que les préoccupations écologistes n’auraient su entraver la marche du pays vers la prospérité économique. Lors de son discours de politique générale portant sur la politique énergétique, il ajouta deux projets de centrales nucléaires aux quatre déjà envisagées par les rapporteurs, dont Paul Quilès ; quant au

12 Gérard Borvon Plogoff, un combat pour demain, Cloître, Saint-Thonan, 2004, p. 185. 13 Borvon, op. cit., p. 192.

21 retraitement des déchets nucléaires, il était à ses yeux nécessaire et justifiait le développement de l’usine de la Hague :

« Vous connaissez et avez approuvé, le choix central du gouvernement : remettre la France au travail (…). Dès 1982, la croissance de notre économie sera supérieure à 3%. Elle devra par la suite atteindre 5%. Car il n’y a pas d’emploi sans croissance. Et il n’y a pas de croissance sans énergie (…). Personne ne peut affirmer aujourd’hui qu’il existe une meilleure solution pour les combustibles irradiés que le retraitement (…). Nous construirons donc l’usine UP 3 qui créera des emplois et nous procurera un apport sensible de devises (…). N’oublions pas, à l’heure où nous évoquons les risques, réels au demeurant, de l’énergie nucléaire, que le pays a longtemps accepté en silence d’asseoir sa puissance sur la mort brutale des coups de grisou, sur la mort lente de la silicose, sur le sacrifice de générations de mineurs auxquelles je tiens à rendre hommage dans ce débat sur l’énergie à l’Assemblée nationale »14.

Le fossé séparant socialistes et écologistes était d'autant plus évident que le ministre délégué à l'Industrie, chargé de défendre le programme électronucléaire, était Edmond Hervé (entre juin 1981 et 1983), député-maire de Rennes. Ce dernier était totalement étranger à la critique de la modernité et du progrès technique effectuée par les écologistes. L'hostilité réciproque entre le gouvernement et les écologistes prit un tour spécifiquement rennais après un entretien houleux à propos de la politique nucléaire entre le ministre, et le leader résolument antinucléaire de la Confédération écologiste, Yves Cochet.

B. Rennes, du centre-droit à l’Union de la gauche

L'histoire des gauches rennaises après la seconde guerre mondiale fut assez semblable à celle de leurs homologues nationales. De 1953 à 1971, durant les trois premiers mandats d'Henri Fréville, la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) participa à une majorité de troisième force dominée par le MRP, excluant d'une part les gaullistes, et d'autre part les communistes. Malgré les bonnes volontés du dirigeant socialiste local, Michel Phlipponneau, la coalition prit fin en 1971 et la SFIO fut exclue du conseil municipal du fait de la nouvelle victoire d'Henri Fréville15.

14 Cité dans Borvon op. cit., p. 194-195. 15 Rappelons qu'avant 1982, le scrutin municipal était majoritaire : seule la liste arrivée en tête au second tour (ou absolument majoritaire au premier) était représentée au conseil municipal.

22 1- 1977 : « Changer la ville »16 avec le PS

Les élections municipales de mars 1977 représentèrent une victoire sans appel pour l'Union de la gauche en France, et furent perçues comme annonciatrices de leur probable triomphe aux élections législatives de l'année suivante. Les gauches contrôlaient déjà 98 des 221 villes de plus de 30 000 habitants, et en conquirent 57 supplémentaires, dont les trois plus grandes villes bretonnes : Nantes, Rennes et Brest. À Rennes, Henri Fréville, après quatre mandats à la tête du conseil municipal, avait décidé de passer la main à son adjoint Jean-Pierre Chaudet (Républicain indépendant). La liste d'Union de la gauche devait être menée par le candidat du PS, le PCF étant en position de faiblesse dans cette ville peu ouvrière17. Les adhérents socialistes rennais désignèrent un jeune assistant de la faculté de droit, Edmond Hervé, préféré à Michel Phlipponneau, adepte de la décentralisation, et proche de Gaston Defferre. Par ailleurs, les négociations entre PSU et PS ayant échoué, une liste autogestionnaire associait PSU, Amis de la Terre et Mouvement d’action non-violente (MAN). Impulsée par Daniel Martin, membre du PSU, la liste critiquait notamment les prérogatives disproportionnées accordées au poste de maire : sa tête de liste était donc officiellement le premier des candidats dans l’ordre alphabétique, Jean-Pierre Agaesse. Cette liste intitulée « Rennes pour l’autogestion socialiste » revendiquait la démocratisation de la vie politique locale, la « remise en cause du type actuel de développement », le soutien aux luttes anti- nucléaires. Les 5,3% obtenus à l’issue du premier tour furent interprétés comme un bon résultat, compte tenu de la présence de deux autres listes d’extrême gauche (3,7% à elles deux) et de l’ampleur inattendue de la percée d’Edmond Hervé (48,5%)18. La liste d'Edmond Hervé l'emporta au second tour avec plus de 55% des suffrages exprimés, et 78% de participation. Michel Phlipponneau obtint le poste de premier adjoint, délégué à l’urbanisme, mais aussi la présidence du district (ancêtre de l’actuelle communauté d’agglomération). Ces postes lui permirent d’appliquer sa vision du développement urbain à l’agglomération rennaise. Il s’agissait d’une véritable « révolution municipale »19 vis-à-vis de la politique de densification urbaine menée par la majorité sortante. Celle-ci avait notamment envisagé, dans le cadre du Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) de 1973, de

16 Changer la vie, changer la ville est l’intitulé d’un ouvrage publié en 1977 par Michel Phlipponneau. 17 La liste comprenait également le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) et l'Union démocratique bretonne (UDB). 18 Novello Regards sur mars 1977, Archives municipales de Rennes, 1387W7. Voir les résultats complets en annexe. 19 Michel Phlipponneau Le VAL à Rennes ?, Spézet, Nature et Bretagne, 1995, p. 10.

23 mettre en place un Transport en commun en site propre (TCSP), sans doute un tramway, afin d’accompagner la croissance de la population de la ville-centre et de sa périphérie immédiate. La révision du SDAU, engagée en 1977 et finalisée en 1983, entrait en résonance avec les conceptions décentralisatrices du premier adjoint : il s’agissait de limiter la croissance démographique de l’agglomération, en enrayant par là même la désertification des zones rurales bretonnes. La structuration multipolaire de l’agglomération, en villettes, et la préservation d’une ceinture verte, permettaient d’éviter un coûteux TCSP en s’appuyant simplement sur le développement du réseau de bus urbains et suburbains, ainsi que sur l’usage accru des voies ferrées existantes. Ce projet marqué par la volonté de décentralisation, et de préservation d’espaces verts dans un tissu urbain aéré, était assez compatible avec la vision écologiste du développement urbain20. Le revirement qui suivit, sur l’initiative du maire Edmond Hervé, allait modifier les termes des relations entre les deux familles politiques.

2- La conversion moderniste d'Edmond Hervé (1983-1989)

Le deuxième mandat d’Edmond Hervé marqua un virage profond dans la politique de développement municipal. Les conséquences quant à la compétition pour le leadership politique de la ville furent considérables, tant en ce qui concerne la majorité, le clivage droite/gauche, ou encore les relations entre la municipalité et les écologistes.

a- TCSP et densification urbaine : l’éviction de Michel Phlipponneau Le retour à la politique de densification urbaine se fit de manière concomitante avec l’affaiblissement politique de Michel Phlipponneau. Celui-ci perdit en effet son poste de conseiller général en 1985, au bénéfice du jeune conseiller municipal d’opposition (UDF) Jean-Pierre Dagorn. L’année suivante, il ne remporta pas l’investiture du PS pour mener la liste socialiste du département aux élections régionales, ce qui entraîna sa dissidence, puis son exclusion du parti. En 1989, Edmond Hervé profita des élections municipales pour ne pas le reconduire sur la liste, et accéda par voie de conséquence à la présidence du district, dont il avait enfin compris l'importance politique. Cette exclusion fut la conclusion des divergences croissantes entre le maire et son premier adjoint. Après 1983, la municipalité avait confié à deux cabinets l’étude de projets éventuels de TCSP, qui en 1986 avaient conclu à l’utilité voire à la nécessité d’un tramway. Le

20 C’est du moins l’avis de Jean Normand, président du Syndicat intercommunal de transports en commun de l’agglomération rennaise (SITCAR) entre 1980 et 1991 (entretien).

24 président du district avait alors été très critique et en 1987, le seul à s’opposer au principe d’un TCSP, voté par le Conseil municipal, suivant les conclusions des cabinets d’étude. Michel Phlipponneau allait publier en 1995, à la veille de l’élection municipale, un ouvrage justifiant ses positions et critiquant vertement les choix de la municipalité d’Edmond Hervé à partir de 1986.

« L’exercice prolongé du pouvoir municipal conduit souvent le maire d’une grande ville à d’identifier à cette dernière et à manifester pour elle, avec un comportement de puissance, des ambitions disproportionnées à ses besoins et à ses moyens, mais marquant son passage aux affaires publiques. (…)

Faute d’une culture urbanistique et économique suffisante, [l’élu] se laisse aisément séduire par les responsables de bureaux d’études et de firmes de matériel de transport, ayant intérêt à passer de la conception d’un projet à sa mise en œuvre et dont l’argumentaire semble relever de celui du fournisseur d’armes aux pays en développement »21.

Ces deux extraits expriment clairement les motivations de la dissidence de l’auteur, lesquelles étaient apparentées à celles des écologistes.

b- Edmond Hervé : le VAL à tout prix22 En septembre 1987, la société Matra fit parvenir un dossier proposant sa nouvelle technologie de Véhicule automatique léger (VAL)23, variante du métro. L’argumentaire des envoyés de Matra, centré autour de l’attractivité de ce mode de transport moderne, automatique et rapide, eut tôt fait de convaincre Edmond Hervé, puis Jean Normand (président du SITCAR) de l’intérêt du dossier. L’option du tramway, mal défendue par la société Alsthom, était progressivement abandonnée, malgré la préférence qu’elle suscitait chez la plupart des membres des services techniques de la ville, comme l’Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise (AUDIAR). Pourtant, le maire jugea bon de ne pas expliciter le choix du VAL avant sa réélection, jugée probable, en mars 1989. La simple mention d’un TCSP permit d’éviter un débat potentiellement glissant, notamment sur la question du coût : le prix estimé du VAL atteignait le double de celui du tramway. L’équipe du maire commença à préparer la population à ce choix coûteux en faisant valoir le caractère indispensable de la desserte du centre-ville

21 Phlipponneau, op. cit., p. 8-9. 22 Le processus de prise de décision et de justification de celle-ci est davantage précisé par Jean Normand, qui en fut un acteur primordial, dans son livre-témoignage : Le VAL de Rennes, un combat pour la ville, Rennes, Apogée, 2002. 23 Ce métro fut pour la première fois mis en place dans l’agglomération lilloise, reliant Villeneuve-d’Ascq à Lille, d’où le choix de l’acronyme VAL, puis de l'appellation Véhicule automatique léger.

25 historique, dont les rues étaient réputées trop étroites pour permettre le passage d’un tramway. Or faire passer ce dernier en souterrain dans le centre renchérissait considérablement son coût, la différence avec le prix du VAL devenant alors marginale. Après le succès aux élections municipales de mars 1989 (la liste Hervé obtint la majorité absolue dès le premier tour), il s’agit pour le maire d’obtenir l’acceptation du VAL par les socialistes eux-mêmes. En effet, ce combat n’était pas gagné : en juin, une réunion montra que la majorité des militants socialistes locaux avait une préférence marquée pour le tramway. Parmi les élus, c’était également le cas du premier adjoint Martial Gabillard, et même du nouvel adjoint à l’urbanisme, Jean-Yves Chapuis. En septembre, le groupe socialiste de trente conseillers fut consulté après une journée de débat, orchestrée par Yves Préault, élu municipal et stratège politique du PS rennais. L’option du VAL l’emporta finalement par six voix d’avance : le maire était fondé à soumettre le projet au conseil municipal. Le 25 octobre 1989, le VAL fut adopté par le conseil municipal. Le groupe Union de l’opposition (les élus de la liste Pourchet, droites) afficha sa division, tandis que les communistes exprimaient leur préférence pour le tramway en même temps que leur fidélité au maire. Les Verts rejetèrent le VAL en demandant la tenue d’un référendum afin de trancher entre VAL et tramway, ce dernier recueillant leurs faveurs explicites depuis 1983. La discipline de la majorité municipale, ainsi que la division des élus de droite, semblaient réserver un horizon dégagé à Edmond Hervé et son ambitieux projet d’aménagement.

2- Les droites rennaises : de la division au second souffle (1989-1994)

Au creux de la vague en 1989 (26,5% des voix contre Edmond Hervé), la coalition de droite allait cependant profiter du VAL pour contester la municipalité socialiste et espérer une alternance en 1995.

a- Les deux droites rennaises : gaullistes et démocrates-chrétiens Après la chute de la municipalité démocrate-chrétienne en 1977, les droites rennaises entrèrent dans une période de division et d’indétermination stratégique. Malgré l’arrivée en 1982 de Pierre Méhaignerie, président du Centre des démocrates sociaux (CDS), à la présidence du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, les gaullistes entendirent peser dans la ville. En 1983, Claude Champaud, proche du RPR, dirigea la liste aux élections municipales et manqua de peu de battre Edmond Hervé. Le désaccord entre les deux familles politiques de droite portait en particulier sur l’attitude à adopter vis-à-vis du maire de Rennes. L’opposition frontale des gaullistes était

26 désapprouvée par le CDS, qui empêcha Claude Champaud de contester les résultats des élections de 1983 devant la justice ; les démocrates-chrétiens favorisaient au contraire une attitude conciliante, impulsée par Pierre Méhaignerie, au nom d’un accord tacite de non- agression entre lui et Edmond Hervé 24 , qui présidaient les deux collectivités les plus importantes du département. Yves Fréville et surtout Gérard Pourchet, tête de liste en 1989, incarnaient cette approche, qui se traduisit par la réélection sans inquiétude du maire cette année-là. De même, au mois d'octobre qui suivit, Gérard Pourchet approuva le choix du VAL, contrairement à Yvon Jacob (proche de Jacques Chirac et du PDG de Citroën, Auguste Génovèse) : celui-ci alla jusqu’à refuser de voter le principe d’un TCSP, au nom de la lutte contre l'alourdissement de la fiscalité locale pesant sur les entreprises.

b- Mobilisations contre le VAL : la troisième droite de J.-P. Dagorn L'année 1989 fut une double victoire pour Edmond Hervé : reconduit pour six ans à la tête de la ville, son projet phare était adopté sans encombre face à une opposition divisée, au conseil municipal comme au conseil de district. Cependant, à l'opposition des Verts, qui avaient formellement proposé la tenue d'un référendum, s'ajouta rapidement un mouvement de contestation initié par le conseiller général UDF, ancien conseiller municipal, Jean-Pierre Dagorn. Son « Comité pour un référendum sur le VAL », lancé au début de l'année 1990, s'opposait au projet de la municipalité pour des raisons essentiellement financières -et donc fiscales-, sans pour autant présenter de contre- proposition précise. Cette initiative rencontrait l'indifférence des autres composantes de l'Union de l'opposition municipale : libéral, issu des Jeunes Giscardiens et adhérent direct de l'UDF, Jean-Pierre Dagorn était étranger tant aux gaullistes qu'aux démocrates-chrétiens, majoritaires au conseil municipal. Au contraire, certains opposants au VAL hors de Rennes lui apportèrent un soutien appuyé, en particulier le maire CDS de Cesson-Sévigné, Roger Belliard, et son adjoint à l'urbanisme Georges Paty. Pourtant, l'action de terrain du Comité (réunions publiques et pétition), connut vite un succès inattendu. Près de cent personnes participaient activement à cette campagne, qui reçut également l'aide de Michel Phlipponneau, qui n'avait pas renoncé à faire échouer le VAL. Les premiers fruits politiques de cette bataille interne aux droites rennaises tombèrent aux élections cantonales de 1992, puis de 1994. En effet, Jean-Pierre Dagorn tint à porter le combat contre le VAL sur le terrain électoral en associant l'étiquette de la « Majorité

24 François Danchaud (ancien journaliste à Ouest-France puis directeur de cabinet de Pierre Méhaignerie) parle de « gentlemen's agreement » entre E. Hervé et P. Méhaignerie (entretien).

27 départementale » 25 à celle du Comité. En 1992, trois des six candidats de la Majorité départementale dans les cantons renouvelés étaient issus du Comité: Jean-Pierre Dagorn lui- même, conseiller général sortant, fut réélu ; Jean-Claude Persigand frôla la victoire à la suite d'une campagne acharnée contre Jean Normand, porteur du projet VAL, dans le bastion socialiste du Blosne ; Stéphane Jambois battit quant à lui Martial Gabillard, premier adjoint au maire, dans le canton de Rennes-nord. En 1994, la victoire de Régine Brissot face à Jean- Michel Boucheron26, conseiller général sortant du canton de Rennes-nord-est qui comprenait le quartier populaire de Maurepas, acheva de faire du Comité la force vive des droites rennaises.

c- Les élections municipales de 1995 en ligne de mire La pétition pro-référendum de Jean-Pierre Dagorn ne tarda pas à réunir plus de 60 000 signatures dans tout le district, et contribua à fragiliser le projet VAL ainsi que la position d'Edmond Hervé dans la perspective des élections de 1995. Le conseiller général UDF avait déjà été troisième, et directeur de campagne de la liste de Claude Champaud en 1983. Disposant dorénavant d'alliés au conseil général, il aspirait à mener la liste d'opposition au maire de Rennes. Les élections législatives de 1993 mirent à mal cette ambition. L'Union pour la France (UPF, coalition entre le RPR et l’UDF) investit Yvon Jacob pour défier Edmond Hervé dans sa circonscription de Rennes-nord, tandis que Jean-Pierre Dagorn acceptait de mener une bataille perdue d'avance face à Jean-Michel Boucheron à Rennes-sud. La victoire du gaulliste Yvon Jacob sur Edmond Hervé le transforma en favori de l'UPF pour 1995. Le CDS s'était quant à lui décidé à contester plus résolument le projet de métro de la municipalité. En effet, Pierre Méhaignerie s'étant prononcé farouchement contre le VAL en 1992, car il voyait d'un mauvais œil la politique de croissance urbaine menée à Rennes au détriment du reste du département. Cependant, Yves Fréville et Gérard Pourchet, les deux piliers rennais du CDS, restaient partisans d'un transport en commun en site propre, de préférence un tramway. Dans la perspective des élections municipales de juin 1995, le CDS proposa à l'UPF la nomination du professeur de droit Jean-Claude Hardouin27.

25 Majorité soutenant le président du Conseil général, Pierre Méhaignerie, correspondant à l'Union pour la France (UPF) entre RPR et UDF. 26 La doctoresse Régine Brissot avait adhéré au Comité à partir de son engagement anti-VAL à l'hôpital de Pontchaillou, que le VAL devait traverser en aérien. Jean-Michel Boucheron, conseiller général depuis 1976, conseiller municipal depuis 1977, député de Rennes-Sud depuis 1981, fabiusien, était le chef officieux du PS rennais. 27 François Danchaud « Fort du soutien du député CDS Yves Fréville : Jean-Claude Hardouin ouvre sa liste », Ouest-France, 26-1-95, p. 22.

28 Face à la mobilisation de ces deux machines aux puissants relais nationaux, les espoirs de Jean-Pierre Dagorn s’évanouirent ; son ralliement à Yvon Jacob en mars 1995 28 joua cependant un rôle dans l'investiture qui fut accordée à ce dernier (plutôt qu’à Jean-Claude Hardouin) par la commission nationale de l'UPF, en avril. Les droites rennaises abordaient donc les élections de juin 1995 sous la bannière d'une union de pure forme, qui cachait mal les conflits personnels et d'appareils sous-jacents. Même le dossier du TCSP ne donna pas lieu à des propositions précises : les positions du CDS (favorable au tramway) et du RPR (dont les représentants étaient proches du lobby automobile) étaient difficilement conciliables.

III. Rennes-Verte : l’ambition d’une alternative écologiste (1983-1989)

Dans ce contexte politique marqué par une redéfinition et une exacerbation du clivage entre droites et gauches à Rennes, les Verts étaient une jeune force politique en plein essor, revendiquant le statut de troisième terme de l'équation politique locale.

A. Yves Cochet, un écologiste réformiste et révolutionnaire

Yves Cochet fut (est) un élément déterminant de l’histoire des écologistes français et rennais, en tant que membre fondateur des Verts, personnalité de premier plan de ce parti depuis sa création, et leader historique des Verts dans la ville de Rennes. De ce fait, il semble utile de retracer son parcours politique individuel.

1- Du MRP aux Amis de la Terre… en passant par Mai 1968

L’engagement politique d’Yves Cochet à Rennes fut antérieur à sa première joute électorale d'importance, les élections municipales de 1983. Il est en effet de ceux qui ont fait figure de penseurs, de constructeurs de l’écologie. À cet égard, il convient de souligner le contexte politique de sa jeunesse. Né à Rennes en 1946, Yves Cochet fut nourri au biberon du Mouvement républicain populaire (MRP). Son père, Émile Cochet, était en effet membre du comité national directeur du parti démocrate-

28 François Danchaud « Jean-Pierre Dagorn rejoint Yvon Jacob », Ouest-France, 8-3-95, p. 25.

29 chrétien, ainsi que secrétaire général du jeune journal Ouest-France, surnommé alors « le journal de Fréville »29, du nom du maire de Rennes de 1953 à 1977. Ces précisions permettent de comprendre l’engagement ultérieur du jeune rennais. Yves Cochet, vingt-deux ans, était président de la corporation Sciences de l’UNEF à la faculté de Rennes lors du mouvement de mai 1968. Loin des perspectives révolutionnaires qu’adoptèrent certains de ses camarades, il se limita à des revendications d’ordre syndical comme la mixité dans les cités étudiantes, la gratuité des photocopies, ou même l’installation de distributeurs de Coca-Cola dans les locaux de l’université. Pour Pronier et Jacques le Seigneur, journalistes ayant longuement côtoyé le monde des écologistes, « le Mai d’Yves Cochet [fut] au fond bien plus "sociétal" que gauchiste »30. Dans les années qui suivirent, il adhéra aux associations Bretagne Vivante et Eaux et Rivières de Bretagne. En 1973, il entra aux Amis de la Terre, branche française d’un réseau né aux États-Unis. Il participa à sa croissante structuration sous l’impulsion de Brice Lalonde, en créant notamment le groupe de Rennes en 1977. Dans ce cadre il participa aux luttes anti- nucléaires bretonnes, notamment à Plogoff, mais aussi aux élections municipales de Rennes dès 1977, avec le PSU.

2- Ni gauche, ni droite : « ailleurs »

Étrangers au marxisme, Yves Cochet et les Amis de la Terre ne reniaient pas pour autant une forme de radicalité : ceux-ci se proclamaient « anticapitalistes, autogestionnaires et socialistes »31.

a- Le monde selon Yves Cochet : l’écologie originale Inutile de revenir sur la création du parti des Verts, détaillée plus haut. Il convient simplement de souligner la position relative qu’Yves Cochet a occupée dans ce parti, et ce dès le départ. Membre fondateur de la Confédération écologiste puis des Verts, ce leader historique a toujours défendu l’écologie politique comme une idéologie propre, en opposition frontale aux autres. Pour lui, l’écologie (et notamment son versant scientifique, de par ses études et son engagement aux Amis de la Terre) est là pour remédier aux dégâts causés par les idéologies du modernisme : libéralisme, communisme, gaullisme... Scientifique, il n’a pourtant jamais été scientiste, et son engagement écologiste se fit parallèlement à son intérêt pour l’autocritique de la science, et notamment les travaux de Pierre Samuel.

29 Delorme Ouest-France. Histoire du premier quotidien français, Apogée, 2004, p. 101. 30 Raymond Pronier, Vincent Jacques le Seigneur Génération verte, Presses de la Renaissance, 1992, p. 29. 31 Pronier, Jacques Le Seigneur op. cit., p. 38.

30 Il eut plusieurs fois l’occasion de manifester sa méfiance à l’égard de la gauche alternative, lors des élections législatives de 1986 par exemple. L’échec électoral le poussa cependant à se ranger aux côtés de René Dumont et Didier Anger qui, parmi d’autres, défendaient l’idée d’un « Arc-en-Ciel » alternatif au PS et au PCF. Mais cette stratégie était minoritaire chez les Verts et Yves Cochet y renonça dès 1987. Pour autant, ses convictions l’éloignaient également de l’autre composante fondamentale du courant écologiste, le naturalisme. En effet, d’une part, l’écologie politique devait être, selon lui, aussi sociale que scientifique, et permettre à tous de vivre mieux, autant aux hommes qu’aux petits oiseaux – ce qui impliquait de s’intéresser aux systèmes de transport, au travail, à la protection sociale… D’autre part, Yves Cochet étant « démocrate avant d’être vert »32, peut-être du fait de ses origines politiques familiales, il ne pouvait que se méfier des naturalistes, parfois proches de l'écologie profonde, laquelle privilégiait les intérêts d’une nature transcendante par rapport aux droits de l’homme, ou même à une certaine éthique de l’action politique. Ainsi d’Antoine Waechter à qui certains Verts reprochaient la personnalisation du pouvoir au sein du parti pendant ses années de porte-parolat.

b- De la Feuille d’Érable à Rennes-Verte, Alternative et Écologie Yves Cochet, porté sur les élaborations intellectuelles innovantes, s’attacha également à l’application concrète de ses idées, notamment à l’échelle locale ; cette exigence était au centre de l'écologie politique, dont l'une des devises était « penser globalement, agir localement ». Dans la dynamique de structuration partisane de l’écologie, à l’œuvre en France au début des années 1980, il créa avec Marcelle Dousselin et Katia Bellanger l'association Rennes-Verte, Alternative et écologie dans la perspective des élections municipales de 1983. Là encore, la proclamation de l’irréductibilité de l’écologie politique était centrale : l’écologie était bien la seule alternative face à l’Union de la gauche, encore d'actualité dans la ville de Rennes. Parallèlement à la création de cette organisation à visée directement politique, Yves Cochet participa à la naissance d’une coopérative, sensée donner une tribune en quelque sorte performative, à l’écologie politique locale. Ce fut La Feuille d’Érable, coopérative d’insertion sociale, de ramassage et de recyclage des déchets en papier, fondée sur les ruines de la coopérative Érable, spécialisée dans les livres. Moins politique, cette entreprise fut également moins investie par Yves Cochet : Annaïg Hache, économiste, Joël Morfoisse, syndicaliste, et Françoise Lebœuf en furent des acteurs prédominants, tout comme d'autres militants de

32 François Danchaud « Yves Cochet : du rêve à la réalité », Ouest-France, 16-05-95, p. 19

31 Rennes-Verte. Cette initiative permet de cerner d’un peu plus près les caractéristiques de l’engagement écologiste de Rennes-Verte : l’économie sociale et solidaire représentait pour eux à la fois une révolte contre les dogmes libéraux dont la toute-puissance était déjà sensible (en particulier dans les amphithéâtres des facultés d’économie), et le refus de repousser le changement au lendemain d’un hypothétique grand soir. La Feuille d'Érable permettait ainsi d’exemplifier l’écologie politique, mais aussi de prendre conscience de l’existence des obstacles dressés par les politiques publiques, municipales notamment, sur sa route33.

3- Rennes-Verte : bastion cochétiste en terre bretonne34

Rennes-Verte fut créée parallèlement à la Fédération écologiste bretonne (FEB), première structuration unitaire de l’écologie dans la région, en 1981. Cette fédération fut membre fondateur de la Confédération, concurrente du MEP à l’échelle nationale, mais comprenait de nombreux membres bretons de celui-ci, qui souhaitaient échapper au jacobinisme de leur organisation. La FEB laissait présager le rapprochement des deux mouvements au niveau national au sein des Verts, en 1984. Cependant, les Amis de la Terre bretons, et en premier lieu leur noyau dur rennais, lui- même chapeauté par Yves Cochet et Dominique Bernard, dominaient la FEB. Le MEP ne disposait pas de groupes locaux aussi nombreux et structurés. Le clivage entre RAT et MEP au sein de la FEB était recoupé par une opposition culturelle entre militants de Basse-Bretagne et de Haute-Bretagne. Les adhérents finistériens et armoricains revendiquaient une certaine proximité avec le courant régionaliste ; au contraire, les hauts-bretons d'Ille-et-Vilaine, Yves Cochet en premier lieu, considéraient l'Union démocratique bretonne (UDB) comme un parti en déclin, dépendant du PS, et indigne de la considération des écologistes. Le clivage se renforça à la suite de l'ouverture à gauche réalisée par Yves Cochet en 1983 (il proposa, en vain, un partenariat à Edmond Hervé) puis après son parachutage législatif dans le Nord en 1986. La FEB dut alors faire face au départ de nombreux adhérents issus du MEP, Yves Cochet perdant de plus le contrôle de l'organisation au bénéfice des partisans d 'Antoine Waechter entre 1986 et 1988. Les « cochétistes » désertèrent alors la FEB, mettant en place une structure parallèle basée en Ille- et-Vilaine, en préalable au retour en force d'Yves Cochet à la tête de la Fédération en 1988. Après 1988, aucune conciliation entre les deux courants ne fut menée à bien. Selon Le Guirriec, l' « absence de fondement idéologique du conflit » 35 n'empêcha pas la

33 Entretien avec Annaïg Hache. 34 Ce paragraphe est basé sur l'article très instructif de Patrick Le Guirriec « Dix ans d'écologie politique en Bretagne », in Marc Abelès (dir.) Le défi écologiste, L’Harmattan, 1993.

32 marginalisation croissante des minoritaires. Les waechtériens de Bretagne se définissaient ainsi plus par anti-cochétisme que par une adhésion aux positions politiques du leader alsacien des Verts. Certains d'entre eux quittèrent d'ailleurs leur parti et la FEB en 1990, rejoignant Génération écologie, formation écologiste fondée la même année par Brice Lalonde. Au début des années 1990, l'écologie bretonne était donc coupée en deux : d'une part les Verts, dominés par les réseaux issus du RAT et en bonne partie contrôlés par Yves Cochet ; et d'autre part Génération écologie, composée en partie d'anciens opposants à ce dernier.

B. Rennes-Verte : entre parti-société et entreprise individuelle

Rennes-Verte était une organisation ambivalente : répondant à la volonté de nombreux militants rennais de base de renouveler la vie politique en y participant, elle était aussi le produit d'un leadership politique préexistant, celui d'Yves Cochet.

1- Une démocratie interne exigeante

La structuration partisane de l'écologie politique avait donné lieu à un compromis original : la participation aux pratiques politiques traditionnelles, comme les élections, devait être compensée par le respect de normes strictes héritées du fonctionnement horizontal des nouveaux mouvements sociaux. Ainsi, les Verts ont représenté pour leurs membres, plus qu'un instrument : un modèle de société, un parti-société.

a- Rennes-Verte, un sas vers les Verts Les Verts s'organisèrent en 1984 selon le principe de subsidiarité : l'organisation nationale s'approchait du modèle de la défunte Confédération écologiste, rassemblant de multiples fédérations régionales autonomes (dont la FEB), lesquelles étaient composées de groupes locaux disposant eux-mêmes d'une relative indépendance. Rennes-Verte était un de ces groupes locaux, doté d'un statut associatif propre, indépendant de la FEB et du parti. Les Verts résidant à Rennes étaient automatiquement affiliés à Rennes-Verte, mais une bonne partie des membres de l'association n’était pas encartée à l'organisation nationale. En 1990, étaient recensés 84 adhérents : 51 Verts et 33 « adhésions locales »36. Cependant, Rennes-Verte ayant pour objet essentiel la politique et le militantisme locaux, la séparation entre les deux catégories d'adhérents était peu marquée. Cette séparation

35 Le Guirriec, op. cit., p. 176. 36 Dominique Bernard, Contribution, documents préparatoires à l'assemblée générale (AG) du 13-10-1990.

33 formelle n'intervenait que lors des votes concernant les instances régionales et nationales du parti, c'est-à-dire essentiellement lors des assemblées fédérales et régionales. De plus, dans un souci de transparence, les Verts autorisaient l'accès aux espaces de débat propres au parti (assemblées générales ou même Conseil national inter-régional (CNIR)) à tous : dans l'esprit de nombre de militants locaux, Rennes-Verte était un sas permettant l'intégration progressive d'adhérents dans le microcosme partisan 37 . Par exemple, Annaïg Hache, membre de la première heure de Rennes-Verte, adhéra aux Verts en 1992 seulement, après s'être familiarisée avec leur fonctionnement interne et avoir acquis ce qu'elle considérait comme une « formation politique »38.

b- Parité et démocratie interne : l’exemple du scandale de 1986 Les Verts se faisaient fort de s'appliquer à eux-mêmes les principes d'éthique politique qu'ils exigeaient du système politique tout entier. C'était le cas de l'exigence de parité entre genres, issu du féminisme, très présent chez les Verts. Lors des scrutins de liste (au sein du parti ou bien lors des compétitions électorales), les Verts présentaient systématiquement des listes paritaires, selon le principe d'alternance femme/homme. En 1989, la liste « Verte et ouverte » menée par Yves Cochet aux élections municipales de Rennes comportait même une majorité de femmes (30 sur une liste de 59 personnes). Mais l'exigence d'égalité homme/femme ne concernait pas que les échéances électorales : lors des réunions les plus formelles (et notamment dans les instances régionales ou nationales) s'appliquait la règle dite de la « fermeture éclair » obligeant l'alternance paritaire dans les prises de parole. Question de principe, la parité attirait aussi des femmes que les pratiques politiques traditionnelles rebutaient, comme Annaïg Hache39. Le fonctionnement démocratique du parti supposait également le refus de la professionnalisation des élus et des leaders. En effet, le parti devait être en mesure de contrôler ses dirigeants et élus, de manière à faire respecter ses lignes politique et stratégique. Yves Cochet en fit les frais en mars 1986 lorsqu'il répondit à l'appel des Verts du Nord, qui souhaitaient sa candidature aux législatives dans leur département, un score suffisant pour obtenir un élu y étant envisageable. Il dut affronter la colère de ses amis bretons, y compris les rennais. Gérard Paget, de Rennes, et Renée Conan, figure lorientaise de l’écologie, décidèrent même de quitter le parti afin de protester contre ce qu'ils considéraient être une grave dérive. Ces accusations, ajoutées au constat de l'échec électoral, contribuèrent à la fragilisation

37 Entretien avec Lars Kiil-Nielsen. 38 Entretien avec Annaïg Hache. 39 Ibidem.

34 d'Yves Cochet qui perdit la majorité au sein de la FEB mais aussi à l'AG nationale à la fin de la même année 1986.

c- Le militantisme de base, structurant de l’agir politique des Verts rennais Le fonctionnement de Rennes-Verte était principalement redevable à la mobilisation du temps et des compétences des militants de base. Les assemblées générales annuelles, tenues en décembre, donnaient l'occasion à chacun de s'exprimer, et de voter, sur les orientations politiques et stratégiques à adopter pour les années suivantes. La campagne municipale de 1989 fut un moment d'effervescence militante exceptionnelle, ponctuée par plusieurs réunions hebdomadaires, réunissant des dizaines de militants et de sympathisants mobilisés pour convaincre les rennais d'accorder leurs suffrages à la liste Verte. Dans la foulée, la campagne des élections européennes, bien qu'organisée au niveau national, permit de prolonger la mobilisation. En mai, plusieurs assemblées générales furent convoquées ; celle du mardi 9 mai réunit 43 personnes. Collage des affiches et organisation du meeting à la Salle de la Cité, le 12 juin, mobilisèrent les bonnes volontés. Cependant, l'activisme militant sur le long terme, et notamment une fois les élections passées, n'était le fait que d'une petite minorité des membres de Rennes-Verte.

2- Yves Cochet, une locomotive électorale déterminante

Malgré cette culture politique privilégiant l’aspect horizontal de l’action politique, le poids électoral des Verts rennais et leur capacité à mener le combat face aux autres formations était très redevable à la présence d’Yves Cochet. Rennais de longue date, son engagement au cœur de la vie associative et politique de la ville avait commencé avec Mai 1968. Cependant, à son statut d'écologiste s'ajoutait l'héritage reçu de son père, pilier de la démocratie chrétienne locale : son « carnet d’adresses » 40 constituait une ressource de choix dans l'arène politique locale. Par la suite, son rôle moteur au sein des Amis de la Terre, puis de la FEB, acheva de lui accorder un rôle prédominant dans l’écologie rennaise. En 1983, il fut tête de liste de Rennes-Verte, récolta 6,2 % des suffrages mais échoua à conclure un accord de fusion avec la liste de Edmond Hervé, finalement victorieuse au second tour face à celle de Claude Champaud.

a- La victoire de 1989

40 Selon l’expression de François Danchaud (entretien).

35 Les élections municipales de 1989 se déroulèrent dans un contexte particulier pour les Verts de Rennes : d’une part, l’écologie semblait être en vogue, après le rebond marqué par l’élection présidentielle de l’année précédente. Plus encore, c'était le versant environnementaliste de l'écologie, celui des Verts d'alors, qui l'avait emporté face à la candidature alternative de Pierre Juquin, pourtant plus connu des médias. D’autre part, Yves Cochet se retrouvait libéré de la plus grande partie de ses responsabilités partisanes nationales, étant mis en minorité à toutes les AG annuelles du parti à partir de novembre 1986. Rennes constituait donc pour Yves Cochet une base arrière à consolider. Sur le fond, les Verts étaient à l'offensive car, contrairement aux autres listes, ils défendaient un projet précis de TCSP : le tramway, devant être adopté par référendum. Dans un contexte de désillusion croissante vis-à-vis des élections (la participation électorale passa de 70% à 58% entre 1983 et 1989 à Rennes), les Verts cherchaient à représenter un renouveau alternatif à l'abstention. La figure d'Yves Cochet y contribuait considérablement. Ouest- France fut un relais clé du dynamisme de cette liste, comme le montre le dessin de presse suivant.

- Gérard Pourchet, Edmond Hervé, Yves Cochet et les femmes par Loïc Schvarz, Ouest-France, 11/12- 2-1989 -

La liste de cinquante-neuf noms était composée de membres et de sympathisants de Rennes-Verte, mais aussi de membres du Parti solidarité sociale de Hilaire Fournier (qui avait recueilli 1,60% des suffrages en 1983) et de la Convention régionale de Bretagne. Le résultat du 12 mars fut à la hauteur de leurs espérances. Ils obtinrent plus que les 10% promis par les

36 sondages : 13,98% des suffrages exprimés, et quatre élus : dans l'ordre, Yves Cochet, Annaïg Hache, Joël Morfoisse, et Béryl Gouaislin41. En l'absence d'autres listes alternatives de gauche42, les écologistes avaient bénéficié d'une bienveillance passive de la part de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Pendant la campagne, ses représentants avaient esquissé un soutien : « au premier tour, j'hésite entre Cochet et ta liste », déclarait une lettre envoyée au maire et reprise par Ouest-France43. À l'issue des élections, l'arrivée des écologistes au conseil municipal fut saluée, car « cette bouffée d'air frais dans la vie locale [pouvait] être salutaire »44.

b- Vers une majorité alternative en 1995 ? « Sachez qu'aujourd'hui les écologistes sont là, ils sont là pour longtemps » : ce fut l'avertissement lancé par Yves Cochet en conclusion de sa prise de parole inaugurale, lors de la séance du conseil municipal du 17 mars 1989. Lors de l'assemblée générale du 30 mai 1989, la nécessité de rester mobilisés était évidente : « il [fallait] avoir marqué des points dans les six mois, sous peine de perdre l'impact et l'intérêt de la présence d'élus Verts au Conseil Municipal »45. Dès le début du mandat, l'objectif était donc de préparer les élections de 1995. Joël Morfoisse, élu municipal et président de Rennes-Verte, rédigea en préparation de l'AG de décembre de 1989 des « Propositions pour un programme d'orientations et d'actions pour Rennes-Verte ». L'objectif explicite en était d' « aboutir à un consensus entre les Verts et une majorité de la population en 94-95 ». Cette ambition, qu'elle ait été sincère ou feinte, rendit nécessaire un travail de fond de la part des militants de Rennes Verte, afin de travailler les dossiers préalablement aux séances du conseil et aux réunions des commissions municipales. Élus d'opposition, les quatre verts étaient en effet dépourvus de personnel (en dehors du secrétariat accordé par la municipalité en la personne de Viviane Girault) et l'essentiel des projets municipaux était élaboré par des groupes informels, composés d'élus de la majorité et de fonctionnaires des services techniques, parallèlement aux commissions officielles.

41 Les résultats complets figurent en annexe. 42 Hormis la liste à demi fantaisiste des « Grignous », emmenée par Jacques Campion, qui recueillit tout de même 3,7% de suffrages ! Voir en particulier Yvon Lechevestrier « Une soirée avec... Jacques Campion », Ouest-France, 10-3-89. 43 « Échos de la campagne », Ouest-France, 7-3-1989. Revue de presse de Rennes-Verte. 44 Ouest-France, 14-3-89. Revue de presse de Rennes-Verte. 45 Compte-rendu de l'AG du 30 mai 1989, Rennes-Verte, p. 2.

37

- La page de Rennes-Verte inaugurant son entrée au conseil municipal, Le Rennais, mai 1989 -

38 En plus de Viviane Girault, employée municipale et sympathisante des Verts, un secrétariat de trois personnes se mit en place, chargé essentiellement de suivre les dossiers municipaux, d'informer les quatre élus, et de gérer leur courrier. Le Vert Dominique Bernard en constituait la colonne vertébrale. Dès juin 1989, démarrèrent également cinq commissions, chapeautées par les quatre élus : « Économie, université, recherche » avec Annaïg Hache, « Solidarité et santé » avec Joël Morfoisse, « Aménagement et développement » avec Yves Cochet, « Culture, éducation et jeunesse » avec Béryl Gouaislin et enfin « Finances et administration générale » avec Joël Morfoisse. La page de libre expression accordée aux Verts dans le mensuel municipal Le Rennais reflétait cette volonté d’incarner une alternative aux deux groupes politiques traditionnels.

Conclusion du chapitre I

Les écologistes faisaient figure d'opposants les plus dynamiques à la municipalité socialiste au tournant des années 1990. Ils avaient l'avantage de la nouveauté et pouvaient prétendre au renouvellement du champ politique à gauche dans un contexte de relative usure du pouvoir à Rennes et à l'échelle nationale pour le Parti socialiste. Le succès de l'écologie avait, en 1989, été celui des Verts. Pourtant, l'engouement pour ce nouveau paradigme dépassa rapidement les frontières de ce parti. Les Verts du début des années 1990 semblaient ne représenter qu'une branche parmi d'autres de la grande famille écologiste, famille qui allait subir les conséquences douloureuses de cette séparation en plusieurs formations.

39 Chapitre II- L'écologie politique au-delà des Verts ?

Aux antipodes de la situation des années 1970, quand l'écologie avait fleuri aux marges du champ politique traditionnel, les années du second mandat de François Mitterrand marquèrent une hypertrophie de cette thématique chez les acteurs partisans. Auparavant ignorée par tous, mais subversive, elle devint revendiquée par tous, et donc singulièrement assagie, à partir de 1988. Étudier les causes de ce phénomène demanderait une analyse précise des champs économiques, médiatiques, culturels de l'époque. Il s'agit plutôt ici d'expliquer les modalités de cette écologisation de la politique. Cependant, on peut exprimer l'hypothèse selon laquelle le renoncement des Verts à politiser l'écologie, représenté par la devise d'Antoine Waechter « ni droite, ni gauche » (condamnée à devenir concrètement « et droite, et gauche »), en dépouillant largement cette pensée de son versant critique, a contribué à ce processus d'adoption par le reste des acteurs politiques. La perte de l'hégémonie des Verts sur l'écologie à partir de la fin des années 1980 peut être attribuée à trois phénomènes. D'une part, l'adoption du paradigme écologiste par la gauche alternative : si les affinités étaient déjà évidentes dans les années 1970, avec le PSU par exemple, les dissidences communistes accentuèrent le processus, et donnèrent lieu à des ambitions de refondation profonde à gauche. D'autre part, compte tenu de la radicalité et de l'indépendance sourcilleuses revendiquées par les Verts, une écologie réformiste émergea, d'abord située au centre-gauche. Enfin, l'histoire politique de l'écologie au début des années 1990 serait incomplète si elle ignorait toute une série de mouvements et de discours, inégalement sincères, revendiquant les aspirations écologistes, et non sans effets sur le devenir des formations d'origine comme les Verts.

40 I. La gauche alternative et le paradigme écologiste : entre adoption et inadaptation

L'écologie avait dans les années 1970 une double origine : le naturalisme et la gauche alternative. Son entrée sur le champ électoral avait été corrélée à la marginalisation croissante de la gauche autogestionnaire (PSU) ainsi qu'à l'affaiblissement rapide de la première gauche (PCF), le PS opérant quant à lui une normalisation qui l'éloignait davantage des aspirations écologistes. Dans ces conditions, l'écologie apparaissait à certains comme un instrument de refondation d'une alternative politique radicale à gauche.

A. De l’autogestion à l’écologie : les comités Juquin (1988)

La fin du premier mandat de François Mitterrand fut un moment de tentatives de recomposition ambitieuses parmi la gauche alternative. L'écologie de gauche était rendue disponible par les orientations de la nouvelle direction des Verts. Dans ce contexte naquit l'initiative « Pour un Arc-en-ciel » en 1987, associant, au départ en tout cas, certains membres des Verts. Il s’agissait de promouvoir la candidature unitaire de Pierre Juquin à l’élection présidentielle.

1- Communisme rénovateur, gauche radicale, écosocialisme : la candidature de Pierre Juquin à la présidence de la République46

Ancien porte-parole du PCF, Pierre Juquin adopta des positions dites refondatrices à partir des années 1980, notamment en ce qui concerne les relations avec l'Union soviétique et le modèle que celle-ci constituait. En désaccord croissant avec la direction de Georges Marchais, il fut exclu du Bureau politique en octobre 1984. Le PCF ayant décidé de présenter André Lajoinie, président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, à l'élection présidentielle de 1988, Pierre Juquin démissionna du Comité central et annonça sa propre candidature en octobre 1987, sur le plateau du journal d'Antenne 2. Deux jours plus tard, le PCF prononça son exclusion du parti. Trois organisations prirent part à la campagne : le PSU, la LCR et SOS-Racisme, tandis que les refondateurs communistes se structuraient en coordination nationale. À l'échelle locale, la campagne s'organisa autour des « Comités Juquin », noyaux de personnes souvent

46 Pour un témoignage plus précis, voir les mémoires de Pierre Juquin, portant essentiellement sur les années 1970-80 au PCF : De battre mon coeur n'a pas cessé, L'Archipel, 2006.

41 issues de ces formations, et souvent encadrés par des militants de la LCR. Le PSU était quant à lui en position de faiblesse, avec seulement un millier d'adhérents : son engagement avait pour but la constitution d'une nouvelle force de la gauche alternative. SOS-Racisme représentait l'importance accordée au thème de l'immigration et des étrangers dans la campagne : des affiches à visée performative proclamaient « les immigrés votent », et la directrice de campagne, Kaïssa Titous, était kabyle, dépourvue de la nationalité française... Quant au volet strictement écologiste de la campagne, il était porté essentiellement par l'ami de Pierre Juquin, Jean-Paul Deléage, qui dirigeait la commission Écologie, énergie, environnement.

2- Recompositions et éclatements : Nouvelle gauche, AREV et Verts

Le 24 avril 1988, 2,1% des votants choisirent Pierre Juquin. Ce résultat causa une vive déception : le candidat du PCF avait obtenu plus du triple et Antoine Waechter, près du double. Les ambitions de refondation unitaire de la gauche alternative avaient donc du plomb dans l'aile. Cependant, les comités Juquin (transformés en « Comités d'initiative pour une nouvelle politique à gauche ») donnèrent naissance à un embryon d'organisation : la Nouvelle gauche, en décembre 1988. Dès 1989, celle-ci se fondit, comme le PSU, dans l'Alternative Rouge et Verte (AREV), point d'arrivée de l'acclimatation du paradigme écologiste par la gauche alternative. En 1993, l'AREV présenta des candidats indépendants aux élections législatives, sous l'étiquette SEGA (Solidarité, écologie, gauche alternative). Pierre Juquin ne participa pas à cette initiative « rouge et verte » : déçu par la pesanteur des cultures politiques de la vieille gauche, selon lui responsable de l'échec de la refondation écosocialiste 47 , il décida de promouvoir une « alternative Verte en Europe » avec Carlos Antunes et Wilfried Telkämper, député européen des Grünen (Verts allemands) 48 . Pierre Juquin adhéra ensuite aux Verts, malgré les réticences des membres tenants du ni droite-ni gauche de ce parti. Du rouge, il était passé au vert, en passant par le rouge-et-vert49. En somme, ce furent les Verts qui constituèrent le réceptacle principal des volontés refondatrices des militants de la gauche alternative : cela avait déjà été le cas avec Alain Lipietz, ancien adhérent du PSU et de la Gauche ouvrière et paysanne (GOP), qui avait adhéré

47 Juquin, op. cit., p. 578. 48 En 1990 parut dans plusieurs pays d'Europe leur ouvrage collectif Pour une alternative verte en Europe (en France, aux éditions la Découverte). 49 Jocelyne Rat « Pierre Juquin à Rennes : "le vote écolo n'est pas un placebo" », Ouest-France, 1-4-92, p. 23.

42 aux Verts en 1988. Par la suite, l'AREV se fondit au sein des Verts en 1998, parfaisant l'hégémonie exercée par les Verts sur l'écologie de gauche.

B. Rouges-et-Verts : les suites du Juquinisme à Rennes

Les suites de la campagne présidentielle de Pierre Juquin prirent un tour particulier en Ille-et-Vilaine. Les comités Juquin locaux, étaient composés d'organisations diverses : PSU, UDB, anciens maoïstes, comme Gérard Hamon, ou encore des dissidents communistes, comme Jacques Rolland. Aussitôt, ils se structurèrent en organisation pérenne, le Mouvement Rouge-et-Vert, qui garda son appellation après la naissance de la Nouvelle gauche, et visait à réaliser la refondation de la gauche alternative à l'échelon local. Essentiellement rennais mais présent ailleurs en Bretagne, le Mouvement Rouge-et-Vert était étranger aux ambitions et orientations radicales de l'AREV, née par la suite. Il s'agissait d'une part de collaborer avec la majorité municipale, dans la continuité du PSU qui était représenté au Conseil municipal par Jacques de Certaines, Jeanine Palm, et Pierre-Yves Jan depuis 1983. D'autre part, les Rouges-et-Verts voulaient porter leur action politique au-delà des mandats et combats électoraux, en participant aux mobilisations associatives et en organisant de nombreuses réunions publiques, les Forums rouges et verts, autour d'auteurs ou de chercheurs en sciences sociales, développant des approches apparentées aux positions du Mouvement.

C. Verts, roses et Rouges-et-Verts : relations tripartites (1989-1995)

À la fois plus proches de la majorité municipale et plus radicaux que les Verts, les Rouges-et-Verts entretinrent des relations ambiguës avec le PS et les écologistes entre 1989 et 1995, période pendant laquelle ils étaient absents du Conseil municipal.

1- L’entre-deux des élections de 1989

En 1989, le jeune Mouvement Rouge-et-Vert disposait de quatre élus sortants: trois PSU (Jeannine Palm, Jacques de Certaines, Pierre-Yves Jan) et un UDB (Michel Génin). Ils avaient intégré la liste unitaire d'Edmond Hervé dès le premier tour, en 1983, au nom de leurs partis respectifs.

43 Dans la perspective des élections de 1989, deux tendances se dessinèrent : la majorité recherchait un accord avec Edmond Hervé afin de garantir trois élus au conseil Municipal, tandis que les communistes rénovateurs refusaient de « cautionner la politique du gouvernement » en s'associant au PS, et défendaient donc l'option d'une liste unitaire de la gauche alternative, « des "verts" à l'extrême gauche » 50 . Le dilemme disparut rapidement puisque Edmond Hervé refusa de leur accorder plus de deux places éligibles, forçant également le PCF à accepter une réduction de sa représentation au conseil. L'UDB se désolidarisa des Rouges-et-Verts et obtint un siège pour son leader local Michel Génin. La campagne électorale vit un rapprochement entre Verts et Rouges-et-Verts. Ceux-ci affirmèrent « œuvrer à des convergences futures »51 avec les Verts, et renoncèrent à une liste autonome concurrente.

2- Des accords à géométrie variable (1992-95)

Malgré la revendication du paradigme écologiste par les Rouges-et-Verts, les convergences avec les Verts dans les années qui suivirent concernèrent surtout des thématiques propres à la gauche alternative. Militants Verts et rouges-et-verts se retrouvèrent dans les mobilisations de terrain contre la Guerre du Golfe, contre les crimes de guerre commis dans les Balkans, pour l'intégration des personnes d'origine maghrébine, contre la colonisation de la Palestine. Par exemple, au lendemain de la Guerre du Golfe, Rouges-et- Verts et Rennes-Verte organisèrent conjointement un débat public sur les ventes d’armes avec Jean-Marie Muller, philosophe spécialiste de la non-violence. Cependant, ces convergences n'engageaient que certains des Verts, les plus attachés à l'ancrage à gauche de l'écologie politique, comme par exemple Jean-Paul Leroux ou Lars Kiil-Nielsen, membre de l'Association France-Palestine Solidarité. Ayant rompu avec le PS rennais en 1989, les Rouges-et-Verts purent passer un accord avec les Verts dans la perspective des élections suivantes : les élections régionales de 1992, du moins dans le département de l'Ille-et-Vilaine52. L'échéance fut préparée en commun et un accord sur une liste commune pour le département fut atteint. Cependant, les Verts refusèrent d'accorder une des deux premières places (seules potentiellement éligibles) à un Rouge-et- Vert.

50 Yvon Lechevestrier « Municipales, Le point à deux mois du premier tour », Ouest-France, 16-01-1989. Revue de presse de Rennes-Verte. 51 « Échos de la campagne », Ouest-France, 7-3-1989. Revue de presse de Rennes-Verte. 52 Rappelons que les élections régionales étaient alors un scrutin proportionnel de listes, organisé par département.

44 Par la suite, l'opposition déterminée des Verts au projet de VAL de la municipalité obéra toute possibilité d'alliance pour les élections de 1995 avec les Rouges-et-Verts, qui approuvaient ce chantier et espéraient pouvoir intégrer la majorité 53 . En mars 1994, les Rouges-et-Verts présentèrent deux candidats aux élections cantonales, Gérard Hamon et Jean- Yves Desdoigts, concurrençant les candidats présentés par les Verts. À l'approche des élections de 1995 54 , Edmond Hervé tint à s'attirer le soutien d'écologistes, faute de pouvoir arriver à un accord avec les Verts. En octobre 1994, les négociations commencèrent. Le PS autorisa les Rouges-et-Verts à rédiger la partie du programme portant sur la démocratie locale et la citoyenneté (axe majeur de la campagne, le slogan en étant « Rennes solidaire et citoyenne »). Pendant la campagne, la présence des Rouges-et-Verts sur la liste d'Edmond Hervé constitua un atout contre l'alternative proposée par les Verts. Plusieurs déclarations dans la presse des candidats, Jacques Rolland, François Prévost et Gérard Hamon, eurent comme objectif de décrédibiliser la liste Verte. Le 19 mai : « la position d'Yves Cochet procède d'un systématisme réducteur qui a donné lieu à quelques dérapages. Nous ne sommes pas sûrs que l'écologie ait grand-chose à gagner en l'affaire, avec une telle tonalité ». Le 3 juin : « nous ne comprenons plus l'attitude d'Yves Cochet. Il systématise une opposition centrée sur le maire, sans grand rapport avec l'écologie ». Enfin, le 7 juin : « les préoccupations écologistes sont portées par le programme de la liste Rennes Solidaire et Citoyenne [intitulé de la liste socialiste] »55.

II. Génération écologie : naissance et éclatement de l'écologie politique réformiste

À la fin des années 1980, parallèlement aux tentatives de recomposition de la gauche alternative, le Premier ministre Michel Rocard inaugura la politique d'ouverture. Provenant de la deuxième gauche (PSU), celui-ci fut nommé par François Mitterrand au lendemain de sa réélection à la présidence de la République en 1988, afin de tendre la main au centre, main

53 Ailleurs, à Saint-Brieuc par exemple, un accord fut conclu entre Verts et Rouges-et-Verts pour les municipales de 1995, sous la houlette du Vert Marc Boivin. Ouest-France, 16-5-95. 54 Le scrutin municipal allait finalement se dérouler en juin 1995, notamment pour permettre à Jacques Chirac de ne pas avoir à mener de front les campagnes présidentielle et municipale de Paris. 55 Dans Ouest-France, respectivement: « Carnet de campagne », 19-5-95, p. 19 ; Alain Girard, « Des écologistes sur la liste Rennes, solidaire et citoyenne », 3-6-95, p. 21 ; « Carnet de campagne », 7-6-95, p. 27.

45 tendue qui, bien que déjà théorisée lors de la campagne électorale (« ni nationalisations, ni privatisations »), devint nécessaire après la dissolution de l’Assemblée nationale et la victoire étriquée du PS56. Dans ce cadre, plusieurs membres du gouvernement étaient issus du centre-droit ou de la société civile. Brice Lalonde, qui avait soutenu François Mitterrand dès le premier tour, fut nommé secrétaire d'État à l'Environnement. Cette nomination avait le double avantage de représenter une ouverture au centre (Brice Lalonde avait fait cause commune avec les radicaux aux élections européennes de 1984) et à la société civile, puisqu'il était partisan du recentrage associatif de l'écologie, qu'il symbolisait avec les Amis de la Terre.

A. Génération écologie : de la manœuvre politicienne au parti politique

À partir de 1989, la montée en puissance d'une supposée sensibilité écologiste fut perçue comme politiquement déterminante par le gouvernement Rocard. Elle constituait une menace, liée au flagrant essor électoral des Verts, qui s'effectuait essentiellement aux dépens du PS, mais il s'agissait également de l'occasion d'élargir davantage l'ouverture rocardienne afin de prendre de vitesse l'opposition. En novembre 1990, à l’instigation de François Mitterrand et grâce aux fonds mis à disposition par les services du Premier ministre57, le secrétaire d'État à l'Environnement Brice Lalonde fonda Génération écologie (GE). Cette nouvelle formation devait élargir la palette de familles politiques représentées au sein de la majorité. Elle aboutit également à la structuration d'une nouvelle branche de la famille politique écologiste, assez différente des Verts.

1- « Rassembler les réformateurs de chaque camp »58 : de l’art du recyclage en politique

La démarche initiale de Brice Lalonde était originale : GE devait être une formation politique d'un nouveau genre. Elle n'était pas un parti et autorisait la double appartenance de

56 Le PS (et apparentés) avait remporté aux élections législatives de 1988 275 sièges sur un total de 575; en l'absence d'accord avec le PCF (25 sièges), il était nécessaire pour le gouvernement de pouvoir compter sur le soutien épisodique de quelques élus centristes. 57 D'après Dominique Boullier, ancien membre de GE et un temps proche de Brice Lalonde (entretien). 58 Expression fétiche de Brice Lalonde. Voir en particulier « Génération écologie : la recomposition », Ouest- France, 24-3-93, p. 13.

46 ses membres. Ainsi Alain Carignon59, du RPR, ou encore Marie-Noëlle Lienemann, de l'aile gauche du PS, participèrent aux activités de l'organisation. Cette grande diversité politique (du centre-droit aux socialistes) était rendue possible par l'ambiguïté maintenue au départ sur l’éventuelle vocation politique et électorale de GE. Parmi les membres de ce mouvement, se trouvaient Jean-Louis Borloo, élu député européen en 1989 sur la liste CDS de Simone Veil, ou encore Lionel Stoléru, ancien conseiller de Valéry Giscard d'Estaing, et élu député en 1988 sous l'étiquette de la Majorité présidentielle. Des chercheurs proches de l'écologie participèrent également aux premiers pas de GE. Ainsi de Haroun Tazieff, vulcanologue, ancien secrétaire d'État aux risques majeurs du gouvernement Fabius, et de Félix Guattari.

2- Un nouveau personnel politique pour une autre écologie

Le mode d'organisation de Génération écologie témoignait d'une culture politique particulière, centrée sur les compétences des individus s'engageant dans le mouvement. Le succès rapide de GE en termes de ralliements montra que cette initiative dépassait de loin la manœuvre politicienne : elle constituait une nouvelle variante de la famille des écologistes, que les Verts ne représentaient pas à eux seuls. Afin de comprendre les aspects les plus significatifs de ce nouvel écologisme, il faut décrire ici les modalités et les motivations qui présidèrent à la structuration de l'organisation à l'échelon local, et en particulier à Rennes. Outre les membres fondateurs de GE au niveau national, cités plus haut, la présence effective de ce mouvement sur le terrain fut essentiellement assurée par Brice Lalonde, par l'intermédiaire de ses proches, en particulier des membres des Amis de la Terre et plus généralement, de l'écologie associative. En Ille-et-Vilaine, GE fut d'abord représentée par le « contact »60 initial du ministre, Bruno Lagadec. Celui-ci était chargé de créer des groupes en contactant des personnalités locales investies dans les thématiques écologistes, dans des associations ou dans leur activité professionnelle. Il contacta ainsi Dominique Boullier, chercheur en sciences sociales qui avait effectué des travaux d'expertise environnementale, et Philippe Violanti, engagé dans l'action culturelle. À Rennes, GE fut également rejoint par Pascale Loget, fondatrice de l'association Rennes-jardins et membre de Eaux et rivières. Par la suite, Dominique Boullier convainquit Paul Renaud, directeur départemental de la Société

59 Alain Carignon avait été ministre délégué à l'Environnement dans le gouvernement de Jacques Chirac, entre 1986 et 1988. 60 Terme utilisé par Dominique Boullier (entretien).

47 protectrice des animaux (SPA) de s'engager à son tour. Il apportait avec lui une expertise mais aussi des contacts de valeur dans les réseaux de protection de la nature et de vétérinaires. La plupart des membres de GE n'avaient jamais été engagés politiquement auparavant, si ce n'est dans les luttes écologistes des années 1970. Peu intéressés par la politique partisane, rebutés par les « codes »61 et l'esprit de parti des Verts, et plus généralement dégoûtés par la politique politicienne (à droite, à gauche et chez les Verts), ils étaient séduits par le franc- parler et l'indépendance d'esprit de Brice Lalonde. Il s'agissait donc de faire de la politique autrement, hors du système, au sein d'une formation aux structures plutôt informelles, laissant de la place aux initiatives individuelles. Pourtant, une autre motivation située au cœur de l'engagement de ces écologistes était la volonté de « mettre les mains dans le cambouis »62, « agir et pas gémir », comme le répétait le ministre Brice Lalonde. En d'autres termes, il fallait dépasser la posture protestataire adoptée selon eux par les Verts. Enfin, une autre motivation jouait un rôle certain chez beaucoup de membres de Génération écologie (mais pas chez tous, comme on le verra par la suite) : le sentiment que cette formation représentait la sortie de l'écologie du ni-droite ni-gauche. Dominique Boullier avait ainsi refusé d'entrer chez les Verts auxquels il reprochait leur fondamentalisme et le refus de s'identifier comme une composante de la gauche.

3- Des thématiques et pratiques politiques originales

L'origine et les motivations de l'engagement des membres de GE transparaissaient dans les formes de leur pratique politique. À cet égard, le contraste avec les Verts était significatif, et souvent revendiqué par ces nouveaux militants. Marqués par la pratique de l'écologie associative, ils considéraient souvent l'expertise scientifique comme un élément fondamental de l'écologie politique. Loin d'être un instrument technocratique, elle était selon eux un moyen d'enrichir la démocratie par la mise en débat de la science. Dominique Boullier, anthropologue, est ainsi un adepte de la pensée de Bruno Latour63, qui définit l'écologie comme l'exigence d'une mise en débat généralisée d'éléments auparavant réservés soit aux scientifiques, soit aux politiques. De la même manière, l'écologie devait, selon eux, se baser sur des mobilisations locales, parfois même corporatistes. Par exemple, tout au long des années 1990, Dominique Boullier participa activement au combat des riverains de la future Route des Estuaires, qui devait

61 Entretien avec Pascale Loget. 62 Entretien avec Pascale Loget. 63 Bruno Latour offre un aperçu théorique de sa conception de l'écologie politique dans Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, 1999.

48 traverser la forêt de Rennes, à l'est de la ville. De même, en tant que riverain, il fut une des chevilles ouvrières du mouvement associatif s'opposant au dessin de la nouvelle ligne ferroviaire prévue à travers le Bois de Sœuvres, sur les communes de Rennes, Chantepie et Cesson-Sévigné. Dans ces deux cas, il accepta de travailler avec des personnes qui avaient un positionnement politique totalement différent du sien, et souvent très lointain de l'écologie64. Cette ouverture constante à la société civile était plus qu'une approche individuelle, elle faisait également partie des pratiques propres à Génération écologie. Contrairement aux Verts dont les activités politiques internes étaient organisées autour des Assemblées générales et des réunions d'adhérents, Génération écologie privilégiait des événements revendiquant convivialité et ouverture sur l'extérieur. Dans le pays de Rennes, il s'agissait en particulier de dîners-débats auxquels étaient conviés tous les adhérents locaux, et un invité souvent étranger à l'organisation. Les intervenants extérieurs pouvaient être soit des personnalités proches de GE (Jacques Caillosse fut ainsi convié afin d'étudier le dossier du TCSP rennais), ou bien au contraire, en désaccord complet : le but de l'opération était alors d'opérer une maïeutique dialectique au sein du groupe. Ainsi le propriétaire d'une grande exploitation agricole intensive fut invité à une soirée de débat afin que ses positions et son argumentation puissent être disséquées par les écologistes présents65. L'existence de deux cultures au sein des écologistes était soulignée par la plupart des observateurs. Ouest-France, dressant un bilan des élections régionales de mars 1992, distinguait même les Verts de Génération écologie au sein des six « familles politiques » identifiées en France (Front National [FN], UPF, PS, PC étant les quatre autres)66.

B. Les élections de 1992 : l'écologie coupée en deux

Cette nouvelle écologie politique rencontra un succès militant impressionnant, qui dépassa très vite les intentions premières de ses inspirateurs, en particulier le Premier ministre (jusqu’en 1991) Michel Rocard. Brice Lalonde revendiqua en effet rapidement son indépendance, tandis que Génération écologie s'apparentait de plus en plus à un parti politique à part entière. La double appartenance ne permettait dès lors plus la participation de personnalités politiques extérieures comme Marie-Noëlle Lienemann ou Jean-Louis Borloo.

64 Dominique Boullier décrit et analyse plus précisément ces mobilisations dans son ouvrage au titre significatif Derrière chez moi... l'intérêt général. Le bois de Sœuvres à Rennes, Textuel, 2001. 65 Entretien avec Dominique Boullier. 66 « La France des six familles politiques », Ouest-France, 24-3-92, p. 3. Selon les journalistes de ce journal, la différence entre GE et Verts était donc plus importante que celle séparant libéraux (UDF) et gaullistes (RPR) !

49 Les élections régionales de 1992, les premières depuis la percée spectaculaire des Verts en 1989, constituaient une échéance importante. Brice Lalonde tint à ce que GE présente des listes dans la plupart des départements, afin de marquer son indépendance vis-à-vis de la majorité à laquelle il appartenait toujours : il avait même été nommé ministre de l'Environnement (non plus secrétaire d'État ou ministre délégué) dans le gouvernement d'Édith Cresson, en mai 1991. En Ille-et-Vilaine, les deux chevilles ouvrières du mouvement, Dominique Boullier et Philippe Violanti, renoncèrent à se présenter en position éligible (pour des raisons notamment professionnelles). Ils sollicitèrent donc Paul Renaud, membre de la SPA, et Hervelyne Guilloux, pour mener la liste GE dans le département.

1- Les élections régionales : les Verts rattrapés par GE

Les élections régionales du 22 mars 1992 causèrent un double choc pour les écologistes. D'abord, le total des voix des Verts et de Génération écologie atteignit 14%, soit un nouveau progrès par rapport à la percée de 1989. Compte tenu du mode de scrutin proportionnel, cela signifiait que dans nombre de conseils régionaux, la bienveillance voire la participation des écologistes aux exécutifs seraient nécessaires. Cela se traduisit de manière spectaculaire par l'élection, le 30 mars, de la Verte Marie-Christine Blandin à la présidence du Conseil régional de Nord-Pas-de-Calais, avec le soutien du PS et du PCF, et ce malgré un score Vert n’ayant pas dépassé les 8% des voix67. Ce succès des écologistes était corrélé à un recul inédit du PS, qui tombait en dessous de 20% des suffrages exprimés, tandis que le PCF restait stable, à 8%. L'UPF (composée essentiellement du RPR et de l'UDF) n'en avait pas profité, avec seulement 34%, tandis que le FN confirmait son ancrage tout en accentuant l'impression d'éclatement du bipartisme : le parti de Jean-Marie Le Pen avait recueilli 13,5% des suffrages, à peine moins que les écologistes68. Le deuxième choc concernait le rapport de forces entre Verts et Génération écologie : à la surprise générale, Génération écologie faisait jeu égal avec les Verts, ce qui se traduisait par un recul de ceux-ci par rapport à 1989 (de plus de 10 à moins de 7%). Génération écologie avait attiré à la fois des électeurs du PS et des Verts. Chez les Verts, l'amertume dominait, et les nouveaux élus aux Conseils régionaux hésitaient entre l'hostilité envers une formation

67 Voir, dans Ouest-France, 1-4-1992: « Une Présidente « Vert » pour la région Nord », p. 1; « Grâce à une coalition haute en couleurs, le Nord-Pas-de-Calais tourne au Vert », p. 3; et Jean-Luc Pelliza « Le Président s'appelle Marie-Christine », p. 3. 68 « Une forte participation, un paysage politique éclaté », Ouest-France, 23-03-92, p. 2.

50 considérée comme opérant un « torpillage téléguidé par l'Élysée », et la nécessaire coopération pour faire entendre les options écologistes auprès des exécutifs 69 . Antoine Waechter déclara qu'il était « urgent d'attendre face au phénomène » et même, montrant ainsi la prétention des Verts à rester les seuls représentants légitimes de l'écologie politique, que « il n'y [avait] pas de structure démocratique en face, mais [que] les membres de GE [pouvaient] venir chez les Verts »70. En Bretagne, les écologistes faisaient mieux qu'à l'échelle nationale, avec 15% des voix, contribuant à la chute du PS (de douze points par rapport à 1986) et à l'érosion des droites (moins sept points), qui obtinrent malgré tout la majorité relative. Dans chacun des quatre départements de la Bretagne administrative, Génération écologie devançait les Verts de plus d'un point. Cependant, les deux formations avaient le même nombre d'élus, six chacun, dont deux dans le Finistère ainsi qu'en Ille-et-Vilaine, et un dans les Côtes-d'Armor ainsi que dans le Morbihan (départements moins peuplés que les deux premiers). En Ille-et-Vilaine, Paul Renaud et Hervelyne Guilloux (GE, 10%) étaient élus, ainsi que Jean-Louis Merrien et Hélène Jollivet (Verts, premier et seconde de la liste « Bretagne- Écologie-Solidarité » soutenue par les Rouges-et-Verts, 8%)71.

2- Enracinement local des Verts et ambitions nationales de GE

Le 22 mars 1992 se déroula également le premier tour des élections cantonales dans les cantons devant être renouvelés72. Ces élections furent l'occasion de nuancer la percée de GE, à peu près absent, tandis que les Verts recueillaient plus de 8% au niveau national. Ces résultats correspondaient à la réalité de l'ancrage local des Verts, dont les personnalités étaient régulièrement présentes dans les joutes électorales depuis une dizaine d'années, et au caractère principalement national de Génération écologie, dont le nom était immanquablement associé au médiatique ministre de l'Environnement. De plus, Génération écologie ne disposait pas toujours du personnel militant nécessaire pour présenter des candidatures et mener campagne à l'échelle d'un canton.

a- GE en préparation pour les élections législatives de 1993

69 Jean-Luc Pelliza « Brice qui rit, Antoine qui grimace », Ouest-France, 24-03-92, p. 2. 70 « Autour de l'urne », Ouest-France, 25-3-92, p. 3. 71 « Bretagne : plus de majorité absolue », Ouest-France, 23-3-92, p.3. 72 Les cantons en question avaient été renouvelés sept ans auparavant, en 1985; l'échéance était donc normalement 1991, mais le gouvernement décida de coupler élections cantonales et régionales, afin de ne pas courir le risque d'une désaffection des électeurs pour les secondes.

51 Les résultats de 1992 constituèrent une validation de la stratégie de Brice Lalonde, qui visait à prendre ses distances avec la majorité gouvernementale. L'élection des présidents des conseils régionaux fut l'occasion de montrer son ouverture vers la droite, GE affirmant ne pas se situer « dans une stratégie d'Union de la gauche » et acceptant de voter pour un candidat de l'UPF « quand il [était] raisonnable »73. Le 31 mars, alors que le gouvernement Cresson vivait ses dernières heures, Brice Lalonde laissa entendre qu'il n'était pas candidat à un poste de ministre dans le futur gouvernement74, tandis que Pierre Bérégovoy, nommé Premier ministre le 2 avril, tentait de convaincre les Verts de l'intégrer. Le 7 avril, l'ancien ministre précisa sa pensée, souhaitant une candidature unique des écologistes à la présidentielle de 1995, se voyant lui-même rassembler une mouvance « réformiste », entre droite et gauche75. La même dynamique prévalut dans l'optique des élections législatives, prévues en mars 1993. Malgré la défiance qui avait prévalu chez les Verts à l'égard de GE, Antoine Waechter se résolut à négocier un accord qui pourrait permettre aux écologistes d'obtenir des sièges à l'Assemblée nationale. En effet, Pierre Bérégovoy avait refusé d'instaurer le scrutin proportionnel.

b- Les cantonales de Rennes : les Verts en piste pour les municipales Les résultats des élections cantonales de mars 1992 étaient beaucoup plus favorables aux Verts qu'à GE, a fortiori à Rennes. Au niveau national, les Verts récoltaient 8% et le parti de Brice Lalonde, 2% ; à Rennes, GE n'avait pas présenté de candidats. Les écologistes dépassèrent les 20% des voix dans quatre des six cantons rennais renouvelés cette année-là. Ces excellents résultats, qui marquaient une progression très significative depuis 1989, tenaient à la fois à une tendance favorable à l'écologie au niveau national et régional (des écologistes furent également en mesure de se maintenir dans d'autres cantons du département), et à une particularité rennaise : la montée de la contestation contre le VAL, qui avait été le thème central de la campagne pour toutes les formations politiques. De ce point de vue, la position des Verts, favorable au tramway et à un référendum pour entériner le choix du TCSP, leur avait permis de concurrencer sérieusement le PS. Dans le canton du Blosne, Joël Morfoisse obtint 23% de suffrages, derrière Jean Normand (conseiller sortant, PS) et Jean-Claude Persigand ; Jean-Luc Certain atteignit le même score à

73 Jean-Yves Boulic « Brice Lalonde : un jeu personnel », Ouest-France, 27-3-92, p. 2. 74 « Je ne voudrais pas participer à un rafistolage », déclara-t-il. Georges Poirier « Le ministre veut retourner "à la base" », Ouest-France, 1-4-92, p. 3. 75 Ouest-France, 7-4-92, p. 2.

52 Rennes-Sud, arrivant troisième derrière le sortant Jean-Pierre Dagorn (UDF) et son challenger socialiste Jules Rubion. Avec 21% dans le canton de Rennes-Nord, Jean-Louis Merrien put également se maintenir au second tour, face au premier adjoint Martial Gabillard et au jeune candidat UDF Stéphane Jambois. Seul Yves Cochet (Rennes-Est) échoua, à soixante voix près, à franchir la barre des 10% des inscrits. Pourtant, son score de 15,7% ajouté aux 9% de l'écologiste indépendant Alain Guéguen, aurait permis de devancer la candidate socialiste Clotilde Tascon-Mennetrier, opposée au sortant Bernard Billard. Aucun accord n'ayant été envisagé pour le second tour, les écologistes se maintinrent dans les trois cantons où cela était possible. Partout, leurs scores restèrent stables voire progressèrent, phénomène qui semblait témoigner de la fidélité de l'électorat écologiste. Le bilan pour les Verts rennais était donc très positif. Le rapport de forces entre le PS et l'opposition municipale de droite s'était équilibré en faveur de cette dernière (Martial Gabillard et Jules Rubion étaient battus, Jean Normand ne devant sa réélection qu'à quelques voix), et les Verts faisaient figure de troisième force déterminante pour les élections de 1995. Le total des voix écologistes aux régionales avait même égalé le PS à Rennes (22%) ! Les électeurs qui avaient voté pour la liste GE pour les élections régionales, avaient pour l'essentiel choisi les candidats des Verts au premier comme au second tour des élections cantonales. Enfin, une enquête post-électorale, rendue publique par Ouest-France le 1er avril 76 , montra que deux tiers des rennais déclaraient souhaiter un référendum sur le TCSP, tandis que deux autres tiers affirmaient leur soutien à un TCSP. En d'autres termes, la position des Verts sur le dossier du VAL rencontrait l'assentiment potentiel d'un tiers des rennais.

C. L’Entente des écologistes : mariage de raison ou mariage forcé ?

L'approche des élections législatives représentait un défi de taille pour les écologistes. Le mode de scrutin les condamnait, soit à réaliser un score important, soit à conclure des alliances, afin d'obtenir des élus. Dans le cas contraire, être exclu des instances de représentation nationale pendant cinq années supplémentaires risquait de mettre un coup d'arrêt à la progression de l'écologie politique. Le PS, extrêmement affaibli (18% des voix seulement aux élections régionales), donna lieu aux offres d'alliance les plus sérieuses. Déjà, il avait fait preuve de sa bonne volonté en

76 Patrick La Prairie « Jean Pierre Dagorn enfonce le clou », Ouest-France, 1-4-92, p. 23.

53 retirant certains de ces candidats au second tour des cantonales de 199277. Les propositions de rapprochement provenaient essentiellement de l'aile gauche du parti (la Gauche socialiste de Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann, en particulier), qui évoquait la possibilité d'une alliance rouge-rose-verte entre écologistes, socialistes et communistes. Les rocardiens quant à eux privilégiaient la prolongation de la stratégie d'ouverture au centre initiée par leur leader, au sein de laquelle une écologie réformiste pourrait trouver toute sa place78. Cependant, malgré les nombreuses et médiatiques consultations effectuées par Antoine Waechter auprès du PS, du PCF et du CDS, notamment, la priorité fut réservée au rapprochement avec GE. Brice Lalonde imposa son refus de s'engager dans une coalition précipitée avec un Parti socialiste en perte de vitesse.

1- L’Entente Verts-GE de 1993 : l’échec de l’ambition législative des écologistes

La convergence entre Génération écologie et les Verts se traduisit en Bretagne par la tenue des Etats généraux de l'écologie en Bretagne au début de l'automne. Une consultation interne des Verts de la région montrait que 57% d'entre eux étaient favorables à un accord pour les législatives. « L'Entente des écologistes » fut finalement constituée en novembre 1992 : les deux partis devaient se partager les circonscriptions à parts égales, espérant ainsi obtenir jusqu'à cinquante députés (soit à peine moins que le PS) avec un score approchant les 20% des suffrages79. L'indépendance absolue vis-à-vis des autres forces politiques était affirmée, le désistement n'étant envisagé qu'en cas de risque d'élection d'un candidat du FN. Pourtant, certains Verts comme Yves Cochet et Dominique Voynet, et même Antoine Waechter, n'excluaient pas une possible coopération avec le PS, afin de ne pas accentuer artificiellement la victoire des droites par de nombreuses triangulaires. La répartition des circonscriptions fut effective dès le début du mois de janvier 1993, et accueillie par la presse comme la preuve que l'écologie politique était arrivée à l'âge de raison. Deux semaines plus tard, les sondages annoncèrent que l'Entente faisait jeu égal avec le PS, à 19%, et pouvait espérer former un groupe parlementaire (c’est-à-dire obtenir vingt députés). Les négociations avaient accordé quatre des sept circonscriptions d'Ille-et-Vilaine aux Verts, mais celle de Rennes-Sud, jugée la plus gagnable, était réservée à GE80. Dominique

77 « Le PS vote écologiste », Ouest-France, 26-3-92, p. 2. 78 Jacky Beaufils « Congrès du PS: reconstruire, mais avec qui ? », Ouest-France, 10-7-92, p. 3. 79 Roland Godefroy « Écologistes: candidat unique partout », Ouest-France, 3-11-92, p. 3. 80 Michel Audren « Sept candidats écologistes », Ouest-France, 8-1-93, p. 9.

54 Boullier, leader départemental de GE, y défiait le sortant socialiste Jean-Michel Boucheron, et son challenger UDF Jean-Pierre Dagorn. Yves Cochet allait affronter quant à lui son adversaire favori, Edmond Hervé, député sortant de la circonscription de Rennes-Nord (qui incluait également une partie du nord du département). Jean Tchoubar (GE) et Gaël Lagadec (Verts) étaient respectivement candidats dans les deux autres circonscriptions rennaises : Rennes-ouest-Montfort et de Rennes-est-Vitré, toutes deux acquises aux sortants CDS Yves Fréville et Pierre Méhaignerie. La façade unitaire de la campagne cachait une division toujours présente. La répartition des circonscriptions avait donné lieu à des batailles parfois acharnées. C'était le cas pour les circonscriptions jugées les plus favorables, mais aussi plus généralement entre les deux formations. Par exemple, les membres de Génération écologie devaient faire parvenir à leur direction des argumentaires afin de défendre leurs propres candidatures face aux propositions des Verts. À Rennes, Dominique Boullier rédigea ainsi un texte pour s'opposer à la candidature de la Verte Nicole Kiil-Nielsen à Rennes-Monfort, texte qui fut accidentellement communiqué aux Verts, causant ainsi certaines frictions81. La campagne elle-même faisait l'objet d'une coopération minimale entre Verts et GE, y compris au niveau local, hormis quelques évènements communs, par exemple la réunion publique de Chartres de Bretagne avec Yves Cochet et Philippe Violanti, le 27 février. Ainsi, le forum national sur le partage du travail, organisé par les Verts à Rennes le 3 mars, accueillait les Verts Marie-Christine Blandin et Alain Lipietz ainsi que des candidats de droite et de gauche, mais aucun membre de GE. De même, GE faisait arpenter le pays par son bus de campagne, se contentant d'inviter les Verts lors de son passage82. Pis encore, Brice Lalonde et Antoine Waechter firent faux bond83 à Yves Cochet pour l'après-midi de débat prévue à la Chapelle-aux-Fitzméens, au nord de Rennes, le 7 mars. Les résultats du premier tour, le 21 mars 1993, causèrent une immense déception 84 . L'Entente des écologistes (moins de 8%) était devancée par le PCF (9%) et le FN (12%), et seules deux de ses candidates pouvaient se maintenir dans toute la France. À Rennes, dans chaque circonscription, le candidat écologiste arrivait certes en troisième position, mais ne

81 Témoignage de Dominique Boullier (entretien). 82 « Ça roule pour les écologistes », Ouest-France, 16-3-93, p. 10. 83 Officiellement, leur absence avait pour cause une « maladie ». Jacques Pasquet « Yves Cochet, écologiste en campagne », Ouest-France, 8-3-93, p. 10. Officieusement, les rivalités entre les trois personnalités y étaient pour quelque chose (entretien avec Lars Kiil-Nielsen). 84 Georges Poirier « Entente des écologistes : l'espoir fané », Ouest-France, 23-3-93, p. 6.

55 dépassait jamais 13,5%85. Au second tour, Dominique Voynet échoua à se faire élire à Dôle malgré le désistement du candidat socialiste en sa faveur. D'abord perçu comme une défaite, ce résultat fut néanmoins rapidement considéré comme le retour à un étiage raisonnable pour les écologistes. En effet, les résultats exceptionnels de 1992 pouvaient être attribués à un rôle multiplicateur de la concurrence entre GE et Verts, facteur absent en 1993. De plus, les élections législatives favorisaient le vote utile et nuisaient aux formations minoritaires, lesquelles pouvaient se faire entendre avec plus d'efficacité lors des élections locales et intermédiaires. Enfin, de nombreuses candidatures écologistes concurrentes avait érodé le potentiel de l'Entente (voir plus bas). De ce point de vue, les 8% de l'Entente constituaient un sommet historique pour les écologistes à des élections nationales. Pourtant, l'alliance essentiellement instrumentale des deux formations avait manqué son objectif, qui était d'obtenir des députés. La raison du mariage ayant disparu, les divergences préexistantes au sein du couple resurgirent, voire se démultiplièrent.

2- Ruptures multiples en 1994 : vers une recomposition du paysage de l'écologie politique

Lors du CNIR du 4 avril 1993, nombre des Verts présents firent reposer la responsabilité de l'échec sur les revirements politiques de Brice Lalonde, qualifié de « girouette »86. Pourtant, les divisions qui traversaient chacun des deux partis allaient être mises à jour dans les mois suivants. Deux phénomènes parallèles étaient en train de se produire : la montée en puissance de la tendance Verts au pluriel face à Antoine Waechter, et d'autre part les désaccords croissants entre Brice Lalonde et ceux qui, au sein de GE, n'acceptaient pas sa dérive vers le centre-droit. Le leader des Verts, inspiré par l'exemple de Génération écologie, fut contrarié dans sa volonté de mettre fin à la collégialité dans les instances dirigeantes du parti87, tandis que Brice Lalonde redoublait d'hostilité contre l'aile gauche de son mouvement, qualifiant Harlem Désir, fondateur de SOS-Racisme ayant adhéré récemment à GE, de « cancer gauchiste »88. Par ailleurs, il multipliait les déclarations flatteuses à l'égard du gouvernement d'Édouard Balladur (RPR-UDF). En effet, il expliquait à ses amis qu'il fallait soutenir le candidat de droite, Jacques Chirac, à la présidentielle de 1995, car l'urgence était de contrecarrer le danger représenté par l'extrême droite. La plupart de ses proches

85 Yves Cochet obtint 13,4% des voix, Dominique Boullier 12,7%, Jean Tchoubar 11,3% et Gaël Lagadec 10,5%. 86 « Autocritique collective pour mieux rebondir », Ouest-France, 5-4-93, p. 3. 87 Georges Poirier « Le tournesol s'effeuille », Ouest-France, 30-8-93, p. 2. 88 Ouest-France, 27-9-93, p. 4.

56 considéraient ce raisonnement comme un prétexte pour intégrer le pôle majoritaire, et donc le gouvernement, après 199589. Conscient que la majorité des membres de Génération écologie étaient, contrairement à lui, favorable à un ancrage à gauche, Brice Lalonde procéda à une reprise en main de son organisation90. Président du bureau national, il parvint à faire exclure du parti plusieurs de ses membres. Les structures informelles de l'organisation, qui avaient auparavant permis une souplesse de fonctionnement séduisante pour les militants, devenaient un atout redoutable pour les visées personnelles de son président. Noël Mamère, figure principale de l'opposition à Brice Lalonde au sein de GE, provoqua le dénouement de la crise en déclarant notamment, le 13 février 1994, en visite à Liffré en compagnie de Dominique Boullier : « il faut un électrochoc [à Brice Lalonde]. J'ai posé les électrodes, et si l'encéphalogramme reste plat, nous aviserons »91. Noël Mamère choisit par la suite, en mai, de se laisser exclure du parti, plutôt que de tenter de mettre en minorité son fondateur92. Brice Lalonde abandonnant l'alliance avec les Verts93, il prépara en solitaire les élections européennes de 1994, rejoint toutefois par certains proches d'Antoine Waechter, comme Geneviève Andueza : en effet, un rapprochement entre les deux dirigeants, isolés, s'était dessiné depuis l'été 199394. Les Verts constituèrent leur propre liste, soutenue par l'AREV, tout en y accueillant des membres du courant Écologie Autrement de GE95. Noël Mamère, quant à lui, décida de rejoindre la liste Énergie radicale, dont la tête de liste était Bernard Tapie. Celle-ci avait été initiée par les radicaux de gauche et soutenue officieusement par le président Mitterrand, afin de concurrencer la liste socialiste menée par Michel Rocard. Les résultats des élections européennes du 12 juin confirmèrent les mauvais résultats des cantonales de mars, marquant un recul considérable pour les écologistes. La liste de Brice Lalonde ne recueillit que 2% des voix, malgré le charisme de son leader. Quant aux Verts, ils atteignirent seulement 2,9%96. Les deux seuls élus écologistes français le furent sur la liste de Bernard Tapie, dont le score (12%) affaiblissait davantage encore le PS (14%).

89 Entretien avec Dominique Boullier. 90 « Brice Lalonde obtient une courte majorité », L'Humanité, 11-4-94. 91 Ouest-France, 14-2-94, p. 3. 92 Erreur stratégique que lui reprochèrent ses amis, Dominique Boullier par exemple (entretien). 93 Les élections cantonales de mars 1994 à Rennes firent cependant l'objet d'un accord de non-agression, une répartition officieuse des cantons s'effectuant entre Verts et Génération écologie. 94 Ouest-France, « Waechter-Lalonde, les retrouvailles », 10-3-94, p. 4, et « L'initiative Waechter-Lalonde suscite l'ironie. Écologistes: les "papys" chahutés », 11-3-94, p. 3. 95 « Verts : un tiers d'ouverture » et « Transferts entre Verts et GE », Ouest-France, 4-5-94, p. 3. 96 Avec une tête de liste inconnue, Marie-Anne Isler-Béguin, et à l'issue d'une campagne boycottée par le courant d'Yves Cochet, mécontent de ne pas avoir été nommé à sa place.

57 D. L'éclatement de l'écologie centriste (1995)

Les écologistes de GE se scindèrent en deux, les uns suivant Brice Lalonde dans son repositionnement au centre-droit, les autres visant à intégrer un pôle de centre-gauche partenaire du PS.

1- La marginalisation de Brice Lalonde et de GE au centre-droit

L'abandon présidentiel de Jacques Delors conforta Brice Lalonde dans sa détermination à rallier un candidat de droite à la présidentielle. Il tint cependant à présenter sa propre candidature, ratifiée par les adhérents restants, réunis au Congrès de Laval de GE, le 11 décembre. La quête des cinq-cents parrainages d'élus nécessaires pour être candidat fut un échec : même les élus de Génération écologie refusaient pour la plupart de soutenir leur président. Brice Lalonde se résolut donc à soutenir Jacques Chirac, dès le premier tour. Dans les années suivantes, il allait engager un partenariat avec Démocratie libérale, le nouveau parti de droite libérale d'Alain Madelin, député-maire de Redon. Pourtant, il dut revoir ses ambitions à la baisse, et se fit élire maire de la station balnéaire de Saint-Briac-sur-mer, en Ille-et-Vilaine. Certains élus régionaux de Génération écologie, restèrent pourtant fidèles à leur parti et à son président. Ce fut le cas du rennais Paul Renaud, qui avait été désigné tête de liste dans son département en 1992, au nom de ses compétences professionnelles et de son engagement associatif à la SPA, et malgré son manque total d'expérience politique. Une fois élu, il s'était engagé dans une collaboration avec la majorité UPF, comme la plupart des membres de son groupe politique au conseil régional. Cette attitude avait été rapidement condamnée par les militants locaux de GE. À Rennes, GE s'était réduit à sa plus simple expression après le départ vers Convergence- écologie-solidarité (CES) de la plupart de ses membres, en novembre 1994. Paul Renaud héritait donc d'une étiquette quasiment dépourvue d'adhérents. Il se vit proposer une place sur la liste de droite unitaire menée par Yvon Jacob97, qu'il accepta, faute d'autre proposition.

2- Un nouveau centre-gauche écologiste : CES

Dès le lendemain de son exclusion de GE, en mai 1994, Noël Mamère créa une nouvelle formation, Convergence écologie-solidarité (CES). Elle fut peu à peu rejointe par les courants

97 « Carnet de campagne », Ouest-France, 2-6-95, p. 20.

58 dissidents de GE, en particulier après le Congrès national organisé par Brice Lalonde en décembre 1994, ainsi que par des dissidents des Verts, hostiles au rapprochement de ceux-ci avec la gauche alternative, comme Andrée Buchmann98. L'objectif affiché était de contribuer à la formation d'un « pôle réformiste de centre gauche », fédérant centristes, écologistes et radicaux de gauche, en partenariat avec le PS dans l'optique de l'élection présidentielle de l'année suivante99. La probable candidature, fédératrice au centre-gauche, du président de la Commission européenne, Jacques Delors, recevait leur soutien. L'abandon de celui-ci, suivi de la désignation de Lionel Jospin par les adhérents socialistes le 5 février, ne les fit pas changer d'avis : ils soutiendraient le PS, s'opposant à la stratégie de gauche alternative représentée par la candidature de Dominique Voynet. Ce choix stratégique se traduisit également à l'échelle locale. En novembre 1994, cinq des animateurs départementaux de Génération écologie (dont Dominique Boullier et Pascale Loget) démissionnèrent, du fait de « l'orientation politique de Brice Lalonde, complaisant avec la droite » et ses « modes de fonctionnement non démocratiques » 100 . Dominique Boullier appela ensuite le PS à ouvrir sa liste aux écologistes pour les élections municipales à Rennes. Favorables au VAL, les membres rennais de CES tentèrent de convaincre les Verts d'abandonner leur stratégie d'autonomie, en vain. Dominique Boullier et Pascale Loget se rapprochèrent des radicaux de gauche rennais ainsi que des écologistes du mouvement Alliance écologie-démocratie (AED) en fondant en décembre 1994, le club IDEES : Initiatives pour la démocratie, l'écologie, l'Europe et la solidarité. Ce groupe, qui comprenait également Honoré Puil (radical de gauche) et Jean-Jacques Kérourédan (AED, ancien radical), entendait peser dans les négociations avec Edmond Hervé 101 . La rédaction de propositions programmatiques à l'attention de la majorité sortante fut essentiellement le fait de Dominique Boullier et Pascale Loget, et le travail en commun avec les radicaux de gauche tourna court, comme cela avait été le cas à l'échelle nationale. Les négociations de chacun des petits partis avec le maire se déroulèrent de manière bilatérale. La liste d'Edmond Hervé, dévoilée en mai 1995, accordait la huitième place à Dominique Boullier, leader départemental de CES, la dix-neuvième à Honoré Puil, la quarante-quatrième à Pascale Loget, et la cinquante-cinquième à Olivier Trépart (CES), sur un total de cinquante- neuf.

98 « D'accord avec les écologistes favorables à Delors : Andrée Buchmann rejoint Noël Mamère », Ouest- France, 17-10-94, p. 3. 99 « Noël Mamère créée son propre parti », Ouest-France, 16-5-94, p. 3. 100 « Génération écologie : démissions à Rennes », Ouest-France, 19/20-11-94, p. 4. 101 François Danchaud « Les radicaux écologistes en piste pour la mairie », Ouest-France, 21-3-95, p. 18.

59 « Nous voulons faire la démonstration que les écologistes peuvent collaborer avec la municipalité de gauche. Le programme d'Edmond Hervé met la ville sur les bons rails pour le XXIe siècle. La priorité aux transports en commun est clairement réaffirmée. Le VAL, Au-delà de ses performances, présente toutes les qualités requises sur le plan de l'environnement. Les électeurs écologistes qui souhaitent une écologie responsable et courageuse y trouveront certainement leur compte »102.

Ces propos de Dominique Boullier, rapportés par Ouest-France, montraient la volonté de se distinguer des Verts des écologistes engagés aux côtés d’Edmond Hervé.

III. L’écologie victime de son succès : récupérations en tous genres (1992-1995)

Outre l'écologie réformiste et la mouvance Rouge-et-Verte, il faut mentionner la myriade de formations politiques et de professions de foi écologistes qui firent florès parallèlement à l'essor électoral des Verts et de Génération écologie. Trois tendances paraissent être les plus pertinentes à étudier, pour avoir eu le plus de conséquences sur les Verts, tant au niveau national qu'à Rennes. Il s'agit d'une part des groupuscules se réclamant de l'écologie qui apparurent en 1993 et participèrent à la dispersion des voix écologistes, d'autre part des avatars de l'écologie réformiste proches du PS, nés un peu plus tard, et enfin de la volonté des forces politiques traditionnelles d'apparaître elles- mêmes comme porteuses des exigences écologistes.

A. Groupuscules écologistes et financement public : la dispersion électorale de 1993

Les enquêtes d'opinion laissant présager un score historique pour les écologistes aux élections législatives de 1993 (avoisinant les 20%), une myriade d'organisations vit le jour dans les mois qui précédaient. L'objectif était souvent de profiter du financement public des partis politiques, basé sur le nombre de voix recueilli aux élections nationales. Ce but était explicite dans le cas des Nouveaux écologistes du rassemblement nature et animaux, créé par Bernard Manovelli 103 : le scrutin était l'occasion de financer des associations de protection des animaux. D'autres ne l'avouaient pas aussi franchement, comme

102 « Municipales : J-11 », Ouest-France, 31-5-95, p. 28. 103 Jacky Beaufils « L'argent de l'Etat les intéresse : la combine des Nouveaux écologistes », Ouest-France, 2-3- 93, p. 3.

60 le Parti de la loi naturelle (PLN), défenseur de la « méditation transcendantale »104. Certaines formations marginales allèrent jusqu'à modifier leur appellation afin de recueillir quelques suffrages égarés, comme le Rassemblement des démocrates et républicains de progrès, classé parmi les divers-droite, qui se présenta sous l'étiquette troublante de... « Génération verte »105. Loin d'être anecdotiques, ces candidatures eurent un effet certain sur les résultats du premier tour, le 21 mars 1993 106 . En Ille-et-Vilaine, dix-sept des soixante-neuf candidats présents sur les sept circonscriptions se réclamaient de l'écologie 107 , nombre d'entre eux résidant hors du département. Dans la circonscription de Rennes-Sud, les écologistes concurrençant Dominique Boullier (12,7%) rassemblèrent plus de 5%108. à Rennes-Nord, Yves Cochet (13,4%) dut également affronter trois autres écologistes réunissant 2,3% des suffrages 109 , sans compter la candidature à moitié fantaisiste du « gogologiste urbain » Jacques Ars (1,45%), héritier de la liste des Grignous de 1989. Au niveau national, les écologistes divers recueillirent un peu plus de 3% des voix, face aux 8% de l'Entente. Dans bien des circonscriptions, ces concurrents avaient empêché le maintien au second tour des candidats des Verts et de Génération écologie. La colère était de mise chez ceux-ci, accusant les « faussaires » d'avoir réussi leur « hold-up »110. Les élections cantonales de 1994 furent le théâtre d'une réédition de ce phénomène, bien que dans des proportions moindres, les écologistes n'ayant plus le vent en poupe depuis que leurs divisions avaient éclaté au grand jour. Le Parti de la loi naturelle présenta un candidat dans trois des cinq cantons rennais renouvelés : Rennes-Nord-Est, Rennes-Centre-Sud et Rennes-Sud-Ouest, recueillant entre 0,4 et 0,8% des suffrages. Plus significative était la présence de Alain Guéguen (AED), qui recueillit 2% dans le Nord-Est contre Yves Cochet (8,5%).

104 « Les sept candidats du Parti de la loi naturelle. Pour sortir de la crise : méditer », Ouest-France, 24-2-93, p. 8. 105 « Génération verte : colère des écologistes », Ouest-France, 16-3-93, p. 3. 106 Ouest-France, 22-3-93, p. 16. 107 Michel Audren « Législatives : la course à l'écologie dans le département », Ouest-France, 3-3-93, p. 9. 108 Alain Guéguen (AED) 2,8%; Colette Rouxel (Parti pour la défense des animaux) 1,9%; et Roger Brusq (Parti de la loi naturelle) 0,4%. 109 Bruno Lagadec 1,2%; Marie-Claire Maudieu (Parti pour la défense des animaux) 0,8%; Alain Louvet (Parti de la loi naturelle) 0,35%. 110 Roland Godefroy « Écologistes : une immense déception », Ouest-France, 22-3-93, p. 6.

61 B. Plus fort que GE : les cautions écologistes du PS (1992-1995)

GE n'ayant pas, loin de là, neutralisé les menaces que faisaient planer l'écologie politique sur le PS, des initiatives surgirent dès 1992 afin de ramener les voix écologistes au bercail socialiste.

1- Alain Guéguen, le « sous-marin rose » rennais ?

« Depuis 1983, il [suivait] Yves Cochet comme son ombre »111 : cet homme, c'était Alain Guéguen. Candidat de l'Alliance écologie-démocratie dans le canton de Rennes-Nord-Est en 1994 contre Yves Cochet, il avait également concurrencé Dominique Boullier à Rennes-sud en 1993, sous la même étiquette, obtenant alors 2,8% et privant sans doute le candidat de l'Entente de l'accès au second tour. En ces deux occasions, le pouvoir de nuisance d'Alain Guéguen à l'égard des écologistes l'avait transformé en ange-gardien de Jean-Michel Boucheron, sortant socialiste lors des deux scrutins. En effet, en 1993, une triangulaire aurait sans doute été fatale à ce dernier (il l'emporta au second tour par 53% contre 47% à Jean- Pierre Dagorn), tandis que la conservation de son siège de conseiller général était extrêmement délicate en 1994 : de fait, il fut battu de dix-huit voix par la candidate de l'opposition au VAL, Régine Brissot (étiquette « Majorité départementale »). Pourtant, Alain Guéguen n'avait pas attendu la naissance de l'AED pour sévir à Rennes. En 1992, il avait échoué à obtenir le soutien de Génération écologie, mais avait tenu à se présenter en tant qu'écologiste indépendant contre Yves Cochet, dans le canton de Rennes- Est. Son score impressionnant (9%) avait privé le candidat Vert de second tour, à soixante voix près. La division des voix écologistes avait permis à la candidate socialiste de ne pas être reléguée en troisième position. La réaction d'Yves Cochet en 1992 fut à la mesure de sa déception. Pour lui, c'était clair : Alain Guéguen était un « sous-marin rose », un envoyé de la mairie chargé de désamorcer la menace écologiste et de saboter l'essor du concurrent Vert d'Edmond Hervé pour la mairie de Rennes112. Yves Cochet était en effet en mesure de dépasser le PS dans le canton de Rennes- Est, voire de l'emporter face au sortant Bernard Billard (Majorité départementale).

2- AED : écologiser le PS, parasiter les Verts

111 François Danchaud « Primaires à droite et chez les écologistes. Maurepas : un canton très politique », Ouest-France, 15-3-94, p. 18. 112 Patrick La Prairie « Yves Cochet et le "sous-marin rose" », Ouest-France, 24-3-92, p. 9.

62 Certains membres de GE étaient hostiles à la croissante autonomie de leur parti vis-à-vis du PS. François Donzel, ancien membre du cabinet du ministre de l'Environnement, refusa ainsi de participer à l'Entente des écologistes et quitta la formation de Brice Lalonde en novembre 1992. Il put créer à temps, avec l'aide financière du gouvernement Bérégovoy, l'Alliance pour l'écologie et la démocratie (AED) afin de participer aux élections législatives de mars 1993113. Il présenta une cinquantaine de candidats, pour la plupart concurrençant les têtes d'affiche de l'Entente des écologistes dont il dénonçait l'opportunisme. Jean-Jacques Kérourédan, conseiller municipal du Mouvement des radicaux de gauche (MRG) de Rennes, devint le président de la section bretonne de l'AED, et fut candidat dans la circonscription de Douarnenez. Alain Guéguen fut désigné secrétaire régional, et candidat à Rennes-Sud. L'AED fut également rejointe par l'initiateur de Génération écologie en Ille-et-Vilaine, Bruno Lagadec, candidat à Rennes-Nord, circonscription d'Yves Cochet114. La réaction de ce dernier ne se fit pas attendre, là encore. Il accusa les candidats de l'AED, et en particulier son propre concurrent, de se prêter à « une instrumentalisation de l'écologie par les socialistes »115. Passé ce moment de colère, les deux leaders rennais de l'Entente (Y. Cochet et D. Boullier) délivrèrent un communiqué commun « souhait[ant] bien du plaisir à ce rassemblement de bric et de broc »116. Par la suite, l'intervention auprès de François Donzel des dirigeantes nationales Verts Andrée Buchmann et Dominique Voynet, afin d'éviter une concurrence délétère pour Yves Cochet, fut un échec. Bruno Lagadec refusa de se retirer, faisant reposer la responsabilité de la mésentente sur le candidat des Verts : « tes commentaires choquants à la presse ont, malheureusement, figé une situation qui pouvait se dénouer »117, lui écrivit-il. Finalement, les candidats de l'AED furent les principaux bénéficiaires de la dispersion des voix écologistes à Rennes le 21 mars 1993. Alain Guéguen recueillit 2,8% des suffrages à Rennes-Sud, et Bruno Lagadec 1,2% à Rennes-Nord. Tous deux furent également candidats aux élections cantonales de 1994, mais Bruno Lagadec avait de nouveau changé d'étiquette, passant cette fois chez les radicaux de gauche. Il obtint 3,4% des voix dans le canton de Bréquigny, Alain Guéguen recueillant 2,1% des voix à Rennes-Nord-Est (voir plus haut).

113 Renaud Lecadre « Pour François Donzel, l'argent n'a jamais eu d'odeur », Libération, 3-5-05. 114 Alain Girard « Des déçus de l'écologie forment une "alliance" », Ouest-France, 16-2-93, p. 9. 115 « Yves Cochet s'étouffe », Ouest-France, 17-2-93, p. 9. 116 Michel Audren « Législatives : la course à l'écologie dans le département », Ouest-France, 3-3-93, p. 9. 117 Jacques Pasquet « Onze candidats pour un titre convoité : Rennes-Nord : possible alternance », Ouest- France, 17-3-93, p. 11.

63 C. Gauches et droites face à l’écologie politique

Outre les manœuvres évoquées plus haut visant à diviser l'écologie politique pour mieux l'éloigner des seuils de représentativité, les forces politiques traditionnelles durent elles- mêmes se positionner face à l'émergence des préoccupations environnementales, et de la sensibilité écologiste au sens politique du terme. L'inquiétude était la plus aiguë chez le PS, lequel payait le plus lourd tribut aux progrès des Verts, puis de Génération écologie. Mais les droites se trouvaient dans un dilemme au moins aussi difficile, partagées entre ouverture et condamnation.

1- À droite, « l’écologie » contre « l’écologisme »

Les écologistes ne faisaient pas figure d'alliés naturels pour les forces de droite. L'éclatement électoral de 1992 ménageait leur position majoritaire dans le pays, et certains, comme Michel Poniatowski, préféraient même un rapprochement avec le Front National, qu'avec les écologistes 118 . Une position plus répandue était de considérer, comme Alain Madelin, « l'écologie utopique » comme le « recyclage d'un socialisme naïf, habit vert d'un nouveau dirigisme »119. L'ouvrage phare condamnant les écologistes fut l'essai de Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique. L'arbre, l'animal et l'homme, paru en 1992 aux éditions Grasset. Les critiques étaient principalement articulées autour de la version fondamentaliste de l'environnementalisme : l'écologie profonde, très marginale en France mais relativement influente dans certains pays anglo-saxons, et qui considérait l'humanité comme une menace pour le reste des espèces naturelles. Cette dénonciation de l'écologie politique comme une idéologie dangereuse visait principalement les Verts. Le naturalisme d'Antoine Waechter était assimilé alternativement à une posture réactionnaire, ou bien à un « nouvel avatar du gauchisme »120, et ce même parmi certains représentants de l'intelligentsia de centre-gauche, comme Alain Touraine. Au contraire, l'écologie réformiste de Brice Lalonde, moins péremptoire sur des sujets tels le nucléaire civil et militaire, ou encore le pacifisme, paraissait moins menaçante.

118 « La droite doit s'allier avec le FN plutôt qu'avec les Verts, car Waechter représente une idéologie plus dangereuse que celle de Le Pen », déclara-t-il alors que les tractations précédent la désignation des conseils régionaux, où la majorité absolue était rarement acquise, allaient bon train. « Ponia récidive », Ouest-France, 25- 3-92, p. 3. 119 « Alain Madelin contre l'écologie utopique », Ouest-France, 10-4-92, p. 5. 120 Alain Touraine, « L'avenir des écologistes », Ouest-France, 25-3-92, p. 1.

64 Pourtant, d'autres individualités décidèrent de tendre la main aux écologistes, moins sincèrement que dans un souci de donner une image de pluralisme. Ainsi de Charles Millon, proposant des sièges aux écologistes « réalistes ou non-inscrits » en 1993121. A Rennes, l'opposition municipale, devant l'hostilité évidente des Verts, revendiquait l'héritage de « l'écologie » tout en condamnant « l'écologisme » des quatre élus de Rennes- Verte. Suivent des extraits d'une prise de parole de Gérard Pourchet :

« Le reproche, M. Cochet, c'est de confondre écologie et écologisme, ce que vous faites à longueur de séance de conseil municipal. Je prétends que dans cet hôtel de ville il y a eu, au fil des ans, des gens qui ont pris, pour le bien-être de la cité, des décisions de caractère écologique. Heureusement on ne vous a pas attendus, vous et les gens que vous voulez représenter, pour mettre en place une telle démarche. Je prétends, que, quand on débat sur un SDAU, c'est déjà faire de l'écologie (...), c'est faire de l'écologie, et de l'écologie au quotidien, et pas de l'écologisme. (...) Je veux bien que l'on ne prenne pas certaines décisions d'aménagement qui sont pourtant indispensables pour le développement économique, puis que l'on propose à côté de ne plus faire de routes, de ne plus faire tel ou tel aménagement. Je n'ai pas peur de dire que ce qui est le plus important aujourd'hui dans notre région, c'est le développement économique, c'est l'emploi et c'est tout ce qui y concourt »122.

2- Edmond Hervé et le PS : l'écologie revendiquée

Les résultats des élections régionales de 1992 présentèrent au moins une raison d'espérer pour Edmond Hervé. L'audience de Génération écologie laissait présager, à terme, la possibilité de conclure une « alliance » selon une « notion de contrat et de responsabilité » avec des écologistes 123 . Pourtant, les Verts restaient pour l'instant les seuls interlocuteurs écologistes dans la ville. De ce point de vue, les socialistes rennais rechignaient à faire preuve d'ouverture envers ceux qui étaient leurs adversaires les plus acharnés au Conseil municipal. Le second tour des élections cantonales en 1992 ne donna lieu à aucune négociation en vue d'un possible désistement des candidats Verts (en position de se maintenir pour trois d'entre eux)124, et pour cause : le scrutin se jouait en partie sur le VAL, question très clivante. Cette fermeture n'empêchait pas, par ailleurs, l'affirmation d'une certaine proximité. Celle-ci prenait deux formes : la promotion de politiques relevant de l'écologie, ainsi que l'enrôlement symbolique des écologistes dans le camp progressiste. Ainsi Edmond Hervé appela « les électeurs de

121 « Millon pour l'ouverture », Ouest-France, 7-1-93, p. 3. 122 Délibérations du conseil municipal, 9-3-92. 123 Ouest-France, 25-3-92, p. 8. 124 Michel Audren « Ces écologistes même pas courtisés ! », Ouest-France, 26-3-92, p. 10.

65 l'écologie [à juger] ce que nous fais[i]ons dans ce domaine », définissant les partis écologistes comme « une force de progrès (...) incompatible avec le libéralisme »125. La mise en avant des politiques municipales était l'occasion de dénoncer l'opposition qu'elles trouvaient chez les Verts. Dans son éditorial du bulletin municipal Le Rennais, quelques semaines avant les élections de mars 1992, le maire tint à souligner le décalage existant selon lui entre l'attitude des conseillers municipaux de Rennes-Verte, et le bien-fondé écologique de ses politiques en termes de déchets, de transports, et de traitement des eaux :

« Pour être fidèle à cette juste aspiration [l'écologie], il importe de choisir, de décider, de la traduire dans les faits. Dans le cas contraire, l'écologie n'est que discours, l'enthousiasme qu'elle suscite sera vain et l'énergie mise à son oeuvre inutile. »126

Dans d'autres villes, l'attitude des socialistes était plus conciliante. Cela avait été flagrant pendant l'entre-deux-tours des élections municipales de 1989. Pierre Mauroy à Lille, mais aussi, avec moins de succès, Catherine Trautmann à Strasbourg, avaient proposé aux Verts des places parmi la future majorité. La présence au gouvernement, de l'écologiste indépendant Brice Lalonde, faisait également office de caution écologiste pour les socialistes, du moins avant la création et la croissante autonomie de GE. Outre les rocardiens, adeptes du « big- bang » à gauche, alliant centristes, sociaux-démocrates et écologistes, la Gauche socialiste de Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann ne désespérait pas de voir naître une « fédération éco-socialiste », une fois installé le gouvernement de droite127. Pourtant, exceptées ces personnalités relativement marginales, l'hostilité du PS envers les écologistes n'était jamais loin. Devant le refus des offres formulées par Laurent Fabius, premier secrétaire du PS128, et donc le danger que l’écologie politique représentait dans la perspective des élections législatives de 1993, les critiques se firent acerbes. Au lendemain de la publication, le 28 janvier 1993, d'un sondage CSA donnant les écologistes devant le PS (19% contre 17,5%), de nombreux responsables socialistes mais aussi du PCF129 prirent la

125 Interview de Edmond Hervé par Patrick La Prairie, « Un dialogue peut se nouer si... », Ouest-France, 25-3- 92, p. 24. 126 Edmond Hervé « L'écologie, il faut la traduire dans les faits », Le Rennais, mars 1992, p. 3. 127 « Écologistes: la main tendue de Rocard », Ouest-France, 5-2-93, p. 5. 128 Jusqu'en janvier 1993, trente circonscriptions était réservées à l'Entente, en cas d'accord de dernière minute, et au nom de « convergences de fond ». Roland Godefroy « PS cherche alliés désespérément », Ouest-France, 31-11-92, p. 3. 129 François Hollande, Georges Marchais, et surtout Ségolène Royal, secrétaire d'Etat à l'Environnement du gouvernement Bérégovoy.

66 parole pour dénoncer ces « opportunistes » qui prenaient des voix à gauche pour, peut-être, soutenir un gouvernement de droite130 après les élections.

Conclusion du chapitre II

Le rapide succès de l'écologie politique avait précipité sa chute, à plusieurs égards. D'abord, les forces politiques traditionnelles, surtout le PS, s'étaient empressées de saper les fondements de la menace qu'elle avait fait peser sur leur position dominante : GE et AED furent des exemples types de cette tentative. D'autre part, ces entreprises de division avaient eu des effets immédiats sur les Verts, lesquels n'avaient rassemblé l'électorat écologiste que par défaut : Génération écologie notamment, puis CES, incarnèrent un versant original de cette famille politique, réformiste, proche de la social-démocratie, qui ne se reconnaissait pas dans le parti Vert, trop pas assez fonctionnel et trop fondamentaliste pour eux. Enfin, l'éclatement au grand jour de la diversité de la famille politique écologiste conduisit à une division qu'accentuèrent les divergences stratégiques. En ordre dispersé, l'écologie politique allait souffrir lors des élections de 1995, en particulier à Rennes. En effet, cette prolifération de formations politique écologistes fut effective à Rennes autant qu'en France, même si Rennes-Verte pensa un temps pouvoir y échapper. Dans ce contexte, l'opposition des écologistes à la municipalité socialiste d'Edmond Hervé fut remise en question avec l'arrivée de Génération écologie puis Convergence écologie-solidarité sur le champ politique local. La division du camp écologiste, notamment sur le dossier clé du métro, allait être un facteur sur lequel le maire allait jouer pour sortir indemne des élections de 1995.

130 Jean-Luc Pelliza « PS: sus aux écologistes ! », Ouest-France, 1-2-93, p. 2.

67 Chapitre III - Les Verts, le PS et le métro rennais (1989-1995)

Malgré la concurrence croissante à l’œuvre entre les formations écologistes, Rennes-Verte parvint à garder l'hégémonie sur l'écologie à Rennes jusqu'en 1995, grâce en particulier à la mobilisation contre le VAL. Le dossier du TCSP n'était pas le seul point de divergence avec le maire socialiste de Rennes. Les positions des Verts sur la politique urbaine en faisaient à la fois des alliés potentiels du PS dans la municipalité, et des adversaires acharnés sur bien des sujets. Cependant, ce fut bien la question du VAL qui détermina les termes conflictuels des relations entre la majorité municipale et l'opposition verte entre 1989 et 1995.

I. « Nous sommes différents »131 : l’alternative verte

Les Verts rennais justifiaient leur indépendance vis-à-vis du PS en soulignant les désaccords fondamentaux qui les séparaient. Ceux-ci concernaient autant les politiques locales que les thématiques nationales et internationales.

A. Divergences politiques sur les thématiques nationales

La coordination (organe exécutif de Rennes-Verte) estimait en 1993 :

« Nous sommes proches des valeurs des socialistes. Mais nous n'oublions pas la Guerre du Golfe, leur politique nucléaire aussi dangereuse que celle de droite, leur dérive libérale, gestionnaire et productiviste (81-93) vers un système de plus en plus inégalitaire... ils n'ont pas compris le message de l'Écologie politique (...) »132.

La guerre, le productivisme, la question sociale : autant de divergences entre les Verts et le PS qui déterminaient l'antagonisme entre Rennes-Verte et l'équipe d'Edmond Hervé.

131 Interview d'Yves Cochet par Patrick La Prairie « Les Verts dans le nouveau paysage rennais », Ouest- France, 26-3-92, p. 19. 132 Annaïg Hache, Lars Kiil-Nielsen et Joël Morfoisse, pour la Coordination, Projet de rapport d'orientation, AG de Rennes-Verte du 4-12-94.

68 1- Guerre du Golfe et ex-Yougoslavie : les Verts avec les pacifistes

La collaboration du gouvernement Rocard à la stratégie d'hégémonie des États-Unis, la Guerre froide à peine terminée, fut un point de divergence fondamental entre PS et Verts. Tout comme le ministre de la défense démissionnaire, Jean-Pierre Chevènement, les Verts considéraient que l'intervention militaire en Irak était hors de question, la poursuite des négociations diplomatiques ayant pu éviter le conflit. Rennes-Verte fut un acteur de premier plan lors de la mobilisation des opposants à la guerre, assurant notamment le secrétariat du réseau rennais contre la guerre du Golfe. Au conseil municipal, les quatre conseillers s’opposèrent au survol de Rennes par des bombardiers états-uniens tout en émettant des vœux contre la répression contre les kurdes d’Irak133. De même, les combats en ex-Yougoslavie provoquèrent la mobilisation des Verts de Rennes au sein du Rassemblement pour la Paix dans les républiques de l'ex-Yougoslavie, dès la fin de l'année 1992. L'objectif était de convaincre le gouvernement de la nécessité d'une intervention déterminée pour mettre fin aux massacres. Une autre question relevant du champ international suscita, elle, des désaccords au sein des Verts : le traité de Maastricht, à l'été 1992 134 . Le courant waechtérien ainsi qu'Yves Cochet et ses proches, étaient, comme le gouvernement, favorables à sa ratification, malgré les réserves qu'ils exprimaient sur les orientations de politique économique que le texte induisait et l'insuffisance des avancées démocratiques qu'il représentait. En revanche, la majorité du courant « Verts au pluriel » de Dominique Voynet (Marie-Christine Blandin, Alain Lipietz, et Annaïg Hache à Rennes), considéraient que ces réserves étaient suffisamment substantielles pour s'opposer au texte. En définitive, le CNIR se divisa à parts égales entre les deux positions en août 1992, à la suite de quoi le parti Vert ne prit pas position, laissant ses membres s'exprimer à titre individuel.

2- Nucléaire, autoroutes : contre Edmond Hervé le « monomaniaque du modernisme »135

Entre le PS et les Verts, tant à l'échelle nationale qu'à Rennes, existait un clivage culturel majeur. Selon Annaïg Hache, il s'agissait du jugement porté sur la modernité : « pour le PS

133 Rennes-Verte Rapport Moral et d’activité, AG du 7 décembre 1991. 134 Le référendum avait été convoqué par le président de la République pour le mois de septembre 1992. Le « oui », soutenu du centre-droit au centre-gauche, l'emporta avec moins de 52% des suffrages. Le « non » avait réuni souverainistes, communistes et gauche alternative. 135 Yvon Lechevestrier « "Pour faire chauffer les oreilles des autres candidats" : Yves Cochet présente les 59 membres de la liste "Rennes Verte" », Ouest-France, 9-2-89. Revue de Presse de Rennes-Verte.

69 c’était forcément bien, moi je pensais qu’on pouvait inventer des conneries » 136 . Cette divergence prenait des allures de gouffre à Rennes. En effet, selon les écologistes, Edmond Hervé était « un homme du XIXe siècle, un scientiste, un positiviste. (...) Quand on lui présentait un dossier, plus c’était techno[cratique], mieux c’était ! »137. Ce clivage se cristallisait autour de deux questions : l'automobile et la technologie nucléaire. Cette dernière constituait un élément central de divergence entre le PS et les Verts, qui demandaient l'arrêt définitif du surgénérateur de Creys-Malville, ainsi que l'arrêt des essais nucléaires. Bien qu'il n'entrât pas directement dans le champ de compétences de la municipalité, le nucléaire civil jouait un rôle certain dans les relations entre les Verts et le maire. En effet, Edmond Hervé avait été ministre délégué à l'Industrie, chargé de l'énergie, dans le second gouvernement de Pierre Mauroy. Une rencontre houleuse avec Yves Cochet, tête de file de la Confédération écologiste, avait contribué au caractère particulièrement conflictuel de leurs relations. L'automobile était, elle, au centre des politiques d'urbanisme. Nationalement, une des revendications centrales des Verts (et notamment une des cinq conditions à leur éventuelle entrée dans le gouvernement Bérégovoy, en avril 1992 138 ) était un moratoire des programmes de construction autoroutière. Au niveau du département, les écologistes s'opposaient fermement au projet de Route des Estuaires devant relier Caen à Nantes, traversant la forêt de Rennes. Enfin, au conseil municipal de Rennes, les Verts luttaient contre la mise en place d'éventuelles nouvelles voies pénétrantes à travers la Prévalaye et les Prairies Saint-Martin, ainsi qu'à la détermination de la majorité pour la construction de nouveaux parkings en centre ville (notamment sous la place Hoche). Plus généralement, l'hostilité à la voiture était liée au soutien aux transports en commun, aux vélos ainsi qu'aux aménagements favorisant la marche à pied. Hostilité déterminée mais pas pour autant intégriste : Yves Cochet soulignait qu'il était lui-même usager d'une Renault 30 (roulant au Gaz de pétrole liquéfié [GPL], bien sûr)139.

3- Le fabuleux destin des 32 heures (1992)

La réduction du temps de travail était une proposition fondamentale des écologistes. Permettant de changer les modes de vie, de libérer du temps pour les activités non- marchandes, elle était au cœur de l'identité politique des écologistes.

136 Entretien avec Annaïg Hache. 137 Entretien avec Pascale Loget. 138 « Les exigences des Verts », Ouest-France, 1-4-92, p. 3. 139 « Vingt-sept questions à Yves Cochet », Ouest-France, 6-3-89.

70 Avec le retour d'une crise économique aiguë en 1992, et la nouvelle hausse du chômage qui s'ensuivit, la réduction du temps de travail devint également un moyen de création d'emplois. Passer des 39 heures aux 32 heures hebdomadaires aurait permis de mettre en place la semaine de quatre jours, de huit heures chacun. Néanmoins, les Verts considéraient qu'il serait peut-être nécessaire d'effectuer cette transition par étapes, en passant tout d'abord à 35 heures. Cette proposition était assortie du maintien différencié du niveau des salaires : pas de baisse pour les salaires inférieurs au revenu médian, et baisse proportionnelle à celle du temps de travail pour les salaires supérieurs. Le contexte de crise, et qui plus est de pré-campagne électorale en 1992 et au début de l'année 1993, mit la question de la réduction du temps de travail à l'agenda de la plupart des formations politiques, y compris à droite. Cependant, les Verts reprochaient aux partis de droite de vouloir baisser tous les salaires en proportion de la baisse du temps de travail, ce qui selon eux, aurait un effet néfaste sur la demande, sur l'activité et donc sur l'emploi. Inversement, les écologistes accusaient le PCF de demander le maintien de tous les salaires, mesure qui aurait été inflationniste. Quoi qu'il en soit, le succès de leur proposition auprès des autres formations politiques contribua à brouiller le message adressé par les écologistes. Le forum national sur le partage du travail organisé à Rennes le 3 mars 1993, organisé par les Verts, accueillit Pierre Méhaignerie et Alain Madelin aussi bien que des personnalités de gauche. La teneur socio- économique de la proposition des Verts (portée en particulier par l'économiste Alain Lipietz) était difficile à décrypter, les écologistes se situant dans le ni droite-ni gauche. En attendant de voir cette mesure appliquée par le gouvernement, Rennes-Verte proposait son application par la municipalité de Rennes. Celle-ci avait déjà adopté les 35 heures dans les années 1980, mais les Verts proposaient le passage aux 32 heures, ce qui, pour un coût jugé modique (56 millions de francs de frais annuels supplémentaires), aurait permis de créer 375 postes d'employés municipaux, pouvant notamment être affectés aux services de quartier140.

B. Urbanisme et transports en commun : la conciliation impossible ?

Les divergences les plus prégnantes entre Verts et PS à l’échelle de Rennes tenaient cependant à des problématiques spécifiques à l’espace urbain. Ces désaccords sur ce qui

140 « Emploi : la parole aux lecteurs et aux candidats », Ouest-France, 30-5-95, p. 17.

71 constituait l’essentiel des prérogatives du pouvoir municipal, eurent un impact déterminant sur la nature des rapports entre les deux formations politiques.

1- Deux conceptions opposées du développement urbain

Le virage opéré par la municipalité rennaise dans les années 1980, consistant à abandonner l’idée d’un développement modéré et décentralisé de l’agglomération, au bénéfice de la croissance urbaine et de l’accession de la cité au rang de métropole européenne, entraîna la disparition des perspectives de convergences avec les écologistes de Rennes-Verte. En effet, l’adjoint à l’urbanisme et président du district (jusqu’en 1989) Michel Phlipponneau, adepte de la décentralisation régionaliste, était également opposé à la polarisation de l’espace breton autour de Rennes. Cette vision intégrée et égalitaire de l’espace urbain et régional était assez proche des idées écologistes, et notamment des Amis de la Terre, alors acquis à l’autogestion. Du propre aveu de Jean Normand, adjoint à l’économie à partir de 1977, la politique d’urbanisme d’Edmond Hervé était, initialement, assez « verte »141. L’affaiblissement de Michel Phlipponneau (la perte de son poste de conseiller général en 1985, son exclusion du PS en 1986) et l’intérêt grandissant du maire de Rennes pour la présidence du district, ainsi que le choix du VAL, entérinèrent le revirement et l’option de la densification urbaine. Jean Normand reconnaît et revendique cette rentrée dans le rang de la politique municipale :

« Il fallait à cette ville, un grand projet [le VAL] au service de la région toute entière. On mesurait le chemin que nous avions parcouru depuis 1977. Je reconnais qu’il y avait une inflexion dans notre discours sur la ville. Lors de notre premier mandat nous avions revu très sensiblement le SDAU de 1972 dans le sens de la modération démographique, de l’étalement spatial, du renforcement de la ceinture verte. Cela se traduisait, dans le POS de la ville, par la diminution des coefficients d’occupation spatiale de l’ordre de 20%, tout cela au nom à la fois de l’environnement et de la solidarité avec la Bretagne. Confrontés à la vie municipale et régionale et à la concurrence entre les villes, nous avons [au contraire] pris conscience de la nécessité de développer de grands équipements, dignes d’une capitale régionale, que ce soit dans le domaine du transport, dans celui de la culture ou de la technologie »142.

Les Verts restèrent eux attachés à la conservation d’espaces verts, la limitation de la hauteur des bâtiments d’habitation, et la valorisation des quartiers dans l’espace urbain. Leurs positions sur le logement, notamment, témoignaient de leur refus d’une croissance

141 Entretien avec Jean Normand. 142 Jean Normand, op. cit., p. 117.

72 démographique trop grande pour Rennes. Une fois présents au conseil municipal, ils s’opposèrent à la construction de nouvelles cités étudiantes, plaidant au contraire pour une décentralisation des facultés sur le territoire breton. Contribuant au développement équilibré de la région, de telles mesures auraient également permis de limiter la tension sur le marché de l’immobilier, particulièrement forte à Rennes, et en partie imputable selon eux au surplus de demande étudiante. Dans ces circonstances, le projet de VAL était perçu par Rennes-Verte comme un élément devant aggraver le déséquilibre entre Rennes et la région, d’une part, et entre Rennes et le reste de l’agglomération, d’autre part, puisque le métro ne devait pas franchir les frontières de la ville.

2- Les Verts : le tramway contre le VAL

Dès 1983, la liste de Rennes-Verte défendait la nécessité d’un TCSP pour Rennes : ce devait être un tramway, permettant de remédier aux insuffisances du réseau de bus, tout en favorisant un remodelage de l’espace urbain. Le choix ultérieur du VAL par la municipalité rencontra pourtant une opposition farouche de leur part.

a- Le tramway pour changer la ville Le VAL était loin de remplir les fonctions que les Verts attendaient d’un TCSP. Seul le tramway correspondait au projet urbain des écologistes. Quels étaient les intérêts du tramway, et que répondaient les tenants du VAL ? Tout d’abord, le tramway occupant une grande surface au sol, et notamment des axes importants, ils correspondait tout à fait à la volonté des Verts de limiter la circulation automobile. Il s’agissait à la fois d’améliorer les conditions de vie en ville, et de diminuer d’urgence les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, connecté à un réseau amélioré de bus suburbains, voire de bus urbains en site propre, le tramway devait participer du remplacement de déplacements automobiles individuels par l’usage des transports en commun. Rennes- Verte faisait même valoir la possibilité d’installer un type de tramway pouvant emprunter les lignes ferroviaires, afin de permettre la connexion directe avec les communes lointaines du district143. Cette détermination à limiter la place dévolue à l’automobile à l’aide du tramway était considérée comme un acharnement idéologique par les membres de la majorité. Par

143 Suivant le modèle du tramway de Karlsruhe, en Allemagne, pays source d’innombrables inspirations pour les Verts français.

73 exemple, Jean Normand proposait avec humour d’installer des moissonneuses-batteuses sur tous les boulevards, dans le même objectif144.

« M. Cochet, vous êtes un fataliste, ce qui à mon avis, se rapproche du manque de courage politique. En effet, pourquoi voulez-vous que nous ne soyons pas capables de maîtriser la circulation sur de grands axes en faisant les boulevards urbains comme nous voulons le faire sur l’axe Est- Ouest ? (…) Pourquoi voulez-vous que l’on s’amuse à engouffrer systématiquement un énorme tramway pour le simple motif de bloquer la circulation automobile ? »145.

Mais les Verts mobilisaient un autre argument, central à leurs yeux. Il tenait à la convivialité et à l’accessibilité du tramway. Moyen de transport de surface, dont le plancher pouvait être presque au niveau du sol, il était particulièrement adapté aux personnes âgées ou handicapées, aux poussettes, et même aux cyclistes. L’insertion directe dans l’espace urbain, contrairement au métro souterrain, permettait de bénéficier du paysage, de la lumière du jour, et aussi d’un accès plus rapide à la voirie et aux correspondances (train, bus). D’autre part, le tramway devait mieux desservir la ville que le VAL, du fait d’une plus grande proximité entre les stations. La municipalité considérait cette opposition de principe à un mode de transport souterrain comme répondant à « des arguments qui relevaient (…) d’un certain dogmatisme »146. Enfin, indépendamment de ces arguments qualitatifs, les Verts insistaient sur la question du coût : « deux tramways pour le prix d’un VAL »147, clamaient-ils. Selon leurs chiffres, le budget du projet de ligne unique de VAL aurait suffi à réaliser un réseau en X de tramway, desservant quatre entrées de la ville et la plupart des quartiers les plus habités (Villejean, Maurepas, Champs Manceaux, Blosne). Les socialistes niaient le bien-fondé de cet argument budgétaire : en effet, la desserte du centre par un tramway supposait de réaliser un tunnel, ce qui aurait renchéri considérablement l’opération. Les Verts estimaient pour leur part que le tram pouvait être intégralement en surface, sans traverser le centre historique mais en le tangentant, en passant par les quais, et la rue Gambetta (voir plus bas la copie de leur tract de 1995 sur le sujet).

144 Entretien avec Jean Normand. 145 Délibérations du conseil municipal , 13-2-93. 146 Jean Normand op. cit., p. 36. 147 Rennes-Verte Deux trams pour le prix d’un VAL, document de campagne de trois-pages, 1989.

74

- Tract de Rennes-Verte, recto, élections municipales de 1995 -

- Tract de Rennes-Verte, verso, élections municipales de 1995 -

75 b- Une opposition acharnée au VAL Au fur et à mesure que la majorité municipale démontrait sa détermination à mener à bien le projet de VAL, les Verts se virent dans l’obligation de réorienter leur argumentaire, et leur combat (y compris juridique) vers une disqualification du projet de VAL. La renonciation à un réseau était un point clé selon les Verts. En effet, avant l’adoption de principe du VAL en 1989, la municipalité avait défendu un TCSP à deux branches148, l’une devant desservir le quartier populaire de Maurepas. Avec le VAL, l’abandon (financièrement indispensable) de cette deuxième branche condamnait la ville à se contenter d’une seule ligne de TCSP pendant des dizaines d’années, selon un dessin presque linéaire inadapté à la structure radioconcentrique de la ville. La ligne de métro ne s’articulait pas à un plan de développement urbain élaboré précédemment ; selon les Verts, c’était le choix technique du métro qui allait impliquer un mode spécifique, non anticipé, déséquilibré et donc néfaste, de croissance urbaine. Même les quartiers devant être desservis en priorité selon les Verts, étaient oubliés (campus de Beaulieu, Champs Manceaux, axe est-ouest en général). Le coût était, là aussi, mis en avant, et pas uniquement pour souligner l’avantage quantité- prix du tramway : pour les Verts, la lourdeur de l’investissement pour le VAL (et son renchérissement progressif) grèverait les capacités de financement de la commune et du district dans d’autres domaines, et ce durant plusieurs décennies. Enfin, les modalités de décision suscitaient la désapprobation de Rennes-Verte. Les habitants de Rennes comme du district n’avaient pas eu (avant 1995) l’occasion de se prononcer sur le projet VAL, le PS ne l’ayant pas intégré à son programme en 1989, et aucun référendum n’étant organisé149 par la suite.

3- Batailles médiatiques, électorales et juridiques

Ce désaccord sur le choix technique du mode de TCSP ne se limita pas à de simples échanges de vues ou même aux joutes oratoires animées des séances du conseil municipal. Le dossier VAL fut grandement ralenti et même mis en grave danger tout au long de son cheminement administratif, du fait de l’action de divers acteurs, au premier rang desquels les Verts.

a- La conquête de l’opinion publique par les opposants au VAL (1990- 1992)

148 Le dessin du réseau correspondait à la lettre grecque « Tau » ( τ ), revendiquée comme symbole de modernité. 149 Malgré une législation de plus en plus encourageante à ce sujet, notamment une loi de 1991.

76 La première bataille fut celle de l’opinion publique. Dès 1989 et avec acharnement jusqu’en 1992, Rennes-Verte et le Comité pour un référendum sur le VAL (alliés objectifs mais sans aucune coordination de leurs actions respectives) s’ingénièrent à convaincre la population de Rennes et du district de l’absence de bien-fondé du projet VAL, ainsi que de la nécessité de tenir un référendum sur le sujet. Contrairement au Comité, Rennes-Verte insistait sur l’alternative que constituait le tramway. Par exemple, les Verts envoyèrent une lettre ouverte aux habitants du district afin de pointer du doigt le choix selon eux autoritaire du maire de Rennes, et financièrement en défaveur du reste de l’agglomération150. Les fréquentes confrontations entre Yves Cochet et les membres de la majorité (Edmond Hervé, Jean Normand et Jean-Yves Chapuis, principalement) au conseil municipal sur le sujet du VAL, et plus généralement les débats dans les assemblées municipales et districales, n’eurent pas d’impact direct sur le cheminement du projet de métro. L’avant-projet sommaire (APS) et l’avant-projet détaillé (APD) furent tous deux adoptés sans encombre, respectivement en juillet 1991 et en octobre 1992. En revanche, la première bataille concrète eut lieu lors des élections cantonales de 1992. Les candidats du PS durent affronter l’opposition des Verts et du Comité, qui firent campagne sur le thème du VAL. Martial Gabillard, opposé à Rennes-Nord à Stéphane Jambois (UDF, Comité) et Jean-Louis Merrien (Verts), résuma l’enjeu du second tour ainsi : « le choix est simple (…) entre le souci des intérêts du quartier, ou les arguments anti-Rennes »151. Le recul très sensible du PS à l’issue du second tour, montrait la défiance que le dossier VAL rencontrait chez une grande partie de l’opinion publique. L’enquête d’utilité publique sur l’APS se déroula en mai et juin 1992. Une commission d'enquête devait étudier le dossier, et recueillir les avis formulés sur celui-ci par les citoyens, formations politiques, associations, syndicats, etc. Son rapport et son propre avis seraient transmis au Préfet, lequel devait en tirer les conclusions quant à la signature d'une déclaration d'utilité publique. Là encore, les opposants au VAL firent campagne pour inciter les habitants du district à se rendre dans les mairies afin de consulter le dossier, de consigner leurs remarques à l’attention des commissaires enquêteurs. Cette opération fut un succès : le chiffre record de 50 000 avis fut atteint152.

b- Embûches administratives : la viabilité politique du VAL en question

150 Lettre ouverte des Verts aux habitants du District de Rennes, juin 1991. 151 « Les premières réactions des candidats rennais », Ouest-France, 23-3-92, p. 22. 152 Jean-François Ercksen « Le VAL bat tous les records », Ouest-France, 22-6-92, p. 15.

77 En juin 1992, le VAL rencontra un premier écueil institutionnel : le conseil général (contrôlé par le CDS) refusa de soutenir le projet, et exclut le versement d’une subvention153. Ce désagrément n’avait qu’un impact marginal du point de vue financier, mais témoignait du combat politique dont le projet faisait l’objet. À la suite de l’enquête d’utilité publique, les commissaires enquêteurs rendirent leur avis au préfet à la fin du mois de septembre 1992. Il était favorable sans réserves 154 , mais comportait certaines recommandations. Celles-ci étaient interprétées par les opposants au dossier comme étant des réserves sur le fond : la commission recommandait de « surseoir à toute exécution », en attendant des précisions sur le montage financier ainsi que sur la fréquentation escomptée du métro. De plus, un des cinq commissaires enquêteurs avait remis son propre rapport, concluant à un avis défavorable, en raison de l’absence d’un plan de déplacement urbain justifiant un métro intégré à un projet global155. En décembre, le pool bancaire, devant initialement financer une partie du projet, décida de se retirer, inquiet des perspectives de rentabilité du VAL156. Le district, et non plus la Société d’économie mixte de transports en commun de l’agglomération rennaise (SEMTCAR), devait donc assumer l’essentiel de l’investissement. Malgré les doutes exprimés maintenant par des instances officielles, le VAL continua son chemin. Le 19 octobre 1992, la majorité PS-PCF étant unanime, le conseil municipal adopta l’APD, qui prévoyait un coût en baisse de cent millions de francs par rapport à l’APS. En janvier 1993, le conseil municipal puis le Conseil de district approuvèrent définitivement le projet, dans les deux cas à une très large majorité, aucun des alliés traditionnels d’Edmond Hervé ne faisant défaut (exceptés les communistes qui s’abstinrent, au nom de leur préférence pour le tramway). Le préfet signa la déclaration d’utilité publique en février 1993, au plus grand soulagement de la majorité, qui commençait à s’inquiéter du délai. Cerise sur le gâteau, le ministre socialiste des Transports, Jean-Louis Bianco, avait accordé au projet en octobre une subvention de 500 millions de Francs, supérieure à la somme prévue, et constituant presque un quart du coût total. La décision fut immédiatement critiquée par les opposants aux VAL : elle témoignait selon eux d’un indéniable favoritisme partisan, qui plus est de la part d’un gouvernement délégitimé, à la veille d’une défaite électorale d’une ampleur inédite qui allait renvoyer le PS dans l’opposition. En mars 1993, Edmond Hervé lui-même perdit son

153 Patrick La Prairie « Le conseil général au pied du VAL », Ouest-France, 12-6-92, p. 11, et « Méhaignerie ne monte pas », Ouest-France, 17-6-92, p. 8. 154 Un avis favorable mais avec réserves aurait retardé la déclaration d’utilité publique, la conditionnant au versement d'études complémentaires au dossier. 155 Patrick La Prairie « VAL : les ambiguïtés d’une conclusion », Ouest-France, 30-9-92, p. 23. 156 Alain Girard « Le District devra prendre le risque », Ouest-France, 19/20-12-92, p. 19.

78 siège de député de Rennes-Nord face à l’ambitieux conseiller municipal Yvon Jacob, apparenté RPR. Cette défaite était essentiellement imputable au recul considérable du PS au niveau national. Cependant, l’année 1993 serait extrêmement sévère y compris pour le VAL : Jean Normand l’appela « annus horribilis » 157 . Premier choc, la décision du ministre de l’Équipement et des Transports du tout nouveau gouvernement Balladur, Bernard Bosson, de ne pas verser la subvention promise par son prédécesseur158. Invoquant l’inadaptation et le coût trop élevé du VAL pour une ville de la taille de Rennes, il voulait effectuer un réexamen du dossier. Edmond Hervé et le PS crièrent au scandale : selon toute évidence, il s’agissait d’une manœuvre politicienne 159 orchestrée par Pierre Méhaignerie (président du Conseil général d’Ille et Vilaine) et Bernard Bosson, respectivement président et vice-président du CDS… Face à la détermination évidente du gouvernement à mettre en difficulté Edmond Hervé pour les élections municipales, une majorité des conseillers municipaux socialistes, et en particulier Jean-Michel Boucheron, estimaient qu’il fallait abandonner le projet afin de ne pas le transformer en handicap considérable pour les deux années à venir. Même Jean Normand commençait à douter de la viabilité politique du VAL. En revanche, pour les conseillers districaux des communes avoisinantes de gauche, il était hors de question de faire marche arrière : ils avaient bataillé dur pour faire accepter le métro par leurs populations160. Edmond Hervé décida donc de persister : s’il le fallait, il porterait le VAL jusque devant les électeurs.

c- Le VAL dos au mur : rendez-vous en 1995 Aux noises gouvernementales infligées au VAL, s’ajoutèrent les actions en justice intentées par les opposants locaux au projet. Les Verts avaient pris l’initiative dès mars 1993, en attaquant la toute récente déclaration d’utilité publique devant le tribunal administratif. Le recours, préparé par le jeune juriste et militant Xavier Braud, soulevait dix-neuf points d’illégalité, portant essentiellement sur des questions de forme (par exemple des pièces manquant au dossier). Le Comité pour un référendum sur le VAL ainsi que les oppositions municipales et districales avaient fait de même par la suite. L’instruction dura près d’un an, et, en février 1994, le tribunal administratif, conformément à la position du commissaire du

157 Normand, op. cit., p. 87. 158 François Danchaud « Le VAL sur une voie de garage », Ouest-France, 11-5-93, p. 16. 159 Pour Jean Normand, « la conjuration des centristes contre Rennes était éclatante ». Op. cit., p. 94. Cette connivence est confirmée par le journaliste de Ouest-France, François Danchaud, ultérieurement directeur de cabinet du président du Conseil général (entretien). 160 Entretien avec Jean Normand. Son ouvrage (op. cit.) aborde également cet épisode, p. 107-108.

79 gouvernement, reconnut le bien fondé du recours des Verts, premier à avoir été déposé, et prononça l’annulation de la déclaration d’utilité publique161. Le ministre des Transports en profita pour annoncer que la subvention, finalement accordée mais revue à la baisse en décembre 1993, ne serait pas versée avant qu’une nouvelle déclaration d’utilité publique ne fût effectuée162. Pour Yves Cochet, la suspension de la mise en œuvre du métro constituait une occasion en or pour faire du débat entre VAL et tramway la question centrale des élections municipales de 1995. L’alliance objective qui liait les Verts et le CDS dans ce combat n’était pas reniée et Yves Cochet ne cacha pas sa satisfaction devant les décisions ministérielles délétères pour le VAL163. De fait, la municipalité dut s’y résoudre : Edmond Hervé accepta finalement de faire réaliser une nouvelle enquête d’utilité publique, à partir d’un dossier plus complet, renonçant donc à faire débuter les travaux avant les élections. Dès la fin avril 1994, il déclara que « les électeurs trancher[aient] »164 lors des élections municipales. En effet, il était trop tard pour abandonner le VAL : ce renoncement à un an du scrutin aurait été interprété comme une capitulation face aux oppositions municipales, et garanti la défaite en 1995. Par ailleurs, selon Jean Normand, faire de ce scrutin un référendum sur le VAL « n’était pas pour [leur] déplaire, car, en matière électorale, l’équipe d’Edmond Hervé avait démontré sa capacité »165. Une victoire aurait permis de couper court aux exigences de référendum des Verts et du Comité. Ces derniers se préparèrent également à l’échéance électorale : le Comité pour un référendum sur le VAL entérina le caractère décisif de l’élection à venir en changeant de nom, devenant le Comité pour une alternative au VAL. Il s’agissait de doter la future liste municipale de droite d’un contre-programme en matière de transports. Jean-Pierre Dagorn défendait la réalisation d’une ligne de TCSP sur l’axe est-ouest, qui pouvait aussi bien prendre la forme d’un tramway que d’un bus en site propre, option nettement moins coûteuse, également moins ambitieuse en termes de vitesse et de capacité. Mais contrairement aux Verts, il estimait nécessaire de faciliter le flux automobile, notamment par un nouveau plan de circulation, des boulevards urbains et de nouveaux parkings dans le centre. Chez Rennes- Verte, Yves Cochet était partisan d’abandonner l’idée du référendum, espérant faire du scrutin

161 Alain Girard, François Richard « Le Tribunal annule la déclaration d’utilité publique », Ouest-France, 17-2- 94, p. 3. 162 François Danchaud « VAL : la subvention est reportée », Ouest-France, 2/3/4-4-94, p. 22. 163 « [Je ne sais] si nous sommes des amis de monsieur Bosson », déclara-t-il au conseil municipal du 5 avril 1994, mais le résultat de sa décision était « ce que nous avons voulu avec d’autres méthodes ». Délibérations du conseil municipal, 5-4-94. 164 Yann Halopeau « VAL : "les électeurs trancheront" », Ouest-France, 23/24-4-94, p. 20. 165 Normand op. cit., p. 116.

80 de 1995 une validation du tramway. Il dut cependant se plier à l’avis majoritaire du groupe des Verts, qui insistaient sur la nécessité d’organiser un référendum (districal) après les élections, portant sur l’alternative entre le VAL et un projet de tramway plus approfondi166.

C. Les Verts pour une révolution démocratique municipale

Le combat de Rennes-Verte contre le VAL reflétait aussi une exigence de démocratisation de la vie municipale. Celle-ci avait deux versants : d’une part favoriser des mécanismes de démocratie directe à l’attention de tous les citoyens ; d’autre part lutter pour le respect du pluralisme dans les instances politiques locales, et dénoncer la mainmise exercée par la majorité.

1- Revaloriser la citoyenneté

Le programme municipal de Rennes-Verte, en 1995 aussi bien qu’en 1989, comportait des éléments innovants, constituant une alternative à la gouvernance municipale en vigueur.

a- Le référendum, idéal et arme anti-VAL Pour les Verts rennais, chaque grand dossier devait faire l’objet d’un référendum municipal. Celui-ci fut autorisé par une loi de 1991, ce qui légitima d’autant plus leur proposition. En ce qui concernait le VAL, le référendum demandé par les Verts devait être précédé par des études approfondies afin de présenter aux citoyens au moins deux projets alternatifs : un VAL et un Tram. Il était en effet inimaginable pour Rennes-Verte d’organiser un scrutin « pour ou contre le VAL », comme le demandait le Comité de Jean-Pierre Dagorn, car pour les écologistes, la construction d’un TCSP n’était pas négociable ; un vote « contre » aurait risqué de faire abandonner tout projet en la matière, comme le laissaient entendre les amis de Jean-Michel Boucheron au conseil municipal. D’autre part, une étude approfondie sur un projet de tramway était nécessaire, préalablement à un éventuel référendum : dans le cas contraire, le combat aurait été inégal, le projet défendu par la municipalité paraissant plus crédible. Autre originalité du référendum demandé par les Verts dans le cas du VAL : il devait se tenir dans toutes les communes du district. En effet, c’était ce dernier qui financerait le projet ; tous ses habitants avaient donc leur mot à dire. Inutile de préciser que cette modalité

166 Alain Girard et François Richard « Retour à la station enquête », Ouest-France, 17-2-94, p. 17.

81 rendait d’autant plus probable le rejet du projet : le métro ne desservait en effet qu’une infime partie du territoire du district. Du même coup, Edmond Hervé n’était évidemment pas disposé à procéder à une telle consultation, à peu près suicidaire167. Le référendum pour les Verts rennais était donc à la fois un élément fondamental de leur identité politique (la démocratisation de la politique municipale) et une ressource de mobilisation contre la municipalité en place. Cette dualité causa une incertitude à l’approche des élections municipales de 1995168, quand il fut clair qu’aucune consultation n’aurait lieu avant l’élection de la nouvelle municipalité : pour Yves Cochet, il ne servait à rien de continuer à défendre le référendum puisque les rennais étaient invités à sanctionner le maire par le biais des urnes ; une fois les Verts incontournables au conseil municipal, ils allaient pouvoir imposer le tramway. Ce choix, traduction d’une vision essentiellement stratégique du référendum, se heurta à la position de la plupart des membres de Rennes-Verte, et en particulier de l’élu régional et co-porte-parole local, Jean-Louis Merrien. Selon eux, le référendum devrait être organisé par principe. Yves Cochet dut se ranger à cette position : dans le programme municipal de 1995, les Verts proposaient une étude et le montage d’un projet de tramway, et une consultation au printemps 1996. C’était également la condition à tout ralliement à Edmond Hervé entre les deux tours.

b- Le quartier, « lieu de l’égalité »169 La préférence de Verts pour le tramway allait de pair avec une valorisation des quartiers dans l’espace urbain : contrairement au VAL qui privilégiait un développement orienté vers la connexion rapide avec le centre-ville, le tramway était sensé s’intégrer harmonieusement aux espaces de vie. Les deux lignes de tramway en X permettraient une desserte équilibrée des quartiers, par opposition à une ligne de métro autour de laquelle se concentrerait la croissance urbaine. La préservation des espaces verts (Prairies Saint-Martin, Prévalaye) devait valoriser la vie des quartiers au détriment de la densification urbaine. Un autre élément de rééquilibrage entre le centre et les quartiers périphériques était la proposition d’effectuer une déconcentration des services municipaux, en affectant une partie des emplois créés par un passage aux trente-

167 L’opposition de principe du maire à la tenue d’un référendum (par considération pour la démocratie représentative) dissimulait la certitude que celui-ci se traduirait par un échec. Au contraire, il semble que si la victoire du VAL avait été envisageable, Edmond Hervé n’aurait pas hésité à y recourir (entretien avec Jean Normand). 168 Ouest-France, 17-2-94, p. 17. 169 Ouest-France, 20/21-5-95, p. 21.

82 deux heures à des antennes de quartiers. Plus largement, le tissu socioéconomique local devait être renforcé par un soutien aux activités associatives, coopératives, et petits commerces. Enfin, la participation politique devait être favorisée par l’instauration de conseils de quartier gérant leur propre budget, au bénéfice de l’autodétermination, et de l’autogestion du développement local. De même, l’absence de droit de vote pour les étrangers devait être contourné par l’élection de « conseillers municipaux associés »170 représentant les populations étrangères.

2- La dénonciation du verrouillage institutionnel : les difficultés de l’opposition constructive

Soucieux d’effectuer des propositions et de peser sur les décisions prises, les quatre élus Verts se rendirent vite à l’évidence après 1989 : en l’absence d’ouverture de la part de la majorité, les règles de fonctionnement du conseil municipal ne permettaient pas un accès satisfaisant aux ressources d’information, de travail technique et de proposition politique pour les membres de l’opposition.

a- Pour une démocratie d’assemblée Au sein du conseil municipal, l’accès aux commissions de travail thématiques est garanti aux membres des groupes d’opposition ; dans ce cadre, les Verts s’efforcèrent, dans un premier temps, de rédiger des contributions, notamment budgétaires. Mais le parlementarisme municipal n’était à leur yeux que fictif : les textes et projets présentés en commission par les élus de la majorité étaient préparés de longue date par les services municipaux, en dehors de tout pluralisme politique. Selon Yves Cochet, cela était symptomatique d’une confusion des pouvoirs entre exécutif et législatif : le rôle législatif (vote des textes), comme d’amendement et de contrôle (dans les commissions) des conseillers municipaux, n’était que formel ; le maire et ses adjoints, détenteurs des prérogatives exécutives, exerçaient en réalité le pouvoir législatif également. De même que les Verts défendaient une VIe République, plus parlementaire, en France, ils demandaient une réforme profonde des institutions municipales –et s’engageaient pour leur part à la pratiquer, en cas d’accès aux responsabilités dans les communes. Dans son programme de 1995, Rennes-Verte proposait que les adjoints ne soient pas désignés sur proposition du maire mais élus directement par l’ensemble du conseil municipal.

170 Jacques Pasquet « Le programme Cochet : "Vert et ouvert" », Ouest-France, 27/28-5-95, p. 17.

83 Tout au long de leur mandat, les quatre élus de Rennes-Verte demandèrent également à être présents dans les représentations du conseil municipal dans les diverses institutions locales. De même, ils demandèrent un siège au conseil de district. Edmond Hervé finit par accéder à leurs demandes, celles-ci ne mettant en danger sa position majoritaire dans aucun de ces cas. Le district était l’objet d’une attention particulière de la part de Rennes-Verte. Les écologistes se réjouissaient de l’élargissement des compétences et des ressources (fiscalité propre en 1991) de cette institution, correspondant à l’échelle adaptée aux questions de développement, de transport, d’emploi, de distribution d’eau. Cependant, l’élection des conseillers districaux par les conseils municipaux suscitait leur désapprobation : les majorités municipales en profitaient pour exclure leurs oppositions respectives, et les décisions politiques prises par le district ne pouvaient donner lieu à une quelconque responsabilité politique des élus. Rennes-Verte plaidait donc pour l’adoption du scrutin direct et proportionnel en la matière171.

b- La bataille pour le pluralisme médiatique : Le Rennais Garantir le pluralisme au sein des assemblées élues ne suffisait pas pour les Verts : les groupes politiques devaient avoir un accès plus équitable aux moyens de communication officiels à destination des citoyens. Dès leur élection au conseil municipal en 1989, les élus de Rennes-Verte demandèrent donc une page d’expression dans le bulletin municipal mensuel, Le Rennais. Edmond Hervé accéda à leur demande, et le groupe Union de l’opposition (droites) obtint également sa page172. Dès mai 1989, les Verts purent donc rédiger et maquetter une page tous les mois, intitulée « Espace Verts », et présentant à chaque édition les positions des Verts sur un sujet important ou d’actualité (la qualité de l’eau, l’immigration, mais le plus souvent le TCSP), en insistant le plus souvent sur les divergences avec la majorité. Mais cette page fut l’objet d’un conflit avec la majorité en mai 1992 : à la veille de l’enquête d’utilité publique sur le VAL, les Verts avaient fait de leur page une lettre-type qu’ils proposaient aux lecteurs d’envoyer aux commissaires-enquêteurs, afin de signifier leur ferme opposition au projet. Ils accusèrent la municipalité d’avoir retardé la publication du bulletin pour en limiter l’impact ; de plus,

171 « District : la fiscalité propre c’est bien… la démocratie c’est mieux ! », Le Rennais, janvier 1990. 172 Gérard Pourchet estimait toutefois que cette page était contreproductive : elle permettait au maire d’afficher une posture démocratique, sans que cela n’ait d’impact sérieux sur le rapport de forces. Soulignons que l’apport représenté par cette page de libre expression était proportionnellement beaucoup plus important pour les Verts que pour les droites, qui disposaient par ailleurs de solides réseaux partisans, associatifs et syndicaux, sans compter leurs nombreux députés et conseillers généraux.

84 lorsque les exemplaires furent imprimés, (dix jours en retard, soit quelques jours avant la clôture de l’enquête), les pointillés dessinés autour de la lettre avaient disparu173. En somme, les rares ouvertures accordées par la majorité aux Verts, étaient l’occasion de raviver les antagonismes plutôt que de faciliter des convergences futures.

D. Convergences et points d'achoppements municipaux

Outre les problématiques centrales qu’étaient le VAL et la démocratie, d’autres dossiers préoccupaient les Verts. Certains étaient l’origine (ou le prétexte) de controverses avec le groupe socialiste ; d’autres constituaient un possible terrain d’entente.

1- Papier recyclé et bicyclettes : mention passable pour la municipalité

Économie sociale et solidaire (tiers-secteur) ainsi que la circulation des vélos étaient deux causes centrales pour les Verts, et à propos desquelles les prérogatives municipales étaient relativement étendues. Dans ces deux cas, la politique menée par Edmond Hervé et ses adjoints était considérée comme insuffisante, bien qu’allant dans le bon sens. La circulation à vélo dans la ville n’était pas une priorité de l’adjoint à la circulation, Christian Benoist. Les militants de Rennes-Verte, pour la plupart des usagers déterminés de la bicyclette, dénonçaient régulièrement la baisse du nombre de cyclistes depuis la fin des années 1970, et le poids croissant de la voiture. Ainsi, déploraient-ils, en 1989, 36% des victimes d’accidents de la route à Rennes étaient des cyclistes. Tout comme l’association Route bleue, leur principale revendication était la mise en place de parkings à vélos, mais surtout d’un réseau dense de véritables pistes cyclables, c’est-à-dire des voies matérialisées, protégées des routes. Ils regrettaient la préférence de la municipalité pour les bandes cyclables, délimitées par de simples lignes de peinture, qui pouvaient même aggraver le danger pour les cyclistes, en causant un faux sentiment de sécurité. La dénonciation de l’insuffisance du réseau cyclable était complémentaire de celle de la place réservée à l’automobile, notamment dans le centre. La construction de nouveaux parkings (comme le chantier souterrain de la place Hoche)174 constituait un choix d’urbanisme et de déplacements inadmissible pour les Verts.

173 « Les pointillés de la discorde », Ouest-France, 15-6-92, p. 20. 174 « Pas à Rennes, la Petite Reine ! », Le Rennais, 5-90, et « Vélo : Rennes doit mieux faire », Le Rennais, 10- 93.

85 Nombre de membres de Rennes-Verte avaient à cœur la question du recyclage du papier, certains participant à la coopérative de recyclage La Feuille d’Érable. Bien que la politique globale de déchets fût dénoncée par les Verts, ils se réjouirent de voir la municipalité signer un contrat avec cette structure, permettant un ramassage plus efficace. Enfin, Rennes-Verte utilisa la question du papier recyclé pour taquiner les services de la Mairie : leur page dans Le Rennais comportait en petits caractères, la mention : « Cette page est encore imprimée sur du papier non-recyclé » - jusqu’à ce que le bulletin soit effectivement plus écologique, à partir d’avril 1991. Le message devint alors: « Bravo pour le Rennais recyclé et son bon rapport qualité-prix. À quand le papier recyclé dans les services municipaux… ? ». À l’approche de la fin du mandat, dès septembre 1993, une interpellation plus menaçante remplaça l’aimable invitation préférée jusqu’alors : « Faut-il recycler la majorité municipale pour avoir du papier recyclé dans les services municipaux ? ».

2- Déchets et Prairies Saint-Martin : questions sensibles

La question du traitement des déchets, comme de la préservation des Prairies Saint- Martin, impliquait des choix politiques et des allocations de ressources sans commune mesure avec les questions presque symboliques du papier recyclé et des bicyclettes. Sur ces sujets, la municipalité était moins disposée au compromis et les Verts plus sévères quant aux politiques menées. En ce qui concernait les déchets, Rennes-Verte condamnait le choix du « tout- incinération ». Pour les écologistes, il fallait encourager le tri sélectif, le recyclage et notamment, opter pour la méthanisation. Au contraire, les deux fours de Villejean (bientôt complétés par un troisième, dont l’adoption en conseil municipal fut l’occasion de nombreuses passes d’armes entre la majorité et les élus écologistes) répondaient selon la municipalité à la difficulté d’organiser un ramassage sélectif, ainsi que de trouver des débouchés, pour les déchets en question. De plus, arguait l’élu responsable du dossier, Yves Préault, le site de Villejean récupérait l’énergie fournie par l’incinération afin de participer au chauffage des logements du quartier, par le mécanisme dit de co-génération. Les Prairies Saint-Martin firent l’objet d’une mobilisation déterminée des Verts rennais. Espace vert semi-rural longeant le canal du même nom, à proximité du centre, les Prairies devaient accueillir un projet de construction de logements, d’extension de la ZAC (Zone d’aménagement concerté) mais surtout de boulevard urbain, permettant un accès rapide au centre pour les automobiles à partir des voies périphériques (boulevard d’Armorique). Au nom de la préservation de l’équilibre naturel du site, des jardins familiaux, d’un lieu privilégié

86 de promenade et de détente pour les riverains du quartier, les Verts s'opposèrent aux intentions municipales. Ils participèrent à plusieurs évènements sur place (par exemple des pique-niques avec les riverains), montrant l’impopularité des projets municipaux d’urbanisation175. La municipalité finit par y renoncer.

II. Edmond Hervé et les Verts : de l’ostracisme aux propositions d’ouverture (1989-1993)

D'abord en position de force au début du mandat, les vicissitudes électorales de 1992, 1993 et 1994 du Parti socialiste à Rennes allaient forcer Edmond Hervé à envisager un partenariat avec les Verts pour les élections municipales de 1995.

A. Des Verts inopportuns mais déterminés (1983-1989)

Les militants de Rennes-Verte voulaient faire appliquer leurs propositions en matière de politiques municipales. La participation éventuelle à une coalition était subordonnée à l'existence de réelles marges de manœuvre : il était hors de question de servir de caution écologiste à la municipalité. Ces ambitions entraient en contradiction avec les positions d'Edmond Hervé, qui entendait conserver le contrôle de sa majorité. Les Verts rennais se résolurent donc à adopter la stratégie de la mouche du coche.

1- Les majorités municipales d’Edmond Hervé : un pluralisme encadré

Depuis 1977, Edmond Hervé avait rempli deux objectifs qui garantissaient la stabilité de la domination socialiste sur la ville : l'agrégation de la quasi-totalité des forces de gauche autour de son projet municipal (et donc la constitution de listes de coalition dès le premier tour) et la marginalisation des formations politiques de ne soumettant pas à cette exigence (via le refus systématique de la fusion au second tour). Cela avait été le cas dès 1977: l'alliance PS-PCF avait remporté 48,6% des suffrages dès le premier tour, malgré la présence d'une liste autogestionnaire (5,3%) et de Lutte Ouvrière (la liste de Raymond Madec avait remporté 2,3%). La victoire au second tour avait été acquise sans avoir à effectuer de concessions : 55,9% des électeurs y avaient voté pour Edmond

175 « Prairies Saint-Martin : un site remarquable menacé par une route à grande circulation », Le Rennais, 01-93.

87 Hervé. La situation avait été beaucoup plus délicate en 1983 : talonné par Claude Champaud (44% au premier tour), Edmond Hervé avait pourtant pris le risque de refuser un accord avec Yves Cochet (6%), considéré trop gourmand. Le score s'en était ressenti au second tour : moins de 53%. Enfin, en 1989, la victoire dès le premier tour permit d'éviter une triangulaire avec les Verts, dont le résultat aurait pourtant été prévisible. De fait, les alliés du PS n'étaient pas en mesure de se présenter seuls devant les électeurs. Le Parti communiste en était conscient et se satisfit en 1983 de neuf sièges de conseillers, en 1989 de huit. De même, le PSU disposait de quatre conseillers entre 1983 et 1989, l'UDB d'un seul, le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) de trois, sans compter quelques personnalités de la société civile comme Francis Battais (membre de l'opposition à partir de 1983, mais présent sur la liste de E. Hervé en 1989) le cheminot Alain Géraud ou l'universitaire Claude Durand-Prinborgne. Ce pluralisme était sur le fond assez limité, et ce pour deux raisons. D'abord, intégrer la majorité supposait se s'engager à respecter le principe de solidarité financière, c'est-à-dire le vote du budget chaque année. Cet engagement était signé en début de mandat par chacun des conseillers, le maire pouvant en faire usage afin d'obtenir la démission des élus rompant cet accord 176 . Ensuite, les concessions accordées par le PS étaient limitées à des dossiers secondaires, ou bien sur lesquels le consensus était de mise. Les responsabilités importantes comme les finances, l'économie, l'urbanisme, la culture ou encore l'enseignement, étaient réservées à des conseillers socialistes. Sur un total de dix-sept adjoints désignés en 1989, on comptait ainsi quinze socialistes ou apparentés, et seuls deux communistes, dont le deuxième adjoint au maire, chargé de la circulation, Christian Benoist. À cette mainmise du PS s'ajoutait un facteur numérique non négligeable : à l'issue des élections de 1989, le groupe socialiste à lui seul détenait la majorité absolue au Conseil : trente sièges sur un total de cinquante-neuf, la coalition majoritaire ayant remporté en tout quarante-six sièges et les oppositions (Rennes- Verte, Union de l'opposition, Front national) treize au total.

2- 1989, vers la cohabitation PS-Verts

En 1989, Yves Cochet proposa à Edmond Hervé de figurer sur une liste commune sur la base d'un contrat limité, n'engageant donc pas la solidarité financière (vote du budget) exigée par le maire. Cette relative bonne volonté de la part des Verts était celle définie au niveau national par la direction du parti, qui n'excluait pas des fusions et donc des accords de gestion

176 Entretien avec Gérard Hamon, conseiller municipal (Rouge-et-Vert) entre 1995 et 2001.

88 mais en refusant d'abandonner la liberté de vote177. Les discussions tournèrent court et la victoire d'Edmond Hervé dès le premier tour permit d'éluder la question de la fusion. La proposition des Verts fut réitérée après l'élection. Lors du premier conseil municipal du nouveau mandat, le 17 mars, les élus de Rennes-Verte joignirent leurs voix à celles de la majorité pour reconduire le maire à son poste (les conseillers de droite votant blanc). Yves Cochet proposa également à Edmond Hervé un accord limité à certains secteurs, en revendiquant deux postes d'adjoint, correspondant selon lui à leur poids électoral et à la sensibilité qu’ils représentaient. Suit un extrait de l'intervention de l'élu écologiste, assez significatif des dispositions des élus Verts ainsi que de la relation entretenue avec Edmond Hervé :

« Bien que M. Hervé nous ait fait savoir sa conception monolithique du pouvoir qu'il ne veut pas partager, même partiellement, avec nous, nous en appelons solennellement à la loyauté et à l'esprit démocratique des membres de ce conseil et nous présenterons des candidats à quatre postes d'adjoint ; si nous sommes élus à deux d'entre eux, nous retirerons nos candidatures aux deux autres. Ces postes d'adjoint concernent l'environnement, les transports, l'urbanisme et la recherche »178.

Cela allait à l'encontre des intentions d'Edmond Hervé, qui déclara immédiatement après sa réélection le même soir : « notre assemblée comprend une majorité résultante d'une élection. Et conformément à nos engagements et au choix de nos compatriotes, elle doit conduire notre cité ». Quelques minutes plus tard, lors de l'élection des adjoints à bulletins secrets, les conseillers écologistes ne recueillirent que leurs propres voix (parfois une ou deux supplémentaires, provenant de la majorité ou de l'Union de l'opposition). Au-delà de son hostilité vis-à-vis des Verts, ce choix d'Edmond Hervé correspondait à une volonté plus large de contrôler sa majorité. Le 20 mars, Yvon Lechevestrier, journaliste de Ouest-France, signala dans un article intitulé « Edmond Hervé cadenasse tout », que ce dernier était « plus que jamais, décidé à imposer sa façon de faire et de dire ». Au sein même du groupe socialiste, les nouvelles attributions placèrent les proches du maire en position de force : les attributions du premier adjoint Martial Gabillard furent renforcées, lui permettant de superviser les activités des adjoints rocardiens Pierre-Yves Heurtin (culture) et Jean Normand (économie). Par ailleurs, Edmond Hervé179 s'assurait du soutien total du député

177 Alain Girard « La percée des Verts », Ouest-France, 14-03-89. 178 Délibérations du conseil municipal, séance du 17-3-89, p. 13. Cote 1D251 179 Edmond Hervé lui-même n'était pas intégré dans un courant spécifique du PS, d'où une relative dépendance vis-à-vis des réseaux structurés au niveau national, en particulier les fabiusiens.

89 fabiusien Jean-Michel Boucheron et de ses proches : Marcel Rogemont (adjoint aux finances) et Yves Préault (travaux, équipements, énergie)180.

B. Opposition constructive et boycott (1989-1995)

Malgré l'échec de leurs propositions, les Verts n'abandonnèrent pas l'ambition de réaliser un travail constructif au conseil municipal.

1- Les Verts : un travail municipal déterminé

Le statut d'élus d'opposition des quatre Verts les éloignait considérablement des prises de décisions par la majorité, dont des groupes de travail officieux élaboraient les projets de délibérations en parallèle des commissions municipales officielles. Pour autant, les élus de Rennes-Verte mettaient un point d'honneur à participer activement aux séances de ces commissions. Seul Yves Cochet ne pouvait s'y rendre, son élection au Parlement européen en juin 1989 demandant une grande partie de son temps ; cependant, il suivait les dossiers et était présent à toutes les séances du conseil municipal. La stratégie des Verts était double: d'abord, l'opposition constructive, c'est-à-dire élaborer des propositions d'amendements aux textes débattus en commission, et d'autre part, l'occupation du terrain médiatique en tant que force indépendante. Le travail de fond des Verts se focalisa, faute de moyens (militants et techniques) sur certains dossiers, à l'exclusion d'autres: le TCSP, les pistes cyclables, la collecte et le traitement des déchets, et la lutte contre l'urbanisation de la Prévalaye et des Prairies Saint- Martin. Tous ces dossiers impliquaient l'opposition aux politiques de la municipalité en place, jugées fondamentalement erronées, ou insuffisantes (dans le cas des pistes cyclables). Les thématiques étaient traitées par des groupes de travail composés de militants et d'élus. Par exemple, Annaïg Hache se chargeait des questions d'urbanisme, avec l'aide d'un groupe d'adhérents qui préparaient les réunions de la commission municipale et les séances de conseil municipal.

2- Dans les tranchées du conseil municipal

180 Yvon Lechevestrier « Conseil municipal : Edmond Hervé cadenasse tout », Ouest-France, 20-3-89.

90 Les séances mensuelles du conseil municipal donnaient lieu à des affrontements parfois vigoureux entre l'équipe du maire et les quatre conseillers écologistes. Chaque partie mettait en scène son hostilité envers l'autre.

a- La stratégie médiatique et politique des quatre écologistes Compte tenu de l'impossibilité de participer effectivement au travail exécutif de la municipalité, les Verts décidèrent de faire de leur présence au conseil municipal avant tout une arme médiatique. Outre l'obtention d'une page pour le groupe de Rennes-Verte au sein du bulletin municipal mensuel (au même titre que le groupe d'Union de l'opposition), les séances même du conseil étaient mises à profit pour s'adresser aux médias. Dès la seconde séance, le 28 avril 1989, Yves Cochet proposa d'étudier en commission un vœu concernant l'arrêt du surgénérateur nucléaire Superphénix, à Creys-Malville181. Il prévint qu'en cas de rejet du vœu lors de la séance suivante du conseil, il continuerait à le soumettre au vote à chaque séance, le sujet étant selon lui urgent. Les relations avec la majorité ne faisant que se dégrader, notamment à la suite de l'adoption du VAL en octobre 1989 et du rejet de la proposition de référendum déposée par les Verts, ceux-ci adoptèrent une stratégie plus offensive encore, toujours selon un objectif de se ménager une visibilité médiatique. Dans le plupart des cas, Yves Cochet se réservait les prises de paroles les plus importantes, mettant à profit ses qualités d'orateur et son assurance face à un public qui, exceptés ses trois camarades, était loin de lui être acquis. L'acharnement des quatre élus de Rennes-Verte avait pour résultat d'exacerber encore l'hostilité des socialistes et du maire. Yves Cochet tirait profit celle-ci en mettant en scène ses propres interventions : « Je me suis parfois irrité du fait qu'on puisse croire que j'interviens simplement pour le plaisir ou pour ennuyer mes collègues (...) »182, déclara-t-il par exemple, avant de regretter la faible portée d'une convention visant à contrôler les rejets polluants des entreprises dans les égouts. Les trois autres élus de Rennes-Verte se montraient moins acharnés, mais s'exprimaient sur le fond de certains dossiers qu'ils connaissaient bien. Ainsi, Annaïg Hache, « trouillarde mais révoltée », donnait les explications de vote (négatif, le plus souvent) concernant la mise en application du droit de préemption municipale sur des terrains concernés par la

181 Délibérations du conseil municipal, 28-4-1989, p. 236-238, cote 1D251. 182 Délibérations du conseil municipal, 7-2-94, cote 1D270.

91 construction du VAL, par exemple. « Cela les énervait terriblement » 183 . Cependant, les critiques adressées à la majorité pouvaient être sévères. Joël Morfoisse par exemple exprima le fond de sa pensée sur le clivage qui opposait Rennes-Verte à la municipalité en place, lors de la séance budgétaire du conseil municipal, en février 1993 (période de campagne électorale) :

« Vous, les socialistes, vous êtes très lourds à porter, c’est-à-dire que, finalement, vous croyez toujours avoir totalement raison. M. Cochet peut être quelques fois assez agaçant… [rires], ce n’est pas une raison pour être certain d’avoir raison. Je considère que ce qui vous fait tort, à vous socialistes, et ce n’est pas parce que vous êtes socialistes, c’est parce que vous avez exercé le pouvoir pendant un certain temps, c’est ce sentiment d’avoir toujours raison. Vous êtes devenus dominateurs et sûrs de vous et je tiens à dire que c’est profondément insupportable »184.

Ces interventions étaient souvent reprises par Ouest-France185, dont le journaliste présent dans la salle du Conseil était, dans une large mesure, le destinataire principal des interventions des Verts. Yves Cochet profitait par ailleurs souvent du conseil municipal pour prendre position sur des débats nationaux ou internationaux, occasion de mettre en application la devise écologiste « penser globalement, agir localement ». Ces prises de parole des Verts n'avaient pas toujours pour but d'attaquer la municipalité en place ou le PS en général. Par exemple, tout en affirmant ne pas être « un laïcard intégriste » il prit l'initiative d'introduire la question de l'abrogation de la loi Falloux au conseil municipal, en dénonçant « une sorte de coup de force idéologique qui essay[ait] d'entraîner l'éducation en France vers un fonctionnement beaucoup plus concurrentiel », et condamnant de même les déclarations « stupéfiantes » du Père Cloupet dans Ouest-France, lequel avait défendu « un regard chrétien sur le monde y compris en mathématiques et en physique » 186 . Ouest-France se fit l'écho de cette intervention187, tout en soulignant qu' « à Rennes la hache de guerre [était] enterrée depuis longtemps sur ce sujet », la municipalité de gauche ayant appris à ménager les susceptibilités de la démocratie-chrétienne et de l'enseignement catholique.

b- Les sarcasmes de la majorité

183 Entretien avec Annaïg Hache. 184 Joël Morfoisse, Délibérations du conseil municipal, séance budgétaire du 13-2-93. 185 Patrick La Prairie et Alain Girard « Un samedi dans le vif du budget », Ouest-France, 15-2-93, p. 14. 186 Délibérations du conseil municipal, 10-1-94, cote 1D270. 187 François Danchaud « L'abrogation de la loi Falloux au conseil municipal : la laïcité au cœur des débats », Ouest-France, 11-1-94, p. 13.

92 L'irrévérence pratiquée par les élus Verts était d'autant plus grande que l'hostilité de la majorité à leur égard était extrêmement prononcée. Tout comme les élus de l'Union de l'opposition, les conseillers de Rennes-Verte étaient soumis aux interruptions des élus socialistes, le plus souvent du maire, voire à des coupures de micro et à des rires sarcastiques dans les rangs de la majorité. Les critiques adressées aux Verts pointaient du doigt le caractère peu fondé de leurs positions, et leur mauvaise connaissance des dossiers municipaux. Par exemple, à une remarque d'Yves Cochet sur le caractère peu démocratique du fonctionnement de l'administration municipale, Edmond Hervé réagit par la déclaration suivante :

« Concernant l’information j’aimerais bien savoir dans quelle ville, quelle formation majoritaire fait autant d’information où il y a autant de transparence ; ce que je souhaite M. Cochet, c’est que très concrètement, très concrètement vous nous fassiez des propositions. Vous nous avez "bassinés" avec les pistes cyclables, ou je ne sais quoi ; or qu’est ce que je constate ? Que la ville de Rennes est l’une des trois villes de France qui fait le plus d’efforts dans ce domaine-là. Allez faire des discours sur la place, dans les quartiers, pour dire aux gens, prenez votre vélo, allez-y ! Et j’y serai à votre côté ; et j’y serai même avant et vous verrez ma roue arrière. (...) Mais qu’ai-je fait quand j’étais dans l’opposition ? J’ai travaillé, vous comprenez… (…) chacun a sa conception du travail »188.

La salle du Conseil ne cessa pas, tout au long du mandat municipal 1989-1995, d'être le théâtre de vifs affrontements entre les quatre élus de Rennes-Verte et l'équipe d'Edmond Hervé. Cependant, l'affaiblissement électoral des socialistes les força à envisager un possible accord à l'échéance de 1995.

C. L’appel à l’aide du PS en détresse (1992-1993)

Les élections cantonales de 1992 furent la première échéance électorale depuis la reconduction de la municipalité et l'adoption du VAL en 1989. Pendant ces trois années, la question du métro détermina en grande partie la vie politique locale. Les Verts continuaient à militer pour la tenue d'un référendum proposant l'alternative VAL-tramway. Le Comité pour une alternative au Val exigeait également un référendum, avec une approche beaucoup moins favorable aux transports en commun que les Verts. En juin 1991, un mois avant l'adoption de l'Avant-projet sommaire (APS) par le SITCAR, Rennes-Verte réalisa une campagne de communication (distribution de tracts, envoi d'une

188 Edmond Hervé, Délibérations du conseil municipal, 13-9-93.

93 lettre aux habitants du district tout entier) montrant du doigt les conséquences financières et urbanistiques ainsi que le caractère non démocratique de la décision. La campagne des élections cantonales fut acharnée et, bien que le Conseil Général -dont le basculement à gauche était inenvisageable à cette époque- n’ait aucun pouvoir de décision sur ce dossier189, se joua essentiellement autour du VAL. Il s’agissait d’une élection test pour Rennes.

1- 1992, premier recul du PS

Le recul du PS rennais aux élections cantonales de 1992 fut substantiel, au bénéfice des Verts et des candidats de la majorité municipale.

a- Un sursis pour la majorité municipale Les candidats de la municipalité furent tous mis en difficulté. Dans le canton de Rennes- Sud-Est, Jules Rubion échoua à reconquérir le siège que Jean-Pierre Dagorn avait arraché, de peu, à Michel Phlipponneau sept ans auparavant, et ce malgré la division des candidats anti- VAL : au second tour, Jean-Luc Certain (Verts) obtint 22,3%, Jules Rubion 37%, et Jean- Pierre Dagorn 40,6%. Dans le canton de Rennes-Nord, le premier adjoint d'Edmond Hervé, Martial Gabillard (33,4%) fut sévèrement battu par le jeune poulain de Jean-Pierre Dagorn, Stéphane Jambois (47,2%), le Vert Jean-Louis Merrien recueillant 19,3%. L'homme du VAL Jean Normand (président du SITCAR puis de la SEMTCAR et adjoint à l'économie) conserva son siège du Blosne de justesse (à 150 voix près) avec 40,6% des voix, face au membre du Comité, Jean-Claude Persigand (35,4%) pourtant concurrencé par Joël Morfoisse (24%). Edmond Hervé déclara le lendemain à son équipe : « nous avons frôlé la catastrophe ». Du propre aveu de Jean Normand, « l’échec de l’élu municipal en charge du VAL aurait pu être fatal pour le projet »190. La détermination du maire restait intacte, malgré les interpellations effectuées par le Comité et les Verts191.

b- Les écologistes en position de force Les résultats du scrutin cantonal de 1992 validaient la stratégie d’autonomie choisie par les Verts à Rennes. En effet, en recueillant le soutien d’un cinquième de l’électorat (à Rennes), ils pouvaient légitimement prétendre incarner un courant politique fort, sans entrer

189 Excepté l’éventuel versement d’une subvention. 190 Jean Normand Le VAL de Rennes, Apogée, Rennes, 2002, p. 73. 191 Alain Girard « Le VAL s'invite au conseil municipal. Edmond Hervé : ferme sur toute la ligne », Ouest- France, 13-5-92, p. 23.

94 dans une logique d’alliance subordonnée vis-à-vis du PS. De plus, la désaffection croissante de la population pour le parti socialiste, empêtré dans les affaires et affaibli par l’usure du pouvoir, faisait miroiter aux Verts un avenir radieux : ils pourraient incarner l’axe d’un nouveau pôle progressiste, alternatif aux droites. Cette perspective était présente à l’échelle nationale, mais d’autant plus à l’échelle locale : Edmond Hervé allait bientôt être impliqué dans le scandale du sang contaminé, tandis que les vicissitudes du VAL et la détermination, parfois perçue comme un acharnement, de la municipalité sur le projet, plaçaient Rennes-Verte en position favorable. Yves Cochet considérait que le PS mais aussi le PCF étaient voués à s’effondrer. En 1995, les écologistes, Yves Cochet en tête, allaient pouvoir briguer la Mairie, en dépassant les sortants au premier tour et en comptant sur un soutien de leur part au second tour, contre la liste de droite. Quant à Génération écologie, ses très bons résultats des régionales lui permettaient d’espérer peser davantage sur les politiques municipales à l’avenir. Loin de vouloir concurrencer la majorité actuelle, il s’agissait de devenir incontournable dans les négociations pré-électorales et d’exercer des responsabilités après 1995.

2- 1993, mauvais présage pour Edmond Hervé ?

Après le coup de tonnerre de 1992, 1993 représenta le creux de la vague pour le PS, tant au niveau national qu’à l’échelle locale. À Rennes, l’échec d’Edmond Hervé à conserver son siège de député (conquis en 1981) s’ajouta aux graves mésaventures du VAL évoquées plus haut.

a- Élections législatives : hécatombe pour les socialistes Avec moins de 18% des voix au premier tour dans tout le pays, le PS réalisa le 21 mars 1993 son pire score depuis le Congrès d’Épinay en 1971192. Au second tour, les droites (RPR, UDF et FN, principalement) dépassèrent 60% des voix. Le parti socialiste perdit 218 de ses 275 sièges de l’Assemblée nationale sortante. La fin de l’ère Mitterrand semblait ouvrir la voie à de longues années d’hégémonies des droites en France. La focalisation grandissante des acteurs politiques et des médias sur la concurrence entre Édouard Balladur (nouveau Premier ministre, RPR), et Jacques Chirac (candidat présidentiel déclaré du RPR), témoignait de l’extrême marginalisation des gauches. L’élection présidentielle de 1995 se jouerait à droite, et les élections municipales de la même année seraient sans doute emportées par cette dynamique.

192 Jean-Yves Boulic « Une défaite morale », Ouest-France, 22-3-93, p. 1.

95 À Rennes, l’inquiétude d’Edmond Hervé était redoublée du fait de sa large défaite face à Yvon Jacob, le candidat du RPR : le socialiste ne recueillit que 45% des suffrages, contre 55% à son challenger, lequel était parvenu à rallier la moitié des voix s’étant portées sur Yves Cochet au premier tour. Certes, il s’agissait de la seule véritable défaite du PS à Rennes : les larges victoires des sortants du CDS, Pierre Méhaignerie (Rennes-est-Vitré) et Yves Fréville (Rennes-Monfort) étaient attendues ; d’autre part, Jean-Michel Boucheron conservait -de justesse- Rennes-Sud. Mais le vote des habitants de la ville de Rennes donnait la majorité aux droites (50,4%)193. Le tremblement de terre de 1993 connut une réplique lors des élections cantonales de 1994. Malgré un score globalement rassurant, notamment à Rennes, le PS subit une défaite douloureusement symbolique : Jean-Michel Boucheron perdit son siège de conseiller général (conquis en 1976 contre le maire de Rennes à l’époque, Henri Fréville), dans le canton Rennes-Nord-Est, en particulier du fait de la faible mobilisation des électeurs du quartier populaire de Maurepas. De plus, son vainqueur était Régine Brissot, du Comité pour un référendum sur le VAL ; elle avait axé sa campagne sur ce dossier municipal.

b- Vers un camp progressiste face aux droites en 1995 ? La perspective d’une défaite possible en 1995 poussa le PS rennais à envisager un rapprochement avec les écologistes. Dès le 30 mars 1993, soit deux jours après sa défaite, Edmond Hervé donna une conférence de presse à la Mairie, annonçant qu’il serait bien candidat à sa propre succession en 1995. Il s’agissait de se débarrasser le plus vite possible du statut de vaincu pour endosser le costume du conquérant. Soucieux tout de même de montrer sa capacité d’écoute, il plaida pour un grand « rassemblement » des « forces de progrès », unissant socialistes, communistes, radicaux, régionalistes, écologistes, contre « la droite »194. Yves Cochet réagit publiquement dès le lendemain, au nom de Rennes-Verte : il n’était pas question de se laisser « englober » dans ce grand rassemblement, lequel résultait selon lui d’une vision « manichéenne »195. Cependant, les socialistes rennais insistèrent. Dans les semaines qui suivirent les législatives, Edmond Hervé tint à rencontrer Yves Cochet pour aborder la question d’une liste commune en 1995. Parallèlement, Jean-Michel Boucheron fit de même196 : il envisageait de

193 François Danchaud, Alain Girard « La droite majoritaire à Rennes », Ouest-France, 30-3-93, p. 14. 194 François Danchaud « Edmond Hervé reprend les rênes », Ouest-France, 31-3-93, p. 23. 195 « Les Verts voient rouge », Ouest-France, 1-4-93, p. 19. 196 Entretien avec Annaïg Hache.

96 remplacer Edmond Hervé comme tête de liste, étant donnée la fragilisation de ce dernier. Cela lui aurait été facile : fabiusien, il contrôlait la section rennaise et disposait de lieutenants à des postes clé (Yves Préault, trésorier local, et l’adjoint aux finances, Marcel Rogemont)197. De plus, il était prêt à abandonner le VAL, dont le coût politique lui semblait trop élevé. Toutefois, la détermination du maire comme le désintérêt du député de Rennes-Sud pour la politique locale, permirent à Edmond Hervé de conserver son autorité. En juin 1994, les adhérents socialistes rennais lui renouvelèrent leur confiance pour mener la liste socialiste en 1995. Lui et Yves Préault mèneraient donc les discussions avec les Verts.

III. L’accord impossible ? Vers la confrontation PS-Verts (1994-1995)

Les rencontres ultérieures entre les socialistes rennais et les représentants de Rennes-Verte sonnèrent le glas d’un éventuel rapprochement, en tout cas pour le premier tour des municipales.

A. Stratégies inconciliables et focalisation réciproque sur le VAL

Un accord entre Rennes-Verte et le PS ne pouvait avoir lieu avant que le rapport de forces ait été sanctionné par le verdict des urnes : en effet, les exigences politiques mais aussi les stratégies des deux formations étaient trop différentes pour permettre un compromis. Comme en 1977, 1983 et 1989, Edmond Hervé voulait éviter d’avoir à conduire des négociations entre les deux tours des élections municipales. Sa future majorité devait être constituée dès le premier tour, afin de présenter aux électeurs un programme construit de manière cohérente, et suscitant une plus forte discipline parmi les membres de l’équipe. Il était en effet hors de question de se plier aux exigences d’Yves Cochet après s’être mesuré à lui au premier tour. Si les Verts refusaient de se rallier à Edmond Hervé dès le départ, aucun accord ne serait possible. Par ailleurs, les socialistes signifièrent à Yves Cochet que les négociations ne pouvaient en aucun cas mettre en cause le VAL : selon leur expression, ce dossier devait être « neutralisé », en d’autres termes, il devait faire l’objet d’un consensus198. Edmond Hervé était en revanche prêt à faire des concessions sur des questions comme la mise en place de

197 Entretien avec François Danchaud. 198 Entretiens avec Annaïg Hache et Gaël Lagadec.

97 véritables pistes cyclables, le traitement des déchets, la vie des quartiers ou encore la politique de l’emploi. Chez Rennes-Verte, les positions étaient diamétralement opposées. D’une part, il y aurait une liste de Rennes-Verte au premier tour. Outre le fait que cela était une consigne nationale du parti Vert, la liste autonome constituait un consensus chez les militants rennais. L’originalité de l’écologie politique méritait qu’elle se présente devant les électeurs afin de légitimer son éventuelle présence aux responsabilités. Quant à l’accord au second tour, il n’était envisagé qu’avec le PS199, mais l’enthousiasme était inégal. Certains militants, comme Annaïg Hache et Gaël Lagadec, accordaient une grande importance à l’accès aux responsabilités ; un accord dans de bonnes conditions avec le PS était donc leur objectif principal, permettant de mettre en œuvre une écologie à vocation réformiste. D’autres, tout en espérant arriver en tête au premier tour devant le PS, mettaient l’accent sur la construction d’une alternative à long terme contre la majorité sortante. Ainsi d’Yves Cochet, Nicole et Lars Kiil-Nielsen, pour lesquels un accord avec les socialistes ne serait qu’un moindre mal. Quant au VAL, les Verts étaient unanimes à lui préférer le tramway. Cependant, une divergence se fit jour sur l’importance à accorder à cette position. Par réalisme, certains considéraient que la détermination d’Edmond Hervé était inébranlable, et que le rapport de forces qui s’ensuivrait se solderait par la victoire du PS (ou pire, de la liste de droite), sans les Verts, trop faibles pour s’imposer. Il fallait donc accepter la « neutralisation » proposée par le PS et négocier sur d’autres sujets importants. Cette position était défendue par Gaël Lagadec, mais trouvait un écho certain chez une bonne partie des adhérents. Cette proposition fut soumise au vote lors d’une assemblée générale, et repoussée à une voix près seulement. Le désaccord sur le VAL poussait donc Verts et PS à s’engager dans un rapport de forces électoral. Selon toute évidence, deux issues étaient imaginables pour le soir du premier tour : il en sortirait soit une victoire de l’un des deux camps, soit une triangulaire. Surtout dans le second cas, la liste de droite semblait en mesure de tirer son épingle du jeu.

199 Excepté par Gaël Lagadec qui estimait que les Verts ne devaient pas exclure par principe la collaboration avec le CDS. Cependant, lui aussi considérait le PS comme l’interlocuteur principal à Rennes (entretien). Voir le débat de l’AG de décembre 1993, traité dans le chapitre 4.

98 B. Retour à l’ostracisme : le PS en guerre contre les Verts (1995)

Une fois qu’il fut clair que les Verts n’accepteraient pas de passer sous ses fourches caudines, Edmond Hervé décida de se lancer dans la campagne municipale en affichant sa volonté d’ouverture et d’écoute, afin de désamorcer l’alternative que présentait Yves Cochet. Les élections municipales furent fixées par le gouvernement au mois de juin 1995, afin de ne pas recouper le scrutin présidentiel ; ceci entraîna une période de pré-campagne particulièrement longue.

1- Des écologistes pro-VAL avec le PS

Tout d’abord, le danger de voir Rennes-Verte dépasser la majorité sortante au premier tour s’éloigna considérablement. En effet, lors des élections cantonales de 1994, les candidats Verts à Rennes virent leurs résultats revenir à leur niveau de 1988, avant leur percée de 1989. Loin du maintien au second tour200, pourtant espéré, aucun ne franchit même les 10% : Yves Cochet recueillit 8,5% des voix à Rennes-nord-est, Joël Morfoisse 8,2% à Bréquigny, et Yuleska Lifschutz 7,4% à Rennes-sud-ouest. Selon le PS, il s’agissait d’un retour à la normale pour Rennes-Verte, après les scores jugés exceptionnels de 1989-1992. Ces élections cantonales étaient riches d’enseignements pour le PS à Rennes : les candidats de Génération écologie, présents dans les deux cantons rennais délaissés par les Verts, avaient obtenu des scores proches : Dominique Boullier 5,8% à Rennes-nord-ouest, et Paul Renaud 6,8% à Rennes-centre-sud. De plus, les deux candidats du Mouvement Rouge- et-Vert, Jean-Yves Desdoigts et Gérard Hamon, avaient obtenu plus de 3% à Rennes-nord- ouest et Rennes-sud-ouest. Cette audience accordée aux écologistes non-Verts était de bon augure : une telle performance pour GE lors d’un scrutin proprement rennais était inédite. D’autre part, GE comme le Mouvement Rouge-et-Vert étaient favorables au VAL : les seules réserves qu’avaient exprimées les amis de Brice Lalonde portaient sur l’incomplétude du dossier et le manque de concertation. Leur présence sur la liste d’Edmond Hervé était donc tout à fait envisageable. Dominique Boullier et Pascale Loget proposèrent leur collaboration au maire, qui l’accepta avec joie, tandis que les négociations s’ouvraient avec les Rouges-et- Verts. Le maire pouvait affirmer aux rennais : « les écologistes actifs nous ont rejoint » (document de campagne, plus bas).

200 Aux élections cantonales, le maintien nécessite un score équivalent à 10% des inscrits. Cela correspond par exemple à environ 17% des suffrages exprimés pour une participation de 60%.

99 2- E. Hervé à l’offensive : retour sur le terrain et ouverture tous azimuts contre les droites201

Pour l’équipe d’Edmond Hervé, il s’agissait pendant la campagne électorale de démontrer le souci de la municipalité pour l’écoute, le pluralisme et la concertation. Il fallait en quelque sorte inverser les rôles entre le maire et les Verts, lesquels semblaient s’acharner gratuitement sur le PS, comme Edmond Hervé l’avait fait avec le VAL. Cela se traduisit par un virage stratégique serré de la part de la municipalité, du moins dans le domaine de la communication. Plusieurs cabinets d’études (l’agence locale TMO en 1992, Euro-RSCG en 1993), furent sollicités afin de proposer des outils pouvant surmonter les difficultés que connaissait la municipalité. La rhétorique modernisatrice de 1989, qui allait de pair avec l’affichage de l’hégémonie du parti socialiste à gauche, fut abandonnée, au profit de la communication centrée autour de la préoccupation du bien-être social, de l’emploi et de la solidarité. Le slogan de la campagne de 1989 était « Rennes gagne » ; en 1995, Edmond Hervé opta pour « Rennes solidaire et citoyenne », plus sobre, et mettant l’accent sur le clivage droite-gauche (voir le document de campagne plus bas). Ce dernier élément était d’autant plus d’actualité que, le PS étant dans l’opposition au niveau national, il pouvait espérer bénéficier du mécontentement à l’encontre du gouvernement Balladur, en particulier dans les classes populaires. Pour ce faire, le groupe socialiste décida de s’octroyer une page d’expression libre dans le Rennais, au même titre que les groupes d’opposition. Les articles y étant imprimés, inspirés de textes nationaux du parti, avaient pour objet principal la politique menée par Édouard Balladur. Sur le plan proprement local, la transformation du problème posé par le VAL fit l’objet d’un effort considérable. Jusqu’ici il avait été présenté et perçu comme un projet très ambitieux, visionnaire voire pharaonique ; il s’agissait dorénavant d’en faire un élément d’intégration sociale, de ré-appropriation de la ville par ses habitants. L’association VAL-bus- train, lancée par des sympathisants de la municipalité (et un conseiller municipal, cheminot, Alain Géraud), défendit le projet de métro en mettant l’accent sur le réseau complet de transports en commun au service de tous les quartiers. Enfin, la campagne électorale proprement dite démontra la détermination du maire sortant à mobiliser tous ses soutiens potentiels.

201 Les ressorts de la campagne électorale sont exposés dans l’article éclairant d’Antoine Vion « Retour sur le terrain. La préparation des élections municipales de 1995 par l’équipe d’Edmond Hervé, maire de Rennes », dans Sociétés contemporaines, L’Harmattan, n° 24, décembre 1995.

100 La première composante de cette stratégie était l’ouverture : contrairement à 1989, qui avait donné lieu à des négociations difficiles avec le PCF et le rejet des demandes des Rouges-et-Verts, cette fois-ci le PS démontra sa bonne volonté. Les communistes obtinrent le nombre de sièges éligibles qu’ils demandaient, ainsi que la promesse d’adjoints. Les anciens juquinistes se virent attribuer quant à eux les trois places exigées en 1989 ; par ailleurs, la rédaction de la partie du programme portant sur la démocratie locale et la citoyenneté leur était confiée. Quant aux radicaux et à l’UDB, les accords en vigueur furent reconduits. Le deuxième versant de la campagne se basa sur la concertation : vingt-mille questionnaires furent envoyés en janvier 1995 à des électeurs de Rennes, leur demandant leur avis sur certaines propositions202. Le PCF lui-même lança une procédure de consultation203. En parallèle, se tinrent de nombreuses réunions avec les responsables associatifs de la ville (notamment de l’Office social et culturel rennais -OSCR- et de la Maison de la consommation et de l’environnement, organisations toutes deux courtisées par les Verts). L’organisation de plusieurs rassemblements des soutiens d’Edmond Hervé, permit de faire passer le message selon lequel le maire avait l’estime de ses concitoyens – et ce malgré les difficultés auxquelles il faisait alors face, notamment sa mise en cause dans le scandale du sang contaminé. En somme, la campagne municipale de la majorité en 1995 se distingua de celle de 1989 par la « multiplication des stimuli »204 adressés aux électeurs potentiels : invitations privées aux réunions, envoi d’un questionnaire, envois de tracts, étaient des nouveautés devant permettre à la majorité de surmonter l’adversité. Enfin, la campagne présidentielle (en particulier la tenue à Rennes d’un meeting important de Lionel Jospin, en mars) fut l’occasion de galvaniser davantage les troupes. La bonne surprise des résultats nationaux du candidat socialiste (en tête au premier tour, le 23 avril, avec 23% des suffrages, plus de 47% au second tour, le 7 mai), mais surtout ses résultats à Rennes (33% au premier tour, 57% au second), permettaient à la coalition sortante d’être très optimiste quant à l’issue du scrutin de juin.

202 Jacques Pasquet « Edmond Hervé va consulter les Rennais », Ouest-France, 28/29-1-95. 203 François Danchaud « Municipales : le PC consulte », 17-3-95, p. 18. 204 Vion op. cit., p. 117.

101

-Document de campagne d’Edmond Hervé, élections municipales de 1995-

102 Conclusion du chapitre III

À Rennes, la relation entre Verts et PS était marquée par une hostilité réciproque. Tant sur le plan stratégique (lors des élections) que sur le plan politique (recherche de consensus sur certaines politiques municipales), les deux formations politiques affirmaient leur volonté d’autonomie et le refus d’entrer dans une relation de dépendance, voire de subordination, avec l’autre. En l’absence d’un règlement à l’amiable, les élections de 1995 devaient trancher le conflit, au moins pour le mandat municipal à venir. Pour Edmond Hervé, il fallait obtenir la majorité tout en reléguant les Verts dans l’opposition, voire hors du conseil municipal. Pour les Verts, il s’agissait de forcer la majorité sortante à ménager une place de choix à ses candidats et à son programme, à l’issue du premier tour. Il faut maintenant examiner précisément les conditions dans lesquelles les Verts se présentent aux élections de 1995 (présidentielle et municipales). Plutôt que d’expliquer les causes de l'échec que constituèrent ces deux scrutins, il s’agit de comprendre les tendances structurelles de leur évolution interne dans la première moitié des années 1990, et les germes de l’évolution ultérieure des Verts et de Rennes-Verte.

103 Chapitre IV- Les Verts au milieu des années 1990 : entre crises et redécoupage des frontières de l'écologie politique

L’année 1995 représenta la fin d’un cycle électoral, à Rennes et dans le pays. En France, la campagne et les résultats du scrutin présidentiel furent, en partie, le produit de l’évolution des Verts dans les années précédentes ; dans la ville, les élections municipales sanctionnèrent la stratégie de Rennes-Verte développée pendant le mandat s’achevant. Inversement, 1995 fut un point de départ : les résultats électoraux, mais aussi la nouvelle configuration partisane de l’écologie, et les alliances, allaient déterminer le devenir des Verts, en France et à Rennes. Dans ce chapitre, il s’agit de présenter en détail l’évolution interne des Verts, en particulier la mise en minorité d’Antoine Waechter et l’ouverture à gauche du parti ; les ressorts conjoncturels de la défaite de la liste de Rennes-Verte aux élections municipales de 1995 ; et enfin, ce que celle-ci préfigurait en termes de recomposition de l’écologie politique rennaise.

I. Les Verts : ruptures nationales et évolutions locales (1989-1995)

La victoire de la motion d’Antoine Waechter en 1986 (68%) avait inauguré une longue période de stabilité à la tête des Verts. Au fil des Assemblées générales annuelles, les amis de l’écologiste alsacien continuaient de recueillir la majorité des suffrages des adhérents, tandis que la minorité, favorable à la mise en place de partenariats avec les gauches, restait représentée au sein du quadruple porte-parolat. Le succès électoral du début des années 1990 allait pourtant être conduire à l’exacerbation des antagonismes entre courants, et à un changement radical de majorité et d’orientation stratégique205.

205 L’imbroglio des courants et des personnalités au sein des Verts au début des années 1990, est retracé par Yves Frémion dans son ouvrage-témoignage Histoire de la révolution écologiste, Hoëbeke, 2007, p. 171-231.

104 A. Des waechtériens à Verts au pluriel : la fin d’une ambiguïté

La nouvelle majorité qui se dessina à partir de 1992, autour du courant Verts au pluriel, trouvait en partie sa source dans l’impasse politique et stratégique que représentait Antoine Waechter.

1- Le départ des waechtériens, effritement d’une majorité transitoire chez les Verts

Antoine Waechter avait renversé les cochétistes en coupant court à des initiatives jugées dangereuses pour l’écologie politique, notamment l’ouverture vers la gauche alternative ou le PS. Avec lui au contraire, les Verts revenaient à leur fondamentaux : la défense de la nature, de l’environnement et du bien-être. Message simple qui soulignait l’originalité de l’écologie politique auprès de l’électorat, surtout dans une période marquée par la médiatisation de nombreuses catastrophes industrielles comme l’explosion de l’usine de Bhopal en Inde en 1984, l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986 et les mensonges d’État(s) qui s’ensuivirent, mais aussi l’apparition plus globale du thème de l’impact de l’homme sur son environnement, en particulier via les gaz à effet de serre206. De plus, avec la conversion du PS au libéralisme, et la troisième alternance politique en sept ans en 1988, les forces politiques traditionnelles étaient en perte de vitesse. Tout comme le Front national, les Verts en tirèrent rapidement les bénéfices. Antoine Waechter, à la tête de la liste Europe-Écologie pour les élections européennes de 1989, recueillit 10,5% des suffrages (et neuf élus au Parlement européen) ; la lune de miel électorale se poursuivit jusqu’en 1992, partagée alors avec GE. Pendant cette période, les Verts doublèrent en nombre, passant à 5000 adhérents. Pas toujours des tenants de la ligne waechtérienne, ces nouveaux venus étaient néanmoins enthousiasmés par l’émergence d’un mouvement écologiste résolument indépendant, plus respectueux des fondamentaux (démocratie interne, nucléaire) que son jeune concurrent, Génération écologie. Le leader vert était entouré d’une équipe fidèle et unie, qui lui garantissait une stabilité certaine à l’intérieur du mouvement : Christian Brodhag, Solange Fernex, François Berthout notamment. Cependant, le poids des waechtériens commença à s’éroder dès 1989, lors de l’assemblée générale de Marseille : leur motion n’obtint plus que 55% des suffrages, face à

206 En 1989, « the man of the year » (l’homme de l’année) désigné par le magazine états-unien Time était… la Terre.

105 une myriade de courants minoritaires (Yves Cochet et Jean Brière recueillant 10% des voix seulement). L’exigence absolue d’autonomie, qui avait permis, jusque-là, la lisibilité du message écologiste, causa bientôt à son tour une confusion fortement dommageable aux Verts, et au courant majoritaire en interne. En effet, les waechtériens refusèrent à plusieurs reprises (au sein des Verts, mais aussi au Parlement européen) de voter des motions hostiles au Front national (par exemple, le désistement au second tour en cas de risque d’élection d’un candidat de ce parti). Pour Antoine Waechter, il s’agissait de ne pas rentrer dans le jeu du « tous pourris », cheval de bataille de Jean-Marie Le Pen. Pourtant cohérente, cette posture fut l’occasion pour les détracteurs de l’écologie de dénoncer à nouveau cette idéologie décidément ambiguë dans ses relations avec les réactionnaires. Le rapprochement avec les gauches défendu par les courants minoritaires commençait à faire figure d’une clarification potentiellement salutaire. Cependant, la nécessité d’un virage stratégique devint plus urgente après les élections régionales de 1992. Souvent indispensables pour garantir la stabilité des exécutifs des conseils régionaux, les Verts furent obligés, localement, de sortir du ni-droite ni-gauche. Apportant parfois un soutien chèrement payé aux nombreuses majorités relatives de droite, il apparut aux Verts que les alliances avec le PS se faisaient tout de même avec moins de réticences (dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple). En Languedoc-Roussillon, le soutien des élus Verts à Jacques Blanc (UDF) fut condamné presque unanimement dans le parti. Dans de nombreuses régions, les Verts renforcèrent leur hostilité aux droites en assistant aux reniements opérés par de nombreux élus de Génération écologie, notamment en Bretagne. Les soutiens d’Antoine Waechter se divisèrent en fonction de leurs propres orientations stratégiques. Certains, très attachés à l’indépendance des Verts, et donc pas opposés à des alliances ponctuelles avec les droites, revendiquèrent l’appellation de « Khmers Verts », présentant des motions aux assemblées générales. D’autres proches d’Antoine Waechter, comme Solange Fernex, décidèrent également de s’éloigner de leur ami, car celui-ci s’accommodait de moins en moins bien du fonctionnement démocratique et collégial de son parti, et souhaitait le rationaliser à son avantage.

2- De l’impuissance cochétiste à l’offensive voynétiste : le changement de majorité

Après 1986, Yves Cochet perdit vite le statut de leader de l’opposition interne à Antoine Waechter. Autour du bloc majoritaire, les tendances alternatives se multiplièrent, par exemple

106 le rassemblement « Fil Vert ». Parfois surnommé « le Rocard Vert » du fait de son manque d’inspiration stratégique, Yves Cochet représentait pour les adhérents, en particulier les nouveaux venus, une figure historique plus qu’un leader en herbe. En 1991 se structura le courant Verts au Pluriel, initié par certains élus européens 207 comme Yves Frémion, Renée Conan, Gérard Onesta, Bruno Boissière et surtout Dominique Voynet. Favorables à une orientation à gauche, ils agrégèrent peu à peu une grande partie des courants alternatifs aux waechtériens, enregistrant le ralliement de Marie-Christine Blandin, Jean Dessessard (Fil Vert), Dominique Plancke, mais aussi Yves Cochet, d’abord réticent à reconnaître le déclin de son leadership personnel. Certains amis d’Antoine Waechter comme Marie-Anne Isler-Béguin, puis Andrée Buchmann, les rejoignirent également. Très vite, ce courant bénéficia de la volonté de beaucoup de militants Verts de mettre fin à l’ère Waechter. Il fallait mettre fin au ni-ni, à une autonomie à tout prix, qui était allée de pair avec un électoralisme délaissant certaines revendications fondamentales comme les droits des immigrés, par exemple. De nombreuses adhésions se réalisèrent dans cette période, les nouveaux venus étant souvent des compagnons de route depuis plusieurs années, mais qui voulaient aider les Verts au pluriel à sortir les Verts de l’ornière. À Rennes, Annaïg Hache, Nicole et Lars Kiil-Nielsen franchirent le pas en 1991-1992. Même en Ille-et-Vilaine, l’anti- waechtérisme n’était pas cochétiste, mais le résultat d’un sentiment d’urgence qui devint rapidement majoritaire. L’assemblée générale de Strasbourg, en 1992, vit les Verts au pluriel atteindre les 30%, obtenant deux des quatre postes de porte-parole (Dominique Voynet et Didier Anger). Antoine Waechter, avec 49%, avait perdu la majorité absolue, pour la première fois depuis 1986. Le basculement définitif s’opéra lors de l’assemblée générale de Lille, en novembre 1993 : la motion de synthèse présentée par Dominique Voynet remporta 62% des suffrages. Les Khmers Verts avaient auparavant quitté le parti, réduisant le courant waechtérien à la portion congrue. Antoine Waechter, de plus en plus minoritaire parmi la base des militants mais disposant du soutien d’un grand nombre d’élus locaux, décida de quitter les Verts en septembre 1994 , créant aussitôt le Mouvement des écologistes indépendants (MEI) qui s’empressa d’abandonner les modes de fonctionnement d’inspiration libertaire conservés par les Verts. Le MEI était un parti centralisé, dirigé par un président, et acceptait les financements provenant des entreprises.

207 Les Verts avaient conquis 9 sièges, mais la pratique du tourniquet (démission des titulaires à mi-mandat) portait le nombre de « co-députés » à 17 - une des élus non-verte ne participant pas à cette exigence du parti.

107 Le revirement stratégique des Verts, que la presse interpréta comme un simple basculement à gauche, faisait en fait figure de purge. La saignée effectuée par le parti (avec la participation active des partants) permettait une remise en ordre mais s’accompagnait d’un affaiblissement notable en termes de personnel (élus, cadres, adhérents) et d’image.

B. Les Verts vers un pôle écologiste de gauche

Malgré la mise en minorité de Waechter en novembre 1993, 1994 fut une année de flottement pour les Verts. En effet, les orientations tactiques précises du parti n’étaient pas encore arrêtées, dans un contexte relativement flou quant à l’évolution des autres formations écologistes.

1- Les Assises de la transformation sociale : les fiançailles de l’écologie ?

À partir de 1993, les gauches étant reléguées à l’opposition, elles devinrent l’interlocuteur privilégié des Verts. Au PS, Jean-Christophe Cambadélis, appuyé par certains rocardiens, proposa l’organisation d’ « Assises de la Gauche » afin de favoriser une recomposition des alliances du PS, indispensable à une éventuelle alternance. Certains Verts acceptèrent d’y participer, mais à titre individuel et à condition que cette série de rencontres, organisée dans plusieurs villes tout au long de l’année 1994, s’appelât plutôt « Assises de la transformation sociale »208. Malgré l’enthousiasme d’Yves Cochet qui souhaitait se rapprocher du PS depuis des années, les Verts ne perdirent pas une occasion de proclamer leur différence. Dominique Voynet dénonça ainsi « le gang des R25 »209. Pour elle, comme pour la majorité des Verts, un accord avec le PS n’était pas d’actualité. Il fallait mettre l’écologie au centre de toute stratégie de rassemblement. Ce fut le cas avec l’organisation de la Convention de l’écologie politique et sociale, en septembre 1994. Cette initiative rassembla essentiellement les écologistes proches de la gauche alternative : les Verts et l’AREV.

2- Éclatements et cure d’amaigrissement : de nouvelles de bases pour l’écologie politique

208 « Nous récusons toute tentative de renaissance d’un bloc de gauche », déclara Yves Cochet. Ouest-France, 8/9-1-94, p. 5. 209 La Renault 25 était à l’époque une berline à la mode chez les (anciens) ministres. Roland Godefroy « Rassembler à gauche : un long combat », Ouest-France, 7-2-94, p. 4.

108 L’évolution centripète de l’écologie politique dans son ensemble allait à l’encontre d’un rassemblement de toutes ses formations. Génération écologie confirma en 1994 sa dérive à droite, mouvement inverse de celui des Verts. Brice Lalonde continuait, au moins verbalement, à plaider pour l’union des écologistes, mais celle-ci devait selon lui s’opérer sous sa bannière. Quant aux waechtériens, l’accent mis sur les questions sociales par les Verts obérait toute possibilité de réconciliation. Enfin, les dissidents de Génération écologie, CES en tête, optèrent pour participer à la refondation du réformisme de gauche (avec le MRG puis le PS) plutôt qu’à l’union de l’écologie. En 1994, il était possible de distinguer trois trajectoires divergentes au sein de la grande famille de l’écologie politique. D’abord la marginalisation, à droite, des deux leaders historiques Antoine Waechter et Brice Lalonde, ainsi que leurs centaines de fidèles respectifs. Tous deux voulurent témoigner de leur existence à l’élection présidentielle mais échouèrent à réunir les cinq-cents parrainages d’élus nécessaires à toute candidature. Ensuite, au centre- gauche, CES, héritier principal des adhérents de GE, choisit de représenter l’écologie au sein de la gauche réformiste – au sein de la liste Tapie aux européennes, puis parmi les soutiens de Jacques Delors et enfin de Lionel Jospin. Finalement, à gauche, les Verts tentaient d’incarner l’axe d’un rassemblement majoritaire au sein de l’écologie, en s’associant à l’AREV mais également à certains groupes issus de Génération écologie, comme Écologie-Autrement et Écologie-Fraternité. En ce sens, la Convention de l’écologie politique et sociale, devant servir de base à la candidature présidentielle de Dominique Voynet, serait également un préalable à une fusion espérée de ces mouvements au sein des Verts.

C. 1995 : deux stratégies comparées

L’évolution stratégique des Verts à l’échelle nationale n’eut que peu d’impact à l’échelle locale, et notamment à Rennes. Ceci était dû à la structure fédérale du mouvement, d’une part, et d’autre part à la continuité stratégique de Rennes-Verte représentée par le leadership incontesté d’Yves Cochet. Les physionomies des stratégies des Verts à l’élection présidentielle et aux élections municipales de Rennes étaient donc fondamentalement différentes.

1- L’élection présidentielle : les Verts, nouvelle gauche alternative ?

Très tôt, l’élection présidentielle de 1995 fit figure d’enjeu central pour les Verts. La montée en puissance du courant Verts au pluriel s’accompagna de la mention de plus en plus

109 fréquente de la nécessité d’y présenter une femme, par souci de promotion de l’égalité entre les sexes. Manière élégante de pousser Antoine Waechter vers la sortie, c’était aussi l’occasion de montrer que l’initiative se trouvait entre les mains de la gauche du parti : Dominique Voynet, leader de Verts au pluriel, mais aussi Marie-Christine Blandin, présidente déterminée du conseil régional de Nord-Pas-de-Calais.

a- Dominique Voynet et Marie-Christine Blandin : deux figures féminines du renouveau Vert En vue à l’intérieur du mouvement, Dominique Voynet attirait également l’attention des médias. La campagne des élections législatives de 1993 lui accorda une place importante : elle hérita d’une circonscription jugée gagnable, à Dôle, où elle devança le candidat socialiste avant d’échouer face aux droites au second tour. En janvier 1993, elle avait été l’invitée remarquée de l’émission télévisée L’Heure de vérité, contribuant à crédibiliser ses prétentions électorales210. Sa jeunesse et sa franchise (« les Verts sont les héritiers des vraies valeurs de gauche », déclara-t-elle lors de l’émission) prétendaient témoigner de la mutation interne des Verts. De même, la combativité et la relative réussite de la présidente Marie-Christine Blandin, pourtant inexpérimentée selon les canons de la politique, faisaient figure d’exemple au sein des Verts. Le positionnement et l’alliance à gauche étaient visiblement compatibles avec la fidélité à l’écologie et une complète liberté de parole211. Le glissement idéologique des Verts vers l’écologie sociale suscita des soutiens de la part de nombreuses composantes des gauches non-socialistes. Ainsi Charles Fiterman, dissident communiste, soutint les Verts dès les élections européennes de 1994, en mettant l’accent sur les convergences qu’il observait sur les questions sociales mais aussi de démocratisation des institutions européennes212. Dès juin 1994, la LCR, lors de son XIe Congrès, se prononça « en faveur d’une candidature unique de la gauche critique et d’une partie des écologistes »213, estimant que Dominique Voynet pourrait aller jusqu’à obtenir le soutien de Lutte Ouvrière et des refondateurs communistes. Enfin, l’AREV déclara en juillet son soutien à Marie-Christine Blandin ou Dominique Voynet.

b- La Convention : l’échec de l’ambition rassembleuse des Verts

210 Jean-Yves Boulic « Dominique Voynet : l’ambition avouée », Ouest-France, 4-1-93, p. 3. 211 Le 11 novembre 1992, Marie-Christine Blandin qualifia la Première Guerre Mondiale d’ « infâme boucherie », ce qui ne lui valut pas que des compliments parmi ses partenaires au conseil régional. 212 « Fiterman roule pour les Verts », Ouest-France, 10-6-94, p. 2. 213 « Krivine pour un candidat de la gauche critique », Ouest-France, 20-6-94, p. 2.

110 La tenue de la Convention de l’écologie politique et sociale, en septembre 1994, réunit les Verts et l’AREV, ainsi que certains dissidents de GE, mais aussi la Convention pour une alternative progressiste (CAP) réunissant notamment certains trotskistes (Christian Piquet) et dissidents communistes (Charles Fiterman, Jack Ralite). D’autres formations non-écologistes, telles la LCR ou Alternative Démocratie Socialisme (ADS) participèrent à la Convention sans apporter un soutien formel à la Verte 214 . Les autres écologistes dénonçaient la logique « gauchiste » des Verts : les waechtériens venaient de faire scission, CES (rejoint en octobre par Andrée Buchmann) soutenait la candidature de Jacques Delors, et AED refusa de participer à un rassemblement de la gauche alternative. Dominique Voynet fut désignée candidate par 78% des participants, et réussit à recueillir les 500 parrainages nécessaires sans difficulté. Chez la plupart des participants écologistes à la Convention, une fusion prochaine des mouvements en question était souhaitable, et les préparatifs de l’élection présidentielle devaient y œuvrer. Cependant, le mauvais chiffre (3,3%) obtenu lors du premier tour, le 23 avril 1995, nuisit à cette dynamique. Le score de Dominique Voynet était en effet en deçà de ceux de Brice Lalonde en 1981 et Antoine Waechter en 1988, malgré un rassemblement beaucoup plus large. Elle avait certes souffert du succès de Lionel Jospin (en tête avec 23,3%) mais les autres candidats de gauche la devançaient largement également : Arlette Laguiller (Lutte ouvrière, LO) recueillait 5,3% et Robert Hue (PCF) 8,6%. Pendant l’entre-deux-tours, les Verts refusèrent d’appeler à voter pour Lionel Jospin, mais exprimèrent clairement dans la presse leur préférence pour le candidat socialiste. Dominique Voynet déclara : « entre Chirac et Jospin, il n’y a pas photo » 215 . L’enjeu n’était pas fondamental (au contraire de 1974) puisque cette fois-ci, le positionnement politique des Verts ne faisait aucun doute, et l’issue du second tour était prévisible. Jacques Chirac l’emporta d’ailleurs haut la main au second tour, mais Lionel Jospin (47,34%) avait réhabilité le PS comme pilier des gauches.

2- À Rennes, une liste Verte et ouverte ?

Rennes-Verte ne procéda pas à un revirement stratégique comparable à celui des Verts à l’échelle nationale. Yves Cochet avait déjà ancré le mouvement dans une perspective d’alternative progressiste à l’Union de la gauche. La présentation d’une liste autonome avec

214 La LCR lui avait apporté son soutien mais Dominique Voynet le refusa, « compte-tenu des divergences sur les pratiques et les programmes ». Ouest-France, 10-10-94, p. 2. 215 « Les Verts préfèrent Jospin », Ouest-France, 2-5-95, p. 2.

111 un contenu programmatique la situant à gauche, bien que cette étiquette n’ait pas été revendiquée, se situait dans la continuité des campagnes de 1983 et 1989. Les élections de 1995 ne pourraient être un succès qu’en misant sur des thèmes locaux, en particulier le tramway, sur lesquels Rennes-Verte avait construit sa crédibilité. L’alignement sur les Verts, en nette régression au niveau national depuis les élections européennes, aurait été totalement contre-productif. La liste de Rennes-Verte répondit cependant aux orientations définies par la direction du parti : notamment, le label « Écologie-solidarité » lui fut attribué, comme à toutes les listes Vertes autonomes216. Devant témoigner de la défense de l’« écologie sociale » par les Verts, cette mesure allait de pair avec l’encouragement à l’alliance avec les forces politiques soutenant Dominique Voynet à l’élection présidentielle : AREV, dissidences de GE, voire composantes de la gauche alternative non-écologiste. Les traditionnelles listes « Vertes et ouvertes », devaient dorénavant l’être dans une direction bien précise : à gauche, et non plus exclusivement vers le secteur environnementaliste ou associatif. Rennes-Verte mit en exergue cette logique d’ouverture, en octobre 1994, dès la période de pré-campagne, et avant la composition de la liste et l’élaboration formelle du projet217. La démarche définie par le groupe définissait sept étapes pour les préparatifs des élections municipales. Un « groupe de pilotage » devait être constitué (1) ; il devait élaborer « une plate-forme servant de base de négociation avec les partenaires potentiels » (2). À la suite de ces négociations (3), lesdits partenaires seraient intégrés au groupe de pilotage (4). L’élaboration d’une « charte municipale » puis d’un « programme » (5) serait alors le préalable à la constitution des listes (6). Enfin, il fallait prévoir une « négociation éventuelle avec d’autres listes en vue du deuxième tour » (7)218. Le groupe de pilotage initial fut constitué dès le mois d’octobre 1994. Il rédigea une « plate-forme de rassemblement », détaillant en huit pages les orientations des Verts sur les problématiques locales. Les étapes suivantes de la stratégie de Rennes-Verte furent plus symboliques que réelles. En effet, les autres écologistes présents dans la ville n’étaient pas prêts à s’associer aux Verts : CES et les Rouges-et-Verts souhaitaient intégrer la majorité d’Edmond Hervé ; par ailleurs, l’AREV, Écologie-autrement et Écologie-fraternité étaient absents à Rennes. Les Verts ne voulaient pas non plus de s’associer au reste de la gauche alternative, la LCR notamment. Ils souhaitaient présenter une liste essentiellement écologiste,

216 Ouest-France, 21-3-95, p. 2. 217 Alain Girard « Verts : une liste autonome et ouverte », Ouest-France, 11-10-94, p. 15. 218 Lars Kiil-Nielsen, Texte d’orientation, AG de Rennes-Verte du 19-11-1994.

112 reflétant leurs propres positions et fidèle à l’image de force politique autonome bâtie depuis six ans. De plus, il n’était pas question de mettre en danger un éventuel accord avec les socialistes en s’alliant avec l’extrême gauche. En définitive, les postes d’ouverture à des non- Verts sur la liste d’Yves Cochet furent réservés à de simples « citoyens », non membres des Verts219. Suivent deux documents de campagne qui témoignent de cette autonomie de Rennes- Verte. Par conséquent, les Verts rennais ne procédèrent pas à un large rassemblement, ni au sein de l’écologie, ni avec la gauche alternative. Une partie des écologistes locaux (CES, Rouges- et-Verts) soutenait la liste du maire sortant, tandis que la LCR, après avoir envisagé de présenter sa propre liste (intitulée Écologie gauche alternative unie)220, se limita à appeler à voter « pour une des listes qui tent[ait] de s’affirmer en alternative à gauche à une politique qui a montré, des années durant, son incapacité à résoudre les grands problèmes de notre société » 221 . Or, contrairement à 1989, les Verts n’étaient pas les seuls à contester l’hégémonie électorale d’Edmond Hervé à gauche. La montée du chômage et le retour des droites au pouvoir avaient poussé certains membres de l’extrême gauche à participer au combat électoral. Les Verts ne faisaient plus figure d’alternative politique suffisante, surtout alors qu’ils semblaient délaisser les questions sociales au profit du VAL, et en envisageant ouvertement un accord avec le PS. LO présenta ainsi en mai 1995 une liste emmenée par Raymond Madec, déjà candidat en 1977 et en 1983, mais absent en 1989. Syndicaliste et infirmier à l’hôpital de Pontchaillou, le leader de LO disposait selon Ouest-France d’un « capital de sympathie à Rennes »222. Enfin, une liste « pour défendre la laïcité et les services publics », soutenue par le Parti des travailleurs (PT), fut présentée par Bernard Réty à la fin du même mois223.

219 Les non-verts constituaient plus de la moitié de la liste. Jacques Pasquet « Le programme Cochet : "vert et ouvert" », Ouest-France, 27/28-5-95, p. 17. 220 Ouest-France, 24-1-95, p. 21. 221 Ouest-France, 8-6-95, p. 20. 222 Ouest-France, 19-5-95, p. 19. 223 Ouest-France, 30-5-95, p. 17.

113

-La liste de Rennes-Verte aux élections municipales de 1995-

114

-Les premiers de liste de Rennes-Verte en 1995-

115 Dispersion à gauche, perte d’hégémonie sur l’écologie politique : en 1995 Rennes-Verte ne faisait pas office de réceptacle des aspirations écologistes et de changement à gauche. Cela peut en partie expliquer son échec du 11 juin. Les deux listes extrême gauche recueillirent à elles deux 3,4% des voix, contre 7,8% aux Verts – soit un total de 11,2% pour les gauches opposées à Edmond Hervé. Par ailleurs, il est probable que de nombreux électeurs écologistes, mais attachés au réformisme, eussent suivi CES et les Rouges-et-Verts. Mais ces facteurs structurels, liés au retour en force du clivage droite-gauche, ne suffisent pas à comprendre la défaite des Verts rennais. Certains facteurs propres à Rennes-Verte, à sa stratégie et au contexte politique rennais doivent être soulignés.

II. 1995, la bataille perdue de Rennes-Verte

Sans verser pour autant dans le déterminisme, il est possible de distinguer certains facteurs locaux qui ont, selon toute évidence, contribué aux difficultés de Rennes-Verte.

A. Rennes, laboratoire écologiste ?

Malgré leurs faiblesses, identifiables pour l’essentiel a posteriori, les Verts espéraient renforcer leurs positions à Rennes en 1995. La victoire était envisageable et, quoi qu’il arrivât, la période pré-électorale devait être l’occasion d’améliorer l’enracinement du parti dans la ville, du point de vue tant électoral que militant.

1- Le Réseau Vert, une tentative avortée d’enracinement

Les propositions de Rennes-Verte (décrites dans le chapitre III) constituaient la base programmatique d’un éventuel mandat à la tête de la municipalité. Dès leur élection au conseil municipal en 1989, l’objectif était de briguer la majorité des suffrages de rennais six ans plus tard. Par exemple, Joël Morfoisse, le président de Rennes-Verte, présenta en préalable à l’assemblée générale de janvier 1990 un texte intitulé Propositions pour un programme d’orientations et d’actions pour Rennes-Verte224. Les objectifs en étaient :

« Proposer [en 1994] un plan d’urbanisme, un plan de circulation, une politique concernant la maîtrise des énergies, la maîtrise de l’eau, la récupération des déchets (…).

224 Joël Morfoisse Propositions pour un programme d’orientations et d’actions pour Rennes-Verte, 11-12-89.

116 Le tout constituant le programme central de la liste Verte candidate aux Municipales de 95 qui [serait] axée sur la vie sociale, culturelle et économique à Rennes à l’entrée du XXIe siècle ».

Ces objectifs de fond devaient permettre de réaliser l’objectif final suivant :

« Aboutir à un consensus entre les Verts et une majorité de la population en 94-95. Ce consensus est le pari que nous faisons aujourd’hui : gagner les élections de 95 grâce à des échanges et des informations permanentes pendant 5 ans avec la population quartier par quartier. Nous gagnerons plus par l’exercice de la démocratie dans les 5 ans à venir que sur les thèmes de l’environnement qui, au niveau local, seront récupérés par le PS-PC[F] et qui sur certains points seront probablement mis en œuvre ».

Selon Joël Morfoisse, ces propositions de travail pouvaient « induire des structures mieux adaptées et contribuer au schéma d’organisation du militantisme Vert dans Rennes-Verte ». Cette complémentarité entre production programmatique et organisation partisane se concrétisa avec le vote de principe, lors de l’AG de décembre 1991, de la formation d’un « réseau vert » de militants et de sympathisants qui, initialement, devaient s’organiser par groupes selon les quartiers (et dans les communes périphériques) afin de travailler en priorité sur l’élaboration de plans d’urbanisme et de circulation. Cette structure devait « favoriser l’émergence d’une démocratie participative en permettant un engagement militant "à temps partiel" »225. Au début de l’année 1993, le réseau démarra avec la formation de groupes locaux représentés par des « correspondants » devant définir des propositions d’urbanisme pour leur quartier. Toutefois, peu à peu, il s’avéra qu’un fonctionnement par thèmes serait plus efficace que l’organisation par quartier. En 1994, des réunions thématiques avec les correspondants locaux eurent lieu, notamment sur la santé avec le militant Gaël Lagadec (médecin) et sur le budget municipal avec Annaïg Hache. Finalement, en mars 1994, ces réunions donnèrent le jour à quatre commissions thématiques226, qui remplacèrent le réseau par quartier. Celui-ci avait en effet échoué à fournir des éléments concrets pouvant être intégrés à un programme d’urbanisme. En définitive, les objectifs de production programmatique et d’enracinement militant connurent un échec relatif. La base du programme pour 1995 ne comportait pas de plan précis de circulation, ni d’urbanisme. De l’avis de tous, cela aurait demandé un travail militant hors

225 Lars Kiil-Nielsen « Le Réseau Vert », Rapport d’activité, AG du 4-12-93. 226 Ces quatre commissions portaient respectivement sur l’insertion et la solidarité, la santé, l’eau et le schéma directeur de l’agglomération. Plus tard s’ajoutèrent des groupes dédiés au vélo, à la parité entre genres et à la politique internationale. Le groupe « schéma directeur » était le plus actif car le plus sollicité par les élus afin de préparer les séances du conseil municipal.

117 du commun : rétrospectivement, le Réseau Vert semblait être une ambition démesurée227 . Quant à l’enracinement, l’émergence d’une démocratie participative et le ressourcement de Rennes-Verte dans les quartiers, il fut très partiel. Il y eut un certain renouvellement des effectifs d’adhérents, mais celui-ci fut essentiellement lié aux périodes de campagnes électorales 228 , lesquelles permettaient à la fois le recrutement de nouveaux militants et la mobilisation intense de sympathisants au militantisme épisodique.

2- Rennes-Verte : un acteur partisan isolé

En 1989, les conseillers municipaux verts annoncèrent qu’ils seraient les porte-parole de la « société civile organisée » au conseil municipal. Cette ambition était corrélée à la démarche du Réseau Vert, mais s’incarnait également dans le lien privilégié que Rennes- Verte entretenait avec le réseau associatif. Les adhérents de Rennes-Verte étaient pour la plupart engagés à titre personnel dans des associations, ce qui facilitait les coopérations ponctuelles voire le recrutement de militants, au moins à l’occasion des campagnes électorales. Une première catégorie d’associations comportait les organisations dont l’activité n’avait pas de lien direct avec les politiques municipales. Par exemple, l’Association France-Palestine Solidarité à laquelle appartenait Lars Kiil-Nielsen, ou encore Centre d’information de défense des libertés des Français immigrés (CIDELFI), une organisation rennaise, avec Nicole Kiil-Nielsen. De même, certains membres du collectif local d’AC!229 étaient des militants de Rennes-Verte, comme Yannick Villalon, présent sur la liste municipale en 1995. Ponctuellement, Rennes-Verte apportait son soutien à des mobilisations organisées par d’autres associations comme le Mouvement pour la paix, ou encore la grève de la faim de trente-deux jours observée par le dénommé Rémi sur la place de la Mairie, au nom de la réduction du temps de travail et contre le chômage230. Une autre catégorie regroupait les associations en lien direct avec les politiques municipales, dont la proximité avec les Verts était incontestablement utile dans le cadre du rapport de force avec la municipalité en place. Là aussi, Rennes-Verte disposait de certains relais. Par exemple, le Centre d’information sur l’énergie et l’environnement (CIELE) comprenait Dominique Bernard, Jean-Louis Merrien et André Roux, trois militants de premier plan de Rennes-Verte. Par ailleurs, des contacts privilégiés existaient avec Route bleue, une association visant à promouvoir le cyclisme et le développement d’un réseau cyclable dans la

227 Entretiens avec Lars Kiil-Nielsen et Gaël Lagadec. 228 Entretien avec Yves Cochet. 229 Sa dénomination complète est AC ! – Agir ensemble contre le chômage. 230 Christophe Violette « Rémi : dix-huit jours de grève de la faim », Ouest-France, 5/6-3-94, p. 19.

118 ville. Nombre de ses membres étaient également adhérents Verts ; cependant, Rennes-verte lui reprochait d’être trop conciliante avec la municipalité. L’association protesta notamment lorsque les Verts, dans leur page du rennais, citèrent son nom et utilisèrent ses revendications (le passage en cinq ans de 4 à 15% de déplacements assurés en vélo) pour dénoncer la faiblesse des investissements municipaux en termes cyclables231. Enfin, un certain degré de collaboration était de mise avec les syndicats : par exemple, en mai 1994, Rennes-Verte participa avec la CFDT et la Confédération générale du travail (CGT), mais aussi le CIELE, à la manifestation commémorant le premier anniversaire de la mort d’un égoutier suite à un rejet de produits toxiques232. Plus généralement, les liens des Verts avec le secteur associatif concernaient essentiellement les organisations à vocation militante. Les associations locales, dépendantes de la municipalité (dans le secteur culturel, le Cercle Paul-Bert par exemple), mais aussi les syndicats, étaient plus proches de la majorité PS-PCF. Les associations de quartier en particulier, représentaient un vivier de candidats d’ouverture pour les listes d’Edmond Hervé aux élections municipales. Enfin, les Verts étaient à peu près dépourvus de partenaires partisans à Rennes en 1995. La dispersion des gauches alternatives a été décrite plus haut. À ce titre, il convient de souligner que cet isolement partisan répondait également à la propre stratégie de Rennes- Verte, qui consistait à élaborer une démarche originale, fondée sur la pratique de la démocratie directe dans la préparation programmatique des élections municipales. Passer un accord avec la LCR, LO ou le PT aurait signifié renoncer à cette démarche, qui avait pourtant produit quelques fruits et demeurait un élément important du corpus idéologique des Verts. Ceux-ci ne souhaitaient pas associer l’écologie à une alliance plus large de la gauche alternative. La volonté d'Yves Cochet de briguer la majorité des suffrages impliquait selon lui de se rapprocher du centre de gravité de l'échiquier politique, et surtout pas de s'identifier à une de ses marges.

231 « Vélo : Rennes doit mieux faire », Le Rennais, 10-93, et compte-rendu de la réunion de Rennes-Verte du 24-1-94. 232 « Les égoutiers vont manifester jeudi », Ouest-France, 18-5-94, p. 29.

119 B. Le VAL et le PS au-dessus de leurs forces

Pour les Verts, un score au moins équivalent à celui de 1989 était inévitable : l’opposition au VAL était majoritaire parmi les habitants de la ville, selon les sondages 233 . Or, Yves Cochet faisait valoir que « quand on [était] contre le VAL, ça ne [servait] à rien de voter pour la droite qui n’[avait] aucune chance de gagner » 234 . Raisonnement imparable qui souffrit pourtant d’un trop grand déséquilibre du rapport de forces avec les droites et le PS.

1- Le combat contre le VAL récupéré par les droites

Parmi les opposants au VAL, les Verts avaient le bénéfice de l’antériorité et de la clarté. Ils avaient pris position dès 1983 pour un tramway, s’opposant au VAL dès son entrée dans le débat public, en 1989, contrairement aux opposants de droite qui ne se mobilisèrent qu’ensuite. De plus, leur alternative était cohérente, tandis que plusieurs propositions contradictoires cohabitaient à droite, et ce jusqu’aux élections municipales de 1995. Pourtant, l’enjeu politique du VAL échappa en grande partie à Rennes-Verte. Tout d’abord, la contestation la plus forte du VAL ne fut pas l’œuvre des Verts, mais du Comité pour un référendum sur le VAL. Jean-Pierre Dagorn réussit à obtenir la signature de dizaines de milliers de rennais en jouant essentiellement sur le rejet du projet de la municipalité, plutôt que sur la promotion d’une alternative. S’appuyant sur des comités de riverains opposés au passage en aérien du métro dans leur quartier, et mettant en avant l’argument du coût trop élevé du VAL, il prétendit détacher la question des clivages politiques ou idéologiques, sollicitant les sympathisants de gauche (en particulier dans les quartiers populaires de Villejean, Maurepas ou le Blosne) aussi bien que les électeurs de droite. Les Verts, au contraire, condamnaient le VAL au nom de l’écologie politique. De plus, l’entreprise du conseiller général UDF bénéficiait d’un nombreuse main d’œuvre : militants UDF (dont certains furent candidats et élus au conseil général), mais aussi sympathisants, et membres des associations de riverains des quartiers concernés. Le déséquilibre se fit grandissant lorsque l’opposition au VAL fut adoptée comme instrument politique des droites dans leur ensemble. Le ralliement du CDS au camp des anti- VAL, après le refus du Conseil général présidé par Pierre Méhaignerie d’accorder une subvention au métro, fut décisif. Le clivage partisan gauche-droite recoupait alors exactement

233 François Danchaud « Municipales : les rennais ne veulent pas du métro », Ouest-France, 2-3-95, p. 19. 234 François Danchaud « Verts : "le vote utile, c’est nous" », Ouest-France, 11/12-3-95, p. 16.

120 celui du débat sur le VAL235, rendant la position des Verts potentiellement ambiguë. En 1993, les élections législatives rennaises se jouèrent en partie sur ce thème, la victoire des droites les transformant en championnes de l’opposition au VAL. Ceci s’accentua encore avec les élections cantonales de 1994, mais surtout lors des conflits opposant Edmond Hervé au gouvernement Balladur, décidé à lui barrer la route sur ce projet. Les élections municipales étaient l’objectif ultime des droites : le VAL était le moyen de contester Edmond Hervé par l’intermédiaire de son projet principal. Il était en effet impossible de se livrer à des attaques directement personnelles, sous peine de se faire accuser d’instrumentalisation du scandale du sang contaminé - qui émergea en 1992 et au sujet duquel le maire fut mis en examen en septembre 1994. Pourtant, les divergences quant à la politique de transport au sein de la liste d’opposition empêchèrent Yvon Jacob de développer des propositions claires en alternatives au VAL. Lors du débat portant sur les transports, événement central de la campagne électorale organisé par le journal Le Monde, la tête de liste RPR ne présenta aucun projet précis. Ce soir-là, l’étonnement fut grand chez Edmond Hervé et Jean Normand, qui en témoigna dans son livre : « le combat était inégal et j’en étais le premier surpris »236. Selon lui, l’argumentaire fourni des Verts donna lieu à un échange « moins abrupt ». Le soir du premier tour, il s’avéra néanmoins que la liste des droites avait peu bénéficié de son positionnement anti-VAL : avec 30,5%, elle faisait seulement quatre points de mieux qu’en 1989.

2- Les vicissitudes de l’alternative verte au VAL

Convaincus et unanimes sur le tramway, les militants de Rennes-Verte manquaient de moyens pour persuader leurs électeurs de la solidité de leur projet. Les Verts remportèrent néanmoins certaines victoires impressionnantes, mais sans suite. Le succès du recours intenté par eux devant le Tribunal administratif contre la déclaration d’utilité publique fut essentiellement le fait du travail juridique d’un militant, étudiant en droit, Xavier Braud, chaudement félicité par la suite. Dans son rapport d’activité pour l’Assemblée générale de novembre 1994, le président de Rennes-Verte Lars Kiil-Nielsen estima qu’il s’était agi d’un « succès mal exploité malgré l’excellent travail fourni par notre

235 Ce recoupement était cependant beaucoup moins évident du point de vue sociologique, une partie de l’électorat socialiste des quartiers populaires, à Maurepas par exemple, s’opposant au VAL , tandis que de nombreux électeurs de droite voyaient d’un bon œil la desserte du centre par un TCSP rapide. Ce décalage est observable dans l’évolution du vote des quartiers entre 1989 et 1995. Voir l’annexe 2. 236 Jean Normand, op. cit., p. 122.

121 juriste Xavier Braud ». En effet, c’était le ministre CDS des transports qui en avait aussitôt profité pour plonger la municipalité dans l’embarras, en suspendant le versement de la subvention promise auparavant. Focalisés sur le militantisme de terrain et peu efficaces en termes de tactique politique, les Verts ne pouvaient non plus opposer un projet de tramway aussi approfondi que celui du métro. Ils se résolurent à présenter un tracé en X dans leur programme municipal de 1995, dessiné rapidement et avec l’aide d’un urbaniste de l’administration districale. Ce tracé à la va-vite s’exposait aux critiques de la municipalité sur plusieurs points, en particulier la trop forte déclivité de la rue Gambetta, ou encore le passage par des zones de marché comme la Place des Lices. En définitive, la focalisation de la campagne sur un dossier technique comme le TCSP aggravait le déséquilibre de moyens jouant déjà en faveur de la municipalité sortante.

3- L’insubmersible Edmond Hervé

Le déroulement de la campagne électorale traduisit la solidité de l’enracinement du maire sortant dans la ville. Ni le dossier pourtant explosif du VAL, ni les soupçons que les affaires du sang contaminé et Urba faisaient peser sur son intégrité, ne semblèrent déterminants dans le débat public. De plus, Yves Cochet n’était pas mobilisé à fond face à son adversaire personnel.

a- Le VAL, un non-enjeu électoral ? Malgré les difficultés rencontrées par son projet fétiche, Edmond Hervé semblait toujours bénéficier de la confiance d’une majorité de rennais, à en croire plusieurs sondages. En mars 1995 par exemple, Ouest-France publia une enquête de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) estimant à 57% les opinions favorables au maire (contre 34% pour Yvon Jacob et 37% pour Yves Cochet). Cette popularité dépassait largement le cercle des soutiens au VAL puisque seuls 24% des sondés se déclaraient favorables au métro (contre 32% au tramway et 43% à un réseau amélioré de bus). Yves Cochet voyait dans ce dernier élément une opportunité d’augmenter son potentiel électoral de 15% que lui accordait le sondage :

« Je ne comprends pas pourquoi la cote d’Edmond Hervé reste élevée alors que les Rennais ne veulent pas de son métro. Nous allons essayer de soulever cette contradiction pendant la campagne

122 électorale (…). Je rêve de voir la liste d’Edmond Hervé à 40%. Cela nous mettra dans une bonne position pour éventuellement négocier avec lui ou nous maintenir au second tour »237.

Rétrospectivement, il semble que l’erreur des Verts fut d’estimer que le scrutin se jouerait principalement sur la question du TCSP. Le maire avait affiché en 1994 sa volonté de faire des élections un référendum sur le sujet, mais sa campagne, sans occulter le VAL, se focalisa essentiellement sur les questions sociales : emploi, logement. Les électeurs habituels de gauche opposés au VAL préférèrent lui renouveler leur confiance plutôt que choisir celui qui avait été son opposant virulent pendant six ans. De plus, la stratégie de Rennes-Verte vis-à-vis d’Edmond Hervé était mal lisible. Après un mandat de combats farouches au conseil municipal, les Verts avaient finalement affirmé qu’ils rechercheraient un accord avec le PS pour le second tour, comme en témoigna la déclaration d’Yves Cochet reproduite plus haut. Pourtant, cette conciliation future passait à bien des égards pour fictive aux yeux des rennais : la détermination des deux camps à ne pas céder sur le TCSP rendait tout compromis équilibré impossible.

b- Edmond Hervé, Urba et la Compagnie générale des Eaux : un scandale avorté Yves Cochet démontra une nouvelle fois son hostilité à la majorité en place en interpellant le maire sur les soupçons de financement occulte du PS rennais, mis à jour par le procès de Saint-Brieuc. En effet, dans un article daté du 3 mars, le quotidien Le Monde avait mentionné Rennes comme étant l’une des villes où la Compagnie générale des Eaux avait versé une commission (cinq millions de francs, en l’occurrence) à Urba, entité chargée du financement du PS, afin de remporter le marché de distribution de l’eau 238. Pour Yves Cochet, cette « affaire » qui faisait surface à trois mois des élections municipales était une occasion inespérée de mettre à mal l’image d’honnêteté et de rigueur dont bénéficiait Edmond Hervé. Celui-ci était « le champion de France de la corruption politique »239 et il s’agissait de le révéler aux yeux de tous. Dès l’ouverture de la séance du conseil municipal du 13 mars, le Vert demanda donc au maire de fournir des explications précises face à ces accusations :

237 François Danchaud « Les Verts ont le vent en poupe », Ouest-France, 4/5-3-95, p.19. Cette enquête de l’IFOP accordait 46% des intentions de vote à Edmond Hervé, 30% à Yvon Jacob et 15% à Yves Cochet. Des sondages précédents avaient effectué des estimations proches. 238 François Danchaud « L’eau des rennais taxée par le PS », Ouest-France, 15-3-95, p. 25. 239 Entretien avec Yves Cochet.

123 « Voici dix jours, j’ai vu, dans la presse, un article qui mettait en cause la ville de Rennes à propos de l’un de ses marchés publics. C’est pourquoi je me permets de poser un certain nombre de questions ; je pense que tous nos concitoyens doivent avoir la possibilité de poser ces questions et c’est, d’une certaine manière, en leur nom que je les pose et j’espère évidemment les réponses »240.

Il cita ensuite la dernière phrase de l’article du Monde, qui mettait en cause la municipalité :

« "Le montant des commissions, variant entre 3 et 5% des marchés, peut aller de quelques dizaines de francs à plusieurs dizaines de milliers de francs, voire bien davantage, comme la « dîme » prélevée sur la convention d’affermage du service d’eau potable de la ville de Rennes à la Compagnie Générale des Eaux : 5 millions de francs". L’article se termine, j’allais dire pour faire un peu d’humour, comme si Rennes avait une sorte de record de France ».

Yves Cochet posa aussitôt treize questions. La première d’entre elles portait sur la véracité des ces accusations. En cas de réponse positive, l’élu vert invitait le maire à répondre à une première série de neuf questions, afin de déterminer les modalités de cet « arrangement ». Les autres questions prévues en cas (le plus probable) de déni des accusations, n’étaient pas moins affûtées : « qu’avez-vous fait en tant que représentant de la ville de Rennes pour dénoncer où rectifier ces informations depuis dix jours ? » ; « de quelle manière et dans quelle mesure, exactes et complètes, ces informations sont-elles fausses ? ». Le maire répondit immédiatement à cette interpellation, sans tenir compte du délai que lui avait accordé son opposant241, ni de la formulation de ses questions, ce qui donna lieu à un échange court, pour autant non dénué de tension :

« Edmond Hervé - Je vais vous les donner tout de suite, cela va être des réponses au fond. Il n’y a jamais eu à Rennes de trafic d’influence pour des financements politiques (…). Nous n’avons jamais négocié quoi que ce soit de ce genre avec telle ou telle entreprise, y compris la Compagnie Générale des Eaux (…). En ce qui me concerne, les comptes de mes campagnes politiques sont publics ainsi que ceux de mes amis. Yves Cochet - Vous démentez donc complètement ce qui est inscrit dans Le Monde du 3 mars. Edmond Hervé - Je vous ai fait trois réponses, elles sont très claires et je m’en tiens là. »

La maire donna quelques jours plus tard une interview au journal Ouest-France, dans laquelle il soulignait que le contrat passé en 1988 avec la Compagnie Générale des Eaux

240 Cette citation et les suivantes sont tirées du registre des délibérations du conseil municipal, 13-3-95. 241 « Connaissant votre souci de vérité (…), nous ne demandons pas de réponse immédiate », avait précisé Yves Cochet.

124 faisait de Rennes l’une des villes où l’eau courante était la moins chère dans le pays242. Pour Yves Cochet, cela revenait à éluder la question, qui était celle de la corruption et non du service rendu. La tentative de mise en cause de l’image du premier magistrat rennais s’arrêta là : étrangement, ni Ouest-France, ni l’opposition de droite au conseil municipal, ne se saisirent de ce scandale en puissance 243 . Les Verts eux-mêmes, dépourvus de tout relais, renoncèrent à en faire leur cheval de bataille.

c- Yves Cochet, un challenger peu assidu À cette relative solidité d’Edmond Hervé s’ajouta l’absentéisme d’Yves Cochet. Celui-ci avait déjà été peu présent à Rennes entre 1989 et décembre 1991, consacrant une grande partie de son temps à son mandat de député européen. À partir de 1992, après avoir effectué le « tourniquet » (démission des députés titulaires, remplacés par les suppléants), il s’investit davantage dans la vie interne du parti, afin de participer à la conquête de la majorité par le courant Verts au pluriel. Pendant toute cette période, il ne put assister aux commissions municipales, ni faire acte de présence dans la presse autrement que par ses interventions flamboyantes aux séances mensuelles du conseil. Malheureusement pour lui, l’approche des élections municipales ne s’accompagna pas d’une plus grande disponibilité au niveau local. Tout au long de l’année 1994, il participa activement à l’organisation des Assises de la transformation sociale, afin d’œuvrer à un rapprochement avec le PS à l’échelle nationale. Ces efforts ne pouvaient guère être réutilisés à Rennes : sa stratégie y était contraire. Vinrent ensuite la Convention de l’écologie politique et sociale et surtout la campagne présidentielle : il dut assister assidûment Dominique Voynet, dont le succès était considéré comme une exigence primordiale pour les Verts. De 1994 à la fin du mois d’avril 1995, Yves Cochet était donc dans l’incapacité de participer activement à la pré-campagne de Rennes-Verte. Or, son charisme était une ressource essentielle de mobilisation et de médiatisation pour les écologistes rennais 244 . Cochet était leur figure de proue et les journalistes ne prêtaient guère attention aux autres militants de Rennes-Verte. Edmond Hervé et ses alliés pouvaient effectuer leurs préparatifs pré-électoraux245 sans adversité.

242 « Eau : le maire s’explique », Ouest-France, 18/19-3-95, p. 19. 243 Plusieurs années plus tard, l’adjoint au maire et trésorier de la fédération du PS, Yves Préault, fut néanmoins condamné dans cette affaire de financement occulte. 244 Annaïg Hache parle de la « force de leader » d’Yves Cochet, en insistant sur l’effervescence des campagnes électorales municipales (entretien). 245 Ce que François Danchaud appelle « la partie invisible » de la campagne électorale : le « quadrillage » de la ville par des contacts privés avec les leaders d’opinion, présidents d’associations, personnalités locales, etc.

125 L'inégalité des forces en présence n'empêchait pas Yves Cochet d'être optimiste, au moins publiquement. Jusqu'au printemps 1995, il estima qu'il serait en mesure d'accéder au second tour, en faisant mieux que la liste d'union des droites. En effet, il comptait sur la rationalité des électeurs : l'autoritarisme et la corruption d'Edmond Hervé d'une part, et la médiocrité du programme des droites, en particulier leur division dans le domaine des transports, d'autre part, devaient faire de la liste des Verts le réceptacle logique des voix d'une majorité de rennais. Ce raisonnement n'était pas déconnecté de toute réalité : certains sympathisants de droite envisagèrent en effet de voter pour les Verts, catastrophés par la campagne poussive d'Yvon Jacob246. Mais en définitive, le 11 juin, il semble que la fidélité partisane prima, d'un bord comme de l'autre, malgré une participation en baisse (55,7% contre 58,2% en 1989). La liste d'Yvon Jacob recueillit 30,5% des suffrages, soit plus que les 26,5% de Gérard Pourchet en 1989, et celle d'Edmond Hervé connut une érosion minime : 48,7% contre 50,8% six ans plus tôt. Yves Cochet, avec 7,80%, retrouvait les scores atteints lors des élections cantonales de 1988 et 1994.

III. Vers une recomposition de l’écologie politique rennaise

Jusqu’ici ont été abordés principalement les aspects extérieurs (Verts nationaux, champ politique rennais) de l’histoire de Rennes-Verte au début des années 1990. Pourtant, son évolution interne présente également un intérêt central, car elle répondit à une logique propre, non sans effets sur le devenir de l’écologie politique et de cette formation en particulier. Par ailleurs, les rapports de forces avec les écologistes non-Verts, sanctionnés notamment lors des élections municipales de 1995, allaient être déterminants à la fois pour l’écologie et pour les Verts eux-mêmes.

A. Rennes-Verte : un pot-pourri en voie de mutation interne

Le début des années 1990 représenta une étape importante dans l’histoire des Verts rennais. Notamment, le contrôle exercé par Yves Cochet sur l’organisation diminua, au

Quant à Dominique Boullier, le faible investissement d'Yves Cochet lui paraissait évident : il avait l’impression de n’avoir personne « face à [lui] » (entretiens). 246 Entretien avec François Danchaud.

126 bénéfice d’une nouvelle génération de militants dont la pratique politique constituait une profonde mutation de l’écologie politique verte à Rennes.

1- Hégémonie cochétiste et marginalisation des outsiders

Yves Cochet était le leader incontesté de Rennes Verte. Il avait fondé l’association, et celle-ci avait adopté ses propres objectifs : bâtir une alternative écologiste pour conquérir la majorité et exercer le pouvoir municipal –seuls ou dans le cadre d’un accord avantageux avec le PS. Le contrôle qu’il exerçait sur l’appareil permettait d’éviter toute remise en question frontale, par la marginalisation de ceux qui contestaient le bien-fondé de ses orientations.

a- Dominique Bernard et les ficelles de Rennes-Verte Le contrôle exercé par Yves Cochet sur Rennes-Verte reposait en grande partie sur l’activité militante de Dominique Bernard, ou « Domi »247. Lui-même ancien Ami de la Terre, membre fondateur des Verts, il occupait une place de choix dans l’appareil du parti. La plupart du temps élu au CNIR, il faisait figure à Rennes de connaisseur des rouages du parti. Physicien, il était également très impliqué au sein du CIELE mais ses activités partisanes se limitaient aux coulisses : absent dans la presse, il ne figurait pas non plus sur les listes municipales menées par Yves Cochet. Leur mainmise conjointe sur le parti s’exerçait via la participation intense de Dominique Bernard au fonctionnement quotidien de Rennes-Verte, au secrétariat des élus ou encore à la coordination, mais aussi grâce à la récolte des mandats de vote lors des assemblées générales. L’adoption de leurs motions par les adhérents rennais était toujours acquise puisque la plupart des absents leurs confiaient leur vote. De cette façon, la majorité à Rennes-Verte était presque systématiquement favorable aux propositions d’Yves Cochet. La présence à Rennes de Dominique Bernard permettait au leader de Rennes-Verte de garder le contrôle de son organisation, même à distance ; cependant, y compris en présence d’Yves Cochet, « Domi » jouait un rôle fondamental. Lors des assemblées générales, il prenait plus souvent la parole qu’Yves Cochet, afin d’affirmer avec autorité les principes qui devaient guider l’action de Rennes-Verte 248 . Par exemple, en décembre 1993, il tenta de désamorcer le dilemme posé par les rapports entretenus avec le PS et insistant sur la centralité de la question du VAL :

247 Le diminutif « Domi » était d’usage parmi ses amis et chez les Verts. Patrick Le Guirriec, op. cit., p. 181. 248 Selon Gaël Lagadec, Dominique Bernard était le « penseur politique » de Rennes-Verte et « l’éminence grise » d’Yves Cochet (entretien). Dominique Bernard se qualifiait lui-même d’éminence grise du secrétariat de Rennes-Verte (D. Bernard, « Propositions pour l’organisation », 5-1-90).

127 « Personne ne s’intéresse au duel droite-gauche. Il faut qu’on redonne du sens à la politique… aux jeunes surtout. Il faut montrer comment les Verts peuvent peser sur une décision. De ce point de vue, le VAL est un test de ce que l’on peut (ou ne peut pas) faire avec le PS. C’est un point incontournable »249.

En somme, l’orientation politique et stratégique de Rennes-verte était en grande partie le produit des impulsions de Dominique Bernard. Homme de parti mais aussi penseur de l’écologie, ce dernier irriguait au niveau national le courant cochétiste lui-même. Par exemple, il co-rédigea avec Yves Cochet la motion nationale présentée en Assemblée générale en novembre 1990250. Ce tandem était complété par Jean-Louis Merrien, porte-parole régional des Verts, élu au Conseil régional à partir de 1992, Joël Morfoisse et Annaïg Hache, ces deux derniers, élus municipaux, concentrant leur activité sur Rennes-Verte et sur le militantisme local plutôt que sur les Verts nationaux.

b- Gaël Lagadec, le challenger : de la contestation à la marginalisation Gaël Lagadec était en désaccord avec les orientations fondamentales prises par Rennes- Verte. D’abord, il défendait le naturalisme et estimait que les Verts avaient abandonné la spécificité de l’écologie politique : la prise en compte d’éléments naturels, comme la biodiversité, y compris à l’échelle locale, comme la faune de la Vilaine. Médecin de profession, il s’était engagé dans des associations de protection de la nature comme la Société nationale de protection de la nature (SNPN) et la Ligue de protection des oiseaux (LPO), avant d’adhérer aux Verts et à Rennes-Verte au tout début des années 1990. Libertaire de centre-gauche, il estimait qu’un parti écologiste unitaire devait se situer au centre-gauche et ne pas exclure d’éventuels accords avec les droites. Il regrettait par ailleurs l’incapacité des Verts à rassembler les écologistes. Pour lui, la dynamique centripète des courants relevait d’un fonctionnement « gauchiste » hérité du passé militant de nombreux Verts, qui empêchait tout compromis (notamment avec GE, mais aussi entre courants internes au parti) et condamnait les Verts à l’échec. De ce point de vue, il n’était pas plus indulgent avec les waechtériens qu’avec les cochétistes et Verts au pluriel : le comportement sectaire d’Antoine Waechter ne valait pas mieux que la « lutte surtout politique » d’Yves Cochet251.

249 Brendan Prendiville et Philippe Couzelin, « Compte-rendu de l’AG du 4-12-93 ». Cette retranscription ne correspond pas nécessairement aux propos exact tenus par l’intéressé. 250 « Pour une nouvelle éthique de l’action politique », projet de motion pour l’AG des Verts, novembre 1990. 251 Entretien avec Gaël Lagadec.

128 Son adhésion répondit à cette volonté de changer les choses. Il milita activement, participant en particulier à la commission nationale sur la santé, et fut candidat de l’Entente des écologistes dans la circonscription de Pierre Méhaignerie (Rennes-est-Vitré) en mars 1993. Localement, il participait à la plupart des réunions et aux principaux groupes de travail, comme la coordination. Lors de l’AG de décembre 1993, il critiqua vertement le « rapport d’orientation » proposé par Yves Cochet dont les termes étaient selon lui « pompés de la motion B [motion de Cochet, Voynet, Anger] de l’AG de Lille, motion avec laquelle il n’était pas d’accord car elle était le reflet d’un mode de fonctionnement qui exacerbait les antagonismes »252. Quant à la stratégie d’alliances de Rennes-Verte, il récusait la position qui consistait à exclure de discuter avec les droites. Pour lui, un accord, avec le CDS par exemple, était envisageable, un terrain d’entente étant accessible sur la réalisation d’un tramway.

« Attention à la perception des électeurs. Il faut démontrer que l’on a essayé de discuter avec tout le monde. Ces ont les réponses que l’on nous donnera qui désigneront le partenaire. Il ne faut pas le désigner d’avance. (…) les objectifs de la gauche et les nôtres sont-ils compatibles ? Depuis 81, les inégalités s’accroissent et l’espérance de vie baisse. La seule exception dans ce bilan du PS, c’est la Nouvelle-Calédonie. La vraie question est de savoir si on a des convergences sur la méthode. Exemple : le rôle des experts dans une démocratie, avons-nous la même conception que le PS ? (…) N’oublions pas non plus que le RMI, c’est Méhaignerie253 »254.

Condamnant « l’obsession anti-droite » mais aussi « l’obsession anti-VAL » de Rennes- Verte, il considérait que les écologistes devaient chercher à passer le meilleur accord possible, avec le PS ou les droites rennaises. Cette position se traduisit par une proposition d’amendement au rapport d’orientation concernant les élections municipales rennaises, rapport qui devait être adopté par l’AG en guise de feuille de route officielle. Le paragraphe conclusif du texte proposé par la coordination s’intitulait « Quelles alliances au deuxième tour ? », et le contenu initial (rédigé par Lars Kiil-Nielsen, Annaïg Hache et Joël Morfoisse) était le suivant :

« La question est de savoir si nous aurons besoin de faire des alliances pour gagner ou si d’autres auront besoin de nous pour gagner. Le cas échéant, avec qui accepterons-nous de le faire ? Toute hypothèse d’alliance avec la droite est exclue, y compris avec les centristes qui collent à la

252 Compte-rendu de l’AG du 4-12-93. Les propos y sont retranscrits principalement sur le mode indirect. 253 Pierre Méhaignerie avait expérimenté le RMI dans son département avant que la mesure ne soit généralisée par le gouvernement Rocard. 254 Compte-rendu de l’AG du 4-12-93.

129 droite musclée. Pour l’exemple, rappelons-nous que la loi Pasqua255 est d’abord et avant tout la loi du Garde des Sceaux, Méhaignerie, et que le tout-autoroute en Ille-et-Vilaine est la politique du même Méhaignerie, Président du Conseil Général, la droite municipale c’est le tout-automobile. Reste le Parti Socialiste : les électeurs et militants socialistes partagent certaines de nos valeurs. Mais nous n’oublions pas l’action conduite par leurs responsables : la guerre du Golfe, leur politique nucléaire aussi dangereuse que celle de droite, leur dérive libérale, gestionnaire et productiviste (81- 93) vers un système de plus en plus inégalitaire… Ils n’ont pas compris le message de l’Écologie politique. Certains projets comme le VAL se situent dans une logique productiviste qui entraîne Rennes et son agglomération dans une fuite en avant pour trouver les moyens de le justifier et de le payer et cela aux dépens d’investissements dans d’autres secteurs (logement social, culture, santé, éducation…). Il impose en outre une augmentation de la concentration urbaine qui se situe à l’opposé de nos propositions. Dans l’état actuel du dossier, la poursuite du projet par la majorité municipale obère largement toute possibilité d’alliance pour la gestion de la Ville de Rennes »256.

Gaël Lagadec proposa de remplacer ce texte qui aboutissait à considérer le PS comme unique, mais improbable partenaire, par l’énoncé de principes de négociation ouvrant la porte aux droites autant qu’au PS et sans citer le VAL comme une question centrale :

« Notre programme axé sur : 1° notre conception du développement urbain, 2° nos objectifs dans la manière de gouverner la cité, 3° nos objectifs en termes de lutte contre les inégalités sociales et de développement de la solidarité sociale, doit être proposé à la discussion à toutes les formations politiques républicaines. De leurs différentes réponses auxquelles nous donnerons la plus large publicité pédagogique possible, de leur plus ou moins grande concordance avec nos objectifs, dépendra une éventuelle alliance au deuxième tour ».

Cet amendement, à rebrousse-poil des orientations défendues par Yves Cochet, Dominique Bernard, Jean-Louis Merrien, Joël Morfoisse ou Lars Kiil-Nielsen, fut mise aux voix et refusé à une voix près seulement (sept voix pour, huit voix contre, une abstention). Quelques minutes plus tard, lors du vote d’adoption sur le rapport d’orientation, le paragraphe « Quelle alliance au deuxième tour ? », inchangé donc, fut même rejeté (huit voix pour, neuf voix contre). Pour Gaël Lagadec, le « consensus de surface »257 des adhérents avait éclaté : il était clair que le leadership de l’équipe en place était précaire et que leur position inflexible

255 Le ministre de l'Intérieur du gouvernement Balladur, Charles Pasqua (RPR), avait fait adopter un projet de loi réprimant davantage l'immigration clandestine. Une partie de ses dispositions avaient été annulées par le Conseil constitutionnel, après sa saisine par l'opposition. 256 « Rapport d’orientation », AG du 4-12-93, modifié en séance par quelques amendements de forme, adoptés à la quasi unanimité. Je souligne. 257 Entretien avec Gaël Lagadec.

130 sur le VAL allait à l’encontre du pragmatisme d’une majorité d’adhérents. Par la suite, il jugea que cet avertissement n’avait pas été entendu par Yves Cochet et Dominique Bernard, qui continuaient à considérer le VAL comme un point incontournable dans les relations avec le PS. Il en déduisit que la seule manière de changer les orientations des Rennes-Verte était d’assumer l’affrontement avec eux en les mettant en minorité et en renouvelant l’équipe dirigeante. Devant l’ampleur de la tâche, mais également l’évolution des Verts à l’échelle nationale vers extrême gauche, il renonça et finit par quitter Rennes-Verte et les Verts à la fin de l’année 1994. Contestée l’espace d’une AG, l’hégémonie des dirigeants historiques de Rennes-Verte s’avérait malgré tout solide à moyen terme.

2- L’aile gauche de Rennes-Verte : de la marginalité à l’intégration

Ce phénomène structurel aboutissant à la marginalisation voire à l’auto exclusion des adhérents exprimant des divergences de fond avec les cadres de Rennes-Verte opérait également chez ceux qui regrettaient que le mouvement ne revendiquât pas sa place au sein de la gauche alternative. Cependant, la participation active de certains militants de l’aile gauche258 de Rennes-Verte au fonctionnement interne du mouvement aboutit à un changement profond de celui-ci. Jean-Paul Leroux constituait un exemple de la marginalité politique au sein de Rennes- Verte. Engagé dans le combat associatif de terrain sur les questions d’insertion et d’intégration, proche des Rouges-et-Verts, son militantisme se déroulait pour l’essentiel à la marge de Rennes-Verte dont les priorités étaient ailleurs : environnement, urbanisme, énergie… De ce fait, il était peu présent aux réunions et assemblées générales, et il mit rapidement fin à son adhésion à l’association. Habitant à Saint-Grégoire, au nord de Rennes, il participa aux élections municipales de 1995 sur une liste de gauche. Lars et Nicole Kiil-Nielsen étaient proches de Jean-Paul Leroux sur le fond mais estimaient qu’il fallait participer activement au fonctionnement et aux mobilisations liées à Rennes-Verte afin de faire évoluer ses orientations. Lars Kiil-Nielsen avait d’ailleurs adhéré à la suite des élections municipales de 1989, car il avait apprécié la combativité des quatre

258 Cette dénomination n’est pas tout à fait rigoureuse, mais a le mérite de la clarté : il s’agissait des militants défendant une plus grande prise en compte des thématiques associées aux gauches, en particulier à la gauche alternative, comme les droits des immigrés, la diversité culturelle, la répartition des richesses. Ces militants portaient souvent ces combats dans leur propre engagement associatif. Ces positions de fond allaient de pair avec la défense d’orientations stratégiques spécifiques : refus absolu de toute alliance avec les droites, réticences à travailler avec le PS (pas seulement à cause du VAL) et affinités avec certains militants et partis de gauche comme la LCR et les Rouges-et-Verts.

131 conseillers écologistes nouvellement élus, et considéré que le poids de Rennes-Verte en faisait une force politique d’opposition -contrairement aux Rouges-et-Verts, trop peu nombreux et souvent conciliants avec la municipalité. Nicole Kiil-Nielsen et son mari étaient engagés activement dans d’autres associations, comme le Comité d’information et de défense des libertés des français immigrés (CIDELFI) et le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Ils devinrent vite des chevilles ouvrières de Rennes-Verte, Lars succédant à Joël Morfoisse à la présidence du mouvement en 1994, et Nicole étant élue au CNIR.

3- La défaite de 1995 : la concrétisation d’un divorce entre élus et militants ?

Ce regain d’activités proprement militantes au sein de Rennes-Verte participa à mettre en lumière certaines tensions, entre les quatre élus municipaux et certains militants de base. En effet, les exigences quant au fonctionnement démocratique horizontal propres à la culture politique des écologistes, entraînaient parfois une méfiance de principe envers ceux qui, grâce à leur mandat, disposaient de ressources politiques propres, leur accordant une certaine autonomie par rapport à leur formation politique.

a- Parti structuré ou mouvement alternatif : la permanence du dilemme Annaïg Hache avait par exemple le sentiment d’être mise en cause systématiquement du fait d’une « culture du manque de confiance envers les élus »259. Chargée un temps de la rédaction de la page des Verts dans Le Rennais, on l’accusait d’en décider seule du contenu ; certains adhérents regrettaient également que les élus participassent peu aux manifestations et évènements proprement militants. Inversement, l’investissement des élus dans la vie interne du mouvement pouvait être interprété comme une volonté d'influencer la stratégie de Rennes- Verte dans leur intérêt, notamment en direction d’un accord avec le PS qui leur aurait garanti un poste dans la municipalité suivante. Cela était en particulier reproché à Annaïg Hache, qui ne cachait pas sa conception réformiste de l’écologie. D’autre part, les exigences formulées par certains adhérents envers les élus étaient considérées comme excessives par ces derniers : il était impossible aux quatre conseillers écologistes de consulter systématiquement les adhérents avant de prendre position sur un dossier en particulier, ou encore d’étudier tous les projets municipaux pour adopter une position argumentée sur chaque sujet.

259 Entretien avec Annaïg Hache.

132 À l’approche des élections municipales, il sembla de plus en plus évident qu’une grande partie des adhérents considéraient qu’il était préférable de rester dans l’opposition à la municipalité. Pour Jean Hervé, « parfois, rester minoritaire [pouvait être] aussi efficace »260, une alliance avec le PS risquant de se traduire par une neutralisation des capacités contestataires des Verts et une application a minima des dispositions de l'accord. De fait, Rennes-Verte estimait que son travail d’opposition avait joué un rôle certain, dissuadant l’urbanisation des Prairies-Saint-Martin et encourageant l’investissement dans le réseau cyclable, par exemple. Ce dilemme entre d’une part, la valorisation de l’accès aux responsabilités et la mise en œuvre directe de réformes à visées écologistes, et d’autre part la stratégie de construction d’une alternative à long terme, était assez prégnant pour que les débats au sein de Rennes-Verte y fassent explicitement allusion. Suit par exemple un extrait du rapport d’orientation de l’Assemblée générale de Rennes-Verte de décembre 1992, précédant les élections législatives de mars 1993 :

« Allons-nous faire une campagne massive avec collages, distributions de tracts, meetings dans plusieurs circonscriptions, dans tous le département (y compris les circonscriptions non-rennaises) ou bien limiter nos efforts à la circonscription jugée la plus "gagnable" ? Le premier type de campagne est plutôt le genre : "profitons-en pour faire parler de nous et faire connaître nos idées dans se faire d’illusions sur le résultat… et de toute façon le véritable changement se fera par en bas… dans les quartiers, dans les associations…" Le deuxième type plutôt genre : "nous sommes les meilleurs, nous avons le meilleur candidat… et si nous ne profitons pas du terrain favorable actuellement nous resterons minoritaires et marginaux… d’autres en profiteront…" (question à mille balles : qui donc ?) (…) Certains militants sont réticents par rapport à une politique trop axée sur les élections, d’autres s’inscrivent plus dans une logique de prise du pouvoir. Bref une logique de "mouvement" contre une logique de "parti politique", à nous de trouver le compromis conciliant au maximum la mobilisation militante et l’efficacité politique »261.

Cependant, la prégnance de l’enjeu du VAL et le poids d’Yves Cochet permirent de maintenir un certain consensus quant aux formes de l’engagement de Rennes-Verte dans les municipales de 1995 : promotion d’un programme proprement écologiste en opposition explicite à la municipalité sortante, et ambition d’arriver de ce fait à entrer en nombre au conseil municipal, au sein de la majorité ou de l’opposition.

b- Les élections municipales de 1995, catalyseur de la rupture

260 Compte-rendu de l’AG du 4-12-93. 261 Débat d’orientation, AG de décembre 92.

133 Les préparatifs, la campagne et les résultats des élections municipales de 1995 contribuèrent à affaiblir l’orientation réformiste de Rennes-Verte, valorisant au contraire son statut de formation politique extra-institutionnelle et alternative. Le premier élément à intervenir fut la faible implication d’Yves Cochet dans les préparatifs de la campagne, due à sa participation aux Assises de la transformation sociale et aux préparatifs de l’élection présidentielle. Il restait la tête de liste naturelle des Verts à Rennes mais sa fonction se rapprochait de celle d’une simple locomotive électorale. De plus, après six années de vie politique municipale particulièrement ingrate puisque passée dans l’opposition, sans compter le travail de terrain effectué pendant les années précédentes, il paraissait lassé des enjeux municipaux et désireux de travailler à l’échelle nationale, qui était plus à même de satisfaire son appétit pour les grands débats d’idées262. Il profita donc du changement de majorité à la tête du parti, et participa bientôt au rapprochement des Verts avec le PS. Les trois autres conseillers municipaux sortants ne voulurent pas non plus occuper la première ligne. Annaïg Hache et Joël Morfoisse, exténués par leur mandat, ne souhaitèrent pas être réélus au conseil municipal et figurèrent donc en position non-éligible (ou difficilement), respectivement en sixième et neuvième position. Quant à Béryl Gouaislin, elle fut candidate à Chantepie sur la liste des Verts emmenée par Jean-Louis Merrien. De manière générale, peu de militants étaient partants pour exercer un mandat municipal : ils avaient assisté aux combats et parfois au découragement des quatre sortants, ce qui n’était guère enthousiasmant263. L’activité politique des Verts devait être essentiellement du militantisme de terrain. En fin de compte, Lars Kiil-Nielsen, président de Rennes-Verte, assuma une grande partie de l’organisation de la campagne. Il figurait en troisième position sur la liste, étant donc le deuxième homme. En deuxième position (première femme) se présentait Annick Leroy, en quatrième position Catherine Allaire (deuxième femme), en cinquième position Jean Hervé (troisième homme). La composition de la liste n’avait donné lieu à aucune rivalité ; comme d’habitude, il avait fallu batailler pour trouver des candidats, surtout les femmes264. Dans ces conditions, l’échec de juin 1995 ne fit que renforcer une tendance déjà à l’œuvre chez Rennes-Verte. Avec 7,80% des voix, la liste ne pouvait se maintenir au second tour et Edmond Hervé n’avait pas besoin des Verts pour l’emporter à coup sûr la semaine suivante. Yves Cochet, privé de son mandat municipal, pouvait déployer ses ailes au niveau national.

262 Entretien avec Lars Kiil-Nielsen. 263 Ibidem. 264 Ibidem.

134 Absents du conseil municipal, Rennes-Verte pouvait sans états d’âme se dédier au militantisme de base et à l’opposition frontale à la majorité municipale. Le brillant succès de Jean-Louis Merrien à Chantepie (19,4% au premier tour, 23% au second, trois élus au conseil municipal), largement dû à son opposition à la voie ferrée devant traverser le Bois de Sœuvres, lui confia la tâche de représenter les Verts dans les institutions.

B. Épilogue : vers une écologie bipartite, en France et à Rennes

Ce changement fondamental dans la configuration politique interne à Rennes-Verte se déroula parallèlement à l’accession au conseil municipal, au sein de la majorité, des deux leaders locaux de CES, Dominique Boullier et Pascale Loget. Ce clivage entre militants Verts et élus CES allait être déterminant quant au devenir de l’écologie politique à Rennes. Les deux cultures politiques représentées par les Verts et CES au niveau national étaient parfaitement incarnées par la nouvelle distribution des rôles dans la ville. Les écologistes réformistes de centre-gauche étaient associés au PS et participaient à la gestion municipale. Les écologistes radicaux avaient eux perdu sur le terrain électoral mais disposaient d’une grande latitude d’action en termes de mobilisation sociale et de critique des sociaux- démocrates. Les antagonismes déjà observables au début des années 1990 étaient poussés à leur comble, les Verts ne pardonnant pas au groupuscule politique qu’était selon eux CES de leur avoir coupé l’herbe sous le pied, et de revendiquer le leadership sur l’écologie politique, tout en étant excessivement conciliants avec le PS. Pourtant, l’évolution nationale des Verts et de CES allait provoquer un rapprochement improbable à Rennes. Dominique Voynet s’éloigna de l’extrême gauche après l’échec de l’élection présidentielle, optant pour une stratégie d’alliance contractuelle avec le PS, au sein de la « Gauche plurielle » lancée par le premier secrétaire et homme du renouveau socialiste, Lionel Jospin. Parallèlement, il fallait faire des Verts le parti incontesté de l’écologie politique ; des négociations s'ouvrirent avec CES et l’AREV. En 1997, les élections législatives anticipées propulsèrent Lionel Jospin à la tête du gouvernement, Dominique Voynet au ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, et six Verts au Palais Bourbon… dont Yves Cochet, parachuté dans le Val d’Oise, et promu vice-président de l’Assemblée nationale.

135 En 1998, les négociations aboutirent à la dissolution de CES265 au sein des Verts. Noël Mamère et ses amis renforçaient encore l’aile réformiste du parti. À Rennes, l’entrée chez les Verts des deux conseillers municipaux écologistes ne réglait rien aux divergences qui s’étaient développées dans la période précédente.

265 CES était devenu en 1997 Écologie citoyenne après sa fusion avec le Parti écologiste d’Yves Piétrasanta, ancien membre de Génération écologie.

136 Conclusion

En définitive, les Verts rennais recueillirent en 1995 les fruits de dynamiques à la fois nationales et propres à la ville de Rennes. À l’instar du parti Vert, Rennes-Verte n’avait pas la possibilité, ni la volonté, de représenter tout le spectre de l’écologie politique. L’émergence de cultures et de formations écologistes alternatives contribua à affaiblir les Verts, tout en suscitant une concurrence et des rivalités délétères du point de vue électoral. Cela est particulièrement vrai dans le cas de Génération écologie et de Convergence écologie-solidarité, dont le ralliement en 1995 aux candidats du Parti socialiste marqua pour les écologistes la fin d’une longue ère d’autonomie électorale, inaugurée en 1974. La diversité des écologistes accentua également leur faiblesse face à la municipalité socialiste rennaise, qui put réhabiliter le clivage droite-gauche lors des élections de 1995 en marginalisant à nouveau les Verts dans le champ politique local.

L’écologie politique, plurielle

S’il fallait tirer une seule conclusion de ce mémoire, ce serait la suivante : la famille écologiste à Rennes est marquée par la question des rapports entretenus avec le PS, a fortiori quand celui-ci est au pouvoir. En 1995, cela n’a pas donné lieu à un désaccord fondamental au sein des Verts car la question conjoncturelle du VAL rendait inenvisageable une alliance au premier tour, même pour les réformistes. Mais l’enjeu provoque un dilemme dont les tentatives de dépassement se sont soldées par des échecs, et qui structure la diversité fondamentale de la famille politique écologiste, y compris les Verts. Cette famille se subdivise donc en au moins deux cultures : réformiste et contestataire. Ce clivage, profond, s’ajoute à l’opposition entre une aile gauche et une aile « écolo », qui traverse autant les réformistes que les contestataires.

1995, matrice de l’écologie politique rennaise d’aujourd’hui

L’année 1995, point final des années Mitterrand et d’une période faste pour les écologistes, fut également un point de départ. Aucune échéance électorale n’était prévue avant 1998 (élections législatives, régionales et cantonales), les rapports de forces étaient donc, dans

137 une large mesure, fixés pour trois ans. Le bilan électoral du cycle de scrutins terminé en 1995 allait déterminer les orientations stratégiques et les alliances à venir. De ce point de vue, un parallèle certain existe entre Rennes et l’échelon national. Dans les deux cas, les Verts avaient échoué et se trouvaient en position d’extrême faiblesse face à leur seul partenaire éventuel, le PS. Edmond Hervé était débarrassé de Rennes-Verte au Conseil municipal et Lionel Jospin pouvait repousser aux calendes grecques les projets révolutionnaires de recomposition défendus dans son parti par les rocardiens ou l’aile gauche. Les écologistes réformistes de centre-gauche occupaient quant à eux une position clé, surtout à Rennes où ils avaient obtenu de figurer au sein de la majorité. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue un décalage fondamental, non sans conséquences, entre la situation prévalant au niveau national et la configuration rennaise. La déception de Dominique Voynet en 1995 la poussa à orienter ses efforts d’ouverture, jusque là concentrée sur la gauche alternative, vers le centre-gauche. Il s’agissait de faire converger CES et les Verts, en acceptant de passer un accord avec le PS à court terme. À Rennes au contraire, l’antagonisme entre Verts et CES, empêcha toute dynamique locale de rapprochement. Le fait qu’Yves Cochet, qui plaidait pour la fusion des écologistes au sein des Verts, jouât un rôle toujours plus effacé au sein de Rennes-Verte, accentua cette tendance. Par conséquent, la fusion de CES dans les Verts en 1998, si elle fut relativement aisée à l’échelle nationale (les amis de Noël Mamère appuyant la participation des Verts au gouvernement Jospin), se produisit dans la douleur à Rennes. Les deux conseillers municipaux écologistes avaient adhéré aux Verts mais, rejetés par leur base, étaient peu intégrés au groupe local de leur parti. Un compromis fut trouvé dans la perspective des élections municipales de 2001. Les Verts ne présentèrent pas de liste autonome, tirant les conclusions de la défaite de leur projet municipal. En effet, après la réalisation d’une nouvelle enquête d’utilité publique en 1996, les travaux du métro avaient débuté en 1997, sa mise en service devant intervenir en 2002. Ils acceptèrent donc la stratégie de « Gauche plurielle » qui semblait sourire aux gauches à l’échelle nationale et prirent part à la liste et au programme d’Edmond Hervé, candidat à sa propre succession. Pascale Loget obtint une place éligible mais les Verts « de souche » (notamment Nicole Kiil-Nielsen et Jean-Marie Goater) étaient plus nombreux. Pourtant, la fracture subsistait. Durant le mandat municipal 2001-2008, certains militants suggérèrent que les Verts se retirassent de la coalition, au nom de leur désaccord avec le renouvellement de la délégation de service public à l’entreprise Veolia. En 2007, les Verts choisirent de présenter une liste autonome, emmenée par Nicole Kiil-Nielsen ; mais Pascale Loget et plusieurs autres élus décidèrent de passer outre et furent élus sur la liste de Daniel

138 Delaveau, successeur d’Edmond Hervé, les Verts échouant à nouveau à entrer au Conseil municipal en tant que force autonome.

Demain, quelle écologie rennaise ?

Aujourd’hui, l’histoire semble donc se répéter. L’écologie politique rennaise est divisée entre les Verts, aux activités militantes, et Rennes Métropole Écologie (RME), formation créée en 2008 par les dissidents Verts et regroupant essentiellement des élus écologistes de l’agglomération. Autre coïncidence : la municipalité, par l’intermédiaire de l’agglomération (héritière du district) a lancé un projet de deuxième ligne de métro, en aérien sur une longue portion du parcours, ce qui suscite le mécontentement des riverains des quartiers concernés, comme au début des années 1990. RME soutient le projet municipal par pragmatisme, tandis que les Verts ont décidé de reprendre la défense du tramway. L’avenir nous dira si les Verts seront en mesure de contester l’hégémonie du PS sur la ville. Les droites rennaises, unies sous la bannière de l’Union pour un mouvement populaire, (UMP), essaieront à nouveau de mettre fin au long règne socialiste en 2014, malgré leur large défaite de 2008 et la concurrence, au centre, du Mouvement Démocrate (MoDem). Les Verts pourraient profiter de la fragilité financière du projet de métro, et d’un éventuel affaiblissement du nouveau maire pour se rendre indispensables au PS pour les prochaines élections municipales. Cependant, la relative proximité des écologistes rennais avec la gauche alternative issue du trotskisme fera peut-être naître un nouveau dilemme : coalition alternative avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) ou accord de gouvernement avec le PS ?

139 Annexe 1 : Résultats électoraux, 1977-1995

1977 - élections municipales de Rennes : 1983 - élections municipales de Rennes :

1er tour 2e tour 1er tour 2e tour Participation 73,38% 78 ,11% Participation 70,21% 74 ,11% Edmond Hervé (PS-PCF) 48,57% 55,85% Edmond Hervé (PS-PCF) 47,11% 52,84% Jean-Pierre Chaudet (Droites) 42,44% 44,15% Claude Champaud (Droites) 43,80% 47,16% Jean-Pierre Agaesse (PSU- 5,33% Yves Cochet (Rennes-Verte) 6,18% Amis de la Terre) Hilaire Fournier (Parti 1,60% Raymond Madec (LO-LCR) 2,28% solidarité sociale) Raymond Madec (LO-LCR) 1,32%

1989 - élections municipales de Rennes :

1er tour Participation 58,15% Edmond Hervé (PS-PCF) 50,76% Gérard Pourchet (Droites) 26,48% Yves Cochet (Rennes-Verte) 13,98% Pierre Maugendre (FN) 5,11% Jacques Campion (« Grignous ») 3,67%

1992 - élections régionales, résultats à Rennes :

Tour unique Participation 59,65% UDF-RPR 35,11% PS 22% Génération écologie 12,35% Bretagne-écologie-solidarité (Verts) 9,81% FN 8,99%

140 PCF 4,90% Démocratie-écologie-Bretagne (PS dissident) 1,81% LO 2,07% Peuple Breton, Peuple d’Europe 1,95% Convention régionale de Bretagne 1,02%

1992 - élections cantonales, résultats des cantons rennais renouvelés :

RENNES-CENTRE 1er tour 2e tour RENNES-CENTRE-OUEST 1er tour 2e tour Claude Champaud (UPF) 48,97% 69,62% Yves Fréville (UPF) 47,90% 65,60% Jean-Yves Chapuis (PS) 21,77% 30,38% Sylvie Robert (PS) 22,79% 34,40% Norbert Maudet (Verts) 13,85% Nicole Kiil-Nielsen (Verts) 14,83% Pierre Maugendre (FN) 11,00% Claude Deniel (FN) 7,50% Collet (PCF) 2,30% PCF 5,06% Casteret 2,11% Jacques Ars (ex-grignou) 2,32%

RENNES-NORD 1er tour 2e tour RENNES-EST 1er tour 2e tour Stéphane Jambois (UDF) 36,39% 47,23% Bernard Billard (UPF) 31,65% 55,46% Martial Gabillard (PS) 28,91% 33,42% Clotilde Tascon-Mennetrier (PS) 23,36% 44,54% Jean-Louis Merrien (Verts) 22,31% 19,35% Yves Cochet (Verts) 15,74% Chevet (FN) 8,47% Alain Guéguen (écologiste ind.) 8,86% Frostin (PCF) 3,92% Pierre Michaux (FN) 7,43% Éliane Poirier (PCF) 4,48% Michel Génin (UDB) 1,55% Jean-Claude Rouget (ind.) 0,86%

RENNES-SUD-EST 1er tour 2e tour RENNES-LE-BLOSNE 1er tour 2e tour Jean-Pierre Dagorn (UDF) 33,56% 40,65% Jean Normand (PS) 32,97% 40,57% Jules Rubion (PS) 28,83% 37,02% Jean-Claude Persigand (UDF) 25,19% 35,37% Jean-Luc Certain (Verts) 23,66% 22,33% Joël Morfoisse (Verts) 22,78% 24,05% Henri Leroy (FN) 8,34% Nicolas Toussaint (FN) 11,57% Serge Borgnard (PCF) 5,01% Gaëtane Ploteau (OCF) 7,49%

141 1993 - élections législatives, résultats des circonscriptions rennaises :

RENNES-SUD 1er tour 2e tour RENNES-NORD 1er tour 2e tour Jean-Pierre Dagorn (UPF) 34,43% 47,09% Yvon Jacob (UPF) 31,46% 54,90% Jean-Michel Boucheron (PS) 28,46% 52,91% Edmond Hervé (PS) 26,51% 45,10% Dominique Boullier (GE) 12,66% Yves Cochet (Verts) 13,38% Pierre Maugendre (FN) 7,35% Yves Pottier (RPR) 12,93% Christian Benoist (PCF) 6,24% Lionel Tocqué (FN) 5,96% Josette Grimaud (LO) 2,98% Paul Lespagnol (PCF) 3,10% Alain Guéguen (AED) 2,80% Raymond Madec (LO) 2,84% Colette Rouxel (défense des 1,89% Jacques Ars (« gogologiste 1,45% animaux) urbain ») Henri Davide (Démocratie 1,57% Bruno Lagadec (AED) 1,19% chrétienne) Marie-Claire Maudieu 0,79% Yves Juin (LCR) 1,24% (défense des animaux) Roger Brusq (PLN) 0,40% Alain Louvet (PLN) 0,35%

RENNES-OUEST-MONFORT 1er tour 2e tour RENNES-EST-VITRÉ 1er tour 48,22% 60,05% Pierre Méhaignerie (UPF) 62,22% Yves Fréville (UPF) Marcel Rogemont (PS) 20,85% 39,95% Gerbaud (PS) 11,92% Jean Tchoubar (GE) 11,28% Gaël Lagadec (Verts) 10,52% Brigitte Fourcade (FN) 6,66% Henri Leroy (FN) 6,25% (…) François Hamard (LO) 2,97% Dominique Gautier (défense des 2,43% Le Duff (PCF) 2,37% animaux) Michel Génin (UDB) 1,41% Castellano (divers) 1,93% Maryvonne Plestan (PLN) 0,58% Lacour (divers) 1,28% Marie Jumelais-Brusq (PLN) 0,53%

1994 - élections cantonales, résultats des cantons rennais renouvelés :

RENNES-NORD-OUEST 1er tour 2e tour RENNES-NORD-EST 1er tour 2e tour Frédéric Vénien (PS) 37,50% 51,45% Jean-Michel Boucheron (PS) 37,95% 49,83% Philippe Rouault (UPF) 36% 48,55% Régine Brissot (UPF) 28,45% 50,17% Éric Berroche (PCF) 5,8% Alain Zandonai (divers-droite) 12,91% Dominique Boullier (GE) 5,76% Yves Cochet (Verts) 8,48%

142 Christian Barbier (FN) 5,22% Lionel Tocqué (FN) 5,37% Jean-Yves Desdoigts (Rouge-et- 3,37% Jean-Michel Héry (PCF) 4,97% Vert) Honoré Puil (Radical) 3,19% Alain Guéguen (AED) 2,09% Michel Génin (UDB) 3,03% Alain Louvet (PLN) 0,38%

BRÉQUIGNY 1er tour 2e tour RENNES-CENTRE-SUD 1er tour 2e tour François Richou (PS) 41,17% 56,89% Jeanine Huon (PS) 42,15% 54,56% Benoît Caron (UPF) 28,51% 43,11% François Turmel (UPF) 35,77% 45,44% Joël Morfoisse (Verts) 8,16% Paul Renaud (GE) 6,79% Christian Gendron (ind.) 6,93% Michel Deniel (PCF) 6,00% Nicolas Toussaint (FN) 5,58% Pierre Maugendre (FN) 5,00% Wilfrid Lunel (PCF) 5,30% Casimir Champredonde 3,45% (Radical) Bruno Lagadec (Radical) 3,36% Gérard Thia-Kine (PLN) 0,82%

RENNES SUD-OUEST 1er tour 2e tour Daniel Delaveau (PS) 37,49% 55,28% Lionnel Sonnet (UPF) 21,37% 44,72% Yannick Le Moing (UPF) 14,50% Christian Benoist (PCF) 10,08% Yuleska Lifschutz (Verts) 7,40% Claude Deniel (FN) 5,18% Gérard Hamon (Rouge-et-Vert) 3,16% Roger Brusq (PLN) 0,82%

1995 - élection présidentielle, résultats en France et à Rennes :

EN FRANCE À RENNES

1er tour 2e tour 1er tour 2e tour Lionel Jospin (PS) 23,30% 47,36% Lionel Jospin (PS) 33,06% 56,86% Jacques Chirac (RPR) 20,84% 52,64% Édouard Balladur (RPR) 18,93% Édouard Balladur (RPR) 18,58% Jacques Chirac (RPR) 17,27% 43,14% Jean-Marie Le Pen (FN) 15,00% Jean-Marie Le Pen (FN) 7,54% Robert Hue (PCF) 8,64% Robert Hue (PCF) 7,23%

143 Arlette Laguiller (LO) 5,30% Arlette Laguiller (LO) 7,05% Philippe de Villiers (MPF) 4,74% Dominique Voynet (Verts) 5,48% Dominique Voynet (Verts) 3,32% Philippe de Villiers (MPF) 3,24% Jacques Cheminade 0,28% Jacques Cheminade 0,18%

1995 - élections municipales, résultats à Rennes :

1er tour 2e tour Participation 55,73% 54,69% Edmond Hervé (PS-PCF) 48,68% 59,45% Yvon Jacob (Droites) 30,47% 40,55% Yves Cochet (Rennes-Verte) 7,80% Pierre Maugendre (FN) 4,13% Philippe Taillandier (divers- 3,41% droite) Raymond Madec (LO) 2,44% Anne Baudoux (Rassemblement 2,12% utile à tous) Bernard Réty (PT) 0,95%

(source : Ouest-France)

144 Annexe 2 : Détail par canton des résultats des élections municipales de 1983, 1989 et 1995 à Rennes

Élections de 1983 :

145 Élections de 1989 :

Élections de 1995 :

(source : Ville de Rennes)

146 Index des noms propres

BERTHOUT, François : 105. A BHOPAL : 105. ABELES, Marc : 156, 158. BIANCO, Jean-Louis : 78. AED : 59, 61-63, 67, 111, 142-143, 153, 162. BLANDIN, Marie-Christine : 50, 55, 69, 107, 110, 164. AGAËSSE, Jean-Pierre : 23, 140. BLOSNE : 28, 52, 74, 94, 120, 141. ALLAIRE, Catherine : 114-115, 134. BOIS DE SŒUVRES : 49, 135, 156. ALSTHOM : 25. BOISSIERE, Bruno : 107 ANGER, Didier : 18-19, 31, 107, 129. BOIVIN, Marc : 45. ANTUNES, Carlos : 42, 156. AREV : 42-43, 57, 108-112, 135, 153, 161. BOMPARD, Claude : 114. BONNET, Christian : 14. ARS, Jacques : 61, 141-142. BORLOO, Jean-Louis : 47, 49. AUDREN, Michel : 54, 61, 63, 65. BORVON, Gérard : 21-22. AUFFRET, Annyvonne : 6, 158. BOSSON, Bernard : 79, 80. BOUCHERON, Jean-Michel : 28, 55, 62, 79, B 81, 90, 96, 142. BALKANS : 44. BOULLIER, Dominique : 6, 46-50, 55-57, 59- BALLADUR, Édouard : 56, 79, 95, 100, 121, 63, 99, 126, 135, 142, 155-156. 130, 143. BRAUD, Xavier : 79, 121-122. BATTAIS, Francis : 88. BRIERE, Jean : 16, 19, 106. BAUDOUX, Anne : 144. BRISSOT, Régine : 28, 62, 96, 142. BEAUFILS, Jacky : 54, 60. BRUSQ, Roger : 61, 142-143. BELLANGER, Katia : 31, 114. BUCHMANN, Andrée : 19, 59, 63, 107, 111. BELLIARD, Roger : 27.

BENNAHMIAS, Jean-Luc : 16, 158. C BENOIST, Christian : 85, 88, 142-143. CAILLOSSE, Jacques : 49. BEREGOVOY, Pierre : 52, 63, 66, 70. CAMPION, Jacques : 37, 140. BERNARD, Dominique : 32-33, 39, 118, 127, 130-131, 164. CANS, Roger : 158.

147 CDS : 26-29, 47, 54-55, 78-80, 96, 98, 120, DELORME, Guy : 30, 158. 122, 129, 153. DELORS, Jacques : 58-59, 109, 111. CERTAIN, Jean-Luc : 52, 94, 141. DESDOIGTS, Jean-Yves : 45, 99, 143. CES : 58-59, 67, 109, 111-113, 116, 135- DONZEL, François : 63, 155. 136, 138, 153, 155-156, 161. DOUARNENEZ : 63. CESSON-SEVIGNE : 27, 49, 156. DOUSSELIN, Marcelle : 31. CHAMPAUD, Claude : 26-28, 35, 88, 140-141. DRAY, Julien : 54, 66. CHANTEPIE : 49, 134-135. DUMONT, René : 3, 14-15, 30, 159. CHAPELLE-AUX-FITZMEENS (LA) : 55. DURAND-PRINBORGNE, Claude : 88. CHAPUIS, Jean-Yves : 26, 77, 141.

CHAUDET, Jean-Pierre : 23, 140. E CHERADAME, Anne : 114. ERCKSEN, Jean-François : 77. CHEVENEMENT, Jean-Pierre : 69. ERDEVEN : 13. CHIRAC, Jacques : 14, 27, 45, 47, 56, 58, 95, 111, 143. EX-YOUGOSLAVIE : 69, 162. COCHET, Émile : 29. COCHET, Yves : 4, 8, 12, 16-17, 19, 22, 29- F 37, 39, 45, 53-57, 61-63, 65, 68-70, 74, FABIUS, Laurent : 47, 66. 77, 80, 82-83, 88-93, 95-99, 106-109, 111, 113-115, 118-119, 120, 122-131, 133-135, FERRY, Luc : 64. 138, 140-142, 144, 155-156, 160, 164. FESSENHEIM : 12. COMPAGNIE GENERALE DES EAUX : 123-124, FN : 49-50, 54-55, 64, 95, 140-144, 153. 164. FORET DE RENNES : 49, 70. CONAN, Renée : 34, 107. FOURNIER, Hilaire : 36, 140. COUZELIN, Philippe : 128. FREMION, Yves : 13, 104, 107, 156. CRESSON, Édith : 50, 52. FREVILLE, Henri : 7, 22-23, 30, 96. CREYS-MALVILLE : 13-14, 70, 91, 159. FREVILLE, Yves : 27-28, 55, 96, 141-142.

D G DAGORN, Jean-Pierre : 8, 24, 27-29, 53, 55, 62, 80-81, 94, 120, 141-142, 156, 160. GABILLARD, Martial : 26-28, 53, 77, 89, 94, 141. DANCHAUD, François : 8, 27-29, 31, 35, 59, 62, 79-80, 92, 96-97, 101, 120, 123, 125- GENERATION ECOLOGIE : 5, 33, 45-67, 95, 99, 126, 156. 105-106, 109, 111-112, 128, 136-137, 140, 142-143, 153, 155-156, 161. DE CERTAINES, Jacques : 43. GENIN, Michel : 43-44, 141-143. DEBRE, Michel : 13 GÉNOVÈSE, Auguste : 27. DELAVEAU, Daniel : 4, 139, 143. GÉRAUD, Alain : 88, 100. DELEAGE, Jean-Paul : 42.

148 GIRARD, Alain : 45, 63, 78, 80-81, 89, 92, 94, JACOB, Yvon : 27-29, 58, 79, 96, 121-123, 96, 112. 126, 142, 144. GIRAULT, Viviane : 37, 39. JACQUES LE SEIGNEUR, Vincent : 30, 158. GISCARD D'ESTAING, Valéry : 14-15, 20, 47. JAMBOIS, Stéphane : 28, 53, 77, 94, 141. GOATER, Jean-Marie : 114, 138. JAN, Pierre-Yves : 43. GODEFROY, Roland : 54, 61, 66, 108. JOLLIVET, Hélène : 51. GOUAISLIN, Béryl : 8, 37, 39, 134. JOLY, Catherine : 114. GREEN PARTY (de Grande Bretagne) : 10. JOSPIN, Lionel : 5, 59, 101, 109, 111, 135, 138, 143. GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT : 3. JUIN, Yves : 142. GRIGNOUS (LES) : 37, 61, 140-141. JUQUIN, Pierre : 6, 36, 41-43, 156, 161. GRÜNEN (DIE) : 18, 42.

GUATTARI, Félix : 47. K GUEGUEN, Alain : 53, 61-63, 141-143, 162. KARLSRUHE : 73. GUERRE DU GOLFE : 44, 68, 69, 130, 162. KERNALEGENN, Tudi : 1, 6, 158. GUILLOUX, Hervelyne : 50-51. KEROUREDAN, Jean-Jacques : 59, 63. KIIL-NIELSEN, Lars : 1, 7, 34, 44, 55, 68, 98, H 107, 112, 114-115, 117-118, 121, 129- HACHE, Annaïg : 8, 31-32, 34, 37, 39, 68-70, 132, 134, 155-156. 90-92, 96-98, 107, 114-115, 117, 125, 128-129, 132, 134, 156. KIIL-NIELSEN, Nicole : 55, 98, 107, 114, 118, 132, 138, 141. HALOPEAU, Yann : 80.

HAMON, Gérard : 43, 45, 88, 99, 143, 156. L HERVÉ, Edmond : 4-6, 21-28, 32, 35-36, 43- 45, 55, 59-60, 62, 65-70, 72, 77-80, 82, LA PRAIRIE, Patrick : 53, 62, 66, 68, 78, 92. 84-85, 87-90, 93-103, 112-113, 116, 119, LAGADEC, Bruno : 47, 61, 63, 142-143. 121-126, 134, 138-140, 142, 144, 158, LAGADEC, Gaël : 55-56, 97-98, 117-118, 160, 162-164. 127-128, 130, 142, 156, 164. HERVE, Jean : 114-115, 133-134. LAIGNEAU, Monique : 114. HEURTIN, Pierre-Yves : 89. LAJOINIE, André : 41. HOLLANDE, François : 66. LALONDE, Brice : 15-18, 20, 30, 33, 46-50, HULOT, Nicolas : 3 52, 54-59, 63-64, 66, 99, 109, 111, 155, 159-161 HUMANITE (L’) (quotidien) : 57, 155. LANZA DEL VASTO, Joseph : 13.

LARZAC : 12-13, 20-21, 159-160. I LATOUR, Bruno : 48, 156. ISLER-BEGUIN, Marie-Anne : 57, 107. E GUIRRIEC, Patrick : 6, 32-33, 127, 158. L LE MONDE (quotidien) : 121, 123-124. J LE PEN, Jean-Marie : 50, 64, 106, 143.

149 LE PENSEC, Louis : 21. MICHALON, Vital : 14. LEBŒUF, Françoise : 31. MITTERRAND, François : 15, 17-18, 20-21, 40-41, 45-46, 57, 95, 137, 160. LEBRETON, Philippe : 16. MORFOISSE, Joël : 8, 31, 37, 39, 52, 68, 92, LECADRE, Renaud : 63, 155. 94, 99, 116-117, 128-130, 132, 134, 141, LECHEVESTRIER, Yvon : 37, 44, 69, 89, 90. 143. LEROUX, Jean-Paul : 44, 131. MULLER, Jean-Marie : 44. LEROY, Annick : 114-115, 134. LIBERATION (quotidien) : 63, 155. N LIENEMANN, Marie-Noëlle : 47, 49, 54, 66. NANTES : 23, 70. LIFSCHUTZ, Yuleska : 99, 114, 143. NICOLAS, Gilbert : 114. LILLE : 25, 66, 107, 129, 154. NORMAND, Jean : 6, 24-25, 28, 52-53, 72, 74, LIPIETZ, Alain : 42, 55, 69, 71, 156. 77, 79-80, 82, 89, 94, 121, 141, 156. LO : 111, 113, 119, 140-142, 144, 153. LOGET, Pascale : 47-48, 59, 70, 99, 135, 138, O 156. ONESTA, Gérard : 107. LOUVET, Alain : 61, 142, 143. OUEST-FRANCE (quotidien) : 6-8, 27-31, 36- 37, 42, 44-46, 49-71, 77-83, 85, 89-90, 92, 94-96, 101, 108, 110-113, 118-120, 122, M 123-125, 144, 155-156, 159-160. MAASTRICHT : 69. MADEC, Raymond : 87, 113, 140, 142, 144. P MADELIN, Alain : 58, 64, 71. PAGET, Gérard : 34. MAMERE, Noël : 57-59, 136, 138. PALM, Jeanine : 43. MAN : 13-14, 23, 153. PASQUA, Charles : 130. MANOVELLI, Bernard : 60. PASQUET, Jacques : 55, 63, 83, 101, 113. MARCHAIS, Georges : 41, 66. PATY, Georges : 27. MARTIN, Daniel : 23. PCF : 13-14, 17, 20, 23, 31, 41-42, 44, 46, MATRA : 25. 50, 54-55, 66, 71, 78, 87, 95, 101, 111, 119, 140-144, 153. MAUDET, Norbert : 114, 141. PELLIZA, Jean-Luc : 50-51, 67. MAUDIEU, Marie-Claire : 61, 142. PERSIGAND, Jean-Claude : 28, 52, 94, 141. MAUGENDRE, Pierre : 140-144. PHLIPPONNEAU, Michel : 6, 22-25, 27, 72, 94, MAUREPAS : 28, 62, 74, 76, 96, 120, 121. 156, 160. MEHAIGNERIE, Pierre : 26-28, 55, 71, 78-79, PHLIPPONNEAU, Thérèse : 114. 96, 120, 129-130, 142. PIAGET, Charles : 15. MERRIEN, Jean-Louis : 51, 53, 77, 82, 94, 118, 128, 130, 134-135, 141. PIETRASANTA, Yves : 136. MESSMER, Pierre : 12, 21. PLOGOFF : 13, 20-21, 30, 160.

150 PONIATOWSKI, Michel : 64. ROYAL, Ségolène : 66. PONTCHAILLOU : 28, 113. RPR : 14, 26, 28-29, 47, 49-50, 56, 79, 95- 96, 121, 130, 140, 142-143, 154. POIRIER, Georges : 52, 55-56. RUBION, Jules : 53, 94, 141. PORSMOGUER : 13.

POURCHET, Gérard : 26-28, 36, 65, 84, 126, 140, 160. S PRAIRIES SAINT-MARTIN : 70, 82, 86-87, 90, SAINT-BRIAC : 58. 133, 163. SAINT-BRIEUC : 45, 123. PREAULT, Yves : 26, 86, 90, 97, 125. SAINT-GRÉGOIRE : 131. PRENDIVILLE, Brendan : 128, 158. SAINTENY, Guillaume : 158. PREVOST, François : 45. SALMON, Patrick : 158. PRONIER, Raymond : 30, 158. SARKOZY, Nicolas : 3. PS : 2, 4-5, 7-9, 13-14, 17, 19-20, 23-24, 26- SCHVARZ, Loïc : 36, 160. 28, 31-32, 41, 43-47, 49-54, 57-60, 62-72, 76-79, 87-89, 92-101, 103, 105-106, 108- SERRES, Michel : 10. 109, 111, 113, 117, 119-120, 123, 125, STOLÉRU, Lionel : 47. 127-135, 137-144, 153, 156, 160-164. SUPERPHÉNIX : 14, 91. PSU : 11, 14-16, 19, 23, 30, 40-43, 45, 88, 140, 153. PUIL, Honoré : 59, 143. T TAILLANDIER, Philippe : 144. Q TAPIE, Bernard : 57, 109. QUILES, Paul : 21. TASCON-MENNETRIER, Clotilde : 53, 141. TAZIEFF, Haroun : 47. R TCHERNOBYL : 105. RADANNE, Pierre : 17 TCHOUBAR, Jean : 55-56, 142. Rémi : 118. TELKÄMPER, Wilfrid : 42, 156. RENAUD, Paul : 47, 50-51, 58, 99, 143. TITOUS, Kaïssa : 42. RICHARD, François : 80, 81. TOCQUÉ, Lionel : 142-143. RIO DE JANEIRO : 10. TOURAINE, Alain : 20, 64. ROBERT, Bernard : 114. TREPART, Olivier : 59. ROCARD, Michel : 45-46, 49, 57, 66, 69, 107, 129. U ROCHE, Agnès : 16, 158. UDB : 23, 32, 43-44, 88, 101, 141-143, 154. ROGEMONT, Marcel : 90, 97, 142. UDF : 8, 14, 24, 27-28, 49-50, 53, 55-56, 77, ROLLAND, Jacques : 43, 45. 95, 106, 120, 140-141, 154, 156. ROUX, André : 114, 118. UPF : 28-29, 49-50, 52, 58, 141-143, 154. ROUXEL, Colette : 61, 142. URBA : 122-123, 164.

151

V VAL : 9, 25-28, 45, 52-53, 59-60, 62, 65, 68, 72, 74, 76-85, 91-100, 113, 120-123, 127- 131, 133, 137, 154, 156, 158, 160, 162- 164. VEOLIA : 4, 138. VIAL, Jean-François : 114. VILLALON, Yannick : 114, 118. VILLEJEAN : 74, 86, 120. VILLENEUVE-D'ASCQ : 25, 154. VIOLANTI, Philippe : 47, 50, 55. VIOLETTE, Christophe : 118. VION, Antoine : 6, 100-101, 158. VITRE : 55, 96, 129. VOYNET, Dominique : 3, 5, 54, 56, 59, 63, 69, 107-112, 125, 129, 135, 138, 144, 164.

W WAECHTER, Antoine : 4, 16, 19, 31-32, 40, 42, 51-52, 54-57, 64, 104-111, 128.

152 Table des sigles

AED : Alliance pour l'écologie et la démocratie AG : Assemblée générale APD : Avant-projet détaillé APS : Avant-projet sommaire AREV : Alternative rouge et verte AUDIAR : Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise CDS : Centre des démocrates sociaux CES : Convergence écologie-solidarité CFDT : Confédération française démocratique du travail CGT : Confédération générale du travail CIELE : Centre d’information sur l’énergie et l’environnement CLIN : Comité local d’information sur le nucléaire CRIN : Comité régional d’information sur le nucléaire CNIR: Conseil national inter-régional (instance représentative des Verts) FEB : Fédération écologiste bretonne FN : Front National FNSP : Fondation nationale de science politique GE : Génération écologie IDEES : Initiatives pour la démocratie, l’écologie, l’Europe et la solidarité LCR : Ligue communiste révolutionnaire LO : Lutte ouvrière MAN : Mouvement pour une alternative non-violente MEI : Mouvement des écologistes indépendants MRG : Mouvement des radicaux de gauche, appelé par la suite Radical (aujourd'hui Parti radical de gauche, PRG) PCF : Parti communiste français

153 PLN : Parti de la loi naturelle PS : Parti socialiste PSP : Presses de Sciences-po PSU : Parti socialiste unifié PT : Parti des travailleurs PUF : Presses universitaires de France RAT : Réseau des Amis de la Terre RME : Rennes-métropole écologie RPR : Rassemblement pour la République SEMTCAR : Société d’économie mixte de transports en commun de l’agglomération rennaise SFIO : Section française de l’Internationale ouvrière SITCAR : Syndicat intercommunal des transports en commun de l’agglomération rennaise SPA : Société protectrice des animaux TCSP : Transport en commun en site propre UDB : Union démocratique bretonne UDF : Union pour la démocratie française UPF : Union pour la France (coalition des droites parlementaires) VAL : initialement, Villeneuve-d’Ascq – Lille, et par extension : Véhicule automatique léger

154 Sources

Périodiques et articles de presse : -Ouest-France, quotidien, édition rennaise, tous les numéros entre mars 1992 et juin 1995. Cote : 2Mi1468 à 2Mi1495 (microfilms), bibliothèque des Champs Libres, Rennes. -Le Rennais, bulletin municipal mensuel, toutes les pages de Rennes-Verte de mai 1989 à décembre 1994, archives de Lars Kiil-Nielsen. -Renaud Lecadre « Pour François Donzel, l'argent n'a jamais eu d'odeur », Libération, 3-5- 2005, disponible en ligne : http://www.liberation.fr/societe/0101527842-pour-francois- donzel-l-argent-n-a-jamais-eu-d-odeur (consulté le 11-5-2009). -« Brice Lalonde obtient une courte majorité », L'Humanité, 11-4-94. Disponible en ligne : http://www.humanite.fr/1994-04-11_Articles_-Brice-Lalonde-obtient-une-courte-majorite (consulté le 11-5-2009).

Archives : -Documentation interne des Verts et de Rennes-Verte, archives privées de Lars Kiil-Nielsen. -Extraits des délibérations du Conseil Municipal de Rennes, de mars 1992 à juin 1995. Cote : 1-D-262 à 1-D-276, archives municipales de Renne. -Novello, Regards sur mars 1977. Cote : 1387-W7, archives municipales de Rennes. -Propagande et résultats des élections présidentielle et municipales de 1995 à Rennes, Archives municipales de Rennes, cote : 931-W-106. -Historique des élections municipales rennaises, Ville de Rennes, http://www.rennes.fr/index.php?id=1382&id=1382 (consulté le 11-5-2009).

Entretiens avec les personnes suivantes : -Dominique Boullier, ancien militant (GE puis CES). Le 27-03-09, à Rennes, durée 1 h 30. -Yves Cochet, dirigeant Vert et ancien conseiller municipal. Le 18-02-09, à Paris, durée 30 mn.

155 -Jean-Pierre Dagorn, ancien conseiller général d’Ille-et-Vilaine (UDF, 1985-1998) et ancien président du Comité pour un référendum sur le VAL (1990-1995). Le 4-03-09, à Cesson- Sévigné, durée 1 h 45. -François Danchaud, ancien chef de la rédaction rennaise de Ouest-France. Le 18-03-09, à Rennes, durée 1 h 50. -Annaïg Hache, ancienne militante Verte (à partir de 1983) et ancienne conseillère municipale (1989-1995). Le 11-02-09, à Rennes, durée : 2 h 15. -Gérard Hamon, militant du Mouvement Rouge et Vert (à partir de 1988). Le 26-01-09, à Rennes, durée 2 h. -Lars Kiil-Nielsen, militant Vert (à partir de 1989). Le 5-02-09, à Rennes, durée 2 h. -Gaël Lagadec, ancien militant Vert (à partir de 1991). Le 5-03-09, à Rennes, durée 2 h. -Pascale Loget, ancienne militante (GE à partir de 1990, puis CES à partir de 1994). Le 11- 02-09, à Rennes, durée 1 h. -Jean Normand, conseiller général, ancien conseiller municipal (PS, 1977-2008). Le 25-03- 09, à Rennes, durée 1 h 30.

Témoignages écrits : -Dominique Boullier Derrière chez moi... l'intérêt général. Le bois de Sœuvres à Rennes, Textuel, 2001. Cote V 366/22/1, Bibliothèque centrale de l'Université de Rennes 2. -Yves Cochet « Envie d’une Europe », in Marc Abelès (dir.) Le défi écologiste, Paris, L’Harmattan, 1993. Cote AD 21 (341) DEF, bibliothèque de l’IEP de Rennes. -Yves Frémion Histoire de la révolution écologiste, Hoëbeke, 2007. -Pierre Juquin, Carlos Antunes, Wilfried Telkämper (et al.) Pour une alternative verte en Europe, La Découverte, 1990. Cote 137719, bibliothèque des Champs Libres, Rennes. -Pierre Juquin De battre mon cœur n’a pas cessé, Mémoires, L’Archipel, 2006. Cote 320 944 JUQ, bibliothèque des Champs Libres, Rennes. -Bruno Latour Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, 1999. Cote CD 2 LAT, bibliothèque de l’IEP de Rennes. -Alain Lipietz Vert Espérance. L’avenir de l’écologie politique, La Découverte, 1993. Cote AD 21 (341) LIP, bibliothèque de l’IEP de Rennes. -Jean Normand Le VAL de Rennes : Un combat pour la ville, Rennes, Apogée, 2002. Cote 625.4 NOR, bibliothèque des Champs Libres, Rennes. -Michel Phlipponneau Le VAL à Rennes ? , Nature et Bretagne, Spézet, 1995. Cote AC 71 PHL, bibliothèque de l’IEP de Rennes.

156

157 Bibliographie

-Marc Abelès (dir.) Le défi écologiste, Paris, L’Harmattan, 1993. -Annyvonne Auffret L’opposition au VAL de Rennes : sociologie d’une mobilisation, Mémoire de DEA, Université de Rennes 1, 1992. -Jean-Luc Bennahmias et Agnès Roche Des Verts de toutes les couleurs, Albin Michel, 1991. -Roger Cans Petite histoire du mouvement écolo en France, Armand Colin, 2006. -Collectif Le vote éclaté : les élections régionales et cantonales des 22 et 29 mars 1992, Presses de la FNSP, 1992. -Guy Delorme Ouest France. Histoire du premier quotidien français, Éditions Apogée, 2004. -Tudi Kernalegenn Luttes écologistes dans le Finistère 1967-1981. Les chemins bretons de l'écologie, Yoran Embanner, Fouesnant, 2006. -Patrick Le Guirriec « Dix ans d’écologie politique en Bretagne », in Marc Abelès (dir.) Le défi écologiste, L’Harmattan, 1993. -Brendan Prendiville L’écologie. La politique autrement ? L’Harmattan, 1993. -Raymond Pronier et Vincent Jacques Le Seigneur Génération verte. Les écologistes en politique, Presses de la Renaissance, 1992. -Guillaume Sainteny Les Verts, QSJ, 2554, 1992. -Guillaume Sainteny L’introuvable écologisme français ? , PUF, 2000. -Patrick Salmon Les écologistes dans les médias, L’Harmattan, 2000. -Antoine Vion « Retour sur le terrain. La préparation des élections municipales de 1995 par l’équipe d’Edmond Hervé, maire de Rennes », in Sociétés contemporaines, n°24, 1995, L’Harmattan.

158 Table des matières

Remerciements...... 1 Sommaire ...... 2

Introduction ...... 3

Tâtonnements autour de l'objet ...... 3 Problématique ...... 5 Précisions lexicales...... 6 Sources ...... 6 Ouvrages...... 6 La presse : Ouest-France...... 6 Archives de Rennes-Verte...... 7 Délibérations du conseil municipal...... 8 Entretiens...... 8 Plan ...... 9

Chapitre I- L’irruption des écologistes dans le champ politique français et rennais (1968-1989) ...... 10

I. Entre luttes sociales et défense de la nature : deux écologies politiques (1968-1984)11 A. Les années 1968 : accouchement de l’écologie politique ...... 11 1- Politisation, contestation, écologie ...... 11 2- L'incubation d'une nouvelle culture politique : le Larzac et les centrales nucléaires ...... 12 a- Les écologistes face à l'État, la technocratie et le militarisme ...... 12 b- La rupture de Creys-Malville : les écologistes contre la gauche radicale (1977) 13 B. L’entrée en politique : la question du clivage droite-gauche...... 14 1- 1974 : le moment Dumont ...... 14 2- MEP et RAT : deux conceptions de la politique écologiste ...... 16 3- 1981, la candidature Lalonde...... 16

159 C. Les Verts, maison commune ?...... 17 1- Les Verts entre Parti et Confédération (1981-1984)...... 17 2- L’hypothèque Lalonde (1981-1988)...... 18 3- L’arrivée des waechtériens : le choix de l’environnementalisme...... 18 II. Changer la vie, changer la ville : conquête et exercice du pouvoir par les gauches françaises et rennaises (1977-1989)...... 20 A. 1981 : drame en deux actes pour les écologistes...... 20 1- Le moment Mitterrand : soulagements à Plogoff et sur le Larzac...... 20 2- Le contrecoup de 1981 : les écologistes contre les gauches ...... 21 B. Rennes, du centre-droit à l’Union de la gauche...... 22 1- 1977 : « Changer la ville » avec le PS ...... 23 2- La conversion moderniste d'Edmond Hervé (1983-1989)...... 24 a- TCSP et densification urbaine : l’éviction de Michel Phlipponneau ...... 24 b- Edmond Hervé : le VAL à tout prix...... 25 2- Les droites rennaises : de la division au second souffle (1989-1994) ...... 26 a- Les deux droites rennaises : gaullistes et démocrates-chrétiens ...... 26 b- Mobilisations contre le VAL : la troisième droite de J.-P. Dagorn ...... 27 c- Les élections municipales de 1995 en ligne de mire...... 28 III. Rennes-Verte : l’ambition d’une alternative écologiste (1983-1989) ...... 29 A. Yves Cochet, un écologiste réformiste et révolutionnaire ...... 29 1- Du MRP aux Amis de la Terre… en passant par Mai 1968 ...... 29 2- Ni gauche, ni droite : « ailleurs »...... 30 a- Le monde selon Yves Cochet : l’écologie originale ...... 30 b- De la Feuille d’Érable à Rennes-Verte, Alternative et Écologie ...... 31 3- Rennes-Verte : bastion cochétiste en terre bretonne...... 32 B. Rennes-Verte : entre parti-société et entreprise individuelle...... 33 1- Une démocratie interne exigeante...... 33 a- Rennes-Verte, un sas vers les Verts ...... 33 b- Parité et démocratie interne : l’exemple du scandale de 1986...... 34 c- Le militantisme de base, structurant de l’agir politique des Verts rennais ...... 35 2- Yves Cochet, une locomotive électorale déterminante...... 35 a- La victoire de 1989...... 35 - Gérard Pourchet, Edmond Hervé, Yves Cochet et les femmes par Loïc Schvarz, Ouest- France, 11/12-2-1989 -...... 36

160 b- Vers une majorité alternative en 1995 ? ...... 37 Conclusion du chapitre I ...... 39

Chapitre II- L'écologie politique au-delà des Verts ? ...... 40

I. La gauche alternative et le paradigme écologiste : entre adoption et inadaptation . 41 A. De l’autogestion à l’écologie : les comités Juquin (1988) ...... 41 1- Communisme rénovateur, gauche radicale, écosocialisme : la candidature de Pierre Juquin à la présidence de la République ...... 41 2- Recompositions et éclatements : Nouvelle gauche, AREV et Verts ...... 42 B. Rouges-et-Verts : les suites du Juquinisme à Rennes...... 43 C. Verts, roses et Rouges-et-Verts : relations tripartites (1989-1995) ...... 43 1- L’entre-deux des élections de 1989 ...... 43 2- Des accords à géométrie variable (1992-95) ...... 44 II. Génération écologie : naissance et éclatement de l'écologie politique réformiste ... 45 A. Génération écologie : de la manœuvre politicienne au parti politique...... 46 1- « Rassembler les réformateurs de chaque camp » : de l’art du recyclage en politique ...... 46 2- Un nouveau personnel politique pour une autre écologie...... 47 3- Des thématiques et pratiques politiques originales...... 48 B. Les élections de 1992 : l'écologie coupée en deux ...... 49 1- Les élections régionales : les Verts rattrapés par GE...... 50 2- Enracinement local des Verts et ambitions nationales de GE...... 51 a- GE en préparation pour les élections législatives de 1993...... 51 b- Les cantonales de Rennes : les Verts en piste pour les municipales...... 52 C. L’Entente des écologistes : mariage de raison ou mariage forcé ?...... 53 1- L’Entente Verts-GE de 1993 : l’échec de l’ambition législative des écologistes.... 54 2- Ruptures multiples en 1994 : vers une recomposition du paysage de l'écologie politique...... 56 D. L'éclatement de l'écologie centriste (1995) ...... 58 1- La marginalisation de Brice Lalonde et de GE au centre-droit...... 58 2- Un nouveau centre-gauche écologiste : CES...... 58 III. L’écologie victime de son succès : récupérations en tous genres (1992-1995)...... 60 A. Groupuscules écologistes et financement public : la dispersion électorale de 1993... 60 B. Plus fort que GE : les cautions écologistes du PS (1992-1995) ...... 62

161 1- Alain Guéguen, le « sous-marin rose » rennais ?...... 62 2- AED : écologiser le PS, parasiter les Verts...... 62 C. Gauches et droites face à l’écologie politique...... 64 1- À droite, « l’écologie » contre « l’écologisme »...... 64 2- Edmond Hervé et le PS : l'écologie revendiquée...... 65 Conclusion du chapitre II ...... 67

Chapitre III - Les Verts, le PS et le métro rennais (1989-1995)...... 68

I. « Nous sommes différents » : l’alternative verte...... 68 A. Divergences politiques sur les thématiques nationales ...... 68 1- Guerre du Golfe et ex-Yougoslavie : les Verts avec les pacifistes...... 69 2- Nucléaire, autoroutes : contre Edmond Hervé le « monomaniaque du modernisme » ...... 69 3- Le fabuleux destin des 32 heures (1992) ...... 70 B. Urbanisme et transports en commun : la conciliation impossible ? ...... 71 1- Deux conceptions opposées du développement urbain ...... 72 2- Les Verts : le tramway contre le VAL...... 73 a- Le tramway pour changer la ville...... 73 - Tract de Rennes-Verte, recto, élections municipales de 1995 - ...... 75 - Tract de Rennes-Verte, verso, élections municipales de 1995 -...... 75 b- Une opposition acharnée au VAL...... 76 3- Batailles médiatiques, électorales et juridiques ...... 76 a- La conquête de l’opinion publique par les opposants au VAL (1990-1992) ...... 76 b- Embûches administratives : la viabilité politique du VAL en question...... 77 c- Le VAL dos au mur : rendez-vous en 1995 ...... 79 C. Les Verts pour une révolution démocratique municipale...... 81 1- Revaloriser la citoyenneté...... 81 a- Le référendum, idéal et arme anti-VAL...... 81 b- Le quartier, « lieu de l’égalité »...... 82 2- La dénonciation du verrouillage institutionnel : les difficultés de l’opposition constructive ...... 83 a- Pour une démocratie d’assemblée...... 83 b- La bataille pour le pluralisme médiatique : Le Rennais...... 84 D. Convergences et points d'achoppements municipaux ...... 85

162 1- Papier recyclé et bicyclettes : mention passable pour la municipalité...... 85 2- Déchets et Prairies Saint-Martin : questions sensibles ...... 86 II. Edmond Hervé et les Verts : de l’ostracisme aux propositions d’ouverture (1989- 1993)...... 87 A. Des Verts inopportuns mais déterminés (1983-1989)...... 87 1- Les majorités municipales d’Edmond Hervé : un pluralisme encadré ...... 87 2- 1989, vers la cohabitation PS-Verts...... 88 B. Opposition constructive et boycott (1989-1995)...... 90 1- Les Verts : un travail municipal déterminé...... 90 2- Dans les tranchées du conseil municipal ...... 90 a- La stratégie médiatique et politique des quatre écologistes ...... 91 b- Les sarcasmes de la majorité...... 92 C. L’appel à l’aide du PS en détresse (1992-1993)...... 93 1- 1992, premier recul du PS...... 94 a- Un sursis pour la majorité municipale ...... 94 b- Les écologistes en position de force ...... 94 2- 1993, mauvais présage pour Edmond Hervé ?...... 95 a- Élections législatives : hécatombe pour les socialistes ...... 95 b- Vers un camp progressiste face aux droites en 1995 ? ...... 96 III. L’accord impossible ? Vers la confrontation PS-Verts (1994-1995)...... 97 A. Stratégies inconciliables et focalisation réciproque sur le VAL ...... 97 B. Retour à l’ostracisme : le PS en guerre contre les Verts (1995)...... 99 1- Des écologistes pro-VAL avec le PS...... 99 2- E. Hervé à l’offensive : retour sur le terrain et ouverture tous azimuts contre les droites...... 100 -Document de campagne d’Edmond Hervé, élections municipales de 1995-...... 102 Conclusion du chapitre III...... 103

Chapitre IV- Les Verts au milieu des années 1990 : entre crises et redécoupage des frontières de l'écologie politique...... 104

I. Les Verts : ruptures nationales et évolutions locales (1989-1995)...... 104 A. Des waechtériens à Verts au pluriel : la fin d’une ambiguïté ...... 105 1- Le départ des waechtériens, effritement d’une majorité transitoire chez les Verts105 2- De l’impuissance cochétiste à l’offensive voynétiste : le changement de majorité106

163 B. Les Verts vers un pôle écologiste de gauche...... 108 1- Les Assises de la transformation sociale : les fiançailles de l’écologie ?...... 108 2- Éclatements et cure d’amaigrissement : de nouvelles de bases pour l’écologie politique...... 108 C. 1995 : deux stratégies comparées ...... 109 1- L’élection présidentielle : les Verts, nouvelle gauche alternative ?...... 109 a- Dominique Voynet et Marie-Christine Blandin : deux figures féminines du renouveau Vert ...... 110 b- La Convention : l’échec de l’ambition rassembleuse des Verts ...... 110 2- À Rennes, une liste Verte et ouverte ?...... 111 -La liste de Rennes-Verte aux élections municipales de 1995- ...... 114 -Les premiers de liste de Rennes-Verte en 1995- ...... 115 II. 1995, la bataille perdue de Rennes-Verte...... 116 A. Rennes, laboratoire écologiste ?...... 116 1- Le Réseau Vert, une tentative avortée d’enracinement ...... 116 2- Rennes-Verte : un acteur partisan isolé ...... 118 B. Le VAL et le PS au-dessus de leurs forces...... 120 1- Le combat contre le VAL récupéré par les droites ...... 120 2- Les vicissitudes de l’alternative verte au VAL...... 121 3- L’insubmersible Edmond Hervé...... 122 a- Le VAL, un non-enjeu électoral ?...... 122 b- Edmond Hervé, Urba et la Compagnie générale des Eaux : un scandale avorté123 c- Yves Cochet, un challenger peu assidu...... 125 III. Vers une recomposition de l’écologie politique rennaise ...... 126 A. Rennes-Verte : un pot-pourri en voie de mutation interne...... 126 1- Hégémonie cochétiste et marginalisation des outsiders...... 127 a- Dominique Bernard et les ficelles de Rennes-Verte ...... 127 b- Gaël Lagadec, le challenger : de la contestation à la marginalisation ...... 128 2- L’aile gauche de Rennes-Verte : de la marginalité à l’intégration ...... 131 3- La défaite de 1995 : la concrétisation d’un divorce entre élus et militants ?...... 132 a- Parti structuré ou mouvement alternatif : la permanence du dilemme...... 132 b- Les élections municipales de 1995, catalyseur de la rupture...... 133 B. Épilogue : vers une écologie bipartite, en France et à Rennes ...... 135

164 Conclusion...... 137

L’écologie politique, plurielle...... 137 1995, matrice de l’écologie politique rennaise d’aujourd’hui ...... 137 Demain, quelle écologie rennaise ? ...... 139

Annexe 1 : Résultats électoraux, 1977-1995...... 140

1977 - élections municipales de Rennes :...... 140 1983 - élections municipales de Rennes : ...... 140 1989 - élections municipales de Rennes : ...... 140 1992 - élections régionales, résultats à Rennes :...... 140 1992 - élections cantonales, résultats des cantons rennais renouvelés :...... 141 1993 - élections législatives, résultats des circonscriptions rennaises : ...... 142 1994 - élections cantonales, résultats des cantons rennais renouvelés :...... 142 1995 - élection présidentielle, résultats en France et à Rennes :...... 143 1995 - élections municipales, résultats à Rennes :...... 144

Annexe 2 : Détail par canton des résultats des élections municipales de 1983, 1989 et 1995 à Rennes...... 145

Élections de 1983 : ...... 145 Élections de 1989 : ...... 146 Élections de 1995 : ...... 146

Index des noms propres ...... 147

Table des sigles ...... 153

Sources...... 155

Bibliographie...... 158

Table des matières...... 159

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