NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 1

Jean-Philippe Billarant, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général

Mardi 7 novembre Bob van Asperen

Dans le cadre du cycle Itinéraires de Bach et Haendel Du mardi 7 au dimanche 12 novembre 2006 | 7 novembre Mardi

Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr Bob van Asperen Asperen van Bob NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 2

Cycle Itinéraires de Bach et Haendel

À quelques mois près, ils se croisaient à Hambourg, composant des opéras, engageant les meilleurs prospère cité marchande au bord de l’Elbe qui les attira chanteurs d’Europe – italiens comme il se doit –, dans leur jeunesse. Mais , qui dirigeant l’orchestre. Musicien indépendant, dégagé du terminait alors ses études dans la proche ville de service d’un quelconque mécène ou employeur, il devait Lunebourg, allait à la Katharinenkirche écouter le vieux cependant se plier au goût du public : lorsque l’opéra Johann Adam Reinken, dépositaire de la tradition italien ne fit plus recette, il inventa l’oratorio anglais, organistique de l’Allemagne du Nord. Georg Friedrich plaçant au service des valeurs anglicanes, mieux prisée Haendel au contraire, dans la ville hanséatique, fut par la bourgeoisie londonienne, la vocalité lyrique d’emblée fasciné par l’opéra, alors animé par Reinhard acquise en Italie et impressionnant l’assistance en Keiser : tenant la partie de clavecin dans l’orchestre, interprétant, pendant les entractes, des concertos il composa bientôt sa première œuvre lyrique, Almira, pour orgue où il faisait montre de son savoir-faire dans le style cosmopolite des opéras hambourgeois, germanique sur l’instrument à tuyaux. avec récitatifs en allemand, airs en italien et danses françaises. Mais si l’on peut opposer la vie de Bach le sédentaire à celle de Haendel le voyageur, leurs œuvres montrent un Tandis que Bach, rentré dans sa Thuringe natale, égal éclectisme stylistique. Fragmentée depuis la Paix de occupait divers postes d’organiste puis gravissait les Westphalie en une multitude d’États possédant chacun échelons de la carrière d’un Kapellmeister allemand, leurs spécificités, l’Allemagne ne possède pas de style dans les cours de Weimar et de Köthen, améliorant musical proprement national, sinon dans la tradition sa condition de poste en poste, fondant une famille, luthérienne du choral et du répertoire d’orgue. Sans qu’il attirant des élèves et affermissant sa notoriété de ait à se déplacer, les influences stylistiques parviennent spécialiste de l’orgue, Haendel partait pour quatre ans sans difficulté jusqu’à Bach, qui copie de la musique de en Italie, se faisait la main au style vocal ultramontain Frescobaldi et des clavecinistes français, qui visite, lors en composant plus d’une centaine de cantates profanes, de son séjour à Lunebourg, la cour francophile de Celle, résidait à Rome chez des prélats mélomanes, rencontrait qui acquiert et transcrit pour clavier, à Weimar, les tout Arcangelo Corelli et chez le cardinal nouveaux concertos de Vivaldi publiés à Amsterdam. Ottoboni, faisait représenter des opéras à Florence et Dans leurs suites pour clavecin, les deux compositeurs à Venise, visitait Naples, s’engageait auprès de l’électeur mêlent les références à la France ou à l’Italie, tout en de Hanovre mais en quittait bientôt la cour pour de longs insérant ici ou là quelque bonne fugue allemande séjours en Angleterre. rappelant leur pratique quotidienne de l’orgue. Dans leurs œuvres profanes ou sacrées, l’ouverture à la Bach finit par se fixer à Leipzig où il occupa l’importante française évoque la majesté des tragédies lullystes et fonction de cantor de l’église Saint-Thomas et de cette cour de Versailles que bien des souverains « director musices ». En fait, il supervisait toute la musique germaniques cherchent à imiter. Mais le style vocal de cette ville marchande et universitaire, distribuant les est imprégné par l’omniprésente influence de l’opéra tâches pour les services religieux des différents édifices, italien, pratiqué alors dans toute l’Europe, et l’orchestre composant et dirigeant les cantates et les passions que s’exprime dans le style concertant vénitien, tout en se réclamaient la liturgie luthérienne, veillant jusqu’à parant du timbre éclatant des bois et des cuivres, un l’enseignement des enfants de chœur et l’entretien des domaine où excellent les musiciens allemands. instruments, défendant les intérêts de la musique face au À Leipzig comme à Londres, Bach et Haendel sont conseil municipal qui l’employait. des musiciens européens, dosant chacun à leur manière Haendel, de son côté, s’était installé définitivement à les différentes répliques d’un dialogue musical des nations. Londres et inoculait au public anglais la folie de l’opéra italien. Lui aussi déployait la plus grande activité, Raphaëlle Legrand

2 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 3

DU MARDI 7 AU DIMANCHE 12 NOVEMBRE

MARDI 7 NOVEMBRE - 20H JEUDI 9 NOVEMBRE - 20H SAMEDI 11 NOVEMBRE - 20H

Johann Sebastian Bach Johann Sebastian Bach Georg Friedrich Haendel Petit Prélude BWV 940 Sonate d’après Reinken BWV 965 Cantate «Il duello amoroso» Suite française no 1 BWV 812 Concerto italien BWV 971 Cantate «Cor fedele, in vano speri» Prélude et Fugue BWV 883 Toccata BWV 915 Fantaisie et Fugue BWV 904 Fantaisie chromatique Il Seminario Musicale Canon a 2 super thema regium, per et Fugue BWV 903 Gérard Lesne, alto, direction augmentationem, contrario motu. Aurore Bucher, soprano Ricercar a 6 Kenneth Weiss, clavecin Eugénie Warnier, soprano Choral «Wer nur den lieben Gott läßt Jean-Henry Hemsch, 1761 walten» BWV 691 Chaconne BWV 1004 DIMANCHE 12 NOVEMBRE – Johann Jacob Froberger VENDREDI 10 NOVEMBRE - 20H 16H30 Suite no 2 Georg Friedrich Haendel Georg Friedrich Haendel Bob van Asperen, clavecins Acis and Galatea Suite pour clavecin no 3 Andreas Ruckers/Pascal Taskin, Airs allemands HWV 208 et 205 1646/1780, et Ioannes Couchet, 1652 The King’s Consort Suite pour clavecin no 8 Robert King, direction Air allemand HWV 207 Lucy Crowe, soprano (Galatea) Suite pour clavecin no 2 James Gilchrist, ténor (Acis) Airs allemands HWV 206 et 210 MERCREDI 8 NOVEMBRE – 20H Charles Daniels, ténor (Damon) Andrew Foster-Williams, basse Les Folies Françoises Johann Sebastian Bach (Polyphemus) Patrick Cohën-Akenine, violon Suites françaises no 3 BWV 814 Charles Humphries, contre-ténor François Poly, violoncelle et no 4 BWV 815 (Chœur) Béatrice Martin, clavecin Ouverture à la française BWV 831 Longman & Broderip, fin XVIIIe siècle Hanna Bayodi, soprano , clavecin Jean-Henry Hemsch, 1761

3 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 4 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 5

MARDI 7 NOVEMBRE - 20H Amphithéâtre

Johann Sebastian Bach Petit Prélude en ré mineur BWV 940

Suite française no 1 en ré mineur BWV 812 Allemande. Courante. Sarabande. Menuets I et II. Gigue.

Johann Jacob Froberger Suite no 2 en ré mineur Allemande. Courante. Sarabande. Gigue.

Johann Sebastian Bach Prélude et Fugue en fa dièse mineur BWV 883 – extrait du Clavier bien tempéré, Livre II

Fantaisie et Fugue en la mineur BWV 904

entracte

Johann Sebastian Bach Canon a 2 super thema regium, per augmentationem, contrario motu. Notulis crescentibus crescat Fortuna Regis. Ricercar a 6 – extrait de L’Offrande musicale (1747)

Choral «Wer nur den lieben Gott läßt walten » BWV 691 – extrait du Klavierbüchlein für Anna Magdalena Bach (1725)

Chaconne – extrait de la Partita pour violon seul no 2 en ré mineur BWV 1004 Transcription en la mineur de Bob van Asperen

Bob van Asperen, clavecins Andreas Ruckers/Pascal Taskin, 1646/1780, pour les œuvres de J. S. Bach, et Ioannes Couchet, 1652, pour la Suite de J. J. Froberger – Collection Musée de la musique.

Ce concert est enregistré par France Musique, partenaire de la Cité de la musique.

Fin du concert vers 21h45.

5 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 6

Johann Sebastian Bach « à l’allemande » Quelques mots sur les influences allemandes des œuvres

La Suite française no 1 (c. 1721/1722), premier essai de Bach d’une écriture nouvelle, plus transparente, « française », plutôt fondée dans la manière ancienne, plus « dense » et « solide » que les Suites anglaises, peut être considérée comme un hommage au compositeur allemand Johann Jacob Froberger, que Bach admirait profondément. La cellule de base de cette suite de Bach est la même que celle de la Suite no 2 de Froberger (1649), d’ailleurs dans la même tonalité de ré mineur : ce motif (ré-la-si bémol-la) constitue le point de départ de tous les autres mouvements. Ce détail est particulièrement frappant à l’écoute de l’allemande et de la gigue. L’utilisation continuelle de la figure quaesitio notae – avec ses paires de notes descendantes touchant les acciacature – peut également être considérée comme « l’empreinte digitale » du « vieux » Froberger. De plus, la gigue à mesure binaire et pointée constituait le monopole absolu de ce dernier et ne fut jamais appliquée par les clavecinistes: comment Bach pouvait-il rendre hommage à son « ancêtre musical » d’une manière plus convaincante qu’en « empruntant » son motif dans sa tonalité même, ses chaînes de « chutes-acciacatures » si caractéristiques et « son » type par excellence de gigue ? Le Petit Prélude en ré mineur BWV 940 – toujours sur la même « mélodie », et ici combiné par nous avec cette suite – complète ces ressemblances : il semble « citer » ou imiter, pas moins qu’à la lettre (!), l’ouverture de cette même allemande de Froberger. Il n’est pas impossible que ce prélude ait en effet servi d’introduction à cette suite avec laquelle il est lié par cette cellule commune…

La Chacone extraite de la deuxième Partita – la version allemande de la suite – est, ne serait-ce que du point de vue de sa dimension, parente de la fameuse Passacaglia en do pour orgue, héritière des grandes passacaglias des organistes du Nord, et spécialement Buxtehude. Le chromatisme joue ici un rôle de plus en plus important, pour culminer dans les dernières « variations », où Bach, comme un maniériste après la lettre, épuise les possibilités de cette technique « colorée » qu’il combine avec une pédale réitérée.

Le Ricercar a 6 tiré de L’Offrande musicale de Bach constitue un hommage, non seulement au roi Frédéric de Prusse, mais également au ricercar d’origine improvisée de ses précurseurs. Le thème, qui surprend par son élément chromatique, se développe en plusieurs étapes bien marquées, pour donner naissance à l’un des chefs-d’œuvre du Bach tardif : une architecture monumentale comme sommet de la fugue germanique. Bach l’appelait tout simplement la fugue prussienne…

Bob van Asperen

6 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 7

MARDI 7 NOVEMBRE

Les racines allemandes de Johann Sebastian Bach

Un compositeur allemand, à l’époque de Johann Sebastian Bach, est nécessairement un « polyglotte » en musique. De l’Italie lui vient la vocalité de l’opéra, la virtuosité flamboyante des concertos, l’énergie rythmique et la clarté structurelle qui caractérisent l’art ultramontain. De la France, les rythmes chorégraphiques, la finesse de l’agrémentation au clavecin et à l’orgue. Ces influences constantes et croisées se combinent cependant avec des traits stylistiques proprement allemands, autant qu’il est possible de les isoler à une époque où la sphère germanique est morcelée en une multitudes d’États possédant leurs propres caractéristiques.

Dans les pays luthériens néanmoins, la tradition musicale fondée par le réformateur est un ferment puissant pour l’imagination des compositeurs. Les chorals, ces cantiques en langue allemande appris dès l’enfance et qui scandent la vie quotidienne, forment un fonds culturel commun, compris de tous, même lorsqu’ils sont cités dans les élaborations vocales ou organistiques les plus complexes. D’un autre côté, le goût des maîtres de chapelle germaniques pour le contrepoint savant, dont se départissent au même moment l’Italie et la France, se cristallise dans le genre de la fugue, que les Allemands traitent comme un véritable discours rhétorique : un sujet de quelques notes est exposé puis se propage progressivement à tous les niveaux de la texture musicale, abordé sous tous ses aspects, parfois contredit, souvent magnifié, confirmé pour finir dans une brillante conclusion.

Conscient de ses racines, fier de ses nombreux ancêtres musiciens, plein de révérence à l’égard de ses prédécesseurs qui, au XVIIe siècle, ont élaboré les formes et les styles baroques en usage en Allemagne, Bach se plaît à leur rendre hommage. Ainsi, le Petit Prélude BWV 940 et la Suite française no 1 (BWV 812) font référence à la Suite no 2 en ré mineur de Johann Jacob Froberger (1616-1667), non seulement par leur tonalité principale, mais aussi par un petit motif mélodique qui sert de point de départ à l’invention musicale, particulièrement perceptible au début de l’allemande et de la gigue de la suite de Bach. De fait, si la musique de danse est souvent associée à cette époque à l’influence française, il ne faut pas oublier que Froberger fut l’un des grands promoteurs de la suite, fixant la succession des quatre danses principales (allemande, courante, sarabande, gigue, auxquelles Bach ajoute ici deux menuets) et réalisant déjà une synthèse entre le style italien de son maître Frescobaldi et la manière française qu’il avait connue lors d’un voyage à Paris.

L’art de la fugue, que Bach a porté à son plus haut niveau, est ici représenté par la Fantaisie et Fugue en la mineur BWV 904 (la fantaisie fait en outre nettement référence aux recherches contrapuntiques qui caractérisaient cette forme au XVIIe siècle), et au Prélude et Fugue en fa dièse mineur du second livre du Clavier bien tempéré. Bach avait stupéfié le roi musicien Frédéric II de Prusse en improvisant devant lui des fugues sur un sujet chromatique proposé par le monarque lui-même : écho de ce voyage

7 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 8

à Berlin, L’Offrande musicale recèle une constellation de pièces fondées sur le thema regium, depuis de courts canons jusqu’au monumental Ricercar a 6.

Deux autres aspects du Bach germanique sont évoqués pour finir. Le choral « Wer nur den lieben Gott läßt walten » (« Celui qui ne se laisse guider que par le bon Dieu ») BWV 691 est issu du Klavierbüchlein, petite anthologie réunie par le musicien à partir de 1725 pour sa seconde femme, Anna Magdalena. Il illustre bien l’usage familial que l’on pouvait faire d’un cantique luthérien.

À l’opposé de cette musique intime, la Ciaccona aborde les sphères les plus spéculatives : bien loin de la danse italienne à laquelle se réfère le titre, cette pièce, écrite pour violon seul (extraite de la Partita no 2) et transcrite pour clavecin par Bob van Asperen, rappelle les grandes pages des maîtres de l’orgue de l’Allemagne du Nord, tel Buxtehude, en déployant des variations sur une basse obstinément répétée. Un héritage que Bach porte à son plus haut point d’abstraction, muant le prétexte chorégraphique en une vaste architecture sonore.

Raphaëlle Legrand

Clavecin signé Andreas Ruckers, Anvers, 1646, ravalé par Pascal Taskin, Paris, 1780 Collection Musée de la musique, n° d’inventaire E. 979.2.1.

Étendue actuelle : FF à f3 (fa à fa), 61 notes. Trois rangs de cordes : 2 x 8’, 1 x 4’. Quatre registres : 2 x 8’, 1 x 4’, un jeu de buffle en 8’. Deux claviers, registration et accouplement par genouillères. Jeu de luth manuel, becs des sautereaux en plume et en buffle.

Le clavecin d’Andreas Ruckers fut construit à Anvers en 1646. Sa table d’harmonie est peinte dans le style habituel de ce célèbre atelier anversois. La construction de la caisse, ce qui reste de sa structure interne après la mise à ravalement, le confirment. Si l’on peut affirmer qu’à l’origine il s’agissait bien d’un instrument à deux claviers, il paraît difficile d’attribuer ce travail à Andreas ou à son fils deuxième du nom.

Du clavecin original (du type « grand transpositeur français »), permettant une étendue chromatique de GG-c3 (sol à do), à l’état actuel remontant à 1780, il convient de distinguer plusieurs étapes dans l’élargissement de la tessiture. Vers 1720, une modification intervient, pour installer dans la largeur de caisse initiale (803 mm) une étendue plus grande. Une réduction des écarts des claviers et registres fut opérée et, aux graves, on gagna sur la largeur des blocs pour obtenir un instrument dont les limites étaient dorénavant FF-c3 (fa à do). Par la suite, en 1756, l’instrument fut à nouveau agrandi

8 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 9

MARDI 7 NOVEMBRE

dans l’aigu, ce qui fut assuré grâce au déplacement de la joue et au changement de sommier, au bénéfice d’une nouvelle largeur de caisse de 853 mm. Ce grand ravalement est attribué à J. E. Blanchet et donne une étendue de FF-e3 (fa à mi).

En 1780, Pascal Taskin, élève et successeur de Blanchet, reconstruisit entièrement l’instrument et augmenta l’étendue d’une note dans l’aigu pour obtenir cinq octaves pleines FF-f3 (fa à fa). Il ajouta un quatrième rang de sautereaux aux trois existants, qu’il monta en peau de buffle, en opposition aux trois autres jeux montés de plume. Taskin installa un ensemble de mécaniques et de genouillères, permettant de registrer en cours d’interprétation et de créer éventuellement des effets de diminuendo ou crescendo afin de concurrencer le pianoforte alors en plein essor, doté de l’expression. Cet instrument est désormais muni d’un fac-similé de mécanique (registres et sautereaux) réalisé en 1995 par l’atelier Von Nagel, à la demande du Musée de la musique.

Le son est à l’image du décor qui subit également des transformations au rythme des interventions des différents facteurs. Taskin apporta le style de son temps, piétement Louis XVI à pieds cannelés et rudentés, guirlandes de fleurs dans la boîte des claviers. Il respecta et s’adapta au décor extérieur posé sur fond d’or, vers 1720, par un décorateur proche de Bérain. Ce dernier représente une somptueuse nature morte sur le dessus du couvercle : fruits, fleurs, cahier de musique, flûte à bec à la française évoquent l’ouïe, l’odorat et le goût. Sur les éclisses, des couples d’enfants musiciens, des colombes évoquent les tendres émotions de l’amour. Des singes symbolisent quant à eux la malice et la complicité de ses jeux. À l’intérieur du couvercle, lui-même élargi en 1756, fut respecté le décor flamand original représentant les muses sur le mont Hélicon, présidées par Apollon, dieu de la musique et de la poésie charmant l’Olympe. Pégase, sur l’ordre de Poséidon, d’un coup de sabot ramène à la raison l’Hélicon, gonflé de plaisir. À l’écoute du concert, il risquait d’atteindre le ciel ; apaisé, jaillit de ses flancs une source : l’Hippocrène. La présence de Diane et de Daphné est aussi suggérée, car toutes deux sont proches d’Apollon. L’une est sa sœur jumelle, l’autre en fut aimée. Poursuivie, elle implora son père qui la changea en laurier. Les images se reflètent dans des manières opposées : à l’intérieur du clavecin, des scènes mythologiques édifiantes et sérieuses, à l’extérieur d’intuitives invitations à la volupté. Tout conduit à l’allégorie des sens : conditionner le bonheur, dans l’amour et la musique.

Michel Robin

9 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 10

Clavecin de Ioannes Couchet, Anvers, 1652, ravalé en France en 1701 Collection Musée de la musique, E. 2003.6.1

Étendue actuelle : GG/BB-c3 (sol/si à do), 51 notes, octave courte avec une feinte brisée sur D (ré#). Deux claviers avec accouplement à tiroir sur le clavier supérieur. Trois rangs de cordes et trois registres : 2 x 8’, 1 x 4’. Registration par manettes, sautereaux emplumés.

Exceptionnel par sa facture et par son décor, ce clavecin fut acquis en 2003 avec l’aide de l’État, après avoir été le premier instrument classé Trésor National. Il s’agit d’un instrument rare, signé du facteur anversois Ioannes Couchet, héritier de la dynastie Ruckers, et dont il ne reste que six instruments répertoriés. Il possédait à l’origine un clavier d’une étendue de 50 notes GG/BB-c3 (sol/si octave courte à do), deux jeux de 8’ et trois registres actionnés par un mécanisme mu par des pédales. C’est à ce jour le plus ancien instrument connu muni de cette sorte de « machine stop ».

Contrairement au clavecin d’Andreas Ruckers, Anvers, 1646, qui fut entièrement reconstruit en 1780 par Pascal Taskin, l’instrument de Couchet subit un ravalement singulier en France en 1701 qui préserva la structure de sa caisse. Il est alors pourvu de deux claviers, deux jeux de 8’, un jeu de 4’ et trois registres manuels.

À l’instar des couches archéologiques qui nous renseignent sur les époques anciennes, la décoration d’un instrument de musique, et particulièrement ses transformations esthétiques, permettent parfois d’appréhender son histoire. Le clavecin de Couchet est à cet égard particulièrement représentatif. En effet, si les peintures de la table d’harmonie et le décor original en faux marbre de la partie arrière ont été conservés, plusieurs transformations du décor peint sont apparues lors de l’étude récente de l’instrument. La première n’a touché que l’entourage du clavier flamand et peut-être le pourtour de la table d’harmonie en recouvrant d’un décor floral les arabesques primitives. La seconde a profondément modifié le style de l’instrument. Celle-ci, réalisée probablement en 1701 lors du ravalement, a gommé le caractère flamand au profit d’une ornementation purement française composée de grotesques peints sur fond d’or. La réalisation à la même époque d’un piétement sculpté et doré à huit pieds en balustre surmontés d’une tête de femme, et l’ajout d’un couvercle alors d’un seul tenant n’ont fait que renforcer cette unité stylistique.

L'instrument, pour sa remise en état de jeu, a fait l'objet d'une modélisation mécanique de sa structure par le laboratoire du musée, en collaboration avec le laboratoire de Modélisation en Mécanique de l'Université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Réalisée au sein du musée, la restauration complète de l'instrument a été menée par une équipe pluridisciplinaire de restaurateurs. Les interventions à caractère organologique ont été confiées à David Ley qui était déjà intervenu sur l'instrument en 1980.

Jean-Claude Battault-Christine Laloue

10 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 11

MARDI 7 SEPTEMBRE

Bob van Asperen comprenant des œuvres de Bach Bob van Asperen est né à Amsterdam (inventions et sinfonias, intégrale en 1947. Il y étudie l’orgue et le clavecin des toccatas, concertos pour clavecin, au Conservatoire avec Le Clavier bien tempéré et et Albert de Clerk et reçoit son diplôme les Variations Goldberg), Couperin, de soliste « cum laude » en 1972. C.-P.-E. Bach, Haendel, Domenico Depuis plusieurs années, il visite tous Scarlatti ou J.-P. Sweelinck. les pays d’Europe, les États-Unis, Il a également enregistré l’intégrale le Canada, l’Australie et le Japon, de l’œuvre pour clavecin d’Antonio où il donne des récitals au clavecin, Soler et l’œuvre intégrale pour clavecin à l’orgue et au clavicorde, mais et orgue de Froberger. Récemment, aussi en duo avec Anner Bylsma, il a inauguré une intégrale de Louis Bart Kuijken, Klaus Mertens, Couperin sur instruments anciens. Lucy van Dael, Thomas Pietsch, etc. Bob van Asperen poursuit également Bob van Asperen s’est produit dans une activité de pédagogue. le cadre de manifestations Il a enseigné le clavecin et la basse internationales comme le Festival continue durant 19 années du Schleswig-Holstein, le Festival du au Conservatoire Royal de La Haye Rheingau, les Europäische Wochen et, depuis 1991, au Conservatoire à Passau, les Berliner Bachstage, d’Amsterdam. En tant que professeur le Festival Estival de Paris, les Folles invité, il travaille occasionnellement Journées à Nantes et à Lisbonne, aux conservatoires de Madrid, Paris le Festival de Saintes, le Festival et Milan, au Royal College of Music du Clavecin à Rome et le Festival de Londres, à la Hochschule Oude Muziek Utrecht. der Künste, Berlin. Il pratique également la direction Bob van Asperen a rédigé d’orchestre avec des ensembles des publications sur Padbrué, comme The Orchestra of the Age C.-P.-E. Bach et Froberger. of Enlightenment, The European Union Baroque Orchestra, L’Orchestra della Toscana et le Collegium Vocal de Gand. En 2000, il a dirigé la Passion selon saint Matthieu en tournée en France. Il a fondé son propre ensemble : l’ensemble Melante Amsterdam. Bob van Asperen a participé à de nombreux enregistrements, collaborant notamment avec Franz Brüggen, le Leonhardt Consort – avec lequel il participe à une centaine de cantates de Bach – La Petite Bande et le Quadro Hotteterre. En outre, il a enregistré une soixantaine de disques en solo, Concert enregistré par France Musique

11 NP ASPEREN:NP ASPEREN 7 nov 2col 27/10/06 10:48 Page 12

Autour du même thème…

> L’EUROPE BAROQUE > DOMAINE PRIVÉ > MÉDIATHÈQUE 1 forum, 5 concerts et un spectacle JOHN ELIOT GARDINER

jeune public du 5 au 13 mars 1 forum, 1 concert-atelier et • Venez réécouter ou revoir 757543 757542, 757541, o 5 concerts du 10 au 17 février les concerts que vous avez aimés. • Alcina de Haendel par l’Orchestre, • Enrichissez votre écoute en suivant la partition et en consultant les Solistes et choristes du Avec les English Baroque Soloists, les ouvrages en lien avec l’œuvre. Département des disciplines le Monteverdi Choir et John Eliot • Découvrez les langages et les styles vocales et le Junior Ballet du Gardiner, ainsi que Céline Frisch, musicaux à travers les repères Conservatoire de Paris, Nicolau de la Compagnie Roussat-Lubek, musicologiques, les guides d’écoute Figueiredo, Emmanuelle Cordoliani… Cécile Roussat, The Buskaid Soweto et les entretiens filmés, en ligne String Ensemble, Teboho Semela, sur le portail. • Tartini, Pugnani, Leclair, Paganini, Les Musiciens de Monsieur Croche, http://mediatheque.cite-musique.fr Stravinski, Schnittke et Ravel par Anders Dahlin, Laurent Naouri, Régis Pasquier et Robert Levin Sandrine Piau et Jennifer Smith LA SÉLECTION DE LA MÉDIATHÈQUE

• Couperin par Florence Malgoire, Œuvres de Jean-Philippe Rameau, CONSULTER EN LIGNE dans les « Dossiers pédagogiques » : Alice Pierot, Guido Balestracci, Johann Sebastian Bach, Wolfgang Le Clavecin dans les « Instruments du Benjamin Perrot, Blandine Rannou Amadeus Mozart, Jules Massenet, musée » • L’Écoute bien tempérée par et Benjamin Lazar Heinrich Ignaz Franz von Biber, Jean-Paul Combet dans les Béla Bartók, François Couperin, « Conférences enregistrées »

• Matteis, Corelli, Bernardino della André Campra, Paul Taffanel, de la musique n Kaufmann/Cité Thierry par eprésenté | Licences Repro | Imprimeur SIC France Ciaja, Haendel et Leclair par Hélène Charles-Valentin Alkan, Emmanuel LIRE : Jean-Sébastien Bach d’Alberto Schmitt, Gaetano Nasillo et Chabrier et Claude Debussy Basso • L’Art de la fugue : dernière Jörg-Andreas Bötticher œuvre de Bach pour le clavecin de Gustav Leonhardt • Les Arts Florissants, Les solistes du Jardin des voix et William Christie ÉCOUTER : 7 Toccatas de Johann Sebastian Bach par Jory Vinikour sur une copie d’un clavecin de 1735 • Leclair, Valentini, Vivaldi, Corelli • La Musique pour clavecin du jeune et Muffat par Les Folies Françoises, > COLLÈGES Johann Sebastian Bach par Robert Hill Patrick Cohën-Akenine, l’Ensemble 415 et Chiara Bianchini L’opéra baroque Cycle de 20 séances du mardi 7 novembre au mardi 15 mai, de 15h30 à 17h30.

Initiation au langage musical > ÉDITIONS occidental Cycle de 30 séances du mercredi Figures de la passion 27 septembre au mercredi 20 juin, Catalogue d’exposition, ouvrage de 10h30 à 12h. collectif, 287 pages. Photo couverture Clavecin Andreas Ruckers/Pascal Taskin 1646/1780, collection Musée de la musique (détails) © Vincent Rougeau r Rougeau © Vincent Musée de la musique (détails) collection 1646/1780, Taskin Ruckers/Pascal Andreas Clavecin couverture Photo

Éditeur: Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef: Pascal Huynh | Rédactrice: Gaëlle Plasseraud | Correcteur : Pierre Rubenach | Maquette: Ariane Fermont