Rec. 118 / Mal Luné Music - Ninho ‘DESTIN’
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Rec. 118 / Mal Luné Music - Ninho ‘DESTIN’ Depuis quelques années, le rap est incontestablement devenu le genre musical le plus vendeur en France, comme le prouvent les chiffres publiés par les différentes plateformes de streaming chaque année. Dans ce contexte, on ne s’étonne donc pas de trouver des rappeurs aux premières places des classements, à l’image de Ninho, deuxième artiste le plus écouté en France en 2018 sur Spotify, tous genres confondus -et ce, malgré une seule mixtape publiée dans l’année. L’arrivée prochaine d’un nouvel album du rappeur constitue l’un des événements musicaux majeurs du premier semestre 2019, d’autant que l’engouement autour de lui n’a jamais été aussi fort. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un rapide coup d’oeil aux chiffres spectaculaires réalisés par les différentes collaborations effectuées par Ninho au cours des derniers mois. Régulièrement appelé à collaborer avec des artistes de la nouvelle génération (Kpoint, DA Uzi, Yaro) ou avec des rappeurs aux carrières déjà très solides (Sadek, Rim’K), Ninho a prouvé sa capacité à tirer ses collaborations vers le haut, avec des featurings dont les clips cumulent 30, 50, ou 100 millions de vues. Cette capacité à transformer un bon titre en tube ultra-populaire a permis à Ninho de devenir, au cours des deux dernières années, l’artiste le plus sollicité par le milieu du rap, son efficacité maintes fois prouvée étant une garantie absolue, pour tout type de profil, confirmé ou émergent, street ou mainstream, de réaliser un single porteur. Si l’auteur de M.I.L.S s’adapte aussi aisément à toutes les ambiances et toutes les couleurs musicales, c’est bien parce qu’il sait absolument tout faire. Révélé à l’adolescence par Nice et DJ Quick, fondateurs du label Mal Luné Music, qui remarquent ses qualités naturelles de pur kickeur, capable à la fois de produire des titres puissants et nerveux, et de faire preuve d’un talent de lyriciste extrêmement précoce, Ninho a rapidement pris la mesure des évolutions profondes qui allaient bouleverser la schématique globale du rap français. Plus préoccupé par la volonté de parfaire sa palette technique et enrichir son spectre artistique que par l’ambition d’exploiter son buzz naissant en 2013-2014, il s’enferme au studio Mal Luné Music et s’impose des séances de travail avec Nice qui porteront leurs fruits quelques années plus tard. Ninho est un besogneux, le genre de garçon que l’on qualifie de “charbonneur” dans les quartiers. Convaincu que le respect de ses pairs et du public doit se gagner par des faits, et non pas par une simple réputation de talent en devenir, il s’impose de travailler sans relâche en studio avec Nice afin de solidifier progressivement sa discographie, enregistrant au total trois mixtapes gratuites en deux ans, avant d’exploser avec la série de clips Binks to Binks. A la rentrée 2016, Ninho grimpe encore une marche après sa signature chez Rec. 118 et la mise en marché de son premier disque commercialisé, intitulé Maintenant Ils Le Savent, en écho au titre de ses premières mixtapes, Ils Sont Pas Au Courant. S’il ne s’agit officiellement que d’une nouvelle mixtape, la qualité de ce nouveau projet et de ses différents singles lui confère l’aura d’un véritable album. Bien que ses prétentions ne soient pas encore celles d’une star du rap, Ninho -dont l’ambition n‘est alors que de disposer, avec ce disque, d’une véritable carte de visite- est rattrapé par son public, qui le porte jusqu’au disque de platine et lui permet de concrétiser toutes les attentes placées en lui depuis cinq ans. Une récompense qui lui permet d’évacuer toute forme de pression et de se concentrer sur son évolution. en septembre 2017, la sortie de son premier véritable album, Comme Prévu, est une véritable consécration : numéro 1 des ventes en France dès la première semaine avec 47’155 exemplaires écoulés, il cumule des chiffres spectaculaires pendant de longues semaines, et finit triple disque de platine avec 380’000 ventes. Lors de son concert à l'Olympia le 28 mars 2018, Ninho et Mal Luné Music ont dévoilé leur mixtape surprise M.I.L.S 2.0, un grand succès atteignant plus de 33 000 exemplaires écoulés en une semaine. Quelques mois plus tard, une nouvelle démonstration de la dimension de poids lourd du rap français prise par Ninho est faite : en plein concert à l’Olympia parisien, il annonce à ses fans la sortie imminente d’une nouvelle mixtape. 48 heures plus tard, celle-ci est dans les bacs, et bat de nouveaux records, avec plus de 33’000 ventes en première semaine. Si les chiffres font donc de Ninho le numéro 1 incontestable du rap français, les critères pour désigner ce fameux leader absolu ont évolué à travers le temps et le profil des auditeurs, chacun se forgeant, selon sa propre vision, un classement personnel des forces en présence aux sommets du game. Qualité des projets, chiffres de ventes, impact médiatique, capacité à outshiner chacun de ses featurings, nombre de certifications cumulées … les indices à prendre en compte sont nombreux et variés, mais si l’on prend en compte l’ensemble de ces caractéristiques, un nom semble s’imposer à chaque fois avec une régularité troublante : celui de Ninho, un rappeur qui allie des chiffres spectaculaires avec une capacité à faire l’unanimité critique, chez les professionnels comme chez les auditeurs. Aussi doué pour réaliser des tubes populaires que pour kicker et impressionner son auditoire, tout en gardant, dans un cas comme dans l’autre, une même cohérence et une identité artistique prononcée, Ninho vient aujourd’hui asseoir son statut avec la sortie de l’album Destin, dont l’ambition est annoncée dès la première piste, Sans Peine : “les grands hommes font des grandes oeuvres”. Seul rappeur français à allier une telle quantité de collaborations et d’inédits à longueur d’année, et une qualité aussi solide à chaque apparition, Ninho est aujourd’hui bigger than rap, et passe le le premier quart de ce disque à poser les dimensions de son personnage à l’heure actuelle. “Minuit pété sous champ’, demain j’serai aux Seychelles”, lance-t-il sur La vie qu’on mène, signe que son mode de vie a évolué, bien qu’il rappelle dans le même titre que tout ce luxe n’est que la juste récompense d’efforts consentis durant des années : “pour avoir cette vie là, j’ai remonté les bretelles”. Que la forme soit douce (La vie qu’on mène, Tokarev), plus sombre (Paris c’est magique) voire nerveuse (N.I), Ninho raconte les affres de la célébrité et de son changement de statut (““y’a qu’un pas entre l’anonymat et la vie de reusta, j’deviens fou”), sans jamais perdre de vue son environnement naturel, la rue et ses vicissitudes, ses drames, et ses réalités. Ninho invite évidemment quelques beaux noms à venir enrichir son propre album, diversifiant les profils et n’hésitant pas à s’aventurer sur des choix de collaborations inattendus. Énergique sur La Vivance avec Koba la D, star de la nouvelle génération, nerveux sur Zéro Paluche avec Tito, Ninho n’oublie pas qu’un featuring est aussi une compétition entre deux rappeurs, chacun visant à performer mieux que son binôme. Mais le featuring peut également être l’occasion de réaliser un tube, qu’il soit purement orienté rap (Maman ne le sait pas, feat Niska) ou beaucoup plus ouvert (Jamais, feat Dadju). Réunion au sommet entre les deux prétendants les plus sérieux au titre de numéro 1 absolu du rap game, Jusqu’à Minuit met côte à côte Ninho et JuL, deux artistes qui partagent des similitudes quant à leurs parcours, partis de rien, et qui trônent aujourd’hui aux sommets. Ninho ne se cantonne pas aux artistes de son propre genre musical, et se laisse emporter par les sonorités proposées par le chanteur Fally Ipupa, en évitant avec beaucoup de soin le piège tendu par l’opportunité d’un titre à l’ambiance africaine : ici, pas d’afrotrap, mais un véritable tube aux accents internationaux, à mi-chemin entre les genres. encore plus surprenante, la présence de la chanteuse maroco-canadienne Faouzia, l’un des grands espoirs de la chanson mondiale, déjà récompensée aux etats-Unis et en pleine explosion médiatique depuis sa collaboration avec David Guetta en fin d’année 2018. Après avoir pris la mesure du rap français au cours des trois dernières années, et s’être imposé comme son leader incontestable, Ninho peut donc désormais viser plus haut, comme l’explique, à sa manière, le rappeur sur la dernière piste de l’album : “j’ai les couilles pour conquérir le monde”. Après avoir livré un contenu d’une telle richesse et d’une telle variété tout au long de cet album, Ninho revient cependant à ses premiers amours sur l’outro, un titre sobre, sans refrain, plus introspectif et avec une pointe de mélancolie qui dénote avec le reste du projet. Surtout, après avoir fait le bilan de sa vie et des évolutions les plus récentes de sa carrière, il pose pour le première fois de l’album les yeux sur l’avenir, en dévoilant une envie d’en finir, peut-être, avec la musique : “je ramasse et je coffre, et dans quelques années j’vais couper les ponts”. Qu’il s’agisse d’un simple blues d’artiste, ou que le désir de quitter ce milieu soit plus profond et plus tangible, Ninho est aujourd’hui en haut de sa colline, et la question de ses motivations à dominer le game deviendra peut-être légitime dans quelques disques de platine.