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Le denier du culte The Doors d’ Gabriel Landry

L’adaptation au cinéma Number 55, Summer 1991

URI: https://id.erudit.org/iderudit/22872ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Landry, G. (1991). Review of [Le denier du culte / The Doors d’Oliver Stone]. 24 images, (55), 73–73.

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LE DENIER DU CULTE par Gabriel Landry

u Vietnam à la côte ouest américaine, D Oliver Stone n'aura fait que déporter l'attirail de sa laborieuse chronique des sixties, époque devant laquelle il pose en encenseur pieux, ayant raté l'examen de l'annaliste honnête. Son regard supposé- ment critique sur l'Amérique des années soixante pèse bien peu en comparaison d'une fascination admirative que la caméra dissimule mal, et c'est finalement, encore une fois, un dévotieux éloge qui l'emporte sur les tentatives de démystification et les velléités décapantes. Soldat Kovic ou chan­ teur des Doors, les héros stoniens sont célé­ brés avec une égale ferveur laudative. Après le confiteor de Born on the Fourth of July, qui finissait par rédimer tous les pécheurs d'une Amérique ô combien pénitente, voici donc le bouquet funèbre des rogations à la Jim Morrison () sanctifié. gloire de Saint Jim, poète et martyr d'une ère d'effloraison psychédélique et de prouesses par ailleurs toute la poésie du rockeur sanc­ tions-éclairs d'un chaman ange gardien guerrières. Malgré le parti pris de ne rien tifié qui transpire enfin à l'écran, et la entre deux soumissions de Jim l'Intrépide cacher des travers de l'idole — mais c'était fameuse et affligeante banalité de ce dis­ aux vices de l'alcool ou du sexe (l'esprit est pour mieux montrer que sa grandeur et sa cours contemporain qui voit des Rimbaud ardent mais la chair est faible), etc. Cette décadence sont également majuscules —, partout. Sa chandelle de vie ayant bien nomenclature de motifs «à l'effigie de» l'hommage confine cette fois à la bigoterie, brûlé par les deux bouts, le grand Jim ira aurait pu être intéressante si le film lui- Stone ayant manié avec un peu trop de zèle dormir au Père-Lachaise, à l'ombre des plus même n'était pas qu'une suite de saynètes la cassolette du thuriféraire. Saint Jim par- grands. destinées à illustrer les chansons des Doors, ci, Saint Jim par-là, il fallait s'y attendre: Soit. Déférence gardée envers Jim qui défilent les unes après les autres comme The Doors est amollissant et répétitif Morrison, parions que la proximité de leurs des litanies accolées à leurs clips. comme un chapelet, ennuyeux comme une tombeaux ne rapproche pas outre mesure le Sachons gré à Val Kilmer d'avoir resti­ neuvaine. «An American Prayer», c'était le rockeur et ses voisins de sépulcre. Oliver tué avec justesse la voix et la gestuelle titre des poésies de Morrison. Mais il n'en Stone n'est pas de cet avis, lui qui nous scénique de Morrison. Le personnage réclamait pas tant. conduit, lors d'une visite au fameux cime­ échappe seul, par moments, au carnaval Le film est un mélange de promotion tière (zèle ultime d'une dévotion exemplai­ grand-guignolesque des sosies-épouvan- grotesque et de mythologie à la Lucien re), à l'épitaphe de son gourou via celles des tails qui peuplent le film et lui décernent la Francœur. Il convoque, par vagues alternées Balzac, Molière, Proust, La Fontaine et palme de la contrefaçon. Mais les fidèles de symboles à cinq cennes et d'évocations Cie. Beau pèlerinage, certes. Mais toutes sont généralement friands de ces rituels où puériles, l'habituelle mosaïque des clichés ces pierres tombales, c'est assommant. les ouailles et les pasteurs ont revêtu leurs dévolus à la figure et à la personnalité d'un Stone distribue ainsi d'un bout à l'autre de habits d'apparat et arboré leurs rictus exta­ Morrison ange et démon, c'est-à-dire poète son film, avec la délicatesse et la subtilité tiques pour la célébration d'une messe gran­ et rockeur (quelle chance!). Complexité d'un marteau-piqueur, son inventaire de diose. Gageons qu'ils seront nombreux à oblige, la nature de Jim le Magnifique petites trouvailles cinématographiques. donner les huit dollars du denier du culte. • oscille entre deux pôles, l'un satanique et Avant l'échantillonnage des épitaphes célè­ formidablement orgiaque (tout grand poète bres, par lequel la pop star rejoint les rangs doit se réaliser sexuellement), l'autre mes­ d'une fâcheuse postérité accrochée à la sianique à souhait: avant l'immolation, le quille du Bateau Ivre, on aura droit aux THE DOORS Rédempteur aura vainement tenté d'exorci­ rappels coalisés des principales obsessions États-Unis, 1991. Ré. : Oliver Stone. Scé. : Stone et ser dans la drogue et l'alcool les démons qui de l'imaginaire morrisonien: gros plans sur Randal Johnson. Ph. : Robert Richardson. Mont. : David Brenner. Mus. : The Doors. Int. : Val Kilmer, le hantaient, et se sera payé le séjour au un lézard de service, animal emblématique Frank Whaley, Kevin Dillon, Kyle MacLachlan et désert en compagnie de ses disciples. C'est du reptilien chanteur nippé de cuir; appari­ Meg Ryan. 145 minutes. Couleur. Dist. : Tri-Star. 73