Un insaisissable tueur en série (David Wayne) kidnappe et tue de façon

abjecte des fillettes. Il est activement recherché par la police.

Mais le mécontentement des habitants est tel, que la pègre de Los Angeles craignant également que la police ne finisse par fouiller dans ses affaires, ne tarde pas à s’en mêler.

Débute alors une chasse à l’homme haletante.

M

Il suffit d’un visionnage pour réaliser que le de 1951 est un film honteusement mésestimé - pour un tas de raisons injustes - et que c’est l’un- des meilleurs films noirs de cette période, si ce n’est le meilleur. Même si ce film avait été un na- vet, ce serait quand même un incontournable, ne serait-ce que pour les performances de ses ac- teurs exceptionnels, la photographie envoutante d’Ernest Lazlo et les spectaculaires lieux de tour nage, dans le Los Angeles miteux de l’époque. C’est un « classique » à part entière, qui complète la vision et la puissance du film original (au lieu de la diminuer), et qui démontre efficacement que l’environnement social, qui a fait naitre un tel film au début des années 1930 en Allemagne se retrouvait dans la période sombre de l’Amérique des années 1950.

M

Réalisation

Scénario Assisté par Robert Aldrich Leo Katcher, Norman Reilly Raine, Waldo Salt, d’après M le maudit (M) de Fritz Lang (scénario de Fritz Lang et Thea von Harbou) Photo EdwardErnest Laszlo Mann MusiqueDécors RayMichel Robinson Michelet ProductionMontage

Seymour Nebenzal, Superior Pictures

États-Unis - 1951 - 1h28 - N&B - VOSTF - 1.37

Interprètes David Wayne Martin W. Harrow Howard Da Silva Carney Martin Gabel Charlie Marshall Luther Adler Dan Langley Steve Brodie lieutenant Becker Entretien avec Joseph Losey

- J’avais besoin de travailler et je ne savais pas comme la liste noire allait être draconienne. Mais ce fut un argu idée de remake ment pour accepter. Je parlai avec Fritz Lang, à qui cette- ne plaisait pas beaucoup. A moi non plus. Le producteur, Nebenzal, déclara qu’il ne pour rait pas faire accepter le film au Breen Office, chargé- ce discours, toute l’équipe, les figurants, tout le monde du contrôle des films, puisqu’il s’agissait d’un meurtre l’applaudit. C’est la seule fois où j’ai vu arriver cela sur sexuel, à moins de suivre strictement le scénario origi un plateau. Et je n’ai pas fait d’autre prise, même par Rôdeur - nal, qui était un « classique ». J’avais donc le problème précaution. C’est un monologue beaucoup plus tenu et d’être fidèle à la structure du scénario original, tout en- mieux écrit que la fin du . C’était l’œuvre de Wal le situant à Los Angeles, ce qui est assez incohérent. do Salt, qui a fait la plus grande partie de ce scenario, J’avais aussi sur un criminel sexuel un point de vue dif- quoi que prétende le générique. férent de celui qu’avait Fritz Lang vingt ans plus tôt : lui le voyait comme un monstre qu’allaient juger les crimi L’idée de la flûte n’est pas dans le film de Lang. nelsPourtant et les dans membres M des bas-fonds. Elle vient d’un musicien qui était, pour autant que je me souvienne, hongrois ou allemand. J’ai beaucoup de Lang, ce monstre est pitoyable. aimé travailler avec lui. Il tenait à composer la musique Pitoyable, oui, mais c’est tout de même un monstre. de ce film, et elle était très bonne. Elle a été composée Mon point de vue était que la société est responsable et et la flûte enregistrée avant le tournage. J’aime aussi qu’il est malade. Personne ne devait le juger, sinon un beaucoup la scène, et elle a été coupée dans la plupart personnel médical qualifié et dans le cadre d’un procès des copies, où il se masturbe avec un lacet de chaussure légal. C’étaient donc deux attitudes de toute évidence et brise la statuette de sa mère… … L’idée du fétichisme radicalement contradictoires. C’est aux contradictions vient d’un recueil sur les meurtres sexuels, écrit à peu que le film doit ce qu’il a de bon, et aussi ses faiblesses. près à cette époque. Tout cela était très conscient. Ce ... Je suis très fier d’un certain nombre de choses dans ce n’est pas du tout un film dont j’ai honte. film, en particulier de l’interprétation de David Wayne et de quelques autres, de beaucoup de décors que je Le personnage de « M » réagit contre la société et trouve absolument fabuleux, que l’on avait jamais vus contre lui-même. dans un film hollywoodien et que l’on a jamais revus Cet homme se croyait investi d’une espèce de mission- depuis. Certaines des vieilles maisons où vit « M » et et il rationalisait ses actes. Mais en même temps, en lui- même, était tapi un prodigieux sentiment de culpabi celle avec l’escalier en colimaçon, où habite l’enfant au- lité. Et je voulais le montrer comme le produit d’une ballon, étaient au bord d’un tunnel qui menait aux bas- quartiers de Los Angeles. Je crois qu’elles ont été dé société matriarcale et matérialiste, celle de la petite molies depuis mais elles étaient très belles et très ex classe moyenne américaine où tout le monde devrait traordinaires. être superviril sous peine de passer pour un pédé, où Rôdeur beaucoup de gens avaient des familles dominées par A la fin du film, le monologue est le moment de vérité, - des mères, des épouses très fortes, ce qu’on associe comme à la fin du . souvent à l’homosexualité. Je pense que cet homme C’est le triomphe de l’interprétation parce que la ca était sans aucun doute un homosexuel caché, en conflit méra était absolument immobile. C’est un seul plan avec tout, y compris sa propre mère, qu’il adorait et fait en une seule prise. Et quand David Wayne eu fini haïssait. Extraits de Kazan Losey, entretiens, par Michel Ciment. Editions Stock Joseph Losey

-

Issu d’une vieille famille du Middle West aux origines hollandaises, Joseph Losey grandit dans une atmosphère pu Ol’Boy ritaine et cultivée. Il s’engage d’abord dans des études de médecine qu’il abandonne en 1930. Dès 1926, il s’inscrit Living Newspaper dans le groupe théâtral des Darmouth Players. En 1933, il signe sa première mise en scène avec d’Albert Bein.- En 1936, il participe à la création du très avant-gardiste . En proie à une activité intense, Losey est tour à tour journaliste free-lance, critique littéraire et théâtral, régisseur de scène. En 1938, il réalise pour la Rockfel Pete Roleum and his cousins - ler Foundation soixante documentaires tirés d’archives cinématographiques. En 1939, son film de marionnettes, , tourné pour la foire mondiale de New York, lui ouvre une carrière dans les courts-mé trages publicitaires. Le Garçon aux cheveux verts Joseph Losey tourne son premier long métrage en 1948 : , une fable antiraciste. Puis il The Prowler signe (1950) qui décrit la relation entre un journaliste vieillissant et une jeune institutrice sur fond de- lynchage raciste à la frontière mexicaine. (1951), un autre film criminel, fixe enfin son langage technique et sa manière de traiter les personnages. Car s’il n’est pas encore maître du sujet de ses films, Losey se les appro M le Maudit prie par la matière des images et un style d’interprétation propres à mettre en lumière la vulnérabilité de l’individu face au monde qui l’entoure. Après le remake de de Fritz Lang, sous le même titre, Losey, soupçonné The Sleeping Tiger The Intimate Stranger Gypsy de sympathie pro-communiste par la commission des activités anti-américaines, s’exile en Grande-Bretagne. Après Blind Date - quelques films tournés sous un pseudonyme ( , 1954 ; , 1956 ; , 1957), Les Criminels Losey réalise le thriller (1959), sur un scénario de Ben Barzman, avec Stanley Baker, Hardy Kruger et Mi Les Damnés cheline Presle. Il descend encore dans le registre noir avec (1960) où les tourments de l’âme résonnent Eva du fond des prisons. Il est obsessionnel avec (1961), qui racontent comment un savant croit sauver des enfants irradiés de la corruption extérieure en les séquestrant. Rien ne vaut le lyrisme d’ (1962), tiré du roman Pour l’exemple de James Hadley Chase : la beauté glacée de Venise en hiver devient l’éternel point de brisure d’un couple dominé par The Servant la cruauté de Jeanne Moreau et la déchéance de Stanley Baker. (1964) dénonce l’horreur de la guerre. Les scénarios de Harold Pinter sonnent l’âge d’or du cinéma de Losey. Ainsi (1963), avec Accident Le Messager Cérémonie secrète et James Fox, raconte l’inversion machiavélique des rapports de domination entre un maître et son valet. Même sens Boom psychologique poussé à l’extrême avec (1967) et (1970). Après (1968) avec Maison de poupée Don Giovanni Elizabeth Taylor, Mia Farrow et Robert Mitchum, puis (1968), mélodrames troubles, Losey tourne en France. Si (1972), d’après la pièce d’August Strindberg, est honorable, l’opéra filmé (1978) est une des premières réussites du genre. Pour l’histoire très kafkaienne de (1975), joué par Alain Delon, Routes du Sud Losey crée une tragédie en langue française centrée sur la quête de l’identité. La même année, c’est Yves Montand Steaming qu’il dirige dans les ou la nostalgie des vaincus de la guerre d’Espagne. Joseph Losey meurt juste après le tournage de , en 1984

M -

Ce a certaines différences importantes avec l’original. L’inspecteur Langley devient un personnage central, un per M sonnage qui montre habilement comment l’Amérique pouvait étouffer de nobles idéalistes à cette époque. Deuxièmement, ce met en lumière la puissance de la télévision sur les masses et la paranoïa générale ambiante de ce début d’ère nucléaire. Cette paranoïa contribue à accroître l’hystérie autour du psychopathe tueur d’enfants. Mais le message est aussi clair que l’obsession de débusquer les «rouges» pendant cette période qui transformait l’Amérique urbaine en une Distributionsociété laide, TAMASA méfiante, - 5 rue à de la Charonne,mentalité 75011 de gang. Paris - T. 01 43 59 01 01 - www.tamasadiffusion.com