EMMETROP || BOURGES

RAFFUT! LES RENCONTRES DE LA FEDELIMA

Les actes 4ème édition - 2019

www.raffut.FEDELIMA.org RAFFUT!

Depuis juillet 2010, la FEDELIMA (Fédération des Lieux de Musiques Actuelles) organise chaque année des journées professionnelles à destination de ses adhérents, mais pas que... Elles sont également ouvertes à l’ensemble des acteurs du secteur des musiques actuelles, de l’économie sociale et solidaire, de la recherche et aux partenaires et collectivités publiques.

Ainsi, chaque année ces journées sont l’occasion pour les membres des équipes et des gouvernances des adhérents de la FEDELIMA, et plus largement pour les personnes et organisations impliquées dans le champ des musiques actuelles, d’échanger sur différentes thématiques en ateliers, de faire le point sur les travaux ou groupes de travail en cours, de partager des restitutions ou points d’étape d’études, d’assister à différents temps de réflexions et d’échanges plus larges…

Les sujets et thématiques abordés sont volontairement très diversifiés, de la technique à la communication, des droits culturels aux enjeux de structuration du secteur, de l’action culturelle à la ruralité, des enjeux européens à l’observation, des entrées artistiques à la structuration des projets, de la programmation à la coopération…

Jusqu’à présent, les Rencontres de la FEDELIMA ont eu lieu en :

• 2010 : du 28 au 30 juin, en Belgique à Courtrais (De Kreun) • 2011 : du 04 au 06 juillet, à Rouen (106) • 2012 : du 27 au 29 juin, à Belfort (Poudrière et Moloco) • 2013 : du 03 au 05 juillet, à Niort (Camji) • 2014 : du 09 au 11 juillet, à Castres (Bolegason) mixées avec POP MIND1 • 2015 : le 10 mars, à Nîmes (Paloma) • 2016 : du 04 au 06 juillet à Pau (Ampli) • 2017 : du 04 au 06 juillet au Havre (Tetris) • 2018 : du 03 au 05 juillet à Angoulême (La Nef) Responsable éditorial : FEDELIMA Synthèses : L'équipe de la FEDELIMA & Grégoire Pateau Mise en page : FEDELIMA Photos : Julien Guezennec 1 POP MIND (www.pop-mind.eu) est un temps de rassemblement et de partage pour l’ensemble des organisa- Publication : Mars 2020 tions touchant au monde culturel : professionnels, fédérations, universitaires, société civile, syndicats, réseaux territoriaux, associations, Etat, collectivités… LES ORGANISATEURS LES LIEUX

La FEDELIMA est une fédération nationale qui regroupe des lieux et projets dédiés aux musiques actuelles sur l’ensemble du territoire français. Elle a pour objet de fédérer et développer toute initiative d’intérêt général en matière de musiques actuelles. La fédération produit des analyses partagées du secteur et contribue à sa structuration à partir des observations et besoins de ses adhérents ainsi qu’en lien avec les acteurs musiques actuelles et leurs partenaires, le monde artistique et plus largement la société civile.

Emmetrop est une association de loi 1901 créée en septembre 1984. Ses objectifs sont la promotion de la création contemporaine à partir d’une d’artiste action ouverte, décloisonnée et décalibrée. Il nom d’artiste s’agit de créer de nouveaux rapports entre art et nom population. La particularité du projet artistique e t is rt de l’association est d’être pluriel, trans-artistique, ’a d m ouvert sur de nombreuses disciplines artistiques, No dans un appétit décomplexé pour la création artistique en général, émergente en particulier. Les champs artistiques balayés sont larges : musiques actuelles et expérimentales, art contemporain, cultures urbaines, arts de la rue et du cirque, danse, performance, le théâtre… Les domaines d’interventions de l’association sont : la création, la diffusion, la formation et la médiation. PAGE TITRE PAGE TITRE

Conférence : 8 162 2020 : quels enjeux autour des élections municipales pour nos projets ? L’indépendance... Oui, mais ? Relations entre radios et lieux de musiques actuelles : on continue Les dispositifs d’accompagnement des groupes sont-ils adaptés aux 28 174 l’exploration... pratiques en amateur ?

Une salle, un festival ? Les spécificités des festivals organisés par les lieux Bénévoles, intermittents, vacataires, salariés permanents, dirigeants 36 178 de musiques actuelles bénévoles… Comment veiller à une meilleure cohésion d’équipe ?

Personnes fragilisées ou en situation de handicap : comment aller vers une 180 Music Moves Europe : un programme, des appels ! 44 plus grande inclusion ? Égalité, diversité, lutte contre les discriminations... Quelles convergences 58 ? Intersectionnalité, de quoi parle-t-on ? La construction d’un projet de musiques actuelles, ses influences sur son 74 développement et son fonctionnement dans la durée

Développement durable : réflexion autour de la mise en place d’actions 84 collectives et mutualisées au niveau national

Notre maison, le Centre national de la musique : les murs sont-ils déjà 92 montés ? La structuration de la filière jeune public : réunir les réseaux musicaux 102 peut-il favoriser la production et la circulation des oeuvres ?

120 Les droits culturels changent-ils l’exercice de la programmation ?

Construire un projet politique musiques actuelles de territoire : quels 134 enjeux, quelles réflexions mettre en place ? Quelles méthodologies possibles ?

136 Qualitatif vs quantitatif : comment évaluer les projets différemment ?

Artistes, médiateurs, chargés d’actions culturelles : quelles fonctions sont 146 en jeu ?

Techniques d’animation, gestion de réunion, process de prise de 158 décisions... Comment aller vers plus de responsabilité collective et de participation ? Introduction par Laëtitia Perrot quaires. En même temps, ce gage de sérieux L’indépendance... Oui, mais ? qui vaut pour certains peut aussi entraîner le L’indépendance est un vocable probablement risque d’être considéré comme amateur par à l’esprit de tout participant présent à RAFFUT! d’autres ou trop « DIY » pour des partenaires depuis qu’il est en âge d’écouter, d’acheter de naturels tels que les financeurs. Plusieurs Mardi 2 juillet | 16h00-18h30 Nadir la musique. À l’instar de la biodiversité et de questions émergent. L’indépendance est-elle la représentation de la chaîne alimentaire que nécessairement une construction « contre » ? l’on raconte aux enfants, dans un écosystème Ou est-elle aussi un chemin autonome pour comme celui des musiques actuelles, il existe créer ? Comment préserver l’indépendance L’indépendance, tout le monde en rêve. De la Bretagne aux teenagers, du média au des petits, des gros et cette diversité semble dans ce secteur des musiques actuelles ? Com- label, du lieu à l’idéaliste politique, l’indépendance est un Graal que l’on convoite, que vitale à la création, à l’expérimentation. On ment un lieu labellisé SMAC permet-il à l’indé- l’on revendique, mais le touche-t-on réellement ? peut cependant légitimement s’inquiéter au- pendance d’exister au sein de son écosystème jourd’hui, face aux phénomènes de concen- (disquaires, cafés-concert…) ? Comment pré- senter ce terme à des partenaires financiers, De quoi, de qui est-on indépendant ? L’indépendance totale existe-t-elle ? Quelle tration notamment, d’une certaine disparition de cette diversité, bien qu’elle soit inscrite quand la notion d’indépendance tout comme différence avec l’autonomie, avec l’émancipation ? aujourd’hui, via les droits culturels, dans la Dé- celle d’Économie Sociale et Solidaire ne sont claration de 1948, mais aussi dans la loi NOTRe pas vraiment au centre du modèle économique Nous tenterons dans cette table ronde de mieux cerner les contours de ce mot et que les acteurs en sont donc en partie les pensé et défendu au sein d’une instance telle fascinant, de les interroger sous plusieurs angles (politique, économique, artistique, garants. Parallèlement à ce risque existe une que le CNM ? éthique, philosophique...), puis de nous poser la question de l’indépendance de nos crainte de l’instrumentalisation de la création projets au regard de la diversité qu’ils recouvrent aujourd’hui. artistique à d’autres fins et pour d’autres va- Pour discuter de ces questions, autour de cette leurs que celles de l’expression et de l’exercice notion d’indépendance, interviendront lors de des droits culturels. On parle souvent du soft cet atelier : power, cette arme « à la française » plus pré- • Christian Ruby, docteur et maître de confé- Avec... cieuse que le Mirage ou le Falcon. Ce pouvoir rence en philosophie à , membre de se joue aussi au niveau local, au niveau des ter- l’association pour le développement de CHRISTIAN RUBY SOPHIAN FANEN ritoires. Comment ne pas devenir le « nouveau l’histoire culturelle, qui va présenter cette mirage » de la politique locale ? Cette question Philosophe et docteur en Journaliste, co- notion d’indépendance et éclairer sur son de l’intrusion du politique dans les projets parle adéquation avec la volonté et les valeurs af- philosophie fondateur du média en à toutes les structures touchant un tant soit peu fichées par les acteurs du secteur ligne LesJours.fr de subventions, ce qui concerne probablement • Aurélie Pinto, sociologue de la culture, qui l’immense majorité des participants à RAFFUT!. a notamment collaboré à l’écriture de l’ou- PATRICK FLORENT Cette question se pose toujours, quelle que soit PIERRE «PIT vrage « Culture et l’indépendance, les en- Directeur de la radio Canal B la forme juridique de sa structure, association, SAMPRAS» jeux de l’indépendance dans les industries SCIC, SA, établissement public… (Rennes) Artiste, auteur, culturelle » chanteur,guitariste Parallèlement, des festivals, des artistes, de • Sophian FANEN, journaliste, co-fondateur (Burning Heads, Monde du média en ligne LesJours.fr, qui collabore MARSU collectifs citoyens cultivent l’indépendance, De Merde) loin des grands groupes capitalistiques in- avec des médias importants tels que France Directeur du label Crash Culture et Libération Disques (Paris) ternationaux et des démarches électoralistes éventuelles, avec souvent de la réussite. On • Patrick FLORENT, directeur de la radio as- peut citer l’exemple du Hellfest qui fonctionne sociative rennaise Canal B, radio musicale très bien, en autonomie, par rapport au Down- emblématique, mais travaillant également load festival porté par Live Nation. On peut sur son territoire local via l’action culturelle citer l’exemple de groupes comme Last Train, • MARSU, label manager de Crash Disques et Animé par... qui ont creusé le sillon de l’indépendance pour ancien manager des Béruriers Noirs développer leur projet artistique. Ou d’autres LAETITIA PERROT exemples encore, affichant une certaine lon- • Pierre « PIT SAMPRAS », artiste, auteur, Directrice de la Nef gévité, parmi lesquels des intervenants de cet chanteur, guitariste (Burning Heads, Monde (Angoulême) atelier de la radio Canal B au label Vicious Cir- De Merde) cle. L’indépendance fonctionne, aussi, car elle est un gage de qualité pour beaucoup. C’est un mot attirant. Un amateur de musique va sou- vent se diriger vers les rayons « indés » des dis-

8 9 « La rédemption par l’indépen- Or, on sous-entend souvent dans la représenta- nelles instaurées, elle est cependant destinée un absolu. dance ? » : intervention de Chris- tion de « l’indépendance » une complétude (je à satisfaire une certaine (ou une autre) utilité n’ai besoin de rien) ; parfois on en fait une no- commune. Cette indépendance n’est donc Que serait un État indépendant qui se penserait tian Ruby, philosophe, docteur en tion prescriptive (il faut être « indépendant ») ; pas un isolement. On ne devrait pas pouvoir y comme isolé et indivisible3 ? Que serait un indi- philosophie et beaucoup l’identifient à « être libre », sous prendre les moyens pour des fins. Ce que font vidu indépendant qui serait isolé et indivisible ? forme de l’évidence d’une liberté conçue pourtant beaucoup. En ce sens, l’idée d’indé- Rien d’autre que la figure fictionnelle de Robin- Je ne vous cache pas que le terme « indépen- comme une absence de lien ou d’interdépen- pendance ne devrait jamais référer à ce que son Crusoé, conçue justement pour démonter, dance1 », soumis à notre réflexion, et identifié dance. On glisse ainsi d’une situation de rela- nous sommes (à un être), mais seulement à critiquer cet état d’esprit par son auteur Daniel généralement à la complétude ou à la liberté, tion à une métaphysique de la liberté et à la ce que nous représentons dans nos manières Defoe. Robinson Crusoé n’a pas d’existence n’est pas la tasse de thé des philosophes, qui valorisation d’un arbitraire. d’agir. tant qu’il n’a pas remarqué qu’il était britan- prennent la notion d’indépendance comme une nique. Son premier geste sur l’Île est de dresser notion parfaitement négative. Par différence, Alors, doit-on vraiment faire de l’indépendance Deuxième paradoxe : l’Union Jack. Son deuxième est d’aller chercher notamment, avec les termes « autonomie » et une bannière2 et si oui, de quel type ? Peut- Qui montre que l’usage de la notion d’indépen- une scie. Comme si on pouvait en trouver une « émancipation » qui sont pour nous d’emblée on envisager de se contenter de faire préva- dance, dans d’autres champs, n’est pas plus sur une Île déserte. L’œuvre est bien une cri- positifs dans l’action et le mouvement qu’ils dé- loir un retrait pour exister ? Est-ce finalement simple… Il existe dans notre société un mépris tique de la notion d’indépendance, et pourtant signent. une fausse grandeur en ce qu’elle se contente qui n’est pas feint pour l’indépendance, dès lors souvent comprise à l’inverse comme une dé- Afin de mieux baliser le terrain, remarquons d’énoncer une déprise, sans énoncer la prise qu’il s’agit des adolescents et de leur soi-disant fense de cette notion. déjà que « indépendant » / « indépendance », d’un autre ordre et agencement ? Est-ce une « individualisme », mais, à l’inverse, on leur fait l’adjectif et le nom, sont, dans les langues eu- manière de vivre et de penser ou un leurre ? souvent non moins l’injonction familière de Une indépendance/complétude absolue, tel ropéennes, des constructions négatives et pa- Je souhaite ouvrir une brèche dans les enchaî- « devenir indépendants », comme si cette fois qu’en rêve l’adolescent, ce serait un mona- radoxalement relationnelles. Des constructions nements habituels : avec l’usage de ce terme, c’était un bienfait ! disme (sans Dieu), un atomisme sans mouve- négatives ? In-dépendance. Même si le terme dans votre contexte des musiques actuelles et ment. Sauf que justement : il n’est pas de Dieu, est accompagné d’un verbe d’action. Certes, des labels indépendants, nous sommes sans Troisième paradoxe : et le mouvement est nécessaire aux atomes… on « se rend » indépendant, on « assure » son doute au cœur d’un combat juridico-politique Les humains veulent être indépendants, parce Ou alors le seul être vraiment indépendant/ indépendance, etc. Mais il s’y agit de rien juste (l’indépendance par rapport à […] - l’Etat, qu’ils ne veulent pas obéir, mais ils veulent complet serait effectivement Dieu. Mais même moins que d’un retrait, ou d’un renoncement. les Majors...), quoique recouvert d’un terme bien gouverner ! Ce qui suppose que d’autres lui ne peut pas l’être : il a besoin de la création Des constructions relationnelles ? Il n’est pas inadéquat qui entraîne le plus souvent une gé- obéissent… L’indépendance du politique, du pour être Dieu. d’indépendance en soi, on est indépendant de néralisation abusive. L’expérience de l’indépen- gouvernant est donc un leurre fondamental. Où l’on remarque que la notion d’indépendance […]. dance juridique (le refus de toute main mise qui a le vice foncier d’opposer l’individu et la socié- ne laisserait pas d’autonomie) ne doit pas de- Quatrième paradoxe : té comme deux choses séparées, etc. Alors que Par conséquent, l’indépendance renvoie à la venir une double chaîne philosophique : celle Dans mes domaines de réflexion aussi (spec- tout individu est une part de la société. description d’un type d’interdépendance et non qui laisse croire qu’avec l’indépendance toute tateur/public) : on ne cesse de revendiquer la à une position absolue. Par conséquent, par- dépendance, qui serait un « mal », est abolie ; présence au spectacle d’un public, mais dès Disons pour clore ce point que, quand il arrive ler d’indépendance, ce n’est pas invoquer une celle qui laisse croire que l’indépendance est qu’il manifeste son « indépendance » de juge- que notre humanité veuille s’humilier volon- complétude du type « je n’ai besoin de rien », une liberté absolue. ment en critiquant ce qui est montré ou enten- tairement, c’est encore la vanité qui lui joue ce n’est pas non plus être libre, sinon sous la du, on le renvoie à sa soi-disant soumission à un mauvais tour puisque chacun voudrait être forme d’une liberté parfaitement figée, conçue Relevé de paradoxes l’opinion et aux médias. quelque chose d’incomparable et de prodi- comme une absence de liens. Mais c’est au mi- gieux, mais dans l’isolement. Or, l’incompa- nimum prendre part à un ensemble lié, dans C’est sous ce soupçon d’une dérive vers une il- Conclusion : Nous sommes parfaitement ac- rable et le prodigieux ne peuvent se mesurer lequel on veut occuper une place spécifique lusion de « liberté, que nous voudrions relever coutumés à ces usages de la langue, un peu qu’à l’aune des autres. en réarrangeant au besoin les interactions. Il quelques paradoxes étonnants, faisant entre- généraux, un peu plats, qui prennent finale- s’agirait alors d’une notion dynamique plus que voir une autre possibilité. ment peu au sérieux l’approche pointilleuse des L’autonomie et l’émancipation restrictive et négative. De là, la « guerre d’indé- choses humaines. Une conséquence fâcheuse pendance » qui rend un peuple souverain sans Premier paradoxe : de cette hypocrisie est en tout cas… qu’on En un mot, si ce n’est pas absurde de parler l’isoler, ou un logement indépendant par rap- Si l’indépendance, disons juridique, est le ré- évite de faire de l’indépendance un objet de ré- d’indépendance, au sens administratif, poli- port à un corps de bâtiment auquel il demeure sultat d’une manière de ménager les moyens flexion en en détournant son attention. tique et juridique, il convient cependant de lié, ou un « esprit indépendant », voir un « label d’une action au sein de situations institution- se méfier des effets induits par ce terme. Sur- indépendant »… Procéder autrement 2 - Chacun sait que chaque mot est un préjugé. Que 3 - C’est le drame d’Aristote, Politiques I, 2, 8 ; III, 1, les mots n’ont pas de valeur en soi, et que justement 12. « Autarcie », ce qui n’a besoin de rien d’autre que 1 - Indépendance : en logique : une proposition indé- les problèmes commencent dès lors qu’on les féti- Pour éviter d’emblée le trop-plein d’inquié- de lui-même (l’autarcie est à la fois une fin et ce qu’il pendante est une proposition qui ne peut être réduite chise, ou les transforme en bannières. La valorisation tudes, on peut du moins essayer d’éviter la y a de meilleur). Pour modèle : le dieu. L’autosuf- à d’autres. En arbitraire : ne dépendre de rien. En d’une notion est toujours un phénomène historique question de savoir si l’indépendance existe ou fisance divine devient modèle pour penser la cité. droit : indépendance financière. En politique : un État et politique s’appuyant sur des pratiques muées non, et tenter de dessiner les contours de ce De ce fait, la cité autarcique devrait rejeter tout indépendant, souverain… Terme négatif par rapport en habitudes ou sur des pratiques organisées pour que donnerait l’indépendance traitée comme commerce avec l’extérieur. Or, tout le monde sait à autonomie. Antonyme : dépendance. défendre des intérêts. qu’Athènes fut impérialiste. 10 11 tout, politiquement, puisqu’il faut penser à re- rents acteurs. Un certain nombre tire d’ailleurs musique par exemple. Il peut également s’agir rapprochement peut être opéré avec la notion grouper les « indépendants » en archipels afin parti, de manière délibérée ou non, de ce flou de publications spécialisées, telles que le site « d’underground », qui émerge dans les années qu’ils puissent se défendre en commun. Autant sémantique. Le mot est entouré de connota- Web d’actualité « Indie Wire » dans le cinéma soixante, en particulier autour de la musique rappeler que « indépendant » ne peut signifier tions positives, le fait d’être indépendant attire ou de collectifs, tels que l’alliance des diffu- punk, dans ses dimensions à la fois contesta- « détaché de tout lien », et de toutes conditions des rétributions symboliques : authenticité de seurs indépendants dans l’édition. Cela peut taires, esthétiques et institutionnelles. Avant sociales et politiques. la démarche, sincérité, probité des pratiques. Il également désigner des rapports au travail, d’intégrer une forme de « mainstream » dans renvoie à des connotations vertueuses. Il attire des styles de vie. les années 90, comme cela est pointé par cer- Qu’il puisse exister des philosophes « indépen- l’adhésion des artistes, le soutien des pouvoirs tains auteurs. « L’indie » devient alors à la fois dants », cela n’a qu’une signification imagée et publics et la sympathie du public. Il est intéres- Aurélie Pinto présente quelques éléments une catégorie esthétique, de genre et une ca- tranchante : Baruch Spinoza refuse les subven- sant d’opérer des variations sémantiques. On concernant la généalogie du terme. L’autono- tégorie marketing, qui désigne des biens afin tions des princes et adopte un travail rémunéré parle d’indépendants, « d’indés », mais égale- misation du champ culturel s’est globalement de créer des formes de niches correspondant à pour vivre, il assure son « indépendance », mais ment « d’alternatifs », « d’indies », renvoyant réalisée en France au XIXème siècle. Il s’agit en des publics spécifiques. c’est pour assurer son lien au monde en totalité à l’underground, d’avant-garde, de création, sociologie de la culture d’une inscription dans et non un solipsisme. Les moralistes contempo- de « niches »… Auxquelles font face des anto- une théorie particulière, celle de Pierre Bour- La sociologie s’attache également à décrire des rains (Ruwen Ogien) ne peuvent affirmer « l’in- nymes : majors, mainstream, consommation de dieu, sur la notion de champ et d’autonomie pratiques, au-delà des « déclarations » d’in- dépendance » de l’individu que sous la condi- masse, culture dominante, starsystem, voire des champs. Cela relève d’une idée très simple : dépendance de personnes. Les sociologues tion de ne pas nuire à autrui, etc. les GAFAs (...) qui représenteraient le « monde progressivement, des secteurs, en l’occurrence observent comment les individus travaillent, d’en face ». culturels, vont se défaire d’influences considé- se définissent. Cela permet d’approcher cette Au mieux, l’indépendance ne change pas le rées comme externes et se forger un langage question qui traversait déjà le début des dé- monde, n’abolit rien, mais s’aménage un recoin Il faut cependant d’emblée adopter une pos- spécifique, des instances de consécration spé- bats : on a compris que l’indépendant n’est pas dans le monde. Et d’ailleurs, paradoxalement, ture relationnelle. Il ne s’agit pas de définir les cifiques, un vocabulaire spécifique… Cette isolé, qu’être indépendant nécessite de faire cette « indépendance » juridique peut être sou- traits caractéristiques, universels de l’indé- autonomisation s’est réalisée à la fois contre face à de nombreuses dépendances. L’idée est tenue par le monde… pendance. Pour comprendre l’indépendance, les logiques économiques, mais également donc de juger quelles sont les dépendances Il serait donc salutaire de préférer le vocabu- il faut toujours la rapporter à un contexte, na- contre l’intervention politique et religieuse, qui plus ou moins aliénantes, il s’agit d’une forme laire plus fécond de l’autonomie. Issu du grec tional par exemple. Quelles correspondances étaient des principes externes d’évaluation des de hiérarchisation des dépendances et de ca- auto-nomos. Soit, celui qui se donne à lui- entre un label indépendant aux États-Unis, en biens culturels. Une des premières utilisations ractérisation des effets de chaque type de même (autos : soi-même) la loi (nomos) comme Iran, en France… ? Est-ce la même chose d’être du terme « indépendant » dans le domaine des dépendances. Dépendre de subventions pu- être de raison, c’est-à-dire dans le rapport un label indépendant sous la présidence de arts date de 1884 à l’occasion du « Salon des bliques au niveau local n’induit pas les mêmes avec les autres. Cette notion renvoie à deux Donald Trump ou sous celle de Barack Obama indépendants » organisé par un petit groupe effets que dépendre de subventions au niveau champs : le politique et l’éthique. Et pourrait ? L’indépendance représente-t-elle la même d’artistes-peintres en marge qui vont reven- national ou de dépendre des actions de Majors avoir un sens juridique. chose dans le secteur du cinéma et de la mu- diquer le droit de présenter leurs œuvres en à un niveau local ou international. Ces constats sique, dans le cadre de politiques publiques public en échappant aux canaux officiels de sont très importants pour sortir d’une forme qui se sont structurées différemment (le CNC sélection des œuvres. Ce terme va être associé de culpabilisation des acteurs culturels. Cette Intervention d’Aurélie Pinto, maître existe depuis soixante ans, le CNM est très aux théoriciens de « l’art pour l’art », qui rejoint notion d’indépendance est tellement valorisée récent…) ? Des logiques d’échelles sont à la notion d’autonomie. Progressivement, cette et désirable qu’elle génère des formes d’inté- de conférence au département au- l’œuvre. On est toujours le « gros » d’un autre... notion va s’étendre à d’autres sphères cultu- riorisation quand on pense peiner à l’atteindre diovisuel et cinéma de Paris III Sor- Selon les enjeux, les contextes, les périodes, relles. Dans l’édition par exemple, au moment à cause de diverses contraintes, économiques bonne-Nouvelle des adversaires vont pouvoir se rassembler de l’affaire Dreyfus, des intellectuels vont re- ou autres et donc de dévalorisation, en inadé- contre d’autres. On le constate par exemple au- vendiquer des canaux propres de diffusion de quation avec l’éthique que l’on souhaiterait dé- Aurélie Pinto n’est pas spécialiste des musiques tour des enjeux du numérique. Face à Netflix, leurs œuvres. Dans l’édition, la notion va être fendre. Aurélie Pinto a pu observer ce type de actuelles, mais a collaboré avec des pairs dont des distributeurs indépendants du cinéma vont fortement réactivée dans les années 80 avec la phénomène dans le cinéma à travers l’exemple c’est le cas et a notamment codirigé le livre pouvoir s’associer à de plus gros distributeurs dénonciation du pouvoir écrasant de sociétés d’un programmateur d’une salle parisienne in- « Culture et l’indépendance, les enjeux de l’in- auxquels ils sont généralement opposés. telles que Hachette et Vivendi sur la chaîne du dépendante et historique, en l’observant à l’oc- dépendance dans les industries culturelle » et livre et l’émergence de beaucoup de petites casion de négociations avec les distributeurs. des numéros de revues de sociologie sur cette Le terme « indépendant » est souvent employé maisons d’édition critiques et souvent très poli- Il cherchait à défendre son intégrité, ses va- question de l’indépendance dans les secteurs pour parler de structures, mais aussi parfois tisées. Parallèlement aux évolutions du monde leurs, son honnêteté, sa fidélité… Mais faisait culturels. Elle transmettra à travers son inter- pour d’autres catégories telles que le genre, le éditorial, une critique de la presse émerge, ju- le constat des grands groupes générant beau- vention un certain nombre d’éléments transpo- style. En musique, il peut s’agir de catégories gée dépendante des forces de l’argent, portée coup plus d’entrées vers lesquels se précipitent sables dans le domaine de la musique. Le terme de marchés sur certaines plateformes de dis- par des organisations telles qu’Acrimed. En ci- les distributeurs, y compris indépendants. « indépendance » s’est aujourd’hui imposé dans tribution ou de rayons dans des commerces. néma, le label « indie » a une forte influence les secteurs culturels. Cette catégorisation est De telles catégories peuvent également exis- à Hollywood, avec la création de filières in- Par ailleurs, l’indépendance fait référence à souvent mobilisée, mais a rarement été mise ter dans le cinéma. Il peut s’agir également de dépendantes au sein des studios. À travers ce des types de statuts très différents et à des en perspective. Il s’agit donc d’une notion ex- lieux de diffusion ou d’événements. Des festi- paradoxe se pose la question de l’instrumenta- types de croyances très différentes. Elle peut trêmement floue, mais utile et saisie par diffé- vals dans le secteur du cinéma ou celui de la lisation du terme. Dans le secteur musical, un renvoyer au petit commerçant, à l’artisan. Elle

12 13 peut renvoyer à l’animateur culturel. Elle peut ture d’indépendants. D’autres au contraire environ 15 000 abonnés (ils sont aujourd’hui à fabriquée artificiellement, qui fabrique elle- renvoyer à des entrepreneurs charismatiques. revendiquent de toucher des subventions, 12 à 13 000). Il faut savoir que le rythme est très même du contenu publicitaire. En sortant de ce Il existe de nombreuses petites entreprises in- car ils ont le sentiment de remplir une mis- saisonnier pour les médias par abonnement. modèle, un média se confronte réellement aux dépendantes très liées au nom de leur fonda- sion de service public. lecteurs et à ce qu’ils désirent lire. Il les connaît, teur originel. Cela interroge sur comment faire • Au sens du discours. Dans les années 70 / En 2014, le journal Libération ne se portait pas sait où ils sont, d’où ils viennent, tout cela bien durer une entreprise indépendante, au regard 80, les structures indépendantes s’inscri- très bien. À l’époque, l’actionnaire majoritaire, sûr dans les limites de l’anonymat. Un tel média de contraintes économiques, mais également vaient le plus souvent clairement dans un Edouard de Rothschild, qui avait investi beau- est beaucoup plus agréable à construire. d’une forme de « routinisation » de l’exception- discours politique : marxiste, critique… coup d’argent dans le journal en bonne partie nel ou à travers le prisme de la professionnali- Pour certains aujourd’hui l’indépendance pour agacer sa propre famille, avait décidé de Pour autant, il a fallu financer ce média en ligne sation : les immanquables procès « vous avez permet plutôt justement une dépolitisation ne plus réinvestir dans le journal et de ne plus géré à ce jour par douze salariés. Les 9 co- perdu votre âme du début » face au désir de du débat. éponger ses dettes. Libération allait donc se re- fondateurs ont tout d’abord financé Les Jours sortir d’une forme de précarité. trouver au Tribunal de Commerce. Dans cette grâce à l’investissement de l’argent de leur li- • Le rapport au public généré par les créa- perspective, l’équipe discutait pour éventuel- cenciement de Libération. Puis ils ont cherché À travers la notion d’indépendance, on peut teurs et intermédiaires indépendants. Ces lement déposer un projet de reprise. Au sein à financer le journal au maximum par les abon- également toucher à une dimension critique derniers ont une représentation du public de ces discussions qui n’ont pas abouties, le nements. Ces derniers constituent aujourd’hui assez fondamentale et qui dépasse les secteurs auquel ils s’adressent, une forme de vision journal ayant été racheté par Patrick Drahi, il la majorité des revenus du média. Mais ils ne culturels. L’indépendance dans les secteurs du monde social. L’indépendance peut y avait des questionnements très intéressants suffisent toujours pas pour arriver à l’équilibre. culturels serait une sorte de modèle pour l’en- donc renvoyer à différents types de publics sur le journal, ce qu’il est, à qui il s’adresse… Il Dans une telle situation, la notion d’indépen- semble des modes de travail d’aujourd’hui. Les et leur représentation : classes moyennes y avait de la frustration du fait de la méconnais- dance pénètre alors dans un entre-deux com- qualités des travailleurs créatifs seraient des cultivées, « bobos », « hypsters »… Pour sance des lecteurs, de leurs profils. À l’époque, pliqué. Les Jours ont eu l’obligation de recher- qualités transposables à l’ensemble des tra- d’autres l’indépendance n’a rien à voir avec dans le service culture, Sofian Fanen écrivait cher des investisseurs. Cela s’est avéré l’étape vailleurs : mobilité, adaptabilité, fluidité… Cela cette vision. Elle offre plutôt la possibilité sur les musiques indépendantes, peu écoutées, la plus délicate politiquement et juridiquement pose des questions en termes de modèle de so- d’avoir accès au peuple, dans un rapport peu visibles. Il écrivait « pour la cause », mais pour les créateurs. Ils se sont d’abord tournés ciété. Car finalement, si on opère un raccourci, direct, qui fait tomber les intermédiaires ; sans savoir vraiment pour qui. Ces discussions vers des personnes appréciées, qu’ils savaient Amazon, Uber et autres entreprises de ce type à ces « invisibles », qui n’ont pas accès à la ont mené à la création d’un petit groupe d’indi- intéressées. Mais ils se sont aperçus de la dif- sont satisfaites de ce désir d’indépendance. culture ou auxquels on veut offrir les condi- vidus dont les membres ont tous décidé pour ficulté à mobiliser des personnes prêtes à in- Elle rejoint leur modèle, car elle permet la mise tions pour créer. des raisons diverses et variables de quitter le vestir dans un média qui ne générera jamais en place d’une relation plus directe avec les journal. Ils ont décidé de poursuivre le travail beaucoup d’argent, notamment du fait de leur consommateurs et avec les sous-traitants (pour Pour conclure son propos, Aurélie Pinto met en de ce groupe ce qui les a naturellement ame- journalisme de fond. Leur modèle éditorial autant maintenus dans ce cas dans une forte lumière le paradoxe du « cinéma de guérilla », nés vers la création d’un journal. traite en effet peu de sujets, mais en profon- dépendance financière) en contournant de dont les réalisateurs créent des films autopro- deur, sur le long cours et en s’appuyant sur des manière générale les intermédiaires (libraires, duits et distribués de manière très directe au Les Jours ont ainsi été créés en s’appuyant choix affirmés. Des enquêtes vont ainsi être pu- disquaires…). Il est paradoxal de constater que public. Mais une certaine critique dénonce sur des piliers culturels, politiques et écono- bliées sur 10, 20, voire 50 articles. Par exemple, Netflix devient aujourd’hui le refuge de certains que ces films soient montrés dans des cinémas miques. Les fondements économiques du mé- leur principale enquête, intitulée « L’Empire », réalisateurs indépendants pour produire en op- d’arts et essai devant des publics très sélec- dia sont l’abonnement, le journalisme en ligne consacrée à la conquête du groupe Canal position avec les gros studios hollywoodiens. tionnés. et une indépendance face à la publicité. Cette Plus par Vincent Bolloré en est à son 112ème dernière constitue pour eux leur plus impor- épisode. Ils fabriquent cette information très Face à ces constats, l’indépendance devient tante conquête en termes d’indépendance. exigeante un peu comme un label de musique une question politique, selon trois principaux Intervention de Sophian FANEN, Cette indépendance allège beaucoup l’esprit indépendant, qui n’a pas de visée commerciale sens qu’a pu identifier Aurélie Pinto : journaliste, co-fondateur du média du point de vue journalistique et permet de majeure. Ils savent donc avoir un public qui ne se concentrer sur le modèle de l’abonnement. sera jamais celui du Parisien ou du Monde… Il • Au sens de la relation avec les pouvoirs en ligne LesJours.fr publics. À l’instar de l’œuvre cinématogra- Dans les autres modèles, la publicité, à tra- s’agit en quelques sortes d’une niche, d’un un- vers ses revenus, permet d’exister presque derground de l’information. phique « Le Grand retournement », le re- 4 cours face au marché (re)devient l’État ou Le média Les Jours a un peu plus de trois ans sans lecteurs. Elle génère une sorte de mythe les collectivités locales pour garantir son d’existence auxquels il faut ajouter un an de en ce qui concerne la représentation réelle du Les créateurs du média ont prospecté très lar- statut d’indépendant. Ce recours passe genèse du projet. Il s’agit historiquement d’un journal qui n’est autre finalement qu’un produit gement pour identifier des financeurs et sont souvent par un travail de formalisation, à média fondé par d’anciens journalistes de Libé- vendu aux annonceurs. Énormément de ventes finalement retombés sur des investisseurs tels travers la constitution de fédérations, qui ration. Mais ils sont aujourd’hui heureusement en kiosques sont factices ou créées de toute que Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Faire ren- deviennent elles-mêmes mises en critères minoritaires. Il s’agit d’un média en ligne, fonc- pièce par différentes stratégies… Cela peut trer de telles personnes dans l’actionnariat du par ces mêmes collectivités (le label « arts tionnant uniquement sur abonnement et sans être la même chose en ligne, via la création média a généré un important débat en interne. et essai » impose des critères très définis, publicité. Il est actuellement en campagne de de pages « vues ». Énormément de médias fa- Était-il possible de créer un média indépendant très précis…). Le terme de subvention, pour recrutement d’abonnés dans l’objectif d’at- briquent des pages automatiquement, via des avec des actionnaires qui comptent parmi les certains exploitants de salle, est un mot in- teindre son équilibre financier qui se situe à dépêches AFP ou des vidéos volées sur You- principaux actionnaires du Monde ou d’autres supportable car incompatible avec leur pos- tube ou d’autres médias. De la page « vue » est médias comparables ? À l’inverse, le refus de 4 - https://lesjours.fr/ 14 15 leur proposition rendait impossible la réalisa- processus garantit leur indépendance à l’ave- une chance, l’État devient un peu garant de l’in- tives, bien que ses critères soient très larges et tion du projet. Les Jours ont finalement ac- nir. C’est d’autant plus motivant pour conquérir dépendance en mettant en place des disposi- dans une logique d’intérêt général. Une partie cepté de faire rentrer Xavier Niel et Matthieu les abonnés manquants qui sont finalement les tifs. C’est la logique du « Grand retournement » de la subvention, basée sur des critères budgé- Pigasse dans leur actionnariat tout en verrouil- meilleurs des investisseurs. évoquée précédemment, qui permet a minima taires, qui ne jugent pas de l’activité des radios, lant au maximum leurs marges de manœuvre. une indépendance économique. Pour les ra- est obtenue presque automatiquement. Les Le média a ainsi investi beaucoup d’argent au- Quel intérêt pour des investisseurs dios hertziennes, il existe en effet aujourd’hui radios ne seront par ailleurs absolument pas ju- près d’avocats pour limiter au maximum l’im- comme Xavier Niel et Matthieu Pigasse le Fonds de Solidarité à l’Expression Radiopho- gées par le prisme de l’audience. Il s’agit d’une pact de tels actionnaires, en s’assurant dans d’investir dans un média comme Les nique (FSER), système de taxation des radios donnée de la plus extrême importance. De tels ses les statuts que les cofondateurs gardent commerciales et de redistribution aux radios projets ne seraient pas portés, ne prendraient Jours qui touche une douzaine de mil- une grande majorité du capital (79 / 80 %) et en associatives. pas cette forme, si l’audience était l’objectif s’abritant derrière différents statuts juridiques, liers d’abonnés. S’agit-il pour eux d’une principal. Les critères de jugement pour la sub- notamment celui de société solidaire de presse question d’image ? De faire de l’optimi- Le FSER, une des principales subventions à vention sélective sont les actions éducatives et créé récemment dans le cadre de la loi Bloche. sation fiscale ? destination des radios associatives, permet culturelles, l’intégration de la lutte contre les Le principal outil de ce statut est l’obligation en effet pour grande partie à Canal B, créée discriminations et le développement local. Il de réinvestir 70 % des bénéfices réalisés dans Il s’agit d’une bonne question, à laquelle les en 1984, d’exister depuis plus d’une trentaine s’agit de critères assez larges et qui semblent l’entreprise. Il ne sert donc à rien d’investir dans intéressés eux-mêmes n’apportent pas de ré- d’années. Il convient de revenir sur le méca- en adéquation avec un fonctionnement asso- Les Jours dans l’optique de faire du profit. ponse. Dans un monde idéal, la réponse serait nisme de cette aide. Il est basé sur une taxe ciatif et les valeurs d’une association. Le FSER leur amour de la presse. Mais personne n’est sur les recettes publicitaires des radios et té- est souvent attaqué par les radios commer- Concernant la question des aides et des sub- dupe. Cela dit, beaucoup de personnes du lévisions commerciales, redistribuée aux radios ciales, qui le perçoivent comme de la concur- ventions, les dispositifs dans le secteur de la même profil n’investissent pas dans la presse. sous statut associatif, qui ont moins de 20 % de rence déloyale, une ponction injuste dans leurs musique et celui de la presse se ressemblent. Que viennent-ils chercher ? Matthieu Pigasse, recette publicitaire dans leur chiffre d’affaires. recettes légitimement gagnées, pour les re- Les Jours auraient eu besoin d’un soutien col- quand il investit dans les Inrockuptibles, média Ce dispositif est assez unique. Il permet d’ob- distribuer à des radios que personne n’écoute. lectif, notamment du ministère de la Culture qu’il lisait adolescent, assume une forme de tenir des financements d’installation, une sub- En ce moment, les attaques sont vraiment très et de la Communication qui leur aurait permis nostalgie assez personnelle, autour d’un mythe vention de fonctionnement et des subventions virulentes, ce discours fortement porté auprès d’être plus libres dans leurs choix, concernant rock’n’roll. En revanche, quand il investit dans le d’équipement tous les 5 ans. Pour donner un des pouvoirs publics. Enfin, il est possible de notamment ces problématiques d’actionna- Monde, c’est pour imiter Xavier Niel. Ces inves- ordre d’idée, les sommes maximales que peut s’appuyer sur d’autres modèles de structuration riat. Mais l’intégralité des dispositifs qui per- tisseurs s’entraînent les uns les autres. Xavier toucher une radio associative sont de 15 000 € coopératifs que l’associatif et d’obtenir tout de mettent de soutenir des médias ont été créés Niel, lui, achète de l’influence potentielle. Les de subvention d’installation, 40 000 € par an même une fréquence. Mais dans ce cas la radio à l’époque des médias papier exclusivement 50 000 € qu’il investit dans Les Jours consti- de subvention de fonctionnement (presque ga- n’est pas éligible au FSER. et n’ont pas été transférés aux médias numé- tuent une première étape au cas où le journal rantis) et entre 15 000 et 30 000 € selon les an- riques. Les Jours sont donc exclus de tout en ligne connaisse une forte réussite qui lui nées, en fonction de la valeur des points attri- Pour rejoindre les propos exprimés par Chris- un système d’aides alors que dans le même permettrait de réinvestir plus d’argent par la bués, pour organiser des programmes et de la tian Ruby concernant la notion d’indépen- temps ces derniers permettent à des médias suite, et un moyen de garder une influence sur communication sociale de proximité. Concer- dance, les radios associatives ont tout inté- qui n’ont presque plus de lecteurs d’exister. le journal. C’est pourquoi Les Jours ont estimé nant cette notion d’indépendance, toute radio, rêt à être très dépendantes de leur territoire Les systèmes d’aides n’ont pas évolué avec leur primordial de verrouiller les possibilités des in- si elle est de forme associative, se positionne d’implantation. Et elles sont également très époque ce qui oblige des médias tels que Les vestisseurs en cas de succès éventuel. Il s’agit clairement comme radio indépendante. Elles dépendantes des projets radiophoniques qui Jours à se tourner vers des investisseurs pri- pour eux d’un questionnement permanent, qui le sont en tous les cas de la publicité, comme existent par ailleurs sur leur territoire. Elles vés à défaut d’avoir encore conquis suffisam- pose également plus largement la question du peuvent l’être Les Jours. En revanche, cette doivent marquer leur différence, proposer des ment de lecteurs, ou à réduire leurs ambitions. fonctionnement des médias. Mais les faire vivre indépendance n’est pas totale, car les radios projets qui ne se font pas ailleurs. Canal B dé- Ils se sont un peu inspirés de l’état d’esprit de à travers des subventions n’est pas forcément associatives doivent être autorisées par le fend cette position de média de niche. Les ra- Médiapart, qui a vécu exactement les mêmes souhaitable non plus. En revanche, mettre en CSA comme toutes les radios. Il existe donc dios associatives ont vocation à s’adresser au problématiques dont cette obligation de faire place des systèmes citoyens qui permettent à tout de même une régulation contrairement à plus grand nombre, mais pas par flatterie. Les rentrer dans leur capital des investisseurs « à des médias qui enrichissent la démocratie de Internet où chacun est totalement libre de ses passerelles qui amènent à écouter ces radios reculons » au cours de leurs premières années naître et d’atteindre un niveau d’indépendance contenus. Le dossier d’autorisation du CSA est ne passent pas par des chemins traditionnels d’existence. Médiapart a ensuite conquis suffi- financière suffisant pour exister sans cette aide assez complexe à remplir et évalué notamment de réseaux sociaux, de publicité, de notoriété, samment d’abonnés pour faire sortir ces inves- est un bienfait pour la société. selon la capacité à maintenir un budget, des de marque… tisseurs en rachetant leurs parts, ce qui en fait éléments techniques et des éléments de pro- aujourd’hui un média totalement indépendant. jet : produire au moins 4 heures du programme Concernant les rapports avec les pouvoirs Il s’agit d’un idéal de presse vers lequel Les d’intérêt local et des rubriques locales. Dans ce publics et les collectivités, certaines radios Jours souhaitent tendre. Leurs investisseurs Intervention de Patrick FLORENT, processus intervient donc également la notion associatives sont aussi soutenues par les col- sont officiellement au courant de cette inten- directeur de la radio associative de communication sociale de proximité. lectivités territoriales, très différemment d’un tion à moyen terme, il s’agit d’un accord signé. rennaise Canal B territoire à l’autre, d’une ville à l’autre. Rennes Quand Les Jours auront les moyens de rache- Le FSER est un dossier qui va fortement in- est très favorisée par rapport à d’autres ter- ter leurs parts, elles leur seront cédées. Ce Au niveau radiophonique, et c’est peut-être fluencer le projet et la vie des radios associa- ritoires. Pour Canal B, les critères du FSER

16 17 peuvent à la fois servir à l’évaluation de leur dio Campus France6 (réseau national des radios positionnent clairement sur la RNT pour mono- Disques a été monté en 1993. Il a sorti environ projet radiophonique et correspondre aux pré- étudiantes françaises). À Canal B, chaque émis- poliser de la place. Il y a un enjeu réel pour les 250 disques avec ces deux labels et quelques occupations de leur collectivité d’implantation, sion est autonome dans sa programmation, radios associatives à se positionner clairement groupes ont connu une certaine réussite : Lu- notamment celles de ne pas favoriser unique- mais les animateurs ont également conscience sur la RNT, pour occuper des places, bénéfi- crate 1000, les Béruriers Noirs, Ludwig von 88, ment le centre des villes. L’enjeu principal est qu’ils ne doivent pas se limiter strictement à ce cier de cette ressource gratuite (les fréquences les Satellites, les VRP, Les Nains d’tropo… Ils aussi de faire comprendre que ces radios ne qu’ils apprécient. Chacun mène une réflexion sont gratuites). On parle des bénéfices d’Inter- ont eu la chance d’évoluer dans un créneau où sont pas seulement des outils de communi- approfondie sur sa démarche, ses choix de pro- net, mais il ne faut pas oublier que pour écouter aucune autre proposition n’existait. cation supplémentaire pour les collectivités, grammation. la radio sur son mobile ou via Internet, on paie les pouvoirs publics. Elles le sont aussi pour chaque mois un opérateur. Quelle indépen- À cette époque, structurellement, le rock fran- les acteurs du secteur musical : labels, salles Canal B entretient des liens forts avec de nom- dance dans ce schéma ? çais n’avait pas encore d’histoire et les autres de concert, festivals… Ces radios choisissent breux acteurs de son territoire, tissus associa- structures existantes n’étaient pas du tout in- leurs contenus parce qu’elles y trouvent un in- tifs et citoyens. La radio appartient en quelque Patrick Florent conclut son propos en abordant téressées par les styles qu’ils défendaient. La térêt qui n’est pas celui de la rentabilité, elles sorte à tout le monde, permet de construire le traitement de l’information locale. Le choix démarche d’indépendance était donc surtout ne sont pas à la recherche de sujets « clé en des projets collectifs. Par exemple, une ma- de Canal B est de traiter moins de sujets que les induite par la nécessité de se débrouiller par mains ». Canal B a réussi à instaurer ce genre nière différente de produire de l’information autres radios et de privilégier le reportage, sur soi-même et relevait de quelque chose de de rapport avec les organisateurs. prônée par Canal B consiste à laisser les bé- un temps plutôt long, plutôt que les interviews clivant, « en opposition à ». Il s’agissait prin- névoles choisir leurs sujets, leurs angles d’ap- en plateau qui sont plus simples à produire, cipalement d’une opposition aux majors du Le fonctionnement des radios associatives proche, même si un cadre de départ leur est mais vont traiter de moins de choses. Canal B disque, qui à cette époque étaient au nombre s’appuie sur des bénévoles et des salariés. Ca- proposé. La radio a beaucoup développé tout a renoncé depuis 2 ans à proposer un flash info de cinq. Par un processus classique de recom- nal B a fait le choix d’une importante profes- ce qui a trait à l’éducation aux médias. Pas seu- quotidien qui pourrait rapidement se limiter à position capitaliste, aujourd’hui, ces majors se sionnalisation et compte désormais 5 salariés lement parce que cela permet de déclencher lire le flux RSS de Ouest France ou d’autres mé- sont absorbées les unes les autres pour n’être permanents. Mais elle compte également 70 des financements, mais aussi parce que c’est dias locaux et relayer des informations que tout plus qu’au nombre de trois. Avec l’apparition bénévoles qui assurent la plus grande partie dans l’ADN de la radio. Cette orientation était le monde a déjà eu. Un travail de fond est plus du numérique, d’autres acteurs arrivent sur des émissions. déjà inscrite dans son projet de départ quand utile pour par exemple évaluer l’impact d’une le marché de la musique et « redistribuent les peu de moyens étaient mobilisables sur cette politique locale, de l’action d’une association, cartes ». Il est beaucoup plus difficile d’ima- L’indépendance se traduit également dans le thématique. Il s’agit d’une question que la radio et ainsi faire dialoguer les sujets et les per- giner dans le contexte actuel ce qui a été fait rapport aux auditeurs. Le projet n’est pas ré- creuse aujourd’hui, car elle lui donne de plus sonnes entre elles. Que les radios redeviennent dans ces années 80. Marsu fait le constat d’une fléchi et construit en fonction d’une cible. Le en plus de sens : expliquer comment l’informa- un lieu de débats, d’échanges est pour eux pri- perte de sens assez généralisée. but est bien évidemment d’être écouté, mais tion est fabriquée, comment elle arrive jusqu’à mordial. pas « d’être écouté le plus possible ». Ca- l’auditeur de quelle que manière que ce soit, du D’une manière systématique, la musique indé- nal B cherche à éditorialiser ses contenus, à flash info sur NRJ au journal de France Culture. pendante est associée un système vertueux, aborder des sujets permettant d’insuffler de de rapport direct avec les groupes… Selon lui, la médiation entre le contenu et l’auditeur, lui Patrick Florent aborde ensuite les évolutions Intervention de MARSU, label ma- il ne s’agit ni plus ni moins que d’une posture donner des clés de compréhension, l’envie d’al- technologiques, qui viennent fragiliser en ap- nager de Crash Disques (Paris) marketing à l’instar de parler de pop quand il ler chercher de l’information, du contenu par parence les radios telles que Canal B : écoute s’agit de variété. En l’occurrence, le fait d’être lui-même. Revendiquer l’indépendance pose en ligne, webradios, streaming, écoute à la de- Marsu introduit son propos par un petit retour indépendant ne renvoie aujourd’hui qu’au fait question, quand l’objectif est d’être le plus vi- mande… Canal B s’est interrogée sur la manière historique. Il a connu l’époque des années 80 de ne pas appartenir à une major, ce qui im- sible possible sur Youtube ou Itunes que les de repositionner un projet de radio associative qui a vu le boom du rock, à l’époque estampillé plique ente autre d’être issu du terrain. Gé- moyens ne sont déployés que dans cet objectif. dans ce contexte. Son choix s’est tourné vers « alternatif » et des labels qui lui étaient asso- néralement, il s’agit d’une solution prise par l’éditorialisation et de ne pas se limiter à être ciés. Il faut savoir que ce débat sur les labels absence d’autres choix, une suite assez natu- L’indépendance est également malmenée du une simple radio musicale. Des enjeux existent indépendants est assez vieux, voire dépassé relle à l’autoproduction et qui correspond à fait des nouveaux modes d’écoute de la radio. également autour du déploiement de la radio depuis au moins 15 ans. Autant à une époque des groupes qui viennent du terrain, décident Les radios associatives ne sont pas du tout numérique terrestre (RNT). Sans entrer dans être indépendant a pu signifier défendre un po- de s’autonomiser, prendre en main leur destin soutenues sous l’angle des nouveaux modes les détails, celle-ci va compliquer le travail des sitionnement à la fois juridique et économique et de développer leur projet par eux-mêmes d’écoute de type podcast ou écoute en ligne… radios associatives, leur autodiffusion, du fait tout comme social et politique. Autant avec puisqu’ils ne trouvent pas de partenaires pour Il n’existe pas de financements et donc de mo- de l’augmentation des coûts. La manière dont l’évolution du monde de la musique, des modes les épauler. La notion de contrôle, artistique dèles économiques viables pour les webradios. va se développer la RNT entraîne des risques. de consommation et des outils, actuellement sa et économique, entre éventuellement elle aus- Il est annoncé qu’elle permettra à l’auditeur signification a beaucoup évolué, dans un sens si en ligne de compte. Mais être indépendant La mise en avant de la diversité musicale est d’avoir accès à une offre radiophonique beau- relativement négatif. Le premier disque sorti signifie selon lui être en réalité « dépendant aussi l’un des projets fondamentaux des radios coup plus diversifiée. Il ne semble pas que les par Marsu était celui du groupe indépendant de tout » : d’un distributeur, d’un presseur de membres de la Férarock5 (Fédération des ra- choix opérés aillent dans ce sens. Au mieux, le Lucrate 1000 en 1980. Il a ensuite monté son disques... En ce moment les indépendants qui dios associatives musiques actuelles) ou de Ra- paysage radiophonique existant sera reproduit. premier label indépendant, Bondage records, souhaitent produire des disques vinyle sont Aujourd’hui, les grosses radios dominantes se puis Bondage production en 1984, qui ont contrariés, car les majors souhaitent aussi dé- existé une petite dizaine d’années. Puis Crash velopper ce support, générant un « embouteil- 5 - https://ferarock.org/ 6 - https://www.radiocampus.fr/ 18 19 lage », car ces dernières sont privilégiées. Des indépendante, mais il ne s’agit pas forcément de nombreuses personnes, la notion d’indé- libres parviennent quant à elles à poursuivre résultats obtenus en quelques semaines (il y a d’une manière de fonctionner indépendante, pendance est un moyen de créer une sorte de un travail assez extraordinaire en faveur de la encore quelques années) prennent maintenant celle-ci est parfois très éloignée d’une pos- nuage de vapeur pour cacher des pratiques qui diversité au regard de leurs moyens. Il semble à près de six mois. Il s’agit d’un exemple typique ture éthique. Être indépendant n’empêche pas sont celles du vieux système et qui impactent Marsu qu’un modèle défendant l’utilité sociale de dépendance. d’être le rouage d’une machine plus importante les rapports entre les professionnels de la mu- d’un média ou d’un lieu de musiques actuelles et qui recoupe un point de vue politique. sique. n’a pas su être négocié avec les pouvoirs pu- L’indépendant est également dépendant de blics lorsqu’il le fallait. Ce rapport de force son public, des organisateurs de concerts, de La notion d’indépendance est pour autant au- Comment des projets de lieux, qui étant perdu, ne subsiste aujourd’hui qu’un l’intérêt des médias envers leur projet. À ce su- jourd’hui très chère à Marsu quand elle relève tendent vers un travail autonome et schéma où le libéralisme verrouille peu à peu jet, la notion de média indépendant a en effet d’une volonté de sortir des normes de la pro- cherchent à défendre la diversité mu- les rapports. De même qu’au sein du service énormément compté. Les radios libres et les fession, à savoir être rentable et facilement public il n’est plus question d’usagers, mais de sicale, peuvent-ils travailler avec les fanzines, avant l’époque d’Internet, jouaient monétisable. Le secteur connaît un boulever- clients, dans le milieu de la musique les rap- un rôle prépondérant, au même titre que les sement avec le numérique, qui était censé être artistes, les labels, pour préserver cette ports de droits ont laissé place à des rapports concerts, à partir du moment où des groupes une ouverture globale, une possibilité d’avoir chaîne alternative, voire de contre- de consommation. Une fois ce glissement opé- étaient capables de tenir la scène et de fidé- accès à tout et qui se trouve en fait générer un culture ? ré, tout espoir semble éteint. Rien n’empêche liser du public. La diffusion de la musique fléchage sur quelques artistes, quelques sites. en effet, une fois ce schéma en place, l’arrivée s’effectuait alors de personne à personne, Quand il a intégré le marché de la musique, les Il semble évident que le secteur a basculé dans d’acteurs étrangers qui n’ont à proposer que de par bouche-à-oreille, préfigurant les réseaux majors représentaient environ 80 % du mar- le schéma de la professionnalisation avec le dé- la « marchandise musicale ». Au sein des labels sociaux. Et cela dépendait de cette capacité ché. Avec l’arrivée du numérique, et du strea- veloppement des salles de musiques actuelles. indépendants, de nombreux acteurs de longue des groupes, eux-mêmes issus du terrain, à se ming en particulier, les chiffres n’évoluent pas, Or, s’il était possible de chiffrer et de mettre en date travaillaient auparavant pour des majors mettre dans la situation de leur public. « Est-ce stagnent aux alentours de 78 %. Les évolutions perspective en France le nombre de formations et se targuent désormais d’être indépendants. que les gens s’amusent ? Est-ce qu’ils sont bien de ces 15 dernières années ont simplement gé- et dispositifs à destination de la profession- Mais il s’agit peu ou prou du même business accueillis ? Accèdent-ils à un espace où ils vont néré l’émergence d’un nouvel oligopole de 6 nalisation des musiciens, le nombre d’artistes model, seule la hauteur des moyens financiers pouvoir à la fois célébrer et en même temps ou 7 entreprises, les GAFAs, auxquelles il faut professionnels qui vivent de leur musique et le mobilisés diverge. Schématiquement, seul le créer de la relation, sortir de leur anonymat, de ajouter Deezer et Spotify (les Majors possédant nombre réel d’artistes et de productions, une fait de travailler sur un marché de niche ou non leur solitude voire intégrer une famille. À partir environ 20 % de ces deux dernières). Celles-ci immense disproportion pourrait être présup- différencie aujourd’hui les indépendants des du moment où ces conditions sont remplies, on renouvellent la logique d’un fléchage automa- posée. Les salles musiques actuelles se sont majors. En major, des directeurs du marketing a plus de chance d’avoir un public fidèle, qui va tique des propositions monétisables. Obser- multipliées du fait d’une demande du public, ciblent un public, puis un genre musical puis faire légion, porter et transmettre les valeurs et ver le streaming et dans une moindre mesure qui avait le désir de voir des concerts dans des proposent un produit. Dans la même logique les méthodes de l’indépendance ». L’avantage le téléchargement, qui tend à s’effondrer ces conditions correctes. Il semblait logique qu’au les indépendants identifient des niches de de ces méthodes de développement réside dernières années, amène au constat que 25 même titre que les pétanqueurs puissent dispo- marché spécialisé, métal, hardcore mélodique, dans les faibles moyens qu’elles mobilisent. Il artistes absorbent le plus gros de la circula- ser de terrains de pétanque et les footballeurs hip-hop radical... Et proposent un produit cor- existe une connexion évidente entre le « Do It tion des œuvres. Alors qu’une offre énorme de terrains de football, les rockers puissent respondant. Avec des moyens plus réduits, à Yourself » et l’indépendance. est disponible, la majorité du public se rend également disposer de lieux dédiés. Mais ces une autre échelle, avec des méthodes de mar- sur Facebook, Youtube, Deezer et Spotify, où créations de lieux ont été négociées toujours keting plus directes, plus proches du public, Tout ce qui est indépendant ne peut pas pour les playlists sont prédéfinies et les choix déjà dans des rapports de force, avec pour objec- les indépendants reproduisent finalement des autant être considéré comme ayant des vertus validés par les gros acteurs économiques. Au tif la pérennisation des emplois au détriment schémas commerciaux classiques. miraculeuses. Il s’agit en réalité d’une gamme lieu de développer une curiosité, une capaci- d’une marge d’autonomie de programmation. de structure qui vont de l’autoproduction in- té, un libre arbitre artistique, chez l’auditeur, C’est pourquoi aujourd’hui des acteurs étran- Autre phénomène notable, dans le milieu de tégrale vers un modèle de petite voire de ce mécanisme crée exactement l’effet inverse, gers s’immiscent de plus en plus dans les choix la musique : ce sont les acteurs ayant « pignon moyenne entreprise. Marsu a d’un côté pu une concentration des écoutes de la majorité. de diffusion, Live Nation en tête. Une quaran- sur rue » qui disposent du plus de moyens. On observer des structures indépendantes ayant Il s’agit clairement d’une stratégie financière. taine de salles en France offre aujourd’hui un l’observe concernant la production. De plus en des rapports vertueux avec leurs artistes, des Bien sûr, certains artistes arrivent à sortir du boulevard aux tourneurs, les mêmes program- plus de tourneurs vont s’occuper de la promo- rapports horizontaux basés sur des prises de lot. Mais par rapport à la créativité réelle de mations se retrouvent d’un endroit à l’autre. La tion des artistes, car ce sont eux qui dégagent décisions collectives, des logiques d’allers-re- la scène musiques actuelles au sens large, ils programmation de groupes locaux y occupe de l’argent. Actuellement, sortir des disques tours dans les choix, la direction artistique. sont peu nombreux. « Combien de PNL compa- une place très réduite, et le cas échéant il s’agit n’est pas rentable, sauf d’artistes déjà vendus D’un autre côté, les contrats les plus contrai- rativement aux groupes qui sortent des vinyles souvent des quelques mêmes groupes, lauréats d’avance. Ou alors des petits formats vendus gnants qu’il a pu observer dans la musique se à 300 exemplaires et sont extrêmement fiers de tel dispositif ou vainqueurs de tel tremplin très cher, une sorte de marché du luxe. situaient du côté des indépendants. Les pro- de les vendre au cul du camion » ? Les notions et qui se produisent partout dans leur région. ducteurs anglais qui ont donné l’exemple de qui régissent l’ensemble de la création et de Ce schéma ne favorise pas la diversité. Il est S’agit-il alors d’une logique du type ce que doit être l’autonomie financière, dès les la production musicales sont le libéralisme et pour autant compréhensible qu’au regard de « small is beautiful » ? Il y aurait une années 80, proposaient, en même temps qu’un la rentabilité. Il faut renverser cette logique, la faible marge financière dont ils disposent, taille critique pour garantir la diversité contrat d’artiste, un contrat de merchandising réaffirmer ses souhaits et se demander com- ces établissements aient de moins en moins la et l’indépendance, au-delà de laquelle et un contrat d’édition. Une structure peut être ment travailler vis-à-vis de cet objectif. Pour possibilité de prendre des risques. Les radios elles seraient impossibles ? Au sein de 20 21 l’écosystème musical, l’alliance de gros des concerts dans d’autres lieux... ». Pour Mar- gner sa vie. Selon lui, la musique le sauve et il l’étranger. Une partie de ce que représente le et petits acteurs ne permet-elle pas de su, certains lieux cherchent bien sûr à se di- se trouve nettement plus autonome et libre en festival n’est pas exportable en l’état. De plus, garantir cette diversité ? Les structures versifier et se positionner de manière clivante. fonctionnant ainsi. Il ne dénigre pas pour au- à l’étranger, une forte concurrence existe en labellisées SMAC, conventionnées par Mais cela n’empêche pas le constat que la ma- tant les salles et les radios libres, a encore en- termes de festivals véhiculant une image forte jorité des concerts de groupes de niches spé- vie d’y proposer des choses. Il souhaite que ces et proposant une programmation de qualité. l’État ne pourraient-elles pas être ga- cialisées sont produits hors des SMAC. D’au- radios, journaux indépendants puissent encore Certaines têtes d’affiche, des groupes légen- rantes d’un travail en collaboration, en tant qu’en parallèle, des artistes qui devraient s’exprimer librement, dire la vérité. Il ajoute daires américains de hardcore par exemple, ne complémentarité avec les structures les normalement évoluer au sein des circuits com- que selon lui, les auditeurs « ne sont pas des font aucune date en France lors de leur tournée plus petites telles que les cafés-concert ? merciaux bénéficient d’importants soutiens moutons ». C'est à force de se sentir déconsi- européenne. Pour lui, la singularité de la struc- financiers. dérés, qu'ils ne fréquentent plus les salles et les turation de la scène française génère des blo- Pour Marsu, le secteur ne fonctionne pas ainsi. festivals où les concerts sont trop chers. Une cages évidents. « C’est comme de croire que dans la jungle le Marsu souligne que les premières discussions certaine baisse de la fréquentation lui semble tigre ne va pas manger l’antilope… ». Les majors autour de la création d’un CNM étaient inté- assez logique. La singularité des salles de diffusion mu- représentent 75 / 80 % du marché. Les acteurs ressantes, car elles intégraient à la fois les ma- siques actuelles en France, un frein pour économiques, à toutes échelles, se contentent jors et les indépendants. Néanmoins, Universal Marsu ajoute qu’un autre phénomène lui la diversité ? de reproduire les mêmes schémas, les mêmes se positionnait en affirmant que détenir 60 % semble à l’œuvre concernant la problématique du marché induisait de bénéficier de 60 % de la fréquentation. Avec le développement contrats et donc les rapports de force qui ca- Les propos énoncés génèrent des réactions des subventions et aides des sociétés civiles. du numérique, il fait le constat d’une évolution ractérisent les majors. Évidemment, l’existence de la part de l’auditoire. Un participant té- Évidement les indépendants prônaient un dis- fondamentale dans la manière de « consom- d’acteurs indépendants puissants et intègres moigne. À une époque, les lieux étaient de cours différent, défendaient l’idée qu’il fallait mer » la musique. Elle peut être accessible par- serait nécessaire dans un « écosystème ». Mais véritables lieux de vie, le public venait vivre favoriser la diversité et donc les petits acteurs. tout, à tout moment, sans effort. « La musique avec la marchandisation généralisée à l’œuvre une expérience en partie musicale, mais éga- Mais la discussion n’était pas bloquée. Marsu est devenue quelque part un bruit de fond de au sein de la société, cela semble impossible. lement humaine. Aujourd’hui, ces derniers sont entretient l’espoir qu’il en sera de même avec nos vies numériques, il n’y a plus d’enjeu à écou- Il observe ainsi le fonctionnement du secteur : plus devenus des lieux de consommation de le projet actuel de CNM. Il est pour lui impen- ter de la musique ». Pour lui, ce qui motivait le chez les indépendants, les professionnels sont concerts. Pour autant, les professionnels des sable de tirer le secteur vers le haut sans inclure public à se rendre dans une salle de concert surchargés de travail, exploités jusqu’à l’usure, lieux ne peuvent être accusés de l’ensemble dans les discussions des notions de quotas, de était d’y trouver quelque chose de différent, ont recours à l’excès à des stagiaires sur des des maux et des problèmes rencontrés par la diversité culturelle, de travail en lien avec les d’y vivre une aventure. À partir du moment où temps courts. Ce n’est ni vertueux, ni honnête, filière musicale. Chaque partie prenante de la acteurs de terrain. la seule intention est de reproduire des modes ni un chemin vers plus de diversité musicale filière a sa part de responsabilité. Elle ne peut de consommation dominants, il n’y a plus au- et vers la défense des intérêts de la musique pas incomber uniquement aux équipes. Les cune excitation, plus aucune subversion. Dans dans son ensemble. Il faut rentrer de l’argent. lieux font partie d’un système qui s’est énormé- les clubs ou les salles de concert à l’étranger, Actuellement, un distributeur de musique sur- Intervention de Pierre « PIT SAM- ment structuré, normé. Les lieux l’ont accep- l’histoire recouvre les murs, l’endroit est valori- vit grâce au streaming, sans quoi il ne survivrait té, car ils ont cherché à avoir plus de moyens PRAS », artiste, auteur, chanteur, sé à travers sa dimension légendaire. Dans les pas. pour mener leurs passions, leurs envies. Ces guitariste (Burning Heads, Monde salles de type SMAC, en France, les murs sont moyens émanent principalement des pouvoirs noirs, malgré bien souvent des histoires extrê- Concernant les lieux de type SMAC, que Marsu De Merde) publics. Ces derniers, au-delà de leur volonté mement riches. Le public est à la recherche de observe de sa position d’acteur depuis 35 ans, d’aménagement du territoire, afin d’accueillir Pierre partage une vision assez pessimiste cette plus-value culturelle, sociale, voire pure- il fait le constat de beaucoup de structures pei- normalement des groupes pour des concerts, des choses. Il introduit son discours en préci- ment affective. À partir du moment où le seul nant à entretenir un lien avec le terrain. Il les de la répétition, de l’accompagnement, dissi- sant avoir attendu en vain l’utilisation dans les but est que le public vienne voir l’artiste du mo- considère plutôt comme des « Deus Ex Machi- mulaient probablement également une volonté échanges du mot liberté d’expression bien qu’il ment, qui a déjà un nom, les lieux s’exonèrent na » qui décident de qui est légitime ou non. « de contrôle. Un ERP est synonyme de nom- ait été effleuré lorsqu’il était question des ra- de cette dimension « image de marque » et de Au départ, des personnes se sont lancées sur la breux contrôles, d’un respect de la législation dios libres. Il serait plus important selon lui de la nécessité d’une fidélisation. base d’une notoriété acquise autour d’une petite sociale liée aux embauches, équipes, artistes, parler de liberté artistique : « dire ce que l’on Pierre affirme ainsi que lors de la création de structure, en tant qu’organisateurs de concert, techniciens, contrôle d’accès au lieu, contrôle veut, sortir la pochette que l’on veut, chanter les l’Astrolabe, à Orléans, il n’a pas été possible en partie grâce à des concerts de rock alterna- à la sortie du lieu… Cela n’empêche pas un re- textes que l’on veut… ». C’est cette liberté et d’accrocher l’affiche du premier concert dans tif à la rentabilité assez importante du fait de gard critique. l’afflux de public. Ils se sont appuyés sur cette cette autonomie qu’il a recherchées ces trente la salle de peur d’abîmer les murs. dernières années avec les Burning Heads. Or, Marsu rebondit en illustrant son propos avec crédibilité pour installer une discussion avec Un autre représentant d’un lieu témoigne être en signant sur des labels « soi-disant indépen- l’exemple du Hellfest. Pour lui, le festival est les pouvoirs publics et faire émerger un lieu. Au passé d’un budget annuel de 500 000 francs dants », ils n’étaient pas libres de faire ce qu’ils parvenu à fidéliser un public, car il se rend au bout d’un moment, émergent de la scène locale à ses débuts quand il est aujourd’hui d’un mil- voulaient. Et en signant chez des majors, la festival pour célébrer collectivement une mu- les « groupes amis » des personnes en question lion d’euros. Il est possible d’y voir un signal situation était encore pire. Ils ont donc finale- sique. La programmation en devient presque ou du moins les musiciens que ces derniers ont positif, mais le système a également abouti à ment fait le choix d’évoluer seuls, peu importe secondaire. C’est sans doute pourquoi des identifiés comme les espoirs de la scène locale. une normalisation et donc à un certain nombre le nombre de disques vendus. Pierre a une producteurs hésitent, malgré le rachat de Et dans le même temps, les associations orga- d’obligations. Des moyens ont été débloqués passion, la musique, et travaille à côté pour ga- la marque, à lancer une ou des édition(s) à nisatrices de concerts se mettent à réorganiser pour aménager le territoire français avec des

22 23 lieux dédiés aux musiques actuelles et leur ga- L’établissement peut être magnifique, mais de PNL de manière négative, mais avec un juge- de l’écoute et de l’économie de la musique, est rantir des marges financières artistiques pour « ne raconte pas son histoire ». De plus les ca- ment purement technique et objectif. Il consi- un modèle du simple et pur volume de l’écoute. pouvoir programmer. Mais peu de moyens ont fés-concerts disparaissent et les lieux dédiés, dère le phénomène plutôt comme un « miroir Il ne génère pas ou peu d’argent en l’absence été alloués en direction de l’action culturelle, souvent situés en périphéries, obligent à se aux alouettes », un exemple qui permet de sor- d’un important volume d’écoute. Les plate- pour éduquer à la diversité musicale. Pour au- déplacer avec son véhicule personnel ou à dé- tir certains artistes du lot quand la plupart de formes de streaming ont été créées, avec l’ap- tant ce type de démarche fonctionne bien. Et pendre de réseaux de transports en commun la scène est au plus mal. Il s’agit pour autant pui des majors qui ne comprenaient sans doute les responsables de lieux ont conscience que pas toujours adaptés. Cela décourage à se dé- d’un parfait exemple de réussite en DIY. Dans pas très bien la portée des contrats à l’époque, les modes de consommation de la musique placer à moins de n’être réellement passionné. leurs actions de promotions, permises par les sur un système du chiffre, de la data. Il y a au- ont profondément évolué. Pour les générations réseaux sociaux, ils touchent justement à des jourd’hui un nécessaire débat politique à porter d’aujourd’hui, l’écoute de la musique est gra- Marsu élargit la discussion en abordant la no- phénomènes de connivence, de connexion di- d’une transformation de ce Nouveau Monde tuite. Cela a peut-être des conséquences sur le tion d’amateur. Il rappelle que beaucoup de recte avec le peuple. de l’écoute de la musique qui s’impose aux rapport que cette nouvelle génération a au live. groupes avec lesquels il collabore sont ce que le professionnels, au public, aux artistes et dont Pour autant, quand une structure programme sociologue Gérôme Guibert a appelé des ama- Pour Sofian Fanen, du média Les Jours, le tous souffrent. Tous souffrent de cette logique du rap très médiatisé, une musique plus en teurs vétérans. Il s’agit de personnes qui n’ont groupe PNL redéfinit la notion d’indépendance du volume d’écoute imposé par le streaming phase avec l’écoute de cette jeune génération, pas choisi de faire de la musique pour en vivre, dans ce qu’elle a de plus actuel. Et il rappelle et les revenus publicitaires. Celle-ci n’a aucun les places de concert peuvent être vendues mais parce qu’ils aiment ça. À force de temps et que ce groupe entraîne de nombreux autres sens pour beaucoup de genres musicaux, tels en quelques heures à un tarif très élevé. À l’in- de travail, certains de ces groupes produisent artistes dans son giron. Il fait le constat d’un que la musique ambiante ou le black metal par verse, une programmation basée sur une forte des disques non seulement bon artistiquement phénomène actuel autour du hip-hop. Mais si exemple. Sans une transformation, le secteur diversité artistique, même gratuite, ne garantit parlant, mais qui en plus se vendent bien. Mais le streaming était né à un autre moment musi- stagnera dans un modèle où l’underground pas une fréquentation élevée, de même que la leurs membres ont une activité professionnelle cal, cela aurait été une autre musique. Le style dans sa prise en compte la plus vaste , c’est- programmation d’esthétiques médiatisées, de par ailleurs et jouent donc rarement dans des n’est finalement pas très important. Mais cet à-dire 99 % de ce qui est produit, va souffrir groupes montants. Il est nécessaire d’intégrer structures professionnelles, car ils ne disposent exemple est représentatif d’une forme de l’en- de l’absence d’un modèle économique qui lui que la situation actuelle est extrêmement com- pas de tourneurs et ne répondent pas toujours trepreneuriat rap qui est majeur en France au- sera viable. Or, ce n’est pas parce que l’on est plexe à appréhender, même pour un program- aux exigences légales, ne produisent pas de jourd’hui. Il y a eu dans l’histoire de nombreux un label indépendant que l’on n’est pas à la re- mateur de très grande qualité. déclarations en bonne et due forme. Ils jouent autres exemples d’émergences culturelles de cherche d’un modèle économique équilibré. malgré tout un peu partout en France, en s’ap- la sorte, très indépendantes : le disco, le punk, Aujourd’hui, l’équilibre est brisé par ce système Marsu reconnaît que les salles sont en effet puyant sur leur réseau et en procédant à des la house, la … Il s’agit simplement d’une dominant du streaming. Ce débat à venir est dépendantes d’un écosystème global et insiste échanges avec d’autres groupes. Il a le senti- génération d’artistes musicaux qui se saisit des primordial et très lié à celui sur le retour du sur la nécessité de disposer de relais sur le ter- ment qu’il s’agit là de l’avenir de la majorité des outils a sa disposition d’autant plus facilement vinyle. Les labels s’appuient sur le vinyle, car rain. Certains groupes sont en mesure de jouer musiciens. De plus en plus de groupes, pour que leur émergence coïncide avec elle. Pour ils ne peuvent pas bénéficier de l’économie du ce rôle de relais via leurs réseaux sociaux. créer de manière indépendante, sans subir de autant, PNL bénéficie de l’appui de Believe, streaming. PNL a la chance d’avoir un très fort contrôle sur leur expression, sont obligés de acteur important de la profession. Mais ils ont volume d’écoute. Mais derrière eux existent un Pierre confirme que le réseau est fondamen- s’autosubventionner et de payer eux-mêmes ce refusé par ailleurs des propositions financières nombre très important de rappeurs qui n’ont tal. Les Burning Heads ont sorti leurs derniers qui va leur permettre d’exister socialement. extrêmement importantes des majors, Univer- pas ce volume d’écoute, qui n’ont quasiment albums sur 7 ou 8 labels différents, tous relais sal, Sony et Warner. Car en fin de compte, ils pas de revenus, malgré leur communauté. auprès d’associations de terrain en France, qui se sont demandé pourquoi perdre leur liberté Toute la musique , rap ou non, a les mêmes investissent peu et récupèrent peu, mais per- Le cas du groupe de rap PNL : un artistique et pourquoi se contraindre avec des problématiques aujourd’hui. mettent au disque de se vendre en 15 jours. équipes de 50 personnes alors qu’ils gèrent exemple de l’indépendance d’au- parfaitement leur projet avec une équipe de Pierre ajoute que pour lui l’indépendance n’a Un participant témoigne en complément jourd’hui ? 10. Ces moyens utilisés par PNL ou d’autres pas de style musical de prédilection, elle ne se que face à des difficultés de programmation rappeurs tels que Jul sont utilisés aujourd’hui limite pas au punk. Il se demande en revanche concernant certaines esthétiques des salles Un participant souhaite revenir sur le cas de par presque toutes les musiques, comme le si le groupe PNL sera encore actif dans dix de région parisienne montent actuellement un PNL, cité par Marsu lors de son intervention. métal par exemple. L’objectif principal est ans. Ces questionnements autour du modèle projet mutualisé, en partenariat avec un collec- Les rappeurs de PNL sont pour lui un exemple de construire sa propre communauté. Il n’y a économique dépendent également pour lui de tif rock pour tenter de mobiliser le public. très représentatif du développement actuel pas lieu à l’opposer à une autre époque, c’est l’intention de vivre ou non de sa musique. Dans de la consommation de la musique. Ils sont simplement différent. Chaque époque a ses le modèle associatif des Burning Heads, quand Un second participant fait état d’un constat capables, à l’occasion de concerts en Zéniths, propres réalités. il n’y a pas assez d’argent dans le pot commun personnel, qu’il estime peut-être purement gé- de mobiliser des milliers de jeunes qui ne fré- pour sortir un disque, chacun remet de sa nérationnel. Il entretient le sentiment que les quentent probablement pas par ailleurs les En revanche, en ce qui concerne le streaming, poche. En tant que musiciens et label associa- salles de nouvelle génération répondent plus à concerts. Le phénomène PNL est très généra- une problématique fondamentale perdure qui tif, ils n’espèrent pas vivre de leur musique, ce des volontés de projets architecturaux et poli- tionnel, il y a trente ans, il aurait pu se produire devrait mobiliser tous les acteurs, notamment n’est pas l’objectif premier. Il a pris le parti de tiques qu’à un projet culturel en soi. Les nou- autour d’un groupe de rock. journalistes et médias qui défendent un mo- laisser de côté ces enjeux, d’avoir une activité velles salles lui donnent parfois l’impression de dèle d’écosystème. Le streaming, tel qu’il a été professionnelle annexe et de se faire plaisir en cathédrales ou de bunkers, un peu aseptisés. Marsu rappelle qu’il n’a pas évoqué l’exemple construit, qui est en train de devenir le cœur restant par ailleurs totalement libre dans sa

24 25 pratique musicale. actuelles qui soit par choix, soit par refus de l’État, ne bénéficient pas de cette labellisation. Patrick Florent ajoute que de la même manière, En général, ni les artistes ni les spectateurs ne les radios associatives fonctionnent essentiel- se rendent compte de ces nuances. Il faut selon lement grâce au bénévolat. Sans ce bénévolat, lui éviter les raccourcis, car il existe une grande Canal B n’émettrait pas à l’antenne 24 heures diversité de lieux. En revanche, en termes d’au- sur 24, 7 jours sur 7. tocritique, le constat d’échec est souvent fait de l’absence de rencontre avec les musiciens Un dernier participant revient sur la question locaux. Un plus grand lien, sur les territoires, des lieux de musiques actuelles en France. devrait exister. La responsabilité est d’ailleurs Concernant leur normalisation, une autocri- parfois partagée avec les musiciens qui ne sont tique est souvent menée au sein même de la pas proactifs vis-à-vis des projets et pourraient fédération. Il concède que certains lieux émer- par exemple intégrer les conseils d’administra- gents ont perdu le charme d’antan, du fait de tion et se mêler du fonctionnement, être partie leur grande taille, leur structure, leur service prenante du projet. de sécurité… Mais il rappelle qu’il ne s’agit pas d’un modèle généralisé. Il s’agit de cer- Le philosophe Christian Ruby propose en tains lieux de musiques actuelles parmi une conclusion de retenir que l’indépendance n’est plus grande diversité de lieux de musiques ac- pas une vertu, mais une tâche. Une tâche ex- tuelles. Il prend en exemple le Run Ar Puns, un trêmement complexe, celle de la relation avec ancien corps de ferme dans le Finistère, avec les autres indépendants, à un public, sachant une jauge de 300 places et labellisé SMAC que la propriété intrinsèque du public est qu’il par l’État. Le terme SMAC ne renvoie pas à un n’existe jamais, mais qu’il est toujours à créer. type d’architecture, un type de lieu ni même un type de fonctionnement. Il s’agit simplement d’un label attribué par l’État et correspondant à un montant de subventions minimum de 100 000 €. Il existe aussi d’autres lieux de musiques

26 27 Présentation de l’atelier par Julien Intervention d’Emmanuel Gouache, Relations entre radios et lieux de Pion, directeur de la Férarock radio Lomax, le 106 musiques actuelles : on continue La Férarock est dédiée à la découverte musi- Comment s’est créée la radio Lomax cale. Plusieurs missions se matérialisent au- dans le cadre d’un lieu tel que le 106, qui jourd’hui afin d’explorer la façon dont la radio est déjà lui-même un projet particulier ? peut se faire, se vivre, s’envisager dans diffé- l’exploration... En quoi cette radio est-elle utile par rap- rentes configurations. À l’occasion d’événe- ments tels que RAFFUT!, POP MIND, les Trans- port aux passerelles qu’elle crée avec le musicales ou le MaMA, des rencontres sont public du 106 et comment a-t-elle géné- Mardi 2 juillet | 16h00-18h30 Haïdouk organisées pour approfondir notre connais- ré d’autres effets qui n’étaient pas initia- sance du rôle des radios dans leur environne- lement anticipés ou envisagés ? ment, savoir comment elles interagissent, ou comment l’environnement interagit, change Ce projet de web radio est né à Evreux à Dans la continuité d’un cycle initié avec la Ferarock lors des précédents RAFFUT! et POP ou évolue, en fonction du projet radiophonique L’Abordage, et au festival Du Rock dans tous MIND, cette table ronde a pour but d’approfondir encore un peu plus la connaissance du qui se met en place. En quoi la radio est un ces Etats. Le lien avec la radio a commencé rôle des radios dans leur environnement. Considérées, à juste titre, comme des médias, média utile pour dresser des passerelles, des parce qu’il n’y avait pas de radios associatives, elles permettent la jonction entre bien des projets, créent des vocations, ont un rôle liens avec des projets, que ce soit de l’action avec la perte de la fréquence du Mouv’. L’idée éducatif essentiel et sont le passage de tout projet artistique en développement. Elles culturelle, que ce soit un chantier d’insertion, était de se recentrer sur des fréquences plus interagissent, aujourd’hui comme hier, avec les acteurs culturels de leurs territoires, que ce soit avec un public de lieu de musique urbaines. Sur le festival, on leur réservait une mais leur action va bien au-delà. Elles construisent des passerelles avec les labels, actuelle ou un public d’un territoire de manière place particulière, tous les artistes passaient globale, et comment ce partenariat va plus loin par là, c’était l’occasion pour eux de faire 15 les réseaux régionaux, les festivals et bien sûr les différents types de lieux en créant qu’un simple lien entre des acteurs qui ont be- jours de radio temporaire, puisqu’ils n’avaient notamment les conditions propices à la rencontre lors des plateaux organisés. Le soin de promotion et d’autres qui sont là pour pas la fréquence permanente, et d’inviter des partenariat va alors plus loin qu’une simple interdépendance promotion / diffusion. promouvoir. acteurs locaux, de faire de la radio associative comme on la connaît avec des passionnés de Nous explorerons ces constructions communes à travers divers exemples et tenterons Ces enjeux seront explorés à travers divers musique qui viennent faire leur émission, avec d’identifier les principaux ressorts de cette alchimie. exemples que représentent les intervenants, des artistes au moment du festival. Malheureu- issus de plusieurs territoires de France : sement, le projet de L’Abordage n’est pas allé • Charlotte WAELI est présidente de Radio jusqu’à son terme. Jean-Christophe Aplincourt Campus France, directrice du réseau des est parti ensuite à Rouen pour travailler sur le Avec... Radios associatives et cofondatrice de projet du 106, il y a 9 ans. Logiquement, on a l’Onde porteuse (Clermont-Ferrand), qui continué à travailler sur cet aspect des choses, CHARLOTTE WAELTI EMMANUEL GOUACHE c’est-à-dire avoir un projet radiophonique dans Cofondatrice d’Onde porteuse Animateur de la radio propose notamment un chantier d’inser- tion et bientôt l’existence d’une radio qui la SMAC. On a donc pensé directement la numérique du 106 va émettre en permanence sur la FM ; construction d’un studio dans le hall d’entrée, (Rouen) vitré avec au début des envies de demander • Jean François BRAU est directeur de la une fréquence hertzienne, des bénévoles qui SMAC 07 en Ardèche, territoire particu- PIERRE-HENRI JEANNIN JEAN-FRANÇOIS viendraient faire de la radio dans ce lieu. Puis lier, car très rural, avec des sites disper- sont venues les émissions, interviews, diffu- Membre du directoire BRAUN sés. Accompagné de son collègue Amau- Directeur de la SMAC sées dès l’ouverture du lieu sur deux radios as- d’Emmetrop et représentant de ry, ils aborderont la question de comment sociatives, Radio Principe Actif et la radio HDR 07 (Scène de musiques Radio Résonance (Bourges) la radio peut permettre de décloisonner à Rouen dont la programmation est proche de actuelles de territoire en des lieux comme celui-ci ; celle d’une SMAC. L’envie était de fournir un Ardèche) • Emmanuel GOUACHE est animateur de service supplémentaire au public qui, en arri- la radio numérique Lomax portée par le vant dans la salle, pouvait découvrir les artistes Animé par... 106 à Rouen. Figure de la radio associa- différemment et les écouter. On a développé tive en Normandie, il est passé par de un secteur multimédia au 106 avec aussi un tra- JULIEN PION nombreux projets radiophoniques jusqu’à vail sur l’image, en filmant les interviews et en Directeur de la Ferarock, réseau aujourd’hui. les diffusant sur les réseaux sociaux et sur les de radios alternatives sites. Tout ça pendant 9 ans, avec beaucoup d’interviews au départ, notamment à l’occa- sion des concerts, en faisant des choix, car la programmation est parfois chargée. On a dé-

28 29 veloppé des petites vidéos, Telmax, qui repre- du territoire est intéressant. Reste à voir ce que est vraiment un outil d’action culturelle effi- personnes qui ont un handicap de trouver un naient l’actualité du festival, ce qui se passait cela produira dans les années à venir, mais la cace et pratique qui permet de se parler rapi- épanouissement. Au quotidien, nous aimons en extérieur, l’action culturelle… C’était pour dynamique est plutôt bonne. dement, de mettre en place des choses avec accueillir des profils très différents. Dès 2015, nous l’occasion de communiquer sur la salle, les jeunes et les moins jeunes. On produit une nous avons mis en place des formations profes- sur les artistes, de redonner du sens au pas- Concernant la place que doivent prendre création radiophonique dans une prison par sionnelles avec l’exemple des Pays de la Loire sage des artistes dans notre salle, à leur travail. les radios dans les salles. Nous avons fait le exemple. Un travail de recherche pour le mo- pour la FRAP, l’idée étant d’avoir des forma- On travaille avec d’autres radios associatives choix de ne pas demander d’argent, car il y a ment pas encore diffusable. Un atelier radio a teurs pour monter en compétence. Le podcast puisqu’on transmet une heure de programma- des financements pour le 106. Les radios as- été installé dans un collège dans lequel on in- est utilisé, car il développe l’appétence au son, tion sur HDR chaque semaine. sociatives n’ont pas le temps ni les personnes tervient régulièrement, les artistes participent, l’envie de découvrir des radios, c’est une autre nécessaires pour aller faire les interviews, tra- il y a un petit studio dans le collège et dans forme d’écriture. Nous formons des gens en Ce sont les radios qui viennent au 106 ? vailler autour d’un artiste, d’un album. L’aspect un lycée technique. On se fait l’écho de ce qui freelance, des pigistes, des boîtes de commu- vertueux serait de travailler en réseau avec les se passe au 106, de l’action culturelle, de l’ac- nication, ou des radios associatives à se mettre Il s’agit d’un partenariat avec HDR, qui vient radios associatives sur un territoire en échange compagnement. Pour les groupes locaux, c’est en podcast, avec l’idée de changer les codes pour réaliser son émission ensuite diffusée de contenus, les salles de concert ont beau- l’occasion de se tester face un micro, d’être in- classiques d’une émission, qui ne doit pas faire sur leur antenne. On fournissait les locaux, le coup de matières. tervieweur avec le côté impressionnant à gérer forcément une heure, en l’écrivant autrement, matériel. Mais cela s’est transformé en raison des caméras et le public en présentiel, c’est pour les rendre plus audibles, permettre de de problème d’argent. Le lien avec le public, Quels sont les projets spécifiques de ra- un bon test, tout est filmé. On a aussi un label nouvelles pratiques et faire qu’elles aient plus la communication que cela permet, les liens dio Lomax, seul exemple de webradio numérique (e-label), Alt DSL, avec des artistes d’écoutes. avec les radios, les contrats de filière ont aussi disposant d’un studio au cœur d’une normands produits par le 106 mis en avant sur la radio. Avec HDR des émissions de radio sont accéléré les choses ces derniers mois. En Nor- salle de musiques actuelles, contexte Les personnes qui viennent au chantier mandie, des appels à projets pour les radios as- mises en place dans la salle, avec des live, des assez ambitieux et singulier ? d’insertion n’ont donc pas forcément sociatives de musiques actuelles nous ont per- interviews. La question des droits culturels est comme projet professionnel de faire de mis de nous faire connaître. On commençait abordée en ce moment, et pour cela il faut al- Nous sommes deux salariés dans le secteur la radio ? avant cela à faire des réunions pour formaliser ler à la rencontre des publics et la radio permet multimédia. Je suis à mi-temps et il faut éga- les choses. Six ou sept radios réparties sur les cela, de se déplacer à la rencontre des gens. lement s’occuper des images, c’est beaucoup Nous proposons un cadre, les personnes sont quatre départements ont postulé sur les appels de travail. J’ai un nouveau collègue arrivé il y informées par Pôle Emploi de ce chantier et si à projet, ce qui a permis de mettre en place une a peu de temps avec plein d’envies. On réflé- elles le souhaitent elles passent un entretien. interface sur Internet, un portail qui nous per- chit par exemple à un festival online avec des Intervention de Charlotte WAELI, L’important est de travailler sur la confiance, met de communiquer. émissions, du live. Nous aimerions proposer l’Onde porteuse l’expression orale, sur la posture, travailler en des émissions qui vont au-delà de la musique, équipe, savoir utiliser un ordinateur. Trois pôles L’acte fondateur de cette collaboration entre trouver des thématiques. Par exemple, à l’oc- Quel lien culturel entretenez-vous avec sont organisés : coordination, rédaction, tech- les radios était à POP MIND 2019 avec des ra- casion de la venue de The Inspector Cluzo au nique et chaque salarié choisit deux pôles. Se dios du département. Elles sont venues avec les populations ? En quoi la radio est- 106, nous avons proposé une émission sur les sont parfois des personnes déconnectées du leur studio itinérant pour faire des interviews elle un très bon outil de médiation ? circuits courts et la vente directe de produits, milieu du travail et qui nous disent pouvoir de tous les intervenants des rencontres, ce qui en invitant des représentants du site Internet doubler leurs revenus an venant au chantier (26 a permis d’avoir un beau panel de ce qui avait L’association l’Onde porteuse est une associa- Culture Agriculture de Normandie. Nous avons heures/semaine). L’idée est de construire des pu se dire, et proposer une émission d’une tion clermontoise créée en 2015, par deux co- abordé la question des circuits courts dans la projets professionnels avec une association heure chaque soir en direct sur quelques radios fondateurs, dont le président qui travaille à Ra- musique et dans l’agriculture, comment cela d’insertion qui travaille sur l’accompagnement de la Férarock et Radio Campus. Cela a abouti dio France (France Culture). En 2015, il y avait pouvait se mêler, comment faire de la cuisine des problématiques de santé et d’apprentis- à la création d’un réseau sur l’ensemble de la ré- un manque sur Clermont-Ferrand. Je travaillais dans les salles de concert. Les membres de sage de la langue. Nous nous adaptons aux gion, avec une prise de conscience qu’il fallait à la FRAP (Fédération des Radios Associatives The Inspector Cluzo ont apporté leurs visions profils et essayons de créer une rédaction qui travailler ensemble, avec des salles de concert en Pays de Loire). En 4 ans nous avons déve- particulières. Nous devons essayer d’avoir des s’entend bien, qui est bienveillante. et d’autres acteurs de musiques actuelles, car loppé beaucoup de choses grâce à 14 salariés, thématiques plus larges, des émissions plus les radios associatives ont longtemps été en dont 8 en insertion, grâce à un dispositif d’ate- longues, mettre en place du podcast, plus marge du secteur. On se sent plus appartenir à liers de chantier d’insertion conventionné par Vous vous emparez d’une fréquence que la webradio qui est presque une erreur la famille des musiques actuelles, ce qui n’était l’état. Il était important de montrer que la ra- permanente à l’automne prochain, qui tactique, car il faut avoir une grosse force de pas le cas il y a quelques années. Ce n’est tou- dio peut être un vecteur d’insertion, avec une va émettre sur le territoire de Cler- communication pour la faire entendre alors jours pas simple, car le monde des radios as- préfiguration de type associatif et depuis avril mont-Ferrand. Quelle passerelle avez- que le podcast fonctionne plus facilement. Par sociatives est très large et connaît souvent des nous portons nous-mêmes le chantier avec la suite, concernant la diffusion de contenus en vous créée avec les personnes qui fré- difficultés financières, car les équipes sont ces 8 salariés. L’idée du chantier n’est pas de partenariat avec les autres radios associatives, quentent le chantier d’insertion ? Votre quelques fois restreintes. Travailler collective- se professionnaliser en radio, mais d’utiliser j’aimerais que l’on puisse diffuser une émission, idée est d’émettre du programme en ment permet d’avoir une force de frappe plus toutes les compétences que l’on peut avoir qui doit voir le jour à la rentrée, produite par permanence ? importante, de se fournir des contenus du ter- en radio pour graviter dans ce secteur d’acti- toutes les radios et qui tournerait sur tout le ritoire sur l’ensemble des radios. Ce maillage vité. La radio est un support qui permet à des territoire, à diffuser sur notre antenne. La radio Le CSA a validé l’attribution d’une fréquence

30 31 FM sur Clermont, parmi les dernières en podcast soit présent sur toutes les fréquences quenter les gens qui y travaillent. Ils mettent à associée est Madjo, une chanteuse qui a très France. Pour les salariés du chantier, c’est une d’écoute ? Les élus, les partenaires veulent disposition une personne en régie pour enre- envie de travailler avec la radio. Nous créons vraie reconnaissance. À partir de novembre avoir un retour sur investissement, mais c’est la gistrer dans les meilleures conditions et faire dans ce cadre, un studio dans un collège, un 2019, nous devons réfléchir à la place qu’auront qualité des contenus, que l’on ne trouve pas ail- de l’initiation, de la sensibilisation pour des projet d’éducation artistique pour travailler sur les salariés du chantier sans que cela ne de- leurs, qui prime. Avec les réseaux, on peut faire gens qui n’ont pas forcément l’habitude. Hu- le thème de la rébellion. vienne une pression, car il faut tenir l’antenne, vivre longtemps les contenus. Quand plusieurs mainement on se croise, on passe du temps avec un programme de qualité, ce qui néces- radios associatives diffusent le même contenu, ensemble. Malgré la distance entre nous c’est Il y a un fil rouge qui alimente les conte- site beaucoup de temps. Il est donc question d’une part cela multiplie les audiences, mais important que la SMAC 07 valorise ce projet et nus, comme le disait Amaury qui enre- de réfléchir correctement et de rester dans des cela permet de travailler la visibilité des radios, le soutienne même si cela n’a pas une grande gistre les émissions dans chacune des choses réalisables. Il sera question d’une radio de les rendre pertinentes, de les faire entendre incidence sur le remplissage de nos salles. Les radios (dont Radio Méga, adhérente de du chantier, avec des programmes locaux sur au public des salles, et ces radios produisent radios ont toutes des audiences assez réduites, la FM et des programmes nationaux qui arri- des auditeurs captifs qui vont s’intéresser aux mais il y a beaucoup de diffusions, rediffusions, la Férarock). Est-ce la mission d’une veront dès novembre ainsi que des podcasts concerts des salles. de podcasts. Pour finir, nous avons monté cette SMAC ? mis en ligne. La grille est en construction. Nous saison un projet avec le CADA à Annonay : essayons de faire intervenir les salariés sur la enregistrement et production d’une émission Ce n’est pas dans le cahier des charges d’une programmation, ce qui est compliqué, car cha- Intervention de Jean-François avec une petite dizaine de personnes princi- SMAC, mais ça fait partie du projet de la cun propose des choses différentes. Un lien palement de Côte-d’Ivoire, du Tadjikistan, du SMAC 07. Dans son développement, sur cette est opéré avec la Coopérative de Mai par l’in- BRAUN, SMAC 07 Kurdistan, d’Albanie, de Somalie, du Tchad. idée de territoire, avoir des partenaires c’est sertion. En 2017, la Coopérative de Mai devait Humainement c’était un exercice difficile, mais important, et la radio est un vecteur de partici- La SMAC 07 est une scène de musiques ac- écrire son projet de DSP, avec un changement les gens se sont régalés. pation. Nous pouvons facilement les solliciter, tuelles de territoire en Ardèche (La Presqu’île et de directeur dans les trois ans et une question ils sont attentifs et cela amène une façon de la Cavajazz). Elle est la première à avoir obtenu de réhabilitation du lieu. Elle souhaitait notam- La participation bénévole est très importante, penser, de développer le média différemment. le label SMAC de territoire. Elle est composée ment créer sa propre radio, et ils ont confié à on ne peut pas faire un événement sans béné- Les radios sont très différentes, entre RCF, la de deux pôles principaux en nord Ardèche à L’Onde porteuse la gestion de la diffusion, de vole, nous sommes sur de petits lieux, sur de la radio des Boutières dans la vallée, Radio d’Ici à Annonay, et au Teil en face de Montélimar. Il y a l’habillage, avec notre propre fonctionnement. proximité, faire rayonner par de la participation Saint Julien, limite de la Loire et de l’Ardèche et quelques années le chargé de communication, Via Spotify nous avons trouvé un moyen de génère une autre dynamique. Un autre aspect qui a un deuxième studio à Annonay… Nous dé- Amaury, s’est posé la question de la promotion communiquer entre les équipes. Aujourd’hui, de la Radio de la SMAC 07, est que chaque sai- fendons l’idée d’une radio citoyenne avec des sur un territoire aussi large (120 km), au centre nous sommes sur une radio exclusivement mu- son, un artiste associé est choisi, pour son pro- prises de paroles d’habitants dans les quartiers. de la vallée du Rhône, entre la Drôme et l’Ar- sicale, qui pourrait se développer. L’enjeu de jet, mais aussi pour interagir dans notre histoire Les radios peuvent également s’appuyer sur ce dèche. L’une de nos salles est à Vivier (10km du la Radio de Mai est que les salariés soient plus associative et interagir sur le territoire. Cette projet, l’intégrer à leur cahier des charges lors- Teil) et l’autre principale à Annonay, et la SMAC investis afin de les former à faire de la radio. Un saison nous terminons un partenariat avec le qu’elles négocient leurs financements. propose également des activités hors les murs. pavillon s’est libéré et la Coopérative de Mai a saxophoniste Romain Dugelay autour de son Elle est « tout terrain ». Amaury s’est demandé une obligation dans sa DSP de faire travailler projet Pixvae Trio jazzcore / jazznoise créé Quels sont les bénévoles qui vous ac- comment communiquer sur un tel territoire, et des gens en insertion, à l’exemple du Six-Trois avec des musiciens colombiens, dans le cadre compagnent sur ces projets ? Sont-ils a constaté que le média radio le permettait. Il qui fait des kartings avec des gens en insertion. de la préparation de leur nouveau répertoire y a un maillage de radios associatives et de ra- formés ? Combien d’émissions avez- Il y a encore des ponts à créer, nous avons re- et son adaptation à la scène. Il porte parallèle- dios commerciales, mais le choix a été de tra- vous à l’année et qui est mobilisé dans pris le chantier et l’idéal ce serait que suite à ment un autre projet, sur le plus long terme, de vailler sur les radios associatives et la mise en l’équipe ? ces formations les salariés puissent s’emparer composition polymorphique sur l’univers car- réseau avec un partenariat avec 8 radios, côté du média, les aider à apporter plus de musique céral avec Marine Pellegrini. Il y a eu un projet Drôme et côté Ardèche. C’est Amaury (chargé de communication à la sur la programmation, aller plus à la rencontre de 6 émissions de radio dans un espace par- SMAC 07) qui organise chaque mois la grille des artistes. ticulier, un musée gallo-romain, en explorant Le projet des Bonnes Ondes de la SMAC 07 des radios en plus des podcasts. Le lien se fait plusieurs facettes de l’amour, avec des invités a été créé il y a 3 ans avec l’envie d’avoir une via un projet, un concert, un événement. Ils se et une radio partenaire, Radio M (Montélimar). Comment va-t-on chercher le public ? plus grande visibilité pour ces antennes. Donc mettent d’accord sur la thématique et de là il La plupart des radios ont repris ces émissions, Comment crée-t-on de nouveaux liens ? par amour pour la radio, nous avons décidé y a lancement de l’appel à participation : play- avec des artistes, des intervenants, un philo- de monter cette émission de playlist partici- lists, choix de titres fait par les bénévoles, puis sophe, une conteuse, autour de cette théma- La question des auditeurs est centrale pour les pative qui permet de faire un peu de promo- une construction. L’enregistrement est prépa- tique en y intégrant un regard plus lointain axé radios et les spectateurs quand il s’agit d’une tion et d’enrichir les grilles des radios parte- ré. sur l’antiquité. Un membre du musée faisait radio de salle. Aujourd’hui, comment commu- naires. L’idée est venue de faire du lien avec une chronique et des parallèles entre l’amour niquer sur sa radio ? Les radios associatives ont les concerts, avec un événement, de tracer antique et la mythologie. Nous sommes sur un beaucoup de mal à avoir des chiffres, Média- une ligne esthétique et de faire partager des processus plus proche de la création, c’est une Intervention de Pierre-Henri JEAN- métrie étant payant, il n’y a pas d’outils fiables classiques ou des découvertes. Nous envoyons manière de développer la radio, les émissions NIN, membre du directoire d’Em- pour mesurer l’audience en hertzien. C’est là systématiquement des appels à participation sont enregistrées en public, pour faire de la ra- où il faut trouver l’alchimie, comment commu- aux bénévoles, salariés, parfois à des invités. metrop et représentant de Radio dio différemment. L’année prochaine, l’artiste niquer sur un flux ? Comment faire pour qu’un Nous passons du temps dans ces radios, à fré- Résonance (Bourges)

32 33 Radio Résonnances est plus âgée que Emme- communs est que les gens se connaissent et studio pour leur montrer comment produire nées associées qui vous amènent vers d’autres trop et va fêter ses 40 ans. Il s’agit d’une radio peuvent échanger sur du contenu, des idées. une émission, et maintenant ils font un talk- contenus. Pour développer leur radio, les salles plutôt orientée chanson française, en lien avec show de divertissement mensuel et cherchent doivent aller vers le numérique et le financer. le Printemps de Bourges. Emmetrop a dès sa Il y a deux ans , une étude avait été lancée par à proposer leur prestation bénévole à des fes- Le plus difficile c’est de se mettre ensemble, création monté une émission, Les envahis- la Fraca-Ma et la Coopérative Artéfact sur un tivals. Nous travaillons en amont pour préparer ce qui a fonctionné dans les Pays de la Loire. seurs. Aujourd’hui malheureusement il n’y a état des lieux des radios associatives Centre- des temps d’entretiens avec les artistes exté- Cela coûte de l’argent, mais il ne faut pas que plus d’emploi permanent au sein de radio Ré- Val de Loire. La restitution a montré l’impor- rieurs et ceux qui sont accompagnés, dans le ce soit un frein. Les fédérations au niveau des sonances et il existe des difficultés financières. tance de faire se rencontrer ces radios pour studio de MAO. L’association est fragile, mais régions doivent faire leur travail de recherche Nous programmons autour des groupes des aller vers des idées de coopérations abritées l’idée est de créer un outil de communication de financements. studios de répétition, lds groupes en dévelop- par la Fraca-Ma ou par la réactivation de cette aussi pour la salle. Mon challenge est de don- pement, en utilisant les podcasts et les réseaux fédération, voire la création d’une nouvelle fé- ner une identité musicale à la radio et que la Julien PION : le virage vers le DAB (RNT) s’ac- sociaux. dération. salle s’empare du média. Notre fréquence est célère, il y a des appels à candidatures lancés éphémère, nous arrivons à voir le nombre de principalement dans les grandes villes. Les ra- Le problème est-il le manque de relève Il existe trois régions en contrat de filière qui gens connectés via le web. Mais peut-on consi- dios se posent la question de savoir s’il faut se ou un problème plus structurel ? sont dynamiques : la Normandie, la Nou- dérer qu’une radio qui fait tourner un player lancer. L’évolution a l’air inéluctable même si la velle-Aquitaine et la région Centre-Val de sans animateur est vraiment une radio ? FM a encore de beaux jours devant elle. Que Faire de la radio est très chronophage surtout Loire. Au niveau national, avec Radio Campus devient le FSER qui constitue 40% en moyenne si le direct est privilégié. Pour cela, il faut for- notamment, nous essayons de parler de ces du budget des radios, si demain 500 ou 1000 mer des personnes sur la partie technique. Le exemples, de parler des bienfaits de ces radios. Questions complémentaires du pu- radios veulent investir le numérique ? Cela problème est en effet également structurel, Le CNM va intégrer le CNV, cheville ouvrière blic va coûter de l’argent de monter des « multi- la ville de Bourges et l’agglomération n’aidant de tous ces contrats de filière, avec un enjeu plexes ». L’un des intérêts de la DAB sera l’ac- pour semer des idées et transmettre la parole cès à une plus grande diversité des radios, mais pas du tout, excepté via la mise à disposition Le contrat de filière ne représente pas du local. Il faut recréer de la vie associative des radios associatives. techniquement nous avons du mal à voir com- beaucoup financièrement, pas assez pour être plus présent sur les événements. ment cela va se faire, en particulier en milieu Aujourd’hui, en région, nous avons la chance Témoignage complémentaire de Vincent pour un emploi, l’outil radio n’est pas rural. Il y a le problème de l’équipement pour dans la cadre de la préfiguration du contrat de du Rio Grande à Montauban assez valorisé. C’est très vertueux pour l’auditeur. L’accès aux nouvelles technologies filière musiques actuelles d’avoir un premier les lieux de mettre à disposition des va être compliqué pour certaines générations. appel à projets nous permettant de mettre en Nous travaillons étroitement avec deux radios moyens, mais est-ce que cela ne va pas Pour obtenir une fréquence, c’est long et il y en place un partenariat avec Radio Campus pour associatives et commerciales pour un parte- limiter la progression des moyens pour aura de moins en moins, ainsi qu’une grosse ca- rence en particulier en milieu rural, à l’exemple se déplacer sur différents événements. Au su- nariat plus dense à l’année. Elles mettent en les radios ? Quelle est la stratégie de la du Havre, qui n’a pas de fréquence alors qu’un jet des contrats de filière en préfiguration, nous avant des artistes accompagnés à l’année, re- Férarock avec la FEDELIMA ? avons attiré l’attention des partenaires, des fi- çus sur plusieurs jours de résidence. La radio projet existe, mobilisant de nombreux béné- voles. nanceurs du fonds de soutien, sur la question vient monter des plateaux dans le lieu, sur Julien PION : La Férarock défriche. Depuis des radios, pour qu’elles soient reconnues par un petit temps, filmé, puis une mise en avant longtemps les radios associatives sont essen- l’État et par le CNV, comme des acteurs à part sur l’antenne et lors d’un temps de restitution tielles, elles étaient les principaux médias dans entière de la filière musiques actuelles. Parce publique. Puis le concert est retransmis. Une les années 90, même si le web change la donne qu’elles contribuent à la fois à la promotion convention est signée avec des engagements maintenant. Ce sont des structures précaires des groupes et qu’elles permettent de diffuser communs. Les radios sont accueillies sur les avec des bénévoles qui ont leurs limites, et qui les groupes locaux. À ce titre, il y a un appel actions culturelles, dans le lieu ou à l’extérieur, sont dans une forme d’isolement. Pour la Féra- à projets relativement ouvert. Dans la volonté pour avoir des témoignages des intervenants rock c’est une stratégie d’aller voir les pouvoirs d’une remise en réseau des radios de la ré- artistiques, des élèves. J’interroge actuelle- publics, le FSER, le FSNM, les départements, gion, celles-ci ont été invitées à proposer une ment nos radios partenaires sur manière da- les régions, de montrer ce que cela crée. coopération entre les radios associatives ré- vantage engager les auditeurs sur les contenus gionales. Porté par Radio campus Orléans, le que nous proposons. Dans vos régions respectives, comment projet Carma a été retenu ce qui a permis la avance le sujet de la RNT (Radio Numé- mise en place de deux plateaux partagés pour Témoignage complémentaire d’Erwan rique Terrestre) ? ouvrir sur des envies de coopération. En région de L’Echonova à Vannes Centre, il y a toujours une fédération régionale qui existe, mais qui est en sommeil. Certaines Charlotte WAELI : la FM est encore considérée Je suis régisseur, programmateur et président comme la « vraie radio ». La RNT va bousculer radios naissent, d’autres disparaissent. Cela de la radio associative LARG’ (Golfe du Morbi- dépend beaucoup des bénévoles et de leur les radios associatives. Certaines vont devoir se han). Le partenariat entre L’Echnova et la radio restructurer et poser la question de leur ligne investissement au sein des conseils d’adminis- est récent, nous nous appuyons beaucoup sur tration. Il y a des échanges d’émissions qui se éditoriale et former leurs bénévoles. La RNT est les bénévoles de L’Echonova qui ont monté une un autre canal de diffusion, avec d’autres don- font très bien. L’effet bénéfique de ces plateaux association de bénévoles. Je les ai amenés au

34 35 Introduction par Franck MICHAUT Cependant, on constate qu’en recettes de bil- Une salle, un festival ? Les letterie, on retrouve des écarts de 10 points par rapport à la billetterie liée à la saison. Le festi- La dynamique festivalière a souvent précédé val le plus gros est celui de l’ATM avec 60 000 spécificités des festivals organisés les lieux. L’argumentaire pour favoriser l’ins- entrées tandis que trois festivals ont plus de 20 tallation de ce maillage territorial de création 000 entrées. de lieux de diffusion, de création, s’est souvent par les lieux de musiques actuelles nourri d’une forme non pas d’opposition, mais de distinction des festivals arguant qu’on ne Intervention de Jean-Christophe pouvait pas répondre aux attentes et besoins des populations et des artistes sur les terri- APLINCOURT, directeur du 106, or- Mardi 2 juillet | 16h00-18h30 Houlocène toires. Depuis quelques années, on voit beau- ganisateur du festival Rush (Rouen) coup d’évènements émerger, de temps forts ou de festivals, qui sont portés par des lieux Jean-Christophe Applincourt précise que le « A l’origine étaient les festivals, (ou presque)… ». Les événements ont souvent précédé de musiques actuelles. Plusieurs questions 106 a essayé plusieurs formats de festival, peuvent être abordées : mais sans souhaiter rentrer dans la course les lieux dans nos régions à compter des années 70/80. Qu’en est-il aujourd’hui des festivals d’été. Le festival Rush a donc alors qu’un réseau de lieux permanents existe sur une grande partie du territoire ? • celle de la motivation, des enjeux qui sont à l’origine de la création de ces évènements, été positionné fin mai sur trois jours. Pendant Quelle complémentarité existe-t-il avec l’activité saisonnière de la salle ou des salles trois éditions, le festival était gratuit puis il est impliquée(s) ? Représentent-ils une forme d’innovation en termes de coopération, de • l’articulation entre le projet global de la passé payant, mais avec des entrées peu cher format urbain ou territorial, de transdisciplinarité (autres arts, sciences, engagements), structure et ce temps fort, comment ça s’ar- (5, 8, 10 euros). Le festival a la caractéristique ticule ou comment ça se monte en parallèle de contenus artistiques singuliers ? Quels rôles jouent-ils en matière de dynamique de s’associer avec un artiste pour la program- de projet au sein des équipes, bénévoles, gouvernances ? Quelles sont les conditions • la question du modèle économique, orga- mation, ce qui est une garantit de singularité. nisationnel, modèle managérial, ressources économiques nécessaires pour installer ce genre particulier d’action à long terme L’ambition n’était pas de faire une program- humaines… mation avec les succès du moment, mais de sans nuire à la pérennité du lieu ? Y a-t-il la place pour une sobriété heureuse dans un rentrer dans la subjectivité d’un artiste et de domaine souvent marqué par l’entreprenariat ? • ce que ça apporte en termes de dynamique territoriale, aux personnes… construire l’affiche sous sa vigilance pour avoir une grande part de découverte dans le festi- • quels sont les rapports avec les partenaires val. Parmi les artistes invités, il y a eu Bertrand publics par rapport à la mise en place de Belin, Rodolphe Burger et cette année Chloé. Avec... l’évènement ? Chaque fois une couleur un peu différente est • quels sont les freins, les difficultés à mettre JEAN-CHRISTOPHE YANN RIVOAL ainsi garantie, ainsi qu’une ouverture inter- en place un évènement lorsque par ailleurs APLINCOURT Directeur de la Vapeur, disciplinaire. C’est-à-dire que les artistes sont on tient un lieu de musiques actuelles ? conviés à proposer aussi des ouvertures sur Directeur du 106, organisateur organisateur du festival d’autres champs : la philosophie, le cinéma, du festival Rush (Rouen) GéNériQ (Dijon) l’art contemporain… C’est une manière de re- Quelques chiffres... créer un esprit d’aventure tout le long des trois MATTHIEU DUFFAUD jours. Le festival a lieu sur une presqu’île sur la Programmateur de l’Astrolabe, Hyacinthe Chataigné, coordinateur de l’obser- Seine. Il représente 12% du budget du 106 et organisateur du festival Hop vation et des études à la FEDELIMA (Fédéra- c’est important pour la structure de rester dans Pop Hop (Orléans) tion des lieux de musiques actuelles), présente ce ratio : il y a vraiment une question d’écolo- quelques chiffres : sur les 107 structures qui ont gie du projet en respectant cela. En matière de répondu à l’Observation Participative et Par- têtes d’affiche, le 106 s’est délibérément bridé à tagée, en moyenne 52 soirées sont program- un cachet maximal de 15 000 euros. Cette an- mées, soit 88 groupes de musiques et 9 492 née, il a accueilli environ 12 000 spectateurs. Animé par... entrées pour la programmation saisonnière. FRANCK MICHAUT Dans les 107 structures qui ont répondu, 47 ont déclaré organiser au moins un festival et on Directeur délégué de la Clef Intervention de Yann RIVOAL, direc- observe que pour ces structures, il y a moins teur de la Vapeur, organisateur du (Saint-Germain-en-Laye) de soirées et de groupes programmés sur la saison ainsi qu’un budget moyen plus faible. festival GéNériQ (Dijon) Il y a 67 festivals déclarés, ce qui signifie que certaines structures en organisent deux. Il y a, Yann Rivoal présente le festival GénériQ, né en en médiane, 13 groupes programmés par festi- 2007 de la rencontre entre un festival d’été à val, 30 000 euros de budget et 2 000 entrées. grande fréquentation : « Les Eurockéennes » 36 37 de Belfort et des salles qui existaient dans les programmés habituellement dans les struc- fréquentation, le festival peut accueillir jusqu’à projet. Cela va à l’encontre d’un phénomène de régions environnantes. L’idée était de sortir tures organisatrices. La moitié des propositions 2 200 personnes par jour. compétition très fort car le fait de créer un fes- des modèles habituels de chacun pour créer sont gratuites et nous essayons d’avoir pour les La particularité de ce festival se trouve dans le tival ensemble revient à se rencontrer tous les un objet nouveau, quelque chose qui puisse autres, une politique tarifaire très raisonnable fait qu’il y a des associations qui peuvent par- mois, à travailler sur la programmation de ma- permettre plus de liberté en termes de pro- (cette année, aucune soirée n’a dépassé une ticiper à la programmation. Elles portent une nière collective sous la coordination de Kem (le grammation, de présentation, etc. Il y avait entrée à 20 euros). Volontairement, il n’y a pas programmation commune et, chaque année, programmateur des Eurockéennes) et faire des également une vraie envie de construire cet de ligne esthétique particulière et la program- un groupe est choisi et co-financé par les asso- propositions en apportant la connaissance de objet de manière collective. 12 éditions se sont mation se balade dans beaucoup de styles mu- ciations et l’Astrolabe. C'est donc un projet qui son territoire. Constuire tout cela ensemble a déroulées, dont la dernière en février 2019. Le sicaux. est porté et organisé par plusieurs structures, permis de nous connaître, de se faire confiance projet réunit 6 structures, 5 salles labellisées même s’il est coordonné par l’Astrolabe. et engendrer d’autres projets en parallèle. À SMAC de tailles très différentes : le Nouma- titre d'exmple, lorsque je suis arrivé dans la trouff à Strasbourg, la Rodia à Besançon, le Intervention de Matthieu DUF- région, je ne connaissais personne et au bout Moloco à Audincourt, la Poudrière à Belfort, la Quelles étaient les motivations d’un mois, je connaissais davantage mes ho- Vapeur à Dijon et le festival des Eurockéennes. FAUD, programmateur de l’Astro- mologues de Franche-Comté que mes homo- À l’origine, les salles étaient situées sur trois labe, organisateur du festival Hop pour organiser ces festivals ? Quels logues de Bourgogne : cela a créé des rappro- régions différentes et le sont maintenant sur Pop Hop (Orléans) étaient les objectifs ? Est-ce que chements pas forcément évidents au départ. deux régions : le Noumatrouff étant en Alsace, c’était très structuré dès le départ ? C’est aussi l’idée de sortir des lieux réservés. en région Grand Est et les autres structures en Matthieu Duffaud précise que deux festivals Est-ce que ça partait d’une volonté Tout le monde fait du hors les murs, mais là, il région Bourgogne-Franche-Comté. Ce n’était sont portés par la structure : un festival, en fin s’agissait de le marquer plus fortement. C’est pas une injonction politique, mais une volon- de saison, destiné à la famille et aux enfants de l’équipe, des partenaires ? Et, également une invitation à ce qu’au cœur de té des acteurs. L’ensemble des structures ont qui est situé sur une base de loisir et gratuit et est-ce que ces objectifs ont évo- l’hiver, les personnes puissent se réunir, se ras- créé une association commune qui s’appelle le festival Hop Pop Hop organisé en début de lué ? sembler, se réchauffer, se parler en sortant de GeneriQ et les responsables de chaque struc- saison. ces lieux réservés. Et le tout sans contrainte de ture sont co-présidents. L’association essaie de Le festival Hop Pop Hop est organisé pour la Jean-Christophe Aplincourt : le festival était « remplissage », en tous les cas sur les concerts collecter des fonds publics et privés dédiés à 4ème année. Il est né d’un évènement porté par prévu dans le projet d’origine, posé dans la gratuits : le plus important étant de choisir l’organisation du festival. Ensuite, la réalisation l’Astrolabe en septembre qui s’appelait les tour- commande de la collectivité (le 106 est une des lieux adaptés aux propositions artistiques du festival est portée, dans chacun des terri- nées Bistroniques. Ce festival gratuit avait lieu régie personnalisée). Comme beaucoup de faites. toires, par chacune des salles et de leur équipe de 14h à 3 du matin avec 20 groupes émergents collectivités, Rouen se penche sur le marketing et chaque structure consacre une partie de son qui se confrontaient à la fois dans des bars et territorial et s’intéresse à ce genre d’évènement Matthieu Duffaud : l’objectif également de Hop budget propre à la réalisation du festival sur dans des lieux du patrimoine (qui étaient ou- qui participe au dynamisme de leur territoire. Pop Hop est d'être singulier et de ne pas repro- son territoire. verts pendant la journée du patrimoine). Au Un des sujets de cet atelier est de savoir si, par duire ce que d’autres festivals ont pu déjà faire. Dès le début, l’idée était de privilégier des bout de 10 ans, l’équipe s’est dit qu’il fallait évo- rapport à l’évolution du paysage et des festi- Cela impliquait le fait d'être vraiment attentif formes musicales assez émergentes à toutes luer vers un festival, sur la même période étant vals, est-ce que les structures de musiques ac- aux groupes émergents qu’ils soient internatio- les échelles : internationales, nationales et donné qu’il y a peu de festival en septembre, tuelles développent une alternative ou est-ce naux, nationaux, régionaux et d’attirer les gens régionales, mais aussi de pouvoir investir les sur deux jours, mais en centre-ville (l’Astrolabe qu’elle recopie les plus grands modèles ? Est- dans des lieux qui ne sont habituellement pas villes en hiver, à une période où l’offre festiva- n’est pas utilisé pendant le festival). ce qu’elle se détache de la logique d’attractivité utilisés pour diffuser des musiques actuelles. À lière est beaucoup moins importante et d’aller Hop Pop Hop a donc lieu sur deux jours dans 5 du territoire ? titre d’exemple, il y a de nombreuses personnes à la rencontre de la population sur des formats lieux : un jardin d’évêché relié à la cathédrale, La logique de marketing territorial a ses limites. qui ont découvert le centre chorégraphique différents. Les soirées se déroulent dans des une salle assise du conservatoire, le centre cho- Il ne faudrait pas s’y souscrire complètement si grâce au festival et qui se sont penchées sur lieux dédiés à la diffusionn, mais pas unique- régraphique d’Orléans qui est transformé pour l’on souhaite que les collectivités n’aient pas un leur programmation ensuite. L’objectif est donc ment les salles des structures qui organisent le l’occasion, une friche culturelle (le 108) et le comportement d’entrepreneurs. Plus précisé- également de créer des liens et des passerelles festival. Durant la journée, ce des lieux où les plateau du théâtre d’Orléans, transformé éga- ment, si l’on est dans le champ du public, il est avec les autres structures qui peuvent abon- gens vivent ou travaillent qui sont investis : cela lement. Les salles sont distantes les unes des important de pouvoir résister à cette pensée der aussi dans notre projet artistique à l’année. peut aller d’une entreprise, à un commerce, autres de 50 mètres. Le festival est payant (14 mercantile et donc, de proposer quelque chose Enfin, l’idée est de prendre en compte le tissu à une école, à un musée etc., voire à occuper euros pour un jour et 20 euros pour deux jours) de différent. Notre positionnement de struc- associatif local et de réfléchir à la manière dont l’espace public même si la météo ne s’y prête et il y a entre 35 et 40 groupes programmés. Le ture subventionnée doit nous permettre d’avoir on peut l’associer à une programmation. pas toujours au mois de février. budget artistique est d’environ 60 000 euros. un positionnement différent des entrepreneurs On s’aperçoit les personnes adhèrent à l’en- Aussi bien des artistes émergents que des ar- Il y a aussi une forme participative présentée de spectacles qui font de l’évènementiel plus semble du festival, plus que pour une tête d'af- tistes établis sont diffusés. Ces derniers sont chaque année qui associe le théâtre, l’Astro- mercantile. fiche, en faisant leur parcours de salle en salle programmés car ils sont à une étape de leur labe, le centre chorégraphique et la scène na- et en découvrant la programmation en temps carrière intéressante et nous leur proposons de tionale où un projet collectif est défini, financé Yann Rivoal : pour le festival GeneriQ, le fait réel. L'objectif est vraiment d’aller vers la dé- se produire sous une autre forme que celle à et porté collectivement. Il y a aussi des show- de travailler à plusieurs à la création d'un fes- couverte, ce qui est aussi le prolongement de laquelle ils sont habitués. Mais ce qui est pri- cases de groupes de la région, présentés dans tival qui ne calque pas sur ce chacun fait déjà ce qu’on fait dans le club à l’Astrolabe : inviter vilégié, c’est le choix d’artistes qui ne sont pas des studios de répétition au 108. En termes de est une des vertus qui était dans la genèse du à la curiosité.

38 39 de collaboration avec une radio. L’interdisci- tiplicité des lieux de diffusion, l’attention qu’on festivals doivent grossir : comment résister Dans vos réponses, vous avez tous plinarité se poursuit aussi sur le champ de l’art a d’accueillir le public, de lui partager le projet, à cela ? Cela pose la question également de contemporain : chaque année, le festival ac- ... mais il n’y a pas un poids lié à l’attente de l’organisation du travail : travailler sur un fes- évoqués la dimension plus parti- cueille une galerie alternative et dans ce cadre résultats. tival n’est pas la même chose qu’organiser des cipative, de construire ensemble, peut collaborer avec le FRAC Normandie. D’un concerts à l’année dans une salle. Aussi, qu’est- l’attention au tissu local, est-ce que point de vue coopération, le 106 participe à un Jean-Christophe Applincourt : ne pas se ce qu’un festival, qu’est-ce qu’un temps fort ? finalement l’outil festival est plus autre festival où il est aussi à l’initiative : les mettre en stress sur un festival, c’est impor- Que cherche-t-on à défendre ? Et avec quels nuits de l’Alligator qui est dans un format diffé- tant. Du côté du 106 également, on n’a pas le moyens ? simple pour atteindre cet objectif rent : il a lieu l’hiver, est itinérant et se déroule sentiment de mettre en danger notre structure Il ne faut pas devenir prestataire de service des que le travail d’une salle à l’année. dans différentes salles. L’idée c’est de mutua- si l’on fait 1000 entrées de moins... cela donne collectivités. Il faut garder la souveraineté de Ou est-ce le prolongement de ce liser les bonnes volontés de chaque salle pour une certaine sérénité. Cela demande bien sûr, son projet, l’inventivité de son projet et ne pas que vous travaillez en permanence susciter la venue en France d’artistes interna- une forte mobilisation de l’équipe et là où celle répondre à la commande publique de manière tionaux issus de la scène alternative du blues. du 106 se sent mobilisée c’est que l’ensemble subordonnée. Il faut garder la main et l’initia- sur votre territoire ? Est-ce que ça des services sont impliqués dans l’organisation tive du projet. pousse davantage au travail en col- du festival. C’est un moment où tout le monde C’est un peu différent sur des plus petits ter- laboration ? Une question plus technique : com- travaille ensemble alors que sur l’année, c’est ritoires où l’aspect marketing n’entre pas en ment le festival s’inscrit dans l’acti- plus segmenté. Il y a également maintenant compte. Dans ce cas, il semble qu’on soit da- Yann Rivoal : ce travail partenarial est inscrit une fierté à travailler ensemble par rapport à la vantage sur une initiative portée par l’associa- dans le projet global. Au moment du festival, vité globale de la structure ? Donc à singularité du festival même si cela a été long tion et la collectivité essaie de la soutenir. Il il n’est pas forcément mené de la même ma- la fois sur l’organisation RH, le mo- de faire comprendre le projet et le fait qu’on ne y a aussi une dimension politique où sur une nière et avec les mêmes interlocuteurs, mais dèle économique … ? Est-ce que le soit pas sur la commande de base. agglomération où la politique culturelle est c’est aussi ce qui est intéressant : ne pas être festival est porté par la même enti- inexistante, le fait qu’une structure labellisée dans la répétition des coopérations habituelles. Matthieu Duffaud : de la même manière, le fes- sur la ville centre puisse faire des choses sur Depuis un ou deux ans, on essaie de voir com- té ? tival est porté par l’ensemble de l’équipe, tout l’ensemble de l’agglomération renforce les pos- ment la population peut davantage participer à le monde est impliqué. Le nombre de dates sibles coopérations entre la ville centre et les la programmation : on a fait des tentatives où Yann Rivoal : c’est très compliqué. Dans chaque reste le même sur l’année, il n’a pas diminué, villes aux alentours. les habitants pouvaient participer à des projets ville, il y a un budget dédié par chaque salle mais on commence la programmation en oc- musicaux. Ces tests étaient intéressants car ils qui abonde en fonction de ses moyens et de tobre. Là aussi, c’est une multiplicité de lieux La dimension citoyenne, la participation s'intégraient facilement dans le festival. L’in- ses priorités parce que par exemple, certaines qui complexifie les choses et l’on a des renforts tention est donc de poursuivre l'objectif que les structures sont porteuses d’un autre festival en amont et pendant le festival. Mais après, Est-ce que ces évènements permettent de fé- personnes puissent s’approprier davantage le alors que la Vapeur a fait le choix de n’en faire j’ai le sentiment que l’équipe est contente de dérer ? En impliquant les équipes, les salariés, festival en y participant activement. Cela nous qu’un et d’investir par conséquent davantage porter collectivement un festival, elle est fière mais aussi les bénévoles, cela permet de fédé- interroge aussi sur notre manière habituelle de de moyens dedans. Par ailleurs, les partenaires de ce qui a déjà été accompli sur trois ans et rer. On peut également travailler avec d’autres faire de la médiation artistique et culturelle où, publics disent qu’ils financent déjà nos pro- d’avoir attiré du public sur des noms inconnus. partenaires : des médias locaux, des lycéens, encore une fois, l’idée n’est pas de reproduire jets et ne voient pas pourquoi ils donneraient un centre de migrants… C’est un support, un les schémas habituels de ce qu’on met en place davantage de moyens pour le festival. Enfin, moment attendu par les équipes et qui permet au fil de la saison, mais de profiter de ce format il peut y avoir un autre écueil : c’est un projet Réactions des participants aussi d’intégrer d’autres partenaires. Ce n’est pour tenter des nouvelles manières de faire. commun porté par les équipes ce qui a la ver- pas forcément ce qu’on a envie de mettre en tu de rassembler les salariés autour d’un objet La pression du marketing territorial avant, mais ça fait partie du cœur du projet. commun et d’une énergie commune, mais c’est Mais la question du sens est beaucoup plus im- Matthieu Duffaud : la coopération existait déjà aussi une charge de travail supplémentaire au portante que la foule, le nombre de personnes sein d’une saison déjà bien chargée. Il faut trou- Le risque c’est qu’avec la demande des collec- même si elle s’est renforcée, car le festival est tivités d’avoir des festivals de grosse ampleur, qu’on peut réunir. né au moment où la chorégraphe du centre ver les forces d’entraînement pour que ce soit porté plus collectivement et trouver des ajuste- qui vont dans le sens du marketing territorial chorégraphique a changé et où cette dernière évoqué tout à l’heure, cela peut réellement Pourquoi un festival ? souhaitait mettre la musique en avant. Ça a ac- ments de rythmes de travail en amont et après le festival ainsi que des renforts de personnels mettre en danger le projet global de la struc- céléré la coopération qui s’est renforcée toute On sait que c’est de plus en plus difficile de pour que cela continue à être porté collecti- ture. Dans les principes que le secteur défend, l’année avec aussi des formes participatives où faire des propositions artistiques émergentes vement et que ce ne soit pas trop subit. C’est si l’on est sur du collaboratif, une attention aux chacun arrive avec ses participants pour par- et du coup, le fait de faire des temps forts, peu vrai qu’il y a un petit ralentissement avant et droits culturels, à quel moment a-t-on intérêt ticiper à ces performances. On sent une ému- importe que ce soit des festivals ou non, est-ce après le festival, le temps de mettre les choses à rentrer dans une démarche concurrentielle lation entre plusieurs structures qui ont envie que ça ne permet pas d’avoir des financements en place, de ranger et de récupérer, mais il n’y alors que ce n’est pas ce qui est défendu dans de partager sur un même territoire des projets spécifiques qui permettent d’abonder le projet a pas de règles : c’est à chacun de l’apprécier le cœur de nos projets ? communs. global ? en fonction de l’activité, des attentes, des be- Comment se positionner par rapport à des C’est sans doute davantage par rapport à la soins. De notre côté, ce n’est pas tant la taille choix d’échelles ? Il y a parfois des pressions Jean-Christophe Applincourt : on a davantage possibilité de faire une proposition artistique de l’évènement qui pose question que la mul- liées au marketing territorial qui font que les 40 41 émergente que le festival peut jouer un rôle. et en essayant de travailler de manière pro ac- Pour information, le budget du ministère à des- festivals. Mais ça vient surtout pallier au fait qu’à une tive avec ces partenaires. Et puis les sociétés tination des festivals n’a pas diminué, mais le époque, des structures de festival faisaient civiles. Les recettes propres représentent un nombre de bénéficiaires a été divisé par deux Pour la suite… cette proposition, ce qui est de moins en moins peu plus d’un tiers du budget global. Et on es- ou trois. Ça représente une forme de concen- le cas. saie d’avoir un budget annuel d’investissement tration. Il faudrait qu’il y ait un positionnement de la C’est effectivement la possibilité de faire par- pour acheter du mobilier, de la décoration… fédération et du syndicat sur les festivals et tager des choix artistiques qu’on ne pourrait Y a-t-il une course au développement ? leurs financements possibles par les sociétés pas rassembler tous sur une saison. Mais je La compétition avec l’écosystème des Dans le développement stratégique du civiles. En effet si de plus en plus d’adhérents crois moyennement que c’est parce que les festivals ? festival, se fixe-t-on une limite ? essaient de développer des temps forts un peu personnes sont venues au festival qu’elles vont spécifiques, des initiatives nouvelles, il faudrait ensuite aller sur la salle. Et enfin, sur l’aspect Vous n’évoquez pas de compétition avec l’éco- Ce qui pousse à se limiter dans le développe- qu’il y ait un positionnement par rapport à ça et financier, le festival n’en rapporte pas : on in- système des festivals. Or, sur une étude menée ment d’un festival, c’est la capacité des SMAC comprendre pourquoi beaucoup se font rejeter vestit de l’argent dedans. pour le SMA autour des festivals, ce qui ressor- à remettre en question son projet de structure par la com festival du CNV. Mais est-ce qu’il n’y a pas beaucoup d’énergie tait c’est que pour certains festivals, les SMAC et donc aussi du festival en fonction de l’évo- Il faudrait qu’une réflexion soit engagée entre mise pour créer un évènement qui reste somme qui portent des festivals rentrent dans un jeu de lution de l’environnement, du territoire... Il est festivals et lieux, car si les festivals pensent que toute en dessous d’un festival ? Est-ce qu’il ne concurrence et déstabilisent leur activité. Est- plus intéressant de rester à taille humaine, les programmations des salles viennent désta- serait pas préférable d’essayer de penser à ce que vous l’entendez ? de faire de la découverte (…) c’est davantage biliser leur activité, l’inverse est également le penser différemment nos saisons pour faire Il semble que pour les festivals moyens que notre rôle. cas notamment par rapport aux exclusivités mieux au lieu de faire des temps forts ? Car une représente le SMA, c’est plutôt la concurrence L’enjeu c’est de ne pas être tenter de grossir que certains festivals peuvent poser des problématiques des lieux, c’est qu’il y a un des collectivités territoriales qui deviennent rapidement, car on risque de perdre les enjeux public vieillissant : il y a 10 ans, c’était 28 ans en opératrices ou de festivals de « marque » im- initiaux. Garder un festival à taille humaine moyenne et aujourd’hui 37 ans donc il y aurait portés de l’étranger. n’est pas si simple, car on peut être facilement sans doute à réfléchir à cette problématique Ce qui est difficilement compréhensible c’est tenté de grandir. Et cette tentation de faire plus que de dépenser de l’énergie à refaire des que les structures qui ne font qu’un festival grossir l’évènement vient aussi des partenaires. temps forts. émargent à la commission 2 du CNV alors que Il faut donc résister, grossir pour équilibrer le Mais ça ne s’oppose pas forcément. Parfois les structures qui portent un lieu émargent à budget, mais pas trop afin de garder son ADN, même le fait de faire un festival permet d’ac- la commission 7. Les commissions sont ainsi ses objectifs initiaux. cueillir différemment les publics accueillis dans faites que ça ne peut pas créer réellement de C’est important d’affirmer que les lieux ont des les lieux. concurrence à moins qu’une SMAC souhaite savoir-faire et des capacités à accompagner les faire un festival dont le budget est très consé- territoires et ce n’est pas concurrentiel avec les Les budgets quent par rapport à celui qu’elle a pour son lieu, mais dans ce cas n’a-t-elle pas intérêt à scinder Pour GeneriQ, à la Vapeur, c’est 30 artistes en- les budgets ? viron sont programmés sur 12 lieux sur 15 ren- dez-vous dont la moitié sont gratuits. Le total Et le rôle de l’État ? du budget entre 70 000 et 80 000 euros et on dédit 50 000 euros du budget de la structure Et, en ce qui concerne une concurrence pos- dessus. Et quand on associe tous les budgets sible par rapport à des subventions données des structures, on arrive environ à un peu par les DRAC, aujourd’hui l’État ne se posi- moins de 400 000 euros. tionne pas du tout sur l’évènementiel. Pour Rush, ça représente environ 350 000-400 C’est vrai qu’il est souvent difficile de faire ve- 000 euros et on a une part de recettes propres nir des élus locaux dans son lieu alors qu’ils se de 25% donc ce n’est pas un festival générateur déplacent plus facilement sur un temps fort, de bénéfices. Ça s’inclut dans une globalité mais qu’ils peuvent aussi parfois devenir intru- d’activité de 53% de recettes propres du bud- sifs dans le projet du festival. C’est bien si l’État get de la structure. peut garder un rôle régulateur et développer Pour Hop Pop Hop, pour le budget artistique une politique globale par rapport aux festivals. c’est un peu plus de 60 000 euros. Pour le bud- Il le fait à travers le CNV et c’est plutôt bien. get global, ça représente environ 250 000 eu- Mais les grands festivals sont très financés par ros pour la 4e édition du festival. 75 000 euros l’État. L’État devrait pouvoir venir soutenir des sont des financements de partenaires publics, petits festivals. S’il se désengage de cela, c’est la ville donne 35 000 euros fléchés sur le festi- que ça ne les intéresse pas et qu’il souhaite val. On a également des financements privés, que le marché se débrouille avec ça ainsi que des mécènes en créant un club de partenaires chaque territoire.

42 43 Introduction par Laetitia JEAN un musicien intervenant qui cherche à promou- Personnes fragilisées ou en situation voir son travail et proposer ses compétences à Laetitia JEAN introduit l’atelier en présentant différentes structures, un éducateur spécialisé les trois intervenantes et l’objectif central de qui n’a pas de compétences artistiques particu- de handicap : comment aller vers l’atelier : quels projets mettre en place pour lières et qui cherche un intervenant… Ces de- permettre l’accessibilité aux personnes handi- mandes émanent donc de secteurs très divers capées des lieux et projets artistiques ? et le RNMH va puiser au sein des compétences une plus grande inclusion ? de son réseau afin d’y répondre en opérant une mise en lien. Le réseau se situant au cœur de Intervention de Barberine BLAISE, l’offre et de la demande, plus il s’étoffera, plus Mardi 2 juillet | 16h00-18h30 Salle pédagogique il sera possible d’assurer cet équilibre. Les sala- coordinatrice du Réseau national riés du RNMH ont en charge l’animation de ce musique et handicap1 (RNMH) réseau de professionnels qui s’est initialement structuré autour de structures culturelles, prin- Au-delà de l’obligation légale de la loi du 11 février 2005, la mise en accessibilité des Barberine BLAISE propose à travers son in- cipalement d’enseignement. Des enseignants projets culturels découle d’un devoir citoyen et d’une volonté de vivre ensemble. En ce tervention d’introduire les enjeux généraux de artistiques sont à l’origine du projet qui, bien sens, comment favoriser les pratiques artistiques et culturelles de la musique pour les l’accessibilité du point de vue de l’association que maîtrisant parfaitement l’enseignement de qu’elle représente, le Réseau National Musique leurs pratiques, se sentaient isolés car dans l’in- personnes handicapées, là où cette activité existe pour tout citoyen ? et Handicap. L’accessibilité des personnes en capacité de répondre à des demandes de per- situation de handicap aux arts et à la culture sonnes en différentes situations de handicap Cet atelier apportera des témoignages de réseaux qui contribuent au quotidien à en général et à la musique en particulier est un par manque de solutions et d’outils adaptés. une plus grande prise de conscience des enjeux liés à l’inclusion des personnes en chantier extrêmement complexe qui nécessite À force d’échanges avec différents interlocu- situation de handicap. Ce temps sera également l’occasion de présenter des outils et de réunir différents acteurs développant des teurs, un petit réseau de réflexion informel s’est de partager les expériences d’actions menées pour que chacun puisse prendre part à la approches complémentaires. Une structure peu à peu structuré et accompagné du minis- vie culturelle et exprimer la créativité qui lui est propre. culturelle isolée ou un secteur d’activité isolé tère, a rédigé sa première charte, sur la base au sein d’une structure ne sont pas en capacité des textes fondateurs évoqués précédemment. de développer une démarche d’accessibilité. Il s’est constitué en association en 2013 et est Le travail partenarial et la complémentarité devenu à cette occasion réseau national mu- Avec... des acteurs sont fondamentaux. Pour répondre sique et handicap. aux exigences de la loi de 2005 relative à l’ac- BARBERINE BLAISE CHARLOTTE DESBONS cessibilité aux personnes handicapées des Outre l’animation d’un réseau d’acteurs profes- Coordinatrice du Réseau Chargée de projets bâtiments, au-delà des textes fondateurs qui sionnels, le RNMH assure une mission de veille national musique et handicap médiation culturelle à doivent guider les pratiques, cette notion de et constitue un espace ressource ouvert à tous. (RNMH) l’ARA (Roubaix) mise à l’œuvre collective est primordiale. Le réseau se situe au croisement de différents secteurs, et de fait, pour opérer une mise en Le RNMH est une association loi 1901 dont le lien efficace, il est nécessaire de disposer d’élé- PRISCILLIA DESBARRES SANDRINE COURTIAL but est de favoriser l’accès des personnes en ments de fonds, d’être au courant des nouveau- Responsable communication Codirectrice de l’ARA situation de handicap de toutes natures à la tés et d’être en capacité de promouvoir des ou- d’Accès Culture en charge des actions culture et principalement à la musique, tant en tils très concrets. Enfin, s’il n’est pas possible de de médiation et de termes de pratique que d’accès aux œuvres. Le répondre directement à une demande en s’ap- l’accompagnement des réseau s’appuie sur des valeurs et des textes puyant sur les membres du réseau, celui-ci doit publics (Roubaix) fondateurs : la loi de 2005, mais également des être en capacité de renvoyer vers un acteur qui textes relatifs au respect des droits culturels, peut être lui-même ressource. Déclaration de l’ONU de 1975 et Convention D’un point de vue plus opérationnel, le réseau Animé par... de Fribourg de 2007. Le RNMH a pour mission organise des rencontres professionnelles de LAETITIA JEAN de mettre en lien les différents acteurs du sec- deux types : régionales et nationales. Responsable de l’action teur de la culture, de l’enseignement artistique, du spectacle vivant, du secteur médico-social Les rencontres en région vont privilégier dans culturelle à Paloma (Nîmes) et du monde du handicap au sens large pour un premier temps l’interconnaissance entre ad- répondre à des demandes concrètes : une hérents locaux puis dans un second temps élar- famille qui recherche un professeur de piano gir à d’autres acteurs identifiés par le réseau. pour un enfant, une collectivité ou une entre- Cela permet aux acteurs, sur un territoire plus prise qui cherche à sensibiliser son personnel, restreint que celui du national, de s’identifier entre eux, de découvrir les activités de cha- 1 - www.musique-handicap.fr 44 45 cun et donc de favoriser d’éventuels nouveaux abordée malgré la présence de facteurs d’ins- la structure ne soit pas isolé, que le lien soit fait cussion, de lutherie sauvage (fabrication d’ins- partenariats. Ces rencontres régionales ont truments, d’enseignants artistiques, de direc- avec les autres services (billetterie, communi- truments à partir de matériaux de récupéra- également pour but d’identifier les freins et les teurs d’établissement, de collectivités… cation…). Il ne s’agit pas d’une politique menée tion)... Des partenariats qui se réitèrent chaque leviers que chacun rencontre et donc de parta- par une personne, car pour être efficace celle- année ont ainsi été construits avec différentes ger à travers l’échange de pratiques entre parti- Pour le RNMH, l’intérêt de travailler en cohé- ci doit être portée par tout l’établissement. Elle structures. La réflexion autour de l’accessibi- cipants les difficultés rencontrées. En règle gé- sion avec d’autres acteurs, au régional et au note qu’il n’y a pas eu jusque alors beaucoup de lité s’inscrit aussi dans le cadre associatif. La nérale, les participants viennent chercher de la national, comme c’est le cas avec la FEDELIMA rencontres au sein de la FEDELIMA au sujet de structure dispose d’une charte, met en avant ressource et des solutions, mais ne pensent pas dans le cadre de RAFFU! est aussi de mettre l’accessibilité des personnes handicapées, mis des valeurs : égalité des chances, respect des pouvoir être eux-mêmes des personnes-res- en valeur des acteurs locaux, de générer de à part sur l’entrée technique et les questions cultures et esprit collectif. L’ARA défend l’idée sources pour leurs pairs. D’où l’importance de l’échange de pratiques à tous les niveaux. de mise aux normes des bâtiments. Cet atelier que chacun peut être musicien.ne.s. Depuis ces rencontres régionales dont le concept est Concernant la notion d’accessibilité, il convient constitue la première occasion de réfléchir 2016, la structure est très attentive à sa com- né d’un besoin d’échanger sur les pratiques. Le de l’appréhender d’un point de vue global. La collectivement au-delà de ces questions. munication autour de ces valeurs et utilise no- RNMH a en effet observé que les rencontres question de l’accès au bâti commence à être tamment l’écriture inclusive. Elle a également nationales étaient souvent moins accessibles traitée largement, celle de l’accès à la pratique récemment enclenché une réflexion autour des aux petites structures. Agir à une échelle de l’est nettement moins. Pour autant, sur le pre- Intervention de Sandrine COUR- droits culturels. La structure est bien entendu territoire plus réduite favorise la circulation mier point, des progrès sont encore néces- 3 également attentive au cadre légal. Elle réflé- des personnes et donc la rencontre des ac- saires. Il est parfois très compliqué en centre- TIAL, codirectrice de l’ARA , en chit ainsi concrètement à comment faire en teurs. Cela permet également au réseau de se ville de modifier des bâtiments historiques. charge des actions de médiation et sorte de respecter au mieux ces valeurs. faire identifier par des élus locaux et d’établir à Cela peut générer une perte en capacité d’ac- de l’accompagnement des publics terme un diagnostic de territoire. cueil et engendrer de longues fermetures, pro- (Roubaix) Cette posture ne peut être portée individuel- blématiques dont le ministère est conscient. La lement au sein de la structure, à l’instar d’une Des rencontres nationales biennales sont éga- question de l’orientation dans la ville ou dans le L’association l’ARA, structure d’accompagne- démarche RSO. La structure a donc décidé de lement organisées par le RNMH avec pour vo- lieu même est également importante. Un bâti- ment des pratiques de musiques actuelles, est s’appuyer sur son expertise en termes d’action cation de proposer des thèmes transversaux. ment n’est d’ailleurs pas toujours une structure organisée en trois pôles. Le pôle médiation culturelle et de la mettre en perspective avec Les notions de projet et d’inclusion ont ainsi permanente, il peut également s’agir d’un es- culturelle porte une dizaine de gros projets l’école de musique et son mode d’organisation été traitées. En 2015, les rencontres avaient pace ponctuel comme un festival dans lequel il par saison, avec des centres de détention, des en cours collectifs, les professeurs n’étant pas pour thématique la question des métiers et est aussi nécessaire d’organiser un accueil. Les hôpitaux, des écoles… Et donc de nombreuses formés à l’accueil de tous les publics. La struc- de la professionnalisation des personnes en enjeux autour de l’accessibilité sont donc très structures liées au handicap. Une équipe de ture a eu l’idée dans un premier temps de po- situation de handicap et celles de 2017 la ques- larges : la circulation, l’accès à l’information, cinq personnes gère ce pôle comportant éga- sitionner le pôle action culturelle en renfort tion des instruments de musique adaptés. Les l’offre culturelle et artistique, de la médiation à lement une partie « prévention des risques auprès du pôle formation artistique sur ces prochaines rencontres auront lieu les 27 et 28 la sensibilisation… auditifs ». Le pôle formation artistique com- questions, pour apporter de la méthode, de avril 2020 au Centre Culturel Baschet de Saint- porte une partie apprentissage musical par la ressource, faire le lien avec des partenaires. 2 Michel-sur-Orge (91) sur le thème de la trans- Barberine BLAISE propose en conclusion le vi- l’intermédiaire d’une école de musique ouverte Il n’y avait pas de personne référente dans un mission, traitée de manière globale et non pas sionnage d’un reportage portant sur un atelier à tous proposant des cours collectifs et une premier temps. En février 2019, lors des entre- uniquement au sens de la pédagogie. Trois es- de création d’instruments mis en place en 2017 partie accompagnement des musiciens et ré- tiens annuels de l’équipe, une salariée a de- paces ont été définis pour traiter ce thème : les avec les enfants d’un SESSAD (Service d’édu- sidences. Le pôle coopération réunit toutes les mandé à ce que son poste évolue pour travail- espaces pédagogiques, les espaces artistiques cation spéciale et de soins à domicile) ayant fonctions administratives et de communication ler sur la question de l’inclusion des personnes avec pour volonté d’interroger les processus de un handicap moteur, notamment aux mains. de la structure et fait également le lien avec en situation de handicap. Elle menait déjà création et les espaces de « vie quotidienne ». Le reportage montre l’intérêt, en équipes plu- les réseaux de la filière musiques actuelles. Le beaucoup de projets dans ce domaine, avec Les questionnements porteront sur comment ridisciplinaires, de faire construire un instru- conseil d’administration a fait le choix en 2016 conviction. Cette proposition a été défendue se transmet l’art, la musique, qui les transmet, ment de musique à ces enfants en situation de de mettre en place une codirection avec trois par l’équipe de direction auprès des membres pour qui, consciemment ou inconsciemment… handicap pour les faire travailler autour de la codirecteur.rice.s chacun responsable d’un des du conseil d’administration qui l’ont validée. motricité, mais également dans un objectif de pôles. Le fait d’acter symboliquement l’évolution du Le RNMH participe également à différents socialisation et de vivre ensemble. D’un point poste a confirmé cette ambition collective, à événements pour aller à la rencontre d’autres de vue artistique, l’objectif est également de Le projet de l’ARA est basé sur la pratique l’échelle de toute l’association. Un travail est professionnels et se faire connaître de diffé- faire en sorte que l’instrument de musique soit de la musique et part du principe que tout le mené actuellement autour de l’évolution du rents secteurs. Par exemple, le salon Autono- utilisable par la suite et leur permette concrè- monde est capable de faire de la musique. Une poste en question. Pour l’instant, la demande mic, portant sur le handicap en général, où le tement de pratiquer la musique. des portes d’entrée du projet est donc l’action du conseil d’administration est de positionner RNMH communique sur sa spécificité musicale culturelle, l’ARA développant des actions de- un jour de travail hebdomadaire sur cette ques- et artistique, ou le salon Musicora, dédié à la En conclusion de l’intervention de Barbarine puis plusieurs années avec des structures très tion, avec l’idée d’augmenter en 2020 ce temps musique classique, où la question du handicap BLAISE, Laëtitia JEAN rappelle qu’il est essen- variées, dont des IME, ESAT, foyers d’accueil de travail. L’objectif du poste est de travailler au sens large n’était jusqu’à récemment pas tiel au sein d’une structure culturelle que la di- médicalisés : ateliers d’écriture de rap, de per- en transversalité avec l’ensemble des salariés. rection porte la question de l’accessibilité, pour Cette salariée a par la suite suivi une formation 2- www.musique-handicap.fr/actualites/8e-ren- que l’éventuel référent accessibilité au sein de de référent handicap au sein d’un établisse- contres-nationales-2020 3 - www.ara-asso.fr 46 47 ment d’enseignement en décembre 2019. les apprentis de l’école. Par exemple, « élec- munication auprès des personnes han- se fasse à travers l’artistique avant tout. Il est trons libres », dont la deuxième saison court dicapées et valides concernant ses in- fondamental d’essayer de tendre vers les deux Un certain nombre de chantiers a été identifié sur 2019/2020 est un projet autour de la tentions de mélanger les publics ? objectifs. Elle ajoute que la communication, concernant les questions d’accessibilité et dé- fabrication d’instruments adaptés à la pra- notamment la sémantique employée, pose passant le simple cadre de l’école de musique : tique musicale et aux contraintes physiques La structure a fait le choix de communiquer sur souvent difficulté : handicapés, en situation • Communication et signalétique : picto- de jeunes autistes d’un foyer d’accueil médi- un « stage de découverte instrumentale pour de handicap, éloignés, empêchés… Travailler grammes, sémantique employée, utilisa- calisé. Sur ce projet, l’ARA travaille en par- fripouilles atypiques » et la démarche est ex- en réseau entre structures permet d’identifier tion de l’écriture FALC (« Facile à Lire et à tenariat avec un ancien ingénieur spécialisé pliquée dans les supports de communication. quels termes sont utilisés par qui et comment, Ecrire »). Cet axe va être travaillé avec le en électronique et un musicien luthier. Ces Ainsi, les participants savent à quoi s’attendre. quels signifiants sont à l’œuvre et de dévelop- chargé de communication. deux professionnels effectuent des pé- L’ARA estime qu’il ne faut pas se censurer, l’en- per un langage commun entre structures mé- • Un travail avec le responsable de l’appren- riodes de résidence au sein du foyer d’ac- jeu étant d’identifier les bonnes terminologies. dico-sociales, artistiques, de diffusion. Établir tissage musical en lien avec les professeurs cueil et proposent des temps de pratique Elle va tester prochainement cette approche à ce langage commun peut être en partie fa- et les adhérents. Une première saison fera aux jeunes leur permettant d’observer leur travers un temps d’initiation musicale acces- vorisé par les outils de types pictogrammes, l’objet d’expérimentations au travers de façon d’appréhender les instruments, leurs sible à partir de 7 ans organisé en lien avec signalétiques, qui en jettent la base. Des pe- stages mixtes pendant les périodes de préférences (taille des boutons, lumière, « Loisirs pluriels », un centre de loisirs qui ac- tites phrases à l’apparence anodine comme vacances scolaires : fabrication d’instru- toucher…) et d’en ajuster la fabrication. Une cueille des fratries d’enfants, dont certains en celle citée précédemment sont également très ments, musique brute… Afin d’identifier les restitution a été proposée lors de la fête situation de handicap. L’ARA accueille déjà des pertinentes : « vous faut-il un accueil particu- manques et difficultés, le matériel à acqué- annuelle de l’ARA avec de bons retours du enfants en situation de handicap au sein de ses lier ? », « avez-vous des besoins particuliers » ? rir. L’objectif au bout d’un an est l’ouverture public présent. cours, mais cela a pu générer des situations RNMH travaille en ce sens afin de rompre avec d’un parcours non pas pour les personnes • Un autre chantier concerne la mise en ré- problématiques, notamment avec de jeunes l’autocensure des familles qui bien souvent es- en situation de handicap, mais réfléchi dif- seau, la récupération de ressources et le autistes, les professeurs comme les autres timent d’emblée que telle ou telle proposition féremment, au sein duquel n’importe qui partage d’expérience. L’ARA a pour cela ré- élèves n’étant pas au courant de leur situation n’est pas pour elles. Les professionnels doivent peut s’inscrire, par exemple autour de la cemment adhéré à Musique et Handicap et et ne comprenant donc pas leur comporte- également garder à l’esprit que des familles se musique brute. opère actuellement un rapprochement avec ment. C’est pourquoi l’association Mesh leur voient régulièrement opposer des refus ou ont peur de s’en voir opposer. Tout ce qui peut être • Des sessions de formation à destination de des acteurs locaux pour monter un réseau a conseillé de rajouter sur les fiches d’inscrip- sur la métropole lilloise. tions une mention « besoins particuliers » pour initié en termes d’ouverture, via un vocabulaire l’équipe. En 2018, l’équipe permanente et léger, amusant, qui désacralise, est positif. une partie des musiciens intervenants ont • Enfin, les perspectives de développement inciter les parents à ne pas hésiter à les infor- suivi une formation sur l’accueil des per- passent également par la recherche de fi- mer en cas de situation particulière. sonnes en situation de handicap. En 2019, nancements trois nouvelles formations ont été propo- Priscillia Desbarres ajoute qu’il est beaucoup Intervention de Priscillia DES- sées aux professeurs de l’école de musique Dans le cadre de sa démarche, l’ARA insiste sur question d’inclusion dans loi de 2005, celle-ci BARRES, responsable communica- et à l’équipe salariée, dont une avec l’asso- l’importance d’une prise de conscience collec- se situant généralement du côté de la scolarité. tion d’Accès Culture5 ciation avec l’association Mesh 4 (Musique tive, équipe et dirigeants bénévoles, de l’im- Cela génère des problématiques de formation et Situation de Handicap) et une sensibilisa- portance du poste dédié et de la nécessité de des équipes, de coût et de temps supplémen- Priscillia Desbarres précise tout d’abord qu’Ac- tion à l’autisme. Ces temps de formation et responsabiliser et d’impliquer tout le monde. taires. Communiquer clairement comme le fait cès Culture est une association qui s’occupe de sensibilisations seront poursuivis, aussi La structure insiste également sur la nécessité l’ARA est selon elle une excellente chose pour principalement d’accessibilité pour le spec- bien pour les salariés que pour les dirigeants d’un accompagnement poussé de la direction, ne pas créer des malaises ou du décourage- tacle vivant : théâtre, danse et opéra. Pour bénévoles, en s’appuyant sur les partenaires qui passe par un suivi régulier. ment. Il est tout à fait pertinent de proposer un autant, des passerelles avec les musiques ac- de la structure. atelier où l’on retrouve une mixité des publics. tuelles existent naturellement. Mais il faut en revanche aussi accepter que cer- Un chantier concernant le bâti va être en- Dans le cadre de cette création de • tains publics nécessitent une attention particu- clenché en lien avec le régisseur et la mairie poste, comment la structure gère-t-elle lière et plus de temps d’accompagnement. La loi de 2005 de Roubaix, notamment en vue de la rédac- en interne le redéploiement et la prise tion du registre d’accessibilité de la struc- La loi de 2005 est une loi pour l’égalité des en charge du travail supplémentaire ? Barberine Blaise complète ces propos en pré- ture. Le chantier est complexe, le bâtiment droits et des chances, la participation et la ci- cisant que les lieux d’enseignement tels que accueillant l’ARA datant de la fin du XIXème toyenneté des personnes handicapées. Elle a C’est l’objet du travail actuel, la décision ayant les conservatoires prônent souvent l’existence siècle et étant en partie classé. été pensée essentiellement par rapport au droit été officialisée en juin 2019. L’ARA a d’ores et de parcours adaptés intégrant éventuellement commun et à l’accessibilité aux bâtiments, mais • Un grand chantier est mené avec le pôle déjà décidé de répondre à moins d’appels à une pratique duelle entre un professeur et un pas uniquement. Pour autant, il n’y a pas d’obli- action culturelle, concernant toutes les ac- projets. La structure souhaite que cette dé- enfant en situation de handicap, ainsi qu’une gations légales au sein de cette loi de faire tant tions développées avec des structures spé- marche n’ait pas d’impact négatif sur les autres pratique collective à un moment donné : un de spectacles accessibles ou tant d’actions cialisées. La structure souhaite notamment salariés, notamment en termes de charge de atelier de percussion, une inclusion dans l’or- culturelles. Cependant, il y a des obligations renforcer les actions in situ et en lien avec travail. chestre pour des petites tâches, du chant en légales concernant la mesure des portes, les grand groupe... Ces initiatives sont pensées Comment l’ARA aborde-t-elle sa com- pour que cette inclusion d’humain à humain 4 - http://mesh.asso.fr 5 - https://accesculture.org 48 49 toilettes, etc., mais elle ne concerne pas que exemples sont néanmoins disponibles sur le dans la malvoyance et la malentendance. vite caduques. le cadre bâti. La création des MDPH (Maison site Internet de certaines structures culturelles départementale des personnes handicapées), : musée du Quai Branly , théâtre national de Accessibilité numérique Barberine Blaise ajoute que le RNMH a étudié centres administratifs mis en place pour per- Chaillot . les métiers et la professionnalisation des per- mettre aux personnes d’obtenir les cartes de Ce registre ne peut pas être rédigé par une En ce qui concerne l’accessibilité numérique, sonnes en situation de handicap. Elle signale stationnement et d’invalidité découle égale- personne seule, ou celle-ci doit du moins récu- les sites Internet publics ont normalement notamment qu’un adulte musicien handicapé ment de cette loi. Il existe d’ailleurs désormais pérer les informations auprès de chaque ser- l’obligation d’être accessibles. Des guides ont ne peut pas cumuler l’allocation d’adulte handi- une carte unique, la carte mobilité inclusion vice de la structure. Ce sont tous les acteurs également été mis en place par www.jacce- capé et le statut d’intermittent. Il peut décider (CMI). La loi de 2005 cadre également les quo- d’une structure qui vont réaliser ce registre en- de.com : « jaccede web » et « jaccede pdf », à de ne pas faire connaître son handicap quand tas dans les entreprises et la notion d’inclusion semble. Cela induit de dialoguer entre services destination des responsables communication, cela est possible et exercer en tant que mu- dans la scolarité. Cette loi avait initialement pour régler les problèmes et points bloquants. pour rendre accessibles leurs PDF en ligne. sicien. Mais quand il s’agit d’un handicap qui une échéance à 2015. La France devait être Il existe également 5 guides pratiques sur le site L’idéal est de faire appel à un développeur spé- se voit, il est plus compliqué de totalement accessible dans son ensemble à cette date. du ministère de la Culture qui apportent des cialiste de la question. Il existe aussi des do- évincer la question à l’embauche. Faire une Les objectifs n’ont pas été atteints. Des agen- conseils en termes d’images, de pictogrammes cuments à destination des développeurs pour étude serait intéressant, mais comment être das d’accessibilité programmés (les « Ad’Ap ») et d’utilisation de l’écriture FALC pour faire leur apprendre comment créer un site acces- sûr d’avoir les remontées puisque de fait, les ont donc été mis en place, dont les structures comprendre facilement l’information. Il met sible. Rendre accessible un site Internet déjà commanditaires potentiels de ce genre d’étude n'ont pas forcément connaissance, la commu- également à disposition un annuaire de struc- existant est très compliqué techniquement et ne font pas cohabiter les deux situations ? A nication de l’état étant insuffisante. Ces Ad’Ap, tures ressources. onéreux. En revanche, rendre accessible un chaque rencontre professionnelle, il est donc qui concernent tous les ERP, du théâtre au petit Le comité régional du tourisme d’Île-de-France site à sa création est très abordable si le dé- important d’en faire des comptes rendus, de commerce, consistent à se positionner, c’est- a également développé un site e-learning pour veloppeur y est formé. On peut facilement vé- faire remonter ce type d’informations du ter- à-dire définir si un bâtiment est accessible apprendre comment assurer l’accueil de per- rifier si un site est accessible en tapant « Ctrl rain, de les partager. C’est de cette manière que totalement, partiellement ou non et dans les sonnes en situation de handicap : il est adapté + » et « Ctrl - » sur son clavier d’ordinateur (la peuvent non seulement évoluer les mentalités, deux derniers cas d’en expliquer la raison (une pour différents types d’espaces et différents typographie doit grossir sans se chevaucher). mais aussi que les décideurs peuvent être aler- dérogation pour un bâtiment classé monument types de handicap. Un tel apprentissage per- Rendre un site Internet accessible nécessite de tés sur des problématiques précises. Il y a ainsi historique par exemple) et/ou de s’engager à met d’intégrer les bons gestes, comme par penser à son ergonomie générale. Il est donc parfois au sein des administrations des contra- faire des travaux en termes d’accessibilité sur exemple ne pas prendre une personne mal- fortement conseillé, lors de la refonte de son dictions très bloquantes. Tout comme parfois une échéance à 3, 6 ou 9 ans. Même si l’on peut voyante par le bras. site Internet, d’intégrer une ligne accessibilité à des lois sont difficiles à mettre en œuvre, car douter que tous les ERP soient accessibles en l’appel d’offres. Il existe des moyens alternatifs, les acteurs n’en ont pas réellement les moyens 2024, une démarche est lancée, la question Le plus efficace en matière d’accessibilité reste comme envoyer le contenu du site au format ou partiellement seulement… de l’accessibilité et du handicap est de plus en de suivre une formation auprès d’une associa- texte pour qu’un malvoyant en prenne connais- plus abordée dans la société civile. Les choses tion locale et de rédiger des fiches pratiques sance à l’aise d’une synthèse vocale. Présentation d’Accès Culture évoluent dans le bon sens même s’il est difficile afin de faire circuler l’information en interne de de respecter la loi au détail près. la structure en cas par exemple de turnover. Dans le cadre de l’accessibilité numérique, en L’association a été créée en 1993. Elle a pour fonction du type de structure, la loi a détermi- origine l’arrivée de l’audiodescription en Le registre d’accessibilité Différentes ressources Internet né une graduation d’accessibilité. Il ne s’agit France. L’audiodescription est un disposi- pas d’un coût complémentaire très élevé dans tif créé aux États-Unis et importé en France Le registre d’accessibilité est une obligation D’autres sites Internet ressource existent (éga- un budget global de refonte d’un site Internet. par l’Association Valentin Haüy, une des plus légale depuis 2018. Ce document permet de lement disponibles sous forme d’application Et il existe des applications, Tanaguru , RGAA grandes associations de personnes aveugles signaler tout ce qui est mis en œuvre au sein de mobile) : http://accessible.net et www.jaccede. ou W3C qui fournissent des règles très pré- et malvoyantes. Deux de ses membres sont sa structure en matière d’accessibilité : cadre com recensent les sites accessibles. Une struc- cises. Il faut avant tout garder à l’esprit que le partis aux États-Unis pour être formés et ont bâti, services proposés, personnes référentes ture culturelle peut s’y faire référencer. plus important est que le site soit fonctionnel mis en place à leur retour l’audiodescription ou documents administratifs. Ce registre doit L’association des aveugles de France a déve- pour ses utilisateurs. pour le cinéma en créant la marque Audiovi- exister en version imprimée et être disponible loppé l’application mobile « Eye View » qui « a sion. Frédéric Le Du, actuel directeur de l’as- à l’accueil de tout ERP, être disponible sur le pour vocation de sensibiliser le grand public au À l’instar des nombreuses études, no- sociation était à l’époque assistant-metteur en site Internet et chaque salarié ou publics doit handicap visuel en simulant les conséquences tamment celles commandées à ses ad- scène de Jérôme Savary, directeur du théâtre en connaître l’existence. Une personne handi- des principales maladies de l’œil (DMLA, hérents par le CNV, sur l’égalité hommes Chaillot. Il a vu l’audiodescription se dévelop- capée doit pouvoir se rendre dans une struc- glaucome, cataracte, etc..), grâce à la réalité per pour le cinéma et a eu l’idée de la déve- / femmes, existe-t-il des études du ture et demander à le consulter. Dans le cas augmentée et/ou en réalité virtuelle ». Le grand lopper pour le théâtre et l’opéra. Le premier contraire, même si cela n’a jamais eu lieu, elle public a tendance à catégoriser les publics par même type sur la place des personnes spectacle audiodécrit a ainsi été « Songe d’une est en mesure de porter plainte. Ce registre est rapport à leur situation de handicap. L’appli- en situation de handicap ? nuit d’été », à Chaillot, en 1990… Trois ans plus un moyen, en pénétrant dans une structure de cation permet ainsi de se rendre compte que tard, Frédéric Le Du a pris conscience que ce connaître où sont les places pour les personnes d’une personne malvoyante à une autre la si- Le ministère a mené différentes études sur l’ac- service pouvait être utile à d’autres structures en situation de handicap, quelles sont les en- tuation est très différente. Il est important de cessibilité des sites Internet, mais la technolo- et a monté l’association Accès Culture qui tra- trées, etc. Il n’existe pas de modèle type. Des comprendre les innombrables degrés existants gie évoluant très vite, celles-ci se retrouvent vaille aujourd’hui avec plus de 100 théâtres et

50 51 opéras en France. L’association aide non seu- Les SubPac ont avant tout été pensés pour avoir des casques totalement fermés signifie Dans le cas de Dijon, cette utilisation d’une ma- lement à mettre en place des services pour les gamers, le jeu vidéo. Puis ils ont été réuti- être coupé de ce qu’il se passe sur scène, de quette est intéressante, car le bâtiment est en les personnes aveugles et malvoyantes via lisés pour les personnes sourdes et malenten- certaines émotions. Ce sont des probléma- forme de piano. Il est également possible de l’audiodescription, mais également pour les dantes. En festival cela fonctionne bien en les tiques complexes. L’émotion peut aussi passer resituer l’emplacement d’un lieu dans une ma- personnes sourdes et malentendantes via des portant dans le dos, en version debout. En salle par l’accompagnateur voyant qui va décrire un quette de Paris. Ce type d’outils peut d’ailleurs adaptations en Langue des Signes française de spectacle, ils se portent davantage sur le moment particulier auquel le malvoyant n’a pas être utilisé avec d’autres types de publics. et du surtitrage adapté. Accès Culture est une ventre, particulièrement en configuration as- accès. association qui accompagne les structures. Elle sise Accessibilité et communication ne se positionne pas en simple prestataire de Une participante témoigne que pour les services. Les personnes en situation de han- L’audiodescription concerts organisés par sa structure, des bé- En termes de communication il est utile de com- dicap composent un public à aller chercher, névoles sont formés, il y a moins d’écriture en muniquer sur l’ensemble des outils existants, à comprendre, à connaître. Cela nécessite de Priscillia Desbarres propose le visionnage d’un amont. Il n’est en effet pas envisageable de pro- via tous les médias (site Internet, affiches, communiquer avec les bons outils et la mise reportage sur les publics aveugles et l’au- poser une audiodescription préparée pour des tracts…), notamment en utilisant les picto- en place d’actions de médiation. L’association diodescription. concerts ou des spectacles d’improvisation. Il grammes dédiés (l’œil barré pour les aveugles n’a à ce jour jamais travaillé avec des salles de convient également que le public non voyant et malvoyants par exemple). Cela permet no- musiques actuelles, mais a connaissance de La vidéo résume l’action d’Accès Culture en ou malvoyant vienne en avance pour être briefé tamment d’informer les différentes structures projets de chansigne lors de certains concerts termes d’audiodescription. Il s’agit d’un dispo- sur le nombre de personnes sur scène, lui pré- relais. Il peut également être conseillé de créer et autres initiatives en matière d’accessibilité sitif mis en place en direct le soir des repré- senter le groupe. Le bénévole intervient entre une page « accessibilité » dans la brochure et d’audiodescription. D’un autre côté, pour sentations par un régisseur. Pour le cinéma, les morceaux, peut décrire des interactions de la structure, avec des pictogrammes ren- un public malvoyant, un concert constitue un une bande-son fixe existe qui est calée avec particulières qui ont eu lieu avec le public, mais voyant sur les pages présentant les concerts, spectacle naturellement accessible. Mis à part l’audiodescription. Le spectacle vivant, en évite d’interrompre l’écoute pendant les mor- spectacles… On peut également y insérer les si des visuels, des vidéos sont intégrés au spec- revanche, ne se joue jamais de la même ma- ceaux. C’est pourquoi certains concerts sont coordonnées d’une personne référente avec tacle. nière. Cela nécessite donc la présence d’une plus faciles à audiodécrire que d’autres… une adresse mail dédiée du type « accessibi- personne en charge de placer les phrases d’au- lité@nomdelastructure ». Cela facilite la réser- SubPac et autres dispositifs adaptés aux diodescription au bon moment. Pour une pièce Autres outils de médiation vation par exemple. Il convient en revanche musiques actuelles classique d’une heure trente à deux heures, il y d’être très attentif aux termes utilisés, en évi- a entre 200 et 500 phrases d’audiodescription Accès Culture a également mis en place des tant par exemple le terme « public empêché » Des participants témoignent de différentes créées. Des temps de silence sont aussi néces- dispositifs pour les spectacles de danse en et lui préférer le terme « public spécifique ». Il initiatives liées à l’accessibilité mises en œuvre saires pour le spectateur, il n’est pas possible partenariat avec la Compagnie Acajou spé- est également possible d’utiliser des caractères dans le champ des musiques actuelles. En de lui parler en permanence. Pour l’opéra, il cialisée en danse et handicap visuel. L’associa- agrandis pour les personnes aveugles ou pour- Mayenne, le festival Au Foin De La Rue et son est possible d’aller jusqu’à 2000 phrases. En tion a estimé très important de proposer des quoi pas le braille, même s’il y a au final peu association partenaire Quest’Handi, proposent effet, la traduction qui est sur les écrans pour ateliers de danse en amont des spectacles au d’utilisateurs. Il faut également exclure le terme des concerts audiodécrits et des concerts les voyants doit être accessible aux personnes public aveugle. Le chorégraphe peut ainsi faire « handicapé », on parle de « personnes en si- chansignés. Au Foin De La Rue est assez exem- aveugles. La description de l’action sur scène jouer certains personnages du balai par des tuation de handicap ». En revanche, on peut plaire et constitue une véritable structure sera donc complétée de la traduction du livret personnes aveugles ou malvoyantes. Dans la tout à fait utiliser les termes sourd, malenten- ressource en termes de déploiement d’outils d’opéra, des chants. Il est donc plutôt recom- façon de bouger, lourde, légère, de respirer, les dant, aveugle, non-voyant. Pour information, le d’accessibilité, de la signalétique jusqu’aux mandé à une personne aveugle qui teste pour personnes aveugles et malvoyantes peuvent logiciel Word a développé un vérificateur d’ac- propositions ci-dessus, en passant par l’accom- la première fois l’audiodescription de commen- percevoir des choses. Au théâtre, les visites ac- cessibilité assez peu connu. Dans les options, pagnement physique des personnes. L’Aéronef cer par le théâtre plutôt que l’opéra. Comme tives sont un autre bon moyen de médiation : onglet « révision », il y a un onglet « vérifier l’ac- à Lille a également mis en place du chansigne tout dispositif, l’audiodescription nécessite un faire toucher les décors et les costumes et faire cessibilité » qui va signaler les endroits problé- et des dispositifs à destination des sourds et apprentissage, un temps d’adaptation. Les des- appréhender les espaces en autorisant le public matiques du document. Une autre petite clé est malentendants basés sur les vibrations de la criptions sont très précises, ne se limitent pas malvoyant de monter sur scène avant le début de ne pas justifier les textes, cela permettant musique : les SubPac, gilets vibrants. De telles à des actions simples comme « la chanteuse du spectacle avec l’accord des équipes artis- aux malvoyants de mieux suivre chaque ligne. propositions nécessitent d’anticiper la média- rejoint le groupe sur scène ». Elles précisent tiques. Les comédiens viennent parfois se prê- Globalement, il faut privilégier le noir sur blanc tion, par exemple de pouvoir communiquer en le nombre de danseurs sur scène, leur habil- ter à cette visite. En termes d’action culturelle, sans mise en page. langue des signes et de réfléchir au style de lage... Un extrait d’audiodescription comme il existe aussi la possibilité de faire découvrir musique ciblé. Cet outil est aujourd’hui régu- montré dans la vidéo n’est pas représentatif de le bâtiment à travers l’histoire du lieu. L’asso- Il est également possible de proposer une si- lièrement utilisé par des salles et des festivals. la réalité globale de l’outil. Il faut écouter une ciation a développé des maquettes tactiles de gnalétique à l’accueil du lieu en précisant les Il fonctionne également très bien avec le public audiodescription dans son ensemble pour s’en l’Opéra Comique, de l’opéra de Dijon ou encore possibilités à l’aide de pictogrammes. « Œil autiste, les vibrations produites générant de rendre compte. Les casques d’audiodescription du théâtre national de Chaillot. Le bâtiment barré » pour l’audiodescription et les disposi- l’apaisement. sont semi-ouverts et permettent donc égale- est présenté en tranche et il est possible d’en tifs à destination des aveugles et malvoyants, Priscillia Desbarres propose le visionnage d’un ment d’entendre ce qu’il se passe sur scène. superposer les éléments grâce à un système « mains » pour l’utilisation de la LSF et « oreille reportage sur les gilets SubPac. Des casques un peu plus fermés seraient donc d’aimants. Cela permet de se rendre compte barrée » pour les systèmes d’amplification so- peut-être plus adaptés pour un concert. Mais des différents espaces, orchestre, scène, etc. nore.

52 53 sonnes sourdes locutrices de la Langue des spécifiques, par exemple pour l’acquisi- Enfin, Accès Culture organise une présentation Signes Française (LSF). Elles ne se considèrent La Langue des Signes français (LSF) tion de SubPac ? de saison commune avec les théâtres parisiens. pas comme en situation de handicap, mais Sur un territoire moins doté en structures cultu- comme ayant une langue et une culture qui leur Accès Culture adapte des pièces en LSF. Pour Il s’agit en effet de matériel très cher, comme relles il reste néanmoins possibles de s’associer sont propre. La LSF a été reconnue en France cela, un.e comédien.ne est intégré.e à la mise toute technologie avancée. Un fonds d’acces- avec tous types de structures : bibliothèques, en 2005 après une longue période d’interdic- en scène de spectacles déjà créés. En 2018, un sibilité a été mis en place par le ministère de la musées… mettant en place de l’accessibilité. tion. Ce public peut ne pas avoir une bonne ap- opéra lyrique a même été adapté : deux comé- Culture. En revanche, il faut être un établisse- Il est aussi utile de se concerter pour éviter le préciation de la langue française écrite. diens ont été costumés et intégrés à la mise en ment soutenu par sa DRAC pour le solliciter. Il chevauchement d’événements accessibles. Il n’existe pas de frontière précise entre ces scène. Il est utile lors de ce type d’initiatives de privilégie actuellement le matériel et est donc deux typologies de public. Mais il y a une prise faire appel à un interprète LSF pour assurer une idéal pour l’acquisition de SubPac ou de sys- Exemples d’œuvres sur la cécité de conscience à avoir par rapport à la LSF. médiation. tèmes d’amplification sonore. Accès Culture a plutôt pour objectif de rendre Le mécénat fonctionne bien sur ces questions, Sur ce sujet de la malvoyance, le film « Vers la L’oreille barrée est le pictogramme pour si- accessible la culture entendante aux sourds. notamment certaines mutuelles. Il est égale- lumière » est très intéressant. Il met en scène gnaler l’utilisation de l’amplification sonore. On Mais certains spectacles sont pensés dès leur ment possible de prospecter via la Fondation un photographe japonais qui perd la vue et in- y appose un « T » si la structure offre la possi- création avec des comédiens sourds. Pour faire de France. Mais le mécénat semble moins fa- tègre un questionnement sur l’écriture d’une bilité d’utiliser la fonction T d’un appareil au- venir les spectateurs sourds dans les théâtres, cilement accessible aux projets musiques ac- audiodescription. Il montre notamment qu’un ditif via le système de boucle magnétique (ou Accès Culture a également créé un projet de tuelles. audiodescripteur, même s’il se doit de garder boucle auditive). Le pictogramme pour la LSF visite déambulatoire avec un metteur en scène La participation des spectateurs peut égale- une certaine neutralité, reste un auteur, qui fait est la main. et une comédienne qui vont parler de l’histoire ment être sollicitée. Le Théâtre des Champs des choix. du théâtre en y mêlant l’histoire des sourds. Élysées propose ce type de soutien lors de la Les boucles magnétiques Le public usager de la LSF n’est pas forcément vente des billets. Certains participants font ce- Il existe également de nombreux ouvrages lit- à l’aise avec le texte. Une communication par pendant état de difficultés à mobiliser du finan- téraires qui abordent la question de la cécité : Il existe deux dispositifs : des boucles magné- mail avec un long texte ne sera absolument cement participatif, notamment concernant la tiques en dur, installées dans les sols ou les pas efficiente. Il convient donc de privilégier légitimité de structures bénéficiant d’argent « Aller voir ailleurs » de Jean-Pierre Brouil- • murs d’une salle et un matériel individuel qui l’utilisation de vidéos et les réseaux sociaux. Le public à demander au citoyen une participation laud, l’histoire d’un aveugle globe-trotter passe par un récepteur individuel. Il y a des nom du comédien qui signe doit aussi être évo- financière supplémentaire. • « J’arrive où je suis étranger » de Jacques inconvénients et des avantages aux deux dis- qué. Dans la communauté sourde, certain·ne·s Semelin, un aveugle qui a longtemps nié la positifs. Les boucles en dur sont en général dif- comédien.ne.s jouissent d’une renommée im- En termes d’acquisition de matériel, certaines maladie et étudié à Harvard et qui raconte ficiles à faire fonctionner ou peuvent ne fonc- portante et peuvent mobiliser facilement ce structures ont déjà fait le choix de la mutualisa- son parcours tionner que dans une partie de la salle. Mais public. tion avec par exemple d’autres structures cultu- • « Le monde commence aujourd’hui » de elles ne nécessitent pas que la personne en Pour obtenir quelques clés en LSF, il est pos- relles d’une même région. Cette démarche per- Jacques Lusseyran situation de handicap en fasse la demande. En sible de consulter l’application Elix , un diction- met de plus de légitimer une demande d’aide cas d’utilisation d’un matériel individuel, à l’in- naire de mots traduits en LSF en vidéo. Pour « Le Voyant », de Jérôme Garcin, livre dont auprès des services de sa Région par la suite. • verse, les personnes doivent signifier qu’elles aller un peu plus loin concernant la culture Jacques Lusseyran, aveugle qui s’est sorti ont besoin d’une boucle, mais une fois celle-ci sourde, le livre de Victor Abbou, « Une clé sur des camps de concentration est le sujet Dans l’objectif d’une communication récupérée elles sont parfaitement autonomes. le monde », co-écrit avec sa fille est un bon accessible, vaut-il mieux créer de nou- vecteur. L’ouvrage retrace la vie de l’auteur, ses Les spécificités du public sourd et ma- veaux supports, adaptés à différents Le surtitrage difficultés vis à vis du monde des entendants, lentendant son parcours, ses métiers. Il a vécu ce qui est handicaps. Ou est-il possible d’adapter Le surtitrage en spectacle vivant s’appuie sur le appelé le « réveil sourd » autour de la création ses propres supports déjà existants ? Priscillia Desbarres informe les participants de dispositif de sous-titrage SME. Le nom des per- de l’IVT (International Visual Theatre), un labo- sa tendance à dissocier en deux groupes le pu- sonnages y est précisé ainsi que les voix off et ratoire de recherches artistiques, linguistiques Il est possible de cibler des spectacles de sa sai- blic sourd et malentendant. bruitages. Il est proposé sur un côté de la salle. et pédagogiques sur la langue des signes, les son que l’on sait pertinents et adaptés pour tel Elle identifie d’un côté le public en situation de Il faut savoir que certains comédiens peuvent arts visuels et corporels et une école d’appren- ou tel type de public et dans ce cas d’envoyer handicap auditif, généralement des personnes s’y opposer s’ils estiment ne pas suffisamment tissage de la langue des signes. Il en est l’un des un mail ciblé. Par exemple, un mail accompa- seniores qui perdent de l’audition (bien qu’il maîtriser leur texte. Il est assez peu répandu. Il comédiens reconnus. « Une clé sur le monde » gné d’un document en caractères agrandis à puisse y avoir des publics jeunes dans cette si- peut pourtant aussi servir aux primo-arrivants permet de comprendre la dimension commu- destination d’un public malvoyant présentant tuation). Ce public va aller voir des spectacles ou autres personnes ayant une mauvaise ap- nautaire, chargés d’une histoire lourde et ré- à la fois des spectacles naturellement acces- avec du surtitrage, car il dispose d’une bonne préciation de la langue française. Peut-être les pressive, de la communauté sourde. Il existe sibles et des spectacles bénéficiant d’un dis- appréciation de la langue française écrite. Il est associations concernées ne sont-elles pas au- aussi les reportages de « L’œil et la main » , en positif spécifique. Il est également pertinent généralement utilisateur des boucles magné- tant militantes que pour les autres publics ? Il LSF et surtitrés. Certains sont sur des théma- de mutualiser sa communication ciblée avec tiques ou de l’amplification sonore par casque. y a également de très nombreuses personnes tiques liées à la culture sourde. d’autres équipements, comme des musées, des Il existe un autre public ayant une culture à malentendantes qui refusent de le dire ou de théâtres… En Pays de la Loire par exemple, dix part, la culture sourde, constitué des per- l’assumer et d’exprimer leurs besoins. Existe-t-il des financements et aides structures culturelles proposent ainsi un docu-

54 55 ment commun. Il est en revanche compliqué de culture commune. démultiplier les supports de communication. C’est pourquoi il faut bien penser à mettre les En conclusion bons pictogrammes aux bons endroits, pour les bons spectacles. Il est également utile d’avoir Pour enclencher ou renforcer une démarche un document récapitulatif de ses propositions d’accessibilité, les choix des directions et accessibles à disposition des relais d’informa- l’implication des équipes et des conseils d’ad- tion et des éducateurs. Pour cibler un public ministration sont primordiaux. La fédération spécifique, il ne faut pas hésiter à s’appuyer invite ses adhérents à lui faire remonter leurs sur les élus de son territoire, notamment ceux besoins, leurs questionnements : communica- responsables des questions de handicap dans tion, salarié dédié, financements... Cet atelier les départements. Ils connaissent souvent très est l’occasion de faire des retours auprès des bien les acteurs de leur territoire et les besoins référents action culturelle et des salariés de la de chacun. FEDELIMA afin de poursuivre le chantier. Des possibilités de financements existent probable- La gestion du handicap en interne de sa ment au travers d’actions collectives et le sujet structure entre en parfaite adéquation avec les axes de travail sur les enjeux sociétaux portés par la FE- Un participant témoigne être également sen- DELIMA. Il y a quelques années, la fédération sibilisé par la question du handicap dans sa en était au même niveau de réflexion concer- structure, au sein même de l’équipe salariée. Il nant les enjeux liés à l’égalité femme / homme s’agit pour lui d’une question à inscrire égale- et le chantier a beaucoup avancé en quelques ment aux réflexions dans le cadre de ce chan- années. Il faut également envisager la manière tier, notamment concernant l’adaptabilité des d'articuler ce chantier avec des acteurs qui postes à une situation de handicap initiale ou maîtrisent parfaitement la question. Il est enfin qui se révèle. indispensable de créer de la ressource spéci- Un second participant fait le constat plus glo- fique aux musiques actuelles en s’appuyant sur bal de la nécessité d’édicter des lois, d’impo- celles existantes pour les autres disciplines et ser des quotas, des pratiques, pour insuffler un en s’appuyant sur les projets et initiatives déve- changement des comportements. Or, selon lui, loppés par chacun. De nombreuses initiatives la représentation du handicap chez les valides existent par exemple en ce moment en Pays de devrait être quelque chose d’intégrée dans la la Loire.

56 57 Introduction par Stéphanie Gem- l’idée de penser comment oppression, domina- Égalité, diversité, lutte contre barski, chargée de mission à la FE- tion, discrimination prennent plusieurs formes. Plutôt que de penser individuellement, le but DELIMA est alors d’essayer de comprendre comment les discriminations... Quelles les enjeux peuvent se regrouper, quels sont les Après deux premiers débat à l’occasion de points de convergence possibles. RAFFUT! 2017 puis des Transmusicales, en convergences ? Intersectionnalité, présence notamment de la femme de lettres Historiquement, deux femmes sont pionnières et journaliste Tania de Montaigne et des socio- de cette notion de l’intersectionnalité. Bell de quoi parle-t-on ? logues Gérôme Guibert et Emmanuel Parent, Hooks, théoricienne afro-américaine, publie cet atelier constitue une nouvelle occasion de en 1981 un ouvrage extrêmement connu aux réfléchir collectivement autour de la notion de États-Unis (traduit en France seulement 34 ans diversité, avec cette fois-ci une entrée précise : après) : « Ne suis-je pas une femme ? ». Cet es- Mercredi 3 juillet | 9h30-12h00 Nadir peut-on et quels enjeux à penser les discrimi- sai est centré autour de l’idée que dans la lutte nations de manière croisée et globale ? Ou contre les inégalités, les femmes noires ont été doit-on penser en silos égalité, homophobie, les grandes absentes. Elle explique notamment sexisme, etc. ? Célia Sauvage aura pour tâche que lorsqu’il est question des personnes noires Nous poursuivons avec cette table ronde nos questionnements et échanges autour de poser des repères de définition, un cadre on ne se réfère quasiment qu’exclusivement aux des notions de diversité, d’égalité femmes-hommes, de lutte contre les discriminations de réflexion théorique et de problématiser le hommes noirs tandis que lorsqu’il est question dans les musiques actuelles. Pourquoi et comment ces questions se croisent-elles ? débat. Les autres intervenant.e.s témoigneront des femmes, on ne se réfère quasiment qu’ex- de la manière dont ils ont abordé la question Pourquoi considérer plus précisément ces croisements ? Qu’induisent-ils ? clusivement aux femmes blanches. Les femmes sur le terrain, à travers leurs démarches respec- noires n’étaient donc ni reconnues dans la lutte tives, via différentes actions : une campagne de Nous mettrons également ces réflexions à l’épreuve de différents témoignages pour les droits civiques des noirs, ni dans les communication initiée par le Pôle de coopé- luttes féministes, pour la reconnaissance des d’acteurs qui se sont engagés dans des démarches de luttes contre les discriminations ration des acteurs pour les musiques actuelles droits des femmes. Elle évoque notamment la (sensibilisation du public, formation des équipes, campagne de communication…). en Pays de la Loire ; la raod map diversity, une question du vote aux États-Unis et de l’aide ap- Comment ont-ils mené ces démarches ? Quels sont les écueils auxquels ils ont dû faire initiative émanant d’un réseau suisse de clubs portée par les femmes blanches aux hommes face ? Quels retours ? de concert ; une démarche de sensibilisation noirs pour obtenir le droit de vote. Ces derniers des équipes du Cabaret Aléatoire à Marseille ont d’ailleurs obtenu ce droit avant même les aux questions de discrimination. Autant de problématiques à partager collectivement pour poursuivre notre femmes. En revanche, les femmes blanches ont cheminement dans la ligne de pensée des droits humains fondamentaux, et interroger totalement oublié d’inclure les femmes noires notre capacité à être des endroits de liberté, de respect, d’équité. dans leur lutte. Elles se sont battues pour leurs Introduction par Célia Sauvage, propres droits et pour ceux des hommes noirs, docteur, enseignante-chercheuse mais pas ceux des femmes noires. Différents en études cinématographiques exemples montrent que dans l’histoire de la Avec... lutte pour les droits civiques aux États-Unis, les grandes invisibles sont les femmes noires. Les Célia SAUVAGE propose de présenter à l’audi- YANN BIEUZENT BENOÎT BARRAUD luttes sociales concernent moins les femmes toire la notion d’intersectionnalité d’un point Chargé d’animation des réseaux Agence Adamytes - pauvres et racisées, elles sont plutôt occiden- de vue théorique et de poser différentes pro- talisées et blanches. Bell Hooks est ainsi la et de l’appui aux acteurs du Campagne « Ici c’est blématiques afin de cerner les difficultés pra- première à théoriser cette notion, à effectuer Pôle des Pays de la Loire cool ! » tiques inhérentes à cette notion. Elle introduit le rapprochement entre race, classe et genre son propos par un rappel historique. La notion et affirmer que l’on ne peut pas penser les d’intersectionnalité est née au sein d’un milieu AURÉLIE BERDUCAT ELSA DELACRÉTAZ femmes comme une entité collective, de même très militant, plutôt afroféministe et non pas Chargée de communication et Association We Can que l’on ne peut pas penser la notion de race universitaire, et donc dans un premier temps relations publiques au Cabaret Dance It, représentante de manière collective. Elle émet donc pour la dans ce cadre précis. Cette notion tend à es- première fois l’idée d’une intersectionnalité et Aléatoire (Marseille) de la Diversity Road sayer de penser la multiplicité des individus, de la nécessité de croiser les luttes, ou en tous Map des identités et de comprendre comment les les cas qu’il est nécessaire de penser les identi- CÉLIA SAUVAGE différentes luttes peuvent converger. La discri- tés de manière distinctes pour parvenir à com- Docteur, enseignante mination envers les femmes peut par exemple prendre comment chaque profil est concerné chercheuse en études s’appréhender différemment pour les femmes par des discriminations très précises. Selon cinématographiques (Université blanches, les femmes noires, selon les classes elle, le genre est donc forcément racisé, il n’est sociales, les orientations sexuelles… À partir Paris 3 Sorbonne Nouvelle) pas possible de parler de la cause féminine de cette notion d’intersectionnalité émerge

58 59 sans faire la distinction entre femmes blanches forme de discrimination que celle envers une néralement franchement oubliées, les femmes personnes invisibilisées mais également leur et femmes noires notamment, tout comme la femme blanche et que celle envers un homme immigrées n’ayant pas les mêmes probléma- donner une place. Il s’agit également d’inclure question de la race est genrée. Il existe des dif- noir. À partir de ce procès de 1976, Kimber- tiques discriminatoires que les hommes. L’in- dans le système de création et de production férences entre hommes noirs et femmes noirs lé Crenshaw va commencer à travailler d’un tersectionnalité pose cette question de l’inclu- des personnes appartenant à des milieux très qui ne partagent pas le même historique en point de vue théorique sur cette notion d’in- sion. Qui est inclus ou non, comment prendre différents, leur donner la parole et ne pas seu- termes de discrimination. tersectionnalité et va développer l’idée qu’il conscience de qui l’on exclut ? Et surtout, lement parler en leur nom. Ne pas se situer uni- faut penser la discrimination au croisement des comment réussir à ne pas faire de hiérarchisa- quement du point de vue du public. On voit ce Kimberlé Crenshaw est la première à théori- questions de genre, de race et de classe. Son tion ? Il s’agit de trouver les points de conver- phénomène à l’œuvre aujourd’hui oar exemple ser concrètement la notion d’intersectionnali- idée à partir des années 80 est également de gences pour que tout le monde puisse être dans les marques de mode et leur volonté de té (Bell Hooks en parle quant à elle en creux, parvenir à penser une histoire de l’exclusion considéré dans le système de discrimination, s’appuyer sur des influenceurs de profils très mais sans employer le terme). Elle est juriste et de poser cette notion d’inclusion et d’ex- et donc de trouver un système de lutte contre diversifiés. avant d’être universitaire. En 1976, un impor- clusion en termes de discrimination. Qui est les inégalités beaucoup plus pluriel que ce qui tant procès fait jurisprudence du point de vue inscrit dans et qui est exclu des luttes contre est habituellement pensé et comprendre les des droits des femmes noires : l’affaire Emma la discrimination ? Lorsque l’on pense les iden- différences et les intérêts spécifiques de cha- Présentation des intervenants DeGraffenreid. Cette dernière voulait postuler tités, comment sont-elles réduites aux mêmes cun. Puis une fois ceux-ci identifiés, trouver les chez General Motors et s’est rendu compte que profils ? D’un point de vue théorique, l’idée de points de convergence. Quel est le point de départ de votre dé- cela était impossible pour une femme noire, l’intersectionnalité est de mettre en lumière marche ? l’ensemble des profils de postes étant ouvert toutes les identités impensées ou invisibles, Cette vision demeure tout de même assez soit aux femmes blanches soit aux hommes en opposition à la notion d’universalisme. Il n’y idéaliste et il s’agit d’une des questions qui se Elsa DELACRÉTAZ, association We Can Dance noirs. Il n’y avait pas de places prévues dans a pas un profil universel pour comprendre ce pose de manière récurrente en recherche : It, représentante de la Diversity Road Map : l’entreprise pour des femmes noires. Elle dé- que serait une femme, une personne LGBT ou dans quelle mesure trouver un cadre théorique cette démarche fait suite à la divulgation par cide donc d’intenter un procès contre General une personne blanche. D’un point de vue poli- suffisamment large pour être unifié et trou- PETZI1 (Swiss federation of music venues and Motors. Kimberlé Crenshaw, universitaire et tique ou militant, l’idée d’intersectionnalité est ver ces points de convergence dans les luttes festivals) d’un énième panel démontrant le juriste, va l’accompagner dans cette procé- également de parvenir à pointer ce mécanisme sans exclure personne ? Par exemple, dans le manque de femmes dans les structures cultu- dure. Mais le procès n’aboutit pas, car le jury d’exclusion. Par exemple dans les communau- féminisme aujourd’hui le point un peu aveugle relles. La fédération a voulu « jeter un pavé estime qu’elle n’a pas été capable de prouver tés LGBT il y a une exclusion assez évidente est la question de la religion. Un cas récent en dans la marre », partant du principe que la di- deux choses en même temps : qu’elle était à des hommes ou des femmes racisées. D’un France est intéressant à citer comme sujet de versité ne devrait pas être si compliquée que la fois victime de discrimination sexiste et de point de vue militant, il s’agit d’un milieu assez crispation chez les féministes : les femmes mu- cela à défendre. discrimination raciste. Ce principe d’impossi- blanc. De la même façon, dans les milieux fémi- sulmanes. Ces dernières ont du mal à trouver bilité de prouver les deux séparément va faire nistes, toutes les personnes transsexuelles sont leur place dans le mouvement. La polémique Aurélie BERDUCAT, chargée de communica- jurisprudence et faire émerger la nécessité de rapidement mises de côté, car on ne sait pas du hijab de course de Décathlon à destination tion et relations publiques au Cabaret Aléa- pouvoir prouver les deux formes de discrimina- comment les penser. Ou lorsque l’on pense la des femmes musulmanes en est représentative. toire2 (Marseille) : un collectif de la commu- tion en même temps, qu’il s’agisse d’une autre question de l’immigration, les femmes sont gé- Certains ont prôné un féminisme laïc, indui- nauté Queer, Le Laboratoire des Possibles3, a sant l’impossibilité d’être féministe et musul- interpellé le Cabaret Aléatoire. De plus l’équipe mane pratiquante. Un féminisme universaliste salariée venait de se renouveler avec notam- est excluant pour beaucoup de femmes. Cela ment l’arrivée de trois femmes. montre qu’en France, malgré une volonté inter- sectionnaliste, quelques minorités se trouvent Yann BIEUZENT, chargé d’animation des ré- malgré tout mises de côté. Autre exemple, en seaux et de l’appui aux acteurs du Pôle de octobre 2018, des discours du Conseil d’État coopération des acteurs pour les musiques autour de la GPA et de la PMA affirmaient actuelles en Pays de la Loire : cette démarche qu’elles n’étaient pas prioritairement ouvertes fait suite à la vague d’agressions sexuelles aux femmes lesbiennes. commises lors d’un festival en Suède en 2017 D’un point de vue purement pratique, par qui a fortement interpellé le groupe de travail exemple pour les acteurs du secteur de la mu- « festivals » du Pôle. Ainsi que l’incident lors du sique, l’idée de penser l’intersectionnalité est festival des Escales devant la création de Jeff de parvenir à réellement appréhender la diver- Miles et Tony Allen (un festivalier avait crier sité du public et pour cela de se décentrer de « sales nègres » devant ces deux artistes). Ces ses propres privilèges. Il n’y a autour de la table deux événements ont été le point de départ de que des femmes blanches, ce qui limite en la réflexion portée par les adhérents du Pôle. termes d’expérience et d’authenticité, même si la question peut être abordée d’un point de vue 1 - www.petzi.ch/fr purement théorique. Pour mettre en œuvre l’in- tersectionnalité il ne faut pas juste penser aux 2 - www.cabaret-aleatoire.com 3 - www.laboratoiredespossibles.com 60 61 Présentation de la démarche de • Pour la première question : « Dommage, la car les associations ne sont pas toutes d’ac- l’association We Can Dance It présence de femmes* sur, devant et autour cord concernant leur nécessité. Dans les trois Présentation de la démarche du Ca- de la scène, garantit l’existence de modèles questions, seule la communication externe est et de représentations, notamment pour la évoquée, mais la communication interne est baret Aléatoire Cette démarche est liée au constat de l’absence relève ». largement mentionnée dans les textes propo- de diversité au sein d’un panel proposé par des Aurélie BERDUCAT est chargée de communi- sés dans le reste de l’outil. associations travaillant sur des problématiques • Pour la deuxième : « Une équipe mixte cation et relations publiques au Cabaret Aléa- liées au genre. Elles ont interpellé PETZI, fédé- aborde et représente différentes sensibili- toire, lieu labellisé SMAC du troisième arrondis- Cette roadmap a été distribuée dans un pre- ration des clubs et festivals à but non lucratif tés ce qui rend la structure plus efficace et sement de Marseille, parfois présenté comme mier temps à l’occasion du festival M4 Music en Suisse. L’idée était de créer une carte4 à des- procure un taux de satisfaction plus élevé à arrondissement le plus pauvre de France. Elle 2018, dédié aux professionnels. Puis les asso- tination des lieux de diffusion musicale, basée l’interne et auprès des publics ». coordonne le projet « Vers des soirées plus ciations parties prenantes l’ont diffusé dans sur trois questions très simples et auxquelles belles » dont le nom a en fait été créé par les • Pour la troisième : « En cassant les stéréo- leurs réseaux. répondre « non » induisait la nécessité de se types et en utilisant, par exemple, un lan- médias. Le lieu propose environ 80 concerts mettre au travail sur les questions de diversité. gage épicène, on brise des schémas et on par an , 70 jours de résidence, 30 jours d’action Le tout accompagné de pistes de réflexion plus ouvre la voie vers une répartition égalitaire Quel a été l’impact de la diffusion d’un culturelle, pour 70 000 spectateurs, dont 2000 théoriques pour encourager un processus de des rôles. ». tel outil ? utilisateurs de l’application dédiée au Cabaret réflexion des acteurs. Les questions sont : Aléatoire, cœur de ce public. Elsa DELACRÉTAZ travaille plus précisément • Y a-t-il autant de femmes que d’hommes Le but est également de mettre en avant des pour l’association We Can Dance It qui propose qui se produisent sur votre scène ? associations qui travaillent autour de la diver- Le constat de départ est que les lieux de mu- des formations pour promouvoir l’égalité entre sique et de fête ne sont pas exemptés de ce su- • Et votre équipe, à quoi ressemble-t-elle ? sité selon plusieurs aspects, notamment Hel- les hommes et les femmes dans les équipes des vetia Rock5, qui propose du mentoring et du jet de société. Aujourd’hui, les équipes, qu’elles • Est-ce que vous axez votre communication structures. Elle est spécialisée sur les question coaching entre artistes féminines, en mettant soient de communication, de production, de autour de textes et d’images qui illustrent de mixité dans les équipes plus que dans les en lien des artistes établies et des artistes dé- billetterie, de diffusion, peuvent toutes être la diversité ? programmations. L’association a été sollicitée confrontées à des problèmes de discrimina- butantes ou en voie de développemen. L’outil régulièrement suite à la diffusion de cette road- En cas de réponse « non », la roadmap propose en soi ne donne pas de solutions concrètes tion. L’équipe du Cabaret Aléatoire a souhaité un petit texte argumenté d’encouragement à map. L’association Helvetia Rock a également appréhender ces problématiques en interne pour tous, il cherche juste à enclencher une reçu beaucoup de nouvelles demandes de changer les choses : réflexion. Puis les différentes associations -as avant d'élargir ses réflexions et actions au grand salles qui veulent par exemple mettre en place public. La salle étant spécialiste des musiques sociées à la démarche peuvent proposer de la des résidences pour encourager ce travail de 4 - https://helvetiarockt.ch/wp-content/ ressource. L’outil ne propose pas de quotas, électroniques, elle s’est questionnée sur les dé- uploads/2019/03/DiversityRoadmap_FR_401_low. coaching de jeunes artistes féminines. buts des musiques électroniques et des rave pdf?fbclid=IwAR2DkcGsGgh55tykEUf1px8BO8CdG- party. La friche qui accueille le lieu a organisé BGGq0h3FQbRNv7gVfvhXJHcF0Lzslw 5 - https://helvetiarockt.ch/fr Le projet est également très en lien avec l’ac- la toute première rave party de Marseille. Les tualité suisse plus globale du fait de l’organisa- raves véhiculaient plutôt des valeurs de liber- tion en 2019 d’une grève féministe nationale et té, d’égalité, de fraternité, voire parlaient déjà des nombreuses réflexions menées autour des de développement durable. Pourquoi un tel égalités de genre. recul depuis les années 90, quand bien même De plus cet outil n’impose rien, il encourage s’agirait-il d’un phénomène sociétal, du fait du juste à une réflexion, donc il reçoit forcément développement de l’individualisme ? La struc- un bon accueil. Mais cela ne signifie pas que les ture a donc décidé de s’engager contre toutes structures qui en prennent connaissance modi- les formes de discrimination et d’oppression, fient leur fonctionnement. Il y a cependant une dans une démarche inclusive, bien que le point forte volonté au niveau des acteurs, notam- de départ du projet s'articule davantage au- ment de PETZI, de se remettre en question tour de la lutte contre le sexisme. Il s’agit d’un et d’ouvrir les structures culturelles qui sont projet participatif qui se nourrit de la réflexion finalement beaucoup plus fermées qu’elles ne de chacun et doit être porté collectivement : veulent bien l’imaginer. avec et par l’équipe, le public, les prestataires Le seul vrai frein au projet est financier, car de sécurité, les collectifs et artistes associés, tout a été fait bénévolement. Mais du fait de des spécialistes issus de différents champs et la grève féministe, les autorités se sentent obli- investis sur celui de la discrimination. Le projet gées d’agir sur la question. Il devrait donc être résulte d’une démarche collective et positive, possible d’obtenir un budget pour créer un site qui véhicule des messages positifs. Il est évo- regroupant toutes les initiatives de diversité, lutif, sous forme de workshops permanents. d’inclusion, d’accessibilité et ainsi une meil- Le projet a débuté en 2018, 2 workshops ont leure visibilité et circulation des informations. eu lieu depuis, cette démarche participative nécessite du temps et de la disponibilité des

62 63 parties prenantes. des articles ou signaler des événements sur le D’autres pistes de réflexion sont de trouver un près des collègues ». sujet. avocat ou un juriste spécialisé sur ces ques- Un questionnaire interne a été proposé aux tions qui souhaiterait s'impliquer dans cette Aurélie BERDUCAT présente également le salariés et aux collectifs très proches de la Les workshops pré-cités ont été coconstruits démarche bénévolement à la démarche et résultat brut de réponses à une échelle de structure, sur des situations de harcèlement avec deux intervenantes : Elsa Bisquet, for- d’associer également un artiste. Le Cabaret graduation des comportements sexistes ou ou de discrimination, à travers des questions matrice en communication et Anaïs Bourdet, Aléatoire souhaite aussi organiser des temps discriminant proposée aux salariés du Caba- très simples du type « as-t-u déjà été témoin ou créatrice du blog « Paye ta Shnek » qui a une d’échange dédiés en interne, sur des sujets ret Aléatoire. Certaines réponses semblent victime d’une main aux fesses ? ». Les retours actualité assez débordante en ce moment, qui concernent particulièrement les musiques totalement incroyables. Par exemple, uriner ont été assez curieux et on observe déjà une car elle vient d’abandonner son projet, trop actuelles, par exemple l’incident récent du dans la salle semble un comportement très évolution au sein de l’équipe après seulement éprouvé par la violence de recevoir autant de Hellfest6. Une telle démarche implique éga- commun. Au moins une personne par soirée deux workshops. témoignages. Le premier a regroupé 20 sala- lement d’être en veille en permanence sur un se fait exclure pour un tel comportement. Les Un appel à témoignages a également été lan- riés, y compris les intermittents, les barmans sujet aussi vaste que celui des discriminations, barmans ont également des problématiques cé auprès du public, sur des situations vécues et l’équipe sécurité du Cabaret Aléatoire. Le faire évoluer les discours, les méthodes et liées à l’usage de drogues, ils en retrouvent au Cabaret Aléatoire ou ailleurs. L’idée était second était basé sur le volontariat et a concer- actes. Il s'agit également de construire et ima- très souvent des traces sur les écocups qui également de faire remonter des expériences né les salarié·e·s se sentant les plus sensibles giner le mode de transmission de cette charte leur sont rendus. Il leur arrive même de se faire et des témoignages positifs, des situations, et concernés. La suite envisagée de ce travail des valeurs aux salariés, collaborateurs et par- reprocher d’avoir rincé un verre. Or, leur rôle des projets, des idées, des propositions… La est de : tenaires. La structure part du principe qu’il ne consiste aussi à ce que personne ne soit drogué structure n’a reçu que 15 témoignages, sachant • Définir une échelle de graduation des agis- faut jamais donner la leçon à qui que ce soit et à son insu et donc à écarter les verres douteux. pourtant que l’appel a été relayé dans la presse sements sexistes et discriminations et un être vigilant au niveau du public, des salariés et Un autre sujet pose énormément question au (20 Minutes PACA / Corse, Trax, Mix Mag) protocole sur les actions à mettre en œuvre du personnel de sécurité pour qu’ils ne soient sein de l’équipe, celle du topless et de la nudité, ainsi que sur la page Facebook de la structure pour prendre en charge les victimes et ac- pas eux-mêmes victimes d’une forme d’oppres- notamment à l’occasion des soirées « Queer ». comptant 40 000 abonnés. Cela semble très ter le mode de gestions des agresseurs ou sion. Si un homme peut se permettre d’être torse nu, peu, d’autant que l’anonymat était garanti. Des harceleurs. pourquoi pas une femme ? Mais si une femme médias plus "grand public" (France 3, Libéra- Le chantier est porté directement par le pré- est torse nu, ne s’expose-t-elle pas à des com- tion) ont d'ailleurs souhaité relayer ces témoi- • Finaliser l’écriture d’une charte des valeurs sident. Les workshops se sont déroulés sur portements problématiques ? gnages, néanmoins le Cabaret Aléatoire ne leur de la structure qui sera annexée au contrat le temps de travail des permanents. Tous les Un certain nombre de comportements a ainsi a pas transmis. Cela illustre la dimension un de travail, au règlement intérieur et aux autres salariés, intermittents et CDDU ont été été identifié et classé en code couleurs afin d’y peu voyeuriste que peut revêtir pour certains contrats avec les prestataires et les artistes. rémunérés pour participer. Ils se sont déroulés répondre de manière appropriée : une telle démarche. L'adresse mail permettant • Définir une série de messages positifs et dans des lieux neutres pour faciliter la prise de • vert = acceptable au public de partager leur expérience de dis- une charte graphique qui seront l’image du parole. criminations reste ouverte. Enfin, une liste de projet en termes de communication et de • jaune = la personne est avertie de l’inappro- priation de son comportement diffusion a été créée en interne pour échanger sensibilisation. Constatez-vous une adhésion de l’en- semble de l’équipe ? • orange = exclusion de la salle et selon la gra- vité, interdiction de fréquentation du lieu L'un des freins était lié à la posture de certains plus ou moins longue qui affirmaient déjà gérer ces situations et • rouge = nécessité d’appeler la police et per- qu’il n’était pas nécessaire de leur apprendre sonne interdite définitivement de fréquen- comment faire. Le terme formation, utilisé au tation du lieu départ, a mal été perçu. Une difficulté a éga- Tous les membres de l’équipe se sont mis d’ac- lement été pour chacun de se positionner vis- cord pour confirmer qu’à partir du moment ou à-vis de ses opinions politiques. 17 personnes une victime est concernée par une situation (25 en incluant le personnel de sécurité) consti- orange ou rouge, elle sera amenée dans un tuent la représentation d’une microsociété. endroit sécurisé par une personne référente et Tout le monde n’arrive pas avec les mêmes raccompagnée en taxi si elle le souhaite. idées de départ. Aurélie BERDUCAT fait enfin part d’une difficulté plus personnelle : « quand on porte ce type de projet, il faut sacrément Présentation de la démarche du s’accrocher ! Il y a tellement de probléma- tiques à traiter au quotidien qu’il n’est pas facile Pôle de coopération des acteurs de de trouver du temps et il en coûte de devoir musiques actuelles des Pays de la constamment revenir sur ces sollicitations au- Loire

6 - Ndlr : voir suite de l’atelier pour plus de Yann BIEUZENT, chargé d’animation des ré- précisions seaux et de l’appui aux acteurs du Pôle est 64 65 accompagné de Benoît BARRAUD de l’agence pliquer l’ensemble des parties prenantes d’un blics. L’idée d’une campagne de communica- en mai 2019 au festival des 3 Éléphants. In de communication Adamytes qui a réalisé une événement. Certes, les équipes de sécurité ont tion a donc été envisagée. Le DLA a permis fine, elle concerne une trentaine de festivals partie de la campagne « Ici c’est cool ! » pré- des process de réponse, mais très empiriques d’en rédiger le cahier des charges, en préci- et lieux en Pays de la Loire. Et un appel a été sentée. la plupart du temps et définis par le gérant de la sant notamment les écueils à éviter. L’appui lancé plus largement via la FEDELIMA, le SMA structure. Ces process ne sont pas le fruit d’une de l’équipe de l’agence Adamytes, sélection- et différents réseaux professionnels pour que Le Pôle est un réseau régional d'acteurs des formation pour la montée en compétences des née après un appel lancé auprès de quatre des événements et des lieux hors Pays de la musiques actuelles en Pays de la Loire. La agents de sécurité. L’enjeu principal était donc agences de communication, a pour cela été Loire puissent se saisir de ces outils. Ce travail campagne « Ici c’est cool ! » dont il est ques- d’impliquer tout le monde dans ce processus extrêmement précieux. Les premières propo- de communication est la partie émergée de tion constitue la partie émergée de l’iceberg. de formation monté avec le CIDFF et le Plan- sitions émanant des chargés de communica- l’iceberg, il nécessite d’être élargi. Le travail a débuté en 2017 suite aux malheu- ning Familial. La première année, une cinquan- tion des festivals demeuraient en effet encore reux événements en Suède et aux Escales à taine de personnes a été formée, répartie sur maladroites et nécessitaient d’être travail- Quel type de formation a été mis en Saint-Nazaire. Cette démarche est portée par 3 formations dans l’ensemble de la région des lées avec des experts de la communication. place par le Pôle ? À qui sont-elles le groupe de travail « festivals » du Pôle qui ré- Pays de la Loire, pour être au plus proche des L’élargissement à d’autres discriminations que proposées ? Sont-elles imposées aux unit environ 25 festivals assez divers, avec des acteurs (Sarthe, Loire-Atlantique et Maine-et- celles à destination des femmes a été pensé équipes ? problématiques et des structurations très dif- Loire). Du DLA a également émergé un projet à pour sortir les femmes d’une certaine posi- férentes. Mais cette question des interactions moyen terme de boîte à outils regroupant des tion victimaire. Cela peut se ressentir dans la Elles ont été proposées à l’ensemble des festi- sur le public, que le Pôle a appelé « compor- dispositifs et des process communs à établir manière dont a été traitée une affaire de viol vals du réseau, aux associations de prévention tements inappropriés », posait des questions à entre festivals. Des expérimentations ont eu présumé au Hellfest par les médias, invitant et aux agences de sécurité du territoire des chacun. L’idée de communiquer auprès du pu- lieu dès 2019 au sein de différents festivals : implicitement les femmes à ne pas se rendre Pays de la Loire. Elles étaient basées sur le vo- blic a très rapidement émergé, mais le groupe Les Mouillotins ont adapté un dispositif plu- seules en festival, ce qui est en soi discrimi- • lontariat et ne rentraient pas dans les plans de de travail ne souhaitait pas aller vers la facilité, tôt répandu en clubs, basé sur un nom de natoire. De plus, de nombreux faits de société formation, elles n’étaient donc ni rémunérées s’agissant de sujets de société très épineux et cocktail à énoncer au bar quand une femme font également état d’agressions à caractère ni proposées sur le temps de travail des partici- nécessitant de trouver un ton juste. Le groupe se sent en situation de danger. raciste, lesbophobe, homophobe, transphobe. pants. Elles abordaient des questions de cadre s’est donc accordé un temps long de réflexion. Des points écoute ont été mis en place aux Or, chaque organisateur de festival sait qu’une • légal, de représentation sur les genres, les Des groupes de travail ont été menés avec des Trois Éléphants et aux Escales avec l’asso- ville éphémère est en quelque sorte recréée orientations sexuelles. Elles proposaient en- chargé·e·s de communication, des directions ciation Femmes Solidaires. à cette occasion. Tout ce qui se passe dans la suite des études de cas : comment aménager et des chargés d’action culturelle pendant en- Ces dispositifs viennent s’ajouter à la politique société peut donc s’y voir reproduit. Le groupe un site de festival, des analyses situationnelles. viron 6 mois. La nécessité d'être accompagné de prévention et de réduction des risques déjà de travail a souhaité insister sur l’idée qu’un Il manque encore à ce jour à ces formations dans cette démarche est très vite apparue. mise en œuvre par tous les festivals. spectateur pénètre dans un espace de fête, une dimension plus technique à destination Un contact a donc été pris avec la mission de découverte et d’échange. Au même titre des agents de sécurité et de les faire intégrer « Hommes / Femmes et Égalité des chances » Ce souhait d’outiller les festivals était doublé qu’en dehors, il n’est pas permis d’insulter ou un plan de formation officiel pour leur prise en de la préfecture des Pays de la Loire qui leur a d’une volonté d’information auprès des pu- d’agresser l’autre. La campagne a été lancée charge financière. Les festivals participant à la dressé un panorama des associations agissant campagne ont proposé dans le cadre de leurs dans ce domaine. appels d’offres à destination des agences de sécurité d’ajouter une clause afin de s’assurer La question des inégalités femmes / hommes que les salariés qui interviennent sur site aient a donc été le point de départ des réflexions, suivi une formation sur ces questions. Il s’agit avant d’élargir à d’autres sujets de discrimina- d’un problème de fond dont le traitement n’en tion. Une prise de contact a été faite avec le est qu’à ses débuts. Ces formations sont dis- Centre d’Information Droit des Femmes et des pensées par le CIDFF et le planning familial. Familles (CIDFF), et avec le Planning Familial Ces structures seront bientôt rejointes par SIS qui mène une politique d’intervention et de Animation Pays de la Loire Bretagne (Santé In- prévention en milieu festif en Loire-Atlantique. formation Solidarité) et probablement une as- France Active a également soutenu le Pôle ce sociation de défense des droits LGBT. qui a permis le déclenchement d’un Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) collectif avec 6 festivals répartis sur la Région. Ce DLA a per- mis de formaliser les objectifs et d’écrire un Intervention de Benoît BARRAUD : plan d’action ne se limitant pas à la campagne présentation de l'implication de de communication. l'agence Adamytes dans la cam- Un plan de formation a également été élaboré pagne Ici c'est cool à destination des salariés, des bénévoles, des agents de sécurité et des associations de pré- À l’origine, la commande concernait un logo, vention et de réduction des risques, afin d’im- un slogan et un visuel déclinable en affiches 66 67 et un petit film, à relayer sur les réseaux so- campagne. Il est étonnant de se rendre compte, ne sont pas nécessairement verbalisés. C’est risienne souhaite engager la discussion autour ciaux, proposé au visionnage des participants. en discutant avec eux au moment des photos, cela qu’il convient aussi de donner à voir. Le d’un communiqué de presse publié la veille par Adamytes a proposé quelques autres éléments de la portée du simple fait d’avoir écrit sur soi message central est « non aux violences et à le Hellfest suite à une affaire de viol présumé. tels que des bracelets. Un site Internet a éga- ces mots, du courage que cela leur demandait la domination », quelles qu’elles soient, mais Le festival a d’ailleurs illustré son communiqué lement été réalisé, proposant des ressources : et du climat général très pesant pendant les se devait de se terminer par une note positive, avec une photo de l’affiche de la campagne Ici contacts d’associations relais, quizz sur les pré- prises de vue. c’est pourquoi le terme final « Ici c’est cool ! » c’est cool et y a fait référence via un « hashtag jugés… Signal très positif, Benoît BARRAUD qui en- a été choisi. ». Elle remarque en revanche un point de ma- Le métier de communication est tout d’abord seigne également en faculté a montré cette ladresse dans le communiqué, en lien notam- d’essayer de comprendre pourquoi on fait les vidéo à ses étudiants et tous ont unanimement Célia Sauvage rappelle que lorsqu’un type de ment avec l’idée développée dans l’atelier de « choses puis dans un second temps de déci- trouvé le travail réalisé très bon. discrimination est considéré comme ordinaire, pointer du doigt les comportements plus que der comment les faire. Un sujet comme les on en oublie généralement la violence intrin- les personnes ». Le communiqué fait en effet le discriminations semble très enthousiasmant (À Célia SAUVAGE) Que vous évoque ce sèque potentielle. Elle prend pour exemple les constat que la victime n’a pas porté plainte au au départ, mais la réflexion collective génère type de travail de sensibilisation à tra- femmes subissant constamment des frotte- parquet de Nantes, affirme qu’elle doit le faire vite une prise de conscience de son immense vers votre regard de chercheuse ? ments dans une situation de foule, en concert (bien que ce ne soit pas obligatoire), constate complexité. Il faut notamment éviter de stigma- ou dans les transports en commun. L’impact que son nom n’existe dans la liste des pass et tiser ou de victimiser et être dans une logique est généralement minimisé, notamment par qu’elle n’a pas contacté l’organisation du festi- Les images véhiculées par les publicités, les sé- de communication assertive, d’égal à égal. La les hommes, et des femmes peuvent être ren- val. Elle est directement ciblée. ries, les films, les clips, génèrent beaucoup de question se pose également de la cible à la- voyées à une posture hystérique, pointées normes que l’on admet et que l’on questionne quelle on s’adresse, notamment du fait de la di- comme « en faisant trop ». Très souvent, la Pour Elsa DELACRÉTAZ, il s’agit d’un cas peu. Un des exemples est la norme véhiculée versité des festivals et donc des publics (âges, parole des personnes discriminées n’est pas d’école d’un manque de sensibilisation des par les comédies romantiques, héritée de Ro- classes sociales…). Le contexte de la fête est bien entendue. Même la discrimination la plus responsables de la structure. Les remises en méo et Juliette : un homme très romantique et également difficile à appréhender, il s’agit d’un ordinaire ne devrait pas être acceptée, ce qui question au sein du communiqué sont incons- très amoureux de sa dulcinée va la sur sollici- moment où l’on n’a pas forcément envie d’être nécessite de reformater les esprits. équentes malgré l’affirmation contraire du ter, lui transmettre énormément de messages, confronté à ce type de discours, d’être sermon- communiqué, tout comme l’injonction à porter l’attendre devant chez elle… Dans la vie cou- né. Il est donc difficile de trouver le bon ton plainte. La manière dont ce fait divers est sor- rante, cela s’appelle du harcèlement. Dans les et de définir le bon message. Les objectifs du ti, un appel à témoins sur les réseaux sociaux, films cela est présenté de manière très positive. Réactions / témoignages des parti- Pôle étaient en revanche bien définis : ce que démontre que la victime n’a pas trouvé les res- Les images sont consommées de manière très l’on appelle un « bon brief » dans le jargon des cipants sources et l’accueil adéquats au sein du festival différente de la « vraie vie », ce que l’on ne vit communicants. Le cahier des charges était très pour répondre à sa situation. pas est en quelque sorte évanescent. Selon l’in- Une participante propose un retour d’expé- clair, bien abouti, le cadre de réflexion bien dé- tersectionnalité, tant qu’une situation n’est pas rience sur un concert organisé par et pour des fini et précis. Le souhait était d’un ton « choc », Pour Yann BIEUZENT, qui a pu s’entretenir vécue, il est très difficile d’opérer une réelle lycéens et lycéennes. Au cours de la soirée, un pas trop consensuel. Dans la période actuelle, la veille de l’atelier avec un des responsables prise de conscience, elle reste très théorique. stagiaire de la structure, qui coordonne la soi- les réactions sont très rapides, du fait des ré- du festival, ce communiqué est en effet rem- Concernant les images de la campagne, il y a rée, vient la trouver en tant responsable pour seaux sociaux, et pas forcément très réfléchies. pli de maladresses. Jusqu’à la publication de à la fois une résultante un peu choquante, mais lui faire part de soupçons envers des personnes Les personnes négatives ont plus tendance à ce dernier, la position du Hellfest était de ne également quelque chose d’un peu normatif. du public qui profiteraient du concert pour prendre la parole. Lors du lancement de cette pas s’exprimer, du fait qu’une enquête allait Trouver l’angle pour réussir à interpeller n’est prodiguer des attouchements aux lycéennes campagne, elle a été très rapidement relayée, être ouverte. En raison de l’absence de dépôt pas évident. Chacun est souvent témoin d’in- présentes. Un des enseignants partenaires du par beaucoup de monde, l’engagement était de plainte, les organisateurs ont cependant sultes, de comportements inappropriés dans la projet a été mobilisé et une posture la plus très fort. Les commentaires et relais étaient considéré de devoir s’exprimer sur la ques- rue ou dans les transports en commun et peut neutre possible a été envisagée. La partici- plutôt positifs aussi bien quantitativement tion pour notamment justifier qu’ils n’étaient faire le constat du peu de personnes qui réa- pante témoin et ce dernier sont allés observer que qualitativement. Cela démontre la relative pas attentistes au regard de la situation, mais gissent. les comportements au milieu du public et ont qualité de la campagne. Pour autant, rien n’est bien en train d’agir : analyse et transmission constaté la présence de trois hommes un peu jamais parfait, mais le bon ton semble avoir des vidéos à la gendarmerie, prise de contact Benoît BARRAUD confirme qu’il s’agissait de plus âgés, extérieurs au projet et alcoolisés. Il a été trouvé. L’idée était avant tout de pointer avec la victime… Il est clair en revanche que l’idée défendue dans cette campagne : ne alors fallu être attentif à ne pas basculer d’une du doigt les comportements plus que les per- le communiqué est mal formulé. Mais certains pas banaliser et redonner une force nouvelle discrimination à une autre en stigmatisant d’of- sonnes. commentaires extérieurs, partiaux et à charge, aux mots qui existent au quotidien. Les festi- fice les personnes paraissant atypiques au sein sur les réseaux sociaux, qui considèrent notam- vals et lieux de musique véhiculent par ailleurs du public. La témoin fait part d’une position L’artiste rennaise Marie Bouvier a été sollicitée ment la victime comme étant dans une posture une image très positive. La majorité ne pense très complexe à adopter : à la fois accepter pour traiter ce sujet par la photo. Elle l'a fait mythomane, génèrent également une mau- pas qu’y soient à l’œuvre des comportements la parole des lycéen.ne.s dénonçant un com- « avec ses tripes », sans penser sa démarche vaise interprétation de la démarche du festival. discriminatoires et imagine une ambiance très portement inapproprié et conserver en même artistique de manière alambiquée. Les quatre De plus, une partie du travail mené par le Pôle conviviale. Mais en interrogeant des femmes temps une précaution et une certaine forme de personnes mises en scène dans la vidéo sont s’est basé sur le mémoire d’une étudiante ayant qui se sentent victimes de comportements neutralité. des bénévoles qui ont été sollicités et ont ac- travaillé au Hellfest et s’intéressant aux rela- inappropriés, elles mettent souvent en avant cepté très naturellement de participer à cette tions femmes / hommes au sein du festival et le regard porté sur elles, ces comportements Une chargée d’action culturelle d’une salle pa-

68 69 lonté. D’un autre côté encore le déferlement femme de dire ce qu’elle a à dire dissimulée médiatique de l’affaire sans éléments fondés derrière les réseaux sociaux. Le cyberhar- et contre lequel Hellfest ne peut rien étant cèlement est même probablement pire que un événement historiquement sujet à contro- toutes les autres formes de harcèlement. verses. Le cas présent est donc extrêmement Quand bien même il existe un doute quant à la complexe et le déroulement entraîne des soup- véracité des propos, n’importe quelle personne çons de fausse déclaration qui n’existaient pas qui témoigne d’une forme de discrimination avant ce déferlement médiatique. Il relève à la doit être entendue et prise au sérieux et il de- fois de problématiques médiatiques et de com- meure très difficile pour n’importe quelle per- munication, de problématiques de « vivre en- sonne discriminée de trouver un espace de pa- semble ». Les débats de minorités, de racisme role sécurisé. Il est également très difficile de ou de sexisme notamment, au sein de la com- se voir par la suite dépossédé de son discours, munauté du Hellfest, remontent souvent à des d’observer d’autres en refaire l’historique, pré- problématiques plus larges de spécificité d’une ciser ce qui a été dit ou non, d’être sujet à des communauté et de républicanisme : comment injonctions concernant par exemple son choix respecter une sous-culture et comment se ré- de porter plainte. Ce schéma a été très présent approprier les rapports de pouvoir au sein de dans le cadre du phénomène #metoo : beau- celles-ci ? Comment ces sous-cultures (metal, coup ont été surpris de voir soudainement la techno) peuvent-elles être analysées au regard parole de nombreuses femmes se libérer. Mais de questions de « vivre ensemble » dans leur les réactions à une prise de parole concernant globalité ? Comment les messages véhicu- un viol dans le milieu du cinéma ou de la mu- lés tiennent-ils compte des particularités de sique étaient généralement jusqu’alors de les ces sous-cultures comme ce serait le cas par reléguer à une situation minoritaire, excep- exemple vis-à-vis des religions ? tionnelle. Pourtant il semble évident que pour les personnes discriminées, les cas soient loin Aurélie BERDUCAT rappelle néanmoins que les d’être isolés, qu’il ne s’agit pas de cas minori- cas de faux témoignage sont de moins de 1%. taires. aux agressions qui s’y déroulaient. Le Hellfest un cas parmi de nombreux autres. Mais du fait s’est saisi des constats relayés au sein de ce de l’histoire du festival peut-être n’est-il juste- Pour Célia SAUVAGE, le cas du Hellfest pose au Un participant estime que ce n’est pas au mémoire pour mettre en place des réponses. ment pas typique. Depuis quelques années, il y moins trois problèmes principaux : Hellfest de se substituer aux autorités ni aux La question se pose au sein du groupe de tra- a beaucoup de débats, notamment au sein de journalistes et de mener l’enquête. Il n’est vail festivals du Pôle : comment le Hellfest au- groupes de discussion sur les réseaux sociaux, • La réappropriation par les médias domi- pas non plus de leur rôle de mettre en cause rait pu mettre en place un dispositif adéquat concernant le rapport hommes / femmes au nants d’une forme d’attaque « facile » envers la validité du témoignage et de livrer des in- lorsque quelqu’un est drogué et emmené dans sein du Hellfest. Le phénomène #metoo a éga- les sous-cultures : dans ce cas, le milieu du formations sur leurs démarches, par exemple une tente au milieu de la foule, ce qui est le cas lement joué un rôle prépondérant dans cette metal ou des festivals pour contacter la victime présumée. Il est déjà pour ce drame présumé ? Le traitement média- dynamique. Dans le cas présent, la victime qui • L’incapacité ou du moins la difficulté des très difficile de témoigner de ce genre d’expé- tique s’est généralement limité à relayer l’appel n’appartenait pas directement aux groupes de sous-cultures à assumer les formes de do- rience. Réagir sans prendre en compte l’éven- à témoins, sans utilisation du conditionnel, discussion s’est inscrite sur les réseaux pour minations elles-mêmes à l’œuvre en leur tuel cyberharcèlement généré peut constituer sans qu’aucune information ne soit recoupée. poster son témoignage, long et précis. Une im- sein. Il y a des formes d’oppression très une violence supplémentaire et ne met pas en L’information est apparue dans la presse par mense majorité des réactions a été de prendre fortes y compris dans des milieux qui se confiance dans ce genre de situation. l’intermédiaire de France 3 Pays de la Loire, a la défense de la victime et de se mobiliser pour positionnent eux-mêmes comme ayant subi été reprise telle quelle par Le Monde, l’Est Ré- retrouver son agresseur. Ce qui est finalement des formes d’oppression. Pour autant, le Yann BIEUZENT rappelle que le Hellfest n’avait publicain, Libération, le Figaro… Les agences troublant est que le Hellfest a demandé à la vic- même système de domination punit au fi- au préalable pas réagi. Et qu’en continuant à ne de presse du type AFP ou Reuters n’ont quant à time des éléments pour soutenir sa demande. nal toujours les mêmes victimes : femmes, pas réagir, on le lui aurait probablement repro- elles pas repris cette information. Il y a cepen- Cette dernière a finalement fermé son compte noirs, homosexuels… ché. Chacun analyse une telle situation avec sa dant clairement une très grande marge de pro- après avoir affirmé au Hellfest qu’elle avait por- La difficulté à penser la parole des femmes propre perception. Il s’agit pour lui d’une pro- gression à envisager pour le Hellfest, comme té plainte à la gendarmerie, ce qui n’a pas été • qui est elle-même à recontextualiser dans fonde maladresse qui ne dissimule pour autant tous les festivals, concernant la sensibilisation confirmé par celle-ci. Évidemment, connais- une perspective historique globale d’exclu- pas des intentions masquées. Il faut bien enten- du public aux dispositifs existants et le manque sant le backround du Hellfest, certaines com- sion, de décrédibilisation. Au-delà du chiffre du réagir à la situation, mais plutôt en réfléchis- de communication. munautés positionnées contre le festival en de 1% rappelé précédemment, il est extrê- sant collectivement à comment poursuivre les ont profité pour interpeller cet événement. Il mement difficile pour une femme de parler, actions de prévention, la construction d’outils Un sociologue familier du Hellfest rappelle y a donc d’un côté, la dimension extrêmement elle garde ancré le sentiment qu’elle finira adaptés et partagés au sein du secteur pour que ce festival est historiquement régulière- maladroite du communiqué du Hellfest, qui toujours par ne pas être entendue ou être établir des process : action, recueil de la pa- ment sujet à controverses. Le cas actuel est partait probablement plutôt d’une bonne vo- victimisée. Il n’est pas plus facile pour une role… Il manque un socle commun, notam-

70 71 ment au sein des équipes de sécurité, pour par comprendre la nécessité de plus réfléchir l’entrepreneuriat féminin comme égalité à at- apprendre à réagir efficacement aux situations avant d’écrire. Mais cela fait néanmoins partie teindre, au détriment d’autres types de domi- Présentation du quizz de la cam- d’agression. de la panoplie du chargé de communication qui nations notamment économiques. Il finit tout pagne Ici c’est cool ne peut pas passer outre cette présence sur les de même sur une note positive : « pour autant, Célia SAUVAGE souhaite revenir sur les ques- médias sociaux. Certaines grandes entreprises au-delà de la théorie, les exemples très concrets En complément, Aurélie BERDUCAT fait part tions de langage et de communications qui y sont très bien préparées, savent gérer une proposés dans le cadre de ce débat sont égale- d’un article paru le 20 juin 2019 dans Les Echos. semblent générer des crispations, notamment communication de crise, pèsent leur discours ment très éclairants ». Muriel Salmona, présidente de l’association autour du cas du Hellfest. La question des es- mot pour mot. Les acteurs des musiques ac- Mémoire traumatique et victimologie y est in- paces de parole sécurisés est assez symptoma- tuelles vont probablement devoir se pencher Que signifie inclure des personnes ? Qui les terviewée dans le cadre d’une enquête menée tique des débats actuels. Une réelle tendance sur la question et apprendre à mieux gérer leur inclut et dans quel système, si ce n’est des sys- par l’IPSOS. On apprend par exemple dans ce existe à s’assurer de préserver l’honneur et communication en ce sens. tèmes déjà dominants ? Par rapport à quel ré- rapport qu’un tiers des Français estime qu’une de s’assurer du confort personnel de ceux qui férentiel ? Quelle articulation avec les Droits tenue sexy excuse en partie un violeur, ou en- ne sont pas victimes de discrimination. Il est Pour Gérôme GUIBERT, comme dans toute Humains, individuels et indivisés et non plus core que plus d’un tiers des français adhère à la tout de même notable de constater la néces- situation de ce cas, il y existe des rapports pensés en termes de société ? Au regard de fausse idée que les hommes ont une sexualité sité dans le cas du Hellfest de rappeler que sa de pouvoir multiples. Le Hellfest réagit na- l’affiche de la campagne, on peut avoir le sen- pulsionnelle plus difficile à contrôler alors que communauté a « une attitude exemplaire et turellement en pensant à son image et à son timent de droits pensés de manière individua- les femmes ont une sexualité passive… 37 % respectueuse ». Il ne s’agit pas bien sûr d’une économie. Ils trouvent intéressant en termes lisée et plus du tout politiquement. Comment considèrent que les victimes de viol accusent mauvaise intention et le cas du Hellfest peut d’éthique, mais également stratégiquement la question au modèle politique dominant, trop souvent à tort, par déception amoureuse être pris en exemple, mais n’est pas isolé. Mais de participer à la campagne portée par la néolibéral et de la performance individuelle, ou par vengeance. Cette étude est alarmante une telle posture peut souvent être constatée Pôle. Mais dans le cas précis, peut-être es- est-elle incluse dans les réflexions ? et montre également qu’après le phénomène et les éléments de langages choisis remis en time-t-il que le témoignage a moins d’impor- #metto, il y a un emballement et une sorte de question. La victime, présumée ou non, est tance dans leur stratégie globale que le fait Pour Célia SAUVAGE, un individu appartenant contre-vague réactionnaire. souvent exclue au final des échanges, rien n’est d’être bien vus. Les débats menés au sein de à une minorité a conscience de dépendre des fait pour la rassurer, préserver son honneur à la FEDELIMA sur la diversité n’ont pas encore dominants. Pour autant, la démarche doit ve- Enfin, Yann BIEUZENT propose de clore l’ate- elle. Le cas d’école du cinéma, qui va probable- convergé vers ceux sur l’économie sociale et nir en premier lieu de ceux qui « détiennent les lier par la présentation du quizz créé dans le ment se développer dans la musique prochai- solidaire et les alternatives économiques. Or, cartes en mains ». Les subordonnés peuvent cadre de la campagne « Ici c’est cool ! » qui nement, est que même si certains producteurs les questions de dominations liées au genre, exprimer ce qu’ils veulent, la démarche doit résonne clairement avec les chiffres alarmants ou réalisateurs ont peut-être vécu l’enfer d’être à l’orientation sexuelle ou aux origines eth- venir de ceux qui détiennent le pouvoir et qui présentés par Aurélie BERDUCAT. Selon lui, accusés à tort, leur carrière se porte très bien. niques ne peuvent être décorrélées de celles peuvent techniquement faire évoluer les situa- cet outil est intéressant à utiliser avec son Les victimes, quant à elles, ont toutes quasi- relevant des dominations de classes. Le dernier tions. Dans un second temps, une fois opérée équipe pour une structure qui souhaite initier ment disparu, volontairement ou involontaire- ouvrage de Nancy Fraser 7met en lumière la la prise de conscience de la nécessité d’une des discussions et entrer dans une démarche. ment. La chanteuse Kesha, qui a récemment notion de féminisme libéral. Elle y critique les posture plus inclusive, un espace doit être mé- Un espace ressource est également disponible témoigné contre son producteur, a connu les problématiques dogmatiques d’économie de nagé pour la coopération tant du public que sur le site Internet de la campagne, proposant accusations classiques concernant son habil- marché associées à l’émancipation féminine, des acteurs culturels, qui doivent tous partici- des contacts de structures, des numéros d’ur- lage, ses éventuelles provocations, voire a été ce système écrasant finalement encore plus per activement. Tout cas individuel peut à par- gence, des vidéos… accusée de propos mensongers. Elle en de- les personnes des classes économiquement tir de là devenir politique, faire jurisprudence. vient en quelques sortes une double victime. Il dominées. Cela rejoint la principale critique C’est même toujours de cette manière que les y a encore un gros travail en termes de commu- de l’intersectionnalité : les problématiques de perspectives ont pu évoluer d’un point de vue nication à effectuer. Un basculement s’opérera domination économiques sont parfois minimi- juridique ou politique. Par exemple, concernant quand on arrêtera de penser au confort de ceux sées au détriment des dominations de race et la PMA, le premier argument a été de s’appuyer qui ont déjà tout confort et que l’on saura réel- de genre. La problématique du Hellfest nous sur le droit collectif à la grossesse. La question lement se mettre du côté de la victime. Et que rappelle que d’un point de vue économique, de l’accès à la grossesse des femmes homo- si celle-ci ne souhaite ou ne sait pas parler, on ils ne se positionnent pas spécialement dans sexuelles était minoritaire. Pour autant, qui ne cherche pas à remplir le vide qu’elle laisse et une perspective d’économie solidaire. Dans les définit ces priorités ? En général, ce ne sont l’on respecte sa décision. perspectives d’économie, comme dans celles pas les principales victimes. Il peut ainsi être de religions, comme dans celles des sous- difficile à appréhender pour les détenteurs du Un participant exprime en retour l’idée que culture (rap, metal, techno…), il émerge parfois pouvoir que le collectif ne corresponde pas né- techniquement certaines personnes telles que des problématiques de discrimination contra- cessairement à leur propre reflet. L’image du les chargés de communication ont le rôle, voire dictoires ou incompatibles. Cela rentre en ten- collectif, ce qui serait le plus utile à la société le devoir de s’exprimer sur les médias sociaux. sion avec le féminisme libéral qui parle avant est souvent mal pensé, car pensé par ceux dé- Il ne s’agit pas de médias en tant que tels, les tout de plafond de verre et d’émancipation de tenant de toute façon déjà tous les privilèges. personnes qui les nourrissent ne sont générale- La majorité silencieuse est de ce fait invisibi- ment pas journalistes, il ne s’agit pas de la même 7 - Cinzia ARRUZZA, Tithi BHATTACHARYA, Nancy lisée. démarche. Peut-être que les gens finiront-ils FRASER, Féminisme pour les 99%, Un manifeste, La Découverte, 2019 72 73 Intervention de Rémi BOIVIN, doc- procédures et de dossiers administratifs. La construction d’un projet de torant en sociologie au Centre Nor- Pour aborder cette thématique, il est intéres- bert Elias / EHESS sant de chercher à dessiner des trajectoires de musiques actuelles, ses influences projets de musiques actuelles : d’où part le pro- Actuellement doctorant à l’EHESS, il finalise jet ? Quelles sont ses conditions d’émergence ? une thèse qui porte sur la contribution des Quels sont les éléments spécifiques qui défi- sur son développement et son musiques dans la production d’ambiances ur- nissent et établissent la singularité du projet, baines et d’une vie sociale locale au sein d’un en termes de couleurs musicales, de culture fonctionnement dans la durée quartier du centre-ville de Marseille. Le pro- pratique, d’ « esprit » ? Quels sont les éléments pos sera principalement centré sur un type communs d’un projet culturel à l’autre ? D’une spécifique de projet culturel : les espaces de certaine manière, l’authenticité d’un projet de diffusion musicale. Il s’agit d’envisager la ques- musiques actuelles peut être établi à partir de Mercredi 3 juillet | 9h30-12h00 Houlocène tion des cycles de vie de projets de musiques la fabrication d’une cohérence artistique, et actuelles à partir du constat d’une oscillation celle-ci peut être fondée sur un éclectisme au des projets entre d’un côté un nécessaire pro- niveau esthétique. Les trajectoires de projets cessus de formulation, de formalisation et donc montrent souvent des spécialisations artis- Avec le recul de presque trente ans, force est de constater que la manière dont se sont d’affirmation d’une ligne artistique et d’une -vo tiques et musicales, mais cela ne signifie pas construits les projets a une réelle influence à certaines phases de leur développement. cation musicale (comment s’engage-t-on avec forcément qu’une esthétique exclusive soit dé- Comment comprendre et analyser cela ? Comment se saisir de ce constat, le partager les musiques ? À quoi répondent les musiques fendue : ce sont plutôt des manières de faire, ?), et de l’autre côté une nécessité de compo- collectivement pour mieux anticiper les changements structurels ? Un projet peut-il une culture pratique. ser avec des contraintes d’ordres multiples, évoluer, si cela est nécessaire, a contrario de son cadre de fondement initial ? Comment liées à des modèles économiques, à l’évolution assumer cette rupture le cas échéant ? Qu’est-ce que cela implique par rapport à la Les structures rencontrées au cours de son des contextes politiques, etc., entre les années enquête à Marseille montrent très souvent gouvernance, aux moyens de transmission du projet, aux fonctionnements généraux...? 1980 et aujourd’hui (que peut-on/doit-on faire que l’histoire des projets est déterminée par avec les musiques selon les types de projets ?). l’histoire du territoire local et des politiques Il s’agira de questionner la façon dont on peut porter l’histoire d’un projet tout en lui publiques : L’Espace Julien (équipement cultu- permettant de poursuivre son développement. Il propose d’expliciter les termes du débat. rel municipal créé en 1984), Le Cri du Port (as- La définition de la catégorie « musiques ac- sociation fondée en 1981 sédentarisée dans un tuelles » pose problème, car elle se rapporte à lieu en 2004), Le théâtre du Moulin (en 1989), un périmètre esthétique très large, potentiel- L’Affranchi (en 1995) ou encore Le Cabaret Avec... lement infini, et correspond à une labellisation Aléatoire (en 2002). Ces espaces de diffusion institutionnelle. Comme toute catégorisation NICOLAS FILY DAVID DE ABREU de musiques actuelles ont émergé à Marseille de genre musical, elle se caractérise d’une part en défendant d’une part un projet à vocation Coordinateur général à Directeur de l’Agence par un flou et une aporie définitionnelle – il est proprement musicale et d’autre part une spé- Hydrophone (Lorient) des musiques des en effet impossible de fixer une délimitation -es cialisation en termes de couleurs musicales et consultant culturel à territoires d’Auvergne thétique une fois pour toutes – et d’autre part (les musiques jazz, reggae, hip-hop et électro- l’Autre Idée (AMTA) par une dynamique de négociation des signifi- niques notamment). Face à la pression écono- cations et des frontières esthétiques au fil de mique et managériale exercée sur les projets, LAURE HUBERT-RODIER RÉMI BOIVIN l’évolution du projet. « Musiques actuelles » miser sur la proximité et l’ancrage dans son Chargée du projet AJITeR Doctorant en sociologie correspond à une catégorie dite hyper-géné- environnement immédiat dès l’émergence du à l’UFISC (Union Fédérale au Centre Norbert rique, c’est-à-dire située à un niveau impor- projet représente un levier de pérennisation tant de généralité et englobant un ensemble d’Intervention des Structures Elias / EHESS et permet d’éviter des trajectoires de projets d’autres sous-catégories. L’indétermination de « hors-sol ». Culturelles) la catégorie produit de la confusion (de quoi LUCIE LAMBERT parle-t-on lorsque l’on parle de « musiques Coordinatrice d’Actes actuelles » ?), mais permet également de navi- Intervention de Lucie LAMBERT, Animé par... If (réseau des lieux guer dans un éventail large et de jouer avec les artistiques et culturels possibilités par des arrangements déterminés. coordinatrice d’Actes If (réseau des THIERRY DUVAL indépendants francilien) En tant que « catégories au travail », les décou- lieux artistiques et culturels indé- Chargé de mission action pages font sens par l’usage pratique au sein des pendants francilien) culturelle-animation territoriale projets et traduisent le fait que l’on a besoin des 78 au RIF (Réseau des musiques catégories à différents niveaux : vers l’extérieur Lucie LAMBERT est présidente depuis deux par la communication par exemple, ou en in- ans de L’Usine à Chapeaux à Rambouillet, dans actuelles en Île-de-France) terne, au niveau administratif, dans le cadre de 74 75 le sud Yvelines, un projet qui fête ses soixante Il est vrai que ce processus a pris du temps, ans en 2020. C’est une MJC qui est à la fois près de dix ans, musicienne, elle est rentrée au un centre social depuis les années 1980 et à la conseil d'administration à 20 ans. Au début il fois une salle de musiques actuelles depuis la faut un peu se taire et écouter, observer, puis fin des années 1990 (la première SMAC d’Île- poser des questions. C’est comme ça aussi de-France). C’est un projet collectif, une asso- qu’on interroge les cultures du faire, c’est là ciation de 2100 adhérents cette année, entre 12 que les différentes manières de faire se ren- 000 et 15 000 usagers à l’année, un emploi plu- contrent, se frottent et que cela peut produire tôt important (entre 25 et 27 équivalents temps quelque chose. Ensuite, il a été envisagé au CA plein) et environ 200 bénévoles. de rajeunir l’équipe, elle a été positionnée au Bureau, puis il y a eu un tuilage : pendant près La transmission du projet se fait sur la durée, de deux ans, c’était analyse budgétaire avec l’ancienne présidente est toujours dans le Bu- Caroline Migot qui a permis d’apprendre tout reau et le président précédent, Frédéric Phi- l’univers juridique et social, comme une forma- lippe était une figure auprès de la fédération tion en pratique. Les musiques actuelles per- MJC régionale et nationale. Ils ont accepté de mettent ça, c’est un langage artistique un peu transmettre, ils ont pris le temps de l’accompa- décomplexé qui permet à tout le monde de se gner et elle aussi a accepté d’accueillir l’histoire transmettre les choses. au fil d’un parcours personnel. L’engagement démarre avec la question du « faire » et il y a également la question de la transmission de l'AMTA a davantage un poids patrimonial. Pour les périodes. C’est aussi pendant les périodes l’histoire de la structure, qui est fondamentale. Intervention de David DE ABREU, certains, elle relève du champ la mémoire et de crise que se révèlent des leaders dans le CA. On ne peut pas ignorer ni oublier d’où l’on vient directeur de l’Agence des musiques des archives, pour d’autres, elle est pleinement et quelle est l’histoire de la structure, ce qui des territoires d’Auvergne (AMTA) une strucutre des des musiques actuelles. La transmission doit idéalement trouver sa fait qu’elle est debout, ce qui la fait vivre au- S’il est difficile d’avoir deux dimensions -as place au sein même du projet des structures. jourd’hui. Cela peut venir de loin, beaucoup de David DE ABREU est directeur de l’AMTA, sez éloignées, cela représente également des Comment permettre un partage, une compré- travail et c’est souvent une histoire commune l’Agence des musiques des territoires d’Au- avantages politiques non-négligeables puis hension et une adhésion aux valeurs du projet avec les politiques, les partenaires. C’est im- vergne, une structure créée en 1985 qui s’ap- que nous sommes soutenus depuis ces trente ? Il a été dit précédemment que dans ce do- portant de connaître tout cela, on lui a raconté, pelait précédemment « Agence des musiques années du côté de la création et du côté de la maine les frontières sont floues, c’est juste- cela passe par la parole et c’est ainsi qu’on a un traditionnelles en Auvergne ». Ce sont des mémoire. ment ce flou qui permet de bouger le projet attachement particulier, par l’accès à cette his- structures qui ont aujourd’hui plus de trente de la structure, il convient d’entretenir ce flou. toire, on se sent proches et c’est une manière ans, souvent fondées par des « figures » : cela C’est donc une figure des musiques tradition- Le réel enjeu est à la fois de porter un projet de s’approprier le projet. concerne toutes les musiques actuelles, mais nelles qui a fondé cette structure. Comment défini et d'en continuer la co-construction avec cette personnalité, ou ces deux ou trois per- les partenaires. Directeur depuis 2015, David sonnalités arrivent à transmettre ce projet ? Il DE ABREU a pris petit à petit sa place dans la y a plusieurs éléments. Plusieurs facteurs sont structure et la transmission s’est faite naturel- à prendre en compte. Dans un premier temps, lement au fil des années, même s'il peut être il faut prendre en compte que 30 ans de vie difficile lorsqu'on a fondé un projet, une struc- d'un projet n'est pas une période lisse. C'est ture de se résoudre « à la laisser ». , cela a paru d’avantage une succession de différents mo- évident aux responsables. ments : périodes de crises, de développement, de crispation. Ce sont d'ailleurs ces différents Un exemple plus précis peut être partagé pour moments qui permettent de transformer le pro- illustrer cette zone dite de flou qui fait égale- jet associatif ainsi que ses parties prenantes. ment évoluer les projets. L'AMTA a travaillé sur D’une certaine manière une crise bien gérée un quartier populaire de Clermont-Ferrand en est plutôt bénéfique, même si on ne la sou- zone sensible qui fait l’objet d’une rénovation haite pas. Il y a souvent un large ensemble de urbaine assez forte. Cela dépasse largement le personnes qui participent à fabriquer un projet champ musical. Mais on peut également entrer associatif. A chaque étape de son développe- par la musique pour parler "de tout le reste". A ment se pose notamment la question de l'arti- travers la collecte des parcours de vie des per- culation des fonctions et des rôles de la gou- sonnes, c'est un paysage sonore du quartier qui vernance et de l'équipe salariée. Il convient de se dessine. Cette matière partagée est un nou- trouver la bonne articulation entre les deux. Le veau terreau au développement du projet qui CA s’est continuellement modifié, rajeuni selon s'appuie sur les valeurs profondes du projet de

76 77 l'AMTA : des rencontres, de l'écoute, etc. tion professionnelle et notamment au dispositif c’est donc à chaque fois singulier. Ainsi trois la réflexion pour ne pas perdre de vue le sens d’alternance que l’accompagnement profes- paramètres préalables à l'accompagnement à du projet. Dans des contextes de résolution de sionnel a pu se mettre en place. Les échanges la transmission au sein d'un projet collectif se crise, la prise en compte des publics permet Intervention de Laure HUBERT-RO- montrent d’ailleurs toute l’importance de l’ex- posent et convergent vers une nécessaire re- d’objectiver davantage les motivations et les périence du bénévolat dans un parcours pro- mise en question. La première entrée répond manières de faire, donc de formaliser par écrit DIER, chargée du projet AJITeR à fessionnel. à la question : comment la direction du projet et de normer les projets pour permettre de les l’UFISC (Union Fédérale d’Interven- est-elle comprise et quelle est l’histoire de la transmettre. Il observe que dans les lieux de tion des Structures Culturelles) Par ailleurs, dans le cadre d’un projet en ter- direction ? Il s’agit souvent de direction parta- musiques actuelles, en plus du faire il convient ritoire rural se pose forcément la question de gée, avec un président ou une présidente, un de se forcer à réécrire l’histoire, réinterpréter le Laure HUBERT-RODIER représente l’UFISC, savoir de quelle manière il est possible d'en- Bureau, un CA, et très souvent avec des parte- sens des projets par écrit. l’Union Fédérale d’Intervention des Structures courager les jeunes à rester sur le territoire par naires. La deuxième entrée concerne la problé- Culturelles, le groupement de plusieurs réseaux des offres de professionnalisation à long terme. matique du rapport au lieu, au bâti, à l'équipe- dans différents domaines, dont le théâtre, les L’accompagnement met en évidence la néces- ment. La question du lieu est importante, car arts de la rue, les marionnettes, le conte, etc. sité d’adopter une posture de « faire-avec » : elle donne accès à l’histoire du projet : il faut Réactions des participant·e·s Sur la question de la transmission, les princi- faire avec les jeunes, leur laisser une marge considérer le lieu et son environnement – un paux enjeux travaillés par l'UFISC sont parta- de manœuvre, une place à l’essai, à l’échec quartier, un espace rural – et également l’inté- Le poids de l’histoire… ? gés au-delà des musiques actuelles et deux et donc à la créativité pour leur permettre de rieur du lieu (l’aménagement dans un lieu ren- pistes de réflexion sont proposées : la question développer leur propre projet plutôt que d’at- seigne beaucoup) pour comprendre comment Un adhérent de La Gare de Coustellet, lieu de l’accompagnement des équipes artistiques tendre que leur projet s’intègre au sein du pro- et pourquoi le projet est situé à cet endroit. La dont il a participé à la fondation et à la direc- par leurs pairs et celle du renouvellement des jet de la structure. troisième entrée concerne la matière artistique tion prend la parole. Selon lui, il y a peut-être membres des gouvernances des réseaux. ou musicale pour laquelle les équipes se sont un mythe qui se construit autour des personnes souvent « battues ». La dimension subjective et d’une histoire complètement subjective qui L’UFISC a saisi l’opportunité d’un appel à pro- Intervention de Nicolas FILY, coor- est ici très importante, du côté de l’artistique est racontée et transmise : ce mythe s'articule- jet MCDR (Mobilisation Collective de Déve- et également de l’engagement social des per- rait autour de l'idée que les valeurs et les inten- loppement Rural) lancé par le Ministère de dinateur général à Hydrophone sonnes qui ont créé le projet. tions initiales seraient pertinentes par essence l’Agriculture et le CGET (Commissariat Gé- (Lorient) et consultant culturel à et qu’il faudrait les maintenir parce qu’elles néral à l’Egalité des Territoires) à propos de l’Autre Idée1 Travailler à comprendre la trajectoire d'un pro- étaient jugées pertinentes à l’époque, notam- l’installation et l’accompagnement des jeunes jet et trouver la manière dont on va le trans- ment auprès de partenaires institutionnels, et adultes (18-35 ans) en milieu rural. C’est parce Nicolas FILY intervient en tant que consul- mettre à d'autres personnes, implique abso- qu'elles auraient résisté à l'épreuve du temps. que la FEDELIMA a entamé il y a plusieurs tant depuis une vingtaine d’années auprès de lument de remettre les publics au centre de Finalement, de l’impulsion initiale au projet qui années une démarche sur la ruralité en impli- structures plutôt en difficulté et en manque de quant plusieurs réseaux qui sont aujourd’hui transmission. La première tâche à laquelle il a membres de l’UFISC que cette opportunité a affaire c’est de trouver des indices et des indi- pu être saisie. Derrière l’accompagnement, il y cateurs permettant de comprendre la mémoire a la question de la transmission, de « laisser la des projets, donc des directions prises dans le place à » et la méthode employée. Cette ques- temps. Ce n’est pas toujours évident, il y a des tion de l’accompagnement des jeunes adultes cas de départ de directions, de salariés ou en- constitue un nouveau chantier pour l’UFISC et core de gouvernance mise à mal, et selon les ses membres. Un premier constat concerne la projets, la place des partenaires peut être pré- nécessité de prendre en compte les idées nou- gnante en fonction notamment des statuts. Ni- velles des jeunes adultes et donc un effort de la colas FILY est amené à intervenir sur un temps part des structures pour accueillir ces retours donné, à accompagner les équipes et à trans- différents. Se pose également la question du mettre. De nouvelles personnes prennent alors « faire-culture » ensemble, entre générations, une place pour que le projet avance, s’adapte, ou encore celles des déséquilibres dans la gou- se poursuive et quelquefois s’arrête. Il convient vernance et comment y remédier. Un second donc de préparer cette transmission, c’est-à- constat indique que la transmission pose égale- dire trouver des personnes, trouver une forme, ment la question de la professionnalisation des qui permette d'assurer cette transmission avec jeunes adultes. Par exemple, lors les dernières les personnes en place. rencontres nationales au Moulin (scène de mu- siques actuelles du Jura), nous avons rencontré Néanmoins, le copier-coller n’existe pas, ce deux jeunes qui y travaillent en tant que régis- n’est jamais la même histoire. Les projets ce seur général et technicien lumière après avoir sont des individus, des territoires, des lieux, été bénévoles. C’est grâce à l’offre de forma- 1 - http://www.lautre-idee.org/ 78 79 s’institutionnalise, que transmet-on ? On trans- David DE ABREU précise que quand le flou a types de profil qui vont faire aboutir ces initia- trop pyramidal. Est-on trop archaïques ? Ne met la pérennisation d’un objet qui n’était pas été évoqué, il s’agissait en fait de la question tives ? faut-il pas s’intéresser aux dynamiques de gou- l’idée de départ. Est-ce que l’impulsion était for- de la mutation. Une association qui ne bouge vernance partagée, que l’on observe beaucoup cément si pertinente que ça ? Son histoire c’est pas depuis trente ans se pose vraiment la Thierry Duval revient sur le fait qu'un lieu c’est dans les lieux intermédiaires et indépendants ? de dire qu’on avait envie de faire des concerts question de savoir si elle est encore utile au- avant tout un espace architectural qui corres- Il y a réellement de quoi s’inspirer pour juste- avec des potes, avec un bar et de bonnes soi- jourd’hui. Lorsque l’on passe après une figure pond à des normes, donc ça peut valoir le coup ment faire évoluer ces pratiques, être dans des rées. Dix ans après, cela n’a rien à voir, c’est tutélaire, qui n’est d’ailleurs absolument pas de réinterroger collectivement le lien entre une transmissions horizontales, différentes, qui ne « l’impact sur le lien social et le développement idéalisée, d’une certaine manière on passe initiative, un désir, une volonté portés par une vous enferment pas. local du territoire dans la relation du tissu asso- son temps à tuer le père en fait et à se justifier scène musicale locale et la transformation d’un ciatif et coopératif... ». Donc finalement cette auprès des institutions en portant le projet en lieu. Il y a toujours deux vitesses : la projection, Une participante constate qu’un principe voilé figure initiale doit-elle vraiment maintenue et construction. À l’inverse de la figure tutélaire, l’action, les projets politiques à court terme, la transpire dans tous les témoignages : beau- est-elle réellement pertinente ? On se situerait on construit un projet collectif, sur une ligne production et l’expertise collectives. coup d’autres choses se jouent dans ces mo- plutôt dans l'enjeu de penser les projets en per- horizontale. ments de mutation qui ne sont pas verbalisées, pétuelle évolution et de se demander comment Une participante représentant la DRAC Grand- qui sont très personnelles et compliquées. Ces on maintient des espaces pour repenser les Un participant précise ne s’être jamais consi- Est intervient à propos des trajectoires. Selon choses non dites peuvent rendre ces moments valeurs fondatrices, qu’il convient de revisiter déré dans une logique d’appropriation ou elle, ce sont le fruit d'alchimies très indivi- très complexes. Peut-être serait-il nécessaire en fonction des changements de contextes. Il d’appartenance, mais comme de passage. On duelles, il n’y a pas un projet qui ressemble à d’avoir des espaces dédiés pour évoquer cela ? convient parfois de mettre l’histoire de côté et est sur des projets donc il faut comprendre l’autre. Dans la région Grand-Est, Le Gueulard de voir ce que les nouvelles équipes ont envie l’essence de la commande publique et égale- Plus est parti d’un projet associatif fort, en Un gérant d’établissement en régie directe sou- de faire aujourd’hui. ment le terreau, car effectivement un projet ne tant que café-culture et petit à petit a grandi. lève que les questions posées sont directement peut pas naître hors-sol. Dans l’esprit des par- À un moment donné la collectivité locale s’est liées aux publics. Après avoir mis en place des Lucie LAMBERT est en accord avec ce qui est tenaires publics, surtout il faut quelqu’un qui rendu compte de l’importance de cette struc- temps de rencontres, il a été très surprenant dit : c’est toute la question de la rupture, de soit hors-sol, qui ne soit pas marqué par cette ture. C’est à partir de ce moment-là seulement pour lui de découvrir la perception qu’ont les l’émancipation, du poids de l’héritage. L’his- histoire-là qui s’est terminée. En fait, il n'est pas que les choses ont pu avancer. On ne peut pas gens de ce qui est fait, qui n’a bien souvent rien toire du projet est importante, mais en fait possible d'effacer magiquement le passé des avancer sur un projet tant que la collectivité à voir avec celle des équipes. Il pense qu’il est « la vraie histoire » c’est la culture du faire et projets, et leur construction implique un temps n’est pas convaincue, mais aussi parce que par- quand même curieux de parler de transmission la mobilisation des personnes. Que faisait-on long, plusieurs années pour être en symbiose fois les structures, et même les associations, de projet et de si peu parler des usagers de ces ensemble et comment a-t-on réussi à faire des avec le territoire. La constitution d'une équipe ont peur de passer un cap, de s’engager dans projets. C’est comme s’il n’y avait pas d’ins- choses ensemble ? C’est cela que l’on se trans- doit pleinement prendre en compte ces enjeux. un projet plus lourd administrativement. C’est tance d’écoute dans certaines SMAC tandis met. Plutôt que se contenter de la vitrine, il faut aller cette conjonction-là qui fait qu’à un moment le que pendant longtemps on entendait dire que voir derrière dans les cuisines, dans les caves, projet pourra se développer, mais il n’y a pas dans les CA il y avait une représentation des Pour Rémi BOIVIN, il y a effectivement un point c’est là que ça se passe. Donc, cette histoire de recette. Effectivement la question des Tiers- personnes du territoire. Il interroge les autres de départ, une histoire du projet qui est liée à n'est pas la possession d'une personne ou d'un Lieux commence à infuser, mais ce n’est pas participants sur leurs expériences pa rapport l’histoire du lieu, mais qui se construit pleine- collectif de personnes mais bien d'un territoire. forcément la la seule solution, la problématique ces questions. Enfin, selon lui, la question des ment dans l’intersubjectivité et tout l’intérêt L'enjeu est bien de formaliser, de faire, de par- est plus complexe tiers lieux apparaît plutôt comme des lieux consiste à la mettre en récit collectivement. tager un projet avec son environnement. habités, créés, voire gérés par les usagers, ce L'enjeu est de créer un récit qui va permettre Ré-ancrer les structures dans leurs envi- qui pourrait simplifier les problèmes que l’on d’authentifier le projet. On va construire une Quelles dynamiques de création de lieux ronnements connaît aujourd’hui à propos des figures et sorte d’esprit du projet, une fiction qui va per- aujourd’hui ? autres histoires personnelles. mettre de fabriquer une identité qui peut être Lucie Lambert rebondit sur la notion de « pas- idéalisée et s’apparenter à un mythe. Quand Un participant formule une question à pro- sage ». Cette formule pourrait incarner une Thierry Duval fait part d’un travail mené ac- en tant que sociologue l’on cherche à rendre pos des dynamiques de création de lieux au- version humble de la "direction", néanmoins le tuellement par Jean-Baptiste Jobard au sein du compte de cela, ce récit est appréhendé jourd’hui. La diffusion est de plus en plus com- questionnement se pose au-delà de l'enjeu sé- CAC (Collectif des Associations Citoyennes) comme un processus continu de négociation, plexe, avec des effets de concentration : est-ce mantique. Cela interroge la manière dont sont intitulé « À qui appartiennent les lieux cultu- de remise en question, de déconstruction et qu’on observe sur le territoire des dynamiques dirigées ces structures. Les directions sont rels ? » de reconstruction qui dessine une trajectoire de création ? Est-ce que c’est surtout au travers positionnées à des endroits cruciaux et les di- dans le temps, plutôt que comme une réalité de tiers lieux, au travers de dynamiques qui recteurs.trices dans une posture qui les placent Un participant, directeur de lieu labellisé SMAC univoque et vraie par essence. questionnent les usages et pratiques habituels en « figures », clichés qui entourent les direc- remarque que la question de la transmission a ou classique ? Ce qui est intéressant dans ces tions de SMAC. La question est importante : beaucoup été évoquée via les directions, les Thierry DUVAL interroge le fait de nommer témoignages c’est qu’on se rend compte que ce qui vient incarner à un moment de la vie de la gouvernances et l’importance des publics. Or, « projet » quelque chose qui appartient au sont des parcours de vie qui sont liés au pro- structure cette posture et le message que vé- il y a selon lui également quelque chose de passé. N’est-ce pas un frein sémantique mo- jet. Qui porte les projets pour faire aboutir les hicule la structure ? Parfois, cela enferme les fondamental dans la vie du lieu : l’équipe qui numental ? Comment repêcher quelque chose lieux ? À une époque il s’agissait plutôt de mu- directions comme les équipes, dans les sys- l’anime au quotidien. Ce point est fondamental qui est nommé comme étant un devenir ? siciens, est-ce qu’aujourd’hui ce sont d’autres tèmes de gouvernance. Le fonctionnement est parce qu’une direction sans son équipe n’est

80 81 rien, un projet sans équipe n’est rien. Un participant profite de la présence d’une re- présentante de l’État pour l’interpeller sur les Un autre participant rappelle que la construc- nouvelles conditions de recrutement dans les tion d’un projet se base sur un geste politique directions d’équipements labellisés SMAC. fort qui peut être citoyen, relayé évidemment Les nouveaux process de recrutement sont par des collectivités, de l’argent public redis- très lourds et ne prennent absolument pas en tribué à des fins d’intérêt général. Cela soulève compte les questions évoquées. Selon lui, le la question de la transmission d’une culture po- principal problème est la nature totalement litique, en répondant à la question : comment hors-sol du cahier des charges, qui ne consi- veut-on agir sur le monde qui nous entoure ? Le dère pas les dynamiques territoriales, les his- geste politique naît d’un intérêt et d’un plaisir toires des populations qui ont créé ces projets collectifs et se transforme au fur à et à mesure sur les territoires. du temps dans une vision d’intérêt général et de professionnalisation. La représentante de la DRAC Grand-Est répond ne pas avoir encore eu l’occasion de travailler Pour Rémi BOIVIN, les échanges montrent un sur des recrutements suivants ce nouveau dé- certain effort pour ré-ancrer les structures cret, mais a conscience de sa lourdeur. Il s’agit dans leurs environnements, ce qui rend compte d’une question de dimension nationale et il y d’une certaine manière d’un éloignement qui a aura donc sans doute un glissement, que les pu se produire et qui est lié sans doute à l’es- DRAC appellent de leurs vœux, certaines plus pace autonomisé, en discontinuité avec la vie que d’autres. Forcément, les choses sont appli- sociale ordinaire du territoire, que peut pro- quées différemment d’une Drac à l’autre, mais duire les musiques actuelles. cette question de la déconcentration du choix des directeurs ou directrices de lieux labellisés La question de l’évaluation et du recru- se pose, bien qu’elle n’ait pas de réponse à ap- tement des directions porter pour le moment.

Un participant relève que la question de l’éva- Elle précise être également présidente de luation des projets est également importante. l’Association Nationale des Conseillers des Dans les questionnements que l’on peut avoir, Musiques et Danses. Selon elle, au vu de la on est souvent confrontés à la question de l’éva- complexité à l’œuvre sur cette entrée des re- luation. Par exemple, quand on fait les bilans crutements de direction des lieux labellisés, il y d’activité souvent à destination de structures aura des évolutions, des transformations. par rapport auxquelles on ne peut pas toujours transcrire la subtilité qui est contenue dans nos En conclusion, Véra Bezsonoff, coordinatrice actions et ce qui en fait l’essence. C’est souvent de l’accompagnement des adhérents et des de l’auto-évaluation, voire de l’autosatisfaction, dynamiques de territoire pour la FEDELIMA, on va rarement se dévaloriser, exposer ses li- confirme que ce chantier sera poursuivi. Elle mites. Cette question de l’évaluation est cen- précise que dans le secteur des musiques ac- trale. Cette auto-évaluation est peut-être l’un tuelles, certaines associations ayant un certain des écueils, notamment au prisme de la ques- nombre d’années, une vague de départ à la re- tion de la transmission. traite va avoir lieu. Elle observe depuis deux- trois ans un déficit générationnel, une perte Pour la représentante de la DRAC Grand-Est, d’attractivité du secteur et cela questionne cette question sur l’évaluation est très intéres- vraiment au-delà de la transmission : comment sante. Elle se pose très sérieusement au sein préparer son départ, comme préparer de nou- du ministère : comment on évalue et qu’est-ce velles arrivées, comment transmettre en amont qu’on évalue, à partir de quand ? Ce terme de ou non ? Et cela interroge forcément la na- projet montre l’ambivalence d’un passé et d’un ture des personnes auxquelles on s’adresse en futur, il y a des choses qu’il faut mettre à plat, il termes de recrutement. s’agit d’une question fondamentale puisque les textes sur les labels parlent actuellement d’au- to-évaluation.

82 83 Introduction par Flavie VAN COLEN mais de centrer les échanges principalement Développement durable : réflexion sur les questions de l’accueil des artistes. Cette Suite à plusieurs tables rondes qui ont eu lieu partie de l’activité d’une salle de concert n’est autour du développement durable (lors des certes pas celle qui a le plus d’impact environ- autour de la mise en place d’actions précédents RAFFUT! ou lors des rencontres nemental, mais c’est une entrée sur laquelle nationales autour des fonctions techniques beaucoup de lieux de musiques actuelles ont collectives et mutualisées au dans les musiques actuelles portées par la fé- déjà échangé et ont vraiment les moyens d'agir. dération), la FEDELIMA et ses membres ont ex- primé le souhait d’organiser un atelier axé sur niveau national des entrées plus pratiques de mise en oeuvre Intervention de Boris COLIN, direc- d'actions de développement durable dans les teur du Grand Mix à Tourcoing projets de musiques actuelles. En effet, des structures ont déjà entamé des démarches et Boris Colin, directeur du Grand Mix à Tourcoing Mercredi 3 juillet | 9h30-12h00 Salle pédagogique souhaitent maintenant échanger sur leurs ex- débute cet atelier par un premier témoignage à périences tandis que d’autres veulent se lancer, propos des actions qui ont été mises en place mais ont besoin d’un « déclencheur collectif » dans sa salle, notamment dans le cadre du pro- qui va les aider et les guides pour passer à l’ac- jet DEMO. Depuis plusieurs années maintenant les lieux de musiques actuelles ont commencé à tion. Cela peut par exemple être le cas dans le intégrer les problématiques liées au développement durable dans la gestion de leurs cadre d’une commande de gourdes mutualisée Le projet DEMO (durabilité et écologique dans équipements et de leurs activités. Après avoir identifié les premières expérimentations, qui peut inciter certaines structures à franchir le secteur de la musique et de ses opérateurs) recensé les initiatives, réalisé des temps d’échanges de pratiques, l’heure est venue de le pas (car le choix du modèle, du fournisseur, est un projet européen qui a démarré en 2016 passer à l’action collective. En lien avec les problématiques d’accueil des artistes (charte etc. a été facilité). et qui va être prolongé jusqu’en 2020. Ce pro- d’accueil), de réduction des déchets (gourdes, gobelets, mégots de cigarettes…), jet implique également les 4Ecluses (adhérent de lutte contre le gaspillage de nourriture et la réduction de l’empreinte carbone L’objectif de cet atelier était donc d’identi- de la FEDELIMA), le 4D (une salle de concert (achats de produits bio, valorisation des circuits courts de producteurs locaux...), cet fier des idées d’actions collectives et d’inter- flamande déjà très militante qui a son propre peller d’autres réseaux pour avancer dans la potager, cuisine sur place, utilise des panneaux atelier doit permettre d’échanger sur des pistes concrètes d’actions collectives et/ou démarche du développement durable. Pour de mutualisation de moyens à mettre en place au niveau national pour les lieux de solaires – notamment, car ils possèdent leur cadrer cet atelier, il a été proposé de ne pas bâtiment), le leper Hardore Fest (qui travaille musiques actuelles. évoquer tous les aspects (écologiques ou en- beaucoup autour de la gestion de l’eau sur leur vironnementaux) du développement durable, festival), Imog une structure intercommunale Avec... MARYLINE LAIR JANE GRAY Directrice du Collectif des Chargée de production festivals au Plan (Ris-Orangis)

GAËL CHAVANCE BORIS COLIN Concertations et Animation Directeur du Grand Mix territoriale 77 & 94 (Le RIF - (Tourcoing) Réseau des musiques actuelles en Île-de-France)

Animé par... FLAVIE VAN COLEN Directrice adjointe de Paloma (Nîmes)

84 85 (qui s’occupe notamment de la gestion des gnostics avant de mettre en place des plans à améliorer les propositions de covoiturage Toujours dans le cadre de l’accueil des artistes, déchets). Ce projet comprend donc des struc- d’action. pour les publics. Bien évidemment, ce tra- des affiches ont été placées dans les loges afin tures directement impliquées dans le dévelop- vail a aussi révélé que chaque structure a des de leur rappeler l’environnement dans lequel pement durable (au-delà de lieux de musiques Une structure wallonne a accompagné le Grand problématiques singulières - par exemple, les ils jouent (une salle gérée par « x » association, actuelles ou festival) qui ont été très précieuses Mix dans la mise en place d’un diagnostic de problématiques des 4Ecluses sont différentes, située dans « x » métropole, etc.). Cela permet sur des thématiques spécifiques. Elles ont par son empreinte carbone. Boris Colin considère car les transports en commun sont gratuits à ensuite d’expliquer la démarche de dévelop- exemple permis au Grand Mix de travailler sur que l’outil utilisé n’était pas entièrement satis- Dunkerque. Un questionnaire sur la mobili- pement durable dans laquelle s’est engagée recyclage et la gestion des déchets. Parmi les faisant, mais l’élément primordial a résidé dans té des publics a également été lancé et leur a la salle et de formaliser quelques règles de autres participants, on trouve également Wilde le fait de se lancer dans la démarche et d’être permis de constater que les gens utilisent en- fonctionnement (utilisation de gourdes, tri des Westen (anciennement De Kreun), le Centre accompagné pour réaliser ce document. Grâce core beaucoup leur voiture pour assister aux déchets, choix des produits pour le catering, Culturel René Magritte (très engagé sur la à ce diagnostic, le Grand Mix a très rapidement concerts. En réponse, les 4Ecluses ont par consommation/économie d’énergie). Un livret question de l’accueil des publics), Extra Cité constaté que les transports et la mobilité sont exemple mis en place un parc à vélos. Enfin, d’accueil est aussi à disposition des artistes. (une société de conseil). les activités qui pèsent le plus dans leur em- une étude socio-économique d’impact et de preinte environnementale : connaissances des publics a aussi été menée. En ce qui concerne le tri des déchets, un lycée Enfin, les autres participants sont : l’IDEA • le transport des artistes (sur lequel la salle a Le Grand Mix a également travaillé à la mise en de la région a créé des poubelles en bois qui (l’agence de développement territorial de la peu de prise, voire pas du tout) place d’outils transférables : sont transportables et qui sont prêtées lors région Mons-Borinage-Centre), 3D ASBL (As- • une signalétique commune sur la question d’événements. D’autres mobiliers en palette sociation locale active dans le développement • le transport des équipes des salles sur le- ont également été réalisés. Un travail a égale- quel ils ont pu très rapidement agir. Le du tri a été réalisée, notamment via la créa- durable, qui travaille avec le festival de Dour), tion de pictogrammes adaptables en fonc- ment été tenté sur le recyclage des mégots, FLAP (qui organise depuis plus de 10 ans le fes- Grand Mix, entre autres, a mis en place des notamment sur leur collecte. Wilde Westen mesures incitatives, comme le fait de rem- tion de la situation locale et de la politique tival le Cabaret Vert). de tri spécifique sur le territoire. Résultat : a par exemple mis en place des cendriers au bourser à 100% les personnes qui prennent sol : lorsque les gens jettent leur mégot par les transports en commun. La structure a tous les festivals en Wallonie ont repris cet L’intérêt de ce programme réside dans le fait outil qui est facilement transférable. terre, il est collecté. Cela ne supprime pas les qu’il a réuni à la fois des structures très avan- essayé d’inciter les salariés qui habitent à mauvaises habitudes, mais permet d’avoir des cées dans la démarche de développement proximité de la salle à utiliser des transports • une cartographie des prestataires « dé- points de collectes supplémentaires. Des cen- durable, d’autres qui commençaient à travail- « doux » (en mettant en place un bonus sur veloppement durable » qui est encore en driers de poche sont également donnés pour ler la question et des structures qui en étaient l’indemnité kilométrique vélo) cours de réalisation. sensibiliser et faire changer les habitudes. alors au « degré 0 ». Un premier travail a été • un livre de recette pour le catering a été Wilde Westen a également travaillé sur l’im- réalisé sur un référentiel commun afin de bien Ce travail a permis au Grand Mix de faire une réalisé, et des ateliers « cuisines végéta- pact de leur communication, des gens en réin- se comprendre dans un premier temps. Un photographie de l’activité de la salle à l’instant riennes » ont été organisés pour que les sertion réalisent des sacs à partir des bâches, travail a également été fait sur une charte. Le « t » et de définir ce sur quoi il fallait agir priori- structures puissent proposer des repas les affiches sont recyclées en enveloppe, etc. programme a ensuite permis de poser des dia- tairement. Cela a notamment incité la structure constitués à partir de produits locaux.

Pour réduire ses déchets, le Grand Mix en a mis Intervention de Jane GRAY, chargée en place l’utilisation de gourdes (écoconçues) de production au Plan à Ris-Orangis pour l’accueil des artistes. Ces derniers ont très facilement accepté de les utiliser, car ils ont été Jane GRAY, chargée de production au Plan briefés en amont. La mise en place de cette dé- (Ris-Orangis), a ensuite partagé les actions marche est assez simple et souvent appréciée mises en place dans sa structure depuis deux puis relayée par les artistes eux-mêmes. ans pour mettre l’écoresponsabilité au cœur de Le Grand Mix s’est équipé de fontaines à eau leur projet – notamment sur l’accueil des ar- afin de pouvoir utiliser l’eau du robinet. À Dun- tistes. Leur première initiative a été de faire un kerque, c’est le gestionnaire des eaux de l’ag- bilan de ce qui était « mal fait » jusqu’à présent glomération (qui a des missions de promotion et de bien identifier ce qui pouvait être amélio- de l’eau du robinet) qui a financé l’achat de ré. Une demande a notamment été faite auprès deux fontaines (dans les loges et les studios du Conseil québécois des événements écores- de répétition) et des gourdes des 4Ecluses. ponsables pour être labellisée scène écores- Cette démarche représente à terme une réelle ponsable. Cette demande de labellisation a économie sur l’utilisation l’achat de bouteilles permis d’officialiser leur investissement dans d’eau en plastique. Enfin, cela a également per- cette démarche et d’enclencher réellement la mis de sensibiliser le gestionnaire des eaux qui mise en action. a également équipé d’autres structures de l’ag- glomération. Très concrètement, le premier objectif de la structure a été de mettre en place le « 0 plas-

86 87 tique » dans les loges : son. Afin de stopper le gaspillage, le Plan incite • avant de passer à l’utilisation de gourdes, la les artistes à garder les restes de nourriture première étape a été de supprimer toutes ou à l’équipe du lieu de se les partager. Enfin, les bouteilles plastiques en plaçant des le tri des déchets fonctionne beaucoup mieux carafes d’eau et des Ecocups déjà utilisés depuis que le Plan a retravaillé sa signalétique. dans la structure. Cette initiative, simple et rapide à mettre en place, a été très bien ac- Le Plan a également développé un livret accueil cueillie par les artistes. proposé aux artistes qui comprend toute une partie sur le développement durable (utilisation • les gourdes ont été mises en place sur scène des gourdes, tri des déchets, transports…). En en janvier 2019. Très peu de pertes ont été parallèle, le Plan envoie aux producteurs des signalées, car un vrai travail de sensibilisa- hospitality riders avec une description du ca- tion à destination des artistes a été réalisé tering qui est toujours la même, mais qui peut pour leur expliquer qu’il fallait les restituer. être adaptée. D’autres structures présentes Un bac a par exemple été installé en sortie dans la salle témoignent de leurs avancées de scène. Même sans fontaine (et donc en dans cette démarche, notamment les 4Ecluses utilisant l’eau provenant du robinet), aucun qui passent maintenant par une plateforme en retour négatif n’a été rapporté. L’utilisation ligne (Le Court Circuit) pour commander et de gourdes sur scène a, au contraire, permis cuisiner uniquement des produits locaux. La de sensibiliser les artistes qui, pour certains, salle est également devenue un point de retrait s’en sont ensuite procuré. Un « effet boule pour les usagers qui souhaiteraient comman- de neige » a même été remarqué puisque der de la nourriture produite localement. des producteurs et les prestataires tech- Pour concrétiser toutes les actions décrites niques avec lesquels le Plan travaille se sont précédemment, le Plan a intégré une clause ser (via le RIF, Réseau des musiques actuelles puissent se remettre à niveau sur ce qu’est une équipés de gourdes. dans tous ses contrats artistes qui stipule que en Île-de-France) toutes ses bonnes pratiques démarche RSO (Responsabilité Sociétale des En ce qui concerne le catering, le Plan ne pro- le producteur s’engage à ce que leurs artistes (catalogues de prestataires écoresponsables, Organisations ) et qu’il y ait une réflexion qui pose plus aucun gâteau industriel et passe respectent l’ensemble de la charte, pratique et charte de bonnes pratiques, actions collec- soit menée sur l’accompagnement au change- maintenant par leur boulanger basé à proxi- politique de développement durable du Plan. tives…). La structure a également commencé ment. Selon Gaël Chavance, une des difficultés mité de la salle. Celui-ci livre ses gâteaux en Jane GRAY souligne que toutes les démarches un partenariat avec Alternatiba pour mettre en majeures se situe dans la sensibilisation notam- même temps que le pain, ce qui réduit à la fois que le Plan a mises en place n’ont suscité aucun place des initiatives locales (qui dépasse le sec- ment en interne, auprès des équipes et des di- l’utilisation de plastique et les déplacements retour négatif, bien au contraire. teur de la musique) et les présenter au public rections. Boris Colin, directeur du Grand Mix, occasionnés. Le catering proposé est toujours afin de créer du lien entre toutes les démarches témoigne du fait que toute l'équipe a été im- le même et ne comprend que des fruits de sai- Enfin, depuis 2019 le Plan essaie de mutuali- associatives qui se font sur le territoire. pliquée dans cette démarche. Chaque salarié est responsable d’une mission (« maîtres com- postes », « accueil artiste »…) pour que per- Intervention de Gaël CHAVANCE, sonne ne se retrouve seul à porter la démarche. concertations et Animation territo- Depuis septembre 2018, la Nef1 (à Angoulême) riale 77 & 94 pour le RIF - Réseau des organise un repas d’équipe mensuel pour dis- musiques actuelles en Île-de-France cuter du développement durable au sein du lieu et mettre en place un programme d’actions Gaël CHAVANCE poursuit la discussion en pré- sur le mois à venir. Ces actions vont être ani- sentant le groupe de travail « développement mées par la présence d’une personne accueillie durable » mené à l’échelle de l’Île-de-France au sein de l'équipe dans le cadre d'une mission via le RIF. Le premier chantier du RIF a été de de service civique. recenser toutes les initiatives sur le territoire pour ensuite pouvoir construire des fiches pra- tiques. Au-delà de ces outils très concrets, c’est Intervention de Maryline LAIR, di- la question de la formation et de l’accompa- gnement des équipes qui a intéressé ce groupe rectrice du Collectif des festivals de travail. Ainsi, le RIF (en partenariat avec le Maryline LAIR, directrice du Collectif des fes- RIM, Réseau des Indépendants de la Musique tivals est invitée à présenter cette association en Nouvelle-Aquitaine) monte un programme d’accompagnement pour que toutes et tous 1 - https://www.lanef-musiques.com/ 88 89 qui rassemble actuellement 31 festivals. Sa • s’appuyer ses des témoignages entres paires ceci dans une démarche collective et de sations (réseaux territoriaux, fédérations, mission principale est de les accompagner mise en commun des pratiques à l’échelle collectifs…) travaillent collectivement cette dans des démarches de développement du- À propos des questions de mobilisation, le Col- nationale. Ce dispositif est inspiré de l’ini- question, notamment avec R2D2 rable et solidaire. Le Collectif s’engage ainsi lectif a travaillé sur les freins : tiative lancée au Royaume-Uni en 2018 par • Organiser une rencontre entre salles, festi- sur les questions de transport, d’alimentation, • Anticiper le fait qu’une structure peut être l’AIF (Association of Independent Festivals) vals et tourneurs sur les questions de déve- des gestions de déchet (problématique de res- amenée à « faire des pas en arrière » lors- et la RAW Foundation. Ils produisent aussi loppement durable sources, de pollution, d’empreinte carbone et des ressources et outils de communication qu’elle se lance dans une démarche de dé- • Travailler sur l’hospitality rider à partager au d’inégalité…). veloppement durable que le festival peut utiliser à destination Selon Maryline LAIR, un festival peut s’engager du public. Dans le cadre des BIS à Nantes, sein de la fédération dans le développement durable et devenir plus • Accepter le temps long Drastic On Plastic sera officiellement lancé responsable pour plusieurs raisons : • Anticiper le fait que la remise en cause de en janvier 2020. • être en adéquation avec ses propres valeurs certaines pratiques déjà en place peut être (avec une conviction forte de la part des plus ou moins facilement acceptées Pistes de travail personnes qui organisent le festival) La particularité du Collectif des festivals est Suite à cet atelier, plusieurs pistes de travail ont répondre à une attente des publics qui sou- • d’avoir réuni 31 festivals qui ont voulu trans- été lancées : haitent un accueil de qualité, bien manger, mettre et expérimenter dans le sens de l’intérêt Lancer une commande de gourdes en inox etc. général. À l’origine de la création du Collectif, • mutualisée au niveau national afin de ré- se démarquer et faire développement du- les actions ont été menées pour ensuite créer • duire la consommation de bouteilles d’eau rable un outil marketing de l’expertise, de la ressource qui vont ser- en plastique • améliorer son image et la qualité du festival vir au plus grand nombre. L’objectif est d’agir ensemble et d’aller jusqu’à de la mutualisation • Faire en sorte que les différentes organi- • répondre à une attente de partenaires ins- d’achats, de moyens humains, de matériels afin titutionnels que chacun élève ses exigences (en termes de • avoir la conviction que lorsqu’on est un ac- critères sociaux et environnementaux) dans son teur culturel, on est ancré sur son territoire propre cahier des charges. Le travail en collec- et qu’on ne peut pas être un acteur culturel tif permet aussi d’inventer des mécanismes de sans être un acteur responsable solidarité au sein des organisations.

Le collectif incite ses adhérents à mettre en En termes d’expérimentation, certains adhé- place un plan d’action de développement du- rents du Collectif ont par exemple commencé rable et de « se penser comme un acteur res- à expérimenter le fait de demander aux festi- ponsable », en allant jusqu’à une démarche valiers de venir avec leurs gobelets et ainsi évi- RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). ter l’accumulation d’écocoup qui ont déjà été Cette démarche induit, à terme, de ne plus produits en masse et dont la fabrication n’est faire uniquement des actions de manière iso- actuellement plus nécessaire. C’est le cas par lée, mais aussi d’impliquer d’autres parties pre- exemple du festival Visions. La question de nantes comme les partenaires, les publics, etc. l’utilisation des ecocups se pose également en communiquant sur les démarches mises en dans les salles de concert qui réfléchissent à un place. contenant alternatif qui soit éco conçu, recy- clable et pratique. Sur les questions de l’accompagnement au changement, le collectif a identifié des prin- R2D2 (un réseau informel auquel participe le cipes pour tendre vers une réussite de la dé- Collectif des festivals) souhaiterait ainsi propo- marche : ser à la FEDELIMA et ses adhérents de travail- • lancer la démarche avec une équipe diri- ler sur deux sujets : geante / une gouvernance volontaire est un • Les riders : écrire une ressource pour ac- élément clef compagner les structures dans la rédaction • ne pas attendre que tout le monde soit par- de charte en matière d’accueil d’artistes. tant pour mettre en oeuvre (identifier « ses • Drastic on plastic2 : un dispositif national qui alliés » dans un premier temps) vise à accompagner les festivals français vers la réduction et la suppression du plas- être cohérent entre « le faire » et le dis- • tique dans la production de leur événement, cours : l’exemplarité est essentielle 2 - https://drastic-on-plastic.fr 90 91 Introduction par Ludovic RENAUX, parties prenantes, d’expliquer la méthode, le Notre maison, le Centre national de président de la FEDELIMA calendrier. A cette étape, il est aussi essentiel d'entendre, d'écouter les remarques, les contri- butions, les inquiétudes des acteurs. Rien n’est Le CNM est devenu une réalité puisque sa figé, n’est arrêté : il y a de nombreuses discus- la musique : les murs sont-ils déjà création était fixée au 1er janvier 2020. Dans sions au sein du comité. un premier temps, la parole sera laissée à Ro- montés ? main Laleix et Gilles Castagnac pour nous présenter ce qu’est cette mission de préfigura- Qu’est-ce que le CNM ? tion du CNM, quelles ont été ses étapes, ses échéances, ses contenus, ses objectifs… Puis, Dans un premier temps, il semble important Mercredi 3 juillet | 14h00-16h00 Nadir dans un second temps, Ludovic Renaux repren- de rappeler ce qu’est et sera ce centre national dra la parole pour expliquer la manière dont la de la musique. Le CNM sera un établissement FEDELIMA et d’autres acteurs se sont inscrits public du ministère de la Culture, un opérateur dans la réflexion. Cet atelier sera également qui réunira un certain nombre de missions, de La FEDELIMA, au même titre que la majorité des fédérations, syndicats, réseaux du l’occasion d’exprimer ses questions, ses inquié- ressources au service de la politique publique monde de la musique, est très active dans cette phase de construction du Centre national tudes, d’apporter ses contributions... du ministère de l'État dans les musiques. En ef- de la musique. Enjeu d’importance majeur pour les acteurs, la phase de préfiguration fet, le ministère de la Culture n’a pas vocation se fait sur un temps très rapide, avec une échéance qui posera l’existence du CNM au à subventionner des acteurs ou des opérateurs aux seules fins de leur permettre de se déve- 1er janvier 2020. Comment se construit-il ? Avec quels acteurs, quelles forces vives ? Intervention de Romain Laleix, lopper et de faire des profits. Le ministère de Quel est son périmètre envisagé, comment s’articule-t-il dans les politiques publiques vice-président du comité opéra- la Culture finance des acteurs qui concourent à pour la culture du ministère et des collectivités territoriales ? Comment sera accueillie, tionnel du CNM sa politique publique, à ses missions de service au sein de cette «maison commune», la diversité des acteurs, des projets, des modèles public. C’est donc bien dans cette logique-là économiques ? Cette table ronde sera l’occasion de mieux comprendre les avancées Romain Laleix précise que le CNM n’est plus que cet établissement s’inscrit. autour du CNM, tout en en cernant mieux les enjeux, les problématiques et le calendrier. dans un temps de préfiguration, mais de mise en place. Il est important pour toutes Le CNM est un outil qui est aujourd’hui néces- les équipes qui concourent à ces travaux de saire notamment parce que dans le domaine mise en place de pouvoir exprimer où nous en de la musique, les pouvoirs publics ne dis- Avec... sommes, de pouvoir échanger avec toutes les posent pas d’un élément qui est fondamental ROMAIN LALEIX GILLES CASTAGNAC Vice-président du comité Directeur de l’IRMA opérationnel du CNM

Animé par... LUDOVIC RENAUX Directeur du Café Charbon (Nevers) et président de la FEDELIMA (Fédération des Lieux de Musiques Actuelles)

92 93 : la connaissance approfondie des modèles, systèmes sur ces parcours d’artistes et d’entre- mène, quelle que soit l’issue de la mise en place des économies, des activités de l’ensemble de prises et éclairer tout ça par les études. de l’établissement. C’est-à-dire que quand bien En termes de financement du CNM, le minis- l’écosystème de la musique. La loi LCAP a créé même le FCM, le Bureau Export ou l’IRMA ne tère de la Culture a annoncé très clairement un observatoire, mais qui n’a jamais été en vi- Il s’agit de grands principes. Ce travail sera ini- rejoindraient pas le CNM, on va quand même que la création de cet établissement enga- gueur et donc aujourd’hui, les pouvoirs publics tié à la rentrée et se poursuivra au cours de l'an- se rapprocher d’un lieu commun. L’autre chan- gerait des financements supplémentaires. ne disposent pas des données minimales qui née 2020 avec l'objectif qu'en 2021 le bascule- tier est la convergence de nos systèmes d’infor- Ainsi, le CNM sera in fine plus que l'assem- leur permettent d’éclairer leurs décisions no- ment vers le CNM soit total et opérationnel. Ce mation. C’est un chantier fondamental et même blage des missions et fonctions des différents tamment en matière de régulation. Le sujet travail de fond sera mené dans la concertation, si le CNM n’était pas créé il aurait fallu que ces organismes qui le constitueront demain. Ne de la donnée, de la connaissance est un enjeu dans l’échange permanent avec les différentes différents opérateurs se réunissent, mettent serait-ce que sur la partie étude, il ne s’agira fondamental du CNM parce que sans cette organisations. L’écosystème musical est ex- en commun leurs datas, trouvent des solutions pas de se contenter de mettre en commun les connaissance, on est en incapacité d’objectiver trêmement riche et varié tout comme d’autres pour pouvoir les recueillir, les traiter… Puis, de maigres moyens dont nous disposons les uns, les situations, les difficultés et donc d’en tirer secteurs culturels, mais ce qui manque à la nombreux chantiers techniques, notamment fi- les autres pour arriver aux ambitions évoquées. des conséquences en matière de régulation et musique, c’est un lieu dans lequel l’ensemble nanciers sont encore à travailler. Ces chantiers Il en va de même pour l’innovation. La DGMIC de soutien. C’est le premier pilier du CNM. des familles peuvent se retrouver, échanger n’auront pas abouti au 31 décembre. gère actuellement un fonds de transition à l’in- et confronter leurs points de vue voire parfois novation. Le fait de transformer ce fonds au Le deuxième pilier est l’expertise et l’accompa- leurs intérêts. Il y a un dernier chantier qui est le dessin du sein du CNM en véritable fonds d’amorçage gnement. La vocation du CNM est de contri- dispositif de soutien du CNM. Et ce dessin va à l’innovation, à la création, est fondamental. buer à structurer le domaine de la musique, Le calendrier du CNM nécessiter du temps, ne serait-ce que parce Aussi, le CNM disposera de ressources finan- donc d’accompagner la grande diversité des que les opérateurs qui constituent aujourd’hui cières publiques supplémentaires, d’autre part, acteurs qui aujourd’hui le constitue. L’accom- Le calendrier du CNM est le suivant. Au mo- le périmètre : le FCM, l’IRMA, le Bureau Export, un fonds ICC (industrie culturelle et créative) a pagner par de l’information, l’accompagner par ment de l’atelier, la loi était en cours de dis- le CALIF n’intégreront le CNM que progressi- été annoncé par le président de la République du conseil, mettre les acteurs en relation, faire cussion : elle est approuvée par l’Assemblée vement en 2020. Chacune de ces associations pour un montant conséquent de 225 millions naître de la coopération… Il s’agit d’un volet nationale et elle est passée au Sénat le 9 juillet a sa propre démocratie interne, un système d’euros et la musique ne sera pas exclue de ce fondamental du CNM. 2019. Une commission mixte paritaire devrait de gouvernance et ce sont les assemblées gé- fonds. se réunir très prochainement à l’issue de l’exa- nérales qui décideront de leur dissolution et Le troisième volet est le soutien financier qui men au Sénat. L'ensemble des parlementaires de leur capacité à rejoindre le CNM. Cela va 5 millions d’euros ont été annoncés lors du est un aspect important, mais qui dans notre mobilisés sur ce texte, que ce soit à l’Assemblé prendre du temps, mais finalement, c’est bien- PLF (Projet de Loi de Finance) 2019. En effet, esprit, ne peut se concevoir que comme un ou- nationale ou au Sénat, travaille dans un esprit venu, car c’est un chantier énorme et qui est à le ministère de la Culture avait annoncé, à ce til articulé avec les problématiques de conseil, très constructif, même co-constructif, ce qui mener dans la concertation. Il y aura donc un moment-là, un déploiement budgétaire via d’expertise et d’accompagnement et éclai- va largement au-delà des clivages politiques et budget 2020 du CNV, un budget 2020 du Bu- des reports de crédits pour une somme allant ré par le travail réalisé sur les données et les des expertises sur le sujet. Une fois la loi vo- reau Export et il y aura, dans un premier temps, jusqu’à 5 millions d’euros permettant de mener études. tée, il faudra définir plus précisément ce que une reconduction du système actuel. Et c’est à bien la préfiguration. De plus, le ministère de sont les missions de l’établissement, encadrer en 2021 que l'ensemble pourra converger. la Culture est fortement engagé avec ses trois Il y a donc trois piliers, mais deux grandes ca- ses activités et cela c’est la fonction du décret administrations qui sont mobilisées pour avoir tégories d’actions : les études d’une part et statutaire de l’établissement. Les principes présentés précédemment sont des financements supplémentaires dès l’année d’autre part le soutien. Il est essentiel que le des principes qui font vraiment consensus au 2020, mais nous ne connaissons pas le montant soutien sorte des logiques un peu tradition- Catherine Ruggeri (présidence du comité de sein de l’équipe : sur la nécessité de se proje- exact. nelles de silos, de compartiments, de métiers, préfiguration du Centre National de la Mu- ter sur un système de soutien qui soit construit d’esthétiques, etc. qui ont prévalu jusqu’à sique) travaille avec une petite équipe de col- autour du parcours des artistes et de celui de la À partir du moment où le CNM est construit maintenant. On ne va pas forcément en sortir laborateurs rapprochée et les trois administra- grande diversité des organismes qui les accom- sur la base du CNV, le financement de la taxe du jour au lendemain : on va dans un premier tions : DGMIC, DGCA et secrétariat général, pagnent et les soutiennent. sur les spectacles alimentera le CNM. À ce temps proroger les systèmes existants, mais ainsi que les 4 directeurs des organismes qui stade, dans les autres pistes de financement l’horizon à atteindre, c’est d’imaginer un travail vont être amenés à rejoindre le CNM dont Un autre élément est central, c’est la question explorées, il y en a une qui relève d’une cer- dans lequel progressivement, il serait possible Gilles Castagnac de l’IRMA, et les DRAC. Ce de l’innovation. Au-delà de la notion qui peut taine forme de logique à partir du moment où de sortir de ces logiques-là et il serait possible comité a donc travaillé à un projet de décret sembler quelque peu "valise", il s'agira de se le FCM, l’IRMA, le Bureau Export rejoignent de favoriser une conception du soutien cen- qui nécessite encore un certain nombre de questionner sur l'innovation technologique, le CNM. Il s'agit d'un financement par les or- tré sur le parcours des artistes et le parcours concertations et qui sera soumis à la consulta- des services, des organisations. Même si la ganismes de gestion collective par le biais du des entreprises. Par entreprise, il ne s'agit pas tion du comité élargi dans lequel la FEDELIMA musique a toujours créé, innové et cette inno- 25% des copies privées. C’est un financement d'entreprises à but exclusivement lucratif, mais siège et qui se tiendra le 26 juillet. Donc à cette vation peut parfois se construire contre un éco- extrêmement original qui n’existe dans aucune toutes formes d’entreprises c’est-à-dire d’orga- date, on aura un grand débat sur le décret sta- système ou en substitution et, on a tout intérêt autre industrie culturelle où les OGC (Orga- nisations qui vont concourir à la création, à la tutaire de l’établissement. à les réunir et à s’appuyer sur elles pour faire nismes de Gestion Collective) ne sont pas diffusion, à la promotion, à la distribution de la grandir les opérateurs. sollicités pour participer au financement d’un musique. Ces éléments sont très importants : Ensuite, il y a un nombre de chantiers impor- établissement public. Cette piste pour le CNM sortir de la logique de silos, créer nos propres tants à mener. Un chantier immobilier qu’on La question du financement est extrêmement sérieuse. Sinon, des pistes

94 95 de financements publics ont été évoquées : l’ADAMI5, la SPEDIDAM6, SCPP7 et SNES8. Bien qui vont au-delà de la question économique du la taxe sur les opérateurs téléphoniques, la évidemment, tout le monde sera attentif aux soutien à notre secteur. Le plus important, c’est de casser l’organisation TOCE. C’est un combat difficile, car cette taxe équilibres au sein du système d’actions de l’éta- en silos où on est entre le disque qui redistribue est aujourd’hui attribuée au budget général. Il y blissement, des différents systèmes de sou- au disque, le spectacle qui redistribue au spec- a également la taxe GAFA (taxe sur les services tien, entre les différentes catégories d’acteurs Intervention de Gilles Castagnac, tacle et puis, on s’aperçoit qu’il y a des projets numériques) qui va ramener au budget général soutenus et en tenant compte de la réalité des qui sont en dehors de ces grandes catégories environ 400 millions d’euros donc des budgets contributions. directeur de l’IRMA et qui du coup, ne se feront jamais aider alors très importants. Cela fait partie des pistes que qu’ils font le liant entre ces dernières et qu’ils Parmi les 5 organismes qui sont qui sont direc- le ministère de la Culture est en train d’explorer permettent à l’écosystème d’exister. tement concernés par le processus de création en dialogue avec le ministère de l'Economie et Réaction de Ludovic RENAUX, pré- du CNM, l’IRMA est le seul organisme qui ne des Finances. Il y a donc un ensemble de débats sur quels distribue pas d’argent et il est d’ailleurs parfois sident de la FEDELIMA sont les objectifs qui vont bien au-delà des très difficile de défendre la notion de ressource En ce qui concerne, les entreprises phonogra- questions financières qui ont vocation à mon- On entend le besoin de connaissance du sec- et d’accompagnement avec des structures qui phiques, le CNM a pour vocation de contribuer ter en charge progressivement. Et elles au- teur pour répondre aux enjeux de sa structu- redistribuent de l’argent. Cette question de au dynamisme, au renouvellement de la créa- ront d’autant plus cette vocation que le projet ration, aux moyens nécessaires à cette struc- l’argent est capitale, mais elle n’est pas fonda- tion musicale, c’est sa fonction centrale. Pour va fédérer, va permettre de co-construire de turation. On entend que ce doit être fait dans mentale. Au-delà du fait qu’il faut bien sûr de la remplir, le CNM va soutenir différents opé- nouvelles choses, d’en dénoncer d’autres… le respect de la diversité de toutes les par- l’argent pour financer un projet, le fait qu’il y rateurs, différentes catégories d’organismes L’idée est de sortir de l’entre soi, de ramener ties prenantes et pas uniquement d’un point en ait ne garantit pas forcément un projet va- et donc des entreprises de l’édition phonogra- la réflexion autour de l’intérêt général, de la de vue économique. On entend également lable. Le plus important, c’est la manière dont phique comme aujourd’hui le FCM le fait. Mais visibilité pour l’ensemble des personnes et des que la concertation est au premier rang de la cet argent est utilisé. Par exemple, sur le par- les 25% de copies privées, c’est environ 80 projets en amenant de la connaissance. construction de cet établissement. Or dans le tage de la connaissance, il n’y a pas d’argent millions de financements de l’action culturelle. temps qui va nous conduire jusqu’au 1er jan- dépensé, mais on partage de l'information. Donc à travers le financement des OGC, les vier 2020, il y a un certain nombre d’éléments C’est essentiel : on se rapproche d’une connais- entreprises phonographiques vont contribuer. déjà posés sur lesquels il n’est pas possible de sance commune, d’une forme de démocratie Questions / réponses avec les par- Aujourd’hui les organismes de gestion privées revenir. La concertation est au coeur des dis- pour qu’un ensemble de personnes puissent qui participent au financement du FCM1, du ticipants cours, mais cette dernière a un certain nombre prendre des décisions en connaissance de Bureau Export2 et de l’IRMA3 sont la SACEM4, de paramètres qui sont figés et cela nous pose cause. Quand on parle d’innovation, il y a déjà Un lieu de vie à Paris, c’est bien, mais des questions sur les droits culturels, questions de l’argent pour financer l’innovation, mais notre inquiétude se situe davantage sur pas forcément la connaissance partagée, l’ex- 1 - Le Fonds pour la Création Musicale la prise en compte des territoires et sur pertise. Quand on parle de ce qui se passe en 2 - Le Bureau Export accompagne la filière musicale 5 - Société civile pour l'administration des droits des la manière dont vous allez les associer région, on sait qu’un des intérêts à un échelon française dans le développement de ses artistes à artistes et musiciens interprète et disséminer les actions sur l’ensemble l’international 6 - Société de perception et de distribution des droits régional, c’est de pouvoir aller chercher sur des budgets qui sont autres que les que des lignes du territoire. 3 - Centre d'information et de ressources pour les des artistes-interprètes musiques actuelles 7 - Société civile des producteurs phonographiques budgétaires dédiées à la culture. Il y a un en- semble d’éléments qui vont au-delà de la ques- Les présidents de région nous ont interpellés 4 - Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de 8 - Syndicat National des Entrepreneurs de Spec- tion financière, même si elle est importante, notamment sur le défaut de dialogue entre musique tacles mais l’essentiel c’est le projet. Ce qui est porté l’État et les collectivités qui sont les principaux par le CNM, c’est bien d’avoir cette plus-value financeurs des acteurs musicaux. Les parle- de la connaissance de la diversité des acteurs, mentaires avaient déjà pris en compte cela en des projets… précisant dans un article que le CNM associe- rait les collectivités territoriales à ses actions. Pour illustrer ce qui vient d’être dit, concrète- La présence des collectivités territoriales au ment, lorsqu’on a travaillé sur le décret, un des sein du conseil d’administration du CNM est objectifs qui a fini par faire consensus, c’est en réflexion actuellement. La place des collec- que le CNM sera un lieu de vie. C’est assez tivités au sein du CNM reste un enjeu majeur. fondamental : ce n’est pas une administration Le contrat de filière est un outil qui aujourd’hui avec des guichets, mais c’est quelque chose a ses limites, car disposant de peu de moyens, qui a pour volonté d’avoir un impact et qui peut mais c’est une excellente idée. On espère être interpellé parce qu’il peut y avoir de la pré- que cette idée pourra être poursuivie sur des sence, des expositions, un disquaire, une librai- plans état-région ou sous une autre forme, rie… C’est notre maison commune qui va per- mais il faudra de véritables contrats de filières mettre aux personnes de se croiser, de créer du qui permettent aux collectivités et à l’État de débat... Ce que ne sait habituellement pas faire pactiser avec une vraie vision de filière. Car une administration. aujourd’hui, les collectivités vont chercher des

96 97 fonds sur des lignes telles que rayonnement si dans ces études. Et, par rapport à l’ob- Romain Laleix rappelle ici que c'est le calen- contribuent à la filière ? Et par rapport à international, développement territorial… Elles servation, il y a certes une expertise qui drier législatif presque mécanique qui a donné la gouvernance, comment allez-vous as- ne se contentent pas de "crédits cultures". Il peut être apportée par les organismes le tempo. La loi qui créée l'établissement public surer la représentativité de l’ensemble s'agit de renforcer cette démarche en laissant du CNM, mais il ne faut pas oublier que va être promulguée en janvier 2020. Elle va in- de la filière ? tout d'abord une place aux collectivités dans la duire différents mécanismes nécessaires à une gouvernance, mais également en faisant évo- les fédérations ont elles aussi cumulé opérationnalité du CNM pour 2021. Par rap- La gouvernance est un sujet qui cristallise un luer les cultures de travail pour aller vers da- des datas, font de l’observation et ont port à la définition de la concertation, il s'agit certain nombre d’interrogations. Le CNM sera vantage de concertation, notamment avec les de l’expertise. d'associer les organisations, les professionnels, un établissement public dans lequel l’État sera collectivités territoriales. D’ailleurs, on ne sait l’ensemble des parties prenantes à la vie de cet décisionnaire. Les conseils d’administration pas aujourd’hui si le siège du CNM sera à Paris. En ce qui concerne une forme d’invisibilité des établissement. Et pour cela, il y aura un conseil des établissements publics sont importants, acteurs que vous représentez, j’avoue que je de professionnels qui sera associé à l’organe de mais ce n’est pas là où se jouent la plupart des Pour revenir sur les instances de concertation, ne vois pas concrètement à quels moments de gouvernance. choses. L'Etat sera majoritairement représen- le comité élargi aura ce rôle. A la rentrée, diffé- nos travaux, ni à quels moments de la construc- té au sein de la gouvernance du CNM, mais rents groupes de travail thématiques seront mis tion de cet établissement, vous avez pu avoir Dans le texte actuel, je n’ai rien vu sur à côté, il y aura un comité des professionnels en place par rapport au systèmes de soutiens. ce sentiment. Dans le comité élargi, de nom- l’environnement, sur la diversité à part qui sera une instance entre la concertation et Et de manière concrète et à court terme, deux breux acteurs représentent le secteur lucratif, celle des acteurs mais pas artistiques, la gouvernance. L’idée est que cette instance grandes études vont être lancées : l’une sur la d'autres représentent le service public, mais sur l’économie sociale et solidaire, sur puisse avoir des compétences pour pouvoir situation économique des artistes et l’autre sur l'attention aux acteurs de l’économie mixte, prendre des décisions et qu’elle soit représen- les entreprises au sens large. Elles seront me- d’autant plus qu’ils sont des acteurs fonda- les droits culturels et sur les solidarités... tative de la diversité des acteurs. nées avec la même logique : des groupes de mentaux de l’écosystème, est bien rélle. Dans travail thématiques, de la concertation et de le cahier des charges des études, nous vons Le Sénat a fait évoluer le texte pour y inclure les Pour la visibilité de l’interstitiel, la première ap- l’échange. C’est la marque de fabrique du CNM souhaité être très larges afin que le presta- Droits culturels et des notions d’équité territo- proche consiste à parler de politique d’écosys- qui ne souhaite pas être un grand observatoire taire retenu puisse justement définir les diffé- riale. La question de la diversité est au cœur du tème, il s'agit alors de dépasser les logiques de classique. Il y aura une direction des études, rentes typologies concernées et dans le terme CNM et si la loi ne le rappelle pas, c’est effec- "guichets". Pour cela, il faut sortir de la logique mais les méthodologies, la recherche se feront « d’entreprise », il n’a jamais été question de ne tivement fâcheux. Sur la rédaction du décret, des contributeurs et des bénéficiaires : peuvent en concertation avec les professionnels. prendre en compte que le secteur lucratif. Ce nous travaillons sur la diversité comme pierre qui nous intéresse c’est d’étudier les structures angulaire du travail qui sera mené par le CNM. être bénéficiaires tous ceux qui participent de Concernant l’économie sociale et solidaire, il cet écosystème. Par rapport aux études qui sont déjà en qui œuvrent au soutien des artistes et on le fait n’y a pas de discrimination dans la loi ni dans le prévision sur les artistes et l’économie en prenant en compte la diversité de ces der- nières. Quant à la linéarité du parcours artis- décret sur un modèle économique particulier Pour reprendre la question du périmètre des entreprises, les acteurs s’inquiètent tique, il faudra être vigilent - surtout dans la dé- et toute notre préoccupation est tournée sur du CNM et la prise en compte des ac- de l’invisibilité des structures qui ne sont finition des aides - sur le fait que ces parcours le fait que la loi doit nous permettre d’expéri- teurs de l’ESS, cela pose la question des ni dans le champ tout public, ni dans le ne sont pas linéaires. menter et non de discriminer certains acteurs finalités du CNM. C’est pour cela entre champ tout privé puisque les adhérents par rapport à d’autres. La régulation n’est pas autre, que nous avons beaucoup insisté abordée dans les textes, car l’établissement n’a de la FEDELIMA et d’autres fédérations Pourquoi cette envie de rapidité dans la sur l’introduction des Droits culturels. sont dans le champ de l’économie so- pas de compétence en matière de régulation. mise en place du CNM ? Quelle est votre C’est le ministère de la Culture qui garde cette De la même façon, le financement des ciale et solidaire, sur des économies définition de la concertation ? Quelle compétence. En revanche, à travers la produc- OGC de l’action culturelle pose la ques- mixtes. Et on a le sentiment que ces ini- méthode, quelle forme voulez-vous don- tion d’études et des données, le CNM pourra tion des finalités du CNM par rapport à tiatives sont assez peu prises en compte ner à cette concertation et avec qui ? donner des éléments au ministère de la Culture l’éducation artistique et culturelle... dans les fondements du CNM, mais aus- pour qu’il prenne la mesure des évolutions, des rapports de pouvoir… La but du CNM est bien de défendre la création et l’accès à la création musicale. Cette dernière Il existe de nombreux acteurs qui évo- se déploie dans un univers divers avec une luent en marge des structures du spec- multitude d’acteurs. La réflexion posée est qu’il tacle vivant, mais qui y participent acti- existe un écosystème au sein duquel chacun vement : les structures d’enseignement, doit se développer de manière harmonieuse. C’est l’opportunité de mettre tout le monde les facteurs d’instruments, les structures autour de la table pour partager des éléments pluridisciplinaires… Tout cela est plus de connaissance, des problématiques et de tra- large que ce que va accompagner et vailler ensemble sur ces sujets. structurer le CNM. Comment allez-vous articuler les grandes catégories et ces Quel est le périmètre du CNM en terme structures plus parallèles, mais qui esthétique ? Il était question d’intégrer

98 99 toutes les musiques, mais dans les or- L’intérêt du CNM, c’est aussi de doter l’État ganismes qui fusionnent et dans les dis- d’un outil qui lui permette de réguler. Le CNM cussions que nous avons, il est beaucoup doit en ce sens produire un discours politique question de musiques actuelles... collectif pour défendre les artistes et ceux qui les accompagnent. Le CNM aura vocation à soutenir toutes les L’enjeu du CNM c’est de ne jamais perdre le esthétiques musicales. Il n’a pas forcément vo- nord, de défendre la diversité, mais de recon- cation à soutenir tous les acteurs : certains ont naître qu’il y a des opérateurs très différents et des missions de service public et n’auront pas de prendre en compte toutes ces réalités. vocation à être soutenus par le CNM, mais ce n’est pas une question d’esthétique.

Comment comptez-vous travailler sur ces nouveaux acteurs issus du baroque, de la musique contemporaine et autre qui sont fortement financés par la puis- sance publique et qui ont des enjeux un peu différents ? Il y a aussi des opéra- teurs numériques qui ont des préoccu- pations de marché, comment intégrer l’ensemble de cette diversité ?

Il existe effectivement des opérateurs dont certains sont numériques qui ont des chiffres d’affaires énormes et qui ne se posent pas la question des droits culturels, mais qui rai- sonnent en termes de marché. C’est l’enjeu du CNM de faire valoir la liberté de création, l’intégrité des œuvres, des droits culturels… Cela sera possible d’autant plus si on arrive à réunir des acteurs militants et des acteurs qui ont des préoccupations plus industrielles et commerciales. Il faut faire coexister ces diffé- rentes logiques et prévaloir l’intérêt général.

100 101 Introduction réalisation d’une étude sur les « conditions de La structuration de la filière jeune production et de diffusion du spectacle vivant Cet atelier, co-construit par la FEDELIMA et le jeune public », dont bien sûr les spectacles réseau RamDam avait pour objectif de réfléchir musicaux. Cette étude avait pour but à la fois public : réunir les réseaux musicaux collectivement aux engagements et articula- de réactualiser les données d’une précédente tions possibles entre réseaux en direction du étude comparable menée en 2009 et de pro- peut-il favoriser la production et la Jeune Public en musiques actuelles au niveau poser une photographie actuelle de la santé du national comme local : soutien à la création, à secteur jeune public. Le rapport complet ainsi la production, aux partenariats… Il s’est dérou- que sa synthèse sont consultables sur le site In- circulation des oeuvres ? lé en trois temps : ternet de Scènes d’enfance – Assitej1. Fanny SPIES, chargée de mission pour • Fanny SPIES présente d’abord la méthodolo- Scènes d’enfance – Assitej, a tout d’abord gie de l’étude. Deux questionnaires basés sur présenté les résultats de leur étude sur les Mercredi 3 juillet | 14h00-16h00 Houlocène l’activité 2016/2017 ont été proposés respecti- conditions de production et de diffusion du vement : spectacle vivant jeune public. Aux équipes artistiques / compagnies : 234 Le second temps de l’atelier avait pour but • • répondants parmi lesquels 72 % sont spé- Les salles de concert intègrent de plus en plus souvent une programmation jeune de dresser un panorama des réseaux jeune cialisés sur le jeune public (celui-ci repré- public à leur saison et les artistes qui s’adonnent à ce type de productions, nombreux, public en France à travers le témoignage sentant plus de 75% de leur activité). débordent de créativité. Cependant les moyens de création et les conditions de des quatre intervenantes. Aux structures de programmation : 261 ré- rayonnement des projets sont limités. Enfin, un troisième temps ouvert était • • pondants parmi lesquels 18 % sont spéciali- consacré aux échanges avec les partici- Comment favoriser la transversalité des esthétiques et des acteurs ? Comment soutenir sés sur le jeune public (celui-ci représentant pants, aux témoignages et partages de les coopérations et trouver les moyens de la production, sans que les concerts jeune plus de 75% de leur activité). public soient systématiquement associés à l’action culturelle ? bonnes pratiques, afin d’ouvrir la voie à de nouvelles perspectives. Sous l’impulsion d’une dynamique inter-réseaux, RamDam et la FEDELIMA invitent les Ces questionnaires ont été diffusés à l’en- réseaux à travailler ensemble pour faciliter la production et la diffusion du spectacle semble du fichier de contacts de l’association et très largement relayé par les DRAC, les Col- musique jeune public. Sur la base de constats collectifs, cet atelier tentera de poser Présentation des résultats de l’étude les bases d’un engagement collectif à la coopération inter-réseaux dans la durée pour lectivités et les réseaux des professionnels du favoriser le développement de la filière. de Scènes d’enfance - Assitej sur jeune public ou autres tels que la FEDELIMA. les conditions de production et de La répartition géographique des répondants diffusion du spectacle vivant jeune est consultable en derrière page de la synthèse de l’étude. Suite à l’analyse de ces question- Avec... public naires, trente entretiens ont été réalisés (15 auprès d’équipes artistiques et 15 auprès de EMILIE HOUDEBINE MARIE-CHARLOTTE Fanny SPIES présente en premier lieu l’asso- structures de programmation). Présidente de RamDam, le SAUTAI ciation Scènes d’enfance – Assitej et la genèse Fanny SPIES présente ensuite les résultats de réseau musiques et jeune public Responsable Médiation de son étude sur les conditions de produc- l’étude dans leurs grandes lignes. Elle aborde tion et de diffusion du spectacle vivant jeune et action culturelle au tout d’abord le public dont il est question : public. Assitej a pour vocation de fédérer les Presque la moitié des spectacles (46 %) sont Tetris (Le Havre) professionnels du spectacle jeune public et • FANNY SPIESS programmés en direction du cycle primaire de défendre les intérêts de ce secteur très (6 - 10 ans). Chargée de mission pour DES REPÉSENTANT·E·S spécifique auprès des institutions et des pro- Assitej (Scènes d’enfance) DES RÉSEAUX fessionnels du spectacle vivant. Elle est à l’ori- • 23 %en direction des maternelles (3/5 ans). MUSIQUES gine, en 2014/2015, avec l’appui du Ministère • Les autres tranches d’âges se répartissent et de la Communication de la création, de « La ainsi : 9 % pour les 0-2 ans, 12 % pour les 11- Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse », 14 ans et 10 % pour les 14 ans et plus. plus de 1000 projets jeune public réalisés sur l’ensemble du territoire et à l’international. Animé par... Suite à la réussite de cette manifestation et ALEXANDRE LAMOTHE CAMILLE SOLER aux retours positifs du ministère, l’association 1- Étude complète : http://www.scenesdenfance-as- Coordinateur de la Membre du conseil a souhaité se pencher de façon plus objective sitej.fr/wp-2016/wp-content/uploads/2019/06/ d’administration de et exhaustive sur les conditions de production etude-complete.pdf programmation jeune public de Synthèse de l’étude : http://www.scenesdenfance-as- RamDam et de diffusion des créations pour la jeunesse. la Bobine (Grenoble) Elle a donc confié en 2017 à Fanny SPIES la sitej.fr/wp-2016/wp-content/uploads/2019/04/de- pliantA4-synthese-scenedenfance-2019-ppp.pdf 102 103 Un certain nombre d’enjeux forts ressortent tacles jeune public par saison, pour 55 re- par leurs financements publics et par les dé- moyenne par équipe sur une saison. Le nombre des entretiens : présentations par compagnie. Les structures cideurs du projet artistique des structures. Or, actuel est de 55. Cette tendance à la baisse • L’inclusion du public dans la création. Les accueillent quant à elles en moyenne 12 spec- ce cadre budgétaire doit répondre à plusieurs ne saurait être expliquée uniquement par la artistes pensent au spectateur au moment tacles jeune public pour 49 représentations contraintes spécifiques au jeune public. Les différence d’échantillonnage. Les équipes ren- même de la conception des projets, à la fa- par saison. Les spectacles jeune public repré- tarifs d’entrée sont très bas et les équipes ar- contrées en entretien font effectivement le çon de s’adresser à ces publics spécifiques. sentent en moyenne un tiers de la programma- tistiques demandent à jouer devant des jauges constat d’une évolution négative concernant Les jeunes spectateurs sont toujours pré- tion et la moitié des représentations des struc- réduites, condition nécessaire à la qualité la diffusion, d’un resserrement des calendriers, sents dans le déploiement de la pensée ar- tures. Ce chiffre qui semble très important d’écoute et de réception des spectacles. Ces des programmations et des budgets d’accueil tistique. Aujourd’hui, une grande partie des s’explique par la pratique des séries. En nombre exigences sont bien comprises par les pro- et d’une négociation de plus en plus serrée des artistes invite les enfants et les adolescents de spectacles diffusés, les structures munici- grammateurs, mais souvent discutées d’un prix de cession. Elles partagent le sentiment à collaborer au processus de création des pales se situent en tête d’un vaste réseau de point de vue économique. Enfin, la majorité d’un appauvrissement du secteur couplé à une spectacles, en tant que jeunes collabora- diffusion comportant un nombre important de des structures programme en série pour pou- démultiplication du nombre de projets jeune teurs artistiques. Cette collaboration vient types de lieux différents (détail page 2 de la voir répondre à la demande des établissements public. Selon elles, de plus en plus d’artistes nourrir le propos, éclairer la question de synthèse de l’étude). scolaires de leur territoire, mais les volumes de- portent des propositions jeune public et la ca- l’adresse spécifique et interroger les esthé- meurent assez restreints (entre deux et quatre pacité de programmation des structures se di- tiques. On constate une forte mobilité des spectacles. représentations par série en moyenne). Ces vise donc entre plus de spectacles. Si la région d’implantation constitue souvent le conditions de diffusion influent fortement sur • La responsabilité des artistes et des pro- premier réseau de diffusion pour les équipes, la la détermination du prix de cession, nœud de Les équipes rencontrées font également état fessionnels de la programmation et de la moitié de leurs représentations a lieu en dehors la relation entre structures artistiques et de dif- des très faibles moyens dédiés à la création. médiation vis-à-vis de ce qu’est la décou- de celle-ci. Concernant l’accès aux réseaux fusion : quelle juste adéquation entre rémuné- Une majorité se trouve confrontée à l’impossibi- verte du spectacle vivant, de ce qu’est un de lieux labellisés, un quart des équipes qui ration du plateau artistique, nécessaire réduc- lité de réunir les moyens de la création, observe regard partagé sur le monde, de comment créent pour le jeune public s’est produit dans tion des jauges et tarifs bas ? La plupart des une évolution à la baisse des moyens de pro- on promeut l’accès à la culture par l’école une scène nationale sur la saison 2016/2017. équipes réclament de briser le plafond de verre duction et fait part des efforts toujours plus im- et la place de l’enfant dans la vie citoyenne. Cela semble peu et seules les équipes les plus des prix de cession, de ne plus considérer le portants à déployer pour les réunir. Le montant • La mixité des publics, en particulier dans subventionnées sont présentes au sein de ce spectacle jeune public comme nécessairement moyen du budget de production des équipes le cadre des représentations scolaires, en- réseau des structures labellisées. Un tiers des moins cher que les spectacles pour adultes. artistiques est inférieur à 30000 € pour 44 % droits favorables à l’accès pour tous aux équipes artistiques a tourné à l’international en d’entre elles (détail des chiffres page 34 du créations. 2016/2017 dont 21 % ont produit un spectacle On observe une tendance à la baisse en termes rapport complet). Leur budget médian est de • La dimension intergénérationnelle du spec- en partenariat avec des structures étrangères. de diffusion du côté des équipes. La précé- 33000 €. Ce budget de production repose en tacle jeune public, enjeu qui ressort parti- Du côté des structures, 48 % ont accueilli des dente étude réalisée par Scènes d’enfance grande partie sur les subventions d’aide au pro- culièrement dans les propos des artistes spectacles étrangers (dont 28 % des spectacles en 2009 faisait état de 78 représentations en jet. Mais même si les équipes artistiques sont et des programmateurs. Les créations ont non européens). vocation à rencontrer tous les spectateurs, enfants, adolescents et adultes et à créer Les résultats font donc état d’une diffusion du lien entre ces générations, à travers no- plutôt dynamique, mais le secteur reste en- tamment le développement d’une program- core fragile, notamment du point de vue éco- mation à destination de l’ensemble de la nomique. En effet, la recette moyenne des famille. équipes artistiques par représentation est de 1000 € (moyenne qui inclus non seulement les La vocation des spectacles jeune public à • cessions, mais également les coréalisations et toucher les publics éloignés de la culture. les représentations à l’étranger qui sont parfois jouées à perte). Concernant les structures, le En moyenne, les structures de l’échantillon budget artistique jeune public médian (bud- programment autant de séances familiales que get d’accueil incluant les frais annexes, mais de séances scolaires. En additionnant les deux, hors budget de production) est de 54000 € cela représente environ un tiers de la program- et le budget médian par représentation est de mation des structures qui ont répondu. Le sec- 1500 €. En moyenne, ce budget artistique jeune teur jeune public est extrêmement dynamique public représente un tiers du budget artistique du point de vue de la diffusion, même dans un global. Mais les réalités sont très variables se- contexte que l’on sait difficile au niveau poli- lon la nature des structures. tique et économique et le répertoire y occupe une place importante. Les artistes tournent en Pour la plupart, les programmateurs font part général plusieurs créations simultanément. d’un cadre budgétaire restreint pour l’accueil de spectacles jeune public, à la fois imposé Les équipes diffusent en moyenne trois spec-

104 105 soutenues aux trois quarts, la plupart déplorent 10000 € et les parts de coproduction par créa- présente en moyenne 11 % du total des repré- programmation et partenaires du champ social le manque de soutien public pour la création et tions jeune public sont en moyenne de 6700 € sentations accueillies en 2016/2017. et de l’enfance. La création et les temps de re- des montants alloués qui ne permettent pas de (pour une médiane à 4600 €). Dans l’étude réa- cherche avec les publics se nourrissent mutuel- faire face aux enjeux affichés par les politiques lisée en 2009, les coproducteurs de spectacles Des entretiens menés, ressortent à la lement. Cette présence artistique au plus près publiques pour la jeunesse. Les équipes inves- jeune public représentaient seulement 36 % de fois des évolutions et beaucoup d’at- des habitants irrigue les territoires au côté des tissent la majorité de leurs fonds propres dans l’échantillon. On observe donc tout de même tentes. programmations. leurs créations au détriment de leur capacité à une évolution positive, mais sur des montants se structurer et donc à gérer et développer leur de plus en plus faibles. Enfin, en observant les Ressort en premier lieu une prise de conscience Des attentes fortes sont exprimées très activité. On observe enfin dans les chiffres que chiffres plus en détail, on s’aperçoit que plus les généralisée des enjeux vis-à-vis de la création ouvertement. parmi les moyens de production mobilisés, la budgets de production des structures sont éle- jeune public. L’ensemble des acteurs interro- coproduction reste le plus inaccessible pour les vés (scènes conventionnées, scènes nationales, gés fait part d’une évolution positive des re- Pour les équipes artistiques, elles concernent équipes artistiques : CDN, CCN...), moins la proportion de budget gards vis-à-vis de leurs projets que ce soit dans tout d’abord une amélioration des conditions • 40 % des équipes interrogées n’ont aucun jeune public est forte. Par exemple, dans les le champ professionnel du spectacle vivant ou de production et de diffusion des œuvres. Elles coproducteur, Scènes nationales, le jeune public représente dans la sphère institutionnelle. Le nombre de réclament presque unanimement davantage de environ 10 % du budget de production total. • seuls 17 % en ont plus de trois par création, répondants à l’enquête, soit deux fois plus qu’en moyens en coproduction, de vraies résidences 2009, démontre d’un intérêt croissant et élargi de création, des aides publiques pour la créa- plus de la moitié des équipes réunit moins • Concernant les autres aides à la création, no- pour la création jeune public. Il s’agit d’une dy- tion et la résidence, des espaces de travail de 10000 € au total en coproduction sur la tamment la résidence, les soutiens sont plus namique au long cours qui résulte de nombreux adaptés, des moyens alloués aux temps de re- saison et 82 % moins de 30000 €. ou moins affirmés. La plupart des structures efforts du secteur et qui semble s’accélérer au cherche et à l’expérimentation, un engagement Pour faire face à ces très faibles montants des accueillent des équipes artistiques en rési- moment de la Belle Saison et d’une meilleure en préachats de la part des structures, une pro- coproductions, les équipes doivent multiplier dence, mais dans la moitié des cas il s’agit d’un prise en compte par le ministère de la Culture. grammation en série pour les créations, davan- le nombre de coproducteurs ce qui étire le simple prêt d’espace de répétition. 77% des À titre d’exemple, en 2017, un tiers des équipes tage de représentations familiales et scolaires, temps nécessaire au montage de production. équipes artistiques ont bénéficié de résidences artistiques qui créent pour le jeune public sont le respect des jauges demandées dans les de création au plateau, mais seules 46 % ont associées à des structures sur le moyen et long fiches techniques, le développement de dyna- Concernant les structures, les parts de co- bénéficié d’une prise en charge des frais de terme et un tiers des structures accueillent au miques de mobilité initiées par les structures et production varient en moyenne entre 3000 et résidence. 73 % des structures accueillent des moins un artiste associé jeune public. des dispositifs régionaux d’aide à la diffusion. 8000 €. La coproduction apparaît ainsi comme artistes en résidence, mais un tiers seulement une mission à la marge : 64 % d’entre elles prend en charge les frais afférents. Des réseaux se structurent. L’enquête met en Que ce soit pour les équipes artistiques ou les coproduisent des créations jeune public mais lumière le développement du travail en réseau, structures de programmation, beaucoup d’at- avec un budget moyen de coproduction par La pratique du préachat est répandue : 86 % également fortement impulsé au moment de la tentes sont exprimées vis-à-vis des pouvoirs structure de 17000 € pour 84000 € de budget des équipes sont concernées. Mais seules 60 Belle Saison. Les professionnels partagent très publics. Les professionnels déplorent l’absence de production total. Le budget médian est de % des structures ont accueilli des représenta- largement la volonté de se fédérer pour faire de mesures phares, structurantes, et l’absence 6000 € par structure pour 19000 € de budget tions en préachat pour une moyenne de 21 re- avancer à la fois la création et les pratiques de moyens budgétaires dans la durée. Glo- total. Enfin les trois quarts des structures dis- présentations par équipe et une moyenne de 10 d’éducation artistique. En grande majorité, les balement les structures font part d’une vraie posent d’un budget de production inférieur à représentations par structure. Le préachat re- structures mènent des projets partagés sur bienveillance des pouvoirs publics, mais sans leur territoire avec de nombreux acteurs aux l’accompagnement correspondant. Ils font le statuts divers, l’Éducation nationale en premier constat d’un accompagnement un peu « à dis- lieu. L’émergence de plateformes régionales tance » et qui n’est pas complété de finance- jeune public et de réseaux disciplinaires tels ments directement dédiés à la création jeune que RamDam facilite le dialogue entre acteurs public, mais plutôt uniquement à la médiation. et la réalisation de projets dans une dynamique Or ces projets ont une économie fragile et très structurante. spécifique qui nécessite des aides particu- lières. Les structures sont nombreuses à sou- Enfin, l’accompagnement de la découverte à ligner leur incapacité à mener une mission de travers la médiation se développe. Le travail production sans appui de la part de leurs par- avec les jeunes spectateurs se déploie, se pré- tenaires institutionnels. cise, se réinvente ces dernières années, dans Les équipes artistiques pointent la faiblesse une pensée globale de l’éducation artistique de l’engagement des pouvoirs publics, notam- qui passe par des parcours de spectateurs, ment en ce qui concerne les aides au fonction- mêlant accès aux œuvres et sensibilisation à la nement et à la structuration. Elles questionnent création. Au cœur de ces dynamiques de mé- beaucoup les objectifs et critères de fléchage diation se trouvent les résidences de territoire des subventions et des aides attribués qu’elles et d’implantation, des dispositifs qui sont par- trouvent à la fois opaques et très éloignés des tagés entre équipes artistiques, structures de réalités du terrain. Et pour contrer la solitude 107 106 Cliquer sur l’image pour télécharger la présentation tions qui intéressaient Scènes d’enfance – As- répondu au questionnaire (18 SMAC seulement sitej ne pouvaient pas être traitées dans cette dans l’échantillon). Il y a pourtant un enjeu étude. D’autres membres du Conseil d’Admi- à faire remonter des chiffres et des constats nistration de l’association ont donc réalisé sous spécifiques au secteur des musiques actuelles. forme de « focus » des dossiers thématiques Fanny SPIES abonde en ce sens en confirmant sur certains points spécifiques importants. que les résultats de l’enquête, bien qu’éclairant Ces regards croisés de professionnels et d’as- sur un certain nombre de sujets et confirmant sociations ont été publiés en même temps que toutes les intuitions que l’ensemble des profes- l’étude2. sionnels du secteur jeune public partageaient déjà, ont aussi quelques limites. Il y a en ef- fet peu de répondants du secteur musical. La Échanges avec les participants FEDELIMA, RamDam et la SACEM ont fait la demande de « focus musique », mais basés sur Suite à cette présentation, les animateurs de les réponses de 18 SMAC et de 3 opéras, ces l’atelier proposent aux participants de réagir à derniers ne sauraient être suffisamment repré- la présentation de l’étude à travers remarques sentatifs. Alexandre LAMOTHE complète en ou questions. précisant qu’une enquête de la FEDELIMA me- née en parallèle de l’étude de Scènes d’enfance Une première question est posée par une par- – Assitej laisse apparaître que de plus en plus ticipante : quelle suite sera donnée à la Belle de structures musiques actuelles déclarent Saison ? Il était notamment question d’orga- une programmation jeune public. En 2016, il y niser des plateformes en Région. Y a-t-il une en avait 60,5 %, en 2017, 69,2 %. Il s’agit d’une dotation prévue de la part du ministère pour augmentation importante sur un si petit laps pérenniser celles-ci ? Est-ce en place ? de temps. Fanny SPIES précise que la part des SMAC dans la programmation jeune public de leurs activités, elles pointent le besoin de sphère politique, il leur semble que les finan- Fanny SPIES répond qu’un plan 2016/2020 reste à relativiser car elle n’est pas mise au vraies pratiques coopératives et de réseaux cements publics n’ont pas concrètement suivi. « Génération Belle Saison » a été publié par le regard du budget artistique global des struc- et attendent que celles-ci soient encoura- Si des effets sont ressentis aux échelles natio- ministère. Ce plan précise que des dotations tures. Dans l’étude, les SMAC ne sont pas têtes gées, voire financées, en particulier en ce qui nales et régionales, ils sont nettement moins sont non seulement prévues pour ces plate- de pont en termes de part de budget alloué au concerne les dispositifs de compagnonnage et visibles aux échelles départementales et inter- formes, mais également pour des événements jeune public. Mais on sait en revanche qu’une les réseaux de production et de diffusion. communales. structurants. Concernant les plateformes ré- SMAC n’a absolument pas les mêmes budgets gionales jeune public, il existe des dotations qu’un Centre Dramatique National ou qu’une Des attentes sont également exprimées Ainsi, le jeune public est un secteur artistique annuelles qui doivent notamment corres- Scène nationale. De manière plus générale, la concernant les lieux intermédiaires. Les com- qui se définit par son public, dans une pers- pondre à l’organisation de temps forts annuels programmation musicale jeune public est as- pagnies s’inquiètent de la faiblesse des moyens pective très intergénérationnelle. Il bénéficie pour réunir justement tous les membres de ces sez importante au regard de l’étude, car si on qui leur sont alloués pour accompagner leur d’une grande vitalité de diffusion sur tous les plateformes. L’enjeu au sein de ces plateformes cumule théâtre musical, chanson et musique mission de service public. Ces lieux non label- territoires, dans tous les types de lieux, mais vis-à-vis du secteur des musiques est juste- « tout court », elle représente 21 % des esthé- lisés et non conventionnés qui représentent un subit une tendance à la baisse en termes de ment d’y intégrer plus d’acteurs des lieux label- tiques programmées (juste derrière le théâtre socle extrêmement important de leur diffusion diffusion et une économie spécifique complexe lisés SMAC et autres lieux musiques actuelles qui représente 29 % et au-dessus des 17 % de tendent à disparaître ou du moins se fragiliser. et fragile. Les moyens alloués à la création sont qui y sont encore sous-représentés. la marionnette). Il s’agit donc tout de même insuffisants et celle-ci est souvent formatée d’une part importante de la programmation. Pour de nombreux acteurs culturels, l’attente par les conditions de production. Elle constate Alexandre LAMOTHE, coordinateur de la pro- Ces résultats restent à nuancer au regard de la vis-à-vis des pouvoirs publics concerne aussi un intérêt croissant et élargi pour la création grammation jeune public de la Bobine (Gre- méthodologie de l’enquête. la mise à disposition d’équipements adaptés à jeune public, à la fois de la part des pouvoirs noble), précise ensuite concernant l’étude la diffusion jeune public. Les rapports scène / publics et des acteurs du spectacle vivant. Des qu’une demande a été formulée auprès du Une participante, chargée des relations avec salle sont très particuliers : petite jauge, rap- dynamiques coopératives et des réseaux sont réseau Scène Enfance - Assitej d’extraire les les publics pour un théâtre parisien du sec- ports non frontaux, nécessité d’équipements en construction. Le travail avec les publics se données spécifiquement musique de l’étude teur de l’opéra déplore qu’il y ait seulement de proximité. Elle concerne également la mise réinvente et s’enrichit d’année en année. Des afin de les traiter avec la FEDELIMA. Concer- trois opéras ayant répondu au questionnaire. à disposition d’équipements adaptés aux pé- attentes fortes en termes de moyens d’accom- nant le périmètre de l’étude, il remarque que Il y a pourtant énormément de programmation riodes de création comportant des salles de pagnement et de considération sont exprimées 78 % des adhérents de la FEDELIMA œuvrent jeune public et de créations autour de l’opéra répétition, des lieux de fabrique... ainsi qu’un besoin de mesures phares et struc- dans le champ du jeune public et que peu ont pour le jeune public et le public scolaire. Elle turantes de la part des pouvoirs publics. s’interroge sur les biais de diffusion des ques- Globalement, même si les répondants 2 - http://www.scenesdenfance-assitej.fr/wp-2016/ tionnaires. Elle apprécie énormément les résul- constatent une évolution des regards dans la Fanny Spies précise enfin que toutes les ques- wp-content/uploads/2019/06/Regards-croises-a4- tats présentés, mais n’était pas elle-même au final.pdf 108 109 courant de l’étude. Elle précise être également un espace de rencontre, de réflexion et de par- membre fondatrice du TMNLab (Laboratoire tage d’expériences. Il compte à ce jour environ Théâtre et médiation numérique), association 130 adhérents. Parmi ses premières actions, il de professionnels du spectacle vivant qui a a organisé des rencontres régionales sur les également mené une étude récemment et dont territoires pour créer du lien en local. Des ren- les résultats pourraient être mutualisés avec contres thématiques, « Remue-Méninges » ont ceux présentés. également été proposées à l’occasion d’évé- nements tels que les Francofolies, le MAMa, Fanny SPIES reprécise en réponse les problé- Musicora (rencontres musiques classiques et matiques méthodologiques auxquelles ils se contemporaines). RamDam est un réseau pour sont heurtés. Ils souhaitaient ne pas « choisir » toutes les musiques, musiques actuelles, jazz, les répondants, mais se doutaient en même classiques, du monde... L’objet de l’atelier du temps que le choix d’une diffusion large ne per- jour est de permettre la rencontre entre ré- mettait pas d’avoir accès à toutes les structures seaux musicaux et réseaux jeune public et de concernées. Ils se sont appuyés en premier créer une dynamique d’échanges. L’objectif à lieu sur le fichier de contacts des lieux et des terme est de permettre aux acteurs du jeune compagnies de l’ONDA. Les questionnaires ont public, artistes, programmateurs, sociétés ci- également été relayés par les DRAC, la FEDELI- viles de se nourrir les uns les autres et de faire MA, diverses associations, le réseau RamDam, en sorte que le secteur musical jeune public la SACEM, la SACD... Ils souhaitaient s’appuyer soit mieux structuré et mieux représenté au sur l’ensemble des professionnels et relais qui sein des institutions et des plateformes et ré- pouvaient avoir un intérêt pour le spectacle seaux. RamDam souhaite faire émerger des jeune public et déplorent que tout le monde dynamiques communes. La plus grande partie n’ait pas eu accès à l’information ou que cer- des membres sont à ce jour des compagnies, tains n’aient pas eu le temps ou le désir d’y ré- des artistes, des salles de musique et quelques pondre. L’échantillon proposé est néanmoins festivals. L’organe de gouvernance du réseau réponses adaptées. Le dispositif Salles Mômes politique. Il n’existe pas de solution miracle, de intéressant dans sa composition car beaucoup est un Conseil d’Administration organisé en de la SACEM, par exemple, a pour objectif de « boîte à outils » comme évoquée, pour faire plus varié que celui de l’étude de 2009 qui ne huit collèges : artistes, producteurs, salles de répondre aux difficultés exprimées sur la mise comprendre à une direction qu’il ne faut pas comportait pas de lieux labellisés SMAC par musique, salles pluridisciplinaires, festivals, en place de coproductions. Un appel à projets limiter leur vision du jeune public et la circons- exemple. Cette absence de diverses structures personnes-ressources, sociétés civiles et col- est en cours (ndlr : en date de l’atelier). Ce dis- crire à l’action culturelle, qu’une programma- dans l’échantillon est également représentative lectivités. À ce jour, ni collectivités, ni sociétés positif permet de bénéficier d’une subvention tion jeune public en tant que telle est possible. d’un certain cloisonnement entre esthétiques. civiles y sont représentées. Mais la SACEM et de production pour le jeune public jusqu’à hau- Il s’agit d’un travail de fond, qui se fait dans la le CNV sont des partenaires très investis dans teur de 10000 € sous la condition que plusieurs durée, qui participe de la visibilité globale du les rencontres et les réflexions engagées. coproducteurs s’engagent sur une création. Il jeune public, souffrant encore aujourd’hui d’un Présentation du réseau RamDam existe également au sein du FCM un nouveau manque de légitimité artistique. et perspectives autour du secteur De nouveaux dispositifs de soutien en guichet depuis janvier 2019 qui concerne l’aide Iman FAJRI, cheffe de projet au pôle jeune pu- à la création jeune public (concert et enregis- blic de la SACEM apporte des précisions sur jeune public en musiques actuelles direction du spectacle musical jeune public trement). Des échanges ont également eu lieu le dispositif Salles Mômes, lancé fin mars 2019. avec la direction du CNV pour la sensibiliser Celui-ci a pour objectif de fédérer les salles Emilie Houdebine présente à l’assemblée le ré- aux projets de création jeune public qui sou- entre elles et de favoriser les coproductions et seau RamDam dont elle assure la présidence. Il Alexandre LAMOTHE, animateur de l’atelier, vent ne correspondent pas aux critères de la la circulation des spectacles et des œuvres. Le s’agit d’une structure récente, créée en octobre fait part à RamDam d’une question récurrente commission 4/5 (aide aux productions). Régu- détail de l’appel à projets est accessible sur le 2017 et dont la première Assemblée générale au sein de la FEDELIMA : comment développer lièrement depuis, bien que rien n’ait été forma- site de la SACEM3 (ndlr : les candidatures pour s’est tenue aux Biennales Internationales du des projets jeunes public quand les directions lisé, des projets jeunes publics sont soutenus la saison 2019/2020 étaient ouverts jusqu’au Spectacle Vivant de Nantes en janvier 2018. Ce sont peu persuadées de leur pertinence et y même s’ils ne répondent pas à toutes les condi- 20 octobre). L’équipe de la SACEM se tient à réseau est né à la fois de constats assez proches consacrent donc peu de moyens financiers ? tions. RamDam espère également que les ren- la disposition des porteurs de projets pour les des résultats de l’étude présentée et du constat RamDam a-t-il développé des outils spéci- contres régionales menées en Île-de-France, aiguiller. d’une sous-représentation des projets musi- fiques, des argumentaires ? en PACA pendant le festival « Babel Minots », à caux au sein des réseaux dédiés au jeune pu- Laval pendant le festival « Monte dans le bus » Une participante demande des précisions sur blic, nécessitant une dynamique structurante Emilie Houdebine rappelle que l’émergence organisé par le 6par4, produiront des résultats, le cadre de la commission 4/5 du CNV4. Celle- spécifique au secteur musical. RamDam sou- des nouveaux dispositifs suite à la forte im- que des liens auront été tissés entre acteurs de ci distribue des aides à la création et à la dif- haite fédérer l’ensemble des acteurs concer- plication des sociétés civiles (SACEM, CNV, ces territoires et qu’à terme des dynamiques nés, quelle que soit leur place : musiciens, FCM) au sein des rencontres organisées par régionales seront enclenchées. Le réseau 3 - https://aide-aux-projets.sacem.fr/nos-pro- diffuseurs, programmateurs, réseaux, sociétés le réseau. RamDam a aidé les sociétés civiles à grammes-aide/salles-momes/consultation identifier les manques et à mettre en place des opère un travail de fond, de lobbying, plutôt civiles, personnes-ressources... Il se veut être 4 - https://www.cnv.fr/productions-45 110 111 fusion des spectacles musicaux. Les critères pagnies ou groupes de musique travaillent en versité des artistes accueillis. d’obtention sont assez restreints pour le jeune effet auprès du jeune public, notamment dans Une participante témoigne que sa structure, public car très orientés musiques actuelles les établissements scolaires, mais très peu pro- Marie-Charlotte SAUTAI, responsable média- bien que ne faisant pas partie directement d’un (le demandeur doit par exemple justifier de posent des créations professionnelles. Or, ces tion et action culturelle au Tetris (Le Havre), réseau, développe de plus en plus souvent des la mise en place d’une tournée et de temps deux dernières années, une vingtaine de jeunes référente du groupe de travail «Jeune public» systèmes de mutualisation et de coproduction de résidence). À la lecture de ces critères, les structures qui souhaitent travailler dans le sec- de la FEDELIMA, propose un retour concernant lors de la création d’un opéra à destination du projets jeunes publics peuvent ne pas se sentir teur du jeune public ont adhéré à la FAMDT. les échanges de l’atelier « Accompagnement jeune public. Cela permet de réduire les coûts concernés. Lors des rencontres organisées par Celle-ci souhaite pouvoir les accompagner en et soutien à la création des spectacles jeune de production et de s’assurer que l’œuvre ainsi RamDam, le CNV était présent pour communi- ce sens, par de la mise en réseau et une aide public : les pratiques et les besoins » qui s’est crée sera adaptée à un grand nombre de lieux quer sur l’ouverture de cette commission aux à la structuration. Elle souhaite pour cela s’ap- déroulé la mardi 3 juillet 2019 au matin. Pensé différents. projets jeune public y compris ceux ne réunis- puyer sur les réseaux jeune public existants. de manière très participative, ce dernier était sant pas tous les critères. Certaines salles ont organisé en quatre groupes travaillant tour à Une autre participante interroge les interve- par ailleurs déjà bénéficié d’enveloppes de la tour autour de quatre thématiques : nants concernant les ressources où trouver de commission 8 (résidences) pour accompagner Quelle place pour le jeune public • Les menaces de l’extérieur l’information, notamment auprès des réseaux des projets jeune public. Ces enveloppes ne régionaux du jeune public. sont pas uniquement dédiées aux très grosses dans les lieux musiques actuelles ? • Nos forces productions et aux artistes « têtes d’affiche ». Nos faiblesses Fanny SPIES indique l’existence de nombreux Camille Soler (membre du conseil d’adminis- • RamDam opère une sensibilisation auprès du • Nos opportunités réseaux réunis au sein de Scènes d’enfance – CNV et des salles pour que tout adhérent qui tration de RamDam) revient sur le constat de Assitej. Leur liste et contacts sont disponibles l’étude selon lequel 75 % des structures de pro- paye la taxe fiscale sur les spectacles de varié- En sont ressortis différents constats dont voi- sur le site Internet du réseau, sous forme de grammation inscrivent le jeune public dans leur tés puisse avoir accès aux aides quelle que soit ci les grandes lignes : la baisse des finance- cartographie5. Le site ANCRE, en Bretagne, cahier des charges. Qu’en est-il des lieux label- sa nature. ments publics constitue la principale menace est notamment une excellente ressource, aussi lisés SMAC ? Aujourd’hui dans le cahier des aux côtés du manque de moyen humain au bien au niveau régional que national 6. « Tour charges du label, il existe une simple ligne qui sein des équipes. La programmation jeune d’enfance », une série de rencontres profes- concerne l’Éducation Artistique et Culturelle. Il public est par ailleurs souvent assurée par les sionnelles régionales initiée par l’association a Présentation de la FAMDT et de ses n’existe pas d’engagement inscrit sur le jeune chargés d’action culturelle. Le savoir-faire et notamment mobilisé cette plateforme des ré- orientations en direction du jeune public. RamDam se préoccupe de création, de la veille opérée par les lieux de musiques ac- seaux régionaux. production et de diffusion jeune public, se si- public tuelles constituent une force. Ils jouent un rôle tue à l’endroit de la création artistique, pas de de précurseurs, permettant de développer de Une chargée d’action culturelle et des relations Nathalie DECHANDON, administratrice géné- l’Éducation Artistique et Culturelle. Cette ques- nouvelles disciplines ou de favoriser la pluridis- publiques au sein d’une salle labellisée SMAC rale de la FAMDT, prend la parole pour présen- tion a été évoquée lors d’un précédent atelier ciplinarité. Les lieux affichent une volonté forte témoigne à son tour. Elle précise que sa struc- ter sa structure et ses orientations en direction de la FEDELIMA. Les avis étaient assez parta- d’accompagnement des groupes en mobilisant ture fait partie d’un réseau régional jeune pu- du jeune public. L’intérêt pour ce secteur y est gés chez les représentants des lieux labellisés. leurs ressources et compétences en interne blic, mais travaille également la question du récent et une démarche d’observation est ac- Une partie estimait cette précision essentielle. (chargé d’accompagnement, administrateur), jeune public au sein de son réseau régional tuellement menée pour identifier comment les Une autre préférait parler de TOUT public plu- leur savoir-faire technique et la qualité de leurs musiques actuelles, la Fraca-Ma, afin d’impul- 120 adhérents s’emparent de la question. Ces tôt que de JEUNE public. Des craintes ont éga- équipements. Ces dynamiques d’accompagne- ser une reconnaissance des musiques actuelles derniers sont très disparates. Ils se composent lement été exprimées sur le fait de rajouter de ment globales intègrent de plus en plus sou- dans le secteur du jeune public qui n’est pas de quelques salles de spectacle, compagnies et nouvelles lignes au cahier des charges du label vent des projets jeune public. Enfin la structu- toujours évidente. L’objectif est notamment boîtes de productions, mais surtout de beau- sans que les moyens financiers ne suivent. « Ne ration du réseau est également une force pour de converger vers un vocabulaire commun. coup d’associations n’étant presque pas struc- serait-ce pas se tirer une balle dans le pied » ? aider à celle du secteur jeune public du fait de Le secteur du jeune public utilise beaucoup turées professionnellement. Celles-ci ont le Un participant réagit en rappelant que beau- l’habitude des lieux à mener des coopérations le terme de compagnies, quand les musiques désir, mais pas les moyens humains et compé- coup de lieux adhérents à la FEDELIMA, dont entre eux et à fonctionnement en interréseau. actuelles utiliseront plutôt celui de groupes. tences nécessaires pour solliciter les aides du son employeur, ne sont pas labellisés SMAC. Les collaborations au sein de ce réseau régio- type de celles présentées précédemment. La Le label est une chose, mais chaque structure nal jeune public en sont à leur début. Un pre- FAMDT estime de son devoir d’accompagner est autonome dans la rédaction de son projet Le travail en réseau comme outil d’ac- compagnement des projets musiques mier festival a eu lieu en Région Centre – Val ses adhérents à s’emparer de ces aides et les artistique et culturel. Or, il est de plus en plus de Loire intitulé « Sortez vos Parents », mais rendre plus lisibles. Les dossiers de demande fréquent d’y formaliser la question du jeune pu- actuelles jeune public qui s’est construit un peu dans l’urgence et ne d’aide peuvent en effet paraître facilement ac- blic, notamment en termes de programmation comportait que très peu de représentations Partant de ce constat que la coopération inter- cessibles à des professionnels familiers de ce et de diffusion. C’est en revanche encore assez musiques actuelles. Le travail se poursuit. Elle réseau, avec d’autres types de lieux, constitue cadre opératoire. C’est moins évident et très limité en termes d’accompagnement à la pro- revient ensuite sur les échanges concernant un outil efficace pour mieux accompagner les chronophage pour des microstructures qui ne duction et la création. Il n’est reste pas moins la façon dont les salles de musiques actuelles disposent pas en interne d’administrateur ou de qu’il apparaît clair que le jeune public participe groupes musiques actuelles vers le jeune pu- chargé de production professionnels. Il existe des préoccupations des lieux de musiques ac- blic, Alexandre LAMOTHE interpelle les parti- 5 - http://www.scenesdenfance-assitej.fr/les-plate- de nombreux projets orientés vers le jeune pu- tuelles en général, du fait notamment de son cipants pour témoigner en ce sens ou ouvrir de formes-jeune-public/ blic au sein de la FAMDT. Beaucoup de com- impact sur l’élargissement des publics et la di- nouvelles perspectives. 6 - https://ancre-bretagne.fr/ 112 113 s’emparent de la question du jeune public, es- ture d’animateur pour témoigner au nom de la réflexion pour favoriser l’engagement des besoin principal est d’impliquer les directions sentiellement par le biais de l’action culturelle. structure dans laquelle il travaille, la Bobine à différents réseaux nationaux, disciplinaires, autour des questions de jeune public. Le peu de Il y a selon elle un vrai besoin d’inscrire dans Grenoble qui est adhérente au réseau régio- régionaux autour de cette question. Certains programamteur.rice.s présent.e.s à cet atelier une entrée plus globale la question du jeune nal d’Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Bureau. sont déjà très actifs, tels que le RIF en Île-de- est représentatif. Certain.e.s directeur.rice.s se public dans les projets des structures et que Il essaye d’y faire rentrer la question du jeune France ou JAZZ(s)RA, Plateforme des Acteurs sentent très concerné.e.s, mais ce n’est pas le cela soit porté par l’ensemble des équipes. public, qui a du mal à se distinguer de la ques- du Jazz en Rhône-Alpes. Mais cela doit aussi cas partout. Il y a donc un travail de sensibilisa- tion de l’action culturelle. Ce n’est pourtant être impulsé par des dynamiques nationales tion à conduire. Alexandre LAMOTHE suggère Marie-Charlotte SAUTAI rebondit sur les ques- pas la même chose. Quand il est question de et peut-être une politique inter-réseaux plus de « rentrer par la fenêtre » des rencontres « di- tions de sémantiques. Plutôt que de parler de programmation jeune public, il est possible de concrète. « Quels pourraient être nos enga- rection » de la FEDELIMA, comme cela a été groupes ou de compagnies, une terminologie faire de l’action culturelle autour, mais il s’agit gements communs d’un point de vue politique évoqué lors du précédent atelier. Camille SO- plus générale pourrait être employée, telle que bien de programmation en soi. Il est selon lui et financier pour faire bouger les lignes sur la LER confirme qu’en règle général, les salles ad- le terme «acteur.trice.s». C’est une question important d’intégrer ces réseaux en tant que création, la production, la diffusion du spec- hérentes à RamDam sont celles dont la direc- importante. Au même titre, quand on parle de militants, de sensibiliser une filière au fait que tacle musical jeune public ? Il y a énormément tion porte directement un projet jeune public. jeune public, cela recouvre une tranche d’âge le jeune public ne concerne pas seulement les de sujets à penser entre réseaux ». Elle évoque Certaines salles n’adhèrent pas bien au fait que importante qui pourrait être différenciée. lieux et quelques structures de production. Il pour cela la création d’un comité de pilotage l’un de leurs salariés porte ce type de projet, existe aussi des festivals, des structures de for- permanent. Elle insiste aussi sur la nécessité la direction ne validant pas l’adhésion. La piste Un responsable des publics et des pratiques mation... Cette posture militante est également de produire des travaux de recherche et des est également évoquée d’un format d’adresse d’une autre salle labellisée SMAC insiste sur importante à tenir dans les réseaux régionaux données statistiques sur l’état du secteur musi- directe au directeur.rice.s de lieux de la part de l’idée qu’il semble nécessaire que des réseaux du jeune public qui comptent peu d’acteurs des cal jeune public. Elle juge également pertinent RamDam, lors des campagnes d’adhésion par musiques actuelles plus généraux tels que les musiques. Il convient d’y défendre les spécifici- de s’emparer de la question de la formation au exemple. fédérations régionales s’emparent directe- tés des créations musiques actuelles. Il illustre regard des difficultés à travailler en interdisci- ment de la question du jeune public. Camille son propos à travers l’exemple d’un appel à plinarité et de favoriser la collaboration entre Quelle prise en compte des acteurs de SOLER rebondit en évoquant la rencontre de projets porté par une coopérative de produc- musiciens et metteurs en scène ou comédiens la musique dans le réseau Scènes d’en- RamDam à Avignon : « Coopérations territo- tion, DoMino (coopérer et soutenir la création et les logiques de compagnonnage. Enfin, à fance – Assitej ? riales : comment travailler en réseau autour jeune public en Auvergne-Rhône-Alpes) pro- l’instar de Salles Mômes pour le spectacle, elle de dispositifs au profit de la création musicale posant un apport en production de 10000 €. évoque la piste d’un dispositif similaire adapté Alexandre LAMOTHE adresse directement jeune public ? » (ndlr : qui s’est tenue le 16 juillet Il constate qu’il est difficile, au sein du comité aux formats de coproductions dans le champ à Fanny SPIES une question concernant son 7 2019 ). De nombreux réseaux, agences cultu- de sélection, de défendre auprès de certains de la musique enregistrée. analyse de la prise en compte des acteurs des relles et acteurs institutionnels des régions y théâtres ou Centre Dramatiques Nationaux les musiques dans le réseau Scènes d’enfance – étaient invités pour réfléchir collectivement à projets musiques actuelles dont les critères Un participant adhérent de la FEDELIMA Assitej. l’intégration à tous les niveaux de la question artistiques ou esthétiques ne correspondent confirme la très forte mobilisation au sein de de la création et de la diffusion jeune public. pas aux leurs. Et de leur faire accepter le fait la fédération au moment du lancement du dis- Elle reconnaît que ces acteurs lui sont assez RamDam est un réseau qui se projette vers que malgré ces différences, les propositions de positif Salles Mômes dont un groupe de travail étrangers et fait le constat d’un cloisonnement une fédération globale des acteurs autour de spectacles musicaux qui candidatent ne sont a émergé. Une bonne communication et des disciplinaire encore assez prégnant, quelles la question du jeune public en musique. C’est pas de moins bonne qualité. coopérations entre adhérents de la FEDELI- que soient les disciplines. Elle remarque cepen- pourquoi, pour RamDam, Avignon constitue un MA sont des préalables à la coopération avec dant à titre personnel une grande différence terrain favorable pour rassembler la diversité Pour abonder dans le sens de ces difficultés de l’ensemble des autres réseaux. Alexandre LA- d’implication entre les artistes, les équipes ar- des acteurs, parfois plus proches du théâtre. rapprochements, Maris-Charlotte SAUTAI fait MOTHE complète le propos en témoignant des tistiques et les lieux. Elle constate l’existence Elle évoque ensuite la rencontre sur la « For- part de sa découverte par hasard sur un réseau dynamiques de coopération en construction au au sein de Scènes d’enfance – Assitej d’un mation des artistes à la création musicale jeune social de l’existence du Réseau Jeune Public sein de la fédération autour du triptyque « co- grand nombre d’artistes musiciens ou prati- public : enjeux – acteurs – formats » (ndlr : qui Normand. Elle interroge les raisons de cette « production / résidences / accompagnement » quant la musique dans le cadre de leur projet 8 s’est tenue le 11 juillet 2019 aux Francofolies ). rencontre manquée » constatant de plus que et ayant pour objectif à terme de favoriser la artistique (théâtre musical, conte musical...). Il Il est en effet beaucoup question de création les acteurs de ce réseau sont uniquement issus circulation des œuvres. lui semble que du point de vue de l’artiste, une et de diffusion, mais la formation est un sec- du théâtre. forte tendance à la transdisciplinarité et à l’in- teur qui comporte également beaucoup de Quels besoins concrets dans l’exercice terdisciplinarité s’est développée ces dernières manques. Très peu de formations dédiées à Camille SOLER appuie ces propos. Il ne lui des fonctions liées au jeune public mu- années. Nombreux artistes issus du théâtre l’accompagnement des musiciens vers la créa- semble pas nécessaire de créer des réseaux sical ? travaillent avec des musiciens, des circassiens, tion jeune public sont mises en œuvre. jeune public spécifiquement musiques ac- des danseurs... Au plateau, mais aussi dans la tuelles sur les territoires régionaux, mais le Camille SOLER relance les échanges avec les conception. Elle imagine que ce doit être éga- Alexandre LAMOTHE se décentre de sa pos- travail de militantisme à cette échelle est fon- participants en les interrogeant sur leurs be- lement le cas chez les musiciens. Cela crée des damental, afin de défendre la légitimité des soins concrets dans l’exercice de leurs fonc- blocages. Beaucoup d’entre eux, par exemple, 7 - http://ramdam.pro/index.php/evenement/re- créations jeune public musiques actuelles au tions. ne « savent pas quelle case cocher » dans les mue-meninge-ete3-avignon-2019/ même titre que dans les autres champs disci- dossiers de subvention, n’ont pas vraiment de 8 - http://ramdam.pro/index.php/evenement/re- plinaires. RamDam développe pour cela une Une première réaction est d’affirmer que leur dominante artistique. Il lui semble que dans mue-meninge-ete2-francos-2019/ 114 115 les instances représentatives, les artistes sont ser des choses similaires à celles d’une Scène et sur ce qui correspond à leur expertise et et la spécificité de chacun. Il n’en demeure pas plus en avance sur les questions d’ouvertures nationale, d’un Centre Dramatique National, aux esthétiques qu’ils défendent. Sa collègue moins que des croisements sont à opérer sur disciplinaires que les structures et les institu- d’un Centre Chorégraphique National… Ils confirme que leur structure se positionne en les territoires, au niveau de la coproduction par tions. Pour elle, c’est un exemple à suivre. C’est préfèrent donc se tourner vers des spectacles complémentarité avec les autres lieux de leur exemple, afin de favoriser la pluridisciplinarité. également la résultante d’une politique minis- à forte identité musiques actuelles, selon une territoire, tout en restant ouverte à des projets térielle (de la culture comme de l’éducation na- approche « parents / enfants » à laquelle ils musicaux plus expérimentaux. Ils souhaitent Marie-Charlotte SAUTAI relève quant à elle le tionale) historiquement très axée sur le théâtre tiennent particulièrement. De plus les moyens également privilégier la musique en live, le pré- constat posé par l’étude de Scènes d’enfance quand il est question de jeune public. Les pro- à disposition sont moins conséquents dans les sentiel d’artistes sur scène. – Assitej de la multiplication des propositions positions artistiques intégrant de la musique SMAC que dans les autres lieux labellisés. Ils artistiques à destination du jeune public. La sont pourtant riches, nombreuses et très pré- opèrent donc des choix directement affiliés à Pour Émilie Houdebine, le terme musiques ac- question de la visibilité est donc centrale. C’est sentes dans les festivals de théâtre, de danse, leur cœur de métier. Cela peut expliquer pour- tuelles peut être limitant. Elle relève l’existence pourquoi au sein du Tetris, en plus de leur pro- ou spécialisés dans le jeune public. quoi ils sont parfois moins aventureux sur les de spectacles théâtraux qui se sont essentielle- grammation jeune public principalement axée formes. Sa collègue, chargée d’action cultu- ment diffusés en salles de musique du fait de la sur la musique, ils programment au moins une Vers plus de décloisonnement ? relle, précise qu’il s’agit d’un choix artistique dimension de leur propos. Pour elle, le rôle du fois par saison une création issue du territoire affirmé, une manière de revendiquer les mu- réseau de salle de la FEDELIMA est fondamen- local sans qu’elle soit forcément musicale, en Une chargée de production et de programma- siques actuelles et leurs spécificités comme un tal dans la circulation des spectacles de mu- particulier quand elle est portée par une com- tion pour une salle développe sur ce point. Elle genre à part entière du jeune public. Ce qui ne sique sous toutes leurs formes, ciné-concerts, pagnie qui n’a pas accès par ailleurs à la Scène entretient le sentiment personnel que le mi- les empêche en rien, notamment dans le cadre siestes musicales, spectacles musicaux com- nationale. lieu du théâtre est plus décloisonné que celui du festival jeune public qu’ils organisent, de pris. Elle défend l’idée qu’un des engagements des musiques actuelles qui se permet moins travailler sur des formes hybrides par ailleurs. principaux des différents réseaux évoqués tout Émilie Houdebine réaffirme en ce sens le rôle de libertés. Elle fait notamment le constat de au long de l’atelier doit permettre de renforcer politique des réseaux en termes de diffusion. programmateurs de lieux musiques actuelles Émilie Houdebine constate par ailleurs que les dans les années à venir la visibilité de la créa- L’accent est mis sur la production, mais le peu qui proposent des concerts jeune public, mais spectacles musicaux à destination du jeune tion musicale jeune public dans les lieux plu- de créneaux disponibles laisse peu de place s’orientent peu vers le théâtre musical. Est-ce public programmés dans les salles pluridisci- ridisciplinaires et de rompre avec certains a à la circulation des œuvres. Elle appelle à ne dû à l’impression de sortir de leur cadre, de plinaires sont souvent d’une faible qualité artis- priori les concernant. pas être dupe de l’importance de la dimension leurs missions ? tique. Et qu’ils restent peu nombreux dans une économique du fait de la faible rentabilité de la saison. Elle observe à l’inverse une certaine Alexandre LAMOTHE témoigne que l’intégra- création jeune publique. Elle insiste donc sur la Pour Camille SOLER, les lieux pluridisci- forme d’ouverture des salles de musiques ac- tion du jeune public dans la programmation de posture politique a affirmer pour défendre ce plinaires vont en effet être plus facilement tuelles à des propositions artistiques hybrides. la Bobine a fait bouger énormément de lignes, secteur. concernés. Tout comme les Scènes Nationales Elle pense à l’inverse qu’il serait du rôle du a créé des ouvertures esthétiques dans le pro- et les Centres Dramatiques Nationaux dont le réseau de diffusion général du jeune public jet. Grâce au jeune public, le lieu est devenu En conclusion… cahier des charges oriente vers cette pluridis- d’intégrer plus des propositions strictement pluridisciplinaire, s’est tourné vers le théâtre, le ciplinarité en préconisant de programmer de la orientées musiques actuelles (jazz, pop, rock). cirque, la danse, les arts de la rue... Le constat Un programmateur conclut les échanges en musique, du théâtre, de la danse... Les lieux de Pour elle, les salles de musiques actuelles sont est d’autant plus positif que la Bobine se veut confirmant qu’il est difficile d’agir de l’extérieur musiques actuelles sont moins enclins à la pro- d’excellents prescripteurs concernant la diver- également être un lieu de création. En s’ouvrant sur la programmation, mais que le problème grammation d’autres esthétiques. Les raisons sité musicale des propositions en direction du à la pluridisciplinarité, les projets musicaux réside tout autant dans le manque de moyens en sont également d’ordre technique, du fait de jeune public. s’enrichissent de nombreux apports esthé- financier pour programmer plus. Il faut selon la hauteur de scène, par exemple. tiques et à l’inverse, des projets non musicaux lui militer pour plus de moyens financiers di- Camille SOLER interroge les précédents parti- peuvent être accompagnés sur des aspects rectement en direction du jeune public. Une Alexandre LAMOTHE remarque pourtant la cipants étant intervenus sur ce qu’ils entendent de l’ordre de la composition musicale, par dernière participante ajoute que l’approche présence de nombreux adhérents pluridiscipli- par « choix artistique affirmé ». Le premier exemple. L’invariabilité des cadres esthétiques du jeune public ne doit pas se limiter à les en- naires dans les derniers chiffres-clés des adhé- apporte des précisions en situant ces choix est aussi de la responsabilité des DRAC qui ont visager comme le public adulte des années à rents de la FEDELIMA. esthétiques du côté des musiques actuelles du mal à évoluer avec leur temps. Il en va de venir. Pour elle, il faut prendre en compte les amplifiées, au sens historique du terme : rock, la responsabilité des lieux de faire « voler ces jeunes, les enfants dans la programmation en Un administrateur présent à l’atelier observe techno... Leurs choix s’opèrent également au cadres en éclats ». tant qu’individus à part entière, ils sont aussi le quant à lui que cette question de programma- regard des spectacles théâtraux dont la dimen- public d’aujourd’hui et représentent une part tion ne semble pas relever d’un manque d’ou- sion musicale est annexe. Pour eux, la musique Camille SOLER, appelle cependant à une importante de la société. Militer pour plus de verture d’esprit, mais plutôt d’une tendance à doit rester au centre de la proposition artis- forme de vigilance. Il est bien sûr indispen- moyens demeure une piste à l’issue hypothé- la sélection de spectacles jeune public concrè- tique. Il parle cependant du cas précis de leur sable pour elle de travailler dans le sens du tique. La question se pose aussi de la réparti- tement ancrés dans les musiques actuelles. salle. Toutes les structures n’ont pas les mêmes décloisonnement et de la transversalité, mais tion des moyens actuels. Sur son territoire, la programmation de spec- réponses et celles-ci dépendent aussi de leur il convient également de préserver l’expertise tacles jeune public autres que ceux purement territoire d’implantation, de l’existence ou non musiques actuelles est assurée par d’autres d’autres lieux labellisés. Leur travail s’oriente acteurs et il ne trouve pas d’intérêt à propo- donc vers là où ils constatent des manques

116 117 Les droits culturels, un nouveau ré- la création artistique »2 . Cette revendication Les droits culturels changent-ils férentiel politique et éthique est également portée collectivement dans le cadre de la préfiguration du Centre National de la Musique à travers la proposition de plusieurs Alban Cogrel, directeur de la FAMDT introduit amendements. l’exercice de la programmation ? l’atelier par une présentation générale de la question de droits culturels en tant que nou- La question des droits culturels génère plus veau référentiel politique et éthique. Il précise globalement une dynamique de réflexion, de que la question des droits culturels n’a pas di- Mercredi 3 juillet | 14h00-16h00 Salle pédagogique construction et de mise en œuvre largement rectement été travaillée en tant que telle, mais inscrite dans un certain nombre de réseaux les droits culturels ont été inscrits comme ré- d’acteurs. Ce référentiel des droits culturels a férentiel politique et éthique dans le projet notamment été pris en main depuis plusieurs L’expression de choix artistiques dans une programmation met le plus souvent en avant fédéral de sa fédération, comme c’est le cas années par l’UFISC (Union Fédérale d’Inter- pour la FEDELIMA. Sa présentation a pour but une identité, un parti pris, un positionnement dans la sphère du goût ou dans celle de vention des Structures Culturelles). Des orga- de resituer les enjeux généraux de cette no- la prescription. Construire une programmation peut également révéler une manière nisations politiques s’en sont également saisi, tion des droits culturels et les questions qu’elle de faire, de considérer son rapport aux autres et plus globalement, au monde qui nous notamment la FNCC (Fédération Nationale des pose collectivement aux acteurs des musiques Collectivités pour la Culture) qui le souligne entoure (la population, les artistes et leur environnement professionnel…). Programmer actuelles afin d’ouvrir le débat. reviendrait donc à proposer une singularité de choix, là où les droits culturels nous dans son projet politique (« construire des poli- tiques culturelles pour les personnes et par les inviteraient à favoriser la diversité des expressions artistiques et culturelles. Alors, si Alban Cogrel pose en premier lieu le contexte. territoires ») ou différentes collectivités à tra- on considère la programmation au prisme des droits culturels, on peut se demander en La notion de droits culturels est inscrite dans vers la mise en œuvre d’un Agenda 21 Culture. quoi son exercice est compatible avec la mise en œuvre des droits culturels. C’est via le droit international depuis 1948. Elle émerge du corpus des textes définissant les droits de différentes entrées, notamment celles de la diversité et de la participation, que nous Alban Cogrel propose ensuite quelques élé- l’Homme, portés au niveau international par questionnerons collectivement cette problématique. ments de repère pour une définition : les droits l’UNESCO et les Nations Unies et ratifiés et culturels désignent les droits, libertés, respon- adoptés par la France. Ratification et adoption sabilités pour une personne, seule ou en com- des textes internationaux sont inscrites dans le mun, avec et pour autrui de choisir et d’expri- cadre normatif français notamment à travers Avec... mer son identité. Cette définition s’appuie donc l’article 103 de la loi NOTRe (Nouvelle organisa- sur une considération élargie du terme culture ALBAN COGREL JÉRÔME VANNIER tion territoriale de la République) de 2015 : « La qui renvoie à un champ étendu de notions souli- Directeur de la FAMDT responsabilité en matière culturelle est exercée Directeur du Sax à gnées dans la déclaration de Fribourg de 2007 : (Fédération des Musiques et conjointement par les collectivités territoriales Achères « les valeurs, les croyances, les convictions, les et l’État dans le respect des droits culturels Danses Traditionnelles) langues, les savoirs et les arts, les traditions, énoncés par la convention sur la protection et la institutions et modes de vie par lesquels une promotion de la diversité des expressions cultu- personne ou un groupe exprime son humanité relles du 20 octobre 2005 »1. Cette inscription et les significations qu’il donne à son existence a été complétée à travers la loi LCAP (Liberté Animé par... et à son développement ». Selon cette défini- de création artistique, architecture et patri- tion, toute personne est un être producteur de GUILLAUME LECHEVIN moine), autour de laquelle différents réseaux culture, conducteur de sens, contributeur de musiques actuelles se sont collectivement mo- Directeur du Jardin Moderne la représentation symbolique du monde. Elle bilisés pour y faire inscrire cette référence aux (Rennes) fait état de l’égale dignité humaine de la per- droits culturels : « L’État, à travers ses services sonne et son référentiel est basé sur les Droits centraux et déconcentrés, les collectivités ter- Humains, ensemble universel, indivisible et in- ritoriales et leurs groupements ainsi que leurs terdépendant. établissements publics définissent et mettent Les droits culturels visent à une progression de en œuvre, dans le respect des droits culturels la liberté, de la responsabilité, « de l’empower- énoncés par la convention de l’Organisation ment », de la capabilité des personnes, capa- des Nations unies pour l’éducation, la science cités fondamentales qui permettent d’exercer et la culture sur la protection et la promotion des libertés et des responsabilités dans la re- de la diversité des expressions culturelles du 20 lation aux autres. Il ne s’agit pas là de l’accès à octobre 2005, une politique de service public un bien, mais à une relation digne, dans l’égale construite en concertation avec les acteurs de

1 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. 2- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000030985460&categorie- do?cidTexte=JORFTEXT000032854341&categorie- Lien=id Lien=id 118 119 dignité des cultures. une perspective sectorielle. Les droits cultu- Les participants étant invités à une première rare. Quelques années plus tard, il a été nom- Ce sont également des droits et des libertés de rels parlent de la dimension de la dignité réaction par Guillaume Lechevin, animateur mé directeur du Sax avec l’appui du réseau lo- participation, d’accès et de contribution aux humaine, des capacités des personnes pour de l’atelier (directeur du Jardin Moderne à cal des musiques actuelles des Yvelines, struc- ressources nécessaires au processus d’identifi- plus de liberté et de responsabilité, de faire Rennes), un directeur et programmateur d’une turé dès la fin des années 80. cation culturelle développé tout au long de sa progresser la dimension culturelle dans tous salle interpelle l’auditoire en l’invitant au préa- vie : le droit d’accès de chacun aux ressources les droits. lable à un « pas de côté ». Les droits culturels Le Sax, lieu musical de 500 places d’une ville de nécessaires à son développement personnel • Les droits culturels n’ont pas vocation à éri- sont pour lui un outil fantastique s’inscrivant 20000 habitants à la municipalité communiste et social, associé à un devoir d’échange et de ger des communautés fermées. Le travail dans un principe plus général que sont les était le seul lieu de diffusion à l’époque, contrai- compréhension avec les autres. sur ces droits pose la question de la diversité Droits Humains. Or, avant de se pencher sur rement à la majorité des villes où la création Les droits culturels induisent de « faire Huma- culturelle comme universalité (faire Huma- cette question des droits culturels, il s’interroge d’un lieu dédié à la musique était généralement nité ensemble », de dire l’universalisme de la nité ensemble), la communauté comme pro- sur le respect, en France, d’autres droits fonda- postérieure à celle d’autres lieux de diffusions diversité culturelle humaine. Cela nécessite tection, mais sans risque d’enfermement, le mentaux (se nourrir, se loger…). Il fait ensuite tels que les théâtres. Cette singularité induisait un travail permanent sur cette diversité des rapport entre personne et collectif pensé référence au terrible incident lors de la Fête de selon lui une forme de responsabilité. Bien que référentiels culturels, implique une discussion dans une approche par droits humains… la musique 2019 à Nantes « pendant lequel des le lieu fut initialement dédié à la musique, plus constante des libertés. La personne en négocie personnes, parce qu’elles exerçaient leur droit exactement au jazz, Jérôme Vannier a donc dès les interactions pour accorder plus de libertés Alban Cogrel conclut sa présentation en rap- culturel de danser, de faire la fête, se sont re- son arrivée défendu l’idée d’une grande ouver- aux autres et renforcer sa propre autonomie de pelant le contexte général de profondes muta- trouvées à plonger dans la Loire, et dont l’une ture esthétique. Mais il a fallu trouver les mo- personne libre et délibérante. Selon les droits tions dans lequel s’inscrit ce potentiel nouveau d’entre elles est décédée ». Il invite à mettre ces dalités permettant de mettre en œuvre cette culturels, la diversité culturelle, commun de référentiel d’action dans la pratique de la pro- constats en perspective avec leurs réflexions idée d’ouverture à tout type d’acteurs culturels. l’humanité, se bâtit de façon dynamique et uni- grammation : mondialisation et recomposition autour des droits culturels et à réfléchir au rôle Comment gérer à l’année à la fois une trentaine verselle, prenant en compte les parcours des territoriale, évolution des pratiques, révolution des acteurs des musiques actuelles pour inter- de demandes pour des spectacles extérieurs, personnes et les territoires de vie. technologique. La question du numérique no- peller les pouvoirs publics sur ces questions. une programmation musiques actuelles et tamment traverse l’ensemble des projets. Il ob- une programmation jeune public permettant à Cette prise en compte des droits culturels ré- serve des phénomènes globaux de croissance chaque enfant scolarisé dans la ville d’accéder interroge donc nécessairement les projets des des inégalités, d’individualisation, de régula- Intégrer les droits culturels au sein au lieu une fois par an ? Cette volonté initiale structures musiques actuelles, le travail de pro- tion marchande et concurrentielle, de concen- a pris la forme d’un cahier des charges préci- grammation notamment, sujet de cet atelier. de son projet : l’exemple du Sax à sé d’année en année jusqu’à la transformation tration et de financiarisation des activités, de Achères limitation de la démocratie ayant un impact di- de l’équipement en EPIC (établissement public Afin d’ouvrir les discussions suite à cette pré- rect sur le secteur des musiques actuelles. à caractère industriel et commercial) en 2011. sentation, Alban Cogrel propose enfin une lec- Guillaume Lechevin invite Jérôme Vannier, di- Cette obligation autopromulguée de donner recteur du Sax à Achères à prendre la parole. ture critique de cette définition en précisant Comment ce nouveau référentiel balise-t-il et accès une fois par an à chaque élève scolarisé La FEDELIMA lui a proposé d’intervenir dans des droits culturels « ce qu’ils ne sont pas et ce permet-il de nourrir une réflexion sur de nou- de la ville (élargie aujourd’hui aux enfants des cet atelier, car il avait sollicité cette dernière qu’ils sont » : velles pratiques et de nouvelles politiques pu- crèches municipales) est un premier exemple pour l’accompagner dans sa réflexion autour Les droits culturels ne sont pas la demande bliques, qui prennent en compte : concret de levier sur la programmation. Les pe- • de l’intégration des droits culturels dans le pro- des consommateurs de culture. Ils ont plutôt tites jauges, la faible capacité de participation • les personnes à la fois dans leur dignité et jet de sa structure. Il s’agissait selon lui d’une à voir avec les relations fondamentalement des établissements et l’important volume de leur dimension plurielle, question latente, fruit d’une expérience dont non marchandes et de dignité de personne spectacles génère de fait un fort déséquilibre il témoigne auprès de l’auditoire. Ayant grandi à personne, de partage et de réciprocité, • les parcours de vie, processus et coopéra- budgétaire, engage en termes de responsabi- en banlieue parisienne, il a pratiqué la musique dans l’éthique des droits humains, non dans tions sur les territoires lités et un impact sur la programmation dont dans différentes institutions locales. Ayant celle du marché concurrentiel. Ils affirment l’encouragement des interactions, du par- la dimension qualitative et subjective passe au • monté un groupe avec des camarades de son la liberté de création et d’expression notam- tage, des relations, de la participation second plan. Le Sax construit ainsi sa program- quartier, il a été accompagné dans ce cadre mation à partir d’éléments purement objectifs ment artistique des personnes. le développement d’espaces de débat dé- • par des éducateurs spécialisés justifiant d’une et quantitatifs. Les considérations artistiques, mocratique • Les droits culturels ne sont pas un geste de vision de la société différente de celle d’un voire culturelle sont secondaires dans le pro- réparation sociale. Ils sont liés aux ques- • la mise en œuvre de réflexions sur les liber- professeur de conservatoire. Avec leur appui, jet, axé plutôt sur des données sociodémogra- tions d’émancipation, de justice sociale, de tés réelles, sur les principes d’équité dyna- son groupe s’est monté en collectif associatif, phiques. C’est en ce sens que Jérôme Vannier responsabilité collective, de démocratie. mique, de justice… lequel avait accès au théâtre municipal de sa a interpellé la FEDELIMA : comment expliquer, • Les droits culturels ne se résument pas à ville qui ne se distinguait pourtant pas spécia- argumenter, justifier ces choix et ce fonction- des modes opératoires de création artis- Alban Cogrel invite les participants à engager lement par une politique culturelle affirmée. nement plus finement au regard de l’épuise- tique telles la création ou la programmation une réflexion sur la capacité du secteur des Cette étape de vie fut un marqueur fort de son ment des équipes et de la qualité artistique participative. Ce sont des principes pro- musiques actuelles à inventer des espaces de expérience. Aucune question d’autorisation parfois faible des propositions ? fondément politiques, qui configurent une démocratie dans la manière de penser les mé- n’était abordée, le groupe avait accès d’office éthique, dans une implication globale. tiers et notamment l’exercice de la programma- à l’équipement, sans jugement de valeur. Il s’est Jérôme Vannier fait état de nombreux témoi- aperçu que cette situation qui lui paraissait Les droits culturels ne s’inscrivent pas dans tion. gnages d’usagers pour lesquels un spectacle, • normale de prime abord était finalement assez 120 121 quelconque de prime abord, a eu un impact trop contraignantes pour ces musiciens. Ces très ancré en local a ainsi pu être pérennisé et de Métro et drainant avant tout un public de « extraordinaire dans leur vie personnelle. Il derniers ne se considéraient pas comme un ou est devenu un véritable axe de développement. connaisseurs », parisien, qui adhère à un équi- prend en exemple le principal mécène de la plusieurs groupes avec un projet propre, mais pement intimiste, doté de bonnes conditions structure dont le spectacle de fin d’année qu’il plutôt comme une sorte d’école de musique Jérôme Vannier conclut en précisant que ces techniques et accessibles financièrement. Or, a joué dans la salle en CM2 l’a fortement mar- alternative. Or, le Sax ne souhaitait pas propo- expériences lui ont permis, avec son équipe, le lieu est implanté au sein d’une cité et sa mis- qué au point d’investir financièrement des an- ser d’enseignement du fait de l’existence d’un d’appréhender les limites d’une action et de sa sion consiste aussi à donner accès à la culture nées plus tard. Ce type de valeur affective peut conservatoire municipal ouvert aux musiques modélisation. Partant initialement du principe aux habitants de son territoire, mission qu’il donc avoir de fortes retombées indirectes et actuelles. Pour autant, les habitants concernés qu’un fonctionnement propre peut convenir à peine à réaliser. inattendues. Selon lui, le référentiel des droits ne s’y retrouvaient pas non plus. Ils se regrou- tout le monde ou presque, une écoute proac- culturels pourrait permettre de consolider paient donc au sein d’autres structures, plutôt tive d’un territoire permet d’en apercevoir les Pour Guillaume Lechevin, cela pose aussi la cette vision des choses, de la légitimer, ce dont orientées vers l’enseignement de la danse, cela limites. Se pose alors la question du rééqui- question de la culture en elle-même des per- tout directeur est souvent en recherche : que générant des problèmes de cohabitation dus librage, une fois l’attention attirée sur d’autres sonnes qui ne fréquentent pas le lieu. Dé- chaque association locale, chaque école puisse notamment à leur pratique de la percussion. acteurs culturels, a priori dans le besoin, mais teint-elle directement sur le projet de la struc- proposer son spectacle au sein du lieu. D’au- Le Sax a donc fait évoluer ses modalités d’ac- ne l’exprimant pas ouvertement, peut-être à ture ? tant qu’aujourd’hui, la municipalité d’Achères cès aux studios de répétition pour permettre à cause d’une forme de défiance. « Faut-il dans n’est plus communiste et les fondements du ces musiciens inscrits dans une dynamique de ce cas rester dans une forme de cohabitation, Le participant avance que lui et ses collègues projet du lieu sont donc moins soutenus par la transmission d’y exercer leur pratique musicale. assez étanche ou y a-t-il plus à gagner à créer en ont une idée précise et que celle-ci déteint nouvelle équipe municipale, qui souhaiterait Cette ouverture a bien fonctionné et généré de la porosité » ? sur le projet. Pour autant, il entretient le sen- en faire moins pour réduire les coûts. Jérôme la présence de nouveaux groupes en tant que timent que le lieu et son équipe « ne sont pas Vannier défend donc aujourd’hui l’idée que tels. De très nombreux acteurs gravitant autour les bienvenus », qu’une partie des habitants cette évolution de la loi, qui renvoie à des res- de ces pratiques ont pu être identifiés. Cette Quelle appropriation des lieux de de leur territoire entrevoit la salle où il exerce ponsabilités fortes, puisse être retravaillée en dynamique a abouti, après quelques années, comme une structure parachutée à un endroit interne, clarifiée et ancrée profondément dans à la création d’un festival dédié aux musiques musiques actuelles par (tous) les qui leur appartient et qui n’est pas faire pour le projet en travaillant d’une manière plus col- d’outre-mer. Or les équipes de la structure publics ? eux. Il fait de ce sentiment une interprétation lective et plus qualitative. n’entretenaient pas initialement de logiques plus générale d’une partie de la population qui affinitaires avec ces esthétiques. Cette initia- Guillaume Lechevin invite les participants à se sentirait exclue d’office de ce type d’initia- Jérôme Vannier poursuit son développement tive a directement émergé d’une observation réagir à travers notamment leur approche de tive, qui ne perçoit pas comment s’approprier en témoignant du processus de structura- du terrain, d’une acculturation provoquée. Elle la question des droits culturels ? Il interpelle un tel lieu. le directeur et programmateur de la tion de l’équipe du Sax. Au début du projet, a généré des difficultés, mais tout autant de plus particulièrement des participants qui ne salle en question précise l’intervention de son l’embauche de régisseurs a été prioritaire sur satisfaction et d’étonnement de part et d’autre. seraient pas fondateur.rice.s d’un projet, mais collègue. Selon lui, ils savent que cette frange celle de chargés de communication. Le besoin « On découvre l’autre à travers ce genre d’ini- embauché.es pour un projet initié par d’autres. de la population répond présente quand leur concernait plus le volume d’activité que les tiatives ». L’équipe du Sax a par exemple pu Il cite par ailleurs Jean-Michel Lucas, artisan proposition répond à une logique de consom- questions de fréquentation, les acteurs locaux découvrir que certains « groupes cultes » de majeur de la promotion des droits culturels, qui mation culturelle, comme par exemple la gérant de manière très autonome leur commu- ces esthétiques étaient tout à fait accessibles a souvent rappelé la nécessité de changer de programmation d’un rappeur américain « old nication événementielle. Ce fonctionnement financièrement. Ce festival est aujourd’hui de- posture. Selon ce dernier, il n’est plus question shool ». Dans ce type d’occasion, une partie est à l’œuvre depuis 25 ans. Ce processus est venu l’un des temps forts de la saison du Sax. de rendre accessible une culture définie par de leur travail consistera par ailleurs à habituer également la conséquence de la création de Ce témoignage démontre comment une ap- des élites ou des experts, mais de créer de la cette population à venir récupérer une invita- studios de répétitions 6 ans après l’ouverture proche différente peut influer sur une manière relation entre les différentes entités culturelles. tion à la caisse plutôt que de chercher à entrer du lieu. Tout projet artistique, quel que soit son d’agir globale et une programmation dans son Tout en affirmant pour autant qu’un program- par les issues de secours. Il constate également esthétique devait pouvoir y répéter à la condi- détail. Jérôme Vannier précise que le Sax ne mateur d’opéra, par exemple, a aussi des droits la présence de ce public moins habitué à l’oc- tion de respecter quelques règles d’usage : souhaitait pas non plus renforcer une forme culturels, le droit de désirer partager cette casion de programmations spécifiques, telles participation financière, horaires, respect du de communautarisme à travers cette initiative, forme artistique avec des spectateurs. qu’un groupe palestinien. Mais cela s’opère au matériel, du personnel. Suite à cette création observant des logiques d’enfermements com- risque de sombrer dans une programmation des studios et malgré cette intention première, munautaires à Achères, ville fortement métis- Un chargé de médiation culturelle d’une salle communautariste. Il s’agit pour ce program- le directeur a rapidement été interpellé concer- sée et multiculturelle. Le Sax, en tant que salle de Région parisienne témoigne en réponse de mateur de curseurs concernant lesquels il faut nant l’existence d’une activité musicale forte- municipale, se devait d’être un lieu d’ouverture la situation particulière de son lieu. Il distingue faire preuve de vigilance. L’objectif d’une pro- ment ancrée dans la ville, pratiquée par des et de partage. C’est pourquoi les équipes ont deux objectifs : rendre la culture accessible grammation est de permettre aux personnes de personnes de talent, mais qui ne trouvait pas intégré de nombreuses propositions annexes et faire en sorte que des citoyens qui pensent se mélanger, de générer une compréhension sa place dans la structure. Il s’agissait principa- telles que des stages d’initiation en musique, en que cette culture n’est pas faite pour eux com- interculturelle. lement de musique pratiquée par des habitants cuisine... La manière de faire à l’œuvre au sein prennent qu’ils ont toute leur place au sein du d’origine ultramarine : du Mayola et du Gwo Ka. de l’équipement en a donc été totalement mo- lieu. Il pointe des enjeux en termes d’éducation, Pour Guillaume Lechevin, un élément positif Jérôme Vannier s’est rapidement aperçu que difiée, ainsi parfois que ses interlocuteurs, les notamment des personnes qui peuvent se sen- de ces témoignages se dégage en ce sens où les normes imposées, qui paraissaient pourtant artistes n’ayant pas toujours de tourneur avec tir « laissées pour compte ». Il s’interroge sur les « des personnes qui ne viennent pas viennent souples aux yeux de l’équipe du Sax, étaient lequel signer un contrat par exemple. Ce projet solutions à penser pour faire venir ces publics. quand même ». Il interroge par ailleurs les Leur salle est située au terminus d’une ligne 122 123 participants, programmateurs, sur leur capa- Pour autant, il fait également le constat d’une d’expérience de bénévolat au sein de la Bo- beaucoup : demande de liens pour écouter, cité à faire la distinction entre consommation absence de diversité au sein du public de la Bo- bine. Certains comités très prisés organisent d’échanges autour de sa programmation, pour d’un côté et participation de l’autre, entre bine bien que le lieu soit implanté à la lisière des entretiens de recrutement. Les postulants se nourrir elle-même… Elle lui « emprunte » spectateurs qui seraient uniquement dans une du centre-ville et de quartiers populaires de sont interrogés sur leur capacité à travailler en parfois des dossiers artistiques directement sur posture de consommation et spectateur qui Grenoble. Pour lui, certaines questions per- collectif, à s’extraire d’une intention préétablie son bureau. Le lien se fait petit à petit et elle seraient dans une démarche plus vertueuse, durent que les responsables du projet n’osent de programmateur, à partager leurs goûts et reste convaincue que la réciproque émergera à chacun étant libre et ne pouvant tout aimer. pas se poser de manière frontale. La Bobine ne pas mettre leur ego en avant. Leur culture terme. Elle perçoit en revanche des difficultés organise actuellement un séminaire regrou- musicale est bien sûr prise en compte, mais ne concernant le sens qu’elle donne à son activité, pant une centaine de bénévoles et 20 salariés constitue pas la principale exigence. professionnelle comme de spectatrice. La no- La Bobine à Grenoble : un exemple pour élaborer des pistes de travail pour élargir tion de droits culturels résonne chez elle, l’in- de programmation participative la fréquentation et faire en sorte que tous les Comment sont gérés les prises de déci- terpelle sur ce qui la nourrit artistiquement et habitants s’approprient le lieu. Malgré cette sions et les désaccords ? personnellement et sur ce qui nourrit le travail démarche participative et bénévole, il constate d’un programmateur. Cette question de la participation amène que des barrières persistent et que l’artistique Guillaume Lechevin à de nouvelles interroga- Loïc Kervarrec précise que les prises de dé- prime chez les programmateurs, que certains Une chargée de production d’une autre salle tions : comment amener des citoyen.ne.s, ha- cisions se font par consensus, chaque comité groupes, certains styles, sont exclus pour des témoigne à son tour du fonctionnement de bitant.e.s, à participer à la gouvernance d’un se fixant un objectif de diversité de styles. Des considérations esthétiques ou d’image. Il prend sa structure. Au sein de celle-ci, le program- projet ? A un comité de programmation ? Est- systèmes de pré-classements à distance par également pour exemple la question de la pa- mateur agit plutôt seul, bien qu’elle participe ce compliqué à mettre en œuvre ? Quel choix préférence ont été définis, qui peuvent fonc- rité hommes / femmes dans la programmation. également un peu à la programmation du lieu. reste-t-il au programmateur si celui-ci est par- tionner un peu différemment selon les comités. Quand une approche plus volontariste a été Elle évoque le nombre important d’associa- tagé par autant de monde ? Pour témoigner Chacun procède à des écoutes puis le comité proposée, des résistances ont été exprimées. Il tions ou groupes de personnes extérieurs qui autour de ces nouvelles questions, il invite à té- se réunit. Ils passent ensuite par un système de lui a par exemple été rétorqué que les artistes les sollicitent pour organiser des concerts dans moigner Loïc Kervarrec, en charge de la coor- classement par catégories de styles musicaux. féminines étant moins nombreuses et la qualité leur lieu. Elle déplore la dimension assez uni- dination musiques à la Bobine (Grenoble), qui a Un groupe en bas d’un pré-classement général primant il était donc normal, de fait, qu’il y en latérale de ce type de demande, l’absence de mis en place une démarche de programmation peut ainsi se retrouver en haut d’un classement ait moins au sein de la programmation. En tant co-construction, qui génère une habitude de participative. pour tel style donné. Lorsqu’il s’agit d’un style qu’animateur d’un comité de programmation rarement proposé, le comité peut s’imposer de simple mise à disposition. Le planning étant il assure un rééquilibrage une fois les orienta- très chargé, il est de plus impossible de ré- La création de la Bobine a la particularité d’être programmer un groupe, même s’il n’a pas été tions posées. Celui-ci est tout à fait compatible pondre à toute la demande. Elle regrette l’ab- à l’initiative d’un projet collectif et qui a su le plébiscité par la majorité. Cette méthode de avec une exigence qualitative, mais nécessite sence d’une dynamique de territoire. rester. Il a été initié par des musiciens qui en fonctionnement s’est précisée progressivement constamment du débat et de la recherche ac- ont élaboré la programmation ensemble. Le dans le temps. Loïc Kervarrec contacte ensuite tive. La question esthétique peut alors devenir Guillaume Lechevin rappelle qu’en introduc- projet s’est développé, professionnalisé et de les productions, gère concrètement la venue secondaire. Selon lui, une vision un peu an- tion, Alban Cogrel précisait que la programma- plus en plus de salariés ont été embauchés. des artistes, sur la base de cette présélection. cienne perdure d’un groupe détenant le savoir tion collective ou partagée n’était pas systéma- S’il y a eu des combinaisons mises en place et qui va le partager. tiquement la bonne réponse à la question des entre salariés et bénévoles sur certains postes, droits culturels. Elle constitue une manière de la programmation, elle, est restée aux mains Témoignages autour de modes de les envisager, mais pas une garantie. Il évoque de musiciens bénévoles. Elle est assurée par Comment de nouvelles personnes sont- programmations plus classiques la question posée à l’occasion de l’assemblée 7 collèges de 6 à 8 personnes définies se- elles intégrées dans ces collèges de pro- plénière autour des principes de jugement et lon les espaces et le type de programmation grammation ? Après ces témoignages assez singuliers, de de critères d’accueil des groupes. Il questionne : la salle de concert, le bar / club (proposant structure ayant déjà expérimenté une forme de les participants concernant leur relation avec une programmation de type « apéro concerts Loïc Kervarrec précise qu’avant d’intégrer un prise en compte des diversités et des pratiques les groupes, locaux en particulier, notamment » plus ouverte), les soirées « apéro mix », les collège, il faut être bénévole pour des tâches locales, Guillaume Lechevin propose d’ouvrir les explications fournies face à leurs incom- soirées slam et jam, les concerts jeune public, plus basiques. Deux fois par an, dans le pro- les échanges à des témoignages de modes de préhensions devant les difficultés d’accès à la les spectacles relevant d’autres disciplines gramme, sur le site Internet, des appels à bé- programmation plus classiques, à la responsa- scène de leurs équipements. Les questions de que la musique et les expos. Une huitième névolat sont publiés. Les personnes intéres- bilité d’une personne autonome. planning, d’offre et de demande, explique bien commission éphémère est mise en place l’été sées viennent visiter la Bobine, le projet et les sûr une partie des refus… Pour autant, cet ob- (proposant une programmation constituée à valeurs défendues par la structure leur sont Une coordinatrice des pratiques amateurs jet de la programmation, ce qui fonde les choix 50 % de concerts et à 50 % de spectacles en présentés. La plupart des bénévoles viennent d’une salle témoigne de son travail auprès d’un d’une programmation, qu’elle soit collective ou extérieur). Cette organisation permet une re- au départ pour rencontrer d’autres personnes, programmateur qui décide seul de toute la individuelle, demeure un peu « mystérieux ». La présentativité de styles, de formes, issue de des primo-arrivants par exemple. Une fois programmation. Arrivée récemment en poste, faible présence de programmateur.rice.s à cet non-professionnels. Loïc Kervarrec, en charge qu’ils connaissent le lieu, qu’ils se sont impli- elle chapeaute toutes les activités ayant trait à atelier est pour lui signifiante. Il relance ainsi de la mise en œuvre de cette programmation qués dans des tâches telles que le contrôle des l’accompagnement des musiciens au sein des les échanges en formulant quelques question- participative constate ainsi qu’au regard de ses entrées, le catering et qu’une place se libère studios de répétition et à l’action culturelle. nements : « au-delà des goûts de la personne propres goûts esthétiques, il ne programmerait dans un collège de programmation, ils peuvent Elle témoigne de sa démarche très proactive et de son flair charismatique, comment un.e pas de lui-même certains groupes proposés. postuler, s’ils justifient d’au moins deux ans auprès de son programmateur, qu’elle sollicite 124 125 programmateur.rice se positionne-t-il.elle pour Le.la programmateur.rice : un.e profes- entre cette logique d’ouverture et ses relations au cœur des préoccupations des lieux de mu- justifier ses choix de programmation et ses re- sionnel.le dans sa zone de confort ? avec les tourneurs, presque oppressives (sur- siques actuelles. fus ? Choix esthétiques ? Éclectisme ? Y a-t-il sollicitations, chantage affectif, entretien de par exemple des structures qui communiquent Jérôme Vannier (le Sax) rappelle que lorsque bonnes relations pour pouvoir saisir les bonnes Pour une participante, l’entrée jeune public est sur leur ligne artistique ? Qui expliquent leurs l’on exerce à un poste où l’on agit sur une pro- occasions...). l’une de celle qui permet de s’en rapprocher le choix de programmation ? Au-delà des consi- grammation, la tendance naturelle est à « res- Enfin, Jérôme Vannier fait part d’un sentiment plus, ce type de public ne prenant pas néces- dérations économiques ? » ter dans sa zone de confort ». Or, plus on en récurrent qui relèverait d'une certaine mauvais sairement en compte uniquement des critères prend conscience et plus on l’accepte, plus il foi concernant la question du communauta- artistiques. Pour une autre personne, cet en- Loïc Kervarrec (la Bobine) fait part en retour est justement facile de travailler en dehors de risme, une logique de double discours un peu jeu ne relève pas nécessairement des droits de son sentiment qu’a contrario, pour la DRAC, cette zone. Il faut pour cela accepter avec lu- dangereuse. Quand un artiste est programmé, culturels dont la logique constitue justement à un professionnel qui postule à un poste de pro- cidité que l’on appartienne à une communau- il y a toujours une communauté qui lui est rela- remettre en cause le rôle de prescripteurs des grammation a l’obligation de définir une ligne té et que l’on programme naturellement pour tive. « Quand il s’agit d’une majorité de blancs, lieux. artistique, sans préoccupation des droits cultu- celle-ci. C’est pourquoi les spectateur.rice.s entre 25 et 50 ans, cela ne questionne pas. En rels, ce qui devient désormais contradictoire au ressemblent généralement au programmateur revanche, quand il s’agit majoritairement de Guillaume Lechevin témoigne quant à lui d’une regard des textes de loi. ou à la programmatrice. Concernant ses choix personnes originaires d’Afrique de l’est, cela anecdote autour d’un concert du groupe de de programmation, Jérôme Vannier explique devient communautaire. Pourtant quelle est la rock Dub Trio qui a drainé un public issu de la Une chargée de la programmation d’une salle que dans son fonctionnement, s’il oppose un différence ? ». C’est pourquoi il pense que plus communauté « reggae / dub » du fait de son affirme que les musiciens comprennent la sur refus, il est attentif aux autres solutions pos- les propositions seront diversifiées dans des nom. Or, le style musical était décalé par rap- sollicitation dont celles-ci sont l’objet. Quand sibles pour l’artiste qui le sollicite. Il s’agit pour lieux identifiés comme relevant d’un service port aux attentes initiales de ce public qui a un musicien prend le temps d’un appel télé- lui d’un indicateur important. Or, sur son ter- public et portant des missions d’intérêt géné- d’abord réagi négativement puis a finalement phonique, de présenter son projet, elle prend ritoire, il existe peu d’équipements culturels et ral, moins ils pourront être taxés de commu- été conquis par le groupe. En définitive, le elle-même en retour le temps de l’écouter. En d’autant moins qui ouvrent leur programma- nautarisme. En rentrant en revanche dans une concert fut une réussite et permit de brasser un cas de refus, elle motive celui-ci, explique ces tion aux acteurs locaux. Jérôme Vannier prend relation plus individuelle avec le public ou les public inattendu. Une participante abonde en choix, que d’autres projets sont plus avancés ce constat en compte dans ses décisions. Il organisateurs, il est évident que l’on percevra ce sens en évoquant sa structure disposant de et incite son interlocuteur à la solliciter à nou- prend pour exemple une compagnie voisine des logiques revendicatives et de repli sur soi deux salles de concert exploitables en même veau ultérieurement et à lui faire part de ses du Sax spécialisée dans la marionnette. Il sait chez certains et des logiques d’ouverture chez temps. Régulièrement, deux concerts sont ré- motivations et de l’évolution de son projet. Elle que s’il ne la soutient pas dans tous ses projets d’autres. alisés simultanément dans deux esthétiques rappelle que l’écart entre le nombre de groupes de création, peu voire aucune autre structure très différentes. L’équipe se permet de laisser accueillis annuellement et le nombre de solli- ne le fera. C’est pourquoi il estime que cette Il a été cité par deux fois des exemples circuler librement le public quand les concerts citations est énorme. L’esthétique détermine compagnie est en droit d’exiger de pouvoir de propositions programmées sans les n’affichent pas complet ce qui génère des ren- également ses choix. Si elle s’autorise parfois exercer ses droits culturels au sein de sa struc- apprécier artistiquement : quels sens, contres intéressantes. une programmation « coup de cœur », elle ne ture locale, qui doit pouvoir l’accompagner a quel plaisir dans le travail de program- se permet pas de répondre par la positive à Pour Jérôme Vannier, au-delà de ce fantasme minima concernant ses projets de création. Il mation dans ces cas ? un projet défendant une esthétique qui a déjà peut s’agir d’une aide très limitée : trois jours qu’il nomme « babel musique », des concerts été accueillie deux ou trois fois récemment, de mise à disposition du plateau et un préachat drainant un public très diversifié, rassemblé quand bien même celle-ci serait très deman- Plusieurs réactions spontanées dans la salle autour d’un même objet, il faut déjà que cha- d’une représentation. Pour autant cela suffit à vont dans le sens de la satisfaction que procure dée sur son territoire. Elle revient ensuite sur le la compagnie pour poser les bases de sa créa- cun se sente respecté dans son identité, dans mode de fonctionnement de son lieu. Celui-ci l’observation d’un public prenant du plaisir. ses goûts. Il prend l’exemple, sur son territoire, tion, enclencher des demandes de subven- Pour Jérôme Vannier, il s’agit effectivement compte deux programmatrices et un chargé tions, etc. Pourtant, l’équipe du Sax n’est pas d’une tradition d’origine antillaise très ancrée d’accompagnement et d’action culturelle tra- d’une limite, mais de laquelle on s’affranchit autour des chants de Noël. Cette tradition mu- forcément très enthousiasmée par le travail de quand on observe en effet un public inhabituel, vaillant tous trois en concertation. Le chargé cette compagnie. Le curseur est donc bien si- sicale, très participative, est initialement reli- d’accompagnement et d’action culturelle opère qui prend du plaisir, qui prend le temps de re- gieuse, mais tellement populaire qu’on pourrait tué au niveau culturel, peu importe ce qu’il en merciements chaleureux en quittant le lieu. une veille permanente sur les groupes répétant est du contenu. la comparer au Gospel. D’abord réticent à ac- dans leurs locaux, évalue ceux prêts à se pro- Jérôme Vannier évoque ensuite les questions cueillir ce type de projet, il a finalement accep- duire sur scène, en première partie ou en confi- de qualité artistique. Il affirme avoir accu- La question complexe du brassage des té que les organisateurs investissent le Sax en guration café-concert. Il s’agit d’un jugement mulé un certain nombre de témoignages qui, publics autonomie. Puis l’année suivante, il a sollicité qu’elle estime ne pas être en mesure d’exercer même chez de grands artistes, révèlent que le un groupe professionnel de Guadeloupe pour elle-même. Ce fonctionnement circulaire vient premier choc émotionnel qui a déclenché une Guillaume Lechevin réouvre la discussion en assurer la prestation. Il a fait le constat d’une nourrir les trois champs d’activité que sont la envie d’explorer la musique n’est pas toujours s’appuyant sur l’introduction d’Alban Cogrel : démarche très inclusive, malgré la teneur des programmation, l’accompagnement et l’action issu d’une proposition artistique que la profes- dans le droit culturel la question se pose aussi chants et se voit très satisfait d’avoir pris ce culturelle. Pour elles, la question des droits sion ou un amateur de musique va considérer de la relation entre les personnes, les identités risque, nécessitant un certain cheminement et culturels est donc travaillée en équipe, en croi- comme qualitative. Ce constat l’invite à une culturelles des groupes de personnes. Cet en- d’appréhender cette culture dans sa globalité. sant leurs perceptions respectives. prise de distance. Il cultive l’impression d’être jeu du brassage des publics et de découverte partagé entre des injonctions paradoxales : d’esthétiques nouvelles pour eux est également Sensibiliser les collectivités

126 127 approche plus politique et culturelle qu’artis- que des personnes pensent que la culture leur tourneurs qui font du développement d’artistes (A Jérôme VANNIER) Pourquoi, au re- tique de l’autre. Cela implique de porter des est accessible, est faite pour eux, relève de et quand c’est possible, éviter de dealer avec gard des approches qu’il développe déjà projets qui sortent parfois des cadres et des l’éducation. Si l'habitude n'a pas été créée, les Live Nation et compagnie ». Il en va selon lui de par lui-même, a-t-il souhaité se faire ac- circuits habituels (CNV, tourneurs, institu- personnes ne viendront pas d'elles-mêmes. On la responsabilité des programmateurs, au-delà tions…). peut imaginer que certains endroits ne sont pas de programmer des groupes « bankable » pour compagner par la FEDELIMA sur cette faits pour certaines personnes. En revanche, assurer la fréquentation ou de se faire plaisir, question des droits culturels ? Pour un participant, le réseau a peut-être jus- connaître ce qui est disponible et choisir de ne d’être attentifs à mobiliser et donc faire vivre tement des questions à se poser par rapport pas y aller est une chose. Mais penser d’office ce tissu d’acteurs. Il se sentait limité pour transmettre en interne aux profils des équipes. Il y a probablement que ce qui est disponible n’est pas fait pour soi ce genre de posture, d’autant que son environ- un travail de sensibilisation, d’éducation assez en est une autre. Une participante ajoute que des réflexions ont nement professionnel, tourneurs notamment, large à effectuer au niveau de communautés également été menées autour des propositions et institutionnel lui renvoyait totalement autre très diverses. Pour Jérôme Vannier, cela pose Pour Guillaume Lechevin, le terme d’éducation artistiques que l’on peut considérer comme chose. la question de comment favoriser la porosi- résonne avec celui d’éducation populaire, qui vulgaires et terriblement de mauvais goût, té avec son territoire pour discuter du projet entretient des ponts avec les droits culturels. mais qui rassemblent un large auditoire. Faut- Une directrice adjointe, administrative et cultu- artistique, des contenus culturels. Et d’autres Les rares études sociologiques sur le public il les exclure de la programmation, notamment relle d’une salle rebondit concernant les diffi- questions plus basiques de recrutement, les des opéras ou de certaines grandes scènes quand, au regard de l’engagement féministe de cultés de sensibilisation des collectivités. Sa candidatures en elles-mêmes étant déjà très parisiennes montrent que ces équipements la FEDELIMA, des propos insultants envers les salle a été sollicitée par une structure culturelle stéréotypées. Le regard porté sur les pratiques concernent une certaine catégorie sociopro- femmes sont tenus ? Elle précise qu’à Paloma de Perpignan qui porte un projet, des Baléares populaires pourrait changer. Un territoire est fessionnelle. Qu’une grande partie de la po- il y a souvent des débats en interne sur ces à Arles, de reconnaissance et d’inscription rarement appréhendé dans toute sa richesse. pulation n’y vienne pas relève peut-être d’une questions. Elle s’interroge : « Est-ce à nous de dans le patrimoine mondial immatériel de Il se passe par exemple des événements in- question d’éducation. Mais peut-être est-ce faire la police du bon goût ? ». Pour certains, l’UNESCO de la Rumba Catalane. N’ayant au- croyables en Algérie en ce moment. N’est-ce aussi du fait que les lieux et les projets n’ont les salles entretiennent une vision un peu eth- cune idée de quoi il en retournait, il lui a fallu, pas l’occasion de programmer des artistes al- pas été pensés avec tout le monde, ce pour nocentriste du bon goût musical, une musique pour répondre à la demande, identifier tous les gériens ? La France et l’Algérie ont une riche quoi tous ne s’y retrouvent pas. Il en va de la majoritairement faite par des blancs. Mais s’in- foyers dans la zone concernée et rencontrer histoire commune. On peut faire résonner cette responsabilité collective. De la même manière, terdire un jugement artistique sur une musique des personnes-ressources telles que le chef actualité internationale dans une programma- le Jardin Moderne où il travaille est un lieu qui rap, faite majoritairement par des noirs, sous des gitans du Grand Sud. Le projet, intégrant tion. Le développement du patrimoine imma- a été construit dans les années 90 à l’initiative prétexte que l’on n’en maîtrise pas les codes des moments de diffusion, de valorisation, tériel de l’UNESCO est un facteur accélérateur de musiciens et d’associations qui avaient des ne relève-t-il pas d’une vision tout autant eth- d’action culturelle, a fortement enthousiasmé sur lequel s’appuyer : Fado, Gwo Ka, Maloya, besoins précis. Ils n’ont pas pensé à l’époque nocentriste ? Sa salle, du fait de sa jauge im- l’équipe de la salle, même si elle ne s’y retrou- Reggae y ont récemment été inscrits. Il est que le lieu pourrait être utilisé par d’autres per- portante, est souvent sollicitée par des propo- vait pas forcément artistiquement parlant. En possible de se saisir de cette reconnaissance sonnes qu’eux. Tous les lieux ne sont pas pen- sitions très « mainstream ». Il est très difficile de revanche, le projet a été mal perçu, mal jugé internationale pour l’envisager au niveau local. sés pour tout le monde. Mais à terme, une prise faire des choix tranchés. Parfois la prestation par l’élu à la culture de la Ville de Nîmes. Une participante ajoute que cette idée est d’au- de conscience du fait de l’argent public investi est extrêmement décevante. D’autres fois, en tant plus intéressante que la méthodologie est pousse peut-être les gérants et utilisateurs à se revanche, comme lors de la venue d’un artiste Des profils professionnels stéréotypés ? dans ce cas forcément participative. Pour Jé- sentir plus responsables de l’avis des autres. comme Dadju, on comprend sur le moment rôme Vannier on minore peut-être l’intérêt que l’impact culturel des propos et la symbolique Ce genre d’exemple montre, pour Jérôme Van- pourraient porter les institutions à un projet qui Lors des récentes rencontres « program- de voir se produire un artiste comme tel pour nier, que le travail du directeur peut parfois ferait ce genre de pas de côté par rapport au mation » de la FEDELIMA la question une certaine communauté. avoir besoin d’être « relégitimé », y compris secteur très marchand de la musique. Il existe des droits culturels a été évoquée ? en interne. L’autorité ne règle pas tout. Que peut-être selon lui une forme d’autocensure Un participant refait le lien entre cette discus- des projets différents soient parfois proposés dans le secteur. sion et la question du programmateur comme et portés par d’autres personnes peut faire la Un programmateur présent dans la salle ré- pond que de premières bases ont été posées prescripteur. Il y a une dizaine d’années, il sem- différence. La question des musiques d’outre- Droits culturels, éducation et éducation blait évident d’affirmer que les lieux du réseau mer dans leur cas est un sujet assez politique. bien qu’il y ait eu un peu un amalgame entre populaire droits culturels et diversité culturelle. Les dis- étaient des lieux de prescription. Il pense que Que le Sax s’en empare satisfait l’institution. En le référentiel des droits culturels inverse cette revanche, l’absence de diversité de points de cussions ont notamment abordé la question Une participante évoque un point de vigilance question de la prescription. vue ou tout simplement socioculturelle au sein des tourneurs avec lesquels les programma- du fait de l’utilisation à plusieurs reprises du de l’équipe est un frein. Si dans une équipe les teurs travaillent et auxquels ils doivent être terme « éducation » qui l’interroge vis-à-vis des Pour Guillaume Lechevin, il est intéressant de origines, les pratiques culturelles, les modes de attentifs. Certains « petits » tourneurs font droits culturels. Elle y voit une connotation as- constater que ces questions provoquent des vie étaient plus diversifiés, certains projets se- un travail de développement, favorisent cette sez verticale, assez descendante quand pour débats en interne, que ce débat est possible. raient plus faciles à porter. Mais les profils sont diversité artistique et donc dans un sens sont elle les droits culturels relèvent d’un processus Il lui apparaît sain que la programmation soit en général cooptés, assez semblables, il faut favorables aux droits culturels et d’autres, les plutôt horizontal. « gros » sont orientés business et donc as- discutée, fasse l’objet de débats, et qu’elle ne accepter d’en faire le constat. Il faut trouver un soit pas appréhendée de manière binaire avec équilibre entre défendre des goûts artistiques sèchent plutôt cette dynamique. « Nous, lieux, En réponse, un autre participant évoque le fait le « mainstream » de mauvais goût d’un côté et assez personnels d’un côté et développer une devons faire très attention et privilégier les 128 129 « l’underground » pointu de l’autre. La question rentes qu’il consulte pour ses choix, en parti- de la diversité est plus complexe. La question culier sur des esthétiques qu’il ne maîtrise pas. de la relation aux musiciens, au territoire est Un directeur et programmateur d’une salle plus complexe. Il lui semble important de profi- conclut les échanges. Selon lui, les profession- ter de ces temps de rencontre pour provoquer nels du réseau connaissent mal les réalités des ces débats. Il invite ainsi tous les professionnels métiers des uns et des autres. Il est nécessaire qui ne font pas de programmation à participer pour lui de revoir la fonction de programmation aux rencontres sur la programmation, notant la dans les structures, qu’elle soit moins centrale, présence dans cet atelier d’un quart des parti- s’implique beaucoup plus dans la transversalité cipants tout au plus assurant des missions de des missions, s’intègre plus aux projets de mé- programmation. diation, aux questions d’accompagnement… Cela permettrait de mettre au cœur du débat En conclusion, un participant rappelle tout les questions de diversité culturelle et de droits d’abord que chaque programmateur a ses culturels. propres couleurs musicales, mais dispose en général d’un entourage de personnes réfé-

130 131 Les expériences décrites correspondent à des • Le recours au moins au début à une per- Construire un projet politique territoires administratifs et géographiques sonne extérieure qui permet de renvoyer de principalement ruraux (Ariège et Creuse) ou l’analyse distanciée, de la méthode d’anima- bien en environnement urbains mais relative- tion et de l’expérience est un atout essentiel musiques actuelles de territoire : ment éloignés des grands axes de développe- pour lancer les dynamiques de concertation ment nationaux et européens (Limoges). territoriale. quels enjeux, quelles réflexions • L’approche d’accompagnement globale de En Ariège, la dynamique de projet culturel terri- la FEDELIMA en lien avec les collectivités torial a maturé au moins 7 ans. Elle s’inscrit dans publiques et l’État, a permis pour ces ex- mettre en place ? Quelles l’histoire d’une structure associative « Artcade périences non seulement au préalable de », labellisée SMAC en 2018, qui est apparue poser des enjeux et des principes méthodo- dans les années 1990 à Sainte-Croix-Volvestre logiques, mais aussi d’assurer un accompa- méthodologies possibles ? (600 habitants) pour proposer des concerts gnement de l’ensemble de la démarche. dans un lieu privé. La logique territoriale via la démarche SOLIMA (Schéma d'Orientation et de développement des Musiques Actuelles) Des points de vigilance ont été signalés : Mercredi 3 juillet | 14h00-16h00 Grande loge s’est élaborée et étendue au département sur la • Aboutir à des coopérations effectives appa- base pour le lieu d’une expérience menée pré- raît comme indispensable pour accréditer la cédemment à l’échelle de l’intercommunalité démarche dans la durée. Si certains territoires ne sont pas dotés de structures de musiques actuelles importantes, par un agent de développement qui a su mo- • Trouver la bonne échelle de concertation, biliser et faire dialoguer aussi bien les élus que il y existe néanmoins souvent de nombreux acteurs. Comment mettre alors en place une qui souvent semble être les bassins de vie les différents acteurs du territoire. facilite la compréhension et la mobilisation réflexion visant à construire de manière collective, avec les acteurs et les collectivités des acteurs. publiques, un projet politique de musiques actuelles en direction d’un territoire ? Dans la Creuse, un territoire encore moins Les artistes sont encore à mobiliser plus for- Comment veiller à une meilleure complémentarité et coopération entre les acteurs ? peuplé, la dynamique SOLIMA pour élaborer • tement. Comment préserver la diversité des acteurs tout en structurant une politique publique et faire projet territorial existe depuis 5 ans à en direction des musiques actuelles ? l’initiative des acteurs, sur la base d’une pro- • Il en est de même pour les élus. position institutionnelle et la perspective d’une labellisation SMAC par l'État. Globalement, cette démarche est encore loin Cet atelier présentera des initiatives sur différents territoires et tentera de dégager des pratiques politiques et des usages d’ac- collectivement les enjeux et méthodes possibles pour mener à bien ce type de réflexion. Quant à Limoges et son bassin, il y a depuis teurs confrontés à des environnements concur- plus de 30 ans un jeu d’opposition arrivé à son rentiels terme entre un activisme associatif musiques actuelles avec en première ligne la fédération Avec... Hiéro et une pratique politique de gestion en PIERRE GAU régie directe de services et d’équipements. La SÉBASTIEN CORNU perspective d’une labellisation SMAC a relancé Directeur d’Art Cade Consultant culturel la nécessité d’un projet territorial et une pos- (Sainte Croix Volvestre) (CAE Mosaïque à Volx) sible démarche SOLIMA.

De ces expériences singulières, confortées par JEREMY GALLIOT RÉMI FAURE d’autres, plusieurs constats et analyses appa- Chargé projet à Hiero Limoges Chargé de raissent : l’accompagnement • La démarche territoriale de concertation de et du développement type SOLIMA nécessite une approche fine. Il s'agit identifier précisément les biais pos- artistique du Collectif sibles pour ne pas crisper soit les acteurs, Vacance Entropie, soit les politiques ou les techniciens territo- Animé par... pépinière d’artistes riaux, notamment dans le vocabulaire utilisé et les premiers sujets ou enjeux à traiter. FRANÇOISE RAMEL • Elle nécessite également de mobiliser ceux Mondoblogueuse, élue locale (56) qui ont envie en restant ouvert aux autres afin d'initier durablement la démarche.

132 133 Introduction par Jérémy GALLIOT des DRAC, collectivités territoriales, l’équipe Qualitatif vs quantitatif : comment de la structure, les structures partenaires, etc.). Jeremy GALLIOT, chargé de projet à Hiero Des rencontres in situ ont été organisées en fé- Limoges, débute cet atelier en présentant les vrier 2019 entre les l’État et ses différents ser- évaluer les projets différemment ? différent·e·s intervenant·e·s et en replaçant vices (DRAC et inspections) et le directeur et sa problématique générale. Comment évalue- l’équipe de la structure. Des réunions complé- t-on un projet, pour quel objectif, qui évalue, mentaires ont également été organisées avec comment construire des indicateurs d’évalua- les collectivités et les structures partenaires. Mercredi 3 juillet | 16h30-18h30 Houlocène tion adaptées ? Cet atelier devra permettre de Un rapport, intégrant un vade-mecum, vient débattre et de tenter de répondre à ces ques- d’être finalisé présentant les résultats de cette tionnements. première phase de travail, qui doit plus être L’évaluation des projets passe aujourd’hui essentiellement par l’analyse de données considéré comme une étude exploratoire que comme un travail d’inspection. Il sera présenté quantitatives souvent restreinte aux périmètres du budget, de l’emploi, du nombre Intervention de Florence FORIN, prochainement à la structure ainsi qu’à ses dif- d’activités produites ou de « public » touché dans la mise en œuvre des activités des férents participants et partenaires. Cette mé- structures. S’il en est ainsi, c’est bien évidemment que les données quantitatives conseillère musique et danse à la thode de travail a été plutôt très bien accueillie sont beaucoup plus simples à produire et parce que les méthodes d’évaluation de DRAC1 Grand Est et présidente de et l’État souhaiterait la généraliser à l’ensemble projet sont en grande partie issues du secteur économique privilégiant l’audit et le l’ANCMD2 des labels. contrôle de gestion. Alors que les approches quantitatives cherchent à mesurer et dénombrer de manière globale, les approches qualitatives cherchent à produire des Florence FLORIN présente une expérimenta- éléments de compréhension, d’explication des faits, en tenant compte du contexte et tion menée entre l’État et plusieurs structures Intervention d’Emmanuel PAY- de l’environnement. Au-delà de la production de données chiffrées, comment évaluer de terrain labellisées SMAC. L’idée de cette SANT, directeur de La Souris Verte expérimentation autour de l’évaluation de pro- un projet de manière plus qualitative, en prenant en compte son environnement (son jets est née en 2018. Son objectif est d’amélio- (Épinal) territoire, les personnes…) ? Cet atelier sera l’occasion de poser des pistes, d’imaginer rer les liens entre les services de l’inspection Emmanuel PAYSANT, témoigne à son tour de des indicateurs pertinents permettant d’évaluer autrement les projets des structures. du ministère de la Culture et les DRACs en cette expérimentation en tant que directeur de région, dans le cadre d’une amélioration de La Souris Verte à Épinal. Cette demande d’ex- l’organisation des différents labels d’État en périmentation a été vécue comme une force lien avec leurs cahiers des charges et missions. Avec... beaucoup plus que comme une contrainte. La La question de l’évaluation est ressortie des Souris Verte est un projet récent puisqu’il a 5 YANN BIEUZENT échanges avec l’idée d’essayer de procéder LAËTITIA PERROT ans avec un équipement neuf situé en centre- autrement en termes d’évaluation. En effet, il Chargé d’animation des réseaux Directrice de La Nef ville. C’est un établissement public porté par n’existe pas d’uniformité sur l’ensemble des dif- et de l’appui aux acteurs du (Angoulême) l’agglomération d’Épinal. Initialement, le projet férents labels des systèmes d’évaluation. Il est Pôle des Pays de la Loire était plutôt de type pluridisciplinaire avec un seulement stipulé dans les textes qu’il doit être volet musiques actuelles. Lors de sa prise de réalisé une auto-évaluation 6 mois avant la fin fonction en 2016 comme directeur, un des pre- MARYLINE LAIR FLORENCE FORIN de la convention entre l’État et la structure la- miers réflexes a été de rechercher les données Directrice du Collectif des Conseillère musique et bellisée. Une mission a donc été confiée à deux existantes permettant une meilleure appropria- festivals danse à la DRAC Grand inspecteurs musiques actuelles de mener dans tion du projet. Après lecture de différents docu- Est et présidente de deux régions administratives différentes une ments, il a été constaté que la plupart des élé- expérimentation autour de l’évaluation des pro- l’ANCMD ments d’évaluation étaient principalement axés EMMANUEL PAYSANT jets de deux structures labellisées SMACs. « La sur des données quantitatives avec comme Souris Verte » à Épinal dans la région Grand Directeur de la Souris Verte entrée principale celui de la fréquentation des Est et « Le 6PAR4 » en Pays de la Loire. Deux (Epinal) concerts et des différentes manifestations en lieux similaires, dans des villes similaires, mais lien avec le public de la structure. Les élus et avec des histoires différentes qui permettaient techniciens locaux ne s’appuyaient à l’époque de réaliser des analyses comparatives. Pour (comme seul élément de communication sur le l’exemple d’Épinal, il a été décidé dans un pre- projet) que sur la fréquentation des concerts, mier temps, de mettre l’ensemble des parties l’ensemble des autres activités de la structure Animé par... prenantes autour d’une table (technicien·ne·s (actions culturelles, soutien aux pratiques ama- JEREMY GALLIOT teurs, émergence, etc.) qui en fait la richesse Chargé projet à Hiero Limoges 1- Direction Régionale des Affaires Culturelles du projet sur le territoire, n’était aucunement 2- Association Nationale des Conseiller·ère·s Mu- pris en compte, voire complètement invisibili- sique et Danse 134 135 sé. Il a donc fallu réaliser un travail de fond afin une telle démarche, on sait qu’on ne peut pas Florence FLORIN, complète l’intervention jets. Ce travail s’est construit en s’appuyant sur de commencer à éclairer le projet d’autres in- évaluer seul. Lorsque la proposition d’expé- d’Emmanuel Paysant en précisant que c’était diverses méthodes allant de l’auto-évaluation, formations en lien avec les activités et services rimentation du ministère de la Culture arrive, justement l’objectif de l’expérimentation me- l’évaluation collective, la construction collec- proposés aux personnes du territoire tout au on se sent un peu moins seul dans sa réflexion née que de dépasser cette culture du chiffre, tive d’indicateurs, à l’évaluation en amont des long de l’année par la structure. Puis un travail et cela est perçu comme une aide bienvenue qui bien souvent reste un réflexe premier ayant projets. Par exemple, dans le cadre d’un appel complémentaire a été effectué afin de pouvoir pour amorcer un tel travail. Travail qui n’est pas pour objectif de rassurer les techniciens et élus à projets du contrat de filière en Nouvelle Aqui- mieux observer le rayonnement territorial du finalisé puisque la Souris Verte est actuelle- quant à la dépense publique. Il reste cependant taine autour de la co-construction, le RIM a mis projet avec la constitution notamment d’élé- ment, avec le ministère de la Culture, en cours à trouver des solutions afin que le chiffre ne en place une méthode d’auto-évaluation qua- ments cartographiques amenant une nouvelle de rédaction de sa convention pluri annuelle soit pas l’unique clé d’entrée d’évaluation des litative. Ce travail d’auto-évaluation a permis lecture. L’obtention du label SMAC en 2018 a d’objectifs, qui intègre les critères et indica- projets. En ce sens, la décision d’appréhender d’obtenir une meilleure lecture de la cohérence été un élément déterminant, renforçant plus teurs de l’évaluation du projet. La participation l’évaluation via l’entrée des droits culturels a du projet déposé en lien avec le projet global encore la question de l’évaluation pour la struc- d’Emmanuel Paysant à cette table ronde doit lui permis d’élargir le spectre des points à obser- de la structure qui le portait, tout en question- ture. La labellisation a obligé les élus à faire permettre d’échanger avec les participant·e·s ver, avec l’équipe, les collectivités, les techni- nant les points liés à la gouvernance du projet évoluer leur mentalité et leur vision de l’évalua- et professionnel·le·s présent·e·s autour de ciens, les élus et les différents partenaires. Il et la mobilisation des partenaires impliqués. tion du projet. Les éléments cartographiques et cette question du dépassement de la culture s’agit maintenant de mettre en place un suivi Pour autre exemple, le RIM a également travail- nouveaux indicateurs communiqués ont permis du chiffre dans l’évaluation. Il s’agit de trouver collectif et régulier avec toutes ces parties lé avec ses membres concernés sur l’évaluation une ouverture et une prise de conscience de la des solutions afin de mieux rendre compte de prenantes bien au-delà du temps d’évaluation des conventions pluriannuelles d’objectifs des part des élus qui ont beaucoup mieux perçu ce que produisent les projets de structures sur prévu à la fin de la période de la convention lieux labellisés SMAC par l’État. Sur ce point, la portée du projet dans son ensemble en lien un territoire et sur les personnes qui y vivent. pluriannuelle d’objectifs. plusieurs temps de travail ont été organisés : avec le territoire. Pour Emmanuel Paysant, ce Par exemple, le droit à l’éducation, qui est in- • L’évaluation et la convention pluriannuelle travail de sensibilisation et d’information restait tégré aux droits culturels, devrait pouvoir être Comment est réalisée la mise en œuvre ef- d’objectifs : un temps de travail collectif cependant un travail de bilan d’activité assez rattaché aux indicateurs d’évaluation des pro- fective de ce travail, quant aux indicateurs avec le réseau devant permettre de propo- classique, ce qui n’était pas vraiment encore de jets artistiques et culturels en lien avec les ac- permettant de mettre en lumière les objectifs ser des indicateurs quantitatifs communs l’évaluation. En second lieu, la véritable ques- tions culturelles initiées par les structures. Il est atteint et de la méthode qui pourrait être re- discutés collectivement et le mieux adap- tion a été de savoir comment il est possible de dommageable que les projets éducatifs que la prise plus largement ? L’objectif de cette expé- tés au projet et activités des structures. Ils dépasser cette culture du chiffre pour trouver Souris Verte met en place tout au long de l’an- rimentation est-il justement de pouvoir tester ont été répartis par type d’objets à évaluer les moyens de pouvoir observer et identifier les née, et qui permettent de contribuer à un de une méthode afin de pouvoir l’élargir par la (évolution du nombre de jours d’ouverture effets du projet à d’autres endroits en termes ces droits fondamentaux, ne soient que si peu suite ? par semaine, processus de co-construction de politiques culturels comme l’émancipation, pris en compte dans les grilles d’évaluation du des projets, évolution de la demande non l’humain, rendre l’ensemble des droits culturels projet posées par les partenaires. Florence FLORIN, répond qu’effectivement, satisfaite, etc.). Ce temps de travail a éga- plus effectifs, etc. Lorsque l’on s’engage dans ce travail vise à donner des clés de lecture et lement permis d’échanger collectivement un calendrier idéal de ce qui peut être posé en autour de différentes problématiques, dont amont de la CPO dans le cadre de l’évaluation le constat d’un manque général d’outil per- des projets soutenus par l’État. Cela, en tenant mettant d’évaluer beaucoup plus qualita- compte des spécificités du territoire sur le- tivement les projets, de mieux préciser ce quel est implanté le lieu et en coconstruisant qui au niveau local pouvait être proposé aux ensemble avec les différents partenaires un élus et partenaires locaux, et enfin proposer calendrier intégrant des rencontres régulières. une méthode. Ce travail collectif a permis de produire une convention avec une trame commune qui a été discutée lors d’une jour- Intervention de Laëtitia PERROT, di- née de travail spécifique avec l’ensemble rectrice de La Nef (Angoulême) des lieux labellisés SMAC du territoire et la DRAC. Cette convention comportant une Laëtitia PERROT présente le travail réali- annexe sur l’évaluation des projets, inté- sé concernant sa structure implantée à An- grant des indicateurs répartis sur 4 grandes goulême, en Nouvelle-Aquitaine. entrées thématiques : l’engagement artis- Un travail collectif et collaboratif a, dans un tique, l’engagement professionnel, l’enga- premier temps, été engagé avec le RIM (Réseau gement culturel (au regard des droits cultu- des Indépendants de la Musique en Nouvelle rels), l’engagement territorial et citoyen. Aquitaine) dont La Nef est membre. Le RIM • L’évaluation au sein du comité de suivi : travaille actuellement sur plusieurs méthodes un temps de travail a également été or- d’évaluation, qui permettent de la rendre effi- ganisé en comité de suivi, au sein duquel cace et qui vient nourrir ce temps nécessaire à siègent l’État, la Région, le Département la construction et au développement des pro- et l’Agglomération du Grand Angoulême, 136 137 afin d’échanger autour de ces différents Florence FLORIN précise que, concernant le questionnements. La grille d’évaluation choix des indicateurs et de l’architecture des construite y a été présentée et discutée. Qui éléments d’évaluation, l’objectif serait que ces siège au comité de suivi ? Jusqu’où peut-on derniers soient justement discutés et validés l’ouvrir ? Existe-t-il des points de blocages collectivement avec la structure et les parte- sur ce sujet ? Quel en est la fréquence de ré- naires de manière partagée dans le cadre de union ? Comment encadrer le débat ? Com- discussion et d’écriture de la CPO. Il s’agit de ment le transformer avec la prise en compte sortir de la logique d’évaluation du type « liste de nouveaux objectifs opérationnels ?... de courses » pour basculer vers une évaluation qui fasse beaucoup plus œuvre commune. Pour terminer, Laëtitia PERROT présente une initiative particulière visant à penser et pré- Jérémy GALLIOT remarque ensuite que cet senter les projets différemment. « Des Len- objectif d’une évaluation individualisée et demains Qui Chantent », SMAC implantée à adaptée à chaque structure qui sort de l’ap- Tulle, a écrit son rapport d’activité annuel sous proche normative habituellement utilisée via l’angle RSO (Responsabilité Sociétale des Or- le langage du chiffre commun peut, pour les ganisations) en suivant la norme ISO 26000. Ce partenaires et notamment l’État, comporter parti pris permettant de présenter la trame de le désavantage de ne plus apporter de vision lecture du bilan d’activité de la structure sous comparative entre l’ensemble des structures. l’angle de son utilité sociale, en s’appuyant sur des indicateurs beaucoup plus qualitatifs, les- Florence FLORIN répond qu’effectivement quels sont déclinés en 6 grandes thématiques cette approche peut bouleverser les approches de progrès social : habituelles du sujet au sein du ministère de la • Les droits de l’homme Culture. Ce travers existe, mais de nouveaux 21, et en y associant les partenaires (financeurs, structures festivals (analyse des budgets) que éléments d’analyses devraient aussi apparaître • Les relations et conditions de travail usagers, etc.). Un plan d’action a été construit sur le public festivalier (analyse des dépenses et largement compenser ce manque. C’est une collectivement afin d’obtenir une meilleure lec- locales des festivaliers hors de l’enceinte du L’environnement • méthode qui va être amenée progressivement, ture de ce qui était mis en œuvre au sein des festival, afin d’évaluer les retombées écono- • La loyauté des pratiques vers les consom- et qui doit pouvoir permettre de sortir d’une festivals en termes de développement durable. miques dans l’environnement local). mateurs culture de l’évaluation essentiellement cen- Trois études portant sur des thématiques diffé- Afin de ne pas rester centré essentiellement trée sur le chiffre et qui ne permet pas au final • La communauté rentes ont été lancées : sur l’analyse économique, il a été décidé, dans d’évaluer aussi finement les projets. Depuis la Une étude sur l’impact économique des un second temps, de travailler sur la notion Loi NOTRe3, le ministère de ne plus être le seul • Ce sont des sujets que la majorité des struc- festivals, destinée à interroger l’ancrage d’utilité sociale. Le Pôle s’est appuyé sur le tra- prescripteur de l’évaluation, ce travail doit dé- tures culturelles prennent en compte dans le territorial des festivals et leurs interactions vail réalisé par le Collectif des festivals bretons sormais être partagé beaucoup plus largement cadre de mise en œuvre de leurs activités en di- avec les acteurs économiques locaux (en- deux années auparavant, en croisant beaucoup qu’il ne l’est encore aujourd’hui. rection de leur territoire d’implantation et des treprises et associations) ; de référentiels et indicateurs existants. Ce tra- personnes qui y vivent, mais qui sont rarement • Une étude sur la notion d’utilité sociale en vail s’est appuyé sur le recueil par questionnaire pris en compte lorsque le temps de l’évaluation cours de finalisation ; de données sur les festivals, le public, les bé- du projet est venu. Intervention de Yann BIEUZENT, • Une étude sur les impacts environnemen- névoles, les bénéficiaires d’actions culturelles chargé d’animation des réseaux et taux des festivals qui a été lancée récem- (impact des actions culturelles sur les béné- La Nef a, suite à ce travail, décidé de réécrire de l’appui aux acteurs du Pôle des ment. ficiaires). Cela a permis d’analyser l’impact son projet d’activité 2019 sous l’angle de la direct du festival en termes d’utilité sociale norme ISO 26000. Il s’agit d’interroger et de Pays de la Loire L’ensemble de ces études s’appuie autant sur (avec la limite de ne pouvoir dégager assez de présenter différemment le projet. des données quantitatives que qualitatives. Il ressources pour analyser l’impact rebond à 5 Yann BIEUZENT intervient pour présenter le faut se méfier de la donnée « morte » que l’on années) : travail initié depuis 5 années par le groupe de ne peut pas faire parler une fois qu’elle a été Vers un évaluation individualisée ? travail « Festivals » de son réseau. La réflexion • La dimension artistique et culturelle : est-ce recueillie. L’objectif reste bien de définir des que le festival participe à l’expression d’une a été lancée en interrogeant la notion de déve- indicateurs, qu’ils soient quantitatifs ou quali- Jeremy GALLIOT remarque en synthèse de loppement durable, afin de mieux comprendre diversité artistique et culturelle ? Est-ce qu’il l’exemple de La Nef que s’interroger sur son tatifs, qui puissent être a posteriori analysés, a permis au public de découvrir par exemple et savoir ce qu’elle recouvrait pour les festivals. comparés et qui apportent un réel éclairage évaluation permet finalement de réinterroger Il a été décidé de travailler un référentiel en de nouveaux instruments de musique ? Dé- pratiquement la grille de lecture que l’on a de dans l’analyse pour contribuer à l’évaluation. Il couvrir la culture d’un autre pays ? s’appuyant sur la norme ISO 26000, l’Agenda s’agit donc de bien les réfléchir, les sélection- l’ensemble de son propre projet, ce qui permet La dimension épanouissement : savoir au- également de définir les entrées que l’on sou- ner pour ce qu’ils peuvent amener en éclairage • 3 - Loi NOTRe : https://fr.wikipedia.org/wiki/ près des bénévoles s’il y a eu une formation, haite mettre en avant. dans l’analyse. Loi_portant_nouvelle_organisation_territoriale_de_ Des données ont donc été récoltées tant sur les une montée en compétences, si cela a dé- la_R%C3%A9publique 138 139 l’information via les réseaux sociaux ou des structures spécialisées permettant de mieux Chacun de ces registres s’appuie sur différents diagnostiquer les problèmes d’accès pour les indicateurs permettant de les mesurer. Une usagers en situation de handicaps. synthèse des résultats de ce travail qui s’ap- puyait sur des questionnaires, des interviews Le collectif s’appuie dans son travail sur 3 ou- et des réunions collectives a ensuite été pro- tils : duite, et chaque festival a également produit • Une démarche d’évaluation qui porte sur son propre document de synthèse. des critères environnementaux (en cours de construction). Ce travail s’appuie sur une Évaluer l’utilité sociale revient à comprendre première étape de diagnostic de l’existant comment elle est produite et générée : qu’est- afin d’identifier les marges de manœuvre, ce qu’on fait ? Qu’est-ce que ça produit ? À aider à la décision, pour ensuite fixer collec- quoi ça contribue ? tivement des objectifs à atteindre. Les enjeux étaient multiples : • Un volet s’attachant à travailler les sché- mas socio-économiques avec l’analyse des • Réaffirmer les valeurs sociales et culturelles charges et des produits budgétaires. Pour de la Charte des festivals chaque festival un retour sur ses propres • Outiller les festivals afin d’évaluer, d’amélio- données, lui permettant également de se rer et mieux rendre compte de leurs actions resituer par rapport aux autres festivals de sociales et culturelles la région, de comprendre également les • Rendre visible de manière objective la particularités des festivals implantés en plus-value apportée par les festivals sur leur clenché des vocations avec par la suite une nant ce sujet de faire des pauses et d’évaluer Bretagne en comparaison avec les données territoire nationales. volonté de choix de formation, etc. à un temps « t » l’impact des actions au regard • Se différencier d’événementiels à visée • La dimension sociale : les incidents pouvant des objectifs qui avaient été fixés lors de leur • Le troisième volet porte sur l’utilité sociale. commerciale exister sur une soirée, les concertations mise en place. Le travail s’articule également Ce travail a été amorcé il y a 6/7 ans, alors avec le voisinage en lien avec la gêne so- autour de la manière dont les festivals peuvent qu’il n’y avait pas de référentiel. Il s’est dé- Les objectifs étant de : parler de leur projet. Il s’agit d’accompagner roulé en 2 temps. Le premier a été de se nore occasionnée, l’existence de scène ou- Identifier collectivement les valeurs et cri- les festivals à développer une autre façon de demander « c’est quoi l’utilité sociale d’un • verte, de zone d’expression artistique, etc. tères sur lesquels reposera l’évaluation communiquer autour de leur projet, en utilisant festival » d’une manière générale. Une mé- Élaborer un référentiel avec des indicateurs L’ensemble de ces travaux une fois finalisé d’autres mots, en adoptant un autre discours, thodologie commune a été mise en place • permettant d’objectiver les apports des fes- vont permettre de produire un pot commun etc. Apprendre à s’enrichir également de la vi- avec 8 festivals. Chacun a organisé des ré- tivals d’indicateurs dont les festivals pourront s’ins- sion qu’ont les autres (les pairs, les partenaires, unions avec ses salariés, bénévoles, parte- pirer pour venir alimenter leurs propres grilles les festivaliers, etc.) de son festival. Méthodo- naires, public, prestataires pour essayer de • Concevoir un dispositif d’évaluation struc- d’évaluation. Il s’agira également de dégager logiquement, il n’y a pas d’opposition entre le poser ensemble ce que pourrait être l’utilité turant pour le Collectif des festivals. collectivement un socle commun d’indicateurs qualitatif et le quantitatif. Ce qui reste impor- sociale d’un festival. Savoir in fine ce que permettant la comparaison entre les festivals tant c’est plutôt de comprendre une donnée, nous avions envie de mesurer. Concrètement, pourquoi évaluer ? sur la base de ces différents thèmes. pouvoir l’analyser et lui donner de la valeur. En • Ce qui a donné lieu à la constitution de 5 lien avec les précédentes interventions, il faut registres : Maryline LAIR répond en expliquant que l’utili- rester vigilants et ne pas confondre objectifs, o Faire société té sociale est à comprendre au sens de sociétal. actions, résultats, indicateurs. On se fixe tou- Il s’agit de rechercher l’ensemble des impacts Intervention de Maryline LAIR, di- o La capacité à être (ce qu’il peut produire jours des objectifs. À titre d’exemple, lorsque positifs d’une structure ou d’un projet sur la sur les personnes) rectrice du Collectif des festivals l’on travaille sur l’accessibilité, notre objectif société. Il s’agit des impacts économiques, so- est bien d’éviter qu’une personne ne puisse o Le registre sociétal (collectif, renforce- ciaux, culturels, environnementaux, etc. liés Maryline LAIR intervient pour présenter le tra- pas se rendre à un spectacle parce que son ment de l’esprit critique, l’ouverture d’es- à l’activité de la structure ou à ses modes de vail de son réseau. Le Collectif des festivals accès n’est pas adapté à son handicap. Que prit, etc.) gouvernance. Il n’y a pas de définition a priori regroupe 31 festivals en Bretagne. Le collec- cela concerne 20 personnes ou seulement 5. o La dynamique de territoire (impact du de l’utilité sociale, car elle dépend des valeurs tif accompagne ses adhérents dans leur dé- Ce qui reste compliqué à mesurer ici, en amont festival sur le territoire) de chacun et du contexte. Avant d’être évaluée, marche de développement durable. Il s’agit, à de la mise en place d’une rampe d’accès, c’est l’utilité sociale d’un projet doit donc être défi- o La vivacité culturelle et artistique (l’ac- la différence d’évaluation de structures label- de pouvoir savoir si des personnes n’ont fina- nie en associant toutes les parties prenantes : cès large à la culture, la découverte ar- lisées par l’État, plutôt d’initiative personnelle lement pas pu assister au spectacle parce que équipes salariées et bénévoles, partenaires, tistique, la création, l’expression, la rési- des festivals qui souhaitent mettre en place l’accès n’était pas adapté. Il s’agit, en partant publics et bénéficiaires… Cette évaluation dence, etc.). leurs actions en prenant en compte le déve- bien de cet exemple, de pouvoir recueillir de dresse le panorama de l’utilité sociale en pre- loppement durable. Il est nécessaire concer- 140 141 nant en compte l’ensemble des contributions et tivement ? L’évaluation reste un jugement de aussi la multiplicité des demandes issues de leurs outils d’évaluation ? On se heurte ici, se- points de vue. valeur posé sur le recueil de données que l’on différentes sources utilisant des indicateurs lon lui, à une vraie résistance au changement peut souvent interpréter différemment selon différents voire identiques, mais recueillis par de la part de l’administration et de ses services Laëtitia PERROT intervient pour préciser que l'endroit où l’on se place. des administrations qui ne se donnent pas les et techniciens. À un moment donné, l’obser- le temps de l’évaluation d’un projet est néces- moyens techniques de les faire circuler entre vation que l’on fait de son projet ne doit pas saire. C’est un moment, une pause à prendre Un second participant précise que le sensible elles. Ce travail d’alimentation devient très être exclusivement réservée à une négociation qui doit permettre de tout poser à plat et ne concerne effectivement pas que l’artistique, chronophage pour les structures. De plus, les avec ses partenaires, elle doit permettre de d’échanger sur ce qui a été fait et ce que l’on il concerne également le rapport à l’autre. partenaires ne cessent de « saucissonner » les requestionner le projet de la structure afin de souhaite faire, et ce avec les salariés, les béné- Toutes les interactions avec les publics que ce projets ou les actions menés via des demandes l’adapter au mieux à ce qu’il produit sur le ter- voles, les financeurs, les partenaires. Se repo- soit ceux des actions culturelles, éducatives, chiffrées spécifiques qui ne prennent aucune- ritoire en lien avec les personnes qui y vivent. ser la question du sens du projet, de la direc- de l’accompagnement artistique et/ou de pro- ment en compte la totalité du projet artistique Le temps de l’observation, puis de l’évaluation tion que l’on souhaite lui donner, etc. jet, l’enseignement musical, etc. relèvent du et culturel des structures. Ces données ne sont doit avoir pour objectif de permettre de se réin- sensible. Comment évalue-t-on cela ? Cette demandées que pour venir illustrer une partie venter. L’évaluation doit avant tout être un outil Jeremy GALLIOT explique que malgré les dimension du sensible, qui est l’émanation de du projet les intéressant. d’aide à la décision. exemples qui viennent d’être donnés, il ce que l’on fait et de la manière dont on le fait, constate un niveau de discours et des attentes n’est aucunement prise en compte dans les mé- Yann BIEUZENT conclut l’atelier en s’interro- bien différentes de la part des partenaires et -fi thodes d’évaluation « imposées » par les par- geant sur la manière de construire de nouveaux nanceurs, qui restent bien trop souvent centrés tenaires politiques et/ou institutionnels, qui ne indicateurs adaptés aux activités, pratiques et sur des indicateurs liés à la fréquentation. s’attachent finalement qu’à recueillir des don- projets des structures et faire bouger les lignes nées quantitatives (principalement budgétaires de l’administration par leur intégration dans Yann BIEUZENT précise que c’est en cela qu’il et de fréquentation) dans un tableur ? reste nécessaire d’associer les élus à ce travail autour de la redéfinition des grilles d’évalua- Un autre participant, directeur de salle, inter- tion des structures. Les réunions avec les élus vient pour expliquer qu’avec la méthode de doivent sur ce sujet être saisies comme des op- l’Observation Participative et Partagée, des ha- portunités qui peuvent permettre de sensibili- bitudes ont été prises de construire collective- ser, d’expliquer et de donner une autre lecture ment avec les acteurs de terrain et leurs parte- du projet. Les élus ont besoin d’être accompa- naires (notamment le ministère de la Culture en gnés. Il faut que les structures fassent preuve central et les DRACs en région) des indicateurs de pédagogie afin de les aider à mieux com- adaptés aux projets des structures. Alors que prendre le sens de ce qu’ils mettent en œuvre l’État a participé et participe toujours à ce tra- en termes de politiques culturelles sur leur ter- vail pourquoi ne s’en empare-t-il pas, et surtout ritoire. pourquoi ce travail ne redescend pas au régio- nal d’un point de vue administratif ? La DRAC Questionnements et interventions en Île-de-France demande, afin de pouvoir signer salle une convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), à renseigner une liste énorme d’indicateurs qui Un premier participant intervient en réaction n’ont rien en commun avec le travail précité, et des interventions. Selon lui, autant l’observa- qui, pour une grande majorité, sont complète- tion semble être un bon outil pour renvoyer ment impossibles à qualifier pour une structure une photographie, autant l’évaluation reste de terrain. Exemples de données quantitatives un jugement posé sur la base des éléments à renseigner via des objectifs chiffrés : « Aug- observés et des résultats que renvoient les in- menter la fréquentation payante : ? », « Amélio- dicateurs. Il semble compliqué d’attribuer une rer le taux de remplissage : ? », « Diversifier les valeur sur une échelle à quelque chose qui publics : ? », « Fidéliser les publics : ? », « Fa- relève du sensible, de l’artistique, des valeurs voriser la créativité des publics : ? », « Soute- portées par un projet culturel sur un territoire. nir la vie culturelle locale / Nombre d’actions Est-ce réellement nécessaire d’évaluer dès lors en prison : ? ». Alors que les financements du qu’un contrat de confiance a déjà été passé label SMAC représente 0,4% du budget de la entre l’opérateur à qui une mission est confiée structure. et les partenaires qui lui confient cette mission. Pourquoi ne pas simplement faire confiance à Un dernier participant témoigne de son ex- l’opérateur ? Est-on finalement obligé d’évaluer périence et pointe « la course à la collecte de si le travail réalisé est observé et suivi collec- données » de l’administration. Il évoque lui

142 143 Introduction : parcours et profils actions à l’année y compris la programmation Artistes, médiateurs, chargés des intervenants jeune public. Son travail était peu légitimé, car peu rentable. Elle affirme que cela a beaucoup changé ces dernières années. Estelle Marie, animatrice, présente rapidement d’action culturelle : quelles son parcours puis les grandes lignes de l’atelier. est rappeur depuis 17 ans, Son poste de chargée d’actions culturelles et Yoshi Di Original c'est son activité principale depuis une dou- d’accompagnement des pratiques au Forum de fonctions sont en jeu ? zaine d’années et il a déjà réalisé 500 à 600 Vauréal a été créé en 2017. Elle-même est issue concerts dans une quinzaine de pays différents. d’une formation universitaire de « médiation de Depuis quelques années, il assure en plus des la musique ». Elle précise que les différents par- ateliers d’écriture auprès de publics très variés, Mercredi 3 juillet | 16h30-18h30 Salle pédagogique cours, formations des intervenants seront inté- notamment dans des foyers, pour des adoles- ressants à appréhender dans leur diversité. La cents en difficulté, sous main de justice, en lien notion de médiation en musiques actuelles, en avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse et pleine évolution, constitue le cœur de réflexion Le développement de l’action culturelle dans les musiques actuelles a fait émerger en maisons d’arrêt auprès de détenus, égale- de l’atelier, à travers trois intitulés de métiers : progressivement de nouvelles fonctions, voire de nouveaux métiers. Et si quelques ment dans une logique de réinsertion, en lien chargés.e.s d’action culturelle, médiateur. avec les Services Pénitentiaires d’Insertion et années en arrière les personnes qui avaient en charge l’action culturelle étaient souvent rice.s, artistes et musicien.ne.s intervenant.e.s. de Probation. Il estime être devenu médiateur multitâches, reliées avec les relations publiques, la communication (etc.) on constate Quelles évolutions ces dernières années ? un peu « malgré lui ». Il travaillait plus jeune en aujourd’hui, que ces fonctions se sont structurées, des postes ont été créés à part Comment la question de la médiation s’est-elle tant qu’animateur. Ses deux vocations se sont entière, une réflexion sur la notion, les enjeux, les outils de médiation est au cœur des fait une place dans les musiques actuelles ? en quelques sortes rejointes : « faire du social », réflexions des acteurs. Comment s’y adapte-t-elle au regard d’autres se rendre utile auprès des autres et faire du rap. disciplines, parfois considérées comme plus Environ un tiers de son temps de travail est dé- légitimes ? Cette table ronde sera l’occasion de questionner la notion de médiation. De partager dié aux ateliers. Il continue par ailleurs de sortir nos réflexions quant à l’articulation entre chargé·e·s d’action culturelle, artistes dans des albums et se produit lors d’une cinquan- les projets d’action culturelle, médiateurs·rices. Quelles interactions et articulations L’atelier débute par un tour de table des taine de concerts par an. s’opèrent, pour quelles finalités et quels enjeux dans les projets d’action culturelle ? intervenant.e.s qui présentent rapide- En quoi la médiation culturelle continue-t-elle d’être un enjeu de société aujourd’hui ? ment leurs parcours et profils. Eun Soo Kim s’occupe de médiation au Transpalette, centre d’art contemporain de Maud Gasset est chargée de l’action cultu- l’Antre Peaux, lieu culturel pluridisciplinaire relle et de la programmation jeunepublic aux de Bourges géré par l’association Emmetrop. Avec... Cuizines à Chelles, lieu de diffusion musiques Cette structure intègre un secteur musiques actuelles labellisé SMAC. Son poste, créé en actuelles, un secteur art contemporain et un MAUD GASSET EUNSOO KIM 2004, a énormément évolué depuis ses débuts. secteur danse et théâtre. Ce poste qu’elle oc- Chargée de l’action culturelle Médiatrice du secteur Elle constate plus globalement d’importants cupe depuis un an a été créé en 2017. Il s’agis- et de la programmation jeune- art contemporain à changements dans la conception du poste de sait au préalable d’un poste d’assistant.e de la public aux Cuizines (Chelles) Emmetrop (Bourges) chargé·e d’action culturelle. Régie directe, les chargée de production du Centre d’art. Elle est Cuizines dépendaient à l’époque de sa créa- diplômée des Beaux-Arts de Bourges et propo- BRUNO BERTHIER YOSHI DI ORIGINAL tion de poste du service jeunesse de la muni- sait déjà, avant d’occuper cet emploi, des in- Médiateur pour le secteur des Artiste cipalité. Ce poste était donc intimement lié aux terventions artistiques. Elle apprécie l’idée de musiques actuelles à Emmetrop notions d’animation et d’éducation populaire. partage que lui permet son poste. (Bourges) Elle-même est issue d’une formation sociocul- turelle, un DUT Carrières Sociales. Ce cadre a Bruno Berthier est médiateur pour le secteur fortement évolué, notamment suite aux der- OTTILIA SADOT CÉLINE GOUVERNE musiques actuelles d’Emmetrop. Ce poste a Chargée des actions culturelles nières élections municipales et au changement été créé début décembre 2017. Il est issu d’une Médiatrice du secteur de majorité (qui a basculé à droite). Du fait au Normandy (Saint-Lô) licence arts, musique et métiers du son. Plu- spectacle vivant à d’une restructuration des services municipaux, sieurs types d’actions sont proposées dans la Emmetrop les Cuizines dépendent désormais du service structure. Il intervient par exemple en binôme (Bourges) culturel. L’évolution de l’action culturelle au avec des artistes lors de projets de résidence sein des musiques actuelles a fait évoluer son dans des établissements scolaires, propose des Animé par... poste vers de moins en moins d’animation et accueils tout public, sur des temps de balance, ESTELLE MARIE de plus en plus d’action culturelle et d’Éduca- pour des visites ou des temps de sensibilisa- Chargée d’actions culturelles et tion Artistique et Culturelle. À ses débuts, elle tion. disposait au sein de la structure de très peu de d’accompagnement des pratiques moyens financiers : 15000 € pour toutes ses au Forum (Vauréal) 144 145 Céline Gouverne est médiatrice pour le sec- notamment suite à son départ en congé ma- taires, pour certains hauts gradés, qui fut très teur danse, théâtre et performance d’Emme- ternité, quand la structure s’est rendu compte Quelle est votre lecture du terme enrichissant de part et d’autre. Il a en effet trop. Elle est en poste depuis deux ans suite qu’il y avait eu besoin deux personnes pour la permis de rompre avec un certain nombre de à un stage en médiation ayant permis de tes- remplacer (elle s’occupait alors également des « médiation » ? clichés sur les jeunes, le rap, mais également, ter la pertinence de la création définitive de partenariats privés et du mécénat). Le poste de le concernant, sur certains corps de métiers de Selon Maud Gasset, dans le projet des Cui- son poste. Elle a vécu l’arrivée d’une équipe la seconde personne embauchée pour gérer l’armée. D’autres de ses actions peuvent éga- zines tel qu'il est pensé, la médiation relève de médiateurs ces deux dernières années. Au les partenariats privés a été pérennisé et elle lement par exemple réunir un public de jeunes d’une partie de l’action culturelle, qui com- quotidien, elle crée des outils, lit des dossiers a ainsi pu se consacrer pleinement aux actions avec des seniors. Pour lui, le médiateur joue ce prend les actions de médiations culturelles, les artistiques, convainc des artiste à mener des culturelles. Elle est diplômée d’une licence rôle d’intermédiaire, entre des publics qui soit ateliers de pratique et une dimension diffusion ateliers auxquels ils n’auraient pas forcément d’Histoire de l’art et d’une licence en Commu- ne s’entendent pas, soit ne communiquent pas, (concerts jeune public ou proposés à un public pensé, prospecte de nouveaux partenaires. nication culturelle et projet culturel. soit ne sont habituellement jamais réunis. spécifique, concerts hors les murs...). Les ac- Elle constate qu'elle passe beaucoup de temps tions de médiations peuvent consister en des derrière un ordinateur et finalement assez peu Pour Estelle Marie, ce premier tour de table Un chargé d’action culturelle d’une salle de visites du lieu et de découverte des métiers, directement avec les publics. illustre l’évolution des métiers et des diffé- musiques actuelles de région parisienne in- des rencontres avec des artistes programmés rentes formations liés à l’action culturelle. tervient pour revenir sur l’expression « malgré ou accompagnés… Il s’agit d’actions de sensi- Ottilia Sadot est chargée des actions cultu- Elle constate notamment que certains de ces soi » exprimée par deux des intervenants. Selon bilisation basées sur l’échange, mais pour les- relles et des partenaires institutionnels au Nor- postes regroupaient au préalable d’autres mis- lui, cela est sensé exprimé un « endroit où on quelles le public n’est pas forcément acteur en mandy, salle de musiques actuelles de Saint- sions que l’action culturelle : communication, ne serait pas si on avait le choix » or il a plutôt lui-même. Lô. D’abord stagiaire en 2013, puis en contrat production... L’action culturelle étant souvent le sentiment que les personnes présentes sont aidé, puis en CDI, elle a également vu son reléguée en seconde position dans l’intitu- justement venues à la médiation parce qu’elle Pour Yoshi Di Original, la médiation ne renvoie poste énormément évoluer au fil des ans. À ses lé. Cela a évolué ces dernières années, tout leur correspond, les enrichit, bien qu’elles ne pas au terme « média », mais au terme « inter- débuts, les actions culturelles n’existaient pas comme la durée de travail consacrée à l’ac- le prévoyaient pas initialement dans leur projet médiaire ». Elle consiste, selon lui, à créer du dans la structure, elle s’est donc emparée de la tion culturelle, qui tend aujourd’hui à devenir professionnel. Yoshi Di Original confirme cette lien entre des publics différents. Par exemple, question avec beaucoup de liberté. Le projet a une activité à temps plein. Elle interroge les remarque et note qu’il pourrait vivre de son en maison d’arrêt, ses interventions sont pro- émergé de la volonté d’un groupe de musique raisons de ces avancées : sont-elles relatives art sans assurer d’ateliers. Mais ils constituent posées dans une optique de réinsertion, pour qui en 1995 s’est emparé de la salle pour orga- à des envies d’évolutions internes aux projets aujourd’hui un plaisir et un besoin pour lui, en rapprocher les détenus du public extérieur. niser 5 concerts par an. D’année en année, les des structures ou à des influences politiques particulier du fait de se sentir utile à travers eux Cela passe notamment par une permission responsables du projet ont professionnalisé la extérieures ? L’évolution du cahier des charges ainsi que de s’enrichir lui-même humainement. de sortie exceptionnelle qui peut les préparer structure qui compte désormais 8 salariés dont SMAC n’est probablement pas la seule explica- à leur sortie définitive, favoriser leurs futurs trois à la technique. Les postes sont encore au- tion. Une participante interroge à son tour Yoshi Di rapports aux autres. C’est la même logique qui jourd’hui très polyvalents. Son poste a évolué Original. En tant que chargée d’action cultu- traverse les interventions en foyers d’accueil relle, il s’agit pour elle d’une question récurrente et d’hébergement pour mineurs (qu’il mène qu’elle a rarement l’occasion de poser, à savoir avec l’appui de la Protection Judiciaire de la si ses interventions nourrissent également son Jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance). Les art, son projet et son propos artistique. jeunes qu’il rencontre sont souvent en rupture dans leur rapport avec les adultes et l’auto- Pour le rappeur, cela change en effet beau- rité : policiers, professeurs ou juges qui leur coup le regard qu’il porte sur de nombreux tiennent des propos qu’ils peuvent percevoir sujets. Non pas sur les jeunes des banlieues comme dévalorisants. En tant qu’intervenant, puisqu’il en est lui-même issu, mais ses inter- il « a le beau rôle » lors de ces ateliers qui ont ventions infléchissent sa manière de voir le lieu chaque quinzaine et pour lesquels aucun monde, de réfléchir et donc sa musique di- jeune ne manque jamais à l’appel. Ces ateliers rectement. Il est parfois confronté à de jeunes les ouvrent vers l’extérieur. Ils ont pour but de adolescents aux parcours de vie très difficiles leur permettre de porter un regard différent et est impressionné par le propos qu’ils déve- sur les adultes, et inversement, de permettre loppent dans leurs textes. Il peut même parfois aux adultes qu’ils côtoient de porter un regard les trouver « plus intéressants que les siens ». différents sur eux lors des temps de restitu- Certains parviennent, avec des mots simples, tion (qui se déroulent en présence d’avocats, à exprimer beaucoup d’émotion sans avoir for- de juges, de représentants du ministère de la cément des techniques d’écriture ou de chant justice...), de ne plus être jugés uniquement très poussées. En général les premiers textes comme des délinquants et des « bons à rien ». créés sont fortement calqués sur le rap que les Yoshi Di Original illustre enfin son propos d’un jeunes écoutent eux-mêmes, très stéréotypés. dernier exemple d’atelier d’improvisation pro- Son travail consiste à les orienter vers des pro- posé à l’école militaire de Paris auprès de mili-

146 147 pos plus personnels, tirés de leur vécu. Cette vail au quotidien, consacré aux actions cultu- rie conclut en interrogeant les trois médiateur. un « repère de punks » et faire comprendre aux simplicité l’inspire aujourd’hui et l’a amené à relles, au sein desquelles ont lieu des instants rice.s d'Emmetrop sur les éventuelles diffé- habitants qu'il s'y passait des événements et faire évoluer son style de rap qui comprenait de médiation : visite du lieu, rencontre avec un rences de construction d'une médiation selon des actions très variées. D'un point de vue plus beaucoup de rimes, de multisyllabiques à ses artiste, accueil de groupes… Elle a tendance leurs approches respectives autour de la mu- général, contrairement à une peinture dans un débuts. Son travail auprès des jeunes a donc à s’entourer de médiateurs lorsqu’elle estime sique, de l'art contemporain et de la danse, du musée, les citoyens, notamment les enfants et directement influencé son écriture et son ap- qu’un sujet dépasse son champ de compé- théâtre et de la performance. les adolescents, ont accès tous les jours à la proche technique, l’a amené à une recherche tence, pour certains projets spécifiques. Pour musique. Un travail de médiation peut passer de plus d’efficacité, à épurer son style, à « reve- elle, ce rôle de médiation entre un artiste et le Pour Bruno Berthier (Emmetrop), la différence par un cours d'histoire de la musique, expliquer nir à la source », privilégier le message. public qu’il va recevoir est fondamental. est sans doute plus marquée avec l'art contem- ce qu'est une esthétique musicale, aborder des porain. En musique, le médiateur cherche à thèmes pour que le public s'interroge, se pose Eun Soo Kim (Emmetrop) reprend le tour de créer du lien entre un public et un artiste. En des questions. Développer l'esprit critique est parole des intervenants concernant leur lec- Les spécificités de la médiation en art contemporain, il s'agit plus d'un lien entre très important, notamment pour faire sortir le ture du terme « médiation ». Ayant peu d’expé- un public et l’œuvre d'un artiste. Il s'agit d'une public de sa position de consommateur. rience, elle ne s’est pas encore forgé une idée musiques actuelles construction un peu différente. Il existe plus précise de son travail de médiation. Elle désire de porosité entre les musiques actuelles et la Pour Estelle Marie, certains publics imaginent Estelle Marie poursuit l'atelier en proposant avant tout que le public soit accompagné dans danse et le théâtre. Néanmoins, lorsqu'ils re- en effet ne rien avoir à faire dans un lieu. Elle quelques constats et axes de réflexion. Elle re- son expérience (d’une exposition d’art contem- çoivent des groupes, ils essayent de coordon- témoigne d'une expérience avec un groupe de vient tout d'abord sur le terme de « médiateur. porain). La médiation constituerait presque ner leurs actions de médiation entre les trois collégiens à l'occasion d'un concert du groupe rice » au sens large, prenant pour illustration pour elle un prétexte de rencontre, pour faire secteurs, en divisant le groupe en trois parties de hip-hop Block13. Ce groupe de collégien les médiateurs en collège qui ont pour mis- connaissance avec le public. Pour mieux ac- et en essayant de trouver un lien temporel ou a découvert l'existence de la salle pendant sion, en appui auprès des Conseillers Princi- compagner ce public, il faut être à la fois dans une thématique commune. Un lieu avec une qu'elle collait des affiches du concert. Agréa- paux d’Éducation, de gérer les conflits entre l’écoute et dans l’action, absorber les ressentis telle transdisciplinarité est assez rare. C'est ex- blement surpris de la venue du groupe, ils ont élèves. La médiation consiste-t-elle à gérer pour rebondir ensuite. Il s’agit d’une perfor- ceptionnel de pouvoir ainsi se servir des expé- acheté des places, mais ignoraient totalement des conflits ? À changer l'image de personnes mance qui se nourrit au fur et à mesure de la riences de chacun pour construire les projets. la démarche à suivre par la suite. La médiation ? Existe-t-elle pour pallier un manque de com- réaction du public. Pour elle, une bonne média- a consisté à les accompagner pour des actions munication entre personnes ? Elle propose de tion se déroule « sans être vue », sans qu’il y ait extrêmement simples, franchir les portes de la s'intéresser à la notion « d'intention » en média- Quelle place occupe la médiation dans de cadre posé. salle, faire composter leurs billets… Mais elle tion. Comment est-elle envisagée dans l'action ce secteur des musiques actuelles, au constate que cette médiation n'induit pas de culturelle ? Il existe, selon elle, deux intentions regard notamment de la place assez Pour Bruno Berthier (Emmetrop), la médiation fait que la relation va se pérenniser. Le jeune possibles dans la médiation : proposer une centrale de la musique au cœur du quo- consiste en la création de liens avec le public, peut franchir les portes de la salle cette seule médiation DE quelque chose et proposer une elle s’appuie sur la rencontre. C’est cette ren- tidien de tous ? Est-elle une nécessité ? et unique fois parce que l'artiste qui lui parle. médiation PAR quelque chose. Concernant la contre avec les individus qui composent un pu- première intention, on utilise la médiation pour blic qu’il trouve particulièrement intéressante. Pour Maud Gasset (les Cuizines), la médiation Une chargée d’accompagnement et des actions apporter des clés de lecture d'une œuvre, d'un Chaque individu, chaque retour, est singulier et est un outil. Le but de l'action culturelle en gé- culturelles d'une seconde salle de région pari- genre musical. Concernant la seconde, la mu- nécessite d’adapter le message, la manière dont néral est de donner des clés de compréhension sienne apporte un nouveau témoignage autour sique est utilisée comme outil, en permettant il est transmis. La médiation est un échange à des publics très divers, qu'ils soient habitués du groupe Block 13, alors en résidence de créa- par exemple à des jeunes de s'exprimer grâce horizontal, la transmission de connaissances aux musiques actuelles ou non, et de dévelop- tion dans sa structure. Une première action de à des ateliers d'écriture. Elle revient également d’une part, mais aussi la réception d’a priori, de per ainsi leur esprit critique afin qu'ils com- médiation a tout d'abord été nécessaire avec le sur la notion de « descendant » en médiation. différentes manières de percevoir une œuvre, prennent mieux ce qu'ils écoutent, parfois au groupe lui-même, qui ne comprenait pas l'inté- En milieu universitaire, la définition de la mé- qui permettent au médiateur d’adapter son dis- quotidien. Cela passe par des rencontres avec rêt de cette résidence. Un centre social l'a éga- diation est la suivante : un « ensemble d'ac- cours et de transmettre sa passion. des professionnels et des artistes des musiques lement sollicitée pour organiser une rencontre tions visant à mettre en relation un individu ou actuelles. L'objectif plus général est de mieux entre ses usagers et le groupe. Elle a eu lieu un groupe avec une proposition culturelle ou Céline Gouverne (Emmetrop), envisage la mé- comprendre le monde dans lequel on évolue. dans la difficulté, les animateurs n'étant pas artistique afin de favoriser son appréhension, diation comme « un pas de côté ». Pour elle, La musique est extrêmement diffusée, elle est restés pour aider à la médiation et les membres sa connaissance et son appréciation ». Dans le·la médiateur·rice parlera différemment de partout, mais finalement parfois plus subie que du groupe tenant des propos extrêmement cette définition, la médiation est appréhender l’œuvre, selon l’angle d’attaque qui sera adopté. choisie. caricaturaux, sur l'argent et leur « nombre de du point de vue « médiation de ». Mais celle-ci La médiation est multiple, elle est un immense vues sur Youtube ». Les jeunes participant à la n'est-elle pas également un prétexte pour l'ac- terrain de jeu, dans lequel il faut constamment Ottilia Sadot (le Normandy) précise que le pu- rencontre n'ont pas compris la démarche, ont tion ? La médiation en musiques actuelles est se réinventer, créer avec le public, les parte- blic auquel le médiateur s'adresse ne va pas perçu la présence du groupe comme une occa- assez récente. Tous les intervenants semblent naires, les artistes et l’œuvre. Elle est séduite forcément penser qu'il en a besoin. Elle té- sion unique, décalée de la réalité quotidienne l'appréhender du point de vue d'un rapport par l’idée exprimée par Eun Soo Kim du pré- moigne par exemple qu'au Normandy il existait du lieu. Aucun lien pérenne n'a pu être créé. horizontal plutôt que descendant, basé sur le texte de la rencontre. un marqueur historique fort, du fait de l'ouver- partage. Néanmoins, une logique descendante ture du lieu par des musiciens. Un important peut persister malgré soi, les actions étant Ottilia Sadot (Normandy) témoigne de son tra- travail pédagogique a donc été nécessaire pour souvent construites « à la carte ». Estelle Ma- que la salle ne soit pas vue uniquement comme La place de l'artiste musicien dans 148 149 la médiation ment, mais au bout d'un moment ils veulent Pour lui, il faut au préalable les interroger sur dans le projet global du lieu ? jouer le match ! ». Selon lui, malheureusement les thèmes généraux qui leur importent puis Pour Estelle Marie, ce dernier témoignage pose les structures abordent trop souvent un artiste identifier les œuvres, les artistes qui parlent de Céline Gouverne et Bruno Berthier répondent la question de la volonté des artistes interve- avec un projet prédéfini. Il fait le constat du ces thèmes-là. pour Emmetrop. Cela dépend directement de nants à participer à des actions de médiation. peu d'horizontalité malgré ce qui a été évoqué la nature des projets. Certains vont être initiés Certains n'y portent pas d'intérêt, seule leur et que le rapport entre structure et intervenant Des contraintes liées aux cadres directement par eux, ils vont en rédiger la tota- pratique artistique leur importe. C'est un choix ressemble plus à une commande. Mais cela est institutionnels et budgétaires… Et lité, en lien avec l'artiste qui supporte l'action tout à fait légitime, mais qui questionne quant également du fait des artistes qui ne sollicitent et la/les structure(s) partenaire(s). Les projets à la responsabilité des professionnels de la pas non plus les structures pour monter des à l'intégration de la médiation dans peuvent également émaner d'une demande de médiation à approcher des artistes potentielle- projets en commun. À titre personnel, il n'en les projets des lieux la structure, pour travailler avec un acteur de ment impliqués. Elle interroge Yoshi Di Origi- trouve pas le temps, ayant déjà beaucoup de proximité du territoire par exemple. En général nal sur la manière dont il est approché par les demandes… Il aimerait par exemple monter Estelle Marie rebondit sur la réaction précé- ces derniers concerneront des petites formes structures pour ses interventions. des projets mêlant les générations, autour du dente en dissociant l'utopie de la réalité de la de médiations, de sensibilisation, pour décou- lien seniors / jeunes par exemple, comme cela médiation. La charge de travail inhérente à la vrir le lieu et ses activités, qui ressembleront Il répond qu'en règle générale, ce sont les se fait beaucoup dans le graffiti ; ou encore des rédaction des dossiers de subventions, appels donc plus à une forme de prestation. structures (MJC, salles de concert, lycées.) qui projets parents / enfants. à projets, et les délais souvent très courts de le contactent directement pour mettre en place dépôt des candidatures, ne laissent pas beau- Ottilia Sadot (Normandy) différencie pour sa des ateliers. Ils définissent ensemble le nombre Estelle Marie et Maud Gasset, confirment l'im- coup de temps pour la concertation. Les ar- structure les dispositifs internes et les réponses d'heures, la période, mais il est très rarement portance de coconstruire les projets avec les tistes, quant à eux, n'ont pas toujours une lisibi- à des appels à projets. Elle s'estime chanceuse au départ de la création du projet. Il essaye artistes, comme avec les autres partenaires et lité à plusieurs mois sur leur activité. d'avoir un directeur qui prend l'action culturelle tout de même de faire bénéficier le comman- les publics. très au sérieux et la met au même niveau que les ditaire de son expérience. Par exemple, lorsque Pour une participante à l'atelier, le problème autres missions de la salle telles que l'accom- les dates d'intervention sont trop espacées, il Un participant réagit en précisant que selon dépasse même la question du calendrier. Il y a pagnement ou la diffusion. Elle ne dispose pas propose d'en réduire les écarts pour assurer lui, le médiateur a pour mission d'encourager une quinzaine d'années, une structure pouvait pour autant d'une ligne budgétaire formalisée. un meilleur suivi, afin que la progression soit la curiosité, mais cela doit en effet fonctionner mobiliser des financements en proposant ses Mais ses propositions sont systématiquement plus rapide. Il lui arrive parfois d'imposer ses dans les deux sens. Le médiateur doit aussi propres idées de projets et leurs publics cibles. validées. Elle témoigne en exemple d'un projet règles, comme pousser à la réalisation d'une être curieux de son public. Il témoigne de son Aujourd'hui, la majorité des financements dé- en cours de réalisation, centré sur le triptyque restitution ou d'un enregistrement pour qu'une contexte de travail, au milieu d'une cité. La si- diés à l'action culturelle entre dans les cadres culture, santé et lien intergénérationnel, avec finalité existe pour les participants. « C'est tuation socio-économique des personnes aux- restreints d'appels à projets. La plupart des un EPHAD, la classe jazz de musiques actuelles comme en sport. Les jeunes vont à l'entraîne- quelles il s'adresse influe sur ses propositions. salles labellisées SMAC n'ayant pas un budget de l'école de musique de Saint-Lô et des élèves dédié très élevé, elles doivent passer par ces de lycée. Le budget de cette action (15 000 €) appels à projets pour développer de l'action est assez conséquent. Pour autant, elle a l'as- culturelle. Cette obligation de répondre à un surance de la part de sa direction que le projet cahier des charges est très contraignante. Type sera validé et financé même en cas de non-ob- de structure partenaire, type d'établissement, tention de la subvention de la DRAC en cours nombre de classes, budget… sont imposés. de demande. La nature des projets dépend L'appel à projets fixe les conditions de réalisa- des opportunités, la plupart étant associés tion du projet, les besoins sont préconçus et aux groupes accompagnés. La participation généralisés au lieu d'être identifiés directement à des actions culturelles est un critère inscrit sur le terrain. dans les conventions d'accompagnement. Un groupe accompagné doit adhérer pleinement Eun Soo Kim témoigne d'une réponse à un ap- au projet artistique et culturel de la structure et pel à projets construite dans cette idée d'adap- l'action culturelle en fait partie intégrante. En tation aux réalités du terrain. Au moment du revanche, il n'y a pas d'idées préconçues des rendu du dossier de subvention, seules des po- formes d'action. Celles-ci vont être construites tentialités étaient exprimées. Le public ciblé, la avec le groupe, en fonction de ses envies et de nature des actions, les notions abordées, ont ses compétences, afin de ne pas le mettre en été fixés et ont évolué au fur et à mesure du difficulté. Le type d'action est en revanche limi- déroulement du projet. Elle affirme donc qu'il té par le bâti. Enfin, en réponse aux précédents est possible, si le dossier est bien construit, de échanges, Ottilia Sadot estime important de garder cette liberté d'action. rentrer dans les dispositifs régionaux ne se- rait-ce que pour des questions de visibilité, par exemple lors de la présentation du bilan d'ac- Quelle est la place de la médiation tivité aux partenaires financiers. Un partenaire

150 151 dont le dispositif n'aura pas été mobilisé par ments sur trois ans, permet de réajuster chaque la structure pourra penser que rien n'est fait année le projet avec les artistes intervenants et en termes d'action culturelle. Elle développe, les établissements scolaires. le cas échéant, d'autres stratégies auprès de partenaires afin de s'assurer cette visibilité en nouant par exemple des liens avec les respon- sables musiques actuelles des collectivités et La médiation comme vecteur en les invitant à des temps de restitution. Elle d'émancipation leur propose d'assister directement aux actions mises en œuvre ou leur envoie mensuellement Une participante propose à l'assemblée un pas une newsletter spécifique à l'action culturelle de côté dans la réflexion. Selon elle, ressort des aux partenaires publiques. échanges l'idée unanime que l'action culturelle permet de donner des clés de compréhension Une participante fait le constat plus général de et d'expression aux publics. Ce raisonnement réelles avancées concernant les créations de positionne l'art, l'action artistique, selon un postes de chargé.e.s d'action culturelle. Elle angle purement rationnel. Or, il convient se- observe en revanche l'existence encore très li- lon elle de prendre également en compte ses mitée de lignes budgétaires dédiées à l'action dimensions émotionnelles et affectives. L'ob- culturelle au sein des projets des structures. jectif des métiers de la médiation est aussi de Or, selon elle, les appels à projets ont leurs li- faciliter la liberté de parole, l'expression de mites, de plus en plus de structures différentes ressentis. Il faut assumer que dans un moment déposent les mêmes demandes et les budgets privilégié de rencontre avec un artiste, se tisse des financeurs n'augmentent pas. Un rééqui- un lien de l'ordre de l'affectif, touchant à la librage au sein même des budgets des struc- construction de l’identité des personnes, quel tures finira par devenir nécessaire. que soit leur âge. Il ne faut pas négliger cette l'appropriation de la salle, de son univers, de à la médiation. Ils apprennent à être artistes part que l'on maîtrise finalement peu. ses métiers et peut donner l'envie de s'investir musiciens ou professeurs. Mais il existe peu de Concernant les appels à projets, Estelle Ma- de façon citoyenne. ponts entre ces deux métiers. rie pondère en citant la création de nouveaux Estelle Marie abonde en ce sens en prenant dispositifs tels que les Conventions Régionales pour exemple une action à destination de dé- Une chargée d'action culturelle et d'accom- d’Éducation Artistique et Culturelle. En Île- tenus. Les raccompagner à la maison d'arrêt, Quelle formation, quel accompa- pagnement participant à l'atelier propose un de-France, la première édition a été lancée en après une soirée passée sur scène et auprès de gnement et quel cadre d'interven- témoignage plus poussé de l'organisation de 2018. Il s'agit d'un appel à projets sur trois ans leurs familles, moment intense émotionnelle- son activité. Elle assure conjointement des complémentaires des autres appels à projets ment, génère en effet une importante charge tion pour les artistes intervenants ? missions d'accompagnement, d'action cultu- annuels, pour lesquels de nouveaux fonds fi- affective. Cela nécessite une prise de recul qui relle et ponctuellement de programmation. nanciers ont été mobilisés. Le délai de réponse n'est pas toujours évidente. Estelle Marie réoriente la discussion autour Elle fréquente au quotidien les artistes en créa- demeure en revanche très problématique : de la question des artistes intervenants. Elle tion au sein de sa structure, en résidence ou une quinzaine de jours à partir du lancement Maud Gasset (Les Cuizines) évoque égale- cite la création récente par l'association Ze- dans les studios de répétition. Du fait de cette pour rédiger un projet sur 3 ans disposant d'un ment la dimension « lieu de vie » d'une salle brock d'une « Formation à la médiation musi- proximité, les musiciens qui sont en demande budget de 25000 €. Répondre au cahier des de musiques actuelles. Certains individus fré- cale » à destination des artistes et d'une option de développer un travail d'action culturelle ou charges dans les délais était presque irréaliste : quentent un lieu tôt dans leur vie et régulière- « conception d'action culturelle pour les musi- en direction du jeune public la sollicitent assez identifier trois professeurs et deux classes, ment jusqu'à l'âge adulte. Cette fréquentation ciens musiques actuelles » par le conservatoire naturellement. Dans leur parcours d'accompa- dans trois établissements différents et des in- régulière génère pour eux du lien social et de Cergy. Ce type de formations, longues ou gnement, la plupart de ces musiciens assistent tervenants pour 30 heures d'ateliers dès l'année participe à leur construction de soi. Des jeunes courtes, autour de la médiation culturelle, se à des restitutions d'actions culturelles. Ils com- suivante… Une participante rappelle que seuls lui témoignent parfois de l'importance du lieu développe aujourd'hui. Ce constat reflète peut- prennent alors que les conditions d'accueil, deux lieux labellisés SMAC ont réussi à obtenir dans leur parcours de vie, des amitiés qui y être un changement dans la vision de la place les moyens techniques dédiés sont les mêmes l'appel à projets en Île-de-France. Celui-ci n'est sont nées, de la découverte de leurs premières des intervenants dans les projets, sortis d'un que pour un concert classique. Ils sont ainsi pas spécifiquement fléché musiques actuelles soirées festives. Il est ici aussi indirectement rôle purement de prestataires. mis en confiance. Par ailleurs, concernant sa et est plus adapté à d’autres esthétiques telles question de médiation. Elle pense que de telles relation avec les partenaires, notamment les que le théâtre. Il demeure très chronophage, structures doivent rester des lieux de vie, ou- Une musicienne en voie de professionnalisa- établissements scolaires, elle s'est emparée pour le.la chargé.e d'action culturelle, comme verts, qui contribuent à l'émancipation des per- tion participant à l'atelier insiste sur l'intérêt des directives mises en place autour de l’Édu- pour les professeurs concernés et génère un sonnes, à la recherche de ses propres moyens des exemples de Yoshi Di Original, très inves- cation Artistique et Culturelle par le ministère programme très chargé pour les élèves. Une d'expression. Le bénévolat est également un ti dans ses projets d'ateliers ou du Normandy de la Culture en montant des commissions de autre participante rappelle néanmoins un as- très bon vecteur de médiation, notamment dont les groupes accompagnés sont impliqués pilotage avec les acteurs culturels de la ville et pect positif : le dispositif, assurant des finance- chez les jeunes. Il joue un rôle essentiel dans dans l'action culturelle. Selon elle, les artistes des alentours. Elle propose désormais au sein sont malheureusement assez peu sensibilisés 152 153 de ces commissions les artistes accompagnés naît la grande complexité de ce système et l'ur- pédagogue ou animateur. Il évoque enfin éga- par sa structure. Ce mode d'organisation fonc- gente nécessité de le simplifier. lement comme piste à creuser un système de Des participants pointent en réaction les li- tionne très bien et permet de coconstruire les compagnonnage où un artiste néophyte serait mites à vouloir intégrer systématiquement de actions avec les artistes et les professeurs ré- (À Yoshi Di Original) Sa première propo- accompagné pour ses premiers ateliers d'un l'action culturelle dans les dispositifs d'accom- férents. sition d'atelier était-elle une commande autre artiste plus expérimenté. pagnement. Les artistes accompagnés ne sont Une participante aborde la question pratique d'une structure ? A-t-il été et/ou souhai- Pour Maud Gasset, il en va également du rôle pas nécessairement motivés ou compétents de la rémunération des artistes intervenants du.de la chargé.e d'action culturelle d'être en pour cela. Il est important de bien identifier tait-il être accompagné dans sa mise en dont l'activité principale demeure la création capacité d'accompagner les artistes interve- avec eux en amont le type de projet dans lequel et la diffusion et pour laquelle ils bénéficient place ? nants. Elle témoigne ainsi d'une situation avec ils pourront se sentir à l'aise et de leur laisser donc de l'intermittence. Il leur est en revanche Yoshi Di Original, dans le cadre d'un projet le choix. Le but n'est pas de les « envoyer au interdit de percevoir des cachets pour leurs in- Selon l'intéressé, lors de ses premières sollici- avec de jeunes sous main de justice d'une Unité casse-pipe ». Une mauvaise anticipation peut terventions. tations, il manquait clairement d'expérience et d'Accueil de Jour. Parmi les 8 jeunes concer- générer des situations fortement pénalisantes, de formation. Il avait heureusement pu trouver nés, deux posaient d'importants problèmes autant pour les artistes, que le public, les lieux, Yoshi Di Original fait part des solutions qu'il des idées et méthodes auprès du collectif de comportementaux ne permettant pas aux ate- les partenaires... emploie. Il s'appuie généralement sur des as- slameurs 129H, à l'origine de la rédaction d'un liers de se dérouler dans de bonnes conditions. sociations qui facturent ses prestations puis le petit manuel dédié à l'organisation d'ateliers Elle s'est donc positionnée en tant que média- En conclusion, Estelle Marie insiste ainsi sur la rémunèrent par la suite sous forme de cachets slam. C'est grâce à ce manuel qu'il a pu se trice auprès des éducateurs responsables des nécessité, idéalement, de coconstruire les ac- de répétition. Il exploite également la possi- lancer. Mais seule l'expérience lui a permis de jeunes afin de trouver avec eux les solutions tions avec les artistes intervenants, les parte- bilité de demander un cachet lorsqu'une res- s'améliorer et de préciser peu à peu ses inter- pour que les ateliers puissent se faire. Cette naires et les médiateurs, afin d'y apporter un titution est organisée. Pour lui cela « reste du ventions. Il n'a pas bénéficié d'un accompagne- posture de médiation entre artistes et public contenu le plus adapté, dynamique et cohérent bricolage »... ment par la première structure l'ayant sollicité, ou artistes et partenaires est parfois nécessaire possible. mais n'en a pas non plus fait la demande… Il lorsque les artistes se retrouvent en difficulté. Une participante rappelle qu'un intermittent a s'appuie aujourd'hui sur son expérience pour le droit d'intégrer 50 heures hors cachets dans encourager, transmettre des techniques à son intermittence. Il s'agit effectivement de la d'autres artistes qui souhaiteraient se lancer seule solution qui existe à l'heure actuelle en dans l'animation d'ateliers. Il trouve égale- complément des éventuels cachets liés à des ment pertinent le développement de forma- restitutions. Aux artistes de définir l'organisa- tions courtes sur cette thématique. En effet, tion la plus intéressante pour eux par rapport un artiste peut être doué dans sa pratique de au montage du budget de l'action. Elle recon- création, cela n'induit pas d'office qu'il soit bon

154 155 Introduction En tant qu’animateur l’objectif est de bien Techniques d’animation, gestion préparer la réunion, et parfois on ne sait pas L'objectif de l'atelier est de réfléchir collective- comment le faire, comment établir un ordre ment à la manière améliorer nos pratiques en du jour, les sujets que l’on doit aborder, et pas de réunion, process de prise de termes de gestion et d’animation de réunions seulement de manière individuelle. Il faut sol- et faciliter les prises de décisions. liciter chaque personne qui pourra amener une contribution pour préparer ce qui sera débat- L'atelier s'est déroulé en trois étapes : décisions... Comment aller vers • tu, transmis, informé. Cela demande donc du • Temps de présentation de chacun temps en amont, parfois plus que la réunion plus de responsabilité collective et • Témoignages et expériences elle-même. L’animateur doit définir les conte- Techniques et pistes d’amélioration nus, le déroulé au préalable, le temps consacré • à chaque sujet, la décision, la réflexion sera de participation ? déjà dans les esprits, l’impératif étant de quali- fier la typologie des sujets. Quel est votre état d’esprit vis à vis de la technique d’animation « La Mercredi 3 juillet | 16h30-18h30 Grande loge météo ». Est-ce que vous l’utilisez En amont comment se projeter dans dans la gouvernance partagée ? la réunion (préparation de l’ordre du jour, choix des sujets traités…) ? « On s’est dit quoi déjà à la dernière réunion d’équipe ? Mais pourquoi encore une Les avis sont partagés. Pour beaucoup de par- réunion production ? Tu crois que ça va durer longtemps ce temps de travail ? ». Si vous ticipants les réunions commencent toujours La plupart du temps les participants reçoivent vous êtes déjà posé une de ces questions, n’hésitez pas à participer à cet atelier ! par un temps « hors mots » ; n’importe qui de un mail dans lequel est donné l’ordre du jour en l’équipe propose une mise en mouvement du Dans un premier temps, nous partagerons les difficultés rencontrées dans l’art de mener amont de la réunion. Si le mail est purement in- corps (claquer dans ses mains par exemple) un temps de réflexion et de travail collectif. Nous évoquerons ensuite différents outils et formatif il n’y a d’ailleurs pas toujours nécessité puis un tour de table est lancé selon la méthode à faire cette réunion. Dans beaucoup d’équipes méthodes permettant de mener ces réunions permettant d’éviter ces principaux écueils. « météo » qui permet de partager son état d’es- Mais au-delà de l’outillage, il s’agit bien de questionner plus largement l’animation de les mails ne sont pas lus, il y a parfois nécessité prit du moment. à le redire à l’oral. dynamiques collectives. Toutefois pour d’autres, l’outil n’est pas adapté, La préparation est différente selon le public va trop loin dans le ressenti et la personnalité auquel on s’adresse : réunion de gouvernance, Avec... de celles et ceux qui ne se sentent pas à l’aise. d’équipe, de bénévoles, etc. L’envoi des sujets Ce temps peut également être trop long d’où par mail est vécu comme une perte de temps RACHEL CORDIER la difficulté de l’intégrer dans un temps de réu- car il n’est pas toujours lu. Directrice de « CO » nion souvent très long. (Nouvelle-Aquitaine) Communiquer ce n’est pas forcément informer. Parfois il s’agit de terminer la réunion, à Mettre un ordre du jour, c’est unilatéral, or pour l’exemple de la Fraca-MA, par un point « ça va ? s’approprier un sujet les personnes doivent ça ne va pas ? » pour permettre à ceux qui le avoir lu l’information au préalable. Redonner souhaitent de prendre la parole et d’exprimer une information permet aussi une connexion son ressenti. entre l’animateur et les participants à la réu- Animé par... nion. Le principe de la « météo » doit rester très SÉBASTIEN CORNU court, on ne se répond pas, on utilise de pré- Parfois, ce qui n’aboutit pas dans les réunions Consultant culturel férence une métaphore, donc une image sans c’est le processus, on veut rajouter de la sécuri- (CAE Mosaïque à Volx) mettre de mot. C’est une technique très utilisée té, de la transmission d’information, ce qui peut en gouvernance partagée. sembler du temps perdu.

L’informatif s’organise, ce n’est pas forcément Les règles en matière d’animation à une seule personne d’animer la réunion. Ça peut être très ennuyeux et le temps d’attention Elles sont importantes pour structurer une ré- est limité. Cela peut devenir contre-productif, union, en particulier pour déterminer les rôles l’information essentielle n’est pas retenue. de chaque participant. Il faut en particulier prendre en compte le 156 157 type de sujet, même s’il ne concerne pas tout bimensuels, ils sont différents d’une structure perdre la qualité de l’information qui sera Dans l’accompagnement d’une structure, d’une le monde, il faut l’accepter. Le jeu du collectif à l’autre et en fonction du sujet, de l’effectif de transmise. Les commissions thématiques sont équipe, les règles de vie du groupe sont tra- c’est de prendre patience. l’équipe, de la géographie du lieu, de l’activité. intéressantes mais il faut en amont définir les vaillées en premier. C’est d’autant plus impor- Quand on est dans le même bureau c’est assez orientations, et savoir par ailleurs définir les tant, que lorsque un point, une décision, une À travers l’exemple des réunions de production facile de se parler sans avoir besoin de faire une objectifs : informations, décisions… organisation, sont refusés par le groupe, cela qui peuvent être longues et ennuyeuses, on se réunion. Mais on a besoin d’adapter en fonction veut souvent dire que le groupe refuse d’être rend compte que le sujet ne va pas concerner de l’activité. La régularité par des réunions heb- ensemble. tout le monde. Lorsque certains salariés consi- domadaires est plus facile pour la personne qui Et l’accompagnement vous y pen- La maturité du groupe arrive après avoir sur- dèrent qu'il y a trop de réunions, une organisa- s’en occupe. En effet la régularité est quelque monté le désaccord. L’intervention extérieure, tion par secteurs avant la réunion d’équipe peut chose que l’on questionne assez peu. sez ? la médiation, est alors nécessaire. être envisagée. À l’Antipode, par exemple, la direction organise des « temps flash », debout, À certaine période, il est nécessaire de se la transmission de l’info est très courte et déca- voir toutes les semaines, mais on également lée du temps de réunion tous ensemble autour peut considérer qu’à d’autres moments il est de la table. possible de casser ce rythme. En équipe, de mauvaises habitudes peuvent avoir tendance à s’installer et, pour autant, on peut vite laisser Comment faut-il répartir les rôles ? faire et ne pas vouloir perdre du temps pour en gagner ensuite. Sur ces questions, l'Univesité du Nous propose un MOOC sur la gouvernance partagée. Comment prendre une décision ? La répartition des rôles est souhaitable, car Comment animer un temps de dé- c’est souvent la même personne qui gère l’ordre du jour, le temps, la prise de parole, bat ? l’animation. Savoir à quoi sert ce temps : pour L’organisation semble assez identique pour les débattre, prendre une décision. participants : débat, dernier tour de table et acte, compte rendu. Après une décision prise Il peut y avoir simplement un facilitateur qui est on peut aussi requestionner pour savoir si tout juste sur le processus, sur la méthode. le monde est d’accord. Ce qui parfois peut faire apparaître des avis divergents et soulever le Certaines structure vont très loin dans la dis- fait que dans l’argumentation tout le monde ne tribution des rôles, chacun est animateur à prend la parole de la même façon. tour de rôle. Avant tout il faut poser des règles (heures d’arrivée, prise de parole), ce qui per- Plusieurs sujets sont proposés et les personnes met à un nouvel arrivant de rappeler les règles, choisissent par ordre de priorité. Puis s’ins- la posture, de le dire pour l’identité du groupe. taure la discussion avec un temps donné pour Les zones de confort ont été écrites. Il faut les chaque sujet. Cette technique marche bien en redire. Ne pas se couper la parole est une règle assemblée générale ou dans un petit groupe importante. spécifique (par exemple entre musiciens). On débouche sur des choses concrètes, sans perte Concernant le temps de parole, le bâton de pa- de temps. Cela ressemble un peu à un World role peut fonctionner. Café. Par défaut c’est le président ou la présidente Les réunions sont parfois longues, sans pauses qui anime et qui tranche. Les équipes ne voient et on se retrouve avec des problèmes d’atten- pas toujours l’utilité des réunions et pourtant le tion, il y a sans cesse du mouvement. Il faut métier l’impose. être attentif aux autres, interroger chacun sur sa zone de confort. Parfois il peut être bon de En ce qui concerne la prise de décisions, cer- laisser digresser pour rebooster l’attention. taines équipes travaillent sous forme de com- C'est également positif en termes de sociabili- missions en lien direct avec le conseil d’admi- té, pour se créer une histoire commune. nistration. Le lien est plus court et les prises de décision rapides. A ce stade un effort de Les moments de réunion sont hebdomadaires, brièveté est indispensable à tous niveaux sans 158 159 Retours d'expériences passées tants s'interrogent sur le niveau d'implication : 2020 : quels enjeux autour des à l'occasion des élections muni- faut-il agir à titre personnel ou au nom d'une or- ganisation ? Ils font en effet le constat des dif- cipales de 2014 ou dans d'autres ficultés à ce que des personnes morales s'en- élections municipales pour nos contextes gagent dans ce genre d'initiatives. L'un d'eux pose la question de la mobilisation directe des Différents participants ont fait part d'expé- musiciens qui bénéficieraient probablement projets ? riences vécues ou dont ils ont été témoins à d'une meilleure audience pour porter un cer- l'occasion des dernières élections municipales. tain nombre de sujets.

Un participant témoigne avoir été sollicité en Jeudi 4 juillet | 10h00-12h30 Nadir Concernant cette mobilisation des musiciens, amont des dernières élections municipales une représentante de Live DMA2 (réseau eu- par le président d'une association culturelle, ropéen de lieux et festivals) fait part d'une proche conseiller d'un maire sortant dans le campagne menée par le réseau lors des der- Les projets que nous portons sont intimement liés aux territoires sur lesquels ils sont cadre de sa campagne. On lui a proposé d'ani- nières élections européennes. L'objectif était installés. Ces liens s’expriment aussi dans la relation avec les collectivités territoriales, mer les discussions autour du programme de démontrer à l'échelle européenne l'intérêt et notamment avec les villes. En mars 2020, nous ferons face à de nouvelles élections culturel du candidat. Ce dernier n'ayant fina- de l'existence de lieux de musiques actuelles lement pas été élu, ce participant fait part du sur les territoires et d'expliquer leurs fonction- municipales. Selon les résultats, des partenariats pourraient être revus, d’autres regret de s'être impliqué dans cette initiative. nements. Ils ont sollicité des musicien.ne.s ex- bouger complètement. Afin d’anticiper au mieux ces élections, des actions communes périmenté.e.s pour jouer le rôle de parrains et pourraient être envisagées, visant à faire comprendre aux candidats les enjeux liés à la Un autre participant évoque sa participation marraines de l'opération, en répondant à des présence des projets musiques actuelles sur les territoires. Cet atelier sera l’occasion à des réunions publiques organisées par dif- questions simples. Ces réponses ont servi de d’entamer, ensemble, une réflexion : comment, ensemble, concerner les candidats au férentes listes électorales au moment des base lors de discussions à Bruxelles pendant mieux sur les sujets des lieux et projets de musiques actuelles ? dernières élections de sa municipalité. Les lesquelles ils communiquaient également sur le interventions, débats à l'occasion de ses réu- réseau européen et ses valeurs. Lors de la mise nions étaient assez libres, l'ordre du jour et le en ligne de la page « What artists say »3 sur leur contenu ajustés en fonction des personnes pré- site Internet, les connexions ont explosé. Et les sentes, c'est pourquoi il a trouvé intéressant d'y adhérents ont pu se servir de ces témoignages participer. Cela changeait pour lui des discours au sein de leurs pays pour échanger avec leurs Animé par... descendants habituels. propres élus. THIERRY MÉNAGER Des membres du RIF (Réseau des Musiques Un participant fait part d'une rencontre à Directeur de l’Antipode MJC Actuelles en Île-de-France) présentent la cam- Rennes lors des dernières élections où des di- (Rennes) pagne menée par la structure en 2014, intitu- recteur.rices de structures culturelles ont été lée « Plus de musique dans nos villes »1. Cette invité.e.s en tant que citoyen.ne.s à partager campagne de communication visait à mettre en leur parole. Au final chacun n'a bénéficié que avant les musiques actuelles dans la ville sous de cinq minutes de prise de parole et s'en est toutes leurs formes en amont des élections suivi un débat d'une demie-heure. « Il ne pou- municipales. Ils ont le sentiment d'un mes- La parole au cours de cet atelier ayant été exprimée très librement, nous avons tenté, dans cette vait pas s'y dire grand-chose », constate le té- sage au final plutôt inaudible, récupérable par restitution, de synthétiser les propos et de les regrouper en grandes thématiques sans forcément moin. La construction d'un grand équipement n'importe quel parti politique, dont la dimen- suivre strictement la chronologie des échanges. de type « arena » était notamment annoncée sion « grand public », citoyenne n'a pas fonc- dans le programme de la liste candidate à l'ini- tionné. La campagne a souffert d'un manque tiative de l'invitation. Celle-ci désormais élue, de moyens et de relais et d'une incapacité à le projet va voir le jour bien que l'ensemble des mobiliser en local. En revanche, elle a été un structures culturelles ayant participé à la ren- support intéressant pour le travail de réseau. contre se soient positionnées contre. Elle a permis à certains adhérents de nouer ou renouer des relations avec leurs collectivités de Le Collectif des Associations Citoyennes est proximité. Grâce à cette campagne, le RIF et évoqué dans les discussions. Celui-ci avait ses adhérents ont pu rencontrer les principales mené en 2014 une campagne à travers notam- listes de différentes communes et des groupes ment la diffusion d'un communiqué intitulé « politiques les ont sollicités pour qu'ils inter- Nous refusons le désastre social qui s’annonce viennent lors de réunions internes. Les discu- 2 - http://www.live-dma.eu/ 1 - http://www.plusdemusique.fr/ 3 - http://www.live-dma.eu/what-artists-say/ 160 161 : l'avenir ne se construira pas sans les associa- tant que membres d'une fédération nationale, il être perçues par eux uniquement comme un ou qu'il s'engage, s'inscrit dans le champ d'une tions citoyennes ! ». Pour les participants, cette est à la fois possible de porter des enjeux loca- service de la ville. Le Jardin Moderne a été légitimité associative dont certain.e.s se font le initiative était intéressante, car elle permettait lement et sur plusieurs autres échelles de ter- sollicité pour de la mise à disposition de salles porte-voix. Sans pour autant remettre en cause de réaffirmer le rôle des associations et de ritoires. Il y a pour eux un intérêt à penser une de réunion, ou d'une photocopieuse ». Il s'agit la légitimité et la pertinence des espaces colla- pointer les manques suite à leur potentielle dis- stratégie collective sur le moyen terme, comme clairement selon lui d'un moment politique plus boratifs et fédératifs, le participant précédent parition. Mais certains estiment que le propos a su le faire par exemple le mouvement Alter- fort qu'une rencontre bilatérale avec un candi- maintient l'utilité dans certains cadres d'un demeurait quelque peu autocentré. natiba, émanant directement du terrain et dont dat à l'aune d'une élection. dépassement de fonction, d'un engagement la Fédération Nationale des Arts de la Rue a su personnel. Enfin, un dernier témoignage d'une représen- s'emparer pour agir à des échelles de territoire. Enfin, la question est posée d'organiser ces tante de la MJC de Palaiseau fait part de la te- temps de travail et de négociation et de formu- nue, lors des dernières élections municipales, D'autres se demandent si les campagnes ler des propositions plutôt juste après les élec- Les Conseils de Développement, un d'un débat entre les différentes listes candi- électorales sont des temps démocratiques si tions, une fois les municipalités en place. De dates organisé au sein de sa structure. Ce dé- particulièrement intéressants que cela. Les nombreuses nouvelles majorités seront proba- espace de représentation pour les bat a été minutieusement organisé et encadré : logiques de temporalités électorales ont un blement élues en 2020, nécessitant pédagogie acteurs des musiques actuelles ? respect du temps de parole, choix de sujets impact direct sur les projets culturels. À l'ap- et dialogue. Alors qu'il semble difficile, au re- (jeunesse, culture…). L'ensemble des candidats proche d'élections, certains sont gelés, car gard des échanges, de peser réellement sur les Une partie des débats de l'atelier gravite au- s'est senti concerné et tous ont participé. Les considérés comme trop polémiques et les élus programmes ou la mobilisation des citoyens. tour des espaces de représentation politique organisateurs ont été très satisfaits du dérou- sortants souhaitent éviter toute prise de risque accessibles aux acteurs des musiques ac- lé. Le climat convivial a favorisé une certaine avant les élections. Pour l'un des discutants, Pour la plupart des discutants, il semble néan- tuelles. L'animateur de l'atelier évoque ainsi liberté de parole, mais dans le respect de celle « tout le monde y va de sa communication, pro- moins pertinent que les structures qui adhèrent la piste d'un investissement des Conseils de de l'autre. Il s'agissait de la première fois que met un peu tout et n'importe quoi ». Pour lui, à la FEDELIMA restent ouvertes à des initia- développement des intercommunalités. Seuls, les candidats débattaient directement entre les enjeux sont permanents et les campagnes tives telles que certaines évoquées en début les acteurs des musiques actuelles pèsent peu eux. Les nouveaux candidats ont redemandé électorales ne constituent pas forcément des d'atelier si cela s'avère pertinent au regards des dans le débat public, n'ont que peu d'influence pour cette année 2020 à la MJC d'organiser un moments plus cruciaux que le reste du temps. enjeux et réalités de leur territoire. Il convient sur les candidats aux élections locales comme débat de ce type, ouvert à tous les habitants. D'autant que des projets qui n'étaient pas pro- cependant d'être vigilant quant à la posture sur les élus locaux. Les Conseils de Dévelop- posés dans les programmes des candidats adoptée. Pour l'un des participants, celle-ci pement ne constituent-ils pas un des rares Les participants s'interrogent au final sur les élus peuvent faire leur apparition après l'élec- est claire : pour une association, active sur un espaces où exercer leur droit à la démocratie impacts réels de ce genre d'actions au regard tion tout comme d'autres qui étaient promis territoire, il est légitime de souhaiter connaître participative ? du temps consacré et des risques potentiels n'émergent pas. les positions d'un futur administrateur public encourus. Ils se questionnent également sur le Enfin, « l'entre deux tours » redistribue souvent sur tel ou tel sujet qui la concerne. Pour autant, Un participant témoigne avoir été membre d'un public ciblé : doivent-ils à travers elles s'adres- les cartes. Un membre du Jardin Moderne, à un participant francilien nuance en évoquant Conseil de Développement de la métropole lil- ser aux personnalités politiques ou à l'électo- Rennes, illustre ces propos en témoignant d'une une certaine forme de soumission avérée de loise, pour deux mandats de 3 ans. Il a essayé rat ? période hors élections ayant eu un fort impact beaucoup de structures associatives vis-à-vis de s'y investir dans un premier temps, autour sur la politique municipale. « Lors des mobili- de politiques locales ou nationales. Il évoque à de la thématique culturelle. Or, il faut être un sations contre la Loi Travail, une ambiance de nouveau la campagne « Plus de musique dans certain nombre de membres pour porter une Une mobilisation citoyenne : qui ? guérilla urbaine planait sur la ville, qui touchait nos villes » dont les tracts et affiches, pourtant thématique et constituer un groupe de travail. les usagers des structures musiques actuelles. très neutres, étaient parfois difficiles à faire Comprendre le fonctionnement du Conseil né- Quand ? Or, la municipalité apportait son soutien indé- accepter dans certaines structures adhérentes cessite déjà au préalable six mois à un an. Puis fectible au gouvernement de François Hollande ou partenaires du RIF. Une partie ne souhaitait un temps long est à nouveau nécessaire pour Pour certains participants, il est particulière- (déclarations hebdomadaires sur les casseurs, ou ne pouvait pas relayer la campagne sans identifier d'autres membres sur lesquels pou- ment opportun de porter une parole pendant aucune sur les manifestants blessés). Sept asso- l'autorisation préalable de leur(s) partenaire(s) voir s'appuyer, qui ne siègent pas toujours ou une campagne municipale. Il est important ciations culturelles subventionnées par la ville, institutionnel(s). Pour lui, du fait de cette ten- n'ont pas forcément de temps à consacrer à pour cela de se mobiliser à plusieurs pour ne dont le Jardin Moderne et l'Antipode, ont donc sion à l’œuvre chez les personnes morales, chaque sujet. La démarche lui a semblé au final pas centrer les questionnements sur sa struc- rédigé et cosigné un communiqué dans la hâte. des enjeux relatifs à leurs relations instituées, extrêmement laborieuse. Il a tenté de s'y in- ture et élargir le débat sur des thématiques Au final, une soixantaine de structures a été si- l'action individuelle est tout aussi fondamen- vestir sérieusement pendant plusieurs années locales. Il y a en revanche des enjeux plus gnataire et la municipalité a semblé boulever- tale. Une personne morale va naturellement puis a baissé les bras. Au final, il fait le constat importants que d'autres selon les territoires. sée, prenant conscience de la liberté de parole s'interroger sur les éventuels dangers structu- personnel d'une structure complètement ver- Notamment le risque, sur certains d'entre eux, et de l'impact potentiel des associations qui ne rels qu'elle encoure à contribuer au débat pu- rouillée et aucunement levier, du moins pour d'une forte abstention et de l'élection d'une se contentaient pas d'obéir et de reproduire la blic, collectif, souhaité par les réseaux, ce qui les thématiques dans lesquelles il a souhaité liste du Rassemblement National. parole publique. Des lignes ont bougé du côté entraîne un risque d'autocensure. Un membre s'investir. du Parti Socialiste local au pouvoir. De même, de l'assemblée déplore ce renvoi à la capaci- D'autres pointent surtout l'intérêt de la sé- de nombreux habitants, particulièrement chez té individuelle, qui va à l'encontre de l'asso- Une technicienne du service de développe- quence électorale à venir, qui va courir de 2020 les étudiants, ont pris conscience de la nature ciationnisme auquel il a toujours cru. Pour lui, ment économique de la Communauté d'agglo- à 2022 : élections municipales ; cantonales ; réelle, associative, de structures qui pouvaient l'individu membre d'un collectif, qu'il souscrive mération de Bourges témoigne à son tour de régionales ; présidentielle et législatives. En son expérience sur le sujet, sa collectivité étant 162 163 en cours de montage d'un Conseil de Dévelop- Beaux-Arts de Bourges, qui dispose d'une fi- Usines Nouvelles travaillent le moins sont les pement. Pour elle, il s'agit d'un espace de dé- lière son et bénéficiera de la prise en charge salles de musiques actuelles. Elles font pour Ce discours incite le participant poitevin à in- mocratie participative permettant à chacun de d'un chantier de rénovation. lui en quelque sorte aujourd'hui « partie des sister sur l'importance de ne pas stigmatiser le s'investir au long cours. Elle incite également meubles », ne se posent pas les bonnes ques- mot Start-up. De nombreux porteurs de projets pour cela les acteurs culturels à solliciter l'en- Pour traiter ces sujets, l'État cherche à rassem- tions, n'interrogent pas les vraies raisons des du numérique par exemple sont, au même titre semble des maires siégeant à la Communauté bler l'ensemble des acteurs concernés d'un ter- arbitrages financiers à l’œuvre. Les projets tels que les plasticiens ou les salariés des musiques de Commune, tous ne portant pas le même in- ritoire. Cela nécessite une véritable approche que celui qu'il défend, au-delà de la caricature actuelles, des personnes qui travaillent beau- térêt au champ culturel. Elle évoque l'existence transversale, entre les acteurs de l'économie et et de la défiance dont ils font l'objet, sont issus coup, pour peu de revenus. Pour lui, Start-up de deux programmes nationaux en cours dans de la culture notamment. Or, elle entretient le du terrain et permettent l'émergence de lieux n'est qu'un « terme de jargon » qui permet de sa Communauté d'agglomération et dont les sentiment d'un cloisonnement voire d'une mé- sociaux, culturels, entrepreneuriaux, qui fonc- positionner son activité dans un contexte plus acteurs culturels peuvent s'emparer : fiance entre les acteurs de ces deux champs. tionnent avec peu de moyens… Ces projets ré- porteur. Il prend en exemple l'art contempo- • « Action Cœur de ville »4 : le sujet de la mu- interrogent la notion d'espace public, génèrent rain, secteur économique également très por- sique en cœur de ville a été très abordé, Un participant lui oppose l'idée d'un cloisonne- rencontres et émancipation. Pour lui, les salles teur en France, qui connaît une explosion des mais malheureusement un peu en l'absence ment surtout à l’œuvre au sein des administra- de musiques actuelles affichent un certain ventes et ce dont personne ne parle. « Des des acteurs culturels… tions. Pour lui, l'enjeu n'est pas seulement de nombre de valeurs, mais ne les défendent pas Centres d'art font du business et on n'en parle 5 faire émerger des projets sur les territoires, forcément, ou par un mauvais angle. Elles ne jamais ». En parallèle, il explique qu'au sein • « Territoires d'industrie » : dont la théma- mais également de tisser des relations alter- « jouent pas avec les codes ». du tiers lieu dont il est membre, des œuvres tique est plus large que l'on pourrait croire natives entre personnes et collectifs de per- d'art construites avec un budget de 15000 à car elle englobe les industries créatives. sonnes avec les politiques publiques qui se Un participant abonde en partie ce discours 20000 € tournent aujourd'hui à l'international Malheureusement, celles-ci sont peu pré- tournent habituellement soit vers le repli sur soi en reconnaissant que les acteurs des musiques et font vivre énormément de personnes diffé- sentes au niveau local. (les municipalités RN), soit vers une démarche actuelles de ces 30 ou 40 dernières années ont rentes. Selon lui, il faut savoir s'emparer des « start up et marketing territorial » très libérale. créé, défendu, construit un secteur qui peut dispositifs en place, avec subtilité, sans les Les acteurs culturels ont besoin de connaître De telles thématiques, « Action Cœur de ville » apparaître aujourd'hui comme institutionnalisé stigmatiser par principe. ces programmes enclenchés au niveau natio- et « Territoires d'industries » lui parlent assez dans le sens où il est détaché de beaucoup de nal. Chacun peut s'en saisir via sa structure et peu en tant qu'acteurs des musiques. pratiques très populaires. Il tempère cepen- Pour une participante, la question du vocabu- demander à participer au débat, sur la base du dant en critiquant la survalorisation de l'inno- laire n'en demeure pas moins primordiale et la volontariat et y inclure ses projets. Les rendus Pour la représentante de la Communauté d'ag- vation et la taxation d'obsolescence de ce qui notion de « Start-up Nation », fortement répan- de ses deux thématiques étaient attendus fin glomération de Bourges, c'est justement aux est historiquement ancré. Selon lui, il faut à la due, n'est pas représentative de sa conception juin 2018. Les projets n'y étant pas alors inclus acteurs d'être force de proposition pour s'insé- fois reconnaître sociologiquement une forme du secteur culturel. Pour elle, ce type de « jar- ne pourront pas bénéficier d'importants fonds rer dans ces programmes et porter des projets d'institutionnalisation du secteur et rappeler sa gon » fait justement référence à un système (nationaux, régionaux, municipaux…) fléchés qui leur correspondent, le cadre le leur per- jeunesse, son dynamisme, sa capacité d'évo- économique basé sur l'individualisme et le ca- sur ces thématiques, par territoires. Les cam- mettant. Cette affirmation questionne son -in lution. Pour un second participant, il est clair pitalisme qui ne correspond pas à ses valeurs. pagnes des candidats sont d'ailleurs un peu terlocuteur : « faut-il s'insérer dans des cadres que les acteurs discutent en permanence de Elle revient sur l'exemple du secteur des arts orientées par ces thématiques, car ils savent existants, qui ne nous correspondent pas forcé- la normalisation des musiques actuelles et des plastiques qui demeure pour elle l'un des plus pouvoir disposer d'importants moyens finan- ment ? Ou faut-il créer d'autres espaces ? » effets pervers de la professionnalisation. Il tient compliqués et précaires du champ artistique ciers pour tenir leurs engagements par la suite. à rappeler que les lieux musiques actuelles et culturel. Pour autant, il s'agit d'un secteur Ces programmes sont portés par l'État. Concer- ne sont pas les mêmes partout. « Il existe des où des œuvres sont les plus rentabilisées à nant « Territoires d'industrie » par exemple, Un nécessaire décloisonnement ? associations, des régies, des petits, des gros, l'extrême dans certains cas. Elle trouve dom- l'état a identifié pour enjeu pour la redynami- des lieux cathédrales, des lieux fermés, des mageable de l'instrumentaliser. Sous prétexte sation des territoires ruraux et villes moyennes Un participant, représentant le Fablab des lieux ouverts, certains sont issus de tiers lieux de vouloir décomplexer le vocabulaire et les à travers la reconversion industrielle, syno- Usines Nouvelles6 un tiers lieu poitevin, issu orientés musique, de MJC… ». Il faut pour lui outils, ce qui peut être parfois utile, elle rap- nyme de passage d'une ère industrielle à une d'un mouvement émergent récent, prend la lutter contre les divisions, appréhender le sec- pelle qu'il ne faut pas non plus passer outre les ère post-industrielle. L'État comprend mieux parole pour questionner la notion de Start-up, teur dans sa complexité. L'UFISC ou le réseau mécanismes à l’œuvre et minimiser la prédomi- aujourd'hui qu'une politique descendante est sujette à beaucoup d'amalgames et de carica- Actis IF en Île-de-France, par exemple, re- nance des enjeux économiques et des intérêts moins efficace qu'une politique cherchant à tures. Pour lui, ce terme recouvre une repré- groupent théâtre, musique, marionnettes, arts individuels qui menacent l'intérêt général. Pour faire directement émerger les projets au cœur sentation beaucoup plus large que celle qui plastiques… Les adhérents de ces structures elle, le réseau et ses partenaires doivent dé- des territoires. Au sein de l'agglomération ber- lui est généralement associée. Par exemple, échangent, essaient de poser des communs et fendre des intérêts collectifs, une société ba- ruyère, dans le cadre d'« Action Cœur de ville », il considère un artiste plasticien comme une de les défendre… Selon lui, il faut surtout éviter sée sur le bien commun, redistributive, partici- plusieurs projets autour de la musique seront forme de Start-up, quand bien même serait-il de se penser plus légitime que les autres et se pative. Concernant les dispositifs évoqués, elle soutenus, notamment avec l'ENSA, école des exposé pendant un mois sans être payé ni pour regrouper pour parvenir à opposer au modèle pense qu'ils ne peuvent pas répondre à la plu- sa diffusion ni pour son travail… Il ne limite pas dominant des formes alternatives, qui prônent part des enjeux des adhérents de la FEDELIMA 4 - https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/pro- la notion à sa dimension économique. Il fait le le bien-être, qui renforcent la démocratie et du fait de sa diversité d'acteurs et de territoires. gramme-action-coeur-de-ville constat que les structures avec lesquelles les où l'on peut librement pratiquer de l'art tout La ville où elle exerce s'est emparée du disposi- 5 - https://www.cget.gouv.fr/dossiers/territoires-din- comme monter une Start-up. tif « Action Cœur de ville » avec pour résultat le dustrie 6 - https://lesusines.fr/ 164 165 remplacement du système de sonorisation de de l'UFISC (Union Fédérale d'Intervention des pération, comment la valoriser ? Quel outil égalitaire. Ce participant réaffirme que dans la place principale du centre-ville pour écouter Structures Culturelles) présente une initiative collectif travailler pour faire valoir la parole l'optique d'éventuelles actions collectives, les de la musique aux heures de marché et l'instal- en cours de construction. L'UFISC propose de des acteurs ? médias indépendants comme le sien appar- lation de bacs à fleurs... mener, à l'occasion des élections municipales • Renforcer la prise en compte des très pe- tiennent au même écosystème, ont les mêmes de 2020, une campagne de sensibilisation au- tites et petites entreprises culturelles de problématiques et sont des relais importants, La représentante de la Communauté d'agglo- tour des valeurs portées par la confédération, l'ESS, notamment dans les dimensions de car libres et implantés directement sur les ter- mération de Bourges insiste en réponse sur les en particulier les droits culturels et l’Écono- formation et d'accompagnement ritoires. notions de transversalité et de décloisonne- mie Sociale et Solidaire. Un texte a été rédigé ment. Elle concède que certaines formes de précédemment exprimant sept grands enjeux Julien Pion, directeur de la Férarock (Fédé- modèles économiques sont imposées au niveau qui concernent les initiatives citoyennes. La ration des Radios Associatives Musiques Ac- national, mais assure qu'ils évoluent. Elle main- structure à l'idée de le retravailler avec ses ad- Quel rôle pour les radios associa- tuelles) insiste sur l'importance et l'utilité de ces tient que la parole des acteurs des musiques hérents, voire plus largement et d'en faire un tives ? médias indépendants qui cherchent à tendre actuelles n'est pas suffisamment entendue du objet de campagne. Il s’agirait d'une expression autant que cela est possible vers la liberté de fait du cloisonnement à l’œuvre, de l'opposition sociétale des valeurs portées et des actions Une participante interroge les acteurs média- parole. Ces médias ont pour vocation de distri- entre acteurs culturels et acteurs économiques menées à l'échelle des projets de ses membres. tiques autour de la table : comment les radios buer la parole, un spectre large de sensibilités réduits à leur dimension capitaliste. Il faut se- Les cibles et la stratégie de communication associatives, avec lesquelles des collaborations tout en restant dans le cadre de leurs valeurs. lon elle sortir de cette dichotomie pour ouvrir n'ont pas encore été définies (ndlr : au moment existent via l'UFISC et la Férarock, mettent- Ce sont également des médias qui travaillent le dialogue et faire prendre aux projets cultu- de la tenue de cet atelier). Au vu des échanges, elles en œuvre ou non le débat politique au sur l'éducation aux médias. Il existe en effet rels l'ampleur qu'ils méritent. Elle reconnaît les il y aurait évidemment un fond commun à retra- sein de leur média ? Connaissent-elles des dif- un enjeu très fort autour de la perception de difficultés que cela comporte sur le terrain et vailler, reformuler en petit collectif. ficultés, liées notamment au respect du temps l'information, y compris aux échelles locales. comprend le sentiment de certains acteurs de Les sept enjeux sont les suivants : de parole ? Apportent-elles un appui aux initia- Autre enjeu fort, la question de l'autocensure. tives locales ? ne pas avoir été écoutés malgré leurs propo- • Développer les primo-emplois, les emplois Certains médias en font l'expérience, car un sitions. Elle les invite à insister et pense qu'à permanents et consolider des formes d'em- risque existe pour eux de s'opposer à une muni- Un participant, représentant Canal B à Rennes, terme leur implication pourra payer. Elle prend plois de qualité dans les structures à buts cipalité en place. Des financements, des postes témoigne que son média a souhaité couvrir à pour exemple une association berruyère, After autres que lucratifs, mais d'utilité sociale. sont en jeu. Cette autocensure est commune l'antenne les dernières élections municipales. the Creation, qui gagne actuellement en noto- Notamment renforcer les FONPEPS, les à beaucoup d'acteurs culturels. Or, s'il com- En tant que radio associative, ils sont assujet- riété et en parole, car elle s'investit dans des FONGEPS et autres dispositifs en faveur de prend le souhait de ne pas pactiser avec des tis à des règles très précises, mais assouplies projets transversaux : théâtre, musique, mais ces emplois personnes dont on ne partage pas les valeurs, également projets sociaux, en lien avec des par rapport aux grands médias nationaux. Ils il trouve extrêmement dommageable de priver foyers. Elle réagit enfin concernant le danger • Reconnaître les projets d'intérêt général ont souhaité proposer une formule égalitaire la communauté de ce que ces médias ont à ap- de récupération évoqué précédemment dans des structures citoyennes à travers notam- en sollicitant toutes les têtes de liste du pre- porter au débat général. l'atelier. Pour elle, organiser un débat n'est ja- ment des rééquilibrages budgétaires, des mier tour, autour des thématiques culture et mais neutre, même avec toutes les sensibilités conventions pluriannuelles d'objectifs et citoyenneté. Ils ont ainsi proposé la diffusion des modes innovants d'appuis auprès des autour de la table. C'est pourquoi selon elle, de petits reportages thématiques sur lesquels Faut-il ouvrir le dialogue avec des partenaires financiers les candidats étaient invités à réagir (il était s'intégrer au long cours dans différents pro- acteurs politiques dont on ne par- grammes constitue le juste moyen d'éviter le • Soutenir les lieux intermédiaires et indépen- structurellement impossible pour eux d'invi- danger de voir sa parole récupérée et d'être dants, par leur meilleure prise en compte, ter les 11 candidats à débattre en plateau en tage pas les valeurs ? considéré comme « logotypé ». leur identification, l'évaluation de leurs ac- même temps). Chaque candidat disposait Un participant répond qu'il est audible d'évo- tions et de leur utilité sociale et sociétale et ainsi de quelques minutes pour s'exprimer sur Sur ce point, le débat est intense, comme l'il- quer ce besoin de décloisonnement, mais que l'élaboration de dispositifs de soutien adap- chaque sujet puis la radio proposait un temps lustre la retranscription des échanges suivants. les rapports politiques sont aussi des rapports tés de décryptage et d'analyse avec des acteurs de Une participante, présidente d'une association culturelle, témoigne tout d'abord avoir été de force. Et que pour faire valoir ses intérêts Favoriser des modalités coopératives d'ob- terrains spécialistes des questions traitées. Ils • interpellée par les membres d'un groupe de et les intérêts de son secteur, il faut en avoir servation participative et partagée mul- ont ensuite voulu organiser un débat entre les travail de la République En Marche qui monte conscience. Face à un modèle économique tipartites, qui permettent de donner une deux candidats restants entre les deux tours en actuellement une liste électorale sur son ter- dominant, il est très difficile d'exister et de -dé meilleure lecture, de montrer les paysages, partenariat avec un mensuel local de Rennes. ritoire. Pour elle, il existe une ligne à ne pas fendre ses valeurs. Et ce rapport de force peut de valoriser les démarches Mais celui-ci n'a finalement pas eu lieu suite à être du côté des acteurs par effet de solidarité un mouvement de contestation populaire indé- franchir. En, tant que représentante d'une asso- Lancer un processus de travail sur les et de réseau. • pendant de leur volonté. ciation employeuse de plus de vingt personnes, concertations territoriales (ce qui peut re- elle souhaite garder une forme de vigilance. joindre des enjeux liés à la ruralité, aux di- Pour 2020, Canal B souhaite partir de questions Elle a donc décliné l'invitation à une rencontre versités exprimées sur les territoires) L'UFISC, un espace pour porter une posées directement par les habitants aux can- officielle. Le groupe de travail LREM lui a en- • Accompagner les pratiques et les formes didats têtes de liste. L'opération est en cours suite proposé un temps de rencontre informel, parole collective de coopération (un travail déjà largement de construction. Une diffusion en différé leur pour recueillir son avis sur la politique de l'ag- mené avec l'UFISC et les réseaux territo- permettra de réajuster les interventions le cas glomération. Un nouveau problème s'est alors Stéphanie Thomas, en sa qualité de présidente riaux et fédérations) : qu'est-ce que la coo- échéant pour respecter un temps de parole posé, d'un point de vue plus personnel. Après 166 167 réflexion, elle n'a pas donné suite, ne souhai- l'influence, portent une dynamique locale asso- jouer un rôle de caisse de résonance pour citoyen et militant du lieu. tant pas échanger avec des personnes défen- ciative et militante. Ces militants sont souvent des problématiques très larges dant une sensibilité qu'elle estime très éloignée implantés de longue date sur leur territoire, • Il s'agit d'une période où l'attention de la po- Un discutant évoque trois piliers fondamentaux de la sienne. Pour elle, cette orientation poli- jouissent d'une forte visibilité, voire pour cer- pulation est plus forte dont il a peu été question : tique est responsable de problématiques éco- tains ont assuré des mandats électoraux ou in- • Cela permet une mobilisation plus im- • La référence à l'ESS, c'est à dire à un certain nomiques majeures qui écrasent une partie de tégré l'opposition dans une municipalité. modèle économique la population, entrave le bon fonctionnement portante, voire la création de noyaux qui de la société et crée des inégalités. Elle ne sou- Un participant souhaite faire écho aux discus- peuvent perdurer. • Les droits culturels haite donc pas partager ses idées avec ce type sions qui ont eu lieu lors du dernier conseil d’ad- • Le développement durable, au sens large d'interlocuteurs pour éviter toute forme de ré- ministration de l'UFISC autour d'une éventuelle Un participant réaffirme l'utilité de relier les cupération possible. plateforme de propositions partagées. Il existe messages à des problématiques, des enjeux Il propose de s'emparer des musiques actuelles pour lui une gigantesque diversité sur les ter- qui dépassent les musiques actuelles, terme en au prisme de ces trois piliers. Pour un second participant, ce type de réaction ritoires, il y aura donc un véritable travail d'or- lui-même un peu galvaudé, illisible. Il ressent est dommage et il faut être attentif à garder fèvre pour que chacun puisse s'emparer d'une implicitement que le secteur se reconnaît dans Un autre met cependant en garde l'affirmation une forme d'ouverture. Il trouve positif qu'un telle plateforme. Au regard du contexte actuel, certains partis, certains mouvements poli- d'une telle orientation en particulier concer- groupe de la LREM, issu donc d'un parti de marqué par de fortes mobilisations autour no- tiques plus que d'autres. C'est pourquoi il re- nant les réseaux territoriaux, qui composent gouvernement démocrate, soit ainsi ouvert au tamment du service public (hôpital, école, im- lance l'idée d'en passer par des engagements à avec beaucoup de structures affiliées, très dialogue. Il est plus efficace selon lui d'échan- pôts…) et des enjeux climatiques, il est néces- titres personnels. La question de leadership est diverses. Il a la sensation que ces réseaux ne ger, d'apporter de la contradiction sur ces saire selon lui de raccrocher les positions des pour lui fondamentale. Un engagement collec- sont pas forcément armés pour porter un dis- questions épineuses avec de tels représentants acteurs culturels aux enjeux de société. L'enjeu tif peut, doit être porté par une « avant-garde » cours politique aussi poussé. Ils sont aussi des politiques qu'entre structures et interlocuteurs principal consiste à expliquer, à la fois de ma- de personnes qui prennent ce risque, s'en- exutoires et pourraient être violemment mis en défendant une idéologie commune. Il est pour nière pédagogique et percutante, ce en quoi gagent sur la scène politique, assument de por- contradiction s'ils s'engagent trop loin sur les lui inconcevable de refuser le dialogue par les initiatives ne se limitent pas à faire exister ter une parole, d'aller à la rencontre des partis trois axes précités. idéologie. Il estime même qu'il est de l'ordre et défendre des lieux. Il émet le souhait de pro- politiques ou des mouvements existants pour de son devoir de l'encourager. Il tente actuel- duire un discours sur l'impact des lieux sur la incarner les idées du secteur. Il est également « Il existera toujours un décalage entre ceux lement d'entrer en contact avec son maire, issu société, sur ce que représentent les initiatives possible de réunir les citoyens dans les lieux qui veulent changer le monde et ceux qui de la majorité LREM. En revanche, il ne s'agit portées par les lieux et acteurs et en quoi elles et d'inviter des artistes ou autres personnes veulent s'y adapter... » pas pour lui de se plier à ses injonctions, mais participent d'une proposition alternative en à forte notoriété à s'associer. Il s'agit selon lui bien d'essayer de lui faire entendre ses problé- termes de société. Un discours plus structuré, plus d'un objectif de moyens que de résultats. Stéphanie Thomas conclut les échanges en matiques. « Il faut arrêter l'entre-soi éthico-po- sur une vision du monde, porteur d'idéologie. Les militants des mouvements politiques sont pointant la volonté collective de se doter a mi- litique ». Un tel discours serait d'autant plus porteur qu'il en recherche d'idées, de contenus. Les réseaux nima d'un outil commun transversal, porteur ne se limiterait pas dans le temps, autour d'un peuvent agir en tant que zones d'influence, d'une vision globale, sociétale et déclinable Suite à ces échanges, l'assemblée conclut calendrier électoral. Il y a peut-être des passe- identifiées par ces personnes qui vont se re- en fonction des projets respectifs de chacun. qu'il peut donc être aidant de disposer d'une relles à imaginer avec les logiques de circuits trouver en responsabilité. L'UFISC peut proposer d'en porter la première plateforme commune, collective, sur laquelle courts à l’œuvre dans le secteur agricole. Les phase de réalisation à son niveau et qu'elle s'appuyer et qui permette d'éviter les écueils lieux de musiques actuelles participent aussi Pour un autre participant, si l'objectif est en ef- soit ensuite partagée au sein des différents ré- d'échanges en tête à tête. d'un circuit court et favorisent une société plus fet de porter des revendications, enjeux, plus seaux. Un participant propose néanmoins de durable, plus solidaire. L'UFISC, du fait de sa largement (climatiques, économiques…), les se mettre également en action en interne sans position, peut peut-être proposer un chapeau lieux de musiques actuelles peuvent jouer un attendre. Le réseau est notamment compétent rôle d'étendard. Mais ils peuvent aussi se faire Élargir le champ des perspectives commun, un discours global autour du sens, en termes d'événementiel. Il est également autour d'un projet de société, une vision à long les chambres d'écho d'autres mouvements. Il proposé de mobiliser les moyens financiers terme. À chacun d'imaginer comment il y parti- est pour lui important de se positionner aux des réseaux, voire directement des structures, Nombreux participants se rejoignent dans deux niveaux. Certains lieux, acteurs, n'auront l'idée qu'il y a urgence et qu'il faut envisager cipe, comment il y articule son discours et dé- pour les flécher en interne sur un salarié ou en veloppe ses propres thématiques plus ancrées pas la capacité simple à incarner et porter ces externe sur un coordinateur de campagne, afin de laisser de côté un temps les problématiques enjeux, mais en s'associant à d'autres mouve- strictement musiques actuelles pour agir à une en local ou autour des questions musicales. d'enclencher l'organisation d'un processus au ments, ils peuvent jouer un rôle. Il souhaite à long terme. plus grande échelle. Ils conviennent également titre personnel s'orienter vers ce type d'ini- du fait que pour une petite association, appar- L'animateur de l'atelier confirme cette idée que les structures sont des lieux d'échanges, de dé- tiative, induisant un positionnement affirmé. tenir à un ou des groupement(s) régionaux, Il évoque par exemple l'idée d'accueillir des nationaux la crédibilise, renforce son poids au- bats, quelles que soient les échéances électo- rales. Il identifie néanmoins deux opportunités professionnels ou chercheurs spécialistes des près de ses élus locaux, lui donne plus de pou- questions de migration, climatiques, du trans- voir. Une participante précise qu'une grande supplémentaires à l'occasion d'une période électorale : port, de la qualité de l'air… Dans ce cas, ce différence d'enjeux existe entre grandes villes n'est pas le directeur ou l'équipe du lieu qui et territoires ruraux ou très petites collectivités. • Du fait de leur positionnement stratégique porte directement le discours, mais en l'ac- Dans ces derniers, les lieux ont forcément de dans les bassins de vie, les lieux peuvent cueillant dans leurs murs, ils réaffirment le rôle 168 169 Introduction par Guillaume DAM- Intervention de Simon GUYOT, ani- Les dispositifs d’accompagnement PENON mateur du centre ressource du Jar- din Moderne (Rennes) des groupes sont-ils adaptés aux La question de l’accompagnement déployé par les lieux de musiques actuelles en direction des Le Jardin Moderne à Rennes, avec ses 7 studios musicien.ne.s en amateur dans les musiques de répétition, son studio d’enregistrement et sa pratiques en amateur ? actuelles mérite d’être posée dans un contexte salle de concert, n’a pas mis en place de dis- législatif et réglementaire nouveau qui remet positifs. L’activité de répétition est au cœur de en lumière ces pratiques. l’activité du lieu, qui est un endroit revendiqué historiquement pour la création et la pratique Jeudi 4 juillet | 10h00-12h30 Houlocène L’objectif n’est pas de faire un inventaire ex- musicale. Il n’y a pas de parcours d’accompa- haustif des dispositifs d’accompagnement, gnement. C’est un espace de vie ou se côtoient mais d’essayer de les caractériser pour savoir les projets de musicien.ne.s et de groupes sans s’ils répondent aux attentes de ce vaste champ Les dispositifs d’accompagnement des musiciens se multiplient et se structurent, dans distinguer ce qui relève du professionnel ou de hétérogène des pratiques en amateur. l’amateur. L’ensemble du lieu et de son équipe les lieux spécialisés, de plus en plus souvent dans le cadre de coopérations à l’échelle sont mobilisés pour accompagner dans un d’un territoire mais aussi via quelques initiatives relevant de la sphère commerciale. De Les réponses sont variables en fonction de la cadre relationnel souvent informel. Le meilleur repérage, d’aide à la création ou à la structuration, formalisés ou à la carte, les dispositifs nature et l’histoire des projets des lieux de MA. accompagnement serait « celui qui ne dit pas sont multiformes et souvent catégorisés suivant le « niveau de développement » des son nom ». Il n’y a pas d’obligation d’intervenir. groupes. Ils peuvent les aider à franchir des caps et à se professionnaliser, mais sont-ils L’informel permet de s’écarter du dispositif et adaptés aux pratiques en amateur ? S’adressent-ils à tous les musiciens et peuvent-ils Intervention de Jules NOVENA, constitue au Jardin Moderne une culture col- répondre aux besoins des groupes ne fréquentant pas de locaux de répétition ? Quels chargé d’accompagnement à l’ARA lective de lieu de vie. sont les critères de sélection et les moyens dédiés ? Sont-ils compatibles avec une (Roubaix) L’entrée de la ressource et du besoin d’informa- certaine liberté revendiquée par les amateurs ? Ce temps d’échanges tentera de définir tion est souvent une entrée pour aller plus loin Dans les Hauts-de-France, se réalise un travail quelques pistes d’évolution envisageables ou nécessaires dans l’accompagnement des en particulier sur de l’accompagnement. Mais collectif d’échanges d’expériences au sein du artistes amateurs. la ressource ou le transfert de connaissance et réseau Haute Fidélité mais aussi de formation de savoir-faire peut s’organiser entre les musi- sur le plan national via le collectif RPM. Ainsi cien.ne.s eux-mêmes. Il y a un enjeu à mettre l’ARA (Autour des Rythmes Actuels), école as- en réseau les musicien.ne.s. Avec... sociative ayant privilégié la formation musicale par la pratique collective, a développé sur plu- Souvent la réponse à des groupes véritable- SIMON GUYOT JULES NOVENA sieurs années un accompagnement artistique ment amateurs est difficile en dehors des dis- Animateur du centre ressource Chargé en direction de groupes amateurs ou profes- positifs d’accompagnement principalement du Jardin Moderne (Rennes) d’accompagnement à sionnels (nécessitant de disposer d'un set d'au dédiés à la professionnalisation, en particulier moins 30 minutes) avec un parcours à la carte à l’ARA (Roubaix) dans les lieux labellisés SMAC. partir d’un diagnostic.

CHARLÈNE HOUDAYER NICOLAS BONGRAND La volonté est désormais de s’adresser sans sé- Chargée de l’accompagnement Coordinateur du lection par un appel sur la métropole de Lille Intervention de Charlène HOU- au 6par4 (Laval) collectif RPM - aux groupes amateurs (quatre par an) qui sont DAYER, chargée de l’accompagne- Recherche Pédagogie débutants afin de leur donner plus d’autono- ment au 6par4 (Laval) Musicale mie en se dotant de bases solides dans leur pratique de répétition, de composition et de Dans le département de la Mayenne, suite à jeu scénique à partir des ressources et compé- une concertation de deux ans, un portail de Animé par... tences internes. recensement des projets et des musicien.ne.s. a été lancé en octobre 2018. Ce projet dénom- mé 5/3 mobilise des écoles de musique, des GUILLAUME DAMPENON studios de répétition… Il est coordonné par le Administrateur Le Bastion 6par4, lieu labellisé SMAC à Laval. 35 projets (Besançon) de création artistique originale se sont inscrits. Une quinzaine ont bénéficié de parcours d’ac- compagnement prédéfinis. Tous ont eu des ré- ponses. 40% des projets étaient inconnus des

170 171 structures accompagnantes. Cette dynamique Constats partagés territoriale en réseau est le fruit d’une longue histoire depuis 1990 de la coopération entre Quant aux musicien.ne.s qui pratiquent en écoles de musique, structures de répétition et amateur, plusieurs constats ont été faits au lieux de diffusion, concentrés principalement cours de l’atelier : sur Laval, qui représente un tiers des habitants La forte dominante de la professionnalisa- du département. La pratique est principale- • tion dans la culture des lieux et du secteur ment en amateur dans la mesure où les musi- laisse peu de place pour les amateurs dans ciens qui se destinent à la professionnalisation les accompagnements mis en place de fa- vont très vite vers Angers, Le Mans, Rennes ou çon générale. Paris. • La relation aux amateurs doit être simple et plus informel pour correspondre à leurs Intervention de Nicolas éventuels besoins. BONGRAND, coordinateur du col- • Il y a un discours de légitimation des ama- teurs à construire auprès des institutions et lectif RPM - Recherche Pédagogie des politiques qui pour le moment privilé- Musicale gient celui de la découverte de nouveaux talents professionnels. Le rôle des écoles de musique constitue une problématique de positionnement pour les Le Fonds d’Encouragement aux Initiatives Ama- lieux de MA depuis que les musiques actuelles teurs (FEIA) porté par le ministère de la Culture sont dans leur périmètre d’intervention. Selon (DGCA) a été évoqué comme une possible op- les territoires, la relation a pu s’établir ou non. portunité pour certaines initiatives amateurs Pour certains c’est surtout par les personnes, dans les musiques actuelles. en particulier les enseignants et les régisseurs des lieux de répétition, comme à Angoulême. La coopération entre des acteurs d’horizon dif- Pour d’autres, la construction a été longue. Et férents (pédagogique, accompagnants, …) doit après une période de défiance et de non-re- pouvoir permettre « une acculturation com- connaissance mutuelles, des projets de coo- mune » et des méthodes partagées d’approche pération voient le jour pour même générer de territoriale sur ces sujets. la mutualisation à l’instar du 109 à Montluçon avec un poste partagé d’accompagnement. C’est ce qu'ont proposé de mettre en chantier L’intérêt de s’engager pour la scène de mu- la FEDELIMA, la FAMDT et le collectif RPM, en siques actuelles reste cependant à réfléchir particulier à l'occasion de rencontres dédiées tant l’investissement est important sur le plan aux musiciens amateurs à l’ARA à Roubaix les humain et financier face à une institution qui 12 et 13 novembre 20191. a un positionnement légitime et institutionnel qui prime dans les choix politiques de la col- lectivité.

Cette problématique de la relation des lieux, en particulier labellisé SMAC, avec les écoles de musique, qui a été traitée par le collectif RPM par l’angle de la coopération, prend une am- pleur plus importante et se systématise sur de nombreux territoires.

1 - https://www.fedelima.org/article376.html 172 173 Introduction par Grégory JURADO préhension et le partage du projet, mais éga- Bénévoles, intermittents, lement par la transmission de connaissances, Chaque projet, chaque lieu, à une histoire de savoir-faire... Cette intégration peut être singulière et les projets/lieux ont parfois une effectuée lors de moment d’accueil spécifique, vacataires, salariés permanents, certaine ancienneté et un parcours singulier. de formation… Et être renforcée par le biais La structuration et la professionnalisation des de support : livret d’accueil, trombinoscope, dirigeants bénévoles… Comment projets/lieux ces 20 dernières années et la newsletter… prise en compte de la multiplicité des parties prenantes induits une gestion complexe si l’on Les moments de partages et participatifs à la veiller à une meilleure cohésion tient compte de l’ensemble de ces éléments. réflexion donnent sens à la cohésion et per- La "cohésion d'équipe" entendue au sens large mettent de la développer et de la maintenir. comme toutes les parties prenantes d'un projet Elle sera d’autant renforcée par une certaine d’équipe ? est un des éléments qui peut aider à sa mise n régularité de rencontres et pourra peut-être oeuvre projet. éviter l’isolement et les frustrations.

La spécificité des projets est d'avoir une di- Des exemples d'actions mises en Jeudi 4 juillet | 10h00-12h30 Salle pédagogique mension « politique » dans le sens de vouloir place et de pistes de réflexion « apporter quelque-chose au monde qui nous entoure » (dimension d'intérêt général) : cela induit que chaque partie prenante peut avoir • La Clef à St Germain en Laye a mis en place Différentes personnes contribuent à la mise en œuvre des projets de musiques une semaine de décloisonnement par le actuelles. Certaines sont salariées de manière permanentes, d’autres à temps partiels une posture militante, altruiste, philanthrope… La volonté d'apporter aux citoyen-ne-s d'un biais d’ateliers. ou très ponctuellement, d’autre encore s’investissent bénévolement. Ces différentes territoire et au territoire de façon générale... • La Cave aux Poètes à Roubaix a effectué façons de participer à la mise en œuvre du projet – de par la temporalité, la régularité, Donc au projet dont ils sont partie prenante. une refonte de son conseil d’administration les responsabilités (...) - représentent-elles des difficultés à la cohérence d’ensemble ? sous forme de collèges, dont un pour les ha- Quels freins peuvent être observés ? Comment les dépasser ? Quels moyens peuvent La question est d'associer à la mise en œuvre, bitants. Pourquoi pas ouvrir plus largement être réfléchis pour permettre à chacun de trouver sa place et s’inscrire dans une mais également d'associer chaque partie pre- la gouvernance à chaque partie prenante participation plus collective du projet ? Là, se situent les principaux enjeux de ce temps nante à la définition et à l'évolution du projet. d’un projet ? d’échanges. Comment faire corps, comment faire collectif • La Bobine à Grenoble a mis en place des ré- tout en prenant en compte les spécificités (en unions d’équipe régulières et instauré le jeu termes de légitimité, compétences, volonté...) 24 heures en 24 minutes pour 2 salariés par Avec... de chacun ? roulement en début de réunion. Mettre en place des concours internes aux Un projet réunit différents types de protago- • bénévoles, par exemple de selfies entre eux SABRINA BARLOY STEPHANE GUIOT nistes : salariés permanents à temps plein ou hors temps de bénévolat. Bénévole à Emmetrop (Bourges) Chargé des pratiques partiel, salariés intermittents, vacataires, diri- musicales à La Clef geants, membres du conseil d'administration, • Lors de moments partagés, faire un brains- torming sur les fiches de poste des autres (Saint-Germain-en-Laye) bénévoles, partenaires, prestataire… À eux tous, ils représentent l'écosystème du projet. salariés. CLAIRE CORTOPASSI • Des rendez-vous réguliers en équipe, mais Chargée de l’accueil des Constats partagés également sectoriels. artistes et du catering à La Clef • Pour tisser du lien avec les bénévoles, il (Saint-Germain-en-Laye) Après les divers témoignages, il ressort que s’il faut impérativement se donner ou avoir des y a une volonté de cohésion d’équipe, l’un des moyens humains et pérennes. moments opportuns à cette mise en place est au moment du premier pas de la personne dans Animé par... le projet. Une attention particulière doit être adoptée lors de l’intégration des nouveaux ve- GREGORY JURADO nus (stagiaire, adhérent, salarié, bénévoles…), Consultant culturel, association mais des moyens doivent être également mis Les Cercles (Torcy) en place tout au long du parcours au sein du projet.

Cette intégration se fait en partie par la com- 174 175 L'objectif initial de cet atelier était de propo- du Parlement européen. Pour rappel, l'Union Music Moves Europe : un ser aux participants une expertise concernant européenne n'a pas de compétence culturelle. l'appel des actions préparatoires 2019 de Music Ce sont ses états membres qui sont respon- Moves Europe1, programme européen d'Europe sable de la politique culturelle menée à leur programme, des appels ! Créative2, programme-cadre de la Commission échelle nationale. L'Europe peut néanmoins européenne visant à soutenir les secteurs de la aider les secteurs culturels à travers des pro- culture et de l’audiovisuel. Les appels n'ayant grammes ou des fonds dédiés tels que Music pas encore été publiés au moment de l'atelier, Moves Europe. À travers ce programme, Live Jeudi 4 juillet | 10h00-12h30 Grande loge Live DMA propose de communiquer à pro- DMA milite pour une meilleure reconnaissance pos de ses dernières activités, notamment sa des salles de concert, clubs ou festivals au ni- campagne autour des dernières élections eu- veau européen et donc, par d’écoulement, au ropéennes. Le réseau européen propose en- niveau national des pays membres de l'UE. La Le programme « Music Moves Europe » se concentre sur l’écosystème de la musique suite de fournir une information concernant stratégie de campagne de Live DMA s'est arti- à l’échelle européenne. Si l’un des appels qui va prochainement être dévoilé concerne les différents programmes européens à même culée autour de trois objectifs : les petits lieux de musiques actuelles, deux autres mesures peuvent tout à fait être d'intéresser les professionnels et structures re- • Affirmer la position d'acteurs pertinents des investies notamment par les adhérents de la FEDELIMA (co-création et co-production, présentés au sein de l'atelier. salles, clubs et festivals de son réseau ap- professionnalisation et formation...). Cet atelier proposera un tour exhaustif du montage partenant au secteur musical live en Europe de ce programme (ses finalités, ses objectifs, son calendrier...) et donnera quelques Affirmer les valeurs et buts du réseau clés pour monter son propre projet européen sous l’égide Music Moves Europe. Présentation de Live DMA • • Rédiger et porter un plaidoyer pour de meil- Live DMA3 est un réseau européen qui réunit leures conditions pour les salles de concert des fédérations de salles de concert (la FEDE- en Europe Avec... LIMA et le collectif Culture Bar-bars en France Cette stratégie a été déclinée en actions AUDREY GUERRE et leurs équivalents dans quinze pays euro- péens). Ces différents réseaux représentent concrètes. Coordinatrice du Live DMA plus de 3000 salles de concert, clubs et festi- (réseau européen des salles de vals. Il dispose actuellement d'un financement Une campagne de communication a été me- concert et festivals) européen dédié aux réseaux à travers un projet née auprès des candidats à la députation eu- intitulé Live Style Europe4 qui court jusqu'en ropéenne à travers la collecte des noms et 2021. Grâce à ce financement, le réseau mène contacts des candidats et l'envoi d'un question- diverses activités : le projet Open Club Day5, naire pour recueillir leur vision et leur engage- Animé par... l'animation de groupes de travail, la gestion ment en direction de la culture en Europe. Live d'une plateforme ressource en ligne… Dans le DMA n'a obtenu que 16 réponses sur les 400 KENNETH QUIGUER cadre de Live Style Europe, Live DMA a mené mails envoyés. Seuls les candidats de Lutte ou- Consultant pour ExtraCité, une coopérative de conseil et une campagne autour des élections euro- vrière et du PCF ont répondu en France. Les ré- de formation au service du développement local durable péennes de mai 2019. ponses récoltées auprès des autres candidats en Europe couvraient l'ensemble du spectre des territoires (Lille) politique. Live DMA est revenu vers les candi- dats lui ayant répondu afin de leur exposer son La campagne autour des élections point de vue sur leurs éléments de réponse. européennes de mai 2019 menée Puis un document de campagne leur a été en- par Live DMA voyé, sur la base du plaidoyer précité complété d'une présentation du ou des membres du ré- Les élections européennes constituent un mo- seau de leur pays. Des citations des réponses ment-clé pour le réseau Live DMA qui a mené des candidats ont été utilisées pour informer à cette occasion sa première campagne auprès les membres du réseau de ces différentes po- sitions possibles sur le programme culturel au niveau européen. Ces citations ont également 1 - https://ec.europa.eu/programmes/creative-europe/ été relayées via les réseaux sociaux de Live actions/music-moves-europe_fr DMA. 2 - https://ec.europa.eu/programmes/creative-eu- rope/node_fr Cette première phase a permis de préciser le 3 - http://www.live-dma.eu/ contenu d'un document de campagne, outil 4 - http://www.live-dma.eu/live-style-europe/ de plaidoyer présentant les valeurs et les en- 5 - http://openclubday.com/ 176 177 gagements de Live DMA et interpellant l'Union tions et engagements, en particulier au sein de européens afin d'orienter les discussions. Sur cède à une première lecture du texte proposé européenne concernant des engagements à la commission culture et éducation. La liste des les 11 participants, trois souhaitent développer qui peut être soit un règlement (qui s'applique mettre en œuvre : mettre en place un dialogue contacts des députés élus a été mise à jour et des projets à l'échelle européenne, principale- totalement et directement dans toute l'Union entre le secteur de la musique live et le pouvoir partagée avec les membres pour qu'ils puissent ment basés sur de la création et des échanges européenne), soit une directive (qui définit législatif européen, essentiellement au niveau contacter directement les députés européens artistiques. Les huit autres portent un intérêt des objectifs à atteindre par les pays membres culturel, mais aussi plus largement ; apporter de leur pays. au sujet sans pour autant avoir une idée précise chargés de les adapter et de les mettre en place plus de soutien financier et structurel aux salles de projet à mener. à leur niveau national comme par exemple, la de concert locales ; soutenir la diversité ; appli- A priori, l'évolution du Parlement n'aura pas un réforme du droit d'auteur à l'ère du numérique). quer une législation équitable ; permettre une impact important sur le budget alloué à Europe Ensuite, le Conseil européen adopte le texte ou meilleure reconnaissance du secteur de la mu- Créative. Au moment de l'atelier, Live DMA L'organisation des institutions euro- propose des amendements au Parlement. Des sique live et développer des actions dédiées. était cependant en attente de connaître les dé- allers-retours sont opérés jusqu'à ce qu'un ac- Un slogan général, « Support Your Local Music putés intégrant le comité culture et le comité péennes cord soit trouvé. La Présidence du Conseil de Scene » et les citations des candidats à la dépu- budget. Live DMA s'est associé à d'autres ré- l'Union européenne tourne tous les six mois . Les animatrices proposent, avant de communi- tation européenne récoltées sont venus com- seaux européens de la culture pour l'envoi d'un quer sur les programmes européens, un petit pléter ce document de campagne. Il a ensuite courrier aux députés européens fin juin 2019 Conseil de l'Union européenne, Conseil eu- rappel de l'organisation des Institutions euro- été publié et largement relayé en amont des suite à des « bruits de couloir » qui plaçaient ropéen et Conseil de l'Europe sont trois enti- péennes. élections, notamment au travers de la presse et un parti polonais très à droite à la présidence tés distinctes qu'il ne faut pas confondre. Le des réseaux sociaux. du comité culture. Ils y réaffirmaient l'impor- Conseil européen n'est pas une des trois insti- Le Parlement européen, réélu donc en mai tance de ce comité et la nécessité de ne pas tutions européennes, il s'agit d'un sommet eu- 2019, dispose de trois pouvoirs fondamentaux : En complément, des représentants de Live le laisser aux mains de l'extrême droite en les ropéen, à savoir des réunions de chefs d'État législatif, budgétaire et contrôle politique. DMA ont effectué de nombreux déplacements incitant à s'y inscrire ainsi que l'importance du qui vont définir les grandes impulsions de C'est donc le Parlement qui décide des bud- et participé à divers événements organisés programme Europe Créative et d'un budget l'Union européenne. Il se donne également des gets, le budget global de l'Union européenne sur le thème de la musique dans le cadre de la conséquent alloué à celui-ci. Certains députés objectifs. Parmi les priorités pour la culture en ayant été voté en amont de ces élections. campagne aux élections européennes afin de réélus, déjà auparavant assez actifs au sein de 2019 / 2022 a notamment été décidé le soutien Mais ce budget doit également être validé présenter la campagne du réseau, ses actions ce comité, devaient également le réintégrer. au secteur de la musique. par le Conseil européen, constitué des États et de rencontrer des candidats à la députation. Live DMA précise qu'une prise de rendez-vous membres. Après avis du Conseil européen, le Les animatrices citent en exemples le « Live est prévue entre des membres de son bureau et Le Conseil de l'Europe quant à lui n'est pas non Parlement décide des enveloppes finales, no- Online Dialogue6» organisé par « Culture Ac- les membres de ce comité en septembre pour plus une institution européenne. Il réunit 47 tamment celle de la Commission culture, sur tion Europe7» , dialogue en ligne de 8 heures présenter le réseau et ses recommandations. États membres, dont les 28 membres de l'UE. proposition de la Commission européenne. durant lequel citoyens et acteurs du secteur Cette dernière est l'organe du pouvoir exécu- culturel pouvaient réagir sur des thématiques Les trois Institutions européennes sont donc tif. Elle est indépendante politiquement et est définies et poser leurs questions aux candidats. le Parlement européen, la Commission euro- Qu'est-ce que Culture Action Eu- censée promouvoir l'Intérêt général de l'Union Live DMA a également participé à la confé- péenne et le Conseil de l'Union européenne. européenne. Elle prépare et met en œuvre les rence Dialogue Pop en Allemagne et à la Jour- rope ? Elles fonctionnent en lien avec le Conseil euro- décisions du Conseil de l'Union européenne et née de l'Europe organisée par Live Europe8 à péen des chefs des états membres qui va défi- Il s'agit d'un réseau européen basé à Bruxelles du Parlement européen. Une nouvelle prési- Bruxelles. nir les grandes orientations qui seront mises en et réunissant diverses organisations culturelles, dente a été nommée par le Conseil de l'Union jeu au niveau de ces trois institutions. pas uniquement liées à la musique (des acteurs européenne en juillet 2019 (ndlr : validée par le Suite aux résultats des élections, les deux prin- du spectacle vivant, des lieux, des artistes, des Parlement européen au moment de la rédac- cipaux partis européens (parti socialiste et dé- Concernant les programmes d'aides, la phase individuels, des collectifs, des structures…). Le tion de cette synthèse) : Ursula Von Der Leyen, mocrate et parti populaire européen) ont perdu actuelle de programmation couvre 2014 à réseau est très actif à Bruxelles pour défendre ministre allemande, conservatrice modérée, des sièges par rapport à 2014. Davantage de 2020. La prochaine couvrira 2021 à 2027. la place de la culture en général dans les pro- proche d'Angela Merkel. Les différents Com- votes ont été exprimés en direction de partis grammes et les politiques européennes. Live missaires européens ont ensuite été nommés, écologistes dans la plupart des pays de l'Union Les principaux sujets de l'atelier sont les pro- DMA n'est pas directement adhérent de ce dont la Bulgare Mariya Gabriel, commissaire européenne. Mais davantage de sièges ont grammes Europe Créative et Music Moves Eu- réseau, mais est membre du Conseil européen européenne à l'éducation, à la culture, au mul- également été attribués aux partis d'extrême rope. Il existe cependant d'autres programmes de la Musique9, lui-même membre de Culture tilinguisme et à la jeunesse. droite, eurosceptiques et nationalistes. européens dont les acteurs culturels peuvent Action Europe. Des liens et échanges réguliers s'emparer, notamment Erasmus ou les fonds existent donc. Le Conseil de l'Union européenne réunit des mi- Suite à cette campagne, Live DMA a décidé de structurels et d'investissement européens. nistres qui selon les sujets traités se réunissent poursuivre le dialogue avec les députés élus et Les animatrices proposent ensuite un tour en formations. Il est sur un pied d'égalité avec d'organiser une veille concernant leurs posi- de table des participants pour qu'ils se pré- le Parlement pour la fonction législative. 6 - https://cultureactioneurope.org/projects/ep-elec- sentent et évoquent les raisons de l'intérêt Détails du programme Europe Créa- tions-2019-campaign/live-online-dialogue/ qu'ils portent à cet atelier sur les programmes Concernant le déroulement du processus lé- tive 7 - https://cultureactioneurope.org/ gislatif, la Commission européenne émet en 8 - https://liveurope.eu/ 9 - https://www.emc-imc.org/ premier lieu une proposition. Le Parlement pro- Actuellement, Europe Créative est le pro- 178 179 gramme précisément dédié au secteur des in- cements européens, car d'une part, l'Europe de chaque nouvel appel, car les priorités dossier complexe. En 2019, le secteur musical dustries culturelles et créatives. Il est composé solde les enveloppes où il reste du budget, et peuvent évoluer d'une année sur l'autre. Il faut n'était pas éligible. Live DMA a réagi et obtenu de trois grandes catégories : culture, média et d'autre part des appels pilotes sont proposés également être attentif à ce qui a déjà été pro- la garantie que les musiciens seraient éligibles un instrument financier transsectoriel. Pour sa dont les résultats serviront à définir le futur posé pour éviter de porter un projet redondant. à partir de 2020. Mais pour l'instant les musi- partie culture, trois sortes d'appels peuvent programme. Pour exercer cette vigilance, les résultats des ciens ne sont éligibles que s'ils accompagnent concerner le secteur de la musique live : appels sont publiés régulièrement. Live DMA un projet de théâtre ou de danse. La procédure • Projets de petite ou grande coopération peut renseigner les porteurs de projets sur ce semble assez simplifiée, bien qu'il faille justifier Appel à projet de coopération 2019 point. En France, ces dernières années, le pro- de ses billets de transports, de photos de soi • Réseaux (financements dont bénéficie Live jet We love green11, le projet Jump12 porté par le pendant le voyage et d'une activité sur les ré- DMA) 13 Les réponses étaient attendues vers novembre MAMa et le projet Ines , regroupant des festi- seaux sociaux pendant son absence. • Plateformes. Il existe une plateforme par / décembre 2019. Relais Culture Europe10, bu- vals, ont obtenu un soutien. En 2019, environ secteur culturel. Pour la musique, il s'agit de reau Europe Créative en France peut apporter 70 projets ont été sélectionnés, tous secteurs la plateforme Live Europe un appui / conseil et accompagner les porteurs culturels confondus. Les projets-pilotes 2019 / 2021 : de projets. La structure développe une pépi- Quelques changements sont attendus pour programme sectoriel Music Moves nière sur cet appel et propose des webinars. Europe la période de programmation 2021 / 2027. En Il existe deux types de coopération : L’instrument financier « Guarantee 2018, la proposition a été faite d'un maintien de l'architecture globale avec un renforcement du • Les petites coopérations, regroupant 3 par- Facility » d'Europe Créative Music Moves Europe englobe plusieurs objec- soutien aux projets de coopération, car ce sont tenaires et plutôt orientées vers de l'expéri- tifs concernant spécifiquement le secteur de la ceux sur lesquels il y a le plus d'appels (les par- mentation Il s'agit d'un instrument de garantie de l'Union musique : européenne auprès des banques pour de l'em- ties Réseaux et Plateformes comportent cha- • Les grandes coopérations, regroupant 6 • Un dialogue avec le secteur cun deux appels sur sept ans. La partie Coopé- partenaires et plutôt orientées vers des pro- prunt bancaire servant à de l'investissement. Des actions préparatoires débutées en 2018 ration comporte deux appels par an). Chaque jets structurants Il est essentiellement saisi à ce jour par les • année, des projets de coopération peuvent secteurs de la mode et des jeux vidéo, mais • Un futur programme à partir de 2021 donc être financés. Europe Créative souhaite Concernant les petites coopérations, le princi- se développe de plus en plus pour la musique. développer la dimension coopération afin d'en pal objectif du programme est de participer à L'Union européenne met également en place Les actions préparatoires de 2018 comportaient augmenter le « success rate », la compétition la réorganisation des filières créative et cultu- des formations auprès des banques pour les deux appels et deux tender (type d'études) : rassurer et leur expliquer qu'il n'est pas risqué pour l'obtention de financements européens relle en Europe. Les projets soutenus doivent Un appel à projets autour de la distribution d'investir dans le secteur culturel et que les • étant assez rude. Une des principales critiques se questionner sur les problématiques liées à en ligne et hors ligne, dont les résultats acteurs ont une réelle capacité de rembourse- du programme est le temps de préparation l'évolution du secteur : publics, mobilité, mo- sont déjà parus et ayant pour objectif la ment. En France, l'Union européenne est parte- passé à une candidature pour un taux d'échec dèles économiques, numérique, renforcement promotion de la musique et la circulation naire de BPI France et de l'IFCIC (Institut pour élevé. Europe Créative émet donc le souhait de des capacités (formations, compétences…). Le d'un répertoire en Europe. En France, Ra- le financement du cinéma et des industries pouvoir sélectionner plus de projets sur cette programme favorise les projets ayant une ap- dio Campus et Europavox en ont bénéficié. culturelles) qui peuvent servir d'intermédiaires ligne. proche innovante, mais dans un sens très large. Les projets soutenus concernaient prin- pour obtenir ces prêts bancaires. Cet outil est cipalement de la radiodiffusion, du radio conservé pour la période 2021 / 2027, mais Concernant les grandes coopérations, l'objectif broadcasting, de la diffusion en ligne et Des lignes vont être ajoutées : dans un autre programme qu'Europe Créative. est plutôt de réfléchir à comment structurer les de l'expérimentation sur des applications, Des programmes sectoriels, notamment le • nouvelles approches, les projets doivent donc des logiciels… Il était possible de postuler programme Music Moves Europe pour la être porteurs d'une ambition un peu plus im- seul, sans partenaires, mais il fallait pour musique portante. Il s'agit d'enveloppes conséquentes, Les projets-pilotes 2019 / 2021 : cela pouvoir justifier de la dimension eu- • Un schéma de mobilité pour les artistes, de 250 000 à 1 million d'euros par an. Les dé- I-portunus ropéenne du projet (travailler avec des ar- tous secteurs confondus, dont une action marches proposées doivent être collaboratives tistes européens par exemple…). pilote est en cours et il est bienvenu de ne pas rester dans des I-portunus est un schéma de mobilité à desti- • Un appel à projets autour de la profession- zones de confort de coopération. Cela se tra- nation des artistes et professionnels du sec- nalisation et de la formation (training). Les L'instrument financier devrait être extrait d'Eu- duit par exemple par un travail avec des Pays teur qui a débuté en 2019 (3 appels en tout résultats n'étaient pas encore publiés au rope Créative et intégrer le silo « Invest », le d'Europe de l'Est, d'Europe du Sud, voire des sur 2019). Les candidatures se font au niveau moment de l'atelier. La notion d'entrepre- but étant que le secteur culturel soit toujours pays tiers qui ne font pas partie de l'UE, mais individuel, sans limite d'âge contrairement à neuriat était au cœur de l'appel. éligible. font partie du programme Europe Créative (par Erasmus, autre dispositif comparable. Pour ob- Une étude (tender) sur l'export de la mu- exemple, la Tunisie). Et/ou par un travail en tenir l'aide, l'individu doit expliquer les raisons • sique européenne dans le monde (ndlr : les La période 2019/2020 se situe donc en toute transversalité avec d'autres acteurs culturels, de sa mobilité et sa durée. Il s'agit plus d'une résultats devaient être présentés le 7 octobre fin de programmation et comporte à la fois des d'autres champs créatifs… candidature basée sur ses motivations qu'un appels à projets de coopération et des projets 2019 à Bruxelles). pilotes pour tester la future architecture du Il est important de bien prendre connaissance 11 - https://www.welovegreen.fr/ • Une étude de faisabilité pour un futur ob- programme Europe Créative. Il s'agit d'une 12 - https://www.mamafestival.com/jump/ servatoire européen de la musique (sachant période intéressante pour postuler aux finan- 10 - https://relais-culture-europe.eu/ 13 - https://www.ines-festivals.eu/ qu'il existe déjà un observatoire européen 180 181 de l'audiovisuel) menée par deux bureaux • Les enjeux relatifs au public, aux pratiques lequel il est demandé de réfléchir à l'impact sur d'étude : KEA à Bruxelles et Panteia aux • Les enjeux relatifs à l'environnement législa- l'organisation de la filière musicale. Il s'agit de Au moins 10 projets seront sélectionnés por- Pays-Bas. Live DMA fait partie du comité tif ou réglementaire projets plus simples : de la formation, des rési- tés par des acteurs publics ou privés. Le but consultatif (ndlr : les résultats devaient être dences, des projets ancrés en local. de cet appel est de favoriser la professionna- présentés fin septembre 2019). Les objectifs • Les enjeux relatifs au développement ur- lisation et la formation de jeunes musiciens et de l'étude : identifier les manques et be- bain, aux territoires, à la gentrification, au professionnels du secteur. Dans l'appel 2018, le voisinage… soins en termes de DATA pour le secteur au Détail de l'appel à projets copro- terme « jeune » n'avait pas été défini. À chaque niveau européen ? Identifier les manques Cet appel intègre à la fois des enjeux culturels, candidat de le définir dans son projet. Il n'est et besoins en termes de financements en économiques et sociaux : il s'agit de renforcer le duction et cocréation pas forcément corrélé à l'âge. Il peut s'agir Europe ? Imaginer à quoi ressemblerait un dialogue entre les autorités locales et les lieux par exemple d'un musicien avec une carrière Au moins 10 projets de cocréations ou de rési- observatoire de la musique européen. Pour pour améliorer le fonctionnement de la scène de moins de trois ans. L'objectif de cet appel dences seront sélectionnés dans ce cadre, ou- quoi ? Pour qui ? Comment ? musicale. Jusqu'à 12 projets sont sélection- est de tester des modèles à petite échelle et verts à tous les genres musicaux et basés sur la nables, qui devront se dérouler sur une année, d'améliorer la capacité du secteur à contribuer collaboration entre sous-genres musicaux. Le pour une enveloppe maximum de 100 000 € à sa propre professionnalisation. Les princi- Au moment de l'atelier, Live DMA avait projet doit intégrer une stratégie de diffusion par projet et un cofinancement maximum de pales compétences ciblées en termes d'acqui- connaissance des grands thèmes des six appels et de circulation des travaux réalisés. Il peut l'Europe de 90 %. sition gravitent autour des « business skills », à projets pilotes de 2019, mais sans le détail : s'agir de résidences, de camps de coécriture, Pour ce projet, comme pour tous les projets pi- soit la capacité du candidat à développer sa de retraites artistiques… L'objectif de cet appel • Professionnalisation et training (avec un fo- lotes en général, il faut justifier en quoi le candi- carrière dans un environnement changeant. est de mettre en avant la diversité et de ren- cus sur les partenariats et coopérations des dat est déjà un acteur pertinent sur la question À la date de l'atelier, il n'est pas précisé si la forcer la compétitivité des projets au sein du acteurs - appel prévu à l'été 2019) traitée, en capacité de développer de nouvelles structure candidate doit justifier d'une capaci- marché économique européen très concurren- Une seconde étude sur l'export dans la idées grâce à ce financement européen. té de certification. Il semble cependant perti- • tiel. Il s'agit également de contribuer au déve- continuité de la première nent de l'anticiper et si ce n'est pas le cas de la loppement de nouvelles pratiques artistiques, Il est intéressant de postuler à ces actions pré- structure candidate, de postuler en partenariat • Cocréation et coproduction (avec un focus de créations innovantes, à la recherche et à la paratoires car, non seulement elles peuvent avec un organisme certifiant. Il est en revanche sur la collaboration entre deux sous-sec- création d'un nouveau répertoire et de nou- correspondre aux activités du réseau, mais ce nécessaire qu'elle justifie d'une expérience teurs ou entre différents genre musicaux - veaux schémas de coproduction. À travers cet sont en plus des candidatures qui sont relati- dans le secteur de la musique ou d'être habi- appel prévu à l'automne 2019) appel, Music Moves Europe cherche à encou- vement légères par rapport à un projet de coo- tué à coopérer avec des acteurs du secteur de Une étude sur la santé et le bien-être des rager les artistes et professionnels à penser en • pération. Y postuler permet de « rentrer dans la la musique. Il faut prouver la dimension euro- musiciens dehors de leurs propres frontières artistiques boucle » des projets européens, d'être identifié péenne du projet, en ciblant par exemple des et de leurs contextes en stimulant une collabo- • Un appel à projets de coopération pour les « et d'être invité lors des consultations et donc participants ou intervenants de différents pays ration transfrontalière et transgenre. Le projet small music venues » pour de la coopération d'être force de proposition pour le futur pro- européens. peut se mener seul ou en coopération et peut (appel prévu à l'été 2019) gramme. Enfin, comme le futur programme va Le schéma de formation est ouvert tant qu'il ré- se baser sur les résultats de ces actions prépa- bénéficier d'une enveloppe maximum de 40 Music education and learning basé sur une pond à l’acquisition de compétences business • ratoires, il est intéressant de postuler même 000 € par projet et un cofinancement maxi- coopération entre le secteur de la musique identifiées comme un besoin. Le projet peut se sans être sûr d'être sélectionné, car plus il y mum de l'Europe de 85 %. et le secteur éducatif (appel prévu à l'au- mener seul ou en coopération et peut bénéfi- aura de candidatures reçues, plus il la problé- tomne 2019) cier d'une enveloppe maximum de 90 000 € matique sera considérée comme légitime et par projet et un cofinancement maximum de couvrant un besoin important. Quelles sont les modalités de règle- l'Europe de 80 %. Détails de l'appel à projet pour les ments et d'avances ? small music venues Que faut-il entendre par « candida- Les animatrices ne disposent pas des informa- Détail de l'appel à projets music tions précises, mais affirment constater une Cet appel s'adresse aux lieux de moins de 400 tures plus légères » ? nette amélioration concernant les délais de education and learning places. Les projets soutenus doivent être sur la Les animatrices répondent que les garanties fi- versements dans le cadre d'Europe Créative. thématique de la concertation et justifier d'un Il s'agit d'un appel à projets autour de la ques- nancières demandées pour les appels à projets À titre d'exemple, pour leur aide dans le cadre partenariat entre lieux et/ou entre lieux et au- tion d'éducation musicale, incitant à la coopé- de coopération sont assez élevées tandis que de l'appel à projets de soutien aux réseaux, ils torités locales. Les bénéficiaires peuvent être ration entre secteur de la musique et secteur pour ces actions préparatoires, il n'y en a pas perçoivent 70 % avant le début de l'action et 30 publics ou privés. Il est possible de postuler éducatif. L'enveloppe financière maximum est ou très peu. Il n'est donc pas indispensable d'en % à la fin. C'est très différent des aides basées en tant que lieu ou en tant que fédération de de 30 000 € avec un cofinancement maximum passer par un partenariat complexe. Or, c'est sur des fonds structurels qui nécessitent par- lieux. L'objectif de cet appel est d'accroître la de l'Europe de 80 %. Dix projets seront sélec- en général la partie de ce type d'appel la plus fois d'attendre jusqu'à 3 ans. capacité du secteur à réagir à ses challenges en tionnés. Il sera important d'être innovant. Les difficile à monter et la plus chronophage. Ces termes de marché ou en termes de réglemen- structures cibles sont plutôt les conservatoires, actions préparatoires sont généralement des tation et de régulation et de favoriser la rési- les orchestres… Donc tout acteur des mu- appels plus proches des activités concrètes lience des petits lieux. Trois grands enjeux sont Détail de l'appel à projets profes- siques actuelles qui répond à cet appel est déjà d’adhérents qu'un projet de coopération pour identifiés dans le cadre de cet appel : sionnalisation et training un peu innovant en soi, ce champ n'étant pas 182 183 forcément ciblé, mais éligible. Présentation du groupe de travail sur les relations à l’œuvre avec les autorités gagements et formulé un certain nombre de « Music is not noise » locales… Autre exemple, à Berlin, une grande demandes. tolérance est à l’œuvre, car durement négociée par les acteurs. En Suisse et aux Pays-Bas, la Live DMA accompagne les porteurs Il s'agit d'un groupe de travail sur les régle- Les engagements de Live DMA : réglementation est assez stricte et les niveaux mentations sonores mises en place notamment • Fonder ses activités sur un fonctionnement de projets sonores tolérés assez bas. En Espagne enfin, suite à la publication d'un rapport de l'Organi- démocratique, du bas vers le haut. Ce sont des sonomètres sont directement reliés au Live DMA fournira un travail préalable à ré- sation Mondiale de la Santé adressé aux États les membres du réseau qui transmettent poste de contrôle de police le plus proche qui ception des appels : « décorticage », création membres de l'Union européenne sur les risques leurs recommandations, demandes… peut procéder directement à des coupures à de modules ou de webinars, partage d'infor- pour la santé liés au bruit. Dans cette étude distance. • Assurer une représentation collective de ce mation… Le réseau pourra également faire est pointé le risque lié à l'écoute de musique secteur très divers. remonter les questions du secteur à l'agence en concert. Ce groupe de travail a donc été Le texte rédigé circule auprès d'agences telles Coopérer et fournir du savoir et une ex- européenne qui gère les appels. Live DMA se organisé pour pouvoir réagir auprès de l'OMS, • que l'OMS et l'Agence européenne pour l'En- pertise du secteur musical live européen, tient à disposition pour accompagner du mieux mais aussi du fait de révisions actuelles des vironnement, auprès de la Commission euro- notamment à travers l'observation, une possible les structures ou professionnels qui réglementations sonores dans plusieurs pays péenne et des États membres. Les membres de étude statistique sur les salles de concert souhaitent postuler. Il peut également faciliter européens. Le groupe a réalisé un panorama Live DMA en Allemagne, par exemple, sont en et une plateforme ressource pour faciliter les mises en relation avec d'autres partenaires des différentes régulations sonores en Europe, renégociation des réglementations et vont le l'échange de connaissances entre salles et ou salles en Europe, identifier les profils et émis une série de recommandations et rédigé traduire pour s'en servir à l'échelle locale. membres du réseau. zones géographiques de partenaires potentiels un texte qui va servir de base de travail pour qui pourraient correspondre aux projets. échanger avec l'OMS et l'agence européenne • Coopérer avec une diversité de partenaires Il est possible de consulter le détail de ces re- de l'environnement. Dans ce texte, Live DMA afin de construire collectivement un secteur commandations sur le site de Live DMA14. prend position contre une harmonisation eu- fort et cohérent en mettant l'accent sur la ropéenne et la mise en place de restrictions transversalité nécessaire à ce travail avec Un dialogue permanent avec les Un participant évoque une démarche portée sonores supplémentaires, celles-ci constituant les salles de concert. Il ne s'agit pas que par la fédération De Concert15 sur ces sujets. institutions européennes un risque pour la diversité et la liberté d'expres- de questions de culture, mais également Elle a procédé à un diagnostic de tous ses fes- sion. Le texte rappelle que la musique n'est pas d'urbanisme, de développement durable, L'un des rôles principaux de Live DMA est de tivals membres en Europe, servant de base à du bruit, mais de la culture. Or, toutes les va- d'égalité... faire remonter du terrain les recommandations l'envoi d'une communication aux autorités leurs sociales et de bien-être liés à la musique Promouvoir l'intérêt général, les valeurs eu- et les enjeux du secteur. Europe Créative s'ap- françaises pour les alerter sur les niveaux so- • ne figurent pas dans le rapport de l'OMS. Live ropéennes et des droits culturels. puie pour cela sur un questionnaire que pré- nores qu'elles souhaitaient appliquer et leur DMA réaffirme dans ce texte le fait de repré- sentent les animatrices de l'atelier : incompatibilité avec la liberté de création senter des acteurs professionnels et respon- Les demandes de Live DMA : musicale. Ces travaux ont été menés en colla- • Citer les trois éléments clés, tendances cru- sables qui mettent en place des mesures de boration avec le projet européen Monica, pro- Accroître le budget et le soutien à Europe ciales, changements de paradigmes… Qui prévention. Il rappelle également que les régle- • gramme de recherche sur les événements open Créative et Music Moves Europe. affectent votre branche au sein du secteur mentations sonores sont très diversifiées selon air pour mettre en place des outils de contrôle de la musique. les pays, très complexes et souvent onéreuses • Organiser un dialogue entre le secteur et du son permettant de comprendre comment à mettre en place. Il alerte, en cas d'harmoni- les responsables politiques pour mettre en • Parmi ces tendances, lesquelles pen- le son se diffuse, en fonction du terrain, des sation européenne, sur le risque d'une harmo- place des politiques publiques cohérentes sez-vous avoir un impact positif sur la diver- obstacles, etc. Ce type de travaux n'existe pas nisation « par le bas ». Live DMA recommande et en adéquation avec la réalité des terrains sité musicale ? Lesquelles représentent une pour les configurations salles. Pour autant, cela à travers ce texte de poser les bases de par- et territoires. menace pour elle ? ne relève pas des mêmes enjeux en termes de tenariats locaux publics / privés, pour ouvrir Favoriser la protection et développer les Comment pensez-vous que le secteur relations de voisinage, car les festivals ont lieu • • le dialogue et travailler en concertation sur les moyens à destination des petits organismes de la musique et que les politiques euro- ponctuellement. Mais il demeure intéressant questions de prévention. Il recommande éga- non lucratifs en réponse aux multinationales péennes nationales et potentiellement lo- de constater que plusieurs organisations tra- lement d'inclure les acteurs musicaux dans les qui ne recherchent que le profit privé et im- cales peuvent répondre à ces enjeux, pour vaillent sur ce sujet. réflexions sur l'aménagement de la ville et la posent parfois leur monopole sur le secteur soutenir une scène musicale live diverse et planification urbaine, afin notamment de pri- de l'industrie musicale en Europe. durable ? vilégier les logiques d'insonorisation aux régle- • Favoriser la transversalité. • Nommer et décrire trois politiques clés ou mentations trop limitatives. Publications dans le cadre des élec- instruments financiers ou financements qui • Reconnaître les scènes de musiques comme tions européennes des acteurs culturels, sociaux, mais aussi peuvent avoir un impact sur les tendances Les animatrices prennent en exemple divers économiques et pas comme simples lieux mentionnées pays européens en matière de réglementa- Dans le cadre des élections européennes, Live de divertissement, notamment pour faciliter tions sonores afin d'en illustrer la disparité DMA a fait remonter un certain nombre d'en- leur accès à des subventions publiques et à Pour répondre à cette demande, Live DMA d'un pays à l'autre. En Finlande, par exemple, opère un travail de veille et de consultation per- des régimes fiscaux bénéfiques. aucune réglementation n'existe. Mais cet état 14 - http://www.live-dma.eu/sound-regulations-in-eu- manent avec ses membres. À titre d'exemples, Mettre en œuvre une législation équitable de fait n'est pas nécessairement à l'avantage rope/ • les animatrices présentent deux actions.. des acteurs, car le cadre est uniquement basé ne bénéficiant pas qu'à une partie du sec- 15 - http://deconcert.org/ 184 185 teur de l'industrie musicale live. Les animatrices répondent qu'il ne s'agit pas points très concrets au niveau européen, no- • Soutenir la structuration du secteur en ren- Les animatrices précisent qu'il s'agit en effet d'un sujet réellement traité au niveau européen. tamment sur les critères d'attribution des aides forçant des associations nationales, régio- d'une problématique que Live DMA fait re- Lors du tour de table des membres à l'occasion et comment elles sont positionnées par rapport nales ou européennes telles que la FEDELI- monter et qui a été clairement identifiée par de l'Assemblée générale de juin 2019 à Nantes, aux directives européennes. Il y aura forcément MA ou Live DMA. la Commission européenne. Les appels des la FEDELIMA a expliqué le projet du CNM et une articulation directe entre le CNM et l'Eu- actions préparatoires de Music Moves Europe toutes les problématiques liées. Les autres rope posant la question de comment agir et pe- de 2018 y font directement référence sur les membres sont donc au courant, mais pas plus. ser en tant que fédération nationale sur cette Live DMA est-il en capacité de me- questions de diffusion et de distribution. Le Les autres acteurs forts sur les consultations échelle. Il s'agit pour lui d'un nouveau chantier programme avait pour vocation de soutenir européennes sont notamment les Bureaux Ex- qui s'ouvre. surer l'impact de ce type de cour- de petits et moyens acteurs qui doivent faire port et ils sont très présents dans les discus- rier ? face à des phénomènes de concentration, tels sions autour du CNM. Le CNV est souvent pris que ceux notamment générés par Live Nation. à titre d'exemple au niveau européen autour Les animatrices répondent que leur capacité à Mais cette problématique est appréhendée de des questions de redistribution, mais à ce jour, mesurer cet impact est très limitée. Elles pré- manière encore très générale, car Live Nation pas le CNM. cisent que lorsque les candidats diffusent leurs n'est pas forcément implanté dans tous les programmes, il est de coutume que les orga- pays de l'Union européenne, donc celle-ci ne Un participant conclut en précisant que le nisations rédigent également leurs propres re- peut pas agir plus directement à l'échelle de CNM sera nécessairement interrogé sur des commandations et les communiquent auprès l'Europe et se limite à un positionnement dans des candidats afin de jauger leurs réactions. le cadre de ses appels. Elle cherche à y affir- Les candidats élus seront ainsi rapidement mer un soutien à la pluralité du secteur. L'Union sollicités. Elles précisent que les revendica- européenne perçoit par ailleurs le secteur mu- tions exprimées sont assez larges, car elles sical en Europe comme un secteur extrême- couvrent toute la période d'un mandat. Il s'agit ment fragmenté, avec un point de vue plutôt avant tout d'un outil pour poser la base d'un négatif. Il est très difficile pour elle de se faire dialogue, d'un premier niveau de discussion. une image précise du secteur, de comprendre Leur but est avant tout d'être identifiés pour combien de personnes il représente, qui y fait que, lors de prises de décisions sur ces sujets, quoi, quelles sont les relations entre les uns et les élus puissent déjà disposer d'éléments et les autres. L'Union européenne aurait plutôt éventuellement organiser des consultations tendance à promouvoir des actions pour lutter plus précises et détaillées. Cet outil, qui circule contre cette fragmentation du secteur. Cepen- plutôt auprès des élus du Parlement, est conçu dant, celui-ci est fragmenté justement parce pour que Live DMA soit perçu comme un inter- qu'il est constitué d'une multitude de petits ac- locuteur pertinent et capable de se positionner. teurs. Donc le risque de vouloir « défragmenter le secteur » est peut-être justement de générer D'autres instances de dialogue existent plus des processus de concentration. Live DMA re- spécifiquement pour Music Moves Europe. Une lève un discours un peu ambivalent de la part première session d'échanges a eu lieu en mai de l'Union européenne sur ce point, mais sans 2019 à Bruxelles (ndlr : une deuxième session doute plus par maladresse que par volonté de était prévue en septembre au moment de la te- soutenir les plus gros acteurs. Cela vaut pour nue de cet atelier). Ces sessions permettent de le live, mais le même phénomène existe aussi réunir différents représentants du secteur de la pour la musique enregistrée. C'est par exemple musique en Europe, de créer du réseautage et dans cette posture que l'Union européenne a de discuter pendant deux jours de thèmes, de défendu la réforme du copyright : défendre les challenges, d'enjeux plus précis… acteurs culturels européens face à Youtube, position plutôt en faveur du secteur.

Live DMA affiche-t-il une position Quelles sont les prises de position face à la concentration des multina- de Live DMA par rapport au Centre tionales du spectacle vivant, au-de- National de la Musique, question lo- là de la posture exprimée dans ses cale de son point de vue ? De quelle recommandations ? Certains pro- manière est-il appréhendé par les jets sont-ils directement axés sur ce autres acteurs européens ? point ? 186 187 LES ADHÉRENTS DE LA FEDELIMA

LE TAMANOIR LES ZULUBERLUS CANAL 93 FGO - BARBARA ZEBROCK GLAZ’ART LES 4ÉCLUSES LA GAÎTÉ LYRIQUE PETIT BAIN LE GRAND MIX LA CAVE AUX POÈTES L’ARA L’AÉRONEF LE MÉTAPHONE

LA LUNE DES PIRATES PROJETJETE SMAC CŒUR D'ARDENNE Un immense merci aux adhérents de RMAN LE TETRIS LE CEM L’OUVRE-BOÎTE LE GUEULARD + LE 106 COLLECTIF PAN LA GRANGE À MUSIQUESIQU LA CARTONNERIE LE NORMANDY LE CARGÖ LE FORUM L’OBSERRVRVATOIRE MJC DU VERDUNOIS LA BAM (BOÎTE À MUSIQUES) la FEDELIMA, aux personnes et aux LE DOC LE BIG BAND CAFÉ LE SAX L’EMBMB SANNOIS LA CLEF LA CAVVE LA NOUVELLE VAGUE LES CUIZINES L’AUTRE CANAL LE RAVE FILE7 PLAGES MAGNÉTIQUES MELROSE L’ESPACE CULTUREL LE LABO LA LUCIOLE LE PLAN2 L’ORANGE BLEUE DJANGO REINHARDT LA CARÈNE LA CITROUILLE organisations partenaires qui ont RUN AR PUÑS LA SOURIS VERTE LE JARDIN MODERNE ANTIPODE MJC POLARITÉ[S] LE 6PAR4 MJC BRÉQUIGNY SUPERFORMA L’UBU L’ASTROLABE LE MANÈGE LE NOUMATROUFF LES ROCKOMOTIVES L’ECHONOVA LE SILEX LA POUDRIÈRE contribué à la réalisation de RAFFUT! LE CHATO'DO LE CHABADA ECHO SYSTEM LE MOLOCO LE VIP D'JAZZ KABARET LE PANNONICA LA RODIA LE TEMPS MACHINE LA VAPEUR STEREOLUX EMMETROP-NADIR LE BASTION LE CAFÉ CHARBON LE MOULIN DE BRAINANS FUZZ'YON L’ARROSOIR DIFF’ART LA PÉNICHE JAZZ À POITIERS LE CONFORT MODERNE LA FRATERNELLE LE 109 LA CAVE À MUSIQUE CAMJI LE CRESCENT

LA SIRÈNE LA TANNERIE LE BRISE-GLACE LA PUCE À L’OREILLE CCM JOHN LENNON LE PÉRISCOPE LA NEF HIÉRO LIMOGES LA COOPÉRATIVE DE MAI GAGA JAZZ LE FIL DES LENDEMAINS QUI CHANTENT SMAC 07 LA BELLE ELECTRIQUE LA COUVEUSE LE SANS-RÉSERVE LA BOBINE Ils soutiennent RAFFUT! LA CORDONNERIE ÎLE DE LA RÉUNION LE ROCKSANE

DE L’UN À L’AUTRE LES DOCKS LE CLUB LA CIGALE LE FLORIDA LA CITÉ DES ARTS LA MOBA LE RIO GRANDE FREESSON LES PASSAGERS DU ZINC AKWABA KABARDOCK LA GARE MJC MANOSQUE LE VOLUME PALOMA LANDES MUSIQUES AMPLIFIÉES LO BOLEGASON VICTOIRE 2 MJC PICAUD

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