La Vie Intellectuelle À Lyon Dans La Deuxième Moitié Du Xviiie Siècle. Contribution À L'histoire Littéraire De La Prov
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LA VIE INTELLECTUELLE A LYON ,",S, LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE LA VIE INTELLECTUELLE A LYON DANS LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XVIII" SIÈCLE Contribution à l'Histoire littéraire de la Province THÈSE POUR LE DOCTORAT ÈS-LETTRES présentée à la FACULTÉ DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS PAR PIERRE GROSCLAUDE PROFESSEUR DE PREMIÈRE SUPÉRIEURE AU LYCÉE DU PARC CHAR(;i,'. DE COURS COMPLÉMENTAIRES A LA FACULTÉ DES LETTRES DE LYON PARIS ÉDITIONS AUGUSTE PICARD Rue Bonaparte 1933 A MONSIEUR DANIEL MORNET, professeur à la Sorbonne, hommage respectueux. Au seuil de cet ouvrage, il m'est agréable d'adresser l'ex- pression de ma reconnaissance à tous ceux qui ont bien voulu témoigner quelque intérêt à mon travail, qui ont parfois heu- reusement aiguillé mes recherches et dont l'érudition fut pour moi, en Plusieurs circonstances, un très précieux secours. Je re- mercie l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, qui a libéralement mis à ma disposition ses procès-verbaux et ses mémoires manuscrits. Je remercie M. Josserand, inspec- teur primaire honoraire, ainsi que M. Péricaud, tous deux in- comparablement instruits des choses lyonnaises, qui m'ont sou- vent donné d'utiles conseils au cours de tant de conversations amicales et fécondes. Ma gratitude va aussi à lvI. Fabia, pro- fesseur honoraire à la Faculté des Lettres, membre de l'Institut, qui n'est pas seulement un incomparable latiniste, mais un Lyonnais très averti de tout ce qui concerne sa ville. Je n'ai garde d'oublier M. Jean Tricou, notaire, qui m'a communiqué plusieurs notes inédites fort curieuses; M. Eugène Vial, ancien président de l'Académie de Lyon, dont on connaît les importants travaux et qui m'a libéralement permis de consulter des manuscrits non encore livrés au public et conser- vés au Musée de Gadagne ; ilI. l'abbé Chagny, président de la Société littéraire et archéologique de Lyon, dont la rare bienveillance égale l'érudition; M. Antoine Sallès, député du Rhône, si averti des choses du théâtre; — mon collègue M. F. Dutacq, professeur au lycée Ampère et chargé de cours à la Faculté, aux conseils duquel j'eus Plus d'une fois recours. M. A. Trolliet s'est aussi mis obligeamment à ma disposition pour 7ne communiquer des renseignements concernant les loges maçonniques (dont il a lui-même étudié l'évolution pour le département de l'Ain). Je dois enfin une mention toute particulière à JI. Claudius Roux, secrétaire général de l'Académie de Lyon, conservateur- adjoint de la Bibliothèque de la Ville, et à M. G. NIagnien, membre de la Société littéraire, et également conservateur- adjoint de la Bibliothèque : j'ai trouvé chez eux, au cours de mes longues heures de travail, une complaisance éclairée, vraiment inépuisable, un désir constant de faciliter ma tâche; je souhaite à tous les travailleurs de rencontrer sur leur route des bibliothécaires semblables, grâce auxquels la recherche du document, même dans les cas 011, elle est vaine, n'engendre point la lassitude. Qu'ils soient tous deux spécialement remer- ciés ici. Enfin, je ne voudrais point oublier M. Marius Audin, imprimeur excellent et en même temps Lyonnais érudit et artiste, qui a donné toits ses soins à la présentation de cet ouvrage. P. G. Lyon, janvier 1933. INTRODUCTION UN JUGEMENT DE LAMARTINE. — LYON EST-ELLE « UNE DES VILLES LES MOINS INTELLECTUELLES DE FRANCE » ? — INTÉRÊT DU XVIIIe SIÈCLE. — COMMENT NOUS AVONS DÉLIMITÉ NOTRE ÉTUDE. — L'HISTOIRE LITTÉRAIRE PROVINCIALE : QUESTION DE MÉTHODE. Dans son Histoire des Girondins, Lamartine, avant de raconter l'insurrection lyonnaise et le terrible châtiment dont la Convention victorieuse sut la payer, brosse un tableau fort suggestif du Lyon de son époque. S'il reconnaît au peuple lyonnais bien des qualités : caractère sérieux, goût du travail, honnêteté foncière —, s'il admire la grâce et la beauté de ses femmes —, par contre, il n'est pas tendre pour ses aptitudes intellectuelles et ne voit guère en lui qu'un peuple de marchands, peu préparé aux recherches de l'esprit. « Bien que doué de facultés riches par la nature et par le climat, l'intelligence du peuple y est patiente, lente et paresseuse. La contention exclusive et uniforme de la population tout entière vers un seul but, le gain, a absorbé dans ce peuple les autres aptitudes. Les lettres sont négligées à Lyon, les arts de l'esprit y languissent, les métiers sont préférés... La musique, le moins intellectuel et le plus sensuel de tous les arts, y est cultivée... Le choc des idées et des systèmes, qui agite et qui ébruite le monde intellectuel, s'amortit dans ses murs. Une telle ville change peu ses idées parce qu'elle n'a pas le temps de les réfléchir » 1. Et plus loin, en affirmant que le peuple lyonnais est plus républicain que monarchique, parce que « le travail est républicain et l'oisiveté monarchique », Lamartine fera observer que la ville de Lyon a cependant été « plus inat- tentive qu'aucune autre ville de France au mouvement et à l'intelligence de la philosophie sociale qui préparait la Révolution » 1. Dans l'Histoire de la Restauration, où il est aussi question de notre ville, il formule à nouveau ce jugement sévère et, à notre avis, injuste : « Cette ville, déclare-t-il, une des moins intellectuelles des villes de France, parce que son génie industriel et mercantile se tourne tout entier vers le travail, était aussi celle qui s'ac- commodait le mieux d'un régime de silence et d'arbitraire sous une main de soldat » 3. Une des villes les moins intellectuelles de France ! Lorsqu'il formulait ce jugement péremptoire, Lamartine ne songeait pas seulement au Lyon de la monarchie de Juillet, c'est tout le passé de la ville qu'il englobait dans une condamnation sommaire ; il méconnaissait ainsi le merveilleux essor de cette Renaissance qui fit de Lyon pour un temps la véritable capitale de notre pays: oui, Lyon « ville de commerce et de richesse, fière de ses souve- nirs romains, centre des relations entre l'Italie et la France », avait été aussi « un lieu d'élection pour les échanges intel- lectuels » 1, la vie des lettres y avait été intense et l'impri- merie lyonnaise avait brillé alors d'une gloire incontestée. 1. Girondins, éd. de 1847, liv. 49, t. VII, p. 112-113. 2. Ibid., p. 117-118. 3. Histoire de la Restauration, 1853, t. II, liv. 16. 4. Pierre DE NOLHAC, dans la Littérature française, de BÉDIER et HASARD, t. I, p. 170. Ne méconnaissait-il pas aussi d'autres périodes, moins étincelantes sans doute, mais d'activité féconde et de pensée vivante ? Serait-il téméraire d'essayer de prouver que, dans cette ferveur intellectuelle du XVIIIe siècle français, la part de la seconde ville de France n'a pas été nulle ? Trop longtemps l'histoire littéraire n'a considéré que Paris, comme si la province n'avait point manifesté elle aussi l'évolution des esprits, comme si le passage d'une époque à une autre ne s'était point traduit là aussi par des préoccupations intellectuelles, par des goûts littéraires, par des attitudes de pensée. Il est peu de périodes plus sugges- tives à cet égard que la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et il est juste de remarquer que les plus récents historiens de la littérature ont, dans l'analyse de cet « esprit public » par lequel se préparait la Révolution, tenu compte de l'activité provinciale où les grands courants d'idées se retrouvent à peine affaiblis. Nous nous sommes efforcé, quant à nous, d'étudier la ville de Lyon à l'époque de cette merveilleuse fermentation intellectuelle, à l'époque où, dans tous les grands centres provinciaux, surgissent des Académies, à l'époque où les journaux commencent à se répandre, où le nombre des bibliothèques s'accroît, où les livres prohibés s'infiltrent, où la « philosophie » suscite partout des disciples, des enthou- siastes ou des adversaires. Or, la matière était trop riche, les documents trop nombreux pour ne point nous inviter à limiter strictement notre étude. Si l'on est convenu de donner le nom de XVIIIe siècle au laps de temps qui s'écoule depuis la mort de Louis XIV (1715) jusqu'au début de la Révolution (1789), il est hors de doute que cette période de soixante-quinze ans environ peut se diviser en deux parties assez nettes, la première étant une période de préparation, de lutte encore modérée contre les préjugés et la tradition ; la seconde étant constituée par une quarantaine d'années décisives où les préoccupations littéraires le cèdent à la bataille philosophique, où les barrières s'abaissent qui tentaient d'entraver la diffusion des idées nouvelles, où l'on s'éloigne de plus en plus de l'état d'esprit et des habi- tudes de pensée du Grand Siècle : c est la période que l 'on peut faire commencer autour de 1750 : lancement de l'Ency- clopédie, séjour de Voltaire en Prusse, approches du drame bourgeois, premières thèses de Rousseau, premières passes d'armes violentes entre les philosophes et leurs adversaires. Sans doute, il est difficile de tracer une limite très précise, qui, par sa précision même, risquerait d'être arbitraire : dans plusieurs de nos chapitres certains faits que nous exposons se rapportent aux années immédiatement anté- rieures : ainsi pour le théâtre où nous n avons pu passer sous silence le rôle d'un Jean Monnet sur la scène lyon- naise ; ainsi pour certaines communications académiques ou pour certains incidents de la vie de la société qui, se si- tuant entre 1740 et 1750, sont nécessaires à l'intelligence de l'activité intellectuelle postérieure, mais notre enquête n'est jamais remontée en deçà de 1740.