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N°20 Nov - Dec 2010 Le magazine Culturel

Dossier spécial Zombie Mammuth rencontre avec Gustave de Kervern

p. 6-7

L’empereur de Chine rencontre avec Madeleine Louarn

p. 8 à 10 p. 14-15

Scorpion : 40 ans de rock p. 21-23

Et toujours des chroniques, des critiques, des nouvelles, des découvertes, des points de vue, des actualités culturelles... 2 Sortie de secours Cinéma

éditopar David Roué Sommaire

Premier numéro de l’année et quel cinéma Kaboom...... 3 numéro ! Des zombies, des costumes, des La Princesse de Montpensier ...... 4 vinyles, des scorpions, et des rencontres anime Soul eater...... 5 exceptionnelles avec Gustave de Kervern et Madeleine Louarn. Un numéro à dvd Mammuth...... 6-7 savourer pour tenir le coup avant les lointaines vacances de Noël ! dossier Zombie qui court...... 8-9 L'Invasion des morts-vivants...... 10 Comme vous pouvez le constater, Sortie western L'Homme qui tua Liberty Valance...... 11 de secours fait une rentrée tardive cette année, avec un nouveau fonctionnement littérature De sang froid...... 12 de son équipe rédactionnelle. En effet, Vie en temps de guerre...... 13 à partir de novembre, nous assurerons une permanence tous les lundis de 13h théâtre L'Empereur de Chine...... 14-15 à 18h (hors vacances scolaires), à la faculté Victor Segalen, au local A323 société Le Papalagui...... 16-17 (3e étage, un peu avant le chemin qui vintage Le Vinyle...... 18-20 mène à la BU). Si vous voulez rejoindre l’équipe de rédaction, si vous avez des musique Scorpion : ...... 21 commentaires ou des questions sur le Scorpion : historique...... 22-23 magazine, n’hésitez pas à passer nous faire un petit coucou, c’est avec plaisir Nouvelles Sans être en vie...... 24–25 que nous vous acceuillerons. Un chat, un homme et une femme...... 26–27

bientôt à brest Petit agenda culturel...... 28 Par ailleurs, l’aventure Sortie de secours se poursuit toujours sur internet, à l’adresse suivante :

www.sortiedesecours.info

Nous sommes également présents sur facebook, et vous pouvez nous joindre par mail à l’adresse suivante : [email protected].

En espérant que cette année soit aussi riche que les précédentes en révélations, découvertes, rencontres et points de vue différents sur la culture au sens large du terme, rendez-vous au prochain numéro !

Erratum Les corrections du 19e numéro de Sortie de secours avaient été effectuées par Uriell Daakir

Sortie de secours n° 20 Un magazine édité par le Service Culturel de l’UBO Rédacteur en chef David Roué Rédacteurs Louis-Adrien Benoit, Kevin Bernard, Amélie Dessin titre Antoine Bonnard Borgne, Anne-Sophie Bretin, Maxime Henri, Mise en page Solen Thèze Ericka Jambou, Glenn Nicolle, Margot Le Corrections Amélie Rioual, Vanessa Le Bris et David Roué Louarn, Gweltaz Caouissin, Côme Roblin, Coordination Vanessa Le Bris, Nolwenn Chaslot David Roué, Shana Sortie de secours/co. Service culturel, 2 bis, av. Le Gorgeu, CS 93837, 29238 Brest cedex 3 sds@univ–brest.fr/ sortiedesecours.info

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info Sortie de secours Cinéma 3 KABOOM

près la récréation Smiley Face, Kaboom marque le Aretour de Gregg Araki à ses premières amours : les frasques sentimentalo-existentialistes d’adolescents borderline... Do you wanna fuck ?

Kaboom, c’est l’extrême jouissance cinématographique poussée à son paroxysme orgasmique. En l’état, c’est toujours du cinéma, mais c’est aussi du sexe. Sur une heure trente, on bande, on exaspère, on agace, on orgasme et on se laisse aller dans un maëlstrom d’images et de couleurs, de sons et de musiques. Après tout, comme le dit Stella dans Araki, avec ce nouvel essai, colle aux Un complot se met en place, avec une le film: « La fac n’est qu’un entracte basques d’un jeune bisexuel tourmenté : secte aux ambitions apocalyptiques qui entre le lycée et ta vie. Quatre années son coloc beau comme un dieu et con tire les ficelles d’un nouvel ordre mondial. passées à baiser, faire des conneries et comme un balai est 100 � certifié hétéro. La machine s’emballe dans sa dernière expérimenter des trucs. » Quoique... Le genre d’hétéro qui apprécie demi-heure, en un délire orgasmique de coups de théâtre, qui en d’autres mains aurait sombré dans le franc ridicule. Mais sous le regard d’Araki, ce trop plein de révélations abracadabrantesques touche au sublime.

Kaboom, au-delà de son scénario qui bascule de plus en plus dans la déjante au fur et à mesure que les minutes s’écoulent, c’est un bonbon acidulé aux couleurs éclatantes, aux plans sublimes et au rythme étonnant. Araki utilise un montage plus fonctionnel, moins foufou que dans ses meilleures bandes, telles que comme Nowhere. Il y gagne

Kaboom, c’est le cinéma de Gregg Araki débarrassé de l’aspect mélancolique "Kaboom c’est un bonbon acidulé aux couleurs de sa trilogie Teen Apocalypse ou de la mélancolie de son Mysterious Skin. Un éclatantes, aux plans sublimes et au rythme étonnant." avatar qui n’aurait conservé que la pêche originelle d’une caméra toujours encline à capter la jouissance sur un visage les bagarres en sous-vêtements avec en clarté, y perd peut-être en beauté. d’adolescent/jeune adulte. Kaboom ne son meilleur pote et qui tente de Qu’importe. Complètement hédoniste, nous raconte pas grand-chose, et en s’autofellationner. La meilleure amie du portant un regard à la fois cynique et même temps nous raconte tout le cinéma héros sort avec une sorcière - française, attendri sur une jeunesse US en mal de d’Araki : cette supposition est confirmée of course, c’est Roxane Mesquida, sexe, de plaisir et de complots à l’échelle par la présence de son ancienne égérie sublime actrice vue dans A ma sœur de mondiale – le tout étant forcément lié –, il James Duval en tuteur étudiant tendance Breillat, qui s’y colle – qui va mal prendre réalise un film générationnel qui frôle la hippie new-age qui se demande, comme leur rupture, déchaînement de pouvoir perfection. au temps de Doom Generation, qu’est-ce à l’appui. Des rêves prémonitoires que c’est que ces conneries ? parcourent le film et le sommeil du héros. Par David Roué

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 4 cinéma anime La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier

n 1592, alors que huguenots et catholiques se perdent en affrontements meurtriers, Mademoiselle de Mézières, nouvelle Eépouse du Prince de Montpensier, est convoitée par le Duc de Guise, son amour de jeunesse, le comte de Chabannes, le mentor de son mari, et le Duc d’Anjou, un ami de son mari. Déchirée entre vertu et passions, quelle voie choisira-t-elle ? Plus important, qu’en pense le spectateur ?

Interminable. C’est le premier qualificatif qui vient lorsque Mais le plus ennuyeux reste le jeu des acteurs. Si Lambert les lumières se rallument. Comment Tavernier a-t-il pu Wilson semble encore sous le choc de son rôle dans Des s’embourber ainsi dans cette tentative d’adaptation ? Il voudrait Hommes et des Dieux, il est celui qui s’en tire le mieux : Grégoire nous faire partager les affres de la passion et le déchirement Leprince-Ringuet et Gaspard Ulliel manquent de fougue d’une jeune femme entre son devoir et ses sentiments, mais dans leur haine mutuelle, et seul Raphaël Personnaz semble sombre dans des circonlocutions dépourvues de rythmes s’amuser dans le rôle du Duc d’Anjou. Le pire reste la prestation et d’enjeux. La trame est fidèle à celle du récit originel, mais de Mélanie Thierry. Elle est censée porter sur ses épaules tous manque d’incarnation, de souffle, d’ampleur. La Princesse de les enjeux du film, mais on ne ressent jamais son désarroi, ni Montpensier est un film d’autant plus long qu’il est issu d’un son déchirement, alors qu’elle est au centre des passions de texte qui, pour beaucoup, fonde le genre de la nouvelle : le l’ensemble du casting. Elle semble simplement changer d’avis récit de Mme de Lafayette est très court, d’une écriture concise comme de culotte, au gré de dialogues prétendument précieux, et d’une efficacité redoutable quand on sait la complexité mais mal écrits et surtout mal joués. À trop charger le côté psychologique des sentiments qu’il dépeint. innocent de son personnage, la princesse de Montpensier passe pour une gourdasse qu’on a envie de baffer.

Mal écrit, le film quant à lui déroule pesamment son intrigue durant 2h30, dans des décors qui sentent bon la On ne retrouve que par moments la maestria passée de reconstitution historique ORTF. L’enjeu décoratif du film Tavernier dans l’évocation historique. La cérémonie de la éclipse manifestement l’enjeu esthétique, puisque la caméra de défloration résume ainsi tout le poids qui pèse sur la princesse, Tavernier semble la plupart du temps en roue libre. On oscille avec les pères des époux qui jouent aux échecs dans la pièce entre un classicisme mal assumé dans la composition des adjacente à la chambre conjugale, où le drap se teinte de sang plans, le déplacement un peu rigide des acteurs dans le cadre, pendant que les femmes surveillent le processus. Mais dans et un modernisme mal compris dans la façon de filmer caméra l’ensemble, les personnages restent étrangers au spectateur, à l’épaule des scènes qui auraient gagné à être plus découpées. leurs débats amoureux n’inspirant qu’un ennui poli : le lyrisme Le cadrage est souvent hésitant, notamment dans les scènes est absent, et le film réduit l’ampleur des enjeux moraux de la de dialogues extérieurs, comme si le réalisateur ne savait pas nouvelle à un marivaudage pesant. quel point de vue adopter, quel acteur mettre en valeur. Plus grave, certains plans semblent sous-exposés, quand ce n’est Par David Roué un pas problème de mise au point qui laisse le sujet dans un flou très peu artistique.

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Soul Eater

oul Eater est à la base un manga scénarisé et illustré par Atsushi Ohkubo arrivé en France en 2009 aux éditions SKurokawa et encore inachevé à l’heure actuelle : 17 tomes sortis en France. C’est le studio Bones qui s’est attaqué à l’adapta- tion du manga en série d’animation ce qui a abouti à la production de 51 épisodes de 25 minutes chacun.

citrouilles et Cie, côtoie un graphisme Franken Stein psychopathe ou encore fantaisiste, souvent sombre, à l’image un Dieu de la Mort totalement à l’ouest. de la lune au regard mauvais avec du Une autre particularité de l’anime est sang sur les dents, le tout associé à la relation arme/manieur qui demande un effet 3D urbain. L’animation est de une entente parfaite entre les membres bonne qualité, fluide et dynamique à du duo, afin de pouvoir synchroniser l’image du générique. Par ailleurs, les leurs âmes lors des multiples scènes voix japonaises et la bande son sont de combat et accéder à des techniques agréables. plus avancées. Cela fera l’objet d’un apprentissage progressif pour nos héros La série débute par trois épisodes de Le ton oscille entre sérieux, lors des en herbe. présentation. Nous découvrons Maka, affrontements, et humour, avec nombre brillante élève à Shibusen, une célèbre de situations improbables, comme la Ainsi, malgré un final un peu décevant école de formation pour les faucheurs rencontre avec un Excalibur exaspérant dans ses dernières minutes, la série d'âmes dirigée par Maitre Shinigami à souhait ou le drame absolu de la s'avère de très bonne facture : elle (le Dieu de la Mort lui-même). Elle est découverte d’une symétrie imparfaite se regarde avec plaisir et une pointe manieuse et fait équipe avec le « cool » par Kid. Les personnages illustrent bien d’addiction. De plus, rien n’empêche de Soul, faux de son état. Ensuite, nous cette dualité : la série réutilise la panoplie poursuivre avec la lecture du manga assistons à une présentation de leurs habituelle des créatures fantastiques dont la trame se sépare de l’animé peu collègues : Black Star, apprenti assassin en leur associant un côté loufoque. On avant la fin de celui-ci, et qui poursuit persuadé de réussir à surpasser Dieu, et trouve ainsi des sorcières souris qui l’histoire plus avant... Tsubaki, son arme à multiples facettes peuvent s’associer comme dans Power qui le modère par son calme ; puis Rangers, un professeur zombie, un Par Shana Death the Kid et les Sœurs Thomson, respectivement le fils du directeur, frappé d’un trouble obsessionnel de la symétrie, et ses deux armes à feu, qui réussissent tant bien que mal à le garder cohérent.

Leur apprentissage a pour but de les amener à récolter les âmes devenues démoniaques afin d’accéder au rang suprême d’arme Death Scythe (Faux de la mort).

Plus que le scénario, ce qui frappe d’emblée c’est le style graphique bien particulier. L'ambiance « halloween » à base de monstres en tout genre, de

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 6 dvd dvd Mammuth

Rencontre avec Gustave Kervern

ammuth est le quatrième film du duo Benoît Délépine – Gustave Kervern. Gérard Depardieu y est tout simplement monstrueux, en Mretraité rock’n roll, chevauchant sa moto sur les routes de France pour aller chercher les pap’lards nécessaire pour toucher sa retraite. Un film qui part d’un débat d’actualité pour s’évader sur les chemins de tra- verses : poétique, sensible, fort en gueule, généreux, underground, drôle, Mammuth est un pur bijou qui vient de sortir en dvd. Sortie de secours a rencontré Gustave Kervern lors de son passage à Brest pour évoquer le tournage de ce film autre.

SdS : Gustave, vous retrouvez toute plus vers le social, mais qu’on a éliminées votre équipe ? pour se focaliser sur le personnage de Depardieu. Moins de social, mais on GK : Non, pas exactement. Il y a des essaie de mettre du fond. C’est un peu nouveaux. J’aime bien que mes films le symbole de la décroissance aussi... soient une espèce de repère de pirates... puisqu’il part sur sa moto et revient en on invite tous les gens qu’on connaît, et mobylette et en djellabah... Et puis l’Art ceux qu’on connaît pas, et ceux qu’on Brut, présent via la nièce, qui n’aime pas aime bien, ceux qui sont un peu dingues. la société de consommation. On essaie de tous les rencontrer. SdS : C’est aussi la force de vos films : SdS : Et ils se greffent à l’équipe sans des messages, mais plutôt subtils... aucun problème ? GK : On n’essaie pas d’être militant. GK : Entre dingues, on s’entend bien, C’est le cinéma d’abord. Et après on tu sais... distille quelques éléments... Par exemple, quand on passe dans les vignes, on voit SdS : C’est ce qui vous rapproche ? des travailleurs immigrés qui font la qu’elle est capable de s’exprimer sur des prière. C’est juste pour signaler que lui GK : Oui, forcément, attends... (rires). sujets sensibles, d'avoir une opinion et (nb : G. Depardieu) à son époque, c’était ce côté dingue qu’on recherche chez les différent, c’était plutôt des immigrés SdS : Comment s’est passé le tournage gens. italiens, et que d’autres sont arrivés. Les avec Gérard Depardieu ? choses ont changé. Essayer d’être assez SdS : À propos d’opinions, votre film fin pour enfoncer des portes ouvertes sur GK : Faut reconnaître que c’est un peut être qualifié de « film social », l’anticapitalisme, même si le capitalisme des derniers dingues de ce métier. Y’a ou de cinéma en prise avec le réel, pour nous, c’est la gangrène. pas plus tard qu’un mois ou deux, il a en l’occurrence ici le problème des mis un parpaing dans une Mercedes qui retraites... SdS : Vous avez des influences ? Il y a était garée en face de chez lui... Ça reste Kaurismaki, mais pas seulement... quand même un gars qui fait des trucs GK : Bon, faut reconnaître que les anormaux. C’est bien. Ça reste un mythe, retraites, c’est pas très sexy... C’était un GK : Kaurismaki, c’est moins mais un mythe qu’on aime bien. C’est pas prétexte... Il manque des papiers à ce politiquement engagé. Sur la forme, seulement lié à son travail de comédien, gars (Serge, joué par G. Depardieu) et oui. Dans Aaltra, il y faisait un petit même s’il a fait des films cultes. C’est c’est l’occasion de lui faire reprendre sa rôle, mais j’avais jamais vu ses films à aussi le personnage, l’homme, le mec qui vieille moto... C’est moins rentre-dedans l’époque. J’avais juste vu des interviews aime bien le vin, qui pète les plombs... un que Louise-Michel, moins politiquement de lui, où il était toujours bourré, et ça peu comme Isabelle Adjani, en fait. C’est incorrect mais on peut pas toujours m’avait subjugué. Benoît (Delépine, le une immense comédienne, mais c’est pas refaire le même film. On voulait un truc co-réalisateur) avait vu ses films. Dans vraiment pour ça qu’on l’a prise. Enfin plus nostalgique. Pendant le tournage, Aaltra, on voulait faire autre chose que si, c’est pour ça. Mais c’est aussi parce on a imaginé des scènes tirant un peu Groland. Donc, comme on n’est pas très

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« On change pas une équipe de merde. »

bons comédiens, et qu’on ne pouvait ensemble... J’en ai ras-le-bol, plus pas en engager d’autres, faute d’argent, la musique omniprésente... c’est des on basait beaucoup de scènes sur des cache-misère... silences, un rythme particulier... On s’est ensuite aperçu que si tu peux remplacer SdS : Mais comment vous expliquez un long discours par une idée visuelle, à votre technicien que vous souhaitez c’est mieux. Les films français sont trop avoir une image imparfaite ? bavards... Et c’est ce que j’ai appris de Kaurismaki après, dont je trouve les films GK : Non, l’image, elle est ce qu’elle extraordinaires. est. On a pris une pellicule spéciale, qui s’appelle l’inversible. On l’utilisait pour SdS : C’est un peu l’ambition d’un Wes les actualités dans les années 70. On ne Anderson, aussi... développe pas le négatif, donc on gagne mais bon... tout lui passe dessus, on le du temps. Ca donne un côté diapo... et un traite de «con», et il ne bouge pas... Il a GK : On essaie aussi de développer ce grain particulier. À l’extérieur, ça allait, peut-être atteint le degré suprême de la genre d’humour, un peu à froid, mais je mais à l’intérieur... On a même utilisé sagesse, je sais pas. n’ai vu aucun de ses films, mais Benoît du Super-8, et on a mélangé tout ça... trouve que c’est esthétiquement un Quand je parle d’imperfection, c’est juste SdS : Vous êtes attiré par un autre peu pub... On aime bien l’imperfection, pour dire qu’on tourne pas 150 fois les style de film ? nous, l’authenticité, les acteurs non scènes, qu’on fait pas de bouts d’essais... professionnels. On improvise beaucoup sur place. Y’a GK : Pas vraiment. J’ai tourné un que Depardieu qui a fait un bout d’essai court-métrage (Ya Basta) avec des SdS : C’est l’influence Groland, ça ? pour cette pellicule. D’ailleurs, Depardieu handicapés mentaux, mais plutôt par a toujours été là, pendant tout le film. Il a obligation parce que le réalisateur et le GK : Ouais... on aime bien des acteurs fait le film quasiment gratuitement. producteur nous ont laissés tomber trois qui ont des têtes particulières. Par semaines avant le tournage... J’ai été très exemple, pour la séquence d’ouverture, SdS : De l’improvisation sur le plateau ? content de le faire, cependant. Et je n’ai le patron, qui était le vrai patron de pas envie de tourner sans Benoît, parce l’usine où on tournait, était tellement GK : Tout était écrit, mais on a changé que c’est stressant de tourner un film. ému de rencontrer Gérard Depardieu plusieurs choses sur le tournage. Par On s’entend super bien, on a le même qu’il n’arrivait pas à dire son texte... exemple, une scène où l’usine était humour, la même vision des choses... On occupée et le patron saucissonné... Mais est à 90 � d’accord. On fait des choses à SdS : En plan séquence, qui plus est, comme on avait déjà fait ça dans Louise- gauche et à droite... On change pas une ce qui accentue beaucoup l’authenticité Michel, on l’a enlevé, et on a préféré équipe de merde ! de la scène... se concentrer sur les personnages. Depardieu a un peu recréé son Propos recueillis par GK : Oui, parce qu’on déteste le personnage, en s’inspirant de la figure Gweltaz Caouissin, champ/contre-champ. On pense que de son père, par exemple. On a travaillé en partenariat avec Radio-U. c’est le mal du cinéma. On se demande un peu son profil psychologique, si tant parfois si les acteurs ont tourné est qu’il en ait un... c’est pas un neuneu,

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Zombie qui court ou zombie qui marche ?

uestion existentielle du Vers la création définitive d’un genre Le zombie est alors véritablement film d’horreur ! Elle divise un mort vivant (ou un contaminé) et Qles fans mais surtout En 1968 sort un film qui marque les son corps en décomposition n’est plus les films et autres jeux vidéo. esprits et qui fixe définitivement les vraiment « opérationnel », il reste Pourtant qu’est ce qui détermine codes du film de zombie. En effet, La seulement capable de marcher souvent réellement la vitesse d’évolution Nuit des morts vivants (The Night of en boitant, cette claudication étant d’un mort vivant? Simple évolution living dead) réalisé en 1968 par Romero, indispensable au stéréotype d’un bon ou choix scénaristique longuement premier volet d’une trilogie, met en zombie. réfléchi? Loin du stéréotype du scène des zombies comme on les voit zombie, établi par Romero en aujourd’hui dans les films : hagards, 1968, où le mort vivant s’avance gémissants, voir pourrissants, guidés lentement et inéluctablement vers par des instincts primaires … notamment sa victime paralysée par la peur, le la faim. L’explication magique n’est pas zombie peut aujourd’hui courir, et réutilisée ici, on ne sait pas exactement même très vite! Profitons de cette d’où les zombies viennent (plus de place interrogation très importante du en enfer?), ce qui rend leur arrivée cinéma d’horreur pour faire une d’autant plus effrayante. Être mordu petite rétrospective de ce genre qui par l’un d’entre eux finit fatalement par ne finit pas de nous terrifier. vous « zombifier » (d’où la notion de contamination qui apparaît). Dans les deux suites données par Un peu d’histoire Romero, Zombie en 1978 et Le Jour des morts vivants en 1985, et pour son Le zombie ou mort vivant trouve retour en 2004 avec Land of the dead, sûrement des origines très lointaines On ne sait pas puis en 2007 avec Diary of the dead, les dans toutes les civilisations du monde. exactement d’où les zombies vont marcher. Il en est ainsi pour Mais il est véritablement entré dans la zombies viennent, ce les réalisateurs italiens qui exploitent culture, notamment américaine, lors de qui rend leur arrivée le filon avec plus ou moins de réussite l’occupation d’Haïti par les États-Unis, jusqu’à la fin des années 80 - plus pour de 1915 à 1934. En effet, c’est la culture d’autant plus Lucio Fulci avec le poético-gore L’Au- vaudou d’Haïti qui introduit le zombie effrayante. delà, et moins pour Bruno Mattéi avec le dans les œuvres modernes. Le zombie nanar Virus Cannibale. Cependant, avec est alors la victime d’un prêtre vaudou des films comme Zombie 3, ou encore qui fait passer pour morte sa proie avant L’Avion de l’Apocalypse, on commence de la ressusciter pour en faire un esclave. à entrevoir la possibilité de rendre les Le zombie ne ressent alors plus de morts vivants plus véloces... sentiment, ni de volonté, et n’est qu’une simple marionnette à peine capable de Vers l’explication scientifique marcher, et donc loin de pouvoir courir. Tout en conservant les codes Ainsi les premiers films de zombies précédemment établis, les zombies reprennent cette interprétation. Deux acquièrent bientôt une relative films sont probablement à retenir, Les crédibilité scientifique. La plupart du Morts vivants (White zombi) sorti en 1932 temps ils apparaissent à la suite d’une et 10 ans plus tard Vaudou (I walked with contamination par un virus créé par de a zombi) réalisé par Jacques Tourneur. méchants scientifiques. C’est le cas du L’explication magique ne disparaît pas, on jeu vidéo Resident evil, adapté par la la retrouve d’ailleurs dans Harry Potter suite en film mais aussi de l’excellent avec les Inferi et dans de nombreux jeux 28 jours plus tard de Danny Boyle et du vidéo, mais elle se cantonne à ce genre remake de Zombie par Zach Snyder en précis (magie) où le mort vivant marche. 2004, L’Armée des morts.

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info dossier dossier 9

Jackson (le même qui est actuellement à immortalité est largement suffisante. Le l’écran avec Lovely bones), puis récemment faire courir fait aujourd’hui partie d’un le génial Shaun of the dead d’Edgar Wright, choix scénaristique qui peut accroître la ou encore le grindhouse Planète terreur peur lorsqu’il est utilisé à bon escient. de Rodriguez. Le zombie fait rire, que ce soit par son mode de vie stupide, à la Le film de zombie, devenu universel, recherche de nourriture, par les codes du a encore un bel avenir devant lui. genre facilement caricaturés (à voir La Nuit L’identification aux personnages se des clochards vivants dans South Park) ou fait facilement (antihéros ou simple tout simplement par la mort et la fin de la survivant), et les situations font rêver le Cette évolution s’accompagne d’une société, apocalypse tournée en dérision, la joueur de jeux vidéos qui peut enfin tuer mise en scène plus énergique et s’inscrit morale n’ayant plus cours. et détruire sans se poser de questions éthiques (s’en posait-il avant me direz- vous ?). Ces aspects sont bien implantés Le zombie n’a pas forcément besoin de courir : la peur dans l’imaginaire collectif : que feriez- qu’il engendre, par son omniprésence, sa sauvagerie et son immortalité est largement suffisante.

aussi dans la mode du « bouh ». Pour Le zombie, dans ces films plus ou moins ce faire, les zombies sont plus rapides, parodiques, va marcher, les deux bras malheureusement pour les survivants, bien en avant et la claudication si possible ils vont enfin courir. Dans l’escalade de la accentuée, dans l’optique de le rendre peur, les scénaristes ont donc décidé de risible et le moins menaçant possible. rompre avec les codes du genre. Le pari Quoiqu’il faille noter que la comédie se est réussi dans 28 jours plus tard, REC., met au goût du jour car dans le plutôt vous, seul survivant, face à une armée par exemple mais il ouvre la porte à des sympathique Zombieland, dernier né de de zombies ? Pour l’anecdote, Max amalgames regrettables, à l’image des cette tendance, les zombies courent. Brooks apporte une réponse, dans son zombies du dernier Je suis une légende, livre qui vaut le coup d’œil: Guide de définis comme de vrais vampires dans En conclusion survie en territoire zombie. Il explique le livre et dans le film, de vulgaires rationnellement comment survivre à une « Spidermen-zombies ». Le zombie n’a pas forcément besoin invasion de zombies 1. de courir : la peur qu’il engendre, par Vers le comique son omniprésence, sa sauvagerie et son Chaque année voyant son lot de films et de jeux arriver sur le marché, on peut Inévitablement le zombie fait rapidement dire que le film de zombie marche, et son entrée dans le comique, et ce dès même court ! les années 80 avec la série des Retour des morts vivants, qui, pour rompre Par Côme Roblin clairement avec les zombies de Romero peuvent courir, parler et sont relativement intelligents. Le zombie tel qu’on l’entend 1 Voir critique de World War Z, deuxième est détourné quant à lui dans les années ouvrage de Max Brooks, SdS n°16 90, avec le très gore Braindead de Peter

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 10 dossier western L’invasion des morts vivants

ne production Hammer Films sans Peter Cushing, sans Christopher Lee, sans Terence Fisher à la Uréalisation. Comme quoi la qualité des films de la compagnie n’est pas seulement due à ces trois « stars » !

La Hammer, c’est l’épouvante gothique à l’anglais des années 60-70, c’est la réactualisation des mythes de Frankenstein, de Dracula et de biens d’autres. Ici, il s’agit d’une variation autour du mythe du mort vivant au sein des sectes vaudoues, soit un cadavre manipulé par un sorcier. Une relecture à la fois respectueuse des codes et qui transpose la malédiction vaudou dans le cadre de la plupart des films de la Hammer, un XIXe siècle scientifique peu crédule à l’égard de la sorcellerie. Point de vengeance d’outre-tombe ici, les zombies sont utilisés dans un but bien plus prosaïque...

À la caméra, on retrouve John Gilling, un nom qui fait plaisir à voir puisqu’on lui doit le scénario d’une excellente Gorgone. La réalisation est assez classique, le cadre et la photographie souvent très beaux, et elle se permet des séquences caméra à l’épaule joliment vues - comme la scène où l’héroïne est attaquée par les sbires du châtelain, ou la séquence du cauchemar - et quelques cadrages originaux - comme un plan superbe en plongée lorsque le professeur tente d’éteindre l’incendie. On peut en outre apprécier une décapitation des plus réussies! Seul reproche à ce niveau, des scènes nocturnes aux raccords jour/nuit parfois hasardeux, le ciel faisant l’aller- retour en quelques plans.

L’interprétation est de bonne qualité, on apprécie De plus, le film accumule les bonne idées, comme de particulièrement le jeu d’André Morell - dans un rôle à la Van confronter les médecins désireux de pratiquer une autopsie Helsing du Cauchemar de Dracula - qui manie avec subtilité à l’incompréhension rustre des villageois, ou le costume du l’ironie et l’érudition ainsi que l’action. Quant aux zombies grand méchant qui rappelle ceux des templiers, et surtout le eux-mêmes, leur look est réussi, très soigné, et n’a rien décor de la mine... ainsi que ce qui s’y passe! Il s’agit en effet à envier à leur descendance « romérienne » ou italienne ; du seul cas, semble-t-il, d’exploitation capitaliste de zombies. leur peau notamment donne une impression de papier vieilli Le seul reproche que l’on pourrait faire au scénario, c’est la et pourrissant. Et la première apparition de l’un d’eux est relative lenteur de l’enquête, d’autant plus que le spectateur visuellement des plus impressionnantes, avec une de ces lambda devine assez vite une grande partie de l’intrigue, mais choses délicieuses qu’on ne voit plus guère au cinéma : un finalement le spectacle n’en pâtit pas vraiment. zoom avant à toute vitesse ! Un excellent film, dans la tradition gothique de la Hammer tout en y ajoutant un petit côté moderne dans l’utilisation mercantile du vaudou. À noter que c’est le seul film de la compagnie qui met en scène des morts vivants et qu’il est antérieur au premier film de Romero!

Il faut noter pour finir que le titre original est Plague of the zombies, qui est bien plus en accord avec le sujet (des médecins enquêtant sur une « maladie » que le titre français racoleur, puisqu’il n’est pas vraiment question d’invasion.

Par David Roué

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info dossier western 11 L’Homme qui tua Liberty Valance

ohn Ford, maître du Western, est l’auteur d’un film complexe : L’Homme qui tua Liberty Valance. Il s’agit d’une sombre réflexion Jsur la civilisation américaine et sur la légende de l’Ouest.

Un cow-boy solitaire, chevauchant contrées encore à part. Lors du voyage, vers le soleil couchant. Un combat de sa diligence fut attaquée par une bande rue au revolver ou à la Winchester. de malfrats. Liberty Valance en était le Des indiens attaquant une caravane leader. Devant ces hors-la-loi, le pauvre de pionniers. La cavalerie qui sonne la Stoddard voulut mettre en application charge. Le saloon, lieu de tous les délits. ses livres de droit. Sauf que la légalité a Clichés d’un autre temps, d’un autre bien du mal à s’appliquer dans l’Ouest, cinéma, avec des stars à la pelle ! John ce que Valance lui fit bien comprendre. Wayne, Henri Fonda, Errol Flynn, James Tom Doniphon, personnage joué par Stewart, Steve Mc Queen. Des carrures John Wayne, ramena le jeune homme qu’on ne voit plus de nos jours ! Derrière en piteux état à Rishbone. Comme le la caméra, John Ford, sans doute l’un titre du film l’annonçait, Valance est tué. des plus grands réalisateurs américains : L’énigme est de découvrir qui est l’auteur D’un côté, l’homme solitaire joué par John Sur la piste des Mowaks, Rio Grande, La du coup de feu qui le mit à terre. Wayne (Doniphon). Rôle qu’il endosse prisonnière du désert. Les plus grands également dans le filmLa Prisonnière du chefs-d’œuvre du western ont été tourné désert. De l’autre, l’homme généreux et par cet homme d’origine irlandaise. honnête, interprété par James Stewart (Stoddard). Le rôle de la presse est Son avant-dernier western, L’ H o m m e également mis en avant. Les journalistes qui tua Liberty Valance (1962), est un sont ceux qui relayent l’information en de ses meilleurs films. La mélancolie temps utile. Ils ont également le pouvoir de l’Ouest transparaît dans les images, de déformer des faits, ou de ne pas en les dialogues et les personnages. Sans tenir compte. On le voit à la fin du film : oublier un beau casting : John Wayne la presse veut entretenir la légende telle joue Tom Doniphon, personnage droit qu’on l’a racontée, malgré les faits qui la dans ses bottes. James Stewart incarne contrarie. La légende dit qu’untel a tué Ransom Stoddard, homme de loi. Liberty Liberty Valance. La vérité est qu’il s’agit Valance, joué par Lee Marvin, est quant d’un autre homme. C’est ainsi que dans ce à lui le méchant de l’histoire. film, réalité et légende s’entrecroisent : l’Ouest devient un tout. Mais une part Le film débute par le retour du vieux sombre réside : la légende, fondée sur sénateur Ransom Stoddard à Rishbone, la supercherie, reste. Ce western est en dans l’Ouest. Lui et sa femme Hallie sont cela « baroque» : le héros, celui qui a revenus pour l’enterrement d’un très véritablement tué Valance, est exclu du vieil ami. Des journalistes se ruent sur monde moderne. le sénateur pour connaître précisément les raisons de sa venue. A partir de là, Par Kevin Bernard Stoddard, hésitant, raconte l’histoire S’ensuit dans cette ville toute une qui fit basculer sa vie. Le sénateur était trame symbolique : l’avènement de un jeune diplômé en droit avec plein la civilisation (légalité, éducation d’idéaux. Il partit vers l’Ouest dans le etc.) et l’apparition des deux types de but de faire régner la justice dans ces personnages qui caractérisent le genre.

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 12 littérature littérature De Sang-froid, Truman Capote

Chronique d’un meurtre annoncé

Un fait divers qui fait trembler les Etats-Unis

a trame de De sang-froid, c’est d’abord un fait divers sordide dont Truman Capote prend connaissance dans Lla presse. C’est en ouvrant comme chaque matin le New York Times que le jeune homme découvre le terrible événement qui stimulera sa curiosité d’écrivain pendant plus de six ans : le quadruple meurtre des Clutter, une famille de fermiers puritains habitant au fin fond du Kansas. De cette terrifiante affaire, Capote relève deux éléments des plus intrigants : la minutieuse organisation avec laquelle les assassins ont opéré et, surtout, l’absence de mobile apparent à un tel massacre ; car il s’agit bel et bien d’un massacre dont chaque détail sera soigneusement mentionné dans le roman, témoignage solide du souci de l’écrivain d’user de véracité et d’authenticité.

Fasciné par ce qu’il lit, mais plus eux leurs souvenirs de jeunesse, devinant Capote écrit de sa belle plume à la fois encore par ce qu’il ne lit pas, Capote part leurs souffrances enfouies... sans jamais une enquête policière prenante, des en reportage sur les lieux du crime. Sur pour autant leur pardonner. portraits psychologiques fins et une place, il décide d’en faire l’objet de son étude sociologique pertinente. prochain livre, un ouvrage qu’il définira Plus qu’un roman policier, De lui-même comme un « nonfiction novel », Sang-froid est le fruit d’une analyse Pourquoi ce crime? Qu’est-ce qu’un c’est-à-dire un roman totalement inspiré minutieuse qui ne porte aucun jugement, criminel? Telles sont les deux grandes de faits réels minutieusement rapportés. mais permet de saisir l’esprit de toute questions qui hantent le récit. Dans une époque : celle d’une Amérique son rôle d’observateur consciencieux, Arrivé à Holcomb, une petite bourgade profonde et secrète, enracinée dans l’auteur part à la recherche de du fin fond du Kansas puritain qui ses convictions et ses valeurs sociales. l’expression la plus fidèle d’une certaine se trouve être le lieu de la tragédie, Celle d’une Amérique malade d’où vérité. l’écrivain interroge d’innombrables se dégage une odeur suffocante de témoins, compulse des volumes de puritanisme, exacerbée par ses propres Le roman n’apporte pas de réponse ; rapports de police, rencontrera même peurs et emprisonnée dans des principes peut-être n’y a-t-il tout simplement les deux coupables, qu'il suivra jusqu’à chrétiens rigides. C’est aussi l’Amérique aucune réponse à attendre. Six leur pendaison en 1965. des grands espaces, qui déroule les personnes en tout sont mortes, sacrifiées paysages immenses et désolés du au hasard dans la fourmilière humaine. Explorer l’âme humaine Kansas profond. Mais s’il ne permet pas de comprendre le mystère de ce crime, s’il ne permet pas Deux récits s’entrecroisent au sein du Au-delà du roman noir... de juger, d’être en paix dans le bon droit roman pour mieux se rejoindre : celui du des non criminels, Capote nous invite à meurtre en lui-même (l’avant-le pendant- De sang-froid n’est donc pas un simple comprendre de quoi tout homme est fait. l’après), véritable noyau du roman autour récit policier ; cette oeuvre développe Il fait du pire meurtrier un voisin, un frère, duquel gravitent une foule de personnages avant tout une brillante analyse de ce nous-mêmes. En nous faisant revivre que Capote décrit avec une telle précision qui peut pousser deux hommes des heure par heure, minute par minute, ce qu’on se prend rapidement d’affection plus communs à accomplir un meurtre drame bien réel, en nous impliquant, pour certains d’entre eux, et celui des sanglant et gratuit. Comprendre le nous aussi, dans cette sombre aventure deux assassins dont la vie, les espoirs et processus qui a amené deux individus qui aurait pu être la notre, l’écrivain les échecs défilent sous nos yeux pourtant lambda à se transformer en démons tente de nous raconter l’inexplicable et décidés à les haïr jusqu’au dénouement. froids dans lesquels on ne peut déceler à l’inavouable. Il a été meurtri, passionné, Sans jamais s’orienter vers le pathétique ou l’oeil nu la moindre parcelle d’humanité. voire obsédé par ses questionnements chercher à susciter l’affection du lecteur, pendant plus de six ans; il a vécu chaque l’écrivain développe une narration qui Peut-être parce que ces hommes minute l’histoire qu’il voulait écrire. Et explore l’âme des tueurs si profondément traînent derrière eux un passé qui les c’est avant tout avec sa vie qu’il écrit. que l’on en ressort nécessairement a détruit. Peut-être parce que cette troublés. On suit les deux bandits au fil histoire s’inscrit dans celle de toute Par Anne-Sophie Bretin de leurs pérégrinations, explorant avec une société. Voilà comment Truman

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info littérature littérature 13 La Vie en temps de guerre

De Lucius Shepard

n pleine guerre froide, les affrontements font rage en Amérique du Sud ; en apparence, les EÉtats-Unis y poursuivent la lutte contre le communisme, mais David Mingolla, un jeune soldat qui développe des pouvoirs parapsychologiques, se retrouve pris dans les implications plus profondes de ce conflit interminable...

Lucius Shepard est un auteur à découvrir. Baroudeur international, correspondant de guerre au Salvador dans les années 80, il est surtout un auteur trop rare de science-fiction hallucinée. Le contexte de la Guerre Froide dans lequel s’inscrit La Vie en temps de guerre ne doit pas vous surprendre, car si ce roman vient d’être réédité aux édition Mnémos, il a été publié originellement en 1987. Un contexte qui n’est de toute façon qu’une toile de fond pour un récit complexe et singulier, entre le roman de guerre fantastique et le techno-thriller aux relents mystiques. Tout commence par la perm’ de trois soudards en goguette au Guatemala. La guerre n’en finit plus, ils sont las, l’un d’eux pense à déserter. On entend de drôles d’histoires, des récits de soldats shootés à une nouvelle drogue, le « Sammy », qui pètent les plombs et s’enfoncent dans la jungle, persuadés d’être des demi-dieux. Et puis, entre en scène une femme, Debora, qui s’insinue dans la tête du héros. Ce dernier la suit, la perd, les choses se complexifient : les unités PSYS entrent en œuvre. Mingolla développe ses capacités psychiques, commence à influer sur l’esprit de ses semblables. Il reçoit ses premières missions spéciales, puis déserte, s’enfonce dans la jungle... Retrouve la fille, s’emmêle dans un bourbier fait de guérilla, de fous apathiques et d’une lutte ancestrale entre deux familles sur fond de terrorisme international.

Il apparaît difficile de résumer l’intrigue deLa Vie en temps de travers l’exploration mystique de la psyché humaine. Dès guerre. Parce que rien n’y est simple, que toutes les apparences l’introduction, il nous présente des pilotes d’hélicoptères dont y sont des leurres, que toute Vérité y devient mensonge les casques sophistiqués - aux microcircuits programmés pour quelques pages plus loin. La guerre même n’est qu’une améliorer leur vision - ont des effets secondaires étranges : apparence, puisque derrière elle se cache une vendetta multi « A travers les rayons on voit tout un tas de merde que les générationnelle entre deux fratries panaméennes. Shepard autres ne voient pas. Toute sortes de trucs bizarres. Comme nous entraîne dans un voyage halluciné, à la manière d’un les âmes ». Superstition ou folie ? Peut-être les deux à la fois. Joseph Conrad perdu dans la fièvre de la jungle équatoriale. Mingolla, le héros, se raccroche pareillement à des rituels Le récit présente de nombreuses ellipses, qui correspondent supersitieux lors de ses perms’. Comme si la croyance en une aux paliers franchis par le personnage principal : au fur et à instance supérieure était l’unique chose qui lui permettait mesure que son don prend de l’importance, son humanité est de ne pas sombrer. La question de la magie primitive atteint remise en question. Comment user de ce pouvoir suprême, régulièrement des sommets d’évocation sous la plume brillante qui permet de violer l’esprit des gens, de leur imposer sa de l’auteur : un pont inachevé revêt des allures de passage volonté ? Tout le roman converge vers la réponse, incarné vers un autre monde, l’ordinateur d’un hélicoptère abattu dans un barrio de Panama où la guerre physique laissera place transmet la parole divine... Le style de Shepard est proprement à l’horreur psychologique le temps d’un final apocalyptique. Le hallucinant, et sa plume gorgée de sordide, de mysticisme et de vrai combat n’est pas technologique, il est psychique et se livre sensualité achève de faire de cette Vie en temps de guerre un dans le bourbier de l’âme humaine... livre à découvrir.

L’essentiel du roman n’est donc pas dans son intrigue Par David Roué tordue. Shepard touche à quelque chose d’essentiel à

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Quartz, novembre 2010

Entretien réalisé par Margot Le Louarn, Ericka Jambou et David Roué

En partenariat avec Radio U

ela fait 20 ans que Madeleine Louarn travaille avec la compagnie Catalyse. Un compagnie Cthéâtrale particulière, puisque tous ses acteurs sont handicapés mentaux. Une singularité qui fait la force de leur interprétation. Madeleine Louarn entretient cette singularité par le choix de pièces décalées : on se souvient de son Alice au pays des merveilles, jouée au Quartz il y a deux ans, qui était à la fois inquiétante, sublime, drôle et surprenante. Nous avons donc retrouvé cette troupe hors du commun les jeudi 4 et vendredi 5 novembre au Quartz pour leur nouvelle création : L’Empereur de Chine, une pièce dadaïste de Georges Ribemont-Dessaignes. Sortie de secours a rencontré Madeleine Louarn pour une évocation de son travail avec Catalyse.

Sortie de Secours : Jouer une pièce dadaïste en 2010, cela relève-t-il toujours de l’avant-garde ou est-ce plutôt « historique » ?

Madeleine Louarn : Je n’ai pas voulu la traiter dans son rapport historique. Par contre c’est en quelque sorte payer une dette à ce moment-là de l’histoire de l’art. Le travail dadaïste stylistique en même temps qu’il garde une puissance littéraire c’est quasiment l’origine du travail théâtral avec les acteurs de très forte : il y a vraiment une construction de la langue et un Catalyse qui sont des acteurs handicapés mentaux. Je pense éclatement, une logique paradoxale. Cela pose des problèmes que ça n’aurait jamais pu avoir lieu sans la révolution dadaïste, de logique et même de sens, mais moi c’est ça qui m’intéresse, qui a situé l’art à des endroits où on n’avait pas forcément et on s’est donc attelé à ça avec ces acteurs. l’habitude de le voir. C’est la question du franchissement des limites qui m’intéresse, la question de l’art. SdS : Votre travail a-t-il été vers un éclairement du sens, ou vers une opacification ? SdS : D’où vient le choix de cette pièce, L’Empereur de Chine ? ML : Pour moi ce n’est pas réussi si la question du sens vient obstruer la réception. Évidemment, c’est facile à dire ML : Je me suis beaucoup intéressée aux avant-gardes, quand on a un texte aussi touffu, littéraire et poétique... Mais entre autres à ces dadaïstes français dont Georges Ribemont- l’idée c’est que le théâtre arrive à porter ça. Ce n’est pas une Dessaignes est un des plus grands dramaturges. Il est explication, on peut faire un évènement scénique sans qu’il totalement méconnu, jamais joué, donc on part sur un terrain y ait une narration construite de A jusqu’à Z. Quelque chose presque vierge en terme de représentation scénique. Je d’autre se passe au théâtre, on peut le raconter différemment. n’aurais pas pensé pouvoir le faire avec ces acteurs, parce Ce qui m’intéresse, c’est le souffle, même si le texte est un peu que ce sont quand même des pièces difficiles, compliquées. épais, il faut qu’il y ait une force, quelque chose qui donne un Et c’est vrai que ce n’est pas simple, même aujourd’hui, de sentiment de largeur. représenter le dadaïsme, parce qu’on a tendance à le ramener à quelque chose d’incohérent, sans queue ni tête, ce qui n’est SdS : Comment s’organise le travail avec les acteurs de pas vrai. Il y a vraiment, en tout cas en ce qui concerne le Catalyse ? texte de Ribemont-Dessaignes, une réflexion philosophique, principalement autour de Nietzsche, qui est très forte, en ML : Ce sont des questions que l’on a pour toutes les pièces. même temps qu’un rapport à la langue, évidemment un peu Cela fait plus de vingt ans que je travaille avec les acteurs de compliqué. C’est surtout que la narration est très elliptique : Catalyse et ils sont au travail au quotidien : ils travaillent avec on se retrouve devant un mécanisme qui épure un peu la une éducatrice qui leur apprend le texte et leur fait effectuer

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chose car ce n’est pas une création collective. On construit ça avec le scénographe, l’éclairagiste, mais évidemment c’est décisif pour eux. Ils se repèrent assez bien, c’est beaucoup plus une aide que l’inverse. Je crois qu’ils aiment beaucoup tous les mécanismes, parce que ça construit un imaginaire qui est fort.

SdS : Comment les acteurs vivent-ils la représentation ?

ML : Cela dépend un peu des pièces. Depuis deux-trois ans où ils tournent beaucoup, ils ont des réactions extrêmement proches de tous les acteurs. Le moment de jouer devant le public est essentiel, c’est ça qui est la récompense de tous les efforts, et parfois même l’échec de tous les efforts, parce que parfois on rate. C’est un moment très intense émotionnellement tout un travail d’acteur en soi, physique, d’improvisation, etc... de toute façon. Et c’est vrai que le travail du texte est un travail sans fin, c’est assez passionnant de travailler sur le langage : pourquoi ça SdS : Quels retours avez-vous de la part des spectateurs ? coince, d’où vient la grammaire, la structure... Cela pose des tas de questions. La meilleure façon d’y arriver c’est la durée : ML : La réception en générale est très forte : je pense que travailler le texte souvent et longtemps. les acteurs produisent un impact sur le public. Alors bien évidemment, il y a des spectateurs qui ont du mal avec ce SdS : Comment réussissez-vous à conserver dans la mise en genre d’acteurs parce qu’ils ont une ampleur, une façon de scène le décalage induit par le choix d’une pièce dadaïste, ou mettre de l’emphase, de jouer qui donne à voir le backstage : encore le décalage du jeu des acteurs ? on entend tout le travail qui est fait en même temps qu’ils le jouent. Au théâtre c’est ça qui est bien : on peut voir l’acteur, et ML : Il y a par exemple une chose très présente, encore plus tout à coup on voit la personne. Au cinéma, c’est le réalisateur dans L’Empereur que dans Alice, c’est le souffleur. Dans chaque qui choisit ce que vous allez voir. Au théâtre, à cause de l’effet pièce avec Catalyse, il y a des souffleurs. Le statut du souffleur vivant, tout à coup on perçoit quelque chose d’autre à travers est en fonction de la nature dramaturgique de la pièce. Ici il y l’interprétation. Je pense que c’est la force de ces acteurs, a un souffleur permanent qui est sonorisé, c’est-à-dire qu’il c’est qu’ils donnent à entendre au même instant cette totalité. parle plus fort que les acteurs. Le décalage, il est ainsi installé Du coup, c’est touchant, je pense que c’est un théâtre qui ne d’emblée. Je pense que ça ne gêne pas du tout le suivi de laisse pas du tout indifférent et qui est très émouvant. la pièce, au contraire ça créé un hors-champ, et on voit les techniciens agir sur la machinerie. On a en même temps le livre et l’envers du livre. Tout ça n’est pas non plus révolutionnaire mais sur cette pièce, cela me semble très opérant, et très théâtral surtout. Le souffleur dit en une seconde la totalité de tout le travail théâtral. Il dit que la pièce a déjà été jouée, il dit que le texte n’appartient pas à celui qui l’énonce, et que c’est quelqu’un d’autre qui l’a écrit. Il dit aussi tous les acteurs qui l’ont répété, tout le travail qui est fait par l’acteur pour arriver à donner un sentiment de vie à quelque chose qui a été totalement décortiqué.

SdS : Les acteurs ont-il leur mot à dire sur les décors, les costumes ?

ML : Le décor et l’espace sont décisifs. Eux, ce qu’ils ont à dire de ça, objectivement, comme beaucoup d’acteurs, pas grand-

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ans certaines îles de Polynésie, le Papalagui est un terme uti- lisé pour désigner l’homme blanc, l’européen. C’est le titre que Dporte notre livre qui fut publié dans les années 20 en Allemagne. Ce n’est que tardivement, dans les années 80, qu’une version française est disponible. Cet ouvrage est un best-seller mondial vendu à des millions d’exemplaires sur notre planète, et ce n’est pas un hasard. Pourquoi un tel succès ? Que nous livre cet ouvrage de si étonnant et de si vrai ?

Ce livre se présente comme un le regard critique qui nous fait relativiser document d’ethnologie, rapportant le sur nos pratiques et sur notre civilisation discours de Touiavii, chef de la tribu de moderne. Tiavéa, sur notre civilisation européenne. Lors d’un voyage en Europe, cet homme, En effet, notre ami Touiavii décrit nos ce sage sauvage, aurait observé nos villes, nos habitations qu’il compare modes de vie, nos comportements pour à celles de son village polynésien. Le femme et enfant » pour en obtenir. « Tu mettre en garde son peuple contre Papalagui (l’occidental) habite des dois seulement accomplir un acte qui l’homme civilisé qui veut à tout prix « coffres en pierre » (des immeubles) s’appelle travail en Europe. Travaille et apporter sa lumière aux aborigènes. qu’il partage avec un grand nombre de tu auras de l’argent, dit une règle de la gens, où « personne ne sait souvent société européenne. » Il conforte son Les propos du sauvage Touiavii rien de l’autre ». A travers différentes peuple dans ses us et coutumes qui lui auraient été recueillis par l’allemand Erich descriptions, il remet en cause la semblent plus saines : « Chers frères Scheurmann qui, vers 1913, a voyagé culture et la civilisation européenne, lucides, nous sommes tous pauvres. dans les mers du Sud. Il aurait ainsi notamment le culte de l’argent. Le chef Notre pays est le plus pauvre sous le traduit dans sa langue les notes du chef de tribu s’offusque contre les propos soleil. Nous n’avons pas assez de métal de la tribu avec qui il s’était lié d’amitié. d’un missionnaire qui lui avait dit que rond ni de papier lourd pour remplir un Est-ce une fiction comme le livre imaginé Dieu était amour, or : « le métal rond et le coffre. Dans la pensée du Papalagui nous par Diderot le « Supplément au Voyage papier lourd qu’ils appellent l’argent, voilà sommes des mendiants misérables. Et de Bougainville » ou encore les « Lettres la véritable divinité du Blanc ». Il critique cependant ! Quand je regarde vos yeux et persanes » écrites par Montesquieu ? Ou le règne de ce métal et de ce papier : « Il les compare à ceux des riches, je trouve bien est-ce le véritable discours d’un y en a beaucoup qui ont donné leur joie les leurs ternes, altérés et fatigués, chef de tribu ? Peu importe que cela soit pour l’argent, leur rire, leur honneur, tandis que les vôtres, comme la grande vrai ou non : ce qui est intéressant, c’est leur conscience, leur bonheur et même lumière, rayonnent de joie, d’énergie, de vie et de santé. »

Son regard remet en cause le monde matérialiste dans lequel nous vivons, où l’homme occupe ses mains et son temps à fabriquer des tas de choses complètement inutiles où « le Papalagui réfléchit sans arrêt à toujours plus de nouveaux objets. Ses mains sont fébriles, son visage devient gris comme la cendre et son dos voûté, mais il s’éclaire de joie quand il réussit un nouvel objet. Et aussitôt tout le monde veut avoir le nouvel objet et l’adore ». En effet, qui ne souhaite pas par exemple avoir un iPod ? On croit que ça nous est indispensable, alors qu’en soi, c’est tout à fait inutile : « Le Papalagui est pauvre parce qu’il est possédé par les objets. Il ne peut plus

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avec la meilleure volonté du monde, et il invoque mille choses qui lui prennent son temps. Grincheux et râleur, il reste cloué à son travail pour lequel il n’éprouve ni joie ni plaisir, et auquel personne d’autre ne le contraint que lui-même. » L’homme Blanc n’a pas le temps, ou tout simplement ne prend pas le temps de faire ce qu’il aime au fond de son cœur et de développer son talent puisqu’il faut qu’il aille au travail ; mais au fond, a-t- il vraiment le choix ? Un homme sans argent n’est pas grand-chose dans notre monde : « Un frère sans rien n’a droit qu’à une infime reconnaissance ou pas la moindre », malheureusement, l’on juge trop souvent une personne à ce qu’elle possède et non à ce qu’elle est ou ce qu’elle pense, bien que son âme soit belle vivre sans les objets. » La technologie et nous aurions ainsi plus de temps et bien faite, l’individu ne sera rien, s’il ne est-elle aussi merveilleuse que cela ? pour l’essentiel comme l’art, l’amitié, possède rien… l’amour, la philosophie, la Nature, la Il est évident que le système capitaliste contemplation... Ce regard extérieur sur qui consiste toujours à produire plus, nos comportements, sur nos à créer de faux besoins pour une Le comportement de l’homme fonctionnements, nos valeurs donne « croissance » optimale, est dénoncé : occidental et de son usage du temps profondément envie de vivre plus « Maintenant, les hommes blancs est décrit de façon remarquable : simplement, plus sereinement avec soi- voudraient nous apporter leurs trésors « Supposons que le Blanc ait envie de même, avec les autres et avec la Nature. pour que nous devenions riches aussi, faire quelque chose que son cœur désire ; Cela nous invite à découvrir et à nous riches de leurs choses. Mais ces choses ne il voudrait peut-être aller au soleil enrichir des autres civilisations où il se sont rien que des choses empoisonnées. ou aimer sa femme, et bien, presque trouve sans doute un peu plus d’humanité Nous devons les amener à avoir des toujours il laisse son envie se gâter en et où la vie semble moins impersonnelle… besoins, j’ai entendu dire cela par un s’arrêtant à cette pensée : je n’ai pas le Toutes les cultures ont leur droit de vie homme qui connaît bien notre pays. temps d’être heureux. Le temps voulu et ce n’est pas le modèle de civilisation Les besoins, ce sont les objets. Ensuite, a beau être là, il ne le voit même pas occidentale et de sa tristesse, qui tant ils consentiront à travailler ! a poursuivi à s’imposer partout, qui est forcément l’homme intelligent. Et il pensait que le meilleur. Notre système a des qualités nous devions aussi donner les forces indéniables, mais il a aussi des défauts de nos mains pour fabriquer des objets, dont le plus grand est sans doute l’oubli des objets pour nous, mais finalement de la Nature et de la personne humaine. pour le Papalagui, qu’il faudrait que Bien que l’ouvrage Le Papalagui date des l’on devienne, nous aussi, fatigués, gris années vingt, il est malheureusement et voûtés ». Cela nous amène à faire la toujours d’une terrible actualité, si distinction que fait Epicure entre les vous voulez le lire, cela vous prendra à désirs naturels et nécessaires, désirs peine trois heures et ces trois heures qui se rapportent à la conservation de ne vous laisseront pas indifférents. la vie ; les désirs seulement naturels, C’est parfois par les idées qu’un homme comme le plaisir sexuel ; et les désirs peut véritablement se métamorphoser qui ne sont ni naturels ni nécessaires, en modifiant sa vision des choses et sa comme le luxe. Les désirs naturels, façon d’agir. Le Papalagui est un livre boire, manger, dormir semblent simple à simple qui devrait être lu par tous, ainsi satisfaire tandis que les désirs ni naturels notre monde gagnerait en humanité. ni nécessaires comme le luxe ou notre désir d’objets superflus, accaparent Par Glenn NICOLLE la plupart de notre temps et ne nous rendent pas plus joyeux. Peut-être que si nous avions moins de faux besoins et de faux désirs, nous travaillerons moins

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Le vinyle

’intérêt de cette nouvelle rubrique est de parler Ld’objets plus ou moins anciens, qui reviennent à la mode aujourd’hui. Elle raconte leur histoire, et tentera d’expliquer pourquoi ils sont remis au goût du jour.

Les vinyles

Audiophiles, il est temps de demander aux parents et grands-parents de ressortir les bonnes vieilles platines tourne-disques des greniers : le vinyle fait son retour ! Il réapparaît en tête de gondole dans les grands magasins dédiés à la musique, accompagnant maintenant mélange de shellac (une substance Le disque vinyle est aussi appelé disque les CD de certains artistes. provenant d’un insecte d’ Asie du Sud- microsillon ou encore disque noir, bien Pourquoi ce regain d’intérêt, en pleine Est ), d’ardoise, de lubrifiant de cire et de qu’il puisse être de couleurs diverses, période du numérique, alors même papier Manille. opaque, transparent, ou carrément qu’on nous annonce la mort des disques imprégné d’une image sur une de ses compact ? Remontons donc un peu le Le son est enregistré sur les faces comme les « picture-discs ». À la temps... modulations latérales du sillon (gravé en fin des années 40, il est présenté par la forme de spirale sur chaque face) dans le firme Colombia aux Etats-Unis, en France Le disque phonographique : le cas des disques monophoniques, ou sur par Eddie Barclay, et succède ainsi aux précurseur celles des deux parois du sillon pour les disques 78 tours dans les années 50. disques stéréophoniques. On fait alors En 1877, le français Charles Le Gros tourner les disques à vitesse constante Cette nouvelle matière a pour avantage fait breveter un système de reproduction sur un plateau motorisé, tandis de réduire les bruits de fond et augmenter sonore ayant pour support un cylindre qu’une aiguille ou un diamant, relié à la gamme de fréquences, afin de rendre la d’acier, appelé Paléophone. Le célèbre une tête de lecture fixée sur un bras lecture plus confortable. A la différence Thomas Edison suit le même procédé restitue l’enregistrement sous forme du CD actuel, qui échantillonne le signal (le phonographe), pour faire des de signal électrique. À cette époque, audio, il n’existe pas de séparation entre enregistrements de quelques minutes, à les disques font 78 tours par minute, la donnée et le moyen de stocker cette la différence d’Emile Berliner qui préfère avec un diamètre de 25 cm (pour les donnée. Autrement dit si le vinyle est utiliser le disque plat, qui se duplique plus enregistrements de 3 minutes) à 30 cm abîmé, le son est également dégradé, facilement que les cylindres. Ce dernier (5 minutes). On ne peut donc lire qu’une tandis que dans le cas du CD le son crée sa propre maison de disques, la seule chanson par face. sera tout simplement inexistant. Les Berliner Gramophone, en 1894. Le brevet imperfections du vinyle peuvent être de Berliner expirant en 1918, d’autres L’ascension du vinyle assez gênantes pour ceux qui n’y sont concurrents s’engagent dans la production pas habitués, mais les nostalgiques de disques. La commercialisation des Pendant la Seconde Guerre Mondiale, diront que le vinyle, « c’est quand même cylindres prend alors fin en 1920, et le le manque de matériau se faisant sentir, mieux », car le son paraît plus « chaud », disque s’impose. il fallait trouver d’autres matières. C’est et plus proche du son original, justement ainsi que les fabricants se tournèrent à cause de ces petits défauts. Cependant Le disque phonographique peut vers le vinyle, ou pour être exact, le (le vinyle ne peut quand même pas être être en métal, en cire, en laque, en chlorure de polyvinyle ou PVC. parfait sur toutes ses faces), la tête caoutchouc rigide, ou composé d’un de lecture a tendance à s’user assez

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vite à cause du frottement du diamant dans les juke-boxes. On le considère ...à la résurrection sur le disque. Afin de pallier à cet comme l’ancêtre du CD Single puisqu’il inconvénient, un système à lecture laser ne contient qu’une chanson par face. Les audiophiles les plus avertis et s’est développé au début des années 90: Les Maxi 45 tours de 30 cm de diamètre, The Laser Turnable, fabriqué au Japon, sont surtout utilisés pour écouter de très cher et assez rare. Mais il produit la musique classique, disco, funk, et un bruit de fond plutôt désagréable pour notamment par les DJ qui les trouvaient les oreilles des audiophiles exigeants, plus faciles à manipuler et de meilleure qui préfèrent donc la lecture avec un qualité sonore. diamant. En revanche, les 16 tours servent de Il existe plusieurs sortes de vinyles, support aux textes parlés, et n’ont donc selon leur vitesse de lecture : le 33 pas connu autant de succès que les autres tours, le 45 tours, et dans une moindre types de vinyles. Ils sont commercialisés mesure le 16 tours. C’est d’abord le 33 dès 1957, déclinés en plusieurs formats tours (ou plus exactement 33 tours et un (le 33 tours est conçu pour de longues tiers par minute) qui sera commercialisé, oeuvres littéraires), et destinés aux dès 1946 aux Etats-Unis, par Colombia aveugles ou aux mal-voyants. La firme Records. Ses sillons étant plus fins, il Colombia a même créé un tourne-disque adapté aux automobiles, le Highway les nostalgiques regrettent que le son Hi-Fi Phonograph, pour lesquels des produit par les CD ne soit pas aussi 16 tours sont spécialement pressés et « naturel » que celui des vinyles. Est-ce nécessitent donc une tête de lecture pour cette raison que le vinyle fait son adéquate. Cependant, les 16 tours, retour dans le commerce dès le début justement à cause de leur faible vitesse des années 2000 ? de lecture, n’avaient pas la qualité de son recherchée par les audiophiles. Il réapparaît d’abord en Angleterre, aux États-Unis, en Italie et en Allemagne, où En 1957 on abandonne les 78 tours, on autorise plusieurs artistes à sortir des sauf dans les pays pauvres de l’Est qui vinyles en plus de leurs albums (on le fait les conservent jusqu’en 1962. un peu moins en France). On reprend goût à les collectionner, ne serait-ce que pour De la déchéance... leurs belles et grandes pochettes très artistiques (plus que celles de nos CD), La période allant de 1958 à 1970 est la et certains jeunes vont même jusqu’à les plus glorieuse pour les vinyles, avant que accrocher sur les murs de leur chambre la pénurie de pétrole du milieu des années pour lui donner un style très rétro. 70 diminue leur production, jusqu’au Certains en achètent même sans avoir nécessite une tête de lecture légère et un début des années 80 où elle est dépassée de tourne-disque … On commence à saphir. Son diamètre est de 25 ou 30 cm, par celle des disques compact. Beaucoup ressortir des étagères les vieux disques mais il existe également des vinyles 33 de personnes se débarrassent alors de poussiéreux de nos parents, comme si tours de 17 cm de diamètre, les Extented leurs vinyles, sauf les DJ qui continuent à nous étions nostalgiques d’une époque play, qui peuvent alors contenir jusqu’à 8 les utiliser (les platines vinyles disposent que nous n’avons pas connue ! Nous qui titres. Ce sont ces derniers qui serviront d’une vitesse réglable, idéale pour les connaissons bien l’ère du numérique, de supports aux albums des artistes. mixages). Les vinyles tournent encore, serions-nous un peu lassés du monde mais de façon marginale, dans certains virtuel ? Si le 45 tours ( 17,5 cm de diamètre) a styles de musique comme le reggae et le un gros trou en son centre, c’est parce punk rock. Il est vrai que le vinyle est un très qu’il a d’abord été conçu pour être utilisé bel objet : un grand disque noir ou

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coloré, dont la texture diffère tellement beaucoup d’autres objets-cultes des de celle du CD plus fragile qu’on ose Trente Glorieuses sont remis au goût à peine toucher. Mais ce qui attire le du jour, et le vinyle semble obéir à ce regard, même celui du simple novice, phénomène (y survivra-t-il ?). Il suffit c’est bien sûr la fameuse pochette ! De de suivre quelques programmes télé part sa taille, elle laisse plus de place à pour s’en rendre compte : au cours la création artistique, elle « accroche » de l’été, de nombreux hommages aux grâce aux couleurs plus ou moins vives, années 60-70 ont été rendus sous à ses graphismes parfois psychédéliques forme de documentaires. Il est alors qu’on ne retrouve pas sur les supports tout à fait naturel d’associer le vinyle à plus récents. Bref, de vraies oeuvres cette soudaine nostalgie. Sans doute d’art ! recherche-t-on en ces temps moroses, Alors pourquoi ne pas concilier les deux ? l’authenticité d’un son plus chaleureux Le mélange de « rétro » et de high-tech Et puis écouter les Rolling Stones sur un nous rappelant une période qui nous semble si bien définir la mode actuelle... vinyle, ça donne quand même un peu plus semble à la fois plus simple et bien plus d’effet non ? Le tourne-disque devient sympathique que les autres, du moins Le vinyle n’est donc pas prêt de vieillir, l’espace d’un moment une machine à en apparence. Néanmoins, ne serait-ce et continuera peut-être de faire se remonter le temps, et on se surprend à pas également la mort du CD qui permet trémousser de nouvelles générations, fermer les yeux, écoutant tranquillement maintenant au vinyle de refaire surface et pourquoi pas les rapprocher des plus la musique, se rêvant jeune insouciant(e) et de « prendre sa revanche » sur celui anciennes. À moins qu’il ne s’agisse des années soixante... Chez le disquaire qui l’a détrôné quelques décennies plus d’un phénomène éphémère suivant on se remet à fouiner, à chercher la perle tôt ? Le disque compact ne suscite simplement la mode actuelle. À quand le rare, on regarde de plus près le prix des apparemment plus autant de sympathie retour de la cassette audio ? platines-vinyles qui apparaissent parfois auprès des audiophiles et subit de plein dans les foires aux puces (après tout fouet la montée en puissance du tout Par Amélie Borgne c’est bientôt Noël !). numérique et les téléchargements plus ou moins légaux. D’ailleurs, le vinyle aura Sources : pour les photos :www.vinylmaniaque.com Mais pourquoi diable ce retour sans doute moins de chance de s’imposer pour l’aspect technique : www.vinyland.com en force ? Si on observe un peu les face aux téléchargements et aux mp3, pour l’aspect historique : www.yayamusic.com tendances actuelles, on remarque que si pratiques pour nos vies de nomades !

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info vintage musique 21 Scorpions un d’adieu après 40 ans de rock

n janvier dernier, tous les les 40 ans de carrière du groupe : il allie plus loin, Scorpions nous enchante de fans de rock en général et des morceaux dans l’esprit hard rock et nouveaux les oreilles avec la seconde Ede Scorpions en particulier des ballades à vous arracher des larmes ballade : « Sly ». Elle parle d’une fille eurent le cœur déchiré par cette dans la pure tradition scorpionnesque. logiquement nommé Sly - initiales de annonce de co-leader et guitariste Mais surtout les paroles de quasiment « » -, née dans les rythmique : « Oui, toutes les chansons semblent s’adresser années qui suivirent la sortie de ce tube nous arrêtons. Nous ne rajeunissons directement ou indirectement au fan à inoubliable. Le groupe glisse par là à pas. » Après 40 ans de carrière, le travers de nombreuses références au l’oreille de leurs fans qu’il ne les oublie groupe de scorpionide allemand passé comme à l’actualité du groupe - en pas, génération après génération. va prendre sa retraite. Mais bien l’occurrence leur départ en retraite. entendu un groupe aussi prolifique Mais après tant d’émotions, nous nous que Scorpions ne pouvait pas partir L’album s’ouvre sur « Raised on rock » rendons compte qu’il ne reste déjà plus sans nous administrer une bonne - élevé au rock -, au riff très énergique, que deux pistes à écouter avant d’arriver piqûre de rappel en entamant une dont la mélodie tend un peu vers celle à la fin de la carrière de Scorpions. Ces ultime tournée mondiale de 200 de « Rock you like a hurricane » un de derniers nous rassurent alors : « The concerts et un dernier album par- leurs plus grands classiques. Et l’énergie spirit of rock will never die » nous dit la dessus le marché ! ne retombe pas pendant encore cinq chanson suivante, avant que l’album ne morceaux tous plus hard rock les uns se conclue par une power ballade intitulé Comme toujours quand sonne l’heure que les autres, de « Sting in the tail » « The Best is yet to come », marquant de la retraite il est temps de lancer un à l’explosif rock zone en passant par la leurs dernières volontés musicales. regard à ce qu’on laisse à la postérité. power ballade « The Good die young » C’est ce que nous nous proposons de (avec l’ex chanteuse de Plus qu’un simple retour aux sources, faire ici, en revenant sur la longue en guest star). cet album constitue un retour sur toute carrière du groupe scorpions et bien leur carrière. Scorpion offre ainsi un sûr sur leur ultime album sortit en mars À la septième piste arrive la première album qui se révèle un vibrant hommage dernier : Sting in the tail. ballade douce de l’album : « Lorelei ». aux fans, ceux-là même qui leur ont On ne peut s’empêcher à l’écoute de permis d’arriver jusqu’au sommet de la Sting in the tail : un Best of original l’orgue électrique, par lequel débute le scène hard rock mondial. de Scorpions morceau, de se rappeler celui de « Send me an angel » ; cette chanson parle d’un Par Louis-Adrien Benoit Le constat qui nous vient à l’esprit après homme trahi et pourrait être élevée au l’écoute de cet album c’est qu’il regroupe panthéon des plus belles ballades du tout ce que les fans ont aimé à travers groupe. Deux morceaux décoiffants

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 22 musique musique un groupe ayant marqué l’histoire du rock Par Louis-Adrien Benoit

i la plupart des gens l’esprit collectif comme un grand groupe opérations des cordes vocales, des mois connaissent Scorpions pour de rock avec lequel il faut compter. de repos et beaucoup de soutien de la Sleurs morceaux les plus part des autres membres du groupes, connus dont le mythique « Still Durant cette période, d’autres albums Klaus guérit et termine d’enregistrer avec loving you » - dans Love at first les font également remarquer, notamment le reste du groupe l’album Blackout. Cet sting, 1984 - ou encore « Wind (1976), dont la pochette, qui album, inspiré notamment de cette passe of change » - dans Crazy world, n’est plus visible aujourd’hui, montrait une difficile, contient plusieurs morceaux qui 1990 -, ce groupe mythique est loin petite fille nue dont le sexe n’était caché deviendront des « classiques » du groupe, de n’avoir écrit que des ballades. que par un éclat de verre. Bien que cette tels que « ». C’est avec la En effet ils ont injectés le venin du pochette choque les membres du groupe, sortie de cet album que la notoriété du hard rock dans le cœur de plusieurs elle est imposée par leur producteur Dieter groupe va littéralement exploser. Une générations de fans. Dierks. Ce désaccord fut le premier d’une critique dira même à l’époque « on a longue série, qui s’achèvera à la fin des donné à des cordes vocales Revenons ensemble sur les moments années 80 lorsque le groupe changera de de métal ». marquants de l’histoire du groupe. producteur. Durant les dates européennes de la tournée qui suit la sortie de Virgin Après un tel carton, la question se pose killer, Scorpions assure les premières de savoir si leur succès se confirmera avec parties du groupe Kiss. la sortie du prochain album. Ne voulant pas décevoir ses fans, le groupe travaille Les années 80 ou l’âge d’or du hard d’arrache-pied pendant deux ans : Love rock... at first sting (1984) voit le jour. Dès sa sortie, cet album va très vite dépasser Dans les années 80 le chanteur du les ventes de Blackout. Il reste à ce jour groupe, Klaus Meine, perd sa voix. l’album le plus vendu de Scorpions. Il Il est même question à l’époque de contient des grands classiques du rock le remplacer. Mais après plusieurs des années 80, comme « Rock you like a

Les années 70 ou la montée en puissance

Le groupe scorpions naît au début des années 70 à Hanovre. Leur premier album, (1972), est alors classé dans la catégorie « rock psychédélique ». Ce n’est qu’au moment de la sortie de (1975), leur premier véritable succès international, que ce groupe est classé dans le style pour lequel il sera connu tout au long de sa carrière : le hard rock. Fort de ce premier succès, et ayant trouvé son style, le groupe prend sont essor en sortant plusieurs albums studios, certifiés disque d’or au japon, le deuxième marché musical mondial. Ils y enregistrent d’ailleurs leur premier album live, 1978 : Tokyo tapes, prenant exemple sur le fameux Made in Japan de Deep purple. Ils s’imposent ainsi dans

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hurricane » ou encore « Still loving you » dont - guitariste solo du groupe de puis 1978 - prétend qu’il a « crée le baby boom le plus important depuis la seconde guerre mondiale ».

Les années 80 sont incontestablement marquées par le hard rock, et Scorpions est véritablement au cœur de ce mouvement. Ils côtoient les plus grand groupes de l’époque,participent au « US festival » de 1983 en compagnie de Van Halen et d’Ozzy Osborne et y emmènent le groupe Iron Maiden. Au « Moscow Music Peace Festival » en 1989, Scorpions joue en compagnie de Mötley Crue, Ozzy Osbourne et Bon Jovi. C’est d’ailleurs ce concert qui inspirera la chanson « Wind of change » à Klaus Meine. Leur dernier gros succès date de 90 : Crazy world et contient des titres très connus, en particulier « Wind of change », inspiré de la chute du mur de Berlin et « Send me an angel ». Scorpions change plusieurs fois de avait fait leur renommé, avec la sortie style en privilégiant les ballades qui ont d’Unbreackable (2004) et d’Humanity fait la renommé du groupe. L’un des hour 1 (2007). Malheureusement, dix singles les plus connus de cette époque ans après le retour très attendu de est « You and I », issu de l’album Pure Scorpions, il s’avère que toute les bonnes instinct. Mais ce choix déçoit les fans, choses doivent avoir une fin. Ainsi le ainsi que les critiques qui y voient une groupe prend sa retraite, mais non sans dérive trop commerciale du groupe. En adresser à leurs inconditionnels fans 99 sort l’album Eye II eye avec un son deux cadeaux d’adieu : leur dernier plus électrique pop et qui est le moins album Sting in the tail, ainsi qu’une apprécié par les fans. tournée mondiale qui devrait s’achever en 2012. Les années 2000 ou le grand retour :

Au début du nouveau millénaire le groupe toujours à la recherche de nouveauté fait deux tournées qui donnent naissance à deux albums Les années 90 ou la menace de live qui regagnent le cœur des fans : l’oubli : (2000) avec l’orchestre philharmonique de Berlin où le groupe Dans les années 90 la jeunesse se repris certains de leurs plus grands désintéresse du hard rock au profit de succès et Acoustica (2001) un album rock plus grunge à la Nirvana ou de rock acoustique. A l’issue de la tournée anglais comme Oasis. Parallèlement d’Acoustica le groupe annonça un retour dans le monde du métal, c’est le aux sources. Chose promise chose groupe Metallica, qui faisait autrefois due, la première décennie du nouveau les premières parties de Scorpions, qui millénaire fut sans aucun doute celle du prend de l’essor. Durant ces années retour au style hard rock d’origine qui

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Sans être en vie à Guillaume B.

Il y a du vent. Il y a toujours eu beaucoup de vent dans cette ville. Surtout ici. Il fait sombre aussi. Et contrairement à ce que la plupart des gens croient, ce n’est pas toujours aussi obscur. Mais ce soir, j'ai la sensation que même les réverbères sont furtivement étranglés par les ombres de la nuit.

Alors que mon regard se rive vers le ciel pour observer les étoiles à découvert, une goutte tombe sur ma joue. Il pleut. J'observe avec netteté l'immense nuage teinté d'orange par les lumières de la ville se glisser doucement sur la nappe obscure du ciel constellé. J'ai l'impression qu'il pleut chaque fois que je suis triste. Ou peut être suis-je triste chaque fois qu'il pleut ? Dans un sens ou dans un autre, lorsqu’il pleut on ne voit jamais que je pleure.

Qui pourrait voir mes larmes ? Il n'y a personne. Il n'y a jamais eu personne. Il n'y a jamais eu que cette solitude.

Il pleut de plus en plus fort. La pluie frappe mon visage, mes mains, l'asphalte, le métal. Elle frappe tout avec force. Chaque coup fait écho aux autres. Il y a quelque chose de parfait dans cette pluie, comme une musique symphonique entrant en résonnance avec le cœur. Chaque goutte me perce la peau comme une épée. Chaque impacte me rafraîchi. Ouvrant la bouche, je m'abreuve de cette abondance de perles venues du ciel. Je crois que je n'ai jamais eu une telle sensation de vie.

Et pourtant il reste cette sensation de vide en moi. Et au dessous de moi.

Je ne me souviens pas comment j'ai réussi à venir jusqu'ici. Et pourtant je ne suis ni ivre, ni sous l'influence de la drogue. Je me demande comment j'ai pu franchir cette immense grille bleue et finir debout entre deux mondes dos à la rambarde.

Mon souffle embuant l'air se fait de plus en plus court. J'aimerais essuyer mon visage de toute cette eau qui me chatouille, mais j'ai peur de lâcher prise. Pourquoi le destin a-t-il voulu m'emmener jusqu'ici alors ?

Un dur sanglot accompagne désormais mes larmes. Chaque hoquet manque de me faire tomber. Je pleure. Je n'ai jamais autant pleuré. J'ai beau y réfléchir et me dire que je ne perdrais pas grand-chose, je pleure quand même. Je ne veux pas, je ne veux plus. Mais j'ai peur de faire machine arrière. Je pourrais chuter. Et quand bien même si ça n'arrivait pas, tout serait différent. Avoir cette idée une seule fois dans ma vie va me changer à jamais. Que j'aille dans un sens ou dans l'autre, j'ai peur. Et je pleure.

Je relève la tête pour reprendre un bol d'air frais, mais la pluie m'empêche presque de respirer. Cependant mes yeux s'arrêtent sur un détail du ciel. Loin, là haut, la pluie est coupée par un obstacle et les petites éclaboussures des gouttes arrêtées dessinent une silhouette. Je crois que c'est la silhouette d'un homme. Un homme mit entre parenthèses par... Est-ce que ce sont vraiment des ailes ? L'immense rideau de pluie ne me permet pas de distinguer les détails, et froncer les sourcils n'améliore pas ma vue. Je ne vois qu'une sorte d'ombre (ailée ?) dans un halo de pluie.

Je pensais ne pas avoir consommé de drogue mais les faits sont là. Je ne me souviens pas de ma venue ici, j'ai des hallucinations, et à l'évidence j'ai un putain de bad trip.

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Une voix se fait entendre. Je tourne au maximum ma tête sur les côtés pour voir qui est derrière cette immense grille bleue qui me sépare de la large bande d'asphalte du pont. Personne. Il n'y a jamais eu personne. Pourtant j'entends de nouveau la voix. Je crois qu'elle est dans ma tête. C'est une voix d'homme, une voix rauque, une voix caverneuse, et pourtant chaude, mielleuse, comme céleste. J'imagine que si Dieu avait eu une voix, ça aurait été celle-là.

Je lève les yeux instinctivement vers la silhouette. Ce doit être encore cette drogue. Les hallucinations s'amplifient. Je me rends à peine compte que j'imagine un ange me parler comme par télépathie. La folie commence à m'emporter.

La voix poursuit. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle dit. Elle met plutôt des idées que des mots dans ma tête. Mais je lui réponds.

- Oui.

Suis-je en train de sourire ? Je ne me souviens pas que ça me soit déjà arrivé. C'est étrange. Je tente de l'effacer, mais en vain. Je souris.

Je me demande ce qu'est la meilleure chose à faire. Les pieds joints, les bras le long du corps ? Ou bien simplement me laisser aller les pieds devant ? Ou alors comme un plongeon en natation ? Ou comme un ange ?

- Oui.

Je ferme les yeux. Mes mains trempées se détachent peu à peu de la rambarde. Il y a ce sentiment de liberté. Mon cœur bat de plus en plus fort. Je me rends compte qu'il est désormais trop tard. Trop tard pour changer d'avis. Trop tard pour les regrets.

Je rouvre les yeux alors que je suis au milieu de ma chute. Je suis sur le point de percuter cet ange aux ailes de jais souriant et tendant les bras vers moi.

Black out.

J'ouvre les yeux sur le plafond de ma chambre. Je souris. Je sens qu'aujourd'hui sera une belle journée. Et les suivantes aussi. Quelque chose a changé en moi sans que je sois capable de dire quoi. Comme si j'avais fais un rêve joyeux. Mais je ne me souviens pas de ce dont j'ai rêvé.

Je tourne la tête sur le côté pour regarder le radio réveil. Mais quelque chose attire mon attention sur l'oreiller : une plume noire.

Par Maxime Henri

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 26 nouvelle nouvelle Un homme, un chat, une femme.

La plupart des hommes s’ennuient. Je ne m’ennuie jamais.

La plupart des hommes ont besoin d’un but dans leur vie. Je n’en ai aucun.

À cette époque, j'avais l’habitude de promener mon chat tôt le matin, en pyjama, dans le parc du château. À cette heure matinale, seul le chant des mouettes se faisait entendre ; elles avaient l’air de bien s’amuser là- haut. Le bruit de ces étranges choses à quatre roues ne venait pas encore rompre la douceur de ce paysage. Je regardais avec admiration les couleurs de l’aube dans les cieux timides et silencieux. La fraîcheur caressait ma peau comme les pétales d'une fleur, je sentais parfois un frisson qui me laissait croire que j'étais en harmonie avec moi-même et l’univers. Le chat que je promenais venait de je ne sais où, je l'avais accueilli alors qu'il était petit et perdu dans une rue misérable. Je l'avais dès lors élevé comme un frère. Bien que je ne parle pas la langue des chats et que lui ne parle pas notre langue, cela ne nous empêchait pas de bien nous entendre, bien au contraire. Je lui demandais « Voulez-vous prendre l’air ? » et il me répondait en miaulant « Miaou ». Lorsqu'il miaulait une fois cela voulait dire « oui », quand il miaulait deux fois, cela voulait dire « non ». Certes, je n’avais pas de grandes discussions métaphysiques ou philosophiques avec lui ; il avait pour toute conversation des ronronnements et des miaulements mais cela me suffisait amplement ; sa présence m'apaisait, il me donnait l'impression d'exister.

Un jour, alors que je rentrais chez moi, après avoir donné une leçon de violon à une étudiante, je m’aperçus, je ne sais pourquoi, que j’étais en train de vieillir. Cette idée ne m'avait jamais traversée l'esprit auparavant et d'un seul coup, je me pris à m'imaginer vieillard, sans amis, sans famille, sans chat... Ensuite, je me vis mourir, je me vis pourrir sous terre rongé par les vers. Au début cette rêverie m’effraya et me fit l’effet d’un coup de couteau au cœur. En fin de compte, je me suis dis que cela n'était rien ; que je sache, aucun mort n'était jamais revenu pour se plaindre de sa propre Mort !

J’avais une trentaine d'années, et j'étais divorcé. Je ne sais pas pourquoi mais je m’étais marié ; l’amour et l'inexpérience nous font parfois faire des choses stupides. Elle voulait des enfants, je n’en voulais pas, simplement, je trouve que nous sommes déjà bien nombreux sur terre et que les temps à venir ne seront peut être plus aussi beaux qu’aujourd’hui. Je lui répétais sans arrêt que c'était égoïste de sa part d'avoir un bébé, de jouer à la maman et au papa... Je ne voulais vraiment pas perdre mon temps à cela, je lui disais tout bonnement que, pour moi, le temps c’est de l’art et que la vie est bien trop courte pour suivre un chemin déjà emprunté par tant de monde. En plus, les enfants sont trop bruyants, soient ils crient soient ils pleurent, ils n'ont pas de conversation ; je préfère la compagnie des livres, ils sont plus calmes et silencieux ! Elle ne voulait rien savoir alors elle me quitta. Elle alla fonder une famille avec un autre homme, ah les femmes ! Quand elles ont une idée en tête ! J’avais donc repris une vie de célibat que je menais depuis maintenant deux ans avec mon chat. Le changement au départ fut difficile, pour s’endormir seul, pour manger seul... Cela fait bizarre, c’est un peu triste, mais on s’y fait à la longue.

Pour subvenir à mes besoins, je donnais des cours particuliers de musique. Il m'arrivait aussi de faire des remplacements dans des lycées comme professeur de français. Le fait d'enseigner au lycée me permettait de fréquenter de jeunes personnes et surtout des jeunes filles dans la fleur de l'âge. À 17 ans ou à 18 ans, le corps des femmes est doux comme la peau d'une pêche, beau comme des nuages, et leurs préoccupations, je dois l’avouer me font relativiser. Les trentenaires, pour la plupart, me font déprimer, ils ne parlent que de leurs enfants, de leurs maisons ; à les écouter, ils paraissent se convaincre eux-mêmes qu'ils ont fait le bon choix de vie... Ils ont l’air si blasé, sont si prisonniers de leur vie monotone. Je fais des généralités, au fond, ils ne sont pas tous ainsi...

Suite à un cours que j'avais donné sur Stendhal, sur Le Rouge et le noir, où j'avais évoqué le phénomène de cristallisation, une élève (qu'elle était charmante !) était venue me voir, avec une de ses amies, pour me parler du livre que nous étudiions en classe, et de l'éternel sujet de l'amour (mon métier n'a pas que des inconvénients !). Nos bavardages étant intéressants, je les conviais discrètement à venir me rejoindre boire un thé au café librairie Les fleurs d’opium. C'était vendredi, la semaine était finie, et elles me dirent « oui » sans hésiter. Une demi-heure plus tard, j'étais au café, seul ; je devais être en avance. J’aimais beaucoup cet endroit, je m’y sentais bien, il n’y avait pas foule. La musique de fond était souvent du jazz ; des centaines de livres de tous genres recouvraient les murs et donnaient l'impression que le bon goût était loin d'être mort.

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info nouvelle nouvelle 27

Finalement, la charmante fille vint seule, son amie m’a-t-elle dit, devait rentrer chez elle pour je ne sais quelle affaire.

Nous commandions, au lieu du thé initialement prévu, deux ballons de Chablis. Nous discutions de choses et d’autres, de frivolités et de choses plus « sérieuses ». Je ne voyais pas passer le temps. Sa vision du monde était à la fois lucide et enthousiaste, elle était pleine de projets et d'envies, elle m’apprenait certaines choses, je lui en appris d’autres... Elle avait déjà lu pas mal de livres pour son âge, ce qui permis d'étaler la conversation jusqu'au début de soirée ; cela me changeait, avec tout le respect que je lui dois, des conversations que j’avais avec mon chat ! On apprend tellement avec les jeunes gens, sa présence me rassurait, elle me faisait le plus grand bien. Bien que je ne fusse plus un adolescent, je voyais le monde avec ses yeux rempli d'espérance, plein de confiance envers la vie et l’avenir... J'eus l'audace de l'inviter à manger un bout dans la petite maison bordélique dont j’étais le locataire. Elle refusa gentiment me disant que « ce n'était pas sérieux ». Je lui répondis d'un air taquin : « Mais qu'est-ce qui est sérieux ? » Nous nous quittâmes, ravis d'avoir passé tous les deux ce moment hors du temps et du monde. Je m'endormis seul, une fois de plus, dans les bras de la Solitude.

Trois semaines passèrent. J'avais fini de remplacer le prof de français au lycée de... Alors que je flânais en ville par un samedi soir, je croisais, tout à fait par hasard, la jeune fille avec qui j'étais allé au café. Elle me fit savoir que son prof était « vraiment nul » et me flatta en me disant que je manquais à toute la classe. Je ne l'écoutais plus, la rue et les passants disparurent, nous étions deux étoiles perdues dans un vaste univers ; ses yeux me captivaient, le son de sa voix m'enchantait, sa jeunesse, sa beauté me stupéfiaient. Je ne savais que faire. Je lui dis sans réfléchir : « Tu veux passer chez moi, j'habite à deux pas ». Elle hésita un instant puis me dit timidement « oui ».

Je n'écoutais plus depuis longtemps la voix de ma raison qui me disait « ce n'est pas bien, elle est trop jeune, si tu te fais pincer, t'auras des ennuis » Heureusement, il y avait la douce voix de ma folie qui me disait : « Mais qu'est-ce que tu attends ? Depuis le temps que tu as rêvé de cela, tu ne vas pas te dégonfler ! ». J'avais les paroles de Gainsbourg qui me revenaient à la tête : « 17 ans la limite / Je ressuscite »

Nous marchâmes tranquillement, je pris le temps de regarder ses jambes, elles étaient magnifiques, enveloppées dans de jolis collants noirs... J’eus à peine le temps d’ouvrir la porte que le chat sortit à toute vitesse, sans même me jeter un seul regard, il avait sans doute compris que nous voulions rester seuls. J’avais l’impression d’avoir enlevé une vestale pour l'emmener dans le temple de Cupidon ! Je débouchais une bonne bouteille de Bourgogne. La situation était un peu étrange, c'était quand même une de mes anciennes élèves ; mais le vin dissipa vite notre malaise comme le vent peut enlever un épais brouillard... Pris d'un désir incontrôlable je l'embrassais. Elle ne s’y opposa guère, bien au contraire. Mon cœur battait de plus en plus vite et de plus en plus fort sous l'effet de « l'amour ». La suite ne vous intéressera sans doute pas, je passe donc les détails inutiles. Ce que je peux vous dévoiler, par contre, c'est que nous nous sommes endormis main dans la main à une heure assez tardive. Le lendemain, il était midi quand elle partit. Je fus triste mais je n’allais pas tarder à retrouver ma joie puisque je la revis assez souvent avant qu'elle ne partît faire ses études en Angleterre pendant toute une année. Nous allions ensemble au théâtre, au cinéma, je me faisais passer pour son grand frère et tout se passait très bien. Je ne l’ai pas revue depuis son retour de voyage, sans doute avait elle trouvé un jeune homme de son âge, mais peu importe, aujourd’hui j’ai retrouvé la compagnie de mon chat et je n’en suis pas mécontent.

Je ne sais pas pourquoi je vous ai raconté cette aventure quelque peu romanesque, mais je dois vous confier que ma vie n’est pas toujours ainsi. Évidemment, il y a des moments où rien ne se passe, où j'attends des messages pour que l'on m'invite quelque part, où c’est le néant ; alors je m’occupe en lisant, en écrivant des nouvelles que personne ne lira... Le pire, dans ces temps d’attente, c’est lorsque que l’on entend la jolie musique de son portable, où l'on saute dessus comme un acharné, pour s’apercevoir, finalement, que c’est un foutu sms d’orange vous proposant une « offre spéciale » car vous êtes un « client spécial »… Il est des jours ou des périodes de la vie moins mouvementées que d’autres, mais, par chance, le Silence, la Solitude et le Calme resteront toujours de bons vieux amis que j'accueillerai à bras ouverts...

Glenn Nicolle, un bien médiocre écrivain.

Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info 28 bientôt à brest Les ondes sur le Campus

ort d’un partenariat suivi depuis sept ans avec l’Université de Bretagne Occidentale, le festival a étoffé ses rendez-vous à la Faculté Victor Segalen pour prendre le temps du recul, de la transmission d’une Fréflexion, de l’échange des points de vue et des pratiques radiophoniques. Le festival est ouvert à tout public et l'entrée est libre et gratuite.

Soirée étudiante documentation Françoise Dolto « diaphonique » • mercredi 24 », ainsi que Colette Laury de novembre, 21h-00h30 • salle Radio Citron, radio faite par des du Clous personnes souffrant de mala- dies psychiques, échangeront Qu’est-ce que mixer des sons ? sur la place de la psychanalyse à Pour aborder cette question, la radio et plus largement dans deux propositions. Pour les médias. La psychanalyse commencer : mix d’archives comme champ de connaissances pour un danseur par Mathieu peut-elle s’exprimer à travers Gaud et Sylvain Fox. Pour la radio et à travers les médias continuer : Diafonik, duo ? Si oui, quelles en sont les exi- composé par Pierre Stéphan gences cliniques et éthiques ? aux violons et Yann Madec à La radio en tant qu’outil théra- l’électronique et au traitement peutique peut-elle permettre sonore pour des compositions à des personnes souffrant de musicales à partir d’archives maladies psychiques de faire sonores de Donatien Laurent. exister leur parole, peu présente Une soirée diffusée sur en général dans les médias car Radio U et en entrée libre. trop souvent stigmatisée et mise à l’écart dans la société ? Une Les immédiatiques table ronde pour quelques pistes • internet : enjeux et éléments de réponse. géopolitiques de la gouvernance et des échanges Une soirée en fanfare : bus culturels • 2 décembre, d’écoute, concert et buffet • 18h-20h • Salle des thèse • samedi 6 décembre, à partir de Faculté Segalen 19h45

Après la rencontre de 2008 Départ en bus d’écoute ou en sur la question du cyberac- Qu’est-ce que mixer des sons ? Pour pedibus à la sortie du Quartz le tivisme et de l’Internet en contexte aborder cette question, deux propositions. samedi soir / arrivée 1h30 plus tard à répressif, cette table ronde s’inscrit dans Pour commencer : mix d’archives pour la salle du Clous pour une soirée en fan- la continuité. Il s’agit d’aborder plus glo- un danseur par Mathieu Gaud et Sylvain fare (où il y aura à manger, à danser et à balement les questions de l’influence de Fox. Pour continuer : Diafonik, duo boire...). l’Internet sur les équilibres géopolitiques composé par Pierre Stéphan aux violons le festival de la radio et de l’écoute à travers, notamment, l’enjeu crucial et Yann Madec à l’électronique et au recrute ! de la gouvernance du réseau au niveau traitement sonore pour des compositions mondial. Les décisions prises dans ces musicales à partir d’archives sonores grands rassemblements, qui décident de Donatien Laurent. Une soirée L’association recherche des des règles de fonctionnement de la toile, diffusée sur Radio U et en entrée libre. personnes pour s’investir en amont n’entérinent-ils pas les déséquilibres et/ou pendant le festival. En géopolitiques préexistants ? Débat radio, psychiatrie et contrepartie, chaque bénévole se psychanalyse • 3 décembre, 14h-16h30 verra remettre une entrée pour le Séminaire : le documentaire radiopho- • ancienne bibliothèque universitaire concert du samedi 4 décembre ainsi nique : « décor naturel » • 3 décembre, que des places de cinéma gratuites. 9h30-11h30 • salle des thèses • Fac Michel Plon, psychanalyste, Catherine Contactez-nous au 02 98 49 Segalen Dolto, hapto-psychothérapeute et pré- 00 15 ou au 06 65 66 23 08, ou sidente de l’association « Archives et bien encore par mail à festival@ longueur-ondes.fr.

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