Illustration principale figurant en couverture : Le Mont-Aiguille (a!t. 2 097 m)

Photo prise par M. Aldo PERONO. ÉNIGMES — CURIOSITÉS SINGULARITÉS Ouvrages du même auteur : Le CHANOINE AUGUSTE DUSSERT (1872-1958), HISTORIEN DE ET DES ETATS DU DAUPHINÉ, avec un sonnet de Jules BOURRON. Imprimerie Cusin, Bourgoin, 1959 (en col. avec V. Miard). PIERRE-CHATEL, HIER ET AUJOURD'HUI. Préface de Robert AVEZOU, Directeur des Services d'Archives de l'Isère. Imprimerie Louis-Jean, Gap, 1968. 360 pages, 85 illustrations, une carte dépliante et un tableau généalogique de la noble famille ALLEMAND de MONTRIGAUD, du Mas-Briançon. IN MEMORIAM (1893-1971) Victor MIARD, historien de La Mure et de la . Imprimerie Eymond, , 1971. PETITE HISTOIRE DU CHEMIN DE FER DE MONTAGNE DE SAINT-GEORGES-DE-COMMIERS À LA MURE (Isère), Premier train électrifié de . Merveille du Dauphiné. Préface de Jean HAUDOUR, Ingénieur géologue aux H.B.D. Imprimerie Léostic, Seyssinet, 1978. 160 pages, 220 illustrations, 2 cartes de Jean Garnier. In LA MURE ET SON PAYS, S.A.E.P., Colmar, 1979 : De La Cotte-Rouge au vol de l'Aigle. HISTOIRE MÉMORABLE DU SIÈGE DE LA MURE, EN L'AN 1580. Préface du Général Jacques HUMBERT. Imprimerie Léostic, Seyssinet, 1979. 146 pages, 68 illustrations, et deux plans d'époque, inédits, du Siège de La Mure, reproduits dans leurs formats d'origine (50 x 62 cm et 54 x 88 cm) joints à l'ouvrage. La GRANDE AVENTURE DU PÈLERINAGE DE LA SALETTE DE 1846 À NOS JOURS. Préface de Monseigneur Gabriel Matagrin, Evêque de Grenoble. Avant-propos de Paul Hamon, Conservateur de la Bibliothèque municipale d'étude de Grenoble. Imprimerie Dardelet, Grenoble, 1984. 232 pages, 425 illustrations en noir et en couleurs (en col. avec V. Bettega). La ROUTE NAPOLÉON, DE L'ILE D'ELBE AUX TUILERIES. 1815. 204 pages, 135 documents et gravures d'époque inédits. Lyon, Editions La Manufacture, 1985. GUIDE BLEU PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR (Route Napoléon). Paris, Editions Hachette, 1987. In LE PAYS DE LA MURE, AU CŒUR DU DAUPHINÉ, Editions Didier & Richard, Grenoble, 1987 : Les grandes heures de l'histoire de La Mure. In DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES COMMUNES DE L'ISÈRE, sous la direction du Professeur André PELLETIER, Directeur de l'U.E.R. des Sciences Historiques et Géographiques, Arts et Environnement à l'Université Lyon II. Editions-Diffusion Horvath, Le Coteau : Notices cantonales et communales sur les cantons de LA MURE, CORPS, et partie de (à paraître). Armoiries : Armoiries de PIERRE-CHÂTEL (Isère). Dessinées par Victor MIARD. Gravures : -PERCÉE, l'une des Sept Merveilles du Dauphiné. Site naturel classé attribué par les Beaux-Arts à la commune de Pierre-Châtel (Isère). Tirée sur le cuivre original du XVIIIe siècle, par le Maître imprimeur Georges LEBLANC à Paris. UNE FORGE DE CLOUTIERS A LA MURE EN 1868. Reproduction du seul document d'époque connu évoquant cet ancien artisanat local. Enregistrements sonores : NAUFRAGE DU TITANIC (14 avril 1912). Récit par la dernière rescapée, M"' Rose-Amélie ICARD, alors âgée de 83 ans (septembre 1955). Cet enregistrement a obtenu en 1955, à Paris, le 3e Prix international du meilleur enregistrement sonore. Lecture par le Chanoine Auguste DUSSERT (1872-1958) d'une partie de l'avant-propos de son Essai historique sur La Mure et son Mandement (1903). Enregistrement réalisé à , le 24 novembre 1955 (un disque 33 tours ou cassette). Télévision : LA ROUTE NAPOLÉON, HISTORIQUE ET TOURISTIQUE. Réalisation de la partie historique pour la Société Japonaise de Télévision Takion, de Tokyo — Juin 1987. L'auteur : René REYMOND, 38119 Pierre-Châtel. Tél. : 76.83.07.90. RENÉ REYMOND

ÉNIGMES - CURIOSITÉS SINGULARITÉS L'INSOLITE ET LE FANTASTIQUE dans les communes des cantons de : LA MURE - CORPS VALBONNAIS VIZILLE - MENS - VIF

PIERRE-CHÂTEL 1987 La loi du Il mars 1957 n'autorisant. aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées é une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, < toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause, est illicite > (alinéa 1" de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code pénal. @ RENÉ REYMOND 1987 EN HOMMAGE À MES ANCÊTRES. À MA MÈRE, À MON PÈRE QUI REPOSENT EN MATHEYSINE.

AU LECTEUR

Pourquoi cet ouvrage — ou plutôt cet essai ? Tout simplement pour répondre, ou tenter de répondre, aux mille questions que nous nous sommes bien souvent posées — et que l'on nous a posées — au cours des années. Après la publication de chacun de nos livres, nous recevons de très nombreuses lettres et visites de lecteurs, jeunes et moins jeunes, animés d'une saine et ardente curiosité et qui « désirent en savoir davantage ». C'est extrêmement sympathique. La conversation porte toujours sur les sujets les plus curieux et sur nombre de problèmes à résoudre : faits énigmatiques, insolites... Et c'est un peu ce qui nous a incité à entreprendre ce travail et amené à fouiller le passé dans des directions nouvelles parfois imprévues. Nous avons compulsé et déchiffré des monceaux d'archives, lu des centaines d'ouvrages, interrogé beaucoup de personnes et procédé inlassablement à des investigations systématiquement poursuivies. S'il n'est pas exhaustif, le résultat de cette quête est en revanche très important : plus de 300 chapitres ou notices illustrés de 200 pho- tos. Tous les sujets ont été abordés. Il y en a pour tous les goûts, et nul doute que cette riche moisson n'apporte bien des connaissances nouvelles à la curiosité des lecteurs. Pour notre part, nous nous sommes délecté en recueillant une prodigieuse information. Nous espérons qu'au fil des pages le lecteur y trouvera le même plaisir. Nous lui serions reconnaissant de nous faire part de ses impres- sions et de proposer de nouvelles questions. Pourquoi pas ! Le jeu est passionnant.

CANTON DE LA MURE

LA MURE

L'église et le prieuré

Plan de 1580

Reproduction d'un détail du plan-relief dessiné en 1580 par Ercole Negro, ingénieur militaire piémontais au service de Lesdiguières pendant les opérations militaires du siège de La Mure. A droite, ruines de l'église Notre-Dame (XIe siècle) — façade à l'occident et abside à l'orient — ; le clocher a été visiblement démoli. Au gauche, ruines du prieuré de Bénédictins fondé en 1079, à proximité duquel ont été découverts les vases décrits plus loin, le cloître, les ruines des maisons de la « franchise ». Eglise, clocher, prieuré, etc. avaient été partiellement ou entièrement démolis par Lesdiguières pour édifier la grande citadelle sur le Ser voisin.

11 Découverte de vases d'époque médiévale dans des sépultures proches du prieuré Notre-Dame(l)

A proximité du prieuré de Bénédictins fondé en 1079 par Guigues III, des sépultures ont livré, à une date inconnue, deux vases dont voici la description : 1) Cruche en céramique grise, globulaire, à fond bombé lenticulaire. Cette céramique présente des ondulations de tournage sur sa panse. Le rebord est évasé, assez épais. Une courte anse rubannée à repli latéral interne part du col et aboutit au milieu de la panse. Il n'y a pas de bec verseur. Hauteur : 15,3 cm — Diamètre : 17 cm. (Cf. photo 1). 2) Cruche en céramique grise bien cuite, à lèvre arrondie simplement éversée, bec pincé, large anse enrubannée à repli latéral interne issue du bord pour se rattacher aux 2/3 inférieurs de la panse. Fond plat. Traces de lissage à l'eau. Hauteur : 10,3 cm — Diamètre : 9,3 cm. (Cf. photo 2). Ces deux vases remontent aux xir ou XIIIc siècles.

(1) Description de Michel Colardelle. Le seul portrait connu de la dernière dauphine, Béatrix de Hongrie, est conservé à La Mure

On ne connaît de nos jours qu'un seul portrait de Béatrix de Hongrie, dernière dauphine, morte depuis plus de six siècles. Il est donc précieux, pour l'histoire du Dauphiné et de la Matheysine en particulier. Il s'agit d'une peinture à l'huile conservée récemment encore dans une salle de l'hôpital de La Mure. Béatrix y est représentée en habit de religieuse de l'ordre de Cîteaux. Dans la partie gauche, figure une crosse d'abbesse. A droite, sont peintes les armoiries de la dauphine formées de deux écus de Dames, accolés, le premier d'or au Dauphin d'azur (du Dauphiné), le second d'argent à quatre fasces de gueules (de Hongrie), écus posés sur un cartouche d'or, sommé de la couronne princière. Dans les ouvrages d'histoire locale, on lit que Béatrix ne fut point abbesse, mais simple religieuse. Ceci est inexact. Béatrix fut abbesse de Valbressieu, et en quelque sorte abbesse honoraire du couvent de Saint-Just-en-Royans, qu'elle fonda. La crosse d'abbesse représentée dans le tableau est donc pleinement justifiée. La peinture, en mauvais état, a été restaurée. Ce tableau, qui n'est pas d'époque, est incontestablement postérieur à 1680, puisque l'inscription qui y figure au bas — erronnée en ce qui concerne l'année de décès, dont les deux derniers chiffres ont été inversés — a été visiblement composée en reproduisant partiellement le texte de l'épitaphe de 1680. Cette inscription funéraire marquait la sépulture de Béatrix après la translation, la même année, de ses restes de Saint-Just-en-Royans, à Romans, où ils furent réinhumés dans le caveau de la chapelle du Saint-Sacrement. L'inscription fut effacée en 1906 par les religieuses qui enlevèrent les meubles et l'autel, abandonnant le couvent désaffecté. Nous donnons ci-dessous le texte intégral de cette épitaphe disparue depuis près d'un siècle : « A l'éternelle mémoire de la Fondatrice de Saint-Just, cy-gît très grande et très vertueuse princesse, Son Altesse Royale Béatrix, fille de Charles-Martel, roi de Hongrie Madame la Dauphine qui, de souveraine régente des Etats de cette province, renonça aux honneurs de ce monde pour se consacrer entièrement à Dieu en fondant le monastère de Saint-Just en Royannais. « Ses actions furent glorieuses dans le gouvernement de ses Etats, et ses vertus n'éclatèrent pas moins dans la profession de la vie religieuse. « Elle en remplit si parfaitement tous les devoirs, que comblée du mérite de ses bonnes œuvres, elle s'acquit la réputation d'être morte en odeur de sainteté, en l'année 1354. « Une si belle et si heureuse renommée ayant excité le zèle et la piété de Madame Marnais de Saint-André, très digne abbesse de ce couvent, elle y fit transporter solennellement le corps de cette illustre fondatrice, en l'an 1680, après l'avoir retirée par ses soins infatigables du milieu des ruines, où la fureur des hérétiques a réduit en masure l'ancienne église de Saint-Just où a reposé pendant plus de trois siècles le sacré et vénérable dépôt qu'elle a placé en ce lieu comme un gage de son amour. » « Les Religieuses de ce couvent ».

Industrieux Matheysins au Moyen Âge

Les habitants de La Mure possédaient de bons prés dans le mandement de Beaumont, d'où ils retiraient beaucoup de foin pour l'hivernage. Ils faisaient le commerce des laines, les vendant soit sur place, pour la fabrication des draps grossiers, soit sur les marchés de Grenoble. Ils les portaient même jusqu'à Genève, et en 1475, plusieurs d'entre eux furent arrêtés et emprisonnés parce que, malgré la défense du roi, qui avait interdit de fréquenter les foires de Genève, ils s'étaient rendus coupables... d'avoir esté mené et fait mener certaine quantité de leynes et autres marchandises esdites foyres de Genève... La croix de Fayollat et la potence Découverte de monnaies romaines

Sur le Ser, au sommet du plateau de Païon, à 1 km de La Mure, se dresse la croix de Fayollat, érigée à l'intersection des chemins du Calvaire et du Genevray, aux confins de La Mure et de . Abattue par l'orage en novembre 1957, elle fut relevée le 9 décembre 1958. Le piédestal porte le millésime 1877. Mais cette croix en a remplacé une autre plus ancienne, puisqu'un article paru dans L'Echo de la Matheysine du 23 janvier 1875, sous la signature de « Matacenus » (pseudonyme de Victor Arnaud, auteur de La Famille de Combourcier) précise : « En 1848, lorsque pour donner du travail

La croix de Fayollat

Photo René Reymond. à nos ouvriers inoccupés, on leur fit élargir le chemin qui, de La Mure, tend au sommet du côteau de la citadelle, en passant à côté de la croix de Fayollat, on découvrit une boîte dont le bois était entièrement corrodé par le temps et dont il ne restait que les nœuds et le fer rouillé. Elle contenait un assez grand nombre de pièces de monnaie romaine dont la plupart, considérées comme de vieux sous par les ouvriers ignorants qui firent cette précieuse découverte, furent perdues et dispersées. » Nous estimons que cette croix, beaucoup plus ancienne qu'on ne le suppose, a marqué au cours des siècles l'emplacement de la potence où l'on pendait les criminels. Celle-ci apparaît dans ces parages sur le plan du siège de La Mure, dessiné en 1580 sur les lieux mêmes au cours des opérations par l'ingénieur militaire piémontais Ercole Negro. Ce précieux document resté ignoré de tous les historiens de La Mure qui se sont succédé et que nous avons découvert au cours de recherches effectuées aux Archives d'Etat de Turin, est reproduit dans son format d'origine (54 x 88 cm) dans notre ouvrage Histoire mémorable du siège de La Mure, en l'an 1580.

Une étrange inscription grecque

Une pierre de taille (32 cm x 40 cm environ) conservée dans le hall du Lycée de La Mure porte l'inscription : KALEPA TA KALA (le beau est difficile) Cette pierre provient de l'ancien couvent des Capucins, fondé en 1643 par Jean de Combourcier et démoli en 1889. On sait que ce couvent fut construit avec

16 Photo X. les pierres réemployées provenant de la démolition des masures du « grand château du seigneur du Monestier », Balthazar de Combourcier, grand-père de Jean, château qui fut rasé en juin 1587 par Lesdiguières, en même temps que le fort de Cognet. Cette inscription a-t-elle été gravée par un humaniste qui vivait à l'époque de la Renaissance ? Le problème n'a pas encore trouvé de solution.

Les mystérieux souterrains de La Mure

Dans La Mure il subsiste des marques prouvant que le sous-sol a été dans le passé truffé de souterrains. Il serait difficile aujourd'hui de dresser le réseau des galeries secrètes que nos ancêtres avaient coutume de creuser pour communiquer, se protéger, fuir, en particulier à l'époque des châteaux et maisons religieuses et pendant le siège de 1580. En effet, le bouleversement du sous-sol : percement de puits, de caves, galeries murées, abandons, démolitions, réédifications sur des substructions anciennes ont embrouillé les choses. Toutes les ouvertures, cavités, etc. ne sont pas forcément l'entrée d'un souterrain secret. Nous n'en dresserons donc pas la liste, nous contentant de citer un article paru en 1954. Il fait état d'une intéressante découverte qui n'est pas le fait de la légende. Mais aucune explication n'a été donnée; il est vrai que personne à cette époque n'a cherché à résoudre l'énigme de ce souterrain bien réel de cent mètres de longueur : « Au midi de La Mure, près de l'ancien chemin Pepelat, trois importants bâtiments H.L.M. vont être édifiés, l'un sur la propriété Galvin-Déchaume, les deux autres sur l'emplacement des jardins Joubert. Sur les chantiers de l'entreprise Foraz, de Lyon, chargée des travaux, huit sondages de terrain ont été effectués ces jours derniers. Or, au cours du premier de ces sondages, un terrassier a mis au jour, à 1,60 m de profondeur, un souterrain d'une largeur de 1 m et d'une hauteur de 1,90 m environ. Celui-ci, dont la base est constituée par le sol lui-même, dont les côtés sont en maçonnerie et qu'une voûte en plein cintre, faite de briques, couvre, est orienté du Nord au Sud, suivant une ligne allant des croix du Calvaire de La Mure au village de . Effondré, dans cette dernière direction, à une trentaine de mètres, il s'arrête, du côté de la ville, à quelque 70 mètres, soit près de la cave de la maison Joubert, où sa présence, il y a quarante ans, avait été déjà constatée. A cet endroit, se remarque, à l'Ouest, l'amorce d'une semblable galerie, paraissant à peu près perpendiculaire à celle qui nous occupe, et d'ailleurs entièrement comblée. Aucun objet, aucun vestige pouvant aider à fixer l'âge de ces souterrains n'a été trouvé. Aussi serait-il présentement difficile d'émettre une hypothèse quant à leur origine et à leur utilisation ». V.-M.

Quand Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, recevait Lesdiguières et le Roi de Navarre, le futur Henri IV

Dans une page de son « Livre de raison » datée du 19 décembre 1584, Michel de Montaigne relate la visite que lui firent, entre autres, le roi de Navarre, le futur Henri IV, et Lesdiguières, le futur connétable : « 1584. Le roy de Navarre me vint voir à Montaigne où il n'avoit jamais esté et y fut deus jours servi de mes jans sans aucun de ses officiers. Il n'y souffrit ny essai ni couvert et dormit dans mon lit. Il avoit aveq lui messieurs le prince de Condé, de Rohan, de Tureine, de Rieus, de Bétune et son frère, de la Boulaie, d'Esternay, de Hauraucourt, de Mont-Martin, de Monttatere, d'Esdiguières, de Poe, de Blacon, de Lusignon, de Clervan, Savignac, Ruat, Sallebeuf, La Rocque, La Roche, de Rous, d'Aucourt, de Luns, Frontenac, de Fabas, de Vivans et son fils, La Burte, Forget, Bissouse, de Seint Seurin, d'Auberville, le lieutenant de la compagnie de Monsieur le Prince son escuier et environ dix autres Srs couchèrent céans outre les valets de chambre pages et soldats de sa garde. Environ autant alarent coucher aus villages. Au partir de céans je lui fis eslancer un cerf en ma forêt qui le promena deux jours. »

Une plaque foyère de la famille Chaillol découverte dans la maison Barbe, Grande-Rue

Une plaque de cheminée armoriée, en fonte de fer, a été découverte en 1961, au cours de travaux, dans la maison Barbe, Grande-Rue. Cette plaque, portant dans sa partie supérieure le millésime 1657, est décorée d'armoiries symétriquement répétées. Les armes représentées sont celles de la famille dauphinoise de Chaillol, qui étaient : « Ecartelé au premier et au quatrième de gueules au chevron d'or accompagné de trois trèfles de même, au second et au troisième d'azur à une tour ronde crénelée de trois pièces d'argent, maçonnée et portillée de sable. » La maison de Chaillol, originaire de La Tour-de-Chaillol en Queyras, a fourni, à partir de l'an 1550, plusieurs vibaillis à Briançon. L'une de ses branches se fixa en Franche-Comté. Noble N. Chaillol, lieutenant-général civil et criminel au bailliage de Briançon, épousa en 1617 Françoise-Béatrix Robert, dame de Bouquéron, et fut à l'origine de la branche des Chaillol-de-Bouquéron, dont un membre fut président du bureau des Finances de Dauphiné en 1766. Elle semble être tombée dans la maison de La Coste ou dans celle de Calignon de Chaillol, vers la fin du xviiic siècle. Une curieuse « signature »

Au bas de l'acte de décès de Marie-Thérèse Descan, un bébé de vingt-sept mois mort le 22.12.1709, le père, Jean-François, un soldat du régiment de Brès, ne put apposer sa signature car il ne savait pas écrire, mais il dessinait très bien, aussi le curé Bonnet précise dans l'acte : « Le sudit Descan a signé par la marque de ce soulier ». Voici donc la « signature » de cet illettré :

Sous le règne de Louis XV le Bien-Aimé, un Murois, Pierre Benoît-Dupivol, fut maire de Grenoble de 1735 à 1737

Les historiens de La Mure qui se sont succédé ont toujours ignoré qu'un Murois avait présidé pendant près de trois ans aux destinées de la ville de Grenoble. Cette révélation tardive prouverait une fois de plus, s'il en était besoin, l'influence des Matheysins dès le début du xvnr siècle sur le développement de la capitale du Dauphiné Soyons-en fiers rétrospectivement. Pierre Benoît-Dupivol, ce lointain compatriote dont nous avons retrouvé un beau portrait parfaitement conservé ainsi que celui de son épouse, née Cécile Rome, voit le jour à La Mure en novembre 1689. Il fait toutes ses études à Grenoble et devient avocat au parlement en 1714. Le 15 mai 1718, il est pourvu de l'office de capitaine-châtelain de La Mure et des paroisses qui en dépendent. Le 12 avril 1731, il est maître particulier des Eaux et Forêts et le duc d'Orléans se l'attache en qualité de capitaine de ses chasses. Reproduction communiquée par M. Michel Aman

Pierre Benoit. Sr Dupivol (né et mort à La Mure — 1689-1756). Avocat au Parlement de Grenoble, capitaine-châtelain de La Mure, maire de Grenoble. Il habita, comme son père, Pierre, châtelain en 1685, et son fils Pierre Victor, lui aussi châtelain en 1759, la maison de la rue Pierre-Grosse (actuelle rue Colonel-Escallon), ancienne demeure de Monsieur le Docteur Mazauric. Ce portrait du XVIIIe siècle est le plus ancien connu d'une personnalité de La Mure. Le roi Louis XV ayant jugé convenable de donner des commission pour remplir les places des officiers municipaux, le nomme maire de Grenoble par ordonnance du 23 août 1735. Deux années plus tard, par un acte collectif du 4 décembre 1737, le conseil d'Etat supprime les charges et commissions de maires. En octobre 1742, l'armée d'Espagne ayant quitté la Savoie et s'étant retirée sous le fort , il est chargé sur les lieux-mêmes par M. de Sauvigny de donner les ordres nécessaires pour pourvoir à la subsistance de cette armée pendant le séjour qu'elle y fait et quelque temps après sa rentrée en Savoie. Il s'y emploie si bien durant trois mois qu'il reçoit de S.A.R., l'infant Dom Philippe, un flatteur témoignage de satisfaction. Pierre Benoît-Dupivol est en 1723 le premier recteur de la chapelle dite du Calvaire, édifiée la même année. Avec son épouse ils sont le 17 août 1724 parrain et marraine de la cloche de ce lieu de culte démoli en 1794 pendant la grande révolution. Trois croix de pierre en marquent aujourd'hui l'emplacement sur le ser de La Mure. Il décède en 1756 et son épouse lui survivra jusqu'en 1771. Ajoutons que les Benoît-Dupivol furent châtelains durant trois générations, puisque le père de notre personnage, prénommé Pierre lui aussi, fut châtelain en 1685 et son fils Pierre-Victor en 1759. Rappelons qu'après la disparition des châteaux forteresses, les fonctions des châtelains perdirent l'essentiel de leur caractère militaire; il leur resta des attributions judiciaires, mais ils eurent surtout à s'occuper du recouvrement des droits seigneuriaux et à veiller à l'exécution des ordres du roi. Vivant au milieu des habitants, connaissant dès lors parfaitement leurs besoins, leurs difficulté et leurs aspirations, les capitaines-châtelains furent en Dauphiné des personnages essentiels de la vie politique et sociale. Les familles Benoît-Dupivol, et Aman leurs alliés qui leur succédèrent, habitèrent la maison de maître de la rue Pierre-Grosse, ayant appartenue en partie au Dr Mazauric et sise au 22, rue Colonel-Escallon. Porte d'entrée deux fois séculaire et large escalier de pierre avec sa rampe ancienne en fer forgé de la maison de maître des familles Benoit-Dupivol et Aman. au 22 de la rue Colonel-Escallon. autrefois rue Pierre-Grosse.

Photo Jean Oliver Collection Dr Ma/auric

Grande et belle plaque foyère ornée de fleurs de lys et de dauphins, portant la date de 1771.

Photo Jean Oliver Collection Dr Mazauric

23 Un diplôme de « Maître chirurgien » décerné en 1752 à Jean Pélissier qui exerça son art en Matheysine et dans les cantons voisins

C'est à notre connaissance le seul diplôme obtenu par d'anciens médecins et chirurgiens ayant exercé à La Mure qui nous soit parvenu. Jean Pélissier, son détenteur, avait suivi les leçons d'un « grand patron » de l'époque : René Jacques Croissant de Garengeot (Vitré, 1688-Cologne, 1759), dont la belle signature figure sur le document. Rappelons que ce remarquable chirurgien apporta d'importantes modifica- tions à la technique et à l'instrumentation de son art; quelques dentistes se servent encore de la « clef de Garengeot » pour l'extraction de certaines dents. Il écrivit, entre autres ouvrages : Traité des opérations de chirurgie (1720); Nouveau traité des instruments de chirurgie les plus utiles... (1723). En 1785 les capucins de La Mure offraient en témoignage de reconnaissance à Charles Aman, «Avocat en Parle- ment », un magnifique diplôme sur soie

Il est ainsi libellé : « A Messire Charles-Antoine-Victor Aman'" Avocat en Parlement. F. Jérome, de Gannat, Provincial des Capucins de la Province de Lyon, dite de Saint- Bonaventure Humble salut en Notre-Seigneur

(1) Il était le petit-fils de Pierre Benoit du Pivol, maire de Grenoble. La copie de ce diplôme nous a été communiquée par M. Michel Aman.

25 Pénétrés du plus grand respect pour votre Maison, et de la plus vive reconnaissance pour les bontés dont elle n'a cessé d'honorer nos Religieux, nous continuons d'en solliciter la protection, spécialement pour notre Communauté de La Mure, et nous espérons que vous voudrez bien être l'Administrateur et le Père d'un monastère qui vous est déjà cher. Pleins de cette confiance que vos vertus inspirent, nous vous en instituons, par ces présentes SYNDIC Apostolique et Recteur perpétuel. Conformément au vœu qui nous interdit toute propriété et aux décrets des Papes Nicolas III et Clément V sur l'administration temporelle de nos couvents, nous vous donnons plein pouvoir d'agir, de contracter pour celui de La Mure, de veiller sur tout ce qui lui appartiendroit, comme sur un bien qui vous seroit propre, et pour répondre, autant qu'il est en nous, aux soins que votre charité prendra en notre faveur, nous vous conférons aussi tous les droits et les privilèges spirituels que les souverains pontifes ont attaché à ces fonctions, et dont ils confièrent la dispensation à notre place : nous vous affilions à notre ordre, et nous agrégeons également votre noble famille à toutes les bonnes œuvres prescrites par les devoirs de notre état, et pratiqués avec la Grâce divine, par les Religieux soumis à notre obéissance, comme par ceux qui le seront à nos successeurs. En foi de quoi nous avons signé les présentes et fait contre-signer par notre secrétaire, et nous y avons fait apposer le sceau de notre office. Donné à Lyon, le 29 octobre 1785. » F. ALEXIS, de Moulins, capucin, secrétaire JEROME, de Gannat, capucin, Provincial

Le tombeau de la famille de Combourcier a-t-il été violé et pillé sous la Révolution ?

L'ancienne église a été tronquée en 1902 pour permettre l'achèvement du second tronçon de la ligne de chemin de fer de Saint-Georges-de-Com- miers - La Mure - Corps. A cette occasion le tombeau des de Combourcier, dans la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, ou de Beaumont, fut ouvert. Une lettre écrite de La Mure le 3.8.1902 par un M. V.A. Besson l'atteste et précise à ce sujet : « ...Quant au sépulcre de la famille de Combourcier, il a été fouillé probablement sous la Révolution, car on n'y a trouvé peu de restes de cette nombreuse et grande famille de la Matheysine; pas la moindre armure, aucun bijou. Tout ce qui a été trouvé (quelques ossements jaunis par le temps) a été pieusement recueilli et placé dans un tombeau spécial par les soins de la municipalité... » Nos recherches nous ont permis de dénombrer dix-sept inhumations dans la chapelle de N.-D.-de-Pitié au cours des siècles passés. Mais ce nombre est inférieur à la réalité puisque les archives consultées présentent des lacunes. A une certaine époque il y a donc eu dispersion de nombreux squelettes et des objets qui pouvaient les accompagner. Cela s'est-il produit sous la grande Révolution ? L'hypothèse est vraisembla- ble. Retenons-là en attendant de trouver peut-être un jour la clé de l'énigme.

Le trésor de Napoléon a-t-il été transporté dans ce coffre ?

A son retour de l'île d'Elbe, le 7 mars 1815, Napoléon aurait laissé à La Mure une malle lui appartenant. Ce lourd coffre en fer forgé, d'une époque antérieure au premier Empire, est conservé au Syndicat d'initiative de la ville. Il fut présenté à Grenoble, en 1925, lors de l'Exposition de la Houille Blanche et du Tourisme. Un responsable de cette importante manifestation, le grand géographe Raoul Blanchard, en parle dans son rapport : « ... un coffre en fer forgé qui a servi a transporter le trésor impérial. Ce coffre est la propriété de la ville de La Mure. » C'est sans doute une information transmise par tradition, car les archives sont muettes sur ce point.

27 Photo X. La rencontre à de Napoléon et des troupes royales, fait rater le mariage à La Mure de Pierre Macaire Dupuy de Bordes, fils de l'ancien professeur de mathématiques de Bonaparte à Valence

Le jour même de la Rencontre historique à Laffrey, le 7 mars 1815, de Napoléon et des troupes royales venues pour lui barrer la route, devait être célébré à La Mure le mariage de Pierre Macaire Dupuy de Bordes, officier d'artillerie, avec Séraphie Giroud, fille de Jules Giroud, fondateur de la Compagnie des Mines de La Mure. A Vizille, apprenant ce qui se passait à Laffrey, tous les invités et le futur époux rebroussèrent chemin. Le mariage ne fut célébré que le 19 avril suivant. Le lendemain de la victoire de Laffrey, 8 mars, à Grenoble, à l'Hôtel des Trois Dauphins, l'Empereur reçut à bras ouverts le père du futur époux, Henry Sébastien Dupuy de Bordes, maigre septuagénaire portant perruque, son ancien professeur de mathématiques à Valence. Sans doute évoquèrent-ils, au cours de leurs retrouvailles, le contretemps de la veille. Le vieux professeur devait mourir le 27 mai suivant.

Guerre déclarée aux hannetons

Lettre de M. Louis Augustin Reymond, maire de La Mure, adressée au Rédacteur du journal Le Courrier de l'Isère et publiée le 31 mai 1853 : « Monsieur le Rédacteur, Nous avons vu, il y a deux ans, nos prairies dévorées par des myriades de larves de hannetons. Le nombre effrayant de la dernière transformation de ces insectes nous faisant pressentir le même danger, l'administration municipale s'est mise en mesure de les détruire avant l'acte de la reproduction. En moins de trois jours, cent personnes environ, la plupart des enfants en bas âge, sont venues nous apporter 1 500 kilos de hannetons, soit environ deux millions de têtes. Qu'on juge du résultat que nous devons avoir atteint, quand on songe aux milliers de larves qui allaient être enfouies dans le sol. La destruction d'un kilo peut s'opérer avec une dépense de dix centimes. Il est à désirer que le chef éclairé de notre département saisisse, par un acte administratif, toutes les communes rurales de l'obligation de procéder annuelle- ment et dans le temps voulu, à la poursuite d'un ennemi si nuisible aux plantes fourragères, et dont les ravages s'exercent surtout pendant les deux ans de son existence souterraine. Veuillez agréer... REYMOND, maire.

Le choléra à La Mure en 1854 Le 10 août 1854, sur demande du préfet de l'Isère, Sœur Pagès, de Grenoble, en religion Sœur Saint-Vincent de Paul, se rend à où sévit le choléra. Le fléau commençant à disparaître, elle va successivement à Mens et à La Mure qu'elle ne quittera que le 1er octobre suivant. Pendant cinquante-deux jours Sœur Saint-Vincent ne cesse de prodiguer ses soins aux cholériques avec un zèle infatigable. De toutes les communes du département celle de La Mure est la plus éprouvée. En moins de six semaines, 218 malades succombent sur une population de 3 617 habitants. Au cours de l'année 1854, 311 cercueils sont portés au cimetière. Pendant cette douloureuse période la population affolée est plongée dans une telle consternation que l'on voit fuir un grand nombre d'habitants, et même des fonctionnaires publics. Mais le maire Louis Augustin Reymond apporte son aide, prèche d'exemple par son calme, son sang-froid, et redonne courage aux survivants. Une médaille d'or lui sera décernée'" ainsi qu'à Sœur Saint-Vincent-de-Paul. (1) Monsieur le Docteur Jean-Charles Revmond, Professeur à la Faculté de Médecine de Grenoble, conserve précieusement cette médaille décernée à son arrière grand-père par le Ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics. Elle porte à l'avers l'effigie de Napoléon III et au revers le libellé suivant : A M. REYMOND MAIRE RECOMPENSE CHOLERA 1854 Rappelons que Louis Augustin Antoine Reymond (1803-1885) chevalier de la Légion d'honneur, fut aussi conseiller général de l'Isère. Il fut le père de Marcel Reymond (1849-1914), historien de l'Art et président-fondateur du Comité de patronage des Etudiants étrangers. Dans sa séance du 5 mai 1957, le conseil municipal de La Mure débaptisa le « Boulevard des Ecoles » qu'il a appelé « Boulevard Marcel-Reymond ». Ce boulevard, dont les plaques indicatrices sont encore absentes, longe les murs Nord du Lycée et relie l'« Avenue Chion-Ducollet » à la « Rue du Château ». Désiré Maurel, dit Peipin, invente le locomopoudre pour remplacer la vapeur

L'Echo du Dauphiné et du Vivarais du 17 avril 1861 écrit : « Un dauphinois, M. Désiré Morel, de La Mure, vient de prendre un brevet pour une invention qui, si elle répond aux espérances de son auteur, est de nature à opérer une révolution importante dans les moyens de transport, en permettant de supprimer les tenders et les soutes, c'est-à-dire les magasins de charbon qu'une locomotive ou un bâtiment à vapeur sont obligés de traîner après eux. A l'action de la vapeur d'eau il substitue celle du gaz acide carbonique produit par l'inflammation de la poudre. Dans le fond d'un récipient disposé à cet effet, se trouve une plaque chauffée au rouge cerise, sur laquelle, au moyen d'un mécanisme ingénieux, il fait tomber une certaine quantité de poudre, qui s'enflam- mant et formant de l'acide carbonique, va agir aussitôt sur le piston. Ce gaz, comme la vapeur d'eau, se renouvelle à chaque tour de la roue motrice. Pour être appropriées à cette invention, les machines anciennes n'auront à subir qu'une fort légère transformation. Le procédé imaginé par M. Maurel peut ainsi s'appliquer à toute espèce de machine, aux machines à basse pression des bâtiments à vapeur comme aux machines à haute pression des chemins de fer, aux machines fixes comme aux locomotives. Mais c'est surtout pour ces dernières qu'elle sera utile, en permettant d'économiser la masse énorme de place et de force qu'exigeaient les approvision- nements d'eau et de charbon des convois et des bateaux à vapeur. Une quantité de poudre relativement fort petite suffira désormais. Les prix des transports pourront être diminués considérablement pour les voyageurs et les marchandises, et le public tout entier profitera de cette invention dans une large mesure, si les espérances de M. Maurel se réalisent comme nous le souhaitons. M. Maurel a rempli, le 11 de ce mois, à la Préfecture de l'Isère, toutes les formalités requises pour prendre un brevet d'invention. » Photo X

Auguste Rodin, le célèbre sculpteur, a-t-il vécu dans sa jeunesse à La Mure ?

La rare photo reproduite ci-dessus, représente le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) travaillant en 1863, lors de son passage à Paris chez les Pères du Saint-Sacrement'", au buste de son ami, le Père Pierre Julien Eymard, le futur Saint de la Matheysine et de l'Oisans. (1) Le buste original en bronze, exécuté par Rodin en 1863, est exposé à l'Institut des Pères du Saint-Sacrement, avenue de Friedland, à Paris. Le musée de Grenoble en possède un moulage en plâtre, don du musée Rodin. Ce buste fut le deuxième en date exécuté par Rodin, le premier étant celui de son père. Dans une lettre figurant dans nos collections, l'abbé Calès, curé de et peintre dauphinois apprécié, écrivait : « ...La Mure eut le jeune Rodin pensionnaire chez le curé d'alors qui le plaça chez un tailleur de pierre du père Lachaise. » D'où l'abbé Calès tenait-il cette information ?

Deux photos inconnues de saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868) le saint de la Matheysine et de l'Oisans

Voici deux photos inédites de saint Pierre-Julien Eymard, né et mort à La Mure, « fleur de sainteté sortie du sol matheysin » (Chanoine Garnier). Ces photos sont antérieures à 1868 et ont été, croyons-nous, prises vers 1860, c'est-à-dire il y a quelque 130 ans. Un curieux « mai » en 1912

Devant l'hôtel de ville de La Mure se dresse un mai (sapin) très haut, tout roide, surmonté d'un bouquet archi-fané; au milieu de la hotte sèche qui s'éparpille dans le vent, un petit cartouche ovale porte cette dédicace d'une rare saveur : À NOTRE MAIRE BIEN-AIMÉ Mais de quel maire s'agit-il ? Chion-Ducollet ? Non, car il a été battu aux dernières élections, et ce mai a été dressé en l'honneur du maire Louis Adrien Second, élu le 19 mai 1912.

L'ancienne église

Toujours en cette même année 1912, l'ancienne église de La Mure est transformée, on se demande pourquoi, en atelier de menuiserie.

Le Bouchet (Bochetus) hameau disparu

Ce petit hameau existait en 1339. Disparut-il en 1535, année où la peste fit de très grands ravages ? Quoi qu'il en soit, les anciens racontaient qu'à une époque lointaine la peste s'étant déclarée dans le hameau, un de ses habitants, nommé Gagnères, venait chaque jour au sommet de pré Guya et criait aux habitants de Cholonge : « Venez-vous m'apporter des provisions où je vais les chercher ? ». Ceux-ci ne voulaient pas le laisser venir par crainte de la contagion et le ravitaillaient. Lorsque Joseph Guillot-Garipel fit bâtir sa maison en 1836, il construisit tout d'abord à Renardière, même mas que Le Bouchet, un four à chaux pour en avoir à son usage. C'est en creusant l'emplacement de ce four qu'il vit des traces d'anciennes fondations. Il existait encore il y a quelques décennies, et peut-être subsiste-t-il encore aujourd'hui des vestiges de murs recouverts d'herbe dans ce pré qui appartenait dans les années trente à Pierre Siaux, gendre de Pierre Arthaud. Vers 1815, Charles Ruelle, alors propriétaire de ce lieu, découvrit un jour en enfonçant son enclume pour battre sa faux, une petite marmite pleine de clous. Ces substructions ne peuvent être que celles des maisons et bâtiments agricoles de cet ancien village du Moyen Age.

Y eut-il un château à Cholonge ?

Le nom de Pré Châtel — pré du château — indique qu'il y eut autrefois un château dans ce lieu, où se trouve l'ancien chalet de chasse qui était une maison fermière appartenant à Jean-Baptiste Lafond, fils de Louis, meunier. Jean-Baptiste Chalon qui y fit construire une maison en 1820, affirmait y avoir trouvé d'anciennes fondations en murs très épais et des pierres de taille. A qui appartenait cet ancien château ? A quelle époque a-t-il été démoli ? L'hypothèse la plus probable est que ce serait noble Joffrey Chambrier de l'Isle, ou l'un de ses enfants, qui en était propriétaire lorsqu'il a été vendu et démoli. Certains prétendaient autrefois que les matériaux avaient servi en partie à construire ensuite les moulins qui ont remplacé le petit moulin qui se trouvait vers 1700 au lieu-dit La Maladière. En 1339 et en 1450, on trouve noble Chambrier dans Vizille, ou dans le mandement. Dans les révisions de feux de 1447 et 1458, on relève le nom de noble Jean Borel de Ponsonnas de Jensac. A l'exception de Joffrey Chambrier, il est peu probable que Claude Chambrier et le seigneur de Gensac aient habité Cholonge, bien qu'y ayant des propriétés considérables.

Une légende

Les légendes sont nombreuses à Cholonge. Il existe dans le Rif (torrent qui descend de la montagne et qui sépare la commune de Cholonge de celle de Villard-Saint-Christophe) une source qui sort d'une excavation naturelle, c'est la fontaine du Fayet. Plus d'une personne croyait que les fées hantaient ce lieu. La partie de la montagne située de ce côté, au-dessus de l'ancien hameau du Bouchet, se nomme Fayet. On cite une ancienne maison hantée : celle du notaire Jean Badon, de Villard-Saint-Christophe (1660-1675). Il la vendit en 1686 à Michel de Barre qui était consul. Une fée descendit alors de la montagne — les habitants la prirent et l'enfermèrent; mais, pendant la nuit, sa mère vint la réclamer en criant minya faï vins ! ma fille, viens ! Le lendemain mêmes cris ! Les de Barre eurent peur et résolurent de rendre la liberté à la fée qui, d'ailleurs, s'échappa par la cheminée. Cette légende cache sans doute les nombreuses tribulations d'un nouvel acquéreur. Sur une cloche qui a servi jusqu'en 1879, on lisait : Vox mea cunctorum sit terror doemoniorum. Vox mea Grata bonis, vox metuenda malis. Maria Calmelongoe liquida vel facta et benedicta anno Domini 1755. « Que ma voix soit la terreur de tous les démons, qu'elle soit agréable aux bons et redoutable aux méchants. Marie, fondue et bénie à Cholonge l'an du Seigneur 1755. P. Jules étant prêtre, Joseph Ruelle parrain, Anne Baret femme de François Hilaire, recteur et consul, marraine. » Décimé en 1780 par une épidémie de typhoïde, Cholonge se dépeuplait

Blotti dans un vallon verdoyant entouré d'un cirque de montagnes, au pied des pentes du Grand-Serre, le coquet village de Cholonge vécut, voilà deux siècles, un drame atroce. A cette époque, la localité comptait une centaine d'habitants dont la majeure partie vivait dans une extrême pauvreté. Une terre ingrate ne leur permettait de recueillir que de l'orge, de l'avoine, du seigle et des pois dont ils fabriquaient un pain noir, lourd et compact, de plus mauvaise qualité que celui dont les grands nourrissaient leurs chiens ! Plusieurs fois, on essaya de semer du froment, mais sans succès. Les cultivateurs imputaient cet échec au vent du nord, plus particulièrement ressenti à Cholonge. Quant à la récolte de fourrage, elle était à peine suffisante pour l'alimentation du bétail. L'été de 1779, exceptionnellement chaud avec de rares pluies, avait provoqué un étiage inquiétant des lacs de la Matheysine. Des brouillards épais et chargés de miasmes pestilentiels couvrirent pendant plusieurs semaines leurs bords desséchés. A en croire les habitants d'alors, ce fut la cause de l'épidémie dont il va être parlé. Ajoutons cependant que la misère et le manque d'hygiène y contribuèrent large- ment. L'hiver de 1780 fut d'une extrême rudesse. Dans le haut Dauphiné la neige tomba en abondance. Durant la dernière quinzaine de février, de véritables tempêtes l'amoncelèrent et plusieurs voyageurs moururent ensevelis. On fut obligé de réquisitionner les populations pour ouvrir à la pelle les chemins de La Mure à Grenoble, surtout le long des lacs où la route était entièrement recouverte. Cette masse de neige n'avait pas encore disparu début avril qu'il en tomba encore plus d'un mètre dans la nuit du 10 au 11. Dès le début de l'hiver une épidémie se déclara et les cas mortels se multiplièrent à Cholonge et à La Coirelle. Devant la gravité de la situation, le docteur Jean Nicolas, de Grenoble, conseiller-médecin du Roi pour le traitement des épidémies dans la province de Dauphiné, fut appelé. Le courageux praticien vint à Cholonge, conduit par un guide du pays qui, ne pouvant suivre la route habituelle, dut emprunter des passages escarpés sur les hauteurs afin de ne pas s'enliser dans d'énormes congères. De Laffrey à Cholonge, les deux hommes, risquant leur vie, durent cheminer pendant trois heures au milieu de pires embûches. Le docteur Nicolas visita de nombreux malades. Tous souffraient d'abord de douleurs vagues dans les membres, de lassitude, maux de tête, nausées, vomisse- ments... Puis les douleurs augmentaient et le délire survenait. La peau des patients était sèche et brûlante, la langue aride, souvent noire et couverte d'un limon jaunâtre. Ces symptômes lui permirent de diagnostiquer la typhoïde. Dans ses mémoires, le docteur parle des soins qu'il dispensa : « ...Les vomitifs donnés dans le début de la maladie préservèrent un grand nombre d'habitants de l'épidémie. Je fis usage des boissons antiseptiques, telles que la tisane d'orge acidulée avec du vinaigre ou de l'esprit de vitriol. Je prescrivis des purgatifs aiguisés avec les tamarins (pulpe du fruit du Tamarinier de l'Inde) et des cordiaux tempérés, tels que les bols composés de thériaque (panacée de l'époque renfermant une cinquantaine de composants végétaux), de serpentaire de Virginie (racine végétale de l'aristoloche de l'Amérique du nord) et de quelques grains de camphre. Les bouillons gras furent interdits et je ne permis que celui de pain. Les vésicatoires appliqués aux jambes réussirent, de même que l'alcali volatil fluor. Je prescrivis de la mousse de Corse (coralline ou algues marines)... » Cependant quelques malheureux ne durent leur rétablissement qu'à la seule nature. Certains ne burent que de l'eau pendant une douzaine de jours et guérirent. Un homme de la complexion la plus robuste, pris de délire, échappa à la surveillance de sa famille et courut se vautrer dans la neige. Cette équipée le calma. Mais il refusa toute espèce de soins et entra heureusement en convalescence. Le docteur Nicolas apporta aussi ses soins à une robuste fille de vingt ans qui, dans son délire, se croyait possédée par le diable. Ceux qui l'entouraient, commençaient à craindre sa présence et auraient fini par l'abandonner de peur de l'esprit malin si le docteur ne les avait rassurés. Il promit de chasser le diable et après une forte saignée au pied, fit appliquer sur le champ un large vésicatoire à chaque jambe. Il menaça alors le démon de scarifier les plaies des vésicatoires si dans moins de deux jours il ne quittait la malade ! « Les menaces eurent leur effet, écrit le docteur. Les vésicatoires ayant flué abondamment, la jeune fille honteuse de ce que pour l'éveiller (lorsqu'elle disait que le diable la serrait) je lui avais fait appliquer par une main vigoureuse quelques coups sur le derrière, se sauva à toutes jambes dans un village voisin et se rétablit promptement au sein de sa famille. » Comme la quantité de neige ne permettait pas aux habitants d'aller chercher du genièvre pour parfumer leurs habitations et en chasser le mauvais air, le docteur Nicolas fit distribuer de petits paquets de sel de nitre (nitrate de potasse et salpêtre) qu'il recommanda de faire détoner sur des charbons ardents. L'église, située au milieu du cimetière et dont la cloche ne sonnait plus le glas pour ne pas effrayer les habitants, fut aussi désinfectée. Le médecin avait recommandé d'utiliser pour cette opération une assiette bien vernissée, à défaut la lampe de verre de l'église, « parce que l'acide vitriolique et l'acide marin n'ont point d'action sur le verre, et que la faïence, quelque bien vernissée qu'elle soit, ne peut guère leur résister. » En attendant des jours meilleurs, du pain envoyé de Grenoble fut régulière- ment distribué aux survivants. Le jeune médecin François Terrier-Desconteaux, de La Mure, apporta aussi ses soins aux malades, de même que l'abbé François Brun, curé de Cholonge, assistés de personnes charitables. Cette épidémie dévastatrice fit une quarantaine de morts, réduisant de moitié le nombre des habitants de la paroisse.

Un homme fort

Jean-Baptiste Antoine Pommier, né en 1780, était renommé pour sa force herculéenne. Un jour, deux vaches ne pouvant tirer une pièce de sapin du Verney, il la prit sur ses épaules et l'apporta à Cholonge. Il y avait autrefois sur le bord du chemin, devant la maison Carrabin, une très grosse pierre qu'il parvenait à soulever. Au début du siècle dernier, accusé d'avoir dérobé du blé dans le grenier de Pierre Sibille qui parla de le faire arrêter, Pommier s'enfuit et « se vendit » à M. Déjardin au prix de quatre louis pour le remplacer au service militaire. Il déserta et se « vendit » une seconde fois sous le faux nom de Francoux à un nommé Davin, mineur à Pierre-Châtel. Revenu au pays, il fut arrêté par les gendarmes, mais il leur faussa compagnie à Laffrey pendant que ceux-ci étaient dans un café. Il emporta la selle d'un cheval à laquelle il était lié. Les gendarmes, le poursuivant, lui crièrent de leur rendre la selle, mais il fit la sourde oreille et alla, dit-on, à Séchilienne à travers bois avec la selle sur le dos et les menottes aux mains. Arrivé au village il fit couper les menottes chez un maréchal-ferrant et lui laissa la selle en paiement... Il mourut à l'armée et sa mère ne put jamais rien toucher de son prix de remplacement. Il avait l'habitude de dire souvent : Eh ! Diablou !

Une voiture amphibie

Un certain François Guillot, né au tout début du xvnr siècle et mort à Laffrey à l'âge de 99 ans, était un homme connu pour ses excentricités. Il avait construit une petite voiture devant aller sur terre et sur l'eau qu'il avait baptisée « Guillot Amphibie », mais elle ne réussit qu'en partie, ayant, dit-on, chavirée dans le grand lac de Laffrey. X: 199 F

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