danièle Débat animé par Yves Alion après la projection du film Fauteuils d’orchestre, à l’École Supérieure thompson de Réalisation Audiovisuelle de Paris le 21 novembre 2008

Danièle Thompson est une enfant de la balle : c’est la fille de Gérard Oury, qui fut pendant des années le champion incontestable du box-office, dirigeant De Funès, Bourvil ou Belmondo dans des comédies que la France entière allait voir. La Grande Vadrouille est longtemps resté le film le plus populaire de tous les temps (avant d’être récemment détrôné par Titanic ou Bienvenue chez les Ch’tis ). C’est aussi le premier film auquel Danièle Thompson apporta sa contribution au scénario (contribution encore modeste qui ne va pas tarder à devenir centrale). Dès lors, la jeune femme va coécrire tous les films de son père, apportant sans doute un surplus d’humanité dans l’écriture des personnages au détriment des gags purs. Devenue une scénariste des plus cotées, elle travaille très vite avec d’autres metteurs en scène : Jean-Charles Tacchella pour Cousin Cousine ou Claude Pinoteau pour La Boum . Ce qui confirme Fauteuils d’orchestre à la fois sa capacité à toucher le grand public et son talent dans la peinture des familles. Elle ne se limite d’ailleurs pas à la comédie, même si celle-ci reste majoritaire puisque Patrice Chéreau a également recours à ses services. Mais la mise en scène la titille. Elle franchit le pas avec La Bûche en 1999, et nous livre depuis lors avec régularité des films qui le plus souvent possèdent une aura, faisant vivre des personnages hauts en couleurs mais surtout porteurs d’émotions. Que demander de plus ? I Danièle Thompson symboles de chaque endroit, quels sont les destins qui vont nous inté - resser. C’est un sujet assez étrange. Les producteurs qui avaient décidé de faire ce film avec nous ont détesté et ils sont partis en courant. Ils ont pensé que c’était une histoire sophistiquée, dans un quar - “Nous voulions tier d’élite. Ce qui est vrai ! Comme le film a été un succès, je montrer le rapport peux en parler avec plus de sérénité mais au début du tour - au succès, à la nage, j’avais peur qu’ils aient raison et de ne pas réussir à réussite, cette toucher le public. En fait, ça a très bien marché dans le monde espèce de course entier. On m’a demandé un peu partout, en Chine par exemple, infernale.” si c’était ça la vie parisienne. J’ai répondu, non ! Dans les beaux quartiers, partout dans le monde, c’est comme ça, mais il y a tout le Entretien reste du pays où les gens vivent autrement ! Tous les personnages ont une relation avec l’art, il y en a qui vivent de l’art, il y en a qui vivent pour l’art, il y en a qui vivent en décalage car Comment est née l’idée du scénario de Fauteuils d’orchestre ? ils rêvent de l’art et ils savent très bien qu’ils ne resteront qu’à côté. Le Danièle Thompson : Le scénario a été co-écrit avec mon fils Christo - sujet est effectivement original, c’est la relation de chacun avec l’art. pher Thompson, comme le prochain et comme pour mes deux films pré - D. T. : Nous voulions parler de ça, des gens qui touchent l’art de l’in - cédents. Le point de départ est à chaque fois très différent. Là, térieur ou à la périphérie et aussi de cette forme de snobisme, du « cul - bizarrement, c’est le lieu qui a inspiré cette histoire. Après Déca - turellement correct » : on admire Beethoven mais pas forcément Bécaud, lage horaire je réfléchissais à mon prochain film… C’est une drôle Sartre c’est mieux que Feydeau… Nous avons tous en nous cette façon de période, on est tout le temps en train de chercher, ça vient ou d’étiqueter des gens, comme pour cette actrice qui est enfermée dans son ça ne vient pas... Un soir, je suis allée assister à un concert au univers de sitcom. Nous voulions montrer le rapport au succès, à la Théâtre des Champs-Élysées. Je ne suis pas très savante en musique réussite, cette espèce de course infernale. Ces gens dont on a l’impres - classique, et en général pendant les concerts, je pars dans des sion qu’ils ont tout et qui sombrent dans des dépressions, c’est très pensées, dans des réflexions. Alors, j’ai regardé ce théâtre où je courant… C’est quelque chose d’ambigu et de très particulier que nous suis allée souvent, je l’ai trouvé très beau. Ce soir-là, au lieu d’une avons essayé de toucher à travers une comédie. Enfin j’espère que c’est oreille, j’avais plutôt un œil… En sortant, tout le monde était sur une comédie… le trottoir, certains allaient au petit café en face. Les musiciens que nous venions de voir en queue de pie et smoking chargeaient leurs On rit bien sûr, et en même temps le personnage de Claude Christopher instruments en jean et en gros pull. Le théâtre se vidait, à côté il y Brasseur est au bord de la mort. Il a la plus belle des col - Thompson. avait une vente avec des gens très riches, en haut le restaurant chic lections d’art mais se pose la question des vraies valeurs… avec des femmes en manteau de vison. Il y avait aussi le personnel du D. T. : Oui, quand pèse la menace de la maladie et de la Plazza Athénée, avec les maîtres d’hôtel qui prenaient leur moto et mort, quelle signification ont le succès, l’argent, le fait qui partaient dans leur quartier… d’amasser une collection… Nous avons choisi des et Et je me suis dit, c’est très curieux, ce petit coin de rue, c’est quand moments de bilan pour tous les personnages. Par exemple pour le per - Cécile de France même assez rare d’avoir ce mélange, toutes ces vies, tous ces destins, sonnage du pianiste, j’ai beaucoup discuté avec le pianiste François- dans Fauteuils d’orchestre . tous ces univers, toutes ces couches sociales différentes. Alors, le len - René Duchâble, qui est d’ailleurs devenu le conseiller musical du film. demain, j’ai appelé Christopher et je lui ai dit, écoute j’aimerais Je l’ai connu lorsqu’il avait 18 ans, il en a maintenant plus “... c’est quand bien qu’on aille se promener un peu dans ce quartier car il y a de 50. À un moment donné, il a tout envoyé balader dans même assez rare quelque chose de très rare : en général, les gens de chaque sa vie parce qu’on l’avait programmé. Quand on est enfant d’avoir ce quartier ont un peu tendance à être les mêmes – les gens qui ont et qu’on commence une vie de virtuose, ce sont surtout les mélange, toutes de la chance, qui vivent dans les beaux quartiers, les gens qui parents qui vous balancent là-dedans. Lorsqu’on est doué, ces vies, tous ces en ont moins qui vivent dans les quartiers durs, les quartiers on peut être pris dans cette spirale qui peut devenir fina - bobos, populaires… Là, il y a un mélange bizarre, avec les plus lement un cauchemar. Pourtant, quand nous les voyons destins, tous ces François-René univers...” grands musiciens du monde, des acteurs, et puis ce petit café arriver sur scène en costume, avec les applaudissements, cette atmosphère Duchâble. en face, que je connais bien. C’est parti comme ça. Après, il y incroyable, nous pensons qu’ils ont une chance inouïe, alors que là- a un an de travail pour décider de qui on va parler, qui vont être les dessous, il y a une prison qu’ils ont fabriquée eux-mêmes.

266 267 Danièle Thompson Vous êtes-vous posé cette question pour vous- vous donnent des satisfactions intenses, mais même ? il y a aussi le revers de la médaille. Il y a D. T. : Non je ne me suis jamais posé ces beaucoup de dialogues dans mon film, mais questions moi-même, car on m’a toujours c’est ce que j’aime faire. C’est tout l’intérêt du laissé faire ce que je voulais, on ne m’a jamais cinéma, qui est l’art dans lequel on se projette poussée, c’est un grand privilège que j’ai eu le plus facilement. C’est l’art le moins enfant et plus tard. Mais j’ai observé beau - conceptuel, on raconte des histoires, on s’y coup autour de moi, aussi bien dans le milieu reconnaît ou on ne s’y reconnaît pas… du cinéma, du théâtre, de la peinture aussi car ma grand-mère était dans cet univers. Vous sentez-vous des affinités avec Feydeau ? Mon père lui aussi peignait dans sa jeunesse. Ne le trouvez-vous pas un peu populaire ? J’ai bien vu tous ces gens, et cette envie de D. T. : J’aime beaucoup Feydeau, que je ne toujours plaire à d’autres. Les peintres connus trouve pas si populaire aujourd’hui… Vous mondialement qui se disent mal aimés dans semblez suggérer que quelque chose de leur pays, les acteurs à la maison de la culture qualité ne peut pas être populaire… Ce qui rêvent de faire du cinéma, ceux qui font du est magnifique, c’est qu’on est en train de cinéma rêvent de chanter… Il y a tout le sortir Feydeau ou Guitry de leur ghetto. On temps cette insatisfaction perpétuelle, qui est les considérait comme les tenants d’une sous- un des thèmes du film. Je pense que c’est vrai culture, maintenant on les célèbre, alors qu’il pour tout le monde, se demander si on est y a eu pendant trente ans une sorte de mépris bien là où on est, si on pourrait faire autre autour d’eux.

“Je suis une admiratrice inconditionnelle des comédies américaines des années 40.”

chose, si on pourrait vivre avec quelqu’un Pour moi le mot populaire est ce qu’il y a d’autre… Tous ont cette problématique en de plus beau. Il n’est certainement pas lié à permanence dans la vie, mais je pense que quelque chose de vulgaire ou de médiocre. c’est encore plus aigu chez les artistes. Je ne peux pas associer le mot populaire uni - quement aux sitcoms, quoiqu’il y en ait de En fait, avec ce sujet particulier, ces dialo - merveilleuses, mais ce n’est pas ça pour moi, gues, tous ces déroulements sur l’art, ne populaire… pensez-vous pas que votre film est un peu snob ? Vous aimez les films de dialogues, disiez- D. T. : Il y a des gens qui aiment le film et vous… des gens qui n’aiment pas… Si vous n’aimez D. T. : Je suis une admiratrice incondition - pas, je ne vais pas dire que c’est bien quand nelle des comédies américaines des années même ! En tout cas, ce n’est pas une vision 40. C’est incroyable, les personnages n’ar - positive de l’art, bien au contraire. Nous rêtent pas de parler ! C’est jouissif et mer - avons voulu faire une comédie sur les états veilleux, les films avec Katharine Hepburn, d’âme des gens qui avaient beaucoup de ce débit incroyable… Il y a un cinéma plus chance et qui finalement étaient mal dans contemplatif que j’admire aussi beaucoup leur peau. Nous n’avons pas essayé de parler mais cette tradition du cinéma américain, de la grandeur de l’art, ni de la gloire d’un puis plus tard du cinéma italien, avec cette artiste ou des artistes. Je pense que beau - quantité de dialogue, je trouve que c’est rude - 1999. La Bûche . Avec de haut en bas : Sabine Azéma et Claude Rich ; Françoise Fabian et Françoise Brion ; coup de gens idéalisent ces métiers-là. Mais ment agréable. Christopher Thompson et Isabelle Carré ; Charlotte Gainsbourg ; Emmanuelle Béart. ils sont comme tous les autres métiers, ils

268 269 Danièle Thompson Que pensez-vous de l’évolution du cinéma français par rapport à d’au - pas question de faire de la télé, moi je rentrais vieille dame », alors j’ai commencé à tra - tres pays ? des États-Unis où tout le monde en faisait, vailler sur La Bûche prudemment, avec deux D. T. : Eh bien, depuis le début du cinéma des Frères Lumière à nos alors je suis rentrée dans ce créneau. Édouard contrats, un d’auteur et un de metteur en jours, il y en a des choses à dire ! J’ai découvert quand j’étais en Chine Molinaro m’a demandé de faire des adapta - scène pour pouvoir à la dernière minute pour un festival que le film français qui avait été le plus vu en Chine tions de Colette pour la série télévisée Les décider que je ne le ferai pas et donner le était La Grande Vadrouille . Dans le dossier de presse, il était marqué Trois Claudine . L’idée au départ était de scénario à un autre metteur en scène. J’avais que j’avais participé à ce film, tout le monde voulait donc être pris en demander à quatre femmes d’écrire un peur, tout simplement. photo avec moi, la fille qui servait à table, le ministre de la Culture… épisode chacune des fameuses Claudine , Mais le scénario a tout de suite été très appré - J’étais très très fière ! Et lors de la conférence de presse avec puisqu’il y a quatre Claudine de Colette. J’ai cié, les acteurs ont dit oui, les techniciens des cinéastes français, on m’a posé cette même question juste - écrit Claudine à l’école , probablement le plus aussi et du coup je me suis retrouvée dans ce ment, sur l’évolution du cinéma depuis La Grande Vadrouille difficile de tous d’ailleurs. Finalement, ça n’a train à faire ce film ! Si le film n’avait pas été jusqu’à aujourd’hui, ce qui fait effectivement 40 ans ! Donc, pas marché avec les autres femmes, à part un succès, j’aurais repris tranquillement mon bien sûr, il y a eu une énorme évolution. La fameuse Nouvelle avec Benoîte Groult, donc on m’a demandé métier de scénariste, parce que je me sens Vague a été une période très importante, à la fois magnifique et d’écrire les trois autres ! Alors là j’étais profondément scénariste, plus que metteur dévastatrice car elle a un peu signé la mort des scénaristes et des enchantée, parce que j’étais enfin toute seule. en scène.

Bourvil et Louis de studios. Elle a mis les scénaristes dans une sorte de « désamour J’ai continué à travailler avec mon père mais Funès dans La » de la part de la profession, les grands scénaristes de l’époque comme j’ai commencé à alterner avec d’autres met - Quels nouveaux plaisirs avez-vous décou - Grande Vadrouille verts en passant à la mise en scène? (Gérard Oury, 1966). Audiard, Prévert, Aurenche et Bost ont été balayés... Mais c’est en train teurs en scène. Voilà, j’ai essayé de me de revenir depuis dix ans, aujourd’hui on attache de plus en plus d’im - débarrasser de ce problème comme j’ai pu D. T. : L’immense plaisir que j’ai bien sûr portance à l’histoire, aux dialogues, à la construction. Les lettres de mais enfin je m’en suis débarrassée ! découvert est le travail avec les acteurs ! Ce noblesse des scénaristes sont en train de leur être rendues. Ça ne fait moment magique, dont j’ai dû inconsciem - pas si longtemps.

Est-il facile de travailler avec son père ? Est-on la fille de… ou une scé - “Je me disais : « Si je ne le fais pas maintenant nariste à part entière ? il sera trop tard, je serai une vieille dame »...” D. T. : Je ne me suis jamais pris la tête avec ça, c’est d’ailleurs peut-être ce qui m’a empêché de tomber dans cette fameuse dépression des gens du film ! J’ai vraiment apprécié cet apprentissage des dix premières Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la ment être très frustrée pendant tout ce temps années de ma vie de scénariste. J’ai été associée à de grands succès dès mise en scène ? de scénariste pure, où on s’assoit avec les l’âge de 20 ans, avec Le Corniaud, sur lequel j’avais travaillé en marge. D. T. : D’abord depuis plusieurs années on acteurs et où on voit avec eux comment on Puis à partir de La Grande Vadrouille et de tous les films qui ont suivi, me demandait quand est-ce que j’allais enfin va se sortir justement de ces situations, de j’ai été très consciente que j’avais une chance folle et que j’étais en faire mon film ! Des producteurs me sollici - ces dialogues, de ces sous-dialogues, de ces train d’apprendre un métier, car je n’ai pas fait d’école de cinéma. Je taient, c’était tentant. Longtemps j’ai eu peur intentions, de ces regards. On se trompe ou voulais être avocate et au bout d’une année de droit qui m’a ennuyée, de me lancer et puis j’étais comblée par le on ne se trompe pas, mais il n’y a pas d’in - j’ai arrêté. Je suis partie en Amérique, j’ai fait des études d’histoire de l’Art, métier de scénariste, que je considère comme termédiaire, il n’y a plus d’intermédiaire, et puis je me suis fait happer par mon père, qui pensait que j’avais des un métier à part entière et non comme une c’est ça qui est fascinant. dons et qui m’a beaucoup poussée à entrer dans son équipe de dialo - étape pour devenir metteur en scène. J’avais Victor Lanoux et La Grande Vadrouille Avez-vous le sentiment de modeler de façon Marie-Christine guistes sur . C’était encore l’époque où il y avait des propositions avec des gens formidables Barrault dans Cousin, des scénaristes-dialoguistes, Marcel Jullian, les frères André et Georges et qui m’intéressaient beaucoup comme définitive votre film au montage ? Cousin e (Jean- D. T. : Charles Tacchella, Tabet. Ils étaient tous très gentils avec moi qui étais toute jeune, eux Chéreau, Chouraqui, Aghion, Berberian, Le montage est un moment terrible, 1975). avaient beaucoup d’expérience. Pinoteau, Leterrier. parce qu’on a le pouvoir de tout faire. En Après un certain temps, j’ai eu très envie que le téléphone sonne, Mais il est arrivé un moment où j’ai com - plus, il arrive à un moment où on est fatigué, qu’on me demande de faire autre chose et que je ne sois plus seu - mencé à sentir que j’avais certains désac - on a peur de se tromper. On a quelquefois lement dans les films de mon père. C’est arrivé. cords, justement avec Claude Pinoteau sur trois, dix ou vingt prises où les acteurs ont Il y a eu Cousin cousine en 1975. Je connaissais Tacchella depuis La Neige et le Feu , ou avec Patrice Chéreau donné des choses différentes. Si on a vingt que j’étais toute petite. Puis des propositions de travail pour la avec Ceux qui m’aiment prendront le train , prises, on est obligé d’en jeter dix-neuf et de télévision se sont déclenchées, ce qui a été très bien pour moi. Pour et puis je me disais : « Si je ne le fais pas choisir la fameuse prise. C’est un crève-cœur les grands scénaristes comme Dabadie, Veber, Audiard, il n’était maintenant il sera trop tard, je serai une terrible d’être obligé d’abandonner le reste,

270 271 Danièle Thompson où les acteurs ont pu être très bons aussi. On D. T. : Oui, complètement. Il y a le premier n’est pas toujours sûr de soi, je trouve ça dou - montage qui est un moment abominable, où loureux et difficile d’avoir de la rigueur envers on ne sait pas vraiment ce que l’on a fait. soi-même, de ne pas laisser ce quart d’heure C’est un grand moment de dépression, il n’y de trop que je retrouve dans beaucoup de a pas un metteur en scène qui vous dira le films. En même temps, c’est dangereux aussi contraire. Et puis à la fin cette impression de couper trop... Moi j’en ressors lessivée. que vous allez devoir donner votre bébé… On est là à guetter les remarques des uns des Comment travaillez-vous avec les acteurs ? autres, on est très fragile, très à l’écoute de ce D. T. : C’est très délicat car ce sont des artis - que les gens peuvent ressentir. tes. Il faut leur laisser leur indépendance, On sent les vibrations dans les salles, on leur imagination, leur invention, et en même entend les silences, les émotions, les rires, temps il faut les orienter, parce que c’est mon ou pas les rires, ou les rires au moment où on histoire et parce que c’est mon film. Alors ne s’y attend pas ! J’ai dû aller dans vingt quelquefois il y a des surprises formidables, pays présenter ce film et quand elle dit : on se dit : « Tiens c’est encore mieux que ce « Non c’est ma pause », eh bien tout le que j’avais imaginé », quelquefois ce sont monde rit ! Au Mexique, au Japon... Je n’ai des contresens surprenants où les acteurs pas du tout pensé que c’était drôle, mais partent dans des directions qui ne vous vont voilà ! C’est très étrange… pas du tout.

“On sent les vibrations dans les salles, on entend les silences, les émotions, les rires...” 2002. Décalage horaire . Avec Juliette Binoche, Jean Reno et Sergi López.

Il y a aussi le problème du temps. Puisqu’ Pourrait-on en savoir plus sur votre prochain évidemment, on n’a jamais assez de temps film ? ni d’argent, c’est la règle des films dans le D. T. : Il y a Dany Boon, Marina Foïs, Karin monde entier et pour tout le monde. C’est Viard, , Laurent Stocker, de la souvent la panique, donc les préparations et Comédie-Française… Tous ces gens-là doivent les répétitions sont nécessaires, pour que partir à 18 heures pour jouer au théâtre, alors les acteurs connaissent leur rôle et soient je ne vous dis pas l’angoisse qu’on a ! Il faut orientés quand ils arrivent. Il est intéressant commencer tôt, c’est fatiguant. aussi de faire une grande lecture avec tout C’est une comédie qui s’appelle Le code a le monde car souvent les acteurs travaillent changé . Avec beaucoup de monde car il y beaucoup et jouent au théâtre en parallèle. a aussi Christopher Thompson, Emmanuelle Ce sont des Stradivarius mais ça ne les Seigner, Patrick Bruel, Patrick Chesnais, empêche pas d’être fatigués ! Donc j’essaye Blanca Li, une danseuse espagnole formi - de leur donner cette espèce d’égoïsme et dable. C’est l’histoire d’un couple qui vient de priorité que j’ai en moi par rapport au de passer par des moments difficiles et film. Tout ça en tentant de leur laisser de qui décide d’inviter un petit groupe le soir la liberté. de la Fête de la musique. C’est la comédie du paraître, car on suit ces gens toute Est-ce que vous remarquez que le film une la journée, rien ne va, et le soir quand on fois fini vous échappe, qu’il vous surprend, arrive au dîner, on fait semblant. C’est une que les gens l’interprètent d’une manière à comédie autour des histoires de couples, de laquelle vous ne vous attendiez pas du tout ? destins, et comment la vie bascule en un soir.

272 273 Danièle Thompson On reprend cette même Fête de la musique une année après, les gens sont « bankable », qui vont faire vendre le film à l’étranger avant le tour - sont les mêmes, et à la fois beaucoup de choses ont changé. nage, il y en a très peu. Il y a eu Gabin, Delon à une époque, mais nous sommes quand même Comment construisez-vous une comédie, comment faites-vous rire ? très francophones. D. T. : C’est beaucoup dans le scénario. Ce sont souvent des choses qui nous ont déjà fait rire quand on a inventé ce dialogue ou cette Comment avez-vous travaillé avec de Funès pour situation et qui renaissent avec le jeu des acteurs. Les acteurs Les Aventures de Rabbi Jacob ? D. T. : Rabbi Jacob “Les acteurs adorent faire rire, ils prennent un plaisir particulier à déclencher était une idée de mon père. Il le rire et à faire vivre ces textes. C’est très passionnant à voir, était fasciné par cette communauté des juifs hassi - adorent faire lorsque les textes commencent à prendre chair avec les gens diques qui vivaient différemment des autres com - rire...” qu’on choisit et qui nous choisissent, puisque c’est ça le casting, munautés juives, avec leurs traditions, leurs manières le choix des uns et des autres. C’est quelque chose d’assez jubi - de vivre complètement anachroniques. C’était écrit latoire au moment du tournage, lorsqu’il y a une fraternité, une pour Louis de Funès qui était lui-même catholique Louis de Funès dans envie de bien faire, mais ça peut ne pas marcher plus tard sur l’écran. pratiquant. Mon père l’avait emmené pour la première fois dans une Les Aventures de Ce métier est assez déstabilisant car si la difficulté et le plaisir sont les synagogue, pour qu’il voie comment ça se passait. Nous écrivions pour Rabbi Jacob (Gérard Oury, 1973). mêmes pour tous les films, au bout du compte on ne sait jamais si le de Funès en sachant qu’il allait faire des choses insensées. Dans La Folie public va adhérer ou pas. des grandeurs par exemple, dans la scène où il perd sa voix, nous savions qu’il pourrait inventer quelque chose d’extraordinaire. Nous écrivions Est-ce que finalement la comédie, ce n’est pas ce qu’il y a de moins en pensant à lui, ce qui est rarement le cas ! Le scénario de Rabbi Jacob consensuel ? On sait comment faire pleurer mais il y a des choses qui a été très difficile à écrire, avec une peur terrible de heurter font rire certains et pas d’autres… la communauté juive, et sans penser une seconde alors que D. T. : Je pense au contraire que c’est assez consensuel. Quand on va au ça pourrait heurter les musulmans ou les arabes. Nous n’é - cinéma le samedi soir et qu’on entend les gens rire, ce qui m’est arrivé tions pas préoccupés par ça à l’époque. Il y a des répliques “Nous écrivions pour souvent avec mon père, là c’est réussi. C’est réussi justement si c’est que nous ne pourrions peut-être plus écrire aujourd’hui, de Funès en sachant consensuel. On a tous des genres qui nous font plus ou moins rire, mais mais nous étions toujours un peu comme ça, en équilibre sur qu’il allait faire des il se passe quelque chose dans les films comiques, surtout dans les salles. le bord, en se demandant si on n’allait pas trop loin, si on choses insensées.” pouvait rire de ça... Nous avions déjà un peu vécu ce pro - Pensez-vous qu’il y a eu un âge d’or du cinéma français, avec de très blème avec La Grande Vadrouille , car vingt ans après la grands comédiens qu’on a du mal à retrouver aujourd’hui ? Y a-t-il des Libération, il n’y avait pas eu beaucoup de comédies sur ce équivalents de Louis de Funès par exemple aujourd’hui ? sujet : Babette s’en va-t-en en guerre , auquel mon père avait participé D. T. : Si on cherche la ressemblance, non. Mais il y a de formidables en tant que coscénariste, le film de Rappeneau La Vie de château , To be acteurs aujourd’hui, très drôles, des gens comme Dany Boon or not to be… Mais tout comme Le Dictateur , le film avait été tourné par exemple, qui vont exploser. C’est quelqu’un de très complet. pendant la guerre, on ne savait pas encore tout ce qui s’était passé. J’ai vu son film Bienvenue chez les Ch’tis la semaine dernière à Donc nous étions un peu inquiets pour La Grande Vadrouille et dix ans Paris, il va certainement marcher fort car c’est un film simple, plus tard pour Rabbi Jacob . humain, sans snobisme, qui n’hésite pas à aller vers une forme de naïveté. Le personnage principal m’a fait penser à Bourvil. Question un peu récurrente mais qui mérite d’être posée, est-ce qu’on Vous savez, Louis de Funès a eu beaucoup de mal au début, il peut rire de tout et avec tout le monde ? Kad Merad et Dany Boon dans a joué du piano dans les bars pendant quelques années. D. T. : Non, bien sûr que non, on ne peut pas rire de tout... Bienvenue chez les Est-ce qu’il y a des limites ? Oui, je pense qu’il y a des limites. Je ne Ch’tis (Dany Boon, 2008). Oui mais de Funès était connu dans le monde entier, aujourd’hui il n’y m’imagine pas faire une comédie sur la pédophilie... Le film de Roberto a pas beaucoup de comédiens français qui font des films à l’étranger. Benigni La vie est belle , que j’ai adoré, a suscité la polé - D. T. : Vous dites qu’il est connu dans le monde entier mais ce n’est mique par exemple. Il y a des sujets plus brûlants que pas complètement vrai. Tout a changé. Il n’y avait pas cette hégémonie d’autres, mais on peut rire avec beaucoup de choses heu - “Il y aura toujours du cinéma américain. Aujourd’hui, la vente des films français à l’é - reusement. Il y aura toujours des intégristes et des gens qui des intégristes et des tranger est rude, nous devons partager le marché avec les films asia - sont contre l’humour. gens qui sont contre tiques. La clientèle qui va voir des films étrangers est extrêmement Mais Rabbi Jacob a été un moment absolument formidable, l’humour.” restreinte et sophistiquée. Quand on cherche les acteurs français qui je reviens là-dessus car ça été un parcours plein d’embûches.

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2006. Fauteuils d’orchestre . Avec Suzanne Flon, Cécile de France, Albert Dupontel, Christopher Thompson et Claude ... Dani, François Rollin, Sydney Pollack et Valérie Lemercier. Brasseur...

276 277 Danièle Thompson Notamment le plus grand blocage que j’ai truction ne tient pas forcément, alors il faut La mise en scène apparaît-elle dès l’écriture du scénario ou appartient- eu dans ma vie sur un scénario. Au milieu se remettre au travail, recommencer. elle exclusivement au metteur en scène ? du film, nous sommes partis pour Israël, c’était D. T. : Bien sûr, elle appartient au metteur en scène, mais je pense que dès la grande époque des avions détournés, nous Maintenant que vous faites de la mise en l’écriture du scénario, la manière de décrire les choses a une influence sur nous sommes dit peut-être qu’ils vont prendre scène, à quel moment de l’écriture com - la mise en scène. Il y a une manière de décrire les mouvements de foule un avion et aller en Israël… Nous avons passé mencez-vous à vous en préoccuper ? par exemple. Après, tout dépend du metteur en scène et de son talent. des moments formidables là-bas, en revenant D. T. : Je finis d’abord mon scénario et je nous sommes allés rue des Rosiers, en se pense ensuite à la mise en scène car je me Aviez-vous vu La Reine Margot de Jean Dréville ? disant ce sera peut-être moins cher et ça a sens davantage scénariste. J’essaie d’écrire D. T. : Bien sûr, je l’avais vu à l’époque. C’est tout à fait tout débloqué ! C’est vraiment de l’improvi - le film comme je l’écrirais pour quelqu’un autre chose ! Nous avions eu la curiosité, Patrice Chéreau sation, nous sommes des artisans, une scène d’autre. Après, les problèmes de mise en et moi de se faire projeter le film un matin à la Cinéma - après une autre, une idée après une autre, en scène se poseront. Mais en tant que scéna - thèque. C’est un film des années 50 complètement kitsch, restant souvent des journées comme ça, à ne riste, on est aussi très préoccupé par le devis, le contraire de ce qu’il voulait faire, donc c’était intéres - pas savoir quoi faire. par la technique. Par exemple, les films de sant de le revoir. Et j’ai le souvenir en sortant de la projec - nuit, qui sont très difficiles à vendre aux tion qu’il m’a dit : « Il n’y aura pas de chapeaux ! » Ce sont Quand vous étiez scénariste, vous alliez fré - télés… En général, en France, les scénaristes deux visions tellement différentes, le film de Dréville avait quemment sur les tournages, faire de petites travaillent avec les metteurs en scène, ce qui un côté très carton pâte, c’est une autre époque, beaucoup retouches ? n’est pas le cas aux États-Unis. plus fidèle au style d’Alexandre Dumas, avec grosses plai - D. T. : En général très peu de retouches, et santeries, du marivaudage… Tous ces gens qui se donnent elles peuvent s’arranger avec un coup de fil ! Certains cinéastes écrivent leur scénario en des rendez-vous galants pendant que les autres se font mas - Non, j’y allais peu, c’est assez ennuyeux ayant tous les plans, toutes les images dans sacrer, c’est très particulier. Patrice Chéreau, lui, en a fait une sorte d’opéra. La Reine Margot par Jean Dréville (1954) “Je me souviens, pour La Reine Margot , d’avoir été éblouie C’est une des rares adaptations que vous ayez faites. La démarche est- et quarante ans plus elle très différente ? tard par Patrice par les images de Chéreau largement au-delà Chéreau (1994). de ce qu’on avait écrit dans le scénario.” D. T. : La Folie des grandeurs est une adaptation de ! Beau - coup plus fidèle qu’on ne le pense d’ailleurs… C’est drôle car il y a quelques années il y a eu une reprise de Ruy Blas à la Comédie-Fran - d’être sur le plateau. Un tournage n’est pas la tête. Avez-vous cette culture visuelle ou çaise, avec Rachida Brakni qui jouait la reine, beaucoup d’amis sont passionnant lorsqu’on n’est pas dans l’équipe, est-ce que les mots priment ? allés la voir et m’ont dit que ça ressemblait énormément à La Folie des et un auteur n’est pas dans l’équipe. En plus, D. T. : J’ai quand même ce côté visuel, car grandeurs ! J’ai aussi adapté pour la télévision Le Rouge et le Noir , et puis en tant que scénariste, on travaille souvent sur lorsque je me retrouve sur le plateau avec les Claudine dont je parlais tout à l’heure. un autre projet lorsque le film se tourne. des décisions de mise en scène à prendre, bizarrement je relis la scène pour me souve - C’est une grande responsabilité ? Quand vous travaillez, vous démarrez à partir nir de ce que j’avais imaginé quand j’ai écrit D. T. : Il ne faut pas exagérer, nous sommes au contraire plus “Il faut garder du dialogue ? Quelle est votre méthode ? ça. Donc je l’ai imaginé, même si entretemps libres, nous avons moins de complexes. Les auteurs ne sont une grande liberté D. T. : En ce qui concerne ma petite équipe je l’ai oublié, même si en effet les dialogues plus là pour dire : «Vous m’avez trahi !». Parce qu’il faut quand on fait une avec Christopher, nous passons des mois sur sont venus. Le problème quand on est scé - garder une grande liberté quand on fait une adaptation. Je adaptation.” les personnages, puis sur la construction. Avec nariste, c’est de créer quelque chose puis pense qu’une des meilleures adaptations qui ait été faite parfois des morceaux de dialogues qui vien - après de voir que le metteur en scène a fait est Le Scaphandre et le Papillon de Schnabel. Extraordi - nent comme ça, à toute vitesse, et qu’il faut autre chose. Même s’il arrive parfois que ce naire. Le livre de Dominique Bauby était magnifique et absolument écrire pour les retenir. J’écris encore au stylo… soit beaucoup mieux ! Je me souviens, pour inadaptable. Ce qu’en a fait Julian Schnabel est assez impressionnant. À un moment donné, il faut arrêter de cons - La Reine Margot , d’avoir été éblouie par les truire. Là, il faut se mettre à réfléchir sur les images de Chéreau largement au-delà de ce Vous faites une observation très pointue du monde qui vous entoure. dialogues, c’est ce qu’on appelle l’adapta - qu’on avait écrit dans le scénario. C’est un On sait qu’Audiard allait dans des cafés et notait des bouts de phrases. tion dialoguée, pour laquelle nous nous film que j’adore et que j’ai adoré faire, j’avais Ça vous arrive ? concertons tous les deux ou trois jours. En imaginé des choses, mais jamais que ça serait D. T. : Bien sûr, je note des phrases, surtout quand j’entends quelque général, ça ne coule pas tout seul, la cons - aussi beau que ça ! chose de très drôle. Mais il y a un rythme inhérent au film qui est

278 279 Danièle Thompson différent de celui de la vraie vie. C’est là qu’on fluence. Mais on n’est pas maître de son passe de la réalité à la fiction, dans cette his - travail au bout du compte. En même temps toire du rythme tenu par la mise en scène, le le scénariste est toujours un peu protégé, montage, la cadence des acteurs. Ce que je quand le film se casse la figure, c’est le trouve également intéressant à traiter, c’est metteur en scène qui se casse la figure. le mélange qu’on trouve dans la vie entre la tragédie et la comédie, même si certaines Il y a moins de réalisatrices que de réalisa - personnes très névrosées ne laissent pas une teurs, pensez-vous que ce métier est plus dur grande place au rire. Les personnages dont pour les femmes que pour les hommes ? je parle en général ont la comédie en eux D. T. : Je ne crois pas. Il y a beaucoup plus mais profondément, la tragédie est là. Il y a la de réalisatrices aujourd’hui qu’avant. Je pense mort, la maladie, la trahison, le mensonge, que les énormes films d’action à énorme l’infidélité, tout ce qui fait que la vie est dure. budget n’intéressent pas beaucoup les femmes… Elles en seraient capables mais Comme dans La Femme de l’amant , le télé - pour l’instant elles s’orientent vers des comé - film de Christopher Frank auquel vous avez dies, des sujets plus intimes ou plus difficiles. collaboré, qui pourrait être un vaudeville mais qui en réalité est beaucoup plus noir. Pourquoi avoir décidé de mettre en scène? D. T. : Oui, j’aime beaucoup ce scénario, je D. T. : J’ai déjà un peu répondu. Il y a eu une crois que c’est la seule fois où Christopher sorte de combat en moi entre la peur et la

“Ce qui m’intéresse, c’est de raconter une histoire, de créer une atmosphère, de faire vivre des personnages.”

Frank a mis en scène un scénario qui n’était curiosité. La curiosité a vaincu ma peur. J’es - pas écrit par lui. J’ai aimé collaborer avec sayais de plus en plus d’exercer une influence lui, nous nous sommes très bien entendus, sur les metteurs en scène : vous devriez c’était effectivement un film assez noir, mais mettre de la musique ici, couper là… En tant enfin je ne l’ai pas mis en scène ! que scénariste, on a un recul que le metteur en scène n’a pas, on arrive après, on voit des Vous préférez travailler seule ou en équipe ? choses que le metteur en scène ne voit plus, D. T. : C’est beaucoup plus agréable en on dit : «Tu devrais faire ci, tu devrais faire équipe, en général à deux ou trois. J’ai vécu ça», et ça crée une sorte de tension alors que une grande partie de ma vie professionnelle de toute façon on ne gagne pas la partie… comme coauteur d’un metteur en scène, Donc je me suis dit pourquoi est-ce que je ne j’étais à son service, je me fondais dans son ferais pas les choses moi-même, je saurais univers. Là j’écris mes films et Christopher le faire… est mon coscénariste. Les moments de décou - Après, comme le premier film a été réussi, ragements sont un peu moins pénibles à deux on m’a encouragé à continuer. J’ai trouvé le que seul ! Quand on est coscénariste du deuxième moins bien réussi d’ailleurs ! metteur en scène, il faut pas mal d’humilité car quoi qu’on fasse, on le donne et on n’a En matière de lumière, de cadre, qui décide ? plus de contrôle du tout. On n’a pas le D. T. : Je ne suis pas du tout une techni - 2009. Le code a changé . Avec Christopher Thompson et Karin Viard ; Emmanuelle Seigner et Dany Boon ; Patrick Chesnay et Marina Hands ; Patrick Bruel ; Pierre Arditi. pouvoir de décision, on a le pouvoir d’in - cienne, ce qui m’intéresse, c’est de raconter

280 281 Danièle Thompson une histoire, de créer une atmosphère, de ses mémoires, où elle a écrit des choses abso - faire vivre des personnages. J’explique à mon lument fausses d’ailleurs ! chef-opérateur ce que je veux, ce que je voyais lors de l’écriture du scénario et il me Comment est née l’idée de La Reine Margot ? propose des choses. C’est vraiment un travail D. T. : Patrice Chéreau avait mis en scène de collaboration, de complicité. Alors, c’est une pièce de Christopher Marlowe qui s’ap - vrai que je me sens un peu plus à l’aise sur un pelle Massacre à Paris , sur la Saint-Barthé - plateau aujourd’hui. Quand on arrive pour lemy, donc il avait déjà beaucoup travaillé la première fois, qu’on est le général d’une sur cette époque. Moi, j’avais lu les livres de armée, qu’on vous pose une question toutes Dumas. Patrice s’est mis à travailler sur Les les trente secondes, c’est difficile. Mais il y a Trois Mousquetaires, puis il s’est aperçu que tellement de metteurs en scène qu’on admire, Jean Becker aussi et ils ont tous les deux qui ont de l’expérience et qui arrivent le matin abandonné au final... Mais ce que voulait en ne sachant pas ce qu’ils vont faire ! faire Patrice, c’était Les Trois Mousquetaires avec leur vrai âge, c’est-à-dire 18, 19 et 20 Est-ce que vous aimez faire des recherches ans. Et monter un film qui coûte beaucoup lors de l’écriture d’un scénario, comme pour d’argent avec des acteurs peu connus, c’est La Reine Margot ? difficile. D. T. : J’ai adoré la recherche, me plonger pendant des mois dans un univers, dans une Pouvez-vous nous dire de quel ordre sera le époque. Et, à un moment donné, savoir qu’il budget de votre prochain film Le code a faut s’arrêter, quand on tourne en rond parce changé ?

“Il faut s’imprégner de la problématique de l’époque et une fois qu’on a avalé tout ça, s’obliger à dire : je ne lis plus.”

qu’on sait assez de choses. Il faut s’impré - D. T. : Nous sommes en train de faire le gner de la problématique de l’époque et une budget donc je ne peux pas vraiment vous fois qu’on a avalé tout ça, s’obliger à dire : je répondre. Ce sont d’âpres discussions, même ne lis plus. si je ne m’occupe pas de ça directement. Pour La Reine Margot , il y avait évidemment Quand on a onze comédiens, avec des sus - le livre de Dumas, qui était déjà un énorme ceptibilités, c’est un petit cauchemar dont je travail d’invention puisque ce n’était pas préfèrerais ne pas parler ! comme ça que ça c’était passé, et puis il y avait aussi les écritures d’ambassadeurs. Nous La part des comédiens dans le budget global passions sûrement par les mêmes chemins du film a-t-elle tendance à augmenter ? que Dumas puisque c’est là-dedans qu’il D. T. : Oui un peu, les auteurs sont aussi avait lui-même trouvé l’inspiration. Mais nous mieux payés maintenant qu’il y a dix ou en faisions autre chose, c’était absolument quinze ans. Il y a un progrès. passionnant. C’est dans ces écrits d’ambas - sadeurs que nous avons trouvé des descrip - Les auteurs et les acteurs bénéficient plus de tions de la mort du roi Charles par exemple, cette hausse que les techniciens. quand il commence à transpirer du sang. D. T. : C’est normal, mettez la photo d’un Tout ça a été décrit par les gens de la cour de technicien sur une affiche, vous verrez si les 2013. Des gens qui s’embrassent . Avec Éric Elmosnino et Kad Merad ; Clara Ponsot et Ivry Gitlis ; Valérie Bonneton ; l’époque, la reine Margot a elle-même rédigé gens viennent ! Les acteurs sont ceux qui Max Boublil ; Kad Merad et Monica Bellucci. Ci-dessus à droite, Danièle Thompson sur le tournage.

282 283 Danièle Thompson attirent le public, même les metteurs en scène ne le font pas, à part quelques-uns qui ont un public fidèle… Les Français aiment leurs acteurs, Filmographie il y a une vraie cote d’amour et de popularité, ça justifie les sommes d’argent. Danièle Thompson est née le 3 janvier à 1942 à Monaco. (en tant que réalisatrice) À quoi servent les répétitions si vous vous laissez le droit de tout changer ? D. T. : Vous voulez dire la liberté de tout changer ? Des accidents peuvent survenir, qu’il faut laisser arriver, car ça peut être génial, mais on ne peut pas non plus partir dans un film sans préparation. C’est ce mélange qui est très délicat. Il faut se préparer à tout même à ce qu’on n’attend pas. Un acteur qui craque, c’est la catastrophe mais un acteur qui éclate, qui explose et qui fait un truc génial, c’est formidable. Par exemple pour ce film, j’avais comme d’habitude des problèmes de budget et donc il était hors de question de remplir le Théâtre des Champs- Elysées avec 2500 figurants qui coûtent cher. Donc nous avons organisé un vrai concert avec la participation de François-René Duchâble. Exac - 1999. LA BÛCHE . Avec Sabine Azéma, Emmanuelle Béart, Charlotte Gainsbourg, Claude Rich, tement comme le personnage du film, il ne donne plus de concert depuis Françoise Fabian. 2002. DÉCALAGE HORAIRE . Avec Juliette Binoche, Jean Reno, Sergi quelques années, pourtant il a accepté de faire celui-ci, mais pas en López, Scali Delpeyrat, Alice Taglioni. 2006. FAUTEUILS D’ORCHESTRE . Avec Cécile de uniforme, en chemise rouge. Donc nous avons invité des gens, en leur France, Valérie Lemercier, Albert Dupontel, Claude Brasseur, Christopher Thompson. 2009. disant qu’il y aurait un tournage vers 18 heures. Nous LE CODE A CHANGÉ . Avec Karin Viard, Dany Boon, Marina Foïs, Patrick Bruel, Emma - avons eu nos 2500 personnes, nous les avons prévenus nuelle Seigner, Pierre Arditi. 2013. DES GENS QUI S’EMBRASSENT . Avec Kad Merad, qu’il y aurait Duchâble pendant une heure et qu’ils ne Monica Bellucci, Max Boublil, Éric Elmosnino, Valérie Bonneton. I le verraient pas. Nous avons fait entrer l’orchestre, Dupontel a commencé à jouer, et quand tout s’est arrêté les gens étaient sciés ! Albert Dupontel interprétant le Nous avons eu ce moment de vérité. Nous étions derrière avec les Concerto n°5 pour caméras, nous avons filmé le public quand il ne sait pas ce qui se passe, piano de Beethoven s’il doit rire ou pas. Nous avons créé ça, c’était très intéressant. Dupon - dans Fauteuils d’orchestre . tel a fini par serrer la main de tout le monde en partant, ce qui n’était pas prévu !

Comment s’est passé le tournage avec Dupontel ? D. T. : Il a fait une préparation car il n’était pas pianiste. Il a surtout appris à maîtriser trois endroits, qui donnent toute la crédibilité au per - sonnage. Nous avons filmé son visage et ses deux mains. Le reste du temps, soit c’était en playback, soit François-René Duchâble qui jouait à sa place. I

Danièle Thompson à l’ESRA avec Yves Alion.

284 285 les jeudis de l’ esra

Jean-Pierre Améris Tome 3 Laurent Heynemann Tome 1 Jean-Jacques Annaud Tome 1 Robert Hossein Tome 2 Olivier Assayas Tome 1 Pierre Jolivet Tome 1 Nicolas Bary Tome 2 Tome 2 Lucas Belvaux Tome 4 Patrice Leconte Tome 2 Alain Berbérian Tome 4 Claude Lelouch Tome 1 Tome 4 Philippe Lioret Tome 2 Marcel Bluwal Tome 4 Jean Marboeuf Tome 3 Yves Boisset Tome 1 Tonie Marshall Tome 3 Jérôme Bonnell Tome 3 Tome 1 Tome 4 Édouard Molinaro Tome 1 Patrick Braoudé Tome 2 Claude Pinoteau Tome 3 Jean-Claude Brisseau Tome 1 Jean-Paul Rappeneau Tome 2 Alain Corneau Tome 2 Frédéric Schoendoerffer Tome 4 Antoine de Caunes Tome 4 Tome 3 Tome 4 Jean-Charles Tacchella Tome 2 Jacques Fansten Tome 3 Alain Tasma Tome 3 Charles Gassot (producteur) Tome 3 Tome 1 Stéphane Gluck (assistant) Tome 4 Danièle Thompson Tome 4 Robert Guédiguian Tome 2 Claude Zidi Tome 3

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